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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Wednesday, May 15, 1985 - Vol. 28 N° 20

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur le projet de loi 37 - Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de l'administration se réunit ce matin avec le mandat de procéder à une consultation particulière portant sur le projet de loi 37, Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Baril (Arthabaska) sera remplacé par M. Lafrenière (Ungava), M. Blank (Saint-Louis) sera remplacé par M. Pagé (Portneuf), M. Caron (Verdun) sera remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges) sera remplacé par M. Ryan (Argenteuil).

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le secrétaire. Selon une entente qui a été conclue entre les deux formations politiques pour les travaux de cette matinée, il y aura d'abord l'Association des hôpitaux du Québec comme premier groupe et, ensuite, un deuxième groupe formé de l'Association des centres d'accueil du Québec, de l'Association des centres de services sociaux du Québec, de l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec et, finalement, de la Fédération des centres locaux de services communautaires du Québec.

J'inviterais maintenant M. le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor pour des propos préliminaires.

Déclarations d'ouverture M. Michel Clair

M. Clair: Merci, M. le Président. Ce sera très bref comme propos d'introduction à cette commission parlementaire puisque cette commission se tient pour entendre deux grands groupes, des associations patronales et des associations syndicales des secteurs public et parapublic, sur la réforme du régime de négociation et non pas pour discuter en commission parlementaire, article par article, du projet de loi, ce que nous aurons l'occasion de faire prochainement.

Je voudrais simplement, dans un premier temps, souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des hôpitaux du Québec, de même qu'aux autres associations patronales qui sont présents ici ce matin, mais aussi souhaiter la bienvenue aux parlementaires et à tous ceux et celles qui suivent le processus de révision de la réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic.

Je voudrais dans un premier temps rappeler que nous avons tenu une commission parlementaire il y a quelques mois sur l'avant-projet. Depuis ce temps, les représentants du gouvernement ont eu l'occasion de rencontrer les représentants tant des associations patronales que des associations syndicales à de multiples reprises. En fait, il y a eu quatre rencontres avec les représentants des associations syndicales qui se sont regroupées dans une coalition, comme chacun le sait. Ces rencontres-là avaient eu lieu à la demande des associations syndicales et le gouvernement avait décidé de tenir ces rencontres même si, à l'exception de la CSN, les autres centrales avaient refusé de participer aux travaux de la commission parlementaire. Le gouvernement a considéré approprié, compte tenu de l'importance des enjeux, de rencontrer quand même ces associations syndicales. Bien sûr que nous avons eu, d'autre part, de nombreuses rencontres avec les représentants des associations patronales.

Nous en sommes maintenant à la fin d'un processus de consultation, de révision du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic qui aura duré près de deux ans, où tout le monde a eu l'occasion de se faire entendre. Le gouvernement en a, quant a lui, tiré des conclusions qui se sont matérialisées dans le contenu d'un projet de loi qui est présentement devant l'Assemblée nationale. En d'autres mots, après un processus de consultation qui a duré deux ans, le gouvernement a maintenant fait son lit et a concrétisé dans un projet de loi ses intentions, ses orientations quant à une réforme du régime de négociation.

Cependant, compte tenu du fait qu'il y a eu des modifications substantielles par rapport à l'avant-projet de loi, d'une part, et que, d'autre part, les parlementaires n'avaient pas eu, quant a eux, l'occasion d'entendre une dernière fois le point de vue des associations patronales et syndicales, j'ai moi-même proposé qu'une commission

parlementaire restreinte, du genre de celle que nous commençons aujourd'hui, se tienne afin, justement, d'offrir la chance une dernière fois aux parlementaires des deux formations politiques et également aux députés indépendants de recueillir le point de vue des associations patronales et syndicales, puisque, encore une fois, d'autres rencontres ont eu lieu entre les représentants du gouvernement et les représentants des associations concernées en dehors des travaux de la commission parlementaire qui s'étaient tenus il y a quelques mois.

Inutile de vous dire, M. le Président, que je suis très heureux que les représentants tant des associations patronales que des associations syndicales aient décidé de venir communiquer leur point de vue aux parlementaires, aux membres de l'Assemblée nationale.

Ce sont là les commentaires préliminaires que je voulais faire. Je termine, encore une fois, en souhaitant la bienvenue à tous ceux et celles qui s'intéressent à cette réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les membres de la commission, MM. les représentants de l'Association des hôpitaux du Québec, à qui on souhaite la plus cordiale bienvenue aujourd'hui, voici qu'en ce beau matin du 15 mai s'amorce une nouvelle fois, à l'Assemblée nationale du Québec, un débat et un échange qui, on l'espère, seront utiles parce qu'ils sont importants et qu'ils touchent l'ensemble du régime des négociations dans les secteurs public et parapublic.

Comme le ministre l'a indiqué, nous avons été conviés à quelques reprises depuis deux ans à des échanges sur ce sujet qui fait oeuvre de premier plan, si je peux utiliser le terme, dans l'appareil de l'État et du gouvernement du Québec. Essentiellement, une commission a siégé, comme on le sait, en 1984. L'avant-projet de loi a été déposé de façon assez expéditive et assez surprenante, si on peut utiliser le terme, parce que la majorité des intervenants ne prévoyait pas le dépôt d'un tel projet de loi à quelques jours de la fin de la session de décembre dernier. C'est un avant-projet qui a été étudié en commission parlementaire et où quelques-uns de ceux qui nous font l'honneur de leur présence pendant ces deux jours sont venus témoigner devant nous.

Le gouvernement du Québec, par la voix de son ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor, a eu l'occasion d'avoir des échanges avec ceux qui étaient en désaccord avec ce projet de loi, tant et si bien qu'il y a quelques semaines le ministre déposait un projet devenu définitif, le projet de loi 37, à l'Assemblée nationale.

Tous les membres de l'Assemblée nationale et tous les intervenants semblent unanimes à soutenir que cet exercice de modification de votre régime de négociation dans les secteurs public et parapublic doit se faire. Tous les parlementaires sont unanimes à souscrire à cette volonté que les négociations entre l'État et ses employés se fassent à partir de nouvelles mentalités et avec l'ultime objectif de mettre fin aux luttes stériles et aux affrontements qui ont été coûteux non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour le gouvernement et surtout pour la population du Québec.

Autant on a, d'une part, une volonté gouvernementale de modifier ce régime de négociation de façon significative, autant, il faut en convenir, on a un intérêt clairement manifesté chez les travailleurs et les travailleuses de s'associer à une démarche qui modifierait de telles règles. Jusqu'à maintenant, ces deux volontés ne se sont pas rejointes; cependant, le message gouvernemental est clair, précis et l'État a certaines obligations.

Très brièvement, M. le Président, parce que je veux qu'on profite du plus de temps possible pour écouter ceux qui interviendront, je me dois de rappeler certains des éléments qu'on avait abordés, M. le ministre et moi, lors de la commission parlementaire qui a étudié l'avant-projet de loi.

Nous sommes d'accord et nous souscrivons au principe qu'un gouvernement comme le gouvernement du Québec se doit de rechercher un équilibre budgétaire, d'où l'importance de cette approche nouvelle au chapitre de l'établissement de la rémunération et cette volonté qu'a manifestée le gouvernement d'intervenir à ce niveau. On sait que la situation budgétaire et financière du Québec est très discutable. Le gouvernement, après neuf ans d'administration, vient de constater l'obligation qu'on a comme société d'aligner, de tenter de faire en sorte que soient comparables les revenus payés dans le secteur public par rapport à ce qui se fait dans le secteur privé. Il faut en convenir, c'est le secteur privé qui alimente les coffres du gouvernement.

L'avant-projet de loi, en ce qui concerne la façon dont sera établie la rémunération, contient des éléments qu'on juge, quant à nous, très intéressants, M. le ministre. L'Institut de recherche sur la rémunération, le bureau qui sera chargé d'établir ou de formuler des recommandations, ce bureau dit paritaire, nous avions souhaité qu'il soit le plus

crédible possible et qu'il ait le plus d'autorité possible. C'est avec beaucoup d'intérêt qu'on voit cette nouvelle structure qui se distinguera et de beaucoup du Conseil du trésor antérieurement.

Cependant, c'est avec surprise - je dois en convenir - que j'ai pris connaissance par la lecture du projet de loi, dès son dépôt, des modifications que vous avez apportées en regard du droit à la grève pour la question de la rémunération. Je me suis permis de lire longuement et à quelques reprises votre déclaration du 29 janvier 1985. Le Journal des débats c'est un bon livre de chevet. Vous disiez en commission parlementaire, à la page CBA-125: "Quatrièmement - et c'est le ministre Clair qui parle - un régime équilibré devrait prévoir que le gouvernement n'est pas appelé, une fois tous les trois ans, à négocier son niveau de déficit ou de taxes et ses priorités gouvernementales avec les seuls représentants des employés des secteurs public et parapublic". Vous savez, c'était clairement exprimé que le droit à la grève ne devait plus prévaloir en regard de la rémunération, mais vous l'avez réintroduit. J'ose croire que l'échange qu'on aura avec nos intervenants pourra nous permettre de faire préciser plusieurs des aspects du projet de loi par le ministre.

On doit porter à l'attention en même temps - même si cela peut paraître conflictuel, c'est quand même conciliable -d'une part, l'équilibre des comptes du gouvernement et aussi l'obligation' qu'a le gouvernement comme État employeur de se comporter comme un bon citoyen à l'égard de ses employés.

Je rappellerai au ministre l'écueil qui guette le gouvernement quel qu'il soit: toute tentative de rapprochement du public avec le privé risque de causer un préjudice coûteux et de faire mal à ces milliers de travailleurs et travailleuses qui oeuvrent dans les secteurs public et parapublic et pour qui les conditions de travail et les niveaux de rémunération doivent être évalués. À cet égard, je me limiterai à référer le ministre aux propos de Mme la vice-présidente de la CSN, propos très intéressants. C'est un écueil qui devra être surveillé par le gouvernement quel qu'il soit.

Nous avons été surpris, dans notre groupe parlementaire, de voir le ministre affirmer clairement dans son communiqué de presse - je termine bientôt - la primauté du droit aux services de santé. Je me suis dit: II reprend les termes exacts du programme de notre formation politique, j'espère qu'il ira jusqu'au bout et qu'il acceptera les mesures qu'on propose. Or, force nous est de constater qu'il a pris le libellé, qu'il a pris l'intention, mais qu'il n'est pas allé jusqu'au bout; il nous propose une mécanique sur laquelle il sera très certainement utile de discuter avec nos visiteurs ce matin, une mécanique en vertu de laquelle un pourcentage de travailleurs devront maintenir les services en cas de conflit.

Un point important dans cette loi, la décentralisation. Il faut retenir que plusieurs souhaitent une décentralisation. Il faut retenir, cependant, que les matières ainsi décentralisées ne feront pas l'objet d'un recours à la grève. Il faut retenir aussi que certaines des instances qui se voient attribuer un pouvoir au niveau local ou régional, n'ont pas de pouvoir de taxation. Ce sont là deux éléments importants dans ce débat.

Enfin, le ministre propose, par son projet de loi, des modifications substantielles aux pouvoirs du Conseil des services essentiels. C'est avec beaucoup d'intérêt qu'on accueille ces dispositions. Nous sommes franchement convaincus que sur ce point particulier on pourra probablement s'entendre. Encore une fois, force nous est de constater que vous avez très certainement regardé dans le devoir d'à côté, parce que c'est le même gouvernement que celui qui a déposé ce projet de loi qui qualifiait, il y a quelques mois, les propositions de notre chef, M. Bourassa, en regard de celles du gouvernement, d'un marteau automatique. Or, c'est ce que l'on retrouve dans le projet de loi déposé par le ministre. Alors, c'est très intéressant.

M. le Président, en terminant, les deux journées qui s'amorcent sont des journées importantes. On ose croire et espérer que ce projet, même s'il a été mal conçu... Car il faut se souvenir à partir de quoi il a été conçu. Il a été conçu à partir des lois 70 et 68 en 1982, à partir de la loi 105 en 1982. Il a été conçu à partir d'un échange qui a porté pendant beaucoup de temps sur les effets des coupures budgétaires, entre autres, dans le réseau de la santé et sur l'effet des décrets, entre autres, dans le réseau de l'éducation.

Le gouvernement a une dernière chance d'aller chercher un consensus avec les représentants des travailleurs. Quant à nous, on espère et je souhaite, au nom de notre groupe, qu'on fera oeuvre utile. Faire oeuvre utile, cela ne veut pas dire pour le gouvernement déposer son projet de loi, écouter les gens qui viendront, puis refermer les livres et maintenir son projet de loi tel qu'il a été déposé. (10 h 30)

J'interprète l'interaction qu'on vivra dans les deux prochaines journées comme voulant probablement dire des modifications au projet de loi tel qu'il a été déposé. On espère qu'on fera oeuvre utile. Car si le gouvernement est venu ici seulement par acquit de conscience pour entendre les parties et maintenir fermement ses positions dans le projet de loi 37, encore une fois ce sera peut-être, cela aura été

malheureusement une commission parlementaire qui n'aura pas fait oeuvre utile.

M. le Président, nous sommes ici jusqu'à tard ce soir. Je suis persuadé que le débat sera serein et qu'on sera capable d'échanger pour bonifier ce projet de loi, si besoin est, et si par surcroît il y a consensus. Merci.

Auditions

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député. J'invite maintenant le porte-parole de l'Association des hôpitaux du Québec, M. Florîan Brissette, à nous présenter les personnes qui l'accompagnent, en lui indiquant que nous aurions, dans le partage du temps, jusqu'à 11 h 45 pour échanger.

Association des hôpitaux du Québec

M. Brissette (Florian): M. le Président, je voudrais que vous excusiez l'absence de notre président, M. Brousseau, qui est retenu à Montréal. Comme probablement l'ensemble des membres de la commission le savent, c'est le congrès annuel de l'Association des hôpitaux et l'ouverture officielle était ce matin. Alors, M. Brousseau regrette de ne pas être présent ce matin.

Je suis accompagné de M. Jacques Nadeau, vice-président exécutif et directeur général de l'association et de M. Claude Boutin, à ma gauche, directeur des ressources humaines à l'association. Alors, nous vous remercions encore une fois de nous fournir l'occasion de vous exposer la position des dirigeants des centres hospitaliers publics sur le projet de loi relatif à la réforme du régime de négociation.

Comme tout le monde le sait, la main-d'oeuvre hospitalière se compose d'environ 135 000 personnes représentant quelque 100 000 équivalents temps plein et le gouvernement consacre plus de 3 500 000 000 $ au programme de santé dispensé par les hôpitaux. Tout le monde le sait, le contenu des conventions collectives conditionne largement la possibilité qu'ont les administrateurs d'hôpitaux de gérer et d'organiser le fonctionnement des services de santé. Vous comprendrez alors notre grand intérêt pour le projet de loi qui est en discussion actuellement.

Au terme de plusieurs mois de consultation et de nombreux compromis, nous devons nous montrer satisfaits que la réforme du régime de négociation soit arrivée à sa phase finale. D'autant plus que le projet de loi contient encore plusieurs modifications qui vont dans le sens des orientations préconisées par l'association depuis plusieurs années.

Nous sommes particulièrement heureux de constater que le gouvernement tient compte de la primauté du droit des citoyens à la santé sur celui du droit de grève. Nous croyons que cette optique répond aux attentes de la population et c'est un droit qui est reconnu, selon nous, partout dans le monde entier.

Les changements apportés auxquels nous accordons une importance primordiale sont reflétés par plusieurs innovations et notamment les suivantes: création de l'Institut de recherche sur la rémunération; modalités nouvelles pour favoriser les accords sur les aspects monétaires; amorce de décentralisation des matières négociables sur les aspects normatifs; nouvelles mesures pour favoriser le règlement des différends tant au niveau sectoriel qu'au niveau local; caractère plus permanent des négociations aux différents paliers; l'exercice du droit de grève rendu presque symbolique; déjudiciari-sation, des conflits et nouveaux pouvoirs confiés au Conseil des services essentiels.

Nous avons le sentiment d'avoir été consultés et d'avoir suivi de près l'évolution des travaux qui ont conduit au dépôt de ce projet de loi. Nous avons également le sentiment que les centrales syndicales ont bénéficié de la même opportunité. Nous estimons que le coup de barre est donné et qu'en effet ce nouveau cadre devrait favoriser l'évolution des mentalités dans le sens recherché par la collectivité québécoise tout entière et en particulier par ceux que nous représentons.

Comme nous avons déjà eu l'occasion de le mentionner dans le cadre des travaux de la commission sur l'avant-projet de loi, nous aurions souhaité une réforme plus en profondeur de l'actuel régime de négociation. Tout en étant d'accord avec les objectifs poursuivis, nous estimions qu'à certains égards les moyens à mettre en place pour garantir les résultats devaient être différents de ceux envisagés dans l'avant-projet.

Sans reprendre ici l'ensemble des éléments que nous avions alors débattus, nous souhaitons attirer à nouveau l'attention des membres de la commission sur quelques aspects qui méritent d'être signalés. Je demanderais à M. Jacques Nadeau, vice-président exécutif, directeur général de l'Association des hôpitaux, de même qu'à M. Claude Boutin, directeur des ressources humaines de l'association, de vous les expliciter. Jacques.

M. Nadeau (Jacques): M. le Président, permettez-moi d'attirer, comme le disait notre président, votre attention sur un certain nombre d'éléments. Le premier, c'est l'article 41 qui mentionne que "les stipulations négociées et agréées par le comité patronal de négociation sont signées par le ministre ainsi que par le président et le vice-président du comité. Elles lient les établissements en cause. "

Nous pensons que dans une période de décentralisation il y aurait lieu que les conventions collectives soient signées au niveau local. On fait un pas vers la décentralisation et on centralise les signatures. Si on veut aller dans le même sens, il m'apparattrait logique que ces conventions collectives soient signées au niveau local, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'empêchement à ce qu'il y ait une signature au niveau national, mais qu'au niveau local ce soit contresigné, approuvé. Nous pensons que ce serait vraiment un mouvement dans le sens de la décentralisation.

Le deuxième élément que nous voulons souligner, c'est l'article 42, où il est stipulé que "le Conseil du trésor assure le suivi des négociations et qu'il peut déléguer un observateur aux séances de négociations. " Encore là, il me semble que dans une ère de décentralisation il ne serait pas nécessaire que le Conseil du trésor délègue quelqu'un aux tables de négociations. Il me semble que c'est un peu une méfiance du Conseil du trésor vis-à-vis du ministre - peut-être en ce qui nous concerne - des Affaires sociales et également vis-à-vis du club patronal. Il me semble que cela n'est pas nécessaire dans une ère de décentralisation.

Le troisième élément, c'est l'article 43 où il est mentionné que le Conseil du trésor invite les ministres sectoriels à participer à ses délibérations. Nous pensons que ce n'est pas nécessaire que les règles qui régissent le gouvernement et ceux qui sont invités parmi les ministres au Conseil du trésor apparaissent nécessairement dans cette loi. Ce qui nous paraîtrait important, c'est qu'il soit stipulé que le président du club sectoriel ou sous-sectoriel puisse être au Conseil du trésor au moment où il se dégage des mandats. C'est évident que le ministre va être là, c'est sûr. Il me semble que ce n'est pas nécessaire de reprendre cela dans cette loi, mais il semble que cela pourrait être utile de voir que le président du club peut participer à l'élaboration des mandats au Conseil du trésor.

L'autre élément que nous voulons soulever, ce sont les comités qui sont sous l'autorité des ministres sectoriels. Il me semble que dans une période de décentralisation à l'intérieur du club on établit ensemble des règles de prépondérance et il me semble que le club comme tel où participent le ministère et les associations d'établissements devrait s'assumer. Il me semble que ce n'est pas nécessaire que le club soit sous l'autorité du ministre sectoriel. On a des prépondérances à l'intérieur de ce club et on peut se donner des règles du jeu ensemble sans qu'il soit mentionné dans la loi que le club est sous l'autorité du ministre sectoriel. Tout cela dans le contexte de l'ère de décentralisation. Vous vous rappelez, on vous disait tantôt: II y a un pas de fait dans la décentralisation. On aurait espéré que cette réforme aille plus en profondeur, mais, évidemment, quand on dit plus en profondeur, on veut dire aller un peu plus loin dans la voie de la décentralisation.

L'autre point que je veux vous souligner, M. le Président, c'est au sujet de l'article 40. Au niveau de l'article 40, on voit que les comités sectoriels requièrent du Conseil du trésor des mandats de négociation et, dans le cadre de ces mandats, organisent, dirigent et coordonnent les négociations. On comprend que cela veut dire que le Conseil du trésor va autoriser tous les mandats. Nous, on pense que la deuxième partie de votre article 42 est suffisante, c'est-à-dire que le Conseil du trésor donne des mandats sur les matières qu'il juge d'intérêt gouvernemental. Il me semble qu'aux articles 40 et 42 il y a une espèce de conflit. On a l'impression qu'à l'article 40 tous les mandats doivent être dégagés par le Conseil du trésor et à l'article 42, dans la deuxième partie, on dit: "Dans les matières qu'il juge d'intérêt gouvernemental. " Dans les matières qu'il juge d'intérêt gouvernemental, cela nous apparaît suffisant.

L'autre élément que je veux souligner, M. te Président, concerne l'article 87. Alors, c'est ce que le député de Portneuf soulignait tantôt, les proportions en ce qui concerne les services essentiels à maintenir. Je veux vous rappeler que la position de l'Association des hôpitaux du Québec, c'était que la grève ne puisse s'exercer que de façon symbolique. Nous n'étions pas en faveur de faire un débat sur le retrait du droit de grève; cela, je pense que nous l'avons dit clairement. Ce que nous avons dit, cependant, c'est que la grève ne devrait s'exercer que symboliquement et qu'il ne devrait pas y avoir de rupture dans les services de santé. Je reconnais que, lorsqu'on met des plafonds à 90 % et à 80 %, on a fait un très gros pas par rapport à ce qui existait antérieurement. Cependant, je ne peux pas dire que cela n'amènera pas de rupture dans les services de santé. À notre point de vue, il devrait y avoir 100 % des effectifs: c'est ce que nous vous avions dit.

Si jamais vous décidez que ce n'est pas 100 % des effectifs et que vous allez dans le sens de ce que vous présentez là... Je n'ai pas besoin de vous justifier cela, je pense que, lors de l'avant-projet de loi, on vous a dit pourquoi la grève ne devrait pas s'exercer dans les services de santé; je ne fais pas ce débat-là, je ne reviens pas là-dessus, on a déjà argumenté longuement là-dessus. Si jamais vous voulez maintenir le fait que ce ne doit pas être 100 % des effectifs, il me semble que c'est difficile de faire une classe à 90 % et une autre classe à 80 %. Si je regarde votre classe à 90 %, pour les services d'un centre d'accueil ou de soins de longue durée, est-ce que tous les

établissements qui ont une unité de longue durée, par exemple, 30 patients sur 250 patients, sont dans un rayon de 90 %? Je ne sais pas si c'est ce que cela veut dire.

H y a des cas là-dedans qui manquent. Est-ce qu'on va en faire l'énumération? Par exemple, le centre des grands brûlés, ce n'est pas couvert là-dedans, l'obstétrique, les centres de traumatologie. Plutôt que d'en arriver à faire encore une longue liste, si vous ne voulez pas retenir la prétention qu'à l'exercice il ne devrait pas y avoir de rupture dans les services de santé, au moins ne faites pas deux classes; faites donc 90 % pour tout le monde. À ce moment-là, on ne se posera pas de questions. Encore une fois, je vous dis qu'on privilégie qu'il n'y ait pas de réduction d'effectifs.

La dernière intervention, M. le Président, c'est sur l'article 88. "Malgré une grève appréhendée, un établissement doit dispenser ses services habituels sans modification des normes applicables à l'accès aux services et à leur prestation". Je peux vous dire que, s'il y a une grève le lendemain dans les centres hospitaliers et que les centres hospitaliers doivent avoir 80 % des effectifs, c'est à peu près impossible de donner la veille 100 % des soins qui se donnaient normalement. (10 h 45)

Je pense que vous devriez considérer, si vous voulez maintenir ce pourcentage de 80 % et de 90 %, au moins un délai de 48 heures, un délai d'ajustement. Vous ne pouvez pas vous ajuster du soir au lendemain, ce n'est pas possible.

Je veux vous sensibiliser aussi au phénomène suivant concernant cet article: le respect de la loi sera extrêmement important. Si on donne plein service, incluant le délai de 48 heures, vous pouvez vous imaginer que le centre hospitalier est à peu près plein. Si jamais la loi n'était pas respectée, nous sommes pires que nous n'avons jamais été dans les centres hospitaliers parce qu'antérieurement on coupait peut-être 50 %, 60 % des patients. Là, on va fonctionner avec un volume de patients de peut-être 80 % ou 85 %. Si la loi n'était pas respectée, la sécurité de ces patients serait largement menacée. Je pense que c'est important qu'on y pense. Il faudra absolument, dans le contexte où les établissements sont appelés à fonctionner, que la loi soit respectée.

On ne peut pas terminer sans vous mentionner également quelques notes sur le code d'éthique syndical qui vous a été présenté. Je vais demander à M. Boutin de vous livrer ces quelques notes.

M. Boutin (Claude): M. le Président, on le fait immédiatement étant donné qu'on n'aura pas la possibilité de réagir ou d'intervenir à la suite de la présentation que feront peut-être les groupements syndicaux en après-midi. On a eu l'occasion de prendre connaissance du code d'éthique qui est en consultation, présentement, au niveau des instances de la CSN, entre autres, et on a été à même de constater que ce code d'éthique, tel qu'il se présente, n'offre, évidemment, aucune garantie de la nature ou de l'envergure de celles qui sont contenues en particulier dans le projet de loi à l'étude présentement.

On constate de façon évidente que, dans ce code d'éthique est reflété un pouvoir discrétionnaire important au niveau des organismes syndicaux quant au maintien des services essentiels ou même à la détermination du nombre de lits qui resteront ouverts en période de conflit ou à l'occasion de grèves. Ces décisions ultimes du côté syndical, à défaut d'entente, tiennent, évidemment, compte du nombre de cadres qui devront se maintenir en service ou, en tout cas, qui devront travailler à la place des syndiqués. On parle également des non-syndiqués et on fait allusion aux bénévoles.

On y constate également qu'ultimement le syndicat pourrait décider des affectations de travail de tous ces gens et même définir ou déterminer quels seraient les horaires types des gens qui seraient affectés aux services essentiels. Évidemment, les organisations patronales n'auraient, à ce point de vue, pas de contrôle sur les catégories de personnel qui viendraient travailler dans les différents services.

On indique de façon assez évidente dans ce code d'éthique que serait affectée aux services essentiels une proportion raisonnable de personnel habitué à travailler dans ces différents services. À l'inverse, on peut supposer que le syndicat local pourrait envoyer, pour assurer des services essentiels, des gens qui ne seraient pas habitués à travailler, par exemple, dans les différentes unités de soins spécialisées ou ultra-spécialisées, entre autres.

On souligne que - pour affirmer le fait que ça confirme le pouvoir discrétionnaire de l'instance syndicale à la limite - le syndicat serait disposé à recevoir les représentations des médecins ou des bénéficiaires et que, finalement, la décision lui appartiendrait quant au niveau des services à maintenir. C'est d'autant plus vrai que, contrairement à ce qui est prévu dans le projet de loi actuel, quand on fait référence au plancher d'effectifs qui devront se maintenir au travail en situation de conflit, dans le code d'éthique on fait plutôt référence au plafond de salariés qui devront se maintenir en service à l'occasion d'un conflit et que, en aucun cas, ce plafond ne devrait être dépassé, mais plutôt pourrait être diminué en tenant compte d'un certain nombre d'éléments ou de critères qui pourraient être indiqués dans ce code d'éthique.

Un autre aspect qui mérite d'être signalé: on indique que même la sous-traitance et les fournisseurs qui, normalement, ont accès à l'établissement pourraient faire l'objet de négociations aux termes des ententes sur les services essentiels ou aux termes d'une liste syndicale et que, finalement, l'accès à l'établissement serait largement contrôlé et qu'il appartiendrait à l'employeur de développer des façons d'identifier les gens qui auraient accès à l'établissement.

Donc, cela laisse entrevoir que, compte tenu de l'étanchéité des lignes de piquetage, l'accès à l'établissement pourrait être largement compromis. Alors, tout cela pour dire, M. le Président, que le code d'éthique nous paraît compromettre largement l'objectif visé qui est celui d'assurer finalement et dans la mesure prévue au projet de loi l'accessibilité à l'établissement et la primauté des droits des bénéficiaires au maintien des services jugés essentiels.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: M. le Président, même si mon collègue, le ministre des Affaires sociales, n'est pas membre de la commission, je souhaiterais que ce soit lui qui puisse intervenir à ma place. Je me contenterais, quant à moi, de simplement remercier... Oui?

M. Pagé: Conciliants comme nous le sommes, c'est devenu une véritable tradition, on va l'accepter, cela va de soi.

M. Clair: Merci, M. le Président.

M. Chevrette: J'avais su que tout le monde pouvait parler, mais qu'on n'avait pas nécessairement le droit de vote.

M. Pagé: On ne vote pas ici. De toute façon, vous avez tellement peur des votes.

M. Chevrette: Oh non!

M. Clair: M. le Président, très rapidement je veux remercier l'AHQ, par ses représentants, ce matin, M. Brissette, M. Nadeau, M. Boutin, d'être venue nous soumettre ses commentaires. Je dirai aux représentants que leur appui général au projet de loi est réconfortant et que ce sont les propos qu'ils ont tenus, quant à moi, que j'ai le plus appréciés, parce que souvent on ne le reconnaît pas. Effectivement, les associations patronales et syndicales ont eu toutes les occasions d'être associées à la mise en place de la réforme du régime de négociation. Je pense que c'est fort important parce que dès le départ le gouvernement avait indiqué sa volonté très ferme d'associer le plus grand nombre de partenaires. Or, aujourd'hui, l'AHQ nous dit que sur certains points elle n'est pas nécessairement complètement satisfaite; j'ai pris des notes en ce qui concerne la dizaine de points qui ont été commentés par M. Nadeau et M. Boutin. Ce n'est pas parce que tous les points soumis par un groupe ne sont pas retenus que le processus de consultation n'a pas été large, utile et efficace. Alors, je vous remercie et si j'ai l'occasion de revenir, j'aurai des questions, mais je préfère laisser mon collègue, le ministre des Affaires sociales, poser les siennes puisque c'est le secteur qui le concerne directement.

M. Chevrette: M. le Président, moi aussi, je voudrais remercier l'AHQ. C'est quasiment le regroupement de tout le monde, à toutes fins utiles, parce qu'on va voir que les remarques se ressemblent ainsi que les groupes qui vont se succéder.

Tout d'abord, je suis heureux que vous déclariez effectivement que le processus a été bien enclenché, contrairement à ce que j'ai entendu tantôt. Deuxièmement, j'aimerais vous remercier pour la participation que vous y avez apportée, parce qu'on s'est réuni à trois ou quatre reprises et effectivement on a franchi un millage important pour ce qui est de la compréhension mutuelle que nous avions.

Il y a quelques points que je voudrais aborder avec vous. Il y en a un, tout d'abord, qui me semble contradictoire avec les propos que vous avez tenus lors de la première consultation en commission parlementaire. C'est peut-être au niveau des nuances, mais en tout cas, je veux tout de suite l'aborder. C'est la question du droit de grève. Vous avez clairement indiqué, lors de la première consultation ici en commission parlementaire, qu'enlever le droit de grève, c'était, à toutes fins utiles, utopique s'il n'y avait pas de formule de rechange et que cela vous apparaissait un faux débat. Je résume peut-être grossièrement vos propos, mais cela ressemblait un peu à cela. Vous avez affirmé que vous ne voyiez pas là la solution. C'était beaucoup plus dans des formules alternatives, et les planchers ou les plafonds, selon le point de vue où on se place, vous paraissaient peut-être préférables. J'aimerais d'abord que vous clarifiiez ce point.

M. Nadeau: D'abord, M. le ministre, je pense que ce qu'on vous a dit clairement, c'est qu'on ne croyait pas opportun de faire un débat sur le droit de grève à ce moment-ci. On a dit que cela poignait les gens aux tripes et qu'il n'y avait pas lieu de retirer le droit de grève. Cependant, on voulait que l'exercice ne devienne que symbolique. Un plafond de 80 % ou 90 %, c'est sûr que c'est un pas vers un symbole de grève, mais ce n'est pas tout à fait symbolique. On dit:

Quant à nous, l'idéal pour rendre la grève symbolique, c'est qu'il y ait 100 % des effectifs. On n'a pas retiré le droit de grève, mais on en a contraint l'exercice. Voilà ce qu'on disait. On n'a pas voulu faire de débat sur le droit de grève, mais on a dit: Contraignez-en l'exercice. C'est cela. On pense que, quand on met un plafond, on permet l'exercice du droit de grève et on brime des citoyens qui veulent avoir des services de santé.

Donc, ce qui vous apparaît contradictoire, c'est le fait qu'on a dit: Ne faisons pas de débat sur le droit de grève, mais on n'a pas dit: Maintenez l'exercice du droit de grève. On était contre le fait que la grève puisse s'exercer. On a clairement passé ce message. On dit: Quand vous mettez des barèmes 80 % ou 90 %, à notre sens, la grève peut s'exercer.

M. Chevrette: M. Nadeau, quand on parle de droit de grève symbolique, il faut qu'il y ait un symbole quelque part. Il faut au moins une couple de pancartes si vous n'en avez pas 4000. En France...

M. Nadeau: Ils en sortent des pancartes.

M. Chevrette:... ou dans les pays europérens, que font-ils? Ils disent: C'est dix pancartes pendant une heure devant l'hôpital.

M. Nadeau: C'est cela.

M. Chevrette: Vous en avez dix qui ne sont pas au travail, qui tiennent la pancarte, c'est au moins un symbole.

M. Nadeau: C'est différent de 80 % des effectifs pendant un ou deux moss. C'est différent.

M. Chevrette: Je comprends. De 100 % à aller au symbole, je pense qu'il y a quand même une petite marge entre ce que vous dites et le désir de maintenir un droit symbolique. Comment serait-ce interprété si on disait: On conserve un droit de grève symbolique, mais c'est 0 %? C'est aussi bien de faire ce que le Parti libéral dit: Pas de grève du tout, mais pas de mécanisme, non plus, pour régler. En passant, qu'est-ce que vous penseriez de...

M. Pagé: M. le Président... On s'en parlera tantôt.

M. Chevrette: Bien sûr, à votre tour. Merci.

M. Pagé: Si vous voulez avoir un débat partisan, on est prêt.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous penseriez de l'arbitrage au niveau du normatif lourd?

M. Nadeau: On vous a déjà dit que, concernant l'arbitrage au niveau du normatif lourd, il y a déjà de l'arbitrage de prévu, il y a les médiateurs, il y a un conseil de médiation, il y a un rapport qui doit être fait. On pense toujours là-dedans que, ultimement, c'est l'Assemblée nationale qui doit décider.

M. Chevrette: Pas d'arbitrage.

M. Nadeau: Pas d'arbitrage. On vous a toujours dit que c'est au gouvernement, aux élus de prendre leur décision. Le normatif lourd a de l'impact sur les budgets des établissements, il en a beaucoup. Je pense qu'il faut que ce soit les élus qui décident cela. C'est trop dangereux de mettre des montants importants comme cela dans les mains des tiers.

M. Chevrette: Merci. Pour ce qui est maintenant des plafonds, vous dites que cela aurait été trop fastidieux de faire la nomenclature des différents secteurs ou des différents départements qui auraient nécessité 100 %. On avait prévu les soins intensifs, les salles d'urgence; vous avez parlé des grands brûlés, mais en rehaussant le pourcentage à 90 %. Dans un même souffle, vous nous dites: Donnez-nous 48 heures de réajustement. Vous ne craignez pas que les syndicats ne nous disent: Vous laissez un laps de temps aux hôpitaux, en particulier aux hôpitaux de soins de courte durée, pour qu'ils aient le temps d'épurer la liste opératoire et qu'ils se retrouvent à l'intérieur avec 70 %, 75 % de lits occupés, alors que vous demandez 90 % du personnel. Est-ce que vous pourriez commenter cette allégation qui surviendra sans doute du côté syndical et qui peut avoir un sens? Quand vous appréhendiez une grève, M. Nadeau, il est exact que les hôpitaux prenaient des précautions et réduisaient le nombre d'opérations, réduisaient le nombre de lits occupés, si bien que vous pourriez vous retrouver avec un plafond de 80 %, 90 %, mais avec à peine 70 % des bénéficiaires alités. Est-ce que ce n'est pas contradictoire avec la volonté de maintenir un plafond, mais qui correspond à peu près à la totalité des soins?

Ce n'est pas le cas dans un centre d'accueil où on a un taux d'occupation de 100 %. Ce n'est pas le cas, non plus, dans les soins prolongés où c'est pratiquement 100 %. Dans les soins de courte durée, vous savez pertinemment, si on donne un laps de temps... Au contraire, on préférait, dans le projet de loi, maintenir l'obligation, pour le centre hospitalier, de continuer ses opérations sur une base régulière en fixant

un plafond, mais qui tenait compte de la situation régulière. Là-dessus, cela réapparaîtrait verser exactement dans le sens où on ne voulait pas verser, à savoir qu'on oblige la partie syndicale à maintenir plus de services que ceux qu'en réalité les autorités hospitalières sont contraintes de maintenir. (11 heures)

M. Brissette: M. le ministre, la première constatation qu'on doit faire, c'est que l'objectif ultime que nous recherchons dans cela, c'est la sécurité des patients qui sont confiés aux établissements. C'est la première responsabilité, comme directeurs d'établissement, qu'on doit assumer. Il faut avoir vécu une grève dans un hôpital pour savoir, même si c'est réglementé comme on veut le faire, que l'avant-veille ou la veille d'une grève il existe quand même un climat de tension dans l'hôpital. Ce climat de tension se répercute, qu'on le veuille ou non, à l'ensemble des malades qui sont hospitalisés et la productivité ou le rendement est très différent.

Il faut regarder aussi la situation actuelle des centres hospitaliers. On parle de centres hospitaliers de courte durée, mais il y en a de moins en moins, parce que les lits sont occupés de plus en plus par des malades chroniques et par des malades qui entrent par les salles d'urgence. Donc, les malades électifs dans nos hôpitaux, de façon générale, on peut dire que c'est une "race", entre guillemets, qui n'existe plus. Il nous faut un délai raisonnable pour orienter les patients de l'hôpital compte tenu d'une grève appréhendée, quand c'est sûr qu'elle va être déclarée; on a besoin d'au moins 24 à 48 heures, compte tenu des éléments que j'ai mentionnés. Vous auriez raison si on avait un hôpital exclusivement de courte durée, qui ferait beaucoup d'admissions électives; on n'aurait pas besoin d'un délai aussi important que celui qu'on vous demande. Compte tenu de la situation actuelle de nos centres hospitaliers, il m'apparaît indispensable qu'un délai d'ajustement - on peut l'appeler ainsi -soit consenti aux hôpitaux. Si vous me donniez 100 % des effectifs, cela changerait notre demande de délai.

M. Chevrette: Mais là, en tenant pour acquis que ce n'est plus un symbole.

M. Brissette: Ce serait symbolique s'ils pouvaient faire cela pendant leur quart d'heure ou en dehors des heures de travail.

M. Chevrette: Que penseriez-vous si on mettait dans la loi un amendement - on dit tous les services réguliers dans les unités de soins intensifs, dans les salles d'urgence -ajoutant les unités de soins coronariens, les unités de soins aux brûlés, les unités de soins intensifs prénataux, les unités d'hémodialyse et les unités de chimiothérapie et de radiothérapie? Est-ce que cela couvrirait l'ensemble?

M. Brissette: Finalement, il ne reste plus grand centres qui n'auraient pas l'une ou l'autre des spécialités que vous mentionnez. Dans le fond, on créerait deux groupes de citoyens; l'accessibilité serait différente selon que dans leur localité les établissements n'ont ou n'ont pas les services que vous mentionnez.

M. Chevrette: Prenons l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme. Est-ce qu'il resterait des départements si on ajoutait cela?

M. Brissette: II n'en resterait pas gros, parce que ceux que vous avez énumérés, on les a.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez toutes les spécialités chez vous?

M. Brissette: Oui, à peu près et d'autres s'en viennent.

M. Chevrette: Ah! C'est une bonne nouvelle.

Vous n'avez pas parlé de décentralisation comme telle dans votre exposé. On sait que, dans l'avant-projet de loi, vous négociez nationalement et de façon sous-sectorielle par la suite. Auriez-vous des objections - présentement, dans le projet de loi, la possibilité de négocier sectoriellement tout le secteur des affaires sociales est facultative - à un amendement qui dirait qu'une annexe sur les objets suivants - qu'on énumérerait - ferait l'objet d'une négociation sectorielle, alors que, pour les autres objets, la négociation serait sous-sectorielle?

M. Brissette: M. Nadeau.

M. Nadeau: Je dois vous dire qu'on a déjà eu entre les associations des discussions sur ce sujet. On pense qu'il y a un certain nombre d'éléments qui pourraient se faire au niveau sectoriel, par exemple, le nombre de congés fériés et les avantages sociaux qui sont identiques partout. On gagnerait probablement beaucoup de temps en le faisant globalement. Dans ce cadre, on n'aurait pas d'objection à un amendement qui stipulerait quelque chose dans ce sens.

M. Chevrette: Donc, si on introduisait cette dimension, quitte à consulter formellement sur l'annexe, sur la liste, vous n'auriez pas d'objection à ce qu'on introduise le palier national, le palier sectoriel et le palier sous-sectoriel? D'accord.

Un point, vous parlez du code d'éthique. Que diriez-vous d'une formule qui offrirait une alternative au plafond, mais qui

serait balisée dans le projet de loi, de sorte que cette alternative soit sanctionnée par le Conseil des services essentiels? Ce sont les infirmières qui m'ont apporté cette dimension-là. Vous risquez avec un plafond, si on le prend par unité d'accréditation, qu'on le prenne, nous, par département et que cela ne vous place pas dans une situation correcte. On serait prêtes, me disent toujours les infirmières, à vous proposer que cela soit globalement ce que vous exigez comme soins, mais que cela ne corresponde pas nécessairement au plafond de 80 % ou de 90 %. Il n'y aurait pas d'objection dans leur cas à ce que ce soit, cependant, sanctionné par le Conseil des services essentiels. Un genre d'alternative, qu'il y ait une porte d'ouverte à l'intérieur de la loi permettant une alternative sanctionnée par le Conseil des services essentiels. Qu'est-ce que vous penseriez d'une approche du genre?

M. Boutin: Compte tenu de ce qu'on vient de dire concernant le niveau d'accessibilité des soins par rapport aux 80 % ou aux 90 %, il nous est difficile d'imaginer une alternative de cette nature. Lorsqu'on regarde le code d'éthique, les orientations qu'il y a là-dedans, l'objet même de la grève dans les services de santé ou les services sociaux qui est le corollaire du rapport de forces finalement, il nous paraîtrait extrêmement périlleux de laisser aux instances syndicales ou, en tout cas, à une modalité différente la possibilité qu'on puisse avoir les mêmes résultats que les planchers qui sont déjà prévus dans le projet de loi. Il faut se dire que, compte tenu des nouvelles obligations extrêmement engageantes que le Conseil des services essentiels obtient avec le projet de loi, il nous apparaît très difficile de lui donner des obligations supplémentaires qui seraient de nature à nous donner les mêmes garanties que celles qu'on a déjà et qui sont des améliorations considérables, encore une fois, dans le projet de loi.

M. Chevrette: Je suppose, M. Boutin, que vous avez une proposition qui est remplie de bon sens et qui correspond à peu près aux 80 %, mais que c'est 78 % dans une unité et 84 % dans l'autre, peu importe; cela correspond quand même en ce qui regarde les autorités d'un centre hospitalier à une qualité correcte de services, mais cela ne correspondrait pas strictement à l'article de la loi. Si on n'ouvrait pas une telle possibilité, c'est-à-dire qu'on exclurait même la possibilité pour le Conseil des services essentiels de sanctionner une telle possibilité parce qu'il faudrait respecter intégralement le texte de loi. Si j'aborde ce sujet, c'est qu'on m'a fait brièvement une démonstration j'espère que les infirmiers et les infirmières pourront témoigner aujourd'hui et expliciter davantage ce qu'ils et elles ont voulu dire - et il m'est apparu qu'il y avait là une porte ouverte assurant, par exemple, une qualité de soins indispensable après entente même possible avec les autorités du centre hospitalier, mais qu'il y aurait eu une légère dérogation à l'article formel de la loi. C'est dans ce sens-là que je soulève le cas et non pas nécessairement pour commencer à dire que le plafond ou le plancher, d'après l'endroit où on se place, doit être une norme inflexible au point que cela pourrait nous placer dans des situations peut-être même incorrectes.

