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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Thursday, February 7, 1985 - Vol. 28 N° 10-/A

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente du budget et de l'administration poursuit ses travaux avec le mandat de procéder à une consultation générale portant sur l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont: MM. Leduc (Fabre), Bisaillon (Sainte-Marie), Blais (Terrebonne), Pagé (Portneuf), Beaumier (Nicolet), Caron (Verdun), Gauthier (Roberval), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Mme Juneau (Johnson), MM. Lachance (Bellechasse), Laplante (Bourassa), Polak (Sainte-Anne), Ryan (Argenteuil), Tremblay (Chambly) et M. Clair (Drummond).

M. Clair: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, nous recevrons aujourd'hui des intervenants intéressés par la question des relations du travail dans le secteur parapublic, plus précisément dans le domaine de l'éducation. Mon collègue, le ministre de l'Éducation, viendra me remplacer à cette table à compter de 10 h 45 environ. J'aimerais qu'il puisse agir comme intervenant, me remplaçant moi-même pendant cette période à la commission. Je m'excuse à l'avance auprès des gens de la Fédération des cégeps du fait que, probablement, à la toute fin de la présentation de leur mémoire, je devrai quitter pour aller participer a une réunion du comité des priorités.

Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le ministre. Il n'y a pas d'opposition à ce qu'on suive votre façon de procéder, bien au contraire.

Fédération des cégeps

II me fait plaisir maintenant de souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des cégeps. J'inviterais immédiatement le vice-président, M. Gaétan Boucher, à bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

M. Boucher (Gaétan): Merci, M. le Président. Je me présente: Gaétan Boucher, vice-président de la Fédération des cégeps et président du conseil d'administration du collège Ahuntsic à Montréal. À ma droite immédiate, le directeur général du collège Maisonneuve et membre du conseil d'administration de la Fédération des cégeps. À ma gauche, Mme Christine Martel, directrice du personnel au collège de Saint-Hyacinthe et présidente de la commission des relations du travail de la Fédération des cégeps. À mon extrême droite, M. Yves de Belleval, directeur du service des relations du travail à la Fédération des cégeps et à mon extrême gauche, M. Yvon Robert, directeur général de la Fédération des cégeps.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Boucher. Je crois que vous n'avez pas identifié votre collègue de droite, vous ne l'avez pas nommément mentionné.

M. Boucher (Gaétan): M. Benoît Lauzière, directeur général du collège Maisonneuve.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. Boucher, je vous demanderais de bien vouloir vous restreindre, dans l'exposé que vous avez à faire, de façon que les parlementaires puissent vous faire part de leurs commentaires relativement à votre mémoire et vous poser des questions. Je vous cède immédiatement la parole. Allez-y.

M. Boucher (Gaétan): Merci, M. le Président. Messieurs les membres de la commission du budget et de l'administration, convaincue que l'heure de vérité approche sur cette question du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic, c'est avec confiance mais non sans inquiétude que la Fédération des cégeps qui regroupe sur une base volontaire les 44 cégeps du Québec se présente aujourd'hui devant vous. Avec confiance, parce que le débat a enfin été ramené sur la place publique et que le gouvernement semble déterminé à l'y maintenir. Avec inquiétude, parce que cela ne semblait pas aller de soi et que les centrales syndicales, privilégiées par le maintien du système actuel, ont tout intérêt à court-circuiter le processus législatif normal ou à s'y soustraire.

Au fait, cette hésitation et cette résistance ne révèlent-elles pas un malaise profond? Si les syndiqués ont raison de déplorer le fait que les conditions de travail sont de plus en plus décrétées par leur employeur État, le citoyen n'est-il pas justifié de craindre le pire s'il soupçonne son État législateur de vouloir négocier et faire arbitrer ses lois?

Mais revenons à l'avant-projet de loi qui nous amène devant cette commission. Disons d'entrée de jeu que nous partageons sans réserve la volonté du gouvernement, tant de fois exprimée, de clarifier le rôle de l'État, d'inverser les tendances centralisatrices et de sortir enfin le Québec des ornières de l'affrontement. Nous sommes en effet convaincus que la confusion des rôles et la centralisation sont à la source d'effets pervers de sorte que la situation qui en est résultée commande des modifications majeures au régime actuellement en vigueur et, surtout, un changement radical des perspectives. Malgré qu'ils soient connus depuis quelque temps déjà, il n'est pas inutile de vous rappeler quelques-uns de ces effets pervers.

Tout d'abord, notons le siphonnage par en haut de l'essentiel du statut d'employeur que les lois constitutives des cégeps leur octroyaient en faisant de ces institutions des corporations au sens du Code civil et, conséquence de ce phénomène, l'éclipse des instances et des acteurs locaux.

Notons également le discrédit dans lequel est tombé l'État qui s'est à ce point constitué partie négociable que, même lorsqu'il veut en sortir pour retrouver son rôle de législateur, il est accusé d'être un employeur déloyal. La limite est d'ailleurs atteinte. Les centrales syndicales ne perçoivent l'État que comme une partie a leur image et à leur ressemblance avec qui elles veulent négocier les lois d'égal à égal.

Notons aussi le sacrifice des droits des plus démunis sur l'autel des privilèges des groupes d'intérêt. Signalons également parmi les effets pervers le télescopage de l'établissement des conditions de travail dans un secteur donné et de la fixation des priorités de l'État et de la société et la politisation des négociations qui s'ensuit. Par ailleurs, signalons le désapprentissage pour les acteurs quotidiens d'une situation donnée, de penser et de régler les problèmes auxquels ils sont confrontés. Enfin - et surtout - la perte de vue de la mission première des établissements, un service à assurer à ce point essentiel que l'État l'a déclaré public.

La confusion des rôles et la centralisation n'ont pas donné que ces effets pervers, mais nous devons en être suffisamment saisis pour être décidés à modifier en conséquence la situation qui les produit. L'avant-projet de loi déposé constitue-t-il, M. le Président, un remède adéquat au mal diagnostiqué? Oui, mais de façon partielle. En effet, la désynchronisation, c'est-à-dire l'étalement dans le temps de l'échéance des divers chapitres de la convention favorisera vraisemblablement des solutions négociées et sera de nature à diminuer le caractère sensationnel, voire dramatique des syndromes auxquels le régime actuel nous a habitués. De plus, cela permettra aux acteurs et aux contribuables concernés d'être mieux informés des enjeux spécifiques qui sontdébattus.

D'autre part, le mécanisme Je médiation proposé, compte tenu cependant du changement de perspective que nous proposons plus loin et les délais qu'il comporte, facilitera sans doute des rapprochements et réduira certainement le recours aux moyens de pression ultimes. Par ailleurs, le mode de détermination de la rémunération nous semble logique, réaliste et conforme à la conception généralement acceptée du rôle de l'État et à la pratique en usage dans un grand nombre d'États modernes.

Enfin, le renforcement des pouvoirs confiés au Conseil des services essentiels nous semble également bienvenu sans pour autant que nous soyons d'accord avec le maintien des droits de grève et de lock-out quand ils entrent en conflit avec le droit des personnes démunies. Ces améliorations étaient nécessaires et nous nous réjouissons de les retrouver dans l'avant-projet de loi. Nous vous soulignons cependant, M. le Président, avec insistance que l'économie générale de cet avant-projet de loi ne reflète pas le changement de perspective souhaitable et annoncé, eu égard aux deux questions qui constituent, à notre point de vue, le coeur du problème, la confusion des rôles et la centralisation. En effet, l'examen attentif du texte de l'avant-projet de loi auquel nous procédons aux pages 10 et suivantes de notre mémoire nous amène à conclure que l'État reste massivement présent dans la détermination des conditions de travail des employés des secteurs public et parapublic et que la décentralisation y est si mal assise qu'elle sera vite menacée et récupérée. Nous aurions pensé que l'État, étant intervenu à son niveau propre en fixant les composantes de la rémunération, eût laissé aux employeurs le soin et l'obligation de négocier avec leur syndicat respectif les autres conditions de travail. Ce n'est pas le cas puisque l'esprit et la lettre de l'avant-projet de loi prévoient qu'en règle générale, sauf exception, toutes les matières que contient la convention collective sont négociées et agréées à l'échelle nationale et ce, selon les règles de la mécanique actuelle totalement reconduites où tous les mandats émanent du Conseil du trésor.

Sans doute est-il prévu un niveau local de négociation. Mais là aussi, l'examen du texte de l'avant-projet révèle d'abord que les matières locales sont celles définies par les parties, entre guillemets, "nationales"; ensuite, que même la liste des matières locales apparaissant en annexe de l'avant-projet de loi ne sera protégée que si les parties, les mêmes semble-t-il, ne la définissent pas autrement. De plus, et cela ne peut que renforcer la perspective centralisatrice retenue, toute matière non prévue est automatiquement située au niveau national.

Comment se fait-il qu'un diagnostic si bien posé et une volonté si heureusement affichée de renverser la vapeur ne trouvent pas leur plein écho dans l'avant-projet de loi qui est soumis à votre examen et au nôtre? C'est que sur le fond, croyons-nous, il n'y a pas encore eu de renversement de perspective, seul moyen, selon notre expérience et notre réflexion, de remettre la machine à l'endroit et de repartir sur le bon pied. Mais, de fait, qu'est-ce qui serait un véritable changement de perspective? Un renversement de perspective efficace et fécond pour la suite des choses devrait, selon nous, se traduire par un texte législatif qui réserverait à l'État l'établissement de certaines conditions de travail de base, tels les salaires, le nombre d'heures hebdomadaires de travail, les quanta relatifs aux droits parentaux et aux assurances collectives. Toutes les autres conditions de travail seraient établies par et pour ceux et celles qui en assument les avantages et les inconvénients au vu et au su de leur clientèle.

Un renversement de perspective se traduirait aussi par le fait que ce ne serait plus exceptionnellement et avec la permission des instances centrales que des matières relèveraient du niveau local et apparaîtraient en annexe du texte de loi. La règle générale, alors, voudrait que, sauf certaines conditions de base établies par l'État, toutes les matières que contient la convention collective seraient objet de stipulations négociées et agréées à l'échelle locale. Il reviendrait alors aux détenteurs premiers du pouvoir et de l'obligation de négocier, à savoir l'employeur et l'unité d'accréditation de convenir de déléguer certaines matières à l'échelle régionale ou nationale.

Dans cette ligne de pensée, il paraîtrait normal que ce soient les employeurs entre eux et les syndicats entre eux qui décident de se regrouper pour la négociation de certaines matières ou d'en confier la négociation à un agent. Il nous apparaît aussi que les droits de grève et de lock-out doivent également être pensés dans ce contexte. Sauf pour des raisons de sécurité physique et de santé de certaines catégories de personnes démunies et dépendantes, nous ne voyons pas de raison d'abolir ces droits à l'échelle locale à condition, bien sûr, qu'exception faite de celles fixées par l'État, toutes les conditions de travail soient négociées à ce niveau. Pour être appétissant et crédible, un tel changement de perspective implique évidemment la mise en place de deux conditions relatives au régime financier juridique dont nous parlons vers la fin de notre mémoire.

En ce qui les concerne, les collèges demandent, d'une part, que leur régime budgétaire et financier soit modifié de façon qu'ils reçoivent en temps utile une enveloppe fermée et totalement transférable dont ils devront rendre compte conformément aux exigences de la comptabilité publique. Il y aurait lieu, d'autre part, de modifier leur loi constitutive de façon que les membres syndiqués du conseil d'administration non seulement ne puissent pas voter, mais encore, ne puissent pas assister aux délibérations relatives aux négociations concernant l'un ou l'autre groupe syndiqué représenté à ce conseil.

Voilà, M. le Président, les principales conclusions auxquelles la Fédération des cégeps en arrive, relativement aux modifications à apporter au régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Dès la fin de la dernière ronde de négociation, convaincue plus que jamais de la nécessité d'une redéfinition de ces régimes, la Fédération des cégeps a organisé un vaste colloque sur cette question. Les travaux menés à la suite de ce débat public aboutissaient aux positions de base arrêtées par nos membres au printemps dernier, positions à la lumière desquelles nous avons étudié l'avant-projet de loi présenté par le ministre délégué à l'Administration, M. Michel Clair.

Tant du point de vue de l'assainissement des relations du travail, du recentrage des missions premières des établissements que de la réappropriation à ce niveau des principaux outils de développement, il nous apparaît vivement souhaitable que cette commission, dans un premier temps, et l'Assemblée nationale bientôt, se rende à l'idée que la seule manière de donner suite adéquatement au diagnostic posé et de renverser les tendances centralisatrices dénoncées consiste à remettre la pyramide sur sa base tel que nous le suggérons.

Le niveau déjà atteint des conditions de travail comprises dans la rémunération, les protections garanties ailleurs dans l'avant-projet de loi ainsi que les changements de mentalité déjà visibles à la base devraient permettre a tous et à toutes d'entreprendre ce virage en toute sécurité et sérénité. Valable pour tous, rendant possible des

cheminements différents, ce renversement de perspectives convient d'autant plus au cégep qu'une décision gouvernementale récente les situe dans l'ordre d'enseignement supérieur, ordre dans lequel la perspective pour nous requise existe déjà.

Nous vous remercions de nous avoir reçus et si attentivement écoutés. Nous sommes à votre entière disposition, les personnes qui m'accompagnent et moi-même, pour répondre aux questions qu'aurait suscitées la lecture de notremémoire ou la présentation que je viens d'en faire. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Boucher. M. le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor.

M. Clair: M. le Président, j'ai déjà indiqué que malheureusement je devrai quitter dans quelques minutes pour participer à une autre réunion également fort importante et je tiens à m'en excuser.

Je voudrais quand même dire quelques mots pour remercier la Fédération des collèges d'enseignement général et professionnel du Québec d'avoir accepté, au cours des derniers mois, de nous communiquer son point de vue, de faire un travail intensif de réflexion et de propositions en ce qui concerne la réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic et de venir aujourd'hui nous soumettre ce mémoire qui, comme vous l'avez vu, M. le Président, est l'un de ceux qui comportent l'argumentation la plus forte, le plus fort plaidoyer en faveur d'une décentralisation très poussée.

Je n'aurai pas l'occasion d'en discuter ici aujourd'hui. J'ai déjà eu l'occasion de le faire avec certains des représentants de la Fédération des cégeps. J'espère cependant que mes collègues, tant de l'Opposition que du côté ministériel, auront l'occasion de discuter de toute cette proposition d'une décentralisation très poussée dans le réseau des cégeps, un peu, finalement - entre guillemets - "sur le modèle université" pourrait-on dire, avec des amendements également au conseil d'administration des cégeps, puisque, comme on a déjà eu l'occasion d'en discuter, cela irait de pair si une telle voie, semble-t-il, était retenue dans l'esprit des principaux dirigeants de la Fédération des cégeps.

Je voudrais cependant faire part aux gens de la fédération d'une inquiétude. Il ne fait aucun doute dans l'esprit du gouvernement que nous devons aller vers la décentralisation en matière de négociation dans les secteurs public et parapublic.

La préoccupation qui est la nôtre est celle de savoir s'il est possible d'envisager une décentralisation aussi poussée que celle que vous proposez tout d'un bloc. L'une des constatations que vous faisiez au début même de votre présentation, en page 4, "le désapprentissage" dites-vous, entre guillemets, pour les acteurs quotidiens d'une situation donnée de penser et de régler les problèmes auxquels ils sont confrontés, cela s'entend, au niveau local. Est-ce qu'il n'y a pas un risque qu'à vouloir aller trop rapidement, on ait de la difficulté à atteindre les objectifs souhaités? C'est là, dans le fond, tout le coeur du débat. Je ne vous cache pas que sans aucunement mettre en doute la représentativité de la Fédération des cégeps, j'ai moi-même eu l'occasion - vous vous en souviendrez sûrement - de participer à une assemblée générale de la fédération et de répondre à des questions et d'échanger avec vous sur ces questions, mais il n'en demeure pas moins que certains - avec un s, donc au pluriel - responsables, directeurs de personnel dans certains cégeps, nous indiquent privément qu'ils considèrent que oui il faut aller vers une décentralisation aussi avancée que celle que vous proposez mais se disent inquiets de procéder en un seul bloc aussi rapidement sans, d'une part - bien sûr, cela va toujours avec la demande - des ressources humaines additionnelles en termes de relations du travail. D'autre part, ils se disent inquiets aussi d'avoir à apprendre à négocier localement, finalement l'ensemble des conditions de travail avec une enveloppe budgétaire fermée. (10 h 30)

M. le Président, ce que je souhaite en tout cas avant de quitter, c'est que le débat porte beaucoup sur cela. Je pense que c'est possible encore de nous influencer dans les jugements qu'on aura à porter, que le gouvernement aura à porter de manière définitive avant de déposer un projet de loi. Je vous fais part bien humblement et bien honnêtement de notre préoccupation qui est celle-là: Oui à la décentralisation mais jusqu'à quel point peut-on aller sans risquer de compromettre l'atteinte des objectifs par un mouvement trop brusque?

Ceci dit, M. le Président, je laisserai mon collègue, le député de Fabre, et mon collègue, le ministre de l'Éducation, qui viendra se joindre aux autres prochainement, dans quelques minutes, le soin de discuter avec nos invités de la Fédération des cégeps. Si le député d'Argenteuil... Oui?

M. Ryan: Seulement une question avant que le ministre parte, si vous me permettez.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: D'après ce que les journaux nous ont appris, les cégeps relèvent désormais du ministre de l'Enseignement supérieur. Est-ce qu'on pourrait demander pourquoi cela va être le ministre de

l'Éducation qui sera ici et non pas le ministre de l'Enseignement supérieur pour la rencontre avec les cégeps?

M. Clair: Simplement, M. le Président, parce que le ministre de l'Enseignement supérieur est également membre du comité des priorités et qu'il participe à la même réunion que moi. Nous nous en excusons, mais j'ai cru que le ministre de l'Éducation serait sans doute le mieux choisi dans les circonstances pour venir remplacer et le ministre de l'Enseignement supérieur et moi-même.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Je cède donc la parole au député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Personnellement, je trouve votre mémoire fort intéressant. Je pense qu'il pose bien le problème, celui de la centralisation par rapport à la nécessaire décentralisation. À peu près tous les groupes que nous avons reçus jusqu'à maintenant ont insisté sur la nécessaire décentralisation des négociations. À quel rythme doit-on faire cette décentralisation? Je pense que c'est une question qui a été posée assez souvent devant nous. Comment doit se faire cette décentralisation? Selon quelle formule? Vous y allez de façon abrupte, c'est-à-dire qu'après avoir connu une vingtaine d'années de centralisation des négociations, vous arrivez subitement, enfin non pas subitement, parce qu'une réflexion a présidé à tout cela, mais vous proposez tout de même que, lors des prochaines négociations, on passe, de façon assez radicale, à une décentralisation presque complète des négociations. Cela nous amène à vous poser beaucoup de questions. Vous avez utilisé des termes comme "II faut remettre la machine à l'endroit", "II faut remettre la pyramide sur sa base". Fort bien, je pense qu'on s'entend sur cette nécessité de revaloriser le collège, de le responsabiliser davantage à l'intérieur de ses négociations.

