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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Tuesday, May 7, 1985 - Vol. 28 N° 18

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude de la politique budgétaire du gouvernement dans le cadre du débat sur le discours sur le budget


Journal des débats

 

(Neuf heures treize minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente du budget et de l'administration se réunit avec le mandat de procéder au débat portant sur le discours sur le budget.

Je voudrais savoir, M. le secrétaire, s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blank (Saint-Louis) sera remplacé par M. Viau (Saint-Jacques) et M. Caron (Verdun) sera remplacé par Mme Dougherty (Jacques-Cartier).

Le Président (M. Lachance): Merci. Je laisse la parole au député de Vaudreuil-Soulanges.

Le Fonds de développement des ressources

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un des aspects que j'aurais aimé qu'on traite à l'occasion de l'étude du budget, c'est ce que le ministre a intitulé le Fonds de développement des ressources. Il y a de très gros chiffres qui se promènent là-dedans. On nous parle, en page 28 du discours sur le budget, de 2 500 000 000 $ qui, au cours des cinq prochaines années, transiteraient -c'est le mot qu'on emploie - par le Fonds de développement des ressources. Il y a de très gros chiffres et, notamment, pour la première année, on aimerait avoir un petit peu plus d'explications dans la mesure où il y a apparemment certains de ces chiffres qui ne sont pas récurrents.

Par la nature même des énoncés du ministre on peut voir, par exemple, que la vente d'actions privilégiées d'Hydro-Québec a été déjà mentionnée. On a parlé d'une transformation du capital d'Hydro-Québec quant à 10 %, une nouvelle classe d'actions que le ministre pourrait vendre sur le marché. On parle de 400 000 000 $, sauf erreur. Si on parle de 10 % du capital-actions, excluons les réserves, les surplus, etc., accumulés depuis la loi qui modifiait la Loi sur Hydro-Québec en 1981, il y a à peu près 400 000 000 $.

Il y a par ailleurs - on est au royaume de l'ellipse et du sous-entendu - le produit de la vente des succursales de la Société des alcools du Québec. Il y a un certain passage du discours sur le budget, des déclarations qui ont été faites en marge des discussions sur le budget qui laisseraient croire qu'il ne serait pas impossible, dans la mesure où c'est une société distincte du gouvernement, une société publique, que la vente de ses actifs devienne une source de fonds pour le Fonds de développement des ressources.

De façon générale, pour commencer, avant qu'on aborde en détail les différents postes d'origine de ce que doit être le Fonds de développement des ressources, j'aimerais que le ministre nous indique ce qu'il envisage au point de vue du fonctionnement, quel est le cadre conceptuel, si on veut, qui va nous permettre de juger un peu à l'avance de ce qu'il va y avoir dans ce fonds.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances.

M. Duhaime: M. le Président, effectivement, le discours sur le budget fait état de la création d'un Fonds de développement des ressources qui, par définition même, également, va aider énormément au développement économique des régions puisque les ressources se retrouvent dans la plupart des grandes régions économiques du Québec. Je pense, entre autres, au secteur minier, au secteur forestier, en particulier.

Effectivement, le député de Vaudreuil-Soulanges a très bien compris la problématique. Sur les cinq prochaines années, incluant l'année en cours, transitera par le Fonds de développement des ressources une somme globale de 2 500 000 000 $, et ça pourrait même aller au-delà, selon les niveaux de dividende que versera Hydro-Québec au gouvernement au fil des ans. J'aurai avec moi, dans quelques minutes, un détail ou un chiffrier un peu plus précis qui devrait soutenir ce que je vais dire.

Nous voulons, dans un premier temps, verser au Fonds de développement des ressources le produit de la disposition d'actifs ou d'actions d'entreprises d'État. J'ai déjà annoncé la Société des alcools, par exemple, qui va vendre son réseau de succursales et de points de vente au détail. Nous évaluons, sur la base des soumissions publiques et des franchises, que ces transactions pourraient rapporter dans les deux années qui viennent à peu près 150 000 000 $. Cela pourrait être un peu moins ou un peu plus, mais 150 000 000 $ pour 259 succursales au total,

dont à peu près 200 pourraient être vendues, cela m'apparaît un chiffre réaliste.

Deuxième élément, le capital-actions ordinaire d'Hydro-Québec que détient le ministre des Finances, dont une partie sera convertie en actions privilégiées, pourra être offerte en vente au grand public du Québec et pourrait aller chercher au cours des prochaines années à peu près 400 000 000 $. Cela fait plus ou moins 500 000 000 $.

Maintenant, transiteront également par ce fonds-là les droits de mines et les redevances hydrauliques. Les droits de mines donnent à peu près 30 000 000 $ par année à l'heure actuelle; les redevances hydrauliques, c'est-à-dire les "royautés" versées au gouvernement sur la base des baux consentis par l'entreprise privée pour l'utilisation des rivières, des barrages et des cours d'eau des grandes entreprises comme A lean, Reynolds, Québec North Shore, il y en a pour 3500 mégawatts au Québec.

Ensuite, il y a les droits de coupe qui sont versés par les utilisateurs de la forêt publique, de sorte que pour ce qui est des revenus des droits de mines, les redevances hydrauliques, les droits de coupe, je ne les ai pas sous la main ici, mais vous trouverez cela très facilement dans le livre des crédits et du budget. Donc, au total d'Hydro-Québec sur les cinq prochaines années on devrait se retrouver - juste une seconde, je ne voudrais pas vous donner... Juste une seconde, je ne voudrais pas vous donner deux séries de chiffres. Si on fait la projection pour les trois prochaines années, par exemple, sur la base de la politique actuelle des dividendes à Hydro-Québec en excluant les actions, le revenu des actions privilégiées vous donne quelque chose autour de 800 000 000 $ à 900 000 000 $ et cela se concilie avec le plan d'équipement qui a été déposé tout récemment par Hydro-Québec, à la suite de discussions en commission parlementaire et de l'adoption du dernier tarif à 2, 5 %, 2, 7 % d'augmentation. Sous la rubrique générale des droits reliés aux ressources, c'est-à-dire droits de mine, redevances hydrauliques et droits de coupe, la projection est entre 350 000 000 $ et 400 000 000 $. La disposition des actions d'Hydro-Québec, cela va donner environ 400 000 000 $. Cela vous fait 1 700 000 000 $ et, en y ajoutant 150 000 000 $ de la SAQ, cela vous fait 1 850 000 000 $. C'est la projection qu'on fait pour les trois prochaines années. Alors, quand on avance que pourrait transiter par le Fonds de développement des ressources une somme qui pourrait être de l'ordre de 2 500 000 000 $ sur la période de cinq ans, cela pourrait être 2 400 000 000 $, cela pourrait être 2 600 000 000 $, à même les différents postes que je viens de mentionner. Si le gouvernement décidait d'aller à 2 500 000 000 $ pile, il pourrait toujours faire un apport à même le fonds consolidé.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a un chiffre qui m'a étonné, c'est celui des droits perçus au titre de l'exploitation des richesses naturelles. On ne parle pas des dividendes d'Hydro-Québec comme tels; on parle des droits de coupe, des droits miniers que le ministre a mentionnés. Le chiffre qu'il vient de donner sur trois ans c'est 300 000 000 $ à 400 000 000 $.

M. Duhaime: 350 000 000 $ à 400 000 000 $.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): 350 000 000 $ à 400 000 000 $. J'essaie de concilier cela avec les sources de revenus que le gouvernement retire à ce titre, ce qui apparaît dans la rubrique "ressources naturelles". Pour l'année qui vient de se terminer, cela a été 107 000 000 $, et pour l'année prochaine cela va être 114 000 000 $ dans les droits et les permis, divisés en quatre ou cinq: Les véhicules automobiles, les boissons alcooliques - pour les boissons alcooliques cela va chuter parce qu'il me semblerait qu'il y a une espèce de non récurrent qui est la vente des succursales, quoique les droits et les permis en matière de boissons alcooliques c'est plutôt une sorte de permis de débit de boisson et d'exploitation, je présume; ce n'est pas une question de dividende ou quoi que ce soit - les ressources naturelles, le quatrième étant "Pari mutuel". On parle d'une centaine de millions. C'est de l'ordre de grandeur, si on remonte à 1979... 90 000 000 $, 95 000 000 $, 125 000 000 $, 140 000 000 $, 86 000 000 $, 83 000 000 $, 107 000 000 $, 114 000 000 $. 400 000 000 $ cela m'apparaît aujourd'hui élevé pour les trois prochaines années quand la première est 114 000 000 $. C'est la première explication quant à l'ampleur des chiffres qui sont mentionnés par le ministre pour constituer le Fonds de développement des ressources. Les autres chiffres nous apparaissent d'un ordre de grandeur relativement acceptable.

Mais je persiste à ne pas comprendre, à l'égard d'Hydro-Québec comme tel; qu'est-ce qu'on a ajouté de plus à Hydro-Québec? À partir du moment où on émet des actions privilégiées, on convertit le capital ou on convertit d'année en année les réserves et surplus. Le discours sur le budget d'une part et les annexes d'autre part ne permettent pas de dégager précisément ce qui va arriver. Je comprends qu'on aura un projet de loi devant nous et qu'on aura des virgules et des points-virgules mais j'essaie de voir où vous vous en allez précisément.

Vous nous avez parlé de créer une classe d'actions additionnelle. On parle à un endroit de transformer les surplus et les

réserves accumulés par opposition à ce qu'est te capital-actions. On parle par ailleurs de transformer le capital-actions pour vendre 10 % sous forme de capital privilégié de l'équité que le gouvernement détient. Le chiffre de 400 000 000 $ que vous avez mentionné, c'est bien 10 % du capital-actions actuel. En même temps, cela laisse soupçonner que ce n'est pas le capital-actions actuel qui va être distribué quant à 10 % mais bien une partie des réserves, des profits, des bénéfices non répartis, si on veut, qu'Hydro-Québec a accumulés depuis quatre ans et que c'est dans ce pot-là, si vous voulez me passer l'expression, qu'on va aller créer des actions privilégiées qui vont être vendues au public. J'essaie de comprendre d'où vont venir les 400 000 000 $, parce qu'il m'a l'air d'y avoir deux énoncés en apparence contradictoires.

M. Duhaime: Vous avez raison de dire: En apparence contradictoires, parce que c'est...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Comme beaucoup de choses qui sont là-dedans. (9 h 30)

M. Duhaime:... très, très simple à comprendre quand on veut comprendre. D'abord, je dois dire, M. le Président, que le Parti libéral a eu une attitude variable sur cette question quand la rumeur a voulu qu'à un certain moment des actions d'Hydro-Québec soient mises sur le marché, on a tout de suite crié qu'il y avait là un des grands dangers de privatiser Hydro-Québec.

Je voudrais donner toutes les assurances au député de Vaudreuil-Soulanges, de même qu'à tous mes collègues, que le gouvernement n'a aucune intention de privatiser HydroQuébec. Ce que nous avons l'intention de faire, quand on se réfère aux états financiers d'Hydro-Québec, c'est qu'on se rend compte que, depuis la loi 16, Hydro-Québec est dotée d'une structure de capital comme toute grande entreprise de cette taille plutôt que d'avoir des réserves, de sorte qu'aujourd'hui le capital-actions ordinaire d'Hydro-Québec est de l'ordre d'à peu près 4 000 000 000 $ que détient - c'est un espèce d'euphémisme - le ministre des Finances comme actionnaire de cette entreprise.

Nous allons proposer à l'Assemblée nationale un projet de loi pour créer une classe d'actions privilégiées, au capital-actions d'Hydro-Québec, et les actions ordinaires, qui sont déjà souscrites, émises et payées, seront converties, pour une partie, en actions privilégiées pour à peu près un peu moins de 10 % de ce capital, et ce sont ces actions privilégiées qui seront mises en vente par l'actionnaire. Alors, ça ne changera en rien les équilibres financiers d'Hydro-Québec, ça ne changera en rien les ratios. Son niveau d'autofinancement, par exemple, n'est pas modifié, son passif n'est modifié d'aucune façon, mais ça permet, comme je l'indiquais dans le discours sur le budget, de dégager le gouvernement comme tel, de permettre aux Québécois d'investir directement comme actionnaires priviégiés. Ils vont porter des actions qui auront un revenu garanti sans droit de vote, ce qui permettra au gouvernement de se dégager...

Je pense qu'on pourrait faire cet exercice sur les deux ou trois prochaines, peut-être plus les trois prochaines années, pour tester ce nouveau véhicule financier. Dans un premier temps, je pense que la prudence nous commande de ne pas nous lancer dans toutes les directions en même temps, mais ça va permettre à l'actionnaire de récupérer 400 000 000 $, peut-être même davantage, si besoin était d'augmenter le capital-actions total de l'entreprise, et c'est cet argent qui va être placé, réinvesti dans un Fonds de développement des ressources pour que ce soit utilisé exclusivement au développement des richesses naturelles du Québec.

Je pense, entre autres, à des affectations comme une politique de reboisement, qu'il nous faut financer au fil des années, une politique de soutien à l'exploitation minière et à la mise en valeur des richesses de notre sous-sol qui, soit dit en passant, sont encore la grande inconnue, en ce qui me concerne; très probablement aussi le Fonds de développement des ressources pourra financer la recherche et le développement dans les technologies qui sont reliées au secteur des richesses naturelles.

Plutôt que cet argent qui sera le produit de la disposition d'actifs et d'actions d'entreprises, le discours sur le budget a été explicite pour ce qui est de la SAQ et d'Hydro-Québec, mais il est loin d'être exclu que le gouvernement puisse décider de se départir d'autres intérêts qu'il détient dans des entreprises d'État, soit que ces entreprises d'État s'en aillent vers un actionnariat beaucoup plus public au sens d'une inscription à la Bourse, par exemple. Plutôt que de faire appel au gouvernement comme actionnaire, il pourrait faire appel à des partenaires du secteur privé. Je pense que c'est plus dans cette direction que doit s'orienter l'action du gouvernement et l'action de l'État dans l'économie, davantage en association avec l'entrepreneurship québécois plutôt que de tout simplement continuer comme on l'a fait depuis les 20 ou 25 dernières années.

Le projet de loi concernant ces modifications à la Loi sur Hydro-Québec sera déposé au cours du mois de mai par mon collègue, M. Rodrigue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, et sera soumis à l'Assemblée nationale en temps utile.

Les actions privilégiées d'Hydro-Québec

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre vient de confirmer l'existence de la contradiction apparente. Ce qui nous laisse penser que c'est un peu brouillon, tout cela. Le ministre vient de dire mot à mot que c'est une portion du capital-actions qu'il détient déjà qui sera convertie en actions privilégiées qui seront vendues. Est-ce cela?

M. Duhaime: C'est exactement ce que j'ai dit. Est-ce que j'ai besoin de le répéter?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, mais vous allez m'expliquer dans ce cas-là ce qu'il y a à la page A-46 du discours sur le budget, où on dit qu'il s'avérera nécessaire d'augmenter le capital-actions en circulation de la société et que la loi prévoira la transformation des bénéfices non répartis en capital-actions et l'augmentation du capital autorisé d'Hydro-Québec. Alors, c'est l'un ou l'autre ou c'est les deux: ou bien vous distribuez 10 % du capital-actions que vous avez déjà ou alors vous créez une nouvelle classe d'actions à partir des bénéfices non répartis accumulés depuis la transformation d'Hydro-Québec en société à capital-actions et c'est ce montant qui est éventuellement distribué sous forme d'actions privilégiées ou qui constitue le capital-actions privilégié à même lequel on distribuera aux acheteurs éventuels, les individus, les particuliers, etc., une participation dans Hydro-Québec. C'est l'un ou l'autre.

M. Duhaime: Je ne comprends pas, M. le Président, que le député de Vaudreuil-Soulanges ne comprenne pas.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est ce qui m'inquiète beaucoup, M. le Président. Le ministre des Finances vient de nous dire qu'il est l'heureux détenteur de 4 000 000 000 $ en gros en valeur d'actions privilégiées à 1000 $ de valeurs au pair, si mon souvenir est bon, d'Hydro-Québec. Il nous a dit mot à mot - je vais lui faire lire le Journal des débats - que c'est environ 10 %, pas tout à fait, de ce montant-là qu'il distribuera éventuellement sous forme d'actions privilégiées au public québécois, à la suite d'une transformation du capital-actions que lui, le ministre, détient. On lit dans l'annexe au discours sur le budget que la loi prévoira la transformation des bénéfices non répartis accumulés depuis quatre ans en capital-actions, je présume, augmentant - c'est mot à mot - le capital-actions et qu'on peut déduire à ce moment-ci que c'est ce morceau-là dans le bilan d'Hydro-Québec, du côté du passif vers le bas, M. le ministre, c'est à même ce pot-là qu'on distribuera les actions privilégiées. Ce n'est pas du tout la même chose.

Le lendemain de l'exercice de distribution, soit que le ministre des Finances a toujours ses 4 000 000 000 $ d'actions ordinaires et que les Québécois ont des actions privilégiées qui ont été tirées quant à leur formation et leur origine, à même les bénéfices non répartis, ou alors le ministre des Finances n'aura plus que 3 600 000 000 $ d'actions ordinaires et les 400 000 000 $ d'actions additionnelles auront été transformées en actions privilégiées. C'est cela que les Québécois vont détenir et les bénéfices non répartis seront toujours inscrits au livre comme tels. Ce sont deux choses très différentes au point de vue financier. Ce sont deux choses dont vous ne semblez pas saisir la distinction et vous venez, je le répète, réaffirmer la contradiction apparente qu'on avait déjà dénotée entre des déclarations et ce qui apparaît dans le discours sur le budget.

M. Duhaime: M. le Président, on va essayer de démêler le député de Vaudreuil-Soulanges. Là où il y a contradiction, il faudrait plutôt voir la suite des choses. A la page, A-46, vous avez lu seulement les troisième et quatrième paragraphes, il faudrait peut-être commencer par le premier. Je vais le lire, M. le Président, cela va prendre quatre minutes...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est fait.

M. Duhaime: "La Loi sur Hydro-Québec sera amendée afin de restructurer le capital-actions détenu par le ministre des Finances et de créer une classe d'actions privilégiées. Ces amendements permettront au ministre de vendre une partie des actions privilégiées qu'il détiendra. "Même si cette société d'État bénéficie d'immunité fiscale, en tant que mandataire de la couronne, les actions souscrites ou vendues à des personnes autres que le ministre des Finances ne pourront excéder 10 % du capital-actions en circulation à cette société. Cette restriction vise à conserver le caractère non imposable des filiales en propriété exclusive d'Hydro-Québec".

C'est ce que je vous ai expliqué tantôt en d'autres mots plus simples et qui veulent essentiellement dire qu'il y a 4 000 000 000 $ d'actions ordinaires qui constituent le capital actuel d'Hydro-Québec. Quand on dit qu'on veut convertir une partie de ce capital pour en faire une classe d'actions privilégiées à même le capital souscrit et payé, c'est ce que je veux dire.

Quand on poursuit ensuite la lecture des troisième et quatrième paragraphes de la page A-46 à l'annexe: "Compte tenu de cette restriction et de façon à maximiser le

volume possible d'actions pouvant être détenues par des actionnaires privés, il s'avère nécessaire d'augmenter le capital-actions en circulation de la société d'État. La loi devra ainsi prévoir la transformation des bénéfices non répartis en capital-actions et l'augmentation du capital autorisé d'Hydro-Québec".

S'il y a 4 000 000 000 $ à l'heure actuelle, on pourrait très bien inclure dans la loi, je pense que cela va se faire de cette manière, que le capital autorisé de l'entreprise pourrait être porté à 5 000 000 000 $ ou à 6 000 000 000 $. À chaque fois qu'on aura la somme totale du capital souscrit, émis et payé - le volume total de ces actions - on pourra toujours disposer, comme actionnaire, de 10 % et les vendre au public et maintenir en même temps l'immunité fiscale.

Si vous allez au livre d'Hydro-Québec, vous allez voir que lorsque celle-ci déclare un bénéfice net et qu'elle déclare un dividende à son actionnaire, il reste encore des montants très appréciables de bénéfices non répartis qui, dans le passé, au lieu d'être inscrits sous la rubrique "bénéfices non répartis", s'en allaient carrément à la réserve. Ce sont ces bénéfices non répartis qui s'en iront en actions. C'est comme cela que cela va fonctionner. Les bénéfices non répartis vont être transformés en actions et, à même ces actions, on pourra toujours aller chercher 10 %, le convertir en actions privilégiés et le vendre au public. Il n'y a donc aucune espèce de contradiction, c'est une opération qui se fait en deux temps. Même si votre chef a parlé d'une opération de marketing, si j'ai bien compris ses déclarations là-dessus, je pense que c'est beaucoup plus une action de marketing.

Il s'agit de permettre deux choses: Premièrement, permettre à l'actionnaire de se dégager d'une partie du capital qu'il a investi dans cette grande entreprise et affecter cet argent au développement d'autres richesses naturelles; deuxièmement, permettre aux Québécois et aux Québécoises de faire un placement solide dans une des entreprises les plus rentables de ce que vous pouvez trouver dans les compagnies d'utilité publique sur ce continent, et permettre aux Québécois de détenir des actions privilégiées. Qu'est-ce que l'avenir nous réserve? Est-ce qu'on pourrait envisager, un jour, que les Québécois pourraient devenir actionnaires et devenir porteurs d'actions ordinaires dans Hydro-Québec? Cela reste une question à débattre et cela n'entre pas dans nos intentions d'aller dans cette direction pour l'instant, cela est sûr et certain. Je pense que la première étape est celle que je viens de vous décrire.

Le Président (M. Lachance): Trente secondes peut-être au député de Vaudreuil-

Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'aurais deux commentaires de quinze secondes chacun. Le premier, c'est que la contradiction apparente étant levée, on a fait une découverte qu'il y a une émission considérable à même le capital que le ministre détient déjà et qu'il y aurait présumément des émissions subséquentes au fur et à mesure que les bénéfices non répartis sont transformés en capital-actions et actions privilégiées et ordinaires dans une proportion de neuf à un ou à peu près. C'est une découverte qu'il va y avoir des émissions théoriquement, à chaque année, à mesure qu'Hydro-Québec fait des profits.