M. Boutin: Quand on fait la lecture du projet de loi, cet article-là nous indique qu'on doit assurer 80 % ou 90 % selon la catégorie de l'établissement par unité syndicale et par corps de travail. La répartition qui peut être faite de ces 80 % ou 90 % dans les différents services est objet de négociation selon la compréhension qu'on en a et ultimement d'une décision syndicale sur laquelle le conseil peut intervenir, réagir et faire des recommandations ou, en tout cas, recevoir des représentations.

Je pense qu'il y a là une marge de manoeuvre pour les instances locales quant à l'application qui serait faite dans chacun des établissements des 80 % ou des 90 % compte tenu du nombre de lits qui resteraient ouverts et des catégories de services à maintenir. Il y a déjà là une base de négociation quant à la répartition qui pourra en être faite dans les différents services, compte tenu que les 80 % ou les 90 % doivent s'appliquer par unité syndicale et par quart de travail. Cela nous apparaît des garanties importantes qui doivent être maintenues.

M. Chevrette: Merci. Une autre question. Vous parlez de décentralisation versus signature de convention locale. Si j'ai bien compris, c'était au niveau, plutôt, de l'impact que ça peut créer parce que je n'ai pas senti une argumentation qui était très corsée pour dire: Pourquoi signer 900 conventions collectives dans le domaine des affaires sociales si on prévoit dans la loi que le fait d'avoir signé au niveau national constitue une signature d'office qui lie l'ensemble des établissements? Au Tribunal du travail, à ce moment-là, vous avez le dépôt du contrat collectif régissant l'ensemble des établissements de santé.

Est-ce que c'est plutôt symbolique, ce que vous recherchez, ou si vraiment ça a une importance capitale pour vous? Je comprends que, si on parle de négociations ou d'arrangements locaux, il faut nécessairement que ce soit signé localement. Mais si on parle d'une négociation nationale,

sectorielle, sous-sectorielle, est-ce que ce n'est pas multiplier les signatures, la paperasse et l'encombrement au ministère du Travail ou si vous avez d'autres motifs plus corsés, en tout cas, pour me convaincre de la nécessité d'une signature locale pour quelque chose qui aurait été agréé à l'échelle nationale et qui lierait de facto l'ensemble des établissements?

M. Boutin: Là-dessus, un des points majeurs qu'on a voulu souligner, c'est plutôt compte tenu des objectifs poursuivis par le projet de loi, entre autres, principalement celui de la décentralisation ou de la réappropriation par les instances locales de leurs conditions de travail ou du contenu de leur convention collective. Autre argument: il arrive parfois qu'il s'écoule plusieurs semaines avant que les instances locales reçoivent les conventions collectives ou les textes administratifs que représentent les conventions collectives avant qu'elles puissent les appliquer localement.

On pense que c'est à la fois, au niveau des délais, intéressant et, au niveau de l'orientation, important que les gens, progressivement, prennent l'habitude de faire de la convention collective leur propre affaire et qu'il puisse y avoir cette modalité prévue. Mais c'est au niveau des objectifs poursuivis par la décentralisation.

M. Chevrette: Qu'est-ce qui arriverait, M. Boutin, si un syndicat local qui est en chicane avec sa centrale refusait de signer ladite convention s'il y a une clause à l'échelon national qui ne lie pas les parties?

M. Boutin: On pense, comme on l'a souligné, que cette signature locale ne doit pas compromettre, entre autres, les avantages financiers qui pourraient être consentis ou convenus à l'occasion d'une entente au niveau provincial. Les instances locales devraient nécessairement appliquer les dispositions, entre autres, financières qui doivent être consenties aux employés.

Dans le passé, ce genre de situation s'est vu dans peu d'établissements, peut-être un ou deux. De toute façon, l'employeur appliquait les nouveaux avantages qui avaient été consentis ou convenus dans le mémoire d'entente provincial.

M. Chevrette: Un dernier commentaire, parce que je sais que mon temps est écoulé, sur l'application de la loi. M. Nadeau a insisté sur l'application de la loi. Qu'on mette un plafond à 80 % ou, dans les CSS et CLSC, à 60 % ou 55 %, à 90 %, ou qu'on enlève le droit de grève, c'est évident que l'application de la loi se retrouve à tous les niveaux. D'ailleurs, on trouve son application, bien souvent, dans le réalisme d'une législation ou dans la façon dont elle est acceptée globalement. C'est évident que, quand vous avez assisté à des grèves illégales, l'importance de l'application d'une loi trouve tout son sens parce qu'on fait fi de toutes les balises ou de toutes les mesures pour éviter précisément qu'il n'y ait de ces arrêts de travail.

Je comprends que votre interprétation là-dessus, c'est que, quelles que soient les décisions législatives, c'est évident que c'est au niveau des comportements, par la suite, vis-à-vis d'une loi qu'on tire tout le sens de vos propos. Je disais tantôt: Trouver des alternatives, ce n'est pas toujours facile. On peut penser à une foule d'alternatives, nais si, au niveau des mentalités, c'est là que le travail s'effectue, je pense que c'est peut-être la clé de changer les mentalités dans le domaine des affaires sociales et de la santé pour qu'on en arrive à dire: L'utilisation d'un droit de grève n'est que symbolique. (11 h 15)

M. Nadeau: Antérieurement, dans le processus qu'il y avait, avec tous les inconvénients de ce processus, les centres hospitaliers prenaient une semaine ou deux d'avance, diminuaient leur programme opératoire et on se ramassait avec peut-être 30 % ou 40 % des patients. Évidemment, qu'on enlève le droit de grève ou que l'on mette des plafonds, ce que je voulais vous souligner, c'est que le respect de la loi et le changement des mentalités à ce niveau-là sont drôlement importants parce qu'on se trouve dans la même situation qu'une grève illégale, c'est-à-dire l'hôpital plein et pas de monde pour les soigner, et cela mettrait drôlement en cause la sécurité de ces patients.

C'est ce que je voulais vous souligner, mais c'est bien évident que ce n'est pas la loi comme telle; c'est le respect qu'on pourrait avoir de cette loi. Cela s'applique autant dans le cadre du retrait du droit de grève que des plafonds que vous fixez ou d'une grève illégale dans un centre hospitalier à l'heure actuelle.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je veux m'associer, moi aussi, au groupe de la majorité pour souhaiter la bienvenue et remercier de sa contribution à nos travaux votre association, et saluer cordialement M. Brissette, M. Nadeau et M. Boutin. J'aurai une question-commentaire à vous formuler et mon collègue, le député de Brome-Missisquoi, M. Paradis, qui est responsable au sein de notre groupe parlementaire des questions relatives au ministère des Affaires sociales, pourra ajouter.

Je dois, tout d'abord, vous remercier d'avoir précisé l'opinion que vous aviez émise il y a quelques mois, lors de votre

comparution dans le cadre de l'analyse de l'avant-projet, plus particulièrement sur la question du recours à la grève dans le secteur de la santé. On se rappellera que vos propos, exprimés par la voix de M. Nadeau, si ma mémoire est fidèle, avaient été interprétés tout au moins comme voulant dire que l'Association des hôpitaux du Québec était contre l'abolition du droit de grève dans le secteur de la santé, dans le secteur qui vous concerne. Vous pouvez être assurés que cette interprétation allait directement dans le sens que voulait l'entendre le gouvernement du Québec qui, bien qu'il évoque, dans un premier temps, du côté gauche de la bouche, l'obligation de donner une qualité et une quantité de services non diminués aux citoyens et aux citoyennes en contact avec les institutions de santé, malgré les négociations, de l'autre côté de la bouche, dit: Le droit et le recours à la grève doit être utilisé. Vous aviez évoqué à ce moment-là et vous l'avez réitéré ce matin que tout recours à la grève se devait d'être purement et simplement symbolique, mais je conviens, à votre crédit, que vous n'aviez pas voulu aborder le sujet de l'abolition de ce droit.

Vous savez, la fatalité est tellement instaurée dans le système en regard du recours à la grève dans le domaine des affaires sociales qu'encore ce matin on doit consacrer une partie importante de nos travaux à discuter de la façon dont les parties vont s'affronter plutôt qu'à discuter des moyens à prendre pour qu'il y ait moins d'affrontements et de problèmes dans les réseaux. D'ailleurs, cette approche transpire même dans le projet de loi, puisqu'on élabore ici toute une mécanique en vertu de laquelle on pourra établir les paramètres et les règles du jeu permettant aux parties patronales et syndicales de se tirailler bien comme il faut plutôt que de négocier, que ce soit les 80 %, les 90 %, le comité sur les services essentiels, que ce soit, d'autre part, un code d'éthique à gauche, un code d'éthique à droite, etc. Notre position est claire et précise; elle n'est pas, comme le dit le ministre des Affaires sociales, bête. Non. Elle se veut réaliste et elle évoque une volonté clairement exprimée de la population du Québec de ne plus souffrir des inconvénients et des préjudices comme suite de conflits dans le secteur de la santé au Québec. C'est clair, c'est précis. D'ailleurs, on doit retenir aussi qu'il y a de moins en moins de personnes dans le secteur des affaires sociales qui sont heureuses d'être conviées à des exercices de grève ou de conflit, ou à des moyens de pression comme ceux que vous avez évoqués ce matin.

Nous avons toujours soutenu - le ministre des Affaires sociales devra en prendre bonne note, et lui-même le signalait, d'ailleurs, lorsqu'il est venu en commission parlementaire - que la très grande majorité des conflits - là, vous pourrez me corriger et en même temps corriger le ministre des Affaires sociales parce qu'on était d'accord -dans le secteur de la santé se réfèrent non pas à des questions de rémunération ou à d'autres comme celle-là, mais davantage à l'organisation du travail, à la tâche, à l'effet des coupures budgétaires, etc. Nous soutenons, quant à nous - mon collègue pourra ajouter - que le retrait du droit de grève dans le domaine de la santé devrait être accompagné d'une révision des politiques budgétaires allant même jusqu'au niveau des établissements. La lecture qu'on fait de la situation qui prévaut actuellement, c'est qu'il faudra, assurément, injecter de l'argent neuf. Cela est le constat auquel on vient comme suite de la tournée qu'on a effectuée, présidée par notre collègue, M. Paradis. C'est, d'ailleurs, dans ce sens-là que le chef de notre formation politique s'engageait, hier, à injecter 150 000 000 $ d'argent neuf dans le domaine de la santé.

Vous avez dit: La grève se doit d'être symbolique. Vous dites ensuite, et on y souscrit, que le monde des hôpitaux ne peut subir de rupture de services. C'est interprété par le gouvernement comme étant un changement de position ou d'attitude. Je lui laisse le soin de définir son interprétation, mais je dois vous dire qu'il a été surpris ce matin, il a été très surpris de vous entendre dire cela.

M. Chevrette: On l'a préparé ensemble, imagine-toi donc! Tu es surpris en même temps que nous.

M. Pagé: Essentiellement, vous demandez des précisions au ministre et vous dites: Vous devriez définir spécifiquement et précisément ce qui constitue un centre tombant sous le coup des 90 % par rapport aux 80 %. À cet égard, le ministre a posé des questions, par exemple: chimiothérapie, unité des brûlés, etc., mais il ne nous a pas dit ce qu'il en était exactement. J'aimerais bien qu'il profite des dernières minutes pour préciser ses intentions là-dessus.

La question concernant la présence de malades à long terme. Dans la très grande majorité des hôpitaux, on se rappelle la quantification: au début, c'était 10 %, c'est devenu les 20 % du docteur Lazure il y a quelques années. Est-ce qu'un centre hospitalier où des malades à long terme sont hospitalisés tombera sous le coup des 80 % ou des 90 %, ou est-ce que c'est seulement le département? Sur cela, il faut des précisions; je pense que le débat est ouvert et c'est l'endroit privilégié pour donner des précisions de la part du gouvernement.

Ma question est la suivante: Nous en sommes à une analyse avant la deuxième lecture, avant l'adoption du principe de ce

projet. Êtes-vous d'accord, compte tenu de votre objectif de non-rupture de services aux bénéficiaires, avec les dispositions des 90 % et des 80 % ou si la volonté que vous avez exprimée ce matin, que tout recours à la grève ne soit que symbolique, veut dire que vous vouiez le maintien total, de 100 % des effectifs et, ainsi, l'abolition du droit de grève dans le secteur qui vous concerne et la non-rupture des services?

M. Nadeau: En fait, ce qu'on dit aujourd'hui, M. le député de Portneuf, n'est pas différent de ce qu'on a dit la dernière fois.

M. Pagé: Cela a été interprété de façon différente.

M. Nadeau: Cependant, l'interprétation, je pense, a été un peu différente. Je ne vise pas le parti au pouvoir quand je dis cela; je regarde certains médias d'information qui ont interprété, ainsi que d'autres personnes, y compris, peut-être, le gouvernement, l'opinion de l'Association des hôpitaux du Québec. On a eu l'occasion, lors d'une émission de télévision, de préciser ce qu'on voulait dire par cette position. Quant à nous, et je le répète, nous avions dit que nous ne voulions pas, à ce moment-ci, faire de débat sur le droit de grève. On avait dit: Cela, c'est poigner le mouvement syndical aux tripes. Faisons donc que l'exercice ne soit que symbolique. Quand on parle d'un exercice de droit de grève symbolique, ce n'est pas 80 % ou 90 %; c'est faire comme il se fait dans d'autres pays. Je comprends que ce n'est pas facile à écrire dans une loi, mais que, par exemple, 5 % des employés dans les centres hospitaliers sortent pendant deux heures un après-midi pour alerter l'opinion publique, je pense que cela est symbolique. Cela va se faire une ou deux heures, quelque chose comme cela. Je ne sais pas comment cela peut s'écrire dans un projet de loi. Qu'on ait 80 % des effectifs pendant un mois, une semaine ou deux semaines, je dis que ce n'est pas symbolique.

M. Pagé: Et vous êtes contre.

M. Nadeau: On admet qu'il y a un pas intéressant qui est fait, mais, quant à nous, on irait plus loin dans le cadre du symbole. On demande qu'il y ait à peu près 100 % des effectifs partout.

M. Pagé: II y a un élément qui est intéressant sur lequel le gouvernement devra se pencher. D'accord, il y a un mécanisme conférant des pouvoirs importants au Conseil des services essentiels, mais ce mécanisme implique quand même délais, lourdeur, etc. Vous dites: Si jamais on a une grève illégale, compte tenu que la préparation à la grève appréhendée sera faite en fonction de 80 % ou 90 % des effectifs, cette grève illégale est susceptible de causer plus de préjudices aux bénéficiaires et de mal à l'institution dans son ensemble que toute grève antérieurement vécue puisque vous aviez un délai ou une période pour vous y préparer. Là-dessus, nous sommes pleinement d'accord que, si le projet de loi demeure tel qu'il est par l'expression de la voix de la majorité, le gouvernement devra se pencher là-dessus.

Cependant, j'aimerais avoir vos commentaires sur la réplique du ministre, car cela m'a semblé très gros. M. le ministre des Affaires sociales disait à peu près ceci -vous me corrigerez au besoin - Si on vous donne un délai de 48 heures, une obligation de divulguer l'intention de la part du syndicat d'au moins 48 heures, il y a un risque que vous fermiez des lits, que vous diminuiez vos opérations et les 80 % ou 90 % risqueront de représenter 100 % de la prestation à donner aux bénéficiaires, compte tenu de leur nombre diminué. Je trouve cela très gros. Cela veut dire que pour le ministre des Affaires sociales, ii faut qu'une grève fasse mal aux bénéficiaires. C'est grossier et c'est très grave, ce que vous avez évoqué ce matin.

M. Nadeau: Ce que je comprends de l'intervention du ministre des Affaires sociales - je ne sais pas si on comprend bien, il pourra nous le préciser - c'est qu'il ne voudrait pas, dans le cadre où il maintient les plafonds de 80 % ou 90 % -on a l'impression qu'il ne les maintiendra pas, s'il les maintenait - qu'on ait en place plus d'effectifs qu'on n'a de patients. S'il vous donne la possibilité de réduire vos effectifs, si vous réduisez vos patients de 40 % et que vous avez 90 % des effectifs, il me semble que cela fait un déséquilibre des forces.

M. Pagé: C'est comme cela que je l'interprète. Vous aussi?

M. Nadeau: Si on devait s'en aller dans une situation comme celle-là, et il me comprendra, c'est bien évident que la partie syndicale n'accepterait pas une affaire comme celle-là, cela lui donnerait un moyen coup. Afin de ne pas se retrouver dans une situation comme celle-là, qu'on laisse 100 % des effectifs et on n'aura pas de problème comme cela. C'est la solution qu'on lui propose.

D'un autre côté, je pense que, s'il devait maintenir ces plafonds et qu'on parle d'un délai de 24 heures ou de 48 heures pour s'ajuster, c'est pour s'ajuster en fonction des clientèles qu'on a en place. C'est pour ne pas avoir 100 % d'occupation avec 80 % des effectifs. Cela aussi, ce serait insécurisant pour les patients.

M. Pagé: C'est cela. (Il h 30)

M. Chevrette: Je pense que M. Nadeau a très bien compris. Ce serait dérisoire d'avoir plus d'employés qu'il n'en faut pour assurer des soins réguliers. C'est clair. C'est parce qu'on a vécu dans le passé des situations similaires et vous vous rappellerez que cela avait fait l'objet d'un ridicule quasi consommé dans l'opinion publique. Lorsqu'on arrivait avec 106 % des effectifs, par exemple, à Le Gardeur, les gens disaient: Est-ce qu'il faut faire une grève pour avoir plus d'employés qu'il en faut en temps régulier? Je pense qu'il n'est pas question de faire mal aux bénéficiaires, c'est de ridiculiser les balises qu'on s'est soi-même fixées et de donner de l'emprise à n'importe qui. pour charrier. C'est tout simplement cela. Vous avez très bien compris, M. Nadeau.

M. Pagé: L'exemple que vous donnez de Le Gardeur s'inscrit dans certains types d'enthousiasme qui ont été vécus il y a quelques années; on pourrait se référer au dépôt de listes syndicales avec aucun employé dessus. Il y a eu des abus des deux côtés.

M. Chevrette: Je reconnais que cela peut être d'un côté comme de l'autre, mais il ne faut pas donner emprise à cela, parce que c'est précisément ce genre de situation aberrante qui peut faire en sorte que tu enlèves tout le sérieux de ce que tu veux avoir comme mécanisme et comme fonctionnement.

M. Pagé: M. Nadeau, je vous remercie de vos propos et de vos commentaires, ce matin. On se rejoint à plusieurs égards. J'ose espérer que le gouvernement sera sensible et donnera suite à vos représentations. M. le député de Brome-Missisquoi va compléter.

Le Président (M. Lachance): M. le député.

M. Paradis: M. le Président, très brièvement, à la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez, au dernier paragraphe...

M. Chevrette: Ce sont les centres d'accueil, là.

Une voix: Quel mémoire?

Le Président (M. Lachance): II n'y a pas eu de mémoire, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Ce n'est pas le mémoire, c'est votre allocution. Vous semblez partager l'opinion émise par un autre groupe qui a déposé un mémoire, à savoir qu'on ne devrait pas, dans une nation civilisée, accepter que les membres les plus démunis soient les otages de batailles engagées sur des enjeux, de toute évidence, moins fondamentaux. Si vous ne la partagez pas, vous pouvez le dire, étant donné que ce n'est pas votre mémoire.

Vous avez parlé de la situation rêvée ou idéale, qui est partagée par le Comité provincial des malades, et que vous semblez partager. Je pense même que je pourrais dire, sans faire de politique, que le ministre, sans doute, la partage également, à savoir qu'on maintienne, en tout temps, des services continus, c'est-à-dire 100 % des effectifs. Là, on verra s'il la partage vraiment, s'il ajuste ses pourcentages pour les rehausser à 100 %.

Dans ce contexte ou dans celui où le gouvernement s'entêterait à maintenir des pourcentages qui soient inférieurs à 100 % dans le domaine des centres hospitaliers, quels sont les services de santé que, comme représentants de l'Association des hôpitaux du Québec, vous dispensez dans vos hôpitaux et que vous jugez non essentiels?

M. Brissette: Nous pensons que tous les services sont essentiels, parce qu'avec les contraintes budgétaires auxquelles on a été soumis dans les années antérieures, si on avait pensé qu'il y avait des services non essentiels dans les hôpitaux, on les aurait déjà coupés, mais il n'en reste pas. Tout ce qui est là est essentiel. C'est un peu la façon de répondre à votre question.

M. Paradis: Maintenant, le ministre... Non, non, cela va.

Une voix:...

M. Paradis: Non, non. Je pense que le président du Conseil du trésor aurait avantage à suivre attentivement.

L'Association des hôpitaux du Québec, avec les effectifs qu'elle a présentement dans ses centres hospitaliers, juge que l'ensemble, pas 90 %, mais l'ensemble des postes et des services qui sont offerts sont des services essentiels. Je pense que c'est le message important que vous livrez.

Maintenant, lorsqu'on rencontre dans les centres hospitaliers des travailleurs qui oeuvrent dans ces centres, ainsi que les représentants syndicaux des travailleurs de ces mêmes centres, pris individuellement, ils nous disent qu'ils sont prêts, même en cas de conflit, à assurer, dans plusieurs cas, 100 % desdits services essentiels, mais que l'administration des hôpitaux - c'est peut-être là que la question va frapper plus durement - de son côté, exerce, de façon régulière, ce qu'eux qualifient de lock-out partiel, en fermant, pour des périodes assez prolongées pendant l'année, des départements complets. Ils se disent: Si nous, comme

travailleurs et travailleuses, sommes prêts à accepter d'assurer aux bénéficiaires, aux patients qui sont alités des services continus - c'est la majorité des travailleurs dans les centres hospitaliers - en tout temps, est-ce que cette obligation ne devrait pas être, par voie législative, avec les dents que cela prend, également imposée aux administrations hospitalières - et elles sont nombreuses - qui ferment des départements pour des périodes continues, avec les conséquences que l'on sait sur les listes électives, sur un fardeau additionnel d'engorgement à l'urgence, etc. ?

M. Nadeau: Je pense que vous faites allusion à la fermeture des lits pendant, par exemple, la période estivale et, j'imagine, pendant la période des fêtes; je crois que ce sont les deux seules périodes de l'année où il se ferme des lits.

M. Paradis: On a ajouté, dans certains autres centres hospitaliers, la période de la chasse.

M. Nadeau: Je serais très surpris de cette affirmation. Je dois vous dire, d'abord, que c'est bien évident que, si on pouvait offrir des services à 100 % des effectifs et à 100 % des lits à longueur d'année, ce serait l'idéal. Il y a deux raisons qui font que durant la période estivale on ferme des lits. D'une part, il y a des patients qui ne veulent pas se faire hospitaliser durant la période estivale. Il y a des médecins qui prennent des vacances pendant la période estivale. Il y a des employés qui prennent des vacances durant la période estivale. Vous savez...

M. Chevrette: II y a des employés qui aimeraient prendre des vacances durant la période estivale.

M. Nadeau: On a déjà entendu parler de cela. Il semble que cela fasse partie des nuages à l'horizon. J'ai presque perdu mon idée avec cela. Je pense que vous n'êtes pas étranger au fait que les centres hospitaliers doivent fermer, actuellement, des lits durant la période estivale parce qu'il y a des contraintes budgétaires et qu'ils n'ont pas les fonds nécessaires pour pouvoir fonctionner toute l'année. Je pense que le ministre est très conscient de cela. On en a parlé à plusieurs reprises. C'est une des raisons très importantes pour lesquelles on doit fermer des lits...

Une voix: Ce n'est pas la seule.

M. Nadeau:... et ce n'est pas la seule. Durant la période des fêtes, évidemment, il y a des congés fériés qui sont donnés dans les conventions collectives. J'ai bien l'impression que les salariés veulent avoir ces congés fériés. Il y a aussi la disponibilité des patients. Vous savez, durant la période des fêtes, il n'y a pas beaucoup de gens qui veulent se faire opérer. Je pense bien que la période des fêtes ne pose pas de problème; c'est la période estivale qui en pose. Là-dessus, il y a des contraintes budgétaires, il y a des questions de disponibilité de patients et de disponibilité de médecins également.

M. Paradis: Je voulais simplement amener ce point que, lorsqu'on demande aux travailleurs de faire un effort pour renoncer à certains privilèges ou certains droits qu'ils considèrent, à juste titre ou autrement, comme étant des acquis, d'un autre côté, ces gens ont des exigences pour maintenir un système en équilibre. Ils se disent: Si, nous, on est prêts à faire, comme travailleurs ou comme représentants syndicaux de l'établissement, des efforts pour les maintenir, on demande à l'autre partie, qui est la partie patronale, d'aller dans la même direction, avec les mêmes objectifs, c'est-à-dire d'assurer en tout temps aux bénéficiaires des services continus, donc, une accessibilité à notre centre hospitalier. Je vous le souligne.

M. Brissette: Si on prend particulièrement la période des vacances, c'est difficile parce que vous êtes bien conscient qu'on a des travailleurs ou des travailleuses spécialisés et que le remplacement, durant la période de vacances, n'est pas facile. Chaque fois qu'une administration locale veut étaler la période de vacances de mai à octobre, par exemple, c'est bien sûr qu'au début de mai et d'octobre les infirmières ou le personnel spécialisé ne veulent pas prendre leurs vacances. Les gens veulent, de façon générale, prendre leurs vacances en juillet et en août. Alors, la concentration des vacances, dans les hôpitaux, se fait durant cette période. On a de la difficulté avec les extrémités. Ensuite, vu que le personnel est spécialisé, même s'il y a beaucoup de chômage, il n'y a pas beaucoup de personnel spécialisé disponible actuellement.

M. Paradis: Une question concernant la centralisation et la décentralisation. Le chiffre que je veux vous citer n'inclut pas simplement le cas des hôpitaux, il inclut également les centres d'accueil, etc. En 1981, l'ex-ministre des Affaires sociales, l'actuel député d'Anjou et ministre de la Justice, au sommet socio-économique qui traitait des coupures budgétaires, mentionnait que les griefs, pour la seule année 1980 ou 1981 - une des deux - ont coûté au Trésor québécois plus de 10 000 000 $, soit l'équivalent - et c'est l'image qu'il utilisait pour qu'on comprenne bien le chiffre parce qu'il y a beaucoup de zéros - de trois

centres d'accueil au Québec.

Dans ce qui est proposé, dans le projet de loi actuellement, centralisation par rapport à décentralisation, est-ce que vous pensez que l'approche gouvernementale va contribuer à réduire en nombre et en coût les griefs auxquels vous avez à faire face comme administrateurs?

M. Brissette: On a demandé, lors de la dernière ronde de négociations, que ce soit révisé parce qu'on trouve un peu anormal que toute la responsabilité financière des séances d'arbitrage soit à la charge de l'employeur et on est bien convaincu que si c'était le perdant ou le gagnant, ou une participation partagée entre l'employeur et le syndicat, le nombre de griefs diminuerait et que la qualité des griefs augmenterait. On a des griefs où, si le perdant payait ou si la personne ou le syndicat qui fait le grief avait à participer au coût financier des arbitrages, peut-être qu'on ne le ferait pas. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Nadeau: Je pense que ça c'est un élément important de la réponse. II y a les coûts d'arbitrage qui sont à la charge de l'employeur. L'Association des hôpitaux, entre autres, se bat depuis des années pour qu'au moins il y ait les frais partagés ou les frais au perdant. Je pense que cela réduirait, d'une part, les coûts d'arbitrage.

Quant à la question que vous posez sur la décentralisation, ce qu'on introduit, dans le fond, au niveau local c'est une espèce de négociation permanente. C'est propre à créer un dialogue et un ajustement des clauses nationales au niveau local. Si on arrive à créer ce dialogue, et c'est ce que le mécanisme veut favoriser, je pense qu'on va clarifier des choses, on va régler les problèmes au fur et à mesure et on va peut-être éviter d'avoir plus de griefs. On va peut-être avoir moins de griefs parce qu'on va se comprendre. S'il y a des problèmes on va s'ajuster au niveau local. Je pense que la démarche de décentralisation va aider. Je pense aussi que, si on avait les frais partagés, cela aiderait beaucoup également.

M. Paradis: J'aurais une question, M. le Président, mais, étant donné que le temps presse, le député de Sainte-Anne...

Le Président (M. Lachance): Votre temps est écoulé, oui. Le député de Sainte-Anne va intervenir rapidement. M. le député.

M. Polak: Juste pour revenir sur ce principe, quand vous avez dit qu'on ne voudrait pas faire le débat sur le droit de grève, vous avez parlé de grève symbolique. Dans votre association, avez-vous eu une réunion spéciale de tous vos membres pour déterminer votre position? Je ne veux pas vous embarrasser mais je connais certains de vos membres dans les hôpitaux qui sont d'accord pour dire: On ne veut pas faire un débat sur le droit de grève. Ils disent vraiment, carrément: On va abolir le droit de grève en totalité, mais évidemment en conjonction avec une formule où le problème va être réglé une fois pour toutes. On n'aura plus besoin de droit de grève. C'est ce que j'ai compris de quelques-uns de vos membres assez importants.

Tout à l'heure, le ministre a dit en blague: C'est moi qui ai fait écrire le mémoire. Je ne sais pas si, dans une affaire aussi importante que votre mémoire, quand vous dites: Écoutez, on n'a pas eu le temps d'avoir une réunion spéciale de tous nos membres...

M. Brissette: Je ne pense pas que le ministre ait voulu dire qu'il a écrit notre mémoire. Je ne pense pas que le ministre ait dit cela. En tout cas, il n'a pas participé à la consultation... Non, pour être sérieux...

M. Polak: II a laissé entendre...

M. Chevrette: Ce que j'ai laissé entendre, pour informer le député de Sainte-Anne, c'est que nous avions travaillé en collaboration avec toutes les parties patronales de tout le secteur des affaires sociales. À plusieurs reprises on s'est réuni, on a parlé de niveaux de négociation, d'objets de négociation. Je pense que c'est correct de faire cela.

M. Polak: Ma question n'est pas sur ce que le ministre a fait concernant le mémoire, parce que je comprends très bien votre intérêt là-dedans. Je connais certains de vos membres, à Montréal, dont je ne dis pas qu'ils ont une opinion totalement différente, mais qui ont une autre manière de le dire. Est-ce que vous êtes prêt à admettre cela?

M. Brissette: Oui, on va répondre à cela. D'abord, on va vous dire qu'on a fait des tournées régionales. L'ensemble des régions ont été visitées sur ce sujet-là et d'autres sujets, mais particulièrement sur cela. On vit dans une société démocratique, notre association est aussi démocratique. Il y a des gens qui pensent que le droit de grève devrait être retiré complètement, d'autres qui pensent que l'exercice du droit de grève devrait être réglementé. Le consensus qu'on a dégagé c'est qu'on ne voulait pas faire le débat sur la question du droit de grève; tout ce qu'on voulait c'est que l'exercice du droit de grève soit symbolique. C'est cela, on représente l'opinion de nos membres, démocratiquement, après les avoir consultés.

M. Nadeau: Je m'excuse, mais vous avez raison de dire qu'il y a parmi nos membres des gens qui pensent que le droit de grève devrait être aboli. Ce qu'on vous dit c'est que majoritairement le consensus est dans le sens de ce qu'on a exprimé.

M. Pagé: Symbolique, pas de rupture de services.

M. Clair: Alors, je comprends que nous avons cinq minutes à nous partager, mon collègue des Affaires sociales et moi-même. Je n'aurai qu'une seule question et je terminerai par mon commentaire de clôture. Ma question concerne le palier formel de négociation aux niveaux national, sectoriel ou sous-sectoriel. Est-ce que je comprends, suite aux réponses que vous avez fournies à mon collègue, le ministre des Affaires sociales, sur l'hypothèse qu'il y ait une liste de sujets qui soient obligatoirement négociés au niveau sectoriel, donc au CPNAS plutôt qu'au niveau sous-sectoriel, qu'il s1 agirait-là d'une liste fermée, que le sous-sectoriel ne pourrait pas en référer davantage et que le palier formel de négociation demeurerait le sous-sectoriel?

M. Nadeau: Absolument. Il faudrait s'entendre sur la liste des sujets mais ce serait évidemment une liste fermée. Tout cela dans le but...

M. Clair: À laquelle on ne peut ajouter...

M. Nadeau: Absolument pas. (11 h 45)

M. Clair: D'accord. Quant à moi, M. le Président, juste quelques mots pour conclure. J'ai beaucoup apprécié la collaboration dont j'ai pu bénéficier de l'Association des hôpitaux du Québec tout au long du processus de préparation de cette réforme du régime de négociation. C'est maintenant la dernière fois qu'ils ont l'occasion de se faire entendre publiquement avant l'adoption de la loi.

Dans son propos d'ouverture, M. Nadeau disait - et mon collègue des Affaires sociales abondait dans le même sens - que ce qui sera déterminant quant à l'avenir de cette réforme du régime de négociation, c'est la façon dont elle sera reçue, appliquée, vécue par les parties. Je voudrais dire aux membres de l'Association des hôpitaux du Québec qu'ils auront justement à cet égard, quant à l'application de la loi, compte tenu du secteur très névralgique dans lequel ils oeuvrent, probablement la plus importante responsabilité quant à faciliter l'application de la loi. Leur comportement, leur attitude, l'accueil qui sera fait au niveau de chaque direction d'hôpital, la volonté réelle de la part de tous les administrateurs d'hôpitaux du Québec de faire en sorte que fonctionnent les nouveaux mécanismes, cela sera déterminant.

Dans ce sens, je pense qu'ils ont une responsabilité première en termes d'attitude, de comportement, de volonté de changer les mentalités. Ce sont eux qui sont les premiers concernés dans la gestion des hôpitaux du Québec et, dans ce sens, je compte énormément sur leur ouverture d'esprit, leur volonté de faire en sorte que la réforme atteigne les objectifs souhaités.

M. Nadeau ou M. Brissette disait aussi qu'on consacre 3 500 000 000 $ par année au domaine de la santé. Ce sont effectivement des sommes énormes que la population québécoise investit en elle-même pour sa santé. Je pense qu'on peut dire, malgré les difficultés rencontrées, inévitables dans les choix budgétaires que font les sociétés, dans les modes de répartition de la richesse collective, les choix qui sont faits au niveau du développement de tel ou tel service dans le domaine de la santé ou des services sociaux, qu'il y aura toujours place à discussion.

Mais une chose est fondamentale. J'ai la conviction profonde, quant à moi, que nous avons probablement le meilleur système de santé qui existe dans le monde occidental, dans le monde entier. Dans ce sens, si, à la marge... Le député de Brome-Missisquoi n'est pas d'accord, mais même les dirigeants de l'Association des hôpitaux du Québec manifestaient leur approbation aux propos que je tiens. Nous avons probablement le meilleur système de santé au monde grâce aux énergies investies tant par le personnel syndiqué que non syndiqué, grâce aux ressources financières énormes qu'on consacre au domaine de la santé. Cela ne veut pas dire qu'à la marge il n'y a pas place à amélioration, dans un sens ou dans l'autre. Les phénomènes de vieillissement de la population, ne pensez pas que le Conseil du trésor n'en est pas conscient, que le ministre des Affaires sociales n'en est pas conscient. Tout le monde est conscient de ces problèmes; c'est à la marge qu'il y a place à amélioration.

Dans ce sens, si aujourd'hui on est en mesure d'achever le processus de réforme du régime de négociation, dans ma tête, il y a effectivement une autre réforme qu'on devra entreprendre ultérieurement. C'est toute la question de la gestion des ressources humaines, des ressources financières, de la répartition des pouvoirs entre le Conseil du trésor, le ministère des Affaires sociales, les institutions, de façon à faire en sorte que non seulement nos services de santé demeurent excellents, mais que, même avec les ressources humaines et financières dont nous disposons déjà, ils puissent continuer de s'améliorer et que le Québec puisse continuer à se vanter d'avoir le meilleur système de santé au monde.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, vous avez grugé pas mal de temps, il reste une minute à votre collègue des Affaires sociales.

M. Chevrette: Mais il a dit l'essentiel, et même plus, de ce que j'avais à dire. Je voudrais remercier les représentants de l'AHQ et leur dire que nous allons continuer à travailler dans le même sens que nous le faisons depuis trois ou quatre mois, et en particulier au niveau du travail permanent qui va nous permettre, peut-être, d'amorcer le changement des mentalités. Je vous remercie.

M. Brissette: Je vous remercie, M. le Président, M. le ministre et les membres de la commission. Je voudrais aussi vous dire que l'association organise actuellement -c'est presque terminé - une tournée régionale sur la gestion des ressources humaines. Je suis d'accord pour dire qu'on a le meilleur système de santé au monde, mais il faudra investir de l'argent pour le maintenir comme étant le meilleur. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je voudrais seulement vous remercier au nom de mes collègues, les députés de Brome-Missisquoi, de Sainte-Anne et de Berthier, pour votre contribution à nos travaux, en espérant, comme je le disais au début, que ça donne des résultats.

Une voix: On en est convaincu.

M. Chevrette: Je veux m'excuser auprès des membres puisque, demain matin, je dois être à une conférence fédérale-provinciale à Winnipeg, mais ce n'est que partie remise.

Le Président (M. Lachance): Je veux remercier, au nom des membres de la commission, l'Association des hôpitaux du Québec d'avoir rehaussé de sa présence les travaux de cette commission. Merci bien.

Associations des centres d'accueil,

des CSS, des centres hospitaliers

et d'accueil privés et Fédération

des CLSC du Québec

J'invite maintenant les représentants de l'Association des centres d'accueil du Québec, de l'Association des centres de services sociaux du Québec, de l'Association des centres hospitaliers et d'accueil privés du Québec et de la Fédération des centres locaux de services communautaires du Québec à prendre place. Je crois que le porte-parole est M. Marcellin Dallaire.

M. Dallaire, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Dallaire (Marcellin): M. le Président, MM. les ministres, MM. les députés, si vous me permettez, et sans jugement de quelque forme que ce soit, je vais débuter à ma gauche, qui est votre droite. À l'extrême gauche, M. Gilles Gaudreault, directeur général de l'Association des centres hospitaliers et d'accueil privés du Québec, accompagné de son président, M. André Groulx. A la suite, M. Maurice Charlebois, directeur général, et M. Marcel Sénéchal, président de la Fédération des centres locaux de services communautaires du Québec; M. Pierre Cloutier, directeur général de l'Association des centres d'accueil du Québec; M. Louis-Philippe Thibault, président, Mme Lise Denis, directrice générale de l'Association des centres de services sociaux du Québec, et M. Yves Neveu, directeur des Services conseils en gestion de personnel à l'Association des centres d'accueil du Québec.

Le Président (M. Lachance): Merci.

M. Dallaire: M. le Président, dans un premier temps, je pense, au même titre qu'il a déjà été mentionné, que les associations veulent signifier au gouvernement qu'elles ont apprécié avoir été associées aux différentes démarches qui ont eu lieu et qui continuent d'avoir lieu en ce qui a trait au réajustement du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic. Nous avons été associés à différents niveaux et je pense que nous avons donné au maximum la contribution que, comme groupe, on pouvait donner à ces différents niveaux et nous vous assurons que nous allons continuer à donner notre contribution. Soit au niveau des commissions, soit au niveau des travaux auprès des ministères concernés, au niveau des techniciens, je pense qu'à tous ces niveaux les différentes associations qui sont ici ont apporté leur appui et exprimé leur point de vue.

Une note également. Je pense qu'aujourd'hui il ne s'agit pas pour nous, de même que pour vous, de reprendre l'ensemble des principes que nous avons déjà présentés devant les différents groupes qu'on a rencontrés durant les différentes commissions. Il s'agit plutôt d'apporter des commentaires sur le projet de loi qui vient d'être déposé.

L'Association des centres de services sociaux du Québec, l'Association des centres locaux de services communautaires du Québec, l'Association des centres hospitaliers et d'accueil privés du Québec et l'Association des centres d'accueil du Québec ont choisi de vous présenter collectivement leur point de vue sur le projet de loi 37, déposé à l'Assemblée nationale le 2 mai

dernier, en vue de modifier le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. C'est l'aboutissement logique d'un cheminement qu'elles ont parcouru ensemble.

En effet, depuis un an nos différentes associations d'établissements ont pu, à maintes occasions, réfléchir sur les multiples éléments constituant le régime de négociation des secteurs public et parapublic. C'est au mois de mai 1984, en effet, que M. Michel Clair, président du Conseil du trésor, publiait son document de consultation intitulé "Recherche d'un nouvel équilibre". Depuis, toutes nos associations ont accepté de collaborer à cette recherche, autant en présentant des mémoires à la commission parlementaire qui a eu lieu fin janvier, début février, qu'en acceptant de participer à toutes les rencontres techniques qui se sont multipliées depuis un an. Si nous l'avons fait, c'est dans l'espoir d'en arriver, avec l'apport de tous nos partenaires, à permettre l'élaboration d'un régime de relations de travail qui soit porteur d'un climat plus serein et plus favorable au maintien des services aux populations que nous desservons.

Aucune de nos associations ne peut se dire entièrement satisfaite du projet de loi qui est maintenant proposé à la discussion et nulle ne peut prédire que le régime proposé donnera les résultats escomptés, mais toutes sont d'accord pour souligner les pas importants qui ont été franchis, notamment au chapitre de la décentralisation et à celui du maintien des services à domicile... pardon, des services essentiels... déformation de centre d'accueil, à côté d'un CLSC.

La décentralisation. Au cours des deux dernières décennies, la négociation des conventions collectives du secteur des affaires sociales a vécu les hauts et les bas de la centralisation. Celle-ci a permis, il faut le reconnaître, une normalisation de bon aloi des conditions de travail des salariés du réseau et sans aucun doute l'amélioration de ces conditions jusqu'à la limite du possible et du souhaitable. Mais elle a du même coup retiré aux gestionnaires des établissements le coeur et l'essentiel de leurs responsabilités traditionnelles en restreignant au minimum leur marge de manoeuvre, tant au niveau des coûts qu'au niveau de l'administration des ressources et des systèmes. Chaque ronde de négociations antérieure a permis aux établissements d'expérimenter les effets du système de l'entonnoir qui ne laisse passer en fin de compte que les grands objectifs dits nationaux, et cela tant du côté syndical que du côté patronal.

Le régime proposé articule de façon précise quatre paliers de négociation: le Conseil du trésor, le comité patronal de négociation des Affaires sociales, les sous-comités patronaux et les établissements. Chacun de ces paliers devra assumer sa responsabilité spécifique. Nous sommes particulièrement heureux de constater que chacune de nos associations, par la voie d'un sous-comité patronal, pourra s'efforcer de refléter la spécificité des établissements qu'elle regroupe dans les conventions collectives qui les régissent.

La décentralisation au niveau sous-sectoriel entraînera sans doute une dépense additionnelle d'énergie, mais nous croyons essentiel que toutes les parties acceptent d'y souscrire en y allouant les ressources nécessaires. L'avant-projet de loi proposait de précipiter la décentralisation, en identifiant dès maintenant un certain nombre de matières qui seraient devenues l'apanage exclusif de la négociation locale. Nous sommes satisfaits de constater que le législateur a retenu les arguments que toutes nos associations ont formulés dans le sens qu'il était préférable d'y aller de façon plus progressive.

La formule des arrangements locaux, largement retenue dans le projet de loi, permettra, nous en sommes assurés, aux parties locales de s'approprier d'importants segments de la négociation, notamment en ce qui concerne l'organisation du travail et des temps de travail, sans pour autant les placer devant l'obligation d'une négociation traditionnelle dans le sens strict du terme, puisqu'elles pourront toujours s'en remettre aux dispositions négociées nationalement.

Cette étape d'apprivoisement était nécessaire après une si longue période de privation. Elle permettra aux établissements et aux syndicats locaux de faire progresser des objectifs plus près de leur réalité qui ont trop longtemps été laissés pour compte. Quant à la réelle décentralisation au niveau local, la loi la permet et la favorise, nous le comprenons. Soyez assurés que, le moment venu, nous nous servirons des portes qui nous sont ouvertes à cet effet.

