Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de
l'administration se réunit ce matin avec le mandat de procéder
à une consultation particulière portant sur le projet de loi 37,
Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans
les secteurs public et parapublic.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Baril
(Arthabaska) sera remplacé par M. Lafrenière (Ungava), M. Blank
(Saint-Louis) sera remplacé par M. Pagé (Portneuf), M. Caron
(Verdun) sera remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert), M. Johnson
(Vaudreuil-Soulanges) sera remplacé par M. Ryan (Argenteuil).
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
secrétaire. Selon une entente qui a été conclue entre les
deux formations politiques pour les travaux de cette matinée, il y aura
d'abord l'Association des hôpitaux du Québec comme premier groupe
et, ensuite, un deuxième groupe formé de l'Association des
centres d'accueil du Québec, de l'Association des centres de services
sociaux du Québec, de l'Association des centres hospitaliers et des
centres d'accueil privés du Québec et, finalement, de la
Fédération des centres locaux de services communautaires du
Québec.
J'inviterais maintenant M. le ministre délégué
à l'Administration et président du Conseil du trésor pour
des propos préliminaires.
Déclarations d'ouverture M. Michel
Clair
M. Clair: Merci, M. le Président. Ce sera très bref
comme propos d'introduction à cette commission parlementaire puisque
cette commission se tient pour entendre deux grands groupes, des associations
patronales et des associations syndicales des secteurs public et parapublic,
sur la réforme du régime de négociation et non pas pour
discuter en commission parlementaire, article par article, du projet de loi, ce
que nous aurons l'occasion de faire prochainement.
Je voudrais simplement, dans un premier temps, souhaiter la bienvenue
aux représentants de l'Association des hôpitaux du Québec,
de même qu'aux autres associations patronales qui sont présents
ici ce matin, mais aussi souhaiter la bienvenue aux parlementaires et à
tous ceux et celles qui suivent le processus de révision de la
réforme du régime de négociation dans les secteurs public
et parapublic.
Je voudrais dans un premier temps rappeler que nous avons tenu une
commission parlementaire il y a quelques mois sur l'avant-projet. Depuis ce
temps, les représentants du gouvernement ont eu l'occasion de rencontrer
les représentants tant des associations patronales que des associations
syndicales à de multiples reprises. En fait, il y a eu quatre rencontres
avec les représentants des associations syndicales qui se sont
regroupées dans une coalition, comme chacun le sait. Ces
rencontres-là avaient eu lieu à la demande des associations
syndicales et le gouvernement avait décidé de tenir ces
rencontres même si, à l'exception de la CSN, les autres centrales
avaient refusé de participer aux travaux de la commission parlementaire.
Le gouvernement a considéré approprié, compte tenu de
l'importance des enjeux, de rencontrer quand même ces associations
syndicales. Bien sûr que nous avons eu, d'autre part, de nombreuses
rencontres avec les représentants des associations patronales.
Nous en sommes maintenant à la fin d'un processus de
consultation, de révision du régime de négociation dans
les secteurs public et parapublic qui aura duré près de deux ans,
où tout le monde a eu l'occasion de se faire entendre. Le gouvernement
en a, quant a lui, tiré des conclusions qui se sont
matérialisées dans le contenu d'un projet de loi qui est
présentement devant l'Assemblée nationale. En d'autres mots,
après un processus de consultation qui a duré deux ans, le
gouvernement a maintenant fait son lit et a concrétisé dans un
projet de loi ses intentions, ses orientations quant à une
réforme du régime de négociation.
Cependant, compte tenu du fait qu'il y a eu des modifications
substantielles par rapport à l'avant-projet de loi, d'une part, et que,
d'autre part, les parlementaires n'avaient pas eu, quant a eux, l'occasion
d'entendre une dernière fois le point de vue des associations patronales
et syndicales, j'ai moi-même proposé qu'une commission
parlementaire restreinte, du genre de celle que nous commençons
aujourd'hui, se tienne afin, justement, d'offrir la chance une dernière
fois aux parlementaires des deux formations politiques et également aux
députés indépendants de recueillir le point de vue des
associations patronales et syndicales, puisque, encore une fois, d'autres
rencontres ont eu lieu entre les représentants du gouvernement et les
représentants des associations concernées en dehors des travaux
de la commission parlementaire qui s'étaient tenus il y a quelques
mois.
Inutile de vous dire, M. le Président, que je suis très
heureux que les représentants tant des associations patronales que des
associations syndicales aient décidé de venir communiquer leur
point de vue aux parlementaires, aux membres de l'Assemblée
nationale.
Ce sont là les commentaires préliminaires que je voulais
faire. Je termine, encore une fois, en souhaitant la bienvenue à tous
ceux et celles qui s'intéressent à cette réforme du
régime de négociation dans les secteurs public et parapublic.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. le ministre,
MM. les membres de la commission, MM. les représentants de l'Association
des hôpitaux du Québec, à qui on souhaite la plus cordiale
bienvenue aujourd'hui, voici qu'en ce beau matin du 15 mai s'amorce une
nouvelle fois, à l'Assemblée nationale du Québec, un
débat et un échange qui, on l'espère, seront utiles parce
qu'ils sont importants et qu'ils touchent l'ensemble du régime des
négociations dans les secteurs public et parapublic.
Comme le ministre l'a indiqué, nous avons été
conviés à quelques reprises depuis deux ans à des
échanges sur ce sujet qui fait oeuvre de premier plan, si je peux
utiliser le terme, dans l'appareil de l'État et du gouvernement du
Québec. Essentiellement, une commission a siégé, comme on
le sait, en 1984. L'avant-projet de loi a été
déposé de façon assez expéditive et assez
surprenante, si on peut utiliser le terme, parce que la majorité des
intervenants ne prévoyait pas le dépôt d'un tel projet de
loi à quelques jours de la fin de la session de décembre dernier.
C'est un avant-projet qui a été étudié en
commission parlementaire et où quelques-uns de ceux qui nous font
l'honneur de leur présence pendant ces deux jours sont venus
témoigner devant nous.
Le gouvernement du Québec, par la voix de son ministre
délégué à l'Administration et président du
Conseil du trésor, a eu l'occasion d'avoir des échanges avec ceux
qui étaient en désaccord avec ce projet de loi, tant et si bien
qu'il y a quelques semaines le ministre déposait un projet devenu
définitif, le projet de loi 37, à l'Assemblée
nationale.
Tous les membres de l'Assemblée nationale et tous les
intervenants semblent unanimes à soutenir que cet exercice de
modification de votre régime de négociation dans les secteurs
public et parapublic doit se faire. Tous les parlementaires sont unanimes
à souscrire à cette volonté que les négociations
entre l'État et ses employés se fassent à partir de
nouvelles mentalités et avec l'ultime objectif de mettre fin aux luttes
stériles et aux affrontements qui ont été coûteux
non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour le gouvernement et surtout
pour la population du Québec.
Autant on a, d'une part, une volonté gouvernementale de modifier
ce régime de négociation de façon significative, autant,
il faut en convenir, on a un intérêt clairement manifesté
chez les travailleurs et les travailleuses de s'associer à une
démarche qui modifierait de telles règles. Jusqu'à
maintenant, ces deux volontés ne se sont pas rejointes; cependant, le
message gouvernemental est clair, précis et l'État a certaines
obligations.
Très brièvement, M. le Président, parce que je veux
qu'on profite du plus de temps possible pour écouter ceux qui
interviendront, je me dois de rappeler certains des éléments
qu'on avait abordés, M. le ministre et moi, lors de la commission
parlementaire qui a étudié l'avant-projet de loi.
Nous sommes d'accord et nous souscrivons au principe qu'un gouvernement
comme le gouvernement du Québec se doit de rechercher un
équilibre budgétaire, d'où l'importance de cette approche
nouvelle au chapitre de l'établissement de la rémunération
et cette volonté qu'a manifestée le gouvernement d'intervenir
à ce niveau. On sait que la situation budgétaire et
financière du Québec est très discutable. Le gouvernement,
après neuf ans d'administration, vient de constater l'obligation qu'on a
comme société d'aligner, de tenter de faire en sorte que soient
comparables les revenus payés dans le secteur public par rapport
à ce qui se fait dans le secteur privé. Il faut en convenir,
c'est le secteur privé qui alimente les coffres du gouvernement.
L'avant-projet de loi, en ce qui concerne la façon dont sera
établie la rémunération, contient des
éléments qu'on juge, quant à nous, très
intéressants, M. le ministre. L'Institut de recherche sur la
rémunération, le bureau qui sera chargé d'établir
ou de formuler des recommandations, ce bureau dit paritaire, nous avions
souhaité qu'il soit le plus
crédible possible et qu'il ait le plus d'autorité
possible. C'est avec beaucoup d'intérêt qu'on voit cette nouvelle
structure qui se distinguera et de beaucoup du Conseil du trésor
antérieurement.
Cependant, c'est avec surprise - je dois en convenir - que j'ai pris
connaissance par la lecture du projet de loi, dès son
dépôt, des modifications que vous avez apportées en regard
du droit à la grève pour la question de la
rémunération. Je me suis permis de lire longuement et à
quelques reprises votre déclaration du 29 janvier 1985. Le Journal des
débats c'est un bon livre de chevet. Vous disiez en commission
parlementaire, à la page CBA-125: "Quatrièmement - et c'est le
ministre Clair qui parle - un régime équilibré devrait
prévoir que le gouvernement n'est pas appelé, une fois tous les
trois ans, à négocier son niveau de déficit ou de taxes et
ses priorités gouvernementales avec les seuls représentants des
employés des secteurs public et parapublic". Vous savez, c'était
clairement exprimé que le droit à la grève ne devait plus
prévaloir en regard de la rémunération, mais vous l'avez
réintroduit. J'ose croire que l'échange qu'on aura avec nos
intervenants pourra nous permettre de faire préciser plusieurs des
aspects du projet de loi par le ministre.
On doit porter à l'attention en même temps - même si
cela peut paraître conflictuel, c'est quand même conciliable -d'une
part, l'équilibre des comptes du gouvernement et aussi l'obligation'
qu'a le gouvernement comme État employeur de se comporter comme un bon
citoyen à l'égard de ses employés.
Je rappellerai au ministre l'écueil qui guette le gouvernement
quel qu'il soit: toute tentative de rapprochement du public avec le
privé risque de causer un préjudice coûteux et de faire mal
à ces milliers de travailleurs et travailleuses qui oeuvrent dans les
secteurs public et parapublic et pour qui les conditions de travail et les
niveaux de rémunération doivent être évalués.
À cet égard, je me limiterai à référer le
ministre aux propos de Mme la vice-présidente de la CSN, propos
très intéressants. C'est un écueil qui devra être
surveillé par le gouvernement quel qu'il soit.
Nous avons été surpris, dans notre groupe parlementaire,
de voir le ministre affirmer clairement dans son communiqué de presse -
je termine bientôt - la primauté du droit aux services de
santé. Je me suis dit: II reprend les termes exacts du programme de
notre formation politique, j'espère qu'il ira jusqu'au bout et qu'il
acceptera les mesures qu'on propose. Or, force nous est de constater qu'il a
pris le libellé, qu'il a pris l'intention, mais qu'il n'est pas
allé jusqu'au bout; il nous propose une mécanique sur laquelle il
sera très certainement utile de discuter avec nos visiteurs ce matin,
une mécanique en vertu de laquelle un pourcentage de travailleurs
devront maintenir les services en cas de conflit.
Un point important dans cette loi, la décentralisation. Il faut
retenir que plusieurs souhaitent une décentralisation. Il faut retenir,
cependant, que les matières ainsi décentralisées ne feront
pas l'objet d'un recours à la grève. Il faut retenir aussi que
certaines des instances qui se voient attribuer un pouvoir au niveau local ou
régional, n'ont pas de pouvoir de taxation. Ce sont là deux
éléments importants dans ce débat.
Enfin, le ministre propose, par son projet de loi, des modifications
substantielles aux pouvoirs du Conseil des services essentiels. C'est avec
beaucoup d'intérêt qu'on accueille ces dispositions. Nous sommes
franchement convaincus que sur ce point particulier on pourra probablement
s'entendre. Encore une fois, force nous est de constater que vous avez
très certainement regardé dans le devoir d'à
côté, parce que c'est le même gouvernement que celui qui a
déposé ce projet de loi qui qualifiait, il y a quelques mois, les
propositions de notre chef, M. Bourassa, en regard de celles du gouvernement,
d'un marteau automatique. Or, c'est ce que l'on retrouve dans le projet de loi
déposé par le ministre. Alors, c'est très
intéressant.
M. le Président, en terminant, les deux journées qui
s'amorcent sont des journées importantes. On ose croire et
espérer que ce projet, même s'il a été mal
conçu... Car il faut se souvenir à partir de quoi il a
été conçu. Il a été conçu à
partir des lois 70 et 68 en 1982, à partir de la loi 105 en 1982. Il a
été conçu à partir d'un échange qui a
porté pendant beaucoup de temps sur les effets des coupures
budgétaires, entre autres, dans le réseau de la santé et
sur l'effet des décrets, entre autres, dans le réseau de
l'éducation.
Le gouvernement a une dernière chance d'aller chercher un
consensus avec les représentants des travailleurs. Quant à nous,
on espère et je souhaite, au nom de notre groupe, qu'on fera oeuvre
utile. Faire oeuvre utile, cela ne veut pas dire pour le gouvernement
déposer son projet de loi, écouter les gens qui viendront, puis
refermer les livres et maintenir son projet de loi tel qu'il a
été déposé. (10 h 30)
J'interprète l'interaction qu'on vivra dans les deux prochaines
journées comme voulant probablement dire des modifications au projet de
loi tel qu'il a été déposé. On espère qu'on
fera oeuvre utile. Car si le gouvernement est venu ici seulement par acquit de
conscience pour entendre les parties et maintenir fermement ses positions dans
le projet de loi 37, encore une fois ce sera peut-être, cela aura
été
malheureusement une commission parlementaire qui n'aura pas fait oeuvre
utile.
M. le Président, nous sommes ici jusqu'à tard ce soir. Je
suis persuadé que le débat sera serein et qu'on sera capable
d'échanger pour bonifier ce projet de loi, si besoin est, et si par
surcroît il y a consensus. Merci.
Auditions
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député. J'invite maintenant le porte-parole de l'Association des
hôpitaux du Québec, M. Florîan Brissette, à nous
présenter les personnes qui l'accompagnent, en lui indiquant que nous
aurions, dans le partage du temps, jusqu'à 11 h 45 pour
échanger.
Association des hôpitaux du
Québec
M. Brissette (Florian): M. le Président, je voudrais que
vous excusiez l'absence de notre président, M. Brousseau, qui est retenu
à Montréal. Comme probablement l'ensemble des membres de la
commission le savent, c'est le congrès annuel de l'Association des
hôpitaux et l'ouverture officielle était ce matin. Alors, M.
Brousseau regrette de ne pas être présent ce matin.
Je suis accompagné de M. Jacques Nadeau, vice-président
exécutif et directeur général de l'association et de M.
Claude Boutin, à ma gauche, directeur des ressources humaines à
l'association. Alors, nous vous remercions encore une fois de nous fournir
l'occasion de vous exposer la position des dirigeants des centres hospitaliers
publics sur le projet de loi relatif à la réforme du
régime de négociation.
Comme tout le monde le sait, la main-d'oeuvre hospitalière se
compose d'environ 135 000 personnes représentant quelque 100 000
équivalents temps plein et le gouvernement consacre plus de 3 500 000
000 $ au programme de santé dispensé par les hôpitaux. Tout
le monde le sait, le contenu des conventions collectives conditionne largement
la possibilité qu'ont les administrateurs d'hôpitaux de
gérer et d'organiser le fonctionnement des services de santé.
Vous comprendrez alors notre grand intérêt pour le projet de loi
qui est en discussion actuellement.
Au terme de plusieurs mois de consultation et de nombreux compromis,
nous devons nous montrer satisfaits que la réforme du régime de
négociation soit arrivée à sa phase finale. D'autant plus
que le projet de loi contient encore plusieurs modifications qui vont dans le
sens des orientations préconisées par l'association depuis
plusieurs années.
Nous sommes particulièrement heureux de constater que le
gouvernement tient compte de la primauté du droit des citoyens à
la santé sur celui du droit de grève. Nous croyons que cette
optique répond aux attentes de la population et c'est un droit qui est
reconnu, selon nous, partout dans le monde entier.
Les changements apportés auxquels nous accordons une importance
primordiale sont reflétés par plusieurs innovations et notamment
les suivantes: création de l'Institut de recherche sur la
rémunération; modalités nouvelles pour favoriser les
accords sur les aspects monétaires; amorce de décentralisation
des matières négociables sur les aspects normatifs; nouvelles
mesures pour favoriser le règlement des différends tant au niveau
sectoriel qu'au niveau local; caractère plus permanent des
négociations aux différents paliers; l'exercice du droit de
grève rendu presque symbolique; déjudiciari-sation, des conflits
et nouveaux pouvoirs confiés au Conseil des services essentiels.
Nous avons le sentiment d'avoir été consultés et
d'avoir suivi de près l'évolution des travaux qui ont conduit au
dépôt de ce projet de loi. Nous avons également le
sentiment que les centrales syndicales ont bénéficié de la
même opportunité. Nous estimons que le coup de barre est
donné et qu'en effet ce nouveau cadre devrait favoriser
l'évolution des mentalités dans le sens recherché par la
collectivité québécoise tout entière et en
particulier par ceux que nous représentons.
Comme nous avons déjà eu l'occasion de le mentionner dans
le cadre des travaux de la commission sur l'avant-projet de loi, nous aurions
souhaité une réforme plus en profondeur de l'actuel régime
de négociation. Tout en étant d'accord avec les objectifs
poursuivis, nous estimions qu'à certains égards les moyens
à mettre en place pour garantir les résultats devaient être
différents de ceux envisagés dans l'avant-projet.
Sans reprendre ici l'ensemble des éléments que nous avions
alors débattus, nous souhaitons attirer à nouveau l'attention des
membres de la commission sur quelques aspects qui méritent d'être
signalés. Je demanderais à M. Jacques Nadeau,
vice-président exécutif, directeur général de
l'Association des hôpitaux, de même qu'à M. Claude Boutin,
directeur des ressources humaines de l'association, de vous les expliciter.
Jacques.
M. Nadeau (Jacques): M. le Président, permettez-moi
d'attirer, comme le disait notre président, votre attention sur un
certain nombre d'éléments. Le premier, c'est l'article 41 qui
mentionne que "les stipulations négociées et
agréées par le comité patronal de négociation sont
signées par le ministre ainsi que par le président et le
vice-président du comité. Elles lient les établissements
en cause. "
Nous pensons que dans une période de décentralisation il y
aurait lieu que les conventions collectives soient signées au niveau
local. On fait un pas vers la décentralisation et on centralise les
signatures. Si on veut aller dans le même sens, il m'apparattrait logique
que ces conventions collectives soient signées au niveau local,
c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'empêchement à ce qu'il y ait
une signature au niveau national, mais qu'au niveau local ce soit
contresigné, approuvé. Nous pensons que ce serait vraiment un
mouvement dans le sens de la décentralisation.
Le deuxième élément que nous voulons souligner,
c'est l'article 42, où il est stipulé que "le Conseil du
trésor assure le suivi des négociations et qu'il peut
déléguer un observateur aux séances de
négociations. " Encore là, il me semble que dans une ère
de décentralisation il ne serait pas nécessaire que le Conseil du
trésor délègue quelqu'un aux tables de
négociations. Il me semble que c'est un peu une méfiance du
Conseil du trésor vis-à-vis du ministre - peut-être en ce
qui nous concerne - des Affaires sociales et également vis-à-vis
du club patronal. Il me semble que cela n'est pas nécessaire dans une
ère de décentralisation.
Le troisième élément, c'est l'article 43 où
il est mentionné que le Conseil du trésor invite les ministres
sectoriels à participer à ses délibérations. Nous
pensons que ce n'est pas nécessaire que les règles qui
régissent le gouvernement et ceux qui sont invités parmi les
ministres au Conseil du trésor apparaissent nécessairement dans
cette loi. Ce qui nous paraîtrait important, c'est qu'il soit
stipulé que le président du club sectoriel ou sous-sectoriel
puisse être au Conseil du trésor au moment où il se
dégage des mandats. C'est évident que le ministre va être
là, c'est sûr. Il me semble que ce n'est pas nécessaire de
reprendre cela dans cette loi, mais il semble que cela pourrait être
utile de voir que le président du club peut participer à
l'élaboration des mandats au Conseil du trésor.
L'autre élément que nous voulons soulever, ce sont les
comités qui sont sous l'autorité des ministres sectoriels. Il me
semble que dans une période de décentralisation à
l'intérieur du club on établit ensemble des règles de
prépondérance et il me semble que le club comme tel où
participent le ministère et les associations d'établissements
devrait s'assumer. Il me semble que ce n'est pas nécessaire que le club
soit sous l'autorité du ministre sectoriel. On a des
prépondérances à l'intérieur de ce club et on peut
se donner des règles du jeu ensemble sans qu'il soit mentionné
dans la loi que le club est sous l'autorité du ministre sectoriel. Tout
cela dans le contexte de l'ère de décentralisation. Vous vous
rappelez, on vous disait tantôt: II y a un pas de fait dans la
décentralisation. On aurait espéré que cette
réforme aille plus en profondeur, mais, évidemment, quand on dit
plus en profondeur, on veut dire aller un peu plus loin dans la voie de la
décentralisation.
L'autre point que je veux vous souligner, M. le Président, c'est
au sujet de l'article 40. Au niveau de l'article 40, on voit que les
comités sectoriels requièrent du Conseil du trésor des
mandats de négociation et, dans le cadre de ces mandats, organisent,
dirigent et coordonnent les négociations. On comprend que cela veut dire
que le Conseil du trésor va autoriser tous les mandats. Nous, on pense
que la deuxième partie de votre article 42 est suffisante,
c'est-à-dire que le Conseil du trésor donne des mandats sur les
matières qu'il juge d'intérêt gouvernemental. Il me semble
qu'aux articles 40 et 42 il y a une espèce de conflit. On a l'impression
qu'à l'article 40 tous les mandats doivent être
dégagés par le Conseil du trésor et à l'article 42,
dans la deuxième partie, on dit: "Dans les matières qu'il juge
d'intérêt gouvernemental. " Dans les matières qu'il juge
d'intérêt gouvernemental, cela nous apparaît suffisant.
L'autre élément que je veux souligner, M. te
Président, concerne l'article 87. Alors, c'est ce que le
député de Portneuf soulignait tantôt, les proportions en ce
qui concerne les services essentiels à maintenir. Je veux vous rappeler
que la position de l'Association des hôpitaux du Québec,
c'était que la grève ne puisse s'exercer que de façon
symbolique. Nous n'étions pas en faveur de faire un débat sur le
retrait du droit de grève; cela, je pense que nous l'avons dit
clairement. Ce que nous avons dit, cependant, c'est que la grève ne
devrait s'exercer que symboliquement et qu'il ne devrait pas y avoir de rupture
dans les services de santé. Je reconnais que, lorsqu'on met des plafonds
à 90 % et à 80 %, on a fait un très gros pas par rapport
à ce qui existait antérieurement. Cependant, je ne peux pas dire
que cela n'amènera pas de rupture dans les services de santé.
À notre point de vue, il devrait y avoir 100 % des effectifs: c'est ce
que nous vous avions dit.
Si jamais vous décidez que ce n'est pas 100 % des effectifs et
que vous allez dans le sens de ce que vous présentez là... Je
n'ai pas besoin de vous justifier cela, je pense que, lors de l'avant-projet de
loi, on vous a dit pourquoi la grève ne devrait pas s'exercer dans les
services de santé; je ne fais pas ce débat-là, je ne
reviens pas là-dessus, on a déjà argumenté
longuement là-dessus. Si jamais vous voulez maintenir le fait que ce ne
doit pas être 100 % des effectifs, il me semble que c'est difficile de
faire une classe à 90 % et une autre classe à 80 %. Si je regarde
votre classe à 90 %, pour les services d'un centre d'accueil ou de soins
de longue durée, est-ce que tous les
établissements qui ont une unité de longue durée,
par exemple, 30 patients sur 250 patients, sont dans un rayon de 90 %? Je ne
sais pas si c'est ce que cela veut dire.
