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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente du budget et de l'administration poursuit
ses travaux avec le mandat de procéder à une consultation
générale portant sur l'avant-projet de loi traitant du
régime de négociation des conventions collectives dans les
secteurs public et parapublic.
Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont:
MM. Leduc (Fabre), Bisaillon (Sainte-Marie), Blais (Terrebonne), Pagé
(Portneuf), Beaumier (Nicolet), Caron (Verdun), Gauthier (Roberval), Johnson
(Vaudreuil-Soulanges), Mme Juneau (Johnson), MM. Lachance (Bellechasse),
Laplante (Bourassa), Polak (Sainte-Anne), Ryan (Argenteuil), Tremblay (Chambly)
et M. Clair (Drummond).
M. Clair: M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, nous recevrons aujourd'hui des
intervenants intéressés par la question des relations du travail
dans le secteur parapublic, plus précisément dans le domaine de
l'éducation. Mon collègue, le ministre de l'Éducation,
viendra me remplacer à cette table à compter de 10 h 45 environ.
J'aimerais qu'il puisse agir comme intervenant, me remplaçant
moi-même pendant cette période à la commission. Je m'excuse
à l'avance auprès des gens de la Fédération des
cégeps du fait que, probablement, à la toute fin de la
présentation de leur mémoire, je devrai quitter pour aller
participer a une réunion du comité des priorités.
Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le
ministre. Il n'y a pas d'opposition à ce qu'on suive votre façon
de procéder, bien au contraire.
Fédération des cégeps
II me fait plaisir maintenant de souhaiter la bienvenue aux
représentants de la Fédération des cégeps.
J'inviterais immédiatement le vice-président, M. Gaétan
Boucher, à bien vouloir nous présenter les personnes qui
l'accompagnent.
M. Boucher (Gaétan): Merci, M. le Président. Je me
présente: Gaétan Boucher, vice-président de la
Fédération des cégeps et président du conseil
d'administration du collège Ahuntsic à Montréal. À
ma droite immédiate, le directeur général du
collège Maisonneuve et membre du conseil d'administration de la
Fédération des cégeps. À ma gauche, Mme Christine
Martel, directrice du personnel au collège de Saint-Hyacinthe et
présidente de la commission des relations du travail de la
Fédération des cégeps. À mon extrême droite,
M. Yves de Belleval, directeur du service des relations du travail à la
Fédération des cégeps et à mon extrême
gauche, M. Yvon Robert, directeur général de la
Fédération des cégeps.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Boucher. Je crois
que vous n'avez pas identifié votre collègue de droite, vous ne
l'avez pas nommément mentionné.
M. Boucher (Gaétan): M. Benoît Lauzière,
directeur général du collège Maisonneuve.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. Boucher, je vous
demanderais de bien vouloir vous restreindre, dans l'exposé que vous
avez à faire, de façon que les parlementaires puissent vous faire
part de leurs commentaires relativement à votre mémoire et vous
poser des questions. Je vous cède immédiatement la parole.
Allez-y.
M. Boucher (Gaétan): Merci, M. le Président.
Messieurs les membres de la commission du budget et de l'administration,
convaincue que l'heure de vérité approche sur cette question du
régime de négociation dans les secteurs public et parapublic,
c'est avec confiance mais non sans inquiétude que la
Fédération des cégeps qui regroupe sur une base volontaire
les 44 cégeps du Québec se présente aujourd'hui devant
vous. Avec confiance, parce que le débat a enfin été
ramené sur la place publique et que le gouvernement semble
déterminé à l'y maintenir. Avec inquiétude, parce
que cela ne semblait pas aller de soi et que les centrales syndicales,
privilégiées par le maintien du système actuel, ont tout
intérêt à court-circuiter le processus législatif
normal ou à s'y soustraire.
Au fait, cette hésitation et cette résistance ne
révèlent-elles pas un malaise profond? Si les syndiqués
ont raison de déplorer le fait que les conditions de travail sont de
plus en plus décrétées par leur employeur État, le
citoyen n'est-il pas justifié de craindre le pire s'il soupçonne
son État législateur de vouloir négocier et faire arbitrer
ses lois?
Mais revenons à l'avant-projet de loi qui nous amène
devant cette commission. Disons d'entrée de jeu que nous partageons sans
réserve la volonté du gouvernement, tant de fois exprimée,
de clarifier le rôle de l'État, d'inverser les tendances
centralisatrices et de sortir enfin le Québec des ornières de
l'affrontement. Nous sommes en effet convaincus que la confusion des
rôles et la centralisation sont à la source d'effets pervers de
sorte que la situation qui en est résultée commande des
modifications majeures au régime actuellement en vigueur et, surtout, un
changement radical des perspectives. Malgré qu'ils soient connus depuis
quelque temps déjà, il n'est pas inutile de vous rappeler
quelques-uns de ces effets pervers.
Tout d'abord, notons le siphonnage par en haut de l'essentiel du statut
d'employeur que les lois constitutives des cégeps leur octroyaient en
faisant de ces institutions des corporations au sens du Code civil et,
conséquence de ce phénomène, l'éclipse des
instances et des acteurs locaux.
Notons également le discrédit dans lequel est tombé
l'État qui s'est à ce point constitué partie
négociable que, même lorsqu'il veut en sortir pour retrouver son
rôle de législateur, il est accusé d'être un
employeur déloyal. La limite est d'ailleurs atteinte. Les centrales
syndicales ne perçoivent l'État que comme une partie a leur image
et à leur ressemblance avec qui elles veulent négocier les lois
d'égal à égal.
Notons aussi le sacrifice des droits des plus démunis sur l'autel
des privilèges des groupes d'intérêt. Signalons
également parmi les effets pervers le télescopage de
l'établissement des conditions de travail dans un secteur donné
et de la fixation des priorités de l'État et de la
société et la politisation des négociations qui s'ensuit.
Par ailleurs, signalons le désapprentissage pour les acteurs quotidiens
d'une situation donnée, de penser et de régler les
problèmes auxquels ils sont confrontés. Enfin - et surtout - la
perte de vue de la mission première des établissements, un
service à assurer à ce point essentiel que l'État l'a
déclaré public.
La confusion des rôles et la centralisation n'ont pas donné
que ces effets pervers, mais nous devons en être suffisamment saisis pour
être décidés à modifier en conséquence la
situation qui les produit. L'avant-projet de loi déposé
constitue-t-il, M. le Président, un remède adéquat au mal
diagnostiqué? Oui, mais de façon partielle. En effet, la
désynchronisation, c'est-à-dire l'étalement dans le temps
de l'échéance des divers chapitres de la convention favorisera
vraisemblablement des solutions négociées et sera de nature
à diminuer le caractère sensationnel, voire dramatique des
syndromes auxquels le régime actuel nous a habitués. De plus,
cela permettra aux acteurs et aux contribuables concernés d'être
mieux informés des enjeux spécifiques qui sontdébattus.
D'autre part, le mécanisme Je médiation proposé,
compte tenu cependant du changement de perspective que nous proposons plus loin
et les délais qu'il comporte, facilitera sans doute des rapprochements
et réduira certainement le recours aux moyens de pression ultimes. Par
ailleurs, le mode de détermination de la rémunération nous
semble logique, réaliste et conforme à la conception
généralement acceptée du rôle de l'État et
à la pratique en usage dans un grand nombre d'États modernes.
Enfin, le renforcement des pouvoirs confiés au Conseil des
services essentiels nous semble également bienvenu sans pour autant que
nous soyons d'accord avec le maintien des droits de grève et de lock-out
quand ils entrent en conflit avec le droit des personnes démunies. Ces
améliorations étaient nécessaires et nous nous
réjouissons de les retrouver dans l'avant-projet de loi. Nous vous
soulignons cependant, M. le Président, avec insistance que
l'économie générale de cet avant-projet de loi ne
reflète pas le changement de perspective souhaitable et annoncé,
eu égard aux deux questions qui constituent, à notre point de
vue, le coeur du problème, la confusion des rôles et la
centralisation. En effet, l'examen attentif du texte de l'avant-projet de loi
auquel nous procédons aux pages 10 et suivantes de notre mémoire
nous amène à conclure que l'État reste massivement
présent dans la détermination des conditions de travail des
employés des secteurs public et parapublic et que la
décentralisation y est si mal assise qu'elle sera vite menacée et
récupérée. Nous aurions pensé que l'État,
étant intervenu à son niveau propre en fixant les composantes de
la rémunération, eût laissé aux employeurs le soin
et l'obligation de négocier avec leur syndicat respectif les autres
conditions de travail. Ce n'est pas le cas puisque l'esprit et la lettre de
l'avant-projet de loi prévoient qu'en règle
générale, sauf exception, toutes les matières que contient
la convention collective sont négociées et agréées
à l'échelle nationale et ce, selon les règles de la
mécanique actuelle totalement reconduites où tous les mandats
émanent du Conseil du trésor.
Sans doute est-il prévu un niveau local de négociation.
Mais là aussi, l'examen du texte de l'avant-projet révèle
d'abord que les matières locales sont celles définies par les
parties, entre guillemets, "nationales"; ensuite, que même la liste des
matières locales apparaissant en annexe de l'avant-projet de loi ne sera
protégée que si les parties, les mêmes semble-t-il, ne la
définissent pas autrement. De plus, et cela ne peut que renforcer la
perspective centralisatrice retenue, toute matière non prévue est
automatiquement située au niveau national.
Comment se fait-il qu'un diagnostic si bien posé et une
volonté si heureusement affichée de renverser la vapeur ne
trouvent pas leur plein écho dans l'avant-projet de loi qui est soumis
à votre examen et au nôtre? C'est que sur le fond, croyons-nous,
il n'y a pas encore eu de renversement de perspective, seul moyen, selon notre
expérience et notre réflexion, de remettre la machine à
l'endroit et de repartir sur le bon pied. Mais, de fait, qu'est-ce qui serait
un véritable changement de perspective? Un renversement de perspective
efficace et fécond pour la suite des choses devrait, selon nous, se
traduire par un texte législatif qui réserverait à
l'État l'établissement de certaines conditions de travail de
base, tels les salaires, le nombre d'heures hebdomadaires de travail, les
quanta relatifs aux droits parentaux et aux assurances collectives. Toutes les
autres conditions de travail seraient établies par et pour ceux et
celles qui en assument les avantages et les inconvénients au vu et au su
de leur clientèle.
Un renversement de perspective se traduirait aussi par le fait que ce ne
serait plus exceptionnellement et avec la permission des instances centrales
que des matières relèveraient du niveau local et
apparaîtraient en annexe du texte de loi. La règle
générale, alors, voudrait que, sauf certaines conditions de base
établies par l'État, toutes les matières que contient la
convention collective seraient objet de stipulations négociées et
agréées à l'échelle locale. Il reviendrait alors
aux détenteurs premiers du pouvoir et de l'obligation de
négocier, à savoir l'employeur et l'unité
d'accréditation de convenir de déléguer certaines
matières à l'échelle régionale ou nationale.
Dans cette ligne de pensée, il paraîtrait normal que ce
soient les employeurs entre eux et les syndicats entre eux qui décident
de se regrouper pour la négociation de certaines matières ou d'en
confier la négociation à un agent. Il nous apparaît aussi
que les droits de grève et de lock-out doivent également
être pensés dans ce contexte. Sauf pour des raisons de
sécurité physique et de santé de certaines
catégories de personnes démunies et dépendantes, nous ne
voyons pas de raison d'abolir ces droits à l'échelle locale
à condition, bien sûr, qu'exception faite de celles fixées
par l'État, toutes les conditions de travail soient
négociées à ce niveau. Pour être appétissant
et crédible, un tel changement de perspective implique évidemment
la mise en place de deux conditions relatives au régime financier
juridique dont nous parlons vers la fin de notre mémoire.
En ce qui les concerne, les collèges demandent, d'une part, que
leur régime budgétaire et financier soit modifié de
façon qu'ils reçoivent en temps utile une enveloppe fermée
et totalement transférable dont ils devront rendre compte
conformément aux exigences de la comptabilité publique. Il y
aurait lieu, d'autre part, de modifier leur loi constitutive de façon
que les membres syndiqués du conseil d'administration non seulement ne
puissent pas voter, mais encore, ne puissent pas assister aux
délibérations relatives aux négociations concernant l'un
ou l'autre groupe syndiqué représenté à ce
conseil.
Voilà, M. le Président, les principales conclusions
auxquelles la Fédération des cégeps en arrive,
relativement aux modifications à apporter au régime de
négociation des conventions collectives dans les secteurs public et
parapublic. Dès la fin de la dernière ronde de
négociation, convaincue plus que jamais de la nécessité
d'une redéfinition de ces régimes, la Fédération
des cégeps a organisé un vaste colloque sur cette question. Les
travaux menés à la suite de ce débat public aboutissaient
aux positions de base arrêtées par nos membres au printemps
dernier, positions à la lumière desquelles nous avons
étudié l'avant-projet de loi présenté par le
ministre délégué à l'Administration, M. Michel
Clair.
Tant du point de vue de l'assainissement des relations du travail, du
recentrage des missions premières des établissements que de la
réappropriation à ce niveau des principaux outils de
développement, il nous apparaît vivement souhaitable que cette
commission, dans un premier temps, et l'Assemblée nationale
bientôt, se rende à l'idée que la seule manière de
donner suite adéquatement au diagnostic posé et de renverser les
tendances centralisatrices dénoncées consiste à remettre
la pyramide sur sa base tel que nous le suggérons.
Le niveau déjà atteint des conditions de travail comprises
dans la rémunération, les protections garanties ailleurs dans
l'avant-projet de loi ainsi que les changements de mentalité
déjà visibles à la base devraient permettre a tous et
à toutes d'entreprendre ce virage en toute sécurité et
sérénité. Valable pour tous, rendant possible des
cheminements différents, ce renversement de perspectives convient
d'autant plus au cégep qu'une décision gouvernementale
récente les situe dans l'ordre d'enseignement supérieur, ordre
dans lequel la perspective pour nous requise existe déjà.
Nous vous remercions de nous avoir reçus et si attentivement
écoutés. Nous sommes à votre entière disposition,
les personnes qui m'accompagnent et moi-même, pour répondre aux
questions qu'aurait suscitées la lecture de notremémoire ou la
présentation que je viens d'en faire. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Boucher. M. le
ministre délégué à l'Administration et
président du Conseil du trésor.
M. Clair: M. le Président, j'ai déjà
indiqué que malheureusement je devrai quitter dans quelques minutes pour
participer à une autre réunion également fort importante
et je tiens à m'en excuser.
Je voudrais quand même dire quelques mots pour remercier la
Fédération des collèges d'enseignement
général et professionnel du Québec d'avoir accepté,
au cours des derniers mois, de nous communiquer son point de vue, de faire un
travail intensif de réflexion et de propositions en ce qui concerne la
réforme du régime de négociation dans les secteurs public
et parapublic et de venir aujourd'hui nous soumettre ce mémoire qui,
comme vous l'avez vu, M. le Président, est l'un de ceux qui comportent
l'argumentation la plus forte, le plus fort plaidoyer en faveur d'une
décentralisation très poussée.
Je n'aurai pas l'occasion d'en discuter ici aujourd'hui. J'ai
déjà eu l'occasion de le faire avec certains des
représentants de la Fédération des cégeps.
J'espère cependant que mes collègues, tant de l'Opposition que du
côté ministériel, auront l'occasion de discuter de toute
cette proposition d'une décentralisation très poussée dans
le réseau des cégeps, un peu, finalement - entre guillemets -
"sur le modèle université" pourrait-on dire, avec des amendements
également au conseil d'administration des cégeps, puisque, comme
on a déjà eu l'occasion d'en discuter, cela irait de pair si une
telle voie, semble-t-il, était retenue dans l'esprit des principaux
dirigeants de la Fédération des cégeps.
Je voudrais cependant faire part aux gens de la fédération
d'une inquiétude. Il ne fait aucun doute dans l'esprit du gouvernement
que nous devons aller vers la décentralisation en matière de
négociation dans les secteurs public et parapublic.
La préoccupation qui est la nôtre est celle de savoir s'il
est possible d'envisager une décentralisation aussi poussée que
celle que vous proposez tout d'un bloc. L'une des constatations que vous
faisiez au début même de votre présentation, en page 4, "le
désapprentissage" dites-vous, entre guillemets, pour les acteurs
quotidiens d'une situation donnée de penser et de régler les
problèmes auxquels ils sont confrontés, cela s'entend, au niveau
local. Est-ce qu'il n'y a pas un risque qu'à vouloir aller trop
rapidement, on ait de la difficulté à atteindre les objectifs
souhaités? C'est là, dans le fond, tout le coeur du débat.
Je ne vous cache pas que sans aucunement mettre en doute la
représentativité de la Fédération des
cégeps, j'ai moi-même eu l'occasion - vous vous en souviendrez
sûrement - de participer à une assemblée
générale de la fédération et de répondre
à des questions et d'échanger avec vous sur ces questions, mais
il n'en demeure pas moins que certains - avec un s, donc au pluriel -
responsables, directeurs de personnel dans certains cégeps, nous
indiquent privément qu'ils considèrent que oui il faut aller vers
une décentralisation aussi avancée que celle que vous proposez
mais se disent inquiets de procéder en un seul bloc aussi rapidement
sans, d'une part - bien sûr, cela va toujours avec la demande - des
ressources humaines additionnelles en termes de relations du travail. D'autre
part, ils se disent inquiets aussi d'avoir à apprendre à
négocier localement, finalement l'ensemble des conditions de travail
avec une enveloppe budgétaire fermée. (10 h 30)
M. le Président, ce que je souhaite en tout cas avant de quitter,
c'est que le débat porte beaucoup sur cela. Je pense que c'est possible
encore de nous influencer dans les jugements qu'on aura à porter, que le
gouvernement aura à porter de manière définitive avant de
déposer un projet de loi. Je vous fais part bien humblement et bien
honnêtement de notre préoccupation qui est celle-là: Oui
à la décentralisation mais jusqu'à quel point peut-on
aller sans risquer de compromettre l'atteinte des objectifs par un mouvement
trop brusque?
Ceci dit, M. le Président, je laisserai mon collègue, le
député de Fabre, et mon collègue, le ministre de
l'Éducation, qui viendra se joindre aux autres prochainement, dans
quelques minutes, le soin de discuter avec nos invités de la
Fédération des cégeps. Si le député
d'Argenteuil... Oui?
M. Ryan: Seulement une question avant que le ministre parte, si
vous me permettez.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: D'après ce que les journaux nous ont appris, les
cégeps relèvent désormais du ministre de l'Enseignement
supérieur. Est-ce qu'on pourrait demander pourquoi cela va être le
ministre de
l'Éducation qui sera ici et non pas le ministre de l'Enseignement
supérieur pour la rencontre avec les cégeps?
M. Clair: Simplement, M. le Président, parce que le
ministre de l'Enseignement supérieur est également membre du
comité des priorités et qu'il participe à la même
réunion que moi. Nous nous en excusons, mais j'ai cru que le ministre de
l'Éducation serait sans doute le mieux choisi dans les circonstances
pour venir remplacer et le ministre de l'Enseignement supérieur et
moi-même.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Je
cède donc la parole au député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Personnellement,
je trouve votre mémoire fort intéressant. Je pense qu'il pose
bien le problème, celui de la centralisation par rapport à la
nécessaire décentralisation. À peu près tous les
groupes que nous avons reçus jusqu'à maintenant ont
insisté sur la nécessaire décentralisation des
négociations. À quel rythme doit-on faire cette
décentralisation? Je pense que c'est une question qui a
été posée assez souvent devant nous. Comment doit se faire
cette décentralisation? Selon quelle formule? Vous y allez de
façon abrupte, c'est-à-dire qu'après avoir connu une
vingtaine d'années de centralisation des négociations, vous
arrivez subitement, enfin non pas subitement, parce qu'une réflexion a
présidé à tout cela, mais vous proposez tout de même
que, lors des prochaines négociations, on passe, de façon assez
radicale, à une décentralisation presque complète des
négociations. Cela nous amène à vous poser beaucoup de
questions. Vous avez utilisé des termes comme "II faut remettre la
machine à l'endroit", "II faut remettre la pyramide sur sa base". Fort
bien, je pense qu'on s'entend sur cette nécessité de revaloriser
le collège, de le responsabiliser davantage à l'intérieur
de ses négociations.