Malheureusement, la décentralisation nous paraît encore en péril. Les articles 39 et 40 maintiennent en effet des contraintes importantes à la décentralisation réelle en plaçant les sous-comités patronaux sous l'autorité déléguée au ministère des Affaires sociales par le gouvernement et en les obligeant à requérir leurs mandats du Conseil du trésor. (12 heures)

Nous aurions souhaité, comme cela était formulé dans nos mémoires de l'hiver dernier, que le gouvernement accepte de pousser jusqu'au bout sa logique décentralisatrice. Nous sommes donc tous d'accord pour recommander, à nouveau, de modifier les articles 39 et 40 pour que chaque palier de négociation puisse assumer à la fois l'autorité et la responsabilité correspondant à son niveau de négociation.

Les services essentiels. Depuis toujours, les négociations dans le secteur des affaires

sociales soulèvent de vigoureux débats sur le droit de grève et sur le maintien des services essentiels. Bien que nos associations respectives aient, jusqu'ici, affiché des positions divergentes sur le maintien ou le retrait du droit de grève, toutes sont d'accord pour affirmer que le droit de grève ne doit pas s'exercer au détriment des clientèles tributaires des services que nos établissements membres dispensent.

Le projet de loi que nous discutons maintenant modifie considérablement les règles du jeu en cette matière, en ce sens qu'il établit des planchers de services à maintenir pour chaque type d'établissement, rendant ainsi symbolique le recours à la grève. L'État a pris ses responsabilités. Certains d'entre nous ont trop affirmé la primauté du droit des bénéficiaires à recevoir les services de santé et les services sociaux que leur état requiert pour accepter de s'en remettre à d'hypothétiques codes d'éthique qui ne peuvent chercher, une fois de plus, qu'à partager ce qui ne doit pas être partagé, qu'à mitiger un droit que nous jugeons absolu.

Aucune nation civilisée ne devrait accepter que ses membres les plus démunis soient les otages de batailles engagées sur des enjeux, de toute évidence, moins fondamentaux. Pour notre part, nous croyons que le gouvernement a choisi une voie prometteuse. Si tous les partenaires acceptent de jouer le jeu, tous en sortiront grandis aux yeux des bénéficiaires et à ceux de toute la population. Nous aurons ainsi contribué positivement au changement de mentalité comme souhaité.

Quelques éléments de considération un peu plus spécifiques. L'article 36, qui définit la composition des comités et des sous-comités patronaux de négociation, devrait être modifié pour permettre une représentation plus large des associations d'établissements au sein du comité patronal de négociation, puisqu'il faut bien se rendre compte que les dispositions actuelles limitent à une personne la représentation de chacune de nos associations.

L'article 87, qui définit le niveau des services essentiels minimums, devrait être modifié pour prévoir le cas des enseignants oeuvrant auprès des bénéficiaires des centres d'accueil. Ces enseignants devraient être assimilés au personnel régulier des centres d'accueil en ce qui concerne le pourcentage de services à maintenir.

L'article 1 devrait être modifié dans la définition du terme "établissement", de façon à couvrir un organisme qui fournit des services à la population (et non pas uniquement à un établissement) et qui est déclaré assimilable par le gouvernement.

En conclusion, il nous plaît de réitérer notre accord d'ensemble au projet de loi en discussion et notre volonté de mettre en oeuvre toutes nos ressources en vue de participer à l'atteinte de ce nouvel équilibre tant recherché.

Si vous me permettez, M. le Président, je demanderais à M. Marcel Sénéchal, de la Fédération des CLSC, d'ajouter quelques mots.

M. Sénéchal (Marcel): Je veux simplement vous dire, M. le Président, que le mémoire que nous vous présentons peut vous paraître un peu maigre, compte tenu des enjeux, mais il faut voir que nous sommes à peu près - tout au moins nous le souhaitons - au terme d'un processus. Comme nous l'avons déjà souligné, nous avons eu, à notre sens, amplement l'occasion d'expliciter, en long et en large, nos arguments lors d'autres commissions parlementaires ou encore lors de rencontres avec le ministère.

Ce sur quoi nous insistons principalement, c'est le fait que, même si le projet de loi ne représente pas en tout le point de vue de chacune des associations, il nous apparaissait important, à ce moment-ci, de faire consensus sur les points majeurs. Ce que nous souhaitons, c'est que ce consensus soit de plus en plus large dans notre société québécoise.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des Affaires sociales.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier... Je ne sais pas si on va appeler cela la coalition...

M. Dallaire: Le regroupement...

M. Sénéchal: Cela commence toujours quelque part.

M. Chevrette: Appelons cela le regroupement. Je voudrais vous féliciter et vous remercier pour votre travail de collaboration. Vous l'avez souligné, si votre mémoire reflète ce niveau de consensus, c'est parce que ce consensus a été préparé précisément depuis au moins deux ou trois mois et les rencontres se sont multipliées, tant à l'aspect technique, comme vous l'avez souligné, que politique. On a eu la chance de se rencontrer à quelques reprises pour évaluer les modifications projetées. Donc, merci de votre collaboration.

J'en viendrai à deux questions précises dont vous vous doutez, bien sûr. La première concerne le palier des niveaux de négociation, tout comme je le demandais tantôt à l'AHQ. Est-ce que vous seriez favorables à des amendements qui placeraient un certain nombre d'objets de négociation au niveau sectoriel - le secteur des Affaires sociales - et non sous-sectoriel?

M. Cloutier (Pierre): C'est une chose

envisageable, je pense, que de pouvoir convenir d'un certain nombre de choses centralisées. Je pense que pour l'essentiel il faut d'abord avoir l'assurance que les perspectives qui sont dans le projet de loi, sur la table, puissent être adoptées et que cet outil puisse nous être donné pour qu'on poursuive, les prochaines années. C'est une chose envisageable que de regarder une courte liste qui ne serait pas fermée dans notre perception, au contraire. Je pense qu'il faut se garder aussi de la souplesse pour adapter les situations qu'on va connaître. L'essentiel est qu'on puisse avoir une annexe C ou D où il y aurait un certain nombre d'objets cartellisés; c'est envisageable. L'exemple, c'est que cela doit donner le ton à la perception de la décentralisation-centralisation qu'on doit faire. Je pense que ce ne doit pas être une liste fermée mais, au contraire, nous permettre un peu de souplesse là-dedans, un peu comme on a fait pour l'approche des arrangements locaux. Dans la même dynamique, les objets cartellisables pourraient être évalués, éventuellement, de notre côté, oui. Je ne sais pas si quelqu'un du groupe...

M. Groulx (André): Je suis d'accord avec cela.

M. Chevrette: Vous êtes d'accord avec eux. Vous avez entendu, tantôt, l'AHQ témoigner devant nous et dire l'importance de la signature d'une convention locale. J'aimerais entendre vos commentaires sur cette affirmation de l'AHQ.

Une voix: Cette suggestion.

M. Chevrette: Ou cette suggestion, parce qu'elle a pris la peine de préciser que ce n'était pas là un point majeur.

M. Charlebois (Maurice): Donc, comme ce n'est pas un point majeur...

M. Chevrette: C'est bon de connaître...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Chevrette: Une façon de s'en sortir.

M. Charlebois: On va pouvoir s'en sortir. Disons que depuis une dizaine d'années, depuis que la loi 55 a été adoptée - cela ne fait pas tout à fait dix ans - les signatures sont provinciales; auparavant, elles étaient locales. On n'a pas nécessairement étudié cette question tous ensemble mais, quant à nous, le fait que les signatures soient au niveau provincial ne nous cause pas d'inconvénient majeur. Disons qu'il y a tout un processus de délégation qui est fait. L'esprit même du régime qu'on se donne fait en sorte que c'est au niveau sous-sectoriel que la négociation se fait. Il y a donc acheminement de mandat vers les associations et, avec le gouvernement, au niveau des comités, on négocie les différentes dispositions une fois qu'une entente est intervenue à ce niveau. Que cette entente lie les établissements, quant à nous, au niveau des CLSC, cela ne nous cause pas de problème.

M. Dallaire: Je pense qu'on a une réaction un peu similaire à l'Association des centres d'accueil du Québec, en termes de dire: À partir du moment où les arrangements locaux sont vraiment là où se font les signatures au niveau local, on n'a pas d'objection à ce que, sur la base de la négociation nationale, il y ait un lien qui soit fait, face aux établissements, pour l'application d'une convention collective nationale. Alors, il y a la distinction qui est projetée dans la loi et avec laquelle on ne se sent pas mal à l'aise à l'heure actuelle.

M. Sénéchal: Ce que j'ajouterais à cela, c'est qu'il y a dans notre mémoire une espèce de principe qui pourrait nous guider, pour répondre à votre question, c'est que chaque palier de négociation soit doté des pouvoirs et des responsabilités. La signature est une des responsabilités qui est accolée aux autres.

M. Chevrette: Vous n'êtes pas sans savoir que le palier de négociation a une importance très capitale pour la partie syndicale, entre autres la Fédération des affaires sociales de la CSN appuyait beaucoup la demande d'un palier sectoriel pour des fins d'économie d'argent et de temps. Vous avez sans doute vu une liste circuler officieusement qui comportait environ 23 points, si ma mémoire est fidèle. Quand vous parlez d'une liste que vous dites relativement courte - je ne me souviens plus qui en a parlé - est-ce que c'est en référence à cette liste qui a circulé au niveau des consultations?

M. Cloutier: Vingt-trois, cela m'apparaît élevé. Ce sont des choses qu'on a regardées. On peut donner une couleur à cela si on envisageait cette piste, cela nous permettrait de donner le ton à ce qui est centralisable. Mais je pense qu'il faut se garder de part et d'autre - et je pense que c'est aussi dans les intérêts syndicaux, à plusieurs égards - une marge de manoeuvre là-dessus. Une liste relativement restreinte, mais qui n'est pas fermée, pourrait être envisagée; 23, a priori, m'apparaît... D'autant plus qu'il faut vraiment qu'elle demeure ouverte. Cela m'apparaît élevé.

M. Chevrette: En fait, vous utiliseriez la même mécanique qu'il y a déjà dans le

projet de loi. De consentement unanime des parties, il y a possibilité d'en ajouter, si j'ai bien compris.

M. Cloutier: C'est ça. Je pense qu'il y a là une piste intéressante qu'on peut explorer aussi dans le cas des choses cartellisables.

M. Dallaire: M. André Groulx.

M. Groulx: C'est correct, c'est dans cette optique.

M. Chevrette: Les plafonds de services à maintenir, on parle depuis quelque temps au niveau des centres d'accueil de 65 %, 55 %, selon le milieu où on se retrouve. Vous affirmez que vous êtes en accord avec cette approche, en particulier au CSS. Mais j'aimerais qu'on m'explique quels sont les services et faire ressortir ceux qui seraient maintenus de façon indispensable parce que souvent on parle de pourcentages et la population dit: Quels services, au niveau des CSS, seraient maintenus? Quels services, au niveau des CLSC, seraient maintenus? Il faut au moins faire ressortir quelle est la nature des services qui s'accrochent à ces pourcentages auxquels vous adhérez. On pourrait peut-être entendre d'abord les CSS, et ensuite les CLSC.

M. Thibault (Louis-Philippe): Je pense que dans le projet de loi où on établit à 55 % le plancher des effectifs, quant à nous, on considère que c'est une très grosse amélioration. On a déjà eu, dans le passé, des listes qui ne contenaient que des noms de cadres et, pour nous, le projet de loi constitue un élément intéressant.

La réalité des CSS, par contre, mériterait d'être expliquée dans le sens que les planchers peuvent devenir variables à un moment donné. La situation dans le domaine social, c'est que lorsque se présente une crise dans une famille ou dans un milieu quelconque et qu'il faut intervenir, parfois, on peut demander à la personne d'attendre au lendemain ou d'attendre deux jours, sauf que, plus la grève se prolonge, plus les situations de crise se multiplient et, comme elles ne sont pas traitées, on risque de se retrouver dans des situations tout à fait inacceptables dans certaines familles. Dans ce contexte-là, j'attire l'attention des membres de la commission sur le fait que les services essentiels dans les centres de services sociaux doivent tenir compte de la durée de la grève. Dans ce sens, il faudra recourir au besoin au Conseil des services essentiels pour apprécier des situations.

Maintenant, pour répondre plus spécifiquement à votre question, savoir quels sont les services qui sont essentiels dans les centres de services sociaux, souvent, on peut faire référence à des choses déjà connues comme, par exemple, dans le domaine de la protection de la jeunesse. Le législateur a voulu que la réception des signalements d'enfants victimes de violence, d'enfants battus soit assumée 24 heures par jour, sept jours par semaine, 365 jours par année. Cela, c'est un service qu'on considère essentiel dans les centres de services sociaux.

Depuis 1976, les centres de services sociaux ont aussi, malgré qu'ils n'en avaient pas l'obligation juridique, mis sur pied des services qu'on appelle d'urgence sociale. Ce sont des services sociaux disponibles 24 heures par jour, sept jours par semaine, pour répondre à des situations de crise qui interviennent le soir, la nuit, les fins de semaine. Cela aussi, on considère que ce sont des services essentiels. (12 h 15)

Par la suite, quand on veut regarder les services essentiels, je pense qu'il faut davantage essayer de découvrir les situations qui méritent qu'on intervienne le plus rapidement possible. On ne peut pas parler de services types, services de consultation conjugale ou services de consultation psychosociale, il faut être à l'écoute de l'expression des besoins de la population et, lorsque la demande de services entre, apprécier l'opportunité d'intervenir immédiatement. S'il faut intervenir immédiatement, on peut considérer qu'il s'agit là d'un service essentiel à assumer. Donc, il n'y a pas de définition théorique, si ce n'est qu'il y a des appréciations à faire sur des situations vécues dans des familles ou chez certaines personnes.

M. Chevrette: En fait, vous répondez d'une certaine façon à une autre question que j'ai posée tantôt où on ajouterait une alternative possible, par le Conseil des services essentiels, par le fait même. Merci. M. Sénéchal?

M. Sénéchal: Sur la question du plafond, tout est relatif. Un plafond peut devenir un plancher, et vice versa.

M. Chevrette: Oui. D'ailleurs, vous avez remarqué qu'on utilisait les deux depuis tantôt.

M. Sénéchal: C'est cela. Enfin, on n'avait pas parlé d'un pourcentage comme tel lorsqu'on était venu devant vous la première fois, cependant on était d'accord avec les modifications qui étaient apportées aux pouvoirs de la commission des services essentiels. Mais ce qu'il faut traduire en chiffres, c'est le principe qu'il y a des services qui sont essentiels dans les CLSC et où il ne doit pas y avoir rupture également. Principalement, ce sont les services de médecin à domicile. J'ai déjà eu l'occasion

de dire que la clientèle de médecin à domicile des CLSC au cours des dernières années s'est élargie et les services sont dispensés à une clientèle plus variée et plus nombreuse. Par ailleurs, les effectifs n'ont pas nécessairement été augmentés, ce qui veut donc dire que, si on le prend du point de vue d'un individu qui reçoit des services, souvent cet individu reçoit moins de services qu'il en recevait. Moins vous en donnez, plus ils sont essentiels. C'est évident. Dans ce sens-là, ce que l'on peut dire, c'est que les services de médecin à domicile que nous dispensons actuellement à la population, du point de vue des individus, sont essentiels. Il ne devrait y avoir à peu près pas de rupture là-dessus.

Il y a aussi le fait qu'on s'est vu transférer une nouvelle responsabilité. Je pense que les CLSC devront être de plus en plus présents et devront assumer des responsabilités précises dans le réseau. Dans ce sens-là, il est sûr que, dans des domaines comme la santé mentale, dans le domaine des urgences sociales, il y a là des services essentiels à maintenir et ils seront, à mon avis, de plus en plus nombreux. Alors, on ne fera pas la liste des 18 ou 20 programmes qui devaient être dispensés par les CLSC, mais ces grands domaines-là, urgences sociales, urgences de santé médicale dans certaines régions, surtout en périphérie, le médecin à domicile, nous apparaissent des secteurs majeurs où un principe comme celui-là va nous aider.

M. Chevrette: Mais selon les analyses que vous avez faites aux CLSC, pour en arriver à conclure que vous êtes d'accord avec les plafonds, le pourcentage correspond aux services essentiels que vous avez analysés?

M. Sénéchal: Oui, si on prend la réalité actuelle et si on prend aussi ce qui peut se développer au cours des toutes prochaines années, cela nous apparaît réaliste.

M. Chevrette: D'accord. Si ma mémoire est fidèle, lorsque vous avez comparu devant nous, vous étiez pour le maintien du droit de grève, sauf que vous préconisiez plutôt à l'époque l'intervention du Conseil des services essentiels pour l'établissement des services. Est-ce que j'interprète bien votre premier mémoire?

M. Charlebois: Ce qu'on avait dit lors de la dernière comparution, c'est qu'on suggérait de ne pas retirer le droit de grève. On suggérait de ne pas s'engager dans ce débat. On croyait que les améliorations qui étaient apportées au régime, de même que les nouveaux pouvoirs donnés à la commission sur les services essentiels offraient des garanties suffisantes ou consistaient en des améliorations nettement suffisantes pour que le régime soit amélioré. Quant aux 60 %, si on se réfère aux ententes qu'il y a eu dans les CLSC dans le passé sur les services essentiels, c'est un niveau qui se rapproche de ce qui était convenu dans le maintien à domicile particulièrement.

M. Chevrette: Merci.

M. Dallaire: À votre question, M. le ministre, j'ajouterais qu'à l'Association des centres d'accueil du Québec nous sommes d'accord, mais nous sommes d'accord comme le résultat d'une démarche. On l'a toujours exprimé, et je pense que vous êtes très conscient du fait que les besoins sont présents, quotidiens, ils sont là. Qu'on arrive à 90 %, nous exprimons un accord comme résultat d'une démarche.

M. Chevrette: D'accord. Je pense bien que c'était le cas de tous les groupes du réseau des Affaires sociales, de toute façon. Quand on a parlé entre nous de plancher ou de plafond, on a toujours dit: Est-ce que cela peut constituer une qualité de service minimum?

M. Cloutier: C'est le résultat d'un compromis entre le symbole et l'essentiel.

M. Chevrette: Exact. Je vous remercie messieurs.

Le Président (M. Lachance): M. le président du Conseil du trésor.

M. Clair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Vous avez cinq minutes.

M. Clair: Je dis quelques mots dans mes cinq minutes pour remercier les représentants des associations patronales du secteur de la santé qui sont présents devant nous, non seulement d'être venus donner leur point de vue aux parlementaires sur le projet de loi prévoyant la réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic, mais aussi de l'excellente collaboration dont j'ai pu bénéficier personnellement de même que le personnel du secrétariat du Conseil du trésor dans la préparation de cette réforme.

Une seule question, M. le Président. Les associations patronales concernées sont sans doute informées que le regroupement des syndicats des secteurs public et parapublic a commencé des démarches pour doter les syndicats oeuvrant dans le domaine de la santé d'un code d'éthique. D'ailleurs, la Fédération des affaires sociales de la CSN est présentement en consultation et a rendu public un document daté du 1er mai 1985

contenant diverses propositions concernant l'élaboration d'un code d'éthique.

Le ministre des Affaires sociales a posé la question tantôt aux représentants de l'Association des hôpitaux du Québec: Est-ce que vous voyez-la une avenue possible? Il est évident que les grandes orientations du gouvernement sur le plan du respect des services essentiels sont connues. Il s'agit maintenant de savoir, en termes de moyens, quels sont les meilleurs moyens pour atteindre un tel objectif.. Est-ce qu'il vous apparaît que la piste d'un code d'éthique au niveau des syndicats du secteur de la santé est une piste à retenir? Si oui, comment voyez-vous cette articulation d'un code d'éthique? À quelles conditions un code d'éthique peut-il être un bon moyen d'atteindre l'objectif souhaité, à savoir qu'il n'y ait pas d'interruption de services dans le domaine de la santé? Sinon, si vous n'êtes pas favorables à une telle approche, pourquoi?

M. Charlebois: Les commentaires ou les réflexions qu'on peut avoir sur cette question, c'est que c'est certainement une initiative heureuse de la part des centrales syndicales. C'est une initiative qui est cependant tardive. Est-ce qu'il s'agit d'une piste intéressante? Possiblement, mais il nous apparaît que c'est vraiment, à ce stade-ci, prématuré de dire: Voici la piste et engageons-nous dans cette voie-là. J'ai l'impression qu'on est un peu au balbutiement de ce que pourrait être le code d'éthique. D'ailleurs, il y a actuellement des consultations qui sont en train de se faire, je crois, par la FAS auprès de ses syndicats, ce qui veut dire qu'on n'a vraiment aucune mesure précise de ce que sera le résultat de ces consultations.

Ce qu'on a pu consulter comme documents, par ailleurs, ne nous apparaît pas véritablement être un code d'éthique, mais plutôt une mécanique de détermination des services essentiels. En ce sens, remarquez qu'on n'en a pas fait une analyse très exhaustive, mais un premier survol des documents nous indique qu'il s'agit plutôt d'une mécanique pour déterminer les services essentiels qui, finalement, réitère l'approche traditionnelle des centrales syndicales que ce sont les syndicats qui détermineraient, en cas de grève, le nombre d'effectifs et qui prendraient à toutes fins utiles la gestion de l'établissement. Évidemment, là il y a un principe contenu dans ce document avec lequel nous ne sommes pas d'accord.

Dans la mesure où justement on est en train de défricher cette piste du côté syndical, je pense qu'il faut très certainement encourager cette initiative. Elle conduira peut-être, effectivement, à un véritable code d'éthique qui sera utile très certainement pour les bénéficiaires et qui améliorera le climat lors de conflits. À ce stade-ci, cela ne nous apparaît pas être une voie ou, enfin, une alternative très sérieuse qu'on a sur la table. Cela ne nous apparaît pas non plus permettre au gouvernement de se désister devant une responsabilité qu'il a quant à lui de maintenir les services ou de veiller à ce que, en cas de conflit, la situation se passe d'une façon civilisée pour les bénéficiaires.

Le Président (M. Lachance): M. Groulx.

M. Groulx: Pour le secteur privé, avec les documents qu'on a vus jusqu'à maintenant, en ce qui a trait à un soi-disant code d'éthique, je dois vous dire que l'esprit qui est dedans, qui se reflète dans ses éléments est loin de correspondre à ce qu'on pense que ce devrait être. D'abord, si on parle d'un code, on pense qu'il y a trois parties là-dedans: il y a les bénéficiaires ou les gens qui sont soignés, il y a les employés qui sont représentés par les syndicats et l'employeur qui est représenté par les associations. On pense qu'envisager un tel code d'éthique doit comporter ces trois paliers et il faudrait peut-être s'asseoir. Dans les premiers documents qui nous ont été remis, je lis ceci, pour n'en citer qu'un: S'engage à assurer aux bénéficiaires le libre accès à l'établissement. Cela me fait rire en bibite. Vous comprendrez qu'on pense qu'on a beaucoup de chemin à faire face à cela. Je limiterai à cela mon intervention.

M. Cloutier: II est tard, effectivement, pour arriver avec un document semblable. Je pense que ce problème est sur la table depuis cinq ans au Québec et il est tard par rapport au travail qu'on a dans le prochain mois. C'est davantage une structure organisationnelle de décision, les documents qu'on a vus. Ce qui est assez caractéristique, c'est que le processus de responsabilité là-dedans est inversé. C'est d'abord la responsablité des cadres, celle des bénévoles, celle des non-syndiqués, mais ce n'est pas celle des travailleurs eux-mêmes. Ce n'est franchement pas ma perception de ce que pensent aussi fondamentalement les travailleurs sur le terrain. J'ai des problèmes de connection là-dedans.

La responsabilité dans ce sens est inversée. Ce que commande l'ensemble du Conseil des services essentiels en termes d'esprit, la loi qu'on a devant nous comme proposition, c'est de dire: Quelle est la part de chacun et quelle est votre part en tant que travailleurs dans l'ensemble du système? On a inversé, jusqu'à maintenant, l'éthique dans ce sens et cela m'apparaît fondamental pour aborder cette question.

Je vous avoue que la piste, cela en est une; prise sérieusement et travaillée sérieusement, je pense qu'elle mérite,

fondamentalement, d'être explorée. Ce qu'on a vu jusqu'à maintenant n'est pas très prometteur. La responsabilité ultime, et je souscris à ce qui a été dit tantôt, je pense que l'État a une responsabilité ultime là-dedans dont il ne faut pas que vous soyez dégagé, en aucune façon. Je pense que vous y êtes condamné.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: À la suite de cette condamnation...

M. Cloutier: C'est le prix.

M. Paradis: C'est le prix qu'il faut payer. Vous affirmez dans votre mémoire, et ce sont toutes les associations qui le font, la primauté du droit des bénéficiaires à recevoir les services de santé et services sociaux que leur état requiert. Je vais adresser des questions, si vous me le permettez, spécifiquement sur ce point, premièrement, à l'Association des centres d'accueil; deuxièmement, à l'Association des CLSC et, troisièmement, à l'Association des CSS.

Le projet de loi détermine un pourcentage différent dans chacun des cas; dans le cas des centres d'accueil - et c'est par ce réseau que je vais commencer - la loi prévoit 90 % dans le cas de débrayage. On recevait récemment, de la part de la quasi-totalité des membres de votre association, à titre de parlementaires à l'Assemblée nationale, une lettre du conseil d'administration ou du directeur général de l'établissement qui nous prévenait qu'à cause de l'alourdissement des clientèles, de coupures budgétaires, etc., - cela variait d'un centre d'accueil à l'autre dans la correspondance que nous avons reçue - les services étaient actuellement offerts aux bénéficiaires à 60 %, à 65 %, à 70 %. Est-ce que vous pouvez, tout en affirmant la primauté du droit des bénéficiaires, concevoir que dans la situation où vous vous retrouvez comme établissement qui a le devoir de dispenser ces soins aux bénéficiaires... C'est 90 % de 60 % - c'est de cela qu'on parle finalement - ce n'est pas 90 % de 100 %. Je voudrais qu'on en soit conscient. Est-ce que cela reconnaît la primauté du droit des bénéficiaires à recevoir les services de santé dans vos centres d'accueil? (12 h 30)

M. Cloutier: L'idéal c'est: Pas de grève et 100 % tout le temps. C'est sûr, le ministre des Affaires sociales, le président du Conseil du trésor et l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale connaissent la situation financière du réseau des centres d'accueil. On a eu des débats, notamment avec le ministre des Affaires sociales, depuis longtemps sur cette question. Il va s'en poursuivre encore. Il y a des ajustements et des choix de société à faire et ils ne sont pas encore faits. C'est à cela que l'Association des centres d'accueil veut vous sensibiliser.

Les quinze prochaines années seront catastrophiques par rapport aux besoins d'une population vieillissante. La marée grise s'en vient; il va falloir composer avec elle. Les propos de M. Clair, au début de la présente partie de la commission, le signalaient, avec raison.

Je ne suis pas sûr qu'on ait pris suffisamment le taureau par les cornes, par exemple, à ce jour. On peut vous dire, en tout cas, que, dans nos chaises, on aimerait un peu plus de vigueur et de la part de beaucoup de monde.

Par contre - là, je m'en viens davantage à votre question des 90 %, on peut parler très longtemps de la situation financière de notre réseau et je dois vous avouer que c'est un dossier qui me préoccupe personnellement beaucoup - il faut composer avec les mentalités sociales existantes. Cela fait vingt ans qu'on centralise; cela fait vingt ans qu'on a connu des difficultés, des grèves, etc. Il faut quand même constater que, à la dernière ronde de négociations, on a senti un tournant commencer à s'installer dans la mentalité des travailleurs, du public, des patrons, de notre côté, ce qui a fait en sorte qu'on a été un peu plus raisonnable vis-à-vis de la difficulté que nos clientèles représentaient. On a, par exemple, eu peu de jours de grève lors de la dernière ronde de négociations, très peu.

C'est une tradition de la part des travailleurs de nous dire: Oui, il y a peut-être des gens qui ont des problèmes plus grands que les autres. Mais c'est une chose que de faire un virage à 180 degrés et de composer avec cette évolution de mentalité. En toute liberté et tout seul, je puis vous dire qu'à 100 % je n'ai pas de problème mais, si je suis réaliste, j'en ai.

Je pense qu'il faut composer avec la courbe qui est prise. Les mentalités avancent et je pense que les travailleurs sont conscients de ces choses: 90 % - cela aurait pu être 92 % ou 95 %; on peut se parler longtemps sur le chiffre en soi - je pense que c'est un compromis raisonnable entre ce qui est possible, acceptable et qui répond au minimum à notre norme de 60 % dont on parlait. On va, je pense, pouvoir passer à travers.

Je ne vous dis pas qu'il n'y aurait pas un, deux ou cinq cas difficiles. C'est possible, Mais, a priori, d'après l'expérience qu'on a, c'est un chiffre qui, raisonnablement, nous apparaît un pas significatif et qui permet le symbole. Le symbole, on l'a débattu avec M. Pagé lors de la première commission parlementaire; je

pense que c'est une chose fondamentalement importante pour les travailleurs et, là-dessus, il faut essayer, ensemble, de faire le compromis le plus intelligent possible.

M. Paradis: Je ne veux pas entreprendre de débat, je vais passer à une deuxième question, mais très brièvement, ce que vous avez mentionné, ce qui s'est produit dans l'évolution même des gens qui oeuvrent chez vous, les travailleurs et travailleuses qui oeuvrent dans vos établissements, s'il y aeu progression à la dernière ronde de négociations, je pense que vous êtes à même de le constater présentement, cette évolution et cette progression se sont maintenues, ce qui nous permet peut-être d'avoir des objectifs encore plus élevés que ce qu'il y a sur la table présentement.

En ce qui concerne les CLSC - je souhaiterais avoir tout le temps possible - le ministre des Affaires sociales, face à un problème d'engorgement de salles d'urgence, entre autres, redit souvent dans ses répliques et dans ses réponses qu'il faut habituer la clientèle qui reçoit les services à passer par cette porte d'entrée, même sur le plan médical, lorsqu'il s'agit de salles d'urgence, où on peut traiter des cas mineurs, etc.

On parle, dans le cas des CLSC, de maintenir des services à 60 %. Mais est-ce qu'encore là on parle de 60 % de 100 %? On a combien de cas de CLSC qui gèrent des cliniques d'urgence, pour ne mentionner que ce département de vos activités? Sait-on - vous l'avez mentionné tantôt - que vous avez beaucoup plus de programmes que celui-là - dans ce cas-là qui, présentement, ferment le soir, la nuit, les fins de semaine?

Je vais être prudent avec l'affirmation suivante: Fermer sur l'heure du dîner, cela se faisait il n'y a pas tellement longtemps. Cela inquiète le ministre et cela m'inquiète également, de ce côté-ci de la table. Lorsqu'on parle de services, en cas de conflit de travail, diminués de 40 % de ce qui existe déjà, on se dit: Qu'est-ce qui reste? Est-ce que la primauté est encore là de façon pratique?

M. Charlebois: Concernant l'accessibilité, il faut être prudent avec les heures d'ouverture des CLSC parce qu'il y a beaucoup d'activités des CLSC qui sont offertes à domicile ou qui sont également offertes en soirée pour des groupes, des cliniques, etc. Le bureau peut être fermé, mais il y a des activités, cependant, qui sont données. Je pense particulièrement aux services et soins à domicile; entre autres, la presque-totalité des CLSC offre des services en dehors des heures de travail la semaine et également la fin de semaine. Cela, c'est une première chose.

Concernant les cliniques d'urgence, il y a combien de CLSC qui ont des cliniques d'urgence? Il y en a très peu, il y en a dans les régions éloignées, très éloignées. En Gaspésie, il y a des CLSC qui ont des cliniques d'urgence; sur la Côte-Nord, il y a des centres de santé et des CLSC qui ont de telles cliniques.

M. Paradis: À 50 milles de Montréal, vous allez en retrouver.

M. Charlebois: À Châteauguay, entre autres, il y a une clinique d'urgence. Il y a effectivement peu de CLSC qui ont des cliniques d'urgence, comme telles, qui sont ouvertes et qui fonctionnent. Il y a des considérations financières qu'il ne faut pas négliger. C'est-à-dire que mettre en place une clinique d'urgence qui va fonctionner 24 heures, sept jours, ça prend du personnel. Bien sûr, les CLSC peuvent embaucher autant de médecins qu'ils veulent, parce que les médecins sont rémunérés directement par la Régie de l'assurance-maladie, sauf que les frais afférents à la mise en place d'une clinique doivent nous venir du ministère des Affaires sociales.

Avec l'infrastructure que le CLSC a, il est capable d'embaucher un, deux, trois ou quatre médecins. Au-delà de ça, il faut rajouter des pieds carrés, il faut rajouter du personnel de soutien, il faut rajouter des infirmières. Là, il y a une limite budgétaire. Cela, c'est une contrainte de système importante et il ne faut pas trop facilement jeter la pierre aux CLSC en disant: Vous n'ouvrez pas. Il y a des contraintes de système, il y a des contraintes financières qui font que les cliniques ne peuvent pas être mises sur pied.

Le phénomène des urgences a été discuté chez nous, dans le milieu des CLSC, et il y a eu des échanges avec des gens du réseau, récemment, dans la région de Montréal. Il n'apparaît pas évident pour la majorité des intervenants - je ne parle pas que des CLSC, je parle autant des conseils régionaux que du secteur hospitalier - que c'est en ouvrant des cliniques d'urgence que le problème des urgences va se régler à Montréal. Le problème ne serait pas tellement en amont, mais en aval. Finalement, pour réduire un peu la pression dans les urgences, dans le secteur hospitalier, dans les cliniques, c'est en offrant de plus nombreux et de plus importants services et soins à domicile, c'est-à-dire permettre, en aval, qu'on puisse dégager des lits et faire en sorte que les patients qui sont alités à l'urgence puissent occuper les lits à l'hôpital.

Il y a eu une première réflexion qui a été faite avec les partenaires du réseau dans la région de Montréal particulièrement, qui est une région où la question des urgences est très importante. Ce qui est ressorti, c'est effectivement d'évaluer et de toucher

la bonne cible. J'ajoute qu'ouvrir des cliniques d'urgence dans les CLSC, ça demande aussi beaucoup d'équipement que les CLSC n'ont pas: laboratoires, rayons X, etc. Autrement, les CLSC ne peuvent pas faire de l'urgence.

Il y a un autre élément qu'il faut ajouter. Si on prend les Urgences-santé, par exemple, à Montréal, tout le secteur des ambulances, une bonne partie des appels qu'ils ont ne constituent pas de véritables urgences. Il y a actuellement des projets qui sont en train de s'élaborer pour que, dans toute cette partie information et référence à la population, collectivement, les CLSC de Montréal puissent prendre la relève et donc jouer un rôle utile d'établissements de première ligne au palier des urgences, quant à cette question. Donc, en aval, renforcement du maintien à domicile parce qu'on a une pression importante sur le maintien à domicile, également sur l'information-référence et sur la prolongation des heures d'ouverture. Enfin, cela fait plusieurs fois qu'on est amené à dire cela, soit ici, soit au ministère: Il n'y a pas de résistance corporatiste des CLSC à ouvrir; il y a des contraintes de système et, avec les moyens qu'ont les CLSC actuellement, ils desservent finalement la clientèle et étirent le budget le plus qu'ils peuvent pour rejoindre la population.

M. Dallaire: M. Groulx avait un commentaire à votre question, je pense.

M. Paradis: II ne faudrait pas oublier les CSS.

M. Dallaire: On ne les oubliera pas.

M. Groulx: Non, c'est par la gauche, parce que cela fait partie des centres d'accueil, mais privés et également des centres hospitaliers de longue durée. Alors, je serais bien mal vu de vous dire... Vu que la position des privés effectivement a toujours été pour l'abolition du droit de grève et la primauté aujourd'hui, je ne suis pas gêné de lire ce que j'ai lu. Par contre, lorsqu'on a fait ces renvendications, évidemment, compte tenu de l'ensemble du personnel et des problèmes que l'on vit qui sont des problèmes financiers - mais ce ne sont pas uniquement des problèmes financiers que l'on subit dans les établissements - c'est un peu pour cela que, dans le mémoire, on a quand même fait mention que nous sommes d'accord avec la mécanique suggérée. On pense, évidemment, qu'il s'agit d'établir un climat de travail et, au niveau de la décentralisation, on espère qu'il sera possible de négocier des arrangements qui permettent une réalité concrète des travailleurs dans leur emploi, compte tenu des spécificités des établissements. C'est ce qu'on a toujours prétendu: des centres d'accueil, ce ne sont pas des hôpitaux généraux et des centres hospitaliers de longue durée. Ce n'est pas cela. Il faut peut-être arrêter de penser à des cheminements identiques et à des structures identiques. Lorsque l'on pense à 100 %, à 80 %, à 60 % ou à 70 %, cela ne règle pas le problème. Évidemment, on a des besoins, mais c'est comme quelqu'un qui désire s'acheter une Audi ou une Volkswagen; les deux peuvent aller partout, mais il s'agit de savoir ce qu'on a.

Alors, compte tenu de notre orientation, on l'a toujours maintenu: Idéalement, dans le secteur de la santé, en particulier pour les clientèles qu'on avait, on était pour le maintien du droit et on l'est encore. On l'a été depuis dix ans. Voilà dix ans, on était les seuls. Par contre, on est aussi obligés d'examiner l'historique qu'on a vécu. On a pensé qu'on avait trouvé une solution en le donnant; je pense qu'aujourd'hui on se rend compte que ce n'est pas cela et, inversement, on tente une démarche qui nous apparaît tout à fait acceptable et tout à fait prometteuse dans l'optique qu'on a déjà franchi beaucoup de pas.

M. Paradis: Pendant que vous êtes l'interlocuteur privilégié, j'aurais une brève question à vous poser et je vous la pose tout de suite. Le ministre des Affaires sociales me disait - je prends sa parole, le règlement m'y oblige - que, du côté des centres d'accueil privés, il y avait moins de griefs dans les relations de travail qu'au niveau du public. Vous êtes peut-être mal placé pour répondre à la question, mais je vous l'adresse candidement.

M. Groulx: Je suis très bien placé, parce que je vous dirai que, jusqu'à l'avant-dernière négociation, on avait dans le secteur privé conventionné une clause qui disait: Le perdant paie. Malheureusement, à cause de l'uniformisation et de la centralisation, en particulier avec le problème précis de ce qui existait du côté de l'éducation, parce qu'on uniformisait, les seuls qui l'ont perdu, c'est nous. Alors, on est bien placés pour vous dire qu'effectivement cela avait beaucoup d'influence et qu'on a assisté à une progression. Alors, on espère qu'en décentralisant on pourra renégocier. En tout cas, on aura des éléments qui nous permettront peut-être d'envisager une telle modalité.

M. Paradis: Quant aux CSS, rapidement, avec les transformations qui ont été vécues au cours de la dernière année, comme parlementaire, le message que j'ai pressenti de votre groupe c'est qu'avec les effectifs, s'il faut utiliser ce terme-là, qu'on vous laissait et la clientèle que vous mainteniez,

vous étiez déjà dans une situation qui était très difficile pour maintenir les services. (12 h 45

Maintenant, lorsque vous avez parlé tantôt de ce qui était essentiel chez vous, vous avez dit: Ce qui est essentiel chez nous c'est ce que j'ai retenu, vous me corrigerez si ce n'est pas exact - c'est d'être à l'écoute, parce que c'est là qu'on peut juger, lorsqu'on est à l'écoute si la situation demande une intervention immédiate ou si elle peut être remise d'une journée, de deux jours ou de deux semaines, finalement.

Dans ce contexte du transfert d'effectifs, où il faut être à l'écoute si on veut être capable de porter un jugement sur l'urgence finalement, comment pouvez-vous concilier le pourcentage de 55 % en cas de conflit de travail avec ce qui est affirmé dans le mémoire, la primauté du droit des bénéficiaires?

M. Thibault: Ou fait que, dans la loi, on établit maintenant un pourcentage de personnel qui doit rester au travail en cas de grève, pour nous, que ce soit 50 %, 55 %, 60 %, le débat n'est pas fondamental sur le chiffre. Ce qui est important, c'est qu'il y en ait une certaine quantité qui demeure, ce qui va nous permettre de constituer des équipes pour garantir la réception en tout temps des signalements qu'on peut recevoir en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, pour garantir la réception téléphonique des personnes qui appellent et qui vivent des situations de détresse ou des situations de crise. On pense que les 55 %, c'est vraiment un taux qui permet de garantir ces services-là au départ, à partir du moment où on peut effectivement être à l'écoute de la population et des services qu'elle demande, et apprécier les situations. Il faut faire attention dans le sens que ce n'est pas tout d'être à l'écoute. Si tu es à l'écoute et que la personne vit une situation de crise et que tu ne peux pas intervenir, tu n'es pas plus avancé. Donc cela prend des gens qui sont au travail pour recevoir les demandes de services et cela prend aussi des gen3 qui sont au travail pour intervenir dans les situations de crise.

Dans ce sens-là, je rappelle en terminant simplement que la durée de la grève va être assez importante dans le sens que, selon que la grève est prolongée ou courte, le taux de 55 % pourrait s'avérer amplement suffisant ou nettement insuffisant tout dépendant des situations.

Mme Denis (Lise): Si vous me permettez de compléter aussi, je dirais que, quand on parle d'être à l'écoute et d'assurer aussi la prise en charge, on pense aux secteurs particulièrement vulnérables des lois d'exception, que ce soit la protection de la jeunesse ou les jeunes contrevenants. Dans le cas des CSS - je pense que c'est le cas aussi des autres catégories d'établissements - il reste qu'il y a aussi une interconnexion entre les établissements, c'est-à-dire qu'on risque effectivement, dans le temps, d'avoir des cas qui nous sont référés, par exemple, par les CLSC. Dans le fond, un bénéficiaire peut effectivement être appelé à recevoir des services de différents types d'établissements et de nous en complémentarité. Dans ce sens-là, les pourcentages à un endroit et à l'autre doivent subir des ajustements, compte tenu de ces pressions.

M. Paradis: Une dernière question peut-être à M. Dallaire. Dans votre mémoire, vous indiquez: "Nous sommes donc tous d'accord pour vous recommander à nouveau de modifier les articles 39 et 40 pour que chaque palier de négociation puisse assumer à la fois l'autorité et la responsabilité correspondant à son niveau de négociation". Tantôt, vous avez entendu l'Association des hôpitaux du Québec dire que, selon elle, on était également condamnés comme parlementaires à l'Assemblée nationale à déterminer l'enveloppe globale sur le plan des sommes qu'il faut consacrer au secteur de la santé ou au secteur des affaires sociales. Comment concilier la pleine autorité que vous recommandez - si vous êtes d'accord avec l'affirmation, parce que vous pouvez diverger d'opinion également -avec cette affirmation de l'Association des hôpitaux du Québec qu'il revient à l'Assemblée nationale du Québec de déterminer l'enveloppe globale?

M. Dallaire: D'abord, je pense qu'on a parlé des paliers. Alors, en parlant des paliers, on dit que, sur le plan salarial, il y a une responsabilité qui est au niveau du Conseil du trésor. Cela va là.

M. Paradis: Excusez, une précision. J'ai cru croire - j'aurais peut-être dû l'interroger davantage - que l'Association des hôpitaux du Québec, laissait cette responsabilité-là au niveau de l'Assemblée nationale comme telle, alors que ce que vous me dites, c'est au niveau du Conseil du trésor. Je sais que c'est ce qui est écrit dans la loi présentement, mais j'aimerais avoir vos opinions et vos idées.

M. Dallaire: C'est une opinion et, on voulait distinguer. Notre proposition, c'est de distinguer les niveaux d'intervention. Alors, reprenons-les à l'envers: les établissements au niveau sous-sectoriel à l'intérieur de l'encadrement du projet de loi, alors qu'à ce moment-là, au niveau sous-sectoriel, on délègue véritablement à la fois le travail de faire cette négociation, mais aussi la responsabilité de le faire sans toujours requérir des mandats. Au niveau sectoriel, au

niveau du ministre, parce que le niveau sectoriel, tout à coup, est relié au ministre et après cela au niveau de l'ensemble - MM. les techniciens me corrigeront - que cela aille au niveau du gouvernement.