M. Duhaime: Ce n'est pas une découverte. C'est écrit à la page A-46, paragraphes 3 et 4.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est une découverte quant aux déclarations que le ministre a faites, soit dans toutes les déclarations et finalement les explications qu'il a données jusqu'à ce que nous posions les questions. Malheureusement, les trente secondes sont déjà terminées.

Le Président (M. Lachance): À peu près, M. le député.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela passe vite, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Vous aurez l'occasion de revenir, si vous voulez.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

D'accord.

M. le ministre, est-ce que vous avez des propos à ajouter à cela?

M. Duhaime: Non, je ne suis pas très loquace, ce matin.

Le Président (M. Lachance): Non. Alors, M. le député de Rosemont. (9 h 45)

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Avec l'accord du député de Rosemont. Dans ces conditions, les Québécois, détenteurs d'actions privilégiées créées à partir des bénéfices non répartis, n'apparaissent pas dans une situation bien différente de celle où ils se trouveraient s'ils achetaient des obligations d'Hydro-Québec. C'est une action privilégiée qui prend rang après les obligations ordinaires quand on regarde cela théoriquement, quels sont les droits de privilège des détenteurs qui prendraient rang, je le présume, avant les actions ordinaires... Par leur nature même, les actions privilégiées, c'est ce droit ou ce privilège qu'elles confèrent à l'actionnaire qu'un

dividende qui pourrait être fixe ou flottant, je ne le sais pas, il y a des obligations à intérêt flottant aussi... Je cherche l'avantage de la situation du Québécois qui détiendrait une action privilégiée d'Hydro-Québec plutôt qu'une obligation. Je ne vois pas ce que cela a changé vraiment et je ne vois pas ce que cela a changé dans la structure financière d'Hydro-Québec, cela n'a rien changé quant à la structure financière d'Hydro-Québec pour autant que je puisse juger. De là à conclure qu'il s'agit d'une opération de marketing il n'y a qu'un pas qu'on peut franchir rapidement.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Oui, M. le Président. Moi aussi, le Tonds de développement des ressources m'intrigue. D'une part - si j'ai bien compris - là vous arrivez aux chiffres de 2 500 000 000 $ et vous avez totalisé à peu près 1 800 000 000 $ tantôt. Est-ce que j'ai bien compris qu'il y aurait 400 000 000 $ qui viendraient des droits de coupe, des droits miniers et des droits hydrauliques? 300 000 000 $?

M. Duhaime: 350 000 000 $ à 400 000 000 $.

M. Paquette: Je n'ai pas entendu votre réponse à la question à savoir que, dans les revenus budgétaires, il y a un peu plus que 100 000 000 $ qui proviennent des ressources naturelles actuellement, est-ce que c'est le même argent? Autrement dit, l'action du ministre consiste-t-elle à orienter dans le Fonds de développement des ressources des revenus budgétaires qu'il a par ailleurs?

M. Duhaime: Pour une bonne partie, oui.

M. Paquette: Donc, on peut conclure que les quelque 100 000 000 $ qui sont dans des revenus budgétaires, aux renseignements supplémentaires II-22, si on regarde suivant toutes les années: 50 000 000 $, 78 000 000 $, 124 000 000 $ et 143 000 000 $, 107 000 000 $ l'année dernière, donc environ 100 000 000 $ à 125 000 000 $, vont aller maintenant entièrement dans le Fonds de développement des ressources?

M. Duhaime: C'est exact.

M. Paquette: Comment arrivez-vous jusqu'au reste du 300 000 000 $? Vous avez le chiffre des 300 000 000 $, il manque 275 000 000 $, d'où vient-il? Vous avez dit que 300 000 000 $ viendraient des droits de coupe, droits miniers, droits hydrauliques.

M. Duhaime: J'ai donné ces chiffres-là tantôt, vous arrivez à la somme suivante: le chiffre que je vous ai avancé, qui était de 1 850 000 000 $, est une projection sur les trois premières années. Je vais vous donner la projection qu'on a faite des quatrième et cinquième années, quoique c'est plus incertain, parce qu'il y a des hauts et des bas, mais, en gros, si on reprend l'explication complète, les droits sur les ressources et les droits de mines, les droits de coupe, les redevances hydrauliques, si vous calculez en partant des 114 000 000 $ ou 115 000 000 $ prévus pour 1985-1986, que vous mettez 120 000 000 $ par année pour les quatre années qui suivent, cela vous fait 600 000 000 $.

Je vais vous le donner sur les cinq années. Le dividende d'Hydro-Québec prévu en 1985-1986 est de l'ordre de 156 000 000 $. On prévoit, par ailleurs, que, pour les quatre années qui vont suivre, le dividende d'Hydro-Québec pourrait atteindre 300 000 000 $ par année. Cela vous fait 1 350 000 000 $, 1 356 000 000 $, pour être précis, la somme de ces deux chiffres vous fait 1 950 000 000 $ et, ensuite, la disposition des actions d'Hydro-Québec de 400 000 000 $ à 500 000 000 $ sur la période de cinq années, cela vous fait 2 400 000 000 $ à 2 450 000 000 $. Si on décidait de faire transiter par le Fonds de développement des ressources le produit de la vente des succursales de la SAQ, déjà vous dépassez le 1 500 000 000 $. On peut imaginer aussi que certaines sociétés d'État pourraient être invitées à liquider certains de leurs actifs si le gouvernement décidait d'investir cet argent dans le Fonds de développement des ressources, cela viendrait s'ajouter et, également, parce qu'on va prévoir une dépense au Fonds de développement des ressources, il y a toujours aussi l'affectation d'un montant X que le ministre des Finances décidera, lors de son budget, d'affecter au Fonds de développement des ressources à même le fonds consolidé.

C'est une projection qui est faite sur cinq années, elle m'apparaît très réaliste à 150 000 000 $ ou 200 000 000 $ près...

M. Paquette: D'accord.

M. Duhaime:... sur la période de cinq ans. Je pense que c'est réel.

Maintenant, ce qu'il est important de retenir: pourquoi un Fonds de développement des ressources? Il s'agit de faire en sorte, et je l'ai indiqué dans le discours sur le budget, de consacrer... Nous aurons à consacrer beaucoup d'argent dans les années qui viennent au développement des richesses naturelles, entre autres, dans un dossier qui est très important et la raison d'être, en quelque sorte, de la première grande industrie du Québec, l'exploitation des forêts.

II y a 260 000 travailleurs, hommes comme femmes qui y trouvent leur emploi aujourd'hui. La forêt du Québec, qui produit à peu près dans les meilleures années, selon mon souvenir, 26 000 000 à 28 000 000 de mètres cubes de bois qui a été coupé sur une forêt dont l'étendue commerciale est à peu près égale aux forêts commerciales de Norvège, de Suède et de Finlande réunies. Ces trois pays sont nos concurrents sur les marchés internationaux. Ils ont des politiques de reboisement qui remontent au début du siècle. Ces trois pays ensemble produisent 115 000 000 de mètres cubes de bois chaque année. Cela donne à peu près, mettez en gros, quatre fois ce que la forêt du Québec produit. Il y a une explication à cela. Ces trois pays Scandinaves, à eux trois, ont des politiques de reboisement qui font qu'en 1984, par exemple - je n'ai pas les chiffres pour 1985 - ils ont mis en terre 700 000 000 de plants. Notre objectif - on est parti de pas grand-chose lorsqu'on est arrivé au gouvernement - a été de se fixer 300 000 000 de plants mis en terre à partir de 1988. Ce seul programme de reboisement avec un objectif de 300 000 000 de plants mis en terre en 1988 coûte 526 000 000 $. Si on décidait de l'augmenter... Je pense que 300 000 000, c'est un chiffre qui peut paraître très grand, mais qui est en même temps modeste, si on veut être capable de modifier nos politiques d'approvisionnement à l'industrie, être capable d'envisager d'agrandir nos parts de marché international, être plus concurrentiel... Imaginez que le Québec ait une politique de reboisement qui ferait que durant Ies années 1990 on ait des programmes qui pourraient atteindre jusqu'à 500 000 000 de plants mis en terre, cela m'apparaît très réaliste.

J'ai eu l'occasion de voir moi-même une seule entreprise en Suède, Svenska Cellulosa, qui est une entreprise du secteur privé et qui, à la différence des nôtres qui ont oeuvré au Québec sous des régimes de concession presque en pleine propriété pendant trois quarts de siècle, cette seule entreprise reboise actuellement 70 000 000 de plants par année à elle seule. Si on regarde maintenant du côté de l'exploration minière, quand on considère que lorsqu'on atteint un niveau de dépenses légèrement au-dessus de 100 000 000 $ par année au Québec, est-ce un record? Moi, je vous avoue que je n'y vois pas un record. Il faut augmenter, et de beaucoup, les fonds qui sont consacrés à l'exploration du territoire minier du Québec. Il faudra mettre de l'argent dans la fosse du Labrador, en particulier. Il faudra essayer, dans la région où on a des économies monominérales - je pense à la Côte-Nord - d'identifier des gisements autres que ferreux et de les mettre en exploitation. Mais si on attend que l'entreprise privée le fasse seule, il y a des risques qu'il se passe encore un siècle avant que quelque chose ne se produise. Avec le Fonds de développement des ressources, il y a plusieurs dizaines de millions qui vont aller au soutien de l'entrepreneurship des Québécois qui vont se lancer dans l'exploration ou encore, ce sera une dépense d'exploration qui pourra être financée à 100 % par le fonds de développement. Mais l'idée, c'est le produit des richesses naturelles qui est réinvesti dans le développement des richesses naturelles du Québec par le biais du fonds de développement.

M. Paquette: M. le Président, c'est justement la question que je me pose. Je ne doute pas que le budget soit un excellent budget dans une perspective de développement des ressources naturelles, notamment les modifications qui sont faites aux droits miniers, également dans le domaine de la forêt et ce fonds qui va permettre de pomper davantage d'argent public dans cette direction.

Cependant, on peut se poser la question suivante. D'abord, il y a un certain nombre de revenus du gouvernement ou du secteur public en général qui ne seront plus disponibles pour autre chose. Les droits de coupe, les droits miniers, les droits hydrauliques vont s'en aller entièrement au Fonds de développement des ressources. Il va donc falloir que le ministre trouve de l'argent ailleurs pour compenser ces dépenses. Cela va nécessairement lui ajouter une contrainte budgétaire. D'autre part, la vente d'actions d'Hydro-Québec peut entrer en concurrence avec les obligations d'Hydro-Québec. Elle peut rendre le financement d'Hydro-Québec plus difficile. Il va falloir trouver le moyen de faire des emprunts de ce côté-là. Ce sera peut-être plus dispendieux. Il va donc y avoir, encore là, une pression sur le financement public en général.

Le ministre vient de nous dire que, du côté des dépenses, le Fonds de développement des ressources, si je le comprends bien, va être entièrement consacré au domaine des ressources. Bien sûr, il a mentionné tout à l'heure qu'il y aurait une part qui irait à la recherche et au développement mais dans le secteur des ressources aussi. J'imagine que la recherche et le développement vont peut-être être 10 % ou 15 % de cette somme au maximum. Le gros de l'argent va aller dans le fonds pour financer le plan de reboisement du gouvernement - j'imagine que c'est le même plan qu'il y avait dans le plan de relance - et pour financer l'exploitation minière.

Est-ce que cela paraîtrait exagéré au ministre de dire qu'il vient de faire un choix économique extrêmement important en termes de stratégie économique? Il a décidé

de consacrer une part substantielle de la marge de manoeuvre du gouvernement, qui n'est pas énorme, au développement du secteur primaire et des industries de transformation directement reliées. Pourquoi ce choix? Pourquoi ce fonds est-il réservé aux ressources plutôt que d'être au service de la stratégie de développement économique du Québec, publiée dans "Le virage technologique" récemment, qui va sans doute se modifier mais qui, pour l'essentiel, faisait une part, bien sûr, au développement des ressources mais mettait beaucoup d'emphase sur les technologies nouvelles? Est-ce qu'on se trompe en pensant qu'à l'heure où tous les pays occidentaux investissent énormément d'argent dans le développement scientifique, dans la recherche, dans les technologies de pointe, dans l'informatique, dans les biotechnologies, le ministre, lui, a plutôt choisi d'orienter le gros de la marge de manoeuvre du gouvernement dans le développement des ressources?

M. Duhaime: Je pense, M. le Président, qu'il y aurait une distinction à faire. Il ne faudrait pas confondre l'argent qui va alimenter le Fonds de développement des ressources avec la marge de manoeuvre du gouvernement. On parle de deux choses complètement différentes. La marge...

M. Paquette: M. le ministre, j'ai simplement dit que cela mettait une pression sur la marge de manoeuvre, que cela restreignait un peu la marge de manoeuvre, puisque des fonds que vous avez dans vos revenus budgétaires généraux s'en vont maintenant, sont étiquetés Fonds de développement des ressources. Donc, vous allez devoir trouver de l'argent ailleurs pour faire le reste.

M. Duhaime: Oui, cela me paraît mathématique, en fait, à partir du moment où, par exemple, le programme de reboisement qui paraît aux crédits du ministère de l'Énergie et des Ressources, au lieu d'être financé à même le fonds consolidé, va être financé à même le Fonds de développement des ressources. Alors, c'est à coup nul.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est du marketing.

M. Duhaime: Comment, du marketing? Je ne comprends pas le Parti libéral qui va nous faire un topo ici pour s'opposer à ce qu'on consacre 2 500 000 000 $ bien attachés et très solidement dirigés dans le développement économique des régions du Québec par le biais du développement des ressources. J'ai entendu votre chef, un jour, faire un discours dans le Nord-Ouest où, après que le Parti libéral, il y a deux ou trois ans, eut tenté de mettre en pièces la loi 16 qui modifiait la Loi sur Hydro-Québec - vous n'y étiez pas, M. le député de Vaudreuil-Soulanges, mais vous en parlerez à votre collègue d'Outremont - en faisant un "filibuster" complètement ridicule de 72 heures sur la loi 16 avec des arguments comme le suivant: Si la loi d'Hydro-Québec était modifiée par la loi 16, Hydro-Québec ne serait plus capable d'emprunter sur les marchés internationaux... Des collègues libéraux soi-disant sérieux sont venus prétendre cela. Il faut faire attention. M. Bourassa, récemment, a parlé, lui - et je lui sais gré d'avoir eu au moins cette intelligence d'avoir compris ce bout-là... (10 heures)

M. Paquette: M. le Président, est-ce que le début de campagne électorale du ministre est compté sur mon temps?

M. Duhaime: Non, je ne suis pas en campagne électorale, moi! Et même si vous tentez de me faire perdre mon fil, je ne le perdrai pas.

M. Bourassa avait eu une brillante idée: Après avoir dénoncé la loi 16 par des instructions, j'imagine, téléphoniques à son aile parlementaire, il parlait tout récemment dans le Nord-Ouest que les dividendes d'Hydro-Québec devraient aller dans le Fonds de développement régional. On n'en a pas réentendu parler depuis. J'imagine qu'il a échappé son idée en chemin mais, moi, je n'ai pas échappé la mienne.

Je voudrais donner une assurance au député de Rosemont. Je suis absolument convaincu que nous devrons, comme gouvernement, investir passablement d'argent dans la recherche, le développement et les technologies nouvelles. Je pense aussi qu'il va falloir se poser une simple question: Est-ce que nous pourrons battre en même temps et les Français et les Allemands et les Britanniques et les Américains et les Japonais dans toute la gamme et dans toute la panoplie de ce qu'on appelle les technologies nouvelles? Il est bien évident que vous serez d'accord avec moi pour dire que la réponse est non. Il faudra donc qu'on choisisse nos créneaux. Si on se donne un défi d'exceller en tout, on n'excellera en rien. Il faut se choisir des créneaux, là où on a des chances de marquer des points et de nous démarquer des autres, en quelque sorte.

Moi, j'ai beaucoup plus confiance que si l'on oriente des dizaines de millions de dollars dans la recherche et le développement dans des secteurs reliés aux ressources du Québec, on a pas mal plus de chances de faire notre chemin. Prenons tout le dossier des applications industrielles de l'électricité, par exemple, où on a encore passablement de chemin à faire dans cette direction. Le développement de l'hydrogène est un beau dossier. L'IREQ poursuit des recherches

depuis plusieurs années; on est sur le point de mettre en place un premier démonstrateur industriel. Il y a des risques considérables; est-ce qu'on va demander à Hydro-Québec de prendre seule ces risques ou si le gouvernement pourrait s'associer à cette entreprise sur un projet ad hoc très précis?

Je pense à toute la technologie du plasma, par exemple, qui mérite considération et qui mérite d'être développée. Je pense au progrès très sensible et très rapide que nous avons fait dans le secteur de l'amiante sur le plan de la recherche et du développement. Ce n'est que depuis que le Parti québécois est élu qu'il se dépense de l'argent dans la recherche et le développement dans le secteur de l'amiante; c'est quand même assez remarquable. On a dû dépenser 15 000 000 $ ou 16 000 000 $ sur une base cumulative depuis 1976. J'essaie simplement d'imaginer où on en serait rendu si cet effort de recherche et de développement dans le secteur de l'amiante avait commencé il y a 25 ou 30 ans. Et on pourrait multiplier les exemples comme ceux-là.

Ce n'est pas exclusif, mais il est bien certain que le Fonds de développement des ressources va aller en priorité dans le secteur des richesses naturelles. Cela n'exclut pas que dans des activités reliées aux richesses naturelles ou encore au développement de notre économie d'une façon générale on puisse affecter de l'argent qui proviendrait du Fonds de développement des ressources. Le projet de loi est en rédaction a l'heure actuelle et je pourrai aller beaucoup plus loin lorsqu'il aura été déposé devant l'Assemblée nationale. Il est bien évident que la priorité est de tenter de relier au maximum le Fonds de développement des ressources aux richesses naturelles, mais cela n'exclut pas qu'on puisse aller dans la recherche et le développement au sens large ou encore dans des applications industrielles ou encore dans le développement de technologies nouvelles.

M. Paquette: Le ministre a fait état d'un certain nombre de pistes intéressantes reliées au secteur naturel qui pourraient être financées par le fonds, je n'en disconviens pas, mais je vous avoue que j'ai été un peu surpris qu'on étiquette ce fonds au départ, justement parce que le ministre mentionne lui-même qu'on ne peut pas exceller dans tout, il faut choisir nos créneaux, il faut choisir nos secteurs. Or, prétendre que tous nos secteurs d'avenir se trouvent liés aux richesses naturelles, cela m'apparaît une affirmation nettement exagérée. Il faut, notamment, moderniser tout notre secteur secondaire en termes de technologie informatique. Il n'y a pas beaucoup d'argent là-dedans. Je comprends que les entreprises ont des fonds, mais elles passent aussi par une période difficile. Je n'ai vu aucune mesure de ce côté-là dans le budget, sauf, évidemment, la poursuite du plan de relance qui est commencé. Il y avait quelques éléments là-dedans, mais rien de nouveau, rien de plus.

Dans le domaine des biotechnologies, il n'y a rien de plus non plus. Est-ce qu'on n'est pas en train de mettre tous nos oeufs dans le même panier? C'est la simple interrogation que je fais et, en même temps, un appel au ministre que dans son projet de loi il parle plutôt d'un fonds de développement et qu'il laisse les priorités, s'établir en fonction des capacités du Québec. S'il y en a plus dans les richesses naturelles, s'il y a plus de perspectives d'avenir, tant mieux, mais on sait aussi qu'il y a des perspectives d'avenir dans d'autres secteurs qui ne sont pas reliés aux richesses naturelles.

Sur le plan de l'emploi, je suis d'accord que le reboisement est très important mais, plus on avance dans la chaîne économique, plus on passe du primaire au secondaire ou plus on s'éloigne des richesses naturelles, plus il y a de la valeur ajoutée. Je pense que c'est une grande règle en économie et, en principe, il y a plus d'emplois au bout. J'espère qu'il n'est pas trop tard pour le ministre d'élargir l'utilisation qu'il compte faire de son fonds.

M. Duhaime: La meilleure façon de répondre à mon collègue de Rosemont et de tenter d'apaiser ses inquiétudes, c'est de lui relire les quatre ou cinq lignes pertinentes que vous retrouvez à la page 28 du discours sur le budget. Je cite: "Une attitude responsable à l'égard de la gestion du patrimoine de nos ressources naturelles voudrait que la très grande partie, sinon la totalité des revenus récoltés par l'État dans ce secteur, soit réinvestie en priorité dans le secteur des richesses naturelles. Non seulement une telle politique pourrait assurer la perpétuation et la croissance des avantages que procurent à l'économie québécoise les ressources naturelles, mais elle permettrait aussi de développer encore plus nos régions qui doivent compter sur ce secteur de notre économie. "

Sur un horizon de cinq ans, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de risques à constater une évidence, à mon point de vue, qui voudrait que l'on privilégie sinon en totalité, du moins en priorité, l'affectation des fonds ou de l'argent du Fonds de développement des ressources au secteur des richesses naturelles.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saint-Jacques. M. le député de Vaudreuil-Soulanges? Si vous voulez vous entendre avec votre collègue, de toute façon, le temps est à l'Opposition.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est la même enveloppe. Le ministre est passé aux aveux ce matin, quand on a indiqué que c'est simplement de l'empaquetage de parler d'un Fonds de développement des ressources, une opération de marketing. Le ministre l'a prouvé en répondant au député de Rosemont qui exprimait ses craintes à savoir que, si on investit 2 500 000 000 $, soi-disant d'ici à cinq ans, dans le développement des ressources, c'est de l'argent qui ne se retrouverait pas dans d'autres programmes. Le ministre a dit: Non, non, autrefois, on faisait ces programmes à même le fonds consolidé; là, cela va transiter par un véhicule qui s'appelle le Fonds de développement des ressources. Alors, le net est nul, c'est-à-dire que cela ne change rien quant à l'activité du gouvernement. Le ministre vient de nous avouer...