Vous avez dit que l'État établit certaines conditions de
base comme les salaires. Quant à la tâche, vous n'avez pas trop
explicité. J'aurai certaines questions à poser en rapport avec la
tâche. En ce qui concerne la sécurité d'emploi, vous n'avez
pas tellement explicité non plus. La sécurité d'emploi
doit-elle être négociée au niveau local? Doit-on laisser au
palier national uniquement la question salariale? Ce sont des questions fort
importantes, parce que, contrairement aux universités, les
collèges fonctionnent tout de même dans un réseau qui est
bien établi.
La première question que j'ai à vous poser est la
suivante: De façon générale, doit-on comprendre
qu'à défaut d'entente entre les parties locales aucune
matière ne peut faire l'objet de négociation nationale et que les
seuls objets ne faisant pas partie de la négociation locale seraient
établis, décrétés par l'État? C'est ma
première question.
M- Lauzière (Benoît): Sur cette question,
effectivement, la proposition que nous faisons, c'est qu'en principe,
règle générale et non pas sauf exception, toutes les
conditions de travail négociées au sens strict du terme,
c'est-à-dire celles qui doivent résulter d'un accord entre les
parties devraient être négociées au niveau local,
l'exception étant l'établissement, la détermination par
l'État d'un certain nombre de conditions de base relatives à la
rémunération. Je pense que notre position est relativement claire
là-dessus.
Si vous me le permettez, je vais seulement essayer de vous
répondre quant aux interrogations et aux inquiétudes que vous
avez manifestées et que le ministre Clair a également
manifestées relativement au caractère précipité ou
abrupt des propositions que nous tenons.
Il faut dire deux choses là-dessus. Ce qui est abrupt ou ce qui
est peut-être trop clair, ce sont les principes sur lesquels nous
appuyons la décentralisation, à savoir revenir à faire
coïncider le pouvoir de négocier avec le statut d'employeur et dire
d'une façon assez claire dans le fond que chaque intervenant dans la
détermination des conditions de travail des employés doit agir
selon sa nature propre: l'État, l'employeur, les syndiqués. Cela
est une chose. Il nous semble important en tout cas, quand on parle de
décentralisation, pour éviter dans le fond d'en parler sous forme
de mode passagère ou de modalité de gestion à la mode un
moment donné, si on veut l'asseoir vraiment, il faut revenir à
des choses de base et les choses de base sont au niveau de l'employeur et de
l'unité d'accréditation, compte tenu du mode de subvention de ces
établissements-là et compte tenu des responsabilités de
l'État quant à l'établissement justement des fonds requis.
C'est autre chose de parler de la façon dont cela va se passer. Souvent,
quand nous tenons le discours sur la décentralisation, en tout cas dans
le genre de proposition que nous faisons, il y a une perception à savoir
que, du jour au lendemain, tout se retrouverait de fait à recommencer
à zéro et que tout se ferait seulement, uniquement et
exclusivement, par définition, au niveau local. C'est une chose que de
dire que le pouvoir de négocier est rattaché au statut
d'employeur, c'est une chose de dire que toutes les conditions de travail
négociées doivent l'être à ce niveau-là. Mais
quand on regarde l'économie de l'avant-projet de loi, par exemple, on
remarque que certaines conditions de base
qui sont justement de l'ordre des grosses différences - je pense
aux composantes de la rémunération - nous demandons qu'elles
soient établies par l'État.
L'avant-projet de loi contient des articles qui protègent
éternellement la situation tant et aussi longtemps que les deux parties
ne sont pas d'accord pour changer ce qui existe actuellement. On ne peut pas
dire que la perspective de décentralisation, même celle que nous
proposons, compte tenu des conditions de base établies par l'État
et compte tenu de certaines protections pour les autres conditions de travail,
on ne peut pas dire qu'on sombre dans le vide absolu. Je suis même
porté à penser qu'il faudra plusieurs années, quelques
années en tout cas, avant que le goût ne revienne de régler
ce qu'on peut normalement régler au local. C'est dans ce sens-là
qu'il faut faire une nette distinction. Notre projet de décentralisation
établit le terme du voyage, si je peux m'exprimer, et rend possible
à ceux qui le veulent de s'y adonner plus vite, mais permet
également soit par le mode d'établissement de certaines
conditions de base de travail et la protection sur d'autres conditions de
travail, des cheminements fort différents. Ce qui est important, me
semble-t-il, de fixer dès le départ dans une réforme d'un
régime de négociation, c'est de statuer sur le fond de la
question pour voir si les gens pensent bien la même chose et veulent la
même chose à court ou à moyen terme et, ensuite, compte
tenu de l'histoire réelle des établissements ou même des
niveaux ou des ordres d'enseignement, comme on dirait aujourd'hui dans le
domaine de l'éducation, de rendre possibles des cheminements
différents. Il faut tenir les deux choses en même temps.
Autrement, si on n'indique pas d'entrée de jeu où on peut aller
si on veut y aller, on ne s'y rendra presque jamais, parce que la tendance
n'est pas à la différenciation très grande. Dans beaucoup
de couches de la société, dans la majorité de nos
personnels -vous l'avez souligné d'ailleurs, même chez certains
administrateurs, ce qui se comprend aussi puisque ces gens-là ne
viennent pas de la planète Mars - la différence, dans le fond,
est plutôt identifiée comme un péché mortel que
comme une grâce d'état.
M. Leduc (Fabre): Alors, vous posez la question du cheminement.
Vous parlez des cheminements...
M. Lauzière: Différents.
M. Leduc (Fabre):... d'étapisme pour arriver à un
objectif que vous précisez bien dans votre mémoire. Sauf que,
pour ce qui est de la prochaine négociation...
M. Lauzière: Oui.
M. Leduc (Fabre):... quelle serait donc l'étape que vous
voyez dans ce cheminement? Quelle serait l'étape qu'on pourrait
établir en vue de la prochaine négociation? Quel serait le
rôle de l'État, le rôle d'un groupe patronal au niveau des
cégeps et quelles seraient les matières qu'on pourrait laisser au
niveau local dans cette perspective de cheminement? Je pense à la
prochaine étape qui va arriver très bientôt.
M. Lauzière: Ce que nous disons sur les conditions de
travail qu'on appelle les conditions de base dont les lourdes composantes de la
rémunération - concept qu'il faudrait peut-être,
d'ailleurs, un peu mieux définir parce que, dans les notes explicatives,
on parle de rémunération globale et dans le texte de
l'avant-projet de loi, on parle de rémunération et parfois on
parle de salaire; il semble bien que la rémunération est un peu
plus que le salaire au sens strict et un peu moins que la
rémunération globale; il y a un flottement du concept.
Relativement donc à ces conditions de travail, pour nous il n'y a pas
d'étape, c'est-à-dire qu'il nous semble - c'est ce que nous
proposons - que l'État doit être le maître d'oeuvre et
décide de ces conditions, après une mécanique,
évidemment, de consultation appropriée...
M. Leduc (Fabre): Je m'excuse.
M. Lauzière:... pour la rémunération.
M. Leduc (Fabre): Globale ou... Entendons-nous sur les termes.
Est-ce une rémunération en termes de salaire ou une
rémunération globale, c'est-à-dire ce qui touche en
même temps tout le normatif lourd, coûteux?
M. Lauzière: Bon. Cela va. Nous, justement pour
éviter l'ambiguïté du concept, on nomme les choses par leur
nom quand on parle des conditions de travail établies par l'État:
les salaires, le quantum, certains quanta relatifs, les droits parentaux, les
vacances, les assurances, les régimes de retraite - il y a un certain
nombre de choses - les jours fériés. On les nomme. Toutes les
autres conditions doivent être juridiquement établies, en tout
cas, négociables, négociées au niveau de
l'établissement.
M. Leduc (Fabre): La sécurité d'emploi aussi?
M. Lauzière: La sécurité d'emploi, oui. Sauf
qu'il faut bien se comprendre. Ce qu'on dit, c'est que, dans les faits,
certaines conditions de travail qui doivent être négociées
au niveau de l'établissement vont, par leur nature, pour certaines de
ces conditions... De part et d'autre, les gens
vont avoir un intérêt à se regrouper de façon
nationale et régionale pour les négocier. Là-dessus,
prenons par exemple la sécurité d'emploi. On peut très
bien penser, puisqu'on parle de la sécurité d'emploi, qu'il y a
plus d'intérêt à négocier régionalement et
intersectoriellement certaines choses relatives à la
sécurité d'emploi. Je vais vous donner un exemple. C'est
peut-être curieux que la sécurité d'emploi puisse, le cas
échéant, "obliger" quelqu'un - je dis obligé entre
guillemets parce que l'accord est maintenant à 50 - kilomètres -
à aller dans une institution située à 50 kilomètres
alors que, peut-être, dans le CLSC du coin, une infirmière en
disponibilité pourrait très bien y travailler étant
donné que son salaire est déjà garanti. Donc, concernant
la sécurité d'emploi, il y a des mécaniques toutes
nouvelles inventées là-dessus, de toute façon. Il faut
dire qu'au niveau des cégeps, très factuellement, quand on parle
de la sécurité d'emploi, je crois que la moitié des
institutions - M. de Belleval me corrigera si je me trompe - à toutes
fins utiles, compte tenu que la voisine est à plus de 50
kilomètres, ont une sécurité d'emploi institutionnelle et
que, probablement dans la moitié plus une, plus 80% des autres, quand il
y a un problème de sécurité d'emploi, c'est que, dans la
discipline il y a un problème d'emploi à peu près partout
sur le territoire. Là-dessus, je pense qu'il ne faut pas donner trop
d'inflation, me semble-t-il, au caractère nécessairement,
intrinsèquement universel ou national de la sécurité
d'emploi. Ce qu'il est intéressant de remarquer, c'est que je regarde au
niveau des autres personnels, le personnel professionnel et de soutien - chez
les cadres et gérants, c'est la même chose également comme
catégories de personnels - la responsabilité donnée aux
institutions de régler ce problème à même les
budgets qui leur sont alloués - il y a eu une relation de cause à
effet, mais dans le temps, cela s'est passé comme cela - cela s'est
réglé, il n'y a en plus beaucoup, sinon pas du tout, de ces
critères au niveau des professionnels ou des employés de soutien.
(10 h 45)
M. Leduc (Fabre): Vous n'avez pas tout à fait
répondu à ma question dans le sens...
M. Lauzière: Je m'excuse. L'étape.
M. Leduc (Fabre): Oui, c'est cela, l'étape.
M. Lauzière: Bon!
M. Leduc (Fabre): Est-ce que vous êtes revenu à
votre proposition de base en laissant croire qu'on pourrait, dès la
prochaine négociation, appliquer... Vous avez apporté des
précisions qui me semblent importantes, mais vous laissez tout de
même croire qu'on pourrait, dès la prochaine négociation,
passer à cette étape.
M. Lauzière: Oui. Il n'y a pas beaucoup
d'embêtements à le faire si on regarde l'économie du projet
de loi. Et là, je pense qu'il faut remarquer que dans l'avant-projet de
loi, il y a telle chose que l'article 38. Je pense que le moins qu'on puisse
dire, c'est que ce serait un prix énorme à payer pour rendre la
décentralisation éventuellement appétissante, mais
l'article 38 fait en sorte que si on prend notre proposition et qu'on
l'applique directement et immédiatement à la prochaine
négociation, il n'en demeurera pas moins que si les deux parties dans
chacun des établissements ne sont pas d'accord pour modifier les
conditions actuelles, elles ne le sont pas. C'est ce qui s'appelle, dans le
fond, une sécurité à la base qui est probablement plus que
ce que le client normal demanderait. Donc, il n'y aurait pas de
caractère très brutal, dans le fond, étant donné
les conditions déjà atteintes.
Le Président (M. Lachance): Bon! Alors...
M. Lauzière: Je m'excuse, M. de Belleval aurait un
complément de réponse, si vous le permettez.
M. de Belleval (Yves): Sur la question des étapes, c'est
une lacune probablement de l'avant-projet de loi de ne pas en prévoir.
Cela a été l'objet, d'ailleurs, d'un discours assez constant ici
lors des travaux de la présente commission. De nombreux organismes et
les parlementaires eux-mêmes ont souligné qu'il y avait lieu de
procéder par étapes, de ne pas brusquer trop le retour à
la santé, si je peux m'exprimer ainsi et c'est peut-être une des
lacunes de l'avant-projet de loi de ne pas les prévoir. S'il y avait
lieu d'établir des étapes, il faudrait, à notre avis, que
la loi les prévoie, ces étapes et non pas laisser en suspens pour
une future loi dans quelques années, des étapes à venir.
Dans ce sens, nos positions peuvent avoir l'allure de positions de principe.
Elles définissent, comme le disait M. Lauzière, le terme du
cheminement, ce vers quoi nous voulons aller, mais s'il y avait lieu d'inscrire
des étapes, ce qu'on ajoute, c'est qu'il faudrait que la loi les
prévoie. À ce moment-là, on pourrait prévoir
qu'à compter de telle date ou qu'à compter de telle année,
là, il y a telle chose qui entrera en vigueur, telle chose qui entrera
en vigueur, etc.
M. Leduc (Fabre): Une dernière question, M. le
Président, rapidement. Est-ce qu'on ne peut pas considérer
l'avant-projet de loi comme une étape, précisément, dans
le sens que vous souhaitez?
M. Lauzière: Non, justement. M. Leduc (Fabre): Du
tout?
M. Lauzière: Pas pour nous, parce que justement, c'est une
chose que de définir une perspective à l'intérieur de
laquelle on puisse prévoir qu'il y a des étapes dont les termes
sont également définis dans la loi, et c'est autre chose
d'établir comme dans l'avant-projet de loi, à l'article 20 par
exemple, que de manière générale, toutes les
matières sont négociées au niveau national, sauf deux
exceptions, la première étant ce qui est
décrété par l'État et la seconde étant ce
qui est prévu à l'article 21. La perspective du projet de loi,
quand on regarde l'article 21 attentivement, fait que c'est par acception et
lorsque permis par les parties qu'il y aura des négociations locales. Ce
n'est pas une étape. C'est la reconduction, à toutes fins utiles,
de la mécanique actuelle en y ajoutant le troisième paragraphe de
l'article 21 qui déplace le centre de gravité du pouvoir
résiduaire, ce qui n'est pas prévu. Je trouve que cela va
très loin. Ce qui n'est pas prévu comme conditions de travail
-Dieu sait si ce n'est presque pas pensable, mais quand même, à
force d'imagination, on peut penser qu'il y a des choses qui ne sont pas dans
les conventions et qui vont y venir - est automatiquement renvoyé au
national, alors que même actuellement, malgré la mécanique
très centralisée, ce qui n'est pas prévu comme conditions
de travail est de l'ordre de la gérance, alors que là, on
spécifie qu'il s'agirait... Et aujourd'hui, le stationnement, la couleur
d'une poignée de porte, la température, cela va devenir, si ce ne
l'est pas déjà, des conditions de travail, donc automatiquement
au niveau national. Là, ce n'est plus une étape. C'est
massivement, semble-t-il, sur les deux points centraux, à savoir
l'ambiguïté des rôles et la centralisation, la reconduction
dans la perspective actuelle... malgré le fait que d'avoir une liste,
c'est intéressant. Mais la liste, si allongée soit-elle, ne nous
fera jamais oublier, au fond, qu'elle résulte du deuxième
paragraphe de l'article 21 qui est en suspens quant à sa
solidité.
M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): À ce moment-ci, je
voudrais indiquer qu'a titre de président, je dois assurer un partage
équitable du temps. L'intervention du ministre et président du
Conseil du trésor avec celle du député de Fabre totalisent
22 minutes. Donc, M. le député d'Argenteuil, vous avez droit
à une période de temps de 22 minutes, quitte à revenir
plus tard. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord
remercier la Fédération des cégeps de nous avoir
présenté ce matin le résultat de la démarche
qu'elle poursuit depuis déjà un bon bout de temps, en vue de
mettre au point une conception plus claire, plus logique, plus cohérente
de ce que devrait être le régime de relations du travail dans le
secteur qu'elle représente.
Je pense que plus on entre dans le contenu du sujet qui a
été confié à la commission, plus on constate que,
finalement, on traite de réalités qui sont surtout sectorielles.
Il y a certains éléments communs entre tous les secteurs qui sont
embrassés par l'avant-projet de loi. Mais., finalement, dès qu'on
veut parler concrètement, il faut entrer dans des considérations
sectorielles et, même à l'intérieur des secteurs, on
constate qu'il y a des différences considérables d'un
sous-secteur à l'autre.
Nous avons rencontré hier les représentants de
l'enseignement primaire et secondaire du côté patronal. Ils nous
ont présenté des points de vue qui, à certains
égards, rejoignent les vôtres et qui, à d'autres
égards, sont différents des vôtres surtout, par exemple, en
ce qui regarde le droit de grève à l'échelle locale. Mais,
encore une fois, j'insiste pour comprendre et, à plus forte raison, pour
résoudre les problèmes, qu'il faut accepter d'aller
jusqu'à la dimension sectorielle et souvent sous-sectorielle. Votre
mémoire le fait d'une manière simple et limpide, sans entrer dans
les technicités qui risqueraient de nous perdre. Je pense qu'il faut
l'apprécier et je vous en sais gré personnellement. Je pense que
cela nous facilite une discussion constructive.
Je voudrais vous poser une petite question d'information pour commencer.
À un endroit dans votre mémoire, vous dites que sous l'empire de
la convention - je ne devrais pas employer ce terme parce que nous savons tous
que ce sont des décrets -sous l'empire de l'un des décrets qui
régissent votre secteur, deux professionnels auraient voulu
échanger leur poste dans deux cégeps différents. Cela
aurait requis 80 signatures différentes, si j'ai bien compris.
Pourriez-vous m'expliquer ce qui s'est passé exactement, d'une
manière un petit peu plus détaillée?
M. de Belleval: On ne peut pas prévoir dans des
dispositions nationales, que ce soit dans le cadre d'un décret ou dans
le cadre d'une convention collective, pour les présentes fins
accidentelles ou accessoires, toutes les situations possibles.
Ce qui s'est passé, c'est que, lors d'une rencontre à un
niveau provincial, il y a deux professionnels du réseau, de deux
collèges différents, qui se sont rencontrés et qui ont
constaté leur intérêt mutuel à échanger
leur
poste, l'un passant de Trois-Rivières à Rouyn et l'autre
de Rouyn à Trois-Rivières. Il y avait des considérations
extrêmement personnelles là-dedans, familiales et autres, des
motivations, etc.
Si vous examinez les dispositions relatives à leurs conditions de
travail, si vous examinez les droits de différentes personnes qui
seraient en sécurité d'emploi, pour qu'elles puissent
échanger leur poste et étant donné que dans tout cela il
va y avoir une espèce d'instant métaphysique, au moins, où
les postes vont être vacants, il fallait tenir compte de l'ensemble du
monde, de l'ensemble des personnes possible qui auraient pu revendiquer le
poste, donc, il a fallu procéder à de nombreuses signatures,
requérir le mandat au niveau de la Fédération des
cégeps, requérir le mandat au niveau du ministère de
l'Éducation, requérir le mandat du comité patronal de
négociation des collèges. Cela fait plusieurs signatures.
Ensuite, négocier cela avec la fédération syndicale
concernée. Ensuite, après avoir signé l'accord de principe
avec la fédération, retourner cela dans les établissements
concernés, faire signer les individus concernés et ainsi de
suite. Cela illustre la lourdeur du mécanisme actuel, cela veut
simplement illustrer que lorsqu'on arrive avec des situations, au fond,
simples, pour se situer dans le respect des dispositions légales, cela
nous amène à des choses comme celles-là.
M. Ryan: Est-ce que je pourrais vous demander si vous accepteriez
de nous communiquer une annexe à votre mémoire décrivant
avec plus de précision ce processus infiniment complexe qu'il a fallu
suivre en identifiant les 80 signatures qu'il a fallu recueillir en cours de
route? Je pense que ce serait très intéressant pour nous aider
à comprendre les conséquences du régime actuel.