Vous avez dit que l'État établit certaines conditions de base comme les salaires. Quant à la tâche, vous n'avez pas trop explicité. J'aurai certaines questions à poser en rapport avec la tâche. En ce qui concerne la sécurité d'emploi, vous n'avez pas tellement explicité non plus. La sécurité d'emploi doit-elle être négociée au niveau local? Doit-on laisser au palier national uniquement la question salariale? Ce sont des questions fort importantes, parce que, contrairement aux universités, les collèges fonctionnent tout de même dans un réseau qui est bien établi.

La première question que j'ai à vous poser est la suivante: De façon générale, doit-on comprendre qu'à défaut d'entente entre les parties locales aucune matière ne peut faire l'objet de négociation nationale et que les seuls objets ne faisant pas partie de la négociation locale seraient établis, décrétés par l'État? C'est ma première question.

M- Lauzière (Benoît): Sur cette question, effectivement, la proposition que nous faisons, c'est qu'en principe, règle générale et non pas sauf exception, toutes les conditions de travail négociées au sens strict du terme, c'est-à-dire celles qui doivent résulter d'un accord entre les parties devraient être négociées au niveau local, l'exception étant l'établissement, la détermination par l'État d'un certain nombre de conditions de base relatives à la rémunération. Je pense que notre position est relativement claire là-dessus.

Si vous me le permettez, je vais seulement essayer de vous répondre quant aux interrogations et aux inquiétudes que vous avez manifestées et que le ministre Clair a également manifestées relativement au caractère précipité ou abrupt des propositions que nous tenons.

Il faut dire deux choses là-dessus. Ce qui est abrupt ou ce qui est peut-être trop clair, ce sont les principes sur lesquels nous appuyons la décentralisation, à savoir revenir à faire coïncider le pouvoir de négocier avec le statut d'employeur et dire d'une façon assez claire dans le fond que chaque intervenant dans la détermination des conditions de travail des employés doit agir selon sa nature propre: l'État, l'employeur, les syndiqués. Cela est une chose. Il nous semble important en tout cas, quand on parle de décentralisation, pour éviter dans le fond d'en parler sous forme de mode passagère ou de modalité de gestion à la mode un moment donné, si on veut l'asseoir vraiment, il faut revenir à des choses de base et les choses de base sont au niveau de l'employeur et de l'unité d'accréditation, compte tenu du mode de subvention de ces établissements-là et compte tenu des responsabilités de l'État quant à l'établissement justement des fonds requis. C'est autre chose de parler de la façon dont cela va se passer. Souvent, quand nous tenons le discours sur la décentralisation, en tout cas dans le genre de proposition que nous faisons, il y a une perception à savoir que, du jour au lendemain, tout se retrouverait de fait à recommencer à zéro et que tout se ferait seulement, uniquement et exclusivement, par définition, au niveau local. C'est une chose que de dire que le pouvoir de négocier est rattaché au statut d'employeur, c'est une chose de dire que toutes les conditions de travail négociées doivent l'être à ce niveau-là. Mais quand on regarde l'économie de l'avant-projet de loi, par exemple, on remarque que certaines conditions de base

qui sont justement de l'ordre des grosses différences - je pense aux composantes de la rémunération - nous demandons qu'elles soient établies par l'État.

L'avant-projet de loi contient des articles qui protègent éternellement la situation tant et aussi longtemps que les deux parties ne sont pas d'accord pour changer ce qui existe actuellement. On ne peut pas dire que la perspective de décentralisation, même celle que nous proposons, compte tenu des conditions de base établies par l'État et compte tenu de certaines protections pour les autres conditions de travail, on ne peut pas dire qu'on sombre dans le vide absolu. Je suis même porté à penser qu'il faudra plusieurs années, quelques années en tout cas, avant que le goût ne revienne de régler ce qu'on peut normalement régler au local. C'est dans ce sens-là qu'il faut faire une nette distinction. Notre projet de décentralisation établit le terme du voyage, si je peux m'exprimer, et rend possible à ceux qui le veulent de s'y adonner plus vite, mais permet également soit par le mode d'établissement de certaines conditions de base de travail et la protection sur d'autres conditions de travail, des cheminements fort différents. Ce qui est important, me semble-t-il, de fixer dès le départ dans une réforme d'un régime de négociation, c'est de statuer sur le fond de la question pour voir si les gens pensent bien la même chose et veulent la même chose à court ou à moyen terme et, ensuite, compte tenu de l'histoire réelle des établissements ou même des niveaux ou des ordres d'enseignement, comme on dirait aujourd'hui dans le domaine de l'éducation, de rendre possibles des cheminements différents. Il faut tenir les deux choses en même temps. Autrement, si on n'indique pas d'entrée de jeu où on peut aller si on veut y aller, on ne s'y rendra presque jamais, parce que la tendance n'est pas à la différenciation très grande. Dans beaucoup de couches de la société, dans la majorité de nos personnels -vous l'avez souligné d'ailleurs, même chez certains administrateurs, ce qui se comprend aussi puisque ces gens-là ne viennent pas de la planète Mars - la différence, dans le fond, est plutôt identifiée comme un péché mortel que comme une grâce d'état.

M. Leduc (Fabre): Alors, vous posez la question du cheminement. Vous parlez des cheminements...

M. Lauzière: Différents.

M. Leduc (Fabre):... d'étapisme pour arriver à un objectif que vous précisez bien dans votre mémoire. Sauf que, pour ce qui est de la prochaine négociation...

M. Lauzière: Oui.

M. Leduc (Fabre):... quelle serait donc l'étape que vous voyez dans ce cheminement? Quelle serait l'étape qu'on pourrait établir en vue de la prochaine négociation? Quel serait le rôle de l'État, le rôle d'un groupe patronal au niveau des cégeps et quelles seraient les matières qu'on pourrait laisser au niveau local dans cette perspective de cheminement? Je pense à la prochaine étape qui va arriver très bientôt.

M. Lauzière: Ce que nous disons sur les conditions de travail qu'on appelle les conditions de base dont les lourdes composantes de la rémunération - concept qu'il faudrait peut-être, d'ailleurs, un peu mieux définir parce que, dans les notes explicatives, on parle de rémunération globale et dans le texte de l'avant-projet de loi, on parle de rémunération et parfois on parle de salaire; il semble bien que la rémunération est un peu plus que le salaire au sens strict et un peu moins que la rémunération globale; il y a un flottement du concept. Relativement donc à ces conditions de travail, pour nous il n'y a pas d'étape, c'est-à-dire qu'il nous semble - c'est ce que nous proposons - que l'État doit être le maître d'oeuvre et décide de ces conditions, après une mécanique, évidemment, de consultation appropriée...

M. Leduc (Fabre): Je m'excuse.

M. Lauzière:... pour la rémunération.

M. Leduc (Fabre): Globale ou... Entendons-nous sur les termes. Est-ce une rémunération en termes de salaire ou une rémunération globale, c'est-à-dire ce qui touche en même temps tout le normatif lourd, coûteux?

M. Lauzière: Bon. Cela va. Nous, justement pour éviter l'ambiguïté du concept, on nomme les choses par leur nom quand on parle des conditions de travail établies par l'État: les salaires, le quantum, certains quanta relatifs, les droits parentaux, les vacances, les assurances, les régimes de retraite - il y a un certain nombre de choses - les jours fériés. On les nomme. Toutes les autres conditions doivent être juridiquement établies, en tout cas, négociables, négociées au niveau de l'établissement.

M. Leduc (Fabre): La sécurité d'emploi aussi?

M. Lauzière: La sécurité d'emploi, oui. Sauf qu'il faut bien se comprendre. Ce qu'on dit, c'est que, dans les faits, certaines conditions de travail qui doivent être négociées au niveau de l'établissement vont, par leur nature, pour certaines de ces conditions... De part et d'autre, les gens

vont avoir un intérêt à se regrouper de façon nationale et régionale pour les négocier. Là-dessus, prenons par exemple la sécurité d'emploi. On peut très bien penser, puisqu'on parle de la sécurité d'emploi, qu'il y a plus d'intérêt à négocier régionalement et intersectoriellement certaines choses relatives à la sécurité d'emploi. Je vais vous donner un exemple. C'est peut-être curieux que la sécurité d'emploi puisse, le cas échéant, "obliger" quelqu'un - je dis obligé entre guillemets parce que l'accord est maintenant à 50 - kilomètres - à aller dans une institution située à 50 kilomètres alors que, peut-être, dans le CLSC du coin, une infirmière en disponibilité pourrait très bien y travailler étant donné que son salaire est déjà garanti. Donc, concernant la sécurité d'emploi, il y a des mécaniques toutes nouvelles inventées là-dessus, de toute façon. Il faut dire qu'au niveau des cégeps, très factuellement, quand on parle de la sécurité d'emploi, je crois que la moitié des institutions - M. de Belleval me corrigera si je me trompe - à toutes fins utiles, compte tenu que la voisine est à plus de 50 kilomètres, ont une sécurité d'emploi institutionnelle et que, probablement dans la moitié plus une, plus 80% des autres, quand il y a un problème de sécurité d'emploi, c'est que, dans la discipline il y a un problème d'emploi à peu près partout sur le territoire. Là-dessus, je pense qu'il ne faut pas donner trop d'inflation, me semble-t-il, au caractère nécessairement, intrinsèquement universel ou national de la sécurité d'emploi. Ce qu'il est intéressant de remarquer, c'est que je regarde au niveau des autres personnels, le personnel professionnel et de soutien - chez les cadres et gérants, c'est la même chose également comme catégories de personnels - la responsabilité donnée aux institutions de régler ce problème à même les budgets qui leur sont alloués - il y a eu une relation de cause à effet, mais dans le temps, cela s'est passé comme cela - cela s'est réglé, il n'y a en plus beaucoup, sinon pas du tout, de ces critères au niveau des professionnels ou des employés de soutien. (10 h 45)

M. Leduc (Fabre): Vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question dans le sens...

M. Lauzière: Je m'excuse. L'étape.

M. Leduc (Fabre): Oui, c'est cela, l'étape.

M. Lauzière: Bon!

M. Leduc (Fabre): Est-ce que vous êtes revenu à votre proposition de base en laissant croire qu'on pourrait, dès la prochaine négociation, appliquer... Vous avez apporté des précisions qui me semblent importantes, mais vous laissez tout de même croire qu'on pourrait, dès la prochaine négociation, passer à cette étape.

M. Lauzière: Oui. Il n'y a pas beaucoup d'embêtements à le faire si on regarde l'économie du projet de loi. Et là, je pense qu'il faut remarquer que dans l'avant-projet de loi, il y a telle chose que l'article 38. Je pense que le moins qu'on puisse dire, c'est que ce serait un prix énorme à payer pour rendre la décentralisation éventuellement appétissante, mais l'article 38 fait en sorte que si on prend notre proposition et qu'on l'applique directement et immédiatement à la prochaine négociation, il n'en demeurera pas moins que si les deux parties dans chacun des établissements ne sont pas d'accord pour modifier les conditions actuelles, elles ne le sont pas. C'est ce qui s'appelle, dans le fond, une sécurité à la base qui est probablement plus que ce que le client normal demanderait. Donc, il n'y aurait pas de caractère très brutal, dans le fond, étant donné les conditions déjà atteintes.

Le Président (M. Lachance): Bon! Alors...

M. Lauzière: Je m'excuse, M. de Belleval aurait un complément de réponse, si vous le permettez.

M. de Belleval (Yves): Sur la question des étapes, c'est une lacune probablement de l'avant-projet de loi de ne pas en prévoir. Cela a été l'objet, d'ailleurs, d'un discours assez constant ici lors des travaux de la présente commission. De nombreux organismes et les parlementaires eux-mêmes ont souligné qu'il y avait lieu de procéder par étapes, de ne pas brusquer trop le retour à la santé, si je peux m'exprimer ainsi et c'est peut-être une des lacunes de l'avant-projet de loi de ne pas les prévoir. S'il y avait lieu d'établir des étapes, il faudrait, à notre avis, que la loi les prévoie, ces étapes et non pas laisser en suspens pour une future loi dans quelques années, des étapes à venir. Dans ce sens, nos positions peuvent avoir l'allure de positions de principe. Elles définissent, comme le disait M. Lauzière, le terme du cheminement, ce vers quoi nous voulons aller, mais s'il y avait lieu d'inscrire des étapes, ce qu'on ajoute, c'est qu'il faudrait que la loi les prévoie. À ce moment-là, on pourrait prévoir qu'à compter de telle date ou qu'à compter de telle année, là, il y a telle chose qui entrera en vigueur, telle chose qui entrera en vigueur, etc.

M. Leduc (Fabre): Une dernière question, M. le Président, rapidement. Est-ce qu'on ne peut pas considérer l'avant-projet de loi comme une étape, précisément, dans le sens que vous souhaitez?

M. Lauzière: Non, justement. M. Leduc (Fabre): Du tout?

M. Lauzière: Pas pour nous, parce que justement, c'est une chose que de définir une perspective à l'intérieur de laquelle on puisse prévoir qu'il y a des étapes dont les termes sont également définis dans la loi, et c'est autre chose d'établir comme dans l'avant-projet de loi, à l'article 20 par exemple, que de manière générale, toutes les matières sont négociées au niveau national, sauf deux exceptions, la première étant ce qui est décrété par l'État et la seconde étant ce qui est prévu à l'article 21. La perspective du projet de loi, quand on regarde l'article 21 attentivement, fait que c'est par acception et lorsque permis par les parties qu'il y aura des négociations locales. Ce n'est pas une étape. C'est la reconduction, à toutes fins utiles, de la mécanique actuelle en y ajoutant le troisième paragraphe de l'article 21 qui déplace le centre de gravité du pouvoir résiduaire, ce qui n'est pas prévu. Je trouve que cela va très loin. Ce qui n'est pas prévu comme conditions de travail -Dieu sait si ce n'est presque pas pensable, mais quand même, à force d'imagination, on peut penser qu'il y a des choses qui ne sont pas dans les conventions et qui vont y venir - est automatiquement renvoyé au national, alors que même actuellement, malgré la mécanique très centralisée, ce qui n'est pas prévu comme conditions de travail est de l'ordre de la gérance, alors que là, on spécifie qu'il s'agirait... Et aujourd'hui, le stationnement, la couleur d'une poignée de porte, la température, cela va devenir, si ce ne l'est pas déjà, des conditions de travail, donc automatiquement au niveau national. Là, ce n'est plus une étape. C'est massivement, semble-t-il, sur les deux points centraux, à savoir l'ambiguïté des rôles et la centralisation, la reconduction dans la perspective actuelle... malgré le fait que d'avoir une liste, c'est intéressant. Mais la liste, si allongée soit-elle, ne nous fera jamais oublier, au fond, qu'elle résulte du deuxième paragraphe de l'article 21 qui est en suspens quant à sa solidité.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): À ce moment-ci, je voudrais indiquer qu'a titre de président, je dois assurer un partage équitable du temps. L'intervention du ministre et président du Conseil du trésor avec celle du député de Fabre totalisent 22 minutes. Donc, M. le député d'Argenteuil, vous avez droit à une période de temps de 22 minutes, quitte à revenir plus tard. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier la Fédération des cégeps de nous avoir présenté ce matin le résultat de la démarche qu'elle poursuit depuis déjà un bon bout de temps, en vue de mettre au point une conception plus claire, plus logique, plus cohérente de ce que devrait être le régime de relations du travail dans le secteur qu'elle représente.

Je pense que plus on entre dans le contenu du sujet qui a été confié à la commission, plus on constate que, finalement, on traite de réalités qui sont surtout sectorielles. Il y a certains éléments communs entre tous les secteurs qui sont embrassés par l'avant-projet de loi. Mais., finalement, dès qu'on veut parler concrètement, il faut entrer dans des considérations sectorielles et, même à l'intérieur des secteurs, on constate qu'il y a des différences considérables d'un sous-secteur à l'autre.

Nous avons rencontré hier les représentants de l'enseignement primaire et secondaire du côté patronal. Ils nous ont présenté des points de vue qui, à certains égards, rejoignent les vôtres et qui, à d'autres égards, sont différents des vôtres surtout, par exemple, en ce qui regarde le droit de grève à l'échelle locale. Mais, encore une fois, j'insiste pour comprendre et, à plus forte raison, pour résoudre les problèmes, qu'il faut accepter d'aller jusqu'à la dimension sectorielle et souvent sous-sectorielle. Votre mémoire le fait d'une manière simple et limpide, sans entrer dans les technicités qui risqueraient de nous perdre. Je pense qu'il faut l'apprécier et je vous en sais gré personnellement. Je pense que cela nous facilite une discussion constructive.

Je voudrais vous poser une petite question d'information pour commencer. À un endroit dans votre mémoire, vous dites que sous l'empire de la convention - je ne devrais pas employer ce terme parce que nous savons tous que ce sont des décrets -sous l'empire de l'un des décrets qui régissent votre secteur, deux professionnels auraient voulu échanger leur poste dans deux cégeps différents. Cela aurait requis 80 signatures différentes, si j'ai bien compris. Pourriez-vous m'expliquer ce qui s'est passé exactement, d'une manière un petit peu plus détaillée?

M. de Belleval: On ne peut pas prévoir dans des dispositions nationales, que ce soit dans le cadre d'un décret ou dans le cadre d'une convention collective, pour les présentes fins accidentelles ou accessoires, toutes les situations possibles.

Ce qui s'est passé, c'est que, lors d'une rencontre à un niveau provincial, il y a deux professionnels du réseau, de deux collèges différents, qui se sont rencontrés et qui ont constaté leur intérêt mutuel à échanger leur

poste, l'un passant de Trois-Rivières à Rouyn et l'autre de Rouyn à Trois-Rivières. Il y avait des considérations extrêmement personnelles là-dedans, familiales et autres, des motivations, etc.

Si vous examinez les dispositions relatives à leurs conditions de travail, si vous examinez les droits de différentes personnes qui seraient en sécurité d'emploi, pour qu'elles puissent échanger leur poste et étant donné que dans tout cela il va y avoir une espèce d'instant métaphysique, au moins, où les postes vont être vacants, il fallait tenir compte de l'ensemble du monde, de l'ensemble des personnes possible qui auraient pu revendiquer le poste, donc, il a fallu procéder à de nombreuses signatures, requérir le mandat au niveau de la Fédération des cégeps, requérir le mandat au niveau du ministère de l'Éducation, requérir le mandat du comité patronal de négociation des collèges. Cela fait plusieurs signatures. Ensuite, négocier cela avec la fédération syndicale concernée. Ensuite, après avoir signé l'accord de principe avec la fédération, retourner cela dans les établissements concernés, faire signer les individus concernés et ainsi de suite. Cela illustre la lourdeur du mécanisme actuel, cela veut simplement illustrer que lorsqu'on arrive avec des situations, au fond, simples, pour se situer dans le respect des dispositions légales, cela nous amène à des choses comme celles-là.

M. Ryan: Est-ce que je pourrais vous demander si vous accepteriez de nous communiquer une annexe à votre mémoire décrivant avec plus de précision ce processus infiniment complexe qu'il a fallu suivre en identifiant les 80 signatures qu'il a fallu recueillir en cours de route? Je pense que ce serait très intéressant pour nous aider à comprendre les conséquences du régime actuel.

Maintenant, je voudrais en venir à d'autres aspects du mémoire. Je ne m'attarde pas sur le diagnostic parce que nous en avons parlé amplement. Je pense que sur les causes et les malaises qui se sont multipliés au cours des dernières années, il y a un accord assez large qui se fait, du moins, quant aux deux causes principales que vous identifiez, c'est-à-dire l'excès de centralisation et la confusion des rôles. Je ne veux pas qu'on discute de philosophie ce matin, parce que je pense que de ce point de vue votre mémoire est clair, mais je voudrais en venir à des considérations assez immédiatement pratiques.