H y a des cas là-dedans qui manquent. Est-ce qu'on va en faire
l'énumération? Par exemple, le centre des grands
brûlés, ce n'est pas couvert là-dedans,
l'obstétrique, les centres de traumatologie. Plutôt que d'en
arriver à faire encore une longue liste, si vous ne voulez pas retenir
la prétention qu'à l'exercice il ne devrait pas y avoir de
rupture dans les services de santé, au moins ne faites pas deux classes;
faites donc 90 % pour tout le monde. À ce moment-là, on ne se
posera pas de questions. Encore une fois, je vous dis qu'on privilégie
qu'il n'y ait pas de réduction d'effectifs.
La dernière intervention, M. le Président, c'est sur
l'article 88. "Malgré une grève appréhendée, un
établissement doit dispenser ses services habituels sans modification
des normes applicables à l'accès aux services et à leur
prestation". Je peux vous dire que, s'il y a une grève le lendemain dans
les centres hospitaliers et que les centres hospitaliers doivent avoir 80 % des
effectifs, c'est à peu près impossible de donner la veille 100 %
des soins qui se donnaient normalement. (10 h 45)
Je pense que vous devriez considérer, si vous voulez maintenir ce
pourcentage de 80 % et de 90 %, au moins un délai de 48 heures, un
délai d'ajustement. Vous ne pouvez pas vous ajuster du soir au
lendemain, ce n'est pas possible.
Je veux vous sensibiliser aussi au phénomène suivant
concernant cet article: le respect de la loi sera extrêmement important.
Si on donne plein service, incluant le délai de 48 heures, vous pouvez
vous imaginer que le centre hospitalier est à peu près plein. Si
jamais la loi n'était pas respectée, nous sommes pires que nous
n'avons jamais été dans les centres hospitaliers parce
qu'antérieurement on coupait peut-être 50 %, 60 % des patients.
Là, on va fonctionner avec un volume de patients de peut-être 80 %
ou 85 %. Si la loi n'était pas respectée, la
sécurité de ces patients serait largement menacée. Je
pense que c'est important qu'on y pense. Il faudra absolument, dans le contexte
où les établissements sont appelés à fonctionner,
que la loi soit respectée.
On ne peut pas terminer sans vous mentionner également quelques
notes sur le code d'éthique syndical qui vous a été
présenté. Je vais demander à M. Boutin de vous livrer ces
quelques notes.
M. Boutin (Claude): M. le Président, on le fait
immédiatement étant donné qu'on n'aura pas la
possibilité de réagir ou d'intervenir à la suite de la
présentation que feront peut-être les groupements syndicaux en
après-midi. On a eu l'occasion de prendre connaissance du code
d'éthique qui est en consultation, présentement, au niveau des
instances de la CSN, entre autres, et on a été à
même de constater que ce code d'éthique, tel qu'il se
présente, n'offre, évidemment, aucune garantie de la nature ou de
l'envergure de celles qui sont contenues en particulier dans le projet de loi
à l'étude présentement.
On constate de façon évidente que, dans ce code
d'éthique est reflété un pouvoir discrétionnaire
important au niveau des organismes syndicaux quant au maintien des services
essentiels ou même à la détermination du nombre de lits qui
resteront ouverts en période de conflit ou à l'occasion de
grèves. Ces décisions ultimes du côté syndical,
à défaut d'entente, tiennent, évidemment, compte du nombre
de cadres qui devront se maintenir en service ou, en tout cas, qui devront
travailler à la place des syndiqués. On parle également
des non-syndiqués et on fait allusion aux bénévoles.
On y constate également qu'ultimement le syndicat pourrait
décider des affectations de travail de tous ces gens et même
définir ou déterminer quels seraient les horaires types des gens
qui seraient affectés aux services essentiels. Évidemment, les
organisations patronales n'auraient, à ce point de vue, pas de
contrôle sur les catégories de personnel qui viendraient
travailler dans les différents services.
On indique de façon assez évidente dans ce code
d'éthique que serait affectée aux services essentiels une
proportion raisonnable de personnel habitué à travailler dans ces
différents services. À l'inverse, on peut supposer que le
syndicat local pourrait envoyer, pour assurer des services essentiels, des gens
qui ne seraient pas habitués à travailler, par exemple, dans les
différentes unités de soins spécialisées ou
ultra-spécialisées, entre autres.
On souligne que - pour affirmer le fait que ça confirme le
pouvoir discrétionnaire de l'instance syndicale à la limite - le
syndicat serait disposé à recevoir les représentations des
médecins ou des bénéficiaires et que, finalement, la
décision lui appartiendrait quant au niveau des services à
maintenir. C'est d'autant plus vrai que, contrairement à ce qui est
prévu dans le projet de loi actuel, quand on fait
référence au plancher d'effectifs qui devront se maintenir au
travail en situation de conflit, dans le code d'éthique on fait
plutôt référence au plafond de salariés qui devront
se maintenir en service à l'occasion d'un conflit et que, en aucun cas,
ce plafond ne devrait être dépassé, mais plutôt
pourrait être diminué en tenant compte d'un certain nombre
d'éléments ou de critères qui pourraient être
indiqués dans ce code d'éthique.
Un autre aspect qui mérite d'être signalé: on
indique que même la sous-traitance et les fournisseurs qui, normalement,
ont accès à l'établissement pourraient faire l'objet de
négociations aux termes des ententes sur les services essentiels ou aux
termes d'une liste syndicale et que, finalement, l'accès à
l'établissement serait largement contrôlé et qu'il
appartiendrait à l'employeur de développer des façons
d'identifier les gens qui auraient accès à
l'établissement.
Donc, cela laisse entrevoir que, compte tenu de
l'étanchéité des lignes de piquetage, l'accès
à l'établissement pourrait être largement compromis. Alors,
tout cela pour dire, M. le Président, que le code d'éthique nous
paraît compromettre largement l'objectif visé qui est celui
d'assurer finalement et dans la mesure prévue au projet de loi
l'accessibilité à l'établissement et la primauté
des droits des bénéficiaires au maintien des services
jugés essentiels.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le président
du Conseil du trésor.
M. Clair: M. le Président, même si mon
collègue, le ministre des Affaires sociales, n'est pas membre de la
commission, je souhaiterais que ce soit lui qui puisse intervenir à ma
place. Je me contenterais, quant à moi, de simplement remercier...
Oui?
M. Pagé: Conciliants comme nous le sommes, c'est devenu
une véritable tradition, on va l'accepter, cela va de soi.
M. Clair: Merci, M. le Président.
M. Chevrette: J'avais su que tout le monde pouvait parler, mais
qu'on n'avait pas nécessairement le droit de vote.
M. Pagé: On ne vote pas ici. De toute façon, vous
avez tellement peur des votes.
M. Chevrette: Oh non!
M. Clair: M. le Président, très rapidement je veux
remercier l'AHQ, par ses représentants, ce matin, M. Brissette, M.
Nadeau, M. Boutin, d'être venue nous soumettre ses commentaires. Je dirai
aux représentants que leur appui général au projet de loi
est réconfortant et que ce sont les propos qu'ils ont tenus, quant
à moi, que j'ai le plus appréciés, parce que souvent on ne
le reconnaît pas. Effectivement, les associations patronales et
syndicales ont eu toutes les occasions d'être associées à
la mise en place de la réforme du régime de négociation.
Je pense que c'est fort important parce que dès le départ le
gouvernement avait indiqué sa volonté très ferme
d'associer le plus grand nombre de partenaires. Or, aujourd'hui, l'AHQ nous dit
que sur certains points elle n'est pas nécessairement
complètement satisfaite; j'ai pris des notes en ce qui concerne la
dizaine de points qui ont été commentés par M. Nadeau et
M. Boutin. Ce n'est pas parce que tous les points soumis par un groupe ne sont
pas retenus que le processus de consultation n'a pas été large,
utile et efficace. Alors, je vous remercie et si j'ai l'occasion de revenir,
j'aurai des questions, mais je préfère laisser mon
collègue, le ministre des Affaires sociales, poser les siennes puisque
c'est le secteur qui le concerne directement.
M. Chevrette: M. le Président, moi aussi, je voudrais
remercier l'AHQ. C'est quasiment le regroupement de tout le monde, à
toutes fins utiles, parce qu'on va voir que les remarques se ressemblent ainsi
que les groupes qui vont se succéder.
Tout d'abord, je suis heureux que vous déclariez effectivement
que le processus a été bien enclenché, contrairement
à ce que j'ai entendu tantôt. Deuxièmement, j'aimerais vous
remercier pour la participation que vous y avez apportée, parce qu'on
s'est réuni à trois ou quatre reprises et effectivement on a
franchi un millage important pour ce qui est de la compréhension
mutuelle que nous avions.
Il y a quelques points que je voudrais aborder avec vous. Il y en a un,
tout d'abord, qui me semble contradictoire avec les propos que vous avez tenus
lors de la première consultation en commission parlementaire. C'est
peut-être au niveau des nuances, mais en tout cas, je veux tout de suite
l'aborder. C'est la question du droit de grève. Vous avez clairement
indiqué, lors de la première consultation ici en commission
parlementaire, qu'enlever le droit de grève, c'était, à
toutes fins utiles, utopique s'il n'y avait pas de formule de rechange et que
cela vous apparaissait un faux débat. Je résume peut-être
grossièrement vos propos, mais cela ressemblait un peu à cela.
Vous avez affirmé que vous ne voyiez pas là la solution.
C'était beaucoup plus dans des formules alternatives, et les planchers
ou les plafonds, selon le point de vue où on se place, vous paraissaient
peut-être préférables. J'aimerais d'abord que vous
clarifiiez ce point.
M. Nadeau: D'abord, M. le ministre, je pense que ce qu'on vous a
dit clairement, c'est qu'on ne croyait pas opportun de faire un débat
sur le droit de grève à ce moment-ci. On a dit que cela poignait
les gens aux tripes et qu'il n'y avait pas lieu de retirer le droit de
grève. Cependant, on voulait que l'exercice ne devienne que symbolique.
Un plafond de 80 % ou 90 %, c'est sûr que c'est un pas vers un symbole de
grève, mais ce n'est pas tout à fait symbolique. On dit:
Quant à nous, l'idéal pour rendre la grève
symbolique, c'est qu'il y ait 100 % des effectifs. On n'a pas retiré le
droit de grève, mais on en a contraint l'exercice. Voilà ce qu'on
disait. On n'a pas voulu faire de débat sur le droit de grève,
mais on a dit: Contraignez-en l'exercice. C'est cela. On pense que, quand on
met un plafond, on permet l'exercice du droit de grève et on brime des
citoyens qui veulent avoir des services de santé.
Donc, ce qui vous apparaît contradictoire, c'est le fait qu'on a
dit: Ne faisons pas de débat sur le droit de grève, mais on n'a
pas dit: Maintenez l'exercice du droit de grève. On était contre
le fait que la grève puisse s'exercer. On a clairement passé ce
message. On dit: Quand vous mettez des barèmes 80 % ou 90 %, à
notre sens, la grève peut s'exercer.
M. Chevrette: M. Nadeau, quand on parle de droit de grève
symbolique, il faut qu'il y ait un symbole quelque part. Il faut au moins une
couple de pancartes si vous n'en avez pas 4000. En France...
M. Nadeau: Ils en sortent des pancartes.
M. Chevrette:... ou dans les pays europérens, que
font-ils? Ils disent: C'est dix pancartes pendant une heure devant
l'hôpital.
M. Nadeau: C'est cela.
M. Chevrette: Vous en avez dix qui ne sont pas au travail, qui
tiennent la pancarte, c'est au moins un symbole.
M. Nadeau: C'est différent de 80 % des effectifs pendant
un ou deux moss. C'est différent.
M. Chevrette: Je comprends. De 100 % à aller au symbole,
je pense qu'il y a quand même une petite marge entre ce que vous dites et
le désir de maintenir un droit symbolique. Comment serait-ce
interprété si on disait: On conserve un droit de grève
symbolique, mais c'est 0 %? C'est aussi bien de faire ce que le Parti
libéral dit: Pas de grève du tout, mais pas de mécanisme,
non plus, pour régler. En passant, qu'est-ce que vous penseriez
de...
M. Pagé: M. le Président... On s'en parlera
tantôt.
M. Chevrette: Bien sûr, à votre tour. Merci.
M. Pagé: Si vous voulez avoir un débat partisan, on
est prêt.
M. Chevrette: Qu'est-ce que vous penseriez de l'arbitrage au
niveau du normatif lourd?
M. Nadeau: On vous a déjà dit que, concernant
l'arbitrage au niveau du normatif lourd, il y a déjà de
l'arbitrage de prévu, il y a les médiateurs, il y a un conseil de
médiation, il y a un rapport qui doit être fait. On pense toujours
là-dedans que, ultimement, c'est l'Assemblée nationale qui doit
décider.
M. Chevrette: Pas d'arbitrage.
M. Nadeau: Pas d'arbitrage. On vous a toujours dit que c'est au
gouvernement, aux élus de prendre leur décision. Le normatif
lourd a de l'impact sur les budgets des établissements, il en a
beaucoup. Je pense qu'il faut que ce soit les élus qui décident
cela. C'est trop dangereux de mettre des montants importants comme cela dans
les mains des tiers.
M. Chevrette: Merci. Pour ce qui est maintenant des plafonds,
vous dites que cela aurait été trop fastidieux de faire la
nomenclature des différents secteurs ou des différents
départements qui auraient nécessité 100 %. On avait
prévu les soins intensifs, les salles d'urgence; vous avez parlé
des grands brûlés, mais en rehaussant le pourcentage à 90
%. Dans un même souffle, vous nous dites: Donnez-nous 48 heures de
réajustement. Vous ne craignez pas que les syndicats ne nous disent:
Vous laissez un laps de temps aux hôpitaux, en particulier aux
hôpitaux de soins de courte durée, pour qu'ils aient le temps
d'épurer la liste opératoire et qu'ils se retrouvent à
l'intérieur avec 70 %, 75 % de lits occupés, alors que vous
demandez 90 % du personnel. Est-ce que vous pourriez commenter cette
allégation qui surviendra sans doute du côté syndical et
qui peut avoir un sens? Quand vous appréhendiez une grève, M.
Nadeau, il est exact que les hôpitaux prenaient des précautions et
réduisaient le nombre d'opérations, réduisaient le nombre
de lits occupés, si bien que vous pourriez vous retrouver avec un
plafond de 80 %, 90 %, mais avec à peine 70 % des
bénéficiaires alités. Est-ce que ce n'est pas
contradictoire avec la volonté de maintenir un plafond, mais qui
correspond à peu près à la totalité des soins?
Ce n'est pas le cas dans un centre d'accueil où on a un taux
d'occupation de 100 %. Ce n'est pas le cas, non plus, dans les soins
prolongés où c'est pratiquement 100 %. Dans les soins de courte
durée, vous savez pertinemment, si on donne un laps de temps... Au
contraire, on préférait, dans le projet de loi, maintenir
l'obligation, pour le centre hospitalier, de continuer ses opérations
sur une base régulière en fixant
un plafond, mais qui tenait compte de la situation
régulière. Là-dessus, cela réapparaîtrait
verser exactement dans le sens où on ne voulait pas verser, à
savoir qu'on oblige la partie syndicale à maintenir plus de services que
ceux qu'en réalité les autorités hospitalières sont
contraintes de maintenir. (11 heures)
M. Brissette: M. le ministre, la première constatation
qu'on doit faire, c'est que l'objectif ultime que nous recherchons dans cela,
c'est la sécurité des patients qui sont confiés aux
établissements. C'est la première responsabilité, comme
directeurs d'établissement, qu'on doit assumer. Il faut avoir
vécu une grève dans un hôpital pour savoir, même si
c'est réglementé comme on veut le faire, que l'avant-veille ou la
veille d'une grève il existe quand même un climat de tension dans
l'hôpital. Ce climat de tension se répercute, qu'on le veuille ou
non, à l'ensemble des malades qui sont hospitalisés et la
productivité ou le rendement est très différent.
Il faut regarder aussi la situation actuelle des centres hospitaliers.
On parle de centres hospitaliers de courte durée, mais il y en a de
moins en moins, parce que les lits sont occupés de plus en plus par des
malades chroniques et par des malades qui entrent par les salles d'urgence.
Donc, les malades électifs dans nos hôpitaux, de façon
générale, on peut dire que c'est une "race", entre guillemets,
qui n'existe plus. Il nous faut un délai raisonnable pour orienter les
patients de l'hôpital compte tenu d'une grève
appréhendée, quand c'est sûr qu'elle va être
déclarée; on a besoin d'au moins 24 à 48 heures, compte
tenu des éléments que j'ai mentionnés. Vous auriez raison
si on avait un hôpital exclusivement de courte durée, qui ferait
beaucoup d'admissions électives; on n'aurait pas besoin d'un
délai aussi important que celui qu'on vous demande. Compte tenu de la
situation actuelle de nos centres hospitaliers, il m'apparaît
indispensable qu'un délai d'ajustement - on peut l'appeler ainsi -soit
consenti aux hôpitaux. Si vous me donniez 100 % des effectifs, cela
changerait notre demande de délai.
M. Chevrette: Mais là, en tenant pour acquis que ce n'est
plus un symbole.
M. Brissette: Ce serait symbolique s'ils pouvaient faire cela
pendant leur quart d'heure ou en dehors des heures de travail.
M. Chevrette: Que penseriez-vous si on mettait dans la loi un
amendement - on dit tous les services réguliers dans les unités
de soins intensifs, dans les salles d'urgence -ajoutant les unités de
soins coronariens, les unités de soins aux brûlés, les
unités de soins intensifs prénataux, les unités
d'hémodialyse et les unités de chimiothérapie et de
radiothérapie? Est-ce que cela couvrirait l'ensemble?
M. Brissette: Finalement, il ne reste plus grand centres qui
n'auraient pas l'une ou l'autre des spécialités que vous
mentionnez. Dans le fond, on créerait deux groupes de citoyens;
l'accessibilité serait différente selon que dans leur
localité les établissements n'ont ou n'ont pas les services que
vous mentionnez.
M. Chevrette: Prenons l'Hôtel-Dieu de
Saint-Jérôme. Est-ce qu'il resterait des départements si on
ajoutait cela?
M. Brissette: II n'en resterait pas gros, parce que ceux que vous
avez énumérés, on les a.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez toutes les
spécialités chez vous?
M. Brissette: Oui, à peu près et d'autres s'en
viennent.
M. Chevrette: Ah! C'est une bonne nouvelle.
Vous n'avez pas parlé de décentralisation comme telle dans
votre exposé. On sait que, dans l'avant-projet de loi, vous
négociez nationalement et de façon sous-sectorielle par la suite.
Auriez-vous des objections - présentement, dans le projet de loi, la
possibilité de négocier sectoriellement tout le secteur des
affaires sociales est facultative - à un amendement qui dirait qu'une
annexe sur les objets suivants - qu'on énumérerait - ferait
l'objet d'une négociation sectorielle, alors que, pour les autres
objets, la négociation serait sous-sectorielle?
M. Brissette: M. Nadeau.
M. Nadeau: Je dois vous dire qu'on a déjà eu entre
les associations des discussions sur ce sujet. On pense qu'il y a un certain
nombre d'éléments qui pourraient se faire au niveau sectoriel,
par exemple, le nombre de congés fériés et les avantages
sociaux qui sont identiques partout. On gagnerait probablement beaucoup de
temps en le faisant globalement. Dans ce cadre, on n'aurait pas d'objection
à un amendement qui stipulerait quelque chose dans ce sens.
M. Chevrette: Donc, si on introduisait cette dimension, quitte
à consulter formellement sur l'annexe, sur la liste, vous n'auriez pas
d'objection à ce qu'on introduise le palier national, le palier
sectoriel et le palier sous-sectoriel? D'accord.
Un point, vous parlez du code d'éthique. Que diriez-vous d'une
formule qui offrirait une alternative au plafond, mais qui
serait balisée dans le projet de loi, de sorte que cette
alternative soit sanctionnée par le Conseil des services essentiels? Ce
sont les infirmières qui m'ont apporté cette dimension-là.
Vous risquez avec un plafond, si on le prend par unité
d'accréditation, qu'on le prenne, nous, par département et que
cela ne vous place pas dans une situation correcte. On serait prêtes, me
disent toujours les infirmières, à vous proposer que cela soit
globalement ce que vous exigez comme soins, mais que cela ne corresponde pas
nécessairement au plafond de 80 % ou de 90 %. Il n'y aurait pas
d'objection dans leur cas à ce que ce soit, cependant, sanctionné
par le Conseil des services essentiels. Un genre d'alternative, qu'il y ait une
porte d'ouverte à l'intérieur de la loi permettant une
alternative sanctionnée par le Conseil des services essentiels.
Qu'est-ce que vous penseriez d'une approche du genre?
M. Boutin: Compte tenu de ce qu'on vient de dire concernant le
niveau d'accessibilité des soins par rapport aux 80 % ou aux 90 %, il
nous est difficile d'imaginer une alternative de cette nature. Lorsqu'on
regarde le code d'éthique, les orientations qu'il y a là-dedans,
l'objet même de la grève dans les services de santé ou les
services sociaux qui est le corollaire du rapport de forces finalement, il nous
paraîtrait extrêmement périlleux de laisser aux instances
syndicales ou, en tout cas, à une modalité différente la
possibilité qu'on puisse avoir les mêmes résultats que les
planchers qui sont déjà prévus dans le projet de loi. Il
faut se dire que, compte tenu des nouvelles obligations extrêmement
engageantes que le Conseil des services essentiels obtient avec le projet de
loi, il nous apparaît très difficile de lui donner des obligations
supplémentaires qui seraient de nature à nous donner les
mêmes garanties que celles qu'on a déjà et qui sont des
améliorations considérables, encore une fois, dans le projet de
loi.
M. Chevrette: Je suppose, M. Boutin, que vous avez une
proposition qui est remplie de bon sens et qui correspond à peu
près aux 80 %, mais que c'est 78 % dans une unité et 84 % dans
l'autre, peu importe; cela correspond quand même en ce qui regarde les
autorités d'un centre hospitalier à une qualité correcte
de services, mais cela ne correspondrait pas strictement à l'article de
la loi. Si on n'ouvrait pas une telle possibilité, c'est-à-dire
qu'on exclurait même la possibilité pour le Conseil des services
essentiels de sanctionner une telle possibilité parce qu'il faudrait
respecter intégralement le texte de loi. Si j'aborde ce sujet, c'est
qu'on m'a fait brièvement une démonstration j'espère que
les infirmiers et les infirmières pourront témoigner aujourd'hui
et expliciter davantage ce qu'ils et elles ont voulu dire - et il m'est apparu
qu'il y avait là une porte ouverte assurant, par exemple, une
qualité de soins indispensable après entente même possible
avec les autorités du centre hospitalier, mais qu'il y aurait eu une
légère dérogation à l'article formel de la loi.
C'est dans ce sens-là que je soulève le cas et non pas
nécessairement pour commencer à dire que le plafond ou le
plancher, d'après l'endroit où on se place, doit être une
norme inflexible au point que cela pourrait nous placer dans des situations
peut-être même incorrectes.
M. Boutin: Quand on fait la lecture du projet de loi, cet
article-là nous indique qu'on doit assurer 80 % ou 90 % selon la
catégorie de l'établissement par unité syndicale et par
corps de travail. La répartition qui peut être faite de ces 80 %
ou 90 % dans les différents services est objet de négociation
selon la compréhension qu'on en a et ultimement d'une décision
syndicale sur laquelle le conseil peut intervenir, réagir et faire des
recommandations ou, en tout cas, recevoir des représentations.