M. Duhaime: Le reboisement.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le reboisement ou quant au reste. Si c'est juste pour le reboisement, quant au reste, le député de Rosemont a raison et, s'il n'a pas raison, c'est tout simplement parce que le gouvernement a décidé d'étiqueter un ensemble de programmes qui se retrouvent à droite et à gauche, de les réunir sous une même étiquette qui s'appelle le Fonds de développement des ressources, auquel cas c'est carrément du marketing, comme le programme OSE, qui est un ramassis de toutes sortes de programmes à droite et à gauche qui se sont retrouvés dans toutes sortes de ministères, qu'on a rapatriés dans une enveloppe qui s'appelait OSE.

Là, on peut se péter les bretelles. On dit qu'il y a des sommes considérables qui transitent et cela fait un gros chiffre qu'on lance dans le public un peu comme, quand on regarde un autobus de la CTCUQ pendant la journée, on peut dire qu'il y a peut-être 1800 personnes qui transitent par cet autobus donné. Cela fait un gros chiffre. La réalité, c'est qu'il n'y a pas 1800 personnes dans l'autobus en aucun temps. Il y en a 50 ou 60; ils débarquent et ils rembarquent et ils débarquent et ils rembarquent et il y a un mouvement comme cela, sauf qu'on peut se promener et dire: 1800 personnes se sont promenées dans tel autobus de la Communauté urbaine de Québec pendant la journée. Cela fait un beau discours politique. Je comprends. Cela laisse soupçonner que le gouvernement fait un tas de choses mais, si j'ai bien compris, à l'égard du reboisement, par exemple, le ministre pourrait probablement continuer à nous faire la liste des programmes qu'il entend faire et on découvrirait qu'on a rapatrié dans un Fonds de développement des ressources des activités de soutien au développement des ressources qui, déjà, se retrouvaient dans d'autres programmes d'autres ministères.

Ce qui est fondamentalement différent cette fois-ci, cependant, c'est qu'il y a une grande portion, notamment dès le départ, du Fonds de développement des ressources qui est constituée de fonds non récurrents. La vente de 400 000 000 d'actions privilégiées d'Hydro-Québec, on ne fait pas cela tous les ans. Les années subséquentes, on va peut-être vendre 10 % d'une portion des bénéfices non répartis. Là, les chiffres ne sont plus les mêmes. C'est une différence considérable. Peut-être que, d'une année à l'autre, on va vendre 30 000 000 ou 40 000 000 d'actions privilégiées, et peut-être même pas; c'est selon les conditions auxquelles Hydro-Québec doit se soumettre au point de vue de la couverture d'intérêts, des dividendes, de la politique des dividendes, des besoins en dividendes du gouvernement. Enfin, il y a un tas d'exigences financières qui vont limiter l'émission d'actions privilégiées dans les années suivantes.

Donc, il y a, dans le Fonds de développement des ressources. un gros morceau, 400 000 000 $ à 500 000 000 $ -si on prend l'exemple d'Hydro-Québec et de la SAQ - qui est assimilable à de l'équité. Le ministre nous a dit: Cela va servir au soutien du développement de nos ressources, etc. Il a évoqué, comme exemple du financement à 100 %, les dépenses d'exploration minière. C'est de la dépense, ça; c'est parti. Ce n'est pas de la capitalisation d'une entreprise minière. On s'attendrait, de la part d'un bon gestionnaire en matière financière, qu'un gros fonds, constitué en grande partie et dès le départ de sommes considérables non récurrentes et, d'autre part, de sommes qui sont récurrentes - les droits de coupe, les droits sur les ressources hydrauliques, les droits miniers - qu'on ait un animal devant nous, qui s'appelle le Fonds de développement des ressources, qui ait deux fonctions très distinctes tenant à l'origine des fonds constitués. Cela m'apparaît pour le moins imprudent, au même titre qu'emprunter pour payer l'épicerie, de consacrer une grosse somme non récurrente, "a one-shot deal", la vente des actions d'Hydro-Québec, à du financement à 100 % d'une dépense d'exploration d'une société d'exploitation minière.

C'est dans ce sens-là que je me demande ce que le gouvernement envisage. Je ne vois pas, d'ici à deux ans, si on réalise le projet d'Hydro-Québec, si on réalise le projet de la SAQ, là, il y a des centaines de millions - je répète que c'est non récurrent; cela n'arrive qu'une fois, des transactions comme celles-là... Le ministre nous donne comme exemple d'activités du fonds qu'il va subventionner des dépenses. Je trouve que c'est de la dilapidation d'un capital accumulé par les Québécois, parce que les 400 000 000 $, c'est l'accumulation

jusqu'en 1981, jusqu'à adoption de la loi 16, des réserves, des surplus d'Hydro-Québec pendant des dizaines d'années. Dans mon esprit, cela a la qualité de capital accumulé et non pas de profits qui, tous les ans, se reproduisent. Ils peuvent donc être utilisés de façon récurrente à l'intérieur d'un programme renouvelable d'une année à l'autre. Je me demandais si le ministre pouvait aller au-delà de l'exemple de subvention de l'exploration minière à 100 % pour nous expliquer ce qu'il va faire avec son fonds. (10 h 50)

M. Duhaime: Si vous me promettez que vous allez essayer de comprendre, je vais vous en lire un autre bout. On se rejoint parfaitement là-dessus. Dans mon esprit, ce qui s'accumule en bénéfices non répartis à Hydro-Québec est le résultat d'opérations profitables, bien sûr, de toute évidence. Autrement, au lieu d'être au positif, on serait dans le rouge. Ma préoccupation est de faire en sorte que ces revenus s'en aillent au Fonds de développement des ressources et soient réaffectés dans des dépenses capitales. Un programme de reboisement, même si certains savants comptables disent que ce sont des opérations courantes, quand on investit de l'argent pour reboiser une forêt, cela saute aux yeux de tout le monde que c'est une dépense capitale. C'est un capital forestier qui est là et vous ferez le calcul de ce que peuvent représenter 300 000 000 d'arbres plantés pendant 10, 15, 20, 25, 30 ans. Lorsque la forêt sera mûre, vous aurez là un capital forestier énorme.

Dans l'exploration minière, à l'heure actuelle, le ministère de l'Énergie et des Ressources conduit lui-même et effectue sur le terrain des dépenses qui passent dans les opérations courantes. Mais la pratique comptable veut, lorsqu'une entreprise, que ce soit dans le secteur des mines ou que ce soit dans le secteur de l'exploration pétrolière et même gazière, que les dépenses qui y sont faites soient considérées comme étant des dépenses capitales et restent aux livres de ces entreprises sous la rubrique dépenses capitales pendant des années et des années. C'est le cas de SOQUIP entre autres et c'est le cas des entreprises qui oeuvrent également dans le secteur privé.

Il m'apparaît très clair, et je suis content que vous l'ayez constaté, que ce qui va transiter par le Fonds de développement des ressources va être affecté dans des dépenses capitales. Le Fonds de développement des ressources va être polyvalent dans ses moyens. Il n'y a rien qui pourrait exclure que le Fonds de développement des ressources fasse un placement dans une entreprise qui est reliée au secteur des richesses naturelles. Pas du tout. Vous le verrez, lorsque la loi sera déposée.

Ce qui m'embête un peu ce matin, c'est que je ne peux pas aller très, très loin.

On est dans le cadre des discussions à la commission du budget et de l'administration, mais je peux vous confirmer que la loi est à peu près prête. Elle sera déposée devant l'Assemblée nationale le plus rapidement possible. Sans vous demander de rester sur votre appétit, je peux vous dire que la loi va prévoir que le Fonds de développement des ressources va pouvoir faire du placement et des investissements dans des entreprises.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Saint-Jacques.

Le sous-emploi chez les jeunes

M. Viau: Oui. Bien, moi, c'est dans un autre ordre d'idées, M. le Président. Le budget, naturellement, en a déçu plusieurs dans son manque de vision, dans son manque, je pense, de leadership, à faire face à un problème qui est un des problèmes les plus graves qu'on vive au Québec depuis des années, c'est le problème du sous-emploi de certaines couches de la société. Parlons des jeunes. J'ai été déçu et plusieurs groupes de jeunes ont été déçus de voir qu'aux pages 6 et 7, on mentionne le mot "jeunes" pratiquement par obligation de se coller à une image qu'on se donnerait de préoccupation chez les jeunes.

On parle entre autres dans le budget d'accroître l'incitation au travail. On parle aussi de l'intégration des jeunes au travail et de mesures de rattrapage. Dans nos livres à nous, les libéraux, nécessairement, l'intégration des jeunes au marché du travail ce n'est pas nécessairement des subventions à des jeunes recevant l'aide sociale en les faisant participer à un programme temporaire mais bien un réel plan d'investissement du jeune dans l'entreprise. Or, le budget ne nous donne aucun indice, quel qu'il soit, sur la volonté du gouvernement de vouloir précisément prendre une direction, celle de l'intégration des jeunes au marché du travail, par un programme non pas d'incitation au travail, l'incitation au travail est là, mais un programme spécifique de création d'emplois pour les jeunes.

Dans ce budget, il y a beaucoup de choses pour les plus nantis. Au sujet de la consolidation du capital de l'entreprise, le ministre nous propose beaucoup de choses qui sont extrêmement avantageuses. pour les petites et moyennes entreprises mais qui ne sont pas nécessairement créatrices d'emplois dans leur application et donc pas nécessairement ouvertes à ce qu'on permette justement à des jeunes de participer à la force de travail du Québec. Ce qui m'a déçu aussi, c'est de constater que ce budget ne contribue en rien à alléger le fardeau ou à alléger la situation de vie des plus démunis. C'est un budget qui n'est pas fait pour Saint-Jacques, qui n'est pas fait pour le bas

de la ville de Montréal, qui n'est pas fait pour un comté défavorisé. Il n'y a aucun incitatif, entre autres, à permettre aux gens à retourner sur le marché du travail en leur offrant justement un programme de retour à l'emploi.

On parle toujours dans ce gouvernement d'incitation au travail, on parle toujours d'employabilité. Et quand on faisait l'étude des crédits, on s'est aperçu que dans les périmés les programmes du gouvernement ne fonctionnent pas, et que naturellement les chiffres qu'on lance à la tête des gens sont des chiffres extrêmement intéressants mais qui ne produisent pas les résultats escomptés par le gouvernement.

J'aimerais poser une question au ministre: avec son budget, combien d'emplois dans la prochaine année compte-t-il créer pour des jeunes? De ces emplois créés, considère-t-il que les programmes de son gouvernement comme les Options-Déclic vont changer de vocation et devenir des programmes d'implantation des jeunes sur le marché du travail de façon permanente, et non pas des programmes d'emploi de 20 semaines qui sont uniquement - je pense que le ministre comprend cela très bien - des programmes de subventions à l'aide sociale pour les jeunes de moins de 30 ans?

M. Duhaime: Je dirais au député de Saint-Jacques que c'est plutôt du côté du livre des crédits qui ont déjà été déposés qu'il faut voir les montants d'argent qui sont consacrés à la création d'emplois en termes de dépenses, qui sont affectés à des programmes. Je vais vous donner tantôt, je l'ai fait lors de l'interpellation de vendredi il y a deux semaines, j'ai donné à vos collègues de Notre-Dame-de-Grâce et de Vaudreuil-Soulanges, d'une façon exhaustive, une liste de huit programmes carrément affectés aux moins de 30 ans et qui apparaissent aux crédits des différents ministères. On va m'apporter cette note dans la minute et je vais vous la donner.

Ce qu'il faut bien considérer, indépendamment du charriage que votre parti politique fait depuis quelques mois, depuis disons quelques années, sur la situation des jeunes... Vous appartenez à une formation politique... Au cas où vous l'auriez omis ou qu'on ne vous aurait jamais donné cette information, c'est le Parti libéral, en 1973, qui a commencé le premier à établir une discrimination sur les niveaux de prestations d'aide sociale, pour les 18 à 30 ans. 11 ne faudrait pas oublier cela. Je comprends que vous-même vous n'en êtes pas responsable, vous n'étiez pas là et moi non plus, mais le passé ça existe.

Je veux dire que sur le plan de la création d'emplois, il n'y a pas personne, incluant Robert Bourassa, qui peut dire combien d'emplois seront créés dans la projection d'une année pour des jeunes de moins de 30 ans. C'est impossible. Ce que je peux vous répondre, c'est qu'en 1984 il s'est créé au Québec 80 000 emplois. Le programme politique de votre formation politique prend un engagement politique de créer aussi 80 000 emplois par année. Je pourrais vous retourner la question: II y en a combien pour les jeunes? Il n'y a personne qui va me répondre de votre côté. Je suis absolument convaincu de cela.

Dans ce budget, ce que vous allez y retrouver, c'est une série de mesures pour faire en sorte que les PME du Québec aient des moyens financiers beaucoup plus grands, beaucoup plus élargis, beaucoup plus solides pour être capables de continuer leur contribution à la création d'emplois.

En 1984, 60 % de tous les emplois créés au Québec l'ont été par des PME. Par définition, les PME sont en très grand nombre. Il y en a plusieurs dizaines de milliers, quelque 50 000 au Québec. Elles se retrouvent dans toutes les régions du Québec, incluant votre comté et, par voie de conséquence, si la situation financière des PME est améliorée par les mesures de ce budget - je pense qu'elle le sera - en ayant accès à des marchés, avec des véhicules financiers qui sont peut-être plus adaptés à la conjoncture actuelle. Je pense entre autres aux sociétés de placement d'entreprises québécoises, qui ont été très agréablement reçues par l'ensemble des interlocuteurs que j'ai rencontrés depuis la présentation de ce budget devant l'Assemblée nationale. Si les PME peuvent prendre une expansion dans leurs investissements, cela devrait entraîner des emplois et, espérons-le, le maximum possible pour les jeunes. C'est dans ce sens qu'il faut regarder le budget et non pas penser que le budget du 23 avril vient ajouter aux dépenses qui ont déjà été mises sur la table par mon collègue du Conseil du trésor à la fin de mars.

Au livre des crédits - c'est peut-être là que vous allez retrouver la réponse la plus claire à votre question il y a huit programmes, il y en a même dix qui sont en cours actuellement et qui s'adressent aux jeunes. Le premier, c'est Bon d'emploi. Pour l'année en cours, un montant de 10 000 000 $. Stages en milieu de travail, c'est le deuxième. L'an passé, on y a mis 60 700 000 $ et, pour l'année en cours, c'est 57 400 000 $. Je vais vous faire l'addition mathématique tantôt pour voir ce que cela donne comme total.

M. Viau: 181 800 000 $.

M. Duhaime: Troisième programme: Travaux communautaires. On prévoit cette année 5 800 000 $. Un quatrième programme: Rattrapage scolaire, pour l'obtention d'un diplôme d'études secondaires général

pour les moins de trente ans, il y a 5 000 000 $ de prévu en 1985-1986. Le cinquième programme: Retour aux études postsecondaires pour les chefs de famille monoparentale. C'est un programme qui va s'étendre sur vingt-quatre mois et ici les crédits sont ouverts en ce sens que, le programme étant nouveau, c'est difficile de prévoir d'avance combien de chefs de famille monoparentale décideront de retourner terminer leurs études postsecondaires. Le sixième programme est le programme de création d'emplois communautaires. Un montant de 40 000 000 $ y est prévu en 1985-1986. Le programme Jeunes volontaires, pour les jeunes de seize à vingt-quatre ans, prévoit un montant de 10 300 000 $ en 1985-1986. Un huitième programme pour la création d'emplois par les jeunes, le programme Jeunes promoteurs, prévoit un montant de 3 000 000 $. Un neuvième programme: Groupe de soutien aux initiatives-jeunesse, qui est la mise sur pied de soutien de groupes-conseils aux projets de création d'emplois pour les jeunes, en 1985-1986, prévoit 3 800 000 $. Un dixième programme: Services externes de main-d'oeuvre. C'est une forme d'aide à des organismes pour la réinsertion de personnes en difficulté qui est programmée pour durer jusqu'en juin 1987. Cela fait 10 500 000 $ en 1985-1986. Cela commence à faire passablement d'argent. Je souhaite que tous ces crédits qui sont affectés à l'un ou l'autre de ces dix programmes soient complètement dépensés.

De mémoire, ma collègue, la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, a répondu à des questions à l'Assemblée nationale récemment, sur trois de ces programmes expérimentaux, qui sont: Travaux communautaires, Rattrapage scolaire et Stages en milieu de travail. Malgré tout ce que le Parti libéral a dit, un peu à la rigolade, que ces programmes ne marcheraient pas, que les jeunes ne seraient pas intéressés, il y en a 35 000 qui se sont inscrits à l'un ou l'autre de ces trois programmes. Moi, je vous en ai donné sept autres qui viennent s'y ajouter. Vous avez une mesure qui est très intéressante dans le présent budget et je pense que c'est bon de rappeler une constatation. (10 h 30)

C'est vrai qu'un grand nombre et un trop grand nombre de nos jeunes, chez les moins de trente ans, sont sans emploi. Un trop grand nombre d'entre eux doivent s'en tirer avec des prestations d'aide sociale. Mais, vous serez d'accord avec moi, si vous prenez la peine de jeter un coup d'oeil sur les statistiques de scolarité pour ces jeunes, vous allez voir que 90 % des moins de 30 ans qui, aujourd'hui, sont bénéficiaires d'aide sociale, n'ont pas terminé leurs études secondaires.

Il nous est apparu assez évident que ces jeunes qui se présentent sur le marché du travail sans avoir complété treize ans de scolarité au moins sont fort démunis pour se trouver un emploi. Cela veut dire qu'ils sont sans diplôme, sans métier. Dans le monde que l'on connaît aujourd'hui, la première question qu'un employeur va poser à un jeune qui se présente, en plus de lui demander s'il a de l'expérience - c'est la question la plus frustrante qu'on peut se faire poser lorsqu'on est jeune - s'il répond, en plus qu'il n'a pas terminé ses études secondaires, il a des chances d'avoir des problèmes.

C'est pour cela que, dans le discours sur le budget, vous avez une mesure où on introduit une exemption additionnelle pour enfant à charge étudiant au niveau postsecondaire, pour faire en sorte que ces jeunes puissent poursuivre leurs études lorsqu'ils sont à la charge de leur famille. À partir du 1er janvier 1986, les exemptions vont atteindre 4560 $. C'est une très nette amélioration par rapport à ce qui existe aujourd'hui. L'ensemble de ces mesures devrait faire en sorte qu'un nombre de plus en plus grand de nos jeunes puissent trouver un emploi lorsqu'ils sont prêts ou encore profiter de l'un ou l'autre de ces programmes, qui ont cours actuellement et qui apparaissent au livre des crédits, que vous pourrez relever vous-mêmes - j'ai fait ici un résumé. Et je suis convaincu que dans d'autres ministères vous allez retrouver des programmes d'emploi qui ne s'adressent pas nécessairement aux moins de 30 ans, mais dont ceux-ci peuvent bénéficier également.

Le Président (M. Lachance): Je dois signaler que, dans l'enveloppe de temps que vous avez partagée avec le ' député de Vaudreuil-Soulanges, il vous resterait une minute, quitte à ce que vous puissiez revenir plus tard. Je voudrais également dire que, pour le temps dont nous avions fait état la semaine dernière pour les députés indépendants, il resterait une demi-heure, à moins qu'il y ait un consentement de part et d'autre d'ici la fin des travaux...

M. le député de Saint-Jacques.

M. Viau: En une minute, M. le Président. Il est bien évident que le ministre n'a aucun souci de création d'emplois pour les jeunes. Il nous a rabattu le caquet avec, encore là, la pléiade de programmes que le gouvernement a mis en place, programmes qui, l'année passée, aux crédits, avaient des périmés, selon les programmes, de 30 % à 60 %. Donc, il n'y a pas de réponse.

Je me suis adressé personnellement à la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui m'a donné toutes sortes d'explications farfelues, pour comprendre quel était le "timing" de ces programmes.

Le ministre vient encore de faire la démonstration que le gouvernement met tout son effort sur des programmes qui ont pour seul objectif, pour les jeunes qui en bénéficient, non pas l'augmentation de leur employabilité, mais la subvention de 150 $ de plus, par mois, pour vivre avec leurs 158 $ d'aide sociale. Il n'y a rien dans ces programmes - le ministre en a fait une démonstration assez claire - qui nous donne des indications qu'il y a une incitation réelle au travail.

Quand le ministre nous donne des statistiques, on voit qu'il se mélange un peu dans ses chiffres. Ses 90 % de bénéficiaires de l'aide sociale qui n'ont pas terminé leur secondaire V: la proportion est beaucoup moindre. Il reste que les portes sont fermées aux jeunes. On aurait espéré, dans le budget de cette année, que le gouvernement, en plus de faire un Fonds de développement des ressources, crée un fonds de développement de l'emploi, un programme qui aurait eu comme objectif principal de justement permettre aux entreprises d'avoir des avantages fiscaux particuliers pour l'emploi des jeunes, pour une meilleure intégration des jeunes au marché du travail.

Ce qu'on peut voir tout simplement, c'est que le ministre est en ligne directe avec la propagande gouvernementale qui veut qu'on mise sur des programmes qui sont très hauts en couleur, mais qui ne répondent pas au besoin d'intégration des jeunes au marché du travail. Le ministre pourra nous dire que 35 000 jeunes ont participé à ces programmes, combien y participent encore? Et qu'est-ce qu'on fait du jeune qui a terminé un programme et qui retourne à 158 $ par mois pour vivre? Est-ce que le ministre peut constater que ces programmes ne sont là que pour jeter de la poudre aux yeux de la population du Québec? Pour dire: Voici quelle est la quantité?