Je vais commencer par une qui me sert d'introduction. Vous dites, à la page 13, qu'un certain nombre de choses devraient être réglées par voie législative. C'est le deuxième paragraphe, vers le milieu de la page. "Un renversement de perspective efficace et fécond pour la suite des choses devrait, selon nous - dites-vous - se traduire par un texte législatif qui réserverait à l'État l'établissement de certaines conditions de travail de base, tels les salaires, le nombre d'heures hebdomadaires de travail, les quanta relatifs aux droits parentaux et aux assurances collectives. "

Je vais revenir sur la liste tantôt mais, pour le moment, je voudrais vous interroger sur ceci. J'ai l'impression que vous balayez d'un coup tout le concept de la négociation à l'échelle nationale, que vous dites: C'est une chose qui relève d'une intervention législative de l'État alors que dans le projet de loi, si je l'ai bien compris, dans l'avant-projet de loi et surtout dans la pratique suivie jusqu'à maintenant, c'étaient des sujets qui tombaient dans le champ de la négociation provinciale. Voulez-vous intimer par là qu'il n'y aurait plus de négociation, qu'il y aurait simplement intervention législative de l'État pour toutes ces questions?

M. Lauzière: Dans notre proposition, pour ces questions, effectivement, c'est à l'État d'intervenir directement. Il faut dire que dans l'avant-projet de loi, l'intervention de l'État ne se fait que sur la rémunération et au niveau de la négociation. Ce sont toutes les conditions, sauf celles prévues à l'annexe, où l'État est massivement présent. Dans l'avant-projet de loi, l'État est massivement présent au niveau des négociations nationales, en dehors de la détermination de la rémunération.

Dans le fond, il y a des raisons un peu historiques. On peut presque dire, que pour certaines conditions - je pense aux salaires, en particulier, aux quanta des grandes choses comme les droits parentaux - c'est devenu à toutes fins utiles pour certains cas - pour certains, c'est déjà le cas; je pense au régime de retraite où, après consultation, c'est décidé, ce n'est pas un objet de négociation au sens du Code du travail; pour les salaires, c'est objet de négociation formellement parlant - après toute espèce de comparaison de références, c'est devenu une décision de l'État. Ce que nous pensons, c'est que cela devrait être clair. Évidemment, là, on s'appuie... Il y a le principe de base, pour nous. Quand l'État intervient dans la détermination des conditions de travail, il doit le faire selon sa nature propre et non pas se constituer partie et respecter l'économie à la limite de ses propres lois et pour les conditions de travail pensées par les corporations qu'il a créées entre autres à cette fin.

M. Ryan: Là, vous soulevez un problème fondamental et je ne suis pas sûr que je serais d'accord avec vous et que je recommanderais à mes collègues de

l'Opposition de l'être. Je pense qu'il faut insister pour maintenir le principe de la libre négociation des conditions de travail à l'échelle nationale. Qu'on dise ultimement -je vais vous poser d'autres questions tantôt là-dessus - qu'il faut bien que quelqu'un décide que ce doit être l'État législateur, je le comprends très bien, mais affirmer fermement comme vous le faites qu'on devrait éliminer tout ce champ de négociation au niveau national, je ne sais pas mais, personnellement... En tout cas, la formulation de la page 13 de votre document, à mon point de vue, laisse beaucoup à désirer. (11 heures)

M. Lauzière: Une précision là-dessus. Nous nous sommes peut-être mal exprimés -moi particulièrement - dans la réponse à votre question. Le fait de dire que le détenteur du pouvoir de négocier c'est le détenteur du statut d'employeur, n'empêche d'aucune façon des regroupements au niveau national. Je pense qu'il faut faire vraiment la distinction. Que certaines conditions de travail, soit à cause de l'histoire de ces conditions ou de leur nature propre, soient mieux négociables au niveau national, je pense qu'il faut dire d'abord que ce sont les parties qui ont le pouvoir de le faire qui doivent déléguer.

Ce que nous ne voulons pas, ce que nous espérons en tout cas, et par là nous pensons que l'ambiguïté du rôle de, l'État employeur et législateur peut être mieux levé, c'est de dire que s'il y a des conditions de travail où l'État doit intervenir, qu'il n'intervienne pas comme partie négociante. Essentiellement, c'est ça la réponse. Toutes tes autres étapes, dans l'esprit de notre proposition, sont toujours possibles et parfois même peut-être souhaitables.

Comme le disait M. de Belleval, rien n'interdit de penser, dans notre propre logique, que la loi prévoit des étapes dont les termes sont prévus à l'intérieur de la loi. Ce n'est pas du tout la même chose que de fixer de façon le moindrement définitive le statut actuel en espérant mieux...

M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre que, par conséquent, vous refusez l'article 8 comme il est formulé, tout le concept de comité patronal paritaire au niveau national?

M. Lauzière: Oui. Nous le refusons parce que l'expérience nous a montré que la partie institutionnelle dans ce genre de comité... Disons que si je traduis ça en termes un peu plus littéraires que juridiques, on offre la politesse, dans le fond, à la partie patronale d'être la dernière à parler dans le comité. C'est ça la voie prépondérante de la mécanique de la loi 55. Nous sommes les derniers à parler sur une question. De toute façon, le mandat est requis du Conseil du trésor et il peut émaner fort différemment de ce qu'il a été demandé.

Je dirai que la partie syndicale, à ce moment-là, c'est tout à fait compréhensible dans le fond, je pense que nous ferions la même chose si nous étions porte-parole ou syndiqué dans cette affaire... On va à la bonne porte, dans le fond, on va négocier où, effectivement, émanent les mandats.

M. Ryan: Pour élargir la question, disons que j'ai parlé de l'article 8. J'aurais pu parler de l'article 10, j'aurais pu parler de l'article 18, j'aurais pu parler de l'article 21. En relation avec ces articles qui m'apparaissent des articles charnières dans le projet de loi, est-ce que vous diriez que dans l'avant-projet de loi il n'y a pas de modifications vraiment importantes par rapport à ce que nous avons connu?

M. Lauzière: Pour ces articles-là, non seulement il n'y a pas de modifications importantes mais même dans la lettre il n'y a pas de modifications. Je ne parle pas de l'article 21. Dans les autres articles, la mécanique de la loi... Autrement dit, dans l'esprit et la lettre de l'avant-projet de loi, pour les conditions de travail négociées au niveau national - l'article 20 définit ce champ-là - c'est la mécanique de la loi 55. Cette mécanique est décrite dans les articles 8, 9, 10 et suivants. Là-dessus, c'est clair que les parties sont, du c6té syndical, le syndicat, et du côté patronal c'est en consultation, ministre et institution, et en décision, au Conseil du trésor.

M. Ryan: Est-ce que je vous comprendrais mal en croyant comprendre que vous nous dites: On nous tient le langage de la décentralisation mais dans les faits, l'avant-projet de loi qu'on nous présente ne progresse pas beaucoup dans cette direction-là?

M. Lauzière: Nous ne serions pas portés à le dire de façon aussi sévère, je dirais. Cela dit, cependant, nous disons que s'il y a des pas véritables vers la décentralisation, ce qui nous échappe c'est la direction où on va dans cette décentralisation. Puisqu'on maintient, pour le niveau national... Le niveau national, quand on y pense deux minutes, je vous donne un exemple: dans l'avant-projet de loi et si je regarde l'annexe, le quantum des tâches, le nombre de postes d'enseignants, par exemple, c'est quand même quelque chose comme 62% du budget d'opération d'une institution comme la nôtre. C'est au niveau national.

Qu'est-ce que ça veut dire, la décentralisation, s'il n'y a pas de possibilité au niveau même où ça se passe, comme c'est le cas dans les universités, de discuter

et de négocier de la même façon que pour les autres corps d'emploi, pas les salaires mais le nombre de postes? Il n'est pas dans l'annexe A. L'annexe A peut être très longue mais elle va rejoindre à peu près 11% du budget.

M. Ryan: Toujours avec la réserve que je vous donnais tantôt quant à la négociation au plan national, en ce qui touche, par exemple, des sujets aussi fondamentaux que la tâche d'enseignement, comment voyez-vous cela? Est-ce que tout cela doit être réglé au niveau de chaque établissement uniquement ou si vous ne voyez pas la nécessité de certaines normes nationales, par exemple, en ce qui touche la tâche d'enseignement?

M. Lauzière: Ce que nous disons là-dessus c'est que les salaires doivent être fixés mais que la tâche et le nombre de postes doivent être au niveau local. Cela est en principe.

M. Ryan: Voulez-vous reprendre le début? Vous dites que...

M. Lauzière: Les salaires. M. Ryan: Les salaires.

M. Lauzière: Les salaires comme tels doivent être établis par l'État selon notre proposition alors que la tâche elle-même et le nombre de postes doivent être déterminés au niveau local. Je ferai un pas de plus. J'ai déjà dit, quand nous avons rencontré M. Clair - c'était au mois d'octobre si je ne m'abuse - que si nous avions un choix à faire - nous le disions dans une conversation comme cela où nous n'engagions pas nos membres de façon très formelle - c'est qu'il nous semblait, d'après ce que nous connaissions des membres que nous représentions, que si nous avions le choix à faire, par exemple, entre les composantes de la tâche et le nombre de postes notre préférence irait: Local pour le nombre de postes; paramètres provinciaux, nationaux pour la définition des composantes de la tâche.

M. Ryan: Dans la liste contenue à l'annexe A, les 27 sujets qui seraient réservés à la négociation locale évidemment tous ces sujets sont des têtes de chapitre qu'on retrouve dans le décret - à votre point de vue, est-ce qu'il y a des têtes de chapitres importantes qui ont été laissées de côté, qui devraient être dans cette liste, à supposer que le gouvernement n'accepterait pas votre proposition d'inverser l'ordre des choses...

M. Lauzière: Oui.

M. Ryan:... et mette plutôt en annexe la liste des sujets qui seraient déterminés nationalernent? Est-ce qu'il y a des sujets que vous tenez à ajouter à cette liste? Parce que, comme vous le savez, c'est bien difficile de faire changer de perspective au gouvernement. Parfois, on peut y faire ajouter deux ou trois sujets. Mais est-ce qu'il y a des sujets que vous voudriez absolument voir ajoutés à cette liste?

M. Lauzière: Je vais laisser la parole à d'autres que moi qui pourraient répondre là-dessus mais il y a un sujet en particulier, c'est le nombre de postes, le quantum, le nombre de postes.

Par ailleurs, si cela devait rester à 27 - pour blaguer un peu - le stationnement et la caisse d'économie pourraient facilement être remplacés par le quantum de postes. Le harcèlement sexuel aussi. Cela se négocie mais cela peut se gérer aussi.

M. Ryan: Est-ce que vous avez d'autres...

M. de Belleval: Si on se situait dans la perspective d'une annexe qui définirait ce qui pourrait être négocié au niveau national, la liste serait beaucoup plus courte. Au fond, on a une liste d'exceptions qui est très longue. Cela fait beaucoup d'exceptions. Alors, si on se situait dans la perspective où les matières prévues en annexe sont celles qui seraient négociées au niveau national -cela va peut-être nous faire comprendre ce qui manque à la liste - je crois qu'on indiquerait - pour la tâche, je ne reviens pas sur ce que M. Lauzière vient de dire...

M. Ryan:... que M. Lauzière vient de dire pour la tâche, je n'ai pas...

M. de Belleval: Je ne reviendrai pas sur ce qu'il vient de dire mais on dirait ceci: Il y a les quanta relatifs à...

M. Ryan: Aux heures de travail.

M. de Belleval: Aux heures travaillées, aux congés fériés, aux vacances annuelles, au perfectionnement, à toutes ces dimensions. Il y a les...

M. Ryan: Si je comprends bien, vous laisseriez le perfectionnement à l'échelle nationale?

M. de Belleval: Les quanta. M. Ryan: Les quanta. D'accord.

M. de Belleval: S'il y avait un quantum. Si on prend l'autre perspective, celle de l'avant-projet de loi, il y a un certain nombre d'éléments qui ont trait à l'organisation du travail qui ne sont pas là. Je crois

que dans l'enseignement, l'élément le plus au coeur de l'organisation du travail c'est la tache des enseignants. C'est autour et à partir de cela que s'organise le travail.

Une voix: Oui.

M. de Belleval: Par rapport à l'esprit annoncé, il manque un élément essentiel en ce sens que c'est fort limité, que l'exception elle-même comporte des limites dans cette nomenclature. J'ajouterai ceci: II manque aussi ce qui a trait aux reconnaissances particulières. La Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel prévoit que certains types d'enseignement professionnel peuvent faire l'objet d'une reconnaissance particulière par le ministre de l'Éducation. Ces types d'enseignement ont déjà fait, dans cinq ou six cas actuellement, l'objet d'une reconnaissance particulière, entre autres, en ce qui a trait aux centres spécialisés. La politique gouvernementale souligne que lorsque ces centres sont créés, c'est par une reconnaissance des dynamismes locaux et des réalisations locales. Cette reconnaissance vient chapeauter une réalité éminemment locale. Je crois que la logique, qui est de laisser au niveau des parties locales les réalités qui leur sont les plus propres, les plus quotidiennes, devrait amener a ajouter à la liste que les conditions de travail relatives aux reconnaissances particulières prévues et octroyées en vertu de la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel sont de niveau local.

J'ajouterai aussi qu'il y a des éléments additionnels ayant trait à la gestion des ressources humaines en établissement, par exemple, le recyclage. des personnels. L'avant-projet de loi annonce le thème de la mobilité. Le recyclage est un des éléments qui sera de plus en plus examiné dans le cadre de cette mobilité. Je pense qu'on pourrait poursuivre cette liste et dire: II manque un certain nombre d'objets. Mais si on considère la liste en elle-même dans la perspective de l'avant-projet de loi, on ne s'y attaque pas; on ne dit pas qu'elle est totalement insatisfaisante, mais on dit qu'elle est le résultat de discussions que nous avons eues, sans qu'elles ne soient éminemment structurées, avec les représentants du ministère. Cette liste n'est pas une surprise pour nous. Ce n'est pas quelque chose qui est jugé comme totalement inacceptable, loin de là. Ma réponse est donc dans la perspective de votre question. Est-elle complète?

M. Lauzière: Puis-je me permettre d'ajouter seulement quelque chose, M. Ryan? Je pense qu'il est important de remarquer que, justement pour cette liste, il faut bien toujours avoir en tête le troisième paragraphe de l'article 21. C'est que, dans le fond, la propension, la tentation, si jamais les plus imaginatifs parmi nous n'avaient pas pensé à définir de nouvelles conditions de travail, irait au niveau national. Il y a éventuellement ce qu'on pourrait appeler un piège. On serait obligé d'ajouter un tas d'affaires. Le stationnement, je ne trouve pas très sain que ce soit un objet de négociation comme tel. Il vaudrait mieux l'inscrire là que de ne pas le faire, si jamais le troisième paragraphe de l'article 21 demeurait. Il faut en mettre le moins possible, sauf qu'il ne faut pas oublier le principal. Je dis que pour toute la décentralisation qui passe à côté de la tâche et du quantum, il y trop de monde dans les cégeps pour administrer cela à la limite.

M. Ryan: Toutes les possibilités qui découlent de l'article 18 aussi, relativement à la définition des mandats, à l'approbation des mandats par le Conseil du trésor viennent ajouter d'autres dangers de même nature. J'arrête ici, parce que mon temps est écoulé pour l'instant. On va continuer tantôt, lorsque le côté gouvernemental aura eu son temps.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député. Je cède la parole immédiatement au ministre de l'Éducation.

M. Gendron: Merci, M. le Président. Très simplement, je voudrais encore une fois - je pense que cela a été fait - excuser l'absence de mon collègue de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie qui tenait à être ici, mais qui est retenu au comité des priorités. Comme je n'ai pas eu l'occasion d'assister au tout début de la présentation de votre mémoire, même si j'ai eu l'occasion d'en prendre une connaissance assez rapide et que mes collègues ont eu l'occasion d'assister à cette présentation, je ne serai pas tellement long et le député de Fabre va continuer au nom du gouvernement. (11 h 15)

Je voudrais quand même insister sur un aspect qui m'intéresse et sur lequel, je pense, vous avez largement insisté dans votre mémoire, soit toute la question de la décentralisation des négociations. Vous avez même, à moins que je ne fasse erreur, mentionné que vous souhaiteriez que les parties locales puissent convenir de déléguer certaines matières à l'échelle nationale, mais bien sûr en marquant très clairement que, dans votre esprit, presque toutes les conditions de travail devraient être négociées localement, à l'exception de celles concernant les salaires et les heures de travail.

Vous laissez voir qu'il pourrait être possible que les matières négociées localement soient retournées au palier national si le parties le souhaitent. Cela

signifie que, dans cette perspective, une instance locale pourrait convenir qu'une matière pourrait être négociée à l'échelle nationale et que, pour un autre collège, une même matière pourrait être négociée au niveau local. C'est bien cela? La question que je pose est la suivante: Ne croyez-vous pas que cela pourrait créer une certaine disparité un peu drôle de voir que, très concrètement par exemple, un collège dit: Moi, je retourne les mesures disciplinaires au palier central alors qu'une mesure comme celle, par exemple, du comité de sélection des enseignants ou pour le cégep Y, demeure au palier local? Comment conciliez-vous cette position?

M. Lauzière: Là-dessus, il faut dire deux choses d'ordre différent, mais quand même. Votre question est importante, peut-être que nous n'avons pas été assez explicites là-dessus. Dans la pratique, compte tenu des propositions que nous faisons et qui sont celles que les collèges ont entérinées presque à l'unanimité, il faut savoir que, lorsqu'on parle de déléguer au niveau national, cela se présente empiriquement, si on fait des scénarios, pour certaines conditions de travail qui ne sont pas très localisées en partant. Un cégep demande que le stationnement soit négocié au niveau national. C'est pour des conditions de travail qui impliquent à titre quasi nécessaire dans le fond la concertation quasi permanente. Je pense, par exemple, à des notions de sécurité d'emploi. Cela est évident.

Il faut ajouter que - M. de Belleval en a parlé tout à l'heure, notre position n'interdit pas en tout cas de l'inclure à titre d'étape - si le législateur croit qu'il faut, provisoirement, pour une étape donnée, pour trois ou cinq ans, prévoir que certaines conditions doivent être négociées et non pas décrétées par l'État ou réglementées et ce, au niveau national, à ce moment-là, il faudrait effectivement le prévoir et prévoir l'échéance de cette étape. On pourrait penser, par exemple, que la seule façon d'en arriver à quelque chose qui ferait moins mal à tout le monde à la fois ou ferait moins peur, serait que, dans un premier temps, pour la ou les deux prochaines rondes de négociation, certaines choses devraient peut-être être négociées au niveau national. Cela étant dit, pour nous, même là, ce serait dans la perspective où les agents négociateurs sont, d'une part, le regroupement des institutions et, d'autre part, le regroupement des unités d'accréditation et non pas la mécanique de la loi 55.