Maintenant, je voudrais en venir à d'autres aspects du
mémoire. Je ne m'attarde pas sur le diagnostic parce que nous en avons
parlé amplement. Je pense que sur les causes et les malaises qui se sont
multipliés au cours des dernières années, il y a un accord
assez large qui se fait, du moins, quant aux deux causes principales que vous
identifiez, c'est-à-dire l'excès de centralisation et la
confusion des rôles. Je ne veux pas qu'on discute de philosophie ce
matin, parce que je pense que de ce point de vue votre mémoire est
clair, mais je voudrais en venir à des considérations assez
immédiatement pratiques.
Je vais commencer par une qui me sert d'introduction. Vous dites,
à la page 13, qu'un certain nombre de choses devraient être
réglées par voie législative. C'est le deuxième
paragraphe, vers le milieu de la page. "Un renversement de perspective efficace
et fécond pour la suite des choses devrait, selon nous - dites-vous - se
traduire par un texte législatif qui réserverait à
l'État l'établissement de certaines conditions de travail de
base, tels les salaires, le nombre d'heures hebdomadaires de travail, les
quanta relatifs aux droits parentaux et aux assurances collectives. "
Je vais revenir sur la liste tantôt mais, pour le moment, je
voudrais vous interroger sur ceci. J'ai l'impression que vous balayez d'un coup
tout le concept de la négociation à l'échelle nationale,
que vous dites: C'est une chose qui relève d'une intervention
législative de l'État alors que dans le projet de loi, si je l'ai
bien compris, dans l'avant-projet de loi et surtout dans la pratique suivie
jusqu'à maintenant, c'étaient des sujets qui tombaient dans le
champ de la négociation provinciale. Voulez-vous intimer par là
qu'il n'y aurait plus de négociation, qu'il y aurait simplement
intervention législative de l'État pour toutes ces questions?
M. Lauzière: Dans notre proposition, pour ces questions,
effectivement, c'est à l'État d'intervenir directement. Il faut
dire que dans l'avant-projet de loi, l'intervention de l'État ne se fait
que sur la rémunération et au niveau de la négociation. Ce
sont toutes les conditions, sauf celles prévues à l'annexe,
où l'État est massivement présent. Dans l'avant-projet de
loi, l'État est massivement présent au niveau des
négociations nationales, en dehors de la détermination de la
rémunération.
Dans le fond, il y a des raisons un peu historiques. On peut presque
dire, que pour certaines conditions - je pense aux salaires, en particulier,
aux quanta des grandes choses comme les droits parentaux - c'est devenu
à toutes fins utiles pour certains cas - pour certains, c'est
déjà le cas; je pense au régime de retraite où,
après consultation, c'est décidé, ce n'est pas un objet de
négociation au sens du Code du travail; pour les salaires, c'est objet
de négociation formellement parlant - après toute espèce
de comparaison de références, c'est devenu une décision de
l'État. Ce que nous pensons, c'est que cela devrait être clair.
Évidemment, là, on s'appuie... Il y a le principe de base, pour
nous. Quand l'État intervient dans la détermination des
conditions de travail, il doit le faire selon sa nature propre et non pas se
constituer partie et respecter l'économie à la limite de ses
propres lois et pour les conditions de travail pensées par les
corporations qu'il a créées entre autres à cette fin.
M. Ryan: Là, vous soulevez un problème fondamental
et je ne suis pas sûr que je serais d'accord avec vous et que je
recommanderais à mes collègues de
l'Opposition de l'être. Je pense qu'il faut insister pour
maintenir le principe de la libre négociation des conditions de travail
à l'échelle nationale. Qu'on dise ultimement -je vais vous poser
d'autres questions tantôt là-dessus - qu'il faut bien que
quelqu'un décide que ce doit être l'État
législateur, je le comprends très bien, mais affirmer fermement
comme vous le faites qu'on devrait éliminer tout ce champ de
négociation au niveau national, je ne sais pas mais, personnellement...
En tout cas, la formulation de la page 13 de votre document, à mon point
de vue, laisse beaucoup à désirer. (11 heures)
M. Lauzière: Une précision là-dessus. Nous
nous sommes peut-être mal exprimés -moi particulièrement -
dans la réponse à votre question. Le fait de dire que le
détenteur du pouvoir de négocier c'est le détenteur du
statut d'employeur, n'empêche d'aucune façon des regroupements au
niveau national. Je pense qu'il faut faire vraiment la distinction. Que
certaines conditions de travail, soit à cause de l'histoire de ces
conditions ou de leur nature propre, soient mieux négociables au niveau
national, je pense qu'il faut dire d'abord que ce sont les parties qui ont le
pouvoir de le faire qui doivent déléguer.
Ce que nous ne voulons pas, ce que nous espérons en tout cas, et
par là nous pensons que l'ambiguïté du rôle de,
l'État employeur et législateur peut être mieux
levé, c'est de dire que s'il y a des conditions de travail où
l'État doit intervenir, qu'il n'intervienne pas comme partie
négociante. Essentiellement, c'est ça la réponse. Toutes
tes autres étapes, dans l'esprit de notre proposition, sont toujours
possibles et parfois même peut-être souhaitables.
Comme le disait M. de Belleval, rien n'interdit de penser, dans notre
propre logique, que la loi prévoit des étapes dont les termes
sont prévus à l'intérieur de la loi. Ce n'est pas du tout
la même chose que de fixer de façon le moindrement
définitive le statut actuel en espérant mieux...
M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre que, par
conséquent, vous refusez l'article 8 comme il est formulé, tout
le concept de comité patronal paritaire au niveau national?
M. Lauzière: Oui. Nous le refusons parce que
l'expérience nous a montré que la partie institutionnelle dans ce
genre de comité... Disons que si je traduis ça en termes un peu
plus littéraires que juridiques, on offre la politesse, dans le fond,
à la partie patronale d'être la dernière à parler
dans le comité. C'est ça la voie prépondérante de
la mécanique de la loi 55. Nous sommes les derniers à parler sur
une question. De toute façon, le mandat est requis du Conseil du
trésor et il peut émaner fort différemment de ce qu'il a
été demandé.
Je dirai que la partie syndicale, à ce moment-là, c'est
tout à fait compréhensible dans le fond, je pense que nous
ferions la même chose si nous étions porte-parole ou
syndiqué dans cette affaire... On va à la bonne porte, dans le
fond, on va négocier où, effectivement, émanent les
mandats.
M. Ryan: Pour élargir la question, disons que j'ai
parlé de l'article 8. J'aurais pu parler de l'article 10, j'aurais pu
parler de l'article 18, j'aurais pu parler de l'article 21. En relation avec
ces articles qui m'apparaissent des articles charnières dans le projet
de loi, est-ce que vous diriez que dans l'avant-projet de loi il n'y a pas de
modifications vraiment importantes par rapport à ce que nous avons
connu?
M. Lauzière: Pour ces articles-là, non seulement il
n'y a pas de modifications importantes mais même dans la lettre il n'y a
pas de modifications. Je ne parle pas de l'article 21. Dans les autres
articles, la mécanique de la loi... Autrement dit, dans l'esprit et la
lettre de l'avant-projet de loi, pour les conditions de travail
négociées au niveau national - l'article 20 définit ce
champ-là - c'est la mécanique de la loi 55. Cette
mécanique est décrite dans les articles 8, 9, 10 et suivants.
Là-dessus, c'est clair que les parties sont, du c6té syndical, le
syndicat, et du côté patronal c'est en consultation, ministre et
institution, et en décision, au Conseil du trésor.
M. Ryan: Est-ce que je vous comprendrais mal en croyant
comprendre que vous nous dites: On nous tient le langage de la
décentralisation mais dans les faits, l'avant-projet de loi qu'on nous
présente ne progresse pas beaucoup dans cette direction-là?
M. Lauzière: Nous ne serions pas portés à le
dire de façon aussi sévère, je dirais. Cela dit,
cependant, nous disons que s'il y a des pas véritables vers la
décentralisation, ce qui nous échappe c'est la direction
où on va dans cette décentralisation. Puisqu'on maintient, pour
le niveau national... Le niveau national, quand on y pense deux minutes, je
vous donne un exemple: dans l'avant-projet de loi et si je regarde l'annexe, le
quantum des tâches, le nombre de postes d'enseignants, par exemple, c'est
quand même quelque chose comme 62% du budget d'opération d'une
institution comme la nôtre. C'est au niveau national.
Qu'est-ce que ça veut dire, la décentralisation, s'il n'y
a pas de possibilité au niveau même où ça se passe,
comme c'est le cas dans les universités, de discuter
et de négocier de la même façon que pour les autres
corps d'emploi, pas les salaires mais le nombre de postes? Il n'est pas dans
l'annexe A. L'annexe A peut être très longue mais elle va
rejoindre à peu près 11% du budget.
M. Ryan: Toujours avec la réserve que je vous donnais
tantôt quant à la négociation au plan national, en ce qui
touche, par exemple, des sujets aussi fondamentaux que la tâche
d'enseignement, comment voyez-vous cela? Est-ce que tout cela doit être
réglé au niveau de chaque établissement uniquement ou si
vous ne voyez pas la nécessité de certaines normes nationales,
par exemple, en ce qui touche la tâche d'enseignement?
M. Lauzière: Ce que nous disons là-dessus c'est que
les salaires doivent être fixés mais que la tâche et le
nombre de postes doivent être au niveau local. Cela est en principe.
M. Ryan: Voulez-vous reprendre le début? Vous dites
que...
M. Lauzière: Les salaires. M. Ryan: Les
salaires.
M. Lauzière: Les salaires comme tels doivent être
établis par l'État selon notre proposition alors que la
tâche elle-même et le nombre de postes doivent être
déterminés au niveau local. Je ferai un pas de plus. J'ai
déjà dit, quand nous avons rencontré M. Clair -
c'était au mois d'octobre si je ne m'abuse - que si nous avions un choix
à faire - nous le disions dans une conversation comme cela où
nous n'engagions pas nos membres de façon très formelle - c'est
qu'il nous semblait, d'après ce que nous connaissions des membres que
nous représentions, que si nous avions le choix à faire, par
exemple, entre les composantes de la tâche et le nombre de postes notre
préférence irait: Local pour le nombre de postes;
paramètres provinciaux, nationaux pour la définition des
composantes de la tâche.
M. Ryan: Dans la liste contenue à l'annexe A, les 27
sujets qui seraient réservés à la négociation
locale évidemment tous ces sujets sont des têtes de chapitre qu'on
retrouve dans le décret - à votre point de vue, est-ce qu'il y a
des têtes de chapitres importantes qui ont été
laissées de côté, qui devraient être dans cette
liste, à supposer que le gouvernement n'accepterait pas votre
proposition d'inverser l'ordre des choses...
M. Lauzière: Oui.
M. Ryan:... et mette plutôt en annexe la liste des sujets
qui seraient déterminés nationalernent? Est-ce qu'il y a des
sujets que vous tenez à ajouter à cette liste? Parce que, comme
vous le savez, c'est bien difficile de faire changer de perspective au
gouvernement. Parfois, on peut y faire ajouter deux ou trois sujets. Mais
est-ce qu'il y a des sujets que vous voudriez absolument voir ajoutés
à cette liste?
M. Lauzière: Je vais laisser la parole à d'autres
que moi qui pourraient répondre là-dessus mais il y a un sujet en
particulier, c'est le nombre de postes, le quantum, le nombre de postes.
Par ailleurs, si cela devait rester à 27 - pour blaguer un peu -
le stationnement et la caisse d'économie pourraient facilement
être remplacés par le quantum de postes. Le harcèlement
sexuel aussi. Cela se négocie mais cela peut se gérer aussi.
M. Ryan: Est-ce que vous avez d'autres...
M. de Belleval: Si on se situait dans la perspective d'une annexe
qui définirait ce qui pourrait être négocié au
niveau national, la liste serait beaucoup plus courte. Au fond, on a une liste
d'exceptions qui est très longue. Cela fait beaucoup d'exceptions.
Alors, si on se situait dans la perspective où les matières
prévues en annexe sont celles qui seraient négociées au
niveau national -cela va peut-être nous faire comprendre ce qui manque
à la liste - je crois qu'on indiquerait - pour la tâche, je ne
reviens pas sur ce que M. Lauzière vient de dire...
M. Ryan:... que M. Lauzière vient de dire pour la
tâche, je n'ai pas...
M. de Belleval: Je ne reviendrai pas sur ce qu'il vient de dire
mais on dirait ceci: Il y a les quanta relatifs à...
M. Ryan: Aux heures de travail.
M. de Belleval: Aux heures travaillées, aux congés
fériés, aux vacances annuelles, au perfectionnement, à
toutes ces dimensions. Il y a les...
M. Ryan: Si je comprends bien, vous laisseriez le
perfectionnement à l'échelle nationale?
M. de Belleval: Les quanta. M. Ryan: Les quanta. D'accord.
M. de Belleval: S'il y avait un quantum. Si on prend l'autre
perspective, celle de l'avant-projet de loi, il y a un certain nombre
d'éléments qui ont trait à l'organisation du travail qui
ne sont pas là. Je crois
que dans l'enseignement, l'élément le plus au coeur de
l'organisation du travail c'est la tache des enseignants. C'est autour et
à partir de cela que s'organise le travail.
Une voix: Oui.
M. de Belleval: Par rapport à l'esprit annoncé, il
manque un élément essentiel en ce sens que c'est fort
limité, que l'exception elle-même comporte des limites dans cette
nomenclature. J'ajouterai ceci: II manque aussi ce qui a trait aux
reconnaissances particulières. La Loi sur les collèges
d'enseignement général et professionnel prévoit que
certains types d'enseignement professionnel peuvent faire l'objet d'une
reconnaissance particulière par le ministre de l'Éducation. Ces
types d'enseignement ont déjà fait, dans cinq ou six cas
actuellement, l'objet d'une reconnaissance particulière, entre autres,
en ce qui a trait aux centres spécialisés. La politique
gouvernementale souligne que lorsque ces centres sont créés,
c'est par une reconnaissance des dynamismes locaux et des réalisations
locales. Cette reconnaissance vient chapeauter une réalité
éminemment locale. Je crois que la logique, qui est de laisser au niveau
des parties locales les réalités qui leur sont les plus propres,
les plus quotidiennes, devrait amener a ajouter à la liste que les
conditions de travail relatives aux reconnaissances particulières
prévues et octroyées en vertu de la Loi sur les collèges
d'enseignement général et professionnel sont de niveau local.
J'ajouterai aussi qu'il y a des éléments additionnels
ayant trait à la gestion des ressources humaines en
établissement, par exemple, le recyclage. des personnels. L'avant-projet
de loi annonce le thème de la mobilité. Le recyclage est un des
éléments qui sera de plus en plus examiné dans le cadre de
cette mobilité. Je pense qu'on pourrait poursuivre cette liste et dire:
II manque un certain nombre d'objets. Mais si on considère la liste en
elle-même dans la perspective de l'avant-projet de loi, on ne s'y attaque
pas; on ne dit pas qu'elle est totalement insatisfaisante, mais on dit qu'elle
est le résultat de discussions que nous avons eues, sans qu'elles ne
soient éminemment structurées, avec les représentants du
ministère. Cette liste n'est pas une surprise pour nous. Ce n'est pas
quelque chose qui est jugé comme totalement inacceptable, loin de
là. Ma réponse est donc dans la perspective de votre question.
Est-elle complète?
M. Lauzière: Puis-je me permettre d'ajouter seulement
quelque chose, M. Ryan? Je pense qu'il est important de remarquer que,
justement pour cette liste, il faut bien toujours avoir en tête le
troisième paragraphe de l'article 21. C'est que, dans le fond, la
propension, la tentation, si jamais les plus imaginatifs parmi nous n'avaient
pas pensé à définir de nouvelles conditions de travail,
irait au niveau national. Il y a éventuellement ce qu'on pourrait
appeler un piège. On serait obligé d'ajouter un tas d'affaires.
Le stationnement, je ne trouve pas très sain que ce soit un objet de
négociation comme tel. Il vaudrait mieux l'inscrire là que de ne
pas le faire, si jamais le troisième paragraphe de l'article 21
demeurait. Il faut en mettre le moins possible, sauf qu'il ne faut pas oublier
le principal. Je dis que pour toute la décentralisation qui passe
à côté de la tâche et du quantum, il y trop de monde
dans les cégeps pour administrer cela à la limite.
M. Ryan: Toutes les possibilités qui découlent de
l'article 18 aussi, relativement à la définition des mandats,
à l'approbation des mandats par le Conseil du trésor viennent
ajouter d'autres dangers de même nature. J'arrête ici, parce que
mon temps est écoulé pour l'instant. On va continuer
tantôt, lorsque le côté gouvernemental aura eu son
temps.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député. Je cède la parole immédiatement au ministre
de l'Éducation.
M. Gendron: Merci, M. le Président. Très
simplement, je voudrais encore une fois - je pense que cela a été
fait - excuser l'absence de mon collègue de l'Enseignement
supérieur, de la Science et de la Technologie qui tenait à
être ici, mais qui est retenu au comité des priorités.
Comme je n'ai pas eu l'occasion d'assister au tout début de la
présentation de votre mémoire, même si j'ai eu l'occasion
d'en prendre une connaissance assez rapide et que mes collègues ont eu
l'occasion d'assister à cette présentation, je ne serai pas
tellement long et le député de Fabre va continuer au nom du
gouvernement. (11 h 15)
Je voudrais quand même insister sur un aspect qui
m'intéresse et sur lequel, je pense, vous avez largement insisté
dans votre mémoire, soit toute la question de la décentralisation
des négociations. Vous avez même, à moins que je ne fasse
erreur, mentionné que vous souhaiteriez que les parties locales puissent
convenir de déléguer certaines matières à
l'échelle nationale, mais bien sûr en marquant très
clairement que, dans votre esprit, presque toutes les conditions de travail
devraient être négociées localement, à l'exception
de celles concernant les salaires et les heures de travail.
Vous laissez voir qu'il pourrait être possible que les
matières négociées localement soient retournées au
palier national si le parties le souhaitent. Cela
signifie que, dans cette perspective, une instance locale pourrait
convenir qu'une matière pourrait être négociée
à l'échelle nationale et que, pour un autre collège, une
même matière pourrait être négociée au niveau
local. C'est bien cela? La question que je pose est la suivante: Ne croyez-vous
pas que cela pourrait créer une certaine disparité un peu
drôle de voir que, très concrètement par exemple, un
collège dit: Moi, je retourne les mesures disciplinaires au palier
central alors qu'une mesure comme celle, par exemple, du comité de
sélection des enseignants ou pour le cégep Y, demeure au palier
local? Comment conciliez-vous cette position?
M. Lauzière: Là-dessus, il faut dire deux choses
d'ordre différent, mais quand même. Votre question est importante,
peut-être que nous n'avons pas été assez explicites
là-dessus. Dans la pratique, compte tenu des propositions que nous
faisons et qui sont celles que les collèges ont entérinées
presque à l'unanimité, il faut savoir que, lorsqu'on parle de
déléguer au niveau national, cela se présente
empiriquement, si on fait des scénarios, pour certaines conditions de
travail qui ne sont pas très localisées en partant. Un
cégep demande que le stationnement soit négocié au niveau
national. C'est pour des conditions de travail qui impliquent à titre
quasi nécessaire dans le fond la concertation quasi permanente. Je
pense, par exemple, à des notions de sécurité d'emploi.
Cela est évident.
Il faut ajouter que - M. de Belleval en a parlé tout à
l'heure, notre position n'interdit pas en tout cas de l'inclure à titre
d'étape - si le législateur croit qu'il faut, provisoirement,
pour une étape donnée, pour trois ou cinq ans, prévoir que
certaines conditions doivent être négociées et non pas
décrétées par l'État ou réglementées
et ce, au niveau national, à ce moment-là, il faudrait
effectivement le prévoir et prévoir l'échéance de
cette étape. On pourrait penser, par exemple, que la seule façon
d'en arriver à quelque chose qui ferait moins mal à tout le monde
à la fois ou ferait moins peur, serait que, dans un premier temps, pour
la ou les deux prochaines rondes de négociation, certaines choses
devraient peut-être être négociées au niveau
national. Cela étant dit, pour nous, même là, ce serait
dans la perspective où les agents négociateurs sont, d'une part,
le regroupement des institutions et, d'autre part, le regroupement des
unités d'accréditation et non pas la mécanique de la loi
55.