Je pense qu'il y a là une marge de manoeuvre pour les instances
locales quant à l'application qui serait faite dans chacun des
établissements des 80 % ou des 90 % compte tenu du nombre de lits qui
resteraient ouverts et des catégories de services à maintenir. Il
y a déjà là une base de négociation quant à
la répartition qui pourra en être faite dans les différents
services, compte tenu que les 80 % ou les 90 % doivent s'appliquer par
unité syndicale et par quart de travail. Cela nous apparaît des
garanties importantes qui doivent être maintenues.
M. Chevrette: Merci. Une autre question. Vous parlez de
décentralisation versus signature de convention locale. Si j'ai bien
compris, c'était au niveau, plutôt, de l'impact que ça peut
créer parce que je n'ai pas senti une argumentation qui était
très corsée pour dire: Pourquoi signer 900 conventions
collectives dans le domaine des affaires sociales si on prévoit dans la
loi que le fait d'avoir signé au niveau national constitue une signature
d'office qui lie l'ensemble des établissements? Au Tribunal du travail,
à ce moment-là, vous avez le dépôt du contrat
collectif régissant l'ensemble des établissements de
santé.
Est-ce que c'est plutôt symbolique, ce que vous recherchez, ou si
vraiment ça a une importance capitale pour vous? Je comprends que, si on
parle de négociations ou d'arrangements locaux, il faut
nécessairement que ce soit signé localement. Mais si on parle
d'une négociation nationale,
sectorielle, sous-sectorielle, est-ce que ce n'est pas multiplier les
signatures, la paperasse et l'encombrement au ministère du Travail ou si
vous avez d'autres motifs plus corsés, en tout cas, pour me convaincre
de la nécessité d'une signature locale pour quelque chose qui
aurait été agréé à l'échelle
nationale et qui lierait de facto l'ensemble des établissements?
M. Boutin: Là-dessus, un des points majeurs qu'on a voulu
souligner, c'est plutôt compte tenu des objectifs poursuivis par le
projet de loi, entre autres, principalement celui de la décentralisation
ou de la réappropriation par les instances locales de leurs conditions
de travail ou du contenu de leur convention collective. Autre argument: il
arrive parfois qu'il s'écoule plusieurs semaines avant que les instances
locales reçoivent les conventions collectives ou les textes
administratifs que représentent les conventions collectives avant
qu'elles puissent les appliquer localement.
On pense que c'est à la fois, au niveau des délais,
intéressant et, au niveau de l'orientation, important que les gens,
progressivement, prennent l'habitude de faire de la convention collective leur
propre affaire et qu'il puisse y avoir cette modalité prévue.
Mais c'est au niveau des objectifs poursuivis par la
décentralisation.
M. Chevrette: Qu'est-ce qui arriverait, M. Boutin, si un syndicat
local qui est en chicane avec sa centrale refusait de signer ladite convention
s'il y a une clause à l'échelon national qui ne lie pas les
parties?
M. Boutin: On pense, comme on l'a souligné, que cette
signature locale ne doit pas compromettre, entre autres, les avantages
financiers qui pourraient être consentis ou convenus à l'occasion
d'une entente au niveau provincial. Les instances locales devraient
nécessairement appliquer les dispositions, entre autres,
financières qui doivent être consenties aux employés.
Dans le passé, ce genre de situation s'est vu dans peu
d'établissements, peut-être un ou deux. De toute façon,
l'employeur appliquait les nouveaux avantages qui avaient été
consentis ou convenus dans le mémoire d'entente provincial.
M. Chevrette: Un dernier commentaire, parce que je sais que mon
temps est écoulé, sur l'application de la loi. M. Nadeau a
insisté sur l'application de la loi. Qu'on mette un plafond à 80
% ou, dans les CSS et CLSC, à 60 % ou 55 %, à 90 %, ou qu'on
enlève le droit de grève, c'est évident que l'application
de la loi se retrouve à tous les niveaux. D'ailleurs, on trouve son
application, bien souvent, dans le réalisme d'une législation ou
dans la façon dont elle est acceptée globalement. C'est
évident que, quand vous avez assisté à des grèves
illégales, l'importance de l'application d'une loi trouve tout son sens
parce qu'on fait fi de toutes les balises ou de toutes les mesures pour
éviter précisément qu'il n'y ait de ces arrêts de
travail.
Je comprends que votre interprétation là-dessus, c'est
que, quelles que soient les décisions législatives, c'est
évident que c'est au niveau des comportements, par la suite,
vis-à-vis d'une loi qu'on tire tout le sens de vos propos. Je disais
tantôt: Trouver des alternatives, ce n'est pas toujours facile. On peut
penser à une foule d'alternatives, nais si, au niveau des
mentalités, c'est là que le travail s'effectue, je pense que
c'est peut-être la clé de changer les mentalités dans le
domaine des affaires sociales et de la santé pour qu'on en arrive
à dire: L'utilisation d'un droit de grève n'est que symbolique.
(11 h 15)
M. Nadeau: Antérieurement, dans le processus qu'il y
avait, avec tous les inconvénients de ce processus, les centres
hospitaliers prenaient une semaine ou deux d'avance, diminuaient leur programme
opératoire et on se ramassait avec peut-être 30 % ou 40 % des
patients. Évidemment, qu'on enlève le droit de grève ou
que l'on mette des plafonds, ce que je voulais vous souligner, c'est que le
respect de la loi et le changement des mentalités à ce
niveau-là sont drôlement importants parce qu'on se trouve dans la
même situation qu'une grève illégale, c'est-à-dire
l'hôpital plein et pas de monde pour les soigner, et cela mettrait
drôlement en cause la sécurité de ces patients.
C'est ce que je voulais vous souligner, mais c'est bien évident
que ce n'est pas la loi comme telle; c'est le respect qu'on pourrait avoir de
cette loi. Cela s'applique autant dans le cadre du retrait du droit de
grève que des plafonds que vous fixez ou d'une grève
illégale dans un centre hospitalier à l'heure actuelle.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je veux
m'associer, moi aussi, au groupe de la majorité pour souhaiter la
bienvenue et remercier de sa contribution à nos travaux votre
association, et saluer cordialement M. Brissette, M. Nadeau et M. Boutin.
J'aurai une question-commentaire à vous formuler et mon collègue,
le député de Brome-Missisquoi, M. Paradis, qui est responsable au
sein de notre groupe parlementaire des questions relatives au ministère
des Affaires sociales, pourra ajouter.
Je dois, tout d'abord, vous remercier d'avoir précisé
l'opinion que vous aviez émise il y a quelques mois, lors de votre
comparution dans le cadre de l'analyse de l'avant-projet, plus
particulièrement sur la question du recours à la grève
dans le secteur de la santé. On se rappellera que vos propos,
exprimés par la voix de M. Nadeau, si ma mémoire est
fidèle, avaient été interprétés tout au
moins comme voulant dire que l'Association des hôpitaux du Québec
était contre l'abolition du droit de grève dans le secteur de la
santé, dans le secteur qui vous concerne. Vous pouvez être
assurés que cette interprétation allait directement dans le sens
que voulait l'entendre le gouvernement du Québec qui, bien qu'il
évoque, dans un premier temps, du côté gauche de la bouche,
l'obligation de donner une qualité et une quantité de services
non diminués aux citoyens et aux citoyennes en contact avec les
institutions de santé, malgré les négociations, de l'autre
côté de la bouche, dit: Le droit et le recours à la
grève doit être utilisé. Vous aviez évoqué
à ce moment-là et vous l'avez réitéré ce
matin que tout recours à la grève se devait d'être purement
et simplement symbolique, mais je conviens, à votre crédit, que
vous n'aviez pas voulu aborder le sujet de l'abolition de ce droit.
Vous savez, la fatalité est tellement instaurée dans le
système en regard du recours à la grève dans le domaine
des affaires sociales qu'encore ce matin on doit consacrer une partie
importante de nos travaux à discuter de la façon dont les parties
vont s'affronter plutôt qu'à discuter des moyens à prendre
pour qu'il y ait moins d'affrontements et de problèmes dans les
réseaux. D'ailleurs, cette approche transpire même dans le projet
de loi, puisqu'on élabore ici toute une mécanique en vertu de
laquelle on pourra établir les paramètres et les règles du
jeu permettant aux parties patronales et syndicales de se tirailler bien comme
il faut plutôt que de négocier, que ce soit les 80 %, les 90 %, le
comité sur les services essentiels, que ce soit, d'autre part, un code
d'éthique à gauche, un code d'éthique à droite,
etc. Notre position est claire et précise; elle n'est pas, comme le dit
le ministre des Affaires sociales, bête. Non. Elle se veut
réaliste et elle évoque une volonté clairement
exprimée de la population du Québec de ne plus souffrir des
inconvénients et des préjudices comme suite de conflits dans le
secteur de la santé au Québec. C'est clair, c'est précis.
D'ailleurs, on doit retenir aussi qu'il y a de moins en moins de personnes dans
le secteur des affaires sociales qui sont heureuses d'être
conviées à des exercices de grève ou de conflit, ou
à des moyens de pression comme ceux que vous avez évoqués
ce matin.
Nous avons toujours soutenu - le ministre des Affaires sociales devra en
prendre bonne note, et lui-même le signalait, d'ailleurs, lorsqu'il est
venu en commission parlementaire - que la très grande majorité
des conflits - là, vous pourrez me corriger et en même temps
corriger le ministre des Affaires sociales parce qu'on était d'accord
-dans le secteur de la santé se réfèrent non pas à
des questions de rémunération ou à d'autres comme
celle-là, mais davantage à l'organisation du travail, à la
tâche, à l'effet des coupures budgétaires, etc. Nous
soutenons, quant à nous - mon collègue pourra ajouter - que le
retrait du droit de grève dans le domaine de la santé devrait
être accompagné d'une révision des politiques
budgétaires allant même jusqu'au niveau des établissements.
La lecture qu'on fait de la situation qui prévaut actuellement, c'est
qu'il faudra, assurément, injecter de l'argent neuf. Cela est le constat
auquel on vient comme suite de la tournée qu'on a effectuée,
présidée par notre collègue, M. Paradis. C'est,
d'ailleurs, dans ce sens-là que le chef de notre formation politique
s'engageait, hier, à injecter 150 000 000 $ d'argent neuf dans le
domaine de la santé.
Vous avez dit: La grève se doit d'être symbolique. Vous
dites ensuite, et on y souscrit, que le monde des hôpitaux ne peut subir
de rupture de services. C'est interprété par le gouvernement
comme étant un changement de position ou d'attitude. Je lui laisse le
soin de définir son interprétation, mais je dois vous dire qu'il
a été surpris ce matin, il a été très
surpris de vous entendre dire cela.
M. Chevrette: On l'a préparé ensemble, imagine-toi
donc! Tu es surpris en même temps que nous.
M. Pagé: Essentiellement, vous demandez des
précisions au ministre et vous dites: Vous devriez définir
spécifiquement et précisément ce qui constitue un centre
tombant sous le coup des 90 % par rapport aux 80 %. À cet égard,
le ministre a posé des questions, par exemple: chimiothérapie,
unité des brûlés, etc., mais il ne nous a pas dit ce qu'il
en était exactement. J'aimerais bien qu'il profite des dernières
minutes pour préciser ses intentions là-dessus.
La question concernant la présence de malades à long
terme. Dans la très grande majorité des hôpitaux, on se
rappelle la quantification: au début, c'était 10 %, c'est devenu
les 20 % du docteur Lazure il y a quelques années. Est-ce qu'un centre
hospitalier où des malades à long terme sont hospitalisés
tombera sous le coup des 80 % ou des 90 %, ou est-ce que c'est seulement le
département? Sur cela, il faut des précisions; je pense que le
débat est ouvert et c'est l'endroit privilégié pour donner
des précisions de la part du gouvernement.
Ma question est la suivante: Nous en sommes à une analyse avant
la deuxième lecture, avant l'adoption du principe de ce
projet. Êtes-vous d'accord, compte tenu de votre objectif de
non-rupture de services aux bénéficiaires, avec les dispositions
des 90 % et des 80 % ou si la volonté que vous avez exprimée ce
matin, que tout recours à la grève ne soit que symbolique, veut
dire que vous vouiez le maintien total, de 100 % des effectifs et, ainsi,
l'abolition du droit de grève dans le secteur qui vous concerne et la
non-rupture des services?
M. Nadeau: En fait, ce qu'on dit aujourd'hui, M. le
député de Portneuf, n'est pas différent de ce qu'on a dit
la dernière fois.
M. Pagé: Cela a été interprété
de façon différente.
M. Nadeau: Cependant, l'interprétation, je pense, a
été un peu différente. Je ne vise pas le parti au pouvoir
quand je dis cela; je regarde certains médias d'information qui ont
interprété, ainsi que d'autres personnes, y compris,
peut-être, le gouvernement, l'opinion de l'Association des hôpitaux
du Québec. On a eu l'occasion, lors d'une émission de
télévision, de préciser ce qu'on voulait dire par cette
position. Quant à nous, et je le répète, nous avions dit
que nous ne voulions pas, à ce moment-ci, faire de débat sur le
droit de grève. On avait dit: Cela, c'est poigner le mouvement syndical
aux tripes. Faisons donc que l'exercice ne soit que symbolique. Quand on parle
d'un exercice de droit de grève symbolique, ce n'est pas 80 % ou 90 %;
c'est faire comme il se fait dans d'autres pays. Je comprends que ce n'est pas
facile à écrire dans une loi, mais que, par exemple, 5 % des
employés dans les centres hospitaliers sortent pendant deux heures un
après-midi pour alerter l'opinion publique, je pense que cela est
symbolique. Cela va se faire une ou deux heures, quelque chose comme cela. Je
ne sais pas comment cela peut s'écrire dans un projet de loi. Qu'on ait
80 % des effectifs pendant un mois, une semaine ou deux semaines, je dis que ce
n'est pas symbolique.
M. Pagé: Et vous êtes contre.
M. Nadeau: On admet qu'il y a un pas intéressant qui est
fait, mais, quant à nous, on irait plus loin dans le cadre du symbole.
On demande qu'il y ait à peu près 100 % des effectifs
partout.
M. Pagé: II y a un élément qui est
intéressant sur lequel le gouvernement devra se pencher. D'accord, il y
a un mécanisme conférant des pouvoirs importants au Conseil des
services essentiels, mais ce mécanisme implique quand même
délais, lourdeur, etc. Vous dites: Si jamais on a une grève
illégale, compte tenu que la préparation à la grève
appréhendée sera faite en fonction de 80 % ou 90 % des effectifs,
cette grève illégale est susceptible de causer plus de
préjudices aux bénéficiaires et de mal à
l'institution dans son ensemble que toute grève antérieurement
vécue puisque vous aviez un délai ou une période pour vous
y préparer. Là-dessus, nous sommes pleinement d'accord que, si le
projet de loi demeure tel qu'il est par l'expression de la voix de la
majorité, le gouvernement devra se pencher là-dessus.
Cependant, j'aimerais avoir vos commentaires sur la réplique du
ministre, car cela m'a semblé très gros. M. le ministre des
Affaires sociales disait à peu près ceci -vous me corrigerez au
besoin - Si on vous donne un délai de 48 heures, une obligation de
divulguer l'intention de la part du syndicat d'au moins 48 heures, il y a un
risque que vous fermiez des lits, que vous diminuiez vos opérations et
les 80 % ou 90 % risqueront de représenter 100 % de la prestation
à donner aux bénéficiaires, compte tenu de leur nombre
diminué. Je trouve cela très gros. Cela veut dire que pour le
ministre des Affaires sociales, ii faut qu'une grève fasse mal aux
bénéficiaires. C'est grossier et c'est très grave, ce que
vous avez évoqué ce matin.
M. Nadeau: Ce que je comprends de l'intervention du ministre des
Affaires sociales - je ne sais pas si on comprend bien, il pourra nous le
préciser - c'est qu'il ne voudrait pas, dans le cadre où il
maintient les plafonds de 80 % ou 90 % -on a l'impression qu'il ne les
maintiendra pas, s'il les maintenait - qu'on ait en place plus d'effectifs
qu'on n'a de patients. S'il vous donne la possibilité de réduire
vos effectifs, si vous réduisez vos patients de 40 % et que vous avez 90
% des effectifs, il me semble que cela fait un déséquilibre des
forces.
M. Pagé: C'est comme cela que je l'interprète. Vous
aussi?
M. Nadeau: Si on devait s'en aller dans une situation comme
celle-là, et il me comprendra, c'est bien évident que la partie
syndicale n'accepterait pas une affaire comme celle-là, cela lui
donnerait un moyen coup. Afin de ne pas se retrouver dans une situation comme
celle-là, qu'on laisse 100 % des effectifs et on n'aura pas de
problème comme cela. C'est la solution qu'on lui propose.
D'un autre côté, je pense que, s'il devait maintenir ces
plafonds et qu'on parle d'un délai de 24 heures ou de 48 heures pour
s'ajuster, c'est pour s'ajuster en fonction des clientèles qu'on a en
place. C'est pour ne pas avoir 100 % d'occupation avec 80 % des effectifs. Cela
aussi, ce serait insécurisant pour les patients.
M. Pagé: C'est cela. (Il h 30)
M. Chevrette: Je pense que M. Nadeau a très bien compris.
Ce serait dérisoire d'avoir plus d'employés qu'il n'en faut pour
assurer des soins réguliers. C'est clair. C'est parce qu'on a
vécu dans le passé des situations similaires et vous vous
rappellerez que cela avait fait l'objet d'un ridicule quasi consommé
dans l'opinion publique. Lorsqu'on arrivait avec 106 % des effectifs, par
exemple, à Le Gardeur, les gens disaient: Est-ce qu'il faut faire une
grève pour avoir plus d'employés qu'il en faut en temps
régulier? Je pense qu'il n'est pas question de faire mal aux
bénéficiaires, c'est de ridiculiser les balises qu'on s'est
soi-même fixées et de donner de l'emprise à n'importe qui.
pour charrier. C'est tout simplement cela. Vous avez très bien compris,
M. Nadeau.
M. Pagé: L'exemple que vous donnez de Le Gardeur s'inscrit
dans certains types d'enthousiasme qui ont été vécus il y
a quelques années; on pourrait se référer au
dépôt de listes syndicales avec aucun employé dessus. Il y
a eu des abus des deux côtés.
M. Chevrette: Je reconnais que cela peut être d'un
côté comme de l'autre, mais il ne faut pas donner emprise à
cela, parce que c'est précisément ce genre de situation aberrante
qui peut faire en sorte que tu enlèves tout le sérieux de ce que
tu veux avoir comme mécanisme et comme fonctionnement.
M. Pagé: M. Nadeau, je vous remercie de vos propos et de
vos commentaires, ce matin. On se rejoint à plusieurs égards.
J'ose espérer que le gouvernement sera sensible et donnera suite
à vos représentations. M. le député de
Brome-Missisquoi va compléter.
Le Président (M. Lachance): M. le
député.
M. Paradis: M. le Président, très
brièvement, à la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez,
au dernier paragraphe...
M. Chevrette: Ce sont les centres d'accueil, là.
Une voix: Quel mémoire?
Le Président (M. Lachance): II n'y a pas eu de
mémoire, M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Ce n'est pas le mémoire, c'est votre
allocution. Vous semblez partager l'opinion émise par un autre groupe
qui a déposé un mémoire, à savoir qu'on ne devrait
pas, dans une nation civilisée, accepter que les membres les plus
démunis soient les otages de batailles engagées sur des enjeux,
de toute évidence, moins fondamentaux. Si vous ne la partagez pas, vous
pouvez le dire, étant donné que ce n'est pas votre
mémoire.
Vous avez parlé de la situation rêvée ou
idéale, qui est partagée par le Comité provincial des
malades, et que vous semblez partager. Je pense même que je pourrais
dire, sans faire de politique, que le ministre, sans doute, la partage
également, à savoir qu'on maintienne, en tout temps, des services
continus, c'est-à-dire 100 % des effectifs. Là, on verra s'il la
partage vraiment, s'il ajuste ses pourcentages pour les rehausser à 100
%.
Dans ce contexte ou dans celui où le gouvernement
s'entêterait à maintenir des pourcentages qui soient
inférieurs à 100 % dans le domaine des centres hospitaliers,
quels sont les services de santé que, comme représentants de
l'Association des hôpitaux du Québec, vous dispensez dans vos
hôpitaux et que vous jugez non essentiels?
M. Brissette: Nous pensons que tous les services sont essentiels,
parce qu'avec les contraintes budgétaires auxquelles on a
été soumis dans les années antérieures, si on avait
pensé qu'il y avait des services non essentiels dans les hôpitaux,
on les aurait déjà coupés, mais il n'en reste pas. Tout ce
qui est là est essentiel. C'est un peu la façon de
répondre à votre question.
M. Paradis: Maintenant, le ministre... Non, non, cela va.
Une voix:...
M. Paradis: Non, non. Je pense que le président du Conseil
du trésor aurait avantage à suivre attentivement.
L'Association des hôpitaux du Québec, avec les effectifs
qu'elle a présentement dans ses centres hospitaliers, juge que
l'ensemble, pas 90 %, mais l'ensemble des postes et des services qui sont
offerts sont des services essentiels. Je pense que c'est le message important
que vous livrez.
Maintenant, lorsqu'on rencontre dans les centres hospitaliers des
travailleurs qui oeuvrent dans ces centres, ainsi que les représentants
syndicaux des travailleurs de ces mêmes centres, pris individuellement,
ils nous disent qu'ils sont prêts, même en cas de conflit, à
assurer, dans plusieurs cas, 100 % desdits services essentiels, mais que
l'administration des hôpitaux - c'est peut-être là que la
question va frapper plus durement - de son côté, exerce, de
façon régulière, ce qu'eux qualifient de lock-out partiel,
en fermant, pour des périodes assez prolongées pendant
l'année, des départements complets. Ils se disent: Si nous,
comme
travailleurs et travailleuses, sommes prêts à accepter
d'assurer aux bénéficiaires, aux patients qui sont alités
des services continus - c'est la majorité des travailleurs dans les
centres hospitaliers - en tout temps, est-ce que cette obligation ne devrait
pas être, par voie législative, avec les dents que cela prend,
également imposée aux administrations hospitalières - et
elles sont nombreuses - qui ferment des départements pour des
périodes continues, avec les conséquences que l'on sait sur les
listes électives, sur un fardeau additionnel d'engorgement à
l'urgence, etc. ?
M. Nadeau: Je pense que vous faites allusion à la
fermeture des lits pendant, par exemple, la période estivale et,
j'imagine, pendant la période des fêtes; je crois que ce sont les
deux seules périodes de l'année où il se ferme des
lits.
M. Paradis: On a ajouté, dans certains autres centres
hospitaliers, la période de la chasse.
M. Nadeau: Je serais très surpris de cette affirmation. Je
dois vous dire, d'abord, que c'est bien évident que, si on pouvait
offrir des services à 100 % des effectifs et à 100 % des lits
à longueur d'année, ce serait l'idéal. Il y a deux raisons
qui font que durant la période estivale on ferme des lits. D'une part,
il y a des patients qui ne veulent pas se faire hospitaliser durant la
période estivale. Il y a des médecins qui prennent des vacances
pendant la période estivale. Il y a des employés qui prennent des
vacances durant la période estivale. Vous savez...
M. Chevrette: II y a des employés qui aimeraient prendre
des vacances durant la période estivale.
M. Nadeau: On a déjà entendu parler de cela. Il
semble que cela fasse partie des nuages à l'horizon. J'ai presque perdu
mon idée avec cela. Je pense que vous n'êtes pas étranger
au fait que les centres hospitaliers doivent fermer, actuellement, des lits
durant la période estivale parce qu'il y a des contraintes
budgétaires et qu'ils n'ont pas les fonds nécessaires pour
pouvoir fonctionner toute l'année. Je pense que le ministre est
très conscient de cela. On en a parlé à plusieurs
reprises. C'est une des raisons très importantes pour lesquelles on doit
fermer des lits...
Une voix: Ce n'est pas la seule.
M. Nadeau:... et ce n'est pas la seule. Durant la période
des fêtes, évidemment, il y a des congés
fériés qui sont donnés dans les conventions collectives.