M. Gendron: Je vous remercie. J'aurais également une autre question concernant ces sujets. Comment conciliez-vous la possibilité pour les employeurs et les syndicats entre eux de se regrouper et de se départir de la négociation auprès d'un agent avec le diagnostic que vous avez posé dans votre mémoire sur la centralisation abusive du processus et la déresponsabilisation des premiers intervenants? Comment voyez-vous cette conciliation et, également, les deux éléments?

M. Lauzière: Le premier élément étant la possibilité de confier à un agent...

M. Gendron: C'est cela.

M. Lauzière: Même dans une situation décentralisée au niveau juridique et même dans un contexte où les parties, disons au local, auraient le goût de se parler directement et de négocier des choses, il n'est pas interdit de penser que, compte tenu de la complexité de certaines conditions de travail ou de la durée qu'il faut pour les négocier, les gens fassent affaires avec un agent négociateur. C'est ce qui se fait de toute façon, même dans l'entreprise privée. Sauf que, pour un certain nombre de choses, les gens pourraient y aller directement. Mais comme les gens sont habitués de se parler par grands prêtres interposés ou grands juristes interposés, tellement ils ont de la difficulté à lire un texte simple de convention collective et d'en discuter directement, cela peut prendre quelques mois sinon quelques années dans certains cas. Mais je pense que, souvent, le renversement de perspective n'a pas d'effet immédiat. Ce qui est intéressant, c'est qu'à un moment donné, dans un endroit donné - et cela peut faire boule de neige - si cela est possible sans que les gens aient 90 signatures pour faire une affaire très simple, dans deux ou trois endroits où les gens sont moins insécures, ou moins angoissés, ou je ne sais trop, ils vont se mettre à négocier plus qu'une chose et, finalement, beaucoup de choses. D'autres à côté vont voir que ce n'est pas la mort, que la différence n'est pas le péché mortel, qu'il y a un dynamisme là. Par exemple, même au niveau secondaire, si je ne m'abuse, il y a un endroit où les parties ont même décidé d'essayer la sélection des offres finales - je pense à Lakeshore - et cela a marché. Actuellement - par exemple au niveau secondaire pour prendre celui-là - je connais des endroits où on a réaménagé sur une base sessionnelle la distribution de la tâche et ni les professeurs ni les administrateurs ne voudraient revenir en arrière. Et cela a été fait malgré... Imaginez si cela était favorisé au possible.

M. Gendron: Je suis également convaincu que vous convenez que la sécurité d'emploi est une question majeure, importante de notre régime de négociation actuel avec toutes ses faiblesses et ses carences et que, quel que soit le nouveau

cadre proposé, c'est une question qui demeurera toujours au coeur de toute négociation. Je ne crois pas que vous l'ayez affirmé formellement, mais je pense qu'on peut le déduire, à partir du moment où vous avez mis une intense décentralisation. Est-ce que vous allez jusqu'à prétendre que la sécurité d'emploi, elle aussi, pourrait être négociée localement?

M. Lauzière: Oui, en fin de compte, je dirais même qu'il faut bien voir empiriquement et économiquement comment se pose le problème. Au niveau collégial, en tout cas, une étude un peu fine montrerait peut-être, dans le fond, que le coût réel de l'administration "coast to coast", si je peux m'exprimer ainsi - nationale, je m'excuse -de la sécurité d'emploi, il n'est pas évident que ce n'est pas plus coûteux que si elle était administrée et réglée localement aux mêmes protections. Ce n'est pas évident.

Deuxièmement, je pense qu'on peut dire que la façon dont cela s'est conçu et pratiqué, il y a quelque chose, le moins qu'on puisse dire, d'un peu aberrant. Dans l'exemple que je donnais tout à l'heure, il me semble que c'est un peu aberrant: une infirmière dans une institution donnée peut... Même s'il y a une ouverture de poste au CLSC du coin, c'est bouché intersectoriellement.

M. Gendron: La réponse que vous me donnez, c'est beaucoup plus sur les modalités que sur le principe même. Cela veut dire que vous ne mettez pas en doute la nécessité de réaffirmer le principe de la sécurité d'emploi, même si...

M. Lauzière: Pas du tout.

M. Gendron:... on allait jusqu'à le négocier localement.

M. Lauzière: Pas du tout. Il y aurait peut-être des modèles différenciés. Par exemple, entre quelqu'un qui a 2 ans d'ancienneté et quelqu'un qui en a 22, il y aurait peut-être moyen de différencier un peu. Mais sur le fond, il n'y a pas de...

M. Gendron: Je vous remercie et je vais laisser la parole au député de Fabre qui va continuer. Oui, M. de Belleval?

M. de Belleval: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter un complément de réponse sur la question de la sécurité d'emploi. Je trouve très clair que c'est une chose qu'on ne remet absolument pas en question. Le Conseil du patronat lui-même est venu dire ici que c'était évident que, dans les secteurs public et parapublic, la sécurité d'emploi était une chose acquise et qu'il serait complètement illusoire et farfelu de penser la remettre en question. C'est la différence dans le dossier entre le vécu aux niveaux primaire et secondaire et le vécu au niveau collégial. C'est assez important, parce qu'on a une sécurité d'emploi qui est, à toutes fins utiles, relativement résumée de la façon suivante: elle est disciplinaire. Là où on a des collèges dans des zones à collège unique, la sécurité d'emploi dans les faits est fondamentalement institutionnelle. Là où il y a plusieurs collèges dans une même zone, là où la discipline ne s'enseigne que dans ce collège de la zone, même s'il y a plusieurs collèges dans la zone, là aussi, la sécurité d'emploi est, en réalité, institutionnelle. S'il y a quatre collèges dans une zone et qu'il n'y en a qu'un seul qui enseigne, par exemple, une technique donnée, ce professeur, à toutes fins utiles, a une sécurité d'emploi qui est institutionnelle. Ce sont des réalités qui sont, à l'analyse, différentes quand on regarde le niveau primaire-secondaire et le niveau collégial. Cela rejoint une remarque qui a déjà été faite ici, que non seulement l'avant-projet de loi ne prévoit pas suffisamment les étapes, s'il y a lieu d'en faire - on pense qu'il y a lieu d'en faire et on exprime, nous, ce qui devrait être le terme du cheminement - mais aussi, ne tient peut-être pas suffisamment compte des réalités différentes.

M. Gendron: Clairement, vous êtes en train de mentionner que même si je reconnais que vos préoccupations sont d'abord et avant tout d'ordre collégial, parce que c'est à ce niveau que vous oeuvrez, et que dans la perspective où on irait jusque là - je dis bien "dans la perspective" - vous ne seriez probablement pas des gens qui recommanderaient d'en faire autant au niveau primaire-secondaire puisque le contexte est tout à fait différent. C'est ce que vous êtes en train d'évoquer, même si ce n'est pas le secteur pour lequel vous vous exprimez. Vous couvrez le secteur collégial. Si vous aviez à faire une recommandation comme personne intéressée dans le milieu de l'éducation, vous dites qu'au primaire-secondaire, vous n'auriez probablement pas la même recommandation au niveau éventuellement d'une décentralisation, même de la sécurité d'emploi à l'élémentaire-secondaire.

M. de Belleval: Ce que je dis, c'est que les discours qui ont été tenus ici, je crois, l'ont manifesté. La fonction publique, ce n'est pas la même chose que les affaires sociales qui ne sont pas la même chose que l'éducation et dans l'éducation, le réseau primaire-secondaire et le réseau collégial ne sont pas la même chose. Il y aurait peut-être ici une piste à examiner attentivement qui serait de tenir compte, dans une réforme du régime, de ces différences qui, parfois,

sont assez profondes.

M. Gendron: Je vous remercie et je donne...

M. Robert (Yvon): En fait, M. le Président, ce qu'on propose, c'est une décentralisation vers les institutions et ce serait aux institutions d'établir - on parle d'étapes - entre elles les étapes qu'elles sont capables d'absorber. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'on ne peut pas établir une règle complètement définie parce qu'il y a des régions, il y a des groupes dans nos institutions qui seraient probablement prêts à aller plus loin que d'autres. C'est dans ce contexte qu'on dit qu'il devrait y avoir quelque chose de particulier pour le réseau collégial qui est un réseau pas tellement grand, qui n'a pas les mêmes problèmes que le réseau des commissions scolaires ou celui des affaires sociales, mais les étapes de la décentralisation qui se feraient vers les institutions, ce serait à elles à les définir entre elles.

M. Gendron: Je vous remercie. M. le député de Fabre.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Fabre, vous avez sept minutes.

M. Leduc (Fabre); Je vous remercie, M. le Président. Ce que je comprends, c'est que le modèle de décentralisation que vous préconisez est applicable dans la mesure où les parties s'entendent pour négocier de cette façon-là. Autrement dit, il faut qu'il y ait préalablement consensus, en tout cas sur les matières qu'on veut négocier localement. C'est ce que j'ai compris. Si une des parties ne s'entend pas, est-ce que vous voudriez qu'on l'impose par une loi ou est-ce que vous vous entendez pour dire: Une des parties ne veut pas négocier telle ou telle question localement, automatiquement, cela s'en va au niveau national? Or, ma question vise ceci, compte tenu de l'état d'esprit, de la position des syndicats. On le sait, la Fédération nationale des enseignants, par exemple, ne veut pas entendre parler de ce type de négocintion au niveau local. Donc, on parle toujours en fonction de la prochaine négociation. L'avant-projet de loi est pour la prochaine négociation. Comment entrevoyez-vous cela? Est-ce que votre modèle n'est pas un modèle théorique, un modèle peut-être souhaitable, mais qu'est-ce qui est réalisable en fonction de la prochaine négociation et en fonction de la position, que vous connaissez, des syndicats au niveau des collèges?

M. Lauzière: Si je regarde l'économie de l'avant-projet de loi, ce à quoi je faisais allusion tout à l'heure en parlant de la nécessité d'un accord entre les deux parties, c'est à l'article 38 de l'avant-projet de loi où il est dit que, lorsque la loi sera effective et que dans un établissement donné il sera question d'entreprendre des négociations sur un objet dont on a défini le niveau, à savoir le niveau local, pour modifier les conditions de travail actuellement en vigueur, il faut l'accord Titre les deux parties. Ce n'est pas la même chose que de dire: Cela prend un accord antre les deux parties ou un consensus pour envoyer les choses au niveau national et décider d'une liste parce qu'elle est actuellement définie dans l'avant-projet de loi lui-même, cette liste-là. (11 h 30)

Si vous parlez de la résistance, il faut bien comprendre, et il me semble que c'est tout à fait compréhensible, que les grandes résistances viennent des instances qui sont les plus avantagées dans le système actuel. C'est évident. C'est connu depuis plusieurs rondes de négociation que, pour une instance syndicale centralisée, c'est beaucoup plus facile - on le voit bien par les conditions de travail déjà obtenues - de construire un drame à tous les trois ans et d'obtenir une foule inouïe de choses. La résistance est tout à fait compréhensible. La résistance est également tout à fait compréhensible du point de vue de l'histoire déjà faite là-dessus.

Mais, à cela, je pense qu'il faut répondre, comme je le disais tout à l'heure; que l'avant-projet de loi donne une protection qui est énorme - je trouve que c'est un prix énorme à payer - à l'article 38 tel que formulé actuellement. C'est qu'on ne tomberait pas dans l'anarchie locale, si je puis dire, avec un avant-projet de loi, même modifié selon notre perspective, puisqu'il y a un certain nombre de choses de base qui sont définies de toute façon par l'État. Ensuite, pour changer les choses actuelles, dit l'article 38 de l'avant-projet de loi, il faudra l'accord entre les deux parties.

Donc, il y a un maximum de sécurité, de coussin, d'isolant. Au fond, tout est là pour permettre aux gens qui voudront, à un moment donné, prendre une autre conduite que la conduite pépère, dans le fond, de s'y adonner sans grand drame à l'horizon. Si on regarde la perspective de l'avant-projet de loi et ce que nous voulons également - nous ne voulons pas recommencer à zéro l'avant-projet de loi garantit dangereusement qu'on ne recommencera pas à zéro. Dans ce sens-là, je trouve que l'avant-projet de loi ne fait rendre possible autre chose que ce qui se fait actuellement.

Je pense que c'est important parce que la décentralisation ne sera ni appétissante, ni crédible s'il n'y a pas beaucoup de choses importantes à négocier "éventuellement, si les deux parties le veulent. Ce n'est pas appétissant ni intéressant pour des adultes

consentants, qui ont pour beaucoup un deuxième diplôme universitaire, d'avoir comme grands objets de débats locaux le harcèlement sexuel, le stationnement, les charges publiques, etc. Ce n'est pas ce qui est intéressant.

M. Boucher (Gaétan): J'aimerais ajouter un commentaire, M. le député de Fabre. Au fond, depuis le début des audiences de la commission, on a discuté beaucoup finalement de la tuyauterie qui pourrait entourer tout cela.

Au départ, je pense qu'il y a un choix politique à faire. Au fond, le gouvernement et plusieurs organismes ont fait un diagnostic des problèmes des dernières rondes de négociation. Tout le monde semble convenir que ce qu'on a vécu ne doit pas être revécu. C'est une chose.

La deuxième chose, c'est que les gens disent qu'il faudrait tenter une forme de décentralisation afin de responsabiliser les gens qui, en vertu de lois corporatives, ont charge, par exemple, de gérer ou d'administrer un cégep. Ce que nous disons, c'est qu'après avoir posé un diagnostic on est prêt dans ce dossier à faire un bout de chemin considérable. Il semblerait que, dans le réseau collégial, les mentalités soient prêtes et que, localement, les administrateurs, membres de conseils d'administration, soient prêts effectivement à assumer leurs responsabilités.

Je peux bien comprendre que le gouvernement, évidemment, de l'autre côté, soit pris avec les contingences syndicales qui ne souhaitent pas aller dans ce sens-là. Des pas ont été faits dans l'annexe A. Nous disons que le gouvernement, par rapport aux institutions collégiales, ne' va pas assez loin. Là-dessus, je pense qu'il y a un choix politique à faire et c'est une responsabilité qui appartient au gouvernement. Nous pouvons l'éclairer, mais, à mon point de vue, on ne peut pas décider à sa place.

Tout ce qu'on dit, cependant, c'est que, par rapport au choix qu'il a fait et présenté dans l'avant-projet de loi, il ne va pas assez loin et que les administrateurs des institutions collégiales sont prêts, eux, à aller plus loin. Cependant, si le gouvernement fait un choix et qu'il considère que, pour la prochaine ronde de négociation, il y a des étapes à franchir, nous considérons, en tout cas, qu'à la lecture de l'annexe A, il n'y a véritablement pas de marge de manoeuvre suffisante pour responsabiliser, finalement, les administrations des institutions collégiales.

Au fond, qu'est-ce qui est important et de quoi se plaignent les gens? C'est que vous nommez, vous instituez des conseils d'administration. On va chercher des parents, des représentants des milieux socio-économiques, des enseignants, des membres du personnel et vous leur demandez finalement, au nom de l'État, de gérer des fonds publics. Ce que ces gens sont prêts à faire aujourd'hui, ce qu'ils vous disent à travers nous, c'est qu'ils sont prêts à les gérer, mais dans la mesure où vous leur donnerez une marge de manoeuvre suffisante pour qu'ils puissent faire, eux aussi, des choix de société qui sont peut-être à un niveau local, mais qui sont, à mon point de vue, aussi importants que bien d'autres.

M. Leduc (Fabre): Dernière question, M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Fabre, votre temps est...

M. Leduc (Fabre):... puisque je vois que le temps est écoulé. On a parlé de responsabiliser les administrations locales, ce avec quoi nous sommes tout à fait d'accord. Combien d'administrations locales, combien de cégeps sont d'accord, s'entendent pour aller aussi loin dans le processus de décentralisation? Combien sont d'accord avec votre proposition? Est-ce qu'il y a unanimité là-dessus? Est-ce divisé?

M. Lauzière: Si je ne m'abuse, c'est la totalité des membres qui a voté sur ces positions à l'assemblée générale, sauf deux votes contre; tous les autres étaient d'accord. Les deux votes contre, dans le fond, pour autant que je me souvienne, c'était beaucoup plus sur une discussion de modalités de l'une des propositions. Dans le fond, c'est la suite des choses, de ce que nous avions déposé à la commission Martin-Bouchard en 1977; c'était un palier, mais au niveau de la responsabilisation des institutions, cela allait exactement dans le même sens. On demandait à l'État de négocier à ce moment-là, disions-nous - on n'avait pas encore fait le pas que nous avons fait depuis - sur l'ensemble des conditions de travail; même si on les étendait au niveau national, c'était institution et syndicat de l'autre côté de la table.

Je m'excuse, mais dans un autre ordre d'idées, il y a une chose qui m'importe dans le mode de règlement des conflits. Dans notre position, nous insistons là-dessus. Je pense qu'il faudrait être un peu novateur sur les médiations qui se font et les arbitrages qui se feraient, pour les cas où cela doit se faire. Il faudrait, me semble-t-il, insister, l'écrire, le dire; je ne sais trop comment, mais il faudrait qu'il y ait des contraintes à l'arbitrage, à savoir la capacité de payer et les besoins des clients. Des arbitrages qui se font qui ne considèrent que les intérêts des parties intéressées, si je puis insister, cela peut se faire facilement et cela se fait souvent sur le dos des clients. Il me semble que, dans les institutions d'enseignement, il

faudrait que ces contraintes soient très claires pour ceux qui ont souvent comme fonction de couper la poire en deux ou en quatre quand le client n'y est pas.

Le Président (M. Lachance): M. le député de...

M. Robert (Yvon): M. le Président, si on considère l'article 38 de l'avant-projet de loi, une nouvelle loi qui irait dans le sens des orientations définies par la fédération et qui conviendrait que cet article est maintenu, je pense bien que cela offre suffisamment de sécurité à l'ensemble des institutions pour procéder à l'implantation d'un régime comme celui-là, c'est-à-dire que chacun pourrait le faire selon son rythme et ses capacités.

M. Leduc (Fabre): Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui, je pense qu'il est important de faire ressortir clairement un élément de fond de votre position sur lequel nous avions commencé à discuter tantôt. Si je comprends bien - et je veux vous résumer fidèlement - vous voudriez que la négociation soit en principe à l'échelle de chaque établissement, qu'un certain nombre de choses soient déterminées d'autorité par le gouvernement et qu'entre les deux il puisse y avoir négociation au plan régional ou national suivant la volonté des parties et quant à l'extension de la superficie qui serait couverte et quant au choix des sujets. Cela va?

Il y a une chose que je voudrais mentionner entre parenthèses. Nous avons parlé de l'Ontario, hier, à propos des commissions scolaires. Le président du Conseil du trésor nous disait que nous ne pouvons pas envisager une négociation aussi décentralisée au Québec qu'en Ontario parce que la structure financière n'est pas la même dans les deux cas en ce qui touche les commissions scolaires. Mais je voudrais signaler à l'attention du gouvernement que, dans le cas des collèges, on a également une structure en Ontario qui, en principe, est plus proche de ce que vous proposez. On reconnaît plus le principe de la négociation provinciale en Ontario. Là-dessus, dans votre position, je pense qu'il y a un certain flottement qu'il faudrait corriger si jamais la perspective que vous proposez était retenue par le gouvernement, une perspective qui me paraît intéressante finalement. En Ontario, on reconnaît clairement qu'il devrait y avoir une négociation à l'échelle provinciale mais c'est le Council of Regents for Colleges qui est chargé de faire la négociation. II n'est pas obligé de coucher dans le même lit que le gouvernement dans un comité paritaire où les cordes peuvent être tirées n'importe quand par le gouvernement au désavantage de la partie collèges. De ce point de vue là, je pense qu'on devrait recommander au gouvernement, en tout cas, je le fais sans arrière-pensée, d'examiner comme il faut les dispositions législatives qui existent en Ontario au niveau où vous fonctionnez. À ce niveau-là, les arguments qu'on nous apportait hier ne me semblent pas valables. C'est un point intéressant.