M. Gendron: Je vous remercie. J'aurais également une autre
question concernant ces sujets. Comment conciliez-vous la possibilité
pour les employeurs et les syndicats entre eux de se regrouper et de se
départir de la négociation auprès d'un agent avec le
diagnostic que vous avez posé dans votre mémoire sur la
centralisation abusive du processus et la déresponsabilisation des
premiers intervenants? Comment voyez-vous cette conciliation et,
également, les deux éléments?
M. Lauzière: Le premier élément étant
la possibilité de confier à un agent...
M. Gendron: C'est cela.
M. Lauzière: Même dans une situation
décentralisée au niveau juridique et même dans un contexte
où les parties, disons au local, auraient le goût de se parler
directement et de négocier des choses, il n'est pas interdit de penser
que, compte tenu de la complexité de certaines conditions de travail ou
de la durée qu'il faut pour les négocier, les gens fassent
affaires avec un agent négociateur. C'est ce qui se fait de toute
façon, même dans l'entreprise privée. Sauf que, pour un
certain nombre de choses, les gens pourraient y aller directement. Mais comme
les gens sont habitués de se parler par grands prêtres
interposés ou grands juristes interposés, tellement ils ont de la
difficulté à lire un texte simple de convention collective et
d'en discuter directement, cela peut prendre quelques mois sinon quelques
années dans certains cas. Mais je pense que, souvent, le renversement de
perspective n'a pas d'effet immédiat. Ce qui est intéressant,
c'est qu'à un moment donné, dans un endroit donné - et
cela peut faire boule de neige - si cela est possible sans que les gens aient
90 signatures pour faire une affaire très simple, dans deux ou trois
endroits où les gens sont moins insécures, ou moins
angoissés, ou je ne sais trop, ils vont se mettre à
négocier plus qu'une chose et, finalement, beaucoup de choses. D'autres
à côté vont voir que ce n'est pas la mort, que la
différence n'est pas le péché mortel, qu'il y a un
dynamisme là. Par exemple, même au niveau secondaire, si je ne
m'abuse, il y a un endroit où les parties ont même
décidé d'essayer la sélection des offres finales - je
pense à Lakeshore - et cela a marché. Actuellement - par exemple
au niveau secondaire pour prendre celui-là - je connais des endroits
où on a réaménagé sur une base sessionnelle la
distribution de la tâche et ni les professeurs ni les administrateurs ne
voudraient revenir en arrière. Et cela a été fait
malgré... Imaginez si cela était favorisé au possible.
M. Gendron: Je suis également convaincu que vous convenez
que la sécurité d'emploi est une question majeure, importante de
notre régime de négociation actuel avec toutes ses faiblesses et
ses carences et que, quel que soit le nouveau
cadre proposé, c'est une question qui demeurera toujours au coeur
de toute négociation. Je ne crois pas que vous l'ayez affirmé
formellement, mais je pense qu'on peut le déduire, à partir du
moment où vous avez mis une intense décentralisation. Est-ce que
vous allez jusqu'à prétendre que la sécurité
d'emploi, elle aussi, pourrait être négociée
localement?
M. Lauzière: Oui, en fin de compte, je dirais même
qu'il faut bien voir empiriquement et économiquement comment se pose le
problème. Au niveau collégial, en tout cas, une étude un
peu fine montrerait peut-être, dans le fond, que le coût
réel de l'administration "coast to coast", si je peux m'exprimer ainsi -
nationale, je m'excuse -de la sécurité d'emploi, il n'est pas
évident que ce n'est pas plus coûteux que si elle était
administrée et réglée localement aux mêmes
protections. Ce n'est pas évident.
Deuxièmement, je pense qu'on peut dire que la façon dont
cela s'est conçu et pratiqué, il y a quelque chose, le moins
qu'on puisse dire, d'un peu aberrant. Dans l'exemple que je donnais tout
à l'heure, il me semble que c'est un peu aberrant: une infirmière
dans une institution donnée peut... Même s'il y a une ouverture de
poste au CLSC du coin, c'est bouché intersectoriellement.
M. Gendron: La réponse que vous me donnez, c'est beaucoup
plus sur les modalités que sur le principe même. Cela veut dire
que vous ne mettez pas en doute la nécessité de réaffirmer
le principe de la sécurité d'emploi, même si...
M. Lauzière: Pas du tout.
M. Gendron:... on allait jusqu'à le négocier
localement.
M. Lauzière: Pas du tout. Il y aurait peut-être des
modèles différenciés. Par exemple, entre quelqu'un qui a 2
ans d'ancienneté et quelqu'un qui en a 22, il y aurait peut-être
moyen de différencier un peu. Mais sur le fond, il n'y a pas de...
M. Gendron: Je vous remercie et je vais laisser la parole au
député de Fabre qui va continuer. Oui, M. de Belleval?
M. de Belleval: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter un
complément de réponse sur la question de la
sécurité d'emploi. Je trouve très clair que c'est une
chose qu'on ne remet absolument pas en question. Le Conseil du patronat
lui-même est venu dire ici que c'était évident que, dans
les secteurs public et parapublic, la sécurité d'emploi
était une chose acquise et qu'il serait complètement illusoire et
farfelu de penser la remettre en question. C'est la différence dans le
dossier entre le vécu aux niveaux primaire et secondaire et le
vécu au niveau collégial. C'est assez important, parce qu'on a
une sécurité d'emploi qui est, à toutes fins utiles,
relativement résumée de la façon suivante: elle est
disciplinaire. Là où on a des collèges dans des zones
à collège unique, la sécurité d'emploi dans les
faits est fondamentalement institutionnelle. Là où il y a
plusieurs collèges dans une même zone, là où la
discipline ne s'enseigne que dans ce collège de la zone, même s'il
y a plusieurs collèges dans la zone, là aussi, la
sécurité d'emploi est, en réalité,
institutionnelle. S'il y a quatre collèges dans une zone et qu'il n'y en
a qu'un seul qui enseigne, par exemple, une technique donnée, ce
professeur, à toutes fins utiles, a une sécurité d'emploi
qui est institutionnelle. Ce sont des réalités qui sont, à
l'analyse, différentes quand on regarde le niveau primaire-secondaire et
le niveau collégial. Cela rejoint une remarque qui a déjà
été faite ici, que non seulement l'avant-projet de loi ne
prévoit pas suffisamment les étapes, s'il y a lieu d'en faire -
on pense qu'il y a lieu d'en faire et on exprime, nous, ce qui devrait
être le terme du cheminement - mais aussi, ne tient peut-être pas
suffisamment compte des réalités différentes.
M. Gendron: Clairement, vous êtes en train de mentionner
que même si je reconnais que vos préoccupations sont d'abord et
avant tout d'ordre collégial, parce que c'est à ce niveau que
vous oeuvrez, et que dans la perspective où on irait jusque là -
je dis bien "dans la perspective" - vous ne seriez probablement pas des gens
qui recommanderaient d'en faire autant au niveau primaire-secondaire puisque le
contexte est tout à fait différent. C'est ce que vous êtes
en train d'évoquer, même si ce n'est pas le secteur pour lequel
vous vous exprimez. Vous couvrez le secteur collégial. Si vous aviez
à faire une recommandation comme personne intéressée dans
le milieu de l'éducation, vous dites qu'au primaire-secondaire, vous
n'auriez probablement pas la même recommandation au niveau
éventuellement d'une décentralisation, même de la
sécurité d'emploi à
l'élémentaire-secondaire.
M. de Belleval: Ce que je dis, c'est que les discours qui ont
été tenus ici, je crois, l'ont manifesté. La fonction
publique, ce n'est pas la même chose que les affaires sociales qui ne
sont pas la même chose que l'éducation et dans l'éducation,
le réseau primaire-secondaire et le réseau collégial ne
sont pas la même chose. Il y aurait peut-être ici une piste
à examiner attentivement qui serait de tenir compte, dans une
réforme du régime, de ces différences qui, parfois,
sont assez profondes.
M. Gendron: Je vous remercie et je donne...
M. Robert (Yvon): En fait, M. le Président, ce qu'on
propose, c'est une décentralisation vers les institutions et ce serait
aux institutions d'établir - on parle d'étapes - entre elles les
étapes qu'elles sont capables d'absorber. C'est dans ce sens-là
qu'on dit qu'on ne peut pas établir une règle complètement
définie parce qu'il y a des régions, il y a des groupes dans nos
institutions qui seraient probablement prêts à aller plus loin que
d'autres. C'est dans ce contexte qu'on dit qu'il devrait y avoir quelque chose
de particulier pour le réseau collégial qui est un réseau
pas tellement grand, qui n'a pas les mêmes problèmes que le
réseau des commissions scolaires ou celui des affaires sociales, mais
les étapes de la décentralisation qui se feraient vers les
institutions, ce serait à elles à les définir entre
elles.
M. Gendron: Je vous remercie. M. le député de
Fabre.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Fabre, vous avez sept minutes.
M. Leduc (Fabre); Je vous remercie, M. le Président. Ce
que je comprends, c'est que le modèle de décentralisation que
vous préconisez est applicable dans la mesure où les parties
s'entendent pour négocier de cette façon-là. Autrement
dit, il faut qu'il y ait préalablement consensus, en tout cas sur les
matières qu'on veut négocier localement. C'est ce que j'ai
compris. Si une des parties ne s'entend pas, est-ce que vous voudriez qu'on
l'impose par une loi ou est-ce que vous vous entendez pour dire: Une des
parties ne veut pas négocier telle ou telle question localement,
automatiquement, cela s'en va au niveau national? Or, ma question vise ceci,
compte tenu de l'état d'esprit, de la position des syndicats. On le
sait, la Fédération nationale des enseignants, par exemple, ne
veut pas entendre parler de ce type de négocintion au niveau local.
Donc, on parle toujours en fonction de la prochaine négociation.
L'avant-projet de loi est pour la prochaine négociation. Comment
entrevoyez-vous cela? Est-ce que votre modèle n'est pas un modèle
théorique, un modèle peut-être souhaitable, mais qu'est-ce
qui est réalisable en fonction de la prochaine négociation et en
fonction de la position, que vous connaissez, des syndicats au niveau des
collèges?
M. Lauzière: Si je regarde l'économie de
l'avant-projet de loi, ce à quoi je faisais allusion tout à
l'heure en parlant de la nécessité d'un accord entre les deux
parties, c'est à l'article 38 de l'avant-projet de loi où il est
dit que, lorsque la loi sera effective et que dans un établissement
donné il sera question d'entreprendre des négociations sur un
objet dont on a défini le niveau, à savoir le niveau local, pour
modifier les conditions de travail actuellement en vigueur, il faut l'accord
Titre les deux parties. Ce n'est pas la même chose que de dire: Cela
prend un accord antre les deux parties ou un consensus pour envoyer les choses
au niveau national et décider d'une liste parce qu'elle est actuellement
définie dans l'avant-projet de loi lui-même, cette
liste-là. (11 h 30)
Si vous parlez de la résistance, il faut bien comprendre, et il
me semble que c'est tout à fait compréhensible, que les grandes
résistances viennent des instances qui sont les plus avantagées
dans le système actuel. C'est évident. C'est connu depuis
plusieurs rondes de négociation que, pour une instance syndicale
centralisée, c'est beaucoup plus facile - on le voit bien par les
conditions de travail déjà obtenues - de construire un drame
à tous les trois ans et d'obtenir une foule inouïe de choses. La
résistance est tout à fait compréhensible. La
résistance est également tout à fait compréhensible
du point de vue de l'histoire déjà faite là-dessus.
Mais, à cela, je pense qu'il faut répondre, comme je le
disais tout à l'heure; que l'avant-projet de loi donne une protection
qui est énorme - je trouve que c'est un prix énorme à
payer - à l'article 38 tel que formulé actuellement. C'est qu'on
ne tomberait pas dans l'anarchie locale, si je puis dire, avec un avant-projet
de loi, même modifié selon notre perspective, puisqu'il y a un
certain nombre de choses de base qui sont définies de toute façon
par l'État. Ensuite, pour changer les choses actuelles, dit l'article 38
de l'avant-projet de loi, il faudra l'accord entre les deux parties.
Donc, il y a un maximum de sécurité, de coussin,
d'isolant. Au fond, tout est là pour permettre aux gens qui voudront,
à un moment donné, prendre une autre conduite que la conduite
pépère, dans le fond, de s'y adonner sans grand drame à
l'horizon. Si on regarde la perspective de l'avant-projet de loi et ce que nous
voulons également - nous ne voulons pas recommencer à zéro
l'avant-projet de loi garantit dangereusement qu'on ne recommencera pas
à zéro. Dans ce sens-là, je trouve que l'avant-projet de
loi ne fait rendre possible autre chose que ce qui se fait actuellement.
Je pense que c'est important parce que la décentralisation ne
sera ni appétissante, ni crédible s'il n'y a pas beaucoup de
choses importantes à négocier "éventuellement, si les deux
parties le veulent. Ce n'est pas appétissant ni intéressant pour
des adultes
consentants, qui ont pour beaucoup un deuxième diplôme
universitaire, d'avoir comme grands objets de débats locaux le
harcèlement sexuel, le stationnement, les charges publiques, etc. Ce
n'est pas ce qui est intéressant.
M. Boucher (Gaétan): J'aimerais ajouter un commentaire, M.
le député de Fabre. Au fond, depuis le début des audiences
de la commission, on a discuté beaucoup finalement de la tuyauterie qui
pourrait entourer tout cela.
Au départ, je pense qu'il y a un choix politique à faire.
Au fond, le gouvernement et plusieurs organismes ont fait un diagnostic des
problèmes des dernières rondes de négociation. Tout le
monde semble convenir que ce qu'on a vécu ne doit pas être
revécu. C'est une chose.
La deuxième chose, c'est que les gens disent qu'il faudrait
tenter une forme de décentralisation afin de responsabiliser les gens
qui, en vertu de lois corporatives, ont charge, par exemple, de gérer ou
d'administrer un cégep. Ce que nous disons, c'est qu'après avoir
posé un diagnostic on est prêt dans ce dossier à faire un
bout de chemin considérable. Il semblerait que, dans le réseau
collégial, les mentalités soient prêtes et que, localement,
les administrateurs, membres de conseils d'administration, soient prêts
effectivement à assumer leurs responsabilités.
Je peux bien comprendre que le gouvernement, évidemment, de
l'autre côté, soit pris avec les contingences syndicales qui ne
souhaitent pas aller dans ce sens-là. Des pas ont été
faits dans l'annexe A. Nous disons que le gouvernement, par rapport aux
institutions collégiales, ne' va pas assez loin. Là-dessus, je
pense qu'il y a un choix politique à faire et c'est une
responsabilité qui appartient au gouvernement. Nous pouvons
l'éclairer, mais, à mon point de vue, on ne peut pas
décider à sa place.
Tout ce qu'on dit, cependant, c'est que, par rapport au choix qu'il a
fait et présenté dans l'avant-projet de loi, il ne va pas assez
loin et que les administrateurs des institutions collégiales sont
prêts, eux, à aller plus loin. Cependant, si le gouvernement fait
un choix et qu'il considère que, pour la prochaine ronde de
négociation, il y a des étapes à franchir, nous
considérons, en tout cas, qu'à la lecture de l'annexe A, il n'y a
véritablement pas de marge de manoeuvre suffisante pour responsabiliser,
finalement, les administrations des institutions collégiales.
Au fond, qu'est-ce qui est important et de quoi se plaignent les gens?
C'est que vous nommez, vous instituez des conseils d'administration. On va
chercher des parents, des représentants des milieux
socio-économiques, des enseignants, des membres du personnel et vous
leur demandez finalement, au nom de l'État, de gérer des fonds
publics. Ce que ces gens sont prêts à faire aujourd'hui, ce qu'ils
vous disent à travers nous, c'est qu'ils sont prêts à les
gérer, mais dans la mesure où vous leur donnerez une marge de
manoeuvre suffisante pour qu'ils puissent faire, eux aussi, des choix de
société qui sont peut-être à un niveau local, mais
qui sont, à mon point de vue, aussi importants que bien d'autres.
M. Leduc (Fabre): Dernière question, M. le
Président...
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Fabre, votre temps est...
M. Leduc (Fabre):... puisque je vois que le temps est
écoulé. On a parlé de responsabiliser les administrations
locales, ce avec quoi nous sommes tout à fait d'accord. Combien
d'administrations locales, combien de cégeps sont d'accord, s'entendent
pour aller aussi loin dans le processus de décentralisation? Combien
sont d'accord avec votre proposition? Est-ce qu'il y a unanimité
là-dessus? Est-ce divisé?
M. Lauzière: Si je ne m'abuse, c'est la totalité
des membres qui a voté sur ces positions à l'assemblée
générale, sauf deux votes contre; tous les autres étaient
d'accord. Les deux votes contre, dans le fond, pour autant que je me souvienne,
c'était beaucoup plus sur une discussion de modalités de l'une
des propositions. Dans le fond, c'est la suite des choses, de ce que nous
avions déposé à la commission Martin-Bouchard en 1977;
c'était un palier, mais au niveau de la responsabilisation des
institutions, cela allait exactement dans le même sens. On demandait
à l'État de négocier à ce moment-là,
disions-nous - on n'avait pas encore fait le pas que nous avons fait depuis -
sur l'ensemble des conditions de travail; même si on les étendait
au niveau national, c'était institution et syndicat de l'autre
côté de la table.
Je m'excuse, mais dans un autre ordre d'idées, il y a une chose
qui m'importe dans le mode de règlement des conflits. Dans notre
position, nous insistons là-dessus. Je pense qu'il faudrait être
un peu novateur sur les médiations qui se font et les arbitrages qui se
feraient, pour les cas où cela doit se faire. Il faudrait, me
semble-t-il, insister, l'écrire, le dire; je ne sais trop comment, mais
il faudrait qu'il y ait des contraintes à l'arbitrage, à savoir
la capacité de payer et les besoins des clients. Des arbitrages qui se
font qui ne considèrent que les intérêts des parties
intéressées, si je puis insister, cela peut se faire facilement
et cela se fait souvent sur le dos des clients. Il me semble que, dans les
institutions d'enseignement, il
faudrait que ces contraintes soient très claires pour ceux qui
ont souvent comme fonction de couper la poire en deux ou en quatre quand le
client n'y est pas.
Le Président (M. Lachance): M. le député
de...
M. Robert (Yvon): M. le Président, si on considère
l'article 38 de l'avant-projet de loi, une nouvelle loi qui irait dans le sens
des orientations définies par la fédération et qui
conviendrait que cet article est maintenu, je pense bien que cela offre
suffisamment de sécurité à l'ensemble des institutions
pour procéder à l'implantation d'un régime comme
celui-là, c'est-à-dire que chacun pourrait le faire selon son
rythme et ses capacités.
M. Leduc (Fabre): Merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, je pense qu'il est important de faire ressortir
clairement un élément de fond de votre position sur lequel nous
avions commencé à discuter tantôt. Si je comprends bien -
et je veux vous résumer fidèlement - vous voudriez que la
négociation soit en principe à l'échelle de chaque
établissement, qu'un certain nombre de choses soient
déterminées d'autorité par le gouvernement et qu'entre les
deux il puisse y avoir négociation au plan régional ou national
suivant la volonté des parties et quant à l'extension de la
superficie qui serait couverte et quant au choix des sujets. Cela va?
Il y a une chose que je voudrais mentionner entre parenthèses.
Nous avons parlé de l'Ontario, hier, à propos des commissions
scolaires. Le président du Conseil du trésor nous disait que nous
ne pouvons pas envisager une négociation aussi
décentralisée au Québec qu'en Ontario parce que la
structure financière n'est pas la même dans les deux cas en ce qui
touche les commissions scolaires. Mais je voudrais signaler à
l'attention du gouvernement que, dans le cas des collèges, on a
également une structure en Ontario qui, en principe, est plus proche de
ce que vous proposez. On reconnaît plus le principe de la
négociation provinciale en Ontario. Là-dessus, dans votre
position, je pense qu'il y a un certain flottement qu'il faudrait corriger si
jamais la perspective que vous proposez était retenue par le
gouvernement, une perspective qui me paraît intéressante
finalement. En Ontario, on reconnaît clairement qu'il devrait y avoir une
négociation à l'échelle provinciale mais c'est le Council
of Regents for Colleges qui est chargé de faire la négociation.
