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(Neuf heures treize minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente du budget et de l'administration se
réunit avec le mandat de procéder au débat portant sur le
discours sur le budget.
Je voudrais savoir, M. le secrétaire, s'il y a des
remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blank
(Saint-Louis) sera remplacé par M. Viau (Saint-Jacques) et M. Caron
(Verdun) sera remplacé par Mme Dougherty (Jacques-Cartier).
Le Président (M. Lachance): Merci. Je laisse la parole au
député de Vaudreuil-Soulanges.
Le Fonds de développement des
ressources
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un des aspects que j'aurais
aimé qu'on traite à l'occasion de l'étude du budget, c'est
ce que le ministre a intitulé le Fonds de développement des
ressources. Il y a de très gros chiffres qui se promènent
là-dedans. On nous parle, en page 28 du discours sur le budget, de 2 500
000 000 $ qui, au cours des cinq prochaines années, transiteraient
-c'est le mot qu'on emploie - par le Fonds de développement des
ressources. Il y a de très gros chiffres et, notamment, pour la
première année, on aimerait avoir un petit peu plus
d'explications dans la mesure où il y a apparemment certains de ces
chiffres qui ne sont pas récurrents.
Par la nature même des énoncés du ministre on peut
voir, par exemple, que la vente d'actions privilégiées
d'Hydro-Québec a été déjà mentionnée.
On a parlé d'une transformation du capital d'Hydro-Québec quant
à 10 %, une nouvelle classe d'actions que le ministre pourrait vendre
sur le marché. On parle de 400 000 000 $, sauf erreur. Si on parle de 10
% du capital-actions, excluons les réserves, les surplus, etc.,
accumulés depuis la loi qui modifiait la Loi sur Hydro-Québec en
1981, il y a à peu près 400 000 000 $.
Il y a par ailleurs - on est au royaume de l'ellipse et du sous-entendu
- le produit de la vente des succursales de la Société des
alcools du Québec. Il y a un certain passage du discours sur le budget,
des déclarations qui ont été faites en marge des
discussions sur le budget qui laisseraient croire qu'il ne serait pas
impossible, dans la mesure où c'est une société distincte
du gouvernement, une société publique, que la vente de ses actifs
devienne une source de fonds pour le Fonds de développement des
ressources.
De façon générale, pour commencer, avant qu'on
aborde en détail les différents postes d'origine de ce que doit
être le Fonds de développement des ressources, j'aimerais que le
ministre nous indique ce qu'il envisage au point de vue du fonctionnement, quel
est le cadre conceptuel, si on veut, qui va nous permettre de juger un peu
à l'avance de ce qu'il va y avoir dans ce fonds.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Duhaime: M. le Président, effectivement, le discours
sur le budget fait état de la création d'un Fonds de
développement des ressources qui, par définition même,
également, va aider énormément au développement
économique des régions puisque les ressources se retrouvent dans
la plupart des grandes régions économiques du Québec. Je
pense, entre autres, au secteur minier, au secteur forestier, en
particulier.
Effectivement, le député de Vaudreuil-Soulanges a
très bien compris la problématique. Sur les cinq prochaines
années, incluant l'année en cours, transitera par le Fonds de
développement des ressources une somme globale de 2 500 000 000 $, et
ça pourrait même aller au-delà, selon les niveaux de
dividende que versera Hydro-Québec au gouvernement au fil des ans.
J'aurai avec moi, dans quelques minutes, un détail ou un chiffrier un
peu plus précis qui devrait soutenir ce que je vais dire.
Nous voulons, dans un premier temps, verser au Fonds de
développement des ressources le produit de la disposition d'actifs ou
d'actions d'entreprises d'État. J'ai déjà annoncé
la Société des alcools, par exemple, qui va vendre son
réseau de succursales et de points de vente au détail. Nous
évaluons, sur la base des soumissions publiques et des franchises, que
ces transactions pourraient rapporter dans les deux années qui viennent
à peu près 150 000 000 $. Cela pourrait être un peu moins
ou un peu plus, mais 150 000 000 $ pour 259 succursales au total,
dont à peu près 200 pourraient être vendues, cela
m'apparaît un chiffre réaliste.
Deuxième élément, le capital-actions ordinaire
d'Hydro-Québec que détient le ministre des Finances, dont une
partie sera convertie en actions privilégiées, pourra être
offerte en vente au grand public du Québec et pourrait aller chercher au
cours des prochaines années à peu près 400 000 000 $. Cela
fait plus ou moins 500 000 000 $.
Maintenant, transiteront également par ce fonds-là les
droits de mines et les redevances hydrauliques. Les droits de mines donnent
à peu près 30 000 000 $ par année à l'heure
actuelle; les redevances hydrauliques, c'est-à-dire les
"royautés" versées au gouvernement sur la base des baux consentis
par l'entreprise privée pour l'utilisation des rivières, des
barrages et des cours d'eau des grandes entreprises comme A lean, Reynolds,
Québec North Shore, il y en a pour 3500 mégawatts au
Québec.
Ensuite, il y a les droits de coupe qui sont versés par les
utilisateurs de la forêt publique, de sorte que pour ce qui est des
revenus des droits de mines, les redevances hydrauliques, les droits de coupe,
je ne les ai pas sous la main ici, mais vous trouverez cela très
facilement dans le livre des crédits et du budget. Donc, au total
d'Hydro-Québec sur les cinq prochaines années on devrait se
retrouver - juste une seconde, je ne voudrais pas vous donner... Juste une
seconde, je ne voudrais pas vous donner deux séries de chiffres. Si on
fait la projection pour les trois prochaines années, par exemple, sur la
base de la politique actuelle des dividendes à Hydro-Québec en
excluant les actions, le revenu des actions privilégiées vous
donne quelque chose autour de 800 000 000 $ à 900 000 000 $ et cela se
concilie avec le plan d'équipement qui a été
déposé tout récemment par Hydro-Québec, à la
suite de discussions en commission parlementaire et de l'adoption du dernier
tarif à 2, 5 %, 2, 7 % d'augmentation. Sous la rubrique
générale des droits reliés aux ressources,
c'est-à-dire droits de mine, redevances hydrauliques et droits de coupe,
la projection est entre 350 000 000 $ et 400 000 000 $. La disposition des
actions d'Hydro-Québec, cela va donner environ 400 000 000 $. Cela vous
fait 1 700 000 000 $ et, en y ajoutant 150 000 000 $ de la SAQ, cela vous fait
1 850 000 000 $. C'est la projection qu'on fait pour les trois prochaines
années. Alors, quand on avance que pourrait transiter par le Fonds de
développement des ressources une somme qui pourrait être de
l'ordre de 2 500 000 000 $ sur la période de cinq ans, cela pourrait
être 2 400 000 000 $, cela pourrait être 2 600 000 000 $, à
même les différents postes que je viens de mentionner. Si le
gouvernement décidait d'aller à 2 500 000 000 $ pile, il pourrait
toujours faire un apport à même le fonds consolidé.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a un chiffre qui m'a
étonné, c'est celui des droits perçus au titre de
l'exploitation des richesses naturelles. On ne parle pas des dividendes
d'Hydro-Québec comme tels; on parle des droits de coupe, des droits
miniers que le ministre a mentionnés. Le chiffre qu'il vient de donner
sur trois ans c'est 300 000 000 $ à 400 000 000 $.
M. Duhaime: 350 000 000 $ à 400 000 000 $.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): 350 000 000 $ à 400 000
000 $. J'essaie de concilier cela avec les sources de revenus que le
gouvernement retire à ce titre, ce qui apparaît dans la rubrique
"ressources naturelles". Pour l'année qui vient de se terminer, cela a
été 107 000 000 $, et pour l'année prochaine cela va
être 114 000 000 $ dans les droits et les permis, divisés en
quatre ou cinq: Les véhicules automobiles, les boissons alcooliques -
pour les boissons alcooliques cela va chuter parce qu'il me semblerait qu'il y
a une espèce de non récurrent qui est la vente des succursales,
quoique les droits et les permis en matière de boissons alcooliques
c'est plutôt une sorte de permis de débit de boisson et
d'exploitation, je présume; ce n'est pas une question de dividende ou
quoi que ce soit - les ressources naturelles, le quatrième étant
"Pari mutuel". On parle d'une centaine de millions. C'est de l'ordre de
grandeur, si on remonte à 1979... 90 000 000 $, 95 000 000 $, 125 000
000 $, 140 000 000 $, 86 000 000 $, 83 000 000 $, 107 000 000 $, 114 000 000 $.
400 000 000 $ cela m'apparaît aujourd'hui élevé pour les
trois prochaines années quand la première est 114 000 000 $.
C'est la première explication quant à l'ampleur des chiffres qui
sont mentionnés par le ministre pour constituer le Fonds de
développement des ressources. Les autres chiffres nous apparaissent d'un
ordre de grandeur relativement acceptable.
Mais je persiste à ne pas comprendre, à l'égard
d'Hydro-Québec comme tel; qu'est-ce qu'on a ajouté de plus
à Hydro-Québec? À partir du moment où on
émet des actions privilégiées, on convertit le capital ou
on convertit d'année en année les réserves et surplus. Le
discours sur le budget d'une part et les annexes d'autre part ne permettent pas
de dégager précisément ce qui va arriver. Je comprends
qu'on aura un projet de loi devant nous et qu'on aura des virgules et des
points-virgules mais j'essaie de voir où vous vous en allez
précisément.
Vous nous avez parlé de créer une classe d'actions
additionnelle. On parle à un endroit de transformer les surplus et
les
réserves accumulés par opposition à ce qu'est te
capital-actions. On parle par ailleurs de transformer le capital-actions pour
vendre 10 % sous forme de capital privilégié de
l'équité que le gouvernement détient. Le chiffre de 400
000 000 $ que vous avez mentionné, c'est bien 10 % du capital-actions
actuel. En même temps, cela laisse soupçonner que ce n'est pas le
capital-actions actuel qui va être distribué quant à 10 %
mais bien une partie des réserves, des profits, des
bénéfices non répartis, si on veut,
qu'Hydro-Québec a accumulés depuis quatre ans et que c'est dans
ce pot-là, si vous voulez me passer l'expression, qu'on va aller
créer des actions privilégiées qui vont être vendues
au public. J'essaie de comprendre d'où vont venir les 400 000 000 $,
parce qu'il m'a l'air d'y avoir deux énoncés en apparence
contradictoires.
M. Duhaime: Vous avez raison de dire: En apparence
contradictoires, parce que c'est...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Comme beaucoup de choses qui
sont là-dedans. (9 h 30)
M. Duhaime:... très, très simple à
comprendre quand on veut comprendre. D'abord, je dois dire, M. le
Président, que le Parti libéral a eu une attitude variable sur
cette question quand la rumeur a voulu qu'à un certain moment des
actions d'Hydro-Québec soient mises sur le marché, on a tout de
suite crié qu'il y avait là un des grands dangers de privatiser
Hydro-Québec.
Je voudrais donner toutes les assurances au député de
Vaudreuil-Soulanges, de même qu'à tous mes collègues, que
le gouvernement n'a aucune intention de privatiser HydroQuébec. Ce que
nous avons l'intention de faire, quand on se réfère aux
états financiers d'Hydro-Québec, c'est qu'on se rend compte que,
depuis la loi 16, Hydro-Québec est dotée d'une structure de
capital comme toute grande entreprise de cette taille plutôt que d'avoir
des réserves, de sorte qu'aujourd'hui le capital-actions ordinaire
d'Hydro-Québec est de l'ordre d'à peu près 4 000 000 000 $
que détient - c'est un espèce d'euphémisme - le ministre
des Finances comme actionnaire de cette entreprise.
Nous allons proposer à l'Assemblée nationale un projet de
loi pour créer une classe d'actions privilégiées, au
capital-actions d'Hydro-Québec, et les actions ordinaires, qui sont
déjà souscrites, émises et payées, seront
converties, pour une partie, en actions privilégiées pour
à peu près un peu moins de 10 % de ce capital, et ce sont ces
actions privilégiées qui seront mises en vente par l'actionnaire.
Alors, ça ne changera en rien les équilibres financiers
d'Hydro-Québec, ça ne changera en rien les ratios. Son niveau
d'autofinancement, par exemple, n'est pas modifié, son passif n'est
modifié d'aucune façon, mais ça permet, comme je
l'indiquais dans le discours sur le budget, de dégager le gouvernement
comme tel, de permettre aux Québécois d'investir directement
comme actionnaires priviégiés. Ils vont porter des actions qui
auront un revenu garanti sans droit de vote, ce qui permettra au gouvernement
de se dégager...
Je pense qu'on pourrait faire cet exercice sur les deux ou trois
prochaines, peut-être plus les trois prochaines années, pour
tester ce nouveau véhicule financier. Dans un premier temps, je pense
que la prudence nous commande de ne pas nous lancer dans toutes les directions
en même temps, mais ça va permettre à l'actionnaire de
récupérer 400 000 000 $, peut-être même davantage, si
besoin était d'augmenter le capital-actions total de l'entreprise, et
c'est cet argent qui va être placé, réinvesti dans un Fonds
de développement des ressources pour que ce soit utilisé
exclusivement au développement des richesses naturelles du
Québec.
Je pense, entre autres, à des affectations comme une politique de
reboisement, qu'il nous faut financer au fil des années, une politique
de soutien à l'exploitation minière et à la mise en valeur
des richesses de notre sous-sol qui, soit dit en passant, sont encore la grande
inconnue, en ce qui me concerne; très probablement aussi le Fonds de
développement des ressources pourra financer la recherche et le
développement dans les technologies qui sont reliées au secteur
des richesses naturelles.
Plutôt que cet argent qui sera le produit de la disposition
d'actifs et d'actions d'entreprises, le discours sur le budget a
été explicite pour ce qui est de la SAQ et d'Hydro-Québec,
mais il est loin d'être exclu que le gouvernement puisse décider
de se départir d'autres intérêts qu'il détient dans
des entreprises d'État, soit que ces entreprises d'État s'en
aillent vers un actionnariat beaucoup plus public au sens d'une inscription
à la Bourse, par exemple. Plutôt que de faire appel au
gouvernement comme actionnaire, il pourrait faire appel à des
partenaires du secteur privé. Je pense que c'est plus dans cette
direction que doit s'orienter l'action du gouvernement et l'action de
l'État dans l'économie, davantage en association avec
l'entrepreneurship québécois plutôt que de tout simplement
continuer comme on l'a fait depuis les 20 ou 25 dernières
années.
Le projet de loi concernant ces modifications à la Loi sur
Hydro-Québec sera déposé au cours du mois de mai par mon
collègue, M. Rodrigue, le ministre de l'Énergie et des
Ressources, et sera soumis à l'Assemblée nationale en temps
utile.
Les actions privilégiées
d'Hydro-Québec
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre vient de confirmer
l'existence de la contradiction apparente. Ce qui nous laisse penser que c'est
un peu brouillon, tout cela. Le ministre vient de dire mot à mot que
c'est une portion du capital-actions qu'il détient déjà
qui sera convertie en actions privilégiées qui seront vendues.
Est-ce cela?
M. Duhaime: C'est exactement ce que j'ai dit. Est-ce que j'ai
besoin de le répéter?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, mais vous allez
m'expliquer dans ce cas-là ce qu'il y a à la page A-46 du
discours sur le budget, où on dit qu'il s'avérera
nécessaire d'augmenter le capital-actions en circulation de la
société et que la loi prévoira la transformation des
bénéfices non répartis en capital-actions et
l'augmentation du capital autorisé d'Hydro-Québec. Alors, c'est
l'un ou l'autre ou c'est les deux: ou bien vous distribuez 10 % du
capital-actions que vous avez déjà ou alors vous créez une
nouvelle classe d'actions à partir des bénéfices non
répartis accumulés depuis la transformation d'Hydro-Québec
en société à capital-actions et c'est ce montant qui est
éventuellement distribué sous forme d'actions
privilégiées ou qui constitue le capital-actions
privilégié à même lequel on distribuera aux
acheteurs éventuels, les individus, les particuliers, etc., une
participation dans Hydro-Québec. C'est l'un ou l'autre.
M. Duhaime: Je ne comprends pas, M. le Président, que le
député de Vaudreuil-Soulanges ne comprenne pas.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est ce qui m'inquiète
beaucoup, M. le Président. Le ministre des Finances vient de nous dire
qu'il est l'heureux détenteur de 4 000 000 000 $ en gros en valeur
d'actions privilégiées à 1000 $ de valeurs au pair, si mon
souvenir est bon, d'Hydro-Québec. Il nous a dit mot à mot - je
vais lui faire lire le Journal des débats - que c'est environ 10 %, pas
tout à fait, de ce montant-là qu'il distribuera
éventuellement sous forme d'actions privilégiées au public
québécois, à la suite d'une transformation du
capital-actions que lui, le ministre, détient. On lit dans l'annexe au
discours sur le budget que la loi prévoira la transformation des
bénéfices non répartis accumulés depuis quatre ans
en capital-actions, je présume, augmentant - c'est mot à mot - le
capital-actions et qu'on peut déduire à ce moment-ci que c'est ce
morceau-là dans le bilan d'Hydro-Québec, du côté du
passif vers le bas, M. le ministre, c'est à même ce pot-là
qu'on distribuera les actions privilégiées. Ce n'est pas du tout
la même chose.
Le lendemain de l'exercice de distribution, soit que le ministre des
Finances a toujours ses 4 000 000 000 $ d'actions ordinaires et que les
Québécois ont des actions privilégiées qui ont
été tirées quant à leur formation et leur origine,
à même les bénéfices non répartis, ou alors
le ministre des Finances n'aura plus que 3 600 000 000 $ d'actions ordinaires
et les 400 000 000 $ d'actions additionnelles auront été
transformées en actions privilégiées. C'est cela que les
Québécois vont détenir et les bénéfices non
répartis seront toujours inscrits au livre comme tels. Ce sont deux
choses très différentes au point de vue financier. Ce sont deux
choses dont vous ne semblez pas saisir la distinction et vous venez, je le
répète, réaffirmer la contradiction apparente qu'on avait
déjà dénotée entre des déclarations et ce
qui apparaît dans le discours sur le budget.
M. Duhaime: M. le Président, on va essayer de
démêler le député de Vaudreuil-Soulanges. Là
où il y a contradiction, il faudrait plutôt voir la suite des
choses. A la page, A-46, vous avez lu seulement les troisième et
quatrième paragraphes, il faudrait peut-être commencer par le
premier. Je vais le lire, M. le Président, cela va prendre quatre
minutes...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est fait.
M. Duhaime: "La Loi sur Hydro-Québec sera amendée
afin de restructurer le capital-actions détenu par le ministre des
Finances et de créer une classe d'actions privilégiées.
Ces amendements permettront au ministre de vendre une partie des actions
privilégiées qu'il détiendra. "Même si cette
société d'État bénéficie d'immunité
fiscale, en tant que mandataire de la couronne, les actions souscrites ou
vendues à des personnes autres que le ministre des Finances ne pourront
excéder 10 % du capital-actions en circulation à cette
société. Cette restriction vise à conserver le
caractère non imposable des filiales en propriété
exclusive d'Hydro-Québec".
C'est ce que je vous ai expliqué tantôt en d'autres mots
plus simples et qui veulent essentiellement dire qu'il y a 4 000 000 000 $
d'actions ordinaires qui constituent le capital actuel d'Hydro-Québec.
Quand on dit qu'on veut convertir une partie de ce capital pour en faire une
classe d'actions privilégiées à même le capital
souscrit et payé, c'est ce que je veux dire.
Quand on poursuit ensuite la lecture des troisième et
quatrième paragraphes de la page A-46 à l'annexe: "Compte tenu de
cette restriction et de façon à maximiser le
volume possible d'actions pouvant être détenues par des
actionnaires privés, il s'avère nécessaire d'augmenter le
capital-actions en circulation de la société d'État. La
loi devra ainsi prévoir la transformation des bénéfices
non répartis en capital-actions et l'augmentation du capital
autorisé d'Hydro-Québec".
S'il y a 4 000 000 000 $ à l'heure actuelle, on pourrait
très bien inclure dans la loi, je pense que cela va se faire de cette
manière, que le capital autorisé de l'entreprise pourrait
être porté à 5 000 000 000 $ ou à 6 000 000 000 $.
À chaque fois qu'on aura la somme totale du capital souscrit,
émis et payé - le volume total de ces actions - on pourra
toujours disposer, comme actionnaire, de 10 % et les vendre au public et
maintenir en même temps l'immunité fiscale.
Si vous allez au livre d'Hydro-Québec, vous allez voir que
lorsque celle-ci déclare un bénéfice net et qu'elle
déclare un dividende à son actionnaire, il reste encore des
montants très appréciables de bénéfices non
répartis qui, dans le passé, au lieu d'être inscrits sous
la rubrique "bénéfices non répartis", s'en allaient
carrément à la réserve. Ce sont ces
bénéfices non répartis qui s'en iront en actions. C'est
comme cela que cela va fonctionner. Les bénéfices non
répartis vont être transformés en actions et, à
même ces actions, on pourra toujours aller chercher 10 %, le convertir en
actions privilégiés et le vendre au public. Il n'y a donc aucune
espèce de contradiction, c'est une opération qui se fait en deux
temps. Même si votre chef a parlé d'une opération de
marketing, si j'ai bien compris ses déclarations là-dessus, je
pense que c'est beaucoup plus une action de marketing.
Il s'agit de permettre deux choses: Premièrement, permettre
à l'actionnaire de se dégager d'une partie du capital qu'il a
investi dans cette grande entreprise et affecter cet argent au
développement d'autres richesses naturelles; deuxièmement,
permettre aux Québécois et aux Québécoises de faire
un placement solide dans une des entreprises les plus rentables de ce que vous
pouvez trouver dans les compagnies d'utilité publique sur ce continent,
et permettre aux Québécois de détenir des actions
privilégiées. Qu'est-ce que l'avenir nous réserve? Est-ce
qu'on pourrait envisager, un jour, que les Québécois pourraient
devenir actionnaires et devenir porteurs d'actions ordinaires dans
Hydro-Québec? Cela reste une question à débattre et cela
n'entre pas dans nos intentions d'aller dans cette direction pour l'instant,
cela est sûr et certain. Je pense que la première étape est
celle que je viens de vous décrire.
Le Président (M. Lachance): Trente secondes
peut-être au député de Vaudreuil-
Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'aurais deux commentaires de
quinze secondes chacun. Le premier, c'est que la contradiction apparente
étant levée, on a fait une découverte qu'il y a une
émission considérable à même le capital que le
ministre détient déjà et qu'il y aurait
présumément des émissions subséquentes au fur et
à mesure que les bénéfices non répartis sont
transformés en capital-actions et actions privilégiées et
ordinaires dans une proportion de neuf à un ou à peu près.