Cela étant dit, j'insiste encore une fois qu'il me semble que, dans l'état où nous sommes, il faut qu'un certain nombre de choses soient négociées au niveau provincial. Je vous donne un exemple. On parlait du quantum de postes, par exemple. Vous avez dit tantôt, si j'ai bien compris, que vous insisteriez pour que ça reste à déterminer au niveau de l'établissement. Le gouvernement doit fixer ses budgets. Vous proposez ailleurs qu'on ait une enveloppe complètement fermée, qu'un quantum soit donné à une institution et qu'elle l'aménage comme elle le voudra, suivant évidemment, entre autres critères, les conséquences des conventions collectives qu'elle aura signées.

Comment le gouvernement fera-t-il pour exercer sa responsabilité qui n'est pas seulement de donner suite aux commandes, mais de prévoir les besoins? Quand il prévoira ses besoins financiers pour les collèges, il faut qu'il marche avec une année ou deux d'avance, qu'il sache où il s'en va un petit peu. Comment va-t-on concilier ça? Il me semble qu'il y a un certain nombre de choses qui doivent donner lieu à des déterminations au plan provincial. Je pense à deux choses en particulier: le nombre de postes et, deuxièmement, le contenu essentiel - le minimum - de la tâche. Je ne sais pas comment vous voyez ce problème-là, comment vous faites la conciliation. On ne peut pas dire, du jour au lendemain, qu'on n'aura plus de règles budgétaires. Les règles budgétaires, un des objets qui les justifient à mon point de vue, c'est la nécessité d'assurer qu'il y aura des conditions relativement comparables dans la qualité des services d'un bout à l'autre du Québec.

C'est la même chose pour les hôpitaux d'ailleurs. Si on était pour dire: Chacun va déterminer ça comme il veut, il suffit qu'on ait un conseil d'administration, à un moment donné, qui part en guerre contre telle ou telle discipline ou champ d'intérêt et dise: On va mettre tout ce qu'on a de ressources dans telle et telle direction pour que ce soit dangereux. Je pense qu'il y a un minimum d'encadrement qui s'impose. Comment voyez-vous ce problème-là dans la perspective que vous proposez?

M. Lauzière: II faut d'abord dire qu'au niveau des enveloppes fermées il y a telle chose qui existe déjà au niveau, si je ne

m'abuse, des commissions scolaires et aussi au niveau universitaire. Je pense qu'il faut faire la distinction, pour répondre adéquatement, autant que faire se peut, à votre question, entre les paramètres qui interviennent dans l'allocation des ressources pour un établissement donné. Ils peuvent être établis à partir d'une base historique ou d'une base plus logique. On peut faire une combinaison des deux. Aujourd'hui, il y a à peu près 20 paramètres, dans le fond, quand je regarde la détermination d'une enveloppe budgétaire d'une université comme l'Université du Québec à Montréal. Même s'il y a des discussions et que ça continue, il y a telle chose qu'une enveloppe. Dans les collèges actuellement, il n'y a pas de transférabilité pour le groupe principal qui constitue à peu près 62% ou 63% du budget de fonctionnement. C'est une enveloppe fermée au niveau collégial actuellement.

L'absurde de l'affaire, si je peux ainsi m'exprimer, c'est qu'à l'intérieur de cette enveloppe fermée il y a des groupes protégés et d'autres qui ne le sont pas. Au cours des années, par exemple avec cette enveloppe-là, il y a eu nécessité de ne pas combler des postes devenus vacants, d'avoir plus ou moins de soutien, plus ou moins de professionnels, le groupe des professeurs étant figé. Autrefois, si nous n'engagions pas tous les professeurs que nous pouvions engager selon la norme établie provincialement, le résidu était distribué chez ceux qui, supposément, avaient eu un surplus de tâche et' c'était souvent un "flat rate" pour tout le monde. Maintenant, il est renvoyé dans les coffres de l'État. Ce n'est pas un encouragement à une administration très excellente.

Dans le fond, tout ce que nous demandons, c'est de distinguer le mode de détermination des enveloppes globales sectorielles, qui sont la responsabilité de l'État, cela me semble évident; également le mode de détermination des enveloppes nécessaires pour une institution donnée. Distinguons cela, si je prends une image, laissant à la porte de l'institution la poche d'argent, dans le fond, qui a été déterminée sur une base historique ou autre. (11 h 45)

Avec ce montant-là, je pense que l'établissement devrait être capable autrement, cela ne sert à rien de créer des corporations au sens du Code civil, s'il n'a pas cette capacité et cette obligation - de distribuer ces ressources pour s'acquitter de ses fins avec tout ce que cela veut dire comme contrôles a posteriori plus qu'a priori. Si je regarde l'administration que les collèges ont faite des montants d'argent qu'ils avaient, et cela même à l'intérieur d'une récession et de coupures budgétaires, je pense que la preuve est faite de leur capacité réelle, prouvée de faire cela. C'est très important, pas seulement du point de vue patronal et syndical qui me semble peut-être le point de vue le moins important là-dedans, à la limite, c'est du point de vue même de l'avenir de ces institutions, de l'invention, de l'imagination à avoir dans le découpage et les modifications des tâches, compte tenu précisément de l'évolution technologique. Je pense que certains établissements par rapport à d'autres peuvent prendre les devants; d'autres iront un peu plus lentement. Il y a des projets extrêmement intéressants qui peuvent se faire s'il y a un peu de mobilité.

Cela dit, pour revenir à la question de la tâche, que les principaux paramètres de la tâche, par exemple, tâche maximale individuelle, soient fixés au niveau national ou soient dorénavant plus du niveau local, les choses déjà acquises ne seront pas à ce point modifiées à court terme, parce qu'il y a déjà un lourd acquis sur la façon de concevoir et de définir la tâche. Même avec une possibilité assez radicale de la négocier au niveau local, vous ne changez pas cela comme cela du jour au lendemain, de toute façon. On pourrait très bien dire qu'il y aurait des possibilités dans le secteur professionnel et de soutien. On sait que la force d'inertie est une résistance considérable et ne dépend pas essentiellement et principalement du niveau où ces choses sont définies.

Il y a une histoire là-dedans. Il y a toute une tradition. La profession enseignante, à travers l'histoire, est la moins découpée. Dans toutes les autres professions, il y a eu d'infinis découpages. Au niveau de l'enseignant, toute la notion de types de cours, de parties de cours qui se donnent par d'autres que des enseignants, jusqu'à maintenant cela n'est presque pas arrivé chez nous. Dans ce sens, j'ai beaucoup plus peur des forces d'inertie qui vont jouer de toute façon que du danger de sombrer dans une différenciation quasi anarchique.

M. Robert: Actuellement, la tâche étant définie et négociée au plan provincial, cela crée aussi un très grand nombre de distorsions et de problèmes qu'il serait peut-être assez long d'énumérer et qui ressembleraient un peu à celui dont on a parlé pour les deux professionnels. C'est un peu ce qui a été déploré aussi du côté des hôpitaux. En réglant des problèmes locaux aussi loin du lieu de l'action, cela amène des aberrations et des problèmes assez importants au niveau de la tâche dans les collèges.

Vous nous avez apporté l'exemple de l'Ontario. Je pense qu'il est récent. L'Ontario a vécu une crise l'automne dernier au niveau des collèges et je pense qu'ils ont trouvé la solution par une meilleure concertation entre les collèges. Cela n'a pas été une loi. Si vous vous le rappelez, il n'y a pas eu de loi, il n'y a pas eu de législation, mais une très bonne concertation

entre les collèges qui a amené les collèges individuellement à régler avec leurs syndicats locaux. À ma connaissance, il n'y a pas eu de législation.

Mais qu'eux aussi aient des discussions sur leur niveau de financement avec le gouvernement, c'est naturel, c'est normal. On a eu la même chose au Québec entre les universités et le gouvernement: des discussions sur le mode de financement des universités. Je pense que c'est à l'intérieur de ces paramètres qu'il faut continuer à discuter. Vous l'avez soulevé tout a l'heure, au primaire et au secondaire, cela fait déjà cinq ans que les commissions scolaires travaillent à l'intérieur d'une enveloppe pour les enseignants, à l'intérieur de grands paramètres pour la tâche - ils sont peut-être remis en question - et cela n'a pas posé de problème. Je pense que cela a amené une responsabilisation et une utilisation plus rationnelle des ressources dans chacun des milieux.

Que cela ne fasse pas l'affaire de la CEQ et qu'elle essaie de vouloir régler des problèmes comme cela au niveau provincial, il faut la comprendre. Ils recherchent des avantages au niveau de leur corporation. Je pense que dans ce contexte il ne faut pas mêler les deux. La Fédération des cégeps est toujours en faveur de l'établissement de règles budgétaires, mais celles-ci ne doivent pas faire l'objet de négociation entre le gouvernement et les syndicats.

M. Lauzière: Si je peux ajouter la question de la sécurité parce que je pense qu'il faut toujours prendre cela comme un paquet. Par exemple, prenons la tâche. À partir du moment où l'établissement a la responsabilité de l'administration d'une enveloppe fermée - je regarde la question de la sécurité d'emploi qui était posée; imaginez que la sécurité d'emploi est en grande partie administrable, comme cela l'est actuellement pour les autres corps d'emploi, à même l'enveloppe fermée locale - eh bien, avant de jouer impunément dans la tâche, sachant que les conséquences ne seraient pas du genre qu'on va envoyer la facture à Québec, mais que les gens vont l'administrer, cela aussi est un élément très important. Je le mentionne parce que cela fait partie du pattern. S'il y a un grand nombre de choses importantes dont il faut être responsable, on ne peut pas couper le saucisson en tranches et dire: Dans une institution comme la nôtre actuellement, on a besoin de deux orienteurs de moins, de deux psychologues de plus ou de deux préposés à l'aide pédagogique individuelle. On a alors les deux mains dans la sécurité. C'est nous qui payons la sécurité. On prend donc un peu plus de temps et on négocie un peu plus de choses avant d'arriver aux changements souhaités.

M. Ryan: Je voudrais continuer là-dessus. Malheureusement, le temps passe. Je vais être obligé de changer de sujet, parce qu'il me reste seulement quelques minutes. Vous demandez que le droit de grève soit reconnu à l'échelon de chaque établissement. Vous acceptez, en conséquence, qu'on crée la possibilité de conflits aboutissant à des arrêts de travail dans les différents établissements du Québec. Vous dites ailleurs: On reconnaît que les dispositions des conventions collectives peuvent être variables quant aux échéances, quant aux périodes qui sont embrassées. On risquerait de revenir au point où on était il y a 25 ans, alors qu'un conflit surgissait à tel endroit, à tel autre ou à tel autre. À ce moment, comment résoudrait-on le conflit? Serait-ce seulement par le jeu du rapport de forces? D'après ce que vous proposeriez, quel cheminement serait suivi?

Je vous parle du point de vue du personnel politique qui, à ce moment-là, est astreint à tous les exercices de pression que vous pouvez deviner. Les chambres de commerce, les syndicats, le clergé, les associations patronales, les journaux disent: Qu'est-ce qu'ils font, les politiciens? Ils ne grouillent pas; ils ne règlent pas ce problème. Il faudrait qu'ils bougent. Comment voyez-vous cela dans la perspective que vous ouvrez qui me paraît comporter des risques sérieux?

M. Lauzière: Je pense qu'il faut d'abord dire que les risques de ce genre, je l'imagine - on pourrait avoir un peu d'imagination - ne seraient pas plus élevés...

M. Ryan: Cela peut aller dans bien des sens.

M. Lauzière:... pas plus dramatisés que les situations actuelles que l'on connaît depuis quelques rondes de négociation où il n'y a pas un conflit qui se généralise, mais un conflit généralisé presque en partant, et systématiquement.

Deuxièmement, je pense que l'effet conjugué de la désynchronisation et de la décentralisation va effectivement, il me semble, réduire le nombre de conditions qui, dans le système actuel, sont mises ensemble de façon systématique pour créer un conflit généralisable.

Cependant, la question demeure, il ne faut pas rêver en couleur: il peut y avoir des conflits. Dans la mesure même justement je pense toujours aux effets de la désynchronisation et de la décentralisation -où cela se fait un peu plus près et un peu plus à la vue des clientèles et des premiers intéressés, cela risque encore de mettre un peu plus de sérieux dans la volonté de faire un règlement. S'il n'y en a pas, je pense que le régime des relations du travail ne peut

pas éviter cette issue: il y a un conflit, il y a une grève qui dure. Que voulez-vous, à un moment donné, si l'État, pour une raison ou une autre, est fondé de penser et pense effectivement que le bien commun est en cause, il agira. Avant cela, nous sommes d'accord avec le système de médiation proposé dans l'avant-projet de loi, avec les délais qu'il comporte, avec le fait qu'il soit public. On aimerait qu'il soit public automatiquement. L'avant-projet de loi dit: L'une ou l'autre partie peut demander qu'il soit public. De toute façon, la grève ne peut être déclarée que si le rapport est entre les mains du ministre du Travail. Donc, la grève ne peut être déclarée que si le rapport de médiation est public. Je pense qu'il y a là une amélioration du mécanisme. Il y a également une amélioration du mécanisme par le renforcement des pouvoirs confiés au Conseil sur les services essentiels. Il y a peut-être des questions juridiques qui peuvent jouer. Est-ce que, effectivement, il peut détenir ces pouvoirs dans le contexte actuel de nos lois? On peut poser la question.

Enfin, si malgré les effets conjugués de la décentralisation et de la désynchronisation, malgré un meilleur mécanisme de médiation, il y avait un conflit qui commandait l'intervention d'un tiers, je pense qu'on ne peut pas éviter de penser que, de toute façon, un tier devrait intervenir éventuellement. On pense que les deux parties peuvent demander au médiateur qu'il soit arbitre dans cette affaire. Sinon, si vraiment le bien commun était en cause, je ne vois pas comment on ne pourrait pas envisager éventuellement l'intervention de l'État. Mais je pense que ce qu'on demande, ce que nous proposons - c'est essentiellement également ce que propose l'avant-projet de loi relativement aux mécanismes - c'est de nature, il me semble, à réduire les conditions qui y mènent presque automatiquement à tous les trois ou cinq ans. Mais je pense qu'il n'y a pas de magie là-dedans. Personne ne peut s'imaginer que, actuellement, la seule vertu des mécanismes et, dans le fond, la seule volonté des gens bien intentionnés éliminent l'intervention de l'État éventuellement.

M. Robert: Si vous remontez à il y a 20 ou 25 ans, c'est un peu loin. On se place peut-être dans un changement de perspective. Il y a dix ou douze ans, l'État dans le domaine de l'éducation, entre autres, et des services en général a pris plus de place; cela a été de nature à politiser les conflits. Avec la proposition qui est faite de vouloir reporter au niveau local la discussion d'un certain nombre de conditions de travail après en avoir enlevé toute la question du normatif lourd, la nature des conflits ne pourrait pas être la même que les conflits qu'on a pu connaître durant les dix ou douze dernières années. Il faut se resituer dans un contexte de changement de perspective où les enjeux seraient véritablement plus locaux que ceux qu'on a connus durant les dix ou douze dernières années.

M. Ryan: Évidemment, il y aurait beaucoup à dire encore, mais, malheureusement, le temps achève et je veux donner la chance à mon collègue de Verdun de vous poser une question sur un autre aspect du projet de loi, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun, allez-yl

M. Caron: M. le Président, j'aimerais avoir votre point de vue sur les articles 49 et 50 de l'avant-projet de loi. L'article 49 se lit comme suit: "Les affaires de l'institut sont administrées par un conseil d'administration formé d'au plus treize membres, dont un président. " L'article 50: "Les membres du conseil d'administration sont nommés par le gouvernement. Six de ces membres, à l'exception du président, sont choisis parmi les personnes dont les noms apparaissent sur les listes... " Enfin, je ne le terminerai pas pour gagner du temps. J'aimerais avoir votre opinion. L'Assemblée nationale, avec les deux tiers des voix, nomme assez souvent des gens comme le président des élections et d'autres personnes. Pour rendre le projet de loi plus sécuritaire, que penseriez-vous du fait que le président soit nommé aux deux tiers des votes de l'Assemblée nationale?

M. Lauzière: Personnellement, je trouve que c'est probablement une bonne suggestion. Je ne vois pas d'objection de principe. Nous ajoutons cependant que, au niveau de la composition de l'institut, il nous semble qu'il serait plus crédible et qu'on organiserait moins les choses partie à partie dans un institut qui doit faire des recherches, qu'on assurerait mieux, en tout cas, la crédibilité au départ et à la fin si ces membres-là étaient nommés par le gouvernement, éventuellement de la façon que vous suggérez, mais après spécifiquement sinon exclusivement consultation des associations professionnelles concernées. Cela pourrait être des associations d'économistes, des départements universitaires ou autres. Autrement, je crains, les tendances déjà connues pouvant se poursuivre, que les gens se sentent plus, malgré que légalement ils ne le sont pas, représentants de partie qu'experts du seul point de vue économique. La façon dont la composition est arrêtée risque de les rendre partisans un peu et risque surtout que les résultats qui sortent des travaux de ce comité soient interprétés comme étant justement plutôt des compromis de négociation que des études d'experts.

Enfin, c'est un peu délicat, mais il me semble qu'il y aurait avantage à procéder autrement dans la désignation des membres de cet institut.

Le Président (M. Lachance): Voilà! Merci. Je tiens à remercier les membres de la Fédération des cégeps d'être venus en commission parlementaire nous apporter leur éclairage sur ce qu'ils voient dans l'avant-projet de loi. Madame, messieurs, merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui.

J'inviterais maintenant les porte-parole de la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec à bien vouloir prendre place. Nous allons suspendre les travaux de la commission pour cinq ou six minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

(Reprise à 12 h 6)

Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec

Le Président (M. Lachance): Après cette brève interruption, la commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux. Nous entendrons maintenant des représentants de la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec. Je voudrais d'abord demander à M. le député d'Argenteuil et à M. Je député de Fabre, s'il vous plaît, de bien vouloir poursuivre leur conversation à l'extérieur du champ de la caméra. Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec, et je crois que leur porte-parole est M. Denis Alain, à qui je demanderais de bien vouloir nous présenter la personne qui l'accompagne. M. Alain.

M. Alain (Denis): Manon Gagnon, attachée de presse à la fédération.

Mme Gagnon (Manon): Bonjour.

Le Président (M. Lachance): Bonjour. Je vous invite maintenant, M. Alain, à nous faire votre exposé. Le principe est très simple dans cette commission. Moins longtemps vous allez parler, plus longtemps on va pouvoir discuter, vous poser des questions et clarifier peut-être des positions relativement à votre participation aux travaux de cette commission parlementaire. M. Alain, vous avez la parole.