II n'est pas obligé de coucher dans le même lit que le
gouvernement dans un comité paritaire où les cordes peuvent
être tirées n'importe quand par le gouvernement au
désavantage de la partie collèges. De ce point de vue là,
je pense qu'on devrait recommander au gouvernement, en tout cas, je le fais
sans arrière-pensée, d'examiner comme il faut les dispositions
législatives qui existent en Ontario au niveau où vous
fonctionnez. À ce niveau-là, les arguments qu'on nous apportait
hier ne me semblent pas valables. C'est un point intéressant.
Cela étant dit, j'insiste encore une fois qu'il me semble que,
dans l'état où nous sommes, il faut qu'un certain nombre de
choses soient négociées au niveau provincial. Je vous donne un
exemple. On parlait du quantum de postes, par exemple. Vous avez dit
tantôt, si j'ai bien compris, que vous insisteriez pour que ça
reste à déterminer au niveau de l'établissement. Le
gouvernement doit fixer ses budgets. Vous proposez ailleurs qu'on ait une
enveloppe complètement fermée, qu'un quantum soit donné
à une institution et qu'elle l'aménage comme elle le voudra,
suivant évidemment, entre autres critères, les
conséquences des conventions collectives qu'elle aura
signées.
Comment le gouvernement fera-t-il pour exercer sa responsabilité
qui n'est pas seulement de donner suite aux commandes, mais de prévoir
les besoins? Quand il prévoira ses besoins financiers pour les
collèges, il faut qu'il marche avec une année ou deux d'avance,
qu'il sache où il s'en va un petit peu. Comment va-t-on concilier
ça? Il me semble qu'il y a un certain nombre de choses qui doivent
donner lieu à des déterminations au plan provincial. Je pense
à deux choses en particulier: le nombre de postes et,
deuxièmement, le contenu essentiel - le minimum - de la tâche. Je
ne sais pas comment vous voyez ce problème-là, comment vous
faites la conciliation. On ne peut pas dire, du jour au lendemain, qu'on n'aura
plus de règles budgétaires. Les règles budgétaires,
un des objets qui les justifient à mon point de vue, c'est la
nécessité d'assurer qu'il y aura des conditions relativement
comparables dans la qualité des services d'un bout à l'autre du
Québec.
C'est la même chose pour les hôpitaux d'ailleurs. Si on
était pour dire: Chacun va déterminer ça comme il veut, il
suffit qu'on ait un conseil d'administration, à un moment donné,
qui part en guerre contre telle ou telle discipline ou champ
d'intérêt et dise: On va mettre tout ce qu'on a de ressources dans
telle et telle direction pour que ce soit dangereux. Je pense qu'il y a un
minimum d'encadrement qui s'impose. Comment voyez-vous ce
problème-là dans la perspective que vous proposez?
M. Lauzière: II faut d'abord dire qu'au niveau des
enveloppes fermées il y a telle chose qui existe déjà au
niveau, si je ne
m'abuse, des commissions scolaires et aussi au niveau universitaire. Je
pense qu'il faut faire la distinction, pour répondre
adéquatement, autant que faire se peut, à votre question, entre
les paramètres qui interviennent dans l'allocation des ressources pour
un établissement donné. Ils peuvent être établis
à partir d'une base historique ou d'une base plus logique. On peut faire
une combinaison des deux. Aujourd'hui, il y a à peu près 20
paramètres, dans le fond, quand je regarde la détermination d'une
enveloppe budgétaire d'une université comme l'Université
du Québec à Montréal. Même s'il y a des discussions
et que ça continue, il y a telle chose qu'une enveloppe. Dans les
collèges actuellement, il n'y a pas de transférabilité
pour le groupe principal qui constitue à peu près 62% ou 63% du
budget de fonctionnement. C'est une enveloppe fermée au niveau
collégial actuellement.
L'absurde de l'affaire, si je peux ainsi m'exprimer, c'est qu'à
l'intérieur de cette enveloppe fermée il y a des groupes
protégés et d'autres qui ne le sont pas. Au cours des
années, par exemple avec cette enveloppe-là, il y a eu
nécessité de ne pas combler des postes devenus vacants, d'avoir
plus ou moins de soutien, plus ou moins de professionnels, le groupe des
professeurs étant figé. Autrefois, si nous n'engagions pas tous
les professeurs que nous pouvions engager selon la norme établie
provincialement, le résidu était distribué chez ceux qui,
supposément, avaient eu un surplus de tâche et' c'était
souvent un "flat rate" pour tout le monde. Maintenant, il est renvoyé
dans les coffres de l'État. Ce n'est pas un encouragement à une
administration très excellente.
Dans le fond, tout ce que nous demandons, c'est de distinguer le mode de
détermination des enveloppes globales sectorielles, qui sont la
responsabilité de l'État, cela me semble évident;
également le mode de détermination des enveloppes
nécessaires pour une institution donnée. Distinguons cela, si je
prends une image, laissant à la porte de l'institution la poche
d'argent, dans le fond, qui a été déterminée sur
une base historique ou autre. (11 h 45)
Avec ce montant-là, je pense que l'établissement devrait
être capable autrement, cela ne sert à rien de créer des
corporations au sens du Code civil, s'il n'a pas cette capacité et cette
obligation - de distribuer ces ressources pour s'acquitter de ses fins avec
tout ce que cela veut dire comme contrôles a posteriori plus qu'a priori.
Si je regarde l'administration que les collèges ont faite des montants
d'argent qu'ils avaient, et cela même à l'intérieur d'une
récession et de coupures budgétaires, je pense que la preuve est
faite de leur capacité réelle, prouvée de faire cela.
C'est très important, pas seulement du point de vue patronal et syndical
qui me semble peut-être le point de vue le moins important
là-dedans, à la limite, c'est du point de vue même de
l'avenir de ces institutions, de l'invention, de l'imagination à avoir
dans le découpage et les modifications des tâches, compte tenu
précisément de l'évolution technologique. Je pense que
certains établissements par rapport à d'autres peuvent prendre
les devants; d'autres iront un peu plus lentement. Il y a des projets
extrêmement intéressants qui peuvent se faire s'il y a un peu de
mobilité.
Cela dit, pour revenir à la question de la tâche, que les
principaux paramètres de la tâche, par exemple, tâche
maximale individuelle, soient fixés au niveau national ou soient
dorénavant plus du niveau local, les choses déjà acquises
ne seront pas à ce point modifiées à court terme, parce
qu'il y a déjà un lourd acquis sur la façon de concevoir
et de définir la tâche. Même avec une possibilité
assez radicale de la négocier au niveau local, vous ne changez pas cela
comme cela du jour au lendemain, de toute façon. On pourrait très
bien dire qu'il y aurait des possibilités dans le secteur professionnel
et de soutien. On sait que la force d'inertie est une résistance
considérable et ne dépend pas essentiellement et principalement
du niveau où ces choses sont définies.
Il y a une histoire là-dedans. Il y a toute une tradition. La
profession enseignante, à travers l'histoire, est la moins
découpée. Dans toutes les autres professions, il y a eu d'infinis
découpages. Au niveau de l'enseignant, toute la notion de types de
cours, de parties de cours qui se donnent par d'autres que des enseignants,
jusqu'à maintenant cela n'est presque pas arrivé chez nous. Dans
ce sens, j'ai beaucoup plus peur des forces d'inertie qui vont jouer de toute
façon que du danger de sombrer dans une différenciation quasi
anarchique.
M. Robert: Actuellement, la tâche étant
définie et négociée au plan provincial, cela crée
aussi un très grand nombre de distorsions et de problèmes qu'il
serait peut-être assez long d'énumérer et qui
ressembleraient un peu à celui dont on a parlé pour les deux
professionnels. C'est un peu ce qui a été déploré
aussi du côté des hôpitaux. En réglant des
problèmes locaux aussi loin du lieu de l'action, cela amène des
aberrations et des problèmes assez importants au niveau de la
tâche dans les collèges.
Vous nous avez apporté l'exemple de l'Ontario. Je pense qu'il est
récent. L'Ontario a vécu une crise l'automne dernier au niveau
des collèges et je pense qu'ils ont trouvé la solution par une
meilleure concertation entre les collèges. Cela n'a pas
été une loi. Si vous vous le rappelez, il n'y a pas eu de loi, il
n'y a pas eu de législation, mais une très bonne concertation
entre les collèges qui a amené les collèges
individuellement à régler avec leurs syndicats locaux. À
ma connaissance, il n'y a pas eu de législation.
Mais qu'eux aussi aient des discussions sur leur niveau de financement
avec le gouvernement, c'est naturel, c'est normal. On a eu la même chose
au Québec entre les universités et le gouvernement: des
discussions sur le mode de financement des universités. Je pense que
c'est à l'intérieur de ces paramètres qu'il faut continuer
à discuter. Vous l'avez soulevé tout a l'heure, au primaire et au
secondaire, cela fait déjà cinq ans que les commissions scolaires
travaillent à l'intérieur d'une enveloppe pour les enseignants,
à l'intérieur de grands paramètres pour la tâche -
ils sont peut-être remis en question - et cela n'a pas posé de
problème. Je pense que cela a amené une responsabilisation et une
utilisation plus rationnelle des ressources dans chacun des milieux.
Que cela ne fasse pas l'affaire de la CEQ et qu'elle essaie de vouloir
régler des problèmes comme cela au niveau provincial, il faut la
comprendre. Ils recherchent des avantages au niveau de leur corporation. Je
pense que dans ce contexte il ne faut pas mêler les deux. La
Fédération des cégeps est toujours en faveur de
l'établissement de règles budgétaires, mais celles-ci ne
doivent pas faire l'objet de négociation entre le gouvernement et les
syndicats.
M. Lauzière: Si je peux ajouter la question de la
sécurité parce que je pense qu'il faut toujours prendre cela
comme un paquet. Par exemple, prenons la tâche. À partir du moment
où l'établissement a la responsabilité de l'administration
d'une enveloppe fermée - je regarde la question de la
sécurité d'emploi qui était posée; imaginez que la
sécurité d'emploi est en grande partie administrable, comme cela
l'est actuellement pour les autres corps d'emploi, à même
l'enveloppe fermée locale - eh bien, avant de jouer impunément
dans la tâche, sachant que les conséquences ne seraient pas du
genre qu'on va envoyer la facture à Québec, mais que les gens
vont l'administrer, cela aussi est un élément très
important. Je le mentionne parce que cela fait partie du pattern. S'il y a un
grand nombre de choses importantes dont il faut être responsable, on ne
peut pas couper le saucisson en tranches et dire: Dans une institution comme la
nôtre actuellement, on a besoin de deux orienteurs de moins, de deux
psychologues de plus ou de deux préposés à l'aide
pédagogique individuelle. On a alors les deux mains dans la
sécurité. C'est nous qui payons la sécurité. On
prend donc un peu plus de temps et on négocie un peu plus de choses
avant d'arriver aux changements souhaités.
M. Ryan: Je voudrais continuer là-dessus. Malheureusement,
le temps passe. Je vais être obligé de changer de sujet, parce
qu'il me reste seulement quelques minutes. Vous demandez que le droit de
grève soit reconnu à l'échelon de chaque
établissement. Vous acceptez, en conséquence, qu'on crée
la possibilité de conflits aboutissant à des arrêts de
travail dans les différents établissements du Québec. Vous
dites ailleurs: On reconnaît que les dispositions des conventions
collectives peuvent être variables quant aux échéances,
quant aux périodes qui sont embrassées. On risquerait de revenir
au point où on était il y a 25 ans, alors qu'un conflit
surgissait à tel endroit, à tel autre ou à tel autre.
À ce moment, comment résoudrait-on le conflit? Serait-ce
seulement par le jeu du rapport de forces? D'après ce que vous
proposeriez, quel cheminement serait suivi?
Je vous parle du point de vue du personnel politique qui, à ce
moment-là, est astreint à tous les exercices de pression que vous
pouvez deviner. Les chambres de commerce, les syndicats, le clergé, les
associations patronales, les journaux disent: Qu'est-ce qu'ils font, les
politiciens? Ils ne grouillent pas; ils ne règlent pas ce
problème. Il faudrait qu'ils bougent. Comment voyez-vous cela dans la
perspective que vous ouvrez qui me paraît comporter des risques
sérieux?
M. Lauzière: Je pense qu'il faut d'abord dire que les
risques de ce genre, je l'imagine - on pourrait avoir un peu d'imagination - ne
seraient pas plus élevés...
M. Ryan: Cela peut aller dans bien des sens.
M. Lauzière:... pas plus dramatisés que les
situations actuelles que l'on connaît depuis quelques rondes de
négociation où il n'y a pas un conflit qui se
généralise, mais un conflit généralisé
presque en partant, et systématiquement.
Deuxièmement, je pense que l'effet conjugué de la
désynchronisation et de la décentralisation va effectivement, il
me semble, réduire le nombre de conditions qui, dans le système
actuel, sont mises ensemble de façon systématique pour
créer un conflit généralisable.
Cependant, la question demeure, il ne faut pas rêver en couleur:
il peut y avoir des conflits. Dans la mesure même justement je pense
toujours aux effets de la désynchronisation et de la
décentralisation -où cela se fait un peu plus près et un
peu plus à la vue des clientèles et des premiers
intéressés, cela risque encore de mettre un peu plus de
sérieux dans la volonté de faire un règlement. S'il n'y en
a pas, je pense que le régime des relations du travail ne peut
pas éviter cette issue: il y a un conflit, il y a une
grève qui dure. Que voulez-vous, à un moment donné, si
l'État, pour une raison ou une autre, est fondé de penser et
pense effectivement que le bien commun est en cause, il agira. Avant cela, nous
sommes d'accord avec le système de médiation proposé dans
l'avant-projet de loi, avec les délais qu'il comporte, avec le fait
qu'il soit public. On aimerait qu'il soit public automatiquement.
L'avant-projet de loi dit: L'une ou l'autre partie peut demander qu'il soit
public. De toute façon, la grève ne peut être
déclarée que si le rapport est entre les mains du ministre du
Travail. Donc, la grève ne peut être déclarée que si
le rapport de médiation est public. Je pense qu'il y a là une
amélioration du mécanisme. Il y a également une
amélioration du mécanisme par le renforcement des pouvoirs
confiés au Conseil sur les services essentiels. Il y a peut-être
des questions juridiques qui peuvent jouer. Est-ce que, effectivement, il peut
détenir ces pouvoirs dans le contexte actuel de nos lois? On peut poser
la question.
Enfin, si malgré les effets conjugués de la
décentralisation et de la désynchronisation, malgré un
meilleur mécanisme de médiation, il y avait un conflit qui
commandait l'intervention d'un tiers, je pense qu'on ne peut pas éviter
de penser que, de toute façon, un tier devrait intervenir
éventuellement. On pense que les deux parties peuvent demander au
médiateur qu'il soit arbitre dans cette affaire. Sinon, si vraiment le
bien commun était en cause, je ne vois pas comment on ne pourrait pas
envisager éventuellement l'intervention de l'État. Mais je pense
que ce qu'on demande, ce que nous proposons - c'est essentiellement
également ce que propose l'avant-projet de loi relativement aux
mécanismes - c'est de nature, il me semble, à réduire les
conditions qui y mènent presque automatiquement à tous les trois
ou cinq ans. Mais je pense qu'il n'y a pas de magie là-dedans. Personne
ne peut s'imaginer que, actuellement, la seule vertu des mécanismes et,
dans le fond, la seule volonté des gens bien intentionnés
éliminent l'intervention de l'État éventuellement.
M. Robert: Si vous remontez à il y a 20 ou 25 ans, c'est
un peu loin. On se place peut-être dans un changement de perspective. Il
y a dix ou douze ans, l'État dans le domaine de l'éducation,
entre autres, et des services en général a pris plus de place;
cela a été de nature à politiser les conflits. Avec la
proposition qui est faite de vouloir reporter au niveau local la discussion
d'un certain nombre de conditions de travail après en avoir
enlevé toute la question du normatif lourd, la nature des conflits ne
pourrait pas être la même que les conflits qu'on a pu
connaître durant les dix ou douze dernières années. Il faut
se resituer dans un contexte de changement de perspective où les enjeux
seraient véritablement plus locaux que ceux qu'on a connus durant les
dix ou douze dernières années.
M. Ryan: Évidemment, il y aurait beaucoup à dire
encore, mais, malheureusement, le temps achève et je veux donner la
chance à mon collègue de Verdun de vous poser une question sur un
autre aspect du projet de loi, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Verdun, allez-yl
M. Caron: M. le Président, j'aimerais avoir votre point de
vue sur les articles 49 et 50 de l'avant-projet de loi. L'article 49 se lit
comme suit: "Les affaires de l'institut sont administrées par un conseil
d'administration formé d'au plus treize membres, dont un
président. " L'article 50: "Les membres du conseil d'administration sont
nommés par le gouvernement. Six de ces membres, à l'exception du
président, sont choisis parmi les personnes dont les noms apparaissent
sur les listes... " Enfin, je ne le terminerai pas pour gagner du temps.
J'aimerais avoir votre opinion. L'Assemblée nationale, avec les deux
tiers des voix, nomme assez souvent des gens comme le président des
élections et d'autres personnes. Pour rendre le projet de loi plus
sécuritaire, que penseriez-vous du fait que le président soit
nommé aux deux tiers des votes de l'Assemblée nationale?
M. Lauzière: Personnellement, je trouve que c'est
probablement une bonne suggestion. Je ne vois pas d'objection de principe. Nous
ajoutons cependant que, au niveau de la composition de l'institut, il nous
semble qu'il serait plus crédible et qu'on organiserait moins les choses
partie à partie dans un institut qui doit faire des recherches, qu'on
assurerait mieux, en tout cas, la crédibilité au départ et
à la fin si ces membres-là étaient nommés par le
gouvernement, éventuellement de la façon que vous
suggérez, mais après spécifiquement sinon exclusivement
consultation des associations professionnelles concernées. Cela pourrait
être des associations d'économistes, des départements
universitaires ou autres. Autrement, je crains, les tendances
déjà connues pouvant se poursuivre, que les gens se sentent plus,
malgré que légalement ils ne le sont pas, représentants de
partie qu'experts du seul point de vue économique. La façon dont
la composition est arrêtée risque de les rendre partisans un peu
et risque surtout que les résultats qui sortent des travaux de ce
comité soient interprétés comme étant justement
plutôt des compromis de négociation que des études
d'experts.
Enfin, c'est un peu délicat, mais il me semble qu'il y aurait
avantage à procéder autrement dans la désignation des
membres de cet institut.
Le Président (M. Lachance): Voilà! Merci. Je tiens
à remercier les membres de la Fédération des cégeps
d'être venus en commission parlementaire nous apporter leur
éclairage sur ce qu'ils voient dans l'avant-projet de loi. Madame,
messieurs, merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui.
J'inviterais maintenant les porte-parole de la Fédération
des associations étudiantes collégiales du Québec à
bien vouloir prendre place. Nous allons suspendre les travaux de la commission
pour cinq ou six minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 12 h 6)
Fédération des associations
étudiantes collégiales du Québec
Le Président (M. Lachance): Après cette
brève interruption, la commission du budget et de l'administration
poursuit ses travaux. Nous entendrons maintenant des représentants de la
Fédération des associations étudiantes collégiales
du Québec. Je voudrais d'abord demander à M. le
député d'Argenteuil et à M. Je député de
Fabre, s'il vous plaît, de bien vouloir poursuivre leur conversation
à l'extérieur du champ de la caméra. Je souhaite donc la
bienvenue aux représentants de la Fédération des
associations étudiantes collégiales du Québec, et je crois
que leur porte-parole est M. Denis Alain, à qui je demanderais de bien
vouloir nous présenter la personne qui l'accompagne. M. Alain.
M. Alain (Denis): Manon Gagnon, attachée de presse
à la fédération.
Mme Gagnon (Manon): Bonjour.
Le Président (M. Lachance): Bonjour. Je vous invite
maintenant, M. Alain, à nous faire votre exposé. Le principe est
très simple dans cette commission. Moins longtemps vous allez parler,
plus longtemps on va pouvoir discuter, vous poser des questions et clarifier
peut-être des positions relativement à votre participation aux
travaux de cette commission parlementaire. M. Alain, vous avez la parole.