M. Neveu (Yves): On dit dans le mémoire que le projet de loi établit quatre paliers de négociation. Le Conseil du trésor est clairement identifié comme celui qui doit négocier les salaires et les échelles de salaire. Par la suite, on parle d'un palier national qui comprend, à la fois, les paliers sous-sectoriels et le palier sectoriel. Il y a un partage des matières qui va se faire entre ces deux paliers, soit par une annexe supplémentaire à la loi, soit par consensus entre les parties négociantes. On dit que, théoriquement, les matières qui vont être négociées au niveau sectoriel sont des matières de prépondérance gouvernementale. On a donné quelques exemples tantôt, les quantum, les régimes de retraite, les régimes d'assurance, des choses comme cela. On dit: Qu'à ce niveau les mandats originent du gouvernement, soit du Conseil du trésor, soit du ministère des Affaires sociales, en ce qui nous concerne, on est d'accord avec cela.

Par ailleurs, il y a un bloc de matières qui ne sont pas de prépondérance gouvernementale et qui relèvent davantage de la gestion et de l'organisation du travail et qui vont être négociées au niveau sous-sectoriel. Ce qu'on demande, en demandant de modifier les articles 39 et 40, c'est d'enlever l'obligation de requérir les mandats au Conseil du trésor pour les matières qui sont de responsabilité sous-sectorielle.

De toute façon, s'il y a, effectivement, décentralisation - et je ne parle pas des arrangements locaux - au niveau local, il est prévu que les parties locales pourront, pour les matières qui seront décentralisées, négocier sans demander leur mandat au Conseil du trésor. Ce qu'on demande, c'est que la même chose existe pour le palier sous-sectoriel.

Le Président (M. Lachance): Merci. Il n'y a pas d'autres intervenants qui ont demandé la parole. Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Le Blanc-Bantey: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir au code d'éthique, parce que, pour avoir vécu, comme d'autres, une négociation, j'ai l'impression qu'on pourrait se permettre les plus belles réformes, les plus belles lois, y compris l'abolition du droit de grève pour ceux à qui cela ferait plaisir, s'il n'y a pas une complète réforme des mentalités, à mon avis, cela ne nous mène nulle part. Quelques-uns d'entre vous y ont fait allusion. Puisque j'ai parlé du droit de grève, je vais dire que j'ai la conviction que ce n'est pas parce qu'on l'abolirait qu'on arrêterait d'avoir des grèves dans les hôpitaux. Ce qu'il faut, c'est que l'employeur sectoriel, l'État, les syndiqués, l'Opposition, finalement tout le monde change de mentalité et finisse par amorcer des négociations dans un climat que j'appellerais de minimale confiance.

Il m'est apparu, en lisant dans la presse, parce que, malheureusement, je n'ai pas pris connaissance du code d'éthique, que c'était la preuve que s'était amorcé chez les syndiqués et chez les centrales ce changement de mentalité que tout le monde espère à grands cris depuis un certain nombre d'années. Non seulement je trouvais l'initiative heureuse, mais elle pouvait me sembler le prélude à une nouvelle ère de relations de travail. Je vous avoue que j'ai trouvé votre attitude très réticente. Je me suis dit: La confiance n'est pas pour demain. Je vous ai trouvés... Je ne m'attendais pas à un enthousiame délirant, mais je ne m'attendais pas, non plus, surtout de la part de M. Groulx, je pense à une attitude - je pense que je vais le dire un peu brutalement - un peu méprisante. Je ne m'attendais pas, non plus, à si peu de réaction de votre part, ce qui m'indique que le changement de mentalités auquel je fais allusion n'est probablement pas rendu plus loin chez vous, chez la partie patronale.

Je comprends, tout le monde a vécu des traumatismes de part et d'autre, mais je pense que vous allez admettre que ce changement de mentalités vous incombe aussi. On verra ce que les prochaines années donneront. Le début de ce changement m'apparaît extrêmement fragile. Je vais quand même profiter de votre présence ici parce que, malheureusement, je ne pourrai pas être là cet après-midi quand les syndiqués viendront, pour vous demander - et je pense que c'est vous qui y avez fait allusion - ce que vous entendez par un processus de responsabilité inversée.

M. Cloutier: M. Neveu pourra compléter au besoin. Le document qu'on a sur cette question est peut-être que les intentions syndicales sont plus grandes, en termes de perspectives, que ce qu'on a pu préparer comme document jusqu'à maintenant. Dans ce sens, du fait que, de leur côté, en ce moment, on prenne le temps de regarder cette dimension, je vous dis et M. Charlebois tantôt vous le disait: II y a là une piste à explorer, à continuer de travailler, etc.

L'idéal, c'est la conscience responsable de tout le monde dans l'ensemble de notre circuit, qui fait en sorte qu'on ne se retrouve plus dans les culs-de-sac qu'on a déjà vécus. On n'en est pas là encore. Il y a eu dépôt d'un papier; il y a eu des discours d'intention. Je dois vous dire qu'à l'inverse, du côté des centres d'accueil, cela ne fonctionne pas par des intentions. Demain

matin, s'il y a une grève, il faut composer avec les bénéficiaires. Cela, c'est non négociable. Je veux dire que les personnes âgées, on en a 35 000 sur les bras demain matin et, quelles que soient les lois, quelles que soient les attitudes, quelqu'un va devoir aider ces personnes en difficulté.

Je dois vous avouer que, historiquement, les gestionnaires de centres d'accueil ont essayé de faire de grands bouts de chemin pour les servir. La piste est bonne; il faut l'explorer, il faut la continuer. Dans trois ou cinq ans, dans mon esprit, quand vous parlez d'évolution des mentalités, je ne refuse pas du tout l'hypothèse qu'on puisse convenir d'un code d'éthique semblable.

À la base, les trois parties impliquées -je pense que M. Groulx en faisait état -n'ont pas été mises à contribution dans ce qui est déposé à ce jour. Mais partons avec ce qu'on a. Idéalement, il faudrait convenir de ce code d'éthique, notamment, avec les bénéficiaires. Je pense que M. Brunet et son groupe ont fait valoir les intérêts de ces gens d'une façon très éclatante et je pense qu'ils ont raison.

Dans ce sens, on dit: La piste est bonne; le document qu'on a vu est décevant et il ne faut pas fermer la porte, bien au contraire. Mais, cela ne nous assure pas suffisamment de garanties pour les prochains un an et demi, deux ou trois ans, à l'endroit des bénéficiaires qu'on a à desservir et du contrat de fournisseurs de services pour pouvoir dire: Oui, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, en ce moment, avec le document qu'on a en main. Ce n'est pas le cas et, franchement, je suis obligé de vous le dire.

Mme Le Blanc-Bantey: Vous dites, par ailleurs, que dans la perspective où un climat de confiance pourrait s'établir, vous n'auriez pas d'objection à vous asseoir avec les centrales syndicales et à voir dans quelle mesure ce type de code d'éthique ou de détermination des services - appelez-le comme vous le voulez - pourrait vous permettre finalement de rendre les services au bénéficiaire puisque tout le monde convient que c'est là le noeud, entre autres, de notre système de santé et le noeud de la réforme. C'est certainement, en tout cas, le secteur le plus vulnérable.

M. Cloutier: Mais ce chiffre se situera à l'alentour ultimement de 90 %. Dans notre lecture des situations des clientèles qu'on a à desservir, dans le cas des centres d'accueil, on va se rapprocher de 90 %.

Mme Le Blanc-Bantey: Et, actuellement, qu'est-ce qu'il y a?

M. Cloutier: Ce qu'on nous offre dans le projet de loi nous apparaît... Parce qu'on en a besoin maintenant, on ne peut pas retarder le processus pendant encore cinq ans pour s'asseoir et discuter. Sur le plan de la discussion, il n'y a pas de problème; on est prêt à jaser avec les centrales syndicales de ce genre de choses. Mais selon notre perception et la lecture qu'on en fait, les besoins de nos clientèles se situent alentour de 90 %, pour être, au minimum, raisonnables.

Mme Le Blanc-Bantey: Je n'entrerai pas dans le...

M. Cloutier: M. Neveu, vous complétez, quant à l'inversion de la responsabilité.

M. Neveu: Je voudrais ajouter un certain nombre de choses aussi. Tout le monde partage l'idée d'un code d'éthique. On a dit que ce devrait être un consensus impliquant toutes les parties. On est d'accord avec cela, bien sûr. Ce qu'on dit, c'est que le document qui nous est produit ne tient certainement pas d'un code d'éthique. Vous avouez ne pas en avoir pris connaissance. Je pourrai vous en donner des copies.

Il y a un certain nombre d'erreurs fondamentales là-dedans. Le discours syndical rejette la loi 72, revient à la loi 59, revient au rapport Picard et dit: La responsabilité de déterminer les services essentiels appartient en totalité aux syndicats. C'est cela que le syndicat demande et réclame. Tout le code d'éthique est basé là-dessus. Conséquemment, il y a deux choses que le syndicat dit: Pendant la grève, confiez-nous la gestion de vos établissements; lisez la mécanique qui est ici et c'est à cela que ça équivaut. Je caricature peut-être de façon grossière, mais lisez-la et cela dit: Donnez-nous la gestion des établissements. Nous allons déterminer le nombre de salariés, mais de la façon suivante: On va d'abord... C'est cela, l'inversion, parce que la loi 72 dit que c'est aux salariés d'assurer les services essentiels. Le truc de cette affaire, c'est de dire: D'accord, donnez-nous les cadres, donnez-nous les bénévoles, donnez-nous les syndicables non syndiqués, on va les "dispatcher" dans l'établissement. On va leur donner le travail à faire et, là, c'est d'abord vous qui allez assumer les services essentiels. Si, après cela, il manque encore du monde, là, on ajoutera des salariés. C'est l'inversion.

Le Président (M. Lachance): À ce moment-ci, je dois vous signaler qu'il est 13 heures. Il faudrait un consentement s'il y a désir de continuer les travaux; sinon, il faudrait mettre fin aux travaux maintenant.

M. Clair: Peut-être un mot, M. le Président. Je voudrais simplement dire aux associations patronales du domaine de la

santé, l'AHQ, de même que celles qui sont présentes devant nous, que les mots employés tantôt par M. Cloutier, je crois: une réforme raisonnable, le résultat d'un compromis, cela m'apparaît être effectivement ce qui est fondamental dans cette réforme du régime de négociation. Je tiens à souligner que, sans l'esprit de compromis entre les différentes associations patronales qui étaient devant nous ce matin, elles ne seraient pas venues avec une position commune, chacune ayant des positions différentes quant à certains contenus de la réforme du régime de négociation. Je pense qu'elles ont elles-mêmes fait preuve de raisonnabilité et d'un sens du compromis en se regroupant ainsi pour présenter un seul mémoire et avoir une position commune à l'égard de la réforme du régime de négociation. Je les en remercie. Bonne fin de journée.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, comme porte-parole de mon groupe, je voudrais remercier bien sincèrement les groupes qui se sont réunis pour réagir ensemble en regard du projet de loi 37. L'échange s'était très bien amorcé avec plusieurs d'entre vous . lors de l'étude de l'avant-projet de loi. IL s'est poursuivi aujourd'hui de façon utile et intéressante avec mon collègue de Brome-Missisquoi. Je retiens que vous êtes partiellement satisfaits. Par contre, il y a d'autres parties du projet de loi qui demeurent sujettes à caution en ce qui vous concerne. Soyez assurés que nous continuerons non seulement nos réflexions, mais aussi nos actions et nos représentations plus particulièrement sur le volet jugé discutable par votre témoignage de ce matin. Bonne chance.

Le Président (M. Lachance): Mesdames, messieurs, merci pour votre participation aux travaux de cette commission. La commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux à cet après-midi, après la période des affaires courantes, alors que nous entendrons des porte-parole de la Coalition pour le droit de négocier.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 16 h 33)

Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de l'administration se réunit avec le mandat de procéder à des consultations particulières portant sur le projet de loi 37, Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à toutes les personnes qui nous rendent visite cet après-midi pour participer aux travaux de cette commission et indiquer que, après une entente entre les deux formations politiques, il a été convenu de passer droit à l'heure du lunch, sauf peut-être une brève interruption de dix, quinze minutes, et de terminer les travaux entre 19 h 30 et 20 heures.

Coalition pour la défense du droit de négocier

Je demanderais maintenant aux différents porte-parole de bien vouloir, s'il vous plaît, s'identifier, en commençant par ma droite.

Mme Goyette (Monique): Monique Goyette, du Cartel des organismes professionnels de la santé.

Le Président (M. Lachance): Si vous voulez, pour le Journal des débats, peut-être qu'on pourrait faire déplacer un microphone.

Mme Goyette: D'accord. Monique Goyette, du Cartel des organismes professionnels de la santé.

M. Palumbo (Michael): Michael Palumbo, Provincial Association of Catholic Teachers.

M. Perron (Luc): Luc Perron, Syndicat des professeurs de l'État du Québec.

Mme Préfontaine (Nicole): Nicole Préfontaine, Fédération québécoise des infirmières et infirmiers.

M. Cadieux (Louis-André): Louis-André Cadieux, SPGQ.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Jean-Louis Harguindeguy, Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec.

M. Weiner (Harvey): Harvey Weiner, Association provinciale des enseignants protestants du Québec.

M. Charbonneau (Yvon): Yvon Char-bonneau, Centrale de l'enseignement du Québec.

M. Larose (Gérald): Gérald Larose, Confédération des syndicats nationaux.

M. Laberge (Louis): Louis Laberge, FTQ.

Mme Pelletier (Hélène): Hélène Pelletier, Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et infirmiers du Québec.

M. Gingras (Claude): Claude Gingras, de la Centrale des syndicats démocratiques.

Mme Weaver (Hélène): Hélène Weaver, Fédération des infirmières et infirmiers unis incorporée.

M. Gerbeau (Claude): Claude Gerbeau, Fédération des professionnels et professionnelles des services éducatifs du Québec, au niveau des Commissions scolaires.

M. Massé (Henri): Henri Massé, Fédération des travailleurs du Québec.

Le Président (M. Lachance): Merci. Est-ce qu'il y a un porte-parole ou bien si...

M. Laberge: Nous avons plusieurs porte-parole.

Le Président (M. Lachance): Comme les parlementaires n'ont pas eu l'occasion de prendre connaissance du mémoire conjoint que vous présentez, on pourrait avoir une période plus longue que d'habitude, de 45 minutes à une heure, si vous le désirez, pour nous faire connaître votre point de vue sur le projet de loi 37 et, ensuite pour échanger des propos avec les parlementaires.

M. Laberge: Justement, M. le Président, avec les heures que nous croyions avoir devant la commission parlementaire, on aurait pensé que, de 16 heures à 18 heures, il y aurait eu la présentation du mémoire. Ensuite, en reprenant à 20 heures, de 20 heures à 22 heures, il y aurait eu la période des questions qui aurait peut-être pu se prolonger jusqu'à 22 h 15, 22 h 30, 23 heures. Maintenant, vous nous dites qu'on va procéder jusqu'à 8 heures, c'est cela?

Le Président (M. Lachance): C'est cela, oui.

M. Laberge: Ou 20 heures, comme vous dites.

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Laberge: Cela veut dire 8 heures quand même?

Le Président (M. Lachance): À peu près, oui.

M. Pagé: M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: On avait évoqué cette possibilité, plutôt que d'ajourner nos travaux pour l'heure du dîner, entre 18 heures et 20 heures, de continuer jusqu'à 20 heures. Soit dit en passant, cela vous permet de prendre les nouvelles de 18 heures et les nouvelles de 22 heures.

M. Laberge: Écoutez, pour une fois qu'on a la chance d'avoir tout ce beau monde-là devant nous, on ne manquera pas l'occasion.

M. Pagé: Nous aussi.

M. Laberge: M. le Président, nous sommes prêts à procéder.

Le Président (M. Lachance): Alors, nous vous écoutons.

M. Laberge: M. le Président, messieurs les ministres - parce que je vois qu'il y en a quelques-uns - mesdames et messieurs membres de cette commission parlementaire, je pense que c'est un événement historique, en quelque sorte, que nous vivons aujourd'hui. 366 000 travailleuses et travailleurs du secteur public qui font partie d'un tas de syndicats et d'associations différents et qui ont décidé, par rapport à une attaque de front, malgré les divergences et malgré tous les problèmes que nous pouvons connaître, les organisations les unes envers les autres, de se regrouper et de former la Coalition pour la défense du droit de négocier des travailleuses et des travailleurs du secteur public.

Le ministre Clair et les autres aussi, je pense bien, sont très au courant que nous avons fait des démarches depuis fort longtemps. Ce ne sont pas des démarches de dernière minute. Nous avons fait des démarches très tôt, en 1984, pour essayer de convaincre le gouvernement de nous rencontrer pour voir s'il n'y aurait pas moyen, en discutant, de se rapprocher pour un changement du régime de négociation du secteur public.

Je dois vous dire que, dès le départ, on ne s'est pas opposé à un changement comme tel. On a dit: Vous voulez un changement, parfait! Nous sommes prêts à regarder, nous sommes prêts à discuter. Nous avons effectivement, à tour de rôle, au cours du printemps 1984, rencontré le ministre responsable et le premier ministre. Nous avons fait des suggestions et, finalement, en juin, on a eu une lettre nous disant qu'à un retour de voyage quelconque - dont je ne me souviens plus, cela n'a pas tellement d'importance, je ne pense pas - ils étaient pour entrer en communication avec les centrales syndicales et voir s'il y n'y avait pas moyen de se rencontrer et de discuter de toute cette question.

En fait, il y a eu des rencontres, en septembre et en octobre, entre plusieurs ministres - de temps à autre, le premier

ministre - et les trois principales centrales syndicales, au début, pour voir s'il n'y avait pas moyen de se rapprocher sur un changement du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic.

C'est avec un peu de stupeur qu'au mois de décembre on voit le projet de loi déposé. L'avant-projet de loi étant déposé, les positions devenaient quand même un peu plus claires. Et c'est là que nous nous sommes rencontrés avec les différents syndicats et associations des secteurs public et parapublic et décidé, d'un commun accord, de former cette Coallition pour la défense des droits des travailleuses et des travailleurs des secteurs public et parapublic.

Il y a eu une commission parlementaire. Il y en a qui ont paru un peu offusqués parce que la FTQ avait décidé de ne pas se présenter à la commission parlementaire. Il faut se rappeler que c'était le dépôt d'un avant-projet de loi. Ce qui est différent d'aujourd'hui: c'est maintenant un projet de loi. Et même si le ministre nous a dit qu'en dehors de virgules et de points il n'y aurait pas grand-chose qui serait changé, nous pensons encore qu'à une commission parlementaire formée de membres de l'Opposition aussi bien que de membres du parti gouvernemental, peut-être - peut-être! - qu'à force d'expliquer les choses et de donner notre point de vue, nous espérons qu'il se changera plus que des points et des virgules dans le projet de loi. De toute façon, c'est là que nous en sommes.

Il y a eu des changements d'apportés au cours de toutes ces discussions, c'est bien évident. Je pense même que le ministre a dit lui-même à quelques reprises que parfois on semblait beaucoup plus près d'un accord et que parfois on semblait éloignés. Le projet de loi, tel qu'il est devant vous et devant nous maintenant, veut dire la négation du droit à la négociation et du droit de grève.

Nous reconnaissons et nous avons toujours reconnu que dans les secteurs public et parapublic, et particulièrement dans le secteur des affaires sociales, le droit de grève ne pouvait pas s'exercer comme sur un chantier de construction, comme dans une usine, comme dans un bureau. C'est sûr. On a toujours parlé de respecter les services essentiels. Nous en parlons toujours. Si vous voulez établir des planchers, nous trouvons que c'est une formule tellement rigide qu'elle deviendra une camisole de force qui empêchera les services essentiels d'être vraiment assumés par les travailleurs et les travailleuses concernés.

Nous croyons que le Québec est en train de faire un immense pas en arrière. Il est bien évident que le gouvernement peut, s'il a la détermination voulue, faire adopter son projet de loi tel quel. C'est bien évident. La Coalition ne sait pas encore quels seront les moyens d'action qu'elle entreprendra pour combattre le projet de loi. Une chose est sûre: nous n'acceptons pas le projet de loi. Vous allez peut-être nous l'imposer, mais nous ne l'acceptons pas. Si ce n'est pas dans les jours et les semaines qui suivent que la Coalition prendra les actions voulues pour convaincre tout le monde que le projet de loi n'est pas applicable - enfin! il sera devenu loi à ce moment-là, bien sûr - le temps se chargera de démontrer à tout le monde que c'est vraiment un pas vers l'arrière et que, loin de régler des problèmes, il nous mène très directement à un affrontement, ce que semblait vouloir éviter le ministre responsable.

Je dois vous faire remarquer que les derniers affrontements qu'il y a eu dans les négociations des secteurs public et parapublic ne sont pas venus des syndicats. Je vous fais remarquer qu'il y avait une convention en bonne et due forme, dûment signée. C'est le gouvernement qui a voulu mettre la hache là-dedans! Nous avons subi le revirement du gouvernement qui avait signé la convention collective et qui a voulu gruger dans les choses qui avaient été concédées lors des dernières négociations. Au lieu de vouloir nous interdire les possibilités d'un affrontement, je me demande si le gouvernement n'aurait pas dû se regarder davantage et s'imposer des limites afin d'éviter les affrontements.

De toute façon, nous croyons que le projet de loi 37 ne fonctionnera pas. Le droit à la véritable négociation une fois sur trois, avec un institut... Et mon Dieu, pourquoi encore fafiner sur l'institut, alors que nous sommes tous d'accord pour qu'il y ait un institut de recherche. On a dit: Un institut de recherche paritairement composé, autant du côté patronal que du côté syndical, un président choisi par les parties qui fait des recherches et qui rend ses rapports publics dans les circonstances, le jeu devient très petit, le "gamble" du gouvernement n'est pas bien grand. Il y aura peut-être des obstinations sur 1/2 % ou 1/4 % ou des choses semblables. Mais, l'institut de recherche, si c'est sérieux, si cela obtient la crédibilité des gens, ni le mouvement syndical, ni le gouvernement, ni personne ne pourront passer bien bien à côté des recommandations et des résultats des recherches faites par cet institut de recherche. Mais pourquoi s'obstiner à vouloir nommer trois membres qui vont en faire un institut de recherche gouvernemental patronal plutôt qu'un institut de recherche absolument indépendant et qui s'obtiendrait une crédibilité.

Les services essentiels, nous allons vous en parler dans les détails. Nous croyons que le code d'éthique et, pour la première fois, l'engagement de tous les syndicats oeuvrant dans les secteurs public et parapublic

d'assumer les soins directs aux patients assureraient une bien meilleure protection aux patients des hôpitaux, des centres d'accueil et de tout le reste que des planchers. Enfin, nous aurons l'occasion de vous en parler.

Quant au régime de négociation, je vous fais remarquer tout simplement en passant que le Canada est signataire du décret du Bureau international du travail qui reconnaît que tous les travailleurs et toutes les travailleuses, même du secteur public, ont le droit de négocier. La loi 37 nous enlève ce droit de négocier. Nous avons toujours dit que nous croyons à la décentralisation, mais nous croyons que cela devrait partir des tables centrales, et convenu entre les représentants patronaux et les représentants syndicats de ce qui devrait descendre aux tables locales pour être aménagé, arrangé, etc.

Tout ceci pour vous dire, M. le Président, que nous nous présentons devant vous, bien sûr dans le respect des traditions parlementaires, dans le respect des traditions démocratiques. C'est très différent de la dernière fois où nous avions un avant-projet de loi. Là, nous avons un projet de loi, donc une volonté du gouvernement de légiférer. Nous nous présentons devant vous, malgré les déclarations du ministre responsable, en espérant que le projet sera amendé, que les parlementaires voudront bien regarder ce qui nous divise encore, qui n'est pas énorme dans le fond, mais qui est d'une importance capitale, puisque cela se résume à ce qu'il y aura au moins, dans le bas mot, 366 000 travailleuses et travailleurs au Québec à qui on refuse le droit de négocier. Est-ce qu'il y aura 366 000 travailleuses et travailleurs au Québec qui, à partir de maintenant, seront rattachés à des mécanismes automatiques qui viendront régir leurs conditions de travail? Il faut bien comprendre, et je termine là-dessus, M. le Président, que sur les 366 000 travailleurs et travailleuses, 75 % à 80 % sont des femmes. Ce n'est pas vrai que ces femmes peuvent espérer qu'en faisant des comparaisons avec le secteur privé où les différences entre les hommes et les femmes sont énormes encore - le seul endroit où les femmes ont réussi à regagner un peu, cela a été dans le secteur public - qu'à l'avenir, alors que leurs conditions, leurs salaires seront presque rivés au secteur privé, elles pourront garder espoir que dans le secteur public, elles pourront au moins donner l'exemple de choses qui pourraient être faites pour les femmes.

Alors, M. le Président, nous vous demandons maintenant de permettre aux différents porte-parole de passer à travers le mémoire de façon assez brève, mais afin que vous en ayez suffisamment connaissance.

M. Charboneau (Yvon): M. le Pré- sident, M. le ministre du Travail du secteur public, mesdames et messieurs de la commission parlementaire. Ma tâche, à ce moment-ci, est de vous résumer le chapitre premier du mémoire. Donc, je suis à la page 9.

Nous pensons qu'un véritable régime de relations du travail doit favoriser la recherche du consensus entre les parties d'abord sur les règles du jeu. On doit aussi respecter le droit de se syndiquer, le droit de négocier véritablement les conditions de travail, permettre l'existence d'un rapport de forces, reconnaître le droit de grève et assurer le respect des services essentiels. Voilà cinq traits sur lesquels nous allons revenir un par un.

D'abord la recherche du consensus. Nous avons cru comprendre, dans le texte qui a lancé tout ce débat, lequel a été signé par le ministre Clair au mois de mai dernier, nous avons cru saisir un appel à un nouveau pacte quant aux règles du jeu en matière de relations du travail dans le secteur. Or, ce que nous avons constaté tout au long de cette année qui s'est écoulée, c'est que le ministre n'a pas dérogé de ses idées de base. Et il n'est pas possible, au terme de cette année, de constater un accord des parties sur les règles du jeu. Il n'y a pas de consensus sur les règles du jeu, sur les règles de la négociation dans le secteur public.

Ce que nous constatons, avec le dépôt du projet de loi, c'est que le gouvernement veut imposer ses règles du jeu, et ces règles du jeu comportent des entorses ou des attaques substantielles au droit même de négocier, notamment sur la question salariale, ce qui est absolument inconcevable, et sur bien d'autres aspects aussi. Donc, en partant, on constate la trajectoire d'un gouvernement qui cherche à se donner raison d'une manière permanente et à pouvoir décréter, à sa guise, un bon nombre de nos conditions de travail dont les plus essentielles comme les salaires et bien d'autres.

Le droit de se syndiquer et de négocier. Bien sûr, le gouvernement n'attaque pas carrément le droit de négocier, pas nommément, mais l'effet est le même. Quand on attaque le droit de conduire de véritables négociations sur les salaires, pendant deux ans sur trois où le gouvernement pourra faire à sa guise à toutes fins utiles, quand on attaque le droit de négocier véritablement beaucoup de conditions de travail à différents niveaux, on essaie de dévaloriser, finalement, la syndicalisation comme telle.

Nous pensons que le gouvernement aurait eu tout intérêt à reconnaître que la négociation, c'est à peu près ce qu'il y a de plus civilisé qu'on a pu trouver pour définir un régime de relations du travail. Si ce n'est pas la négociation, c'est l'imposition. La

négociation, c'est la recherche de la conciliation des intérêts divergents ou différents entre des parties. Quand cela n'existe plus, on n'est pas loin d'avancer vers la barbarie. Le gouvernement préfère organiser un système où il pourra se donner raison tout le temps, enfin en apparence.

Il faut aussi être assez réaliste pour savoir que les problèmes se règlent, en relations du travail, lorsque les parties constatent qu'il y a plus d'avantages à les régler qu'à les laisser traîner. Or, nous qui avons beaucoup d'expérience - je le dis sans prétention, mais en nombre d'années à tout le moins, à travers les diverses organisations représentées ici - dans les rondes de négociation, ce qui n'est peut-être pas le cas du ministre, dans les relations du travail du secteur public, nous savons que les problèmes se règlent lorsqu'il y a plus d'intérêt à les régler qu'à les laisser traîner. Nous savons cela d'expérience. Certains de vos collègues aussi le savent très bien.

À ce moment-ci, vous avez pris le parti de ne pas les laisser traîner, mais de les régler tous à votre guise ou à peu près. Cela ne fera pas un bon régime de relations du travail. Le rapport de forces, dans votre discours officiel, vous dites que c'est un vieux terme, sauf que vous l'organisez pour qu'il joue pour vous seulement.

Voilà, je pense, quelque chose qui peut certainement être le résumé d'une stratégie d'un homme qui met le feu dans un système de relations du travail dans le public, calmement, posément, mais qui, néanmoins, joue un peu le rôle d'un pyromane dans le système.

La reconnaissance du droit de grève. C'est l'expression, c'est le recours ultime que les travailleurs et les travailleuses que nous représentons veulent avoir. On ne dit pas le recours à tous les matins, à toutes les années, on dit: Le recours ultime. Au moment où vous bloquez toutes les avenues en recours comme celui-là ou à peu près, vous allez provoquer des conflits encore plus graves, et quand le couvercle va sauter, ce sera beaucoup plus grave que si c'était dans le cours des règles normales du jeu. Cela, vous devriez le reconnaître en homme réaliste que vous prétendez être.

Le respect des services essentiels. Là-dessus, c'est une grande déception de notre part que le gouvernement n'ait pas reconnu la démarche importante que la coalition, que les syndicats ici représentés ont faite de ce côté. On nous a beaucoup parlé dans le passé, d'accrocs, d'erreurs de parcours et de difficultés sur la question des services essentiels. On nous a beaucoup parlé de la nécessité d'une responsabilisation de ce côté-là. Vous pourrez voir, tout à l'heure, un ensemble de propositions qui ont été élaborées - cela a pris un certain temps, mais c'est fait - pour en arriver à prendre nos responsabilités du côté de la dispensation de services essentiels, advenant un arrêt de travail. Nous sommes très déçus que le gouvernement n'ait pas enregistré le mouvement qu'il y a là-dedans, mais qu'il préfère encore une fois passer par une solution qui dicte les remèdes à tout.

Nous avons été, dès le début de ce débat, de ceux qui ont dit: II y a des problèmes dans le régime et il y a des améliorations à y apporter. Nous avons défini un certain nombre de propositions du côté de l'aide aux parties en cours de conflit. Il est vrai que notre système, tel que nous l'avons connu, ne prévoyait rien entre le début d'une négociation et la fin pour aider les parties en cours de route. Nous l'avons dit et nous avons suggéré des formules.

Nous avons certainement souligné des carences importantes du côté de l'information disponible aux parties. Nous avons proposé la mise sur pied d'outils pouvant produire de l'information à la disposition des parties et selon les besoins des parties. Il se peut que, en négociation, une partie ait besoin de certaines informations dont une autre pense ne pas avoir besoin. Avec la formule de l'institut, tel qu'il est en voie de se créer, cela prend l'unanimité des 19 personnes pour passer une commande. Il se peut qu'un partie ait besoin de quelque chose dont l'autre ne veuille pas. Ce n'est pas cela que nous visions quand nous parlions de produire de l'information utile aux diverses parties.

Nous avons des propositions importantes sur la question des services essentiels. Je crois que beaucoup de ministres et beaucoup de personnes qui sont en politique - nous le comprenons bien - sont sensibles à la question des services essentiels et nous aussi, nous le sommes. Non seulement nous sommes sensibles, mais nous avons élaboré quelque chose de neuf. On aimerait que ce soit pris en considération et non balayé du revers de la main comme cela semble l'être actuellement.

Si le gouvernement persiste dans la voie - je dois le qualifier; il y en a qui diront que c'est peut-être exagéré, mais trouvez-moi d'autres mots - autoritaire qu'il a entreprise sur cette question, il sème la pagaille pour les prochaines rondes de négociations.

M. Larose: M. le Président, si la coalition veut être claire par rapport à son appréciation du projet de loi 37, elle en arrive à la conclusion que vous ne faites pas oeuvre sociale utile pour le Québec. Au contraire, vous militez intensivement pour un recul, au Québec, sur plusieurs aspects.

Le premier aspect est sur la conception qu'on doit se faire des principes fondamentaux qui guident une démocratie qui est d'abord l'égalité des personnes. Le projet

de loi 37 propose que, au Québec, les syndiqués du secteur public aient des règles et des droits différents des syndiqués du secteur privé. On ne pense pas que c'est respecter l'un des principes fondamentaux de la démocratie qui est l'égalité des personnes.

Pour nous, le projet de loi 37 est aussi un recul sur les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs du secteur public. Je ne vous ai pas entendu dire que vous faisiez un projet de loi comme celui-là pour augmenter les salaires, pour multiplier les postes et pour alléger les tâches. Je pense que le projet de loi 37 - c'est la conviction des 19 organisations - est le prolongement d'une détérioration enclenchée depuis bon nombre d'année dans l'ensemble des réseaux et qui dégrade les conditions de travail et de salaire des employés du secteur public. C'est comme la phase finale d'une dernière expérience traumatisante sur le plan social qui est celle de 1982. C'est la proposition d'un régime de décret permanent. Là-dessus c'est un recul, en même temps que c'est un recul pour les services publics eux-mêmes et non seulement pour les travailleuses et les travailleurs qui y travaillent. (17 heures)

II y a dans le projet de loi 37 la négation de la dynamique sociale au Québec qui a fait que les travailleuses et les travailleurs organisés nous ont forcés collectivement, pas seulement les gouvernements mais l'opinion publique, l'ensemble des intervenants sociaux, à nous doter de services potables tant dans le domaine de la santé que dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la fonction publique et même des sociétés d'État. On n'a pas, comme organisation, été étrangère à cette avancée au plan historique et vouloir affaiblir la capacité d'intervention des organisations syndicales dans le secteur public, c'est remettre en question, à notre avis, non seulement le maintien mais le développement de ces acquis collectifs.

C'est un recul pour les femmes. On y a fait allusion. Je vous rappelle que 80 % des femmes syndiquées au Québec le sont dans le secteur public. Je vous rappelle que c'est le seul secteur où on a réussi, où les femmes ont réussi à rétrécir les inégalités salariales qui demeurent encore à 17 % par rapport au secteur privé où elles sont à 36 %. C'est le seul secteur où on a réussi collectivement à réduire les écarts entre les hauts et les bas salariés. C'est le seul secteur où socialement, je pense, on est allé chercher des acquis importants qui ont fait qu'on a reconnu l'importance sociale de la maternité, des congés de maternité ou des congés parentaux.

On ne pense pas que ce soit en affaiblissant le secteur public, syndiqué massivement du côté des femmes, qu'on va valoriser les femmes du secteur privé.

Le projet de loi 37 fait partie d'une offensive, je pense, qui marque des points, reconnaissons-le, depuis quelques années au Québec et ailleurs, de l'idéologie patronale, qui en a toujours beaucoup contre tout ce qui est instrument collectif, tout ce qui est loi sociale, tout ce qui est droit des travailleurs et travailleuses. Le projet de loi 37 a pour effet de renchausser ce camp bien identifié au Québec. C'est un projet qui certainement, ils nous l'ont dit d'ailleurs, réjouit le patronat.

Globalement pour nous, le projet de loi 37 ne vise pas seulement et n'aura pas d'effet seulement pour les travailleuses et les travailleurs du secteur public, mais aura des effets d'entraînement importants pour l'ensemble du secteur syndiqué comme pour l'ensemble du secteur non syndiqué, et l'ensemble de la population. Le projet de loi 37 pour nous, c'est un recul et un recul pour le Québec.

Nous allons passer à partir de la page 21 à chacun des points, et nous abordons déjà la décentralisation. C'est M. Yvon Charbonneau qui va faire le premier morceau là-dessus.

M. Charbonneau (Yvon): Oui, du côté de l'organisation des parties, je crois que c'est le début de toute ronde de négociations. Qui négociera quoi et avec qui? Je crois que c'est la première question. On abordera cette question, après le secteur de l'éducation, du côté des affaires sociales, de la fonction publique. Et après, on arrivera à la question des salaires.

Dans le secteur de l'éducation - je suis à la page 25 du mémoire - nous faisons état à la page 25 de la lecture que nous avons du projet de loi quant à l'organisation de la négociation d'abord pour le personnel enseignant des commissions scolaires, pour le personnel enseignant et professionnel des collèges, où le projet de loi prévoit la définition d'une liste de sujets obligatoirement négociés localement, mais sans droit de grève. Ces négociations pourraient avoir lieu en tout temps et se terminer par le recours éventuel à un médiateur-arbitre.

Ce projet de loi définit aussi, pour ce qui est du personnel de soutien des commissions scolaires et des collèges et du personnel professionnel des commissions scolaires, un système différent ouvrant à des négociations locales, mais à partir d'une liste de matières déterminées au niveau de la négociation nationale. Des négociations locales cette fois, cependant, dans le sens de négociations débouchant sur des arrangements locaux. Pour ce qui est des commissions scolaires Crie et Kativik, c'est un système différent aussi.

Nous voulons vous répéter certaines

propositions d'organisation des parties à la négociation qui nous sembleraient plus fonctionnelles et qui, à notre avis, s'inscrivent encore mieux dans la perspective de décentralisation qu'affiche souvent le gouvernement, du moins pour ce qui est du personnel enseignant des commissions scolaires.

Je suis à la page 26. Nous constatons qu'à travers les années il s'est instauré là un mode de négociation, à toutes fins utiles, à deux paliers. L'importance du palier local a varié selon les rondes de négociation, mais il s'est structuré là un mode à deux paliers, et je crois que cela correspond à la réalité d'organisation de ce secteur de l'enseignement.

Nous pensons qu'il y a intérêt à ce qu'il y ait une véritable négociation sur le plan local, pour ce qui est des enseignants et enseignantes des commissions scolaires, sur tout ce qui a trait au champ de l'organisation du travail et du mouvement de personnel. Nous pensons qu'une véritable négociation locale doit aussi envisager le droit de grève comme recours ultime des salariés. Ce recours, d'ailleurs, n'a pas été écarté d'un projet d'entente qu'avait considéré la Fédération des commissions scolaires et le ministre de l'Éducation assez récemment.

Nous pensons que la formule du projet de loi pose des problèmes. D'abord les objets de négociation locale seraient décrétés par le gouvernement, enfin, par le biais d'une annexe au projet de loi. Ils seraient donc définis par une partie seulement au lieu d'être convenus. Voilà un mauvais départ. Il vaudrait mieux s'entendre sur les objets qui devraient être de compétence locale. Nous pensons aussi que ces objets, une fois définis, pourraient avoir un certain caractère de permanence et constituer un modèle de relations du travail dans ce domaine.

Les délais. Selon les termes du projet de loi, la négociation locale pourrait avoir lieu en tout temps. Cependant, l'entente ne pourrait être à nouveau négociée avant deux ans sans l'accord des deux parties. Qu'advient-il de ces ententes au moment de la signature d'une convention collective nationale? L'obligation de négocier à un moment précis est pour le moins douteuse.

La question du médiateur-arbitre comme point terminal de cette négociation. Tout d'abord, il faut bien lire et faire les liens qu'il faut entre divers articles du projet de loi et s'apercevoir que ce recours au médiateur-arbitre est tout à fait, finalement, discrétionnaire et laissé entre les mains du ministre. Une partie peut demander au ministre du Travail de désigner un médiateur-arbitre. Le ministre a un pouvoir discrétionnaire d'accéder à cette demande. Et advenant que le ministre ait désigné un tel médiateur-arbitre et que le désaccord persiste après 30 jours, les parties pourraient, d'un commun accord, demander au médiateur-arbitre de trancher le litige.

Donc, on s'aperçoit qu'il faut toujours l'autorisation de la partie patronale à toutes les étapes ou du gouvernement s'il s'agit de la désignation du médiateur-arbitre, ou de la partie patronale s'il s'agit de demander au médiateur-arbitre de trancher, d'arbitrer. Il faut l'autorisation de la partie patronale. À ce moment, nous doutons tout à fait du bon sens de cette formule qui, encore une fois, est complètement unilatérale et donne tous les moyens à un seul côté de la table seulement. C'est une autre affaire qui n'a pas de bon sens. Les gens n'auront pas d'intérêt à négocier dans un système comme cela. Il n'y a pas de droit de grève d'un côté et, d'un autre côté, cela prend la permission de la partie patronale pour demander à l'arbitre de trancher. Franchement, c'est le gouvernement qui essaie de se donner raison sur toute la ligne, de se donner raison à lui-même ou à ses partenaires.

Évidemment, dans un contexte comme celui-là, nous allons être très peu intéressés à une forme de pseudo-négociation, à une caricature, à un simulacre de négociation au plan local. Vraiment, à ce moment, le gouvernement contredit sa propre démarche de décentralisation; il la met dans la vitrine et la vide de sa substance par l'arrière. C'est une affaire qui n'a pas de bon sens.

Alors, la proposition que nous faisons est à la page 28. Pour ce qui est des enseignants et enseignantes de commissions scolaires, une véritable négociation locale doit exister selon les mécanismes prévus au Code du travail. Celle-ci devrait porter sur une liste permanente d'objets convenue entre les parties au niveau national et pouvant, par la suite, être modifiée avec l'accord des parties - cela permet un caractère évolutif aussi - et différents mécanismes de rapprochement entre les parties pourraient être envisagés et convenus avant le recours à la grève. Cette proposition aurait l'avantage de prendre en considération l'expérience accumulée à travers les années et de s'inscrire dans une logique de véritable décentralisation, ainsi que nous le laissait espérer le projet de loi 3, par exemple, adopté en décembre dernier et auquel nous avons souscrit - certains ministres s'en souviendront avec bonheur et rareté - et pour lequel nous avons dit que nous ferions un essai loyal, justement, en vertu de la question de la décentralisation. Mais le ministre collègue, lui, dit: Oubliez cela, c'était pour un bout de la discussion; pour l'autre bout, maintenant, on va vider cela de sa substance.

Pour ce qui est du personnel de soutien des collèges et des commissions scolaires, et pour le personnel professionnel des

commissions scolaires, nous trouvons que rénumération des matières, qui est à l'annexe B du projet de loi, devrait être reprise et faire l'objet de discussions et non l'objet d'une loi. Elle devrait faire l'objet d'un accord. Nous sommes d'avis, bien sûr, que certaines dispositions des conventions collectives nationales puissent être aménagées au niveau local - de ce côté-là, ça va - pour permettre une évolution tenant compte de l'expérience acquise. Nous croyons que ce sont les parties à chaque négociation nationale qui devraient définir le cadre et la portée des arrangements locaux, les parties qui définissent le système.

Pour ce qui est des commissions scolaires Crie et Kativik, qui sont certainement un cas spécial, étant donné les ententes particulières dites de la Baie James, nous croyons qu'il y a du temps qui s'est écoulé, il y a de l'expérience qui s'est accumulée de ce côté-ià, et que nous devrions envisager un régime de négociation du même type pour ces commissions scolaires, quitte à aménager le partage des matières d'une manière adaptée aux conditions nordiques, si tel est le constat auquel en arrivent les parties. Actuellement, ce sont des systèmes de comités patronaux spéciaux, à côté du système général. Nous pensons qu'il faudrait réintégrer cela à l'intérieur et adapter les matières, et non pas faire un régime d'exception au point de départ.