M. Alain: Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs, membres de l'Assemblée nationale, la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec est heureuse, en cette année internationale de la jeunesse, de venir déposer auprès de cette commission un bref exposé traitant du projet de loi du gouvernement. Pour notre fédération, il s'agit, bien sûr, d'une occasion qui nous permet de vous entretenir de certains principes qui, dans le passé, nous ont amenés à nous prononcer sur diverses lois. Aussi, cela réaffirme qu'il est important de prendre la place que la jeunesse et le mouvement étudiant, notamment, ont tout avantage à occuper dans la société.

En ce qui a trait à l'objet de cette commission parlementaire, la fédération tient à mentionner que le 2 mars 1983, lors de la commission parlementaire permanente sur l'éducation, nous avons présenté un mémoire qui, dans ses grandes lignes, affirmait la volonté des étudiants de ne plus être catalogués comme de simples consommateurs passifs de cours, mais plutôt d'être considérés comme "usagers d'un service public et donc de jeunes citoyens à part entière. " Ainsi, nous défendions la thèse selon laquelle "les droits ou acquis des uns ne doivent plus brimer ceux des usagers. De même, nous sommes tout à fait d'accord avec le fait que les travailleurs et les travailleuses doivent avoir des conditions de travail décentes; mais ces droits reconnus ne doivent plus aller à l'encontre des droits des plus démunis de cette société. " C'est dans cette optique que nous désirons apporter une critique constructive de l'avant-projet de loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

Faisant un premier survol du texte, nous avons observé qu'un premier oubli important s'est glissé dans le projet. Il s'agit de la participation des usagers au niveau local dans le processus de décision. Nous croyons, à ce propos, qu'il faut pallier le manque d'exercice de responsabilités actuel que nous démontre le gouvernement et les syndicats face aux usagers. Citons, par exemple, le cas du transport en commun.

Pourquoi l'arrivée d'une tierce partie? Les pratiques traditionnelles nous démontrent, d'une part, une confrontation invoquée par des restrictions budgétaires et, d'autre part, la surprotection des acquis, la pratique du camouflage et la bureaucratisation des relations du travail. Les deux refusent toute responsabilité face aux conséquences de leur entêtement. Cependant, on n'hésite pas pour se renvoyer la balle dans un dialogue de sourds qui débouche sur lois spéciales pardessus lois spéciales, utilisant nos institutions démocratiques comme véhicules de moyens de pression. Il faut mettre fin à cette polarisation et à l'arbitraire actuels en incluant dans le processus décisionnel les usagers qui ont le droit de dire leur mot sur la qualité, la quantité et les coûts. Ces derniers sont impuissants lorsque surviennent des conflits. Ce sont encore les utilisateurs

qui subissent les graves conséquences de l'escalade des confrontations. Ainsi, on en vient à se perdre quant aux raisons des blocages fréquents occasionnés par des pratiques souvent trop corporatistes.

C'est ainsi que, tout en conservant l'esprit de l'article 25 concernant la possibilité d'utiliser une forme de médiation en ayant recours à un groupe d'intérêt public, il serait profitable d'offrir dans le chapitre I, section III. 2, articles 28 à 39, la même possibilité pour une association étudiante de s'inscrire dans cette nouvelle forme de médiation en matières définies comme devant faire l'objet de stipulations négociées et agrées à l'échelle locale ou régionale. Nous associons aussi par là le cas d'une stipulation portant sur la rémunération. À cette fin, l'association pourrait nommer toute personne qu'elle juge à propos. C'est également dans cet esprit de participation légitime, de ce net besoin de renseignements et afin d'être responsables jusqu'au bout que nous vous proposons que, lors de la formation de l'Institut de recherche sur la rémunération, deux étudiants soient nommés au sein de ce conseil d'administration pour un mandat de deux ans. De telles propositions de notre part vous inciteront donc à amorcer une réflexion, voire même un changement de mentalité, face aux usagers de services qui ont une grande responsabilité à assumer lors du processus décisionnel. Nous avons parfaitement le droit d'être informés puisque c'est nous qui subissons les contrecoups souvent inquantifiables.

Le droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Le syndicalisme nous a apporté beaucoup, aux Québécois et Québécoises. Ce n'est pas pour rien qu'il a longtemps été qualifié de locomotive de progrès social. Il est cependant enfoui aujourd'hui dans un certain isolement, conséquence de son discours dépassé par une société en perpétuel changement. Il n'en reste pas moins que, si le gouvernement retire le droit de grève au niveau local, c'est qu'il remet en question le principe même du syndicalisme. À notre avis, l'exercice du droit de grève doit être rendu plus difficile mais non pas aboli.

Par ailleurs, il est évident que la grève comme moyen de pression ne doit plus être un instrument abusif de chantage. À cet égard, la fédération propose que le droit de grève soit accordé si un délai de plus de deux ans s'est écoulé depuis la fin de l'entente précédente. Ainsi, une telle disposition, a notre avis, blesserait moins la dignité syndicale et favoriserait, nous l'espérons, le respect de cette clause. De cette manière, le gouvernement éviterait de bafouer une pratique et un droit depuis longtemps reconnus.

Pouvoirs de redressement. Si le gouver- nement entend donner aux usagers la place qui leur revient, nous désirons qu'il soit conséquent et qu'il inclue ces derniers dans la composition du Conseil des services essentiels. Seulement, nous trouvons que ces pouvoirs sont aléatoires et qu'ils ne tiennent pas véritablement compte du partage des responsabilités. S'il y a conflit, c'est qu'il y a évidemment deux parties qui ne s'entendent pas. Mais, vu d'un oeil qui n'est ni juge ni partie et qui, de plus, subit cette aliénation, les deux portent l'odieux et sont responsables de ce qui arrive à part égale, diraient certains.

À notre avis, les compensations qui devraient être versées à toute personne ou groupe en raison de l'interruption ou de la diminution des services, après en avoir fixé le préjudice en valeurs pécuniaires, devraient être défrayées équitablement par les deux parties. Les amendements apportés au Code du travail ne prévoient le versement que par l'une ou l'autre des parties, ce qui, à notre avis, ne représente pas d'équitables responsabilités face aux conséquences. Qui sait si un jour les étudiants n'oseront pas réclamer du gouvernement et des syndicats des compensations pécuniaires pour les préjudices causés lors d'un conflit? Qui sait si une année scolaire prolongée d'un mois ou deux n'ira pas dégarnir de dizaines de millions de dollars les coffres de nos "prédateurs"?

C'est par ces nouvelles propositions que nous espérons que le climat d'affrontement fera place a celui des échanges et de la responsabilisation des différentes parties face à ce nouveau contrat social. Nous n'avons jamais, dans son ensemble, été pour ou contre ce projet car, pour nous, il s'agit d'un faux débat. Tout cadre de négociation qui exclut les usagers est condamné à maintenir la confrontation.

Les éléments de réforme que nous vous avons soumis méritent, nous croyons, d'être considérés comme étant, sans prétention, une contribution positive à apporter a titre de partenaires sociaux. C'est le message que les étudiants et étudiantes de collège laissent à votre réflexion. (12 h 15)

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Alain.

J'invite d'abord le ministre de l'Éducation a vous faire part de ses commentaires et questions.

M. le ministre.

M. Gendron: M. le Président, Mme et MM. de la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec, je tiens, en mon nom personnel, au nom du gouvernement et des membres de la commission, à vous remercisr très sincèrement d'avoir pris des minutes de réflexion pour sortir effectivement ce point de vue et d'avoir

décidé de venir l'exprimer ici, en commission parlementaire.

Je pense que vous avez tout à fait raison d'indiquer qu'il vous appartient... Et je ne pense pas que c'est parce que c'est l'Année internationale de la jeunesse; je pense qu'il est toujours requis que de plus en plus, dans une société, les jeunes jouent leur rôle, prennent leur place et tentent d'infléchir des orientations de toute nature des "décideurs" à quelque niveau que ce soit, au niveau politique ou à d'autres niveaux.

Je pense qu'il est important, si on veut vous donner l'occasion d'avoir une présence accrue dans des secteurs auxquels vous êtes étroitement associés tant dans votre quotidien d'aujourd'hui que dans le devenir, que vous ne ratiez pas des occasions comme celle-ci de nous faire connaître vos prétentions. Je suis convaincu, comme vous l'indiquiez dans la conclusion, qu'il s'agit là d'une contribution qui se veut sans prétention, une contribution dite positive, alors que vous voudriez effectivement qu'on puisse tenir compte de certaines recommandations que vous nous faites.

Je n'ai pas la prétention de le résumer en une ou deux phrases, mais je ne pense pas faire erreur en disant que globalement, dans votre mémoire, l'esprit qui se dégage est qu'il faut trouver des mécanismes qui confèrent une meilleure place aux usagers. Dans le cas que l'on discute, ce sont bien sûr les receveurs de l'éducation dispensée; quand elle n'est plus dispensée, bien sûr, c'est vous autres qui en subissez les affres ou les conséquences négatives. Dans ce sens, quelle que soit la conclusion du cadre de négociation dans lequel nous allons possiblement fonctionner pour les prochaines années, je pense que qui que ce soit qui aura à l'appliquer devrait être particulièrement attentif et soucieux de cette demande que vous formulez avec raison, en tout cas, en ce qui me concerne.

Donc, la phrase résumée c'est que vous dites: on va avoir une place là-dedans. On veut effectivement que les mécanismes nous permettent de nous exprimer; nous voulons ça d'une façon assez claire. En particulier à trois endroits précis quand vous avez parlé de la médiation. Vous avez également exigé... Au niveau de l'Institut de recherche sur la rémunération, vous souhaiteriez avoir des porte-parole et également au Conseil des services essentiels. Je ne veux pas revenir comme tel là-dessus ou vous demander des précisions. Je pense que c'est on ne peut plus clair. Vous dites: Essayez de nous trouver une place. C'est toujours une question d'équilibre. N'importe quel intervenant susceptible de subir des conséquences néfastes ou désastreuses de conflits qui perdurent, qui se présentent dans le temps de façon beaucoup trop fréquente, est susceptible d'avoir les mêmes exigences, et avec raison. C'est une question d'équilibre de voir comment on peut assurer qu'un certain nombre d'usagers, sans les qualifier comme tels... Aujourd'hui on a la chance de rencontrer des jeunes provenant du milieu des études collégiales. Vous dites: On veut être là. Et il serait normal que d'autres types d'usagers, dans un cadre de négociation comme ça, aient le même type de revendications. Tout ce que je peux vous dire c'est que nous pouvons donner certaines assurances que des usagers aient le pouvoir d'être concrètement dans le décor et d'infléchir des orientations qui sont prises.

J'aurais deux questions et peut-être que mon collègue de Fabre en aura aussi. On va prendre notre temps. Vous indiquez de façon très claire que le droit de grève devrait demeurer au niveau local. Je ne pense pas qu'on ait de discours à vous faire sur le sens que devrait normalement avoir l'exercice du droit de grève. Règle générale, par définition, normalement dans un État civilisé, c'est une mesure de dernier recours. Quand on entrevoit d'utiliser ce qu'on appelle le recours au droit de grève c'est parce qu'on juge que le conflit ou le différend est à ce point d'envergure majeure qu'on veut utiliser le moyen ultime de pression qui est la cessation de la prestation de services à quelque niveau que ce soit.

C'est pourquoi on avait indiqué dans l'avant-projet de loi que comme gouvernement nous ne croyons pas, si on s'entend sur la notion du recours au droit de grève qui doit porter sur des matières importantes, significatives, majeures, c'est un peu dans ce sens-là qu'on avait dit que pour les matières locales... Je n'essaie pas de déprécier ni d'atténuer la signification réelle, dans le vécu des étudiants ou des professeurs, que peuvent avoir des dispositions à caractère local. J'essaie juste de vous dire qu'il ne m'apparaît pas que sur ce type de dispositions on doive avoir la même convenance du caractère d'importance, de gravité ou d'éléments majeurs comme les questions de sécurité d'emploi, de salaire. Je ne veux pas revenir sur le partage et faire un long discours sur ce qui est prévu de matières à négocier au niveau central et localement.

La seule question que je pose est celle-ci: Après qu'on a dit que vous êtes d'accord pour le droit de grève au niveau local et que vous ajoutez qu'on devrait le rendre plus difficile, en ce qui me concerne je ne suis pas particulièrement éclairé et j'aimerais, puisque vous avez réfléchi là-dessus - vous en parlez dans votre mémoire - que vous m'indiquiez un peu quelques balises additionnelles. Qu'entendez-vous par resserrer et rendre plus difficile le droit de grève au niveau local et comment, concrètement, en termes d'opérationalisation, croyez-vous que cela devrait se faire? C'est là ma question

précise.

Le Président (M. Lachance): D'accord. Avant de répondre à la question - je ne voudrais pas vous faire perdre le fil de l'idée - je constate que vous avez deux collègues qui se sont joints à vous depuis que nous avons commencé cette séance. Si vous vouliez, M. Alain, nous les présenter. Cela nous intéresse.

M. Alain: À ma droite, M. André Boisclair, qui est à l'exécutif de la FAECQ aux affaires locales, et M. Mario Guilbert, à la gauche, à côté de Manon, qui est le permanent politique de la fédération.

Le Président (M. Lachance): Merci beaucoup. Vous pouvez répondre maintenant.

M. Alain: Je crois que l'esprit, le fond de ce projet c'est d'amener les deux parties à établir une pratique de négociation qui, de bonne foi, devrait satisfaire tous les intervenants. À partir de cela, offrir une possibilité, par exemple, aux usagers de venir en forme de médiation serait à notre avis un moyen efficace pour peut-être retarder une échéance qui, de toute façon... Si le gouvernement abolit le droit de grève, les syndiqués vont en être profondément offensés dans le sens qu'on a beau l'abolir par une loi, un décret, cela a aussi un inconvénient au niveau du milieu, au niveau des relations avec les intervenants. Cela a aussi un impact sur le respect même de ce processus de négociation qui serait, à notre avis, littéralement bafoué, ce qui aurait comme conséquence que cela serait tout simplement une autre mesure parmi tant d'autres et que les syndicats, lorsque bon leur semblera, puisque cette entente ne fait pas l'unanimité au niveau du corps professoral et du corps syndiqué, ne la respecteraient tout simplement pas en se disant: Ils ne pourront pas tous nous jeter en prison.

À notre avis, si on établit des règles claires, si on établit des règles qui vont faire l'unanimité ou l'accord des parties par le biais de cette forme, je crois que la négociation serait de beaucoup plus... En tout cas, le mécanisme en tant que tel serait beaucoup plus respecté de la part des parties.

M. Gendron: Si vous permettez, creusons un peu et ce, bien amicalement. Vous m'indiquez les raisons pour lesquelles vous dites qu'on devrait le laisser. La question portait moins là que comment aller dans le... Parce que vous dites une espèce d'échange. On le laisse là à condition qu'il soit exercé plus difficilement.

Je tiens cependant à vous rappeler -c'est seulement à titre d'information - que, quand vous dites "on voudrait qu'il demeure au niveau local" à moins que je fasse erreur, dans le contexte actuel il n'y a pas de droit de grève au niveau local. Cela serait nouveau. Il ne demeurerait pas, a moins de dispositions bien particulières. Le droit de grève comme tel concernant les matières locales, dans le régime actuel, il n'existe pas véritablement. Mais ma question n'est pas véritablement cela, elle porte sur comment rendre les dispositions plus difficiles de l'exercice du droit de grève au niveau local.

M. Alain: Si, pendant un délai de deux ans, les deux parties ne sont pas capables d'en venir à un accord, à notre avis, il y a un manque, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'un côté comme de l'autre. Advenant le cas que les syndiqués retiendraient la grève comme solution à un déblocage éventuel d'une négociation, à ce moment-là, on pourrait dire qu'on a quand même tout essayé et que toutes les parties ont négocié de bonne foi. S'il faut établir un rapport de forces, en conséquence, dans le cas où il y aurait un blocage quelconque et qu'il faille progresser d'une façon quelconque, je crois que ce serait une façon plus avantageuse de le réglementer pour le rendre plus difficile, si vous voulez, et non pas l'interdire totalement, en sachant très bien qu'ils vont le prendre de toute façon. Mais, s'ils sont capables de respecter, par exemple, une réglementation de ce côté, je crois que cela forcerait aussi les parties, pendant ces mois, à boucler cette entente et peut-être qu'à la fin aussi de ces deux années on n'aura pas assez d'éléments pour justifier une telle action dans le milieu.

M. Gendron: Dans le fond, vous ajoutez une balise. Je veux seulement comprendre ce que vous voulez dire en disant qu'il soit rendu plus difficile. Vous croyez que si on maintenait une disposition qui dirait que ce droit au niveau local peut être exercé après une période déterminée dans le temps - pour la période déterminée dans le temps, vous dites: un délai de deux ans depuis la dernière entente - ce serait une balise suffisante pour gérer un peu mieux l'exercice du droit de grève au niveau local. C'est cela que vous affirmer.

M. Alain: À notre avis.

M. Gendron: D'accord. J'aurai une autre question également qui ne porte pas nécessairement sur le droit de grève. Vous avez indiqué dans votre mémoire - je pense que, sur le fond, on est complètement d'accord - qu'il est important pour les jeunes de prendre la place que les jeunes, la jeunesse et le mouvement étudiant devraient avoir dans la société, dans des débats comme celui-là. Vous avez indiqué, à un moment donné: Nous, ce qui nous intéresse, on veut

avoir l'assurance d'être informés, on veut avoir l'assurance d'avoir les informations qui sont véhiculées. Je voudrais seulement savoir si cette exigence logique, d'après votre réflexion, a des chances d'être satisfaite uniquement dans la perspective que vous êtes présents, par exemple, au Conseil des services essentiels, à l'Institut de recherche sur la rémunération. Si le point majeur était surtout d'avoir droit à certains types d'informations je voulais tout simplement vérifier si cela exigeait toujours une présence comme telle aux comités ou si vous ne pouvez pas bénéficier comme n'importe quel citoyen intéressé et hautement concerné par ces questions de l'information qui sera véhiculée par l'une ou l'autre des instances. J'aimerais que vous précisiez cela davantage.

M. Alain: L'essentiel à retenir c'est le principe de la participation que les usagers doivent avoir dans ce processus de décision. Prendre notre place là-dedans signifie aussi prendre nos responsabilités, dans le sens que ces usagers en question ne doivent pas seulement intervenir momentanément, mais doivent être considérés comme étant des partenaires permanents. Lorsque ces actions et événements arrivent dans le milieu, c'est nous qui, en permanence - si on peut s'expliquer comme cela - depuis longtemps, subissons les contrecoups de ces conflits. Si on veut être conséquents jusqu'au bout, on se doit d'être présents, non seulement lorsqu'il y a une médiation à effectuer, mais aussi lorsqu'on jette les balises et les grands paramètres de cette négociation. On doit accéder à ce processus et être considéré comme étant un partenaire à part égale au niveau du principe des usagers. (12 h 30)

M. Gendron: En termes de responsabilité face aux conséquences que vous vivez à la suite d'un arrêt de travail, vous dites: "L'interruption ou la diminution de services, après en avoir fixé le préjudice en valeur monétaire, devraient être défrayées équitablement par les deux parties". Et vous ajoutez: "Les amendements apportés au Code du travail ne prévoient le versement que par l'une ou l'autre des parties", ce qui, à votre avis, ne représente pas équitablement le niveau de responsabilité relativement à des conséquences comme celles-là. Je voudrais vous demander: Est-ce que c'est dans l'avant-projet de loi qu'on a évoqué cette disposition ou si c'est une disposition que vous souhaiteriez qu'on inclue dans les modifications prévues au Code du travail?