M. Alain: Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs,
membres de l'Assemblée nationale, la Fédération des
associations étudiantes collégiales du Québec est
heureuse, en cette année internationale de la jeunesse, de venir
déposer auprès de cette commission un bref exposé traitant
du projet de loi du gouvernement. Pour notre fédération, il
s'agit, bien sûr, d'une occasion qui nous permet de vous entretenir de
certains principes qui, dans le passé, nous ont amenés à
nous prononcer sur diverses lois. Aussi, cela réaffirme qu'il est
important de prendre la place que la jeunesse et le mouvement étudiant,
notamment, ont tout avantage à occuper dans la
société.
En ce qui a trait à l'objet de cette commission parlementaire, la
fédération tient à mentionner que le 2 mars 1983, lors de
la commission parlementaire permanente sur l'éducation, nous avons
présenté un mémoire qui, dans ses grandes lignes,
affirmait la volonté des étudiants de ne plus être
catalogués comme de simples consommateurs passifs de cours, mais
plutôt d'être considérés comme "usagers d'un service
public et donc de jeunes citoyens à part entière. " Ainsi, nous
défendions la thèse selon laquelle "les droits ou acquis des uns
ne doivent plus brimer ceux des usagers. De même, nous sommes tout
à fait d'accord avec le fait que les travailleurs et les travailleuses
doivent avoir des conditions de travail décentes; mais ces droits
reconnus ne doivent plus aller à l'encontre des droits des plus
démunis de cette société. " C'est dans cette optique que
nous désirons apporter une critique constructive de l'avant-projet de
loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans
les secteurs public et parapublic.
Faisant un premier survol du texte, nous avons observé qu'un
premier oubli important s'est glissé dans le projet. Il s'agit de la
participation des usagers au niveau local dans le processus de décision.
Nous croyons, à ce propos, qu'il faut pallier le manque d'exercice de
responsabilités actuel que nous démontre le gouvernement et les
syndicats face aux usagers. Citons, par exemple, le cas du transport en
commun.
Pourquoi l'arrivée d'une tierce partie? Les pratiques
traditionnelles nous démontrent, d'une part, une confrontation
invoquée par des restrictions budgétaires et, d'autre part, la
surprotection des acquis, la pratique du camouflage et la bureaucratisation des
relations du travail. Les deux refusent toute responsabilité face aux
conséquences de leur entêtement. Cependant, on n'hésite pas
pour se renvoyer la balle dans un dialogue de sourds qui débouche sur
lois spéciales pardessus lois spéciales, utilisant nos
institutions démocratiques comme véhicules de moyens de pression.
Il faut mettre fin à cette polarisation et à l'arbitraire actuels
en incluant dans le processus décisionnel les usagers qui ont le droit
de dire leur mot sur la qualité, la quantité et les coûts.
Ces derniers sont impuissants lorsque surviennent des conflits. Ce sont encore
les utilisateurs
qui subissent les graves conséquences de l'escalade des
confrontations. Ainsi, on en vient à se perdre quant aux raisons des
blocages fréquents occasionnés par des pratiques souvent trop
corporatistes.
C'est ainsi que, tout en conservant l'esprit de l'article 25 concernant
la possibilité d'utiliser une forme de médiation en ayant recours
à un groupe d'intérêt public, il serait profitable d'offrir
dans le chapitre I, section III. 2, articles 28 à 39, la même
possibilité pour une association étudiante de s'inscrire dans
cette nouvelle forme de médiation en matières définies
comme devant faire l'objet de stipulations négociées et
agrées à l'échelle locale ou régionale. Nous
associons aussi par là le cas d'une stipulation portant sur la
rémunération. À cette fin, l'association pourrait nommer
toute personne qu'elle juge à propos. C'est également dans cet
esprit de participation légitime, de ce net besoin de renseignements et
afin d'être responsables jusqu'au bout que nous vous proposons que, lors
de la formation de l'Institut de recherche sur la rémunération,
deux étudiants soient nommés au sein de ce conseil
d'administration pour un mandat de deux ans. De telles propositions de notre
part vous inciteront donc à amorcer une réflexion, voire
même un changement de mentalité, face aux usagers de services qui
ont une grande responsabilité à assumer lors du processus
décisionnel. Nous avons parfaitement le droit d'être
informés puisque c'est nous qui subissons les contrecoups souvent
inquantifiables.
Le droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Le
syndicalisme nous a apporté beaucoup, aux Québécois et
Québécoises. Ce n'est pas pour rien qu'il a longtemps
été qualifié de locomotive de progrès social. Il
est cependant enfoui aujourd'hui dans un certain isolement, conséquence
de son discours dépassé par une société en
perpétuel changement. Il n'en reste pas moins que, si le gouvernement
retire le droit de grève au niveau local, c'est qu'il remet en question
le principe même du syndicalisme. À notre avis, l'exercice du
droit de grève doit être rendu plus difficile mais non pas
aboli.
Par ailleurs, il est évident que la grève comme moyen de
pression ne doit plus être un instrument abusif de chantage. À cet
égard, la fédération propose que le droit de grève
soit accordé si un délai de plus de deux ans s'est
écoulé depuis la fin de l'entente précédente.
Ainsi, une telle disposition, a notre avis, blesserait moins la dignité
syndicale et favoriserait, nous l'espérons, le respect de cette clause.
De cette manière, le gouvernement éviterait de bafouer une
pratique et un droit depuis longtemps reconnus.
Pouvoirs de redressement. Si le gouver- nement entend donner aux usagers
la place qui leur revient, nous désirons qu'il soit conséquent et
qu'il inclue ces derniers dans la composition du Conseil des services
essentiels. Seulement, nous trouvons que ces pouvoirs sont aléatoires et
qu'ils ne tiennent pas véritablement compte du partage des
responsabilités. S'il y a conflit, c'est qu'il y a évidemment
deux parties qui ne s'entendent pas. Mais, vu d'un oeil qui n'est ni juge ni
partie et qui, de plus, subit cette aliénation, les deux portent
l'odieux et sont responsables de ce qui arrive à part égale,
diraient certains.
À notre avis, les compensations qui devraient être
versées à toute personne ou groupe en raison de l'interruption ou
de la diminution des services, après en avoir fixé le
préjudice en valeurs pécuniaires, devraient être
défrayées équitablement par les deux parties. Les
amendements apportés au Code du travail ne prévoient le versement
que par l'une ou l'autre des parties, ce qui, à notre avis, ne
représente pas d'équitables responsabilités face aux
conséquences. Qui sait si un jour les étudiants n'oseront pas
réclamer du gouvernement et des syndicats des compensations
pécuniaires pour les préjudices causés lors d'un conflit?
Qui sait si une année scolaire prolongée d'un mois ou deux n'ira
pas dégarnir de dizaines de millions de dollars les coffres de nos
"prédateurs"?
C'est par ces nouvelles propositions que nous espérons que le
climat d'affrontement fera place a celui des échanges et de la
responsabilisation des différentes parties face à ce nouveau
contrat social. Nous n'avons jamais, dans son ensemble, été pour
ou contre ce projet car, pour nous, il s'agit d'un faux débat. Tout
cadre de négociation qui exclut les usagers est condamné à
maintenir la confrontation.
Les éléments de réforme que nous vous avons soumis
méritent, nous croyons, d'être considérés comme
étant, sans prétention, une contribution positive à
apporter a titre de partenaires sociaux. C'est le message que les
étudiants et étudiantes de collège laissent à votre
réflexion. (12 h 15)
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Alain.
J'invite d'abord le ministre de l'Éducation a vous faire part de
ses commentaires et questions.
M. le ministre.
M. Gendron: M. le Président, Mme et MM. de la
Fédération des associations étudiantes collégiales
du Québec, je tiens, en mon nom personnel, au nom du gouvernement et des
membres de la commission, à vous remercisr très
sincèrement d'avoir pris des minutes de réflexion pour sortir
effectivement ce point de vue et d'avoir
décidé de venir l'exprimer ici, en commission
parlementaire.
Je pense que vous avez tout à fait raison d'indiquer qu'il vous
appartient... Et je ne pense pas que c'est parce que c'est l'Année
internationale de la jeunesse; je pense qu'il est toujours requis que de plus
en plus, dans une société, les jeunes jouent leur rôle,
prennent leur place et tentent d'infléchir des orientations de toute
nature des "décideurs" à quelque niveau que ce soit, au niveau
politique ou à d'autres niveaux.
Je pense qu'il est important, si on veut vous donner l'occasion d'avoir
une présence accrue dans des secteurs auxquels vous êtes
étroitement associés tant dans votre quotidien d'aujourd'hui que
dans le devenir, que vous ne ratiez pas des occasions comme celle-ci de nous
faire connaître vos prétentions. Je suis convaincu, comme vous
l'indiquiez dans la conclusion, qu'il s'agit là d'une contribution qui
se veut sans prétention, une contribution dite positive, alors que vous
voudriez effectivement qu'on puisse tenir compte de certaines recommandations
que vous nous faites.
Je n'ai pas la prétention de le résumer en une ou deux
phrases, mais je ne pense pas faire erreur en disant que globalement, dans
votre mémoire, l'esprit qui se dégage est qu'il faut trouver des
mécanismes qui confèrent une meilleure place aux usagers. Dans le
cas que l'on discute, ce sont bien sûr les receveurs de
l'éducation dispensée; quand elle n'est plus dispensée,
bien sûr, c'est vous autres qui en subissez les affres ou les
conséquences négatives. Dans ce sens, quelle que soit la
conclusion du cadre de négociation dans lequel nous allons possiblement
fonctionner pour les prochaines années, je pense que qui que ce soit qui
aura à l'appliquer devrait être particulièrement attentif
et soucieux de cette demande que vous formulez avec raison, en tout cas, en ce
qui me concerne.
Donc, la phrase résumée c'est que vous dites: on va avoir
une place là-dedans. On veut effectivement que les mécanismes
nous permettent de nous exprimer; nous voulons ça d'une façon
assez claire. En particulier à trois endroits précis quand vous
avez parlé de la médiation. Vous avez également
exigé... Au niveau de l'Institut de recherche sur la
rémunération, vous souhaiteriez avoir des porte-parole et
également au Conseil des services essentiels. Je ne veux pas revenir
comme tel là-dessus ou vous demander des précisions. Je pense que
c'est on ne peut plus clair. Vous dites: Essayez de nous trouver une place.
C'est toujours une question d'équilibre. N'importe quel intervenant
susceptible de subir des conséquences néfastes ou
désastreuses de conflits qui perdurent, qui se présentent dans le
temps de façon beaucoup trop fréquente, est susceptible d'avoir
les mêmes exigences, et avec raison. C'est une question
d'équilibre de voir comment on peut assurer qu'un certain nombre
d'usagers, sans les qualifier comme tels... Aujourd'hui on a la chance de
rencontrer des jeunes provenant du milieu des études collégiales.
Vous dites: On veut être là. Et il serait normal que d'autres
types d'usagers, dans un cadre de négociation comme ça, aient le
même type de revendications. Tout ce que je peux vous dire c'est que nous
pouvons donner certaines assurances que des usagers aient le pouvoir
d'être concrètement dans le décor et d'infléchir des
orientations qui sont prises.
J'aurais deux questions et peut-être que mon collègue de
Fabre en aura aussi. On va prendre notre temps. Vous indiquez de façon
très claire que le droit de grève devrait demeurer au niveau
local. Je ne pense pas qu'on ait de discours à vous faire sur le sens
que devrait normalement avoir l'exercice du droit de grève. Règle
générale, par définition, normalement dans un État
civilisé, c'est une mesure de dernier recours. Quand on entrevoit
d'utiliser ce qu'on appelle le recours au droit de grève c'est parce
qu'on juge que le conflit ou le différend est à ce point
d'envergure majeure qu'on veut utiliser le moyen ultime de pression qui est la
cessation de la prestation de services à quelque niveau que ce soit.
C'est pourquoi on avait indiqué dans l'avant-projet de loi que
comme gouvernement nous ne croyons pas, si on s'entend sur la notion du recours
au droit de grève qui doit porter sur des matières importantes,
significatives, majeures, c'est un peu dans ce sens-là qu'on avait dit
que pour les matières locales... Je n'essaie pas de
déprécier ni d'atténuer la signification réelle,
dans le vécu des étudiants ou des professeurs, que peuvent avoir
des dispositions à caractère local. J'essaie juste de vous dire
qu'il ne m'apparaît pas que sur ce type de dispositions on doive avoir la
même convenance du caractère d'importance, de gravité ou
d'éléments majeurs comme les questions de sécurité
d'emploi, de salaire. Je ne veux pas revenir sur le partage et faire un long
discours sur ce qui est prévu de matières à
négocier au niveau central et localement.
La seule question que je pose est celle-ci: Après qu'on a dit que
vous êtes d'accord pour le droit de grève au niveau local et que
vous ajoutez qu'on devrait le rendre plus difficile, en ce qui me concerne je
ne suis pas particulièrement éclairé et j'aimerais,
puisque vous avez réfléchi là-dessus - vous en parlez dans
votre mémoire - que vous m'indiquiez un peu quelques balises
additionnelles. Qu'entendez-vous par resserrer et rendre plus difficile le
droit de grève au niveau local et comment, concrètement, en
termes d'opérationalisation, croyez-vous que cela devrait se faire?
C'est là ma question
précise.
Le Président (M. Lachance): D'accord. Avant de
répondre à la question - je ne voudrais pas vous faire perdre le
fil de l'idée - je constate que vous avez deux collègues qui se
sont joints à vous depuis que nous avons commencé cette
séance. Si vous vouliez, M. Alain, nous les présenter. Cela nous
intéresse.
M. Alain: À ma droite, M. André Boisclair, qui est
à l'exécutif de la FAECQ aux affaires locales, et M. Mario
Guilbert, à la gauche, à côté de Manon, qui est le
permanent politique de la fédération.
Le Président (M. Lachance): Merci beaucoup. Vous pouvez
répondre maintenant.
M. Alain: Je crois que l'esprit, le fond de ce projet c'est
d'amener les deux parties à établir une pratique de
négociation qui, de bonne foi, devrait satisfaire tous les intervenants.
À partir de cela, offrir une possibilité, par exemple, aux
usagers de venir en forme de médiation serait à notre avis un
moyen efficace pour peut-être retarder une échéance qui, de
toute façon... Si le gouvernement abolit le droit de grève, les
syndiqués vont en être profondément offensés dans le
sens qu'on a beau l'abolir par une loi, un décret, cela a aussi un
inconvénient au niveau du milieu, au niveau des relations avec les
intervenants. Cela a aussi un impact sur le respect même de ce processus
de négociation qui serait, à notre avis, littéralement
bafoué, ce qui aurait comme conséquence que cela serait tout
simplement une autre mesure parmi tant d'autres et que les syndicats, lorsque
bon leur semblera, puisque cette entente ne fait pas l'unanimité au
niveau du corps professoral et du corps syndiqué, ne la respecteraient
tout simplement pas en se disant: Ils ne pourront pas tous nous jeter en
prison.
À notre avis, si on établit des règles claires, si
on établit des règles qui vont faire l'unanimité ou
l'accord des parties par le biais de cette forme, je crois que la
négociation serait de beaucoup plus... En tout cas, le mécanisme
en tant que tel serait beaucoup plus respecté de la part des
parties.
M. Gendron: Si vous permettez, creusons un peu et ce, bien
amicalement. Vous m'indiquez les raisons pour lesquelles vous dites qu'on
devrait le laisser. La question portait moins là que comment aller dans
le... Parce que vous dites une espèce d'échange. On le laisse
là à condition qu'il soit exercé plus difficilement.
Je tiens cependant à vous rappeler -c'est seulement à
titre d'information - que, quand vous dites "on voudrait qu'il demeure au
niveau local" à moins que je fasse erreur, dans le contexte actuel il
n'y a pas de droit de grève au niveau local. Cela serait nouveau. Il ne
demeurerait pas, a moins de dispositions bien particulières. Le droit de
grève comme tel concernant les matières locales, dans le
régime actuel, il n'existe pas véritablement. Mais ma question
n'est pas véritablement cela, elle porte sur comment rendre les
dispositions plus difficiles de l'exercice du droit de grève au niveau
local.
M. Alain: Si, pendant un délai de deux ans, les deux
parties ne sont pas capables d'en venir à un accord, à notre
avis, il y a un manque, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'un
côté comme de l'autre. Advenant le cas que les syndiqués
retiendraient la grève comme solution à un déblocage
éventuel d'une négociation, à ce moment-là, on
pourrait dire qu'on a quand même tout essayé et que toutes les
parties ont négocié de bonne foi. S'il faut établir un
rapport de forces, en conséquence, dans le cas où il y aurait un
blocage quelconque et qu'il faille progresser d'une façon quelconque, je
crois que ce serait une façon plus avantageuse de le réglementer
pour le rendre plus difficile, si vous voulez, et non pas l'interdire
totalement, en sachant très bien qu'ils vont le prendre de toute
façon. Mais, s'ils sont capables de respecter, par exemple, une
réglementation de ce côté, je crois que cela forcerait
aussi les parties, pendant ces mois, à boucler cette entente et
peut-être qu'à la fin aussi de ces deux années on n'aura
pas assez d'éléments pour justifier une telle action dans le
milieu.
M. Gendron: Dans le fond, vous ajoutez une balise. Je veux
seulement comprendre ce que vous voulez dire en disant qu'il soit rendu plus
difficile. Vous croyez que si on maintenait une disposition qui dirait que ce
droit au niveau local peut être exercé après une
période déterminée dans le temps - pour la période
déterminée dans le temps, vous dites: un délai de deux ans
depuis la dernière entente - ce serait une balise suffisante pour
gérer un peu mieux l'exercice du droit de grève au niveau local.
C'est cela que vous affirmer.
M. Alain: À notre avis.
M. Gendron: D'accord. J'aurai une autre question également
qui ne porte pas nécessairement sur le droit de grève. Vous avez
indiqué dans votre mémoire - je pense que, sur le fond, on est
complètement d'accord - qu'il est important pour les jeunes de prendre
la place que les jeunes, la jeunesse et le mouvement étudiant devraient
avoir dans la société, dans des débats comme
celui-là. Vous avez indiqué, à un moment donné:
Nous, ce qui nous intéresse, on veut
avoir l'assurance d'être informés, on veut avoir
l'assurance d'avoir les informations qui sont véhiculées. Je
voudrais seulement savoir si cette exigence logique, d'après votre
réflexion, a des chances d'être satisfaite uniquement dans la
perspective que vous êtes présents, par exemple, au Conseil des
services essentiels, à l'Institut de recherche sur la
rémunération. Si le point majeur était surtout d'avoir
droit à certains types d'informations je voulais tout simplement
vérifier si cela exigeait toujours une présence comme telle aux
comités ou si vous ne pouvez pas bénéficier comme
n'importe quel citoyen intéressé et hautement concerné par
ces questions de l'information qui sera véhiculée par l'une ou
l'autre des instances. J'aimerais que vous précisiez cela davantage.
M. Alain: L'essentiel à retenir c'est le principe de la
participation que les usagers doivent avoir dans ce processus de
décision. Prendre notre place là-dedans signifie aussi prendre
nos responsabilités, dans le sens que ces usagers en question ne doivent
pas seulement intervenir momentanément, mais doivent être
considérés comme étant des partenaires permanents. Lorsque
ces actions et événements arrivent dans le milieu, c'est nous
qui, en permanence - si on peut s'expliquer comme cela - depuis longtemps,
subissons les contrecoups de ces conflits. Si on veut être
conséquents jusqu'au bout, on se doit d'être présents, non
seulement lorsqu'il y a une médiation à effectuer, mais aussi
lorsqu'on jette les balises et les grands paramètres de cette
négociation. On doit accéder à ce processus et être
considéré comme étant un partenaire à part
égale au niveau du principe des usagers. (12 h 30)
M. Gendron: En termes de responsabilité face aux
conséquences que vous vivez à la suite d'un arrêt de
travail, vous dites: "L'interruption ou la diminution de services, après
en avoir fixé le préjudice en valeur monétaire, devraient
être défrayées équitablement par les deux parties".