M. Larose: Pour les cégeps, votre proposition a pour effet de décentraliser au-delà de la moitié de la convention collective au plan local; pour les enseignants et les professionnels, négociation sans droit de grève et négociation avec des gens qui ne sont pas élus, et surtout des gens à qui on dicte de l'extérieur ou d'en haut les enveloppes budgétaires à partir desquelles il devront gérer leurs établissements. Nous pensons que la négociation dans les cégeps, tant pour les professionnels que pour les enseignants, devrait se faire à une table sectorielle, avec disposition convenue d'arrangements locaux. C'est notre proposition. On pense que les cégeps et les enseignants, cela doit se ressembler un peu d'un cégep à l'autre et qu'habituellement, pour des caractéristiques particulières, il est possible, à travers les arrangements locaux, de s'adapter aux caractéristiques particulières. Il y aurait là moins de danger de disparités régionales, il y aurait là moins de danger, je dirais, de développement de la privatisation d'un certain nombre d'aspects au niveau des cégeps. En plus, il faut dire que les effets de la négociation locale durent deux ans et ceux de la négociation nationale trois ans. À partir de quand la convention collective va-t-elle exister? Il y a une désynchronisation dans l'ensemble de vos propositions en termes de décentralisation. Pour le cas des professionnels, nous serons dans la joyeuse situation suivante: pour 700 personnes, il y aura 50 tables de négociation et, normalement, un syndicat qui travaille dans la normalité a au moins trois représentants syndicaux. II y aura donc au minimum 150 personnes, des professionnels, à 50 tables différentes, pour représenter 600 personnes. On trouve que le quota est un peu fort. Que 20 % du "staff" soient obligés de négocier, on trouve qu'il y a là quelque chose, un défi important pour les organisations syndicales, mais nous pensons que c'est du gaspillage érigé en système. Un psychologue à Gaspé et un autre à Hochelaga-Maisonneuve, cela se peut qu'ils ne soient pas allés à la même université, mais se peut-il qu'ils parlent tous les deux de psychologie et qu'ils traitent les délinquants à peu près de la même façon? La proposition est un peu cul par-dessus tête sur ces aspects. On pense qu'une négociation sectorielle, avec possibilité de décentraliser sur des arrangements locaux, cela maintiendrait, je dirais, l'harmonie dans l'ensemble du réseau et cela permettrait de satisfaire aux besoins un peu plus particuliers des différentes régions ou des différentes situations. Louis va nous parler des affaires sociales. (17 h 15)

M. Laberge: Dans le secteur des affaires sociales, c'est un peu le même scénario, très compliqué: une table centrale, ce qui est complètement nouveau - avant, il y avait une table centrale des affaires sociales correspondant à la représentation de chaque centrale syndicale - cinq secteurs: hôpitaux publics, centres d'accueil publics, centres locaux de services communautaires, centres de services sociaux, établissements privés conventionnés. Pas trop mal! Pourvu qu'aux tables centrales, dites nationales, des affaires sociales, c'est là que puisse se décider ce qui pourrait être discuté dans les cinq secteurs mentionnés. Autrement, c'est la négation même, pour la vaste majorité des tables qui décideraient que le mouvement de personnel devrait être discuté aux tables centrales - si une seule table d'un seul secteur s'y oppose, cela ne peut pas aller à la table centrale - c'est la négation, mais vraiment, de la négociation dans ces secteurs-là.

Ce que nous proposons, c'est que, pour les travailleurs et les travailleuses des affaires sociales, comme ailleurs, l'essentiel de la négociation se déroule aux tables "affaires sociales" correspondant à chaque partie syndicale négociable; que les tables sous-sectorielles correspondant aux différentes catégories d'établissements aient une reconnaissance légale - nous sommes d'accord - que les objets référés à ces tables

le soient, à la suite d'une entente à cet effet entre les parties patronales et syndicales, à la table des affaires sociales; que la liste des matières devant faire l'objet d'arrangements locaux soit définie au niveau national à chaque négociation.

M. Harguindeguy: Pour ce qui est de la fonction publique, nous nous adressons à vous à deux titres: d'abord, comme législateurs, et également comme patron, puisque nous relevons directement de vos décisions. Pour vos propres employés, qui sont les éternels oubliés des diverses réformes dans le domaine des relations du travail, les restrictions que va nous imposer le projet de loi 37, ajoutées à celles qui sont déjà contenues dans la Loi sur la fonction publique, ainsi qu'un vaste nombre de règlements et de directives qui en découlent, font en sorte que, pour nous, travailleurs et travailleuses de la fonction publique du Québec, le droit à la négociation devient, à toutes fins utiles, symbolique, contrairement, d'ailleurs, aux recommandations de la commission Bisaillon que l'Assemblée nationale avait cru opportun de créer, il y a quelques années, et contrairement aussi aux engagements formels pris par la ministre de la Fonction publique en 1983, dans le cadre de l'étude de la Loi sur la fonction publique. Le projet de loi 37 maintient, à toutes fins utiles, le régime d'exception auquel nous sommes actuellement assujettis.

Nous profitons à nouveau de ce débat pour vous rappeler les diverses revendications que nous avons maintes fois formulées par l'entremise de mémoires déposés ici et également appuyés, maintenant, par la coalition, revendications qui ne nous semblent pas avoir été prises en considération, tant par les membres de l'Assemblée nationale -vous-mêmes - que par les hauts fonctionnaires, qui nous semblent avoir la haute main ou la mainmise sur l'application et l'orientation à donner à la fonction publique.

Nous demandons donc que la Loi sur la fonction publique soit modifiée pour nous permettre de négocier l'ensemble de nos conditions de travail, et ce, pour tous les employés et employées de la fonction publique, à quelque niveau que ce soit.

Nous demandons, d'autre part, que la classification des emplois soit négociable puisqu'on peut difficilement concevoir que, si la rémunération est négociable, la partie sur laquelle est basée une telle rémunération sur la classification ne le soit pas, puisque la rémunération est strictement établie en fonction des plans de classification. Le fait de nous refuser de négocier la classification, quant à nous, équivaut à nier le droit de négocier les salaires pour les employés de la fonction publique.

D'autre part, les pouvoirs régle- mentaires que le Conseil du trésor, qui est notre employeur direct, possède et d'autres organismes qui sont censés être neutres, tels la Commission de la fonction publique et l'Office des ressources humaines, font en sorte que cela a des implications, des restrictions additionnelles concernant la promotion ainsi que toutes les matières qui sont relatives à la carrière des employés. Nous estimons que ces restrictions devraient être éliminées. Donc, toutes les modalités qui entourent la promotion, l'approbation, l'acquisition de la permanence, la nomination et le classement des employés devraient être dorénavant négociées.

Nous croyons également que la loi devrait être modifiée afin de déterminer que l'ensemble des recours, notamment ceux des changements de grade, soient également soumis à la négociation et déterminés par les parties.

Pour ce qui est des placements d'employés en disponibilité, nous estimons que ceci devrait aussi se faire sur la base de dispositions négociées. Dans les cas également où des règlements chevauchent des dispositions qui sont contenues dans nos conventions - et, depuis 1983, dans les décrets - nous croyons que cela devrait également être des matières négociables strictement pour les employés syndicables. Nous songeons ainsi aux normes d'éthique, aux mesures disciplinaires et aux diverses mesures administratives, et aux mesures traitant de la protection des fonctionnaires.

Nous croyons également que, s'il y a un domaine après 20 ans d'expérience qui devrait être modifié, c'est sûrement le régime syndical qui prévaut dans la fonction publique. Le droit d'affiliation devrait être reconnu pour l'ensemble des associations syndicales, comme également le droit à la grève pour tous, y compris même les agents de la paix, sous réserve des conditions qui nous sont d'ailleurs imposées en tant que fonctionnaires, celles de maintenir certains services essentiels.

Nous croyons donc que le régime dont nous revendiquons la négociation devrait être applicable à tous sans distinction, que ce soient les agents de la paix, les professionnels, les fonctionnaires, les ouvriers, les professeurs de l'État, enfin, tous ceux qui relèvent directement de la fonction publique.

Nous croyons que la syndicalisation des employés de la fonction publique, qui date des années 1960, compte tenu des résultats obtenus notamment dans le fait de la rendre performante, moderne, efficace et non partisane, devrait être continuée. Ce n'est que par voie de négociation que nous estimons pouvoir le faire.

Nous croyons qu'en 1985, après plus de 20 ans d'expérience des restrictions imposées actuellement, il serait temps que vous

accordiez le droit à toutes les catégories de travailleurs et travailleuses d'avoir un statut identique à celui des autres travailleurs et travailleuses du Québec, d'avoir des droits qui sont reconnus à tous les autres citoyens. C'est pour cela que, d'une façon bien simple, la seule chose que nous revendiquons, c'est que les dispositions du Code du travail nous soient applicables de façon intégrale.

Pour ce qui est des organismes gouvernementaux pour lesquels vous vous êtes gardés également de grands pouvoirs, tout d'abord, d'inclure ou d'exclure des organismes, nous estimons que ceci devrait se faire après accord des parties. Également, nous croyons que leur droit de négociation total et complet devrait être reconnu contrairement à ce que vous proposez dans le projet de loi, dans les articles 75 et suivants, où c'est le Conseil du trésor qui détermine les matières et les mandats des organismes aux fins de la négociation.

Le prochain, ce sont les salaires.

M. Laberge: Alors, M. le Président, sur la question des salaires, je pense que, là, on en arrive vraiment au coeur du projet de loi présenté, le droit de négocier les salaires. Pouvez-vous me dire qui ne rirait pas des beaux discours que nous faisons au Québec sur notre démocratie, sur le droit qu'ont les travailleuses et les travailleurs de se syndiquer, si, d'un autre côté, ils n'ont pas le droit de négocier leurs conditions de travail, leurs salaires, leurs échelles de salaire, leurs classifications? Bien sûr, le projet de loi reconnaît qu'une fois tous les trois ans ce sera une véritable négociation. Mais, pour les deux autres années, ce sera une imposition, ce sera un décret. De la façon dont l'institut est proposé, il n'y a personne qui va faire confiance à cet institut pour nous donner des informations impartiales sur lesquelles on pourra se baser pour présenter des arguments. Si je n'avais pas peur que le ministre ne se ravise et enlève véritablement le droit de négocier au moins un an sur trois, j'oserais quasiment lui dire que c'est pire, une frustration accumulée pendant deux ans qui va se ramasser la troisième année où on aura le droit de négocier. Il me semble que ce n'est pas la meilleure formule pour éviter les affrontements.

Encore une fois, j'y reviens parce que je pense que c'est le coeur du projet de loi. Si on avait un institut vraiment indépendant du gouvernement, un conseil d'administration des parties patronales et syndicales, un président choisi par les parties, mais nommé par le gouvernement, qui pourrait faire son travail, qui pourrait nous arriver avec des résultats, faire des recommandations, cela aurait un poids énorme sur les revendications syndicales, bien sûr, et sur les propositions patronales. Cela ne pourra pas faire autrement que d'avoir un poids énorme. Encore faut-il que tout le monde soit convaincu que ce ne sera pas un organisme gouvernemental qui va servir les intérêts du gouvernement. Rappelez-vous, au premier sommet économique de tous - je pense que c'était à La Malbaie - cela nous est arrivé là. Tout le monde y a souscrit. Bien sûr, un Pay Research Bureau, tout le monde rêve de cela. C'est quelque chose qui peut faire avancer les négociations, qui peut diminuer de beaucoup les différences d'opinions qui peuvent exister entre les partenaires, parce que c'est un institut qui, après des recherches sérieuses, nous arriverait et dirait: Voici l'état de la situation. La rémunération globale, qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que vous allez prendre l'ensemble du secteur public, 366 000 travailleurs et travailleuses dans le secteur privé et dire: Ils gagnent moins avec leurs conditions de travail? Bien non, il faut qu'il y ait de vraies comparaisons pour nous permettre de pouvoir agir.

Encore une fois, nous comprenons mal l'inquiétude du gouvernement s'il y a un institut indépendant, sérieux, qui nous donne le résultat de ses recherches. Nous comprenons mal l'hésitation du gouvernement. Les différences ne pourront pas être énormes. Je veux dire: La situation, voici ce qu'elle est, elle est là et c'est tout. On ne pourra pas argumenter beaucoup si c'est un organisme indépendant, sérieux, qui s'est bâti une crédibilité.

Alors, nous croyons que la seule façon de reconnaître le droit à la négociation des 366 000 travailleuses et travailleurs des secteurs public et parapublic, c'est vraiment de leur donner le droit de négocier une convention collective de trois ans en ce qui a trait à la rémunération, à moins d'une situation bien exceptionnelle où les parties pourront convenir que ce soit deux ans ou un an.

M. Larose: On pourrait ajouter sur l'institut de recherche que nous voulons un institut qui ne se substitue pas aux parties, nous voulons un organisme qui soit au service des parties. Donc, quant à la composition, cela suppose que ce soient des mandataires des organismes ou des parties, la présidence étant choisie par les deux parties; il faut s'entendre sur la présidence.

Deuxièmement, sur le mandat, on trouve qu'il est très restrictif et le mécanisme de l'unanimité est sauté, si on veut élargir le mandat, c'est-à-dire l'unanimité. On sait très bien qu'à partir du moment où une des parties a planté quelqu'un dans le conseil d'administration, c'est un droit de veto à chacun des membres de ce conseil. Cela ne marchera jamais pour prolonger... Autant dire que vous ne voulez pas prolonger le mandat, d'aucune manière.

Une troisième chose, sur la rémunération globale. Il ne faut pas créer d'illusion. Déjà, c'est assez compliqué de ramasser toutes les données pour comparer les salaires. Vouloir comparer ou avoir un concept de rémunération globale qui inclue les assurances, les congés de maternité, la fête du Canada, c'est très intéressant, mais on ne paie pas Steinberg avec la fête du Canada. On paie encore Steinberg avec le chèque qu'on reçoit du salaire qu'on donne.

Une dernière chose, qui est une coquille, à notre avis. Pourquoi les gens qui composeraient cet institut seraient-ils des gens non syndiqués, non syndicables? On nous dit que c'est à cause de leurs fonctions confidentielles, alors que leur mandat premier est d'informer le public. Cela va être compliqué tantôt. Ne pas les syndiquer sous prétexte qu'ils font du travail confidentiel et le seul mandat qu'on leur définit, c'est d'informer le public. En tout cas! Il faudra nous expliquer cela un peu plus en détail si on veut comprendre.

Autrement dit, on veut un organisme crédible, mais qui fonctionne avec des mandataires et qui est au service des parties. La base de notre philosophie pour l'ensemble de la critique du projet de loi 37, c'est qu'il faut que ce soient les parties qui règlent. Les impositions de l'extérieur, c'est du "focaillage" légalisé, mais cela ne réglera jamais rien. Cela n'est pas vrai. Si on veut se faire des petites histoires du passé, on va vous en parler quand on va parler des services essentiels, mais, de l'extérieur, ne pensez pas régler les problèmes si les parties ne conviennent pas de régler. Cela a toujours été la philosophie des relations du travail et on ne passera pas à côté de cela, pas plus dans le secteur public que dans le secteur privé. (17 h 30)

Nous en serions à 3. 3, sur le règlement des différends. C'est Harvey qui va nous faire ce premier bout.

M. Weiner: Merci. Je reprendrai les derniers propos de Gérald parce que je pense, comme mes collègues ici, que le but envisagé par la loi 37, ce n'est pas le but envisagé par la population québécoise. Je pense que la population québécoise souhaite des règlements négociés avec un minimum de conflits et nous pensons que l'économie de la loi 37 va mener à des conflits et des décrets permanents. Au lieu d'améliorer la possibilité de négocier des solutions aux problèmes et de minimiser les possibilités de conflits, la loi 37 va effectivement dans le sens inverse.

Le gouvernement ne peut pas légiférer pour dire qu'il n'y aura pas des problèmes à résoudre à l'avenir ou que les problèmes, à l'avenir, vont être réglés unilatéralement par la partie patronale. Ce n'est pas en supprimant le droit de grève et en instaurant un régime de décrets permanents que le gouvernement va empêcher Ies conflits de surgir. Bien au contraire.

Nous soutenons que le droit de grève est indissociable du droit d'association et du droit à la négociation. L'expérience nous a démontré que, trop souvent, c'est seulement au moment d'une grève ou sous la menace d'une grève que les employeurs consentent des améliorations aux conditions de travail ou même renoncent à certaines détériorations.

Effectivement, nous pensons que, comme travailleurs, on a généralement réglé Ies problèmes sans avoir recours à ce mcyen ultime. Le nombre total de jours de grève, c'est très minime si on considère le nombre de conventions collectives qui ont été négociées au provincial et au local. C'est pourquoi nous avons proposé une formule pour tenter, par exemple, de traiter les problèmes là où ils existent. Par exemple, si je prends la situation des commissions scolaires pour les enseignants, je pense qu'on peut démontrer qu'effectivement, dans 95 %, sinon plus, des cas, on a réglé sans conflit. Comme enseignant, je sais qu'une note de 95 %, c'est une bonne note, mais, apparemment, pour le gouvernement, ce n'est pas suffisant.

Effectivement, dans ce secteur, on a trouvé une formule qui conviendrait aux parties impliquées - comme Yvon Charbonneau l'a indiqué - les commissions scolaires, les enseignants, les syndiqués et le ministre de l'Éducation. Effectivement, cette formule n'a pas été acceptée par le cabinet et on peut se poser la question: Pourquoi? Même le ministre, quand M. Bisaillon, M. Palumbo et moi-même l'avons rencontré le 19 mars, a indiqué, comme enseignant, que, sur les dossiers lourds, sur les fonctions et responsabilités des enseignants, sur les affectations et les mutations, il n'est pas pensable que les enseignants n'aient pas un vrai pouvoir de négociation. C'était dans le contexte d'une discussion sur le nombre de matières qui devaient être négociées au niveau local. Même le ministre a reconnu que, sur ces deux dossiers, cela prend un vrai rapport de forces.

C'est pourquoi on voit dans ce projet de loi ce qu'on appelle une médiation patronale. Une médiation patronale, cela ne peut pas mener à une vraie négociation. C'est une tentative de légitimer des décrets et cela, c'est inacceptable, pas seulement pour les syndiqués, mais je pense aussi pour la population québécoise.

C'est peut-être vrai que la population québécoise, avec toute la propagande qui a été faite depuis des années, est tannée des conflits qui surgissent ici et là, même si c'est dans la minorité des cas. Mais la population québécoise veut des règlements négociés. C'est une société démocratique et

la population québécoise ne croit pas au décret permanent. Selon les termes du projet de loi 37, le ministre du Travail peut, à sa discrétion, nommer ou non un médiateur. Il n'y a même pas de "dead line" prévu pour ce processus et on peut en déduire que dans la pratique aucune grève ne pourrait être déclarée sans le consentement soit du ministre du Travail, soit de la partie patronale.

Nous nous opposons à ce que la médiation devienne une étape obligatoire avant l'acquisition d'un droit de grève. L'étape obligatoire de la conciliation a été abolie dans le Code du travail et les motifs qui prévalaient alors valent encore aujourd'hui. Nous ne pensons pas que c'est à la fin d'une période intensive de négociation que les parties pourront conjointement développer une procédure de médiation différente. Nous nous opposons à ce que le médiateur soit nommé par le ministre du Travail étant donné sa participation au Conseil des ministres, ce qui le place en conflit d'intérêts.

Nous croyons qu'un système volontaire de médiation doit être à la disposition des parties et nous estimons que la formule la plus souple et la plus susceptible d'obtenir la confiance des parties est celle d'un conseil de médiation constitué d'une personne désignée par la partie patronale, d'une personne désignée par la partie syndicale et d'une troisième choisie d'un commun accord. À défaut d'entente, cette personne devrait être désignée par le juge en chef du Tribunal du travail.

Quant au mandat du conseil de médiation, nous appuyons la recommandation du rapport Martin-Bouchard voulant qu'il se limite à constater l'état des négociations, a tenter de rapprocher les parties, à rendre public un exposé des faits et à demeurer à la disposition des parties. En somme, nous voyons la médiation comme une étape du processus de négociation qui doit faciliter la conclusion des ententes et non pas venir alourdir davantage le processus en retardant l'exercice des droits syndicaux, en ne lui faisant même pas la promesse d'un règlement juste.

Nous proposons la mise en place d'un mécanisme de médiation volontaire susceptible de faciliter la conclusion d'un règlement. Le droit de grève ne devrait pas être abandonné à cette procédure. Un conseil de médiation devrait être constitué d'une personne désignée, comme je l'ai déjà dit, par chacune des parties et d'une troisième personne choisie d'un commun accord.

Je passe la parole à Hélène Pelletier qui va parler du droit de grève et des services essentiels.

Mme Pelletier (Hélène): M. le Président, mesdames et messieurs de la commission parlementaire, le projet de loi 37 interdit à tous et à toutes la grève sur le salarial de la deuxième et de la troisième année de la convention et sur les sujets négociés localement ou régionalement. Il exige de plus, lors d'une grève dans le secteur des Affaires sociales, que soient maintenus par quart de travail, parmi celles et ceux qui seraient habituellement en fonction lors de cette période, des pourcentages de syndiqués variant entre 55 % et 90 % selon le type d'établissement. Pour nous, ce n'est pas par une formule mathématique que doivent être établis les services essentiels, mais bien en tenant compte des différents lieux de travail ou des différentes situations. Lorsqu'on vous en fera la démonstration, le projet du code d'éthique, je pense, sera une formule beaucoup plus souple et beaucoup mieux adaptée aux différents milieux, tenant compte des différentes régions et des différents milieux du réseau des affaires sociales.

Nous ne croyons pas exagérer en affirmant que le projet de loi 37 ampute le droit de grève à un point tel qu'il s'en trouve à toutes fins utiles aboli. Il en est ainsi du droit de grève sur les salaires, du droit de grève sur environ la moitié de ce qui reste à négocier de la convention pour les enseignantes et enseignants des commissions scolaires et pour le personnel enseignant et professionnel des cégeps et de la possibilité d'exercer le droit de grève dans l'ensemble du réseau des affaires sociales. Si vous avez pris le temps de faire le calcul du pourcentage, vous avez sûrement dû réaliser qu'il n'y a pas beaucoup de salariés qui vont se retrouver en grève. 10 % de 3, de 4 et de 5, on ne va pas loin à ce niveau. Amputer de telle façon le droit de grève, c'est amputer d'autant le droit de négocier. L'expérience syndicale, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, nous apprend que, sans la menace d'une grève possible qui rétablit le rapport de forces, la partie patronale n'est pas pressée de négocier. Il apparaît clairement que l'abolition du droit de grève n'empêchera pas les conflits d'éclater puisque l'abolition du droit de grève n'élimine pas et ne règle pas les conditions qui sont à l'origine des conflits.

Ce n'est pas l'abolition du droit de grève, mais bien l'amélioration des mécanismes de négociation qui va limiter le nombre de grèves. Par ailleurs, les luttes syndicales, qui prennent parfois la forme de grèves, constituent un moteur de changement social qui véhicule des aspirations tant populaires que syndicales. C'est ainsi que les revendications des travailleuses et travailleurs des hôpitaux, comme celles des enseignantes et enseignants, au début des années soixante étaient porteuses de modifications en profondeur qui s'imposaient

dans le système hospitalier et le système d'éducation au Québec. C'est ainsi que la population québécoise a pu bénéficier de l'ensemble de ces réformes.

L'abolition du droit de grève dans le secteur public, qui sera sans doute exportée tôt ou tard dans le secteur privé, ne constitue donc ni une élimination à la source des conflits ni une garantie de progrès social. Nous proposons que le droit de grève soit maintenu pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses des secteurs public et parapublic.

Si la grève constitue le dernier recours des syndiqués pour amener l'employeur à négocier sérieusement, il n'en demeure pas moins que son exercice est susceptible d'affecter les services à la population, et ce parfois dans les secteurs névralgiques.

Se pose donc la question des services essentiels à maintenir. Le maintien d'un niveau donné de services provoque, à son tour, des effets sur l'efficacité de la grève. La coalition a toujours affirmé qu'autant nous croyons que la grève est un droit fondamental pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs, autant il nous faut reconnaître que certains services publics sont essentiels à la population. Le droit à la protection de la vie, de la santé, et à la sécurité est un droit fondamental que nous devons considérer sérieusement et traiter avec responsabilité. L'ensemble des travailleuses et des travailleurs de ces réseaux en sont conscients.

La notion de services essentiels n'est pas nouvelle. Elle a été établie par les travailleuses et les travailleurs de la santé dès la première grève nationale en 1966. Â cette époque, les syndicats avaient à plusieurs reprises offert de négocier les services essentiels. Devant le refus des patrons d'en discuter, ils ont décidé de les établir et de les maintenir. Depuis, ils ont toujours cherché à les assumer. De toutes les rondes de négociations dans les affaires sociales où une loi encadrait la prestation des services essentiels, nous considérons que ce n'est qu'en 1979 que la loi comportait un mécanisme valable de surveillance de ces services.

Aujourd'hui, par son projet de loi, le gouvernement tente de substituer à la négociation la contrainte et la répression. Il s'apprête à faire les mêmes erreurs qu'en 1975 et qu'en 1982-1983. Nous affirmons que ce n'est pas là le moyen de régler les problèmes des réseaux du secteur public. Tout en reconnaissant que les grèves dans le réseau ont permis d'améliorer les conditions de travail et la qualité des services, nous ne pouvons faire abstraction des craintes de la population face aux conséquences de débrayage. Selon nous, le droit de grève et le droit à la santé doivent coexister et non s'exclure mutuellement. C'est dans ce sens que la coalition, par son projet de code d'éthique, s'engage à assurer les services essentiels et à donner des garanties additionnelles à la population. Gérald Larose va vous donner plus de détails dans les prochaines minutes. (17 h 45)

M. Larose: Je vous réfère à la page 70, plus exactement 72. Ce sont les annexes. Il y en a une première qui est la déclaration générale concernant le code d'éthique, avec cinq grilles correspondant à cinq types d'institutions: les centres hospitaliers, les centres psychiatriques, les centres d'accueil, les CSS et les CLSC. Je vous préviens d'abord que les travaux concernant l'élaboration du code d'éthique sont passablement avancés. Dans certaines organisations, c'est terminé; dans d'autres, c'est en cours. C'est un processus qui est enclenché depuis plusieurs mois, mais qu'on a voulu soumettre au plus large débat parce que, précisément, l'efficacité d'un code d'éthique dépend d'abord de l'adhésion des syndiqués qui seront engagés, si je peux dire, à l'appliquer.

La perspective du code d'éthique, c'est de concilier et non pas opposer, comme le disait Hélène Pelletier, le droit à la santé de la population et le droit de grève des travailleuses et des travailleurs. Pour nous, il n'y a pas d'opposition, il y a une articulation et une combinaison à faire. Deuxièmement, le code d'éthique a pour philosophie de base le fait que ce soient les parties qui soient appelées à être responsabilisées tant pour régler leurs différends que pour accomplir la prestation des services essentiels. D'autant plus, pour reprendre ce que disait Hélène Pelletier, qu'au plan historique, la seule fois où les services essentiels n'ont pas été donnés sans accroc, il y a eu treize accrocs exactement, dont onze ont été corrigés dans les heures qui ont suivi leur signalement, les deux autres étant insolubles à cause de la délinquance patronale. Et on n'a pas encore syndiqué les patrons. En 1979, quand le gouvernement a décidé de faire le pari que les services essentiels allaient être la responsabilité des parties, cela a été vrai sur le terrain. On ne niera pas que le contexte politique ou que le contexte idéologique, fruit d'une certaine démagogie et de politicaillerie, fait appel à une dose de courage politique qui n'existe pas, peut-être. C'est un point d'interrogation. Mais si on veut prendre en charge la responsabilité de s'assurer que la population ne sera pas dépourvue de services essentiels, si notre objectif collectif et l'objectif du gouvernement, c'est de s'assurer que la population ne subira pas de préjudice, je vous dis que la seule formule - c'est la coalition qui vous le dit - c'est de procéder effectivement par la responsabilisation des parties en cette matière. C'est ce que nous

avons fait. C'est un travail énorme que nous avons fait depuis quelques mois sur cette question.

Qu'est-ce qu'un code d'éthique? On vous donne la déclaration générale en treize points. L'élaboration très concrète des services essentiels se ferait de la façon suivante, selon la page 2 de la déclaration générale. D'abord, communication de l'ensemble des informations par la direction pour savoir ce que l'institution fait, à quel rythme, etc.; deuxièmement, négociation des services essentiels avec les parties impliquées; troisièmement, obligation pour le syndicat de faire connaître à l'avance, au moment d'un conflit, le nombre de travailleurs et le nom des travailleurs et des travailleuses qui vont donner les services essentiels; un comité conjoint d'application et de surveillance des services essentiels; obligation de réévaluation quotidienne, parce que je pense que vous nagez dans les nuages et que vous êtes très loin de vos institutions si vous pensez qu'avec un seuil minimum de 90 % vous correspondez à la réalité. Ce n'est pas vrai. Avec le projet de loi 37 appliqué à Pâques à l'hôpital Notre-Dame, sans le savoir, vous avez fait un lock-out parce qu'il y avait, à l'hôpital Notre-Dame, entre 40 % et 45 % des effectifs pendant quatre jours. Et vous voulez que, durant la grève, il y ait 90 % des salariés par unité d'accréditation, par quart de travail et par service? C'est très intéressant. Je pense qu'on va créer de l'emploi. Mais cela n'a rien à voir avec le fait d'assurer des services à la population. Donc, réévaluation quotidienne des services parce que ce n'est pas vrai que les institutions donnent les mêmes services tout le temps de la même façon, sept jours par semaine et douze mois par année. À part cela, après quatre jours de grève, si jamais on se rend à quatre... Cela aussi fait partie des mythes, tout le monde pense que les Affaires sociales sont en grève au moins six semaines par année.

Savez-vous que Marine Industrie, que vous connaissez un peu, bat à elle seule le réseau des Affaires sociales depuis 1966 en jours/homme/grève? Cela n'en scandalise pas beaucoup. Les Affaires sociales sont en grève couci-couça, pas tous en même temps, d'abord, et non pas aux six mois et non pas très longtemps. De toute façon, on vous dit, au point 5, que si jamais la grève durait, nous pensons qu'il faudrait faire une réévaluation parce que ce n'est pas vrai que le monde peut donner des services essentiels de la même façon pendant trois ou quatre jours.

Ensuite, entente sur l'accès aux établissements pour les bénéficiaires. Le point 7, c'est pour les visiteurs; le point 8, c'est pour les bénévoles; le point 9, c'est pour les fournisseurs; le point 10, c'est pour les représentants et représentantes des syndicats; le point 11, c'est pour Ies autres mains-d'oeuvre. Là, nous allons vous demander que le secteur public ne soit pas soumis à l'article... Je ne me souviens plus lequel, c'est l'article du Code du travail qui empêche que les cadres fassent les travaux des syndiqués. On pense que pour le réseau des Affaires sociales, les cadres, les médecins, devraient assumer ces fonctions car ce sont des services essentiels. Le point 12, c'est un comité syndical pour les services essentiels et le point 13 regroupe les grilles des services essentiels pour chaque type d'institution.

Je vous donne l'illustration de deux grilles afin de vous permettre de faire un petit débat là-dessus et sur l'ensemble des questions. Les centres hospitaliers. Comment cela pourrait-il fonctionner pour un centre hospitalier? D'abord, il devrait y avoir détermination du nombre de lits qui doivent rester ouverts pour les bénéficiaires. On n'est pas nécessairement d'accord avec les directions d'hôpitaux qui, sous la menace de grève, vident les hôpitaux. On n'est pas d'accord avec cela. On pense que même en période de conflit, la population a droit à ces services. Donc, qu'on s'entende sur le nombre de lits.

Les services qu'on va définir comme services essentiels le seront en fonction du nombre de lits et non pas par rapport à la capacité de l'institution d'en prendre 1000 ou d'en prendre 500. Ce sera à la suite de la décision que la direction aura prise. S'il y a 700 lits normalement et qu'elle décide qu'il y en a 600 qui doivent rester ouverts, on organisera les services pour 600 lits.

Savoir qui on a dans l'institution: les cas électifs, les cas semi-urgents et les cas urgents. Pour ceux qui ne sont pas dans le trafic, peut-être que cela paraît être du chinois mais les humbles travailleuses, elles, connaissent cela et elles savent les reconnaître. Normalement, les patrons, dans les institutions, peuvent le faire aussi. Alors, qu'on s'entende pour décider combien il y a de cas électifs, combien de semi-urgents et combien d'urgents.

Les syndicats considèrent comme incompressibles - on connaît ce mot? - des unités comme les soins intensifs. On pense qu'on ne peut pas enlever de services dans les soins intensifs, dans la radiothérapie, dans l'hémodialyse. On pense que les services sont incompressibles dans ces secteurs. L'unité coronarienne... En tout cas, vous regarderez le détail.

Les soins directs aux bénéficiaires, pour nous, doivent être assumés non pas à 90 %, mais à 100 %, tenant compte du nombre de lits ouverts. C'est pour cela qu'on vous dit que si le patron veut maintenir 100 % de ses lits, il aura 100 % des services directs pour 100 % des bénéficiaires. S'il décide que ce sera 50 % des lits, il y aura 100 % des

services directs pour 50 % des bénéficiaires qui seront dans l'hôpital. En salle d'opération, on pense qu'il faut que ce soit les mêmes services que pour les fins de semaine. Le monde sait qu'en fin de semaine, on n'opère pas beaucoup dans les hôpitaux. Il y a même des hôpitaux, le ministre est au courant de cela, où, quand les chirurgiens décident qu'ils prennent trois mois de vacances, ça "slaque sur la poulie" pour les opérations. On pense que pour le temps d'une grève, qui est habituellement moins longue que les vacances des médecins, on pourrait se contenter du service des fins de semaine, c'est-à-dire les cas urgents. On pense que là-dessus cela ne devrait pas être trop compliqué.

Les urgences. On pense que ça doit être 100 % pour les urgences. Ce ne sont pas les bénéficiaires qui sont dans la bâtisse, mais ceux qui nous arrivent. Pour les cas qui nous arrivent en urgence, on pense qu'il doit y avoir 100 % des services, d'accord? Pour les soins indirects: laboratoire, radiologie, cardiologie, on pense qu'il doit y avoir une liste de ces services essentiels suffisante pour fournir un service adéquat correspondant au nombre de bénéficiaires. Il est clair que si le patron a vidé l'hôpital, cela se peut qu'au laboratoire on ait moins besoin de techniciennes.

Pour les services auxiliaires, on pense qu'il faut qu'il y ait des services pour que l'hygiène et le bien-être des bénéficiaires soient assurés et que la sécurité aussi le soit. Pour les services administratifs, on vous dira qu'on pense qu'il n'y a pas de presse et que le fournisseur de patates peut attendre une semaine pour être payé. Là-dessus, on pense qu'il n'y a pas services essentiels. Cela, c'est pour les centres hospitaliers.

On peut voir la même chose, je dirais, pour les centres psychiatriques. Je vous réfère donc à la page 10. Ce serait quoi la grille et les engagements syndicaux qu'on prendrait sur les services essentiels dans les centres psychiatriques? Il s'agit d'abord de savoir qui est dans le centre psychiatrique. Ceux qui sont autonomes, ceux qui sont semi-autonomes, ceux qui sont dépendants. On s'engage à ce que l'unité d'urgence, le service d'urgence soit une unité considérée comme incompressible, pour permettre à ceux qui n'y sont pas de pouvoir entrer.

Dans les unités de soins, les services seraient équivalents au personnel maintenu durant les fins de semaine. Cela pour les unités de soins. Dans les services indirects, on pense que pour les labos, la radiologie, l'électrocardiographie et l'encéphalographie cela doit être assumé pour répondre aux besoins curatifs des bénéficiaires. Le monde qui travaille là-dedans connaît cela, avec les médecins et les patrons qui sont là-dedans. La médication des bénéficiaires, y compris celle des cliniques externes, doit être assumée comme elle l'est normalement. La sécurité aussi. On s'engage aussi à ce qu'un minimum d'activités de loisirs soit assumé pour le bien-être des bénéficiaires. Dans les services jugés essentiels, le syndicat assume la présence du personnel habitué à fonctionner dans ces services. Dans les centres psychiatriques, ce n'est pas comme dans un hôpital. Il y a des unités avec les mêmes éducateurs ou les mêmes travailleurs et travailleuses. On pense que les mêmes personnes doivent travailler dans les mêmes unités, même en période de grève. Ainsi de suite. Il y a cinq grilles comme cela.

C'est un travail important qui a été fait au niveau des organisations syndicales. Je dirais que ce n'est pas un travail nouveau, mais qu'on a porté à un stade plus avancé une responsabilité qu'on a de toute façon toujours assumée dans le passé. Sauf que le fait de l'avoir systématisé, de le publier, de le faire connaître d'avance, de régler avant la perturbation la prestation des services essentiels, on pense que cela peut avoir un effet extraordinaire de sécurisation pour les bénéficiaires. (18 heures)

En même temps, et sur cela on est clair avec vous, on veut maintenir en période de grève une pression sur les administrations. Cela, c'est clair. Nous pensons que le droit de grève et l'exercice du droit de grève ont pour objet ou objectif de développer de la pression afin que quelqu'un finisse par se faire une idée. Si nous assumons notre responsabilité là-dedans, c'est pour maintenir la pression. Il est clair que les médecins vont nous en vouloir à mort de nous responsabiliser de cette façon parce que eux leur problème, durant les grèves, c'est que la castonguette ne marche pas. Ils sont obligés de passer les cabarets, donner des piqûres à la place des infirmières, etc. C'est clair qu'ils n'aimeront pas cela, mais on pense que les médecins, en période de médecine un peu plus serrée, devraient eux aussi participer aux services essentiels et non pas seulement être définis médicalement par la castonguette.

Nous pensons qu'il n'est pas mauvais que de temps à autre - Mao avait d'excellentes théories là-dessus - les cadres aillent revoir un peu le travail humble d'une travailleuse, d'une auxiliaire infirmière, d'une infirmière, même celui d'un gars qui passe les cabarets ou celui d'une fille qui est brancardière. Nous pensons que ce n'est pas du tout mauvais, et cela n'arrive peut-être pas suffisamment souvent. On ne voudrait pas rater cette occasion au moment d'une négociation.

Le dernier mot est sur les pouvoirs de redressement du conseil des services essentiels. Là-dessus, plus on vous parle, plus vous voulez nous caler. Les pouvoirs de redressement du conseil des services

essentiels, surtout quand on veut nous présenter cela comme un effort de déjudiciarisation, c'est une tricherie monumentale. Vous vous donnez un bazooka de plus pour nous tarabuster parce que vous avez comme préjugé que tout ce qui ne fonctionne pas et qui en arrive à une grève, c'est à cause des travailleurs et des travailleuses.

Ce fameux conseil, à qui on a reconnu une certaine pertinence d'intervention pour déterminer et surveiller les services essentiels, nous voudrions que de sa propre initiative il fasse, ou qu'on permette à des tiers de lui commander de faire des enquêtes sur les conséquences du conflit. S'il juge que c'est susceptible de préjudices, il peut ordonner de mettre fin au conflit, mais il n'a pas les pouvoirs de régler. Ce conseil n'est pas là pour aider les parties à régler le problème; il est là pour décider que le conflit va s'arrêter, c'est-à-dire pour mettre un couvercle sur la bouilloire.

Avec le pouvoir exorbitant - y compris faire payer le monde - de déterminer les préjudices et combien cela va coûter, c'est faire rentrer des tiers contre la volonté des parties non pas pour régler les problèmes, mais pour arrêter les effets des problèmes. Quand on prétend qu'un médiateur peut en même temps sanctionner, je vous dis que sa crédibilité comme médiateur, vous venez de la flauber. C'est comme quelqu'un qui se présente à la table avec un "gun" en disant: Je suis un médiateur. Je ne sais pas où vous prenez cela, mais si vous dites prendre cela dans le courant syndical, le "cease and desist order", la déjudiciarisation et tout le kit, je vous préviens que nous sommes encore maîtres de l'interprétation des positions qu'on développe. Quand vous nous présentez cela comme le fruit de la réflexion syndicale, vous trichez. Vous trichez.

Ou bien on déjudiciarise ou bien on ne déjudiciarise pas, mais on n'aura pas d'officine à côté des juges pour que si ça ne marche pas à l'officine, le juge soit comme chromé pour fesser, et vite. Ce n'est pas de la justice expéditive, c'est de la répression expéditive. Il faut faire la distinction même si, de temps à autre, comme travailleurs et travailleuses, on trouve que la justice se confond plus facilement avec la répression. Là-dessus, nous serons très clairs: Vous faites mieux de revirer "back", parce que cela n'a pas de bon sens de scraper un instrument qui péniblement essayait de se donner une certaine crédibilité. Là, ils sont mieux d'aller se rhabiller parce que j'ai comme l'impression que leur job est finie. La conclusion à mon camarade.

M. Charbonneau (Yvon): Oui, je crois que... C'est parce qu'il lit le livre rouge à l'année. Il a cité Mao tout à l'heure, et tout ça. Riez parce que, là, c'est la dernière chance que vous avez avant la fin de ma conclusion. Profitez-en. Cela n'est pas taxé. L'assurance est taxée. Taxez-moi parce que je n'en manquerai pas!

Mesdames, messieurs, le gouvernement n'a pas voulu entendre le message syndical depuis un an, n'a pas voulu enregistrer les efforts très concrets qui ont été exprimés ici sous forme de propositions. C'est très grave. C'est très irresponsable. Vous êtes enfermés dans un corridor et nous avons l'impression que nous allons être victimes d'un châtiment complètement immérité si ce projet de loi devient une loi. Cela ne s'adresse pas à la bonne adresse du tout. Il y a eu des problèmes dans le passé. En 1982, qui est venu chercher de l'argent dans la poche de qui? Les nerfs, avant d'adopter des projets de loi comme ça! Vous avez décidé ici de continuer votre trajectoire d'erreurs et d'horreurs. Après la 105 et la 111, la 37 pour rendre cela permanent, à double tour et à triple tour! Cela fait une belle leçon de tirée des erreurs admises par des ministres, des députés, en public et en privé, à la suite de 1982. Conclusion: On va faire cela à longueur d'année.

Vous aviez le choix, pourtant, de faire autre chose. Vous avez choisi l'unilatéral sur toute la ligne. On vous l'a expliqué ici. Les salaires, un petit ge3te de parade pour la première année. Les deux autres années, on s'en charge. Je voudrais demander, moi, à Guy ici, qui était un négociateur en 1972, il doit se rappeler que les salaires n'ont pas été décrétés en 1972. Les autres conditions de travail ont été décrétées à la fin de 1972. Mais, en 1972, on a négocié P-l, P-2, P-3. Il a fallu un P-4 pour obtenir 100 $ en P-4. C'était négocié, cela, la deuxième et la troisième et la quatrième année. Même chose dans la ronde suivante en 1975-1976, on a obtenu le 165 en l'année trois, de façon négociée. C'est important de pouvoir négocier la deuxième et la troisième années et des fois la troisième et demie et la quatrième, comme on a su le faire dans le passé.

Quand on se battait dans ce temps-là pour cela, on était d'accord à dire que le parti qui était au pouvoir à l'époque avait tort de nous envoyer à l'ombre pour des raisons comme celles-là. Vous allez plus loin avec ceci. Vous revenez là-dessus. Moi, je pense que Guy, François et Roland qui étaient là en 1972, ils ne doivent pas avoir oublié tout cela, l'importance de négocier pas plus qu'un an à la fois. Vous étiez d'accord pour faire le bien à l'époque avec nous. Continuez donc au cas où ce serait la dernière chance de faire du bien. Je ne sais pas, moi, si on va se rencontrer de nouveau dans le cadre d'un forum comme celui-ci dans nos fonctions actuelles. Je ne le sais pas. Peut-être que oui, peut-être que non. Ce serait le temps d'avoir une bonne pensée

et de vous rappeler que la vie n'a pas commencé au moment où on est entré en politique. La vie avait lieu avant et les raisons qui nous tenaient en vie avant doivent encore nous tenir en vie.

On a fait des efforts magistraux ici pour arriver avec des propositions, bâtir un système logique correspondant à des responsabilités par paliers. Vous demanderez au ministre qui est responsable non seulement du Trésor, de la fonction publique et des services publics, mais de la jeunesse, de ne pas avoir l'irresponsabilité de programmer pour la jeunesse qui s'en vient, dont vous êtes responsable, des problèmes sociaux comme ceux que vous programmez dans ce projet de loi 37. Vous nous parlez de la jeunesse, c'est important de lui préparer un avenir. On ne voit pas cela, là. Vous préparez un orage pour l'avenir. Cela devrait être compréhensible. Je m'adresserai aussi aux gens de l'autre côté à qui je demanderai aussi la collaboration pour en arriver à faire comprendre au gouvernement que cela n'a pas de bon sens. S'il adopte le projet de loi et que, par hypothèse, selon vos prévisions à vous autres, c'est vous autres qui êtes au chariot après et que cela ne fonctionne pas, qu'est-ce qu'ils vont dire, eux autres? Est-ce qu'ils vont dire: C'est à cause de notre loi ou c'est à cause de vous autres? Je pense qu'il y a de quoi réfléchir autour de cela. Le programme qu'on a devant nous, avec le 37 -ce n'est pas un 37, c'est un 38 que vous auriez dû l'appeler à part cela - c'est un programme de non-négociation. Vous retirez le droit de négociation et vous êtes en infraction aux normes internationales du travail là-dessus.