C'est une découverte qu'il va y avoir des émissions
théoriquement, à chaque année, à mesure
qu'Hydro-Québec fait des profits.
M. Duhaime: Ce n'est pas une découverte. C'est
écrit à la page A-46, paragraphes 3 et 4.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est une découverte
quant aux déclarations que le ministre a faites, soit dans toutes les
déclarations et finalement les explications qu'il a données
jusqu'à ce que nous posions les questions. Malheureusement, les trente
secondes sont déjà terminées.
Le Président (M. Lachance): À peu près, M.
le député.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela passe vite, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Vous aurez l'occasion de
revenir, si vous voulez.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
D'accord.
M. le ministre, est-ce que vous avez des propos à ajouter
à cela?
M. Duhaime: Non, je ne suis pas très loquace, ce
matin.
Le Président (M. Lachance): Non. Alors, M. le
député de Rosemont. (9 h 45)
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Avec l'accord du
député de Rosemont. Dans ces conditions, les
Québécois, détenteurs d'actions privilégiées
créées à partir des bénéfices non
répartis, n'apparaissent pas dans une situation bien différente
de celle où ils se trouveraient s'ils achetaient des obligations
d'Hydro-Québec. C'est une action privilégiée qui prend
rang après les obligations ordinaires quand on regarde cela
théoriquement, quels sont les droits de privilège des
détenteurs qui prendraient rang, je le présume, avant les actions
ordinaires... Par leur nature même, les actions
privilégiées, c'est ce droit ou ce privilège qu'elles
confèrent à l'actionnaire qu'un
dividende qui pourrait être fixe ou flottant, je ne le sais pas,
il y a des obligations à intérêt flottant aussi... Je
cherche l'avantage de la situation du Québécois qui
détiendrait une action privilégiée d'Hydro-Québec
plutôt qu'une obligation. Je ne vois pas ce que cela a changé
vraiment et je ne vois pas ce que cela a changé dans la structure
financière d'Hydro-Québec, cela n'a rien changé quant
à la structure financière d'Hydro-Québec pour autant que
je puisse juger. De là à conclure qu'il s'agit d'une
opération de marketing il n'y a qu'un pas qu'on peut franchir
rapidement.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: Oui, M. le Président. Moi aussi, le Tonds de
développement des ressources m'intrigue. D'une part - si j'ai bien
compris - là vous arrivez aux chiffres de 2 500 000 000 $ et vous avez
totalisé à peu près 1 800 000 000 $ tantôt. Est-ce
que j'ai bien compris qu'il y aurait 400 000 000 $ qui viendraient des droits
de coupe, des droits miniers et des droits hydrauliques? 300 000 000 $?
M. Duhaime: 350 000 000 $ à 400 000 000 $.
M. Paquette: Je n'ai pas entendu votre réponse à la
question à savoir que, dans les revenus budgétaires, il y a un
peu plus que 100 000 000 $ qui proviennent des ressources naturelles
actuellement, est-ce que c'est le même argent? Autrement dit, l'action du
ministre consiste-t-elle à orienter dans le Fonds de
développement des ressources des revenus budgétaires qu'il a par
ailleurs?
M. Duhaime: Pour une bonne partie, oui.
M. Paquette: Donc, on peut conclure que les quelque 100 000 000 $
qui sont dans des revenus budgétaires, aux renseignements
supplémentaires II-22, si on regarde suivant toutes les années:
50 000 000 $, 78 000 000 $, 124 000 000 $ et 143 000 000 $, 107 000 000 $
l'année dernière, donc environ 100 000 000 $ à 125 000 000
$, vont aller maintenant entièrement dans le Fonds de
développement des ressources?
M. Duhaime: C'est exact.
M. Paquette: Comment arrivez-vous jusqu'au reste du 300 000 000
$? Vous avez le chiffre des 300 000 000 $, il manque 275 000 000 $, d'où
vient-il? Vous avez dit que 300 000 000 $ viendraient des droits de coupe,
droits miniers, droits hydrauliques.
M. Duhaime: J'ai donné ces chiffres-là
tantôt, vous arrivez à la somme suivante: le chiffre que je vous
ai avancé, qui était de 1 850 000 000 $, est une projection sur
les trois premières années. Je vais vous donner la projection
qu'on a faite des quatrième et cinquième années, quoique
c'est plus incertain, parce qu'il y a des hauts et des bas, mais, en gros, si
on reprend l'explication complète, les droits sur les ressources et les
droits de mines, les droits de coupe, les redevances hydrauliques, si vous
calculez en partant des 114 000 000 $ ou 115 000 000 $ prévus pour
1985-1986, que vous mettez 120 000 000 $ par année pour les quatre
années qui suivent, cela vous fait 600 000 000 $.
Je vais vous le donner sur les cinq années. Le dividende
d'Hydro-Québec prévu en 1985-1986 est de l'ordre de 156 000 000
$. On prévoit, par ailleurs, que, pour les quatre années qui vont
suivre, le dividende d'Hydro-Québec pourrait atteindre 300 000 000 $ par
année. Cela vous fait 1 350 000 000 $, 1 356 000 000 $, pour être
précis, la somme de ces deux chiffres vous fait 1 950 000 000 $ et,
ensuite, la disposition des actions d'Hydro-Québec de 400 000 000 $
à 500 000 000 $ sur la période de cinq années, cela vous
fait 2 400 000 000 $ à 2 450 000 000 $. Si on décidait de faire
transiter par le Fonds de développement des ressources le produit de la
vente des succursales de la SAQ, déjà vous dépassez le 1
500 000 000 $. On peut imaginer aussi que certaines sociétés
d'État pourraient être invitées à liquider certains
de leurs actifs si le gouvernement décidait d'investir cet argent dans
le Fonds de développement des ressources, cela viendrait s'ajouter et,
également, parce qu'on va prévoir une dépense au Fonds de
développement des ressources, il y a toujours aussi l'affectation d'un
montant X que le ministre des Finances décidera, lors de son budget,
d'affecter au Fonds de développement des ressources à même
le fonds consolidé.
C'est une projection qui est faite sur cinq années, elle
m'apparaît très réaliste à 150 000 000 $ ou 200 000
000 $ près...
M. Paquette: D'accord.
M. Duhaime:... sur la période de cinq ans. Je pense que
c'est réel.
Maintenant, ce qu'il est important de retenir: pourquoi un Fonds de
développement des ressources? Il s'agit de faire en sorte, et je l'ai
indiqué dans le discours sur le budget, de consacrer... Nous aurons
à consacrer beaucoup d'argent dans les années qui viennent au
développement des richesses naturelles, entre autres, dans un dossier
qui est très important et la raison d'être, en quelque sorte, de
la première grande industrie du Québec, l'exploitation des
forêts.
II y a 260 000 travailleurs, hommes comme femmes qui y trouvent leur
emploi aujourd'hui. La forêt du Québec, qui produit à peu
près dans les meilleures années, selon mon souvenir, 26 000 000
à 28 000 000 de mètres cubes de bois qui a été
coupé sur une forêt dont l'étendue commerciale est à
peu près égale aux forêts commerciales de Norvège,
de Suède et de Finlande réunies. Ces trois pays sont nos
concurrents sur les marchés internationaux. Ils ont des politiques de
reboisement qui remontent au début du siècle. Ces trois pays
ensemble produisent 115 000 000 de mètres cubes de bois chaque
année. Cela donne à peu près, mettez en gros, quatre fois
ce que la forêt du Québec produit. Il y a une explication à
cela. Ces trois pays Scandinaves, à eux trois, ont des politiques de
reboisement qui font qu'en 1984, par exemple - je n'ai pas les chiffres pour
1985 - ils ont mis en terre 700 000 000 de plants. Notre objectif - on est
parti de pas grand-chose lorsqu'on est arrivé au gouvernement - a
été de se fixer 300 000 000 de plants mis en terre à
partir de 1988. Ce seul programme de reboisement avec un objectif de 300 000
000 de plants mis en terre en 1988 coûte 526 000 000 $. Si on
décidait de l'augmenter... Je pense que 300 000 000, c'est un chiffre
qui peut paraître très grand, mais qui est en même temps
modeste, si on veut être capable de modifier nos politiques
d'approvisionnement à l'industrie, être capable d'envisager
d'agrandir nos parts de marché international, être plus
concurrentiel... Imaginez que le Québec ait une politique de reboisement
qui ferait que durant Ies années 1990 on ait des programmes qui
pourraient atteindre jusqu'à 500 000 000 de plants mis en terre, cela
m'apparaît très réaliste.
J'ai eu l'occasion de voir moi-même une seule entreprise en
Suède, Svenska Cellulosa, qui est une entreprise du secteur privé
et qui, à la différence des nôtres qui ont oeuvré au
Québec sous des régimes de concession presque en pleine
propriété pendant trois quarts de siècle, cette seule
entreprise reboise actuellement 70 000 000 de plants par année à
elle seule. Si on regarde maintenant du côté de l'exploration
minière, quand on considère que lorsqu'on atteint un niveau de
dépenses légèrement au-dessus de 100 000 000 $ par
année au Québec, est-ce un record? Moi, je vous avoue que je n'y
vois pas un record. Il faut augmenter, et de beaucoup, les fonds qui sont
consacrés à l'exploration du territoire minier du Québec.
Il faudra mettre de l'argent dans la fosse du Labrador, en particulier. Il
faudra essayer, dans la région où on a des économies
monominérales - je pense à la Côte-Nord - d'identifier des
gisements autres que ferreux et de les mettre en exploitation. Mais si on
attend que l'entreprise privée le fasse seule, il y a des risques qu'il
se passe encore un siècle avant que quelque chose ne se produise. Avec
le Fonds de développement des ressources, il y a plusieurs dizaines de
millions qui vont aller au soutien de l'entrepreneurship des
Québécois qui vont se lancer dans l'exploration ou encore, ce
sera une dépense d'exploration qui pourra être financée
à 100 % par le fonds de développement. Mais l'idée, c'est
le produit des richesses naturelles qui est réinvesti dans le
développement des richesses naturelles du Québec par le biais du
fonds de développement.
M. Paquette: M. le Président, c'est justement la question
que je me pose. Je ne doute pas que le budget soit un excellent budget dans une
perspective de développement des ressources naturelles, notamment les
modifications qui sont faites aux droits miniers, également dans le
domaine de la forêt et ce fonds qui va permettre de pomper davantage
d'argent public dans cette direction.
Cependant, on peut se poser la question suivante. D'abord, il y a un
certain nombre de revenus du gouvernement ou du secteur public en
général qui ne seront plus disponibles pour autre chose. Les
droits de coupe, les droits miniers, les droits hydrauliques vont s'en aller
entièrement au Fonds de développement des ressources. Il va donc
falloir que le ministre trouve de l'argent ailleurs pour compenser ces
dépenses. Cela va nécessairement lui ajouter une contrainte
budgétaire. D'autre part, la vente d'actions d'Hydro-Québec peut
entrer en concurrence avec les obligations d'Hydro-Québec. Elle peut
rendre le financement d'Hydro-Québec plus difficile. Il va falloir
trouver le moyen de faire des emprunts de ce côté-là. Ce
sera peut-être plus dispendieux. Il va donc y avoir, encore là,
une pression sur le financement public en général.
Le ministre vient de nous dire que, du côté des
dépenses, le Fonds de développement des ressources, si je le
comprends bien, va être entièrement consacré au domaine des
ressources. Bien sûr, il a mentionné tout à l'heure qu'il y
aurait une part qui irait à la recherche et au développement mais
dans le secteur des ressources aussi. J'imagine que la recherche et le
développement vont peut-être être 10 % ou 15 % de cette
somme au maximum. Le gros de l'argent va aller dans le fonds pour financer le
plan de reboisement du gouvernement - j'imagine que c'est le même plan
qu'il y avait dans le plan de relance - et pour financer l'exploitation
minière.
Est-ce que cela paraîtrait exagéré au ministre de
dire qu'il vient de faire un choix économique extrêmement
important en termes de stratégie économique? Il a
décidé
de consacrer une part substantielle de la marge de manoeuvre du
gouvernement, qui n'est pas énorme, au développement du secteur
primaire et des industries de transformation directement reliées.
Pourquoi ce choix? Pourquoi ce fonds est-il réservé aux
ressources plutôt que d'être au service de la stratégie de
développement économique du Québec, publiée dans
"Le virage technologique" récemment, qui va sans doute se modifier mais
qui, pour l'essentiel, faisait une part, bien sûr, au
développement des ressources mais mettait beaucoup d'emphase sur les
technologies nouvelles? Est-ce qu'on se trompe en pensant qu'à l'heure
où tous les pays occidentaux investissent énormément
d'argent dans le développement scientifique, dans la recherche, dans les
technologies de pointe, dans l'informatique, dans les biotechnologies, le
ministre, lui, a plutôt choisi d'orienter le gros de la marge de
manoeuvre du gouvernement dans le développement des ressources?
M. Duhaime: Je pense, M. le Président, qu'il y aurait une
distinction à faire. Il ne faudrait pas confondre l'argent qui va
alimenter le Fonds de développement des ressources avec la marge de
manoeuvre du gouvernement. On parle de deux choses complètement
différentes. La marge...
M. Paquette: M. le ministre, j'ai simplement dit que cela mettait
une pression sur la marge de manoeuvre, que cela restreignait un peu la marge
de manoeuvre, puisque des fonds que vous avez dans vos revenus
budgétaires généraux s'en vont maintenant, sont
étiquetés Fonds de développement des ressources. Donc,
vous allez devoir trouver de l'argent ailleurs pour faire le reste.
M. Duhaime: Oui, cela me paraît mathématique, en
fait, à partir du moment où, par exemple, le programme de
reboisement qui paraît aux crédits du ministère de
l'Énergie et des Ressources, au lieu d'être financé
à même le fonds consolidé, va être financé
à même le Fonds de développement des ressources. Alors,
c'est à coup nul.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est du marketing.
M. Duhaime: Comment, du marketing? Je ne comprends pas le Parti
libéral qui va nous faire un topo ici pour s'opposer à ce qu'on
consacre 2 500 000 000 $ bien attachés et très solidement
dirigés dans le développement économique des
régions du Québec par le biais du développement des
ressources. J'ai entendu votre chef, un jour, faire un discours dans le
Nord-Ouest où, après que le Parti libéral, il y a deux ou
trois ans, eut tenté de mettre en pièces la loi 16 qui modifiait
la Loi sur Hydro-Québec - vous n'y étiez pas, M. le
député de Vaudreuil-Soulanges, mais vous en parlerez à
votre collègue d'Outremont - en faisant un "filibuster"
complètement ridicule de 72 heures sur la loi 16 avec des arguments
comme le suivant: Si la loi d'Hydro-Québec était modifiée
par la loi 16, Hydro-Québec ne serait plus capable d'emprunter sur les
marchés internationaux... Des collègues libéraux
soi-disant sérieux sont venus prétendre cela. Il faut faire
attention. M. Bourassa, récemment, a parlé, lui - et je lui sais
gré d'avoir eu au moins cette intelligence d'avoir compris ce
bout-là... (10 heures)
M. Paquette: M. le Président, est-ce que le début
de campagne électorale du ministre est compté sur mon temps?
M. Duhaime: Non, je ne suis pas en campagne électorale,
moi! Et même si vous tentez de me faire perdre mon fil, je ne le perdrai
pas.
M. Bourassa avait eu une brillante idée: Après
avoir dénoncé la loi 16 par des instructions, j'imagine,
téléphoniques à son aile parlementaire, il parlait tout
récemment dans le Nord-Ouest que les dividendes d'Hydro-Québec
devraient aller dans le Fonds de développement régional. On n'en
a pas réentendu parler depuis. J'imagine qu'il a échappé
son idée en chemin mais, moi, je n'ai pas échappé la
mienne.
Je voudrais donner une assurance au député de Rosemont. Je
suis absolument convaincu que nous devrons, comme gouvernement, investir
passablement d'argent dans la recherche, le développement et les
technologies nouvelles. Je pense aussi qu'il va falloir se poser une simple
question: Est-ce que nous pourrons battre en même temps et les
Français et les Allemands et les Britanniques et les Américains
et les Japonais dans toute la gamme et dans toute la panoplie de ce qu'on
appelle les technologies nouvelles? Il est bien évident que vous serez
d'accord avec moi pour dire que la réponse est non. Il faudra donc qu'on
choisisse nos créneaux. Si on se donne un défi d'exceller en
tout, on n'excellera en rien. Il faut se choisir des créneaux, là
où on a des chances de marquer des points et de nous démarquer
des autres, en quelque sorte.
Moi, j'ai beaucoup plus confiance que si l'on oriente des dizaines de
millions de dollars dans la recherche et le développement dans des
secteurs reliés aux ressources du Québec, on a pas mal plus de
chances de faire notre chemin. Prenons tout le dossier des applications
industrielles de l'électricité, par exemple, où on a
encore passablement de chemin à faire dans cette direction. Le
développement de l'hydrogène est un beau dossier. L'IREQ poursuit
des recherches
depuis plusieurs années; on est sur le point de mettre en place
un premier démonstrateur industriel. Il y a des risques
considérables; est-ce qu'on va demander à Hydro-Québec de
prendre seule ces risques ou si le gouvernement pourrait s'associer à
cette entreprise sur un projet ad hoc très précis?
Je pense à toute la technologie du plasma, par exemple, qui
mérite considération et qui mérite d'être
développée. Je pense au progrès très sensible et
très rapide que nous avons fait dans le secteur de l'amiante sur le plan
de la recherche et du développement. Ce n'est que depuis que le Parti
québécois est élu qu'il se dépense de l'argent dans
la recherche et le développement dans le secteur de l'amiante; c'est
quand même assez remarquable. On a dû dépenser 15 000 000 $
ou 16 000 000 $ sur une base cumulative depuis 1976. J'essaie simplement
d'imaginer où on en serait rendu si cet effort de recherche et de
développement dans le secteur de l'amiante avait commencé il y a
25 ou 30 ans. Et on pourrait multiplier les exemples comme ceux-là.
Ce n'est pas exclusif, mais il est bien certain que le Fonds de
développement des ressources va aller en priorité dans le secteur
des richesses naturelles. Cela n'exclut pas que dans des activités
reliées aux richesses naturelles ou encore au développement de
notre économie d'une façon générale on puisse
affecter de l'argent qui proviendrait du Fonds de développement des
ressources. Le projet de loi est en rédaction a l'heure actuelle et je
pourrai aller beaucoup plus loin lorsqu'il aura été
déposé devant l'Assemblée nationale. Il est bien
évident que la priorité est de tenter de relier au maximum le
Fonds de développement des ressources aux richesses naturelles, mais
cela n'exclut pas qu'on puisse aller dans la recherche et le
développement au sens large ou encore dans des applications
industrielles ou encore dans le développement de technologies
nouvelles.
M. Paquette: Le ministre a fait état d'un certain nombre
de pistes intéressantes reliées au secteur naturel qui pourraient
être financées par le fonds, je n'en disconviens pas, mais je vous
avoue que j'ai été un peu surpris qu'on étiquette ce fonds
au départ, justement parce que le ministre mentionne lui-même
qu'on ne peut pas exceller dans tout, il faut choisir nos créneaux, il
faut choisir nos secteurs. Or, prétendre que tous nos secteurs d'avenir
se trouvent liés aux richesses naturelles, cela m'apparaît une
affirmation nettement exagérée. Il faut, notamment, moderniser
tout notre secteur secondaire en termes de technologie informatique. Il n'y a
pas beaucoup d'argent là-dedans. Je comprends que les entreprises ont
des fonds, mais elles passent aussi par une période difficile. Je n'ai
vu aucune mesure de ce côté-là dans le budget, sauf,
évidemment, la poursuite du plan de relance qui est commencé. Il
y avait quelques éléments là-dedans, mais rien de nouveau,
rien de plus.
Dans le domaine des biotechnologies, il n'y a rien de plus non plus.
Est-ce qu'on n'est pas en train de mettre tous nos oeufs dans le même
panier? C'est la simple interrogation que je fais et, en même temps, un
appel au ministre que dans son projet de loi il parle plutôt d'un fonds
de développement et qu'il laisse les priorités, s'établir
en fonction des capacités du Québec. S'il y en a plus dans les
richesses naturelles, s'il y a plus de perspectives d'avenir, tant mieux, mais
on sait aussi qu'il y a des perspectives d'avenir dans d'autres secteurs qui ne
sont pas reliés aux richesses naturelles.
Sur le plan de l'emploi, je suis d'accord que le reboisement est
très important mais, plus on avance dans la chaîne
économique, plus on passe du primaire au secondaire ou plus on
s'éloigne des richesses naturelles, plus il y a de la valeur
ajoutée. Je pense que c'est une grande règle en économie
et, en principe, il y a plus d'emplois au bout. J'espère qu'il n'est pas
trop tard pour le ministre d'élargir l'utilisation qu'il compte faire de
son fonds.
M. Duhaime: La meilleure façon de répondre à
mon collègue de Rosemont et de tenter d'apaiser ses inquiétudes,
c'est de lui relire les quatre ou cinq lignes pertinentes que vous retrouvez
à la page 28 du discours sur le budget. Je cite: "Une attitude
responsable à l'égard de la gestion du patrimoine de nos
ressources naturelles voudrait que la très grande partie, sinon la
totalité des revenus récoltés par l'État dans ce
secteur, soit réinvestie en priorité dans le secteur des
richesses naturelles. Non seulement une telle politique pourrait assurer la
perpétuation et la croissance des avantages que procurent à
l'économie québécoise les ressources naturelles, mais elle
permettrait aussi de développer encore plus nos régions qui
doivent compter sur ce secteur de notre économie. "
Sur un horizon de cinq ans, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de risques
à constater une évidence, à mon point de vue, qui voudrait
que l'on privilégie sinon en totalité, du moins en
priorité, l'affectation des fonds ou de l'argent du Fonds de
développement des ressources au secteur des richesses naturelles.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Saint-Jacques. M. le député de Vaudreuil-Soulanges? Si vous
voulez vous entendre avec votre collègue, de toute façon, le
temps est à l'Opposition.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est la même enveloppe.
Le ministre est passé aux aveux ce matin, quand on a indiqué que
c'est simplement de l'empaquetage de parler d'un Fonds de développement
des ressources, une opération de marketing. Le ministre l'a
prouvé en répondant au député de Rosemont qui
exprimait ses craintes à savoir que, si on investit 2 500 000 000 $,
soi-disant d'ici à cinq ans, dans le développement des
ressources, c'est de l'argent qui ne se retrouverait pas dans d'autres
programmes. Le ministre a dit: Non, non, autrefois, on faisait ces programmes
à même le fonds consolidé; là, cela va transiter par
un véhicule qui s'appelle le Fonds de développement des
ressources. Alors, le net est nul, c'est-à-dire que cela ne change rien
quant à l'activité du gouvernement. Le ministre vient de nous
avouer...