M. Alain: Nous, ce qu'on aimerait qu'il soit inclus... C'est que, voyez-vous, nous, dans ces conflits-là, on n'est ni juge ni partie à la fois. Pour nous, prendre part à un débat comme celui-là, il est intéressant de donner notre avis, etc., c'est sûr, ; seulement, lorsqu'on en est rendu à payer la note, on se dit: Ce n'est pas seulement soit au gouvernement ou au syndicat de payer pour cela, mais aux deux. On veut trancher la poire en deux, si on peut utiliser une expression comme celle-là, pour... Bon!

M. Gendron: D'accord. Je vous remercie. Je laisse la parole à mon collègue de Fabre.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Fabre, dans la première enveloppe de temps, vous auriez un peu moins de cinq minutes.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. D'abord, je veux féliciter la Fédération des associations étudiantes collégiales de nous présenter un point de vue que nous n'avions pas jusqu'à maintenant entendu, soit le point de vue des bénéficiaires. Je trouve cela intéressant. J'aimerais amener mes questions sur l'implication des bénéficiaires, tel que vous le proposez dans votre mémoire, entre autres, à la page 2. Vous demandez d'être participants dans le processus de décision. Je me demande si la place du ministère devrait être dans le processus de décision. Une médiation vise le rapprochement des parties, mais il s'agit d'une intervention qui est tout de même assez technique, surtout quand on connaît la complexité, l'épaisseur des conventions collectives. Il s'agit là d'interventions, souvent, qui ont des implications très techniques. Dans le processus d'arbitrage qui est prévu au niveau local, d'abord, vous êtes pour le maintien du droit de grève, alors que l'avant-projet de loi prévoit l'arbitrage au niveau local et, encore là, l'arbitrage est un processus qui est complexe, technique, etc. Est-ce que les bénéficiaires ont leur place dans un processus aussi technique? Je me pose la question, en tout cas. Sauf que je suis d'accord avec vous que... En tout cas, ce serait intéressant d'explorer cette possibilité d'une place réservée aux bénéficiaires, mais où, à quel endroit?

Il m'est venu à l'esprit cette idée qui nous a été présentée hier, et je me réfère à ce qui se passe en Ontario où il existe une espèce de commission des relations du travail qui se situe au-dessus des parties et qui vise à rapprocher les parties, à informer le public. En tout cas, cela m'a semblé - je n'ai pas étudié le processus à fond -beaucoup moins technique, plus susceptible d'exercer des pressions sur les parties en fonction des implications que pourrait avoir une grève dans un service public. Je me demande si vous avez pensé un peu à cette perspective. En tout cas, d'après moi, une implication dans le processus décisionnel, je ne suis pas convaincu que ce soit la formule

pour les raisons que je vous ai données, parce que vous demandez aussi aux bénéficiaires de prendre partie dans le débat. Cela peut être tantôt pour les syndicats, tantôt pour la partie patronale, mais il n'est peut-être pas approprié de demander aux bénéficiaires de prendre partie, en tout cas, les bénéficiaires qui s'impliquent officiellement au nom d'organismes, etc. Je me demande si les bénéfiaires ne devraient pas jouer un rôle un peu plus neutre qui viserait le rapprochement, l'information, qui viserait aussi un certain nombre de pressions à exercer sur les parties. Je me demande si du point de vue moral, finalement, les bénéficiaires ne pourraient pas exercer un rôle fort intéressant mais à la condition de ne pas être dans le processus décisionnel. Est-ce que vous avez réfléchi à cet aspect, à savoir la place précise que pourraient occuper les bénéficiaires?

M. Alain: Je crois qu'en prenant notre place dans ce processus on pourrait, comme vous le disiez tout à l'heure, chercher une unité, si vous voulez. Seulement, est-ce qu'on a déjà expérimenté le rôle qu'auraient à jouer les usagers? Est-ce qu'on a donné les outils pour que, librement, les parties puissent avoir recours aux usagers qui, bien souvent, comme on vous l'a démontré aujourd'hui, ont une vision un peu différente des choses? Seulement, dans la pratique, depuis des années, on n'a jamais retenu leur participation et, surtout, on a un peu sous-estimé leurs ressources, leur rôle. C'est justement cette mentalité qu'on essaie de changer.

M. Guilbert (Mario); M. le député, c'est qu'on a utilisé aussi les usagers. Ils se sont fait ballotter d'un côté et de l'autre à toutes les négociations depuis à peu près 20 ans, chacun croyant être le bon défenseur des usagers, que ce soit dans les secteurs de l'éducation, des services sociaux et autres. Finalement, ils n'ont quand même pas eu davantage de poids dans les négociations. C'est ce qu'on veut dire.

Restreindre l'influence des usagers à des propos techniques, je trouve cela un peu paradoxal. Pourquoi les débats seraient-ils techniques pour les usagers et ne seraient pas techniques pour les parties patronale et syndicale? Si c'est compréhensible pour les patrons, le gouvernement et les centrales syndicales, je ne vois pas pourquoi cela ne serait pas compréhensible également pour les usagers. À ce niveau, personnellement, j'interprète votre question comme étant un peu insuffisante.

M. Leduc (Fabre): J'aurai peut-être l'occasion d'y revenir.

Le Président (M. Lachance): Très bien.

C'est effectivement le cas, puisque votre temps était écoulé. Je cède la parole au député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais saluer les représentants de la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec. Cela nous fait toujours plaisir de causer avec les représentants de ceux qui sont considérés comme les usagers, pour employer une expression consacrée qui définit très imparfaitement ce que vous êtes.

Je pense qu'on doit reconnaître que, dans plusieurs conflits qui ont surgi dans le passé, les grands oubliés ont été les usagers, non seulement dans le secteur de l'éducation mais dans les secteurs de la santé, des transports et, également, dans le secteur énergétique. Il est sûr qu'il faut se poser cette question de manière consciencieuse mais, en même temps, la solution est extrêmement difficile. Si on parle, par exemple, de la participation des consommateurs aux décisions à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal, comment allons-nous les regrouper aux fins de participation à ces décisions? Là, il y a un problème énorme qui se pose et qui n'a pas trouvé de solution satisfaisante.

On a des processus dans nos lois concernant les cégeps en particulier, concernant les hôpitaux, qui prévoient une participation des usagers aux conseils d'administration. Je parlais justement tantôt avec les représentants de la Fédération des cégeps qui étaient ici. Moi-même, j'ai reçu une convocation ces jours-ci pour assister à titre de parent à une réunion convoquée par une des personnes qui sont venues nous rencontrer tantôt. J'ai dit que j'allais essayer d'y aller. Il m'a dit: Sur à peu près 3000, vous allez être 25. Il a dit: On va être très heureux que vous soyez là. Vous serez le numéro 26. Est-ce que ces 25 personnes peuvent vraiment prétendre parler au nom des 3000? C'est un immense problème. C'est la quadrature du cercle. Moi-même, je n'ai pas de solution. On en cherche tous ensemble. Ce n'est pas facile à trouver.

Ceci pour dire qu'autant l'usager ou le consommateur peut être fort, éloquent et efficace aussi, je pense, quand il présente sa situation comme victime de certains conflits, autant je suis loin d'être sûr que de l'associer au processus des décisions va être la solution. Il y a peut-être même un avantage, en y pensant comme il faut, à ce qu'il ne soit pas dans le processus de décision, pour avoir une voix plus indépendante, plus forte, justement, pour pouvoir véritablement interpeller les deux parties avec toute la vigueur nécessaire.

Je vous pose le problème bien simplement, ce n'est pas une affirmation que je fais, c'est une question qui me vient à

l'esprit. Je voudrais simplement vous signaler - cela n'a pas été mentionné, je pense, jusqu'à maintenant - que déjà, en vertu de la loi actuelle, vous autres, vous êtes du côté de la partie patronale. Je crois qu'en vertu de la loi sur les cégeps il y a deux représentants des étudiants qui siègent au conseil d'administration à titre de membres égaux avec les autres. Ces représentants, si je me souviens exactement de ce que dit la loi sur les associations étudiantes, sont désignés par l'association étudiante. Donc, vous avez déjà un pied dans la partie patronale. Vous allez me dire que c'est un pied extrêmement timide et menu par rapport à celui que d'autres ont, c'est vrai, mais je ne sais pas si vous avez tiré toutes les possibilités d'influence que représente ce mode de représentation. S'il n'en représente pas du tout, moi, à votre place, je dirais que je n'en veux pas; s'il en représente, je pense que vous avez le devoir de l'exploiter au maximum. Peut-être que cela a été fait de manière relativement inefficace, je ne le sais pas, mais il y a quand même quelque chose là.

À titre de membres du conseil d'administration, je pense que vous pouvez manoeuvrer autant que les autres pour essayer d'être présents dans tel ou tel comité de travail que crée le conseil d'administration, surtout quand il arrive un conflit de travail. II me semble que vos représentants au conseil devraient dire: Nous autres, on est les premiers concernés et on veut être là, on veut être présents dans les organismes qui vont vraiment décider des choses. Si on vous refuse cette présence, vous avez un pouvoir d'intervention auprès de l'opinion comme les autres. Si vous trouvez que deux, ce n'est pas assez, vous pouvez peut-être en demander trois. Je ne le sais pas. Il y a quelque chose qui n'a pas été exploité et cela m'étonne qu'on n'en parle pas dans la présentation que vous faites parce que ce sont quand même des réalités de départ. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus tantôt.

Deuxième remarque que je voudrais faire. Je ne crois pas qu'il y aurait de difficulté à avoir un étudiant ou deux au conseil d'administration de l'Institut de recherche sur la rémunération. Cela me semble assez facile parce que c'est un organisme qui est clairement identifié. Ils vont en nommer deux qui viennent d'ici, deux de là et, s'ils en prennent deux qui viennent du secteur étudiant, je pense que ce peut être une bonne chose, si l'organisme est formé sur une base représentative. Si on retenait la perspective qui était proposée tantôt par la Fédération des cégeps, eux disaient que ce devrait plutôt être des économistes et des spécialistes de différentes disciplines que des représentants de corps d'intérêt. À ce moment, cela change l'affaire. Mais, si ce doit être sur une base représentative, vous avez votre place là. Je pense que le ministre a laissé entendre tantôt qu'il voyait cela d'un oeil très sympathique et, là-dessus, nous aussi.

Mais, quand on arrive au processus de négociation, vous dites: On veut être introduit quelque part entre 28 et 39, je pense. C'est ce qui est dit dans votre mémoire à la page 3. Dans une négociation, s'il arrive un conflit, il y a la partie patronale, dont vous êtes un élément minoritaire, mais dont vous êtes, et il y a la partie syndicale, dont vous n'êtes pas, à ma connaissance, et il va se former une médiation. Si c'est un médiateur-arbitre, vous n'avez pas d'affaire là-dedans. On peut bien vous demander votre opinion quant au gars qui va être nommé, mais, dans quatre cas sur cinq, je ne pense pas que cela va influencer grand-chose ou que ce soit nécessaire de trop multiplier le champ des consultations obligatoires de ce côté.

Si c'est une équipe de médiation de trois, ce ne serait peut-être pas mauvais d'essayer cela: le président - un étudiant -un représentant syndical et un représentant patronal; peut-être qu'il arriverait à des choses aussi sensées qu'eux. (12 h 45)

Un observateur? Dans les réunions d'une équipe... D'abord, là, c'est plutôt un médiateur individuel qui est conçu dans le projet de loi plutôt qu'un médiateur-équipe. Je voudrais vous demander comment vous voyez cela. Moi, je ne le vois pas, pour être franc avec vous. Je vous le dis bien simplement parce que je n'ai pas coutume de laisser entrevoir des choses auxquelles je ne crois point. Comment verriez-vous l'introduction de la dimension que vous représentez dans les articles 28 à 39?

Si vous avez des commentaires sur le premier aspect de mon intervention, utilisation plus efficace ou plus pesante du levier que vous détenez déjà par le biais de la présence que vous avez au conseil d'administration.

M. Alain: La présence qu'on a au conseil d'administration a deux tranchants. D'un certain côté, on va chercher une information mais, au niveau des rapports, les administrateurs ont un peu la même attitude que dans l'hypothèse que vous avez soulevée, par exemple, au niveau de la représentativité. On se fait souvent dire: Est-ce que tu as consulté tous les étudiants sur ça, etc. ? Ils essaient de discréditer nos propos à partir de ça.

De dire: Est-ce que ça vous donne la plate-forme pour réussir lorsqu'il y a une formation de comité ou non, embarquer dans le comité... C'est toujours un peu arbitraire dans un sens, parce que, quand ils nous permettent d'embarquer dans un tel comité,

c'est un peu pour observer ce qui va se passer dans ce comité. Quand on veut y participer pleinement, on nous consulte mais on ne nous considère pas comme étant partenaires d'égal à égal. Les étudiants, ce sont des étudiants. Essayons de les laisser en dehors de ça. Par exemple, conservons nos acquis, nos réalités et ne laissons pas une troisième partie venir peut-être influencer ou arracher une partie d'un pouvoir ou d'une responsabilité qui incombe particulièrement à l'un ou l'autre groupe.

M. Ryan: Si vous me permettez de continuer, je ne vous suggérerais pas, si vous me demandiez mon avis, de vous identifier à la partie patronale dans la négociation. Je ne pense pas que ce serait une bonne chose. Je pense que vous seriez vite embarqués dans le genre de considérations dont vous avez parlé qui enlèverait énormément de crédit moral à l'influence que vous pourriez exercer sur le déroulement d'un conflit. C'est une opinion, ça vaut ce que ça vaut pour les raisons que vous avez données parce qu'ils sont portés à faire leur jeu entre eux autres. Il y a toute une série de choses qui sont déjà entendues entre les deux parties et elles considèrent que l'étudiant arrive là-dedans, qu'il vient un petit peu de loin. Par exemple, demander une chose comme celle-ci...

M. Alain: Je suis d'accord avec vous, monsieur, mais on oublie souvent que ces décisions ou cette protection de ces choses-là se font à notre détriment, bien souvent. C'est ça qui est oublié là-dedans. On est parfaitement d'accord avec ce que vous nous dites là, mais il faudrait établir une nouvelle dimension, un respect, si vous voulez, face aux usagers, qui n'existe pas actuellement.

M. Ryan: On cherche le dénominateur commun parce qu'on s'entend sur l'objectif et on s'entend également sur la situation actuelle. En la résumant, je ne voudrais pas que vous pensiez que j'approuve tout ce qui se fait, loin de là. Mais je cherche quelque chose qui pourrait être réel, atteignable et dans le respect de ce qui existe aussi dans la mesure où on n'a pas quelque chose de meilleur à mettre à la place. Est-ce que ça pourrait être une formule la présence obligatoire d'un représentant des étudiants aux séances de négociation? Là, au moins, vous auriez l'information de première main, vous pourriez la communiquer à vos commettants de première source et pas seulement à partir du résumé hélas! fort souvent incomplet et tendancieux que pourrait vous donner l'une ou l'autre des deux parties.

M. Alain: Cette proposition s'inscrit dans l'esprit de notre mémoire.

M. Ryan: C'est une chose à laquelle vous ne répugneriez pas.

M. Alain: Sûrement pas.

M. Ryan: Qui pourrait s'inscrire, comme vous le dites, dans la ligne de votre revendication.

M. Guilbert: En ce qui me concerne, M. le député, je n'ai pas tellement compris tantôt l'intervention que vous avez faite à savoir comment 25 personnes pourraient parler pour 3000. Vous pariiez de la Fédération des cégeps. Je n'ai pas compris votre inquiétude là-dessus puisque le système de notre société est fondé sur des formules de représentation. On est dans le lieu où c'est peut-être le plus évident; 122 personnes qui ont à parler pour 6 500 000 personnes. Là-dessus, je n'ai pu comprendre votre inquiétude. D'autre part, en ce qui concerne...

M. Ryan: Je vais vous l'expliquer.

M. Guilbert: Pardon?

M. Ryan: Je vais vous l'expliquer après.

M. Guilbert: Oui. J'attends votre réponse avant. En ce qui concerne la présence des étudiants dans les conseils d'administration, les professeurs le sont, eux aussi, dans les conseils d'administration. Là-dessus, tantôt, vous disiez: Est-ce que ce n'est pas un lieu pour aider à résoudre les problèmes? Mon Dieu, si c'était là le véritable lieu, puisque toutes les parties sont présentes, cela se réglerait, mais ce n'est pas à cela qu'on assiste.

M. Ryan: Je vais vous donner une brève explication sur mes 25, pour commencer. Quand vous avez une loi qui prévoit un mode de participation à la direction d'une institution et que cela donne comme résultat que, sur 3000 votants possibles, il y en a 25 qui sont à l'assemblée, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas bien dans le système. Il faut améliorer cela. Cela n'a pas de bon sens pour des raisons qui sautent aux yeux. Je serais bien gêné d'être un des parents élus pour parler au nom des 3000. Si j'étais élu seulement par 25, je ne parlerais pas trop fort.

M. Alain: À mon avis, il faut aller chercher plus profondément la cause de cette manifestation du problème.

M. Ryan: C'est correct.

M. Alain: À mon avis, c'est parce que, précisément, il n'y a pas de pouvoirs, il n'y a pas de responsabilités. Ces gens-là n'ont

pas de poids. C'est pour cela qu'ils deviennent désillusionnés. Ils n'ont pas de force.

M. Ryan: Je voudrais simplement faire une comparaison avec le député, parce que vous l'avez ouverte tantôt. Je peux vous assurer, d'abord, qu'aux élections il y a à peu près 80% des gens qui participent. Vous n'avez pas idée du nombre de choses que le député doit faire entre deux élections pour revenir la fois suivante. Il est surveillé de très proche surtout dans les comtés ruraux. Je pense que ceux qui sont ici avec moi vont en témoigner, c'est beaucoup plus exigeant que d'aller à une réunion une fois. Je me vois à la réunion à ce cégep-là, je ne connais même pas les autres parents et on va voter le soir même pour choisir des gens. Cela n'a pas de bon sens. Il y a quelque chose qu'il faut trouver pour améliorer cela. Vous dites qu'il faut remonter aux causes. D'accord, les causes, on les cherche tous, évidemment.

Pour revenir à notre problème, en ce qui vous touche, j'ai fait une proposition en tout cas: représentation obligatoire aux séances de négociation. Je ne peux pas vous garantir que, quand ils vont aller se ramasser dans des suites d'hôtel à 2 heures du matin, ils vont vous inviter, mais les séances officielles, vous auriez le droit d'être là. Peut-être que le gouvernement pourra considérer cela dans sa loi. Est-ce qu'il y a d'autres moyens de réaliser votre voeu pour 28 à 39? C'est ma question.

M. Alain: II faut quand même, M. Ryan, offrir aux parties une médiation de groupes d'intérêt public - comme c'est offert au niveau national - au niveau local, à notre avis, et non pas encore limiter les usagers à un rôle de consultation ou de spectateur d'une pièce de théâtre quelconque. Pour nous, c'est précisément cette pratique-là qui est rituelle que l'on veut changer. C'est dans cet esprit qu'on dit que, pour nous, la solution, c'est d'introduire l'usager dans le mécanisme de décision, en tout cas, d'en offrir la possibilité, ce qui n'a jamais été fait. C'est un nouveau volet.