J'ai bien l'impression que les salariés veulent avoir ces congés
fériés. Il y a aussi la disponibilité des patients. Vous
savez, durant la période des fêtes, il n'y a pas beaucoup de gens
qui veulent se faire opérer. Je pense bien que la période des
fêtes ne pose pas de problème; c'est la période estivale
qui en pose. Là-dessus, il y a des contraintes budgétaires, il y
a des questions de disponibilité de patients et de disponibilité
de médecins également.
M. Paradis: Je voulais simplement amener ce point que, lorsqu'on
demande aux travailleurs de faire un effort pour renoncer à certains
privilèges ou certains droits qu'ils considèrent, à juste
titre ou autrement, comme étant des acquis, d'un autre
côté, ces gens ont des exigences pour maintenir un système
en équilibre. Ils se disent: Si, nous, on est prêts à
faire, comme travailleurs ou comme représentants syndicaux de
l'établissement, des efforts pour les maintenir, on demande à
l'autre partie, qui est la partie patronale, d'aller dans la même
direction, avec les mêmes objectifs, c'est-à-dire d'assurer en
tout temps aux bénéficiaires des services continus, donc, une
accessibilité à notre centre hospitalier. Je vous le
souligne.
M. Brissette: Si on prend particulièrement la
période des vacances, c'est difficile parce que vous êtes bien
conscient qu'on a des travailleurs ou des travailleuses
spécialisés et que le remplacement, durant la période de
vacances, n'est pas facile. Chaque fois qu'une administration locale veut
étaler la période de vacances de mai à octobre, par
exemple, c'est bien sûr qu'au début de mai et d'octobre les
infirmières ou le personnel spécialisé ne veulent pas
prendre leurs vacances. Les gens veulent, de façon
générale, prendre leurs vacances en juillet et en août.
Alors, la concentration des vacances, dans les hôpitaux, se fait durant
cette période. On a de la difficulté avec les
extrémités. Ensuite, vu que le personnel est
spécialisé, même s'il y a beaucoup de chômage, il n'y
a pas beaucoup de personnel spécialisé disponible
actuellement.
M. Paradis: Une question concernant la centralisation et la
décentralisation. Le chiffre que je veux vous citer n'inclut pas
simplement le cas des hôpitaux, il inclut également les centres
d'accueil, etc. En 1981, l'ex-ministre des Affaires sociales, l'actuel
député d'Anjou et ministre de la Justice, au sommet
socio-économique qui traitait des coupures budgétaires,
mentionnait que les griefs, pour la seule année 1980 ou 1981 - une des
deux - ont coûté au Trésor québécois plus de
10 000 000 $, soit l'équivalent - et c'est l'image qu'il utilisait pour
qu'on comprenne bien le chiffre parce qu'il y a beaucoup de zéros - de
trois
centres d'accueil au Québec.
Dans ce qui est proposé, dans le projet de loi actuellement,
centralisation par rapport à décentralisation, est-ce que vous
pensez que l'approche gouvernementale va contribuer à réduire en
nombre et en coût les griefs auxquels vous avez à faire face comme
administrateurs?
M. Brissette: On a demandé, lors de la dernière
ronde de négociations, que ce soit révisé parce qu'on
trouve un peu anormal que toute la responsabilité financière des
séances d'arbitrage soit à la charge de l'employeur et on est
bien convaincu que si c'était le perdant ou le gagnant, ou une
participation partagée entre l'employeur et le syndicat, le nombre de
griefs diminuerait et que la qualité des griefs augmenterait. On a des
griefs où, si le perdant payait ou si la personne ou le syndicat qui
fait le grief avait à participer au coût financier des arbitrages,
peut-être qu'on ne le ferait pas. Je ne sais pas si cela répond
à votre question.
M. Nadeau: Je pense que ça c'est un élément
important de la réponse. II y a les coûts d'arbitrage qui sont
à la charge de l'employeur. L'Association des hôpitaux, entre
autres, se bat depuis des années pour qu'au moins il y ait les frais
partagés ou les frais au perdant. Je pense que cela réduirait,
d'une part, les coûts d'arbitrage.
Quant à la question que vous posez sur la
décentralisation, ce qu'on introduit, dans le fond, au niveau local
c'est une espèce de négociation permanente. C'est propre à
créer un dialogue et un ajustement des clauses nationales au niveau
local. Si on arrive à créer ce dialogue, et c'est ce que le
mécanisme veut favoriser, je pense qu'on va clarifier des choses, on va
régler les problèmes au fur et à mesure et on va
peut-être éviter d'avoir plus de griefs. On va peut-être
avoir moins de griefs parce qu'on va se comprendre. S'il y a des
problèmes on va s'ajuster au niveau local. Je pense que la
démarche de décentralisation va aider. Je pense aussi que, si on
avait les frais partagés, cela aiderait beaucoup également.
M. Paradis: J'aurais une question, M. le Président, mais,
étant donné que le temps presse, le député de
Sainte-Anne...
Le Président (M. Lachance): Votre temps est
écoulé, oui. Le député de Sainte-Anne va intervenir
rapidement. M. le député.
M. Polak: Juste pour revenir sur ce principe, quand vous avez dit
qu'on ne voudrait pas faire le débat sur le droit de grève, vous
avez parlé de grève symbolique. Dans votre association, avez-vous
eu une réunion spéciale de tous vos membres pour
déterminer votre position? Je ne veux pas vous embarrasser mais je
connais certains de vos membres dans les hôpitaux qui sont d'accord pour
dire: On ne veut pas faire un débat sur le droit de grève. Ils
disent vraiment, carrément: On va abolir le droit de grève en
totalité, mais évidemment en conjonction avec une formule
où le problème va être réglé une fois pour
toutes. On n'aura plus besoin de droit de grève. C'est ce que j'ai
compris de quelques-uns de vos membres assez importants.
Tout à l'heure, le ministre a dit en blague: C'est moi qui ai
fait écrire le mémoire. Je ne sais pas si, dans une affaire aussi
importante que votre mémoire, quand vous dites: Écoutez, on n'a
pas eu le temps d'avoir une réunion spéciale de tous nos
membres...
M. Brissette: Je ne pense pas que le ministre ait voulu dire
qu'il a écrit notre mémoire. Je ne pense pas que le ministre ait
dit cela. En tout cas, il n'a pas participé à la consultation...
Non, pour être sérieux...
M. Polak: II a laissé entendre...
M. Chevrette: Ce que j'ai laissé entendre, pour informer
le député de Sainte-Anne, c'est que nous avions travaillé
en collaboration avec toutes les parties patronales de tout le secteur des
affaires sociales. À plusieurs reprises on s'est réuni, on a
parlé de niveaux de négociation, d'objets de négociation.
Je pense que c'est correct de faire cela.
M. Polak: Ma question n'est pas sur ce que le ministre a fait
concernant le mémoire, parce que je comprends très bien votre
intérêt là-dedans. Je connais certains de vos membres,
à Montréal, dont je ne dis pas qu'ils ont une opinion totalement
différente, mais qui ont une autre manière de le dire. Est-ce que
vous êtes prêt à admettre cela?
M. Brissette: Oui, on va répondre à cela. D'abord,
on va vous dire qu'on a fait des tournées régionales. L'ensemble
des régions ont été visitées sur ce sujet-là
et d'autres sujets, mais particulièrement sur cela. On vit dans une
société démocratique, notre association est aussi
démocratique. Il y a des gens qui pensent que le droit de grève
devrait être retiré complètement, d'autres qui pensent que
l'exercice du droit de grève devrait être
réglementé. Le consensus qu'on a dégagé c'est qu'on
ne voulait pas faire le débat sur la question du droit de grève;
tout ce qu'on voulait c'est que l'exercice du droit de grève soit
symbolique. C'est cela, on représente l'opinion de nos membres,
démocratiquement, après les avoir consultés.
M. Nadeau: Je m'excuse, mais vous avez raison de dire qu'il y a
parmi nos membres des gens qui pensent que le droit de grève devrait
être aboli. Ce qu'on vous dit c'est que majoritairement le consensus est
dans le sens de ce qu'on a exprimé.
M. Pagé: Symbolique, pas de rupture de services.
M. Clair: Alors, je comprends que nous avons cinq minutes
à nous partager, mon collègue des Affaires sociales et
moi-même. Je n'aurai qu'une seule question et je terminerai par mon
commentaire de clôture. Ma question concerne le palier formel de
négociation aux niveaux national, sectoriel ou sous-sectoriel. Est-ce
que je comprends, suite aux réponses que vous avez fournies à mon
collègue, le ministre des Affaires sociales, sur l'hypothèse
qu'il y ait une liste de sujets qui soient obligatoirement
négociés au niveau sectoriel, donc au CPNAS plutôt qu'au
niveau sous-sectoriel, qu'il s1 agirait-là d'une liste
fermée, que le sous-sectoriel ne pourrait pas en référer
davantage et que le palier formel de négociation demeurerait le
sous-sectoriel?
M. Nadeau: Absolument. Il faudrait s'entendre sur la liste des
sujets mais ce serait évidemment une liste fermée. Tout cela dans
le but...
M. Clair: À laquelle on ne peut ajouter...
M. Nadeau: Absolument pas. (11 h 45)
M. Clair: D'accord. Quant à moi, M. le Président,
juste quelques mots pour conclure. J'ai beaucoup apprécié la
collaboration dont j'ai pu bénéficier de l'Association des
hôpitaux du Québec tout au long du processus de préparation
de cette réforme du régime de négociation. C'est
maintenant la dernière fois qu'ils ont l'occasion de se faire entendre
publiquement avant l'adoption de la loi.
Dans son propos d'ouverture, M. Nadeau disait - et mon collègue
des Affaires sociales abondait dans le même sens - que ce qui sera
déterminant quant à l'avenir de cette réforme du
régime de négociation, c'est la façon dont elle sera
reçue, appliquée, vécue par les parties. Je voudrais dire
aux membres de l'Association des hôpitaux du Québec qu'ils auront
justement à cet égard, quant à l'application de la loi,
compte tenu du secteur très névralgique dans lequel ils oeuvrent,
probablement la plus importante responsabilité quant à faciliter
l'application de la loi. Leur comportement, leur attitude, l'accueil qui sera
fait au niveau de chaque direction d'hôpital, la volonté
réelle de la part de tous les administrateurs d'hôpitaux du
Québec de faire en sorte que fonctionnent les nouveaux
mécanismes, cela sera déterminant.
Dans ce sens, je pense qu'ils ont une responsabilité
première en termes d'attitude, de comportement, de volonté de
changer les mentalités. Ce sont eux qui sont les premiers
concernés dans la gestion des hôpitaux du Québec et, dans
ce sens, je compte énormément sur leur ouverture d'esprit, leur
volonté de faire en sorte que la réforme atteigne les objectifs
souhaités.
M. Nadeau ou M. Brissette disait aussi qu'on consacre 3 500 000 000 $
par année au domaine de la santé. Ce sont effectivement des
sommes énormes que la population québécoise investit en
elle-même pour sa santé. Je pense qu'on peut dire, malgré
les difficultés rencontrées, inévitables dans les choix
budgétaires que font les sociétés, dans les modes de
répartition de la richesse collective, les choix qui sont faits au
niveau du développement de tel ou tel service dans le domaine de la
santé ou des services sociaux, qu'il y aura toujours place à
discussion.
Mais une chose est fondamentale. J'ai la conviction profonde, quant
à moi, que nous avons probablement le meilleur système de
santé qui existe dans le monde occidental, dans le monde entier. Dans ce
sens, si, à la marge... Le député de Brome-Missisquoi
n'est pas d'accord, mais même les dirigeants de l'Association des
hôpitaux du Québec manifestaient leur approbation aux propos que
je tiens. Nous avons probablement le meilleur système de santé au
monde grâce aux énergies investies tant par le personnel
syndiqué que non syndiqué, grâce aux ressources
financières énormes qu'on consacre au domaine de la santé.
Cela ne veut pas dire qu'à la marge il n'y a pas place à
amélioration, dans un sens ou dans l'autre. Les phénomènes
de vieillissement de la population, ne pensez pas que le Conseil du
trésor n'en est pas conscient, que le ministre des Affaires sociales
n'en est pas conscient. Tout le monde est conscient de ces problèmes;
c'est à la marge qu'il y a place à amélioration.
Dans ce sens, si aujourd'hui on est en mesure d'achever le processus de
réforme du régime de négociation, dans ma tête, il y
a effectivement une autre réforme qu'on devra entreprendre
ultérieurement. C'est toute la question de la gestion des ressources
humaines, des ressources financières, de la répartition des
pouvoirs entre le Conseil du trésor, le ministère des Affaires
sociales, les institutions, de façon à faire en sorte que non
seulement nos services de santé demeurent excellents, mais que,
même avec les ressources humaines et financières dont nous
disposons déjà, ils puissent continuer de s'améliorer et
que le Québec puisse continuer à se vanter d'avoir le meilleur
système de santé au monde.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, vous avez
grugé pas mal de temps, il reste une minute à votre
collègue des Affaires sociales.
M. Chevrette: Mais il a dit l'essentiel, et même plus, de
ce que j'avais à dire. Je voudrais remercier les représentants de
l'AHQ et leur dire que nous allons continuer à travailler dans le
même sens que nous le faisons depuis trois ou quatre mois, et en
particulier au niveau du travail permanent qui va nous permettre,
peut-être, d'amorcer le changement des mentalités. Je vous
remercie.
M. Brissette: Je vous remercie, M. le Président, M. le
ministre et les membres de la commission. Je voudrais aussi vous dire que
l'association organise actuellement -c'est presque terminé - une
tournée régionale sur la gestion des ressources humaines. Je suis
d'accord pour dire qu'on a le meilleur système de santé au monde,
mais il faudra investir de l'argent pour le maintenir comme étant le
meilleur. Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je voudrais seulement
vous remercier au nom de mes collègues, les députés de
Brome-Missisquoi, de Sainte-Anne et de Berthier, pour votre contribution
à nos travaux, en espérant, comme je le disais au début,
que ça donne des résultats.
Une voix: On en est convaincu.
M. Chevrette: Je veux m'excuser auprès des membres
puisque, demain matin, je dois être à une conférence
fédérale-provinciale à Winnipeg, mais ce n'est que partie
remise.
Le Président (M. Lachance): Je veux remercier, au nom des
membres de la commission, l'Association des hôpitaux du Québec
d'avoir rehaussé de sa présence les travaux de cette commission.
Merci bien.
Associations des centres d'accueil,
des CSS, des centres hospitaliers
et d'accueil privés et
Fédération
des CLSC du Québec
J'invite maintenant les représentants de l'Association des
centres d'accueil du Québec, de l'Association des centres de services
sociaux du Québec, de l'Association des centres hospitaliers et
d'accueil privés du Québec et de la Fédération des
centres locaux de services communautaires du Québec à prendre
place. Je crois que le porte-parole est M. Marcellin Dallaire.
M. Dallaire, si vous voulez présenter les personnes qui vous
accompagnent.
M. Dallaire (Marcellin): M. le Président, MM. les
ministres, MM. les députés, si vous me permettez, et sans
jugement de quelque forme que ce soit, je vais débuter à ma
gauche, qui est votre droite. À l'extrême gauche, M. Gilles
Gaudreault, directeur général de l'Association des centres
hospitaliers et d'accueil privés du Québec, accompagné de
son président, M. André Groulx. A la suite, M. Maurice
Charlebois, directeur général, et M. Marcel
Sénéchal, président de la Fédération des
centres locaux de services communautaires du Québec; M. Pierre Cloutier,
directeur général de l'Association des centres d'accueil du
Québec; M. Louis-Philippe Thibault, président, Mme Lise Denis,
directrice générale de l'Association des centres de services
sociaux du Québec, et M. Yves Neveu, directeur des Services conseils en
gestion de personnel à l'Association des centres d'accueil du
Québec.
Le Président (M. Lachance): Merci.
M. Dallaire: M. le Président, dans un premier temps, je
pense, au même titre qu'il a déjà été
mentionné, que les associations veulent signifier au gouvernement
qu'elles ont apprécié avoir été associées
aux différentes démarches qui ont eu lieu et qui continuent
d'avoir lieu en ce qui a trait au réajustement du régime de
négociation dans les secteurs public et parapublic. Nous avons
été associés à différents niveaux et je
pense que nous avons donné au maximum la contribution que, comme groupe,
on pouvait donner à ces différents niveaux et nous vous assurons
que nous allons continuer à donner notre contribution. Soit au niveau
des commissions, soit au niveau des travaux auprès des ministères
concernés, au niveau des techniciens, je pense qu'à tous ces
niveaux les différentes associations qui sont ici ont apporté
leur appui et exprimé leur point de vue.
Une note également. Je pense qu'aujourd'hui il ne s'agit pas pour
nous, de même que pour vous, de reprendre l'ensemble des principes que
nous avons déjà présentés devant les
différents groupes qu'on a rencontrés durant les
différentes commissions. Il s'agit plutôt d'apporter des
commentaires sur le projet de loi qui vient d'être
déposé.
L'Association des centres de services sociaux du Québec,
l'Association des centres locaux de services communautaires du Québec,
l'Association des centres hospitaliers et d'accueil privés du
Québec et l'Association des centres d'accueil du Québec ont
choisi de vous présenter collectivement leur point de vue sur le projet
de loi 37, déposé à l'Assemblée nationale le 2
mai
dernier, en vue de modifier le régime de négociation des
conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. C'est
l'aboutissement logique d'un cheminement qu'elles ont parcouru ensemble.
En effet, depuis un an nos différentes associations
d'établissements ont pu, à maintes occasions,
réfléchir sur les multiples éléments constituant le
régime de négociation des secteurs public et parapublic. C'est au
mois de mai 1984, en effet, que M. Michel Clair, président du Conseil du
trésor, publiait son document de consultation intitulé "Recherche
d'un nouvel équilibre". Depuis, toutes nos associations ont
accepté de collaborer à cette recherche, autant en
présentant des mémoires à la commission parlementaire qui
a eu lieu fin janvier, début février, qu'en acceptant de
participer à toutes les rencontres techniques qui se sont
multipliées depuis un an. Si nous l'avons fait, c'est dans l'espoir d'en
arriver, avec l'apport de tous nos partenaires, à permettre
l'élaboration d'un régime de relations de travail qui soit
porteur d'un climat plus serein et plus favorable au maintien des services aux
populations que nous desservons.
Aucune de nos associations ne peut se dire entièrement satisfaite
du projet de loi qui est maintenant proposé à la discussion et
nulle ne peut prédire que le régime proposé donnera les
résultats escomptés, mais toutes sont d'accord pour souligner les
pas importants qui ont été franchis, notamment au chapitre de la
décentralisation et à celui du maintien des services à
domicile... pardon, des services essentiels... déformation de centre
d'accueil, à côté d'un CLSC.
La décentralisation. Au cours des deux dernières
décennies, la négociation des conventions collectives du secteur
des affaires sociales a vécu les hauts et les bas de la centralisation.
Celle-ci a permis, il faut le reconnaître, une normalisation de bon aloi
des conditions de travail des salariés du réseau et sans aucun
doute l'amélioration de ces conditions jusqu'à la limite du
possible et du souhaitable. Mais elle a du même coup retiré aux
gestionnaires des établissements le coeur et l'essentiel de leurs
responsabilités traditionnelles en restreignant au minimum leur marge de
manoeuvre, tant au niveau des coûts qu'au niveau de l'administration des
ressources et des systèmes. Chaque ronde de négociations
antérieure a permis aux établissements d'expérimenter les
effets du système de l'entonnoir qui ne laisse passer en fin de compte
que les grands objectifs dits nationaux, et cela tant du côté
syndical que du côté patronal.
Le régime proposé articule de façon précise
quatre paliers de négociation: le Conseil du trésor, le
comité patronal de négociation des Affaires sociales, les
sous-comités patronaux et les établissements. Chacun de ces
paliers devra assumer sa responsabilité spécifique. Nous sommes
particulièrement heureux de constater que chacune de nos associations,
par la voie d'un sous-comité patronal, pourra s'efforcer de
refléter la spécificité des établissements qu'elle
regroupe dans les conventions collectives qui les régissent.
La décentralisation au niveau sous-sectoriel entraînera
sans doute une dépense additionnelle d'énergie, mais nous croyons
essentiel que toutes les parties acceptent d'y souscrire en y allouant les
ressources nécessaires. L'avant-projet de loi proposait de
précipiter la décentralisation, en identifiant dès
maintenant un certain nombre de matières qui seraient devenues l'apanage
exclusif de la négociation locale. Nous sommes satisfaits de constater
que le législateur a retenu les arguments que toutes nos associations
ont formulés dans le sens qu'il était préférable
d'y aller de façon plus progressive.
La formule des arrangements locaux, largement retenue dans le projet de
loi, permettra, nous en sommes assurés, aux parties locales de
s'approprier d'importants segments de la négociation, notamment en ce
qui concerne l'organisation du travail et des temps de travail, sans pour
autant les placer devant l'obligation d'une négociation traditionnelle
dans le sens strict du terme, puisqu'elles pourront toujours s'en remettre aux
dispositions négociées nationalement.
Cette étape d'apprivoisement était nécessaire
après une si longue période de privation. Elle permettra aux
établissements et aux syndicats locaux de faire progresser des objectifs
plus près de leur réalité qui ont trop longtemps
été laissés pour compte. Quant à la réelle
décentralisation au niveau local, la loi la permet et la favorise, nous
le comprenons. Soyez assurés que, le moment venu, nous nous servirons
des portes qui nous sont ouvertes à cet effet.
Malheureusement, la décentralisation nous paraît encore en
péril. Les articles 39 et 40 maintiennent en effet des contraintes
importantes à la décentralisation réelle en plaçant
les sous-comités patronaux sous l'autorité
déléguée au ministère des Affaires sociales par le
gouvernement et en les obligeant à requérir leurs mandats du
Conseil du trésor. (12 heures)
Nous aurions souhaité, comme cela était formulé
dans nos mémoires de l'hiver dernier, que le gouvernement accepte de
pousser jusqu'au bout sa logique décentralisatrice. Nous sommes donc
tous d'accord pour recommander, à nouveau, de modifier les articles 39
et 40 pour que chaque palier de négociation puisse assumer à la
fois l'autorité et la responsabilité correspondant à son
niveau de négociation.
Les services essentiels. Depuis toujours, les négociations dans
le secteur des affaires
sociales soulèvent de vigoureux débats sur le droit de
grève et sur le maintien des services essentiels. Bien que nos
associations respectives aient, jusqu'ici, affiché des positions
divergentes sur le maintien ou le retrait du droit de grève, toutes sont
d'accord pour affirmer que le droit de grève ne doit pas s'exercer au
détriment des clientèles tributaires des services que nos
établissements membres dispensent.
Le projet de loi que nous discutons maintenant modifie
considérablement les règles du jeu en cette matière, en ce
sens qu'il établit des planchers de services à maintenir pour
chaque type d'établissement, rendant ainsi symbolique le recours
à la grève. L'État a pris ses responsabilités.
Certains d'entre nous ont trop affirmé la primauté du droit des
bénéficiaires à recevoir les services de santé et
les services sociaux que leur état requiert pour accepter de s'en
remettre à d'hypothétiques codes d'éthique qui ne peuvent
chercher, une fois de plus, qu'à partager ce qui ne doit pas être
partagé, qu'à mitiger un droit que nous jugeons absolu.
Aucune nation civilisée ne devrait accepter que ses membres les
plus démunis soient les otages de batailles engagées sur des
enjeux, de toute évidence, moins fondamentaux. Pour notre part, nous
croyons que le gouvernement a choisi une voie prometteuse. Si tous les
partenaires acceptent de jouer le jeu, tous en sortiront grandis aux yeux des
bénéficiaires et à ceux de toute la population. Nous
aurons ainsi contribué positivement au changement de mentalité
comme souhaité.
Quelques éléments de considération un peu plus
spécifiques. L'article 36, qui définit la composition des
comités et des sous-comités patronaux de négociation,
devrait être modifié pour permettre une représentation plus
large des associations d'établissements au sein du comité
patronal de négociation, puisqu'il faut bien se rendre compte que les
dispositions actuelles limitent à une personne la représentation
de chacune de nos associations.