Et vous ajoutez: "Les amendements apportés au Code du travail ne
prévoient le versement que par l'une ou l'autre des parties", ce qui,
à votre avis, ne représente pas équitablement le niveau de
responsabilité relativement à des conséquences comme
celles-là. Je voudrais vous demander: Est-ce que c'est dans
l'avant-projet de loi qu'on a évoqué cette disposition ou si
c'est une disposition que vous souhaiteriez qu'on inclue dans les modifications
prévues au Code du travail?
M. Alain: Nous, ce qu'on aimerait qu'il soit inclus... C'est que,
voyez-vous, nous, dans ces conflits-là, on n'est ni juge ni partie
à la fois. Pour nous, prendre part à un débat comme
celui-là, il est intéressant de donner notre avis, etc., c'est
sûr, ; seulement, lorsqu'on en est rendu à payer la note, on se
dit: Ce n'est pas seulement soit au gouvernement ou au syndicat de payer pour
cela, mais aux deux. On veut trancher la poire en deux, si on peut utiliser une
expression comme celle-là, pour... Bon!
M. Gendron: D'accord. Je vous remercie. Je laisse la parole
à mon collègue de Fabre.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Fabre, dans la première enveloppe de temps, vous auriez un peu moins de
cinq minutes.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. D'abord, je veux
féliciter la Fédération des associations étudiantes
collégiales de nous présenter un point de vue que nous n'avions
pas jusqu'à maintenant entendu, soit le point de vue des
bénéficiaires. Je trouve cela intéressant. J'aimerais
amener mes questions sur l'implication des bénéficiaires, tel que
vous le proposez dans votre mémoire, entre autres, à la page 2.
Vous demandez d'être participants dans le processus de décision.
Je me demande si la place du ministère devrait être dans le
processus de décision. Une médiation vise le rapprochement des
parties, mais il s'agit d'une intervention qui est tout de même assez
technique, surtout quand on connaît la complexité,
l'épaisseur des conventions collectives. Il s'agit là
d'interventions, souvent, qui ont des implications très techniques. Dans
le processus d'arbitrage qui est prévu au niveau local, d'abord, vous
êtes pour le maintien du droit de grève, alors que l'avant-projet
de loi prévoit l'arbitrage au niveau local et, encore là,
l'arbitrage est un processus qui est complexe, technique, etc. Est-ce que les
bénéficiaires ont leur place dans un processus aussi technique?
Je me pose la question, en tout cas. Sauf que je suis d'accord avec vous que...
En tout cas, ce serait intéressant d'explorer cette possibilité
d'une place réservée aux bénéficiaires, mais
où, à quel endroit?
Il m'est venu à l'esprit cette idée qui nous a
été présentée hier, et je me réfère
à ce qui se passe en Ontario où il existe une espèce de
commission des relations du travail qui se situe au-dessus des parties et qui
vise à rapprocher les parties, à informer le public. En tout cas,
cela m'a semblé - je n'ai pas étudié le processus à
fond -beaucoup moins technique, plus susceptible d'exercer des pressions sur
les parties en fonction des implications que pourrait avoir une grève
dans un service public. Je me demande si vous avez pensé un peu à
cette perspective. En tout cas, d'après moi, une implication dans le
processus décisionnel, je ne suis pas convaincu que ce soit la
formule
pour les raisons que je vous ai données, parce que vous demandez
aussi aux bénéficiaires de prendre partie dans le débat.
Cela peut être tantôt pour les syndicats, tantôt pour la
partie patronale, mais il n'est peut-être pas approprié de
demander aux bénéficiaires de prendre partie, en tout cas, les
bénéficiaires qui s'impliquent officiellement au nom
d'organismes, etc. Je me demande si les bénéfiaires ne devraient
pas jouer un rôle un peu plus neutre qui viserait le rapprochement,
l'information, qui viserait aussi un certain nombre de pressions à
exercer sur les parties. Je me demande si du point de vue moral, finalement,
les bénéficiaires ne pourraient pas exercer un rôle fort
intéressant mais à la condition de ne pas être dans le
processus décisionnel. Est-ce que vous avez réfléchi
à cet aspect, à savoir la place précise que pourraient
occuper les bénéficiaires?
M. Alain: Je crois qu'en prenant notre place dans ce processus on
pourrait, comme vous le disiez tout à l'heure, chercher une
unité, si vous voulez. Seulement, est-ce qu'on a déjà
expérimenté le rôle qu'auraient à jouer les usagers?
Est-ce qu'on a donné les outils pour que, librement, les parties
puissent avoir recours aux usagers qui, bien souvent, comme on vous l'a
démontré aujourd'hui, ont une vision un peu différente des
choses? Seulement, dans la pratique, depuis des années, on n'a jamais
retenu leur participation et, surtout, on a un peu sous-estimé leurs
ressources, leur rôle. C'est justement cette mentalité qu'on
essaie de changer.
M. Guilbert (Mario); M. le député, c'est qu'on a
utilisé aussi les usagers. Ils se sont fait ballotter d'un
côté et de l'autre à toutes les négociations depuis
à peu près 20 ans, chacun croyant être le bon
défenseur des usagers, que ce soit dans les secteurs de
l'éducation, des services sociaux et autres. Finalement, ils n'ont quand
même pas eu davantage de poids dans les négociations. C'est ce
qu'on veut dire.
Restreindre l'influence des usagers à des propos techniques, je
trouve cela un peu paradoxal. Pourquoi les débats seraient-ils
techniques pour les usagers et ne seraient pas techniques pour les parties
patronale et syndicale? Si c'est compréhensible pour les patrons, le
gouvernement et les centrales syndicales, je ne vois pas pourquoi cela ne
serait pas compréhensible également pour les usagers. À ce
niveau, personnellement, j'interprète votre question comme étant
un peu insuffisante.
M. Leduc (Fabre): J'aurai peut-être l'occasion d'y
revenir.
Le Président (M. Lachance): Très bien.
C'est effectivement le cas, puisque votre temps était
écoulé. Je cède la parole au député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais saluer les
représentants de la Fédération des associations
étudiantes collégiales du Québec. Cela nous fait toujours
plaisir de causer avec les représentants de ceux qui sont
considérés comme les usagers, pour employer une expression
consacrée qui définit très imparfaitement ce que vous
êtes.
Je pense qu'on doit reconnaître que, dans plusieurs conflits qui
ont surgi dans le passé, les grands oubliés ont été
les usagers, non seulement dans le secteur de l'éducation mais dans les
secteurs de la santé, des transports et, également, dans le
secteur énergétique. Il est sûr qu'il faut se poser cette
question de manière consciencieuse mais, en même temps, la
solution est extrêmement difficile. Si on parle, par exemple, de la
participation des consommateurs aux décisions à la Commission de
transport de la Communauté urbaine de Montréal, comment
allons-nous les regrouper aux fins de participation à ces
décisions? Là, il y a un problème énorme qui se
pose et qui n'a pas trouvé de solution satisfaisante.
On a des processus dans nos lois concernant les cégeps en
particulier, concernant les hôpitaux, qui prévoient une
participation des usagers aux conseils d'administration. Je parlais justement
tantôt avec les représentants de la Fédération des
cégeps qui étaient ici. Moi-même, j'ai reçu une
convocation ces jours-ci pour assister à titre de parent à une
réunion convoquée par une des personnes qui sont venues nous
rencontrer tantôt. J'ai dit que j'allais essayer d'y aller. Il m'a dit:
Sur à peu près 3000, vous allez être 25. Il a dit: On va
être très heureux que vous soyez là. Vous serez le
numéro 26. Est-ce que ces 25 personnes peuvent vraiment prétendre
parler au nom des 3000? C'est un immense problème. C'est la quadrature
du cercle. Moi-même, je n'ai pas de solution. On en cherche tous
ensemble. Ce n'est pas facile à trouver.
Ceci pour dire qu'autant l'usager ou le consommateur peut être
fort, éloquent et efficace aussi, je pense, quand il présente sa
situation comme victime de certains conflits, autant je suis loin d'être
sûr que de l'associer au processus des décisions va être la
solution. Il y a peut-être même un avantage, en y pensant comme il
faut, à ce qu'il ne soit pas dans le processus de décision, pour
avoir une voix plus indépendante, plus forte, justement, pour pouvoir
véritablement interpeller les deux parties avec toute la vigueur
nécessaire.
Je vous pose le problème bien simplement, ce n'est pas une
affirmation que je fais, c'est une question qui me vient à
l'esprit. Je voudrais simplement vous signaler - cela n'a pas
été mentionné, je pense, jusqu'à maintenant - que
déjà, en vertu de la loi actuelle, vous autres, vous êtes
du côté de la partie patronale. Je crois qu'en vertu de la loi sur
les cégeps il y a deux représentants des étudiants qui
siègent au conseil d'administration à titre de membres
égaux avec les autres. Ces représentants, si je me souviens
exactement de ce que dit la loi sur les associations étudiantes, sont
désignés par l'association étudiante. Donc, vous avez
déjà un pied dans la partie patronale. Vous allez me dire que
c'est un pied extrêmement timide et menu par rapport à celui que
d'autres ont, c'est vrai, mais je ne sais pas si vous avez tiré toutes
les possibilités d'influence que représente ce mode de
représentation. S'il n'en représente pas du tout, moi, à
votre place, je dirais que je n'en veux pas; s'il en représente, je
pense que vous avez le devoir de l'exploiter au maximum. Peut-être que
cela a été fait de manière relativement inefficace, je ne
le sais pas, mais il y a quand même quelque chose là.
À titre de membres du conseil d'administration, je pense que vous
pouvez manoeuvrer autant que les autres pour essayer d'être
présents dans tel ou tel comité de travail que crée le
conseil d'administration, surtout quand il arrive un conflit de travail. II me
semble que vos représentants au conseil devraient dire: Nous autres, on
est les premiers concernés et on veut être là, on veut
être présents dans les organismes qui vont vraiment décider
des choses. Si on vous refuse cette présence, vous avez un pouvoir
d'intervention auprès de l'opinion comme les autres. Si vous trouvez que
deux, ce n'est pas assez, vous pouvez peut-être en demander trois. Je ne
le sais pas. Il y a quelque chose qui n'a pas été exploité
et cela m'étonne qu'on n'en parle pas dans la présentation que
vous faites parce que ce sont quand même des réalités de
départ. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus
tantôt.
Deuxième remarque que je voudrais faire. Je ne crois pas qu'il y
aurait de difficulté à avoir un étudiant ou deux au
conseil d'administration de l'Institut de recherche sur la
rémunération. Cela me semble assez facile parce que c'est un
organisme qui est clairement identifié. Ils vont en nommer deux qui
viennent d'ici, deux de là et, s'ils en prennent deux qui viennent du
secteur étudiant, je pense que ce peut être une bonne chose, si
l'organisme est formé sur une base représentative. Si on retenait
la perspective qui était proposée tantôt par la
Fédération des cégeps, eux disaient que ce devrait
plutôt être des économistes et des spécialistes de
différentes disciplines que des représentants de corps
d'intérêt. À ce moment, cela change l'affaire. Mais, si ce
doit être sur une base représentative, vous avez votre place
là. Je pense que le ministre a laissé entendre tantôt qu'il
voyait cela d'un oeil très sympathique et, là-dessus, nous
aussi.
Mais, quand on arrive au processus de négociation, vous dites: On
veut être introduit quelque part entre 28 et 39, je pense. C'est ce qui
est dit dans votre mémoire à la page 3. Dans une
négociation, s'il arrive un conflit, il y a la partie patronale, dont
vous êtes un élément minoritaire, mais dont vous
êtes, et il y a la partie syndicale, dont vous n'êtes pas, à
ma connaissance, et il va se former une médiation. Si c'est un
médiateur-arbitre, vous n'avez pas d'affaire là-dedans. On peut
bien vous demander votre opinion quant au gars qui va être nommé,
mais, dans quatre cas sur cinq, je ne pense pas que cela va influencer
grand-chose ou que ce soit nécessaire de trop multiplier le champ des
consultations obligatoires de ce côté.
Si c'est une équipe de médiation de trois, ce ne serait
peut-être pas mauvais d'essayer cela: le président - un
étudiant -un représentant syndical et un représentant
patronal; peut-être qu'il arriverait à des choses aussi
sensées qu'eux. (12 h 45)
Un observateur? Dans les réunions d'une équipe... D'abord,
là, c'est plutôt un médiateur individuel qui est
conçu dans le projet de loi plutôt qu'un
médiateur-équipe. Je voudrais vous demander comment vous voyez
cela. Moi, je ne le vois pas, pour être franc avec vous. Je vous le dis
bien simplement parce que je n'ai pas coutume de laisser entrevoir des choses
auxquelles je ne crois point. Comment verriez-vous l'introduction de la
dimension que vous représentez dans les articles 28 à 39?
Si vous avez des commentaires sur le premier aspect de mon intervention,
utilisation plus efficace ou plus pesante du levier que vous détenez
déjà par le biais de la présence que vous avez au conseil
d'administration.
M. Alain: La présence qu'on a au conseil d'administration
a deux tranchants. D'un certain côté, on va chercher une
information mais, au niveau des rapports, les administrateurs ont un peu la
même attitude que dans l'hypothèse que vous avez soulevée,
par exemple, au niveau de la représentativité. On se fait souvent
dire: Est-ce que tu as consulté tous les étudiants sur ça,
etc. ? Ils essaient de discréditer nos propos à partir de
ça.
De dire: Est-ce que ça vous donne la plate-forme pour
réussir lorsqu'il y a une formation de comité ou non, embarquer
dans le comité... C'est toujours un peu arbitraire dans un sens, parce
que, quand ils nous permettent d'embarquer dans un tel comité,
c'est un peu pour observer ce qui va se passer dans ce comité.
Quand on veut y participer pleinement, on nous consulte mais on ne nous
considère pas comme étant partenaires d'égal à
égal. Les étudiants, ce sont des étudiants. Essayons de
les laisser en dehors de ça. Par exemple, conservons nos acquis, nos
réalités et ne laissons pas une troisième partie venir
peut-être influencer ou arracher une partie d'un pouvoir ou d'une
responsabilité qui incombe particulièrement à l'un ou
l'autre groupe.
M. Ryan: Si vous me permettez de continuer, je ne vous
suggérerais pas, si vous me demandiez mon avis, de vous identifier
à la partie patronale dans la négociation. Je ne pense pas que ce
serait une bonne chose. Je pense que vous seriez vite embarqués dans le
genre de considérations dont vous avez parlé qui
enlèverait énormément de crédit moral à
l'influence que vous pourriez exercer sur le déroulement d'un conflit.
C'est une opinion, ça vaut ce que ça vaut pour les raisons que
vous avez données parce qu'ils sont portés à faire leur
jeu entre eux autres. Il y a toute une série de choses qui sont
déjà entendues entre les deux parties et elles considèrent
que l'étudiant arrive là-dedans, qu'il vient un petit peu de
loin. Par exemple, demander une chose comme celle-ci...
M. Alain: Je suis d'accord avec vous, monsieur, mais on oublie
souvent que ces décisions ou cette protection de ces choses-là se
font à notre détriment, bien souvent. C'est ça qui est
oublié là-dedans. On est parfaitement d'accord avec ce que vous
nous dites là, mais il faudrait établir une nouvelle dimension,
un respect, si vous voulez, face aux usagers, qui n'existe pas
actuellement.
M. Ryan: On cherche le dénominateur commun parce qu'on
s'entend sur l'objectif et on s'entend également sur la situation
actuelle. En la résumant, je ne voudrais pas que vous pensiez que
j'approuve tout ce qui se fait, loin de là. Mais je cherche quelque
chose qui pourrait être réel, atteignable et dans le respect de ce
qui existe aussi dans la mesure où on n'a pas quelque chose de meilleur
à mettre à la place. Est-ce que ça pourrait être une
formule la présence obligatoire d'un représentant des
étudiants aux séances de négociation? Là, au moins,
vous auriez l'information de première main, vous pourriez la communiquer
à vos commettants de première source et pas seulement à
partir du résumé hélas! fort souvent incomplet et
tendancieux que pourrait vous donner l'une ou l'autre des deux parties.
M. Alain: Cette proposition s'inscrit dans l'esprit de notre
mémoire.
M. Ryan: C'est une chose à laquelle vous ne
répugneriez pas.
M. Alain: Sûrement pas.
M. Ryan: Qui pourrait s'inscrire, comme vous le dites, dans la
ligne de votre revendication.
M. Guilbert: En ce qui me concerne, M. le député,
je n'ai pas tellement compris tantôt l'intervention que vous avez faite
à savoir comment 25 personnes pourraient parler pour 3000. Vous pariiez
de la Fédération des cégeps. Je n'ai pas compris votre
inquiétude là-dessus puisque le système de notre
société est fondé sur des formules de
représentation. On est dans le lieu où c'est peut-être le
plus évident; 122 personnes qui ont à parler pour 6 500 000
personnes. Là-dessus, je n'ai pu comprendre votre inquiétude.
D'autre part, en ce qui concerne...
M. Ryan: Je vais vous l'expliquer.
M. Guilbert: Pardon?
M. Ryan: Je vais vous l'expliquer après.
M. Guilbert: Oui. J'attends votre réponse avant. En ce qui
concerne la présence des étudiants dans les conseils
d'administration, les professeurs le sont, eux aussi, dans les conseils
d'administration. Là-dessus, tantôt, vous disiez: Est-ce que ce
n'est pas un lieu pour aider à résoudre les problèmes? Mon
Dieu, si c'était là le véritable lieu, puisque toutes les
parties sont présentes, cela se réglerait, mais ce n'est pas
à cela qu'on assiste.
M. Ryan: Je vais vous donner une brève explication sur mes
25, pour commencer. Quand vous avez une loi qui prévoit un mode de
participation à la direction d'une institution et que cela donne comme
résultat que, sur 3000 votants possibles, il y en a 25 qui sont à
l'assemblée, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas bien dans le
système. Il faut améliorer cela. Cela n'a pas de bon sens pour
des raisons qui sautent aux yeux. Je serais bien gêné d'être
un des parents élus pour parler au nom des 3000. Si j'étais
élu seulement par 25, je ne parlerais pas trop fort.
M. Alain: À mon avis, il faut aller chercher plus
profondément la cause de cette manifestation du problème.
M. Ryan: C'est correct.
M. Alain: À mon avis, c'est parce que,
précisément, il n'y a pas de pouvoirs, il n'y a pas de
responsabilités. Ces gens-là n'ont
pas de poids. C'est pour cela qu'ils deviennent
désillusionnés. Ils n'ont pas de force.
M. Ryan: Je voudrais simplement faire une comparaison avec le
député, parce que vous l'avez ouverte tantôt. Je peux vous
assurer, d'abord, qu'aux élections il y a à peu près 80%
des gens qui participent. Vous n'avez pas idée du nombre de choses que
le député doit faire entre deux élections pour revenir la
fois suivante. Il est surveillé de très proche surtout dans les
comtés ruraux. Je pense que ceux qui sont ici avec moi vont en
témoigner, c'est beaucoup plus exigeant que d'aller à une
réunion une fois. Je me vois à la réunion à ce
cégep-là, je ne connais même pas les autres parents et on
va voter le soir même pour choisir des gens. Cela n'a pas de bon sens. Il
y a quelque chose qu'il faut trouver pour améliorer cela. Vous dites
qu'il faut remonter aux causes. D'accord, les causes, on les cherche tous,
évidemment.
Pour revenir à notre problème, en ce qui vous touche, j'ai
fait une proposition en tout cas: représentation obligatoire aux
séances de négociation. Je ne peux pas vous garantir que, quand
ils vont aller se ramasser dans des suites d'hôtel à 2 heures du
matin, ils vont vous inviter, mais les séances officielles, vous auriez
le droit d'être là. Peut-être que le gouvernement pourra
considérer cela dans sa loi. Est-ce qu'il y a d'autres moyens de
réaliser votre voeu pour 28 à 39? C'est ma question.
M. Alain: II faut quand même, M. Ryan, offrir aux parties
une médiation de groupes d'intérêt public - comme c'est
offert au niveau national - au niveau local, à notre avis, et non pas
encore limiter les usagers à un rôle de consultation ou de
spectateur d'une pièce de théâtre quelconque. Pour nous,
c'est précisément cette pratique-là qui est rituelle que
l'on veut changer. C'est dans cet esprit qu'on dit que, pour nous, la solution,
c'est d'introduire l'usager dans le mécanisme de décision, en
tout cas, d'en offrir la possibilité, ce qui n'a jamais
été fait. C'est un nouveau volet.