M. Ryan: Très bien. Savez-vous? Il y a une chose que je n'avais pas saisie dans ce que vous avez dit et je suis content que vous ayez insisté. Il y a une disposition à l'article 25 qui touche à ce que vous dites. On dit: "Les parties peuvent faire une entente sur une procédure de médiation différente de celle prévue par les articles 23 et 24". Cela, c'est à l'échelle nationale, mais cela pourrait très bien être transposé à l'échelle locale également.

M. Alain: C'est exactement ce qu'on demande.

M. Ryan: Ensuite, on dit: "Elles peuvent notamment avoir recours à un conseil de médiation ou à un groupe d'intérêt public. "

M. Alain: Voilà, c'est cela qu'on demande.

M. Ryan: Je vais vous dire, je suis d'accord avec vous à 100% qu'on peut, en particulier, la collectivité étudiante représentée par ses associations légalement constituées... Je pense qu'il y aurait quelque chose à ajouter ici qui serait très bon surtout au niveau local. Je n'avais pas saisi ce joint-là parce que, dans la section 28 à 39, il n'est pas question de cela. Il faudrait transposer dans 28 à 39 ce qui est l'article 25 et ajouter une précision au point de vue étudiant. Là, personnellement, je trouve que l'idée a beaucoup de bon sens. Cela reste, cependant, une chose à laquelle les parties peuvent recourir, surtout quand on parle de groupes d'intérêt public, et vous l'êtes au premier chef.

M. Alain: Exactement. Puisque, finalement, on peut appeler cela un peu "laver notre linge sale en famille", dans le milieu les pressions seront faites en conséquence, éventuellement. Nous considérons que nous avons notre mot à dire à ce sujet. Qu'on fasse soit un recours collectif ou une autre mesure, je trouve que ce n'est pas de la prévention, c'est tout simplement vouloir guérir, mais je pense qu'il faut établir des mécanismes de prévention à ce niveau.

M. Ryan: Oui.

M. Alain: Mais je suis content que vous partagiez notre avis à ce niveau, M. Ryan.

M. Ryan: Oh oui! À notre sens, il n'y a pas de problème là-dessus. Je pense que c'est intéressant. C'est une idée qui vient enrichir la perspective. Mais il y a là une chose qui vous sépare de l'avant-projet de loi, cependant. Vous voudriez que le droit de grève soit maintenu moyennant, cependant, des limites que vous avez indiquées dans votre texte et dans les explications que vous avez données tantôt à M. le ministre de l'Éducation.

Pensez-vous réellement que cela serait une bonne chose de revenir à un régime où on pourrait avoir des grèves à intervalles différents dans une centaine d'institutions différentes dans tout le Québec autour d'enjeux qui pourraient évidemment varier continuellement, donner lieu à de la surenchère de propagande? À un moment donné, vous savez comment un conflit se fait. On a vu le conflit de Saint-Ferdinand d'Halifax, récemment. Personne n'aurait pensé qu'il pouvait y avoir une grève à

propos d'une affaire comme cela.

Finalement, cela prend des proportions énormes et cela dure pendant des semaines et des semaines. Est-ce que vous avez bien pensé au danger qu'on ait cela continuellement sur le territoire?

M. Alain: Si vous nous permettez...

M. Ryan: Si vous me permettez, je vais finir ma question. Comment allez-vous régler la grève? Est-ce que vous la laissez aller seulement sur le jeu du rapport de forces ou si vous envisagez quelque chose?

M. Alain: Voyez-vous, pour nous, si les usagers réussissent à avoir la place qui leur revient finalement, à notre avis, on va pouvoir éviter ces confrontations, en tout cas, dans un premier temps. Advenant le cas que les syndiqués retiendraient cette option, il pourrait, éventuellement, y avoir place à de nouveaux décrets. De toute façon, l'abolir comme il l'est maintenant ne va que stimuler un mécontentement au maximum et va dégénérer en une grève.

Pour nous, le problème n'est pas là. C'est qu'il faut donner les instruments au niveau local, puisque maintenant la négociation est au niveau local, pour prévenir ces conflits. Mais, a notre avis, il faut quand même laisser aux syndiqués ce droit depuis longtemps reconnu qui est de recourir à ce moyen de pression. Nous pourrons précisément voir dans la pratique quelles sont les améliorations et si, éventuellement, ils vont avoir à y recourir. Pour nous ce n'est pas clair qu'ils vont l'utiliser, en y introduisant une médiation des usagers des services. Ce n'est vraiment pas clair.

Si, précisément, ils retiennent cela, à un moment donné, nous pourrons dire encore une fois notre opinion et, selon la conjoncture, prendre les moyens pour faire valoir nos droits soit pour inciter les professeurs à retourner dans les classes ou, simplement, inciter le gouvernement à... C'est selon le cas, parce qu'il faut prévenir aussi. Est-ce que cela clarifie un peu?

M, Ryan: Oui. Je vous remercie beaucoup. Il y aurait bien d'autres questions mais le temps est pratiquement écoulé. Je pense qu'on aura l'occasion de poursuivre cette discussion sous d'autres auspices.

Le Président (M. Lachance): Merci. Je voudrais remercier les représentants de la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec d'avoir pris la peine de préparer un mémoire et de venir ici en commission parlementaire. Merci beaucoup, madame, messieurs, de votre présence iciaujourd'hui. Il ne nous reste qu'à souhaiter que vos préoccupations se traduisent dans la réalité. Merci beaucoup. Oui, M. le député de Fabre. (13 heures)

Motion proposant d'inviter la coalition syndicale

M. Leduc (Fabre): Je voudrais faire motion, M. le Président, compte tenu que nous sommes sur le point d'ajourner nos travaux. Avant l'ajournement, je voudrais faire motion pour que la commission du budget et de l'administration qui étudie l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic sollicite les représentants de la coalition syndicale qui regroupe les centrales syndicales, et les syndicats non affiliés des secteurs public et parapublic à venir nous faire connaître leurs points de vue respectifs dans les meilleurs délais. Je vous demande, M. le Président, d'accepter cette motion. Si elle est acceptable, je vous demande de me permettre de faire un certain nombre de commentaires sur cette motion.

Le Président (M. Lachance): En ce qui concerne le recevabilité de la motion, selon nos règles de procédure, il n'y a aucun doute là-dessus, M. le député, il n'y a pas de problème. J'aimerais bien avoir le libellé de votre motion aussitôt que ce sera possible. Vous avez la parole, M. le député. Le député de Portneuf pourra poursuivre.

M. Pagé: Sur la recevabilité, je voudrais seulement vous soumettre quelques commentaires qui sont de nature à exiger de vous une réflexion peut-être un peu plus poussée en regard de la recevabilité. On sait que l'Assemblée nationale peut se prononcer par loi ou par motion. On sait qu'une motion, c'est un geste en vertu duquel l'Assemblée ou encore sa prolongation dans le cas qui nous occupe, parce que nous sommes en commission parlementaire... C'est donc dire que c'est tout comme si l'Assemblée nationale siégeait. Le libellé de la motion est tel que son interprétation doit être précisée.

On se rappellera qu'au début de nos travaux un appel a été lancé par moi-même, auquel a ajouté sa voix le ministre délégué a l'Administration, demandant à tout autre intervenant, et plus particulièrement les groupes syndicaux, qui serait intéressé à venir témoigner devant cette commission de le faire. Ce que je me demande, c'est ceci: On sait qu'une commission parlementaire a le pouvoir de convoquer des témoins dans le cadre de ses travaux. Cela a été fait à quelques reprises. Qu'il suffise de se référer à la commission parlementaire qui a étudié la question du règlement hors cour de la Baie James; qu'il suffise de se référer à la commission parlementaire qui a siégé au

début de l'année 1976, à la commission de l'Assemblée nationale, si ma mémoire est fidèle, et qui concernait le traversier-rail de Matane à Godbout où, à la suite d'une motion comme celle présentée par le député de Fabre, avec un libellé analogue, des gens se sont vu enjoindre l'ordre de venir témoigner devant la commission qui étudiait un problème donné.

Je crois comprendre que ce que recherche le député de Fabre, ce qui est tout à fait légitime, c'est que cette commission formule essentiellement le voeu dans le sens que des groupes organisés qui auraient été normalement susceptibles de venir témoigner devant la commission, premièrement, qui auraient été susceptibles d'y ajouter une contribution importante au niveau de la réflexion, du débat et des discussions révisent leur position et qu'ils viennent ici. C'est bien différent que d'adopter une motion à notre commission et de leur demander de venir, auquel cas cela devient un ordre de la commission; et, si l'ordre n'est pas respecté, la commission peut intervenir pour imposer une pénalité quelconque à un groupe qui ne respecterait pas l'ordre de la commission. Car un ordre de la commission, en droit parlementaire, cela devient un ordre de la Chambre, et une personne qui refuse d'accéder à un ordre de la Chambre se retrouve dans la même situation juridique que si elle commettait un outrage au tribunal. Je vous demanderais de bien analyser le libellé de la motion afin que cela ne soit pas considéré comme tel; et, afin que cela ne soit pas considéré comme tel, je crois, quant à moi, que la motion ne devrait pas être présentée, premièrement, compte tenu des précédents et, deuxièmement, compte tenu des effets pour l'avenir. Comme c'est là, une commission -je terminerai là-dessus - ne peut pas parler pour ne rien dire. C'est une demande, c'est une convocation ou cela n'en est pas une. On ne peut pas faire une motion pour formuler un voeu non plus.

Essentiellement, si on a un voeu à formuler, je pense qu'on peut faire un tour de table assez rapidement, et tout le monde sera unanime à constater que la demande, la proposition et le voeu avaient déjà été formulés. Cela peut être réitéré tout simplement dans le cadre d'un propos, mais je ne crois pas, quant à moi, que la motion soit recevable. Si elle est recevable, à ce moment-là, cela devient un ordre de la commission et ces gens doivent venir témoigner devant nous. Je ne crois pas que ce soit là l'objectif du député.

Le Président (M. Lachance): Sur la recevabilité, M. le député de... Oui.

M. Ryan: Question de règlement, au préalable, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryans Je constate que nous avons dépassé la treizième heure. Le consentement de tous les membres est-il requis pour que la discussion continue?

Le Président (M. Lachance): Vous avez raison, M. le député d'Argenteuil. Je dois refuser mon consentement parce que nous sommes convoqués à une réunion de la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre pour 13 heures.

M. Clair: Alors la commission reprendrait ses travaux à 15 heures à ce moment-là.

Le Président (M. Lachance): Nous n'avons pas d'ordre, dans le plan d'organisation des travaux qui nous a été donné par le leader, pour revenir ici.

M. Pagé: Pour votre gouverne, nos travaux se poursuivent demain en sous-commission.

Le Président (M. Lachance): En sous-commission.

M. Pagé: Nous avons trois heures allouées. Il sera très certainement possible de formuler... J'ai cru comprendre - et le ministre me corrigera si je me trompe - que l'objectif du député c'était que la commission formule à nouveau le voeu que ceux qui auraient pu se faire entendre puissent le faire et qu'ils réagissent assez vite pour... On pourra le faire demain à la fin de nos travaux en sous-commission.

M. Clair: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.

M. Clair: Disposons d'abord rie la question de la poursuite de nos travaux. Je voudrais indiquer là-dessus qu'on dépasse 13 heures effectivement. Les travaux de la commission étaient prévus pour durer également cet après-midi et ce soir. Il y avait eu l'entente entre les formations politiques qu'il y aurait du temps de disponible à la fin des travaux de la commission et non pas de la sous-commission pour que les deux partis puissent tirer les conclusions par un bilan des travaux de cette commission. Le député de Portneuf se souviendra de cette entente. De deux choses l'une: ou on continue maintenant sur consentement ou les travaux devraient reprendre à 15 heures.

M. Pagé: Mais, M. le ministre,

comment pouvez-vous - et, là, cela va vous aider, j'en suis persuadé - tirer une conclusion des travaux avant que la commission n'ait terminé ses travaux, en l'occurrence demain par la sous-commission qui va siéger? Ce serait, le moins que je puisse dire, assez insultant, mercil D'abord, pour les groupes qu'on va entendre demain. J'ajouterai que, normalement, lorsqu'on siège en sous-commission, on devrait faire rapport à la commission. En fait, la conclusion de nos travaux se fait soit demain en sous-commission ou elle se fera au moment où cette commission siégera pour entendre le rapport de la sous-commission.

M. Clair: M. le Président, le député de Portneuf confond les rôles de la sous-commission et de la commission. La commission parlementaire était prévue pour siéger cet après-midi et ce soir également. Nous avons épuisé plus tôt que prévu la liste des intervenants qui s'étaient annoncés en commission parlementaire. Les travaux devraient normalement continuer à 15 heures...

M. Pagé:... pour étudier la motion. Point final à la ligne.

M. Clair:... pour étudier la motion, et si on donne un temps de parole de 20 minutes à chacun, sauf erreur, dans les travaux de la commission, de part et d'autre, chacun utilisera les 20 minutes qui lui sont allouées pour dire ce qu'il a l'intention de dire. À ce moment-là, je sais très bien que la conclusion finale de toute l'opération de la commission et de la sous-commission qui doit siéger demain ne pourra pas être tirée avant d'avoir entendu tout le monde, cela va de soi. Les travaux, sur le plan strictement technique, devraient continuer normalement à 15 heures cet après-midi. Quant à moi, je n'ai pas l'intention de faire un long débat et, si les députés de l'Opposition y consentaient, il m'apparait qu'une quizaine de minutes de notre côté seraient suffisantes pour terminer les travaux aujourd'hui.

Maintenant, sur la question de la recevabilité de la motion du député de Fabre, M. le Président, le député de Portneuf a lui-même fait une motion qui avait sensiblement le même objectif...

M. Pagé:... pas fait de motion.

M. Clair:... elle a été adoptée en commission parlementaire. Aujourd'hui, il plaide exactement le contraire.

M. Pagé: Je m'excuse!

M. Clair: Quand cela vient de l'Opposition il est pour, quand cela vient de la partie ministérielle il s'y oppose.

M. Pagé: Bien, voyons doncl

M. Clair; Bien, voyons donc! Regardez tout le monde qui était là...

M. Pagé: Ce n'est pas une motion que j'ai faite. Vous êtes avocat par surcroît! Que cela vienne de quelqu'un qui n'est pas avocat, cela ne me surpendrait pas, mais vous êtes avocat, vous devriez être à même de comprendre que ce que j'ai formulé...

M. Clair: M. le Président...

M. Pagé:... ce n'était pas une motion, c'était un voeu. C'est bien différent!

M. Clair: Avez-vous le texte de ce qui a été adopté?

Le Président (M. Lachance): Je ne l'ai pas ici. Je sais que le député de Portneuf a présenté une motion en bonne et due forme qui consistait...

M. Pagé:... à entendre M. Brunet.

Le Président (M. Lachance):... à indiquer a la commission d'entendre M. Brunet, de la Coalition pour les droits des malades. Cette motion a été adoptée à l'unanimité des membres de la commission. Si ma mémoire est fidèle, il n'y a pas eu d'autres motions du député de Portneuf, lors des travaux de la commission.

M. Pagé: C'est cela. Ravalez vos paroles, M. le ministre.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf, il ne faudrait quand même pas envenimer la situation.

M. Pagé: Non, non, mais quand même...

Le Président (M. Lachance): Jusqu'à maintenant, cela s'est bien passé...

M. Pagé:... surtout de la part d'un avocat.

Le Président (M. Lachance):... et je regrette qu'à la fin de nos travaux on en arrive à une situation semblable.

M. Pagé: II s'excuse...

Le Président (M. Lachance): Je voudrais indiquer, M. le ministre et messieurs de la commission, qu'en ce qui concerne le mandat qui a été donné à la sous-commission il est très explicite, pour une durée de trois heures, de 14 h 30 à 17 h 30, à Montréal, et le mandat est le suivant: "Lors de cette séance, la sous-commission procédera à l'audition de la Coalition pour les droits des

malades, dans le cadre de la consultation générale portant sur l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. " C'est très précis comme mandat. Le même problème se poserait à nouveau demain, s'il n'y a pas unanimité des membres de la sous-commission pour faire état de l'appréciation de ce qui a été vécu lors des travaux que nous avons eus ici depuis deux semaines. Si je comprends bien, il faudrait, afin de faire une évaluation ou une discussion sur ce que nous avons entendu, revenir ici, parce qu'il est exact que la sous-commission doit faire rapport de son mandat à la commission.

M. Clair: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.

M. Clair: Tout brillant juriste que je ne sois pas, selon l'avis du député de Portneuf, je pense que la première question dont il faut disposer actuellement, c'est: Est-ce que les travaux se continuent ou non? Je pense que c'est à vous qu'il appartient de prendre une décision. Est-ce que vous interprétez que nous avons dépassé l'heure et, vu que le député d'Argenteuil ne donne pas son consentement, que la commission doit cesser ses travaux? C'est la première décision à prendre. La deuxième, si vous considérez qu'on doit cesser les travaux est-ce qu'ils reprendront à 15 heures ou non?

Après cela, je veux vous dire que je ne ferai pas un long débat. Les commentaires, on peut les faire. Il y a des caméras de télévision tout autour, on va donner à chacun notre point de vue sur l'état d'avancement des travaux. Mais je pense qu'il aurait été plus normal, après avoir entendu pendant plus de deux semaines des organismes qui sont venus donner leur point de vue, que chaque formation politique à ce stade-ci, sans se priver du droit de faire un bilan à la fin des travaux de la sous-commission qui fera rapport à la commission et pour lequel il y aura une réunion... Il me semble que rien n'aurait empêché qu'un tel bilan provisoire puisse être dressé. Si l'Opposition veut faire une guerre de procédure là-dessus, on n'en fera pas. L'invitation du député de Fabre a été clairement indiquée. Je pense qu'il était possible et qu'il est souhaitable qu'une motion d'invitation - cela peut se faire sans que celle-ci soit coercitive - soit faite et adoptée par les membres de cette commission. Cela allait exactement dans le sens et dans l'esprit de la proposition du député de Portneuf au début des travaux. Si les membres de l'Opposition ont changé d'idée et qu'ils ne veulent pas se mouiller... Je sais qu'ils ne veulent pas se mouiller sur grand-chose et ils ne veulent pas se mouiller sur cela, non plus. M. Pagé: Non.

M. Clair: Alors, vous décidez, M. le Président, si les travaux arrêtent ou s'ils continuent.

Le Président (M. Lachance): Bon. En ce qui concerne l'interrogation du député d'Argenteuil, c'est très clair, cela prendrait l'unanimité des membres et je comprends qu'il n'y a pas unanimité actuellement pour poursuivre les délibérations. Cela est clair. Cela prendrait l'unanimité.

Deuxièmement, en ce qui concerne la recevabilité de la motion, elle était recevable dans la mesure où nous pouvions en discuter. Or, comme nous ne pouvons pas en discuter, je pense que cela termine nos travaux - compte tenu du calendrier qui avait déjà été établi et compte tenu que nous avons entendu les représentants pour l'audition de 19 mémoires, ce qui est terminé - sauf en ce qui concerne le mandat de la sous-commmission demain. La seule façon de revenir avec la motion du député de Fabre serait au moment où la commission recevra le rapport de la sous-commission qui aura entendu la Coalition pour les droits des malades.

Cela dit, la commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 15)

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