L'article 87, qui définit le niveau des services essentiels
minimums, devrait être modifié pour prévoir le cas des
enseignants oeuvrant auprès des bénéficiaires des centres
d'accueil. Ces enseignants devraient être assimilés au personnel
régulier des centres d'accueil en ce qui concerne le pourcentage de
services à maintenir.
L'article 1 devrait être modifié dans la définition
du terme "établissement", de façon à couvrir un organisme
qui fournit des services à la population (et non pas uniquement à
un établissement) et qui est déclaré assimilable par le
gouvernement.
En conclusion, il nous plaît de réitérer notre
accord d'ensemble au projet de loi en discussion et notre volonté de
mettre en oeuvre toutes nos ressources en vue de participer à l'atteinte
de ce nouvel équilibre tant recherché.
Si vous me permettez, M. le Président, je demanderais à M.
Marcel Sénéchal, de la Fédération des CLSC,
d'ajouter quelques mots.
M. Sénéchal (Marcel): Je veux simplement vous dire,
M. le Président, que le mémoire que nous vous présentons
peut vous paraître un peu maigre, compte tenu des enjeux, mais il faut
voir que nous sommes à peu près - tout au moins nous le
souhaitons - au terme d'un processus. Comme nous l'avons déjà
souligné, nous avons eu, à notre sens, amplement l'occasion
d'expliciter, en long et en large, nos arguments lors d'autres commissions
parlementaires ou encore lors de rencontres avec le ministère.
Ce sur quoi nous insistons principalement, c'est le fait que, même
si le projet de loi ne représente pas en tout le point de vue de chacune
des associations, il nous apparaissait important, à ce moment-ci, de
faire consensus sur les points majeurs. Ce que nous souhaitons, c'est que ce
consensus soit de plus en plus large dans notre société
québécoise.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre des
Affaires sociales.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
remercier... Je ne sais pas si on va appeler cela la coalition...
M. Dallaire: Le regroupement...
M. Sénéchal: Cela commence toujours quelque
part.
M. Chevrette: Appelons cela le regroupement. Je voudrais vous
féliciter et vous remercier pour votre travail de collaboration. Vous
l'avez souligné, si votre mémoire reflète ce niveau de
consensus, c'est parce que ce consensus a été
préparé précisément depuis au moins deux ou trois
mois et les rencontres se sont multipliées, tant à l'aspect
technique, comme vous l'avez souligné, que politique. On a eu la chance
de se rencontrer à quelques reprises pour évaluer les
modifications projetées. Donc, merci de votre collaboration.
J'en viendrai à deux questions précises dont vous vous
doutez, bien sûr. La première concerne le palier des niveaux de
négociation, tout comme je le demandais tantôt à l'AHQ.
Est-ce que vous seriez favorables à des amendements qui placeraient un
certain nombre d'objets de négociation au niveau sectoriel - le secteur
des Affaires sociales - et non sous-sectoriel?
M. Cloutier (Pierre): C'est une chose
envisageable, je pense, que de pouvoir convenir d'un certain nombre de
choses centralisées. Je pense que pour l'essentiel il faut d'abord avoir
l'assurance que les perspectives qui sont dans le projet de loi, sur la table,
puissent être adoptées et que cet outil puisse nous être
donné pour qu'on poursuive, les prochaines années. C'est une
chose envisageable que de regarder une courte liste qui ne serait pas
fermée dans notre perception, au contraire. Je pense qu'il faut se
garder aussi de la souplesse pour adapter les situations qu'on va
connaître. L'essentiel est qu'on puisse avoir une annexe C ou D où
il y aurait un certain nombre d'objets cartellisés; c'est envisageable.
L'exemple, c'est que cela doit donner le ton à la perception de la
décentralisation-centralisation qu'on doit faire. Je pense que ce ne
doit pas être une liste fermée mais, au contraire, nous permettre
un peu de souplesse là-dedans, un peu comme on a fait pour l'approche
des arrangements locaux. Dans la même dynamique, les objets
cartellisables pourraient être évalués,
éventuellement, de notre côté, oui. Je ne sais pas si
quelqu'un du groupe...
M. Groulx (André): Je suis d'accord avec cela.
M. Chevrette: Vous êtes d'accord avec eux. Vous avez
entendu, tantôt, l'AHQ témoigner devant nous et dire l'importance
de la signature d'une convention locale. J'aimerais entendre vos commentaires
sur cette affirmation de l'AHQ.
Une voix: Cette suggestion.
M. Chevrette: Ou cette suggestion, parce qu'elle a pris la peine
de préciser que ce n'était pas là un point majeur.
M. Charlebois (Maurice): Donc, comme ce n'est pas un point
majeur...
M. Chevrette: C'est bon de connaître...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Chevrette: Une façon de s'en sortir.
M. Charlebois: On va pouvoir s'en sortir. Disons que depuis une
dizaine d'années, depuis que la loi 55 a été
adoptée - cela ne fait pas tout à fait dix ans - les signatures
sont provinciales; auparavant, elles étaient locales. On n'a pas
nécessairement étudié cette question tous ensemble mais,
quant à nous, le fait que les signatures soient au niveau provincial ne
nous cause pas d'inconvénient majeur. Disons qu'il y a tout un processus
de délégation qui est fait. L'esprit même du régime
qu'on se donne fait en sorte que c'est au niveau sous-sectoriel que la
négociation se fait. Il y a donc acheminement de mandat vers les
associations et, avec le gouvernement, au niveau des comités, on
négocie les différentes dispositions une fois qu'une entente est
intervenue à ce niveau. Que cette entente lie les établissements,
quant à nous, au niveau des CLSC, cela ne nous cause pas de
problème.
M. Dallaire: Je pense qu'on a une réaction un peu
similaire à l'Association des centres d'accueil du Québec, en
termes de dire: À partir du moment où les arrangements locaux
sont vraiment là où se font les signatures au niveau local, on
n'a pas d'objection à ce que, sur la base de la négociation
nationale, il y ait un lien qui soit fait, face aux établissements, pour
l'application d'une convention collective nationale. Alors, il y a la
distinction qui est projetée dans la loi et avec laquelle on ne se sent
pas mal à l'aise à l'heure actuelle.
M. Sénéchal: Ce que j'ajouterais à cela,
c'est qu'il y a dans notre mémoire une espèce de principe qui
pourrait nous guider, pour répondre à votre question, c'est que
chaque palier de négociation soit doté des pouvoirs et des
responsabilités. La signature est une des responsabilités qui est
accolée aux autres.
M. Chevrette: Vous n'êtes pas sans savoir que le palier de
négociation a une importance très capitale pour la partie
syndicale, entre autres la Fédération des affaires sociales de la
CSN appuyait beaucoup la demande d'un palier sectoriel pour des fins
d'économie d'argent et de temps. Vous avez sans doute vu une liste
circuler officieusement qui comportait environ 23 points, si ma mémoire
est fidèle. Quand vous parlez d'une liste que vous dites relativement
courte - je ne me souviens plus qui en a parlé - est-ce que c'est en
référence à cette liste qui a circulé au niveau des
consultations?
M. Cloutier: Vingt-trois, cela m'apparaît
élevé. Ce sont des choses qu'on a regardées. On peut
donner une couleur à cela si on envisageait cette piste, cela nous
permettrait de donner le ton à ce qui est centralisable. Mais je pense
qu'il faut se garder de part et d'autre - et je pense que c'est aussi dans les
intérêts syndicaux, à plusieurs égards - une marge
de manoeuvre là-dessus. Une liste relativement restreinte, mais qui
n'est pas fermée, pourrait être envisagée; 23, a priori,
m'apparaît... D'autant plus qu'il faut vraiment qu'elle demeure ouverte.
Cela m'apparaît élevé.
M. Chevrette: En fait, vous utiliseriez la même
mécanique qu'il y a déjà dans le
projet de loi. De consentement unanime des parties, il y a
possibilité d'en ajouter, si j'ai bien compris.
M. Cloutier: C'est ça. Je pense qu'il y a là une
piste intéressante qu'on peut explorer aussi dans le cas des choses
cartellisables.
M. Dallaire: M. André Groulx.
M. Groulx: C'est correct, c'est dans cette optique.
M. Chevrette: Les plafonds de services à maintenir, on
parle depuis quelque temps au niveau des centres d'accueil de 65 %, 55 %, selon
le milieu où on se retrouve. Vous affirmez que vous êtes en accord
avec cette approche, en particulier au CSS. Mais j'aimerais qu'on m'explique
quels sont les services et faire ressortir ceux qui seraient maintenus de
façon indispensable parce que souvent on parle de pourcentages et la
population dit: Quels services, au niveau des CSS, seraient maintenus? Quels
services, au niveau des CLSC, seraient maintenus? Il faut au moins faire
ressortir quelle est la nature des services qui s'accrochent à ces
pourcentages auxquels vous adhérez. On pourrait peut-être entendre
d'abord les CSS, et ensuite les CLSC.
M. Thibault (Louis-Philippe): Je pense que dans le projet de loi
où on établit à 55 % le plancher des effectifs, quant
à nous, on considère que c'est une très grosse
amélioration. On a déjà eu, dans le passé, des
listes qui ne contenaient que des noms de cadres et, pour nous, le projet de
loi constitue un élément intéressant.
La réalité des CSS, par contre, mériterait
d'être expliquée dans le sens que les planchers peuvent devenir
variables à un moment donné. La situation dans le domaine social,
c'est que lorsque se présente une crise dans une famille ou dans un
milieu quelconque et qu'il faut intervenir, parfois, on peut demander à
la personne d'attendre au lendemain ou d'attendre deux jours, sauf que, plus la
grève se prolonge, plus les situations de crise se multiplient et, comme
elles ne sont pas traitées, on risque de se retrouver dans des
situations tout à fait inacceptables dans certaines familles. Dans ce
contexte-là, j'attire l'attention des membres de la commission sur le
fait que les services essentiels dans les centres de services sociaux doivent
tenir compte de la durée de la grève. Dans ce sens, il faudra
recourir au besoin au Conseil des services essentiels pour apprécier des
situations.
Maintenant, pour répondre plus spécifiquement à
votre question, savoir quels sont les services qui sont essentiels dans les
centres de services sociaux, souvent, on peut faire référence
à des choses déjà connues comme, par exemple, dans le
domaine de la protection de la jeunesse. Le législateur a voulu que la
réception des signalements d'enfants victimes de violence, d'enfants
battus soit assumée 24 heures par jour, sept jours par semaine, 365
jours par année. Cela, c'est un service qu'on considère essentiel
dans les centres de services sociaux.
Depuis 1976, les centres de services sociaux ont aussi, malgré
qu'ils n'en avaient pas l'obligation juridique, mis sur pied des services qu'on
appelle d'urgence sociale. Ce sont des services sociaux disponibles 24 heures
par jour, sept jours par semaine, pour répondre à des situations
de crise qui interviennent le soir, la nuit, les fins de semaine. Cela aussi,
on considère que ce sont des services essentiels. (12 h 15)
Par la suite, quand on veut regarder les services essentiels, je pense
qu'il faut davantage essayer de découvrir les situations qui
méritent qu'on intervienne le plus rapidement possible. On ne peut pas
parler de services types, services de consultation conjugale ou services de
consultation psychosociale, il faut être à l'écoute de
l'expression des besoins de la population et, lorsque la demande de services
entre, apprécier l'opportunité d'intervenir immédiatement.
S'il faut intervenir immédiatement, on peut considérer qu'il
s'agit là d'un service essentiel à assumer. Donc, il n'y a pas de
définition théorique, si ce n'est qu'il y a des
appréciations à faire sur des situations vécues dans des
familles ou chez certaines personnes.
M. Chevrette: En fait, vous répondez d'une certaine
façon à une autre question que j'ai posée tantôt
où on ajouterait une alternative possible, par le Conseil des services
essentiels, par le fait même. Merci. M. Sénéchal?
M. Sénéchal: Sur la question du plafond, tout est
relatif. Un plafond peut devenir un plancher, et vice versa.
M. Chevrette: Oui. D'ailleurs, vous avez remarqué qu'on
utilisait les deux depuis tantôt.
M. Sénéchal: C'est cela. Enfin, on n'avait pas
parlé d'un pourcentage comme tel lorsqu'on était venu devant vous
la première fois, cependant on était d'accord avec les
modifications qui étaient apportées aux pouvoirs de la commission
des services essentiels. Mais ce qu'il faut traduire en chiffres, c'est le
principe qu'il y a des services qui sont essentiels dans les CLSC et où
il ne doit pas y avoir rupture également. Principalement, ce sont les
services de médecin à domicile. J'ai déjà eu
l'occasion
de dire que la clientèle de médecin à domicile des
CLSC au cours des dernières années s'est élargie et les
services sont dispensés à une clientèle plus variée
et plus nombreuse. Par ailleurs, les effectifs n'ont pas nécessairement
été augmentés, ce qui veut donc dire que, si on le prend
du point de vue d'un individu qui reçoit des services, souvent cet
individu reçoit moins de services qu'il en recevait. Moins vous en
donnez, plus ils sont essentiels. C'est évident. Dans ce sens-là,
ce que l'on peut dire, c'est que les services de médecin à
domicile que nous dispensons actuellement à la population, du point de
vue des individus, sont essentiels. Il ne devrait y avoir à peu
près pas de rupture là-dessus.
Il y a aussi le fait qu'on s'est vu transférer une nouvelle
responsabilité. Je pense que les CLSC devront être de plus en plus
présents et devront assumer des responsabilités précises
dans le réseau. Dans ce sens-là, il est sûr que, dans des
domaines comme la santé mentale, dans le domaine des urgences sociales,
il y a là des services essentiels à maintenir et ils seront,
à mon avis, de plus en plus nombreux. Alors, on ne fera pas la liste des
18 ou 20 programmes qui devaient être dispensés par les CLSC, mais
ces grands domaines-là, urgences sociales, urgences de santé
médicale dans certaines régions, surtout en
périphérie, le médecin à domicile, nous
apparaissent des secteurs majeurs où un principe comme celui-là
va nous aider.
M. Chevrette: Mais selon les analyses que vous avez faites aux
CLSC, pour en arriver à conclure que vous êtes d'accord avec les
plafonds, le pourcentage correspond aux services essentiels que vous avez
analysés?
M. Sénéchal: Oui, si on prend la
réalité actuelle et si on prend aussi ce qui peut se
développer au cours des toutes prochaines années, cela nous
apparaît réaliste.
M. Chevrette: D'accord. Si ma mémoire est fidèle,
lorsque vous avez comparu devant nous, vous étiez pour le maintien du
droit de grève, sauf que vous préconisiez plutôt à
l'époque l'intervention du Conseil des services essentiels pour
l'établissement des services. Est-ce que j'interprète bien votre
premier mémoire?
M. Charlebois: Ce qu'on avait dit lors de la dernière
comparution, c'est qu'on suggérait de ne pas retirer le droit de
grève. On suggérait de ne pas s'engager dans ce débat. On
croyait que les améliorations qui étaient apportées au
régime, de même que les nouveaux pouvoirs donnés à
la commission sur les services essentiels offraient des garanties suffisantes
ou consistaient en des améliorations nettement suffisantes pour que le
régime soit amélioré. Quant aux 60 %, si on se
réfère aux ententes qu'il y a eu dans les CLSC dans le
passé sur les services essentiels, c'est un niveau qui se rapproche de
ce qui était convenu dans le maintien à domicile
particulièrement.
M. Chevrette: Merci.
M. Dallaire: À votre question, M. le ministre,
j'ajouterais qu'à l'Association des centres d'accueil du Québec
nous sommes d'accord, mais nous sommes d'accord comme le résultat d'une
démarche. On l'a toujours exprimé, et je pense que vous
êtes très conscient du fait que les besoins sont présents,
quotidiens, ils sont là. Qu'on arrive à 90 %, nous exprimons un
accord comme résultat d'une démarche.
M. Chevrette: D'accord. Je pense bien que c'était le cas
de tous les groupes du réseau des Affaires sociales, de toute
façon. Quand on a parlé entre nous de plancher ou de plafond, on
a toujours dit: Est-ce que cela peut constituer une qualité de service
minimum?
M. Cloutier: C'est le résultat d'un compromis entre le
symbole et l'essentiel.
M. Chevrette: Exact. Je vous remercie messieurs.
Le Président (M. Lachance): M. le président du
Conseil du trésor.
M. Clair: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Vous avez cinq minutes.
M. Clair: Je dis quelques mots dans mes cinq minutes pour
remercier les représentants des associations patronales du secteur de la
santé qui sont présents devant nous, non seulement d'être
venus donner leur point de vue aux parlementaires sur le projet de loi
prévoyant la réforme du régime de négociation dans
les secteurs public et parapublic, mais aussi de l'excellente collaboration
dont j'ai pu bénéficier personnellement de même que le
personnel du secrétariat du Conseil du trésor dans la
préparation de cette réforme.
Une seule question, M. le Président. Les associations patronales
concernées sont sans doute informées que le regroupement des
syndicats des secteurs public et parapublic a commencé des
démarches pour doter les syndicats oeuvrant dans le domaine de la
santé d'un code d'éthique. D'ailleurs, la
Fédération des affaires sociales de la CSN est
présentement en consultation et a rendu public un document daté
du 1er mai 1985
contenant diverses propositions concernant l'élaboration d'un
code d'éthique.
Le ministre des Affaires sociales a posé la question tantôt
aux représentants de l'Association des hôpitaux du Québec:
Est-ce que vous voyez-la une avenue possible? Il est évident que les
grandes orientations du gouvernement sur le plan du respect des services
essentiels sont connues. Il s'agit maintenant de savoir, en termes de moyens,
quels sont les meilleurs moyens pour atteindre un tel objectif.. Est-ce qu'il
vous apparaît que la piste d'un code d'éthique au niveau des
syndicats du secteur de la santé est une piste à retenir? Si oui,
comment voyez-vous cette articulation d'un code d'éthique? À
quelles conditions un code d'éthique peut-il être un bon moyen
d'atteindre l'objectif souhaité, à savoir qu'il n'y ait pas
d'interruption de services dans le domaine de la santé? Sinon, si vous
n'êtes pas favorables à une telle approche, pourquoi?
M. Charlebois: Les commentaires ou les réflexions qu'on
peut avoir sur cette question, c'est que c'est certainement une initiative
heureuse de la part des centrales syndicales. C'est une initiative qui est
cependant tardive. Est-ce qu'il s'agit d'une piste intéressante?
Possiblement, mais il nous apparaît que c'est vraiment, à ce
stade-ci, prématuré de dire: Voici la piste et engageons-nous
dans cette voie-là. J'ai l'impression qu'on est un peu au balbutiement
de ce que pourrait être le code d'éthique. D'ailleurs, il y a
actuellement des consultations qui sont en train de se faire, je crois, par la
FAS auprès de ses syndicats, ce qui veut dire qu'on n'a vraiment aucune
mesure précise de ce que sera le résultat de ces
consultations.
Ce qu'on a pu consulter comme documents, par ailleurs, ne nous
apparaît pas véritablement être un code d'éthique,
mais plutôt une mécanique de détermination des services
essentiels. En ce sens, remarquez qu'on n'en a pas fait une analyse très
exhaustive, mais un premier survol des documents nous indique qu'il s'agit
plutôt d'une mécanique pour déterminer les services
essentiels qui, finalement, réitère l'approche traditionnelle des
centrales syndicales que ce sont les syndicats qui détermineraient, en
cas de grève, le nombre d'effectifs et qui prendraient à toutes
fins utiles la gestion de l'établissement. Évidemment, là
il y a un principe contenu dans ce document avec lequel nous ne sommes pas
d'accord.
Dans la mesure où justement on est en train de défricher
cette piste du côté syndical, je pense qu'il faut très
certainement encourager cette initiative. Elle conduira peut-être,
effectivement, à un véritable code d'éthique qui sera
utile très certainement pour les bénéficiaires et qui
améliorera le climat lors de conflits. À ce stade-ci, cela ne
nous apparaît pas être une voie ou, enfin, une alternative
très sérieuse qu'on a sur la table. Cela ne nous apparaît
pas non plus permettre au gouvernement de se désister devant une
responsabilité qu'il a quant à lui de maintenir les services ou
de veiller à ce que, en cas de conflit, la situation se passe d'une
façon civilisée pour les bénéficiaires.
Le Président (M. Lachance): M. Groulx.
M. Groulx: Pour le secteur privé, avec les documents qu'on
a vus jusqu'à maintenant, en ce qui a trait à un soi-disant code
d'éthique, je dois vous dire que l'esprit qui est dedans, qui se
reflète dans ses éléments est loin de correspondre
à ce qu'on pense que ce devrait être. D'abord, si on parle d'un
code, on pense qu'il y a trois parties là-dedans: il y a les
bénéficiaires ou les gens qui sont soignés, il y a les
employés qui sont représentés par les syndicats et
l'employeur qui est représenté par les associations. On pense
qu'envisager un tel code d'éthique doit comporter ces trois paliers et
il faudrait peut-être s'asseoir. Dans les premiers documents qui nous ont
été remis, je lis ceci, pour n'en citer qu'un: S'engage à
assurer aux bénéficiaires le libre accès à
l'établissement. Cela me fait rire en bibite. Vous comprendrez qu'on
pense qu'on a beaucoup de chemin à faire face à cela. Je
limiterai à cela mon intervention.
M. Cloutier: II est tard, effectivement, pour arriver avec un
document semblable. Je pense que ce problème est sur la table depuis
cinq ans au Québec et il est tard par rapport au travail qu'on a dans le
prochain mois. C'est davantage une structure organisationnelle de
décision, les documents qu'on a vus. Ce qui est assez
caractéristique, c'est que le processus de responsabilité
là-dedans est inversé. C'est d'abord la responsablité des
cadres, celle des bénévoles, celle des non-syndiqués, mais
ce n'est pas celle des travailleurs eux-mêmes. Ce n'est franchement pas
ma perception de ce que pensent aussi fondamentalement les travailleurs sur le
terrain. J'ai des problèmes de connection là-dedans.
La responsabilité dans ce sens est inversée. Ce que
commande l'ensemble du Conseil des services essentiels en termes d'esprit, la
loi qu'on a devant nous comme proposition, c'est de dire: Quelle est la part de
chacun et quelle est votre part en tant que travailleurs dans l'ensemble du
système? On a inversé, jusqu'à maintenant,
l'éthique dans ce sens et cela m'apparaît fondamental pour aborder
cette question.
Je vous avoue que la piste, cela en est une; prise sérieusement
et travaillée sérieusement, je pense qu'elle mérite,
fondamentalement, d'être explorée. Ce qu'on a vu
jusqu'à maintenant n'est pas très prometteur. La
responsabilité ultime, et je souscris à ce qui a
été dit tantôt, je pense que l'État a une
responsabilité ultime là-dedans dont il ne faut pas que vous
soyez dégagé, en aucune façon. Je pense que vous y
êtes condamné.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: À la suite de cette condamnation...
M. Cloutier: C'est le prix.
M. Paradis: C'est le prix qu'il faut payer. Vous affirmez dans
votre mémoire, et ce sont toutes les associations qui le font, la
primauté du droit des bénéficiaires à recevoir les
services de santé et services sociaux que leur état requiert. Je
vais adresser des questions, si vous me le permettez, spécifiquement sur
ce point, premièrement, à l'Association des centres d'accueil;
deuxièmement, à l'Association des CLSC et, troisièmement,
à l'Association des CSS.