Mon collègue de Vaudreuil-Soulanges en a bien fait la démonstration, tantôt, en parlant du Fonds de développement des ressources. C'est de la poudre aux yeux. On "package", là encore, avec ces programmes, un genre de programme OSE, qui n'ont pas d'impact direct sur l'accroissement de l'emploi réel chez les jeunes.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Duhaïme: M. le Président, je ne suis pas du tout étonné des propos du député de Saint-Jacques. C'est la cassette de Robert Bourassa qu'on entend ce matin. Le programme du Parti libéral ne parle pas de créer des emplois pour les jeunes. Vous parlez de tenter d'acheter leur vote en leur promettant ce que vous savez très bien être une chose parfaitement irréaliste et que jamais vous ne pourrez financer.

M. Viau: Vous êtes défaitiste, M. le ministre.

M. Duhaime: Non je ne suis pas défaitiste, je sais compter. Quand Robert Bourassa, comme vous venez de le faire ce matin, dit... Vous laissez entendre très clairement, ce qui est encore plus grave à mon point de vue, que vous allez doubler les prestations d'aide sociale pour les jeunes, pour ceux qui sont célibataires. Ils gagnent 156 $ par mois, vous allez les mettre à parité.

M. Viau: C'est cela, on a le respect de la décence humaine.

M. Duhaime: C'est le point de vue du Parti libéral. Est-ce que cela va s'appliquer également à ceux qui restent chez leurs parents? Non, n'est-ce pas?

M. Viau: Mais faites-le pour ceux qui sont autonomes et qui restent seuls. Faites cela. Ayez cela comme acquis.

M. Duhaime: Ce que nous proposons, M. le Président...

M. Viau: C'est un droit l'autonomie.

M. Duhaime:... c'est une politique du Parti libéral. Je suis très content d'avoir la confirmation, parce que j'ai ici une petite comptabilité que je tiens depuis un certain temps et, quant à y être, aussi bien la mettre sur la table. Les engagements ou les promesses du Parti libéral, à l'heure actuelle, il y en a pour 1 697 000 000 $ et si vous voulez suivre la liste que je vais vous faire, à moins que vous me disiez que votre programme a été modifié, vous allez être obligés de changer vos discours. Vous dites dans votre programme que la taxe de vente va être réduite de 9 % à 8 %. 1 % de taxe de vente représente 307 000 000 $. Vous dites aussi que la taxe ascenseur va être ramenée à 20 %. Cela veut dire 340 000 000 $. L'aide sociale, parité pour les jeunes de moins de 30 ans, c'est 200 000 000 $. L'indexation des exemptions, dossier cher au député de Vaudreuil-Souianges, 250 000 000 $. Votre collègue de Brome-Missisquoi, qui est le porte-parole officiel de votre formation politique, le no 2 comme on l'appelle, est prêt à affecter 200 000 000 $, dit-il, pour régler le problème des urgences dans les salles d'urgence au Québec: plus 200 000 000 $. Ensuite, on ne sait pas trop ce qui arrive, quelle est la position du Parti libéral sur la question des assurances, mais ce sont 396 000 000 $, disons 400 000 000 $, cela vous fait un total de 1 697 000 000 $ et la campagne électorale n'est pas encore commencée.

Je pense que vous aurez peut-être à répondre à des questions un peu plus sérieuses, à savoir comment vous allez financer ces dépenses et ce manque à gagner. Une formation politique qui a, non pas le vent dans le dos, mais le vent devant, qui est le bon vent, vous prétendez demain pouvoir former un gouvernement à Québec, pouvoir diriger le Québec, dites-nous comment vous allez financer les promesses farfelues que vous faites depuis des mois? Vous allez couper dans les affaires sociales pour 1 697 000 000 $? Vous allez couper dans l'éducation? Vous allez couper les dépenses à quel endroit? C'est beau de faire des discours, mais quand on prétend qu'on est prêt, puis qu'on est renouvelé et qu'on veut offrir aux Québécois un nouveau style de gouvernement, si on veut être responsable, il faut clairement dire aux Québécois ce qui les attend. Allez-vous augmenter l'impôt sur le revenu des particuliers? Vous avez dit que le déficit resterait là. C'est cela qui est dans votre programme. Je peux vous le lire, je l'ai ici devant moi. Je le conserve très proche. Mais quand vous tenez de tels propos, pour un jeune homme comme vous, cela me paraît un peu étonnant. Il faut être responsable. Se balader à gauche et à droite et promettre 1 697 000 000 $, vous allez tout régler cela en un tour de main? Vous irez le faire croire à d'autres. Les Québécois savent très bien une chose. Cela demande une bonne dose de courage pour le faire, dire à la génération d'aujourd'hui, qui profite et qui utilise les services que le gouvernement offre dans les hôpitaux, dans les écoles, dans les entreprises, que c'est cette génération qui devrait payer sa juste part du coût et non pas refiler la facture à ceux qui viendront après nous.

Le jour où j'entendrai le Parti libéral tenir un propos semblable, je lèverai mon chapeau. À l'heure actuelle, ce que j'entends, et vous le répétez ce matin, vous avez nuancé passablement les propos de votre chef, si je comprends bien maintenant, vous dites: Les jeunes qui sont à l'aide sociale, qui sont autonomes, n'est-ce pas, c'est-à-dire ceux qui vivent en dehors du foyer familial, vous allez doubler leurs allocations, vous allez les mettre à parité, vous allez doubler, 156 $, vous allez monter à 306 $ ou 308 $...

M. Paquette: Le minimum vital est 400 $.

M. Duhaime:... ou à 430 $, qu'est-ce qu'il va se produire au Québec? Cela veut dire qu'un jeune garçon, qu'une jeune fille, à partir de dix-huit ans, sachant qu'il peut obtenir 430 $ par mois de l'aide sociale, va dire: Au revoir tout le monde, je m'installe en ville, en appartement; s'il s'installe avec quelqu'un d'autre, on va vous retrouver avec 650 $, 700 $, 800 $ par mois, alors que l'on sait que, actuellement, ce n'est pas ce que les jeunes veulent. Il y a 74 % - au cas où vous l'auriez oublié - des moins de 30 ans qui vivent chez leurs parents à l'heure actuelle. Je ne suis pas convaincu que les parents seraient d'accord pour qu'on verse à leurs enfants de pareilles allocations ou bénéfices plutôt que de réserver ces montants, comme nous l'avons fait de façon responsable, pour les programmes de création d'emplois pour les jeunes, d'intégration au travail. J'ai énuméré dix mesures, je ne vous ai pas entendu faire de commentaires défavorables.

M. Viau: Cela ne fonctionne pas. 30 % à 60 % de périmés l'année passée.

M. Duhaime: II y en a quand même 35 000. Je comprends que vous pourriez avoir ce discours au moment où cela a été annoncé, vous avez dit: Cela ne fonctionnera pas.

M. Viau: Cela ne fonctionne pas.

M. Duhaime: Vous devriez au moins reconnaître que pour au moins 35 000 d'entre eux, cela fonctionne et espérons qu'il y en aura un plus grand nombre. Comme on dit chez nous, vous me paraissez passablement "bocqué", vous ne voulez rien entendre, vous ne voulez rien comprendre. Tout ce que vous faites - je suis un peu les discours et les coupures de journal - vous vous promenez à travers le Québec en disant: Nous, le Parti libéral du Québec, on va s'occuper de vous. La première chose qu'on va faire, vous allez avoir la parité à l'aide sociale. Mais à qui allez-vous envoyer la facture? Vous allez envoyer la facture à ceux qui travaillent, n'est-ce pas? 200 000 000 $, c'est pas mal d'argent. Quand je vous vois sortir des larmes de crocodile, par exemple, parce que le gouvernement a décidé que nous n'allions pas augmenter la dette de 400 000 000 $ et qu'on imposerait une taxe sur les assurances, vous venez les larmes aux yeux, mais je peux vous dire que je ne suis pas tellement ému par vos propos, parce que ce n'est pas responsable ce que vous êtes en train de nous raconter.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je veux orienter mes questions sur les programmes proposés dans le budget pour la PME, mais auparavant je ne peux pas me retenir de faire un petit commentaire. Je pense que le ministre, fort de l'expérience des programmes qui ont été mis en route concernant les jeunes, aurait pu faire un pas additionnel. Si

on demande quel est le programme le plus socialement aigu dans notre société actuellement, c'est bien celui des jeunes qui reçoivent 156 $ d'aide sociale. Penser que, parce qu'on leur donnerait l'équité, on ferait sauter ce qui est une discrimination par rapport à la charte des droits et libertés, si ce régime, sous le gouvernement Bourassa, avait été mis en vigueur après l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, il aurait été déclaré incompatible, parce que c'est une discrimination en fonction de l'âge... (10 h 45)

Penser que, parce qu'on va donner 400 $ aux jeunes, c'est-à-dire la parité, ils vont quitter le domicile de leurs parents pour aller vivre avec 400 $ par mois ou 4800 $ par année, comme si c'était le Pérou, je ne connais pas beaucoup de jeunes qui vont faire cela. Je ne pense pas que cela ait un caractère incitatif très grand à quitter le foyer familial.

Par ailleurs, les 200 000 000 $ pourraient être donnés en échange d'une activité obligatoire pour les jeunes. Il y aurait moyen de faire en sorte que les chèques ne viennent plus de l'aide sociale, mais de corporations de l'emploi régionalisées où le gouvernement, les municipalités et d'autres groupes pourraient mettre de l'argent, de façon que nos jeunes aient une activité valorisante et le minimum vital pour vivre. Où prendre les 200 000 000 $? Ce n'est pas nécessaire de les refiler à ceux qui travaillent. Le ministre a baissé ses besoins financiers nets de 2 000 000 000 $ à 1 600 000 000 $. Il aurait pu les baisser à 1 800 000 000 $ et il y aurait eu 200 000 000 $ de disponibles pour régler ce problème.

Programmes d'aide à la PME

M. le Président, à la fin du commentaire, je voudrais parler des programmes concernant la PME. A mon avis, c'est la principale mesure qu'il faut examiner. Il n'y a pas grand-chose dans ce budget pour l'emploi. C'est un budget restrictif, c'est un budget où il y a beaucoup de réaménagement de fonds, on en enlève à une place et on en remet ailleurs, notamment, c'est le cas de la fiscalité. Les mesures concernant les PME méritent d'être approfondies parce que, effectivement, les PME créent 60 % de l'emploi. Le ministre a raison de dire: Bien, voilà une priorité et voilà aussi un moyen par lequel on pourrait donner de l'emploi à nos jeunes. Encore, faudrait-il qu'il y ait plus d'argent. L'impression que j'ai - je voudrais que le ministre essaie, mais il va sûrement essayer de me démontrer le contraire - c'est qu'on améliore les canaux qui permettent de faire circuler l'argent vers les PME, mais on diminue la pompe fiscale qui va permettre de faire en sorte qu'H y ait plus d'argent. On va les prendre un par un. On trouve cela à la page A-34 et suivantes. Premièrement, le SPEQ, où le ministre nous dit que ce programme de création de sociétés de placements est un nouveau mécanisme de canalisation de l'épargne vers les PME et cela va nous coûter 20 000 000 $ en incitations fiscales. - M. le Président, je ne sais pas si le ministre écoute?

Oui. Cela va coûter 20 000 000 $. Mais, par ailleurs, on va couper le montant équivalent dans les programmes réguliers de subventions aux entreprises. Donc, si je comprends bien, il n'y a pas un cent de plus là. J'aimerais savoir quel programme on va couper. Par exemple, donner une incitation fiscale aux PME, c'est très bien, cela va canaliser de l'épargne privée vers les PME, on n'a rien contre cela. Par contre, si le ministre me dit: On va couper dans des programmes de subventions, des programmes de soutien à l'emploi scientifique... Ce sont des subventions aux entreprises, sauf qu'on sait que lorsqu'on paie 70 % du salaire d'un jeune technicien ou d'un jeune ingénieur qui s'en va dans l'entreprise et 30 % la deuxième année, on est sûr que l'entreprise va s'en servir pour se donner un emploi scientifique ou technologique de plus dans l'entreprise. Quand le ministre donne une incitation fiscale aux gens qui pompent l'épargne dans l'entreprise, là on est moins sûr. Encore une fois, je ne suis pas contre les incitations fiscales, mais ce qui m'inquiète, c'est que le ministre, d'autre part, coupe dans les programmes pour un montant équivalent. Dans quels programmes entend-il couper? Il faut comprendre que ce sont des programmes de subventions aux PME, n'est-ce-pas? Est-ce qu'on aura raison de penser cela en lisant le budget, que c'est dans les programmes allant aux mêmes entreprises dans les mêmes secteurs, comme l'a dit le budget, qu'on va couper 20 000 000 $ en échange de 20 000 000 $ additionnels d'incitations fiscales? C'est ma première question, j'en aurai d'autres plus tard.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais apporter une précision à la suite d'une question du député de Saint-Jacques tout à l'heure qui a référé au document de présentation concernant le livre blanc où les chiffres concernant la scolarisation des jeunes aptes au travail qui sont bénéficiaires de l'aide sociale. 90 % des moins de 30 ans qui sont bénéficiaires de l'aide sociale ont moins de 13 années de scolarité et la moitié n'ont pas complété leur cours secondaire.

La deuxième chose que je voudrais mentionner, à la suite de l'affirmation, énorme à mon point de vue, du député de Rosemont, qu'il n'y a rien dans le budget pour la création d'emplois, c'est qu'au

contraire, le budget vient vous dire comment des dépenses de l'ordre de 27 250 000 000 $ seront faites. Je voudrais rappeler, je crois vous l'avoir dit la semaine dernière - que cela m'étonne que vous me reposiez la même question ou que vous fassiez la même affirmation...

M. Paquette: M. le Président, je n'ai pas dit qu'il n'y avait rien dans le budget, j'ai dit qu'il n'y avait pas grand-chose et que ce n'était pas un budget orienté vers l'emploi. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de mesures favorables à l'emploi dans le budget, il y en a quelques-unes.

M. Duhaime: Bon! Alors c'est déjà beaucoup.

M. Paquette: Ah oui!

M. Duhaime: Dans les dépenses de développement, dans le suivi du plan de relance qu'on a appelé de Mont-Sainte-Anne qui se déroule depuis 1983-1984, vous avez pour 90 000 000 $; dans les autres initiatives de développement, vous en avez pour 210 000 000 $.

M. Paquette: Ça c'est le passé.

M. Duhaime: Non, non, ce n'est pas le passé. 1985-1986, c'est de l'argent qui va se dépenser...

M. Paquette: Oui, oui, cela se continue.

M. Duhaime:... il y en a pour 300 000 000 $ dans le suivi du plan de relance de Mont-Sainte-Anne.

M. Paquette: Oui, d'accord. J'ai dit qu'il n'y avait rien de nouveau.

M. Duhaime: Pour ce qui est du suivi du plan de relance de Compton, l'année suivante, vous en avez pour 354 000 000 $ encore cette année, en 1985-1986, dans les crédits. La mission économique: 125 000 000 $. C'est sous la rubrique autres initiatives; ce n'est pas tellement généreux comme explication, mais c'est pour nous éviter de reproduire essentiellement ce que vous retrouvez dans les enveloppes, les portefeuilles à vocation économique: 196 000 000 $. Et, dans le développement, donc dépenses nouvelles pour 1985-1986, il y a eu pour 152 000 000 $ qui ont été ajoutés. Cela vous fait un total de 1 227 000 000 $ dans les crédits de 1985-1986 pour le développement économique.

Vous avez posé une question: quels sont les programmes de subvention aux entreprises qui vont se voir couper les ailes, à la suite des modifications que j'ai annoncées au régime d'épargne-actions, à la suite de la mise sur pied des sociétés de placements en entreprises québécoises, les SPEQ, de la possibilité aussi de créer des fonds mutuels, de l'institution du régime d'investissement coopératif, de la modification au statut des SODEQ qui deviendront des entreprises à capital de risque. Prenons un cas simple. Une entreprise, une PME se présente à la SDI pour faire une demande pour financer un projet. La plupart du temps - si ce n'est pas huit ou neuf cas sur dix - je serais surpris -la plupart du temps il y a un problème de fonds de roulement, et avant le problème de fonds de roulement il y a presque immanquablement la constatation d'une socs-capitalisation de cette entreprise. La mise en place des sociétés de placements en entreprises québécoises, tel qu'annoncé dans le discours sur le budget, va permettre à ces entreprises de se restructurer financièrement ou encore de bonifier leur solidité financière ou l'aspect financier, le ratio capital versus dette à long terme etc. C'est dans ce sens que nous n'aurons plus besoin du programme qui existe à l'heure actuelle à la SDI, qui sert essentiellement à injecter de l'argent dans les entreprises qui ont un manque à gagner sur le plan de leur capitalisation.

Il est assez difficile de vous dire combien de dizaines et de dizaines de millions iront aux entreprises privées, mais partons d'une simple constatation, à partir de la modification au régime d'épargne-actions. On sait qu'au cours de l'année 1984, sur 750 000 000 $ qui ont transité en Bourse au moyen des régimes d'épargne-actions, 77 % de ce montant sont allés à des entreprises qui avaient des actifs de plus de 1 000 000 000 $, dont des institutions financières et des grandes entreprises comme Bell Canada, les banques: la Banque Royale, la Banque de Montréal, la Banque Nationale.

En coupant les ailes aux REA, comme on dit, et en plafonnant les montants admissibles à l'avantage fiscal, il est évident qu'on va se retrouver avec une disponibilité de capitaux sur le marché boursier pour des contribuables qui vont vouloir continuer de profiter du gain fiscal. Il y a toutes les chances que cet argent qui va flotter en quelque sorte à partir de janvier 1986 -cette mesure est applicable à partir du 1er janvier 1986 - que les sociétés de placements en entreprises québécoises vont se mettre en route.

Cette semaine, c'est la semaine nationale de l'entreprise. Dans ma propre région hier, j'assistais à une conférence de presse où l'entreprise de Bandag à Shawinigan annonce un investissement et une expansion, une création d'emplois pour une trentaine de personnes. Je suis allé ensuite à Yamachiche dans le comté de Maskinongé, où l'entreprise Duchesne et fils annonce un investissement de 25 000 000 $ dans l'expansion. Et à chaque endroit j'ai

rencontré des hommes d'affaires, des Québécois, des chefs d'entreprise qui m'ont dit: Bravo pour le programme des SPEQ. Cela nous intéresse. On a hâte de voir cette réglementation, quand est-ce qu'on va pouvoir en profiter, pourra-t-on en profiter tout de suite. M. Biron et moi-même étions à Montréal il y a quelques jours à peine. On a rencontré le Regroupement des entreprises québécoises, cela a été accueilli très chaleureusement, ce programme.

Si on peut arriver à faire en sorte qu'on cesse de faire de l'aide sociale dans le secteur des entreprises, je pense qu'on va avoir rendu un grand service à la communauté des affaires; et si nos PME peuvent profiter de ce nouveau véhicule qui, soit dit en passant - je l'ai mentionné dans le discours sur le budget et mon collègue de l'Industrie et du Commerce est en train d'achever ses discussions et ses consultations avec le milieu des affaires et la Société de développement industriel - on va avoir une nouvelle formule qui s'appelle le prêt à la capitalisation dans le sens suivant. Des actionnaires vont faire une mise de fonds, de leurs fonds propres, par le truchement d'une SPEQ, et la SDI va faire un prêt à la SPEQ sans que les actionnaires ne soient obligés d'offrir leur endossement, leur garantie ou leur caution personnelle. Il y aura une prise en charge d'intérêts pendant deux ans, 50 % pour la troisième année et ainsi de suite en gradation, de sorte que ce programme tout à fait nouveau qui va permettre à la Société de développement industriel de prêter de l'argent à des fins de capitalisation devrait permettre à un très grand nombre de PME de prendre leur envol, de prendre leur expansion, de se consolider, et tout cela va nécessairement vers de la création d'emplois.

Je donnais deux exemples tantôt. Une de ces entreprises est une compagnie américaine qui a un centre de production ici, au Québec. L'autre est une entreprise, Duchesne et fils de Yamachiche. Vous ne pouvez pas trouver plus québécois que cela. La seule différence, c'est que le programme Sociétés de placement en entreprise ou encore le prêt à la capitalisation ne rencontrent en aucune manière les besoins de cette entreprise parce que Duchesne et fils a ceci de carastérique: c'est une compagnie qui n'a pas de dettes, aucune dette à long terme; les seuls comptes à payer qu'ils ont, c'est aux 30 jours. C'est une compagnie qui a 300 employés aujourd'hui, qui fait plusieurs millions de chiffre d'affaires.