Une voix: Très bien.

M. Charbonneau (Yvon): On vous demande d'essayer d'en revenir à de meilleures dispositions, de faire le bien au moment où la grâce de Dieu vous en laisse encore le temps.

Le Président (M. Lachance): Avant de passer aux échanges de vues, à la suite de ces propos, nous allons suspendre nos travaux pour dix minutes.

(Suspension de la séance à 18 h 12)

(Reprise à 18 h 23)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît'.

La commission reprend ses travaux. J'invite tout le monde à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît, pour la poursuite des travaux de la commission. C'est une belle façon de reconnaître les gens ponctuels.

Avant de reprendre les travaux de la commission comme tels, je voudrais indiquer aux participants qu'à la suite d'une entente il y a un partage du temps entre les députés des deux côtés. II y aura un premier bloc d'une trentaine de minutes pour le parti ministériel - ce bloc pourra être décomposé selon les interventions des différents intervenants - et, par la suite, pour l'Opposition officielle, 30 minutes également, jusqu'à ce qu'on puisse terminer les travaux. J'inviterais immédiatement le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor.

Remarques du président du Conseil du trésor

M. Michel Clair

M. Clair: Merci, M. le Président. Mes premières paroles sont pour remercier les associations syndicales des secteurs public et parapublic d'avoir accepté l'invitation de venir communiquer aux parlementaires leur point de vue sur le projet de loi 37 portant réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic. Je pense qu'il était important que les parlementaires des deux côtés de la Chambre aient l'occasion, compte tenu de l'importance des enjeux précisément, de prendre en considération le point de vue exprimé ce matin par les associations patronales du secteur des affaires sociales et, cet après-midi, par les associations syndicales des secteurs public et parapublic. Comme chacun le sait, certaines rencontres ont eu lieu entre les représentants syndicaux et les représentants du gouvernement au cours des derniers mois. Comme la réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic ne concerne pas seulement le gouvernement, les associations patronales et les associations syndicales, mais l'ensemble de la collectivité, il m'est apparu important que, sur le plan démocratique, l'institution parlementaire qu'est la commission parlementaire se tienne pour que les points de vue des associations soient communiqués aux parlementaires et que ces derniers aient l'occasion d'échanger des points de vue avec les différents représentants. Si on a pu regretter, des deux côtés de la Chambre, que le regroupement des syndicats ne vienne pas au complet à la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi, ce qui aurait sans doute été utile, à tout le moins nous sommes satisfaits de vous accueillir aujourd'hui.

Je voudrais dire maintenant, quant à la tenue de cette commission parlementaire, que dans les propos tenus, je pense, par M. Laberge, on a rapporté que j'aurais indiqué que la tenue de cette commission ne changerait rien. Je tiens à préciser ceci: Après avoir mené un processus de

consultation qui a duré presque deux ans, après avoir publié un document de consultation, après avoir publié un avant-projet de loi, à l'étape où nous sommes de déposer sur la table de l'Assemblée nationale un projet de loi, vous comprendrez sûrement qu'un gouvernement responsable ne peut se mettre dans une situation du "je ne suis ni pour, ni contre, bien au contraire; savez-vous, je ne sais pas ce que j'en pense" de sorte que les orientations fondamentales qui sont contenues dans ce projet de loi sont, effectivement, du point de vue du gouvernement. Il restera à l'Assemblée nationale d'en débattre, à la commission parlementaire, aujourd'hui, et à la commission parlementaire lors de l'étude article par article de voir s'il y a des amendements à apporter. Mais je suis clair là-dessus, les orientations du gouvernement sont arrêtées.

Cependant, cela ne veut pas dire qu'il ne reste pas des choses substantielles qui puissent être modifiées dans le projet de loi. J'en indique une, d'entrée de jeu. J'étais très heureux d'entendre, tantôt, M. Laberge nous dire qu'à certaines conditions, les syndicats des secteurs public et parapublic pourraient non seulement participer, mais même, je dirais, moralement soutenir la mise sur pied d'un Institut de recherche sur la rémunération. J'étais heureux parce que c'est là une évolution par rapport à ce qui avait été communiqué préalablement. Je cite simplement un passage à la page 12 du mémoire de la CSN qui avait été communiqué en commission parlementaire. On pouvait lire à ce sujet, concernant l'Institut de recherche sur la rémunération: II n'est pas nécessaire de créer un autre organisme dont la fonction serait d'étudier les comparaisons salariales et que soit inclus dans un régime de négociation un tel organisme. Pourquoi le gouvernement met-il tant d'insistance à le faire? Un peu plus loin - je cite toujours - Négocier à partir d'un rapport sur les comparaisons salariales biaise la négociation en prédéterminant les résultats.

Si les syndicats des secteurs public et parapublic sont d'accord pour que l'Institut de recherche sur la rémunération vienne baliser en quelque sorte la négociation, nous sommes tout à fait d'accord pour dire qu'il faudra que celui-ci ait le plus haut niveau de crédibilité possible. J'ai eu l'occasion de le dire privément; je le dis aujourd'hui publiquement. En ce qui concerne la composition de l'Institut de recherche sur la rémunération, dans la mesure où nous serions assurés d'une participation non seulement théorique, mais volontaire au sens le plus noble du terme de la part des associations syndicales à cet institut de recherche, nous n'aurions aucune objection à réduire à une personne plutôt qu'à trois les permanents, si on veut en quelque sorte, ceux qui seraient nommés par l'Assemblée nationale, et effectivement réduire ainsi, ramener davantage en surface la dimension paritaire d'un tel institut de recherche.

Cependant, compte tenu de la crédibilité que doit avoir cet institut, non seulement à l'égard des syndicats et du gouvernement, mais également à l'égard des parlementaires eux-mêmes, à l'égard de l'ensemble de la population, il nous apparaît, cependant, que la personne qui présiderait aux destinées de cet institut de recherche devrait être nommée par une majorité des deux tiers de l'Assemblée nationale. Je souligne en passant, ce qui est un fait connu, que la majorité ministérielle ne dispose pas, actuellement, d'une telle majorité des deux tiers.

Je pense, M. le Président, que ce soit sur cela ou que ce soit sur d'autres mécanismes, nous sommes toujours disposés à envisager des améliorations au projet de loi pour le rendre plus fonctionnel, mais non pas à remettre en cause les grands principes.

M. le Président, pourquoi une telle réforme en profondeur dans notre régime de négociation et qu'est-ce qui nous distance comme contenu, en termes de réforme du régime, de la position émise aujourd'hui? Pourquoi une réforme du régime de négociation aussi en profondeur? Je vais essayer de vous le dire le plus simplement possible. C'est parce que c'est vrai, c'est un fait vérifiable que nous avons, au Québec, le régime de négociation, dans les secteurs public et parapublic, à peu près le plus libéral du monde occidental. Trouvez-moi un pays dans le monde où l'on combine en même temps le précompte syndical obligatoire, des dispositions antibriseurs de grève, le monopole syndical, la faculté de négocier en front commun, la capacité de déclencher des grèves générales illimitées et autres caractéristiques qu'on pourrait continuer d'énumérer.

Je dis aux représentants des syndicats des secteurs public et parapublic, malgré qu'on ait eu "le plus beau régime de négociation" - entre guillemets - toujours est-il qu'à de nombreuses reprises, la solution aux problèmes posés en matière de relations du travail ne s'est pas trouvée à l'interne des règles du jeu dont on s'était doté auparavant, mais, au contraire, l'immense majorité des problèmes s'est réglée dans la salle d'à côté par les parlementaires, en dehors du système de négociation tel qu'il avait été perçu, tel qu'il avait été mis en place au départ.

Est-ce que c'est cela qu'on veut au Québec, avoir un régime de négociation théorique qui ne fonctionne pas, négociation après négociation, et de faire en sorte que ce soient les parlementaires de l'autre côté de l'Assemblée nationale qui viennent, en

quelque sorte, dessaisir les parties des règles du jeu et venir, effectivement, régler par des lois les problèmes qui se posent dans les relations du travail? Est-ce que cela a du bon sens qu'on se soit rendu jusqu'à légiférer - je rejoins M. Charbonneau là-dessus - des milliers de pages de documents, de contenu sur les conventions collectives de l'autre côté, alors qu'à peu près personne, je le dis avec certitude, ni de votre côté, ni du nôtre, n'avait lu au complet - la même personne -l'ensemble de ces documents?

Je pense que ce qui nous distance en termes de réforme du régime de négociation, c'est cela, essayer de trouver moyen de faire en sorte que les solutions aux problèmes qui se posent en matière de relations du travail dans les secteurs public et parapublic, que cela se trouve à l'intérieur du régime et non pas continuellement à l'extérieur du régime, en dehors du régime de négociation par l'adoption de lois répétitives. Je pense que ce n'est que cela qui nous distance. Je reconnais - M. Laberge l'a dit tantôt - que nous avons, de part et d'autre, déployé beaucoup d'efforts pour se rapprocher quant à des améliorations, je dirais à portée limitée, au régime de négociation, qu'il s'agisse sur le plan de la médiation, "the cooling off period", de toutes une série de mesures.

Ce qui nous a séparés, M. le Président, c'est cela, la conception que, en ce qui nous concerne, nous reconnaissons. Nous reconnaissons qu'il y a des modifications majeures, qu'il y aurait un rééquilibrage des droits et des obligations de chacune des parties si le régime de négociation, qui est proposé dans le projet de loi, est mis en marche. Mais nous pensons que c'est la condition à laquelle le régime pourra produire des résultats et non pas toujours déboucher sur des lois spéciales.

Je voudrais, par ailleurs, relever ce qui m'apparaît être, effectivement, maintenant, le coeur de l'argumentation des centrales syndicales, je pense que certains l'ont dit, en ce qui concerne "le droit de négocier" -entre guillemets - ce qui serait, en quelque sorte, nié par le projet de loi. Là-dessus, je le dis tout de suite en passant, je n'ai aucune hésitation à aller défendre, devant les instances internationales appropriées, le contenu de ce projet de loi, parce que j'ai la conviction profonde que même après la réforme, notre régime demeurera l'un des plus libéraux, l'un des plus démocratiques qui soit à la face du monde entier. Je ne suis pas gêné de le défendre.

Maintenant, quand on s'appelle Coalition pour le droit de négocier et qu'on laisse entendre que les modifications apportées viendraient nier ce droit, j'aimerais... Je pense qu'au Québec, on ne vit pas sur une planète isolée, mais on doit se comparer, occasionnellement, par rapport à ce qui se passe ailleurs. Je voudrais citer, M. le Président, en ce qui concerne le concept du droit de négocier - on y a fait référence dans les documents des syndicats du secteur public - un document qui a été préparé par MM. Jean-Claude Cadieux et Jean Bernier, en ce qui concerne une étude comparative des régimes de négociation ailleurs dans le monde, pas dans des pays totalitaires, dans les pays d'Europe de l'Ouest, dont certains ont un niveau de vie plus élevé que le nôtre et des traditions qui ressemblent aux nôtres, jusqu'à un certain point. Je cite parce que cela représente, substantiellement, ce que je pense: Au Québec, la détermination des conditions de travail passe normalement par la négociation de conventions collectives. "Négocier" - entre guillemets - et négocier des conventions collectives sont, au Québec, synonymes. Il s'agit, pour les parties, de discuter les termes d'une entente. Une fois l'accord intervenu et signé, la convention lie les parties pour la durée qui s'y trouve stipulée. Le gouvernement est donc obligé, comme n'importe quel employeur du secteur privé, de se plier aux règles du processus contractuel.

Ce système de règles est désigné souvent par les expressions: libre négociation, négociation de bonne foi, négociation d'égal à égal. Il implique pour les deux parties une série d'obligations.

Premièrement, l'obligation de ne pas se dérober à son devoir de négocier. Le gouvernement n'a pas le choix de négocier ou non. Il est juridiquement obligé de le faire.

Deuxièmement, l'obligation de ne pas imposer à l'autre partie contractante des conditions préalables à la négociation. Par exemple, des conditions quant à la durée de la négociation.

Troisièmement, l'obligation de ne rien exclure du champ de la négociation sans l'accord de l'autre partie. À l'exception de quelques points précis stipulés dans la loi, tout est négociable.

Quatrièmement, l'obligation de considérer chaque proposition de l'autre partie. Non seulement tout est négociable, mais tout doit être négocié. Chaque terme de l'accord doit être discuté si l'autre partie l'exige.

Enfin, l'obligation de respecter tous les termes de l'accord une fois qu'il a été conclu.

Il est arrivé à certaines occasions que le gouvernement du Québec, en cas d'impasse dans les négociations ou de grève dans te secteur public, suspende le processus de négociation et fasse appel au pouvoir législatif pour décréter les conditions de travail des employés de l'État. Ce faisant, le gouvernement se soustrayait du cadre juridique habituel et se plaçait dans le cadre de l'appareil législatif "exceptionnellement" -

entre guillemets - et - encore une fois, entre guillemets - "au nom du bien commun" en situation d'autorité vis-à-vis des syndicats. Cette situation considérée exceptionnelle du point de vue québécois s'apparente au fonctionnement normal des pays visités, la demi-douzaine des pays les plus démocratiques et avec le plus haut niveau de vie de l'Europe de l'Ouest, que ce soit l'Allemagne, la Belgique, la Suède, l'Italie, la France, l'Angleterre. Aucun des gouvernements des pays en cause n'est tenu juridiquement, pour déterminer les conditions de travail de l'ensemble des employés du secteur public, d'entrer avec leurs représentants syndicaux dans une relation contractuelle. Les conditions de travail sont déterminées par le gouvernement, soit par voie réglementaire, soit par voie législative.

Ces conditions de travail ne sont donc pas, du point de vue juridique, le résultat de la volonté mutuelle des parties, mais le produit d'une décision souveraine de l'État. Cela ne signifie pas qu'il n'existe aucune forme de discussion entre les représentants des syndicats et les représentants des gouvernements concernés préalablement à la détermination des conditions de travail, mais "négocier" - entre guillemets - dans les pays européens ne signifie pas automatiquement négocier des conventions collectives et les gouvernements n'entrant pas avec les syndicats dans une relation contractuelle ne sont pas obligés de s'astreindre à l'ensemble des obligations que suppose, pour la conclusion d'un contrat, une négociation dite d'égal à égal.

En France, des négociations annuelles désignées par l'expression "rendez-vous salariaux" ont lieu au plus haut niveau entre les représentants du gouvernement et les représentants des grandes centrales syndicales. Elles portent essentiellement sur des questions reliées au salaire: augmentation de traitement, pensions, heures de travail. Comme le budget national est généralement voté, lorsque interviennent ces discussions, celles-ci ont surtout pour objet le mode de répartition d'une masse préétablie. Ces discussions qui durent généralement cinq à six semaines aboutissent à des relevés de conclusions qui reçoivent ou non l'assentiment des syndicats. Même dûment signé par les parties, ce type d'accord n'engage pas légalement le gouvernement qui est libre d'y donner suite ou non et qui souvent, semble-t-il, ne respecte pas intégralement l'accord ou encore tarde à y donner suite. On pourrait parler de l'Italie. On pourrait parler de l'Allemagne de l'Ouest. On pourrait parler de l'Angleterre et de la Belgique. L'immense majorité des pays visités n'entre pas dans une relation contractuelle avec ses syndicats.

La réforme proposée ne vient pas changer cette règle traditionnelle par laquelle le gouvernement du Québec entre en relation contractuelle avec les syndicats des secteurs public et parapublic. La proposition vient simplement permettre aux parties de tenter de faire en sorte que, plutôt que de s'affronter pour une période de trois ans à l'avance sur la base de prévisions économiques qui ont comme principale caractéristique par les années qui passent de ne pas se matérialiser, de se piéger mutuellement en conservant le droit à la négociation au sens traditionnel au Québec, donc avec droit de grève sur la rémunération globale, sur le normatif lourd avec droit de grève, mais en fixant les salaires et l'échelle de salaire pour seulement une année à la fois, nous tentons, en quelque sorte, de conserver ce qu'il nous apparaît souhaitable de conserver dans la relation contractuelle que nous avons avec les syndicats des secteurs public et parapublic, mais aussi de tirer avantage de l'expérience d'autres pays démocratiques. Jamais je n'accepterai, quant à moi, l'affirmation que la façon dont nous nous proposons de procéder est antidémocratique, parce qu'elle est, au contraire, conforme et même inférieure en termes de pouvoirs du législateur et de l'exécutif, largement inférieure à ce qui se passe dans la plupart des pays démocratiques. (18 h 45)

Je voudrais maintenant aborder rapidement, M. le Président, la question de l'évolution de la rémunération dans les secteurs public et parapublic. La théorie de la locomotive, comme on l'a appelée, pouvait prévaloir et non seulement prévaloir, mais donner des résultats positifs en termes d'enrichissement collectif, non seulement des employés du secteur public, mais également de ceux du secteur privé jusqu'au moment où un certain nombre d'événements se sont produits. D'une part, tout le monde reconnaît que les employés du secteur public avaient un rattrapage à faire pendant un bon nombre d'années en termes de rémunération par rapport à ceux du secteur privé. Tel n'est plus le cas aujourd'hui, sauf quelques exceptions qui continueront de pouvoir être corrigées année après année, tant par les mécanismes de l'institut de recherche que par les mécanismes de la négociation avec droit de grève une fois aux trois ans.

Mais globalement, personne ne peut contredire le fait que la rémunération dans le secteur public est maintenant rendue à un niveau même avantageusement encore comparable avec ce qui se fait dans le secteur privé.

Deuxièmement, pendant une bonne période de temps aussi, le gouvernement du Québec disposait d'un espace fiscal inoccupé de sorte qu'on pouvait effectivement augmenter les taxes et les impôts pour financer les augmentations de salaire, les augmentations de rémunération dans les

secteurs public et parapublic sans que cela ne vienne compromettre le caractère concurrentiel de l'économie québécoise. Il est évident aussi qu'il y avait une capacité pour le gouvernement d'augmenter les emprunts puisqu'on sait tous qu'au début des années soixante, le recours aux emprunts était très limité. Aujourd'hui, en 1985, alors que nous avons le niveau de taxation que nous connaissons, le niveau de déficit que nous connaissons, le niveau de rémunération dans le secteur public par rapport au secteur privé que nous connaissons, qui peut défendre l'illusion que par l'exercice d'un rapport de forces brutal dans le secteur public, on pourra créer la richesse collective? J'aimerais qu'on me l'explique, M. le Président, parce qu'à l'heure où notre développement des services publics est globalement à peu près à maturité, alors qu'on a eu recours à peu près au maximum à notre pouvoir d'emprunt, à notre pouvoir de taxer, cela n'est rien d'autre qu'une illusion que de penser qu'en s'affrontant, on va pouvoir générer la richesse collective dans le secteur public et avoir un effet d'entraînement positif dans le secteur privé.

M. Charbonneau parlait tantôt des générations futures. Si on le fait en augmentant le déficit, ce n'est pas l'accroissement de la richesse collective qu'on fait pour les jeunes qui s'en viennent. On emprunte sur leurs cartes de crédit. Quand j'augmente les charges, si je finance ces augmentations par une augmentation des charges fiscales ou du niveau de taxation, qu'est-ce que je fais? Je ne génère pas la richesse collective, j'opère simplement un transfert de richesses d'un groupe donné de la population vers un autre groupe. Plutôt que d'envisager de poursuivre dans cette direction, on doit considérer que la rémunération dans les secteurs public et parapublic est juste et équitable, qu'elle évolue globalement d'une manière comparable avec celle du secteur privé ou, pour employer une expression plus large - car je n'aime pas parler du secteur privé seulement - je dirais plutôt des autres travailleurs et travailleuses de l'économie québécoise, parce qu'il s'en trouve tant dans les sociétés d'État, les services publics municipaux et autres, en termes de comparaison.

Je pense, M. le Président, que, là-dessus, il faut trouver les mécanismes qui vont nous permettre de nous assurer que la rémunération dans le secteur public va continuer d'évoluer de façon comparable, secteur public et autres travailleurs de la société québécoise, sans quoi on entretient l'illusion qu'on va créer de la richesse collective de cette façon, ce qui nous conduit au cauchemar de 1982; même plus grave que cela, on va progressivement opérer un transfert de richesse d'un groupe de citoyens vers un autre ou d'une génération vers l'autre, et cela je pense que ce serait inacceptable.

En ce qui concerne une autre dimension des commentaires des syndicats du secteur public et parapublic, les services essentiels, je voudrais dire M. le Président, que nous avons toujours considéré intéressante la piste de mécanismes visant à faire en sorte que les syndicats du secteur public se dotent, effectivement, d'un véritable code d'éthique. J'ai eu l'occasion de le dire privément et cela ne me fait rien de le dire publiquement. Cependant, il nous apparaît que, si on devait prendre cette orientation, il faudra qu'il y ait des garanties: que le code d'éthique ne soit pas simplement l'objet d'un espoir, mais une garantie que Ies niveaux de services prévus par le projet de loi, dans les faits, se matérialiseront.

Je pense, M. le Président, qu'on ne peut pas, dans la société québécoise, tenir un double discours: dire que les ressources financières et les ressources humaines consacrées au domaine de la santé, par exemple, sont insuffisantes, et en même temps dire que cela ne va faire une pression que sur les administrateurs - voyez-vous - si on diminue considérablement les effectifs humains, pendant une période de temps indéterminée, dans un hôpital ou dans un centre d'accueil. Cela m'apparaît contradictoire. C'est la raison pour laquelle je répète que nous sommes intéressés à la piste d'un code d'éthique. Je reconnais franchement que les délais n'ont peut-être pas été suffisants, jusqu'à maintenant, pour permettre le raffinement à un niveau satisfaisant du contenu d'un code d'éthique; mais, dans l'état actuel, je vous le dis franchement, il me semble que c'est insuffisant.

Je pense, M. le Président, que si l'on veut assurer véritablement la primauté du droit à la santé sur le droit de grève et maintenir un équilibre entre ces deux droits, cela nécessite l'introduction de règles claires. Je pense qu'on ne peut pas traiter de la vie et de la santé par toute une mécanique complexe qui vient, en quelque sorte, faire en sorte que plus personne ne sait exactement dans quelles circonstances les services de santé seront assurés.

Je terminerai, M. le Président, par deux brèves questions. Je sais que mon collègue, le ministre des Affaires sociales, celui de l'Enseignement supérieur et les autres veulent intervenir. Deux questions: La première, en ce qui concerne l'Institut de recherche sur la rémunération. Si la composition de l'Institut de recherche sur la rémunération était modifiée de la façon suivante: plutôt que trois personnes nommées par l'Assemblée nationale, il n'y en ait qu'une, à la majorité des deux tiers, et si on trouvait des moyens pour restreindre encore

davantage, je dirais la faculté du gouvernement de choisir, dans la liste syndicale, la nomination des représentants syndicaux, est-ce qu'on pourrait être assuré, à ce moment-là, de la participation volontaire des syndicats du secteur public? Autrement dit, si ma question est trop précise, quelles seraient les conditions auxquelles les syndicats du secteur public et parapublic seraient prêts à participer -comme a déjà dit quelqu'un - avec honneur et enthousiasme à l'Institut de recherche sur la rémunération?

Deuxième question. En ce qui concerne les services essentiels, ce qui m'apparaît faible, sur le plan de la piste, telle qu'elle est envisagée actuellement... On voit, dans les déclarations générales, que l'établissement devrait fournir toute une liste de personnels, y compris, pour aller jusqu'au nombre de bénévoles qui devrait être indiqué dans l'organigramme. En cas d'échec lors de cette démarche, c'est la liste syndicale qui s'appliquerait et on prévoit même... À la page 5, Grille d'évaluation, on dit: En simplifiant à l'extrême pour les fins de l'illustration, on dirait que, si les cadres et le personnel syndicable non syndiqué étaient au nombre de douze et qu'il fallait seize personnes pour assumer un certain service, le syndicat en grève fournirait quatre de ses membres. Autrement dit, la prestation des services essentiels incomberait d'abord au personnel cadre, au personnel syndicable non syndiqué, aux bénévoles et, finalement, à la suite d'une évaluation qui serait faite par les syndicats, on viendrait combler l'écart entre ce qui est jugé nécessaire comme services essentiels et le nombre de personnes manquantes.

Je vous dirai que ma première réflexion là-dessus, c'est en même temps ma question: Est-ce qu'on ne pourrait pas, à première vue, considérer que c'est un code d'éthique pour les autres dans le sens que les autres offrent les services essentiels et les premiers concernés, eux, ne viennent que combler l'écart nécessaire? Est-ce que c'est vraiment la bonne piste dans laquelle travailler? Est-ce que ce n'est pas dans une piste complètement opposée? Autrement dit, est-ce qu'on n'inverse pas les responsabilités normales en ce qui concerne la prestation des services essentiels dans cette piste? Ce sont mes deux questions et je pense que je n'aurai probablement pas l'occasion de revenir, j'ai pris pas mal de temps.

Le Président (M. Lachance): M. Larose.

M. Larose: Sur la première question concernant l'institut, le problème soulevé par la coalition n'est pas seulement sur la composition ou sur le mode de désignation des membres de l'institut. Pour nous - et il me semble que quand Louis Laberge s'est exprimé, c'était cela qu'il disait au nom de la coalition - l'instrument qu'on veut se donner doit être un instrument au service des parties et non pas se substituer aux parties. Donc, un instrument qui permette aux parties de travailler sur le même terrain, si je peux dire, en termes d'information et, quand le terrain n'est pas sûr, de passer les commandes pour avoir le terrain. Ce qui nous amène à voir un organisme dont la composition serait faite de mandataires des parties et la présidence choisie par elles. Un ou trois, là-dessus, on est peut-être dans la dentelle, l'aspect principal étant la fonction de l'organisme et le fait que l'ensemble de la matière salariale doit être négocié.

Ce qui est proposé très concrètement, c'est que les deux premières années soient fixées. Effectivement, on a compris dans l'ensemble du débat et des messages que vous nous avez envoyés depuis une couple d'années, qu'un des problèmes étant la longueur des conventions collectives pour prévoir la rémunération, il ne faudrait peut-être pas déterminer pour trois ans. Ce sur quoi on s'entendrait, c'est: fixons pour deux ans. La pratique veut qu'on soit passablement avancé la première année, quand on signe, alors, effectivement, on détermine pour la deuxième et la troisième serait automatique, suivant la négociation de paramètres. À ce niveau, c'est comme cela qu'on place la question. Mes camarades pourront peut-être compléter tout à l'heure.

Sur le deuxième aspect, je voudrais être très clair quant aux bénévoles. On ne demande pas aux bénévoles de faire le job de ceux qui sont en grève. Ce n'est pas cela qu'on demande. Ce. qu'on affirme, c'est que des bénévoles, suivant la pratique courante, y ont accès. On s'entendra pour qu'ils aient encore le même accès, mais qu'ils ne fassent pas le job des autres. Cela, c'est clair. Là, j'arrive directement... Est-ce que c'est un code d'éthique pour les autres? Je veux qu'on soit très clair. Le code d'éthique a comme point de référence les bénéficiaires à qui on veut assurer à 100 % des services. Bon, il y a cinq grilles. Disons que je prends la première, les centres hospitaliers: à 100 % les services directs aux bénéficiaires. D'accord? C'est cela, l'objectif du code d'éthique. Maintenant, comment s'organise-ton pour que ces services soient rendus? (19 heures)

Le deuxième objectif des codes d'éthique, c'est qu'en même temps qu'on protège le droit à la santé de la population, on ne veut pas nier le droit à l'exercice de la grève pour les travailleurs et les travailleuses; donc, articulation des deux. Quand on regarde très concrètement comment assumer 100 % des services, on pense qu'effectivement l'ensemble du personnel syndiqué et non syndiqué,

professionnel ou non - pas professionnel dans le sens technique du terme, parce que tout le monde est professionnel là-dedans - que l'ensemble du monde soit mis à contribution afin de remplir l'objectif voulant que les bénéficiaires ne subissent pas de préjudice. Cela veut dire très concrètement que les médecins ne feront pas des opérations à la tonne ou routinières. Cela se peut fort bien qu'ils soient obligés de déplacer les affaires. Je n'ai pas été souvent malade. Pour les quelques bénignités que j'ai eues, cela pouvait certainement être fait après la grève. On pense que tous ceux qui sont dans mon cas peuvent très bien attendre pour le faire après la grève. Donc, l'agenda du médecin sera perturbé. Soyons clairs.

Ceux qui ne sont pas en grève, qui ont décidé qu'ils ne feraient pas la grève, je pense qu'il faut en tenir compte. Ceux qui ne sont pas syndiqués non plus. L'engagement qu'on prend avec tout le monde - parce que, si on est responsable pour donner des services normaux en temps régulier, on doit l'être aussi en temps irrégulier - est de s'asseoir et de dire: Pour donner 100 % des services, comment va-t-on s'organiser? Effectivement, on s'engage à fournir, si je prends toujours la première grille, les salariés qui sont nécessaires pour arriver à 100 %.

Dans les cas psychiatriques, on va plus loin que cela, on donne une caractéristique. On pense que, pour un certain type de services, ce ne sont pas les médecins qui vont remplacer les éducateurs. On pense qu'il doit y avoir une continuité des soins, que ce soient les mêmes éducateurs ou éducatrices par rapport aux mêmes bénéficiaires. Là, on ne demandera pas à une infirmière qui n'est pas en grève ou à un médecin qui est dans l'institution de remplacer l'éducateur. C'est cela, l'ensemble des choses.

Je ne voudrais pas qu'on essaie de railler sur le fait que c'est un code d'éthique pour les autres. C'est un code d'éthique des professionnels de la santé afin d'assurer le droit à la santé de la population bénéficiaire, compte tenu de l'exercice d'un autre droit qui nous paraît aussi un exercice respectable. C'est un mécanisme qui engage le monde dans ce sens.

M. Laberge: Je voudrais revenir surtout sur un point, votre garantie. C'est quoi, pour vous, une garantie quand les centrales syndicales, réunies dans cette coalition, viennent devant la commission parlementaire et disent: Voici un code d'éthique qu'on a mis sur pied de peine et de misère, en allant voir tout le monde, chacun des groupes parmi ses membres et c'est cela que l'on veut, pas 90 %? Si vous pensez que vos 90 % est "full proof", j'ai des nouvelles! 100 % où c'est nécessaire. Ce n'est pas un code d'éthique pour les autres, on s'engage, après avoir utilisé ceux qui sont utilisables, à fournir ce qu'il manque pour assurer 100 % des services directs aux patients. Que voulez-vous comme garantie? On a déjà signé des conventions collectives avec vous autres et ce n'est pas nous qui les avons brisées.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

Commentaires de l'Opposition M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs de la coalition, j'ai presque envie de vous dire: Enfin, vous voilà! On aurait souhaité, quant à nous, que vous puissiez participer aux échanges de points de vue que nous avons eus, ici, à l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'avant-projet. C'était, pour la très grande majorité d'entre vous, un choix tout à fait strict, qui vous appartenait de ne pas venir nous rencontrer et de discuter dans le cadre de l'avant-projet.

M. Laberge: On avait envoyé nos éclaireurs.

M. Pagé: Je n'en doute pas, M. Laberge. Encore une commission parlementaire pendant laquelle on aura l'occasion d'aborder, dediscuter du régime de négociation dans le secteur public et parapublic. Je vais me permettre un commentaire et quelques questions.

Ce régime qui s'applique chez nous, au Québec, depuis 21 ans déjà, depuis 1964, depuis le début de la révolution tranquille, cela a contribué à faire beaucoup pour le Québec malgré tous les aspects discutables, malgré tous les reproches qu'on peut adresser au présent régime de négociation. Tout le monde est unanime à constater qu'au début des années soixante, le gouvernement devait se comporter comme un meilleur employeur à l'égard de ses employés. C'était indiqué à l'époque d'en arriver à un rattrapage significatif au chapitre de la rémunération et des conditions de travail dans les secteurs public et parapublic, compte tenu de la situation qui prévalait antérieurement. C'était aussi de créer une dynamique nouvelle dans une période où le Québec s'inscrivait dans une perspective de développement accéléré.

Qu'il suffise de faire référence au réseau de l'éducation qu'on s'est donné comme société, au réseau des affaires sociales, qui sont à plusieurs égards encore enviables aujourd'hui. C'était donc une démarche de relations du travail, employeurs et employés, qui s'inscrivait dans cette amorce de société moderne nouvelle. La fonction publique - ce n'est pas seulement

les gouvernements, mais aussi les travailleurs et les travailleuses du public - a contribué au cours de ces années à donner plus de services et, par conséquent, une meilleure qualité de vie à l'ensemble des citoyens du Québec. Nous sommes là pour en témoigner. Après 21 ans, après 20 ans, le gouvernement se repositionne en regard d'autres paramètres. Essentiellement, ce que le gouvernement dit, et cela je crois que tout le monde est unanime à le constater, ces services publics, cette qualité de vie et de services qu'on s'est donnés comme société s'appuient évidemment sur des revenus qui sont générés par notre société et qui proviennent de l'entreprise privée et de l'effort de chacun des individus.

Le gouvernement et les membres de l'Assemblée nationale constatent, chaque matin que le soleil se lève, que la marge de manoeuvre du gouvernement du Québec est de plus en plus mince en termes budgétaires. On dit que c'est 50 % du budget du Québec qui va à la masse, aux coûts de la main-d'oeuvre. On dit aussi que les travailleurs et les travailleuses du public représentent quelque 13 % des travailleurs et des travailleuses du Québec et qu'ils vont chercher cependant près de 18 % des revenus disponibles. Pendant longtemps, la promotion ou l'amélioration des conditions de rémunération et de travail dans le secteur public ont contribué, il faut en convenir, à insuffler une dynamique dans le secteur privé. Aujourd'hui, on doit retenir cependant, et je pense que le gouvernement l'a indiqué à quelques reprises, nous sommes d'accord là-dessus, qu'on a un niveau de taxation qui est très élevé et qu'on risque finalement de s'endetter chaque jour que le soleil se lève aussi.

Si on fait référence à la lecture de la situation, il faudrait qu'on la voie de la façon la moins partisane possible, malgré que ce soit difficile, il ne faut pas se le cacher. On est en politique. Le gouvernement a signé des conventions collectives. Le gouvernement a tôt fait de constater qu'il était dans l'incapacité financière de respecter ses engagements. Le gouvernement a agi unilatéralement. Il a déposé des décrets, on va passer vite, si vous voulez, sur les lois 105 et 111.

Le 1er mai 1984, il déposait un document à l'occasion de la fête des travailleurs, "Recherche d'un nouvel équilibre". Des consultations publiques et privées ont été faites. Pour avoir suivi ce débat, évidemment, de moins près que le ministre, mais avec quand même beaucoup d'intérêt, je dois vous dire, je dois vous le confesser, messieurs, dames, que, fin novembre, je croyais personnellement, et c'est le rapport que je faisais à mes collègues, que le gouvernement employeur et ces employés seraient capables de s'entendre sur un régime de négociation nouveau dans le secteur public et parapublic, compte tenu du rythme de cadence des rencontres et de ce qui s'en dégageait. Le gouvernement a déposé son avant-projet de loi, à la surprise de plusieurs, en décembre. Cet avant-projet de loi contenait des dispositions particulières que, même si vous n'avez pas eu l'occasion de les commenter ici, vous avez commentées. On a pris connaissance de vos positions.

Aujourd'hui, nous avons à étudier ou nous aurons d'ici à quelques semaines à étudier un projet qui est devenu définitif et qui reflète la volonté du gouvernement d'intervenir. On ne peut, en ce qui nous concerne, que s'inscrire en réaction parce qu'on n'a pas l'initiative de l'action. Pour nous, l'action du gouvernement doit être de s'appuyer sur certains principes. Je suis d'ores et déjà persuadé que ces principes ou ce qu'on évoque n'iront pas tout le temps dans le sens de ce que vous soutenez, mais je crois que c'est plus responsable d'agir ainsi.

Pour nous, dans un premier temps, la population, les intervenants, les travailleurs, leurs représentants légitimement élus qui sont là pour les défendre, le gouvernement et l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale doivent se confirmer mutuellement aujourd'hui que le projet de loi doit assurer que toute modification doit garantir et assurer la primauté du droit des citoyens à la santé et à la sécurité sur toutes les autres considérations. Évidemment, je me réfère à la fameuse question du droit de grève, dans le domaine de la santé, notamment.

Le gouvernement soutient que ce droit doit être exercé seulement de façon symbolique, compte tenu des enjeux, compte tenu des personnes qui bénéficient de ces services. Mesdames et messieurs, je vous dirai, à la lumière d'une dizaine d'années de parlementarisme, que ce droit est probablement, dans le fond, un droit qui a toujours été artificiel, un droit qui, à plusieurs égards, a souvent été même faux en ce que, dès le moment où il était utilisé, les hommes et les femmes politiques se sentaient l'obligation d'intervenir, de sensibiliser le gouvernement, le ministre, etc. Combien de fois avons-nous été conviés à un exercice spécial d'urgence pour l'adoption d'une loi pour venir mettre fin à un conflit? Les lois spéciales, il y en a eu une et une autre.

Pour nous, le temps, l'expérience des dernières années, les acquis des travailleuses et des travailleurs et l'expérience doivent nous enseigner qu'on peut certainement faire plus et faire mieux comme société, et surtout à partir d'un consensus. Quand on parle du recours à la grève dans le domaine de la santé, quand on prône le retrait pur et

simple du droit de grève, ce n'est pas, comme certains peuvent le croire ou le dire, retirer purement et simplement ce droit. Le retrait de ce droit devra être accompagné, selon nous, nécessairement et obligatoirement, d'une révision de la politique budgétaire au sein des établissements. Je m'explique. Mon collègue de Brome-Missisquoi pourra élaborer sa pensée tout à l'heure. L'expérience nous enseigne que les gens dans le domaine de la santé, comme ailleurs d'ailleurs, leurs revendications, le plus qu'il tente d'aller chercher, ce n'est pas nécessairement tout le temps dans la rémunération. Les problèmes qu'on vit dans les réseaux, les revendications des travailleurs et des travailleuses, c'est beaucoup plus souvent la question des postes, la question de la tâche, la question de la quantité et de la qualité de services qui, compte tenu des normes, affectent directement les bénéficiaires.

On a vu des exemples dans les centres d'accueil, dans les établissements où les travailleurs et travailleuses étaient presque obligés de se mettre en grève ou sur le point de se mettre en grève, et illégale par surcroît, pour sensibiliser le gouvernement et le ministère à des choses inacceptables qui se passaient dans les institutions. (19 h 15)

Qu'il me suffise de faire référence au conflit de Saint-Ferdinand. Vous savez, il y a peut-être des aspects qui sont déplorables dans ce conflit mais ce n'est pas 700 personnes, dans un petit village de 1200 habitants, qui font une grève générale illimitée pour le plaisir d'en faire une. C'est parce qu'il y avait des problèmes à l'intérieur de la boîte.

On retient que le retrait du droit de grève devra être accompagné d'un peu plus de bon sens dans les institutions. Ce qu'on constate, c'est que, malheureusement, à peu près tout le monde se promène avec son grand livre. La direction se promène avec son grand livre, son livre de normes, son livre de limitations et de restrictions budgétaires et, bien souvent, ce sont des normes auxquelles les travailleurs n'ont pas été associés dans la négociation. Les travailleurs n'ont pas le choix, ils se promènent avec leur convention collective. Cela arrive parfois qu'il y ait du feu.

Le deuxième principe, c'est le droit des employés de l'État de s'associer pour négocier leurs conditions de travail librement. À cet égard, je dois vous dire que, entre autres, en ce qui concerne la décentralisation - mon collègue, le député d'Argenteuil, y reviendra très probablement tout à l'heure - on accepte et on attend avec beaucoup d'intérêt vos recommandations de cet après-midi, en regard du premier point, l'exemple du normatif lourd, pour lequel nous, on croit que le droit de grève doit être maintenu, sauf dans le domaine de la santé, et tout l'aspect des négociations locales, par rapport à la centralisation. Il y a des éléments très intéressants, dans votre mémoire, qui nous sont fournis et qui méritent très certainement d'être bien analysés. Il y a des pistes qui sont intéressantes, comme vous le disiez tout à l'heure.

On a aussi le principe que la reconnaissance par la partie syndicale que, en contrepartie du rapport de force que vous avez, c'est un rapport de force qui est très favorable, qui vous est conféré par la création d'un cartel intersyndical, le domaine ouvert à la négociation collective doit être restreint. À cet égard, j'aurai des questions sur la rémunération à vous poser tout à l'heure, M. Laberge.

Enfin, pour nous, le gouvernement a une responsabilité, celle de rechercher l'équilibre des comptes publics, vu qu'il est non seulement l'État employeur, mais qu'il est aussi l'État, qui dispense des services et qu'il va chercher les taxes et les impôts.

Le volet de l'institut, un des gros éléments de la discussion, c'est la façon d'établir la rémunération. Pour nous, la rémunération doit être établie à partir de paramètres qui rendent cette politique de rémunération la plus crédible possible. C'est pourquoi la création d'un bureau ou d'un institut de recherche en rémunération est intéressante. Jusqu'à maintenant, vous savez, cela n'a pas été ce qu'il y a de plus accessible. C'est la perception que j'en ai avec le Conseil du trésor et les mandats qu'il donnait, etc.

Pour nous, le débat doit se faire, non seulement au sein du gouvernement, mais à l'Assemblée nationale, sur le parquet de la Chambre, devant la télévision, devant l'ensemble des citoyens. Cela va se faire en commission parlementaire, ici, où le gouvernement doit faire rapport, doit indiquer ses choix, se faire interroger par les membres de l'Assemblée nationale sur ses choix comme gouvernement. Cette politique de rémunération doit être établie à partir d'une assistance. À cet égard, la création d'un bureau de recherche en rémunération devient intéressante. Cela fait bien longtemps - vous pourrez nous le confirmer -qu'on parle, ici, à l'Assemblée nationale, de comparer le public avec le privé. C'est une voie qui serait intéressante. Je dois vous dire tout de suite que les appréhensions et les craintes que vous avez soulevées aujourd'hui, nous, on achète cela, que ce bureau pourrait être le plus plus crédible possible, que sa direction doit être désignée sur proposition des parties. Plus cet organisme sera crédible, plus il rendra service, finalement, à tout le monde et au gouvernement le premier, à la société, au Québec et aux travailleurs et aux travailleuses.

M. Laberge, la rémunération, c'est important, mais tout le monde est unanime à constater que l'action, la volonté et les revendications s'inscrivent de moins en moins à ce chapitre de la rémunération. Je ne pense pas qu'il y ait personne qui puisse prétendre être capable d'aller chercher 9 % ou 10 % d'augmentation dans le cadre de la prochaine ronde. Si l'institut de recherche est plus crédible, s'il est créé en fonction des propositions que vous avez formulées, qu'il établit les faits et donne la lecture des comparaisons possibles entre le public et le privé, s'il donne aussi les niveaux de rémunération accordés ou les tendances dans le secteur privé et peut-être même dans le secteur public, mais aussi dans d'autres provinces, est-ce que vous pourriez souscrire au principe que les travailleurs de l'État pourraient accepter une politique de rémunération qui serait établie par le gouvernement, à partir des renseignements ou des indications formulés par cet institut, une politique budgétaire qui en tiendrait compte complètement ou partiellement, mais où le gouvernement devrait se commettre dans le cadre d'un débat ouvert sur la place publique et où il est finalement tributaire de ses gestes? Est-ce que vous accepteriez ces propositions?

M. Laberge: Ce qu'on dit de l'institut, c'est que les partenaires devraient pouvoir lui donner d'autres mandats que lé mandat général de la loi. Qu'est-ce que cela veut dire, la rémunération globale? Cela peut vouloir dire bien des choses, mais, dans les comparaisons avec les autres travailleurs et travailleuses québécois, quand on sait qu'il y en a quelque 60 % qui ne sont pas syndiqués, on accepterait difficilement que la comparaison se fasse avec les employés qui sont au salaire minimum et encore bien moins avec les employés qu'on envoie travailler, l'aide sociale et toute l'affaire. C'est bien évident que, à ce moment-là, il n'y a pas de comparaison possible, c'est du "cheap labour".