Le projet de loi détermine un pourcentage différent dans
chacun des cas; dans le cas des centres d'accueil - et c'est par ce
réseau que je vais commencer - la loi prévoit 90 % dans le cas de
débrayage. On recevait récemment, de la part de la
quasi-totalité des membres de votre association, à titre de
parlementaires à l'Assemblée nationale, une lettre du conseil
d'administration ou du directeur général de
l'établissement qui nous prévenait qu'à cause de
l'alourdissement des clientèles, de coupures budgétaires, etc., -
cela variait d'un centre d'accueil à l'autre dans la correspondance que
nous avons reçue - les services étaient actuellement offerts aux
bénéficiaires à 60 %, à 65 %, à 70 %. Est-ce
que vous pouvez, tout en affirmant la primauté du droit des
bénéficiaires, concevoir que dans la situation où vous
vous retrouvez comme établissement qui a le devoir de dispenser ces
soins aux bénéficiaires... C'est 90 % de 60 % - c'est de cela
qu'on parle finalement - ce n'est pas 90 % de 100 %. Je voudrais qu'on en soit
conscient. Est-ce que cela reconnaît la primauté du droit des
bénéficiaires à recevoir les services de santé dans
vos centres d'accueil? (12 h 30)
M. Cloutier: L'idéal c'est: Pas de grève et 100 %
tout le temps. C'est sûr, le ministre des Affaires sociales, le
président du Conseil du trésor et l'ensemble des membres de
l'Assemblée nationale connaissent la situation financière du
réseau des centres d'accueil. On a eu des débats, notamment avec
le ministre des Affaires sociales, depuis longtemps sur cette question. Il va
s'en poursuivre encore. Il y a des ajustements et des choix de
société à faire et ils ne sont pas encore faits. C'est
à cela que l'Association des centres d'accueil veut vous
sensibiliser.
Les quinze prochaines années seront catastrophiques par rapport
aux besoins d'une population vieillissante. La marée grise s'en vient;
il va falloir composer avec elle. Les propos de M. Clair, au début de la
présente partie de la commission, le signalaient, avec raison.
Je ne suis pas sûr qu'on ait pris suffisamment le taureau par les
cornes, par exemple, à ce jour. On peut vous dire, en tout cas, que,
dans nos chaises, on aimerait un peu plus de vigueur et de la part de beaucoup
de monde.
Par contre - là, je m'en viens davantage à votre question
des 90 %, on peut parler très longtemps de la situation
financière de notre réseau et je dois vous avouer que c'est un
dossier qui me préoccupe personnellement beaucoup - il faut composer
avec les mentalités sociales existantes. Cela fait vingt ans qu'on
centralise; cela fait vingt ans qu'on a connu des difficultés, des
grèves, etc. Il faut quand même constater que, à la
dernière ronde de négociations, on a senti un tournant commencer
à s'installer dans la mentalité des travailleurs, du public, des
patrons, de notre côté, ce qui a fait en sorte qu'on a
été un peu plus raisonnable vis-à-vis de la
difficulté que nos clientèles représentaient. On a, par
exemple, eu peu de jours de grève lors de la dernière ronde de
négociations, très peu.
C'est une tradition de la part des travailleurs de nous dire: Oui, il y
a peut-être des gens qui ont des problèmes plus grands que les
autres. Mais c'est une chose que de faire un virage à 180 degrés
et de composer avec cette évolution de mentalité. En toute
liberté et tout seul, je puis vous dire qu'à 100 % je n'ai pas de
problème mais, si je suis réaliste, j'en ai.
Je pense qu'il faut composer avec la courbe qui est prise. Les
mentalités avancent et je pense que les travailleurs sont conscients de
ces choses: 90 % - cela aurait pu être 92 % ou 95 %; on peut se parler
longtemps sur le chiffre en soi - je pense que c'est un compromis raisonnable
entre ce qui est possible, acceptable et qui répond au minimum à
notre norme de 60 % dont on parlait. On va, je pense, pouvoir passer à
travers.
Je ne vous dis pas qu'il n'y aurait pas un, deux ou cinq cas difficiles.
C'est possible, Mais, a priori, d'après l'expérience qu'on a,
c'est un chiffre qui, raisonnablement, nous apparaît un pas significatif
et qui permet le symbole. Le symbole, on l'a débattu avec M. Pagé
lors de la première commission parlementaire; je
pense que c'est une chose fondamentalement importante pour les
travailleurs et, là-dessus, il faut essayer, ensemble, de faire le
compromis le plus intelligent possible.
M. Paradis: Je ne veux pas entreprendre de débat, je vais
passer à une deuxième question, mais très
brièvement, ce que vous avez mentionné, ce qui s'est produit dans
l'évolution même des gens qui oeuvrent chez vous, les travailleurs
et travailleuses qui oeuvrent dans vos établissements, s'il y aeu progression à la dernière ronde de négociations, je
pense que vous êtes à même de le constater
présentement, cette évolution et cette progression se sont
maintenues, ce qui nous permet peut-être d'avoir des objectifs encore
plus élevés que ce qu'il y a sur la table
présentement.
En ce qui concerne les CLSC - je souhaiterais avoir tout le temps
possible - le ministre des Affaires sociales, face à un problème
d'engorgement de salles d'urgence, entre autres, redit souvent dans ses
répliques et dans ses réponses qu'il faut habituer la
clientèle qui reçoit les services à passer par cette porte
d'entrée, même sur le plan médical, lorsqu'il s'agit de
salles d'urgence, où on peut traiter des cas mineurs, etc.
On parle, dans le cas des CLSC, de maintenir des services à 60 %.
Mais est-ce qu'encore là on parle de 60 % de 100 %? On a combien de cas
de CLSC qui gèrent des cliniques d'urgence, pour ne mentionner que ce
département de vos activités? Sait-on - vous l'avez
mentionné tantôt - que vous avez beaucoup plus de programmes que
celui-là - dans ce cas-là qui, présentement, ferment le
soir, la nuit, les fins de semaine?
Je vais être prudent avec l'affirmation suivante: Fermer sur
l'heure du dîner, cela se faisait il n'y a pas tellement longtemps. Cela
inquiète le ministre et cela m'inquiète également, de ce
côté-ci de la table. Lorsqu'on parle de services, en cas de
conflit de travail, diminués de 40 % de ce qui existe
déjà, on se dit: Qu'est-ce qui reste? Est-ce que la
primauté est encore là de façon pratique?
M. Charlebois: Concernant l'accessibilité, il faut
être prudent avec les heures d'ouverture des CLSC parce qu'il y a
beaucoup d'activités des CLSC qui sont offertes à domicile ou qui
sont également offertes en soirée pour des groupes, des
cliniques, etc. Le bureau peut être fermé, mais il y a des
activités, cependant, qui sont données. Je pense
particulièrement aux services et soins à domicile; entre autres,
la presque-totalité des CLSC offre des services en dehors des heures de
travail la semaine et également la fin de semaine. Cela, c'est une
première chose.
Concernant les cliniques d'urgence, il y a combien de CLSC qui ont des
cliniques d'urgence? Il y en a très peu, il y en a dans les
régions éloignées, très éloignées. En
Gaspésie, il y a des CLSC qui ont des cliniques d'urgence; sur la
Côte-Nord, il y a des centres de santé et des CLSC qui ont de
telles cliniques.
M. Paradis: À 50 milles de Montréal, vous allez en
retrouver.
M. Charlebois: À Châteauguay, entre autres, il y a
une clinique d'urgence. Il y a effectivement peu de CLSC qui ont des cliniques
d'urgence, comme telles, qui sont ouvertes et qui fonctionnent. Il y a des
considérations financières qu'il ne faut pas négliger.
C'est-à-dire que mettre en place une clinique d'urgence qui va
fonctionner 24 heures, sept jours, ça prend du personnel. Bien
sûr, les CLSC peuvent embaucher autant de médecins qu'ils veulent,
parce que les médecins sont rémunérés directement
par la Régie de l'assurance-maladie, sauf que les frais afférents
à la mise en place d'une clinique doivent nous venir du ministère
des Affaires sociales.
Avec l'infrastructure que le CLSC a, il est capable d'embaucher un,
deux, trois ou quatre médecins. Au-delà de ça, il faut
rajouter des pieds carrés, il faut rajouter du personnel de soutien, il
faut rajouter des infirmières. Là, il y a une limite
budgétaire. Cela, c'est une contrainte de système importante et
il ne faut pas trop facilement jeter la pierre aux CLSC en disant: Vous
n'ouvrez pas. Il y a des contraintes de système, il y a des contraintes
financières qui font que les cliniques ne peuvent pas être mises
sur pied.
Le phénomène des urgences a été
discuté chez nous, dans le milieu des CLSC, et il y a eu des
échanges avec des gens du réseau, récemment, dans la
région de Montréal. Il n'apparaît pas évident pour
la majorité des intervenants - je ne parle pas que des CLSC, je parle
autant des conseils régionaux que du secteur hospitalier - que c'est en
ouvrant des cliniques d'urgence que le problème des urgences va se
régler à Montréal. Le problème ne serait pas
tellement en amont, mais en aval. Finalement, pour réduire un peu la
pression dans les urgences, dans le secteur hospitalier, dans les cliniques,
c'est en offrant de plus nombreux et de plus importants services et soins
à domicile, c'est-à-dire permettre, en aval, qu'on puisse
dégager des lits et faire en sorte que les patients qui sont
alités à l'urgence puissent occuper les lits à
l'hôpital.
Il y a eu une première réflexion qui a été
faite avec les partenaires du réseau dans la région de
Montréal particulièrement, qui est une région où la
question des urgences est très importante. Ce qui est ressorti, c'est
effectivement d'évaluer et de toucher
la bonne cible. J'ajoute qu'ouvrir des cliniques d'urgence dans les
CLSC, ça demande aussi beaucoup d'équipement que les CLSC n'ont
pas: laboratoires, rayons X, etc. Autrement, les CLSC ne peuvent pas faire de
l'urgence.
Il y a un autre élément qu'il faut ajouter. Si on prend
les Urgences-santé, par exemple, à Montréal, tout le
secteur des ambulances, une bonne partie des appels qu'ils ont ne constituent
pas de véritables urgences. Il y a actuellement des projets qui sont en
train de s'élaborer pour que, dans toute cette partie information et
référence à la population, collectivement, les CLSC de
Montréal puissent prendre la relève et donc jouer un rôle
utile d'établissements de première ligne au palier des urgences,
quant à cette question. Donc, en aval, renforcement du maintien à
domicile parce qu'on a une pression importante sur le maintien à
domicile, également sur l'information-référence et sur la
prolongation des heures d'ouverture. Enfin, cela fait plusieurs fois qu'on est
amené à dire cela, soit ici, soit au ministère: Il n'y a
pas de résistance corporatiste des CLSC à ouvrir; il y a des
contraintes de système et, avec les moyens qu'ont les CLSC actuellement,
ils desservent finalement la clientèle et étirent le budget le
plus qu'ils peuvent pour rejoindre la population.
M. Dallaire: M. Groulx avait un commentaire à votre
question, je pense.
M. Paradis: II ne faudrait pas oublier les CSS.
M. Dallaire: On ne les oubliera pas.
M. Groulx: Non, c'est par la gauche, parce que cela fait partie
des centres d'accueil, mais privés et également des centres
hospitaliers de longue durée. Alors, je serais bien mal vu de vous
dire... Vu que la position des privés effectivement a toujours
été pour l'abolition du droit de grève et la
primauté aujourd'hui, je ne suis pas gêné de lire ce que
j'ai lu. Par contre, lorsqu'on a fait ces renvendications, évidemment,
compte tenu de l'ensemble du personnel et des problèmes que l'on vit qui
sont des problèmes financiers - mais ce ne sont pas uniquement des
problèmes financiers que l'on subit dans les établissements -
c'est un peu pour cela que, dans le mémoire, on a quand même fait
mention que nous sommes d'accord avec la mécanique
suggérée. On pense, évidemment, qu'il s'agit
d'établir un climat de travail et, au niveau de la
décentralisation, on espère qu'il sera possible de
négocier des arrangements qui permettent une réalité
concrète des travailleurs dans leur emploi, compte tenu des
spécificités des établissements. C'est ce qu'on a toujours
prétendu: des centres d'accueil, ce ne sont pas des hôpitaux
généraux et des centres hospitaliers de longue durée. Ce
n'est pas cela. Il faut peut-être arrêter de penser à des
cheminements identiques et à des structures identiques. Lorsque l'on
pense à 100 %, à 80 %, à 60 % ou à 70 %, cela ne
règle pas le problème. Évidemment, on a des besoins, mais
c'est comme quelqu'un qui désire s'acheter une Audi ou une Volkswagen;
les deux peuvent aller partout, mais il s'agit de savoir ce qu'on a.
Alors, compte tenu de notre orientation, on l'a toujours maintenu:
Idéalement, dans le secteur de la santé, en particulier pour les
clientèles qu'on avait, on était pour le maintien du droit et on
l'est encore. On l'a été depuis dix ans. Voilà dix ans, on
était les seuls. Par contre, on est aussi obligés d'examiner
l'historique qu'on a vécu. On a pensé qu'on avait trouvé
une solution en le donnant; je pense qu'aujourd'hui on se rend compte que ce
n'est pas cela et, inversement, on tente une démarche qui nous
apparaît tout à fait acceptable et tout à fait prometteuse
dans l'optique qu'on a déjà franchi beaucoup de pas.
M. Paradis: Pendant que vous êtes l'interlocuteur
privilégié, j'aurais une brève question à vous
poser et je vous la pose tout de suite. Le ministre des Affaires sociales me
disait - je prends sa parole, le règlement m'y oblige - que, du
côté des centres d'accueil privés, il y avait moins de
griefs dans les relations de travail qu'au niveau du public. Vous êtes
peut-être mal placé pour répondre à la question,
mais je vous l'adresse candidement.
M. Groulx: Je suis très bien placé, parce que je
vous dirai que, jusqu'à l'avant-dernière négociation, on
avait dans le secteur privé conventionné une clause qui disait:
Le perdant paie. Malheureusement, à cause de l'uniformisation et de la
centralisation, en particulier avec le problème précis de ce qui
existait du côté de l'éducation, parce qu'on uniformisait,
les seuls qui l'ont perdu, c'est nous. Alors, on est bien placés pour
vous dire qu'effectivement cela avait beaucoup d'influence et qu'on a
assisté à une progression. Alors, on espère qu'en
décentralisant on pourra renégocier. En tout cas, on aura des
éléments qui nous permettront peut-être d'envisager une
telle modalité.
M. Paradis: Quant aux CSS, rapidement, avec les transformations
qui ont été vécues au cours de la dernière
année, comme parlementaire, le message que j'ai pressenti de votre
groupe c'est qu'avec les effectifs, s'il faut utiliser ce terme-là,
qu'on vous laissait et la clientèle que vous mainteniez,
vous étiez déjà dans une situation qui était
très difficile pour maintenir les services. (12 h 45
Maintenant, lorsque vous avez parlé tantôt de ce qui
était essentiel chez vous, vous avez dit: Ce qui est essentiel chez nous
c'est ce que j'ai retenu, vous me corrigerez si ce n'est pas exact - c'est
d'être à l'écoute, parce que c'est là qu'on peut
juger, lorsqu'on est à l'écoute si la situation demande une
intervention immédiate ou si elle peut être remise d'une
journée, de deux jours ou de deux semaines, finalement.
Dans ce contexte du transfert d'effectifs, où il faut être
à l'écoute si on veut être capable de porter un jugement
sur l'urgence finalement, comment pouvez-vous concilier le pourcentage de 55 %
en cas de conflit de travail avec ce qui est affirmé dans le
mémoire, la primauté du droit des
bénéficiaires?
M. Thibault: Ou fait que, dans la loi, on établit
maintenant un pourcentage de personnel qui doit rester au travail en cas de
grève, pour nous, que ce soit 50 %, 55 %, 60 %, le débat n'est
pas fondamental sur le chiffre. Ce qui est important, c'est qu'il y en ait une
certaine quantité qui demeure, ce qui va nous permettre de constituer
des équipes pour garantir la réception en tout temps des
signalements qu'on peut recevoir en vertu de la Loi sur la protection de la
jeunesse, pour garantir la réception téléphonique des
personnes qui appellent et qui vivent des situations de détresse ou des
situations de crise. On pense que les 55 %, c'est vraiment un taux qui permet
de garantir ces services-là au départ, à partir du moment
où on peut effectivement être à l'écoute de la
population et des services qu'elle demande, et apprécier les situations.
Il faut faire attention dans le sens que ce n'est pas tout d'être
à l'écoute. Si tu es à l'écoute et que la personne
vit une situation de crise et que tu ne peux pas intervenir, tu n'es pas plus
avancé. Donc cela prend des gens qui sont au travail pour recevoir les
demandes de services et cela prend aussi des gen3 qui sont au travail pour
intervenir dans les situations de crise.
Dans ce sens-là, je rappelle en terminant simplement que la
durée de la grève va être assez importante dans le sens
que, selon que la grève est prolongée ou courte, le taux de 55 %
pourrait s'avérer amplement suffisant ou nettement insuffisant tout
dépendant des situations.
Mme Denis (Lise): Si vous me permettez de compléter aussi,
je dirais que, quand on parle d'être à l'écoute et
d'assurer aussi la prise en charge, on pense aux secteurs
particulièrement vulnérables des lois d'exception, que ce soit la
protection de la jeunesse ou les jeunes contrevenants. Dans le cas des CSS - je
pense que c'est le cas aussi des autres catégories
d'établissements - il reste qu'il y a aussi une interconnexion entre les
établissements, c'est-à-dire qu'on risque effectivement, dans le
temps, d'avoir des cas qui nous sont référés, par exemple,
par les CLSC. Dans le fond, un bénéficiaire peut effectivement
être appelé à recevoir des services de différents
types d'établissements et de nous en complémentarité. Dans
ce sens-là, les pourcentages à un endroit et à l'autre
doivent subir des ajustements, compte tenu de ces pressions.
M. Paradis: Une dernière question peut-être à
M. Dallaire. Dans votre mémoire, vous indiquez: "Nous sommes donc tous
d'accord pour vous recommander à nouveau de modifier les articles 39 et
40 pour que chaque palier de négociation puisse assumer à la fois
l'autorité et la responsabilité correspondant à son niveau
de négociation". Tantôt, vous avez entendu l'Association des
hôpitaux du Québec dire que, selon elle, on était
également condamnés comme parlementaires à
l'Assemblée nationale à déterminer l'enveloppe globale sur
le plan des sommes qu'il faut consacrer au secteur de la santé ou au
secteur des affaires sociales. Comment concilier la pleine autorité que
vous recommandez - si vous êtes d'accord avec l'affirmation, parce que
vous pouvez diverger d'opinion également -avec cette affirmation de
l'Association des hôpitaux du Québec qu'il revient à
l'Assemblée nationale du Québec de déterminer l'enveloppe
globale?
M. Dallaire: D'abord, je pense qu'on a parlé des paliers.
Alors, en parlant des paliers, on dit que, sur le plan salarial, il y a une
responsabilité qui est au niveau du Conseil du trésor. Cela va
là.
M. Paradis: Excusez, une précision. J'ai cru croire -
j'aurais peut-être dû l'interroger davantage - que l'Association
des hôpitaux du Québec, laissait cette
responsabilité-là au niveau de l'Assemblée nationale comme
telle, alors que ce que vous me dites, c'est au niveau du Conseil du
trésor. Je sais que c'est ce qui est écrit dans la loi
présentement, mais j'aimerais avoir vos opinions et vos
idées.
M. Dallaire: C'est une opinion et, on voulait distinguer. Notre
proposition, c'est de distinguer les niveaux d'intervention. Alors,
reprenons-les à l'envers: les établissements au niveau
sous-sectoriel à l'intérieur de l'encadrement du projet de loi,
alors qu'à ce moment-là, au niveau sous-sectoriel, on
délègue véritablement à la fois le travail de faire
cette négociation, mais aussi la responsabilité de le faire sans
toujours requérir des mandats. Au niveau sectoriel, au
niveau du ministre, parce que le niveau sectoriel, tout à coup,
est relié au ministre et après cela au niveau de l'ensemble - MM.
les techniciens me corrigeront - que cela aille au niveau du gouvernement.
M. Neveu (Yves): On dit dans le mémoire que le projet de
loi établit quatre paliers de négociation. Le Conseil du
trésor est clairement identifié comme celui qui doit
négocier les salaires et les échelles de salaire. Par la suite,
on parle d'un palier national qui comprend, à la fois, les paliers
sous-sectoriels et le palier sectoriel. Il y a un partage des matières
qui va se faire entre ces deux paliers, soit par une annexe
supplémentaire à la loi, soit par consensus entre les parties
négociantes. On dit que, théoriquement, les matières qui
vont être négociées au niveau sectoriel sont des
matières de prépondérance gouvernementale. On a
donné quelques exemples tantôt, les quantum, les régimes de
retraite, les régimes d'assurance, des choses comme cela. On dit:
Qu'à ce niveau les mandats originent du gouvernement, soit du Conseil du
trésor, soit du ministère des Affaires sociales, en ce qui nous
concerne, on est d'accord avec cela.
Par ailleurs, il y a un bloc de matières qui ne sont pas de
prépondérance gouvernementale et qui relèvent davantage de
la gestion et de l'organisation du travail et qui vont être
négociées au niveau sous-sectoriel. Ce qu'on demande, en
demandant de modifier les articles 39 et 40, c'est d'enlever l'obligation de
requérir les mandats au Conseil du trésor pour les
matières qui sont de responsabilité sous-sectorielle.
De toute façon, s'il y a, effectivement, décentralisation
- et je ne parle pas des arrangements locaux - au niveau local, il est
prévu que les parties locales pourront, pour les matières qui
seront décentralisées, négocier sans demander leur mandat
au Conseil du trésor. Ce qu'on demande, c'est que la même chose
existe pour le palier sous-sectoriel.
Le Président (M. Lachance): Merci. Il n'y a pas d'autres
intervenants qui ont demandé la parole. Mme la députée des
Îles-de-la-Madeleine.
Mme Le Blanc-Bantey: Merci, M. le Président. Je voudrais
revenir au code d'éthique, parce que, pour avoir vécu, comme
d'autres, une négociation, j'ai l'impression qu'on pourrait se permettre
les plus belles réformes, les plus belles lois, y compris l'abolition du
droit de grève pour ceux à qui cela ferait plaisir, s'il n'y a
pas une complète réforme des mentalités, à mon
avis, cela ne nous mène nulle part. Quelques-uns d'entre vous y ont fait
allusion. Puisque j'ai parlé du droit de grève, je vais dire que
j'ai la conviction que ce n'est pas parce qu'on l'abolirait qu'on
arrêterait d'avoir des grèves dans les hôpitaux. Ce qu'il
faut, c'est que l'employeur sectoriel, l'État, les syndiqués,
l'Opposition, finalement tout le monde change de mentalité et finisse
par amorcer des négociations dans un climat que j'appellerais de
minimale confiance.
Il m'est apparu, en lisant dans la presse, parce que, malheureusement,
je n'ai pas pris connaissance du code d'éthique, que c'était la
preuve que s'était amorcé chez les syndiqués et chez les
centrales ce changement de mentalité que tout le monde espère
à grands cris depuis un certain nombre d'années. Non seulement je
trouvais l'initiative heureuse, mais elle pouvait me sembler le prélude
à une nouvelle ère de relations de travail. Je vous avoue que
j'ai trouvé votre attitude très réticente. Je me suis dit:
La confiance n'est pas pour demain. Je vous ai trouvés... Je ne
m'attendais pas à un enthousiame délirant, mais je ne m'attendais
pas, non plus, surtout de la part de M. Groulx, je pense à une attitude
- je pense que je vais le dire un peu brutalement - un peu méprisante.
Je ne m'attendais pas, non plus, à si peu de réaction de votre
part, ce qui m'indique que le changement de mentalités auquel je fais
allusion n'est probablement pas rendu plus loin chez vous, chez la partie
patronale.
Je comprends, tout le monde a vécu des traumatismes de part et
d'autre, mais je pense que vous allez admettre que ce changement de
mentalités vous incombe aussi. On verra ce que les prochaines
années donneront. Le début de ce changement m'apparaît
extrêmement fragile. Je vais quand même profiter de votre
présence ici parce que, malheureusement, je ne pourrai pas être
là cet après-midi quand les syndiqués viendront, pour vous
demander - et je pense que c'est vous qui y avez fait allusion - ce que vous
entendez par un processus de responsabilité inversée.