M. Ryan: Très bien. Savez-vous? Il y a une chose que je
n'avais pas saisie dans ce que vous avez dit et je suis content que vous ayez
insisté. Il y a une disposition à l'article 25 qui touche
à ce que vous dites. On dit: "Les parties peuvent faire une entente sur
une procédure de médiation différente de celle
prévue par les articles 23 et 24". Cela, c'est à l'échelle
nationale, mais cela pourrait très bien être transposé
à l'échelle locale également.
M. Alain: C'est exactement ce qu'on demande.
M. Ryan: Ensuite, on dit: "Elles peuvent notamment avoir recours
à un conseil de médiation ou à un groupe
d'intérêt public. "
M. Alain: Voilà, c'est cela qu'on demande.
M. Ryan: Je vais vous dire, je suis d'accord avec vous à
100% qu'on peut, en particulier, la collectivité étudiante
représentée par ses associations légalement
constituées... Je pense qu'il y aurait quelque chose à ajouter
ici qui serait très bon surtout au niveau local. Je n'avais pas saisi ce
joint-là parce que, dans la section 28 à 39, il n'est pas
question de cela. Il faudrait transposer dans 28 à 39 ce qui est
l'article 25 et ajouter une précision au point de vue étudiant.
Là, personnellement, je trouve que l'idée a beaucoup de bon sens.
Cela reste, cependant, une chose à laquelle les parties peuvent
recourir, surtout quand on parle de groupes d'intérêt public, et
vous l'êtes au premier chef.
M. Alain: Exactement. Puisque, finalement, on peut appeler cela
un peu "laver notre linge sale en famille", dans le milieu les pressions seront
faites en conséquence, éventuellement. Nous considérons
que nous avons notre mot à dire à ce sujet. Qu'on fasse soit un
recours collectif ou une autre mesure, je trouve que ce n'est pas de la
prévention, c'est tout simplement vouloir guérir, mais je pense
qu'il faut établir des mécanismes de prévention à
ce niveau.
M. Ryan: Oui.
M. Alain: Mais je suis content que vous partagiez notre avis
à ce niveau, M. Ryan.
M. Ryan: Oh oui! À notre sens, il n'y a pas de
problème là-dessus. Je pense que c'est intéressant. C'est
une idée qui vient enrichir la perspective. Mais il y a là une
chose qui vous sépare de l'avant-projet de loi, cependant. Vous voudriez
que le droit de grève soit maintenu moyennant, cependant, des limites
que vous avez indiquées dans votre texte et dans les explications que
vous avez données tantôt à M. le ministre de
l'Éducation.
Pensez-vous réellement que cela serait une bonne chose de revenir
à un régime où on pourrait avoir des grèves
à intervalles différents dans une centaine d'institutions
différentes dans tout le Québec autour d'enjeux qui pourraient
évidemment varier continuellement, donner lieu à de la
surenchère de propagande? À un moment donné, vous savez
comment un conflit se fait. On a vu le conflit de Saint-Ferdinand d'Halifax,
récemment. Personne n'aurait pensé qu'il pouvait y avoir une
grève à
propos d'une affaire comme cela.
Finalement, cela prend des proportions énormes et cela dure
pendant des semaines et des semaines. Est-ce que vous avez bien pensé au
danger qu'on ait cela continuellement sur le territoire?
M. Alain: Si vous nous permettez...
M. Ryan: Si vous me permettez, je vais finir ma question. Comment
allez-vous régler la grève? Est-ce que vous la laissez aller
seulement sur le jeu du rapport de forces ou si vous envisagez quelque
chose?
M. Alain: Voyez-vous, pour nous, si les usagers
réussissent à avoir la place qui leur revient finalement,
à notre avis, on va pouvoir éviter ces confrontations, en tout
cas, dans un premier temps. Advenant le cas que les syndiqués
retiendraient cette option, il pourrait, éventuellement, y avoir place
à de nouveaux décrets. De toute façon, l'abolir comme il
l'est maintenant ne va que stimuler un mécontentement au maximum et va
dégénérer en une grève.
Pour nous, le problème n'est pas là. C'est qu'il faut
donner les instruments au niveau local, puisque maintenant la
négociation est au niveau local, pour prévenir ces conflits.
Mais, a notre avis, il faut quand même laisser aux syndiqués ce
droit depuis longtemps reconnu qui est de recourir à ce moyen de
pression. Nous pourrons précisément voir dans la pratique quelles
sont les améliorations et si, éventuellement, ils vont avoir
à y recourir. Pour nous ce n'est pas clair qu'ils vont l'utiliser, en y
introduisant une médiation des usagers des services. Ce n'est vraiment
pas clair.
Si, précisément, ils retiennent cela, à un moment
donné, nous pourrons dire encore une fois notre opinion et, selon la
conjoncture, prendre les moyens pour faire valoir nos droits soit pour inciter
les professeurs à retourner dans les classes ou, simplement, inciter le
gouvernement à... C'est selon le cas, parce qu'il faut prévenir
aussi. Est-ce que cela clarifie un peu?
M, Ryan: Oui. Je vous remercie beaucoup. Il y aurait bien
d'autres questions mais le temps est pratiquement écoulé. Je
pense qu'on aura l'occasion de poursuivre cette discussion sous d'autres
auspices.
Le Président (M. Lachance): Merci. Je voudrais remercier
les représentants de la Fédération des associations
étudiantes collégiales du Québec d'avoir pris la peine de
préparer un mémoire et de venir ici en commission parlementaire.
Merci beaucoup, madame, messieurs, de votre présence iciaujourd'hui. Il ne nous reste qu'à souhaiter que vos
préoccupations se traduisent dans la réalité. Merci
beaucoup. Oui, M. le député de Fabre. (13 heures)
Motion proposant d'inviter la coalition
syndicale
M. Leduc (Fabre): Je voudrais faire motion, M. le
Président, compte tenu que nous sommes sur le point d'ajourner nos
travaux. Avant l'ajournement, je voudrais faire motion pour que la commission
du budget et de l'administration qui étudie l'avant-projet de loi
traitant du régime de négociation des conventions collectives
dans les secteurs public et parapublic sollicite les représentants de la
coalition syndicale qui regroupe les centrales syndicales, et les syndicats non
affiliés des secteurs public et parapublic à venir nous faire
connaître leurs points de vue respectifs dans les meilleurs
délais. Je vous demande, M. le Président, d'accepter cette
motion. Si elle est acceptable, je vous demande de me permettre de faire un
certain nombre de commentaires sur cette motion.
Le Président (M. Lachance): En ce qui concerne le
recevabilité de la motion, selon nos règles de procédure,
il n'y a aucun doute là-dessus, M. le député, il n'y a pas
de problème. J'aimerais bien avoir le libellé de votre motion
aussitôt que ce sera possible. Vous avez la parole, M. le
député. Le député de Portneuf pourra
poursuivre.
M. Pagé: Sur la recevabilité, je voudrais seulement
vous soumettre quelques commentaires qui sont de nature à exiger de vous
une réflexion peut-être un peu plus poussée en regard de la
recevabilité. On sait que l'Assemblée nationale peut se prononcer
par loi ou par motion. On sait qu'une motion, c'est un geste en vertu duquel
l'Assemblée ou encore sa prolongation dans le cas qui nous occupe, parce
que nous sommes en commission parlementaire... C'est donc dire que c'est tout
comme si l'Assemblée nationale siégeait. Le libellé de la
motion est tel que son interprétation doit être
précisée.
On se rappellera qu'au début de nos travaux un appel a
été lancé par moi-même, auquel a ajouté sa
voix le ministre délégué a l'Administration, demandant
à tout autre intervenant, et plus particulièrement les groupes
syndicaux, qui serait intéressé à venir témoigner
devant cette commission de le faire. Ce que je me demande, c'est ceci: On sait
qu'une commission parlementaire a le pouvoir de convoquer des témoins
dans le cadre de ses travaux. Cela a été fait à quelques
reprises. Qu'il suffise de se référer à la commission
parlementaire qui a étudié la question du règlement hors
cour de la Baie James; qu'il suffise de se référer à la
commission parlementaire qui a siégé au
début de l'année 1976, à la commission de
l'Assemblée nationale, si ma mémoire est fidèle, et qui
concernait le traversier-rail de Matane à Godbout où, à la
suite d'une motion comme celle présentée par le
député de Fabre, avec un libellé analogue, des gens se
sont vu enjoindre l'ordre de venir témoigner devant la commission qui
étudiait un problème donné.
Je crois comprendre que ce que recherche le député de
Fabre, ce qui est tout à fait légitime, c'est que cette
commission formule essentiellement le voeu dans le sens que des groupes
organisés qui auraient été normalement susceptibles de
venir témoigner devant la commission, premièrement, qui auraient
été susceptibles d'y ajouter une contribution importante au
niveau de la réflexion, du débat et des discussions
révisent leur position et qu'ils viennent ici. C'est bien
différent que d'adopter une motion à notre commission et de leur
demander de venir, auquel cas cela devient un ordre de la commission; et, si
l'ordre n'est pas respecté, la commission peut intervenir pour imposer
une pénalité quelconque à un groupe qui ne respecterait
pas l'ordre de la commission. Car un ordre de la commission, en droit
parlementaire, cela devient un ordre de la Chambre, et une personne qui refuse
d'accéder à un ordre de la Chambre se retrouve dans la même
situation juridique que si elle commettait un outrage au tribunal. Je vous
demanderais de bien analyser le libellé de la motion afin que cela ne
soit pas considéré comme tel; et, afin que cela ne soit pas
considéré comme tel, je crois, quant à moi, que la motion
ne devrait pas être présentée, premièrement, compte
tenu des précédents et, deuxièmement, compte tenu des
effets pour l'avenir. Comme c'est là, une commission -je terminerai
là-dessus - ne peut pas parler pour ne rien dire. C'est une demande,
c'est une convocation ou cela n'en est pas une. On ne peut pas faire une motion
pour formuler un voeu non plus.
Essentiellement, si on a un voeu à formuler, je pense qu'on peut
faire un tour de table assez rapidement, et tout le monde sera unanime à
constater que la demande, la proposition et le voeu avaient déjà
été formulés. Cela peut être
réitéré tout simplement dans le cadre d'un propos, mais je
ne crois pas, quant à moi, que la motion soit recevable. Si elle est
recevable, à ce moment-là, cela devient un ordre de la commission
et ces gens doivent venir témoigner devant nous. Je ne crois pas que ce
soit là l'objectif du député.
Le Président (M. Lachance): Sur la recevabilité, M.
le député de... Oui.
M. Ryan: Question de règlement, au préalable, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryans Je constate que nous avons dépassé la
treizième heure. Le consentement de tous les membres est-il requis pour
que la discussion continue?
Le Président (M. Lachance): Vous avez raison, M. le
député d'Argenteuil. Je dois refuser mon consentement parce que
nous sommes convoqués à une réunion de la commission de
l'éducation et de la main-d'oeuvre pour 13 heures.
M. Clair: Alors la commission reprendrait ses travaux à 15
heures à ce moment-là.
Le Président (M. Lachance): Nous n'avons pas d'ordre, dans
le plan d'organisation des travaux qui nous a été donné
par le leader, pour revenir ici.
M. Pagé: Pour votre gouverne, nos travaux se poursuivent
demain en sous-commission.
Le Président (M. Lachance): En sous-commission.
M. Pagé: Nous avons trois heures allouées. Il sera
très certainement possible de formuler... J'ai cru comprendre - et le
ministre me corrigera si je me trompe - que l'objectif du député
c'était que la commission formule à nouveau le voeu que ceux qui
auraient pu se faire entendre puissent le faire et qu'ils réagissent
assez vite pour... On pourra le faire demain à la fin de nos travaux en
sous-commission.
M. Clair: M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.
M. Clair: Disposons d'abord rie la question de la poursuite de
nos travaux. Je voudrais indiquer là-dessus qu'on dépasse 13
heures effectivement. Les travaux de la commission étaient prévus
pour durer également cet après-midi et ce soir. Il y avait eu
l'entente entre les formations politiques qu'il y aurait du temps de disponible
à la fin des travaux de la commission et non pas de la sous-commission
pour que les deux partis puissent tirer les conclusions par un bilan des
travaux de cette commission. Le député de Portneuf se souviendra
de cette entente. De deux choses l'une: ou on continue maintenant sur
consentement ou les travaux devraient reprendre à 15 heures.
M. Pagé: Mais, M. le ministre,
comment pouvez-vous - et, là, cela va vous aider, j'en suis
persuadé - tirer une conclusion des travaux avant que la commission
n'ait terminé ses travaux, en l'occurrence demain par la sous-commission
qui va siéger? Ce serait, le moins que je puisse dire, assez insultant,
mercil D'abord, pour les groupes qu'on va entendre demain. J'ajouterai que,
normalement, lorsqu'on siège en sous-commission, on devrait faire
rapport à la commission. En fait, la conclusion de nos travaux se fait
soit demain en sous-commission ou elle se fera au moment où cette
commission siégera pour entendre le rapport de la sous-commission.
M. Clair: M. le Président, le député de
Portneuf confond les rôles de la sous-commission et de la commission. La
commission parlementaire était prévue pour siéger cet
après-midi et ce soir également. Nous avons épuisé
plus tôt que prévu la liste des intervenants qui s'étaient
annoncés en commission parlementaire. Les travaux devraient normalement
continuer à 15 heures...
M. Pagé:... pour étudier la motion. Point final
à la ligne.
M. Clair:... pour étudier la motion, et si on donne un
temps de parole de 20 minutes à chacun, sauf erreur, dans les travaux de
la commission, de part et d'autre, chacun utilisera les 20 minutes qui lui sont
allouées pour dire ce qu'il a l'intention de dire. À ce
moment-là, je sais très bien que la conclusion finale de toute
l'opération de la commission et de la sous-commission qui doit
siéger demain ne pourra pas être tirée avant d'avoir
entendu tout le monde, cela va de soi. Les travaux, sur le plan strictement
technique, devraient continuer normalement à 15 heures cet
après-midi. Quant à moi, je n'ai pas l'intention de faire un long
débat et, si les députés de l'Opposition y consentaient,
il m'apparait qu'une quizaine de minutes de notre côté seraient
suffisantes pour terminer les travaux aujourd'hui.
Maintenant, sur la question de la recevabilité de la motion du
député de Fabre, M. le Président, le député
de Portneuf a lui-même fait une motion qui avait sensiblement le
même objectif...
M. Pagé:... pas fait de motion.
M. Clair:... elle a été adoptée en
commission parlementaire. Aujourd'hui, il plaide exactement le contraire.
M. Pagé: Je m'excuse!
M. Clair: Quand cela vient de l'Opposition il est pour, quand
cela vient de la partie ministérielle il s'y oppose.
M. Pagé: Bien, voyons doncl
M. Clair; Bien, voyons donc! Regardez tout le monde qui était
là...
M. Pagé: Ce n'est pas une motion que j'ai faite. Vous
êtes avocat par surcroît! Que cela vienne de quelqu'un qui n'est
pas avocat, cela ne me surpendrait pas, mais vous êtes avocat, vous
devriez être à même de comprendre que ce que j'ai
formulé...
M. Clair: M. le Président...
M. Pagé:... ce n'était pas une motion,
c'était un voeu. C'est bien différent!
M. Clair: Avez-vous le texte de ce qui a été
adopté?
Le Président (M. Lachance): Je ne l'ai pas ici. Je sais
que le député de Portneuf a présenté une motion en
bonne et due forme qui consistait...
M. Pagé:... à entendre M. Brunet.
Le Président (M. Lachance):... à indiquer a la
commission d'entendre M. Brunet, de la Coalition pour les droits des malades.
Cette motion a été adoptée à l'unanimité des
membres de la commission. Si ma mémoire est fidèle, il n'y a pas
eu d'autres motions du député de Portneuf, lors des travaux de la
commission.
M. Pagé: C'est cela. Ravalez vos paroles, M. le
ministre.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf, il ne faudrait quand même pas envenimer la situation.
M. Pagé: Non, non, mais quand même...
Le Président (M. Lachance): Jusqu'à maintenant,
cela s'est bien passé...
M. Pagé:... surtout de la part d'un avocat.
Le Président (M. Lachance):... et je regrette qu'à
la fin de nos travaux on en arrive à une situation semblable.
M. Pagé: II s'excuse...
Le Président (M. Lachance): Je voudrais indiquer, M. le
ministre et messieurs de la commission, qu'en ce qui concerne le mandat qui a
été donné à la sous-commission il est très
explicite, pour une durée de trois heures, de 14 h 30 à 17 h 30,
à Montréal, et le mandat est le suivant: "Lors de cette
séance, la sous-commission procédera à l'audition de la
Coalition pour les droits des
malades, dans le cadre de la consultation générale portant
sur l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des
conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. " C'est
très précis comme mandat. Le même problème se
poserait à nouveau demain, s'il n'y a pas unanimité des membres
de la sous-commission pour faire état de l'appréciation de ce qui
a été vécu lors des travaux que nous avons eus ici depuis
deux semaines. Si je comprends bien, il faudrait, afin de faire une
évaluation ou une discussion sur ce que nous avons entendu, revenir ici,
parce qu'il est exact que la sous-commission doit faire rapport de son mandat
à la commission.
M. Clair: M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.
M. Clair: Tout brillant juriste que je ne sois pas, selon l'avis
du député de Portneuf, je pense que la première question
dont il faut disposer actuellement, c'est: Est-ce que les travaux se continuent
ou non? Je pense que c'est à vous qu'il appartient de prendre une
décision. Est-ce que vous interprétez que nous avons
dépassé l'heure et, vu que le député d'Argenteuil
ne donne pas son consentement, que la commission doit cesser ses travaux? C'est
la première décision à prendre. La deuxième, si
vous considérez qu'on doit cesser les travaux est-ce qu'ils reprendront
à 15 heures ou non?
Après cela, je veux vous dire que je ne ferai pas un long
débat. Les commentaires, on peut les faire. Il y a des caméras de
télévision tout autour, on va donner à chacun notre point
de vue sur l'état d'avancement des travaux. Mais je pense qu'il aurait
été plus normal, après avoir entendu pendant plus de deux
semaines des organismes qui sont venus donner leur point de vue, que chaque
formation politique à ce stade-ci, sans se priver du droit de faire un
bilan à la fin des travaux de la sous-commission qui fera rapport
à la commission et pour lequel il y aura une réunion... Il me
semble que rien n'aurait empêché qu'un tel bilan provisoire puisse
être dressé. Si l'Opposition veut faire une guerre de
procédure là-dessus, on n'en fera pas. L'invitation du
député de Fabre a été clairement indiquée.
Je pense qu'il était possible et qu'il est souhaitable qu'une motion
d'invitation - cela peut se faire sans que celle-ci soit coercitive - soit
faite et adoptée par les membres de cette commission. Cela allait
exactement dans le sens et dans l'esprit de la proposition du
député de Portneuf au début des travaux. Si les membres de
l'Opposition ont changé d'idée et qu'ils ne veulent pas se
mouiller... Je sais qu'ils ne veulent pas se mouiller sur grand-chose et ils ne
veulent pas se mouiller sur cela, non plus. M. Pagé: Non.
M. Clair: Alors, vous décidez, M. le Président, si
les travaux arrêtent ou s'ils continuent.
Le Président (M. Lachance): Bon. En ce qui concerne
l'interrogation du député d'Argenteuil, c'est très clair,
cela prendrait l'unanimité des membres et je comprends qu'il n'y a pas
unanimité actuellement pour poursuivre les délibérations.
Cela est clair. Cela prendrait l'unanimité.
Deuxièmement, en ce qui concerne la recevabilité de la
motion, elle était recevable dans la mesure où nous pouvions en
discuter. Or, comme nous ne pouvons pas en discuter, je pense que cela termine
nos travaux - compte tenu du calendrier qui avait déjà
été établi et compte tenu que nous avons entendu les
représentants pour l'audition de 19 mémoires, ce qui est
terminé - sauf en ce qui concerne le mandat de la sous-commmission
demain. La seule façon de revenir avec la motion du député
de Fabre serait au moment où la commission recevra le rapport de la
sous-commission qui aura entendu la Coalition pour les droits des malades.
Cela dit, la commission du budget et de l'administration ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 13 h 15)