Ce n'est pas en pensant à cette entreprise que le programme des SPEQ a été mis sur pied. C'est beaucoup plus à des entreprises qui vont avoir un chiffre d'affaires de 3 000 000 $, 2 500 000 $, 1 000 000 $ par année, 10 000 000 $ et qui ont besoin de 3 000 000 $, par exemple, pour prendre une expansion. Si on dit qu'il faut le tiers en capital et les deux tiers en emprunt, il y a déjà des programmes qui existent au ministère de l'Industrie et du Commerce qui vont permettre de garantir l'emprunt auprès d'une institution financière, et si les actionnaires sont capables d'apporter - si on parle d'un projet global de 3 000 000 $ - 500 000 $, la SDI par le truchement de la SPEQ va faire un prêt de 500 000 $, ce qui veut dire qu'avec un demi-million réparti à deux, trois, cinq ou dix coactionnaires, cela va faire démarrer des projets. S'il y en avait seulement 1000 qui prenaient leur envol sur la base de 3 000 000 $ chacun, cela ferait quand même 3 000 000 000 $ d'investissement dans l'économie. 3 000 000 000 $, combien cela va-t-il créer d'emplois? Je ne le sais pas. Cela dépend dans quels secteurs. Vous avez des secteurs qui sont très incitatifs, très intensifs en création d'emplois. Si c'est dans la métallurgie, cela prend 250 000 $ par emploi ou à peu près, tandis que, dans des secteurs moins lourds, vous pouvez parfois créer des emplois pour des moyennes de 20 000 $ ou de 25 000 $ d'investissements et vous avez un emploi. (11 heures)

Je crois à ce programme, avec la restructuration et les nouveaux pouvoirs qu'on va donner aux SODEQ pour les amener dans du capital de risque... Je pense qu'après quelques annnées d'expérience, on ne peut pas dire que les SODEQ ont été un succès fulgurant, mais cela nous avait été demandé. Cette idée avait été mise de l'avant, je pense, par l'ancien gouvernement. C'est l'un de mes prédécesseurs au ministère de l'Industrie et du Commerce, M. Saint-Pierre, qui avait eu cette idée, qui n'était pas mauvaise. Mais on s'est rendu compte que cela ne répondait pas tout à fait adéquatement aux besoins du milieu. Alors, j'ai annoncé dans le discours sur le budget que ce serait modifié et ces véhicules financiers vont faire en sorte qu'il y aura beaucoup plus d'argent et de marge de manoeuvre pour les PME. Tout cela est axé vers la création d'emplois.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je pense que le ministre n'a pas tout à fait compris la nature de ma question. Je ne conteste pas qu'il améliore les véhicules financiers par les diverses mesures qui sont proposées. Je pense qu'il faut qu'il y ait des mesures d'incitation au capital de risque, à la canalisation de l'épargne, vers les PME en particulier. Cela ne se fait pas naturellement ici au Québec comme aux États-Unis. On a besoin d'une période de transition où on va favoriser la canalisation des fonds vers les PME et surtout dans la capitalisation des petites et

des moyennes entreprises. Là-dessus, on ne peut pas faire autrement qu'être d'accord. Ce que je voulais savoir simplement et, je vais entrer un peu plus dans le détail... Je pense que le gouvernement, lui, met moins d'argent à l'incitation que par le passé et qu'à ce moment-là, on peut se demander, tout en se disant que les véhicules vont être efficaces, si l'incitation va être suffisante pour vaincre l'attitude traditionnelle des Québécois et des Québécoises face à l'économie, où on se rend compte qu'au Québec en particulier - je pense qu'on peut dire cela aussi de l'ensemble du Canada - il est très difficile d'engendrer du capital de risque. Le coût des SPEQ... Il y a 20 000 000 $ qu'on va avoir à payer en moins dans des programmes de subventions. On va avoir 20 000 000 $ d'incitation à cet endroit. Par contre, dans l'extension du REA aux sociétés de capital de risque, il y a 2 000 000 $ supplémentaires selon le discours sur le budget. Est-ce qu'il y a plus d'argent dans la modification de la réglementation des SODEQ, plus l'incitation de la part du gouvernement? Dans le programme d'aide à la capitalisation des corporations, on coupe de 5 000 000 $, parce qu'on a jugé que c'était un peu trop généreux. Pour les sociétés d'investissement REA, les fonds d'investissement REA, on ne donne pas de chiffres dans le discours sur le budget. D'autre part, dans la diminution des coûts du REA, on coupe de 117 000 000 $. On nous dit cela à la page A-25. À la page A-22, on dit que le REA va coûter 90 000 000 $ de moins. Est-ce que c'est là que se trouvent les 20 000 000 $ qu'on va mettre dans les SPEQ en termes d'incitation additionnelle? À ce moment-là, on peut dire qu'on coupe 90 000 000 $ au REA. Le ministre nous dit, je pense, avec raison: On coupe les incitations dans les grandes entreprises - il y avait 77 % des fonds qui allaient dans les grandes entreprises - et on voudrait les canaliser vers les PME. Cependant, il y a plusieurs commentateurs qui ont dit: Compte tenu des nouveaux avantages sur les droits miniers, il n'est pas du tout sûr que ces fonds vont s'en aller vers les PME, d'autant plus qu'on réduit l'incitation dans le régime d'épargne-actions du côté des PME. On coupe le bénéfice fiscal de 150 $ à 100 $ dans les déductions pour les petites entreprises, de 175 $ pour les moyennes et on plafonne le total de déductions possibles à 10 000 $. Compte tenu de tout cela, si on compte bien, il y a quand même moins d'argent gouvernemental, moins d'argent fiscal, moins d'incitation fiscale que par le passé. Qu'est-ce qui fait croire au ministre, autrement dit, que la vigueur de la pompe pour amorcer le processus sera suffisante pour qu'on ait beaucoup plus d'argent à la capitalisation des PME?

M. Duhaime: Bon. Vous avez raison de souligner que le REA a été modifié et que vous ne pourrez plus bénéficier du montant de 20 000 $ comme plafond, cela a été ramené à 10 000 $. Mais cela ne s'appliquera pas aux SPEQ, il ne faut pas confondre. Vous allez trouver à la page A-33, en annexe - et vous allez le voir très bien, comme moi - que la déduction réclamée dans une année ne pourra excéder, pour un particulier, 20 % de son revenu total et cette déduction ne sera réduite par aucune déduction à l'égard d'une contribution dans un régime d'impôt différé ou dans un abri fiscal tel un REER, un RER ou un REA.

Donc, il n'y a pas de plafond en chiffres absolus, c'est 20 %. Ce qui veut dire que, si vous avez un revenu de 50 000 $, vous pourriez y aller pour 20 % dans une SPEQ sans pour autant que cela vous empêche de continuer de placer 10 000 $ dans un REA, mais en tenant compte cette fois, pour cette deuxième tranche de 10 000 $, du montant que vous avez investi dans un REER. C'est dans ce sens que la formule des sociétés de placement en entreprise est très avantageuse, d'autant plus que nous sommes à compléter la possibilité -je pense qu'on va arriver à attacher ce scénario d'ici à la fin du mois de mai - d'y aller aussi sur la base de fonds mutuel. Ce sera une formule très intéressante, qui nous a été demandée par ceux qui sont à la Bourse de Montréal, en particulier, de façon à avoir ce que j'appellerais un panier regroupant une plus grande diversification dans l'évaluation des risques au moment où l'investissement se fait.

Ce qu'il faut comprendre aussi c'est ceci: ce n'est pas tellement le montant d'argent en termes de budget qui me paraît important, mais la mécanique introduite par le discours sur le budget. Je vais vous donner un exemple simple. Au ministère de l'Industrie et du Commerce, nous avons mis sur pied, durant les pires mois de la crise et de la récession de 1981-1982, deux programmes qu'on appelle aujourd'hui les programmes Biron-1 et Biron-2. Même si cela paraît un peu prétentieux, on les a appelés comme cela. Je pense que c'est le qu'en-dira-t-on qui a commencé à les appeler comme cela et c'est resté.

Sur le plan Biron-2, la SDI a donné des garanties auprès d'institutions financières pour 350 000 000 $. 1200 entreprises ont bénéficié de l'un ou l'autre de ces programmes depuis qu'ils existent et sur les 350 000 000 $, qui constituent la garantie du gouvernement auprès d'une institution financière que l'entreprise qui a été avantagée par un prêt va effectuer son remboursement, cela n'a pas coûté un traître sou à l'heure actuelle. On est bien d'accord là-dessus.

Je pense que cela est beaucoup plus

profitable comme scénario; mieux, en tout cas, sur le plan des équilibres financiers du gouvernement, que de prendre 350 000 000 $ dans un poste de dépense de l'un ou l'autre des programmes au ministère de l'Industrie et du Commerce et de les verser systématiquement à l'entreprise. On donne la garantie de la même manière que le prêt de capitalisation qui va être fait n'est pas un transfert d'argent. Les actionnaires vont faire là leur emprunt, auprès d'une institution financière de leur choix, et la SDI va garantir à l'institution financière que cet emprunteur va faire son remboursement. Pendant la période du prêt, qui pourra s'échelonner sur dix années, il y aura prise en charge d'intérêt, comme je l'expliquais tantôt. Les deux premières années, c'est 100 %; la troisième année, c'est 50 %, la quatrième et la cinquième année, c'est 25 % ou 20 % et, ensuite, cela redevient un remboursement normal pour les dernières années de ce prêt. Cela a des grosses chances de marcher très fort. Pourquoi? Parce que vous avez une mise de fonds minime qui représente un sixième du total de l'investissement de 3 000 000 $, donc 500 000 $. Vous avez l'emprunt à long terme qui est effectué, qui peut être garanti par les programmes actuels de la SDI. Cela fait un "mix" qui, à mon sens, répond très bien aux besoins de capitalisation, aux besoins de financement de nos PME, en particulier.

Je répète qu'au REA il n'y a pas de plafond de 10 000 $, c'est 20 %. Le seul plafond qui existe désormais au Québec, c'est par le biais de l'impôt minimal que vous le retrouvez. Je pourrais revenir là-dessus si vous le voulez, mais vous pouvez aller jusqu'à 10 000 $ dans un REA en tenant compte de votre REER. Vous pouvez aller dans une SPEQ jusqu'à concurrence de 20 %, mais vous ne pourrez pas cumuler des investissements, par exemple, dans une société en commandite, dans des actions accréditées et, ensuite, additionner et additionner l'ensemble des avantages fiscaux pour arriver à l'impôt et n'avoir aucune cotisation à payer. C'est donc par le biais de l'impôt minimal que cette autre question se règle.

M. Paquette: M. le Président, si vous me permettez, j'aurais deux questions très très brèves.

Le Président (M. Lachance): Très brièvement, M. le député de Rosemont.

M. Paquette:... sans aucun commentaire. Le REA passe de 117 000 000 $ à 90 000 000 $ en termes de coût pour le gouvernement. Il y a une coupure de 90 000 000 $ des coûts, donc, il reste 27 000 000 $ dans le REA. On me dit que le coût des SPEQ va être de 20 000 000 $. J'ignore les autres mesures, mais combien d'argent fiscal le gouvernement investit-il? Deuxièmement, combien compte-t-il soulever de capitaux vers les PME avec cet argent-là dans l'ensemble des nouveaux programmes?

M. Duhaime: La formule actuelle du REA étant modifiée de la manière dont je l'ai fait dans le budget, cela devrait dégager à peu près 90 000 000 $. Si on fait l'hypothèse - parce que c'est une hypothèse, on va le savoir en fin d'année 1986 - que le même volume d'argent qu'en 1985 transitait par le REA tel qu'il a été modifié, que le montant d'argent qui transitait dans le programme que l'on connaît au REA tel qu'il existe aujourd'hui, l'effet d'entraînement sur l'investissement dans les PME serait énorme. Cela voudrait dire que 150 à 200 entreprises pourraient bénéficier de ce programme. J'avoue que si, en première année d'exploitation de ce nouveau programme des sociétés de placement dans l'entreprise québécoise et de prêts en capitalisation, on en arrivait à intéresser à ce programme 200 ou 250 entreprises, ce serait absolument formidable.

Il faut bien se rappeler que quand le REA a été mis sur pied, en 1979 je crois, durant la première année il y a eu 14 000 contribuables qui en ont bénéficié. Je sais très bien qu'à l'époque, mon collègue du ministère des Finances se demandait vraiment si ce programme allait finir par prendre un rythme de croisière quelconque et on s'est rendu compte qu'en 1984 le coût du programme REA tel qu'il existait était presque devenu prohibitif. C'est 145 000 contribuables, dix fois plus que l'année de départ. L'espoir est là, en espérant que le plus grand nombre de PME profitent de ces programmes, mais il serait très hasardeux de même tenter de vous dire combien, croyons-nous, il y aura de PME qui s'inscriront et obtiendront du financement par les SPEQ. Cela demeure une inconnue.

M. Paquette: Est-ce que le ministre peut me donner une estimation du coût pour le gouvernement de l'ensemble des nouvelles mesures en termes d'argent fiscal? Je parle des modifications au REA, des SPEQ et autres mesures.

M. Duhaime: Pour ce qui est des SPEQ, je disais tantôt que la formule des prêts à la capitalisation, ce n'est pas une sortie de fonds. La seule chose qui apparaîtra aux crédits et aux dépenses de la Société de développement industriel, c'est la partie de la prise en charge des intérêts. Je pense que les coûts vont... (11 h 15)

M. Paquette: Si le ministre veut attendre pour me répondre de façon précise,

pour faire les calculs.

M. Duhaime: C'est un programme qu'on vient d'instaurer, M. le député. C'est un programme qui démarre. C'est un programme rattaché très solidement au rapport de la commission Saucier. C'est un programme qui a fait l'objet de très nombreuses consultations, et très poussées. C'est un bar ouvert en quelque sorte. Je ne suis pas en mesure de vous dire combien cela va coûter en termes d'argent fiscal, d'autant plus que la SDl ne va payer que l'intérêt. Quel effet d'entraînement cela va-t-il avoir sur le terrain? Je l'ignore aussi.

M. Paquette: M. le Président, dans ses prévisions budgétaires, le ministre a dû prévoir un coût pour le gouvernement, en termes de rentrées fiscales en moins, des modifications qu'il apporte au REA en raison de la création des SPEQ pour l'année qui vient. On a des informations partielles dans le discours sur le budget.

M. Duhaime: Non. Vous avez une information qui est très claire. À la page A-22 de l'annexe, on vous dit que le REA acoûté 170 000 000 $ en 1984. Vous trouverez cela au troisième paragraphe, au bas de la page. Des modifications que j'ai apportées au REA vont réduire son coût d'à peu près 90 000 000 $.

M. Paquette: 90 000 000 $ de moins.

M. Duhaime: Combien cela va-t-il coûter pour les SPEQ? Cela peut coûter 20 000 000 $, 25 000 000 $, 30 000 000 $, 40 000 000 $, 50 000 000 $. On va voir comment l'évolution va se faire dans ce secteur.

M. Paquette: Donc, on en conclut que vous avez 80 000 000 $ de moins dans le REA, 20 000 000 $ de plus dans les SPEQ et quelques millions dans les autres mesures.

M. Duhaime: 90 000 000 $ de moins au REA.

M. Paquette: 90 000 000 $ de moins. Donc, 170 000 000 $ moins 90 000 000 $, il vous reste 80 000 000 $ dans le REA...

M. Duhaime: C'est exact.

M. Paquette:... environ 20 000 000 $ dans les SPEQ et quelque 2 000 000 $ dans les autres mesures. C'est à peu près cela.

M. Duhaime: Mais il faut faire attention. Ce n'est pas universel. Il faut faire attention au genre de conclusion qu'on serait tenté de faire. La modification du REA, essentiellement, en limitant les investissements... En fait, personne n'est limité dans ses investissements s'il veut acheter des actions dans des entreprises qui ont plus de 1 000 000 000 $ d'actif. Ce qu'on dit, c'est que l'avantage fiscal est maintenant limité à 1000 $. Par voie de conséquence, il y a beaucoup plus d'argent disponible sur ce même marché et, en supposant que cela reste à investissement constant par le biais du REA modifié...

M. Paquette: Et que cela ne va pas dans les compagnies minières.

M. Duhaime:... il y aura plus d'argent pour les PME.

Le Président (M. Lachance): Je voudrais signaler à M. le député de Rosemont qu'une enveloppe de temps initialement prévue de 75 minutes pour le groupe des députés indépendants est épuisée. À moins d'un consentement...

M. Paquette: Vous voulez dire que je viens de prendre une demi-heure.

Le Président (M. Lachance): Je veux dire que l'enveloppe de temps totale de 75 minutes a été utilisée et cela signifie qu'à moins d'un consentement des membres de la commission...

M. Paquette: D'accord.

Le Président (M. Lachance):... on ne pourra pas revenir.

Je laisse maintenant la parole à Mme la députée de Jacques-Cartier.

M. Tremblay: M. le Président, avec votre permission.

Le Président (M. Lachance): Voulez-vous intervenir? J'ai reconnu Mme la députée de Jacques-Cartier.

M. Tremblay: Traditionnellement, il y avait...

Une voix: Un droit d'alternance.

M. Tremblay:... un droit d'alternance reconnu dans les commissions parlementaires, M. le Président, comme à l'Assemblée nationale.

Une voix: C'est toujours vrai.

Le Président (M. Lachance): J'ai cru comprendre que...

M. Tremblay: Je voudrais réclamer ce droit.

Le Président (M. Lachance): J'aurais

bien aimé, M. le député de... Une voix: Chambly.

Le Président (M. Lachance):... Chambly, vous voir signaler votre présence et votre intention de prendre la parole, mais c'est Mme la députée de Jacques-Cartier que j'ai reconnue. Je comprends pour ce qui est de l'alternance, mais les blocs de temps ont été jusqu'à maintenant... En tout cas, on est à l'intérieur des blocs de temps sauf en ce qui concerne le groupe des députés indépendants. Il me fera plaisir de vous reconnaître après Mme la députée de Jacques-Cartier.

M. Tremblay: Je sais très bien cela.

M. Dussault: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Dussault: Quelques mois avant le référendum qui a eu lieu en 1980, j'avais formulé verbalement à l'Assemblée nationale une demande de directive sur cette question du droit à l'alternance.

M. le Président, comme je vais vous demander de rendre une décision à cet effet, j'aimerais que vous suiviez bien attentivement ce que je suis en train de vous dire.

J'avais donc déposé une demande de directive et le président avait rendu une décision à cet effet en disant, à toutes fins utiles, que le droit à l'alternance est un droit absolu des membres de l'Assemblée nationale. Cela repose sur l'esprit même du régime parlementaire de type britannique.

Dans ce sens, que M. le député de Chambly ait demandé de prendre la parole il y a une demi-heure, une heure, ou il y a trois minutes, il a ce droit de parier au moment où le droit à l'alternance le lui donne. Donc, M. le Président, je ne vois pas pourquoi, parce que Mme la députée de Jacques-Cartier a demandé la parole il y a une demi-heure ou une heure, je ne sais trop quand, si M. le député de Chambly veut la parole immédiatement, sous l'empire de ce droit, vous la lui refuseriez. Je ne comprends pas, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Sur la question de règlement, M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui. Je voudrais tout simplement, à ce moment-ci, M. le Président, vous demander si je dois comprendre que votre décision de reconnaître la députée de Jacques-Cartier... Est-ce que le fait que le député de Chambly dépose son journal, lecture faite, constitue une demande d'être reconnu.

M. Dussault: J'ai été sérieux, M. le Président, depuis qu'on a soulevé cette question. On ne comprend pas pourquoi des choses si farfelues sont dites sur un droit fondamental d'un membre de la commission.

M. Tremblay: Cela doit être qu'ils n'ont pas d'arguments contre, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): La commission va suspendre ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 22)

(Reprise à 11 h 31)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. Je voudrais d'abord faire référence à un document du Conseil en droit parlementaire daté du 28 mai 1984 et qui est intitulé "Étude du budget à la commission du budget et de l'administration". Vous savez que nous sommes la seule commission qui a cette tâche très particulière. À la page 5, temps de parole: "Le président accorde la parole au député qui la lui demande en premier, tout en assurant une répartition équitable du temps de parole entre les groupes parlementaires. Les députés peuvent ainsi prendre la parole pendant dix minutes et ce temps de parole est divisible, puisqu'il s'agit d'un débat qui prend la forme d'interrogations adressées au ministre des Finances. " Cela est un premier élément.

Deuxième élément, c'est une décision rendue le 12 avril 1984 lors de l'étude des crédits de notre commission. Je constate que j'étais le président. Après avoir fait une savante rétrospective, à partir de Beauchesne et également de Erskine May - je ne reprendrai pas toute l'argumentation puisqu'il y a plusieurs pages - à la page 5, la décision rendue était la suivante: "En conséquence, je ne me sens pas obligatoirement lié par la règle de l'alternance, même si cette dernière devrait être utilisée lorsque les circonstances s'y prêtent. J'entends donc accorder la parole à celui qui en fera d'abord la demande, comme cela est expressément prévu à l'article 33 de nos règles de procédure. Si plus d'un membre désire intervenir en même temps, je devrai alors user de la discrétion que m'accorde la tradition pour déterminer qui peut prendre la parole. S'il me semble juste et équitable de procéder selon l'alternance, soyez assurés que je m'appliquerai à y recourir. "

Compte tenu de cette décision qui avait été rendue en avril 1984 et comme il n'y a aucun député du groupe du gouvernement qui a obtenu la parole depuis le début de la séance, il m'apparaît équitable, selon

la discrétion qui m'est accordée et la tradition du régime parlementaire britannique, de donner la parole au député de Chambly. M. le député de Chambly.

Vente des magasins de la Société des alcools

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Ce ne sera pas très long. Mme la députée de Jacques-Cartier aura certainement du temps pour poser sa question. Tout à l'heure, M. le ministre, vous avez parlé de revenus de 150 000 000 $ provenant de la vente de 200 magasins de la Société des alcools du Québec. Est-ce que j'ai bien entendu ces chiffres lorsque j'écoutais tout en regardant d'un oeil mon journal et en ayant les deux oreilles attentives à ce que vous disiez?

M. Duhaime: Vous avez parfaitement raison.

M. Tremblay: Ce sont les bons chiffres. J'ai fait un rapide calcul à ce moment et j'ai compris que vous espériez obtenir pour chacune des franchises ou en moyenne pour une franchise de la Société des alcools du Québec 750 000 $, c'est-à-dire trois quarts de million de dollars. Est-ce que mes calculs sont exacts?

M. Duhaime: Votre division mathématique m'apparaît être...

M. Tremblay: Impeccable. M. Duhaime:... impeccable.

M. Tremblay: Est-ce que ce chiffre inclut les inventaires qui se trouvent dans les magasins?

M. Duhaime: Oui, en fait...

M. Tremblay: De quel ordre sont les inventaires d'un magasin de la Société des alcools du Québec?

M. Duhaime: Je n'ai pas ici avec moi ces chiffres. Vous avez mentionné 750 000 $ tantôt...

M. Tremblay: Trois quarts de millions, oui.

M. Duhaime: C'est plutôt du côté de 600 000 $, si on fait abstraction d'un certain nombre - et peut-être que la moyenne rejoint le chiffre de 750 000 $ que vous avez mentionné - parce qu'il y a des points de vente de la Société des alcools du Québec, dans les régions éloignées en particulier, qui sont déjà sous franchise et exploités par l'entreprise privée. Les chiffres qui ont été arrêtés et que j'ai mentionnés tantôt, par exemple 150 000 000 $ pour l'ensemble de l'opération, comprennent les inventaires, les équipements qui se trouvent à l'intérieur de ces magasins, plus l'achalandage qui va se traduire à l'intérieur des franchises qui seront accordées lorsque les appels d'offres auront été rendus publics, qu'il y aura des soumissions publiques.