M. Cloutier: M. Neveu pourra compléter au besoin. Le
document qu'on a sur cette question est peut-être que les intentions
syndicales sont plus grandes, en termes de perspectives, que ce qu'on a pu
préparer comme document jusqu'à maintenant. Dans ce sens, du fait
que, de leur côté, en ce moment, on prenne le temps de regarder
cette dimension, je vous dis et M. Charlebois tantôt vous le disait: II y
a là une piste à explorer, à continuer de travailler,
etc.
L'idéal, c'est la conscience responsable de tout le monde dans
l'ensemble de notre circuit, qui fait en sorte qu'on ne se retrouve plus dans
les culs-de-sac qu'on a déjà vécus. On n'en est pas
là encore. Il y a eu dépôt d'un papier; il y a eu des
discours d'intention. Je dois vous dire qu'à l'inverse, du
côté des centres d'accueil, cela ne fonctionne pas par des
intentions. Demain
matin, s'il y a une grève, il faut composer avec les
bénéficiaires. Cela, c'est non négociable. Je veux dire
que les personnes âgées, on en a 35 000 sur les bras demain matin
et, quelles que soient les lois, quelles que soient les attitudes, quelqu'un va
devoir aider ces personnes en difficulté.
Je dois vous avouer que, historiquement, les gestionnaires de centres
d'accueil ont essayé de faire de grands bouts de chemin pour les servir.
La piste est bonne; il faut l'explorer, il faut la continuer. Dans trois ou
cinq ans, dans mon esprit, quand vous parlez d'évolution des
mentalités, je ne refuse pas du tout l'hypothèse qu'on puisse
convenir d'un code d'éthique semblable.
À la base, les trois parties impliquées -je pense que M.
Groulx en faisait état -n'ont pas été mises à
contribution dans ce qui est déposé à ce jour. Mais
partons avec ce qu'on a. Idéalement, il faudrait convenir de ce code
d'éthique, notamment, avec les bénéficiaires. Je pense que
M. Brunet et son groupe ont fait valoir les intérêts de ces gens
d'une façon très éclatante et je pense qu'ils ont
raison.
Dans ce sens, on dit: La piste est bonne; le document qu'on a vu est
décevant et il ne faut pas fermer la porte, bien au contraire. Mais,
cela ne nous assure pas suffisamment de garanties pour les prochains un an et
demi, deux ou trois ans, à l'endroit des bénéficiaires
qu'on a à desservir et du contrat de fournisseurs de services pour
pouvoir dire: Oui, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, en ce
moment, avec le document qu'on a en main. Ce n'est pas le cas et, franchement,
je suis obligé de vous le dire.
Mme Le Blanc-Bantey: Vous dites, par ailleurs, que dans la
perspective où un climat de confiance pourrait s'établir, vous
n'auriez pas d'objection à vous asseoir avec les centrales syndicales et
à voir dans quelle mesure ce type de code d'éthique ou de
détermination des services - appelez-le comme vous le voulez - pourrait
vous permettre finalement de rendre les services au bénéficiaire
puisque tout le monde convient que c'est là le noeud, entre autres, de
notre système de santé et le noeud de la réforme. C'est
certainement, en tout cas, le secteur le plus vulnérable.
M. Cloutier: Mais ce chiffre se situera à l'alentour
ultimement de 90 %. Dans notre lecture des situations des clientèles
qu'on a à desservir, dans le cas des centres d'accueil, on va se
rapprocher de 90 %.
Mme Le Blanc-Bantey: Et, actuellement, qu'est-ce qu'il y a?
M. Cloutier: Ce qu'on nous offre dans le projet de loi nous
apparaît... Parce qu'on en a besoin maintenant, on ne peut pas retarder
le processus pendant encore cinq ans pour s'asseoir et discuter. Sur le plan de
la discussion, il n'y a pas de problème; on est prêt à
jaser avec les centrales syndicales de ce genre de choses. Mais selon notre
perception et la lecture qu'on en fait, les besoins de nos clientèles se
situent alentour de 90 %, pour être, au minimum, raisonnables.
Mme Le Blanc-Bantey: Je n'entrerai pas dans le...
M. Cloutier: M. Neveu, vous complétez, quant à
l'inversion de la responsabilité.
M. Neveu: Je voudrais ajouter un certain nombre de choses aussi.
Tout le monde partage l'idée d'un code d'éthique. On a dit que ce
devrait être un consensus impliquant toutes les parties. On est d'accord
avec cela, bien sûr. Ce qu'on dit, c'est que le document qui nous est
produit ne tient certainement pas d'un code d'éthique. Vous avouez ne
pas en avoir pris connaissance. Je pourrai vous en donner des copies.
Il y a un certain nombre d'erreurs fondamentales là-dedans. Le
discours syndical rejette la loi 72, revient à la loi 59, revient au
rapport Picard et dit: La responsabilité de déterminer les
services essentiels appartient en totalité aux syndicats. C'est cela que
le syndicat demande et réclame. Tout le code d'éthique est
basé là-dessus. Conséquemment, il y a deux choses que le
syndicat dit: Pendant la grève, confiez-nous la gestion de vos
établissements; lisez la mécanique qui est ici et c'est à
cela que ça équivaut. Je caricature peut-être de
façon grossière, mais lisez-la et cela dit: Donnez-nous la
gestion des établissements. Nous allons déterminer le nombre de
salariés, mais de la façon suivante: On va d'abord... C'est cela,
l'inversion, parce que la loi 72 dit que c'est aux salariés d'assurer
les services essentiels. Le truc de cette affaire, c'est de dire: D'accord,
donnez-nous les cadres, donnez-nous les bénévoles, donnez-nous
les syndicables non syndiqués, on va les "dispatcher" dans
l'établissement. On va leur donner le travail à faire et,
là, c'est d'abord vous qui allez assumer les services essentiels. Si,
après cela, il manque encore du monde, là, on ajoutera des
salariés. C'est l'inversion.
Le Président (M. Lachance): À ce moment-ci, je dois
vous signaler qu'il est 13 heures. Il faudrait un consentement s'il y a
désir de continuer les travaux; sinon, il faudrait mettre fin aux
travaux maintenant.
M. Clair: Peut-être un mot, M. le Président. Je
voudrais simplement dire aux associations patronales du domaine de la
santé, l'AHQ, de même que celles qui sont présentes
devant nous, que les mots employés tantôt par M. Cloutier, je
crois: une réforme raisonnable, le résultat d'un compromis, cela
m'apparaît être effectivement ce qui est fondamental dans cette
réforme du régime de négociation. Je tiens à
souligner que, sans l'esprit de compromis entre les différentes
associations patronales qui étaient devant nous ce matin, elles ne
seraient pas venues avec une position commune, chacune ayant des positions
différentes quant à certains contenus de la réforme du
régime de négociation. Je pense qu'elles ont elles-mêmes
fait preuve de raisonnabilité et d'un sens du compromis en se regroupant
ainsi pour présenter un seul mémoire et avoir une position
commune à l'égard de la réforme du régime de
négociation. Je les en remercie. Bonne fin de journée.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, comme porte-parole de mon
groupe, je voudrais remercier bien sincèrement les groupes qui se sont
réunis pour réagir ensemble en regard du projet de loi 37.
L'échange s'était très bien amorcé avec plusieurs
d'entre vous . lors de l'étude de l'avant-projet de loi. IL s'est
poursuivi aujourd'hui de façon utile et intéressante avec mon
collègue de Brome-Missisquoi. Je retiens que vous êtes
partiellement satisfaits. Par contre, il y a d'autres parties du projet de loi
qui demeurent sujettes à caution en ce qui vous concerne. Soyez
assurés que nous continuerons non seulement nos réflexions, mais
aussi nos actions et nos représentations plus particulièrement
sur le volet jugé discutable par votre témoignage de ce matin.
Bonne chance.
Le Président (M. Lachance): Mesdames, messieurs, merci
pour votre participation aux travaux de cette commission. La commission du
budget et de l'administration ajourne ses travaux à cet
après-midi, après la période des affaires courantes, alors
que nous entendrons des porte-parole de la Coalition pour le droit de
négocier.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 16 h 33)
Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de
l'administration se réunit avec le mandat de procéder à
des consultations particulières portant sur le projet de loi 37, Loi sur
le régime de négociation des conventions collectives dans les
secteurs public et parapublic.
Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à toutes les personnes
qui nous rendent visite cet après-midi pour participer aux travaux de
cette commission et indiquer que, après une entente entre les deux
formations politiques, il a été convenu de passer droit à
l'heure du lunch, sauf peut-être une brève interruption de dix,
quinze minutes, et de terminer les travaux entre 19 h 30 et 20 heures.
Coalition pour la défense du droit de
négocier
Je demanderais maintenant aux différents porte-parole de bien
vouloir, s'il vous plaît, s'identifier, en commençant par ma
droite.
Mme Goyette (Monique): Monique Goyette, du Cartel des organismes
professionnels de la santé.
Le Président (M. Lachance): Si vous voulez, pour le
Journal des débats, peut-être qu'on pourrait faire déplacer
un microphone.
Mme Goyette: D'accord. Monique Goyette, du Cartel des organismes
professionnels de la santé.
M. Palumbo (Michael): Michael Palumbo, Provincial Association of
Catholic Teachers.
M. Perron (Luc): Luc Perron, Syndicat des professeurs de
l'État du Québec.
Mme Préfontaine (Nicole): Nicole Préfontaine,
Fédération québécoise des infirmières et
infirmiers.
M. Cadieux (Louis-André): Louis-André Cadieux,
SPGQ.
M. Harguindeguy (Jean-Louis): Jean-Louis Harguindeguy, Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec.
M. Weiner (Harvey): Harvey Weiner, Association provinciale des
enseignants protestants du Québec.
M. Charbonneau (Yvon): Yvon Char-bonneau, Centrale de
l'enseignement du Québec.
M. Larose (Gérald): Gérald Larose,
Confédération des syndicats nationaux.
M. Laberge (Louis): Louis Laberge, FTQ.
Mme Pelletier (Hélène): Hélène
Pelletier, Fédération des syndicats professionnels
d'infirmières et infirmiers du Québec.
M. Gingras (Claude): Claude Gingras, de la Centrale des syndicats
démocratiques.
Mme Weaver (Hélène): Hélène Weaver,
Fédération des infirmières et infirmiers unis
incorporée.
M. Gerbeau (Claude): Claude Gerbeau, Fédération des
professionnels et professionnelles des services éducatifs du
Québec, au niveau des Commissions scolaires.
M. Massé (Henri): Henri Massé,
Fédération des travailleurs du Québec.
Le Président (M. Lachance): Merci. Est-ce qu'il y a un
porte-parole ou bien si...
M. Laberge: Nous avons plusieurs porte-parole.
Le Président (M. Lachance): Comme les parlementaires n'ont
pas eu l'occasion de prendre connaissance du mémoire conjoint que vous
présentez, on pourrait avoir une période plus longue que
d'habitude, de 45 minutes à une heure, si vous le désirez, pour
nous faire connaître votre point de vue sur le projet de loi 37 et,
ensuite pour échanger des propos avec les parlementaires.
M. Laberge: Justement, M. le Président, avec les heures
que nous croyions avoir devant la commission parlementaire, on aurait
pensé que, de 16 heures à 18 heures, il y aurait eu la
présentation du mémoire. Ensuite, en reprenant à 20
heures, de 20 heures à 22 heures, il y aurait eu la période des
questions qui aurait peut-être pu se prolonger jusqu'à 22 h 15, 22
h 30, 23 heures. Maintenant, vous nous dites qu'on va procéder
jusqu'à 8 heures, c'est cela?
Le Président (M. Lachance): C'est cela, oui.
M. Laberge: Ou 20 heures, comme vous dites.
Le Président (M. Lachance): Oui.
M. Laberge: Cela veut dire 8 heures quand même?
Le Président (M. Lachance): À peu près,
oui.
M. Pagé: M. le Président, si vous me le
permettez.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: On avait évoqué cette
possibilité, plutôt que d'ajourner nos travaux pour l'heure du
dîner, entre 18 heures et 20 heures, de continuer jusqu'à 20
heures. Soit dit en passant, cela vous permet de prendre les nouvelles de 18
heures et les nouvelles de 22 heures.
M. Laberge: Écoutez, pour une fois qu'on a la chance
d'avoir tout ce beau monde-là devant nous, on ne manquera pas
l'occasion.
M. Pagé: Nous aussi.
M. Laberge: M. le Président, nous sommes prêts
à procéder.
Le Président (M. Lachance): Alors, nous vous
écoutons.
M. Laberge: M. le Président, messieurs les ministres -
parce que je vois qu'il y en a quelques-uns - mesdames et messieurs membres de
cette commission parlementaire, je pense que c'est un événement
historique, en quelque sorte, que nous vivons aujourd'hui. 366 000
travailleuses et travailleurs du secteur public qui font partie d'un tas de
syndicats et d'associations différents et qui ont décidé,
par rapport à une attaque de front, malgré les divergences et
malgré tous les problèmes que nous pouvons connaître, les
organisations les unes envers les autres, de se regrouper et de former la
Coalition pour la défense du droit de négocier des travailleuses
et des travailleurs du secteur public.
Le ministre Clair et les autres aussi, je pense bien, sont très
au courant que nous avons fait des démarches depuis fort longtemps. Ce
ne sont pas des démarches de dernière minute. Nous avons fait des
démarches très tôt, en 1984, pour essayer de convaincre le
gouvernement de nous rencontrer pour voir s'il n'y aurait pas moyen, en
discutant, de se rapprocher pour un changement du régime de
négociation du secteur public.
Je dois vous dire que, dès le départ, on ne s'est pas
opposé à un changement comme tel. On a dit: Vous voulez un
changement, parfait! Nous sommes prêts à regarder, nous sommes
prêts à discuter. Nous avons effectivement, à tour de
rôle, au cours du printemps 1984, rencontré le ministre
responsable et le premier ministre. Nous avons fait des suggestions et,
finalement, en juin, on a eu une lettre nous disant qu'à un retour de
voyage quelconque - dont je ne me souviens plus, cela n'a pas tellement
d'importance, je ne pense pas - ils étaient pour entrer en communication
avec les centrales syndicales et voir s'il y n'y avait pas moyen de se
rencontrer et de discuter de toute cette question.
En fait, il y a eu des rencontres, en septembre et en octobre, entre
plusieurs ministres - de temps à autre, le premier
ministre - et les trois principales centrales syndicales, au
début, pour voir s'il n'y avait pas moyen de se rapprocher sur un
changement du régime de négociation dans les secteurs public et
parapublic.
C'est avec un peu de stupeur qu'au mois de décembre on voit le
projet de loi déposé. L'avant-projet de loi étant
déposé, les positions devenaient quand même un peu plus
claires. Et c'est là que nous nous sommes rencontrés avec les
différents syndicats et associations des secteurs public et parapublic
et décidé, d'un commun accord, de former cette Coallition pour la
défense des droits des travailleuses et des travailleurs des secteurs
public et parapublic.
Il y a eu une commission parlementaire. Il y en a qui ont paru un peu
offusqués parce que la FTQ avait décidé de ne pas se
présenter à la commission parlementaire. Il faut se rappeler que
c'était le dépôt d'un avant-projet de loi. Ce qui est
différent d'aujourd'hui: c'est maintenant un projet de loi. Et
même si le ministre nous a dit qu'en dehors de virgules et de points il
n'y aurait pas grand-chose qui serait changé, nous pensons encore
qu'à une commission parlementaire formée de membres de
l'Opposition aussi bien que de membres du parti gouvernemental, peut-être
- peut-être! - qu'à force d'expliquer les choses et de donner
notre point de vue, nous espérons qu'il se changera plus que des points
et des virgules dans le projet de loi. De toute façon, c'est là
que nous en sommes.
Il y a eu des changements d'apportés au cours de toutes ces
discussions, c'est bien évident. Je pense même que le ministre a
dit lui-même à quelques reprises que parfois on semblait beaucoup
plus près d'un accord et que parfois on semblait éloignés.
Le projet de loi, tel qu'il est devant vous et devant nous maintenant, veut
dire la négation du droit à la négociation et du droit de
grève.
Nous reconnaissons et nous avons toujours reconnu que dans les secteurs
public et parapublic, et particulièrement dans le secteur des affaires
sociales, le droit de grève ne pouvait pas s'exercer comme sur un
chantier de construction, comme dans une usine, comme dans un bureau. C'est
sûr. On a toujours parlé de respecter les services essentiels.
Nous en parlons toujours. Si vous voulez établir des planchers, nous
trouvons que c'est une formule tellement rigide qu'elle deviendra une camisole
de force qui empêchera les services essentiels d'être vraiment
assumés par les travailleurs et les travailleuses concernés.
Nous croyons que le Québec est en train de faire un immense pas
en arrière. Il est bien évident que le gouvernement peut, s'il a
la détermination voulue, faire adopter son projet de loi tel quel. C'est
bien évident. La Coalition ne sait pas encore quels seront les moyens
d'action qu'elle entreprendra pour combattre le projet de loi. Une chose est
sûre: nous n'acceptons pas le projet de loi. Vous allez peut-être
nous l'imposer, mais nous ne l'acceptons pas. Si ce n'est pas dans les jours et
les semaines qui suivent que la Coalition prendra les actions voulues pour
convaincre tout le monde que le projet de loi n'est pas applicable - enfin! il
sera devenu loi à ce moment-là, bien sûr - le temps se
chargera de démontrer à tout le monde que c'est vraiment un pas
vers l'arrière et que, loin de régler des problèmes, il
nous mène très directement à un affrontement, ce que
semblait vouloir éviter le ministre responsable.
Je dois vous faire remarquer que les derniers affrontements qu'il y a eu
dans les négociations des secteurs public et parapublic ne sont pas
venus des syndicats. Je vous fais remarquer qu'il y avait une convention en
bonne et due forme, dûment signée. C'est le gouvernement qui a
voulu mettre la hache là-dedans! Nous avons subi le revirement du
gouvernement qui avait signé la convention collective et qui a voulu
gruger dans les choses qui avaient été concédées
lors des dernières négociations. Au lieu de vouloir nous
interdire les possibilités d'un affrontement, je me demande si le
gouvernement n'aurait pas dû se regarder davantage et s'imposer des
limites afin d'éviter les affrontements.
De toute façon, nous croyons que le projet de loi 37 ne
fonctionnera pas. Le droit à la véritable négociation une
fois sur trois, avec un institut... Et mon Dieu, pourquoi encore fafiner sur
l'institut, alors que nous sommes tous d'accord pour qu'il y ait un institut de
recherche. On a dit: Un institut de recherche paritairement composé,
autant du côté patronal que du côté syndical, un
président choisi par les parties qui fait des recherches et qui rend ses
rapports publics dans les circonstances, le jeu devient très petit, le
"gamble" du gouvernement n'est pas bien grand. Il y aura peut-être des
obstinations sur 1/2 % ou 1/4 % ou des choses semblables. Mais, l'institut de
recherche, si c'est sérieux, si cela obtient la
crédibilité des gens, ni le mouvement syndical, ni le
gouvernement, ni personne ne pourront passer bien bien à
côté des recommandations et des résultats des recherches
faites par cet institut de recherche. Mais pourquoi s'obstiner à vouloir
nommer trois membres qui vont en faire un institut de recherche gouvernemental
patronal plutôt qu'un institut de recherche absolument indépendant
et qui s'obtiendrait une crédibilité.
Les services essentiels, nous allons vous en parler dans les
détails. Nous croyons que le code d'éthique et, pour la
première fois, l'engagement de tous les syndicats oeuvrant dans les
secteurs public et parapublic
d'assumer les soins directs aux patients assureraient une bien meilleure
protection aux patients des hôpitaux, des centres d'accueil et de tout le
reste que des planchers. Enfin, nous aurons l'occasion de vous en parler.
Quant au régime de négociation, je vous fais remarquer
tout simplement en passant que le Canada est signataire du décret du
Bureau international du travail qui reconnaît que tous les travailleurs
et toutes les travailleuses, même du secteur public, ont le droit de
négocier. La loi 37 nous enlève ce droit de négocier. Nous
avons toujours dit que nous croyons à la décentralisation, mais
nous croyons que cela devrait partir des tables centrales, et convenu entre les
représentants patronaux et les représentants syndicats de ce qui
devrait descendre aux tables locales pour être aménagé,
arrangé, etc.
Tout ceci pour vous dire, M. le Président, que nous nous
présentons devant vous, bien sûr dans le respect des traditions
parlementaires, dans le respect des traditions démocratiques. C'est
très différent de la dernière fois où nous avions
un avant-projet de loi. Là, nous avons un projet de loi, donc une
volonté du gouvernement de légiférer. Nous nous
présentons devant vous, malgré les déclarations du
ministre responsable, en espérant que le projet sera amendé, que
les parlementaires voudront bien regarder ce qui nous divise encore, qui n'est
pas énorme dans le fond, mais qui est d'une importance capitale, puisque
cela se résume à ce qu'il y aura au moins, dans le bas mot, 366
000 travailleuses et travailleurs au Québec à qui on refuse le
droit de négocier. Est-ce qu'il y aura 366 000 travailleuses et
travailleurs au Québec qui, à partir de maintenant, seront
rattachés à des mécanismes automatiques qui viendront
régir leurs conditions de travail? Il faut bien comprendre, et je
termine là-dessus, M. le Président, que sur les 366 000
travailleurs et travailleuses, 75 % à 80 % sont des femmes. Ce n'est pas
vrai que ces femmes peuvent espérer qu'en faisant des comparaisons avec
le secteur privé où les différences entre les hommes et
les femmes sont énormes encore - le seul endroit où les femmes
ont réussi à regagner un peu, cela a été dans le
secteur public - qu'à l'avenir, alors que leurs conditions, leurs
salaires seront presque rivés au secteur privé, elles pourront
garder espoir que dans le secteur public, elles pourront au moins donner
l'exemple de choses qui pourraient être faites pour les femmes.
Alors, M. le Président, nous vous demandons maintenant de
permettre aux différents porte-parole de passer à travers le
mémoire de façon assez brève, mais afin que vous en ayez
suffisamment connaissance.
M. Charboneau (Yvon): M. le Pré- sident, M. le ministre du
Travail du secteur public, mesdames et messieurs de la commission
parlementaire. Ma tâche, à ce moment-ci, est de vous
résumer le chapitre premier du mémoire. Donc, je suis à la
page 9.
Nous pensons qu'un véritable régime de relations du
travail doit favoriser la recherche du consensus entre les parties d'abord sur
les règles du jeu. On doit aussi respecter le droit de se syndiquer, le
droit de négocier véritablement les conditions de travail,
permettre l'existence d'un rapport de forces, reconnaître le droit de
grève et assurer le respect des services essentiels. Voilà cinq
traits sur lesquels nous allons revenir un par un.
D'abord la recherche du consensus. Nous avons cru comprendre, dans le
texte qui a lancé tout ce débat, lequel a été
signé par le ministre Clair au mois de mai dernier, nous avons cru
saisir un appel à un nouveau pacte quant aux règles du jeu en
matière de relations du travail dans le secteur. Or, ce que nous avons
constaté tout au long de cette année qui s'est
écoulée, c'est que le ministre n'a pas dérogé de
ses idées de base. Et il n'est pas possible, au terme de cette
année, de constater un accord des parties sur les règles du jeu.
Il n'y a pas de consensus sur les règles du jeu, sur les règles
de la négociation dans le secteur public.
Ce que nous constatons, avec le dépôt du projet de loi,
c'est que le gouvernement veut imposer ses règles du jeu, et ces
règles du jeu comportent des entorses ou des attaques substantielles au
droit même de négocier, notamment sur la question salariale, ce
qui est absolument inconcevable, et sur bien d'autres aspects aussi. Donc, en
partant, on constate la trajectoire d'un gouvernement qui cherche à se
donner raison d'une manière permanente et à pouvoir
décréter, à sa guise, un bon nombre de nos conditions de
travail dont les plus essentielles comme les salaires et bien d'autres.