M. Duhaime: Le reboisement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le reboisement ou quant au
reste. Si c'est juste pour le reboisement, quant au reste, le
député de Rosemont a raison et, s'il n'a pas raison, c'est tout
simplement parce que le gouvernement a décidé d'étiqueter
un ensemble de programmes qui se retrouvent à droite et à gauche,
de les réunir sous une même étiquette qui s'appelle le
Fonds de développement des ressources, auquel cas c'est carrément
du marketing, comme le programme OSE, qui est un ramassis de toutes sortes de
programmes à droite et à gauche qui se sont retrouvés dans
toutes sortes de ministères, qu'on a rapatriés dans une enveloppe
qui s'appelait OSE.
Là, on peut se péter les bretelles. On dit qu'il y a des
sommes considérables qui transitent et cela fait un gros chiffre qu'on
lance dans le public un peu comme, quand on regarde un autobus de la CTCUQ
pendant la journée, on peut dire qu'il y a peut-être 1800
personnes qui transitent par cet autobus donné. Cela fait un gros
chiffre. La réalité, c'est qu'il n'y a pas 1800 personnes dans
l'autobus en aucun temps. Il y en a 50 ou 60; ils débarquent et ils
rembarquent et ils débarquent et ils rembarquent et il y a un mouvement
comme cela, sauf qu'on peut se promener et dire: 1800 personnes se sont
promenées dans tel autobus de la Communauté urbaine de
Québec pendant la journée. Cela fait un beau discours politique.
Je comprends. Cela laisse soupçonner que le gouvernement fait un tas de
choses mais, si j'ai bien compris, à l'égard du reboisement, par
exemple, le ministre pourrait probablement continuer à nous faire la
liste des programmes qu'il entend faire et on découvrirait qu'on a
rapatrié dans un Fonds de développement des ressources des
activités de soutien au développement des ressources qui,
déjà, se retrouvaient dans d'autres programmes d'autres
ministères.
Ce qui est fondamentalement différent cette fois-ci, cependant,
c'est qu'il y a une grande portion, notamment dès le départ, du
Fonds de développement des ressources qui est constituée de fonds
non récurrents. La vente de 400 000 000 d'actions
privilégiées d'Hydro-Québec, on ne fait pas cela tous les
ans. Les années subséquentes, on va peut-être vendre 10 %
d'une portion des bénéfices non répartis. Là, les
chiffres ne sont plus les mêmes. C'est une différence
considérable. Peut-être que, d'une année à l'autre,
on va vendre 30 000 000 ou 40 000 000 d'actions privilégiées, et
peut-être même pas; c'est selon les conditions auxquelles
Hydro-Québec doit se soumettre au point de vue de la couverture
d'intérêts, des dividendes, de la politique des dividendes, des
besoins en dividendes du gouvernement. Enfin, il y a un tas d'exigences
financières qui vont limiter l'émission d'actions
privilégiées dans les années suivantes.
Donc, il y a, dans le Fonds de développement des ressources. un
gros morceau, 400 000 000 $ à 500 000 000 $ -si on prend l'exemple
d'Hydro-Québec et de la SAQ - qui est assimilable à de
l'équité. Le ministre nous a dit: Cela va servir au soutien du
développement de nos ressources, etc. Il a évoqué, comme
exemple du financement à 100 %, les dépenses d'exploration
minière. C'est de la dépense, ça; c'est parti. Ce n'est
pas de la capitalisation d'une entreprise minière. On s'attendrait, de
la part d'un bon gestionnaire en matière financière, qu'un gros
fonds, constitué en grande partie et dès le départ de
sommes considérables non récurrentes et, d'autre part, de sommes
qui sont récurrentes - les droits de coupe, les droits sur les
ressources hydrauliques, les droits miniers - qu'on ait un animal devant nous,
qui s'appelle le Fonds de développement des ressources, qui ait deux
fonctions très distinctes tenant à l'origine des fonds
constitués. Cela m'apparaît pour le moins imprudent, au même
titre qu'emprunter pour payer l'épicerie, de consacrer une grosse somme
non récurrente, "a one-shot deal", la vente des actions
d'Hydro-Québec, à du financement à 100 % d'une
dépense d'exploration d'une société d'exploitation
minière.
C'est dans ce sens-là que je me demande ce que le gouvernement
envisage. Je ne vois pas, d'ici à deux ans, si on réalise le
projet d'Hydro-Québec, si on réalise le projet de la SAQ,
là, il y a des centaines de millions - je répète que c'est
non récurrent; cela n'arrive qu'une fois, des transactions comme
celles-là... Le ministre nous donne comme exemple d'activités du
fonds qu'il va subventionner des dépenses. Je trouve que c'est de la
dilapidation d'un capital accumulé par les Québécois,
parce que les 400 000 000 $, c'est l'accumulation
jusqu'en 1981, jusqu'à adoption de la loi 16, des
réserves, des surplus d'Hydro-Québec pendant des dizaines
d'années. Dans mon esprit, cela a la qualité de capital
accumulé et non pas de profits qui, tous les ans, se reproduisent. Ils
peuvent donc être utilisés de façon récurrente
à l'intérieur d'un programme renouvelable d'une année
à l'autre. Je me demandais si le ministre pouvait aller au-delà
de l'exemple de subvention de l'exploration minière à 100 % pour
nous expliquer ce qu'il va faire avec son fonds. (10 h 50)
M. Duhaime: Si vous me promettez que vous allez essayer de comprendre,
je vais vous en lire un autre bout. On se rejoint parfaitement
là-dessus. Dans mon esprit, ce qui s'accumule en bénéfices
non répartis à Hydro-Québec est le résultat
d'opérations profitables, bien sûr, de toute évidence.
Autrement, au lieu d'être au positif, on serait dans le rouge. Ma
préoccupation est de faire en sorte que ces revenus s'en aillent au
Fonds de développement des ressources et soient réaffectés
dans des dépenses capitales. Un programme de reboisement, même si
certains savants comptables disent que ce sont des opérations courantes,
quand on investit de l'argent pour reboiser une forêt, cela saute aux
yeux de tout le monde que c'est une dépense capitale. C'est un capital
forestier qui est là et vous ferez le calcul de ce que peuvent
représenter 300 000 000 d'arbres plantés pendant 10, 15, 20, 25,
30 ans. Lorsque la forêt sera mûre, vous aurez là un capital
forestier énorme.
Dans l'exploration minière, à l'heure actuelle, le
ministère de l'Énergie et des Ressources conduit lui-même
et effectue sur le terrain des dépenses qui passent dans les
opérations courantes. Mais la pratique comptable veut, lorsqu'une
entreprise, que ce soit dans le secteur des mines ou que ce soit dans le
secteur de l'exploration pétrolière et même gazière,
que les dépenses qui y sont faites soient considérées
comme étant des dépenses capitales et restent aux livres de ces
entreprises sous la rubrique dépenses capitales pendant des
années et des années. C'est le cas de SOQUIP entre autres et
c'est le cas des entreprises qui oeuvrent également dans le secteur
privé.
Il m'apparaît très clair, et je suis content que vous
l'ayez constaté, que ce qui va transiter par le Fonds de
développement des ressources va être affecté dans des
dépenses capitales. Le Fonds de développement des ressources va
être polyvalent dans ses moyens. Il n'y a rien qui pourrait exclure que
le Fonds de développement des ressources fasse un placement dans une
entreprise qui est reliée au secteur des richesses naturelles. Pas du
tout. Vous le verrez, lorsque la loi sera déposée.
Ce qui m'embête un peu ce matin, c'est que je ne peux pas aller
très, très loin.
On est dans le cadre des discussions à la commission du budget et
de l'administration, mais je peux vous confirmer que la loi est à peu
près prête. Elle sera déposée devant
l'Assemblée nationale le plus rapidement possible. Sans vous demander de
rester sur votre appétit, je peux vous dire que la loi va prévoir
que le Fonds de développement des ressources va pouvoir faire du
placement et des investissements dans des entreprises.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Saint-Jacques.
Le sous-emploi chez les jeunes
M. Viau: Oui. Bien, moi, c'est dans un autre ordre
d'idées, M. le Président. Le budget, naturellement, en a
déçu plusieurs dans son manque de vision, dans son manque, je
pense, de leadership, à faire face à un problème qui est
un des problèmes les plus graves qu'on vive au Québec depuis des
années, c'est le problème du sous-emploi de certaines couches de
la société. Parlons des jeunes. J'ai été
déçu et plusieurs groupes de jeunes ont été
déçus de voir qu'aux pages 6 et 7, on mentionne le mot "jeunes"
pratiquement par obligation de se coller à une image qu'on se donnerait
de préoccupation chez les jeunes.
On parle entre autres dans le budget d'accroître l'incitation au
travail. On parle aussi de l'intégration des jeunes au travail et de
mesures de rattrapage. Dans nos livres à nous, les libéraux,
nécessairement, l'intégration des jeunes au marché du
travail ce n'est pas nécessairement des subventions à des jeunes
recevant l'aide sociale en les faisant participer à un programme
temporaire mais bien un réel plan d'investissement du jeune dans
l'entreprise. Or, le budget ne nous donne aucun indice, quel qu'il soit, sur la
volonté du gouvernement de vouloir précisément prendre une
direction, celle de l'intégration des jeunes au marché du
travail, par un programme non pas d'incitation au travail, l'incitation au
travail est là, mais un programme spécifique de création
d'emplois pour les jeunes.
Dans ce budget, il y a beaucoup de choses pour les plus nantis. Au sujet
de la consolidation du capital de l'entreprise, le ministre nous propose
beaucoup de choses qui sont extrêmement avantageuses. pour les petites et
moyennes entreprises mais qui ne sont pas nécessairement
créatrices d'emplois dans leur application et donc pas
nécessairement ouvertes à ce qu'on permette justement à
des jeunes de participer à la force de travail du Québec. Ce qui
m'a déçu aussi, c'est de constater que ce budget ne contribue en
rien à alléger le fardeau ou à alléger la situation
de vie des plus démunis. C'est un budget qui n'est pas fait pour
Saint-Jacques, qui n'est pas fait pour le bas
de la ville de Montréal, qui n'est pas fait pour un comté
défavorisé. Il n'y a aucun incitatif, entre autres, à
permettre aux gens à retourner sur le marché du travail en leur
offrant justement un programme de retour à l'emploi.
On parle toujours dans ce gouvernement d'incitation au travail, on parle
toujours d'employabilité. Et quand on faisait l'étude des
crédits, on s'est aperçu que dans les périmés les
programmes du gouvernement ne fonctionnent pas, et que naturellement les
chiffres qu'on lance à la tête des gens sont des chiffres
extrêmement intéressants mais qui ne produisent pas les
résultats escomptés par le gouvernement.
J'aimerais poser une question au ministre: avec son budget, combien
d'emplois dans la prochaine année compte-t-il créer pour des
jeunes? De ces emplois créés, considère-t-il que les
programmes de son gouvernement comme les Options-Déclic vont changer de
vocation et devenir des programmes d'implantation des jeunes sur le
marché du travail de façon permanente, et non pas des programmes
d'emploi de 20 semaines qui sont uniquement - je pense que le ministre comprend
cela très bien - des programmes de subventions à l'aide sociale
pour les jeunes de moins de 30 ans?
M. Duhaime: Je dirais au député de Saint-Jacques
que c'est plutôt du côté du livre des crédits qui ont
déjà été déposés qu'il faut voir les
montants d'argent qui sont consacrés à la création
d'emplois en termes de dépenses, qui sont affectés à des
programmes. Je vais vous donner tantôt, je l'ai fait lors de
l'interpellation de vendredi il y a deux semaines, j'ai donné à
vos collègues de Notre-Dame-de-Grâce et de Vaudreuil-Soulanges,
d'une façon exhaustive, une liste de huit programmes carrément
affectés aux moins de 30 ans et qui apparaissent aux crédits des
différents ministères. On va m'apporter cette note dans la minute
et je vais vous la donner.
Ce qu'il faut bien considérer, indépendamment du charriage
que votre parti politique fait depuis quelques mois, depuis disons quelques
années, sur la situation des jeunes... Vous appartenez à une
formation politique... Au cas où vous l'auriez omis ou qu'on ne vous
aurait jamais donné cette information, c'est le Parti libéral, en
1973, qui a commencé le premier à établir une
discrimination sur les niveaux de prestations d'aide sociale, pour les 18
à 30 ans. 11 ne faudrait pas oublier cela. Je comprends que
vous-même vous n'en êtes pas responsable, vous n'étiez pas
là et moi non plus, mais le passé ça existe.
Je veux dire que sur le plan de la création d'emplois, il n'y a
pas personne, incluant Robert Bourassa, qui peut dire combien d'emplois seront
créés dans la projection d'une année pour des jeunes de
moins de 30 ans. C'est impossible. Ce que je peux vous répondre, c'est
qu'en 1984 il s'est créé au Québec 80 000 emplois. Le
programme politique de votre formation politique prend un engagement politique
de créer aussi 80 000 emplois par année. Je pourrais vous
retourner la question: II y en a combien pour les jeunes? Il n'y a personne qui
va me répondre de votre côté. Je suis absolument convaincu
de cela.
Dans ce budget, ce que vous allez y retrouver, c'est une série de
mesures pour faire en sorte que les PME du Québec aient des moyens
financiers beaucoup plus grands, beaucoup plus élargis, beaucoup plus
solides pour être capables de continuer leur contribution à la
création d'emplois.
En 1984, 60 % de tous les emplois créés au Québec
l'ont été par des PME. Par définition, les PME sont en
très grand nombre. Il y en a plusieurs dizaines de milliers, quelque 50
000 au Québec. Elles se retrouvent dans toutes les régions du
Québec, incluant votre comté et, par voie de conséquence,
si la situation financière des PME est améliorée par les
mesures de ce budget - je pense qu'elle le sera - en ayant accès
à des marchés, avec des véhicules financiers qui sont
peut-être plus adaptés à la conjoncture actuelle. Je pense
entre autres aux sociétés de placement d'entreprises
québécoises, qui ont été très
agréablement reçues par l'ensemble des interlocuteurs que j'ai
rencontrés depuis la présentation de ce budget devant
l'Assemblée nationale. Si les PME peuvent prendre une expansion dans
leurs investissements, cela devrait entraîner des emplois et,
espérons-le, le maximum possible pour les jeunes. C'est dans ce sens
qu'il faut regarder le budget et non pas penser que le budget du 23 avril vient
ajouter aux dépenses qui ont déjà été mises
sur la table par mon collègue du Conseil du trésor à la
fin de mars.
Au livre des crédits - c'est peut-être là que vous
allez retrouver la réponse la plus claire à votre question il y a
huit programmes, il y en a même dix qui sont en cours actuellement et qui
s'adressent aux jeunes. Le premier, c'est Bon d'emploi. Pour l'année en
cours, un montant de 10 000 000 $. Stages en milieu de travail, c'est le
deuxième. L'an passé, on y a mis 60 700 000 $ et, pour
l'année en cours, c'est 57 400 000 $. Je vais vous faire l'addition
mathématique tantôt pour voir ce que cela donne comme total.
M. Viau: 181 800 000 $.
M. Duhaime: Troisième programme: Travaux communautaires.
On prévoit cette année 5 800 000 $. Un quatrième
programme: Rattrapage scolaire, pour l'obtention d'un diplôme
d'études secondaires général
pour les moins de trente ans, il y a 5 000 000 $ de prévu en
1985-1986. Le cinquième programme: Retour aux études
postsecondaires pour les chefs de famille monoparentale. C'est un programme qui
va s'étendre sur vingt-quatre mois et ici les crédits sont
ouverts en ce sens que, le programme étant nouveau, c'est difficile de
prévoir d'avance combien de chefs de famille monoparentale
décideront de retourner terminer leurs études postsecondaires. Le
sixième programme est le programme de création d'emplois
communautaires. Un montant de 40 000 000 $ y est prévu en 1985-1986. Le
programme Jeunes volontaires, pour les jeunes de seize à vingt-quatre
ans, prévoit un montant de 10 300 000 $ en 1985-1986. Un huitième
programme pour la création d'emplois par les jeunes, le programme Jeunes
promoteurs, prévoit un montant de 3 000 000 $. Un neuvième
programme: Groupe de soutien aux initiatives-jeunesse, qui est la mise sur pied
de soutien de groupes-conseils aux projets de création d'emplois pour
les jeunes, en 1985-1986, prévoit 3 800 000 $. Un dixième
programme: Services externes de main-d'oeuvre. C'est une forme d'aide à
des organismes pour la réinsertion de personnes en difficulté qui
est programmée pour durer jusqu'en juin 1987. Cela fait 10 500 000 $ en
1985-1986. Cela commence à faire passablement d'argent. Je souhaite que
tous ces crédits qui sont affectés à l'un ou l'autre de
ces dix programmes soient complètement dépensés.
De mémoire, ma collègue, la ministre de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu, a répondu à des
questions à l'Assemblée nationale récemment, sur trois de
ces programmes expérimentaux, qui sont: Travaux communautaires,
Rattrapage scolaire et Stages en milieu de travail. Malgré tout ce que
le Parti libéral a dit, un peu à la rigolade, que ces programmes
ne marcheraient pas, que les jeunes ne seraient pas intéressés,
il y en a 35 000 qui se sont inscrits à l'un ou l'autre de ces trois
programmes. Moi, je vous en ai donné sept autres qui viennent s'y
ajouter. Vous avez une mesure qui est très intéressante dans le
présent budget et je pense que c'est bon de rappeler une constatation.
(10 h 30)
C'est vrai qu'un grand nombre et un trop grand nombre de nos jeunes,
chez les moins de trente ans, sont sans emploi. Un trop grand nombre d'entre
eux doivent s'en tirer avec des prestations d'aide sociale. Mais, vous serez
d'accord avec moi, si vous prenez la peine de jeter un coup d'oeil sur les
statistiques de scolarité pour ces jeunes, vous allez voir que 90 % des
moins de 30 ans qui, aujourd'hui, sont bénéficiaires d'aide
sociale, n'ont pas terminé leurs études secondaires.
Il nous est apparu assez évident que ces jeunes qui se
présentent sur le marché du travail sans avoir
complété treize ans de scolarité au moins sont fort
démunis pour se trouver un emploi. Cela veut dire qu'ils sont sans
diplôme, sans métier. Dans le monde que l'on connaît
aujourd'hui, la première question qu'un employeur va poser à un
jeune qui se présente, en plus de lui demander s'il a de
l'expérience - c'est la question la plus frustrante qu'on peut se faire
poser lorsqu'on est jeune - s'il répond, en plus qu'il n'a pas
terminé ses études secondaires, il a des chances d'avoir des
problèmes.
C'est pour cela que, dans le discours sur le budget, vous avez une
mesure où on introduit une exemption additionnelle pour enfant à
charge étudiant au niveau postsecondaire, pour faire en sorte que ces
jeunes puissent poursuivre leurs études lorsqu'ils sont à la
charge de leur famille. À partir du 1er janvier 1986, les exemptions
vont atteindre 4560 $. C'est une très nette amélioration par
rapport à ce qui existe aujourd'hui. L'ensemble de ces mesures devrait
faire en sorte qu'un nombre de plus en plus grand de nos jeunes puissent
trouver un emploi lorsqu'ils sont prêts ou encore profiter de l'un ou
l'autre de ces programmes, qui ont cours actuellement et qui apparaissent au
livre des crédits, que vous pourrez relever vous-mêmes - j'ai fait
ici un résumé. Et je suis convaincu que dans d'autres
ministères vous allez retrouver des programmes d'emploi qui ne
s'adressent pas nécessairement aux moins de 30 ans, mais dont ceux-ci
peuvent bénéficier également.
Le Président (M. Lachance): Je dois signaler que, dans
l'enveloppe de temps que vous avez partagée avec le '
député de Vaudreuil-Soulanges, il vous resterait une minute,
quitte à ce que vous puissiez revenir plus tard. Je voudrais
également dire que, pour le temps dont nous avions fait état la
semaine dernière pour les députés indépendants, il
resterait une demi-heure, à moins qu'il y ait un consentement de part et
d'autre d'ici la fin des travaux...
M. le député de Saint-Jacques.
M. Viau: En une minute, M. le Président. Il est bien
évident que le ministre n'a aucun souci de création d'emplois
pour les jeunes. Il nous a rabattu le caquet avec, encore là, la
pléiade de programmes que le gouvernement a mis en place, programmes
qui, l'année passée, aux crédits, avaient des
périmés, selon les programmes, de 30 % à 60 %. Donc, il
n'y a pas de réponse.
Je me suis adressé personnellement à la ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui m'a donné
toutes sortes d'explications farfelues, pour comprendre quel était le
"timing" de ces programmes.
Le ministre vient encore de faire la démonstration que le
gouvernement met tout son effort sur des programmes qui ont pour seul objectif,
pour les jeunes qui en bénéficient, non pas l'augmentation de
leur employabilité, mais la subvention de 150 $ de plus, par mois, pour
vivre avec leurs 158 $ d'aide sociale. Il n'y a rien dans ces programmes - le
ministre en a fait une démonstration assez claire - qui nous donne des
indications qu'il y a une incitation réelle au travail.
Quand le ministre nous donne des statistiques, on voit qu'il se
mélange un peu dans ses chiffres. Ses 90 % de
bénéficiaires de l'aide sociale qui n'ont pas terminé leur
secondaire V: la proportion est beaucoup moindre. Il reste que les portes sont
fermées aux jeunes. On aurait espéré, dans le budget de
cette année, que le gouvernement, en plus de faire un Fonds de
développement des ressources, crée un fonds de
développement de l'emploi, un programme qui aurait eu comme objectif
principal de justement permettre aux entreprises d'avoir des avantages fiscaux
particuliers pour l'emploi des jeunes, pour une meilleure intégration
des jeunes au marché du travail.
Ce qu'on peut voir tout simplement, c'est que le ministre est en ligne
directe avec la propagande gouvernementale qui veut qu'on mise sur des
programmes qui sont très hauts en couleur, mais qui ne répondent
pas au besoin d'intégration des jeunes au marché du travail. Le
ministre pourra nous dire que 35 000 jeunes ont participé à ces
programmes, combien y participent encore? Et qu'est-ce qu'on fait du jeune qui
a terminé un programme et qui retourne à 158 $ par mois pour
vivre? Est-ce que le ministre peut constater que ces programmes ne sont
là que pour jeter de la poudre aux yeux de la population du
Québec? Pour dire: Voici quelle est la quantité?