J'ai indiqué lors du discours sur le budget que les employés de la Société des alcools du Québec qui bénéficient déjà de la sécurité d'emploi par leur convention collective de travail se verront maintenus dans leur sécurité d'emploi, en ce sens qu'au moment où les franchises seront accordées il y aura des préalables qui seront demandés. En tout état de cause, la sécurité d'emploi absolue, pour tous ceux qui travaillent actuellement à la Société des alcools du Québec, sera maintenue. Je pense que c'est peut-être un peu risqué d'avancer des moyennes parce que, dans la région de Montréal, si mon souvenir est bon, il y a 126 succursales de la Société des alcools du Québec. L'importance des unes et des autres varie énormément. Vous avez des endroits où vous avez des niveaux d'inventaire qui sont très élevés à cause du chiffre d'affaires; dans d'autres endroits, les inventaires peuvent être plus faibles.

Pour répondre bien clairement à votre question, il s'agit de la vente d'un fonds de commerce ni plus ni moins, avec un achalandage, et on a pensé d'introduire cette franchise pour protéger ceux qui vont soumissionner. On pourrait difficilement imaginer qu'on vendrait essentiellement les inventaires plus l'étalage. Qui pourrait aller risquer une soumission là-dessus si les gens ne savent pas si, dans trois ou quatre mois, il n'y aura pas une autre succursale qui va venir s'ouvrir juste en face? Si vous appliquez la technique Saint-Hubert BBQ, qui est bien connue au Québec, selon la forme de relation normale entre franchiseur et franchisé, il y aura des obligations de part et d'autre. Avec les chiffres qui nous ont été fournis par la Société des alcools du Québec et le ministère de l'Industrie et du Commerce et d'après les discussions qui ont eu lieu aussi avec le ministère des Finances, 150 000 000 $, cela nous apparaît une estimation réaliste sur le produit net de ces transactions. Je rappelle que la Société des alcools du Québec ne sera pas démembrée, la Société des alcools du Québec va continuer comme mandataire du gouvernement à importer, elle va continuer aussi à exercer le monopole des achats et de la revente à l'ensemble de ses magasins, qui, désormais, seront du ressort de l'entreprise privée.

M. Tremblay: Quand vous parlez de la région de Montréal, vous parlez de la région 06, ou si c'est l'île de Montréal? Est-ce que ça inclut Laval, la rive sud?

M. Duhaime: Je ne pourrais pas vous confirmer ça, mais on ne m'a jamais mentionné qu'on parlait de la région administrative de Montréal, au sens où on l'entend au ministère de l'Industrie et du Commerce. Je pense plutôt qu'on parlait de la grande région de Montréal, et ça inclurait l'île de Montréal, les îles, et très probablement aussi la rive sud.

M. Tremblay: Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a beaucoup d'entrepreneurs qui s'intéressent à ce sujet. Beaucoup de commerçants viennent à nos bureaux de comté et ils sont très intéressés de savoir ce qui arrive avec ça et de quelle manière ils pourront soumissionner. Une des questions qui revient, c'est relativement aux travailleurs. Est-ce votre intention d'obtenir des concessionnaires qu'ils maintiennent à leur emploi les travailleurs de la Société des alcools? Sinon, quels seraient les avantages que vous leur offririez s'ils désiraient les garder à leur service, dans un premier temps?

M. Duhaime: Pour ce qui est des employés, nous l'avons dit à de très nombreuses reprises, il y a un projet de loi qui a été piloté par mon collègue de l'Industrie et du Commerce, dans le sens que les coopératives de commerce sont maintenant possibles, que nous allons donner priorité aux employés de la Société des alcools qui voudraient se porter acquéreurs de ces magasins. Comment cette priorité va-t-elle s'articuler dans les appels d'offres? Je pense que ça reste à voir. Je n'ai pas d'information supplémentaire que je pourrais vous donner ici. Je pense que, d'ici quelques semaines, si on veut que cela se fasse rapidement, l'ensemble de ces détails concernant la mise en vente du réseau devraient être rendus publics par le ministre de l'Industrie et du Commerce.

Même réponse pour ce qui est de la mécanique qui sera utilisée, parce que, bien sûr, il y aura des négociations avec le syndicat des employés. Au point de départ, nous avons l'intention de maintenir intégralement la sécurité d'emploi dans le sens le plus clair de ce que je viens de vous dire. La convention collective fait de ces gens des fonctionnaires du gouvernement. S'il y en a qui choisissent, par exemple, de passer à l'entreprise privée avec les nouveaux acquéreurs, il faudra établir des modalités de passerelle, en quelque sorte, avec des retours possibles. Mais cela, ça reste à discuter aux tables avec les représentants des travailleurs et les dirigeants de la Société des alcools.

M. Tremblay: En ce qui concerne les lieux où se situent ces magasins, il y a un lien, c'est évident; le gouvernement a des baux et, dans certains cas, je pense que c'est sur un terme de dix ans, au maximum. À plusieurs endroits, il reste un an, trois ans, deux ans à ces baux. Quel est le mécanisme que vous avez prévu pour que le gouvernement ne soit pas pris avec ça? Est-ce votre intention de forcer les concessionnaires à s'établir dans ces bâtisses jusqu'à la fin des baux?

M. Duhaime: Je ferai un parallèle. D'abord, ces baux, règle générale, sont tous enregistrés, ce sont des actes notariés. Si quelqu'un se porte acquéreur d'un fonds de commerce dans des affaires autres qu'un magasin de la Société des alcools... Dans l'appel d'offres qui sera fait, nous allons, pour chaque point de vente, identifier le niveau de l'inventaire, les conditions du bail, les effets mobiliers autres que l'inventaire de vins et d'alcools qui pourraient se retrouver à l'intérieur d'une succursale. Toutes les conditions du bail seront partie intégrante de la transaction. (11 h 45)

C'est bien évident que le propriétaire actuel va préférer conserver la signature de la Société des alcools, ce qui sera fait, je pense que cela ne pose pas de problème. À l'expiration du bail, celui qui sera le franchisé choisira ou bien de rester là où il est et de renégocier un nouveau bail pour une période de cinq ans, dix ans, vingt ans, trente ans, s'il le désire; ou encore, de donner un avis et de changer d'endroit. De la même manière, il n'aura pas, je pense, d'exigence que chacune des succursales de la SAQ qui serait sous franchise devrait avoir telle architecture, par exemple, comme vous le retrouvez dans les exigences de certaines franchises. C'est vrai pour le Colonel Sanders. C'est vrai pour Howard Johnson et pour Saint-Hubert. Je ne pense pas qu'on aille jusque-là, mais il est sûr et certain que les obligations du locataire, qui est la Société des alcools aujourd'hui, feront partie intégrante de la transaction à venir. Dans certains cas, il pourra y avoir dégagement total des obligations de la SAQ sur ses baux, dans d'autres peut-être pas, mais cela m'apparaît être des modalités qui viendront lorsque l'ensemble de ce dossier sera mieux connu et surtout au moment où les appels d'offres seront faits pour toutes et chacune des succursales.

Alors, celui qui voudra placer une soumission là-dessus sera exactement au courant du genre d'obligations qu'il aura à assumer, si c'est lui qui est retenu comme étant le soumissionnaire le plus intéressant pour la Société des alcools. En gros, c'est une vente en bloc, une vente d'un fonds de commerce avec son fonds de roulement, avec son achalandage, dans la forme d'une franchise. C'est avec cette formule de franchise qu'on est dans la meilleure situation pour obtenir un meilleur prix sur

ces transactions. Je dois dire en passant que, dès le lendemain du discours sur le budget, le président de la Société des alcools a rencontré quatre hommes d'affaires, serviette et valise en main, qui étaient prêts à acheter tous les magasins de la Société des alcools et les payer comptant. Il y a beaucoup d'effervescence dans à peu près toutes les régions du Québec là-dessus. Donc, je n'ai pas beaucoup de crainte qu'on devrait avoir, je ne dirais pas des prix exagérés, mais le meilleur prix possible, pour faire en sorte que l'objectif de 150 000 000 $ qu'on s'est fixé soit atteint d'ici les deux prochaines années.

Crédit de taxes à la consommation

M. Tremblay: M. le ministre, dans un autre ordre d'idées, vous avez annoncé dans le discours sur le budget, à la page 15 en particulier, un crédit de taxes à la consommation. Ce crédit de taxes, en 1986, de 67 $ par adulte et de 22 $ par enfant à charge s'applique-t-il à tous les Québécois? À la page 15 sur le discours sur le budget, au dernier paragraphe.

M. Duhaime: II va s'appliquer à tous ceux et celles dont le revenu disponible ne sera pas suffisant pour leur permettre de satisfaire leurs besoins essentiels. Alors, c'est un transfert, c'est un crédit d'impôt négatif. Vous avez l'illustration beaucoup plus en détail dans le discours sur le budget comme tel, mais à l'annexe à la page A-17 au milieu de la page. Ceux donc qui cotisent à l'impôt ne seront pas bénéficiaires, et si vous lisez un peu plus loin à la page A-11: Ce crédit de taxes à la consommation pour l'année 1986 est fixé à 67 $ pour chacun des conjoints, donc deux fois 67 $. Il y a 22 $ pour chaque enfant à charge dans le même ménage. Et, pour éviter une double prise en compte de cette dépense dans le régime d'imposition, le crédit sera réduit de 3 % du revenu total du ménage excédant les exemptions personnelles et certaines déductions reliées à l'emploi. Alors, si vous faites le calcul mathématique, vous arrivez à la constatation que cette mécanique nouvelle de crédit d'impôt négatif est un paiement de transfert, en réalité, qui va dans le sens de permettre aux foyers d'être compensés pour les taxes à la consommation qu'ils ont à payer sur leurs besoins essentiels.

M. Tremblay: Cela s'applique essentiellement à ceux qui ne paieront pas d'impôt.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Chambly, vos questions n'étaient pas plantées.

Une voix: Non, il vient de planter le ministre.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a des questions plantées et il y a des questions qui plantent celui qui doit répondre.

M. Tremblay: Il y a deux manières de travailler en commission parlementaire: il y a ceux qui, essentiellement, ne font que de la politique et d'autres qui veulent avoir de l'information.

Une voix: Tu es bien bête ce matin!

M. Duhaime: Pour comprendre la mécanique du crédit d'impôt d'une façon intelligible, je vous amènerais à la page A-13 du discours sur le budget. Prenons un couple avec deux enfants de six à onze ans. Le seuil d'imposition nulle, à partir de janvier 1986, pour un couple avec deux enfants de six à onze ans, avec un seul revenu de travail, c'est 14 905 $. Ce qui veut dire qu'il n'y a pas d'impôt à payer si ce ménage gagne 14 905 $. Pour l'explication fournie sur le crédit d'impôt à la consommation, à la page A-11 du discours sur le budget, on dit 67 $ par conjoint, donc 134 $, plus deux enfants - 2 fois 22 $ - cela fait 178 $. Pour tenir compte des 3 %, cela veut dire essentiellement ceci: si vous êtes dans la catégorie de 14 905 $, vous retirez 178 $ et ce montant de 178 $ va décroissant jusqu'à à peu près 20 800 $. Au-delà de ce seuil de 20 800 $, le crédit d'impôt à la consommation ne s'applique pas. La mécanique de ce crédit d'impôt est basée sur le fait qu'on veut rembourser... Oui, ce sont les 3 % qui sont en décroissance selon le niveau d'imposition. Le crédit d'impôt est introduit pour tenir compte de la portion des taxes à la consommation qui s'applique à des biens dits essentiels.

M. Tremblay: Je vous remercie, M. le ministre. M. le Président, je vous remercie aussi de m'avoir donné ce privilège de parler à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Recherche-développement dans les milieux industriels

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Ma première question porte sur la recherche et le développement dans les milieux industriels. Il est bien reconnu que l'industrie québécoise ne consacre pas suffisamment de ressources à la recherche et au développement. Les dernières statistiques des sciences publiées par la Division de la statistique de la science et de la technologie de Statistique Canada révèlent que le Québec a perdu du terrain face à l'Ontario. En 1979, les

industries implantées au Québec ont en effet effectué 24, 9 % des dépenses en recherche au Canada contre 53 % pour les entreprises de l'Ontario. En 1983, ces proportions sont passées respectivement à 22, 9 % et à 60, 9 %. Donc, l'écart entre le Québec et l'Ontario s'élargit.

Le Conseil de la science et de la technologie, dans son avis au ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie sur le virage technologique, conclut que la participation du Québec au virage technologique demeurera marginale si l'on ne réussit pas à accroître de façon significative l'essor de la recherche et du développement au sein de l'industrie québécoise. À cet égard, pour réaliser cet objectif, le Conseil de la science et de la technologie a fait quelques recommandations et surtout recommandé des mesures incitatives qu'il juge beaucoup plus efficaces que l'intervention directe du gouvernement. Il considère - je parle du Conseil de la science et de la technologie - que les mesures énoncées par le ministre des Finances lors du budget de mai 1983, c'est-à-dire la création d'un crédit d'impôt remboursable et équivalent à 10 % de la masse salariale consacré à la recherche et au développement, sont des mesures qui ne suffisent pas pour attirer les capitaux nécessaires. Donc, dans son avis au ministre, il a recommandé une subvention pour cinq années égale à 25 % de l'accroissement net de la masse salariale à cause de l'augmentation du personnel scientifique affecté spécifiquement à des activités de recherche et de développement industriels effectuées au Québec. (12 heures)

De plus, dans un autre avis qui traite des technologies d'information, on fait la même recommandation, sauf que le pourcetage est devenu 50 % de l'accroissement de la masse salariale. La raison de cette augmentation était claire: pour certaines industries, cela devait contrer les effets négatifs de la lourde fiscalité québécoise sur l'embauche de hauts salariés. On sait que tout le monde a besoin de chercheurs dans les secteurs de pointe. Il y a une pénurie mondiale. Il faut donc créer des conditions d'abord pour les attirer d'ailleurs et, ensuite, les maintenir.

Ma question au ministre: Avez-vous des chiffres qui démontrent combien d'industries ont profité de la mesure de 10 %? Qu'est-ce que cela a coûté au gouvernement en termes de crédits réclamés? Avez-vous examiné les recommandations du Conseil de la science et de la technologie en ce qui a trait aux 25 % "across the board" pour la recherche et le développement et aux 50 % pour les industries en technologie d'information? On ne voit rien à cet égard, dans le budget.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais d'abord dire à Mme la députée de Jacques-Cartier que je partage sa constatation, qui me semble assez évidente, selon les propos qu'elle vient de tenir, à savoir que nous n'avons pas jusqu'à présent consacré suffisamment d'argent à la recherche et au développement sous la rubrique générale du développement des technologies nouvelles au Québec. Je pense que vous avez parfaitement raison... Je fais la même constatation. J'ai même insisté assez fortement là-dessus lors du discours sur le budget dans mes premiers mots d'introduction, soit qu'il fallait tourner une page quant à la révolution tranquille et aller résolument vers la révolution technologique. Ce que je vous dis maintenant s'enchaîne avec les propos que je tenais tout à l'heure en répondant aux questions de vos autres collègues.

Ce qui a marqué la révolution tranquille a été la présence de l'État dans l'économie par de grandes sociétés d'État qui répondaient aux besoins de ce quart de siècle. Lorsqu'on envisage le prochain quart de siècle, il ne faudrait surtout pas, à mon sens, que l'État conserve exactement les mêmes outils et les mêmes instruments parce que cela aura duré 50 ans et on a toutes les chances d'être en retard lorsque se présenteront l'an 2000 et les années suivantes. Il faut donc dégager des ressources et s'assurer que la réallocation ou le redéploiement des ressources financières soient bien faits.

Nous pourrions, bien sûr, faire plus mais nous faisons déjà beaucoup. Je vous donne un exemple d'un des avantages que nous offrons aux entreprises du Québec qui se lancent dans la recherche et le développement et que, sauf erreur, vous ne retrouverez nulle part ailleurs dans aucune autre province canadienne; il y a un crédit de 10 % des salaires versés qui est accordé aux entreprises qui font de la recherche et du développement. Ce crédit est même remboursable. Cela veut dire, par exemple, qu'une entreprise qui paie 3 000 000 $ ou 5 000 000 $ en salaires et qui effectue des dépenses de 300 000 $ ou de 500 000 $, le cas échéant, rabat ce montant de l'impôt sur le revenu des corporations à payer. Si ses profits sont insuffisants pour payer cette somme, ce montant lui est remboursé.

Dans le cadre du plan de relance, principalement de celui de Compton, il y a eu une proposition pour que soit mis en route six ou sept centres de recherche. Le total de ces crédits sur...

Mme Dougherty: Je n'ai pas demandé des renseignements sur les centres de recherche. J'ai demandé si le gouvernement avait l'intention d'étudier les recommandations du Conseil de la science et de la

technologie en ce qui concerne les incitatifs fiscaux, parce que c'est là la meilleure façon, peut-être, d'encourager la recherche et le développement, surtout dans les petites et moyennes entreprises. Il y a des mesures qui aident les grandes entreprises, mais je parle spécifiquement de l'augmentation de la recherche personnelle scientifique dans les entreprises.

M. Duhaime: J'ai bien compris votre question, chère madame, mais je ne voudrais pas que ceux qui nous écoutent et surtout ceux qui nous lisent gardent l'impression que nous ne faisons à peu près rien. Je voudrais d'abord préciser ces chiffres. À la Maison des sciences, sur trois exercices - en 1985-1986, 4 000 000 $; l'année suivante, 15 000 000 $; l'année suivante, 15 000 000 $ - vous avez un total de 34 000 000 $. Dans les six centres de recherche appliquée, à part l'investissement d'Hydro-Québec dans l'électrochimie qui va être de 14 000 000 $, vous en avez pour 64 500 000 $ sur les trois prochaines années. Et les programmes de soutien à l'emploi scientifique sont de l'ordre de 12 500 000 $ à 13 000 000 $ sur les trois prochaines années. C'est déjà quelque chose.

Votre question est bien claire maintenant: Est-ce qu'on va prendre en compte les recommandations du Conseil de la science et de la technologie? Je vais attendre de voir ce que mon collègue qui est responsable de ce portefeuille, le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, en fera. C'est d'abord et avant tout sa première responsabilité, mais il est bien certain que ce qui pourrait venir de ces recommandations qui pourraient être utilement appliquées au Québec, dans la mesure où on est capable de financer ce genre de recommandations, sera mis en route. Je répète que dans les années passées - et je dois ici rendre hommage à mon ancien collègue membre du Conseil des ministres, notre collègue, le député de Rosemont, qui a apporté une très solide contribution à tout le dossier du développement scientifique, de la science et la technologie.

Il faut reconnaître qu'il y a une dizaine d'années ce n'était pas la préoccupation des gouvernements, ce genre de dossier, un peu comme l'environnement. Il a fallu attendre 1978 ou 1979 pour créer au Québec le premier ministère de l'Environnement, de la même manière que le ministère de la Science et de la Technologie a été créé. Je crois que c'est après Compton. C'est en 1982. Il me semble que c'est en 1982, donc, c'est tout près, à peine trois ans. La moindre des choses qu'on puisse dire, c'est qu'on est en retard, non seulement le gouvernement, mais on a comme l'impression parfois que, sur le plan de l'introduction des technologies nouvelles, que ce soit l'informatique, que ce soit la télématique ou peu importe, on est en retard. Je me souviens très bien, il y a quelques années, quand on a monté ce programme de modernisation dans le secteur des pâtes et papiers, que l'entreprise privée n'en voyait pas tellement l'utilité et, aujourd'hui, on se rend bien compte qu'après cinq années il y a eu 2 600 000 000 $ d'investissements essentiellement dans des mesures pour protéger l'environnement; mais ce que l'entreprise privée nous dit maintenant, dans le secteur des pâtes et papiers, c'est qu'elle souhaiterait que le gouvernement épaule son effort d'investissement pour financer avec elle l'introduction des technologies nouvelles, par exemple, des mécanismes de contrôle d'humidité dans la production de la feuille de papier journal. Cela se fait encore aujourd'hui, dans la plupart de nos industries, de nos usines, à la mitaine, alors que l'usine - l'ancien nom, c'est Ontario Paper - de Quebec North Shore, je crois, sur la Côte-Nord, a introduit tout un arsenal de technologies, de sorte qu'elle a progressé dans cette direction. Mais c'est une espèce de prise de conscience qu'il faut que l'on pousse.

J'ajoute que nous avons fait un pas dans cette direction dans le discours sur le budget. Les sociétés de placement de l'entreprise québécoise, les SPEQ, ne sont pas ouvertes à tout vent. Si vous allez à la page A-33 de l'annexe du discours sur le budget, vous allez lire ceci: "Une corporation admissible devra oeuvrer essentiellement dans les domaines de la fabrication, de la transformation, du transport, de la récupération, de l'amélioration de l'environnement, du tourisme, de la publication de livres, de la recherche scientifique, de l'ingénierie, de l'informatique, de la bureautique, de la télématique et des services scientifiques et techniques. " Je pense que c'est ouvrir un véhicule financier qui est très important. Je souhaite que l'entreprise privée et que les PME, principalement, plongent là-dedans le plus rapidement possible.