Mais si le gouvernement nous donnait comme politique de rémunération que "le gouvernement n'a plus les moyens d'être le meilleur employeur, mais peut se considérer dans la première "bracket" des bons employeurs", cela est une politique. Allons voir ce qu'il y a là-dedans. Quand on arrive... Je pense que la crise épouvantable que tout le monde traverse a changé les idées de bien du monde. Le gouvernement s'est rendu compte que sa capacité de payer n'était plus ce que le gouvernement a déjà pensé qu'elle pouvait être et cela nous a changé les idées en maudit! On s'est rendu compte qu'on ne pouvait pas tout le temps continuer à réclamer des augmentations; à un moment donné, la capacité de payer entre en ligne de compte. On a vécu cela en maudit dans le privé, on y a goûté. Mais il n'y a pas un employeur qui n'avait pas la capacité de payer qui a demandé au gouvernement d'enlever le droit de grève à ses employés syndiqués. Il s'est arrangé pour négocier avec ses employés syndiqués, malgré qu'il ne pouvait pas payer d'augmentation, même si c'était justifié dans certains cas. Vous le savez, ce n'est une cachette pour personne que, dans certains cas, il y a des négociations qui se sont même faites à rabais, dans le but d'essayer de permettre à l'entreprise de survivre. Cela s'est fait et, je veux le dire, cela n'a pas été de gaieté de coeur. Dans certains cas, dans le privé, cela s'est fait, mais on n'a pas enlevé le droit de grève, on n'a pas enlevé le droit de négocier. Le droit de négocier est là et le droit de négocier, sans le droit de grève, ce n'est pas le droit de négocier, on a le droit de discuter, mais pas le droit de négocier.

Alors, la rémunération, on est prêt à la regarder. Qu'un institut, vraiment un institut de recherche... Quand même que Larose, Charbonneau et moi nous siégerions à l'institut de recherche avec trois représentants patronaux, muets, aveugles et sourds, ce n'est toujours pas nous qui allons faire la recherche. Cela va être des chercheurs, ce sont des gens qui vont savoir où regarder. La seule chose qu'on peut leur dire, c'est: Aie, ti-gars, tu vas juste regarder dans ce bout-là, mais regarde dans l'autre coin aussi. On peut dire des choses semblables. Mais les résultats des chercheurs, il n'y a rien qu'on peut faire là-dedans. Si l'institut est crédible, cela vient de diminuer énormément la durée des discussions ou des négociations qu'il peut y avoir sur la rémunération. C'est là que cela se situe.

Tantôt, il y a quelqu'un qui disait: Les employés de l'État sont mieux rémunérés que n'importe qui dans le privé. Ce n'est pas vrai, et je peux vous en donner des preuves. Prenons les fonctionnaires, dans les basses classes. Je vous défie d'aller dans le secteur privé syndiqué, de prendre des sténodactylos, de prendre des commis aux livres, de prendre des choses comme cela et de les comparer pour le "fun". Comparez-les et on reviendra se reparler de cela après, s'ils sont trop payés! Mais c'est pour cela que je suis d'accord avec un institut indépendant, crédible, qui va pouvoir aller fouiller cela et qui va vous donner les chiffres. Tout le monde va avoir les mêmes chiffres et, après cela, on saura de quoi on parle.

M. Larose: II y a un danger à mettre en absolu la question de la comparaison entre le secteur privé et le secteur public.

M. Laberge: Évidemment.

M. Larose: Cela, c'est nier un fait politique et un fait social que, lorsque les

organisations syndicales rentrent dans un rapport contractuel avec les autorités étatiques et qui détermine le salaire et les salaires, il y a des choix politiques de faits là-dedans. Vous ne m'avez pas encore répondu, ni dans le privé, ni dans le public, concernant les femmes. Il y a eu des choix de faits dans la détermination des salaires pour réduire la discrimination homme-femme concernant les salaires. Votre proposition de comparaison veut nous faire passer d'un écart encore existant entre les hommes et les femmes, qui est de l'ordre de 17 %... Votre proposition pour les secteurs privé et public, c'est que cela passe à 36 %. C'est cela votre proposition, mais, en même temps, vous masquez la réalité de la négociation des salaires dans le secteur public, comme dans le secteur privé d'ailleurs. C'est qu'il y a des choix politiques et il y a des choix sociaux. C'est achalant, je le sais bien, pour quelqu'un qui a à gérer cette province, de négocier aussi quelques choix politiques et quelques choix sociaux.

On prétend, comme organisation syndicale responsable dans une société tout aussi responsable, que nous avons le droit, comme partenaires sociaux, d'influencer ce genre de décisions. Alors, le fait que vous vouliez, de façon automatique, à partir d'un "press button" à 19 %, pour les secteurs privé et public, et les reins roulent, on ne marchera jamais là-dedans c'est de l'illusion. On me parlait d'illusion tantôt; c'est celle-là, l'illusion, parce qu'il y a des choix que vous faites et il y a des choix que nous faisons. Quand on négocie des salaires, c'est effectivement soit de réduire des écarts, d'éliminer la discrimination, de relever les bas salariés, c'est tout cela qu'on fait. Être à la remorque - parce que cela aussi, il y a une grande mystification là-dedans - dans la comparaison entre le privé et le public, d'un secteur qui est massivement non syndiqué de l'ordre de 82 %, peut-on dire, effectivement, que vous faites tirer le chariot à quelqu'un qui est peut-être moins pourvu? Bernier et Cadieux, en tout cas, vous ont-ils dit combien il y avait de syndiqués? Et les taux de syndicalisation? Vous ont-ils parlé de l'histoire du mouvement ouvrier en Italie? en France? en Belgique? en Suède? Vous ont-ils parlé des relations déjudiciarisées? Il n'y a pas de recours collectif contre les syndicats. On ne met pas le monde en prison parce qu'on a été solidaire d'une décision d'une assemblée générale. Ils ne sont même pas reconnus avec des papiers d'accréditation. II faut mettre cela dans le débat. Dans une comparaison des régimes soi-disant très libéraux et archilibéraux au Québec, je vous dirai que, dans le cadre d'une syndicalisation à 30 % par rapport à un cadre de syndicalisation à 85 % en Suède, le mouvement ouvrier en Suède est autrement plus costaud pour influencer les décisions politiques et économiques qu'on peut l'être.

Qu'on ne me fasse pas brailler sur le soi-disant régime libéral qu'on a. Ce n'est pas vrai. On a le régime qu'on s'est donné. On a le régime que la société québécoise a voulu se donner et je pense que cela a été rentable pour la société québécoise. La proposition 37, elle dessert la société québécoise et la proposition concernant les secteurs privé et public là-dedans, c'est, à mon avis, desservir pas rien que le mouvement syndical, mais l'ensemble de la population.

M. Laberge: Deux fois.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. Harguindeguy, vous avez demandé la parole.

M. Pagé: Avant, M. le Président, et si vous me le permettez, M. Larose, je dois vous dire, que, ce matin, j'ai indiqué, au début de nos travaux, que l'alignement du secteur privé et du secteur public dans la perspective d'une nouvelle politique de rémunération risquait de causer un préjudice très grave à l'évolution de la situation des conditions de rémunération et de travail de la femme au Québec. (19 h 30)

M. Charbonneau (Yvon): Si vous me permettez d'ajouter seulement une phrase et ensuite, Jean-Louis... C'est parce que c'est sur cette question, on parle souvent de la rémunération des pays civilisés visités par vos deux chercheurs en Europe de l'Ouest. En Angleterre, Mme Thatcher a mis la hache dans une institution qui s'appelle le "Pay Research Unit" parce qu'elle trouvait cela trop emmerdant de devoir aligner le public sur le privé. Cela lui aurait coûté trop cher. Jean-Louis.

Discussion générale

M. Harguindeguy: Justement sur la question de l'institut, je pense qu'il faudrait quand même apporter les clarifications qui s'imposent et ne pas croire que notre revendication serait dans le sens que ce soit l'institut qui établisse finalement les augmentations et les salaires qu'on devrait obtenir. Ce qu'on revendique, c'est qu'il y ait un institut qui soit crédible. Les dernières négociations ont toujours fait en sorte que cela a achoppé sur la question des salaires. Une guerre de chiffres, la partie patronale prétendant telle chose, la partie syndicale telle autre chose. Finalement, tout le monde se perd dans les chiffres. Ce qu'on veut, c'est avoir un institut qui puisse fournir les données sur lesquelles on pourra discuter, négocier les salaires, la rémunération qui est appropriée à chacun. Donc, ne pas croire que c'est l'institut qui va déterminer les augmentations.

Mais je voudrais revenir surtout à l'orientation que M. Pagé a annoncée à savoir que, pour lui - en tout cas pour le parti qu'il représente - l'endroit approprié pour déterminer nos salaires serait en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale. Vous me permettrez d'en douter. En tout cas, je préfère m'occuper de mes affaires et avoir confiance en mes moyens que de laisser le soin à d'autres de décider, et ce, compte tenu que j'estime qu'une commission parlementaire n'est pas nécessairement l'endroit approprié pour négocier. Les règles de procédure, telles qu'on les connaît à l'heure actuelle, ne nous permettent pas d'intervenir aussi facilement qu'on le souhaiterait, comme en période de négociation, où il y a un certain dialogue qui doit être maintenu. D'autre part, j'appréhende quelque peu les décisions qui seraient prises par les parlementaires, malgré toute la déférence que je dois avoir à leur égard. Si je tiens pour acquis la déclaration du président du Conseil du trésor, qui n'a pas été contredite, à savoir qu'en 1982, lorsque vous avez adopté les décrets, très peu de personnes - si ce n'est personne -avaient pris connaissance de la totalité du document, vous me laissez perplexe sur la décision que vous prendrez sur les salaires.

M. Pagé: M. le Président, une très brève question à M. Charbonneau, avant de céder la parole à mes collègues. Nous sommes aujourd'hui le 15 mai. Le projet de loi est là. Pour nous, même si nous croyons qu'un gouvernement est plus ou moins justifié d'apporter des modifications aussi substantielles au début de la cinquième année du deuxième mandat, il est toujours possible que ce projet de loi auquel on sera convié à la deuxième lecture d'ici à quelques jours finisse par être adopté. Le gouvernement a la majorité et peut toujours se prévaloir des mesures de guillotine, etc.

Une voix: Elles lui sont familières.

M. Pagé: Qu'est-ce qui arrive le 21 juin? Vous avez évoqué tout à l'heure que nous, on n'est pas sur le terrain et qu'on n'a pas le vécu quotidien, comme vous pouvez l'avoir dans vos instances. En principe, la négociation pour le renouvellement des décrets ou de la convention, ou des décrets qui en tiennent lieu, aurait dû s'amorcer le ou vers le 5 avril. Qu'est-ce qui va arriver dans la perspective de la prochaine convention collective si ce projet de loi est adopté à la fin de juin et entre en vigueur au début de juillet, ou à peu près? Est-ce que c'est possible d'en arriver... Votre perception, c'est quoi?

M. Charbonneau (Yvon): Lorsqu'on a commencé à discuter de l'intention de réforme du régime, on avait une demande qui était jumelle, qui était l'autre côté de la pièce de monnaie, c'était celle d'entreprendre les négociations avec le présent gouvernement pour le renouvellement des conventions collectives. Ce renouvellement aurait pu inclure la présente année. On pensait que cela aurait été beaucoup plus fonctionnel de se ranger comme cela et d'ajouter quelques règles du jeu en cours de route. Le gouvernement a préféré nous entraîner dans un débat sur le régime seulement et il a fermé la porte à la question de la négociation avant de réformer le régime ainsi qu'il l'entendait. Cependant, de notre côté, nous avons entrepris des préparatifs, les préparatifs habituels, c'est-à-dire une certaine forme d'étude des situations, ce qu'auraient dû faire les chercheurs gouvernementaux plutôt que de courir l'Europe, etc. - ce qui ne manque pas d'intérêt, d'ailleurs - étudier les problèmes dans les écoles, les hôpitaux, les services publics, etc. D'ailleurs, il y en a qui l'ont fait. Le Conseil supérieur l'a fait. Cela a beaucoup inspiré le ministre de l'Éducation, d'ailleurs.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Charbonneau (Yvon): Nous, on a continué, on a mené une étude systématique des problèmes concrets - ça, c'est important - sur des questions comme l'organisation du travail, sur la question des services à donner dans les écoles, différentes catégories d'élèves. C'est la même chose pour ce qui est du secteur hospitalier et dans la fonction publique. Ils ont étudié, nous avons étudié ensemble dossier par dossier ces questions complexes parfois, très complexes, d'organisation du travail, d'organisation des carrières aussi. Nos membres sont de plus en plus sensibles à des valeurs ou à des besoins qui amèneraient un réagencement de leurs années de travail, de leurs 32 ou 35 ans de travail, avec des phases, etc. Alors, on a capté un certain nombre de ces besoins, de ces sensibilités, et on a préparé des dossiers, par exemple, sur l'emploi, sur l'organisation du travail, sur le travail, sur les tâches, etc. On a également tenu compte de l'impact de l'implantation des nouvelles technologies qui viennent transformer certains processus de travail.

Pour répondre à votre question, ce que nous avons fait, on a préparé nos dossiers dans un état peut-être inégal d'avancement selon les dossiers, mais cela a avancé. Ce que nous ferons, à tout événement, on va continuer à préparer ce qui nous semble les choses à proposer à nos employeurs et au gouvernement afin de continuer à améliorer la situation des services publics dans les prochaines années et, également, je dirais, à tenir compte des besoins du système et des

besoins des personnes qui y travaillent. Nous allons continuer à préparer nos dossiers après le 21 juin, avec une pause d'été compréhensible.

Le Président (M. Lachance): II reste trois minutes et demie dans le bloc de temps imparti. Est-ce que vou3 voulez continuer immédiatement ou...

Une voix: On vous le redonnera.

M. Paradis: Après le ministre des Affaires sociales.

Le Président (M. Lachance): D'accord. M. le ministre des Affaires sociales.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai quelques questions. La première s'adresse au camarade Larose, Cela concerne la négociation sectorielle. Votre demande est de négocier à une table unique pour les cinq sous-secteurs, si j'ai bien compris vos propos. Est-ce que vous accepteriez une proposition, à savoir qu'il y ait une liste, une nouvelle annexe édictant un certain nombre d'objets qui seraient nécessairement négociés à l'échelon sectoriel et non pas à l'échelon sous-sectoriel, avec le pouvoir ou la possibilité d'ajouter à cette proposition sur consentement unanime des parties?

M. Larose: Si je comprends bien, le pattern serait le suivant: II y a une table centrale, affaires sociales; on s'entend sur des matières à être négociées, pas à être arrangées, mais à être négociées, au plan sectoriel?

M. Chevrette: En d'autres mots, le CPNAS que vous avez connu aurait comme mandat de négocier une liste précise d'objets avec le pouvoir d'ajouter, avec le consentement des parties à cette liste, et une autre annexe qui serait faite avec des arrangements locaux où vous pourriez procéder purement et simplement comme vous nous l'avez demandé, je crois, sur cette partie. La partie des arrangements locaux, on les laisserait tels quels. En d'autres mots, il y aurait trois paliers de négociation: un sectoriel, un sous-sectoriel et un, facultatif, bien sûr, sur les arrangements locaux. Au sectoriel, il y aurait une liste préalablement établie avec une possibilité d'ajouts, avec le consentement des sous-secteurs. Il y aurait le palier sous-sectoriel et, bien sûr, la liste des arrangements locaux dont on a discuté, de toute façon, depuis un bon bout de temps.

M. Larose: Le "préalablement établi", il est fixé par la loi ou si c'est le fruit de la négociation au plan...

M. Chevrette: Fixé par la loi en annexe. Par exemple, sur les objets communs qu'on retrouve... Prenons l'exemple du quantum des congés sociaux, le quantum des vacances. Au lieu de se retrouver à en discuter à l'ensemble des sous-secteurs, perte de temps et d'énergie et probablement de beau coup d'argent, on le retrouve au sectoriel, à une table unique. C'est un exemple de points du genre qu'on peut facilement identifier comme communs à l'ensemble des sous-secteurs.

M. Larose: Je pense qu'on est sur une voie qui peut être intéressante. La question que je posais, c'est: Si c'est préalablement établi, cela dépend ce qu'on a établi, cela dépend des matières qui vont être centralisées, et centralisées dans le sens de sectorialiser. Cela dépend des matières qui vont être au plan sous-sectoriel. Notre proposition n'élimine pas effectivement on voudrait simplement s'entendre dessus.

M. Chevrette: La distinction fondamentale entre votre réponse et ma question est que vous parlez de négociation des objets de la table sectorielle alors que je vous dis que c'est préalablement établi par liste. C'est là qu'est la nuance entre les deux.

M. Larose: On n'est pas chaud là-dessus. On aime beaucoup l'exercice de la négociation, un peu moins celui des décrets. Le fait que vous décidiez unilatéralement que c'est comme cela que cela va se passer, nous serions plutôt d'accord pour qu'il y ait des matières qui soient négociées sectoriellement, d'autres qui le soient sous-sectoriellement et d'autres, par des arrangements locaux. Là-dessus, on s'entendra à notre table.

M. Chevrette: Cela s'envisage d'une autre façon. Il va se soi qu'il y a des objets qui sautent aux yeux, qui sont négociables sectoriellement, vous en convenez avec moi. Je vous ai donné un exemple ou deux. Si, en plus, il y a un pouvoir de ramener le tout au sectoriel, il y a une partie qui vous échappe, mais pas la totalité. Est-ce qu'on se comprend bien?

M. Larose: La mécanique que vous nous proposez pour remonter les matières à la table sectorielle, puis-je vous dire que c'est le droit de veto patronal pour une organisation patronale? C'est complexe, votre affaire. Il faut d'abord l'unanimité des organisations syndicales - on commence à en avoir l'habitude -...

M. Chevrette: Donc, ce n'est pas un problème pour vous autres.

M. Larose: Non.

M. Chevrette: Mais est-ce que cela pourrait être un veto et un veto syndical face à une demande patronale de négocier sectoriellement?

M. Laberge: Ce n'est pas marqué.

M. Larose: Pourquoi ne placez-vous pas tout cela en haut? Ensuite, on s'entendra pour savoir ce qui va descendre au lieu de faire le contraire. C'est toujours plus dur de monter les côtes que les descendre.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Larose: Surtout que vous imposez aux parties dans le clan syndical d'être d'accord pour partir tout le monde en même temps, pour monter la côte, tandis que, du côté patronal, si l'un dit "on ne remonte pas la côte", les quatre autres sont "stalles". On trouve que la mécanique est un droit de veto, en fait, pour toute organisation patronale.

M. Chevrette: Ma deuxième question s'adresse à Mme Pelletier. Cela fait deux fois que je vous entends dire que les pourcentages ou les plafonds sont irréalistes. Vous dites: On pourrait vous faire des propositions vous démontrant que ce serait beaucoup plus simple d'avoir une proposition concrète émanant des syndiqués eux-mêmes. Vous avez, en particulier, dans le cas des infirmières, dit que vous aviez vécu des expériences qui démontraient cela. J'aimerais que vous me donniez un exemple.

Mme Pelletier: Par exemple, quand on vous dit que les pourcentages sont inapplicables, si on parle du soir ou de la nuit, souvent, on ne se retrouve pas plus de trois ou quatre sur les quarts de travail. Donc, c'est éliminé. Personne ne va partir. Le droit de grève est éliminé. Je disais, lors de rencontres précédentes, que des expériences ont été vécues dans notre secteur et qu'on était prêt à s'asseoir n'importe quand pour reprendre les services essentiels qui avaient été donnés dans les différents milieux. Je n'ai pas apporté mes listes avec moi, ici, mais des expériences vécues de façon concrète peuvent démontrer que c'est pratiquable et, avec le code qui vous a été expliqué et que vous avez en main, cela rejoint les positions que nous avions sur les services essentiels à assurer à la population.

C'est dans cette pratique que nous disons que l'ensemble des gens du secteur de la santé sont prêts globalement à s'inscrire dans cette démarche qui donne une garantie de services adéquats à assurer a la population en temps de conflit. C'est bien sûr à partir du vécu de 1979 et de 1982, avec les ententes extrêmement nombreuses dans notre secteur. Dans le code, encore une fois, ce sont ces positions qui sont reprises de façon très large.

M. Chevrette: Dans l'approche du code tel que présenté, et qui n'est pas complété, si j'ai bien compris M. Larose tantôt, j'aimerais vous entendre sur une réaction que nous avons eue ce matin, je ne me souviens pas laquelle des parties l'a affirmé. À la lecture du code d'éthique qui a été transmis même à la partie patronale, si j'ai bien compris, un des représentants - je crois que ce sont des centres d'accueil, mais je le dis sous réserve - disait qu'à toutes fins utiles reconnaître ce code d'éthique, c'était reconnaître le droit de gérance des syndiqués en temps de grève à l'intérieur de l'hôpital. Comment réagissez-vous à cette allégation?

M. Larose: La gérance? Le droit de gérance?

M. Chevrette: De l'organisation des services de santé et de la distribution des services de santé. C'est une affirmation qu'on a entendue ce matin. (19 h 45)

Mme Pelletier: Quand on parle des services essentiels, je pense qu'on ne se cache pas, on a toujours exprimé que cela relevait en grande partie de la responsabilité des travailleuses et des travailleurs. Quand on dit que la négociation des services essentiels doit se faire au milieu local, bien sûr, quand c'est possible, avec la partie patronale qui est là, quand il y a moyen de s'entendre, dans le passé, il a été démontré que c'était possible. Si les patrons disent à ce moment que c'est le droit de gérance du syndicat, la façon dont le code est expliqué, moi, je dis qu'il y a de la place pour qu'on s'assoie avec les employeurs et qu'on réussisse à s'entendre sur les services à maintenir. Si on qualifie cela de droit de gérance, ils en ont déjà beaucoup de droits de gérance, les employeurs, mais on ne cache pas que cela revient aux travailleuses et aux travailleurs, cette responsabilité. Si elle est partagée par l'ensemble, cela nous apparaît extrêmement rassurant et peut-être plus rassurant que de le laisser entièrement au patron, parce que ce qui se passe actuellement dans le réseau de santé, vous le savez, de façon quotidienne, il y a des situations inacceptables. Et ce n'est pas dû aux travailleuses et travailleurs, ce n'est pas dû aux syndicats, mais ils se sont battus pour faire changer des situations pareilles.

M. Laberge: Justement, me permettriez-vous une petite question, juste pour m'éclairer? Le droit de gérance que vous voulez accorder, est-ce que c'est aux gens qui gèrent tellement bien les affaires que vous les menacez?

M. Chevrette: Pas mail Comme question, elle est bonne. J'ai pris la peine, M. Laberge, de dire que c'était une allégation qui a été faite ici ce matin à cette table, probablement même à la table et à la place où est Mme Pelletier. Je me demandais à ce moment quelle serait la réaction de la partie syndicale d'entendre cela, parce qu'il n'y avait pas de représentant syndical à ce moment. Deuxièmement, je voudrais vous citer une autre allégation qui a été faite, je ne sais pas si c'est aujourd'hui ou hier que je l'ai entendue. Si c'est vrai que la responsabilité relève du syndicat ou des travailleurs et travailleuses de l'établissement, vous pourriez considérer, à partir de la grille que vous avez, qu'il y a X cadres, par exemple. Donc, dans l'institution, pour donner des services normaux, pour suivre toujours le même raisonnement, il faut - je ne sais pas - nous avons dix cadres et ça en prend douze, deux salariés. Mais celui ou celle, le directeur ou la directrice de nursing, ça fait 15 ou 20 ans qu'elle est directrice ou qu'il est directeur, dorénavant, à cause du nombre, non pas à cause de la compétence, et vous avez bien spécifié vous autres mêmes que c'est la qualité des services que vous voulez maintenir, qu'est-ce qui arrive si depuis quinze ans, il ou elle n'a pas injecté, par exemple, une intraveineuse?

M. Larose: On les déclarera incompétents et ils ne feront pas partie des services essentiels.

Mme Pelletier: M. Chevrette, on a vécu cette situation, encore une fois, dans les dernières négociations des services essentiels. Il y a des endroits des infirmières-chefs dont cela ne fait pas deux ans qu'elles ont laissé la pratique d'infirmière autorisée et qui disaient: On ne peut pas. Je pense que c'est un peu aussi fou quand on vient nous affirmer quand on est infirmière-chef que, deux ans après, on ne peut plus assumer des soins aux bénéficiaires. Cela est du charriage. Quand vous donnez l'exemple de quelqu'un pour qui ça pourrait faire quinze ans, nous avons tenu compte de ces situations. C'est pour cela que, quand on dit aussi que des quotas, ça ne peut pas s'appliquer à 90 % de façon générale, qu'il faut tenir compte de chaque milieu, des gens qui y travaillent et que c'est là qu'on est capable de faire l'évaluation, je pense que c'est évident que quand quelqu'un depuis quinze ans n'a pas été sur les unités de soins, mais dans un bureau, c'est très déplorable. M. Larose disait tantôt que c'est peut-être un bon moment de revenir vraiment sur le plancher et de voir ce qui est assumé par les travailleuses, mais moi, je vous dis que ce sont des situations dont on a tenu compte en 1979 et en 1982.

M. Laberge: En plus, vous avez la Commission des services essentiels, dont c'est le rôle d'aller voir cela et de voir si cela a de l'allure. En tout cas, personne n'en a parlé, mais pourrais-je vous signaler que la Commission des services essentiels a rendu de très précieux services dans les municipalités et les commissions de transport, à la Commission de transport de Montréal, à la Commission de transport de la rive sud. La Commission des services essentiels s'est assise avec le syndicat et avec les employeurs et ils sont venus à bout de faire accepter des compromis par les deux et cela a fonctionné. Si vous les faites juge, partie et bourreau, c'est un rôle qu'ils ne pourront plus exercer. Il n'y a personne qui va vouloir les sentir. Il me semble que c'est quelque chose que vous ne devriez pas avoir de misère à garder. Il y a le Tribunal du travail, il y a la Cour supérieure, il y a beaucoup de tribunaux, non? À part de cela, il se nomme des juges tous les jours, quasiment.

M. Chevrette: Pas si souvent que cela. J'avais d'autres questions, mais je sais que vous êtes limités. Il y en a seulement trois qui ont parlé sur l'ensemble. Donc, je vais donner mon tour et je reviendrai s'il me reste du temps.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Très rapidement, M. le Président, tantôt...

Le Président (M. Lachance): D'accord, on a réduit les blocs de temps... Une demi-heure, c'était beaucoup.

M. Paradis:... mon collègue de Portneuf, dans son introduction, a dit que, pour le Parti libéral, dans le domaine de la santé le maintien des services de santé en tout temps était une priorité absolue. On a devant nous un projet de loi présentement qui, à son article 87, propose une approche qu'on peut aisément en tout cas qualifier de technocratique, qui gèle un plancher ou un plafond, qu'on l'appelle comme on veut, des pourcentages qui, à notre avis et qui de l'avis d'autres intervenants, même patronaux qui vous ont précédés, ne sont pas satisfaisants dans plusieurs cas. On peut parler, comme dans le cas des centres d'accueil, de 90 %, de 60 % des services qui sont déjà là parce que les centres d'accueil, les services ne sont pas rendus de façon complète à cause d'un manque de personnel, etc. On a également devant nous, cet après-midi, une proposition que vous mettez sur la table comme coalition qui s'appelle un code d'éthique. Je ne veux pas discuter de la forme, qu'il s'agisse d'une loi ou d'un code

d'éthique, mais strictement des mécanismes qui y sont contenus. Est-ce que vous considérez que les mécanismes, à supposer qu'ils aient la même valeur ou la même autorité, qui sont contenus dans le code d'éthique que vous placez sur la table cet après-midi, assurent des services qui, sans être complets, parce que j'ai encore des réserves là-dessus, sont supérieurs pour le bénéficiaire qui se retrouve alité? Prenons le cas, comme premier exemple, du centre hospitalier en cas de conflit de travail; sur quel élément vous basez-vous pour faire une telle déclaration?

M. Laberge: II me semble que ce qui vous inquiète, c'est que les patients aient des services adéquats. Je suppose que les deux propositions, disons, rejoignent cela. Mais ce que la proposition qu'on retrouve dans le projet de loi 37 ne prend en considération ni les médecins, ni les cadres, ni les travailleurs et les travailleuses non syndiqués, nous, dans notre code d'éthique, on prend soin de cela, évidemment. Qu'on considère que, dans le secteur des affaires sociales, le gouvernement semble déterminer, enfin, il y a des fois, il nous semble déterminer, des fois, il ne semble pas... Vous dites que la grève ne peut pas durer longtemps dans le secteur des affaires sociales. Ne venez pas pleurer sur nos épaules que les pauvres cadres vont être surtaxés. Si la grève ne dure pas longtemps, ils vont pouvoir prendre la relève pendant une journée, deux jours, trois jours. Cela n'a jamais fait mourir personne. Cela serait tellement mieux pour les patients. Je ne sais pas, mais on semble se préoccuper beaucoup plus d'une possibilité de diminution de services tous les trois ans qu'on se préoccupe d'une diminution constante de services tous les jours de la semaine. Cela fait des années que dure la diminution des services. Les salles d'urgence sont bondées, il n'y a personne les fins de semaine, il n'y a pas d'opération, il n'y a rien. Les patients attendent dans les passages. Les listes d'attente sont passées de six mois à neuf mois, dix mois, onze mois dans certains hôpitaux. Vous ne parlez pas du droit à la santé dans ce temps-là. Le droit à la santé, ce n'est pas juste une fois tous les trois ans.

M. Paradis: Peut-être, M. Laberge. Si vous me le permettez, pour continuer dans le même sens de votre intervention, votre code d'éthique prévoit quand même ceci et je cite à partir de l'article 2. 1 dans le cas du centre hospitalier: "Le nombre de lits ouverts ne dépassera pas celui des périodes où on constate les plus bas taux d'occupation. " Je viens de faire une tournée à travers la province et je ne la prétends pas complète. Avec des fermetures complètes de départements à certaines périodes qui ont été mentionnées, etc., est-ce que votre code d'éthique n'est pas trop sévère, à ce moment-là? Parce que, s'il faut se retrouver à longueur d'année ou pendant toute la durée de la grève dans une situation où l'on se retrouve dans les pires moments à longueur d'année, soit la période estivale, soit la période des fêtes, est-ce qu'on peut vraiment parler de protéger le droit du bénéficiaire à la santé et son accessibilité?

M. Laberge: Si on ne le protège pas dans ce temps-là, vous ne le protégez pas dans les autres temps.

M. Larose: II faut visualiser cela très concrètement. On dit: En période de grève, peut-on se payer collectivement le régime du temps des fêtes? Exemple: La grève, habituellement, cela ne dure pas quatre mois, cela dure trois, quatre jours.

M. Laberge: C'est cela.

M. Larose: Si on observe, dans la prestation annuelle des services, que, pour la période des fêtes, effectivement, les médecins reportent l'ensemble de leurs opérations, on ne fait qu'entretenir ou, en tout cas, soigner les gens qui sont déjà dans les hôpitaux, cela se peut-il qu'on puisse prendre cela et se calibrer là-dessus? On pense que ce n'est pas mettre en péril le droit à la santé qu'a la population. Les amygdalites, à moins qu'elles soient aiguës... Cela se peut bien. Pour mon gars, justement, il faut que j'y aille. Si on est en grève, je lui dirai: Attends, il n'y a pas de cassure. S'il y a une cassure, il pourra y aller, parce que l'urgence va être ouverte. C'est dans ce sens-là.

M. Paradis: On se retrouve déjà, M. Larose, dans un système où, si on veut parler strictement des électifs, même en cas de grève, strictement des cas électifs... Dans la région de Québec, ici, pour ne pas le mentionner, un hôpital, récemment, nous disait et nous autorisait à le révéler qu'il y avait plus de 40 patientes - on parle de la situation des femmes - qui étaient atteintes du cancer du sein et qui étaient sur une liste élective pour être opérées - là, on parle de cancer du sein sur une liste élective - et que le délai minimal était de quatre mois. Est-ce que vous ne pensez pas que, dans un cas de grève, on allonge encore ce délai pour ces patientes qui sont sur une liste élective?

M. Laberge: Bien non! Bien non! Bien non!

M. Larose: De trois jours?

M. Paradis: Attendez une minute! J'ai

deux réponses: j'ai non et j'ai de trois jours.

M. Larose: Ce qu'on vous dit essentiellement, quand on se fixe un repère comme celui-là, c'est qu'on ne voudrait pas que, pour une période de grève, les exigences de ceux qui décident dans le réseau soient supérieures à ce qu'ils décident pour des périodes moins sévères et normales. Si vous nous dites qu'en période de vacances ou de congé de Noël, vous corrigez la situation et que, effectivement, vous relevez l'ensemble de la prestation de services, on vous dira que, pour la grève, on va être prêts à relever cela au même niveau.

M. Paradis: Si je comprends bien, vous mettez le fardeau, à ce moment-là, sur le dos du gouvernement: Donnez-nous des services accessibles en tout temps et, en période de grève, ils seront également accessibles.

M. Larose: Vous n'êtes pas bête en logique, là!

Le Président (M. Lachance): M. le ministre de l'Éducation.

M. Gendron: M. le Président, j'ai quelques courts commentaires avant de poser une couple de questions. Effectivement, je voudrais moi aussi remercier les gens de la coalition d'avoir accepté cette fois-ci de venir nous donner leur point de vue dans un mémoire quand même assez articulé et étoffé. J'ai toujours pensé, un peu comme M. Larose l'a dit tantôt, que c'était assez facile de mentionner que c'est plus facile de descendre les côtes que de les monter, mais je pense qu'on risque de faire avancer les débats davantage lorsqu'on profite des occasions qui sont offertes pour venir s'exprimer et donner son point de vue. En poussant sur certaines choses, règle générale, parfois cela prend plus de temps que prévu, mais cela permet de les faire avancer. Dans ce sens, je suis heureux que vous ayez répondu à l'invitation qui vous était faite de venir donner votre point de vue.

Dans le mémoire de la coalition, en page 26, on m'a cité un peu et je voudrais profiter de l'occasion - parce que c'est peut-être la première fois - pour rectifier certaines choses ou donner au moins des précisions quand on dit: "Le principe d'une véritable négociation locale, avec droit de grève, sur certaines matières, fait d'ailleurs consensus entre les syndicats, la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec et même le ministre Gendron, comme en fait foi la récente entente de principe sur la tâche que le Conseil des ministres a rejetée. J'ai lu totalement le paragraphe.

Je voudrais indiquer que c'est exact que, sur la base de cette entente de principe et également sur la base de ce qui a été évoqué par M. Charbonneau, dans le sens que les problèmes réels en éducation, cela nous intéresse, comme gouvernement et cela m'intéressait comme ministre de l'Éducation, et cela a intéressé mon collègue qui est ici présent ce soir, M. Bérubé, quand il avait le ministère, puisqu'on a déjà eu une certaine discussion qu'on a appelée "les accords du 11 mai", à la suite de choses que nous reconnaissions comme réelles, et également la formation et la création du comité mixte qui a travaillé et qui a permis de progresser toujours sur des problèmes réels que je reconnais... Dans ce sens, ce que je veux indiquer, c'est que, aux mêmes occasions où, pour ce qui est de l'entente, j'ai pensé que cela pouvait être soutenant dans l'hypothèse d'un règlement, sur trois ans, de toute la question du chapitre VIII, que, oui, nous pouvions envisager - ceux qui sont plus familiers avec ces notions - un "one shot deal", pour refaire les bases de certains éléments de la négociation locale, parce que la prétention syndicale était qu'à la suite du décret, c'est bien sûr qu'il y a des choses qui ont été imposées, qui ne correspondaient pas, en tout cas, aux idéaux de la partie syndicale, à tout le moins. (20 heures)

Je voudrais rappeler que, pour le bénéfice de tout le monde, mes collègues et tous les autres, à la première rencontre, je pense, avec la coalition, à la suite du dépôt de l'avant-projet, j'ai aussi mentionné que, en ce qui me concerne, je prétendais qu'on ne pouvait pas, en 1985, affirmer sans nuance, comme vous le faites régulièrement dans votre mémoire, que le droit de grève en est un inaliénable pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses, bien sûr y compris ceux et celles du secteur social. Vous ajoutez: sur toutes les matières et sur toutes les conditions de travail.

J'avais indiqué à cette première rencontre qu'il m'apparaissait que, pour certaines matières négociées localement, compte tenu de la valeur dans le rapport de force de l'utilisation du droit de grève comme outil de pression ou comme moyen ultime d'essayer de régler des conflits, c'était disproportionné que d'avoir cette prétention sans nuance pour à peu près n'importe quoi. C'est exactement ce que cela veut dire. Les conditions de travail des travailleurs et des travailleuses, quand on les détaille, il y en a qui sont majeures, primordiales, mais je n'accepte pas que l'on puisse avoir la prétention que tous les éléments qui légifèrent les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs du secteur public aient le même caractère fondamental.

Je tenais à faire cette précision. Ceci étant dit, ma première question, j'aimerais la

poser à M. Charbonneau, président de la CEQ. Est-ce qu'il ne lui apparaît pas également que, dans la perspective où nous aurions à discuter un peu plus longuement des matières qui devraient être négociées localement, la prétention d'un droit de grève absolu... Bien sûr, même si je vois cela sur du papier, on veut juste l'avoir, il y a bien des chances qu'on ne l'exerce pas, il est loin d'être sûr qu'on va l'exercer, je comprends cela. Mais, ma question précise, c'est: Est-ce que vous convenez qu'il est légitime et normal de prétendre que, sur toutes les matières, effectivement, cela ne vaut pas la peine de faire l'exercice qu'au niveau local il y a certaines matières qui pourraient être soustraites à un droit de grève permanent? Parce que, lorsqu'on a cité Gendron, c'était dans la perspective d'une hypothèse de règlement sur trois ans, je l'ai bien expliqué, un "one shot deal", et on revenait sur des bases qu'on a sur la table dans le nouveau projet de loi.

Alors, j'aimerais avoir des précisions de M. Charbonneau là-dessus.

M. Charbonneau (Yvon): J'ai une orientation, comme réponse, à vous souligner, qui est à la page 26, le paragraphe précédent celui que vous avez lu. C'est écrit! "Les enseignantes et les enseignants des commissions scolaires ont traditionnellement négocié au niveau local un nombre significatif de sujets, notamment en ce qui a trait à l'organisation du travail et aux mouvements de personnel. " Voilà le coeur du sujet pour ce qui est du niveau local et ce sont les objets lourds, les objets qui conditionnent la vie des personnes dont nous parlons. C'est là-dessus qu'il doit y avoir un recours substantiel, qu'on appelle le droit de grève.

Si on va à l'annexe de votre projet de loi, à la page 29, secteur des commissions scolaires, vous avez l'énumération de 26 points. Si vous vouliez - ce n'est certainement pas le sens de votre question, tout au contraire - me faire dire qu'il nous faut le droit de grève sur les modalités de versement du traitement ou sur la caisse d'économie, point 26, ou sur quelques autres questions secondaires, ou je ne sais pas, l'utilisation des locaux de la commission scolaire ou la communication des affichages des avis syndicaux, si vous vouliez me faire que nous tenons comme à nos yeux au droit de grève sur des questions comme celles-là, je ne vous dirais pas cela. Mais, je vous dis, par exemple, que, dans votre liste des 26 points, il y a des matières lourdes de sens, parce qu'elles font la vie des gens. Il y en a plusieurs. Comme mon collègue M. Weiner a travaillé avec vous à la mise au point d'un projet d'accord, ii va pouvoir compléter la réponse pour vous illustrer ce à quoi nous tenons dans cette liste au secteur local, dans l'optique d'une véritable négociation à ce niveau.

M. Weiner: Alors, c'est bien évident que nous n'avons jamais demandé une liste de 26 points en annexe à la loi. On est prêt, comme on l'a déjà fait, à négocier une liste acceptable et, pour répondre à votre question, c'est bien évident qu'il y a des points qui sont plus lourds, comme vous nous l'avez indiqué. L'essentiel, je pense, de ce que j'ai dit auparavant a été confirmé. Pour ce qui est des affectations et des mutations, pour ce qui est de la fonction et de la responsabilité, il n'est pas question de négocier une vraie négociation locale sans le droit de grève. Je peux dire aussi qu'il y a un certain nombre de sujets ici dans la liste qui ont déjà été négociés au niveau national, où on a quelque chose de prévu dans l'entente nationale. Si ces dossiers sont décentralisés au local sans droit de grève, moi, je ne pense pas que vous puissiez garantir qu'il n'y aura pas de grève sur des matières comme, par exemple, le renvoi et le non-réengagement, les dossiers personnels. Il y a des choses ici qu'on n'est pas nécessairement intéressé à négocier au niveau local, mais, effectivement, la façon de déterminer une liste, c'est par voie de négociation et non par la voie d'une annexe qui est décrétée.

Effectivement, ce qu'on fait depuis trois ans, c'est renégocier un décret sur le contenu qui a été promulgué par le gouvernement en décembre 1982. On a passé trois années à changer des choses et effectivement le gouvernement devait changer des choses qu'il pensait, à ce moment, lourdes de conséquence. Le ministre, à cette époque, M. Camille Laurin, a dit: Ce sont des conditions de travail équitables. Cela peut marcher, il n'y a que les syndicats qui sont contre cela. Les enseignants et les enseignantes acceptent cela.

Qu'est-ce qu'on a fait depuis trois ans? On renégocie cela. On ne veut pas recommencer avec un décret. On veut négocier une liste équitable de sujets à négocier. On est favorable à cela au niveau local. Évidemment, dans cette liste, pour les fins d'un droit de grève, c'est le lourd qui nous intéresse.

M. Gendron: M. Weiner et M. Charbonneau, je vous remercie. Jamais je n'ai pensé que vous ne seriez pas en mesure de me préciser très clairement que, sur certaines matières, on peut convenir que c'est plus lourd que d'autres et que, sur certaines choses, il n'y a pas lieu de faire des batailles. Moi, volontairement, j'ai posé la question. Cela démontre dans le mémoire, à plusieurs reprises, que vous affirmez en termes absolus - je le répète, et sans aucune

nuance, et je vous citais - qu'une véritable négociation de toutes les conditions de travail doit se faire avec le droit de grève.

M. Weiner: Ah noni C'est vrai...

M. Gendron: Alors, vous venez de me permettre, par votre réponse...

M. Weiner:... et c'est toujours vrai. Cela veut dire qu'il y a des dossiers qu'on va négocier au niveau national avec le droit de grève. D'accord? Il y a des choses qui peuvent être l'objet d'une entente locale avec des clauses provinciales, mais ce qui va être négocié au secteur local, cela doit être avec le droit de grève. On ne fera pas la grève sur la documentation, par exemple, sur le bulletin, l'affichage, ce n'est pas cela.

M. Gendron: Rapidement, parce qu'on dit qu'on alterne toutes les dix minutes et le temps fuit, j'aurais une autre question assez précise. À la page 26 du mémoire, puisqu'il n'y a plus d'obligation ou que, en tout cas, dans le dépôt de la loi 37, il n'y a plus d'obligation de négocier à un moment précis au niveau local, on se comprend, c'est vous autres qui affirmez cela et je pense que c'est conforme au projet de loi 37, la question est la suivante: Pourquoi qualifiez-vous - à la toute fin, au bas du paragraphe de la page 26, je ne l'ai pas ici - cette obligation de douteuse? Je voudrais comprendre. Très rapidement. Vous dites: "L'obligation de négocier à un moment précis est pour le moins douteuse. " Je ne comprends pas ce que vous voulez dire puisque vous venez d'affirmer: Les délais... selon les termes du projet de loi, la négociation locale pourrait avoir lieu en tout temps. Alors, je ne suis pas capable de faire la conciliation d'une négociation qui peut avoir lieu en tout temps et que vous portiez le jugement que ce délai, l'obligation de négocier à un moment précis est pour le moins douteuse. Expliquez-moi cela! Je ne comprends pas cela.

M. Weiner: II y aura une entente provinciale qui va peut-être changer des choses et il n'y aura pas un lien nécessaire avec ce qui reste, en effet, au niveau local, et avec ce qui va être négocié à l'avenir. On ne voit pas la concordance entre ce qui va être une négociation nationale et ce qui va être déterminé au plan local.

M. Gendron: J'ai une question bien précise: quand vous affirmez dans votre mémoire l'obligation de négocier à un moment précis, où avez-vous pris cela? À quel endroit y a-t-il une obligation de négocier à un moment précis, puisque vous affirmez un peu avant que, dorénavant, le projet de loi permet une négociation locale qui peut avoir lieu en tout temps?