Mon collègue de Vaudreuil-Soulanges en a bien fait la
démonstration, tantôt, en parlant du Fonds de développement
des ressources. C'est de la poudre aux yeux. On "package", là encore,
avec ces programmes, un genre de programme OSE, qui n'ont pas d'impact direct
sur l'accroissement de l'emploi réel chez les jeunes.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Duhaïme: M. le Président, je ne suis pas du tout
étonné des propos du député de Saint-Jacques. C'est
la cassette de Robert Bourassa qu'on entend ce matin. Le programme du Parti
libéral ne parle pas de créer des emplois pour les jeunes. Vous
parlez de tenter d'acheter leur vote en leur promettant ce que vous savez
très bien être une chose parfaitement irréaliste et que
jamais vous ne pourrez financer.
M. Viau: Vous êtes défaitiste, M. le ministre.
M. Duhaime: Non je ne suis pas défaitiste, je sais
compter. Quand Robert Bourassa, comme vous venez de le faire ce matin, dit...
Vous laissez entendre très clairement, ce qui est encore plus grave
à mon point de vue, que vous allez doubler les prestations d'aide
sociale pour les jeunes, pour ceux qui sont célibataires. Ils gagnent
156 $ par mois, vous allez les mettre à parité.
M. Viau: C'est cela, on a le respect de la décence
humaine.
M. Duhaime: C'est le point de vue du Parti libéral. Est-ce
que cela va s'appliquer également à ceux qui restent chez leurs
parents? Non, n'est-ce pas?
M. Viau: Mais faites-le pour ceux qui sont autonomes et qui
restent seuls. Faites cela. Ayez cela comme acquis.
M. Duhaime: Ce que nous proposons, M. le Président...
M. Viau: C'est un droit l'autonomie.
M. Duhaime:... c'est une politique du Parti libéral. Je
suis très content d'avoir la confirmation, parce que j'ai ici une petite
comptabilité que je tiens depuis un certain temps et, quant à y
être, aussi bien la mettre sur la table. Les engagements ou les promesses
du Parti libéral, à l'heure actuelle, il y en a pour 1 697 000
000 $ et si vous voulez suivre la liste que je vais vous faire, à moins
que vous me disiez que votre programme a été modifié, vous
allez être obligés de changer vos discours. Vous dites dans votre
programme que la taxe de vente va être réduite de 9 % à 8
%. 1 % de taxe de vente représente 307 000 000 $. Vous dites aussi que
la taxe ascenseur va être ramenée à 20 %. Cela veut dire
340 000 000 $. L'aide sociale, parité pour les jeunes de moins de 30
ans, c'est 200 000 000 $. L'indexation des exemptions, dossier cher au
député de Vaudreuil-Souianges, 250 000 000 $. Votre
collègue de Brome-Missisquoi, qui est le porte-parole officiel de votre
formation politique, le no 2 comme on l'appelle, est prêt à
affecter 200 000 000 $, dit-il, pour régler le problème des
urgences dans les salles d'urgence au Québec: plus 200 000 000 $.
Ensuite, on ne sait pas trop ce qui arrive, quelle est la position du Parti
libéral sur la question des assurances, mais ce sont 396 000 000 $,
disons 400 000 000 $, cela vous fait un total de 1 697 000 000 $ et la campagne
électorale n'est pas encore commencée.
Je pense que vous aurez peut-être à répondre
à des questions un peu plus sérieuses, à savoir comment
vous allez financer ces dépenses et ce manque à gagner. Une
formation politique qui a, non pas le vent dans le dos, mais le vent devant,
qui est le bon vent, vous prétendez demain pouvoir former un
gouvernement à Québec, pouvoir diriger le Québec,
dites-nous comment vous allez financer les promesses farfelues que vous faites
depuis des mois? Vous allez couper dans les affaires sociales pour 1 697 000
000 $? Vous allez couper dans l'éducation? Vous allez couper les
dépenses à quel endroit? C'est beau de faire des discours, mais
quand on prétend qu'on est prêt, puis qu'on est renouvelé
et qu'on veut offrir aux Québécois un nouveau style de
gouvernement, si on veut être responsable, il faut clairement dire aux
Québécois ce qui les attend. Allez-vous augmenter l'impôt
sur le revenu des particuliers? Vous avez dit que le déficit resterait
là. C'est cela qui est dans votre programme. Je peux vous le lire, je
l'ai ici devant moi. Je le conserve très proche. Mais quand vous tenez
de tels propos, pour un jeune homme comme vous, cela me paraît un peu
étonnant. Il faut être responsable. Se balader à gauche et
à droite et promettre 1 697 000 000 $, vous allez tout régler
cela en un tour de main? Vous irez le faire croire à d'autres. Les
Québécois savent très bien une chose. Cela demande une
bonne dose de courage pour le faire, dire à la génération
d'aujourd'hui, qui profite et qui utilise les services que le gouvernement
offre dans les hôpitaux, dans les écoles, dans les entreprises,
que c'est cette génération qui devrait payer sa juste part du
coût et non pas refiler la facture à ceux qui viendront
après nous.
Le jour où j'entendrai le Parti libéral tenir un propos
semblable, je lèverai mon chapeau. À l'heure actuelle, ce que
j'entends, et vous le répétez ce matin, vous avez nuancé
passablement les propos de votre chef, si je comprends bien maintenant, vous
dites: Les jeunes qui sont à l'aide sociale, qui sont autonomes,
n'est-ce pas, c'est-à-dire ceux qui vivent en dehors du foyer familial,
vous allez doubler leurs allocations, vous allez les mettre à
parité, vous allez doubler, 156 $, vous allez monter à 306 $ ou
308 $...
M. Paquette: Le minimum vital est 400 $.
M. Duhaime:... ou à 430 $, qu'est-ce qu'il va se produire
au Québec? Cela veut dire qu'un jeune garçon, qu'une jeune fille,
à partir de dix-huit ans, sachant qu'il peut obtenir 430 $ par mois de
l'aide sociale, va dire: Au revoir tout le monde, je m'installe en ville, en
appartement; s'il s'installe avec quelqu'un d'autre, on va vous retrouver avec
650 $, 700 $, 800 $ par mois, alors que l'on sait que, actuellement, ce n'est
pas ce que les jeunes veulent. Il y a 74 % - au cas où vous l'auriez
oublié - des moins de 30 ans qui vivent chez leurs parents à
l'heure actuelle. Je ne suis pas convaincu que les parents seraient d'accord
pour qu'on verse à leurs enfants de pareilles allocations ou
bénéfices plutôt que de réserver ces montants, comme
nous l'avons fait de façon responsable, pour les programmes de
création d'emplois pour les jeunes, d'intégration au travail.
J'ai énuméré dix mesures, je ne vous ai pas entendu faire
de commentaires défavorables.
M. Viau: Cela ne fonctionne pas. 30 % à 60 % de
périmés l'année passée.
M. Duhaime: II y en a quand même 35 000. Je comprends que
vous pourriez avoir ce discours au moment où cela a été
annoncé, vous avez dit: Cela ne fonctionnera pas.
M. Viau: Cela ne fonctionne pas.
M. Duhaime: Vous devriez au moins reconnaître que pour au
moins 35 000 d'entre eux, cela fonctionne et espérons qu'il y en aura un
plus grand nombre. Comme on dit chez nous, vous me paraissez passablement
"bocqué", vous ne voulez rien entendre, vous ne voulez rien comprendre.
Tout ce que vous faites - je suis un peu les discours et les coupures de
journal - vous vous promenez à travers le Québec en disant: Nous,
le Parti libéral du Québec, on va s'occuper de vous. La
première chose qu'on va faire, vous allez avoir la parité
à l'aide sociale. Mais à qui allez-vous envoyer la facture? Vous
allez envoyer la facture à ceux qui travaillent, n'est-ce pas? 200 000
000 $, c'est pas mal d'argent. Quand je vous vois sortir des larmes de
crocodile, par exemple, parce que le gouvernement a décidé que
nous n'allions pas augmenter la dette de 400 000 000 $ et qu'on imposerait une
taxe sur les assurances, vous venez les larmes aux yeux, mais je peux vous dire
que je ne suis pas tellement ému par vos propos, parce que ce n'est pas
responsable ce que vous êtes en train de nous raconter.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je veux orienter mes
questions sur les programmes proposés dans le budget pour la PME, mais
auparavant je ne peux pas me retenir de faire un petit commentaire. Je pense
que le ministre, fort de l'expérience des programmes qui ont
été mis en route concernant les jeunes, aurait pu faire un pas
additionnel. Si
on demande quel est le programme le plus socialement aigu dans notre
société actuellement, c'est bien celui des jeunes qui
reçoivent 156 $ d'aide sociale. Penser que, parce qu'on leur donnerait
l'équité, on ferait sauter ce qui est une discrimination par
rapport à la charte des droits et libertés, si ce régime,
sous le gouvernement Bourassa, avait été mis en vigueur
après l'adoption de la Charte des droits et libertés de la
personne, il aurait été déclaré incompatible, parce
que c'est une discrimination en fonction de l'âge... (10 h 45)
Penser que, parce qu'on va donner 400 $ aux jeunes, c'est-à-dire
la parité, ils vont quitter le domicile de leurs parents pour aller
vivre avec 400 $ par mois ou 4800 $ par année, comme si c'était
le Pérou, je ne connais pas beaucoup de jeunes qui vont faire cela. Je
ne pense pas que cela ait un caractère incitatif très grand
à quitter le foyer familial.
Par ailleurs, les 200 000 000 $ pourraient être donnés en
échange d'une activité obligatoire pour les jeunes. Il y aurait
moyen de faire en sorte que les chèques ne viennent plus de l'aide
sociale, mais de corporations de l'emploi régionalisées où
le gouvernement, les municipalités et d'autres groupes pourraient mettre
de l'argent, de façon que nos jeunes aient une activité
valorisante et le minimum vital pour vivre. Où prendre les 200 000 000
$? Ce n'est pas nécessaire de les refiler à ceux qui travaillent.
Le ministre a baissé ses besoins financiers nets de 2 000 000 000 $
à 1 600 000 000 $. Il aurait pu les baisser à 1 800 000 000 $ et
il y aurait eu 200 000 000 $ de disponibles pour régler ce
problème.
Programmes d'aide à la PME
M. le Président, à la fin du commentaire, je voudrais
parler des programmes concernant la PME. A mon avis, c'est la principale mesure
qu'il faut examiner. Il n'y a pas grand-chose dans ce budget pour l'emploi.
C'est un budget restrictif, c'est un budget où il y a beaucoup de
réaménagement de fonds, on en enlève à une place et
on en remet ailleurs, notamment, c'est le cas de la fiscalité. Les
mesures concernant les PME méritent d'être approfondies parce que,
effectivement, les PME créent 60 % de l'emploi. Le ministre a raison de
dire: Bien, voilà une priorité et voilà aussi un moyen par
lequel on pourrait donner de l'emploi à nos jeunes. Encore, faudrait-il
qu'il y ait plus d'argent. L'impression que j'ai - je voudrais que le ministre
essaie, mais il va sûrement essayer de me démontrer le contraire -
c'est qu'on améliore les canaux qui permettent de faire circuler
l'argent vers les PME, mais on diminue la pompe fiscale qui va permettre de
faire en sorte qu'H y ait plus d'argent. On va les prendre un par un. On trouve
cela à la page A-34 et suivantes. Premièrement, le SPEQ,
où le ministre nous dit que ce programme de création de
sociétés de placements est un nouveau mécanisme de
canalisation de l'épargne vers les PME et cela va nous coûter 20
000 000 $ en incitations fiscales. - M. le Président, je ne sais pas si
le ministre écoute?
Oui. Cela va coûter 20 000 000 $. Mais, par ailleurs, on va couper
le montant équivalent dans les programmes réguliers de
subventions aux entreprises. Donc, si je comprends bien, il n'y a pas un cent
de plus là. J'aimerais savoir quel programme on va couper. Par exemple,
donner une incitation fiscale aux PME, c'est très bien, cela va
canaliser de l'épargne privée vers les PME, on n'a rien contre
cela. Par contre, si le ministre me dit: On va couper dans des programmes de
subventions, des programmes de soutien à l'emploi scientifique... Ce
sont des subventions aux entreprises, sauf qu'on sait que lorsqu'on paie 70 %
du salaire d'un jeune technicien ou d'un jeune ingénieur qui s'en va
dans l'entreprise et 30 % la deuxième année, on est sûr que
l'entreprise va s'en servir pour se donner un emploi scientifique ou
technologique de plus dans l'entreprise. Quand le ministre donne une incitation
fiscale aux gens qui pompent l'épargne dans l'entreprise, là on
est moins sûr. Encore une fois, je ne suis pas contre les incitations
fiscales, mais ce qui m'inquiète, c'est que le ministre, d'autre part,
coupe dans les programmes pour un montant équivalent. Dans quels
programmes entend-il couper? Il faut comprendre que ce sont des programmes de
subventions aux PME, n'est-ce-pas? Est-ce qu'on aura raison de penser cela en
lisant le budget, que c'est dans les programmes allant aux mêmes
entreprises dans les mêmes secteurs, comme l'a dit le budget, qu'on va
couper 20 000 000 $ en échange de 20 000 000 $ additionnels
d'incitations fiscales? C'est ma première question, j'en aurai d'autres
plus tard.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais apporter une
précision à la suite d'une question du député de
Saint-Jacques tout à l'heure qui a référé au
document de présentation concernant le livre blanc où les
chiffres concernant la scolarisation des jeunes aptes au travail qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale. 90 % des moins de 30 ans qui
sont bénéficiaires de l'aide sociale ont moins de 13
années de scolarité et la moitié n'ont pas
complété leur cours secondaire.
La deuxième chose que je voudrais mentionner, à la suite
de l'affirmation, énorme à mon point de vue, du
député de Rosemont, qu'il n'y a rien dans le budget pour la
création d'emplois, c'est qu'au
contraire, le budget vient vous dire comment des dépenses de
l'ordre de 27 250 000 000 $ seront faites. Je voudrais rappeler, je crois vous
l'avoir dit la semaine dernière - que cela m'étonne que vous me
reposiez la même question ou que vous fassiez la même
affirmation...
M. Paquette: M. le Président, je n'ai pas dit qu'il n'y
avait rien dans le budget, j'ai dit qu'il n'y avait pas grand-chose et que ce
n'était pas un budget orienté vers l'emploi. Je ne dis pas qu'il
n'y a pas de mesures favorables à l'emploi dans le budget, il y en a
quelques-unes.
M. Duhaime: Bon! Alors c'est déjà beaucoup.
M. Paquette: Ah oui!
M. Duhaime: Dans les dépenses de développement,
dans le suivi du plan de relance qu'on a appelé de Mont-Sainte-Anne qui
se déroule depuis 1983-1984, vous avez pour 90 000 000 $; dans les
autres initiatives de développement, vous en avez pour 210 000 000
$.
M. Paquette: Ça c'est le passé.
M. Duhaime: Non, non, ce n'est pas le passé. 1985-1986,
c'est de l'argent qui va se dépenser...
M. Paquette: Oui, oui, cela se continue.
M. Duhaime:... il y en a pour 300 000 000 $ dans le suivi du plan
de relance de Mont-Sainte-Anne.
M. Paquette: Oui, d'accord. J'ai dit qu'il n'y avait rien de
nouveau.
M. Duhaime: Pour ce qui est du suivi du plan de relance de
Compton, l'année suivante, vous en avez pour 354 000 000 $ encore cette
année, en 1985-1986, dans les crédits. La mission
économique: 125 000 000 $. C'est sous la rubrique autres initiatives; ce
n'est pas tellement généreux comme explication, mais c'est pour
nous éviter de reproduire essentiellement ce que vous retrouvez dans les
enveloppes, les portefeuilles à vocation économique: 196 000 000
$. Et, dans le développement, donc dépenses nouvelles pour
1985-1986, il y a eu pour 152 000 000 $ qui ont été
ajoutés. Cela vous fait un total de 1 227 000 000 $ dans les
crédits de 1985-1986 pour le développement économique.
Vous avez posé une question: quels sont les programmes de
subvention aux entreprises qui vont se voir couper les ailes, à la suite
des modifications que j'ai annoncées au régime
d'épargne-actions, à la suite de la mise sur pied des
sociétés de placements en entreprises québécoises,
les SPEQ, de la possibilité aussi de créer des fonds mutuels, de
l'institution du régime d'investissement coopératif, de la
modification au statut des SODEQ qui deviendront des entreprises à
capital de risque. Prenons un cas simple. Une entreprise, une PME se
présente à la SDI pour faire une demande pour financer un projet.
La plupart du temps - si ce n'est pas huit ou neuf cas sur dix - je serais
surpris -la plupart du temps il y a un problème de fonds de roulement,
et avant le problème de fonds de roulement il y a presque
immanquablement la constatation d'une socs-capitalisation de cette entreprise.
La mise en place des sociétés de placements en entreprises
québécoises, tel qu'annoncé dans le discours sur le
budget, va permettre à ces entreprises de se restructurer
financièrement ou encore de bonifier leur solidité
financière ou l'aspect financier, le ratio capital versus dette à
long terme etc. C'est dans ce sens que nous n'aurons plus besoin du programme
qui existe à l'heure actuelle à la SDI, qui sert essentiellement
à injecter de l'argent dans les entreprises qui ont un manque à
gagner sur le plan de leur capitalisation.
Il est assez difficile de vous dire combien de dizaines et de dizaines
de millions iront aux entreprises privées, mais partons d'une simple
constatation, à partir de la modification au régime
d'épargne-actions. On sait qu'au cours de l'année 1984, sur 750
000 000 $ qui ont transité en Bourse au moyen des régimes
d'épargne-actions, 77 % de ce montant sont allés à des
entreprises qui avaient des actifs de plus de 1 000 000 000 $, dont des
institutions financières et des grandes entreprises comme Bell Canada,
les banques: la Banque Royale, la Banque de Montréal, la Banque
Nationale.
En coupant les ailes aux REA, comme on dit, et en plafonnant les
montants admissibles à l'avantage fiscal, il est évident qu'on va
se retrouver avec une disponibilité de capitaux sur le marché
boursier pour des contribuables qui vont vouloir continuer de profiter du gain
fiscal. Il y a toutes les chances que cet argent qui va flotter en quelque
sorte à partir de janvier 1986 -cette mesure est applicable à
partir du 1er janvier 1986 - que les sociétés de placements en
entreprises québécoises vont se mettre en route.
Cette semaine, c'est la semaine nationale de l'entreprise. Dans ma
propre région hier, j'assistais à une conférence de presse
où l'entreprise de Bandag à Shawinigan annonce un investissement
et une expansion, une création d'emplois pour une trentaine de
personnes. Je suis allé ensuite à Yamachiche dans le comté
de Maskinongé, où l'entreprise Duchesne et fils annonce un
investissement de 25 000 000 $ dans l'expansion. Et à chaque endroit
j'ai
rencontré des hommes d'affaires, des Québécois, des
chefs d'entreprise qui m'ont dit: Bravo pour le programme des SPEQ. Cela nous
intéresse. On a hâte de voir cette réglementation, quand
est-ce qu'on va pouvoir en profiter, pourra-t-on en profiter tout de suite. M.
Biron et moi-même étions à Montréal il y a quelques
jours à peine. On a rencontré le Regroupement des entreprises
québécoises, cela a été accueilli très
chaleureusement, ce programme.
Si on peut arriver à faire en sorte qu'on cesse de faire de
l'aide sociale dans le secteur des entreprises, je pense qu'on va avoir rendu
un grand service à la communauté des affaires; et si nos PME
peuvent profiter de ce nouveau véhicule qui, soit dit en passant - je
l'ai mentionné dans le discours sur le budget et mon collègue de
l'Industrie et du Commerce est en train d'achever ses discussions et ses
consultations avec le milieu des affaires et la Société de
développement industriel - on va avoir une nouvelle formule qui
s'appelle le prêt à la capitalisation dans le sens suivant. Des
actionnaires vont faire une mise de fonds, de leurs fonds propres, par le
truchement d'une SPEQ, et la SDI va faire un prêt à la SPEQ sans
que les actionnaires ne soient obligés d'offrir leur endossement, leur
garantie ou leur caution personnelle. Il y aura une prise en charge
d'intérêts pendant deux ans, 50 % pour la troisième
année et ainsi de suite en gradation, de sorte que ce programme tout
à fait nouveau qui va permettre à la Société de
développement industriel de prêter de l'argent à des fins
de capitalisation devrait permettre à un très grand nombre de PME
de prendre leur envol, de prendre leur expansion, de se consolider, et tout
cela va nécessairement vers de la création d'emplois.
Je donnais deux exemples tantôt. Une de ces entreprises est une
compagnie américaine qui a un centre de production ici, au
Québec. L'autre est une entreprise, Duchesne et fils de Yamachiche. Vous
ne pouvez pas trouver plus québécois que cela. La seule
différence, c'est que le programme Sociétés de placement
en entreprise ou encore le prêt à la capitalisation ne rencontrent
en aucune manière les besoins de cette entreprise parce que Duchesne et
fils a ceci de carastérique: c'est une compagnie qui n'a pas de dettes,
aucune dette à long terme; les seuls comptes à payer qu'ils ont,
c'est aux 30 jours. C'est une compagnie qui a 300 employés aujourd'hui,
qui fait plusieurs millions de chiffre d'affaires.
Ce n'est pas en pensant à cette entreprise que le programme des
SPEQ a été mis sur pied. C'est beaucoup plus à des
entreprises qui vont avoir un chiffre d'affaires de 3 000 000 $, 2 500 000 $, 1
000 000 $ par année, 10 000 000 $ et qui ont besoin de 3 000 000 $, par
exemple, pour prendre une expansion. Si on dit qu'il faut le tiers en capital
et les deux tiers en emprunt, il y a déjà des programmes qui
existent au ministère de l'Industrie et du Commerce qui vont permettre
de garantir l'emprunt auprès d'une institution financière, et si
les actionnaires sont capables d'apporter - si on parle d'un projet global de 3
000 000 $ - 500 000 $, la SDI par le truchement de la SPEQ va faire un
prêt de 500 000 $, ce qui veut dire qu'avec un demi-million
réparti à deux, trois, cinq ou dix coactionnaires, cela va faire
démarrer des projets. S'il y en avait seulement 1000 qui prenaient leur
envol sur la base de 3 000 000 $ chacun, cela ferait quand même 3 000 000
000 $ d'investissement dans l'économie. 3 000 000 000 $, combien cela
va-t-il créer d'emplois? Je ne le sais pas. Cela dépend dans
quels secteurs. Vous avez des secteurs qui sont très incitatifs,
très intensifs en création d'emplois. Si c'est dans la
métallurgie, cela prend 250 000 $ par emploi ou à peu
près, tandis que, dans des secteurs moins lourds, vous pouvez parfois
créer des emplois pour des moyennes de 20 000 $ ou de 25 000 $
d'investissements et vous avez un emploi. (11 heures)
Je crois à ce programme, avec la restructuration et les nouveaux
pouvoirs qu'on va donner aux SODEQ pour les amener dans du capital de risque...