Avant que vous veniez vous joindre à nos travaux plus tôt en matinée, on évoquait, en parlant du Fonds de développement des ressources, que ces 2 500 000 000 $ verrraient une partie que j'espère importante aller à la recherche et au développement, aux technologies nouvelles reliées en priorité aux richesses naturelles qui pourraient être... C'est très vaste quand on parle du dossier des richesses naturelles, quand on parle du secteur de la forêt, de celui des mines, de tout le secteur de l'énergie hydraulique et de tout l'aval qui peut se dégager de ces grands secteurs économiques. Cela reste énorme. Mais je suis parfaitement d'accord avec vous que, premièrement, nous sommes en retard et que, deuxièmement, il

faudra mettre en oeuvre des moyens considérables pour aller rejoindre nos concurrents. Quand on pense aux produits qui sont sur notre propre marché domestique et qui nous viennent d'Allemagne, de France, des États-Unis, du Japon, il est évident que, si on ne se grouille pas, dans le bon sens du mot, on va se faire placer carrément hors marché et cela ne prendra pas beaucoup d'années. Je pense que la première chose à faire, c'est cette prise de conscience qu'il faut accentuer. Je dois dire que je vous rejoins presque intégralement dans vos remarques. Ce n'est pas ma responsabilité première de lire ce rapport. Je le ferai si c'est nécesaire. Je compte sur mon collègue, le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, qui est ingénieur de formation et, sauf erreur, diplômé du MIT. Il devrait avoir, au départ, cette préoccupation du développement technologique.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Il semble que vous n'ayez pas examiné ces recommandations. Je vais poser la même question, demain, au ministre de l'Enseignement supérieur et j'attendrai sa réaction.

Relations entre l'industrie et les universités

Ma deuxième question touche un autre besoin qui est bien connu et dont tout le monde parle, c'est-è-dire celui de renforcer les liens entre l'industrie et les universités afin de favoriser l'exploitation mutuelle de leurs ressources scientifiques et technologiques. Je ne sais pas si vous êtes au courant du rapport Wright, mais c'est un rapport récent, préparé pour Lumley, c'est un "Task force on Federal Policies and Programs for Technological Development". Dans ce rapport, sont analysées les différentes mesures à prendre pour augmenter notre capacité technologique au Canada. Ils ont examiné parmi d'autres le problème de la nécessité de renforcer les liens entre l'industrie et les universités.

Maintenant, ils ont fait deux recommandations précises et incitatrices: d'abord, une prime de 25% payable aux universités participant à des contrats industriels en recherche et en développement; deuxièmement, un crédit d'impôt de 50% accordé aux compagnies pour la recherche et le développement qu'elles font exécuter par les universités. Je vais vous énumérer toutes les recommandations qui ont été faites et j'aimerais avoir votre réaction. Est-ce qu'il y a eu des discussions entre le provincial et le fédéral afin d'examiner ces recommandations? Il faut naturellement la coopération du fédéral et du provincial pour rendre effectives de telles recommandations. (12 h 15)

La troisième suggestion demandait que les compagnies soient autorisées à donner de l'équipement aux universités et à déduire le coût de cet équipement, plus la moitié des profits anticipés par la vente au détail d'un tel équipement. Vous savez qu'aux États-Unis on a introduit en 1981 une loi qui est beaucoup plus avantageuse pour les industries et pour les universités à cet égard.

La quatrième suggestion parle de mettre sur pied un programme comme celui qui a été implanté en Ontario, soit !a création d'un fonds d'encouragement à la recherche universitaire qui permet l'ajout de 1 $ par 2 $ que les universités recueillent du secteur privé pour la recherche. Est-ce que votre ministère est au courant de ces recommandations et quelle est votre réaction?

M. Duhaime: Je vais sans aucun doute transmettre avec beaucoup d'intérêt les suggestions que nous fait ce matin Mme la députée de Jacques-Cartier à mon collègue le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie. Les liens plutôt ténus qui ont existé jusqu'à présent entre nos grandes entreprises, les entreprises d'une façon générale et l'université devraient être bonifiés davantage au fil des années, mais je pense qu'on est en train d'assister à une espèce de décloisonnement. C'est vrai de plus en plus pour ce qui est de l'Université du Québec et ses modules dans nos régions qui font le pont avec une facilité quand même étonnante avec l'industrie des pâtes et papiers entre autres. Il est même question que l'Université du Québec mette de l'avant, à frais partagés avec l'entreprise privée, ce qu'ils ont appelé un centre multirégional de recherche, en ce sens que la région de Rimouski pourrait se spécialiser sur des problèmes d'insectes; il a été question de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour de la recherche sur une meilleure utilisation des matières ligneuses; de mémoire que crois que la Mauricie avait été désignée avec son université à Trois-Rivières pour les étapes de modernisation; enfin je donne cela essentiellement pour illustrer que des progrès ont été faits.

Je reçois vos suggestions avec beaucoup d'intérêt. Je vais les transmettre à mon collègue de la Science et à la Technologie. Je voudrais cependant ajouter que, mine de rien, comme on dit, cette année aux crédits du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Technologie - je les ai identifiés ici, surtout le volet ou la rubrique générale "recherche-développement en technologies -vous en avez pour tout près de 88 000 000 $. Entre autres, 43 500 000 $ directement dans les allocations pour fins de

recherche aux universités. On a ajouté 7 200 000 $ pour la constitution d'équipes de recherche universitaire; il y a eu 1 000 000 $ pour ce qui est de la politique des adultes; un montant de 1 500 000 $ pour des centres spécialisés au niveau des cégeps. Je pense que c'est peut-être là aussi qu'il est intéressant de faire un effort et de jeter des ponts avec l'entreprise. Sous la rubrique "aide financière aux étudiants", 1 600 000 $; à la Maison des sciences, je le disais tantôt, il y a eu 4 000 000 $; il y aura 16 500 000 $ dépensés pour la mise en route des six centres de recherche; dans la politique de soutien à l'emploi scientifique il y aura 12 500 000 $. Ce n'est quand même pas négligeable, mais je pense qu'on pourrait faire plus.

Quant aux formules incitatives qui existent en Ontario, ça ne me déplaît pas du tout cette formule que par 2 $ dépensés on pourrait en ajouter 1 $, mais je rappelle aussi que la formule que nous proposons sous forme de crédit d'impôt est très généreuse; 10% de la masse salariale, lorsque c'est versé à la recherche et au développement, c'est déductible carrément de l'impôt sur le revenu des corporations; c'est un incitatif.

Je voudrais peut-être aller un peu plus loin dans mes remarques et dire que cette prise de conscience et cette nécessité d'investir dans la recherche et le développement sont apparues chez nous au Québec depuis quelques années à peine. Dans les grands groupes miniers qui oeuvrent ici au Québec, il y a Noranda qui a fait un effort solide de recherche et de développement mais, dans le secteur des pâtes et papiers ou dans d'autres grands secteurs industriels, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il n'y en a pas eu beaucoup.

Il faut dire aussi qu'en Ontario il y a eu une très forte concentration des crédits fédéraux portés au titre de la recherche et du développement. Je n'ai pas ces chiffres-là aujourd'hui, mais on en a parlé à peu près chaque année à chaque commission parlementaire. Les dépenses qui sont faites par le gouvernement fédéral et les mandats qui sont accordés aux grandes universités canadiennes... Tout le monde reconnaît que ce sont les universités ontariennes qui ont, encore aujourd'hui, la part du lion, que le gros des dépenses dans la recherche scientifique au Canada est toujours concentré en Ontario. On espère tout simplement qu'à force de le dire on va finir par reconnaître, au niveau du gouvernement fédéral, que davantage de fonds devraient être détournés de l'Ontario vers le Québec de façon à essayer de rebâtir un équilibre qui m'apparaît non seulement nécessaire, mais urgent.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Châteauguay.

Industrie des courses de chevaux

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais aborder la question de l'industrie des courses de chevaux au Québec. À ma connaissance, personne n'a abordé cette question. Un article dans la Presse du 25 avril dernier est titré de la façon suivante: "Au rythme des paris, SODICC perdra 1 200 000 $ en 1986". Les gens qui interviennent dans ce secteur sont très concernés par l'industrie des chevaux. Il y a dans cette activité toute une question de création d'emplois, du moins d'emplois à préserver. On sait que cela va très mal de ce côté-là. L'activité baisse de plus en plus. C'est par les paris mutuels sur les courses de chevaux que l'on constate cette réalité. Dans cet article du journal La Presse, on cite M. Vandry, le président de la SODICC-Québec. Le budget du ministre des Finances duQuébec ne parle pas de cette question. On aurait peut-être pu s'attendre à ce qu'on en parle dans le budget, étant donné le problème qui se pose et qui est relativement grave. Mais M. Vandry dit: "Écoutez! Cette omission ne veut pas dire que le gouvernement refuse de venir en aide à l'industrie. J'y vois plutôt un délai. On connaîtra la réaction du ministre au cours des prochaines semaines ou au cours des prochains mois. "

Il y a eu des échanges entre les différents intervenants dans le secteur des courses de chevaux et des paris mutuels, les gens des hippodromes, les gens qui élèvent des chevaux, etc. Il semble qu'il n'y ait pas de consensus, de point de vue unanime qui se dégage des échanges entre ces gens. Le titre d'ailleurs est évocateur. On dit: "Au rythme des paris... ". Effectivement, au milieu de tout cela, au coeur de cette question, se trouve la question du pari mutuel.

J'aimerais savoir de la part du ministre, puisqu'il y a différentes possibilités qui ont été identifiées de différentes parts... Je sais, par exemple, que M. Marier, de Blue Bonnets, parle d'une certaine diversification des activités sur le site de Blue Bonnets pour faire en sorte qu'il y ait un intérêt plus grand autour du pari mutuel. D'autres ont parlé davantage d'une amélioration du côté fiscal pour faire en sorte qu'il y ait moins de ponctions par rapport aux entrées de fonds, toujours dans le pari mutuel. Il m'apparaît qu'il y a fondamentalement des questions à se poser autour de ce pari mutuel.

J'aimerais savoir de la part du ministre si sa réflexion est terminée, où il en est à l'égard de ce problème. J'aimerais que le ministre me dise si, dans sa réflexion, il regarde ou a regardé passablement du côté du pari mutuel quant à l'ajout d'activités qui impliqueraient du pari mutuel et qui pourraient peut-être arriver à créer un intérêt nouveau, parce que c'est évident que

l'intérêt a énormément baissé autour de l'activité du pari mutuel. Regarde-t-on la possibilité de créer un intérêt nouveau autour du pari mutuel? La question se pose, mais je n'ai pas de réponse précise encore à savoir si on ne pourrait pas effectivement arriver à valoriser à nouveau l'industrie des courses de chevaux par le pari mutuel, mais cela s'appliquerait aussi dans d'autres secteurs, comme cela a d'ailleurs été évoqué par M. Marier lui-même, le P. -D. G. de Blue Bonnets, sur cette question.

Peut-être, M. le ministre, que vous ne vous attendiez pas du tout à une telle question. Surtout si elle ne vient pas de l'Opposition, on peut penser qu'elle ne viendra jamais. Je vous prends peut-être un petit peu au dépourvu parce que votre budget est rempli de mesures de tout genre qui créent évidemment beaucoup d'intérêt. Il réapparaissait quand même que cette question valait la peine d'être posée. M. le ministre, donc, c'est ma question.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Duhaime: Je ne suis pas désarçonné. J'ai eu l'occasion de travailler sur le dossier de la SODICC, entre autres, et d'en parler aussi à plusieurs reprises avec le président de Loto-Québec, M. Lafaille. Je n'ai malheureusement pas pu rencontrer encore aujourd'hui M. André Marier qui, sernble-t-il, a des problèmes dans les opérations de la piste de Blue Bonnets. On va profiter de la présence de Mme la députée de Jonquière pour dire qu'à Jonquière aussi il se fait du pari en course. Il s'en fait aux Trois-Rivières. Il s'en fait à Québec. Il s'en fait à Montréal. À Sherbrooke, c'est terminé.

Vous avez raison. Une chose se dégage de vos propos, il y a effectivement une espèce de stagnation sur le plan des paris mutuels. Si je me base sur les revenus que nous en tirons depuis 1980-1981, c'est autour de 30 000 000 $ et cela a même diminué. Je vais vous donner quelques chiffres. En 1980-1981, 33 900 000 $; 1981-1982, 33 300 000 $; 1982-1983, 31 500 000 $; 1983-1984, 31 100 000 $; 1984-1985, 30 000 000 $. On prévoit pour l'an prochain 31 000 000 $. Ce phénomène est explicable... Est-ce que ça balance dans vos colonnes? Oui.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est chiffre à chiffre les mêmes montants que nous avons, M. le Président. (12 h 30)

M. Duhaime: Quand on ne demande pas à vos services de recherche de fricoter dans les données de Statistique Canada, on arrive sur les mêmes chiffres. De toute évidence la question qui se pose c'est qu'est-ce qui s'est produit sur ce marché? Ce n'est pas parce que nos concitoyens aiment moins les chevaux qu'auparavant mais il y a d'autres manières de gager aujourd'hui, acheter des billets de loterie, par exemple. Loto-Québec est en croissance, le 6/36, le 6/49, la Quotidienne, etc. Il y a même des Irlandais qui vendent encore des billets pour le Sweepstake, qui vendent cela sous le manteau, comme on dit. C'est un fait, c'est une constatation qu'il y a stagnation sur ce marché. Il faut dire cependant, pour ce qui est de Blue Bonnets, que la constatation qu'on doit faire, c'est qu'il n'y a pas eu beaucoup d'investissements dans les bonnes années. On aurait peut-être dû moderniser lorsqu'il y avait foule aux guichets des parieurs et aujourd'hui on se retrouve avec une moins bonne rentabilité, sinon l'obligation d'éponger les pertes. On m'a même dit que des Arabes voulaient se porter acquéreur de Blue Bonnets. Moi, je n'ai rien contre le fait que les Arabes viennent apporter des dizaines et des centaines de millions de dollars dans l'économie au Québec et promouvoir la qualité de nos juments et de nos étalons.

Vous savez qu'on a une société, à ne pas confondre avec les industries culturelles, c'est la SODICC, la Société de développement de l'industrie des courses de chevaux du Québec, qui, si mon souvenir est bon, a été mise sur pied par un gouvernement de l'Union Nationale. Il y avait le député de Saint-Maurice à l'époque, le docteur Demers, qui était vétérinaire de son métier et pour qui l'avenir et le sort des chevaux ont été une préoccupation constante toute sa vie. Il s'était beaucoup intéressé à ce projet, de sorte qu'aujourd'hui le développement de l'industrie des courses de chevaux reçoit encore une attention particulière de notre gouvernement.

Si vous vous référez au livre des crédits pour l'année 1985-1986, au budget du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, dans le sommaire des dépenses de transfert, à la page 5-13, vous allez voir qu'on va consacrer un montant de 6 667 000 $ au développement de l'industrie des courses de chevaux. Peut-être qu'on pourrait consacrer d'avantage, peut-être que, lors des ventes à l'encan des yearlings, on pourrait y mettre d'avantage d'argent, parce que c'est une constatation qu'il faut qu'on fasse, il y a moins d'intérêt chez les éleveurs de chevaux à garder leurs bons étalons ici au Québec. Ce qui se produit, c'est que ces animaux rares s'en vont vers l'Ontario ou dans le Kentucky ou même en Floride. Il y a des gens qui ont pensé qu'on ne pouvait pas élever des chevaux ici au Québec parce qu'il faisait 35°, 40°, 45° sous zéro. Moi, je voudrais témoigner moi-même que c'est faux, cela donne des étalons et des juments d'une robustesse incomparable. Le seul problème, lorsqu'ils se retrouvent à Meadows, en Floride ou en Virginie, pour des

animaux qui sont habitués à des hivers de -35°, -40° et qui sont obligés de courir leur mille à des températures très élevées durant l'été, à ce que les éleveurs m'ont raconté, c'est que nos chevaux cassent et, quand cela casse, ce n'est pas chanceux.

Je pense qu'il ne faut pas que l'on confonde l'établissement qui s'appelle Blue Bonnets avec l'ensemble de l'industrie des courses de chevaux au Québec, ce sont deux choses bien différentes. J'ai dit à M. Marier qu'aussitôt que le temps me le permettrait, lorsque j'aurai un peu de répit avec les travaux sur le budget, cela me ferait un plaisir extrême de le rencontrer et de parler de l'avenir des courses de chevaux et de l'industrie des courses de chevaux au Québec. Je n'ai pas pu le faire, je vais le faire probablement durant le mois de mai ou de juin.

M. Dussault: M. le ministre, j'ai évoqué tout à l'heure, avec beaucoup d'emphase, la question du pari. Vous-même vous l'avez fait ressortir en mettant cela en relation avec les autres formes d'implication des citoyens à l'égard des loteries, des choses de ce genre-là. Selon mes informations auprès de personnes très autorisées à en parler, les loteries québécoises, comme les autres loteries dans le monde, n'impliquent pas les mêmes clientèles. Il semblerait que c'est même passablement étanche et qu'on peut donc penser que, si on cherchait véritablement, du côté du pari mutuel, à créer un intérêt renouvelé, on ne le ferait pas sur le dos, si on me permet l'expression, de ceux qui, évidemment, ont pour mandat de valoriser la loterie et ce que ça peut rapporter à l'État.

Si j'étais ministre des Finances, c'est sûr que je me poserais la question à savoir si une valorisation peut être un peu tentée du côté du pari mutuel pour protéger une industrie qui comporte beaucoup d'emplois qu'il faut préserver. Comme ministre des Finances, je craindrais peut-être que cela ait un effet négatif sur les autres revenus. Mais il semblerait, selon des personnes autorisées, comme je vous le disais, qu'on ne touche pas les mêmes clientèles. Donc, on pourrait regarder avec beaucoup de sécurité de ce côté-là et, à ce moment-là, chercher s'il n'y a pas d'autres activités.

Je pense, par exemple, à M. Marier, la première fois qu'il a fait une déclaration publique sur sa façon de redresser la situation. Il avait été interviewé au réseau Radio mutuel et il avait évoqué la possibilité qu'on permette, d'abord - ça voudrait dire ouvrir le Code criminel - le pari mutuel sur autre chose que sur Ies chevaux. Il avait évoqué la possibilité qu'on permette le pari mutuel sur la pelote basque, par exemple, sport spectaculaire qui n'existe pas encore ici. Je pense qu'on devrait faire des efforts pour arriver à l'implanter parce que, sur le plan touristique, il y a un intérêt certain. Sur le plan du divertissement, ça ne ferait pas énormément concurrence à d'autres formes d'activité parce que c'est assez particulier. Lui, il disait qu'il y aurait peut-être la possibilité de faire quelque chose en termes de pari mutuel à partir d'une activité comme celle-là, et il ne fermait pas la porte à d'autres formes.

J'aimerais savoir, M. le ministre, si vos services ont regardé cette question, si c'est possible de la regarder, puisqu'il y a là tout un potentiel. Le pari mutuel pourrait être valorisé à nouveau par un autre biais, mais peut-être que, par ce biais, on arriverait à nouveau à créer une clientèle de pari mutuel, celle-là même qu'on pourrait appeler une relève, à toutes fins utiles. On m'a dit, pour avoir étudié la question assez profondément, que la clientèle des pistes de courses est une clientèle relativement âgée, une clientèle qui va depuis plusieurs années voir les courses de chevaux et qui en profite pour faire des paris. Mais les jeunes ne sont vraiment pas présents, loin de là, dans les hippodromes. En créant un intérêt nouveau autour du pari mutuel par d'autres formes d'activités, on arriverait peut-être à revaloriser l'industrie des courses de chevaux.

J'aimerais, si on n'a pas fait un travail profond à ce niveau, qu'on commence à regarder sérieusement cette possibilité, parce qu'il y a un potentiel de ce côté-là. Je ne vous demande pas d'élaborer votre pensée longuement, M. le ministre, mais, si votre réflexion n'est pas terminée sur la question, peut-être qu'il y aurait lieu d'y introduire cette dimension.

M. Duhaime: La pelote basque, c'est ce jeu que vous retrouvez en Floride, je pense, le jai alai?

M. Dussault: Oui, ce qu'on appelle le jai alai.

M. Duhaime: J'ai toujours trouvé ça très amusant, parce qu'il m'est arrivé d'aller y gager, et je n'ai pas encore su comment il se faisait que j'avais perdu un soir et comment il se faisait que, le lendemain, j'avais gagné.

M. Dussault: Pourtant, c'est la même forme de pari mutuel que pour les courses.

M. Duhaime: Oui. J'ai rencontré des gens qui sont intéressés à faire des démarches et qui ont commencé ces démarches, d'ailleurs, auprès du gouvernement fédéral pour obtenir des amendements au Code criminel afin d'introduire au Québec des courses de chiens.

M. Dussault: Des lévriers?

M. Duhaime: Les greyhounds, comme on les appelle dans le Sud.

M. Dussault: Dans l'autre langue aussi.

M. Duhaime: Je dois dire cependant que je reproduis essentiellement une conversation que j'ai eue avec le président de Loto-Québec, M. Lafaille, sur ce sujet-là. Il y a un marché d'établi à l'heure actuelle, qui existe et qui est en croissance sur tout ce qui s'appelle pari. Que l'on achète au comptoir de Loto-Québec un 6/36 ou un 6/49 ou la Quotidienne, ou que l'on gage en piste sur les courses de chevaux, il semblerait que, si le Code criminel était amendé et qu'on aménageait un endroit où il y aurait des courses de lévriers, il n'y aurait pas élargissement de l'argent qui serait parié, mais ce serait un peu moins de billets de Loto-Québec qui seraient vendus, un peu moins d'argent qui serait gagé sur les pistes de courses de chevaux pour aller sur les courses de chiens. Je ferais le même raisonnement pour ce qui est du jeu basque.