M. Charbormeau (Yvon): À l'article 61. M. Gendron: À l'article 61?

M. Weiner: À l'article 61, on indique que "l'entente ne peut faire l'objet de négociation avant l'expiration d'une période de deux ans, à moins que les parties ne décident... " Alors, cela prend l'accord des deux parties.

M. Gendron: D'accord. C'est dans ce sens-là?

M. Weiner: Oui. M. Gendron: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, mes questions portent également sur le secteur de l'éducation. Je voudrais demander à M. Charbonneau en quoi la position que la Coalition syndicale présente aujourd'hui diffère de ce qui est déjà dans la loi 55 en ce qui touche le secteur de l'éducation.

M. Charbonneau (Yvon): En ce qui concerne l'organisation des parties, par exemple.

M. Ryan: Les matières négociables, le niveau de la négociation.

M. Charbonneau (Yvon): C'est dans le même sens que la loi 55 pour ce qui est des enseignants ou enseignantes des commissions scolaires. Pour ce qui est des autres catégories, le personnel de soutien ou le personnel professionnel, nous avons fait des remarques d'un autre type complètement. Je pense que le débat est en train de s'organiser surtout à partir de la question des enseignants, selon les derniers échanges. C'est un système du même type que le nôtre.

M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre que vous trouvez que ce système était bon, qu'il a donné de bons résultats et qu'il n'a pas besoin d'amélioration véritable, qu'il suffirait que l'esprit change?

M. Charbonneau (Yvon): II faudrait aussi qu'il y ait des contenus. Le régime à lui seul ne fera pas de bons produits nécessairement. Dans la dernière ronde de la négociation, on sait ce qui est arrivé. La négociation sur le fond des questions à portée éducative, il n'y en a pas eu, à toutes fins utiles. Il y a eu une embardée sur la question salariale, à la fin de novembre 1982, et il y a eu des

décrets qui ont figé tout le reste. Alors, ce n'est pas que la mécanique de la loi 55 était mauvaise en soi, mais on n'a pas pu l'utiliser pour des fins de négociation ou d'amélioration des réalités dans le domaine scolaire, parce que l'autre question, la question salariale, avec les décrets, la loi 105 et tout le reste ont complètement empêché que jouent ces mécanismes.

M. Ryan: En somme, pour vous, le statu quo vous satisferait?

M. Weiner: Est-ce que je peux ajouter quelque chose? Pour les enseignants des commissions scolaires, ce qu'on propose dans la recommandation, au haut de la page 28, c'est qu'on est prêt à établir différents mécanismes de rapprochement au niveau local, convenus en fait entre les parties, qui précèdent l'acquisition du droit de grève. On a déjà indiqué cela à maintes reprises au ministre de l'Éducation. Cela pourrait prendre différentes formes, y incluant le "fact finding", la médiation d'un comité national qui vient au niveau local pour tenter d'amener les parties à un accord, même un "cooling off", tout cela sans nier, finalement, comme étape finale et cela a toujours été comme cela, mais pour rassurer la population, on était prêt et on est encore prêt à établir des mécanismes par accord entre les parties qui précèdent l'exercice du droit de grève.

M. Ryan: Alors, vous autres, MM. Charbonneau et Weiner, si je comprends bien, les listes qui sont présentées en annexe, les listes de matières qui seraient négociées - le terme est mal employé, étant donné ce qu'il y a dans le reste du projet de loi - je suggérerais au ministre au moins de changer le mot "négociées" si ce n'est pas cela et je pense qu'il faudrait au moins qu'il appelle les choses comme elles doivent s'appeler. Pardon?

M. Clair: On peut sortir les dictionnaires.

M. Ryan: Oui. Cela peut s'employer dans le sens de "négoce" aussi. Mais la négociation, au sens où on en parle, est évidemment accompagnée du droit de grève. Autrement, cela ne veut pas dire grand chose. Ma question est la suivante: Si je comprends bien, les listes contenues en annexe pour le secteur des collèges - sur lequel je vais revenir avec une autre question tout de suite après - et le secteur des commissions scolaires, vous "scraperiez" cela, vous laisseriez cela dans le texte de la loi et les matières qui seraient négociables ou sujettes à arrangement au plan local seraient l'objet d'ententes au plan national?

M. Charbonneau (Yvon): Évidemment... (20 h 15)

M. Ryan: À moins que le gouvernement ne veuille consentir à la négociation et au droit de grève au plan local, dans ce cas, vous maintiendriez au moins les points sur lesquels il y avait eu une entente avec les représentants du ministre de l'Éducation et qui a malheureusement été refusée par le cabinet, si je comprends bien.

M. Weiner: II y a cela. Comme minimum, on l'a indiqué au ministre et, pour être juste à son endroit, c'était quelque chose à prévoir. On doit prévoir une possibilité d'ajout, c'est bien évident; on ne pense pas que ce soit suffisant. Mais ce doit être une liste négociée.

M. Ryan: J'ai une question plus large, si vous me le permettez. Il y a un problème dans les conventions, dans la mesure où cela se négocie au plan national. Il me semble qu'il y a une espèce d'exigence de simplicité minimale; autrement, si c'est trop compliqué, des gros dictionnaires ou de grosses encyclopédies nationales qu'on doit ensuite appliquer dans des institutions et commissions scolaires qui sont par nature différentes, cela devient extrêmement lourd et cela a engendré des rigidités dans le système dont, je pense bien, tout le monde doit se rendre compte. Quelle est votre solution, vous autres, pour permettre qu'on négocie à l'échelle nationale peut-être des conventions pas mal plus simples que ce qu'on a si, en même temps, on laisse toutes les matières au plan national? Je ne sais pas si vous avez une solution à ce problème.

M. Charbonneau (Yvon): Dans la dernière ronde de négociations...

M. Ryan: Parce que là, on fait face à une situation telle, M. Charbonneau, que, quand on aborde ces textes, il n'y a que les initiés qui peuvent s'y retrouver. Il y a quelque chose qui ne marche plus. Quand un mécanisme aussi central dans une société que celui de la négociation collective devient un objet de chicane entre spécialistes et entre "litigateurs", je pense qu'il y a un problème auquel les deux parties doivent faire face franchement. Je ne sais pas comment vous le voyez.

M. Larose: On est trop... dans le décor.

M. Charbonneau (Yvon): II y a des problèmes que vous soulevez et que nous portons chaque jour. Il y a beaucoup d'argent, en effet, qui va dans le système pour essayer de déchiffrer ce que veulent dire les choses qui ont été soit négociées, soit décrétées. Il y a des gens qui consacrent leur vie entière à essayer d'interpréter tout

cela. Nous avons beaucoup moins de moyens, en tant qu'organisation syndicale, que les parties patronales peuvent en avoir, d'ailleurs, pour jouer ce jeu. Mais dès qu'un mot manque ou qu'il y a une ambiguïté, à ce moment-là, on n'a plus de recours et cela amène les gens à essayer de mettre le plus possible de clauses de réserve ou de précautions dans les textes. Maintenant, cela, c'est un niveau de débat.

Le fond de votre question que j'ai perçu, c'est: Comment ne pas trop alourdir tout de même un contenu? Le modèle que nous avons eu lors de la dernière ronde n'a pas fonctionné, mais c'était un modèle. On parle du régime pour le moment. Il comportait, je crois, une quinzaine de sujets dits matière de négociation locale et non pas 26 comme maintenant. Nous pensons que si on avait pu reproduire, en l'améliorant, parce qu'on était prêt à en rediscuter et à convenir d'une liste qui aurait pu être quelque peu reformulée - d'accord? - ce modèle, pourvu qu'il comporte une dimension de négociation locale réelle, c'était un bon modèle.

Ici, l'annexe en question, de la page 29, alourdit la liste, d'une part, ramène au niveau local et d'autorité des matières que, je crois, même le ministère en question pourra regretter demain d'avoir laissé éparpiller dans toutes les juridictions locales; cela se peut. En tout cas, nous aurions aimé pouvoir en discuter point par point et arriver à une liste raisonnable de questions et, là, ouvrir. Cela va dans le sens de la restructuration des commissions scolaires, de la définition de leur mandat de l'automne dernier. Ces gens arrivent ici et disent: C'est cela, 26 points. Il y en a de gros là-dedans et de moins gros. Ils disent: Vous ne pouvez rien faire avec cela de toute façon; médiateur-arbitre, si on le veut bien. Cela fait dur pas mal. On ne peut pas appeler cela le "new deal" dont le ministre parlait dans une entrevue enthousiaste à la Presse du 10 novembre dernier. Il n'y a pas de "new deal" là-dedans, pas du tout.

M. Ryan: Je répète la question pour que ce soit bien clair entre nous. Si je comprends bien, dans l'état où se trouve ce projet de loi, il serait infiniment préférable, d'après vous, que ces annexes disparaissent.

M. Charbonneau (Yvon): Malheureusement, non seulement cela va disparaître comme texte, mais la réalité va faire en sorte que nous trouvions intérêt, par protection de l'intérêt de nos membres, à remonter au niveau national le plus de questions possible. Cela aura un effet de reflux vers le niveau national, sectoriel, et ce sera bien malheureux. Ce sera bien malheureux parce que cela va le congestionner encore plus qu'il ne l'est. Si vous ne pouvez pas voir cela, du côté gouvernemental, il y a un problème majeur là.

M. Larose: II faudrait peut-être préciser, pour les collèges, que la proposition veut maintenir globalement une négociation sectorielle pour les collèges, c'est-à-dire une négociation centralisée au niveau national avec possibilité d'identification de clauses pouvant être arrangées au plan local parce que le régime au niveau des collèges, c'est un peu différent. C'est un peu différent de ce qui se passe au niveau de l'éducation, à l'élémentaire ou au secondaire, où il y a des points de négociation au plan local. C'est ce qu'on a connu et qu'on ne connaît pas et qu'on ne veut pas connaître au plan des collèges.

M. Weiner: On doit comprendre, pour compléter, que ce n'est pas seulement la liste des 26 matières. Toute la démarche pour la négociation locale est croche. Ce n'est pas une procédure de négociation. Effectivement, c'est un processus qui avantage, par exemple, la non-négociation parce que, si le patron veut dire non jusqu'au bout, il n'a même pas la possibilité de régler les problèmes. Alors, avec ça comme texte, ils vont indiquer: On n'a aucun autre choix que de tenter de régler tout au national avec la conséquence que cela va augmenter les possibilités de conflits à ce niveau.

M. Charbonneau (Yvon): Je demanderais à toute la commission de bien relire les articles 62, 63 et 64 du projet de loi. Vous allez vous apercevoir que, finalement, le système de médiateur-arbitre dont se pique le ministre, c'est lui seul et ses partenaires patronaux qui ont le pouvoir de lui faire régler quoi que ce soit. On parle d'un système d'arbitrage. Regardez à l'article 64. Il faut que les parties, d'un commun accord, demandent au médiateur-arbitre de statuer sur ce qui fait l'objet du désaccord. Ce n'est même pas une formule d'arbitrage.

M. Ryan: II y a l'autre phrase après qui aggrave l'affaire: "S'il estime alors improbable un règlement. "

M. Weiner: II n'y a même pas la garantie qu'un médiateur soit nommé: le ministre a le pouvoir de le nommer ou non et il a le pouvoir de le nommer l'année d'après, s'il le veut.

M. Charbonneau (Yvon): J'aimerais bien avoir le point de vue du vrai ministre du Travail sur des questions comme cela.

Une voix: Celui du privé ou celui du public?

M. Charbonneau (Yvon): Celui qui est privé du secteur public.

Une voix: D'accord.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie.

M. Bérubé: Je pense que, si nous en sommes aujourd'hui à devoir adopter un projet de loi, c'est carrément parce que le régime qui aprévalu dans le passé s'est avéré insatisfaisant pour l'ensemble de nos concitoyens. Nous avons, comme société, réussi à créer durant une vingtaine d'années un climat qui, je pense, a contribué à dévaloriser les services publics aux yeux mêmes de nos concitoyens. C'est inévitable lorsqu'on dénonce continuellement la mauvaise qualité des services publics comme argument de négociation, à un moment donné, quelqu'un finit par le croire. Il finit par se dire que, dans le fond, les services publics ne sont pas bons, que l'école publique, dans le fond, n'est pas valable et qu'on est aussi bien d'envoyer ses enfants à l'école privée. À ce moment, on est obligé de se retourner vers une sorte de monopole d'État en forçant les gens à envoyer leurs enfants à l'école publique, même si elle n'est pas bonne étant donné qu'on vient de la dénoncer et, finalement, on a contribué en partie à dévaloriser les services publics.

Peut-être qu'on a contribué aussi à ralentir la syndicalisation. J'ai écouté tantôt M. Larose qui nous disait: Vous auriez dû faire des études plus complètes en Europe. Bien oui, effectivement, on aurait pu aller très loin. En Europe, il n'y a pas de monopole syndical, il n'y a pas de formule Rand. Évidemment, la syndicalisation est plus grande parce qu'à ce moment quelqu'un qui n'est pas capable d'embarquer dans le moule d'un syndicat donné peut toujours s'organiser avec un groupe et former son syndicat à lui et, en conséquence, il y a moyen d'exprimer sa dissidence. Tandis que dans un organisme qui a un monopole la dissidence suppose que tu te lèves à une assemblée publique et que tu tiens tête et là, évidemment, tu dois affronter ce que représente quand même la pression psychologique d'un débat public. Ce n'est pas le même régime du tout. C'est sûr que le système européen a favorisé plus de syndicalisation. Quand on regarde l'ensemble du système, effectivement, il faut regarder comment le système européen a fonctionné, comment le nôtre a fonctionné, ce qui a conduit à ce genre de situations d'affrontement qu'on a vécue durant des années.

C'est le seul point que je vais essayer de soulever avec vous et de pousser un peu plus loin. Si on regarde le problème plus précis des collèges, on a dans le fond deux objectifs quand on parle de négociations locales. D'abord, on voudrait s'engager dans une négociation permanente. On pense que, dans la mesure où les intervenants apprennent à dialoguer de façon constante, permanente, à ce moment, ils vont prendre l'habitude de régler les problèmes au fur et à mesure qu'ils se développent plutôt que de les reporter à plus tard et qu'ainsi on a des chances de créer un milieu de vie plus agréable. On pense qu'effectivement, localement, lorsqu'on parle d'organisation du travail, il y a avantage à ce qu'on se dirige vers une négociation permanente.

Deuxièmement, on se dit également: II faut une négociation locale. Des grands paramètres de salaires, d'avantages sociaux, le nombre d'heures de travail, cela peut se négocier nationalement en ce sens que ce sont des standards. Mais, l'organisation du travail, ce qui fait la vie dans un collège, ce qui lui donne sa coloration, cela ne peut pas être autre chose que le fruit d'une sorte de vision commune de ceux qui enseignent au collège, des professionnels qui y oeuvrent et également de la direction des cadres. Cela ne peut pas être autre chose qu'un travail d'équipe. Donc, on pense que cela doit se faire localement, cela ne peut pas se faire nationalement. C'est la vie d'un collège. Les programmes sont tellement variés. On a aujourd'hui plus de la moitié des étudiants qui sont inscrits dans des options professionnelles. Souvent, il y a quelques programmes du même type dans ces options à travers le Québec, il n'y a pas de standards il y a beaucoup de variation. Par conséquent, l'organisation du travail, à ce moment-là, doit être ajustée en bonne partie à la situation qu'on vit dans le collège.

Alors, partant de ces deux objectifs, on regarde votre demande de négocier centralement la liste des sujets locaux. Cette demande a des conséquences. D'abord, cela génère nécessairement une insécurité pour les parties locales car rien ne nous dit qu'au bout de trois ans le sujet sur lequel on s'était entendu ne sera pas rapatrié nationalement. Donc, on n'est jamais sûr d'avoir une base de négociation qui soit sa responsabilité. C'est quelque chose qui peut vous échapper n'importe quand, quand un gouvernement et une centrale syndicale décident de vous l'enlever. Donc, cela est très "déresponsabilisant". On peut avoir tendance, à ce moment-là, à vouloir tout le temps se décharger en se disant: Wof! On ne négociera pas. Ils se débrouilleront bien au centre quand viendra le temps. Donc, danger de "déresponsabilisation" naissant de l'insécurité. Également, il y a toujours le danger du patron qu'on va négocier localement et qui sert de marchepied à la négociation nationale. Je pense qu'on n'est pas né de la dernière pluie, on connaît la technique du coin. On commence par creuser

une petite fente, on insère le coin et là, on sort la masse. On connaît la technique. On ne se le cachera pas.

Donc, quelqu'un qui sait que, localement, il peut proposer le patron qui va, après cela, servir de base à la négociation nationale, je vais vous dire quelque chose: II va prendre le téléphone et il va appeler au ministère parce qu'il ne voudra pas prendre le risque. Il se dit: C'est dangereux, ce que je fais. Donc, à nouveau, tendance à "déresponsabiliser". Pourquoi essaierait-on de régler un problème localement si on connaît les implications qui pourraient survenir au bout de trois ans? Ceci nous amène à dire: Bien, il faut une liste qui est invariable, locale, qui ne peut pas continuellement revenir au national, de telle sorte que les essais que l'on fait localement doivent se corriger localement. Ils ne se corrigeront pas nationalement.

Cela nous amène à parler aussi du droit de grève local. Comment peut-on imaginer qu'on bâtit un milieu de vie, une organisation du travail, une façon de bâtir un collège sur la base d'une menace - là, on parle de négociations permanentes - permanente de grève? Si on veut négocier continuellement de façon permanente, il va bien falloir mettre le droit de grève quelque part, donc, un droit de grève permanent. On va livrer essentiellement le système à cette menace perpétuelle alors qu'on est en train de dire qu'il faut essayer d'enlever les affrontements, qu'il faut essayer de créer un climat. Ce que vous me dites, c'est qu'il va falloir le faire en bâtissant un système qui va reposer sur un droit de grève permanent qui va effectivement servir d'épée de Damoclès.

Il me semble que, si on revient à un droit de grève balisé ou aux trois ans, on revient à la bonne vieille technique traditionnelle d'affrontement, au refus d'une négociation continue. Comment va-t-on arriver à bâtir un milieu de qualité sur la base d'une relation qui serait essentiellement conflictuelle? C'est cela qui me semble être votre proposition, c'est-à-dire essayer de bâtir la vie d'un collège qui repose sur l'organisation du travail essentiellement sur une relation conflictuelle.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. Larose.

M. Larose: Je ne pourrai pas répondre à l'ensemble de l'argumentation du ministre, mais je trouve que l'ensemble du plaidoyer repose sur des préjugés. D'après moi, le ministre n'a jamais été syndiqué. Il n'a surtout jamais fait de grève. Le seul fait de reconnaître le droit de grève, pour lui, cela signifie que le monde va être en grève. Savez-vous qu'à la CSN, quand le secteur privé renouvelle ses conventions collectives, à 92 %, le monde renouvelle cela sans grève? Est-ce que cela se peut que le monde ait le droit de grève et qu'il ne l'exerce pas? Ce n'est pas un sport, celai Ce n'est pas du jogging! (20 h 30)

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Larose: La grève, c'est une décision importante dans la vie des individus et des groupes. Ils la font, habituellement, à partir d'une constatation qu'il n'y a rien qui va se régler ou que cela ne se réglera pas de la façon qu'ils veulent. Reconnaître le droit de grève au plan local, je vous dirai: Vos cégeps, ils ne seront pas en grève demain matin. Je ne sais pas si vous savez ce que c'est. Quand on décide de se mobiliser -pour reprendre notre jargon - on ne passe pas de mot d'ordre par le télex interne: Vote de grève et on sort dans dix jours. Vous savez fort bien que ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. Il y a un préjugé, que j'ose espérer non indécrottable, par rapport à l'exercice de la grève dans le secteur public.

Deuxièmement, quand on dit - là-dessus, je pense que ce n'est pas dépourvu d'un certain nombre de sophismes - que le fait de renvoyer cela au plan local ou, inversement, de vouloir négocier au plan sectoriel, c'est "déresponsabiliser" les communautés et les individus, il faut avoir quelques notions et une vision un peu plus concrète de la pratique syndicale pour s'apercevoir que, dans les collèges comme ailleurs, le tout fonctionne à partir de mandats et que, habituellement, il y a des rapports. Je vous dirai - pour connaître un peu le secteur massivement syndiqué chez nous - que s'ils pèchent, c'est plutôt par... Ils font régulièrement rapport. Ils se réunissent régulièrement. Il y a une grande responsabilisation des groupes par rapport à la négociation.

Troisième aspect: D'où vient cette idée que le régime de négociation ait pour objectif autre chose que la négociation? Un régime de négociation, c'est pour négocier. Ce n'est pas pour - je ne sais pas, moi -que des individus décident de faire la culture des tomatesi Un régime de négociation, c'est pour amener les secteurs, les collectivités et les communautés à s'entendre sur un certain nombre de points. Ce qu'on vous dit pour les collèges, c'est qu'on pense que les vis-à-vis décideurs de la vie des collèges contrairement à ce que vous affirmez, les grands décideurs, ce ne sont pas ceux qui ne sont pas élus au plan local; les grands décideurs, ce sont ceux qui sont élus et qui répondent devant la population; ce sont effectivement ceux qui donnent les enveloppes budgétaires, entre autres - les responsables locaux - appelons cela ainsi -dans les cégeps, ce sont des gens qui travaillent à partir de paramètres que vous

leur fixez.

Nous pensons que, dans une négociation, on peut s'entendre sur un certain nombre de choses, d'arrangements avec ceux qui administrent localement, mais, pour les décisions, on veut négocier avec ceux qui décident. Je pense que le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie est peut-être un très grand décideur qu'on voudrait voir à la table de négociations. Souvenez-vous - c'est vrai dans le secteur public comme dans le secteur privé - quand vous "tataouinez" avec des gens qui ne décident pas, bien, vous "tataouinez" et vous ne négociez pas. Une procédure comme celle-là génère habituellement des abcès et des frustrations qui vont peut-être vous conduire plus régulièrement qu'autrement à la grève. Tant et aussi longtemps qu'on n'a pas débattu, discuté et qu'on ne s'est pas convaincu mutuellement de décideur à demandeur, je vous dirai que c'est dangereux dans un processus de négociation.

Dans ce sens, la proposition concernant les collèges, on vous dit que cela doit être sectoriel parce que je pense qu'il y a une volonté des deux parties, effectivement, à souhaiter plus de souplesse pour qu'au plan local on ajuste des affaires. C'est ce qu'on appelle des arrangements locaux.

M. Charbonneau (Yvon): Je voudrais dire, M. le Président, à ce moment-ci, que les questions de M. Bérubé sont importantes, mais je crois qu'il abuse soit de ses connaissances ou de ses généralisations. Il a une certaine facilité à invoquer le système européen. Vous avez eu l'occasion, en novembre dernier, de discuter, étant présent dans une instance de l'OCDE, avec vos collègues, les ministres de l'Éducation d'autres pays européens.

M. Bérubé: On voyageait ensemble, d'ailleurs.

M. Charbonneau (Yvon): Oui. J'ai appris quelque chose, mais je ne sais pas si vous, vous l'avez appris. C'est qu'il n'y a pas un modèle européen et il n'y a pas une manière de voir les choses en Europe. Vous parlez facilement du syndicalisme comme si vous connaissiez cela mieux que l'éducation; moi, j'aimerais que vous parliez de ce que vous connaissez et je pourrais parler de ce que je connais. Il y a des modèles syndicaux nombreux en Europe. On peut mettre, d'un côté, l'Italie et la France; après cela, on peut parler de l'Allemagne, de l'Angleterre et des pays Scandinaves. Vous avez là plusieurs modèles syndicaux différents, avec des taux de syndicalisation différents.

On pourrait parler d'éducation aussi, changeant de champ de discussion, puisqu'on connaît un peu les deux, disons. On va se faire un "deal" là-dessus. Vous avez plusieurs de vos collègues, ministres de l'Éducation en Europe, qui ont dit: C'est le temps d'arrêter de serrer la vis aux services publics, aux services de l'éducation en particulier. Vous avez, semble-t-il, tiré une leçon de cela dans le cadre de votre nouvelle affectation, puisque, depuis que vous êtes rendu au niveau où vous êtes, vous réussissez à débloquer un certain nombre de crédits parce que, vous le dites vous-même, c'est le temps de desserrer de ce côté-là, on est en train de s'arriérer comme collectivité en ce qui concerne l'enseignement où vous travaillez maintenant.

Je pense que ce sont des choses qu'il faut dire aussi à la société québécoise. Il y aurait moins de grèves et moins de problèmes si les systèmes étaient gérés en tenant compte davantage des besoins de demain et de ceux qui nous pendent au bout du nez dans le système éducatif. L'adaptation des systèmes éducatifs, vous en avez entendu parler de la part de vos collègues européens, cela presse, cela urge, nous sommes en arrière là-dessus. Vous donnez un coup de barre.

Ayant enseigné pendant plusieurs années, travaillant dans le secteur de l'enseignement et du syndicalisme, je suis un peu vexé, vous me permettrez cela, que les questions tournent toujours autour de la grève, de la grève et de la grève tout le temps; même du côté des affaires sociales, c'est le débat de tout à l'heure. On dirait que vous pensez que les enseignants et les enseignantes, les professionnels, le personnel de soutien, c'est enfermé dans une armoire par nous et qu'on s'ingénie à trouver la clef pour qu'ils sortent en bondissant en grève tout le temps. C'est un peu insultant de se faire faire ce portrait. Après cela, vous dites: La grève, cela déprécie le secteur. C'est vous qui en parlez. Vous en parlez dix fois plus que nous, de la grève, esprit! Arrêtez un peu. Ce n'est pas cela, la réalité du secteur. Il y a des gens responsables là-dedans et ils font faire des grèves lorsqu'il y a des choses très importantes en jeu. C'est honorable, à part cela, d'arrêter de travailler de temps en temps. Si on a le droit de travailler, on a le droit d'arrêter de travailler. Il ne faudrait pas oublier cela, de temps en temps. On n'est pas des esclaves. À un moment donné, cela ne fait plus, cela ne va plus, on arrête. C'est bien mieux que de traîner une maladie à l'année.

Tout à l'heure, vous avez parlé de négociation permanente. Vous vous êtes conté un conte. Vous avez dit: S'il y avait de la négociation permanente, il y aurait de la grève permanente et, là, l'affaire montait. Perrette et le pot au lait. Un instant, là! On n'a pas réclamé la négociation permanente; donc, le droit de grève permanent, on ne l'a pas réclamé non plus. Ramenez l'histoire à son origine, vous allez voir qu'elle n'est pas

si grave que cela; mettez un peu de foin dans le domaine, cela va régler le problème aussi, des grands bouts.

Alors, on est capable de se parler de manière raisonnable. Maintenant, vous n'avez plus le droit, vous, M. Bérubé, de parler comme vous parliez quand vous étiez sans expérience au Conseil du trésor. Vous ne nous connaissiez pas, à l'époque; vous avez dit n'importe quoi sur notre compte et vous êtes obligé de vous laver la langue après avec des campagnes de publicité pour revaloriser le secteur. Quand on est au Conseil du trésor, on peut se permettre cela. Mais, quand on est au poste où vous êtes, non.

Maintenant, vous nous avez connus, on a discuté du projet de loi 40, on a discuté du projet de 3 ensemble. Vous savez qu'on est du monde parlable quand il y a un ministre qui prend la peine de nous parler, ce que ne faisait pas votre prédécesseur à l'Éducation, dans le temps. Vous l'avez fait, on s'est parlé et on a conclu des affaires ensemble. Vous savez cela d'expérience, maintenant. Vous n'avez plus le droit de parler de la grève à la légère, comme vous le faisiez avant, dans le temps.

M. Harguindeguy: C'est sur un autre sujet; alors, peut-être qu'on est aussi bien de compléter celui-là, il semble intéressant.

Le Président (M. Lachance): Oui. On a dépassé la période dont il avait été convenu entre les deux formations politiques. Il resterait une dernière intervention, je crois, de la part de la députée de Jacques-Cartier.

M. Charbonneau (Yvon): On est disponible demain.

M. Laberge: Vous aviez dit que vous me reconnaîtriez, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Après. M. Laberge: Vous n'êtes pas pressé.

Le Président (M. Lachance): Après Mme la députée, est-ce que cela va?

Mme Dougherty: Merci. Une des réalités qui caractérisent la négociation dans le secteur public est le double rôle du gouvernement comme législateur et négociateur. Il me semble qu'une des questions importantes est de savoir comment concilier le mieux possible ces deux rôles, parce que ces deux rôles pourraient être certainement disparates et possiblement antithétiques.

Le rapport Martin-Bouchard, en 1978, je crois, s'est préoccupé de cette question. Ils sont arrivés à cette conclusion et je vais la lire parce que je crois que c'est très pertinent pour le débat d'aujourd'hui: "Tout en admettant comme justifiée et même inévitable l'intervention de l'État dans certaines situations, il apparaît essentiel que les détenteurs du pouvoir respectent aussi rigoureusement que possible les principes, les exigences et les contraintes d'une négociation authentique quand ils s'y sont engagés. En regard de l'obligation de négocier de bonne foi, on a raison de dire que l'État est un employeur comme un autre. " En d'autres mots, lorsque les règles du régime de négociation dans le secteur public sont établies, l'État ne devrait pas s'ingérer dans son fonctionnement pas plus que dans celui du secteur privé.

Ma première question: Est-ce que vous êtes d'accord avec ce principe énoncé dans le rapport Martin-Bouchard? Si oui, comment est-ce que vous pourriez concilier votre demande de négocier le processus ainsi que le contenu des négociations? J'ai soulevé ces questions parce qu'il me semble qu'un des problèmes majeurs que vous avez soulevés dans votre mémoire est la longueur des négociations. Dans le passé, si ma mémoire est bonne, on a vécu des mois et des mois en discutant du processus même avant le contenu des négociations.

Est-ce que ma question est claire? D'abord, est-ce que vous êtes d'accord avec le principe de cette division des responsabilités en reconnaissance du double rôle du gouvernement?

Le Président (M. Lachance): Oui, M. Laberge.

M. Laberge: Bien, la réponse est assez simple, je pense. Ce qui nous a menés à une longueur épouvantable des négociations dans les secteurs public et parapublic, c'est que cela prenait des mois et des mois avant de rencontrer les vrais décideurs. On faisait affaires pendant des mois et des mois, pas à des "faiseux", mais a des entremetteurs.

M. Larose: Des "faiseux".

M. Laberge: Et là, vous voulez rendre le processus encore pire. Par le projet de loi 37, vous allez rendre le processus pire qu'il ne l'était déjà parce qu'on va être obligé d'aller s'asseoir et de négocier une série -26 d'un bord et 32 de l'autre - avec des gens qui ne peuvent pas décider. Ils sont obligés de prendre leur décision avec les enveloppes du Conseil du trésor. Que voulez-vous! On pourrait continuer à négocier jour et nuit, pendant des mois et des mois et, à un moment donné, ils sont bloqués. Il faut qu'ils se réfèrent au Conseil du trésor.

Si vous me le permettez, en même temps, vu que le président a été assez gentil pour me reconnaître, je voudrais relever deux affirmations qui ont été faites tantôt

et que je ne peux pas laisser passer. Par exemple, c'est la première fois qu'on se faisait expliquer de façon aussi savante comment il se faisait qu'en Europe le taux de syndicalisation était plus élevé qu'ici. J'ai eu l'occasion d'aller en Suède. Vous avez expliqué cela; vu qu'il était libre, si un syndicat ne le tentait pas, il en formait un autre et il devenait au moins un travailleur syndiqué. Cela doit être pour cela qu'en Suède il y a un grand syndicat pour les cols bleus, un grand syndicat pour les cols blancs, un pour les ingénieurs, professionnels et médecins, et un quatrième. Ce ne sont pas tous les gens, en Suède, qui se sont formé un syndicat. Il y en a juste deux dans le vrai sens du mot et ils sont syndiqués à 92 %, pour votre information. Cela serait peut-être que la législation a favorisé l'accès au syndicalisme. Par votre explication, on a appris. C'est vrai que chaque fois on apprend quelque chose. (20 h 45)

Peut-être que M. le ministre Clair pourrait apprendre quelque chose aussi. Tout à l'heure, au début de ses remarques, il nous a fait une affirmation... Mon Dieu, Seigneur, j'en suis resté éberlué! Lorsque le gouvernement arrive à une commission parlementaire avec un projet de loi, son idée est faite et jamais d'amendements substantiels ne sont apportés au projet de loi. Vous avez dit cela tantôt. Vous avez dit: Sur de petites choses, on peut faire de petits arrangements, quand vous avez voulu expliquer votre déclaration des points et des virgules. Il y a justement un ministre qui est assis ici. Sur le projet de loi 42, il y a eu -combien? - 186 amendements?

M. Fréchette: II y en a eu 300.

M. Laberge: Je ne voulais pas exagérer. Vous voyez? Il y a eu 300 amendements. Vous voyez quand on collabore si cela va bien? Il y a eu 300 amendements. Le projet de loi 17, je ne me souviens plus combien il y en avait eu, mais il y en avait eu quelques centaines. J'espère que ce sont ces modèles que vous allez prendre comme commission parlementaire. Il faut qu'il y ait des amendements importants apportés à ce projet de loi, parce que je vous prédis... Je ne sais pas si on peut faire quelque chose et, contrairement à ce que vous pensez, aller chercher un vote de grève, ce n'est pas ce qu'il y a de plus facile de nos jours. Vous n'avez pas besoin d'avoir peur. Les négociations de sujets d'importance moindre -je ne dis pas pas importants, mais d'importance moindre - je pense que vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, ce n'est pas là-dessus que la grève va être déclenchée. C'est tellement vrai que, dans le secteur privé, on a accepté des sentences arbitrales finales et exécutoires parce qu'on savait que, pendant une convention collective, ce n'est pas vrai que tu fais sortir le monde en grève parce que le patron refuse un grief, même si c'est quelqu'un qui a été congédié. Tout le monde sait cela. Si c'était aussi facile que cela d'obtenir un vote de grève et si je m'en tenais à votre déclaration que ce n'est pas possible d'avoir des amendements substantiels au projet de loi, au lieu d'être ici, j'essaierais de prendre mon vote de grève. Le projet de loi 37, tel qu'il est là, n'est pas acceptable. Moi, je vous prédis que vous allez semer la pagaille. La marmite ne sautera peut-être pas tout de suite. Je vous rappelle qu'en Ontario on n'a jamais eu le droit de grève dans les hôpitaux. Cela n'a pas empêché qu'il y a quatre ans il y a eu une grève générale dans les hôpitaux en Ontario. C'est en Nouvelle-Zélande qu'on a enlevé le droit de grève? Il n'y a jamais eu plus de grèves en Nouvelle-Zélande. Enlever le droit de grève, le garder, cela ne règle pas les problèmes. Ce qu'il nous faut, c'est quelque chose pour essayer de régler les problèmes. La coalition vous en propose. On espère encore qu'avant l'adoption de ce projet de loi il y aura des amendements qui vont nous permettre d'éviter les affrontements que tout le monde redoute. Il faut que le droit de négocier soit respecté.

Le Président (M. Lachance): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Nous avons eu l'occasion d'entendre les ministres responsables de trois des quatre secteurs. Nous, de la fonction publique, demeurons avec une interrogation qui est la suivante: Est-ce qu'on doit considérer que l'engagement pris en 1983 par le gouvernement, par la ministre de la Fonction publique, à savoir qu'il y aurait des modifications d'apportées au régime syndical lors de l'étude du projet de loi sur la fonction publique, ne tient plus ou si l'on doit considérer que l'engagement est respecté par les amendements qui sont envisagés par le projet de loi 37 et qui ont comme conséquence, chez nous, de nous imposer des restrictions additionnelles? C'est la réponse que je souhaiterais avoir de notre "boss" à nous, M. Clair.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair: En même temps que je réponds à M. Harguindeguy, je pense qu'il est au courant qu'en ce qui concerne les problèmes auxquels il se réfère du travail sera effectué de façon sérieuse, mais séparée de la réforme du régime de négociation, et que nous sommes toujours disposés à continuer à travailler avec eux. M.

Harguindeguy sait très bien que les problèmes auxquels il fait référence en termes de champ de négociation existent depuis 25 ans. Cela n'a pas été réglé depuis 25 ans, semble-t-il. Je pense - j'ai déjè eu l'occasion de le dire - qu'il y avait certainement des raisons pour lesquelles il y avait des restrictions au champ de la négociation en ce qui concerne les employés directs du gouvernement et, là-dessus, on aura des propositions à faire en termes de méthodologie de travail.

M. Harguindeguy: Mais l'engagement demeure?

M. Clair: Pardon?

M. Harguindeguy: L'engagement demeure d'apporter des modifications?

M. Clair: De travailler à faire le point là-dessus et d'apporter des amendements, si on considère qu'il y a lieu de le faire.

M, Harguindeguy: Ce n'est pas tout à fait pareil. En tout cas.

M. Clair: Je n'irai pas plus loin en termes d'engagement que celui qui a été pris lors de la rencontre à Montréal, certainement pas. Je répète ce qu'on a eu l'occasion de dire.

En terminant, M. le Président, je voudrais simplement dire que, même si on constate une distance certaine entre les positions des représentants syndicaux et celles des représentants de l'Assemblée nationale, je pense que cette rencontre d'aujourd'hui, la tenue de cette commission parlementaire que j'avais moi-même proposée, aura été utile. On a fait du travail utile.

Je dirai à M. Laberge, qui a encore fait référence à ce que je disais tout à l'heure, à savoir que le gouvernement a arrêté les grands principes, que ce n'est pas par le nombre d'amendements qu'on peut évaluer le changement en termes d'orientations. Je ne nie pas qu'il puisse y avoir encore un certain nombre d'amendements, mais de la façon dont cela va procéder à compter de maintenant, de l'autre côté, dans le salon bleu, les élus du peuple vont discuter du principe du projet de loi en deuxième lecture, à la lumière de ce qui a été dit par les représentants des employés du secteur public, à la lumière des orientations prises par le gouvernement, par les autres partis politiques. Il y aura un débat en deuxième lecture qui sera enclenché. Il y aura ensuite la commission parlementaire, l'étude article par article, où, effectivement, surviennent les amendements, lorsqu'il en survient. Je dirai cependant, non pas pour poser en grand conciliateur - ce n'est certainement pas ma prétention - que vous êtes sans doute conscient, en termes d'amendements à venir, sans caricaturer la position ni de l'une ni de l'autre des parties, que, de votre côté, plusieurs personnes concluent que la position de la coalition consiste en un renforcement du statu quo; que, du côté du Parti libéral, ce qu'on propose, c'est la non-négociabilité de la masse salariale et l'abolition du droit de grève dans le domaine de la santé pour le remplacer par un substitut qui, aux dernières nouvelles, s'appellerait l'arbitrage de l'offre finale et que, de notre côté, nous tentons de dégager une réforme qui soit raisonnable, équitable, qui mise sur le changement des mentalités, mais qui ne vient pas tout bouleverser le système de négociation que nous avons. Vous conviendrez que ce n'est pas facile. Cela ne sera pas facile non plus de concilier des positions aussi différentes d'un côté et de l'autre. L'objectif que je m'étais fixé et que je poursuis toujours, c'est de faire en sorte que cette réforme soit substantielle, qu'elle soit équitable, raisonnable, mais qu'elle soit aussi significative et ne comporte pas simplement des changements de virgules - comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire - en termes de mécanisme.

Je suis très heureux, quant à moi, que les représentants des syndicats du secteur public soient venus nous dire de façon colorée, vive, à l'occasion, ce qu'ils pensent du projet de loi et leur façon de voir les choses. Je pense que cela aura éclairé les élus du peuple, les parlementaires, qui auront prochainement à débattre de ce projet de loi en deuxième lecture.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je veux, très brièvement, remercier les membres de la coalition d'être venus nous rencontrer cet après-midi, d'être venus enrichir notre réflexion. En ce qui nous concerne, cela a été certainement faire oeuvre utile que d'avoir eu l'occasion d'échanger avec vous aujourd'hui. Le projet de loi sera amené en deuxième lecture. Nous retenons de l'exercice des séparations profondes et très significatives entre vos réactions et l'approche du gouvernement. Pour nous, il nous paraît que modifier un régime de négociation dans les secteurs public et parapublic sans un minimum de consensus de la part des travailleurs et des travailleuses, et de leurs représentants, c'est dangereux pour une société; par surcroît, quand cela vient au début de la cinquième année d'un deuxième mandat du gouvernement. Cela ne passera pas comme une lettre à la poste.

Le Président (M. Lachance): Oui, briè-

vement, M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Pour dire notre appréciation du débat que nous avons pu tenir ici cette fois, je dirai très brièvement, en conclusion, que nous savons tous que le gouvernement négocie à longueur de jour et d'année un tas de choses, un tas de réalités: ses taux d'intérêt, ses achats, ses baux de location, etc. On pourrait en nommer plusieurs; il négocie un tas de choses. Ce que nous lui demandons, c'est d'accepter aussi de négocier la force de travail des gens qui sont dans le service public et d'arrêter de dire que nous disposons, par ces négociations, de 50 % du budget de l'État. Nous disposons, par ces négociations, d'un rajustement de 1 %, 2 %, 3 %. Le reste des 50 %, à moins qu'on soit en train de se raconter que cela peut fermer demain matin, on ne négocie pas ces 50 %. On négocie à la marge le rajustement. C'est cela qu'on fait, rien de plus. Le gouvernement l'a fait dans beaucoup d'autres domaines pour ses ressources d'ordre matériel. Nous lui demandons de faire la même chose pour ses ressources humaines.

J'inviterai la commission et le ministre Clair à se poser la question, s'ils pensent qu'ils ont atteint le "new deal" dont parlait le ministre, le 10 novembre. Il disait: Ce qu'on recherche, c'est l'introduction, en quelque sorte, d'un "new deal" avec les syndicats des secteurs public et parapublic, un "new deal" qui ne vienne pas heurter de plein front les traditions dans les relations de travail dans ce secteur. Est-ce qu'on a constaté qu'il n'y avait pas heurt, cet après-midi? Est-ce qu'on a constaté qu'il y avait "new deal"?

Le Président (M. Lachance): M. Larose.

M. Larose: M. le Président, nous sommes dans un des lieux importants où s'exerce la démocratie. En même temps, il faut se rappeler que la démocratie n'est pas que formelle, mais que c'est la capacité collective qu'on a de se donner des règles qui permettent le règlement des divers intérêts. Ces règles doivent être consenties.

Si le ministre nous a convoqués à une réforme qui engage le changement de mentalité, je lui souligne que, du côté syndical, une démarche très importante a été faite depuis le début de nos pourparlers, qui ont été de divers ordres, mais j'exprime de façon très sincère que, du côté gouvernemental et du côté du ministre plus particulièrement, le discours qu'il nous a tenu aujourd'hui est un discours qui date et qu'en ce qui concerne les changements de mentalité je n'ai pas pu constater que l'évolution avait été aussi visible du côté gouvernemental que du côté syndical.

De toute façon, des règles comme celles d'un régime de négociation, c'est à la pratique que cela se vérifie. On aura beau vouloir propulser un projet de loi comme le projet de loi 37, les règles, que nous avons toujours eues et que nous aurons toujours seront des règles qui devront régler des problèmes. À ce niveau, je pense qu'il ne faut pas entretenir d'illusions: si le projet n'est pas amendé de façon substantielle, il ne faut pas créer l'illusion qu'on a réglé quoi que ce soit dans les rapports entre les syndicats et le gouvernement pour le renouvellement des conventions collectives. Nous vous disons très clairement que, loin d'avoir réglé quelque question que ce soit, vous avez multiplié les lieux et les temps d'affrontement et que, loin d'apaiser ou de nous sortir de l'ornière de l'affrontement systématique, comme quelqu'un l'a déjà dit, je pense qu'on les a tout simplement multipliées.

Là-dessus, je le dis comme je le pense - je crois refléter le sentiment de l'ensemble autour de la table - il faut être vigilant pour ne pas faire sauter la baraque si on veut tout simplement la retapisser ou la rafraîchir, la rendre plus performante; il faudrait protéger la baraque et ses principes qui la font vivre.

Le Président (M. Lachance): Alors, mesdames et messieurs de la coalition, merci pour votre présence, ici, aujourd'hui. La commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux à demain, jeudi, 10 heures.

(Fin de la séance à 20 h 59)

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