Je pense qu'après quelques annnées d'expérience, on ne
peut pas dire que les SODEQ ont été un succès fulgurant,
mais cela nous avait été demandé. Cette idée avait
été mise de l'avant, je pense, par l'ancien gouvernement. C'est
l'un de mes prédécesseurs au ministère de l'Industrie et
du Commerce, M. Saint-Pierre, qui avait eu cette idée, qui
n'était pas mauvaise. Mais on s'est rendu compte que cela ne
répondait pas tout à fait adéquatement aux besoins du
milieu. Alors, j'ai annoncé dans le discours sur le budget que ce serait
modifié et ces véhicules financiers vont faire en sorte qu'il y
aura beaucoup plus d'argent et de marge de manoeuvre pour les PME. Tout cela
est axé vers la création d'emplois.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je pense que le ministre n'a
pas tout à fait compris la nature de ma question. Je ne conteste pas
qu'il améliore les véhicules financiers par les diverses mesures
qui sont proposées. Je pense qu'il faut qu'il y ait des mesures
d'incitation au capital de risque, à la canalisation de
l'épargne, vers les PME en particulier. Cela ne se fait pas
naturellement ici au Québec comme aux États-Unis. On a besoin
d'une période de transition où on va favoriser la canalisation
des fonds vers les PME et surtout dans la capitalisation des petites et
des moyennes entreprises. Là-dessus, on ne peut pas faire
autrement qu'être d'accord. Ce que je voulais savoir simplement et, je
vais entrer un peu plus dans le détail... Je pense que le gouvernement,
lui, met moins d'argent à l'incitation que par le passé et
qu'à ce moment-là, on peut se demander, tout en se disant que les
véhicules vont être efficaces, si l'incitation va être
suffisante pour vaincre l'attitude traditionnelle des Québécois
et des Québécoises face à l'économie, où on
se rend compte qu'au Québec en particulier - je pense qu'on peut dire
cela aussi de l'ensemble du Canada - il est très difficile d'engendrer
du capital de risque. Le coût des SPEQ... Il y a 20 000 000 $ qu'on va
avoir à payer en moins dans des programmes de subventions. On va avoir
20 000 000 $ d'incitation à cet endroit. Par contre, dans l'extension du
REA aux sociétés de capital de risque, il y a 2 000 000 $
supplémentaires selon le discours sur le budget. Est-ce qu'il y a plus
d'argent dans la modification de la réglementation des SODEQ, plus
l'incitation de la part du gouvernement? Dans le programme d'aide à la
capitalisation des corporations, on coupe de 5 000 000 $, parce qu'on a
jugé que c'était un peu trop généreux. Pour les
sociétés d'investissement REA, les fonds d'investissement REA, on
ne donne pas de chiffres dans le discours sur le budget. D'autre part, dans la
diminution des coûts du REA, on coupe de 117 000 000 $. On nous dit cela
à la page A-25. À la page A-22, on dit que le REA va coûter
90 000 000 $ de moins. Est-ce que c'est là que se trouvent les 20 000
000 $ qu'on va mettre dans les SPEQ en termes d'incitation additionnelle?
À ce moment-là, on peut dire qu'on coupe 90 000 000 $ au REA. Le
ministre nous dit, je pense, avec raison: On coupe les incitations dans les
grandes entreprises - il y avait 77 % des fonds qui allaient dans les grandes
entreprises - et on voudrait les canaliser vers les PME. Cependant, il y a
plusieurs commentateurs qui ont dit: Compte tenu des nouveaux avantages sur les
droits miniers, il n'est pas du tout sûr que ces fonds vont s'en aller
vers les PME, d'autant plus qu'on réduit l'incitation dans le
régime d'épargne-actions du côté des PME. On coupe
le bénéfice fiscal de 150 $ à 100 $ dans les
déductions pour les petites entreprises, de 175 $ pour les moyennes et
on plafonne le total de déductions possibles à 10 000 $. Compte
tenu de tout cela, si on compte bien, il y a quand même moins d'argent
gouvernemental, moins d'argent fiscal, moins d'incitation fiscale que par le
passé. Qu'est-ce qui fait croire au ministre, autrement dit, que la
vigueur de la pompe pour amorcer le processus sera suffisante pour qu'on ait
beaucoup plus d'argent à la capitalisation des PME?
M. Duhaime: Bon. Vous avez raison de souligner que le REA a
été modifié et que vous ne pourrez plus
bénéficier du montant de 20 000 $ comme plafond, cela a
été ramené à 10 000 $. Mais cela ne s'appliquera
pas aux SPEQ, il ne faut pas confondre. Vous allez trouver à la page
A-33, en annexe - et vous allez le voir très bien, comme moi - que la
déduction réclamée dans une année ne pourra
excéder, pour un particulier, 20 % de son revenu total et cette
déduction ne sera réduite par aucune déduction à
l'égard d'une contribution dans un régime d'impôt
différé ou dans un abri fiscal tel un REER, un RER ou un REA.
Donc, il n'y a pas de plafond en chiffres absolus, c'est 20 %. Ce qui
veut dire que, si vous avez un revenu de 50 000 $, vous pourriez y aller pour
20 % dans une SPEQ sans pour autant que cela vous empêche de continuer de
placer 10 000 $ dans un REA, mais en tenant compte cette fois, pour cette
deuxième tranche de 10 000 $, du montant que vous avez investi dans un
REER. C'est dans ce sens que la formule des sociétés de placement
en entreprise est très avantageuse, d'autant plus que nous sommes
à compléter la possibilité -je pense qu'on va arriver
à attacher ce scénario d'ici à la fin du mois de mai - d'y
aller aussi sur la base de fonds mutuel. Ce sera une formule très
intéressante, qui nous a été demandée par ceux qui
sont à la Bourse de Montréal, en particulier, de façon
à avoir ce que j'appellerais un panier regroupant une plus grande
diversification dans l'évaluation des risques au moment où
l'investissement se fait.
Ce qu'il faut comprendre aussi c'est ceci: ce n'est pas tellement le
montant d'argent en termes de budget qui me paraît important, mais la
mécanique introduite par le discours sur le budget. Je vais vous donner
un exemple simple. Au ministère de l'Industrie et du Commerce, nous
avons mis sur pied, durant les pires mois de la crise et de la récession
de 1981-1982, deux programmes qu'on appelle aujourd'hui les programmes Biron-1
et Biron-2. Même si cela paraît un peu prétentieux, on les a
appelés comme cela. Je pense que c'est le qu'en-dira-t-on qui a
commencé à les appeler comme cela et c'est resté.
Sur le plan Biron-2, la SDI a donné des garanties auprès
d'institutions financières pour 350 000 000 $. 1200 entreprises ont
bénéficié de l'un ou l'autre de ces programmes depuis
qu'ils existent et sur les 350 000 000 $, qui constituent la garantie du
gouvernement auprès d'une institution financière que l'entreprise
qui a été avantagée par un prêt va effectuer son
remboursement, cela n'a pas coûté un traître sou à
l'heure actuelle. On est bien d'accord là-dessus.
Je pense que cela est beaucoup plus
profitable comme scénario; mieux, en tout cas, sur le plan des
équilibres financiers du gouvernement, que de prendre 350 000 000 $ dans
un poste de dépense de l'un ou l'autre des programmes au
ministère de l'Industrie et du Commerce et de les verser
systématiquement à l'entreprise. On donne la garantie de la
même manière que le prêt de capitalisation qui va être
fait n'est pas un transfert d'argent. Les actionnaires vont faire là
leur emprunt, auprès d'une institution financière de leur choix,
et la SDI va garantir à l'institution financière que cet
emprunteur va faire son remboursement. Pendant la période du prêt,
qui pourra s'échelonner sur dix années, il y aura prise en charge
d'intérêt, comme je l'expliquais tantôt. Les deux
premières années, c'est 100 %; la troisième année,
c'est 50 %, la quatrième et la cinquième année, c'est 25 %
ou 20 % et, ensuite, cela redevient un remboursement normal pour les
dernières années de ce prêt. Cela a des grosses chances de
marcher très fort. Pourquoi? Parce que vous avez une mise de fonds
minime qui représente un sixième du total de l'investissement de
3 000 000 $, donc 500 000 $. Vous avez l'emprunt à long terme qui est
effectué, qui peut être garanti par les programmes actuels de la
SDI. Cela fait un "mix" qui, à mon sens, répond très bien
aux besoins de capitalisation, aux besoins de financement de nos PME, en
particulier.
Je répète qu'au REA il n'y a pas de plafond de 10 000 $,
c'est 20 %. Le seul plafond qui existe désormais au Québec, c'est
par le biais de l'impôt minimal que vous le retrouvez. Je pourrais
revenir là-dessus si vous le voulez, mais vous pouvez aller
jusqu'à 10 000 $ dans un REA en tenant compte de votre REER. Vous pouvez
aller dans une SPEQ jusqu'à concurrence de 20 %, mais vous ne pourrez
pas cumuler des investissements, par exemple, dans une société en
commandite, dans des actions accréditées et, ensuite, additionner
et additionner l'ensemble des avantages fiscaux pour arriver à
l'impôt et n'avoir aucune cotisation à payer. C'est donc par le
biais de l'impôt minimal que cette autre question se règle.
M. Paquette: M. le Président, si vous me permettez,
j'aurais deux questions très très brèves.
Le Président (M. Lachance): Très brièvement,
M. le député de Rosemont.
M. Paquette:... sans aucun commentaire. Le REA passe de 117 000
000 $ à 90 000 000 $ en termes de coût pour le gouvernement. Il y
a une coupure de 90 000 000 $ des coûts, donc, il reste 27 000 000 $ dans
le REA. On me dit que le coût des SPEQ va être de 20 000 000 $.
J'ignore les autres mesures, mais combien d'argent fiscal le gouvernement
investit-il? Deuxièmement, combien compte-t-il soulever de capitaux vers
les PME avec cet argent-là dans l'ensemble des nouveaux programmes?
M. Duhaime: La formule actuelle du REA étant
modifiée de la manière dont je l'ai fait dans le budget, cela
devrait dégager à peu près 90 000 000 $. Si on fait
l'hypothèse - parce que c'est une hypothèse, on va le savoir en
fin d'année 1986 - que le même volume d'argent qu'en 1985
transitait par le REA tel qu'il a été modifié, que le
montant d'argent qui transitait dans le programme que l'on connaît au REA
tel qu'il existe aujourd'hui, l'effet d'entraînement sur l'investissement
dans les PME serait énorme. Cela voudrait dire que 150 à 200
entreprises pourraient bénéficier de ce programme. J'avoue que
si, en première année d'exploitation de ce nouveau programme des
sociétés de placement dans l'entreprise québécoise
et de prêts en capitalisation, on en arrivait à intéresser
à ce programme 200 ou 250 entreprises, ce serait absolument
formidable.
Il faut bien se rappeler que quand le REA a été mis sur
pied, en 1979 je crois, durant la première année il y a eu 14 000
contribuables qui en ont bénéficié. Je sais très
bien qu'à l'époque, mon collègue du ministère des
Finances se demandait vraiment si ce programme allait finir par prendre un
rythme de croisière quelconque et on s'est rendu compte qu'en 1984 le
coût du programme REA tel qu'il existait était presque devenu
prohibitif. C'est 145 000 contribuables, dix fois plus que l'année de
départ. L'espoir est là, en espérant que le plus grand
nombre de PME profitent de ces programmes, mais il serait très hasardeux
de même tenter de vous dire combien, croyons-nous, il y aura de PME qui
s'inscriront et obtiendront du financement par les SPEQ. Cela demeure une
inconnue.
M. Paquette: Est-ce que le ministre peut me donner une estimation
du coût pour le gouvernement de l'ensemble des nouvelles mesures en
termes d'argent fiscal? Je parle des modifications au REA, des SPEQ et autres
mesures.
M. Duhaime: Pour ce qui est des SPEQ, je disais tantôt que
la formule des prêts à la capitalisation, ce n'est pas une sortie
de fonds. La seule chose qui apparaîtra aux crédits et aux
dépenses de la Société de développement industriel,
c'est la partie de la prise en charge des intérêts. Je pense que
les coûts vont... (11 h 15)
M. Paquette: Si le ministre veut attendre pour me répondre
de façon précise,
pour faire les calculs.
M. Duhaime: C'est un programme qu'on vient d'instaurer, M. le
député. C'est un programme qui démarre. C'est un programme
rattaché très solidement au rapport de la commission Saucier.
C'est un programme qui a fait l'objet de très nombreuses consultations,
et très poussées. C'est un bar ouvert en quelque sorte. Je ne
suis pas en mesure de vous dire combien cela va coûter en termes d'argent
fiscal, d'autant plus que la SDl ne va payer que l'intérêt. Quel
effet d'entraînement cela va-t-il avoir sur le terrain? Je l'ignore
aussi.
M. Paquette: M. le Président, dans ses prévisions
budgétaires, le ministre a dû prévoir un coût pour le
gouvernement, en termes de rentrées fiscales en moins, des modifications
qu'il apporte au REA en raison de la création des SPEQ pour
l'année qui vient. On a des informations partielles dans le discours sur
le budget.
M. Duhaime: Non. Vous avez une information qui est très
claire. À la page A-22 de l'annexe, on vous dit que le REA acoûté 170 000 000 $ en 1984. Vous trouverez cela au
troisième paragraphe, au bas de la page. Des modifications que j'ai
apportées au REA vont réduire son coût d'à peu
près 90 000 000 $.
M. Paquette: 90 000 000 $ de moins.
M. Duhaime: Combien cela va-t-il coûter pour les SPEQ? Cela
peut coûter 20 000 000 $, 25 000 000 $, 30 000 000 $, 40 000 000 $, 50
000 000 $. On va voir comment l'évolution va se faire dans ce
secteur.
M. Paquette: Donc, on en conclut que vous avez 80 000 000 $ de
moins dans le REA, 20 000 000 $ de plus dans les SPEQ et quelques millions dans
les autres mesures.
M. Duhaime: 90 000 000 $ de moins au REA.
M. Paquette: 90 000 000 $ de moins. Donc, 170 000 000 $ moins 90
000 000 $, il vous reste 80 000 000 $ dans le REA...
M. Duhaime: C'est exact.
M. Paquette:... environ 20 000 000 $ dans les SPEQ et quelque 2
000 000 $ dans les autres mesures. C'est à peu près cela.
M. Duhaime: Mais il faut faire attention. Ce n'est pas universel.
Il faut faire attention au genre de conclusion qu'on serait tenté de
faire. La modification du REA, essentiellement, en limitant les
investissements... En fait, personne n'est limité dans ses
investissements s'il veut acheter des actions dans des entreprises qui ont plus
de 1 000 000 000 $ d'actif. Ce qu'on dit, c'est que l'avantage fiscal est
maintenant limité à 1000 $. Par voie de conséquence, il y
a beaucoup plus d'argent disponible sur ce même marché et, en
supposant que cela reste à investissement constant par le biais du REA
modifié...
M. Paquette: Et que cela ne va pas dans les compagnies
minières.
M. Duhaime:... il y aura plus d'argent pour les PME.
Le Président (M. Lachance): Je voudrais signaler à
M. le député de Rosemont qu'une enveloppe de temps initialement
prévue de 75 minutes pour le groupe des députés
indépendants est épuisée. À moins d'un
consentement...
M. Paquette: Vous voulez dire que je viens de prendre une
demi-heure.
Le Président (M. Lachance): Je veux dire que l'enveloppe
de temps totale de 75 minutes a été utilisée et cela
signifie qu'à moins d'un consentement des membres de la
commission...
M. Paquette: D'accord.
Le Président (M. Lachance):... on ne pourra pas
revenir.
Je laisse maintenant la parole à Mme la députée de
Jacques-Cartier.
M. Tremblay: M. le Président, avec votre permission.
Le Président (M. Lachance): Voulez-vous intervenir? J'ai
reconnu Mme la députée de Jacques-Cartier.
M. Tremblay: Traditionnellement, il y avait...
Une voix: Un droit d'alternance.
M. Tremblay:... un droit d'alternance reconnu dans les
commissions parlementaires, M. le Président, comme à
l'Assemblée nationale.
Une voix: C'est toujours vrai.
Le Président (M. Lachance): J'ai cru comprendre que...
M. Tremblay: Je voudrais réclamer ce droit.
Le Président (M. Lachance): J'aurais
bien aimé, M. le député de... Une voix:
Chambly.
Le Président (M. Lachance):... Chambly, vous voir signaler
votre présence et votre intention de prendre la parole, mais c'est Mme
la députée de Jacques-Cartier que j'ai reconnue. Je comprends
pour ce qui est de l'alternance, mais les blocs de temps ont été
jusqu'à maintenant... En tout cas, on est à l'intérieur
des blocs de temps sauf en ce qui concerne le groupe des députés
indépendants. Il me fera plaisir de vous reconnaître après
Mme la députée de Jacques-Cartier.
M. Tremblay: Je sais très bien cela.
M. Dussault: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Oui.
M. Dussault: Quelques mois avant le référendum qui
a eu lieu en 1980, j'avais formulé verbalement à
l'Assemblée nationale une demande de directive sur cette question du
droit à l'alternance.
M. le Président, comme je vais vous demander de rendre une
décision à cet effet, j'aimerais que vous suiviez bien
attentivement ce que je suis en train de vous dire.
J'avais donc déposé une demande de directive et le
président avait rendu une décision à cet effet en disant,
à toutes fins utiles, que le droit à l'alternance est un droit
absolu des membres de l'Assemblée nationale. Cela repose sur l'esprit
même du régime parlementaire de type britannique.
Dans ce sens, que M. le député de Chambly ait
demandé de prendre la parole il y a une demi-heure, une heure, ou il y a
trois minutes, il a ce droit de parier au moment où le droit à
l'alternance le lui donne. Donc, M. le Président, je ne vois pas
pourquoi, parce que Mme la députée de Jacques-Cartier a
demandé la parole il y a une demi-heure ou une heure, je ne sais trop
quand, si M. le député de Chambly veut la parole
immédiatement, sous l'empire de ce droit, vous la lui refuseriez. Je ne
comprends pas, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Sur la question de
règlement, M. le député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui. Je voudrais tout
simplement, à ce moment-ci, M. le Président, vous demander si je
dois comprendre que votre décision de reconnaître la
députée de Jacques-Cartier... Est-ce que le fait que le
député de Chambly dépose son journal, lecture faite,
constitue une demande d'être reconnu.
M. Dussault: J'ai été sérieux, M. le
Président, depuis qu'on a soulevé cette question. On ne comprend
pas pourquoi des choses si farfelues sont dites sur un droit fondamental d'un
membre de la commission.
M. Tremblay: Cela doit être qu'ils n'ont pas d'arguments
contre, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): La commission va suspendre ses
travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 22)
(Reprise à 11 h 31)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La
commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. Je voudrais
d'abord faire référence à un document du Conseil en droit
parlementaire daté du 28 mai 1984 et qui est intitulé
"Étude du budget à la commission du budget et de
l'administration". Vous savez que nous sommes la seule commission qui a cette
tâche très particulière. À la page 5, temps de
parole: "Le président accorde la parole au député qui la
lui demande en premier, tout en assurant une répartition
équitable du temps de parole entre les groupes parlementaires. Les
députés peuvent ainsi prendre la parole pendant dix minutes et ce
temps de parole est divisible, puisqu'il s'agit d'un débat qui prend la
forme d'interrogations adressées au ministre des Finances. " Cela est un
premier élément.
Deuxième élément, c'est une décision rendue
le 12 avril 1984 lors de l'étude des crédits de notre commission.
Je constate que j'étais le président. Après avoir fait une
savante rétrospective, à partir de Beauchesne et également
de Erskine May - je ne reprendrai pas toute l'argumentation puisqu'il y a
plusieurs pages - à la page 5, la décision rendue était la
suivante: "En conséquence, je ne me sens pas obligatoirement lié
par la règle de l'alternance, même si cette dernière
devrait être utilisée lorsque les circonstances s'y prêtent.
J'entends donc accorder la parole à celui qui en fera d'abord la
demande, comme cela est expressément prévu à l'article 33
de nos règles de procédure. Si plus d'un membre désire
intervenir en même temps, je devrai alors user de la discrétion
que m'accorde la tradition pour déterminer qui peut prendre la parole.
S'il me semble juste et équitable de procéder selon l'alternance,
soyez assurés que je m'appliquerai à y recourir. "
Compte tenu de cette décision qui avait été rendue
en avril 1984 et comme il n'y a aucun député du groupe du
gouvernement qui a obtenu la parole depuis le début de la séance,
il m'apparaît équitable, selon
la discrétion qui m'est accordée et la tradition du
régime parlementaire britannique, de donner la parole au
député de Chambly. M. le député de Chambly.
Vente des magasins de la Société des
alcools
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Ce ne sera pas
très long. Mme la députée de Jacques-Cartier aura
certainement du temps pour poser sa question. Tout à l'heure, M. le
ministre, vous avez parlé de revenus de 150 000 000 $ provenant de la
vente de 200 magasins de la Société des alcools du Québec.
Est-ce que j'ai bien entendu ces chiffres lorsque j'écoutais tout en
regardant d'un oeil mon journal et en ayant les deux oreilles attentives
à ce que vous disiez?
M. Duhaime: Vous avez parfaitement raison.
M. Tremblay: Ce sont les bons chiffres. J'ai fait un rapide
calcul à ce moment et j'ai compris que vous espériez obtenir pour
chacune des franchises ou en moyenne pour une franchise de la
Société des alcools du Québec 750 000 $,
c'est-à-dire trois quarts de million de dollars. Est-ce que mes calculs
sont exacts?
M. Duhaime: Votre division mathématique m'apparaît
être...
M. Tremblay: Impeccable. M. Duhaime:... impeccable.
M. Tremblay: Est-ce que ce chiffre inclut les inventaires qui se
trouvent dans les magasins?
M. Duhaime: Oui, en fait...
M. Tremblay: De quel ordre sont les inventaires d'un magasin de
la Société des alcools du Québec?
M. Duhaime: Je n'ai pas ici avec moi ces chiffres. Vous avez
mentionné 750 000 $ tantôt...