On est un peu à l'intérieur de vases communicants. Aujourd'hui, il est moins à la mode d'aller se promener à Nice sur la promenade des Anglais avec un parapluie, même s'il fait beau soleil. Ce sont des modes passées. Boussac, lorsqu'il était à la tête de son empire, se targuait d'avoir les meilleurs chevaux de courses au monde. C'était la même chose pour l'Aga Khân et cela a été la même chose pour beaucoup de personnes, mais c'est une vogue en décroissance, si je puis dire. Il n'appartient pas, à mon sens, au gouvernement d'aller s'introduire dans un secteur comme celui-là. Si les propriétaires des pistes de courses de chevaux, qui dans certains cas sont des municipalités - la piste de courses de Trois-Rivières appartient à la ville de Trois-Rivières... Mme la députée de Jonquière nous indiquait tantôt que c'est une corporation ou une coopérative qui l'exploite. Alors, s'il y a des problèmes à Blue Bonnets, soit, mais la question qu'il faudrait voir: Est-ce que l'entreprise n'a pas elle-même été défaillante quand les années étaient belles et que la moisson était abondante? N'aurait-on pas dû profiter de cette époque-là pour rajeunir les installations? Tout ce monde qui entre sous le vocable général des hommes à chevaux est un monde assez spécial. Vous avez raison de noter qu'ils prennent de l'âge. C'est un métier très difficile et qui demande des immobilisations sur de longues années. Vous pouvez élever 25 chevaux avant d'avoir un gagnant.

La seule consolation que je pourrais vous donner, c'est que non, effectivement, ma réflexion n'est pas terminée mais, si elle se poursuit dans la même voie que je l'ai entreprise, je ne pense pas que l'on va déboucher sur un gros lot dans ce dossier. Je pense que ce que l'on fait à l'heure actuelle avec les revenus du pari mutuel, il y a tout près de 6 000 000 $ recyclés à travers la SODICC sous forme de soutien à l'entreprise, à l'industrie chevaline des courses. Peut-être qu'on pourrait faire davantage, mais il faudrait que l'on reçoive les signaux de l'entreprise privée que ce côté-là on est prêt à prendre des risques beaucoup plus élevés que de simplement demander un rendez-vous avec un ministre des Finances pour lui dire: Voici mon problème. Est-ce que je pourrais avoir une subvention?

M. Dussault: M. le Président, je perse que le ministre a bien compris que mon intervention ne voulait pas être celle d'un homme public qui veut se mettre à la remorque d'un propriétaire d'une piste de courses de chevaux en particulier. Je le disais dès le début, ma préoccupation est d'abord et avant tout celle de préserver des emplois qui seront de plus en plus menacés si les choses continuent comme elles vont. C'est sûr qu'il y a un dynamisme qui va devoir être autre de la part des gens concernés pour qu'il y ait amélioration de leur sort. C'est pour cela que j'avais pris la question carrément par le biais de la question du pari mutuel, parce que de toute évidence il y a là une perte d'intérêt énorme pour cette forme de divertissement, selon ce qu'on m'a dit parmi les personnes auprès desquelles vous allez vous-même vous renseigner, M. le ministre. Elle est relativement étanche cette clientèle concernée par le pari mutuel par rapport à celle concernée par la loterie. C'est pour cela que je me suis permis d'insister et que je continue à croire qu'il y a lieu de regarder très profondément cette question par ce biais. (12 h 45)

Le Président (M. Lachance): M. le député de Châteauguay, votre temps est écoulé.

M. Dussault: J'achève, M. le Président. Il m'apparaît qu'il y a là un potentiel qui n'est pas un potentiel uniquement pour la question des courses de chevaux, mais qui est aussi un potentiel dans d'autres secteurs. J'aurai sans doute l'occasion, un autre jour, de revenir sur cette question et peut-être d'élaborer davantage puisque mon temps est terminé.

Je vous remercie, M. le ministre. Je pense que, déjà, vos propos sont éclairants et ce qui me console, c'est que vous me dites que votre réflexion n'est pas terminée. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): II reste treize minutes pour terminer la période de temps, après entente. Alors, c'est Mme la députée de Jonquière qui va avoir le privilège de terminer ce dernier bloc de

temps.

Fiscalité et condition féminine

Mme Saint-Amand: Je vous remercie, M. le Président. Justement comme tout le monde se préoccupe du temps qui file et comme j'aimerais bien avoir des réponses aux questions que j'ai apportées pour le ministre, je vais y aller d'une façon très précise, très claire avec les quelques questions que je soulèverai. J'aurais pu aussi parler de différents points au sujet desquels j'ai entendu certains propos ce matin et qui touchent également la circonscription électorale de Jonquière, qui sont aussi une préoccupation pour les citoyens de Jonquière. Je me limiterai au dossier de la condition de vie des femmes, parce que des points importants ont été touchés dans le dernier budget. L'inquiétude est grande, je n'ai pas l'intention de reprendre les propos qui ont été dits par la présidente du Conseil du statut de la femme qui a fait une critique assez sévère des mesures touchant les femmes qu'on retrouve à l'intérieur du budget.

Ma première question porte sur l'exemption de personnes mariées. On sait qu'à venir jusqu'à maintenant une femme avait le droit de gagner une somme aussi minime que 1420 $ dans une année, plafond qu'elle avait droit d'atteindre sans affecter les crédits d'impôt que son époux avait, parce que son épouse dépendait de lui financièrement. On sait que la grande préoccupation des femmes est, depuis quelques années déjà, et c'est accentué depuis un an surtout, la recherche d'une certaine sécurité économique, sinon une autonomie financière vers laquelle elles tendent.

De plus, ce montant, si minime soit-il, permettait à certaines femmes de garder un contact direct, même si c'était pendant une très courte période de l'année, avec le monde du travail. Avec les mesures annoncées par le ministre, c'est-à-dire l'égalisation de l'exemption personnelle de base et l'exemption de personnes mariées, les femmes perdent ce droit de gagner 1420 $ par année sans affecter les crédits d'impôt de leur époux. Le ministre, sur ce point précis, a-t-il réfléchi à la question et a-t-il réalisé qu'en abolissant ainsi ce plafond de gain d'emploi on pénalise grandement la femme mariée? C'est ma première question. J'aimerais poser les autres au ministre en espérant une réponse à chacune de ces questions à la fin de mon intervention.

La deuxième question est à l'égard d'un premier enfant d'une famille monoparentale. Le ministre annonçait que l'exemption à l'égard d'un premier enfant pour une famille monoparentale serait indexée. J'aimerais savoir de la part du ministre à quel moment il entend l'indexer. Est-ce que c'est en 1988, en 1989, en 1987 ou en 1986? J'aimerais avoir une réponse assez précise là-dessus également.

En ce qui concerne le régime d'allocations familiales, beaucoup de choses ont été dites sur le sujet et il en reste encore beaucoup à dire tant de la part des femmes que de la part de tous ceux qui ont critiqué et qui auront encore à continuer de critiquer ce point sur le budget. Vraiment, j'aimerais savoir de la part du ministre s'il entend réajuster les mesures en ce qui concerne l'effet néfaste de ce budget sur les allocations familiales qui nous donnent l'impression qu'on donne d'une main et qu'on reprend des deux mains. N'aurait-il pas été préférable, avant de toucher aux mesures qui visent les allocations familiales, d'attendre qu'elles soient discutées en commission parlementaire? Ce sont mes questions, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, on va essayer de prendre les trois problèmes soulevés par Mme la députée de Jonquière dans l'ordre. La première chose: Est-ce que la modification au sujet de l'abolition du seuil de revenu de 1420 $ pénalise? Je crois qu'il faut voir cet élément dans l'ensemble du réaménagement. Cela me fait toujours un peu sourire quand les gens me disent: Le ministre des Finances donne d'une main et reprend de l'autre.

Mme Saint-Amand: Vous prenez des deux mains.

M. Duhaime: Vous devriez plutôt dire que j'ai donné des deux mains pour ne reprendre que d'une seule main. Peu importe la manière dont on le regarde, c'est un réaménagement et c'est comme cela qu'il faut le voir.

Ce que j'ai introduit dans le budget, pour ce qui est des femmes, me paraît une compensation encore plus généreuse que ce qui existe dans le système actuel et je voudrais vous l'expliquer. J'ai eu l'occasion de rencontrer Mme Francine McKenzie la semaine dernière. Je ne sais pas ce qu'elle va faire de l'échange de propos que nous avons eu. J'étais accompagné de plusieurs de mes hauts fonctionnaires et nous lui avons fait voir les avantages ou, encore, les facettes de ce réaménagement fiscal qui est proposé dans le budget et qui, à première vue, étaient inapparents.

Par exemple, il y a une hausse importante de la déduction pour les frais de garde pour les enfants d'âge préscolaire; elle augmente de plus de 75 %. Cela devrait rendre plus intéressante la réintégration des femmes sur le marché du travail. C'est la

même chose pour ce qui est de ta déduction générale pour les frais reliés à l'emploi. Dans le système actuel, c'est un maximum de 500 $, mais 3 %. Quand on dit que c'est 6 % en conservant le maximum de 500 $ qui est porté ensuite à 600 $ et à 750 $ l'année suivante, cela veut dire quoi? Cela veut dire que plutôt que d'attendre un revenu de 16 666 $ pour avoir droit à 500 $, à partir de 8333 $, vous avez droit à 500 $, ce qui est à peu près 6 %. Je crois que c'est un pas dans la bonne direction.

Il faut dire aussi que 1420 $, ce n'est pas beaucoup d'argent sur une base annuelle; il n'y a personne qui va travailler 50 semaines pour ce travail. 1420 $, c'est sans aucun doute une rémunération pour du travail à temps partiel ou, encore, pour du travail à temps plein mais pendant quelques semaines et, dans certains cas, pendant quelques mois selon le niveau de rémunération. Cependant, on doit reconnaître que l'exemption de conjoint a été augmentée de 600 $, ce qui fait un impact net de 820 $ sur l'exemption lorsqu'il y a un revenu.

C'est dans ce sens qu'il faut lire le réaménagement fiscal proposé dans le discours sur le budget, dans un scénario d'ensemble, et non pas en prenant des morceaux plus ou moins épars les uns par rapport aux autres. Pour caricaturer peut-être un peu votre expression, il faut regarder ce que le budget donne de la main gauche, mais aussi ce que la main droite fait. C'est un réaménagement qui fait qu'au total, si on veut être logique, je doute personnellement qu'il y ait tout ce charivari ou ce chambardement dans les ménages pour la somme de 820 $ sur une base annuelle; cela me paraît un peu exagéré.

Pour ce qui est du premier enfant, le budget introduit qu'à partir du 1er janvier 1986 non seulement les allocations familiales vont-elles être maintenues, mais nous introduisons l'exemption pour enfant à charge. Pour le premier enfant, c'est 1870 $; pour le deuxième enfant, c'est 1370 $ et, pour le troisième enfant, c'est 1370 $, etc. La question qui se pose, c'est comment cela va-t-il fonctionner? Je voudrais donner un exemple bien précis et bien concret pour voir la mécanique de cela. Les mères de famille qui reçoivent des allocations familiales vont continuer de recevoir leurs allocations familiales, de la même manière que les mères de famille du Québec qui ont des enfants de moins de six ans vont continuer de recevoir l'allocation de disponibilité de 300 $ pour le premier, de 200 $ pour le second et de 100 $ pour les suivants. Cela n'est pas imposable. Cela est maintenu intégralement dans le discours sur le budget.

Prenons la situation d'un contribuable salarié qui est marié et qui a deux enfants. L'effet du budget n'aura pas lieu en 1987, comme on l'entend dans certains discours de nos amis d'en face, mais dès la première paye de janvier 1986. Pourquoi? C'est par le mécanisme des retenues à la source. Prenez quelqu'un qui gagnerait 30 000 $, qui est marié et qui a deux enfants. Actuellement, sur une base de 26 périodes de paie, ses retenues à la source pour chaque paie vont être de 147, 96 $. Avec l'introduction de l'exemption pour enfants à charge, à partir du 1er janvier 1986, la retenue à la source va être diminuée de 29, 55 $ par paie. Qu'est-ce qu'on va ajouter à cela? C'est ce que j'essaie d'expliquer et de faire comprendre au député de Vaudreuil-Soulangps, qui le comprend très bien de toute façon, soyez sans inquiétude: c'est qu'on va prendre en compte les allocations familiales qui sont versées à la conjointe qui est mère de ces enfants-là. Dans l'exemple que j'ai ici, cela voudrait dire 8, 51 $ par deux semaines, de sorte que le total des retenues à la source par période de paie, en tenant compte de l'exemption pour enfants à charge et du versement qui est effectué à la mère pour les allocations familiales - on parle toujours du même ménage - le total des retenues à la source sera de 126, 92 $ au lieu de 147, 96 $. Cela va se faire à chacune des 26 paies tout au long de l'année.

Quand va arriver le temps de déposer son rapport d'impôt pour l'année d'imposition 1986, le calcul qu'on va faire est très simple. On va dire: quel est le montant des acomptes qui ont été versés au chapitre des déductions à la source? Dans le cas qui nous occupe ici, si vous prenez 126, 92 $ que vous multipliez par 26 périodes de paie, cela va faire 3299, 92 $. Des allocations familiales ont été versées pour 211, 26 $, ce qui vous donne un total d'acompte net de 3078, 66 $. Et le solde des impôts à payer est exactement égal à zéro. Ce contribuable à 30 000 $ aura bénéficié du réaménagement de l'impôt sur le revenu des particuliers dans le système tel qu'on le connaît.

J'ajoute également que, non seulement ce réaménagement fiscal maintient les allocations familiales, mais celles-ci ne sont pas imposables par le gouvernement fédéral. Oui parce qu'elles sont considérées comme étant des crédits de taxes ou des crédits d'impôt, prenez-le en sens inverse si vous voulez. Nous sommes absolument convaincus là-dessus. C'est ce que j'ai répondu au député de Vaudreuil-Soulanges. C'était peut-être une réponse induite, mais c'était une réponse très claire: Pour que les allocations familiales du Québec, dans cette proposition, deviennent imposables par le gouvernement fédéral à partir du 1er janvier 1986, il faudrait que le ministre fédéral des Finances soit très explicite dans le budget qu'il va déposer. Il devait le déposer le 20 mai; les journaux du matin nous annoncent que ce sera le 23 mai, alors on va attendre au 23.

Si vous me permettez, M. le Président, je voudrais ajouter un deuxième élément.

Le Président (M. Lachance): En terminant, M. le ministre.

M. Duhaime: Je comprends qu'on a commencé très tôt ce matin.

Fondamentalement, sur le plan des ménages, il y a une femme sur deux qui travaille, n'est-ce pas? Il y a une femme sur deux qui est au foyer. Allez à la page...

Le Président (M. Lachance): Celles qui sont au foyer travaillent aussi, n'est-ce pas, M. le ministre?

M. Duhaime: Absolument. Si ma mère m'entendait, elle serait scandalisée, mais vous avez très bien saisi ce que j'ai voulu dire.

Le réaménagement fiscal qui est proposé dans ce discours sur le budget, son premier objectif - je pense que cela devrait être très clair - est de faire en sorte que des couples avec enfants, un enfant, deux enfants, trois enfants, cessent de payer des impôts sur le revenu des particuliers sur la partie du revenu qui leur est nécessaire pour répondre aux besoins essentiels, alors que, dans le système, aujourd'hui... Je vais vous donner un seul exemple, M. le Président. Je sais que votre estomac crie: Â la cuisine! Nous y allons de ce pas. En 1985, pour un couple avec deux enfants, un revenu de travail, les besoins essentiels de ce ménage étaient établis à 12 690 $ et, pourtant, cette famille payait de l'impôt sur le revenu des particuliers à partir de 9241 $. Cela voulait dire quoi? Cela veut dire que notre régime fiscal envoyait un compte d'impôt à ce ménage sur une partie de son revenu qui lui est nécessaire pour satisfaire à ses besoins essentiels. Cela me paraît être la première chose que le budget que j'ai déposé à l'Assemblée nationale vient corriger. Vous regarderez la projection pour n'importe quel genre de ménage, puisque, pour des fins d'impôt, on dit qu'une personne qui est célibataire, c'est un ménage. Un couple sans enfant, c'est un ménage, un couple avec un, un couple avec deux, etc. Mais vous allez voir que, dans tous les cas et sur la projection 1986, 1987, 1988, pour chaque catégorie de ménage, aucun d'entre eux n'est redevable à l'impôt sur le revenu des particuliers tant et aussi longtemps que ses besoins essentiels ne seront pas satisfaits, et les niveaux des exemptions ont été ajustés à 1 $ ou à 3 $ près.

J'ajoute aussi que, le calcul des besoins essentiels étant maintenant indexé, il va de soi que le niveau des exemptions va aller en s'harmonisant là-dessus. Un des premiers principes, il me semble, d'un système fiscal dans son équité est de faire en sorte de laisser à nos concitoyens la partie de leurs revenus qui leur est nécessaire pour combler leurs besoins essentiels. C'est le premier principe du réaménagement de la fiscalité qui est proposé. Il n'y a absolument rien dans ce budget - je l'ai dit à Mme McKenzie et je l'ai dit à d'autres aussi - par rapport à la situation de 1985, qui pénalise les femmes, qu'elles soient au foyer ou qu'elles soient à l'extérieur du foyer pour travailler. Si vous êtes capable de me faire des chiffres là-dessus qui iraient dans le sens contraire de ce que je propose, je suis prêt à vous écouter. Ce que j'ai dit à Mme McKenzie, c'est qu'on ne réglera pas toute la question de la condition féminine et de l'autonomie financière des femmes, qu'elles soient au foyer ou qu'elles soient au travail, par le seul biais de la fiscalité. Cela m'apparaît une évidence. Est-ce qu'on ne pourra pas amener d'autres mesures pour faire en sorte que l'autonomie financière des femmes soit accentuée? Sans aucun doute, mais par le seul biais de la fiscalité, je vous donne mon point de vue bien personnel, j'ai de forts doutes qu'on puisse régler toute cette question.

Mme Saint-Amand: Oui, brièvement, M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Mme la députée, j'aurais besoin du consentement des membres de la commission pour terminer.

M. Duhaime: Oui, moi, je n'ai pas de problème.

Le Président (M. Lachance): Oui, cela va?

Mme Saint-Amand: C'était juste un dernier...

M. Duhaime: Quant à commencer à 9 heures, on peut bien finir à 13 h 30.

Mme Saint-Amand:... commentaire, M. le Président. Ce que M. le ministre considère comme des avantages qui compensent amplement ce que nous considérons comme des inconvénients pour les femmes dans son budget, cela touche effectivement les femmes, mais celles qui sont sur le marché du travail d'une manière régulière et celles qui ont de jeunes enfants de moins de six ans, qui bénéficieront de certains avantages, on le reconnaît. Les femmes qui sont pénalisées par le budget du ministre des Finances sont les femmes qui sont au foyer. Ce sont celles qui n'ont plus de jeunes enfants, qui ne bénéficient donc pas des avantages des services de garde et autres qui peuvent s'y rattacher et ce sont celles qui n'ont pas de contacts réguliers avec le marché du travail,

sauf sur une courte période par semaine, par mois ou par année qui leur permettait d'avoir un revenu d'au moins 1420 $ par année sans affecter celui de leur mari. Les femmes, les travailleuses au foyer dont c'était le seul contact avec le marché du travail se sentent grandement lésées et pénalisées économiquement par cette mesure de l'abolition du plafond de 1420 $.

M. Duhaime: Je vais répondre ceci. Je pense qu'il n'appartient pas à l'État d'entrer dans chacun des ménages. Pendant trop d'années, on a eu l'État un peu partout dans nos affaires. Êtes-vous en train de me dire sérieusement que le fait de porter vers le haut le seuil d'imposition nulle et, en même temps, d'augmenter le revenu disponible des ménages... Je vous renvoie au discours sur le budget, à la page A-26 de l'annexe. Pour un couple ayant un seul revenu de travail de 15 000 $, avec deux enfants de moins de 12 ans, le régime fiscal va accorder à ce couple 324 $ de plus. Pour un couple avec deux enfants, de 6 à 11 ans, deux revenus de travail dont l'un des deux est de 20 000 $ pour un combiné de 30 000 $, le revenu disponible va augmenter de 533 $. À 35 000 $, cela augmente de 365 $. Je ne peux pas voir en quoi c'est pénalisant. Une femme qui décide d'aller travailler, dans le système que j'ai proposé, a une exemption de base, l'exemption de base pour personne mariée, qui est augmentée; l'exemption pour enfant à charge est introduite, pour 1870 $; pour le deuxième enfant, c'est 1370 $, etc.

Votre problème, c'est ceci: une personne qui n'a plus d'enfant à charge, si je vous ai bien comprise, ne bénéficierait pas d'un paiement de transfert au titre des allocations familiales ou autres. En quoi est-elle pénalisée si elle décide d'avoir accès au marché du travail? Par le fait qu'elle va devoir s'entendre avec son conjoint et dire: Si je vais gagner sur le marché du travail, cela va te faire un peu plus d'impôt à payer? Je pense que, dans la vie de tous les jours, ce n'est pas tout à fait comme cela que cela se passe dans les ménages. Si on regarde les choses en disant qu'il faut que chaque conjoint à l'intérieur de chaque couple soit autonome financièrement, peut-être que c'est un objectif. Mais ce que je réponds, c'est que je ne vois pas encore pourquoi ce serait l'Etat, qui n'a rien à voir dans nos familles de toute façon, qui viendrait se mettre le nez là-dedans et effectuer des paiements de transfert sur la base d'exemptions additionnelles.

Ce que j'ai retenu dans le document qui a été rendu public par le Conseil du statut de la femme, c'est ceci: plutôt que d'accorder l'exemption au mari qui travaille, on devrait, soit faire un paiement de transfert à la conjointe dans le cas où elle est au foyer mais qui ne reçoit pas de rémunération à l'extérieur... Moi, j'évoque tout de suite les limites à l'intervention de la fiscalité pour régler ce genre de problème. C'est impossible.

Le Président (M. Lachance): Comme le temps imparti a été utilisé, je remercie le ministre des Finances ainsi que mesdames et messieurs les députés pour leur collaboration. La commission du budget et de l'administration ajourne donc ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 9)

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