M. Tremblay: Trois quarts de millions, oui.
M. Duhaime: C'est plutôt du côté de 600 000 $,
si on fait abstraction d'un certain nombre - et peut-être que la moyenne
rejoint le chiffre de 750 000 $ que vous avez mentionné - parce qu'il y
a des points de vente de la Société des alcools du Québec,
dans les régions éloignées en particulier, qui sont
déjà sous franchise et exploités par l'entreprise
privée. Les chiffres qui ont été arrêtés et
que j'ai mentionnés tantôt, par exemple 150 000 000 $ pour
l'ensemble de l'opération, comprennent les inventaires, les
équipements qui se trouvent à l'intérieur de ces magasins,
plus l'achalandage qui va se traduire à l'intérieur des
franchises qui seront accordées lorsque les appels d'offres auront
été rendus publics, qu'il y aura des soumissions publiques.
J'ai indiqué lors du discours sur le budget que les
employés de la Société des alcools du Québec qui
bénéficient déjà de la sécurité
d'emploi par leur convention collective de travail se verront maintenus dans
leur sécurité d'emploi, en ce sens qu'au moment où les
franchises seront accordées il y aura des préalables qui seront
demandés. En tout état de cause, la sécurité
d'emploi absolue, pour tous ceux qui travaillent actuellement à la
Société des alcools du Québec, sera maintenue. Je pense
que c'est peut-être un peu risqué d'avancer des moyennes parce
que, dans la région de Montréal, si mon souvenir est bon, il y a
126 succursales de la Société des alcools du Québec.
L'importance des unes et des autres varie énormément. Vous avez
des endroits où vous avez des niveaux d'inventaire qui sont très
élevés à cause du chiffre d'affaires; dans d'autres
endroits, les inventaires peuvent être plus faibles.
Pour répondre bien clairement à votre question, il s'agit
de la vente d'un fonds de commerce ni plus ni moins, avec un achalandage, et on
a pensé d'introduire cette franchise pour protéger ceux qui vont
soumissionner. On pourrait difficilement imaginer qu'on vendrait
essentiellement les inventaires plus l'étalage. Qui pourrait aller
risquer une soumission là-dessus si les gens ne savent pas si, dans
trois ou quatre mois, il n'y aura pas une autre succursale qui va venir
s'ouvrir juste en face? Si vous appliquez la technique Saint-Hubert BBQ, qui
est bien connue au Québec, selon la forme de relation normale entre
franchiseur et franchisé, il y aura des obligations de part et d'autre.
Avec les chiffres qui nous ont été fournis par la
Société des alcools du Québec et le ministère de
l'Industrie et du Commerce et d'après les discussions qui ont eu lieu
aussi avec le ministère des Finances, 150 000 000 $, cela nous
apparaît une estimation réaliste sur le produit net de ces
transactions. Je rappelle que la Société des alcools du
Québec ne sera pas démembrée, la Société des
alcools du Québec va continuer comme mandataire du gouvernement à
importer, elle va continuer aussi à exercer le monopole des achats et de
la revente à l'ensemble de ses magasins, qui, désormais, seront
du ressort de l'entreprise privée.
M. Tremblay: Quand vous parlez de la région de
Montréal, vous parlez de la région 06, ou si c'est l'île de
Montréal? Est-ce que ça inclut Laval, la rive sud?
M. Duhaime: Je ne pourrais pas vous confirmer ça, mais on
ne m'a jamais mentionné qu'on parlait de la région administrative
de Montréal, au sens où on l'entend au ministère de
l'Industrie et du Commerce. Je pense plutôt qu'on parlait de la grande
région de Montréal, et ça inclurait l'île de
Montréal, les îles, et très probablement aussi la rive
sud.
M. Tremblay: Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a beaucoup
d'entrepreneurs qui s'intéressent à ce sujet. Beaucoup de
commerçants viennent à nos bureaux de comté et ils sont
très intéressés de savoir ce qui arrive avec ça et
de quelle manière ils pourront soumissionner. Une des questions qui
revient, c'est relativement aux travailleurs. Est-ce votre intention d'obtenir
des concessionnaires qu'ils maintiennent à leur emploi les travailleurs
de la Société des alcools? Sinon, quels seraient les avantages
que vous leur offririez s'ils désiraient les garder à leur
service, dans un premier temps?
M. Duhaime: Pour ce qui est des employés, nous l'avons dit
à de très nombreuses reprises, il y a un projet de loi qui a
été piloté par mon collègue de l'Industrie et du
Commerce, dans le sens que les coopératives de commerce sont maintenant
possibles, que nous allons donner priorité aux employés de la
Société des alcools qui voudraient se porter acquéreurs de
ces magasins. Comment cette priorité va-t-elle s'articuler dans les
appels d'offres? Je pense que ça reste à voir. Je n'ai pas
d'information supplémentaire que je pourrais vous donner ici. Je pense
que, d'ici quelques semaines, si on veut que cela se fasse rapidement,
l'ensemble de ces détails concernant la mise en vente du réseau
devraient être rendus publics par le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
Même réponse pour ce qui est de la mécanique qui
sera utilisée, parce que, bien sûr, il y aura des
négociations avec le syndicat des employés. Au point de
départ, nous avons l'intention de maintenir intégralement la
sécurité d'emploi dans le sens le plus clair de ce que je viens
de vous dire. La convention collective fait de ces gens des fonctionnaires du
gouvernement. S'il y en a qui choisissent, par exemple, de passer à
l'entreprise privée avec les nouveaux acquéreurs, il faudra
établir des modalités de passerelle, en quelque sorte, avec des
retours possibles. Mais cela, ça reste à discuter aux tables avec
les représentants des travailleurs et les dirigeants de la
Société des alcools.
M. Tremblay: En ce qui concerne les lieux où se situent
ces magasins, il y a un lien, c'est évident; le gouvernement a des baux
et, dans certains cas, je pense que c'est sur un terme de dix ans, au maximum.
À plusieurs endroits, il reste un an, trois ans, deux ans à ces
baux. Quel est le mécanisme que vous avez prévu pour que le
gouvernement ne soit pas pris avec ça? Est-ce votre intention de forcer
les concessionnaires à s'établir dans ces bâtisses
jusqu'à la fin des baux?
M. Duhaime: Je ferai un parallèle. D'abord, ces baux,
règle générale, sont tous enregistrés, ce sont des
actes notariés. Si quelqu'un se porte acquéreur d'un fonds de
commerce dans des affaires autres qu'un magasin de la Société des
alcools... Dans l'appel d'offres qui sera fait, nous allons, pour chaque point
de vente, identifier le niveau de l'inventaire, les conditions du bail, les
effets mobiliers autres que l'inventaire de vins et d'alcools qui pourraient se
retrouver à l'intérieur d'une succursale. Toutes les conditions
du bail seront partie intégrante de la transaction. (11 h 45)
C'est bien évident que le propriétaire actuel va
préférer conserver la signature de la Société des
alcools, ce qui sera fait, je pense que cela ne pose pas de problème.
À l'expiration du bail, celui qui sera le franchisé choisira ou
bien de rester là où il est et de renégocier un nouveau
bail pour une période de cinq ans, dix ans, vingt ans, trente ans, s'il
le désire; ou encore, de donner un avis et de changer d'endroit. De la
même manière, il n'aura pas, je pense, d'exigence que chacune des
succursales de la SAQ qui serait sous franchise devrait avoir telle
architecture, par exemple, comme vous le retrouvez dans les exigences de
certaines franchises. C'est vrai pour le Colonel Sanders. C'est vrai pour
Howard Johnson et pour Saint-Hubert. Je ne pense pas qu'on aille
jusque-là, mais il est sûr et certain que les obligations du
locataire, qui est la Société des alcools aujourd'hui, feront
partie intégrante de la transaction à venir. Dans certains cas,
il pourra y avoir dégagement total des obligations de la SAQ sur ses
baux, dans d'autres peut-être pas, mais cela m'apparaît être
des modalités qui viendront lorsque l'ensemble de ce dossier sera mieux
connu et surtout au moment où les appels d'offres seront faits pour
toutes et chacune des succursales.
Alors, celui qui voudra placer une soumission là-dessus sera
exactement au courant du genre d'obligations qu'il aura à assumer, si
c'est lui qui est retenu comme étant le soumissionnaire le plus
intéressant pour la Société des alcools. En gros, c'est
une vente en bloc, une vente d'un fonds de commerce avec son fonds de
roulement, avec son achalandage, dans la forme d'une franchise. C'est avec
cette formule de franchise qu'on est dans la meilleure situation pour obtenir
un meilleur prix sur
ces transactions. Je dois dire en passant que, dès le lendemain
du discours sur le budget, le président de la Société des
alcools a rencontré quatre hommes d'affaires, serviette et valise en
main, qui étaient prêts à acheter tous les magasins de la
Société des alcools et les payer comptant. Il y a beaucoup
d'effervescence dans à peu près toutes les régions du
Québec là-dessus. Donc, je n'ai pas beaucoup de crainte qu'on
devrait avoir, je ne dirais pas des prix exagérés, mais le
meilleur prix possible, pour faire en sorte que l'objectif de 150 000 000 $
qu'on s'est fixé soit atteint d'ici les deux prochaines
années.
Crédit de taxes à la
consommation
M. Tremblay: M. le ministre, dans un autre ordre d'idées,
vous avez annoncé dans le discours sur le budget, à la page 15 en
particulier, un crédit de taxes à la consommation. Ce
crédit de taxes, en 1986, de 67 $ par adulte et de 22 $ par enfant
à charge s'applique-t-il à tous les Québécois?
À la page 15 sur le discours sur le budget, au dernier paragraphe.
M. Duhaime: II va s'appliquer à tous ceux et celles dont
le revenu disponible ne sera pas suffisant pour leur permettre de satisfaire
leurs besoins essentiels. Alors, c'est un transfert, c'est un crédit
d'impôt négatif. Vous avez l'illustration beaucoup plus en
détail dans le discours sur le budget comme tel, mais à l'annexe
à la page A-17 au milieu de la page. Ceux donc qui cotisent à
l'impôt ne seront pas bénéficiaires, et si vous lisez un
peu plus loin à la page A-11: Ce crédit de taxes à la
consommation pour l'année 1986 est fixé à 67 $ pour chacun
des conjoints, donc deux fois 67 $. Il y a 22 $ pour chaque enfant à
charge dans le même ménage. Et, pour éviter une double
prise en compte de cette dépense dans le régime d'imposition, le
crédit sera réduit de 3 % du revenu total du ménage
excédant les exemptions personnelles et certaines déductions
reliées à l'emploi. Alors, si vous faites le calcul
mathématique, vous arrivez à la constatation que cette
mécanique nouvelle de crédit d'impôt négatif est un
paiement de transfert, en réalité, qui va dans le sens de
permettre aux foyers d'être compensés pour les taxes à la
consommation qu'ils ont à payer sur leurs besoins essentiels.
M. Tremblay: Cela s'applique essentiellement à ceux qui ne
paieront pas d'impôt.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly, vos questions n'étaient pas plantées.
Une voix: Non, il vient de planter le ministre.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a des questions
plantées et il y a des questions qui plantent celui qui doit
répondre.
M. Tremblay: Il y a deux manières de travailler en
commission parlementaire: il y a ceux qui, essentiellement, ne font que de la
politique et d'autres qui veulent avoir de l'information.
Une voix: Tu es bien bête ce matin!
M. Duhaime: Pour comprendre la mécanique du crédit
d'impôt d'une façon intelligible, je vous amènerais
à la page A-13 du discours sur le budget. Prenons un couple avec deux
enfants de six à onze ans. Le seuil d'imposition nulle, à partir
de janvier 1986, pour un couple avec deux enfants de six à onze ans,
avec un seul revenu de travail, c'est 14 905 $. Ce qui veut dire qu'il n'y a
pas d'impôt à payer si ce ménage gagne 14 905 $. Pour
l'explication fournie sur le crédit d'impôt à la
consommation, à la page A-11 du discours sur le budget, on dit 67 $ par
conjoint, donc 134 $, plus deux enfants - 2 fois 22 $ - cela fait 178 $. Pour
tenir compte des 3 %, cela veut dire essentiellement ceci: si vous êtes
dans la catégorie de 14 905 $, vous retirez 178 $ et ce montant de 178 $
va décroissant jusqu'à à peu près 20 800 $.
Au-delà de ce seuil de 20 800 $, le crédit d'impôt à
la consommation ne s'applique pas. La mécanique de ce crédit
d'impôt est basée sur le fait qu'on veut rembourser... Oui, ce
sont les 3 % qui sont en décroissance selon le niveau d'imposition. Le
crédit d'impôt est introduit pour tenir compte de la portion des
taxes à la consommation qui s'applique à des biens dits
essentiels.
M. Tremblay: Je vous remercie, M. le ministre. M. le
Président, je vous remercie aussi de m'avoir donné ce
privilège de parler à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Recherche-développement dans les milieux
industriels
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Ma première
question porte sur la recherche et le développement dans les milieux
industriels. Il est bien reconnu que l'industrie québécoise ne
consacre pas suffisamment de ressources à la recherche et au
développement. Les dernières statistiques des sciences
publiées par la Division de la statistique de la science et de la
technologie de Statistique Canada révèlent que le Québec a
perdu du terrain face à l'Ontario. En 1979, les
industries implantées au Québec ont en effet
effectué 24, 9 % des dépenses en recherche au Canada contre 53 %
pour les entreprises de l'Ontario. En 1983, ces proportions sont passées
respectivement à 22, 9 % et à 60, 9 %. Donc, l'écart entre
le Québec et l'Ontario s'élargit.
Le Conseil de la science et de la technologie, dans son avis au ministre
de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie sur le
virage technologique, conclut que la participation du Québec au virage
technologique demeurera marginale si l'on ne réussit pas à
accroître de façon significative l'essor de la recherche et du
développement au sein de l'industrie québécoise. À
cet égard, pour réaliser cet objectif, le Conseil de la science
et de la technologie a fait quelques recommandations et surtout
recommandé des mesures incitatives qu'il juge beaucoup plus efficaces
que l'intervention directe du gouvernement. Il considère - je parle du
Conseil de la science et de la technologie - que les mesures
énoncées par le ministre des Finances lors du budget de mai 1983,
c'est-à-dire la création d'un crédit d'impôt
remboursable et équivalent à 10 % de la masse salariale
consacré à la recherche et au développement, sont des
mesures qui ne suffisent pas pour attirer les capitaux nécessaires.
Donc, dans son avis au ministre, il a recommandé une subvention pour
cinq années égale à 25 % de l'accroissement net de la
masse salariale à cause de l'augmentation du personnel scientifique
affecté spécifiquement à des activités de recherche
et de développement industriels effectuées au Québec. (12
heures)
De plus, dans un autre avis qui traite des technologies d'information,
on fait la même recommandation, sauf que le pourcetage est devenu 50 % de
l'accroissement de la masse salariale. La raison de cette augmentation
était claire: pour certaines industries, cela devait contrer les effets
négatifs de la lourde fiscalité québécoise sur
l'embauche de hauts salariés. On sait que tout le monde a besoin de
chercheurs dans les secteurs de pointe. Il y a une pénurie mondiale. Il
faut donc créer des conditions d'abord pour les attirer d'ailleurs et,
ensuite, les maintenir.
Ma question au ministre: Avez-vous des chiffres qui démontrent
combien d'industries ont profité de la mesure de 10 %? Qu'est-ce que
cela a coûté au gouvernement en termes de crédits
réclamés? Avez-vous examiné les recommandations du Conseil
de la science et de la technologie en ce qui a trait aux 25 % "across the
board" pour la recherche et le développement et aux 50 % pour les
industries en technologie d'information? On ne voit rien à cet
égard, dans le budget.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais d'abord dire
à Mme la députée de Jacques-Cartier que je partage sa
constatation, qui me semble assez évidente, selon les propos qu'elle
vient de tenir, à savoir que nous n'avons pas jusqu'à
présent consacré suffisamment d'argent à la recherche et
au développement sous la rubrique générale du
développement des technologies nouvelles au Québec. Je pense que
vous avez parfaitement raison... Je fais la même constatation. J'ai
même insisté assez fortement là-dessus lors du discours sur
le budget dans mes premiers mots d'introduction, soit qu'il fallait tourner une
page quant à la révolution tranquille et aller résolument
vers la révolution technologique. Ce que je vous dis maintenant
s'enchaîne avec les propos que je tenais tout à l'heure en
répondant aux questions de vos autres collègues.
Ce qui a marqué la révolution tranquille a
été la présence de l'État dans l'économie
par de grandes sociétés d'État qui répondaient aux
besoins de ce quart de siècle. Lorsqu'on envisage le prochain quart de
siècle, il ne faudrait surtout pas, à mon sens, que l'État
conserve exactement les mêmes outils et les mêmes instruments parce
que cela aura duré 50 ans et on a toutes les chances d'être en
retard lorsque se présenteront l'an 2000 et les années suivantes.
Il faut donc dégager des ressources et s'assurer que la
réallocation ou le redéploiement des ressources
financières soient bien faits.
Nous pourrions, bien sûr, faire plus mais nous faisons
déjà beaucoup. Je vous donne un exemple d'un des avantages que
nous offrons aux entreprises du Québec qui se lancent dans la recherche
et le développement et que, sauf erreur, vous ne retrouverez nulle part
ailleurs dans aucune autre province canadienne; il y a un crédit de 10 %
des salaires versés qui est accordé aux entreprises qui font de
la recherche et du développement. Ce crédit est même
remboursable. Cela veut dire, par exemple, qu'une entreprise qui paie 3 000 000
$ ou 5 000 000 $ en salaires et qui effectue des dépenses de 300 000 $
ou de 500 000 $, le cas échéant, rabat ce montant de
l'impôt sur le revenu des corporations à payer. Si ses profits
sont insuffisants pour payer cette somme, ce montant lui est
remboursé.
Dans le cadre du plan de relance, principalement de celui de Compton, il
y a eu une proposition pour que soit mis en route six ou sept centres de
recherche. Le total de ces crédits sur...
Mme Dougherty: Je n'ai pas demandé des renseignements sur
les centres de recherche. J'ai demandé si le gouvernement avait
l'intention d'étudier les recommandations du Conseil de la science et de
la
technologie en ce qui concerne les incitatifs fiscaux, parce que c'est
là la meilleure façon, peut-être, d'encourager la recherche
et le développement, surtout dans les petites et moyennes entreprises.
Il y a des mesures qui aident les grandes entreprises, mais je parle
spécifiquement de l'augmentation de la recherche personnelle
scientifique dans les entreprises.
M. Duhaime: J'ai bien compris votre question, chère
madame, mais je ne voudrais pas que ceux qui nous écoutent et surtout
ceux qui nous lisent gardent l'impression que nous ne faisons à peu
près rien. Je voudrais d'abord préciser ces chiffres. À la
Maison des sciences, sur trois exercices - en 1985-1986, 4 000 000 $;
l'année suivante, 15 000 000 $; l'année suivante, 15 000 000 $ -
vous avez un total de 34 000 000 $. Dans les six centres de recherche
appliquée, à part l'investissement d'Hydro-Québec dans
l'électrochimie qui va être de 14 000 000 $, vous en avez pour 64
500 000 $ sur les trois prochaines années. Et les programmes de soutien
à l'emploi scientifique sont de l'ordre de 12 500 000 $ à 13 000
000 $ sur les trois prochaines années. C'est déjà quelque
chose.
Votre question est bien claire maintenant: Est-ce qu'on va prendre en
compte les recommandations du Conseil de la science et de la technologie? Je
vais attendre de voir ce que mon collègue qui est responsable de ce
portefeuille, le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et
de la Technologie, en fera. C'est d'abord et avant tout sa première
responsabilité, mais il est bien certain que ce qui pourrait venir de
ces recommandations qui pourraient être utilement appliquées au
Québec, dans la mesure où on est capable de financer ce genre de
recommandations, sera mis en route. Je répète que dans les
années passées - et je dois ici rendre hommage à mon
ancien collègue membre du Conseil des ministres, notre collègue,
le député de Rosemont, qui a apporté une très
solide contribution à tout le dossier du développement
scientifique, de la science et la technologie.
Il faut reconnaître qu'il y a une dizaine d'années ce
n'était pas la préoccupation des gouvernements, ce genre de
dossier, un peu comme l'environnement. Il a fallu attendre 1978 ou 1979 pour
créer au Québec le premier ministère de l'Environnement,
de la même manière que le ministère de la Science et de la
Technologie a été créé. Je crois que c'est
après Compton. C'est en 1982. Il me semble que c'est en 1982, donc,
c'est tout près, à peine trois ans. La moindre des choses qu'on
puisse dire, c'est qu'on est en retard, non seulement le gouvernement, mais on
a comme l'impression parfois que, sur le plan de l'introduction des
technologies nouvelles, que ce soit l'informatique, que ce soit la
télématique ou peu importe, on est en retard. Je me souviens
très bien, il y a quelques années, quand on a monté ce
programme de modernisation dans le secteur des pâtes et papiers, que
l'entreprise privée n'en voyait pas tellement l'utilité et,
aujourd'hui, on se rend bien compte qu'après cinq années il y a
eu 2 600 000 000 $ d'investissements essentiellement dans des mesures pour
protéger l'environnement; mais ce que l'entreprise privée nous
dit maintenant, dans le secteur des pâtes et papiers, c'est qu'elle
souhaiterait que le gouvernement épaule son effort d'investissement pour
financer avec elle l'introduction des technologies nouvelles, par exemple, des
mécanismes de contrôle d'humidité dans la production de la
feuille de papier journal. Cela se fait encore aujourd'hui, dans la plupart de
nos industries, de nos usines, à la mitaine, alors que l'usine -
l'ancien nom, c'est Ontario Paper - de Quebec North Shore, je crois, sur la
Côte-Nord, a introduit tout un arsenal de technologies, de sorte qu'elle
a progressé dans cette direction. Mais c'est une espèce de prise
de conscience qu'il faut que l'on pousse.
J'ajoute que nous avons fait un pas dans cette direction dans le
discours sur le budget. Les sociétés de placement de l'entreprise
québécoise, les SPEQ, ne sont pas ouvertes à tout vent. Si
vous allez à la page A-33 de l'annexe du discours sur le budget, vous
allez lire ceci: "Une corporation admissible devra oeuvrer essentiellement dans
les domaines de la fabrication, de la transformation, du transport, de la
récupération, de l'amélioration de l'environnement, du
tourisme, de la publication de livres, de la recherche scientifique, de
l'ingénierie, de l'informatique, de la bureautique, de la
télématique et des services scientifiques et techniques. " Je
pense que c'est ouvrir un véhicule financier qui est très
important. Je souhaite que l'entreprise privée et que les PME,
principalement, plongent là-dedans le plus rapidement possible.
Avant que vous veniez vous joindre à nos travaux plus tôt
en matinée, on évoquait, en parlant du Fonds de
développement des ressources, que ces 2 500 000 000 $ verrraient une
partie que j'espère importante aller à la recherche et au
développement, aux technologies nouvelles reliées en
priorité aux richesses naturelles qui pourraient être... C'est
très vaste quand on parle du dossier des richesses naturelles, quand on
parle du secteur de la forêt, de celui des mines, de tout le secteur de
l'énergie hydraulique et de tout l'aval qui peut se dégager de
ces grands secteurs économiques. Cela reste énorme. Mais je suis
parfaitement d'accord avec vous que, premièrement, nous sommes en retard
et que, deuxièmement, il
faudra mettre en oeuvre des moyens considérables pour aller
rejoindre nos concurrents. Quand on pense aux produits qui sont sur notre
propre marché domestique et qui nous viennent d'Allemagne, de France,
des États-Unis, du Japon, il est évident que, si on ne se
grouille pas, dans le bon sens du mot, on va se faire placer carrément
hors marché et cela ne prendra pas beaucoup d'années. Je pense
que la première chose à faire, c'est cette prise de conscience
qu'il faut accentuer. Je dois dire que je vous rejoins presque
intégralement dans vos remarques. Ce n'est pas ma responsabilité
première de lire ce rapport. Je le ferai si c'est nécesaire. Je
compte sur mon collègue, le ministre de l'Enseignement supérieur,
de la Science et de la Technologie, qui est ingénieur de formation et,
sauf erreur, diplômé du MIT. Il devrait avoir, au départ,
cette préoccupation du développement technologique.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Il semble que vous n'ayez pas examiné ces
recommandations. Je vais poser la même question, demain, au ministre de
l'Enseignement supérieur et j'attendrai sa réaction.
Relations entre l'industrie et les
universités
Ma deuxième question touche un autre besoin qui est bien connu et
dont tout le monde parle, c'est-è-dire celui de renforcer les liens
entre l'industrie et les universités afin de favoriser l'exploitation
mutuelle de leurs ressources scientifiques et technologiques. Je ne sais pas si
vous êtes au courant du rapport Wright, mais c'est un rapport
récent, préparé pour Lumley, c'est un "Task force on
Federal Policies and Programs for Technological Development". Dans ce rapport,
sont analysées les différentes mesures à prendre pour
augmenter notre capacité technologique au Canada. Ils ont examiné
parmi d'autres le problème de la nécessité de renforcer
les liens entre l'industrie et les universités.
Maintenant, ils ont fait deux recommandations précises et
incitatrices: d'abord, une prime de 25% payable aux universités
participant à des contrats industriels en recherche et en
développement; deuxièmement, un crédit d'impôt de
50% accordé aux compagnies pour la recherche et le développement
qu'elles font exécuter par les universités. Je vais vous
énumérer toutes les recommandations qui ont été
faites et j'aimerais avoir votre réaction. Est-ce qu'il y a eu des
discussions entre le provincial et le fédéral afin d'examiner ces
recommandations? Il faut naturellement la coopération du
fédéral et du provincial pour rendre effectives de telles
recommandations. (12 h 15)
La troisième suggestion demandait que les compagnies soient
autorisées à donner de l'équipement aux universités
et à déduire le coût de cet équipement, plus la
moitié des profits anticipés par la vente au détail d'un
tel équipement. Vous savez qu'aux États-Unis on a introduit en
1981 une loi qui est beaucoup plus avantageuse pour les industries et pour les
universités à cet égard.
La quatrième suggestion parle de mettre sur pied un programme
comme celui qui a été implanté en Ontario, soit !a
création d'un fonds d'encouragement à la recherche universitaire
qui permet l'ajout de 1 $ par 2 $ que les universités recueillent du
secteur privé pour la recherche. Est-ce que votre ministère est
au courant de ces recommandations et quelle est votre réaction?
M. Duhaime: Je vais sans aucun doute transmettre avec beaucoup
d'intérêt les suggestions que nous fait ce matin Mme la
députée de Jacques-Cartier à mon collègue le
ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie. Les liens plutôt ténus qui ont existé
jusqu'à présent entre nos grandes entreprises, les entreprises
d'une façon générale et l'université devraient
être bonifiés davantage au fil des années, mais je pense
qu'on est en train d'assister à une espèce de
décloisonnement. C'est vrai de plus en plus pour ce qui est de
l'Université du Québec et ses modules dans nos régions qui
font le pont avec une facilité quand même étonnante avec
l'industrie des pâtes et papiers entre autres. Il est même question
que l'Université du Québec mette de l'avant, à frais
partagés avec l'entreprise privée, ce qu'ils ont appelé un
centre multirégional de recherche, en ce sens que la région de
Rimouski pourrait se spécialiser sur des problèmes d'insectes; il
a été question de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean
pour de la recherche sur une meilleure utilisation des matières
ligneuses; de mémoire que crois que la Mauricie avait été
désignée avec son université à
Trois-Rivières pour les étapes de modernisation; enfin je donne
cela essentiellement pour illustrer que des progrès ont
été faits.
Je reçois vos suggestions avec beaucoup d'intérêt.
Je vais les transmettre à mon collègue de la Science et à
la Technologie. Je voudrais cependant ajouter que, mine de rien, comme on dit,
cette année aux crédits du ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Technologie - je les ai identifiés ici,
surtout le volet ou la rubrique générale
"recherche-développement en technologies -vous en avez pour tout
près de 88 000 000 $. Entre autres, 43 500 000 $ directement dans les
allocations pour fins de
recherche aux universités. On a ajouté 7 200 000 $ pour la
constitution d'équipes de recherche universitaire; il y a eu 1 000 000 $
pour ce qui est de la politique des adultes; un montant de 1 500 000 $ pour des
centres spécialisés au niveau des cégeps. Je pense que
c'est peut-être là aussi qu'il est intéressant de faire un
effort et de jeter des ponts avec l'entreprise. Sous la rubrique "aide
financière aux étudiants", 1 600 000 $; à la Maison des
sciences, je le disais tantôt, il y a eu 4 000 000 $; il y aura 16 500
000 $ dépensés pour la mise en route des six centres de
recherche; dans la politique de soutien à l'emploi scientifique il y
aura 12 500 000 $. Ce n'est quand même pas négligeable, mais je
pense qu'on pourrait faire plus.
Quant aux formules incitatives qui existent en Ontario, ça ne me
déplaît pas du tout cette formule que par 2 $
dépensés on pourrait en ajouter 1 $, mais je rappelle aussi que
la formule que nous proposons sous forme de crédit d'impôt est
très généreuse; 10% de la masse salariale, lorsque c'est
versé à la recherche et au développement, c'est
déductible carrément de l'impôt sur le revenu des
corporations; c'est un incitatif.
Je voudrais peut-être aller un peu plus loin dans mes remarques et
dire que cette prise de conscience et cette nécessité d'investir
dans la recherche et le développement sont apparues chez nous au
Québec depuis quelques années à peine. Dans les grands
groupes miniers qui oeuvrent ici au Québec, il y a Noranda qui a fait un
effort solide de recherche et de développement mais, dans le secteur des
pâtes et papiers ou dans d'autres grands secteurs industriels, le moins
qu'on puisse dire c'est qu'il n'y en a pas eu beaucoup.
Il faut dire aussi qu'en Ontario il y a eu une très forte
concentration des crédits fédéraux portés au titre
de la recherche et du développement. Je n'ai pas ces chiffres-là
aujourd'hui, mais on en a parlé à peu près chaque
année à chaque commission parlementaire. Les dépenses qui
sont faites par le gouvernement fédéral et les mandats qui sont
accordés aux grandes universités canadiennes... Tout le monde
reconnaît que ce sont les universités ontariennes qui ont, encore
aujourd'hui, la part du lion, que le gros des dépenses dans la recherche
scientifique au Canada est toujours concentré en Ontario. On
espère tout simplement qu'à force de le dire on va finir par
reconnaître, au niveau du gouvernement fédéral, que
davantage de fonds devraient être détournés de l'Ontario
vers le Québec de façon à essayer de rebâtir un
équilibre qui m'apparaît non seulement nécessaire, mais
urgent.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Châteauguay.
Industrie des courses de chevaux
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais aborder
la question de l'industrie des courses de chevaux au Québec. À ma
connaissance, personne n'a abordé cette question. Un article dans la
Presse du 25 avril dernier est titré de la façon suivante: "Au
rythme des paris, SODICC perdra 1 200 000 $ en 1986". Les gens qui
interviennent dans ce secteur sont très concernés par l'industrie
des chevaux. Il y a dans cette activité toute une question de
création d'emplois, du moins d'emplois à préserver. On
sait que cela va très mal de ce côté-là.
L'activité baisse de plus en plus. C'est par les paris mutuels sur les
courses de chevaux que l'on constate cette réalité. Dans cet
article du journal La Presse, on cite M. Vandry, le président de la
SODICC-Québec. Le budget du ministre des Finances duQuébec ne parle pas de cette question. On aurait peut-être pu
s'attendre à ce qu'on en parle dans le budget, étant donné
le problème qui se pose et qui est relativement grave. Mais M. Vandry
dit: "Écoutez! Cette omission ne veut pas dire que le gouvernement
refuse de venir en aide à l'industrie. J'y vois plutôt un
délai. On connaîtra la réaction du ministre au cours des
prochaines semaines ou au cours des prochains mois. "
Il y a eu des échanges entre les différents intervenants
dans le secteur des courses de chevaux et des paris mutuels, les gens des
hippodromes, les gens qui élèvent des chevaux, etc. Il semble
qu'il n'y ait pas de consensus, de point de vue unanime qui se dégage
des échanges entre ces gens. Le titre d'ailleurs est évocateur.
On dit: "Au rythme des paris... ". Effectivement, au milieu de tout cela, au
coeur de cette question, se trouve la question du pari mutuel.
J'aimerais savoir de la part du ministre, puisqu'il y a
différentes possibilités qui ont été
identifiées de différentes parts... Je sais, par exemple, que M.
Marier, de Blue Bonnets, parle d'une certaine diversification des
activités sur le site de Blue Bonnets pour faire en sorte qu'il y ait un
intérêt plus grand autour du pari mutuel. D'autres ont
parlé davantage d'une amélioration du côté fiscal
pour faire en sorte qu'il y ait moins de ponctions par rapport aux
entrées de fonds, toujours dans le pari mutuel. Il m'apparaît
qu'il y a fondamentalement des questions à se poser autour de ce pari
mutuel.
J'aimerais savoir de la part du ministre si sa réflexion est
terminée, où il en est à l'égard de ce
problème. J'aimerais que le ministre me dise si, dans sa
réflexion, il regarde ou a regardé passablement du
côté du pari mutuel quant à l'ajout d'activités qui
impliqueraient du pari mutuel et qui pourraient peut-être arriver
à créer un intérêt nouveau, parce que c'est
évident que
l'intérêt a énormément baissé autour
de l'activité du pari mutuel. Regarde-t-on la possibilité de
créer un intérêt nouveau autour du pari mutuel? La question
se pose, mais je n'ai pas de réponse précise encore à
savoir si on ne pourrait pas effectivement arriver à valoriser à
nouveau l'industrie des courses de chevaux par le pari mutuel, mais cela
s'appliquerait aussi dans d'autres secteurs, comme cela a d'ailleurs
été évoqué par M. Marier lui-même, le P. -D.
G. de Blue Bonnets, sur cette question.
Peut-être, M. le ministre, que vous ne vous attendiez pas du tout
à une telle question. Surtout si elle ne vient pas de l'Opposition, on
peut penser qu'elle ne viendra jamais. Je vous prends peut-être un petit
peu au dépourvu parce que votre budget est rempli de mesures de tout
genre qui créent évidemment beaucoup d'intérêt. Il
réapparaissait quand même que cette question valait la peine
d'être posée. M. le ministre, donc, c'est ma question.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Duhaime: Je ne suis pas désarçonné. J'ai
eu l'occasion de travailler sur le dossier de la SODICC, entre autres, et d'en
parler aussi à plusieurs reprises avec le président de
Loto-Québec, M. Lafaille. Je n'ai malheureusement pas pu rencontrer
encore aujourd'hui M. André Marier qui, sernble-t-il, a des
problèmes dans les opérations de la piste de Blue Bonnets. On va
profiter de la présence de Mme la députée de
Jonquière pour dire qu'à Jonquière aussi il se fait du
pari en course. Il s'en fait aux Trois-Rivières. Il s'en fait à
Québec. Il s'en fait à Montréal. À Sherbrooke,
c'est terminé.
Vous avez raison. Une chose se dégage de vos propos, il y a
effectivement une espèce de stagnation sur le plan des paris mutuels. Si
je me base sur les revenus que nous en tirons depuis 1980-1981, c'est autour de
30 000 000 $ et cela a même diminué. Je vais vous donner quelques
chiffres. En 1980-1981, 33 900 000 $; 1981-1982, 33 300 000 $; 1982-1983, 31
500 000 $; 1983-1984, 31 100 000 $; 1984-1985, 30 000 000 $. On prévoit
pour l'an prochain 31 000 000 $. Ce phénomène est explicable...
Est-ce que ça balance dans vos colonnes? Oui.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est chiffre à chiffre
les mêmes montants que nous avons, M. le Président. (12 h 30)
M. Duhaime: Quand on ne demande pas à vos services de
recherche de fricoter dans les données de Statistique Canada, on arrive
sur les mêmes chiffres. De toute évidence la question qui se pose
c'est qu'est-ce qui s'est produit sur ce marché? Ce n'est pas parce que
nos concitoyens aiment moins les chevaux qu'auparavant mais il y a d'autres
manières de gager aujourd'hui, acheter des billets de loterie, par
exemple. Loto-Québec est en croissance, le 6/36, le 6/49, la
Quotidienne, etc. Il y a même des Irlandais qui vendent encore des
billets pour le Sweepstake, qui vendent cela sous le manteau, comme on dit.
C'est un fait, c'est une constatation qu'il y a stagnation sur ce
marché. Il faut dire cependant, pour ce qui est de Blue Bonnets, que la
constatation qu'on doit faire, c'est qu'il n'y a pas eu beaucoup
d'investissements dans les bonnes années. On aurait peut-être
dû moderniser lorsqu'il y avait foule aux guichets des parieurs et
aujourd'hui on se retrouve avec une moins bonne rentabilité, sinon
l'obligation d'éponger les pertes. On m'a même dit que des Arabes
voulaient se porter acquéreur de Blue Bonnets. Moi, je n'ai rien contre
le fait que les Arabes viennent apporter des dizaines et des centaines de
millions de dollars dans l'économie au Québec et promouvoir la
qualité de nos juments et de nos étalons.
Vous savez qu'on a une société, à ne pas confondre
avec les industries culturelles, c'est la SODICC, la Société de
développement de l'industrie des courses de chevaux du Québec,
qui, si mon souvenir est bon, a été mise sur pied par un
gouvernement de l'Union Nationale. Il y avait le député de
Saint-Maurice à l'époque, le docteur Demers, qui était
vétérinaire de son métier et pour qui l'avenir et le sort
des chevaux ont été une préoccupation constante toute sa
vie. Il s'était beaucoup intéressé à ce projet, de
sorte qu'aujourd'hui le développement de l'industrie des courses de
chevaux reçoit encore une attention particulière de notre
gouvernement.
Si vous vous référez au livre des crédits pour
l'année 1985-1986, au budget du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, dans le sommaire des dépenses de
transfert, à la page 5-13, vous allez voir qu'on va consacrer un montant
de 6 667 000 $ au développement de l'industrie des courses de chevaux.
Peut-être qu'on pourrait consacrer d'avantage, peut-être que, lors
des ventes à l'encan des yearlings, on pourrait y mettre d'avantage
d'argent, parce que c'est une constatation qu'il faut qu'on fasse, il y a moins
d'intérêt chez les éleveurs de chevaux à garder
leurs bons étalons ici au Québec. Ce qui se produit, c'est que
ces animaux rares s'en vont vers l'Ontario ou dans le Kentucky ou même en
Floride. Il y a des gens qui ont pensé qu'on ne pouvait pas
élever des chevaux ici au Québec parce qu'il faisait 35°,
40°, 45° sous zéro. Moi, je voudrais témoigner
moi-même que c'est faux, cela donne des étalons et des juments
d'une robustesse incomparable. Le seul problème, lorsqu'ils se
retrouvent à Meadows, en Floride ou en Virginie, pour des
animaux qui sont habitués à des hivers de -35°,
-40° et qui sont obligés de courir leur mille à des
températures très élevées durant
l'été, à ce que les éleveurs m'ont raconté,
c'est que nos chevaux cassent et, quand cela casse, ce n'est pas chanceux.
Je pense qu'il ne faut pas que l'on confonde l'établissement qui
s'appelle Blue Bonnets avec l'ensemble de l'industrie des courses de chevaux au
Québec, ce sont deux choses bien différentes. J'ai dit à
M. Marier qu'aussitôt que le temps me le permettrait, lorsque j'aurai un
peu de répit avec les travaux sur le budget, cela me ferait un plaisir
extrême de le rencontrer et de parler de l'avenir des courses de chevaux
et de l'industrie des courses de chevaux au Québec. Je n'ai pas pu le
faire, je vais le faire probablement durant le mois de mai ou de juin.
M. Dussault: M. le ministre, j'ai évoqué tout
à l'heure, avec beaucoup d'emphase, la question du pari. Vous-même
vous l'avez fait ressortir en mettant cela en relation avec les autres formes
d'implication des citoyens à l'égard des loteries, des choses de
ce genre-là. Selon mes informations auprès de personnes
très autorisées à en parler, les loteries
québécoises, comme les autres loteries dans le monde,
n'impliquent pas les mêmes clientèles. Il semblerait que c'est
même passablement étanche et qu'on peut donc penser que, si on
cherchait véritablement, du côté du pari mutuel, à
créer un intérêt renouvelé, on ne le ferait pas sur
le dos, si on me permet l'expression, de ceux qui, évidemment, ont pour
mandat de valoriser la loterie et ce que ça peut rapporter à
l'État.
Si j'étais ministre des Finances, c'est sûr que je me
poserais la question à savoir si une valorisation peut être un peu
tentée du côté du pari mutuel pour protéger une
industrie qui comporte beaucoup d'emplois qu'il faut préserver. Comme
ministre des Finances, je craindrais peut-être que cela ait un effet
négatif sur les autres revenus. Mais il semblerait, selon des personnes
autorisées, comme je vous le disais, qu'on ne touche pas les mêmes
clientèles. Donc, on pourrait regarder avec beaucoup de
sécurité de ce côté-là et, à ce
moment-là, chercher s'il n'y a pas d'autres activités.
Je pense, par exemple, à M. Marier, la première fois qu'il
a fait une déclaration publique sur sa façon de redresser la
situation. Il avait été interviewé au réseau Radio
mutuel et il avait évoqué la possibilité qu'on permette,
d'abord - ça voudrait dire ouvrir le Code criminel - le pari mutuel sur
autre chose que sur Ies chevaux. Il avait évoqué la
possibilité qu'on permette le pari mutuel sur la pelote basque, par
exemple, sport spectaculaire qui n'existe pas encore ici. Je pense qu'on
devrait faire des efforts pour arriver à l'implanter parce que, sur le
plan touristique, il y a un intérêt certain. Sur le plan du
divertissement, ça ne ferait pas énormément concurrence
à d'autres formes d'activité parce que c'est assez particulier.
Lui, il disait qu'il y aurait peut-être la possibilité de faire
quelque chose en termes de pari mutuel à partir d'une activité
comme celle-là, et il ne fermait pas la porte à d'autres
formes.
J'aimerais savoir, M. le ministre, si vos services ont regardé
cette question, si c'est possible de la regarder, puisqu'il y a là tout
un potentiel. Le pari mutuel pourrait être valorisé à
nouveau par un autre biais, mais peut-être que, par ce biais, on
arriverait à nouveau à créer une clientèle de pari
mutuel, celle-là même qu'on pourrait appeler une relève,
à toutes fins utiles. On m'a dit, pour avoir étudié la
question assez profondément, que la clientèle des pistes de
courses est une clientèle relativement âgée, une
clientèle qui va depuis plusieurs années voir les courses de
chevaux et qui en profite pour faire des paris. Mais les jeunes ne sont
vraiment pas présents, loin de là, dans les hippodromes. En
créant un intérêt nouveau autour du pari mutuel par
d'autres formes d'activités, on arriverait peut-être à
revaloriser l'industrie des courses de chevaux.
J'aimerais, si on n'a pas fait un travail profond à ce niveau,
qu'on commence à regarder sérieusement cette possibilité,
parce qu'il y a un potentiel de ce côté-là. Je ne vous
demande pas d'élaborer votre pensée longuement, M. le ministre,
mais, si votre réflexion n'est pas terminée sur la question,
peut-être qu'il y aurait lieu d'y introduire cette dimension.
M. Duhaime: La pelote basque, c'est ce jeu que vous retrouvez en
Floride, je pense, le jai alai?
M. Dussault: Oui, ce qu'on appelle le jai alai.
M. Duhaime: J'ai toujours trouvé ça très
amusant, parce qu'il m'est arrivé d'aller y gager, et je n'ai pas encore
su comment il se faisait que j'avais perdu un soir et comment il se faisait
que, le lendemain, j'avais gagné.
M. Dussault: Pourtant, c'est la même forme de pari mutuel
que pour les courses.
M. Duhaime: Oui. J'ai rencontré des gens qui sont
intéressés à faire des démarches et qui ont
commencé ces démarches, d'ailleurs, auprès du gouvernement
fédéral pour obtenir des amendements au Code criminel afin
d'introduire au Québec des courses de chiens.
M. Dussault: Des lévriers?
M. Duhaime: Les greyhounds, comme on les appelle dans le Sud.
M. Dussault: Dans l'autre langue aussi.
M. Duhaime: Je dois dire cependant que je reproduis
essentiellement une conversation que j'ai eue avec le président de
Loto-Québec, M. Lafaille, sur ce sujet-là. Il y a un
marché d'établi à l'heure actuelle, qui existe et qui est
en croissance sur tout ce qui s'appelle pari. Que l'on achète au
comptoir de Loto-Québec un 6/36 ou un 6/49 ou la Quotidienne, ou que
l'on gage en piste sur les courses de chevaux, il semblerait que, si le Code
criminel était amendé et qu'on aménageait un endroit
où il y aurait des courses de lévriers, il n'y aurait pas
élargissement de l'argent qui serait parié, mais ce serait un peu
moins de billets de Loto-Québec qui seraient vendus, un peu moins
d'argent qui serait gagé sur les pistes de courses de chevaux pour aller
sur les courses de chiens. Je ferais le même raisonnement pour ce qui est
du jeu basque.
On est un peu à l'intérieur de vases communicants.
Aujourd'hui, il est moins à la mode d'aller se promener à Nice
sur la promenade des Anglais avec un parapluie, même s'il fait beau
soleil. Ce sont des modes passées. Boussac, lorsqu'il était
à la tête de son empire, se targuait d'avoir les meilleurs chevaux
de courses au monde. C'était la même chose pour l'Aga Khân
et cela a été la même chose pour beaucoup de personnes,
mais c'est une vogue en décroissance, si je puis dire. Il n'appartient
pas, à mon sens, au gouvernement d'aller s'introduire dans un secteur
comme celui-là. Si les propriétaires des pistes de courses de
chevaux, qui dans certains cas sont des municipalités - la piste de
courses de Trois-Rivières appartient à la ville de
Trois-Rivières... Mme la députée de Jonquière nous
indiquait tantôt que c'est une corporation ou une coopérative qui
l'exploite. Alors, s'il y a des problèmes à Blue Bonnets, soit,
mais la question qu'il faudrait voir: Est-ce que l'entreprise n'a pas
elle-même été défaillante quand les années
étaient belles et que la moisson était abondante? N'aurait-on pas
dû profiter de cette époque-là pour rajeunir les
installations? Tout ce monde qui entre sous le vocable général
des hommes à chevaux est un monde assez spécial. Vous avez raison
de noter qu'ils prennent de l'âge. C'est un métier très
difficile et qui demande des immobilisations sur de longues années. Vous
pouvez élever 25 chevaux avant d'avoir un gagnant.
La seule consolation que je pourrais vous donner, c'est que non,
effectivement, ma réflexion n'est pas terminée mais, si elle se
poursuit dans la même voie que je l'ai entreprise, je ne pense pas que
l'on va déboucher sur un gros lot dans ce dossier. Je pense que ce que
l'on fait à l'heure actuelle avec les revenus du pari mutuel, il y a
tout près de 6 000 000 $ recyclés à travers la SODICC sous
forme de soutien à l'entreprise, à l'industrie chevaline des
courses. Peut-être qu'on pourrait faire davantage, mais il faudrait que
l'on reçoive les signaux de l'entreprise privée que ce
côté-là on est prêt à prendre des risques
beaucoup plus élevés que de simplement demander un rendez-vous
avec un ministre des Finances pour lui dire: Voici mon problème. Est-ce
que je pourrais avoir une subvention?
M. Dussault: M. le Président, je perse que le ministre a bien
compris que mon intervention ne voulait pas être celle d'un homme public
qui veut se mettre à la remorque d'un propriétaire d'une piste de
courses de chevaux en particulier. Je le disais dès le début, ma
préoccupation est d'abord et avant tout celle de préserver des
emplois qui seront de plus en plus menacés si les choses continuent
comme elles vont. C'est sûr qu'il y a un dynamisme qui va devoir
être autre de la part des gens concernés pour qu'il y ait
amélioration de leur sort. C'est pour cela que j'avais pris la question
carrément par le biais de la question du pari mutuel, parce que de toute
évidence il y a là une perte d'intérêt énorme
pour cette forme de divertissement, selon ce qu'on m'a dit parmi les personnes
auprès desquelles vous allez vous-même vous renseigner, M. le
ministre. Elle est relativement étanche cette clientèle
concernée par le pari mutuel par rapport à celle concernée
par la loterie. C'est pour cela que je me suis permis d'insister et que je
continue à croire qu'il y a lieu de regarder très
profondément cette question par ce biais. (12 h 45)
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Châteauguay, votre temps est écoulé.
M. Dussault: J'achève, M. le Président. Il
m'apparaît qu'il y a là un potentiel qui n'est pas un potentiel
uniquement pour la question des courses de chevaux, mais qui est aussi un
potentiel dans d'autres secteurs. J'aurai sans doute l'occasion, un autre jour,
de revenir sur cette question et peut-être d'élaborer davantage
puisque mon temps est terminé.
Je vous remercie, M. le ministre. Je pense que, déjà, vos
propos sont éclairants et ce qui me console, c'est que vous me dites que
votre réflexion n'est pas terminée. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): II reste treize minutes pour
terminer la période de temps, après entente. Alors, c'est Mme la
députée de Jonquière qui va avoir le privilège de
terminer ce dernier bloc de
temps.
Fiscalité et condition féminine
Mme Saint-Amand: Je vous remercie, M. le Président.
Justement comme tout le monde se préoccupe du temps qui file et comme
j'aimerais bien avoir des réponses aux questions que j'ai
apportées pour le ministre, je vais y aller d'une façon
très précise, très claire avec les quelques questions que
je soulèverai. J'aurais pu aussi parler de différents points au
sujet desquels j'ai entendu certains propos ce matin et qui touchent
également la circonscription électorale de Jonquière, qui
sont aussi une préoccupation pour les citoyens de Jonquière. Je
me limiterai au dossier de la condition de vie des femmes, parce que des points
importants ont été touchés dans le dernier budget.
L'inquiétude est grande, je n'ai pas l'intention de reprendre les propos
qui ont été dits par la présidente du Conseil du statut de
la femme qui a fait une critique assez sévère des mesures
touchant les femmes qu'on retrouve à l'intérieur du budget.
Ma première question porte sur l'exemption de personnes
mariées. On sait qu'à venir jusqu'à maintenant une femme
avait le droit de gagner une somme aussi minime que 1420 $ dans une
année, plafond qu'elle avait droit d'atteindre sans affecter les
crédits d'impôt que son époux avait, parce que son
épouse dépendait de lui financièrement. On sait que la
grande préoccupation des femmes est, depuis quelques années
déjà, et c'est accentué depuis un an surtout, la recherche
d'une certaine sécurité économique, sinon une autonomie
financière vers laquelle elles tendent.
De plus, ce montant, si minime soit-il, permettait à certaines
femmes de garder un contact direct, même si c'était pendant une
très courte période de l'année, avec le monde du travail.
Avec les mesures annoncées par le ministre, c'est-à-dire
l'égalisation de l'exemption personnelle de base et l'exemption de
personnes mariées, les femmes perdent ce droit de gagner 1420 $ par
année sans affecter les crédits d'impôt de leur
époux. Le ministre, sur ce point précis, a-t-il
réfléchi à la question et a-t-il réalisé
qu'en abolissant ainsi ce plafond de gain d'emploi on pénalise
grandement la femme mariée? C'est ma première question.
J'aimerais poser les autres au ministre en espérant une réponse
à chacune de ces questions à la fin de mon intervention.
La deuxième question est à l'égard d'un premier
enfant d'une famille monoparentale. Le ministre annonçait que
l'exemption à l'égard d'un premier enfant pour une famille
monoparentale serait indexée. J'aimerais savoir de la part du ministre
à quel moment il entend l'indexer. Est-ce que c'est en 1988, en 1989, en
1987 ou en 1986? J'aimerais avoir une réponse assez précise
là-dessus également.
En ce qui concerne le régime d'allocations familiales, beaucoup
de choses ont été dites sur le sujet et il en reste encore
beaucoup à dire tant de la part des femmes que de la part de tous ceux
qui ont critiqué et qui auront encore à continuer de critiquer ce
point sur le budget. Vraiment, j'aimerais savoir de la part du ministre s'il
entend réajuster les mesures en ce qui concerne l'effet néfaste
de ce budget sur les allocations familiales qui nous donnent l'impression qu'on
donne d'une main et qu'on reprend des deux mains. N'aurait-il pas
été préférable, avant de toucher aux mesures qui
visent les allocations familiales, d'attendre qu'elles soient discutées
en commission parlementaire? Ce sont mes questions, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, on va essayer de prendre les
trois problèmes soulevés par Mme la députée de
Jonquière dans l'ordre. La première chose: Est-ce que la
modification au sujet de l'abolition du seuil de revenu de 1420 $
pénalise? Je crois qu'il faut voir cet élément dans
l'ensemble du réaménagement. Cela me fait toujours un peu sourire
quand les gens me disent: Le ministre des Finances donne d'une main et reprend
de l'autre.
Mme Saint-Amand: Vous prenez des deux mains.
M. Duhaime: Vous devriez plutôt dire que j'ai donné
des deux mains pour ne reprendre que d'une seule main. Peu importe la
manière dont on le regarde, c'est un réaménagement et
c'est comme cela qu'il faut le voir.
Ce que j'ai introduit dans le budget, pour ce qui est des femmes, me
paraît une compensation encore plus généreuse que ce qui
existe dans le système actuel et je voudrais vous l'expliquer. J'ai eu
l'occasion de rencontrer Mme Francine McKenzie la semaine dernière. Je
ne sais pas ce qu'elle va faire de l'échange de propos que nous avons
eu. J'étais accompagné de plusieurs de mes hauts fonctionnaires
et nous lui avons fait voir les avantages ou, encore, les facettes de ce
réaménagement fiscal qui est proposé dans le budget et
qui, à première vue, étaient inapparents.
Par exemple, il y a une hausse importante de la déduction pour
les frais de garde pour les enfants d'âge préscolaire; elle
augmente de plus de 75 %. Cela devrait rendre plus intéressante la
réintégration des femmes sur le marché du travail. C'est
la
même chose pour ce qui est de ta déduction
générale pour les frais reliés à l'emploi. Dans le
système actuel, c'est un maximum de 500 $, mais 3 %. Quand on dit que
c'est 6 % en conservant le maximum de 500 $ qui est porté ensuite
à 600 $ et à 750 $ l'année suivante, cela veut dire quoi?
Cela veut dire que plutôt que d'attendre un revenu de 16 666 $ pour avoir
droit à 500 $, à partir de 8333 $, vous avez droit à 500
$, ce qui est à peu près 6 %. Je crois que c'est un pas dans la
bonne direction.
Il faut dire aussi que 1420 $, ce n'est pas beaucoup d'argent sur une
base annuelle; il n'y a personne qui va travailler 50 semaines pour ce travail.
1420 $, c'est sans aucun doute une rémunération pour du travail
à temps partiel ou, encore, pour du travail à temps plein mais
pendant quelques semaines et, dans certains cas, pendant quelques mois selon le
niveau de rémunération. Cependant, on doit reconnaître que
l'exemption de conjoint a été augmentée de 600 $, ce qui
fait un impact net de 820 $ sur l'exemption lorsqu'il y a un revenu.
C'est dans ce sens qu'il faut lire le réaménagement fiscal
proposé dans le discours sur le budget, dans un scénario
d'ensemble, et non pas en prenant des morceaux plus ou moins épars les
uns par rapport aux autres. Pour caricaturer peut-être un peu votre
expression, il faut regarder ce que le budget donne de la main gauche, mais
aussi ce que la main droite fait. C'est un réaménagement qui fait
qu'au total, si on veut être logique, je doute personnellement qu'il y
ait tout ce charivari ou ce chambardement dans les ménages pour la somme
de 820 $ sur une base annuelle; cela me paraît un peu
exagéré.
Pour ce qui est du premier enfant, le budget introduit qu'à
partir du 1er janvier 1986 non seulement les allocations familiales vont-elles
être maintenues, mais nous introduisons l'exemption pour enfant à
charge. Pour le premier enfant, c'est 1870 $; pour le deuxième enfant,
c'est 1370 $ et, pour le troisième enfant, c'est 1370 $, etc. La
question qui se pose, c'est comment cela va-t-il fonctionner? Je voudrais
donner un exemple bien précis et bien concret pour voir la
mécanique de cela. Les mères de famille qui reçoivent des
allocations familiales vont continuer de recevoir leurs allocations familiales,
de la même manière que les mères de famille du
Québec qui ont des enfants de moins de six ans vont continuer de
recevoir l'allocation de disponibilité de 300 $ pour le premier, de 200
$ pour le second et de 100 $ pour les suivants. Cela n'est pas imposable. Cela
est maintenu intégralement dans le discours sur le budget.
Prenons la situation d'un contribuable salarié qui est
marié et qui a deux enfants. L'effet du budget n'aura pas lieu en 1987,
comme on l'entend dans certains discours de nos amis d'en face, mais dès
la première paye de janvier 1986. Pourquoi? C'est par le
mécanisme des retenues à la source. Prenez quelqu'un qui
gagnerait 30 000 $, qui est marié et qui a deux enfants. Actuellement,
sur une base de 26 périodes de paie, ses retenues à la source
pour chaque paie vont être de 147, 96 $. Avec l'introduction de
l'exemption pour enfants à charge, à partir du 1er janvier 1986,
la retenue à la source va être diminuée de 29, 55 $ par
paie. Qu'est-ce qu'on va ajouter à cela? C'est ce que j'essaie
d'expliquer et de faire comprendre au député de
Vaudreuil-Soulangps, qui le comprend très bien de toute façon,
soyez sans inquiétude: c'est qu'on va prendre en compte les allocations
familiales qui sont versées à la conjointe qui est mère de
ces enfants-là. Dans l'exemple que j'ai ici, cela voudrait dire 8, 51 $
par deux semaines, de sorte que le total des retenues à la source par
période de paie, en tenant compte de l'exemption pour enfants à
charge et du versement qui est effectué à la mère pour les
allocations familiales - on parle toujours du même ménage - le
total des retenues à la source sera de 126, 92 $ au lieu de 147, 96 $.
Cela va se faire à chacune des 26 paies tout au long de
l'année.
Quand va arriver le temps de déposer son rapport d'impôt
pour l'année d'imposition 1986, le calcul qu'on va faire est très
simple. On va dire: quel est le montant des acomptes qui ont été
versés au chapitre des déductions à la source? Dans le cas
qui nous occupe ici, si vous prenez 126, 92 $ que vous multipliez par 26
périodes de paie, cela va faire 3299, 92 $. Des allocations familiales
ont été versées pour 211, 26 $, ce qui vous donne un total
d'acompte net de 3078, 66 $. Et le solde des impôts à payer est
exactement égal à zéro. Ce contribuable à 30 000 $
aura bénéficié du réaménagement de
l'impôt sur le revenu des particuliers dans le système tel qu'on
le connaît.
J'ajoute également que, non seulement ce
réaménagement fiscal maintient les allocations familiales, mais
celles-ci ne sont pas imposables par le gouvernement fédéral. Oui
parce qu'elles sont considérées comme étant des
crédits de taxes ou des crédits d'impôt, prenez-le en sens
inverse si vous voulez. Nous sommes absolument convaincus là-dessus.
C'est ce que j'ai répondu au député de
Vaudreuil-Soulanges. C'était peut-être une réponse induite,
mais c'était une réponse très claire: Pour que les
allocations familiales du Québec, dans cette proposition, deviennent
imposables par le gouvernement fédéral à partir du 1er
janvier 1986, il faudrait que le ministre fédéral des Finances
soit très explicite dans le budget qu'il va déposer. Il devait le
déposer le 20 mai; les journaux du matin nous annoncent que ce sera le
23 mai, alors on va attendre au 23.
Si vous me permettez, M. le Président, je voudrais ajouter un
deuxième élément.
Le Président (M. Lachance): En terminant, M. le
ministre.
M. Duhaime: Je comprends qu'on a commencé très
tôt ce matin.
Fondamentalement, sur le plan des ménages, il y a une femme sur
deux qui travaille, n'est-ce pas? Il y a une femme sur deux qui est au foyer.
Allez à la page...
Le Président (M. Lachance): Celles qui sont au foyer
travaillent aussi, n'est-ce pas, M. le ministre?
M. Duhaime: Absolument. Si ma mère m'entendait, elle
serait scandalisée, mais vous avez très bien saisi ce que j'ai
voulu dire.
Le réaménagement fiscal qui est proposé dans ce
discours sur le budget, son premier objectif - je pense que cela devrait
être très clair - est de faire en sorte que des couples avec
enfants, un enfant, deux enfants, trois enfants, cessent de payer des
impôts sur le revenu des particuliers sur la partie du revenu qui leur
est nécessaire pour répondre aux besoins essentiels, alors que,
dans le système, aujourd'hui... Je vais vous donner un seul exemple, M.
le Président. Je sais que votre estomac crie: Â la cuisine! Nous y
allons de ce pas. En 1985, pour un couple avec deux enfants, un revenu de
travail, les besoins essentiels de ce ménage étaient
établis à 12 690 $ et, pourtant, cette famille payait de
l'impôt sur le revenu des particuliers à partir de 9241 $. Cela
voulait dire quoi? Cela veut dire que notre régime fiscal envoyait un
compte d'impôt à ce ménage sur une partie de son revenu qui
lui est nécessaire pour satisfaire à ses besoins essentiels. Cela
me paraît être la première chose que le budget que j'ai
déposé à l'Assemblée nationale vient corriger. Vous
regarderez la projection pour n'importe quel genre de ménage, puisque,
pour des fins d'impôt, on dit qu'une personne qui est célibataire,
c'est un ménage. Un couple sans enfant, c'est un ménage, un
couple avec un, un couple avec deux, etc. Mais vous allez voir que, dans tous
les cas et sur la projection 1986, 1987, 1988, pour chaque catégorie de
ménage, aucun d'entre eux n'est redevable à l'impôt sur le
revenu des particuliers tant et aussi longtemps que ses besoins essentiels ne
seront pas satisfaits, et les niveaux des exemptions ont été
ajustés à 1 $ ou à 3 $ près.
J'ajoute aussi que, le calcul des besoins essentiels étant
maintenant indexé, il va de soi que le niveau des exemptions va aller en
s'harmonisant là-dessus. Un des premiers principes, il me semble, d'un
système fiscal dans son équité est de faire en sorte de
laisser à nos concitoyens la partie de leurs revenus qui leur est
nécessaire pour combler leurs besoins essentiels. C'est le premier
principe du réaménagement de la fiscalité qui est
proposé. Il n'y a absolument rien dans ce budget - je l'ai dit à
Mme McKenzie et je l'ai dit à d'autres aussi - par rapport à la
situation de 1985, qui pénalise les femmes, qu'elles soient au foyer ou
qu'elles soient à l'extérieur du foyer pour travailler. Si vous
êtes capable de me faire des chiffres là-dessus qui iraient dans
le sens contraire de ce que je propose, je suis prêt à vous
écouter. Ce que j'ai dit à Mme McKenzie, c'est qu'on ne
réglera pas toute la question de la condition féminine et de
l'autonomie financière des femmes, qu'elles soient au foyer ou qu'elles
soient au travail, par le seul biais de la fiscalité. Cela
m'apparaît une évidence. Est-ce qu'on ne pourra pas amener
d'autres mesures pour faire en sorte que l'autonomie financière des
femmes soit accentuée? Sans aucun doute, mais par le seul biais de la
fiscalité, je vous donne mon point de vue bien personnel, j'ai de forts
doutes qu'on puisse régler toute cette question.
Mme Saint-Amand: Oui, brièvement, M. le
Président...
Le Président (M. Lachance): Mme la députée,
j'aurais besoin du consentement des membres de la commission pour terminer.
M. Duhaime: Oui, moi, je n'ai pas de problème.
Le Président (M. Lachance): Oui, cela va?
Mme Saint-Amand: C'était juste un dernier...
M. Duhaime: Quant à commencer à 9 heures, on peut
bien finir à 13 h 30.
Mme Saint-Amand:... commentaire, M. le Président. Ce que
M. le ministre considère comme des avantages qui compensent amplement ce
que nous considérons comme des inconvénients pour les femmes dans
son budget, cela touche effectivement les femmes, mais celles qui sont sur le
marché du travail d'une manière régulière et celles
qui ont de jeunes enfants de moins de six ans, qui bénéficieront
de certains avantages, on le reconnaît. Les femmes qui sont
pénalisées par le budget du ministre des Finances sont les femmes
qui sont au foyer. Ce sont celles qui n'ont plus de jeunes enfants, qui ne
bénéficient donc pas des avantages des services de garde et
autres qui peuvent s'y rattacher et ce sont celles qui n'ont pas de contacts
réguliers avec le marché du travail,
sauf sur une courte période par semaine, par mois ou par
année qui leur permettait d'avoir un revenu d'au moins 1420 $ par
année sans affecter celui de leur mari. Les femmes, les travailleuses au
foyer dont c'était le seul contact avec le marché du travail se
sentent grandement lésées et pénalisées
économiquement par cette mesure de l'abolition du plafond de 1420 $.
M. Duhaime: Je vais répondre ceci. Je pense qu'il
n'appartient pas à l'État d'entrer dans chacun des
ménages. Pendant trop d'années, on a eu l'État un peu
partout dans nos affaires. Êtes-vous en train de me dire
sérieusement que le fait de porter vers le haut le seuil d'imposition
nulle et, en même temps, d'augmenter le revenu disponible des
ménages... Je vous renvoie au discours sur le budget, à la page
A-26 de l'annexe. Pour un couple ayant un seul revenu de travail de 15 000 $,
avec deux enfants de moins de 12 ans, le régime fiscal va accorder
à ce couple 324 $ de plus. Pour un couple avec deux enfants, de 6
à 11 ans, deux revenus de travail dont l'un des deux est de 20 000 $
pour un combiné de 30 000 $, le revenu disponible va augmenter de 533 $.
À 35 000 $, cela augmente de 365 $. Je ne peux pas voir en quoi c'est
pénalisant. Une femme qui décide d'aller travailler, dans le
système que j'ai proposé, a une exemption de base, l'exemption de
base pour personne mariée, qui est augmentée; l'exemption pour
enfant à charge est introduite, pour 1870 $; pour le deuxième
enfant, c'est 1370 $, etc.
Votre problème, c'est ceci: une personne qui n'a plus d'enfant
à charge, si je vous ai bien comprise, ne bénéficierait
pas d'un paiement de transfert au titre des allocations familiales ou autres.
En quoi est-elle pénalisée si elle décide d'avoir
accès au marché du travail? Par le fait qu'elle va devoir
s'entendre avec son conjoint et dire: Si je vais gagner sur le marché du
travail, cela va te faire un peu plus d'impôt à payer? Je pense
que, dans la vie de tous les jours, ce n'est pas tout à fait comme cela
que cela se passe dans les ménages. Si on regarde les choses en disant
qu'il faut que chaque conjoint à l'intérieur de chaque couple
soit autonome financièrement, peut-être que c'est un objectif.
Mais ce que je réponds, c'est que je ne vois pas encore pourquoi ce
serait l'Etat, qui n'a rien à voir dans nos familles de toute
façon, qui viendrait se mettre le nez là-dedans et effectuer des
paiements de transfert sur la base d'exemptions additionnelles.
Ce que j'ai retenu dans le document qui a été rendu public
par le Conseil du statut de la femme, c'est ceci: plutôt que d'accorder
l'exemption au mari qui travaille, on devrait, soit faire un paiement de
transfert à la conjointe dans le cas où elle est au foyer mais
qui ne reçoit pas de rémunération à
l'extérieur... Moi, j'évoque tout de suite les limites à
l'intervention de la fiscalité pour régler ce genre de
problème. C'est impossible.
Le Président (M. Lachance): Comme le temps imparti a
été utilisé, je remercie le ministre des Finances ainsi
que mesdames et messieurs les députés pour leur collaboration. La
commission du budget et de l'administration ajourne donc ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 13 h 9)