Le droit de se syndiquer et de négocier. Bien sûr, le
gouvernement n'attaque pas carrément le droit de négocier, pas
nommément, mais l'effet est le même. Quand on attaque le droit de
conduire de véritables négociations sur les salaires, pendant
deux ans sur trois où le gouvernement pourra faire à sa guise
à toutes fins utiles, quand on attaque le droit de négocier
véritablement beaucoup de conditions de travail à
différents niveaux, on essaie de dévaloriser, finalement, la
syndicalisation comme telle.
Nous pensons que le gouvernement aurait eu tout intérêt
à reconnaître que la négociation, c'est à peu
près ce qu'il y a de plus civilisé qu'on a pu trouver pour
définir un régime de relations du travail. Si ce n'est pas la
négociation, c'est l'imposition. La
négociation, c'est la recherche de la conciliation des
intérêts divergents ou différents entre des parties. Quand
cela n'existe plus, on n'est pas loin d'avancer vers la barbarie. Le
gouvernement préfère organiser un système où il
pourra se donner raison tout le temps, enfin en apparence.
Il faut aussi être assez réaliste pour savoir que les
problèmes se règlent, en relations du travail, lorsque les
parties constatent qu'il y a plus d'avantages à les régler
qu'à les laisser traîner. Or, nous qui avons beaucoup
d'expérience - je le dis sans prétention, mais en nombre
d'années à tout le moins, à travers les diverses
organisations représentées ici - dans les rondes de
négociation, ce qui n'est peut-être pas le cas du ministre, dans
les relations du travail du secteur public, nous savons que les
problèmes se règlent lorsqu'il y a plus d'intérêt
à les régler qu'à les laisser traîner. Nous savons
cela d'expérience. Certains de vos collègues aussi le savent
très bien.
À ce moment-ci, vous avez pris le parti de ne pas les laisser
traîner, mais de les régler tous à votre guise ou à
peu près. Cela ne fera pas un bon régime de relations du travail.
Le rapport de forces, dans votre discours officiel, vous dites que c'est un
vieux terme, sauf que vous l'organisez pour qu'il joue pour vous seulement.
Voilà, je pense, quelque chose qui peut certainement être
le résumé d'une stratégie d'un homme qui met le feu dans
un système de relations du travail dans le public, calmement,
posément, mais qui, néanmoins, joue un peu le rôle d'un
pyromane dans le système.
La reconnaissance du droit de grève. C'est l'expression, c'est le
recours ultime que les travailleurs et les travailleuses que nous
représentons veulent avoir. On ne dit pas le recours à tous les
matins, à toutes les années, on dit: Le recours ultime. Au moment
où vous bloquez toutes les avenues en recours comme celui-là ou
à peu près, vous allez provoquer des conflits encore plus graves,
et quand le couvercle va sauter, ce sera beaucoup plus grave que si
c'était dans le cours des règles normales du jeu. Cela, vous
devriez le reconnaître en homme réaliste que vous prétendez
être.
Le respect des services essentiels. Là-dessus, c'est une grande
déception de notre part que le gouvernement n'ait pas reconnu la
démarche importante que la coalition, que les syndicats ici
représentés ont faite de ce côté. On nous a beaucoup
parlé dans le passé, d'accrocs, d'erreurs de parcours et de
difficultés sur la question des services essentiels. On nous a beaucoup
parlé de la nécessité d'une responsabilisation de ce
côté-là. Vous pourrez voir, tout à l'heure, un
ensemble de propositions qui ont été élaborées -
cela a pris un certain temps, mais c'est fait - pour en arriver à
prendre nos responsabilités du côté de la dispensation de
services essentiels, advenant un arrêt de travail. Nous sommes
très déçus que le gouvernement n'ait pas enregistré
le mouvement qu'il y a là-dedans, mais qu'il préfère
encore une fois passer par une solution qui dicte les remèdes à
tout.
Nous avons été, dès le début de ce
débat, de ceux qui ont dit: II y a des problèmes dans le
régime et il y a des améliorations à y apporter. Nous
avons défini un certain nombre de propositions du côté de
l'aide aux parties en cours de conflit. Il est vrai que notre système,
tel que nous l'avons connu, ne prévoyait rien entre le début
d'une négociation et la fin pour aider les parties en cours de route.
Nous l'avons dit et nous avons suggéré des formules.
Nous avons certainement souligné des carences importantes du
côté de l'information disponible aux parties. Nous avons
proposé la mise sur pied d'outils pouvant produire de l'information
à la disposition des parties et selon les besoins des parties. Il se
peut que, en négociation, une partie ait besoin de certaines
informations dont une autre pense ne pas avoir besoin. Avec la formule de
l'institut, tel qu'il est en voie de se créer, cela prend
l'unanimité des 19 personnes pour passer une commande. Il se peut qu'un
partie ait besoin de quelque chose dont l'autre ne veuille pas. Ce n'est pas
cela que nous visions quand nous parlions de produire de l'information utile
aux diverses parties.
Nous avons des propositions importantes sur la question des services
essentiels. Je crois que beaucoup de ministres et beaucoup de personnes qui
sont en politique - nous le comprenons bien - sont sensibles à la
question des services essentiels et nous aussi, nous le sommes. Non seulement
nous sommes sensibles, mais nous avons élaboré quelque chose de
neuf. On aimerait que ce soit pris en considération et non balayé
du revers de la main comme cela semble l'être actuellement.
Si le gouvernement persiste dans la voie - je dois le qualifier; il y en
a qui diront que c'est peut-être exagéré, mais trouvez-moi
d'autres mots - autoritaire qu'il a entreprise sur cette question, il
sème la pagaille pour les prochaines rondes de négociations.
M. Larose: M. le Président, si la coalition veut
être claire par rapport à son appréciation du projet de loi
37, elle en arrive à la conclusion que vous ne faites pas oeuvre sociale
utile pour le Québec. Au contraire, vous militez intensivement pour un
recul, au Québec, sur plusieurs aspects.
Le premier aspect est sur la conception qu'on doit se faire des
principes fondamentaux qui guident une démocratie qui est d'abord
l'égalité des personnes. Le projet
de loi 37 propose que, au Québec, les syndiqués du secteur
public aient des règles et des droits différents des
syndiqués du secteur privé. On ne pense pas que c'est respecter
l'un des principes fondamentaux de la démocratie qui est
l'égalité des personnes.
Pour nous, le projet de loi 37 est aussi un recul sur les conditions de
travail des travailleuses et des travailleurs du secteur public. Je ne vous ai
pas entendu dire que vous faisiez un projet de loi comme celui-là pour
augmenter les salaires, pour multiplier les postes et pour alléger les
tâches. Je pense que le projet de loi 37 - c'est la conviction des 19
organisations - est le prolongement d'une détérioration
enclenchée depuis bon nombre d'année dans l'ensemble des
réseaux et qui dégrade les conditions de travail et de salaire
des employés du secteur public. C'est comme la phase finale d'une
dernière expérience traumatisante sur le plan social qui est
celle de 1982. C'est la proposition d'un régime de décret
permanent. Là-dessus c'est un recul, en même temps que c'est un
recul pour les services publics eux-mêmes et non seulement pour les
travailleuses et les travailleurs qui y travaillent. (17 heures)
II y a dans le projet de loi 37 la négation de la dynamique
sociale au Québec qui a fait que les travailleuses et les travailleurs
organisés nous ont forcés collectivement, pas seulement les
gouvernements mais l'opinion publique, l'ensemble des intervenants sociaux,
à nous doter de services potables tant dans le domaine de la
santé que dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la
fonction publique et même des sociétés d'État. On
n'a pas, comme organisation, été étrangère à
cette avancée au plan historique et vouloir affaiblir la capacité
d'intervention des organisations syndicales dans le secteur public, c'est
remettre en question, à notre avis, non seulement le maintien mais le
développement de ces acquis collectifs.
C'est un recul pour les femmes. On y a fait allusion. Je vous rappelle
que 80 % des femmes syndiquées au Québec le sont dans le secteur
public. Je vous rappelle que c'est le seul secteur où on a
réussi, où les femmes ont réussi à
rétrécir les inégalités salariales qui demeurent
encore à 17 % par rapport au secteur privé où elles sont
à 36 %. C'est le seul secteur où on a réussi
collectivement à réduire les écarts entre les hauts et les
bas salariés. C'est le seul secteur où socialement, je pense, on
est allé chercher des acquis importants qui ont fait qu'on a reconnu
l'importance sociale de la maternité, des congés de
maternité ou des congés parentaux.
On ne pense pas que ce soit en affaiblissant le secteur public,
syndiqué massivement du côté des femmes, qu'on va valoriser
les femmes du secteur privé.
Le projet de loi 37 fait partie d'une offensive, je pense, qui marque
des points, reconnaissons-le, depuis quelques années au Québec et
ailleurs, de l'idéologie patronale, qui en a toujours beaucoup contre
tout ce qui est instrument collectif, tout ce qui est loi sociale, tout ce qui
est droit des travailleurs et travailleuses. Le projet de loi 37 a pour effet
de renchausser ce camp bien identifié au Québec. C'est un projet
qui certainement, ils nous l'ont dit d'ailleurs, réjouit le
patronat.
Globalement pour nous, le projet de loi 37 ne vise pas seulement et
n'aura pas d'effet seulement pour les travailleuses et les travailleurs du
secteur public, mais aura des effets d'entraînement importants pour
l'ensemble du secteur syndiqué comme pour l'ensemble du secteur non
syndiqué, et l'ensemble de la population. Le projet de loi 37 pour nous,
c'est un recul et un recul pour le Québec.
Nous allons passer à partir de la page 21 à chacun des
points, et nous abordons déjà la décentralisation. C'est
M. Yvon Charbonneau qui va faire le premier morceau là-dessus.
M. Charbonneau (Yvon): Oui, du côté de
l'organisation des parties, je crois que c'est le début de toute ronde
de négociations. Qui négociera quoi et avec qui? Je crois que
c'est la première question. On abordera cette question, après le
secteur de l'éducation, du côté des affaires sociales, de
la fonction publique. Et après, on arrivera à la question des
salaires.
Dans le secteur de l'éducation - je suis à la page 25 du
mémoire - nous faisons état à la page 25 de la lecture que
nous avons du projet de loi quant à l'organisation de la
négociation d'abord pour le personnel enseignant des commissions
scolaires, pour le personnel enseignant et professionnel des collèges,
où le projet de loi prévoit la définition d'une liste de
sujets obligatoirement négociés localement, mais sans droit de
grève. Ces négociations pourraient avoir lieu en tout temps et se
terminer par le recours éventuel à un
médiateur-arbitre.
Ce projet de loi définit aussi, pour ce qui est du personnel de
soutien des commissions scolaires et des collèges et du personnel
professionnel des commissions scolaires, un système différent
ouvrant à des négociations locales, mais à partir d'une
liste de matières déterminées au niveau de la
négociation nationale. Des négociations locales cette fois,
cependant, dans le sens de négociations débouchant sur des
arrangements locaux. Pour ce qui est des commissions scolaires Crie et Kativik,
c'est un système différent aussi.
Nous voulons vous répéter certaines
propositions d'organisation des parties à la négociation
qui nous sembleraient plus fonctionnelles et qui, à notre avis,
s'inscrivent encore mieux dans la perspective de décentralisation
qu'affiche souvent le gouvernement, du moins pour ce qui est du personnel
enseignant des commissions scolaires.
Je suis à la page 26. Nous constatons qu'à travers les
années il s'est instauré là un mode de négociation,
à toutes fins utiles, à deux paliers. L'importance du palier
local a varié selon les rondes de négociation, mais il s'est
structuré là un mode à deux paliers, et je crois que cela
correspond à la réalité d'organisation de ce secteur de
l'enseignement.
Nous pensons qu'il y a intérêt à ce qu'il y ait une
véritable négociation sur le plan local, pour ce qui est des
enseignants et enseignantes des commissions scolaires, sur tout ce qui a trait
au champ de l'organisation du travail et du mouvement de personnel. Nous
pensons qu'une véritable négociation locale doit aussi envisager
le droit de grève comme recours ultime des salariés. Ce recours,
d'ailleurs, n'a pas été écarté d'un projet
d'entente qu'avait considéré la Fédération des
commissions scolaires et le ministre de l'Éducation assez
récemment.
Nous pensons que la formule du projet de loi pose des problèmes.
D'abord les objets de négociation locale seraient
décrétés par le gouvernement, enfin, par le biais d'une
annexe au projet de loi. Ils seraient donc définis par une partie
seulement au lieu d'être convenus. Voilà un mauvais départ.
Il vaudrait mieux s'entendre sur les objets qui devraient être de
compétence locale. Nous pensons aussi que ces objets, une fois
définis, pourraient avoir un certain caractère de permanence et
constituer un modèle de relations du travail dans ce domaine.
Les délais. Selon les termes du projet de loi, la
négociation locale pourrait avoir lieu en tout temps. Cependant,
l'entente ne pourrait être à nouveau négociée avant
deux ans sans l'accord des deux parties. Qu'advient-il de ces ententes au
moment de la signature d'une convention collective nationale? L'obligation de
négocier à un moment précis est pour le moins
douteuse.
La question du médiateur-arbitre comme point terminal de cette
négociation. Tout d'abord, il faut bien lire et faire les liens qu'il
faut entre divers articles du projet de loi et s'apercevoir que ce recours au
médiateur-arbitre est tout à fait, finalement,
discrétionnaire et laissé entre les mains du ministre. Une partie
peut demander au ministre du Travail de désigner un
médiateur-arbitre. Le ministre a un pouvoir discrétionnaire
d'accéder à cette demande. Et advenant que le ministre ait
désigné un tel médiateur-arbitre et que le
désaccord persiste après 30 jours, les parties pourraient, d'un
commun accord, demander au médiateur-arbitre de trancher le litige.
Donc, on s'aperçoit qu'il faut toujours l'autorisation de la
partie patronale à toutes les étapes ou du gouvernement s'il
s'agit de la désignation du médiateur-arbitre, ou de la partie
patronale s'il s'agit de demander au médiateur-arbitre de trancher,
d'arbitrer. Il faut l'autorisation de la partie patronale. À ce moment,
nous doutons tout à fait du bon sens de cette formule qui, encore une
fois, est complètement unilatérale et donne tous les moyens
à un seul côté de la table seulement. C'est une autre
affaire qui n'a pas de bon sens. Les gens n'auront pas d'intérêt
à négocier dans un système comme cela. Il n'y a pas de
droit de grève d'un côté et, d'un autre côté,
cela prend la permission de la partie patronale pour demander à
l'arbitre de trancher. Franchement, c'est le gouvernement qui essaie de se
donner raison sur toute la ligne, de se donner raison à lui-même
ou à ses partenaires.
Évidemment, dans un contexte comme celui-là, nous allons
être très peu intéressés à une forme de
pseudo-négociation, à une caricature, à un simulacre de
négociation au plan local. Vraiment, à ce moment, le gouvernement
contredit sa propre démarche de décentralisation; il la met dans
la vitrine et la vide de sa substance par l'arrière. C'est une affaire
qui n'a pas de bon sens.
Alors, la proposition que nous faisons est à la page 28. Pour ce
qui est des enseignants et enseignantes de commissions scolaires, une
véritable négociation locale doit exister selon les
mécanismes prévus au Code du travail. Celle-ci devrait porter sur
une liste permanente d'objets convenue entre les parties au niveau national et
pouvant, par la suite, être modifiée avec l'accord des parties -
cela permet un caractère évolutif aussi - et différents
mécanismes de rapprochement entre les parties pourraient être
envisagés et convenus avant le recours à la grève. Cette
proposition aurait l'avantage de prendre en considération
l'expérience accumulée à travers les années et de
s'inscrire dans une logique de véritable décentralisation, ainsi
que nous le laissait espérer le projet de loi 3, par exemple,
adopté en décembre dernier et auquel nous avons souscrit -
certains ministres s'en souviendront avec bonheur et rareté - et pour
lequel nous avons dit que nous ferions un essai loyal, justement, en vertu de
la question de la décentralisation. Mais le ministre collègue,
lui, dit: Oubliez cela, c'était pour un bout de la discussion; pour
l'autre bout, maintenant, on va vider cela de sa substance.
Pour ce qui est du personnel de soutien des collèges et des
commissions scolaires, et pour le personnel professionnel des
commissions scolaires, nous trouvons que rénumération des
matières, qui est à l'annexe B du projet de loi, devrait
être reprise et faire l'objet de discussions et non l'objet d'une loi.
Elle devrait faire l'objet d'un accord. Nous sommes d'avis, bien sûr, que
certaines dispositions des conventions collectives nationales puissent
être aménagées au niveau local - de ce
côté-là, ça va - pour permettre une évolution
tenant compte de l'expérience acquise. Nous croyons que ce sont les
parties à chaque négociation nationale qui devraient
définir le cadre et la portée des arrangements locaux, les
parties qui définissent le système.
Pour ce qui est des commissions scolaires Crie et Kativik, qui sont
certainement un cas spécial, étant donné les ententes
particulières dites de la Baie James, nous croyons qu'il y a du temps
qui s'est écoulé, il y a de l'expérience qui s'est
accumulée de ce côté-ià, et que nous devrions
envisager un régime de négociation du même type pour ces
commissions scolaires, quitte à aménager le partage des
matières d'une manière adaptée aux conditions nordiques,
si tel est le constat auquel en arrivent les parties. Actuellement, ce sont des
systèmes de comités patronaux spéciaux, à
côté du système général. Nous pensons qu'il
faudrait réintégrer cela à l'intérieur et adapter
les matières, et non pas faire un régime d'exception au point de
départ.
M. Larose: Pour les cégeps, votre proposition a pour effet
de décentraliser au-delà de la moitié de la convention
collective au plan local; pour les enseignants et les professionnels,
négociation sans droit de grève et négociation avec des
gens qui ne sont pas élus, et surtout des gens à qui on dicte de
l'extérieur ou d'en haut les enveloppes budgétaires à
partir desquelles il devront gérer leurs établissements. Nous
pensons que la négociation dans les cégeps, tant pour les
professionnels que pour les enseignants, devrait se faire à une table
sectorielle, avec disposition convenue d'arrangements locaux. C'est notre
proposition. On pense que les cégeps et les enseignants, cela doit se
ressembler un peu d'un cégep à l'autre et qu'habituellement, pour
des caractéristiques particulières, il est possible, à
travers les arrangements locaux, de s'adapter aux caractéristiques
particulières. Il y aurait là moins de danger de
disparités régionales, il y aurait là moins de danger, je
dirais, de développement de la privatisation d'un certain nombre
d'aspects au niveau des cégeps. En plus, il faut dire que les effets de
la négociation locale durent deux ans et ceux de la négociation
nationale trois ans. À partir de quand la convention collective
va-t-elle exister? Il y a une désynchronisation dans l'ensemble de vos
propositions en termes de décentralisation. Pour le cas des
professionnels, nous serons dans la joyeuse situation suivante: pour 700
personnes, il y aura 50 tables de négociation et, normalement, un
syndicat qui travaille dans la normalité a au moins trois
représentants syndicaux. II y aura donc au minimum 150 personnes, des
professionnels, à 50 tables différentes, pour représenter
600 personnes. On trouve que le quota est un peu fort. Que 20 % du "staff"
soient obligés de négocier, on trouve qu'il y a là quelque
chose, un défi important pour les organisations syndicales, mais nous
pensons que c'est du gaspillage érigé en système. Un
psychologue à Gaspé et un autre à Hochelaga-Maisonneuve,
cela se peut qu'ils ne soient pas allés à la même
université, mais se peut-il qu'ils parlent tous les deux de psychologie
et qu'ils traitent les délinquants à peu près de la
même façon? La proposition est un peu cul par-dessus tête
sur ces aspects. On pense qu'une négociation sectorielle, avec
possibilité de décentraliser sur des arrangements locaux, cela
maintiendrait, je dirais, l'harmonie dans l'ensemble du réseau et cela
permettrait de satisfaire aux besoins un peu plus particuliers des
différentes régions ou des différentes situations. Louis
va nous parler des affaires sociales. (17 h 15)
M. Laberge: Dans le secteur des affaires sociales, c'est un peu
le même scénario, très compliqué: une table
centrale, ce qui est complètement nouveau - avant, il y avait une table
centrale des affaires sociales correspondant à la représentation
de chaque centrale syndicale - cinq secteurs: hôpitaux publics, centres
d'accueil publics, centres locaux de services communautaires, centres de
services sociaux, établissements privés conventionnés. Pas
trop mal! Pourvu qu'aux tables centrales, dites nationales, des affaires
sociales, c'est là que puisse se décider ce qui pourrait
être discuté dans les cinq secteurs mentionnés. Autrement,
c'est la négation même, pour la vaste majorité des tables
qui décideraient que le mouvement de personnel devrait être
discuté aux tables centrales - si une seule table d'un seul secteur s'y
oppose, cela ne peut pas aller à la table centrale - c'est la
négation, mais vraiment, de la négociation dans ces
secteurs-là.
Ce que nous proposons, c'est que, pour les travailleurs et les
travailleuses des affaires sociales, comme ailleurs, l'essentiel de la
négociation se déroule aux tables "affaires sociales"
correspondant à chaque partie syndicale négociable; que les
tables sous-sectorielles correspondant aux différentes catégories
d'établissements aient une reconnaissance légale - nous sommes
d'accord - que les objets référés à ces tables
le soient, à la suite d'une entente à cet effet entre les
parties patronales et syndicales, à la table des affaires sociales; que
la liste des matières devant faire l'objet d'arrangements locaux soit
définie au niveau national à chaque négociation.
M. Harguindeguy: Pour ce qui est de la fonction publique, nous
nous adressons à vous à deux titres: d'abord, comme
législateurs, et également comme patron, puisque nous relevons
directement de vos décisions. Pour vos propres employés, qui sont
les éternels oubliés des diverses réformes dans le domaine
des relations du travail, les restrictions que va nous imposer le projet de loi
37, ajoutées à celles qui sont déjà contenues dans
la Loi sur la fonction publique, ainsi qu'un vaste nombre de règlements
et de directives qui en découlent, font en sorte que, pour nous,
travailleurs et travailleuses de la fonction publique du Québec, le
droit à la négociation devient, à toutes fins utiles,
symbolique, contrairement, d'ailleurs, aux recommandations de la commission
Bisaillon que l'Assemblée nationale avait cru opportun de créer,
il y a quelques années, et contrairement aussi aux engagements formels
pris par la ministre de la Fonction publique en 1983, dans le cadre de
l'étude de la Loi sur la fonction publique. Le projet de loi 37
maintient, à toutes fins utiles, le régime d'exception auquel
nous sommes actuellement assujettis.
Nous profitons à nouveau de ce débat pour vous rappeler
les diverses revendications que nous avons maintes fois formulées par
l'entremise de mémoires déposés ici et également
appuyés, maintenant, par la coalition, revendications qui ne nous
semblent pas avoir été prises en considération, tant par
les membres de l'Assemblée nationale -vous-mêmes - que par les
hauts fonctionnaires, qui nous semblent avoir la haute main ou la mainmise sur
l'application et l'orientation à donner à la fonction
publique.
Nous demandons donc que la Loi sur la fonction publique soit
modifiée pour nous permettre de négocier l'ensemble de nos
conditions de travail, et ce, pour tous les employés et employées
de la fonction publique, à quelque niveau que ce soit.
Nous demandons, d'autre part, que la classification des emplois soit
négociable puisqu'on peut difficilement concevoir que, si la
rémunération est négociable, la partie sur laquelle est
basée une telle rémunération sur la classification ne le
soit pas, puisque la rémunération est strictement établie
en fonction des plans de classification. Le fait de nous refuser de
négocier la classification, quant à nous, équivaut
à nier le droit de négocier les salaires pour les employés
de la fonction publique.
D'autre part, les pouvoirs régle- mentaires que le Conseil du
trésor, qui est notre employeur direct, possède et d'autres
organismes qui sont censés être neutres, tels la Commission de la
fonction publique et l'Office des ressources humaines, font en sorte que cela a
des implications, des restrictions additionnelles concernant la promotion ainsi
que toutes les matières qui sont relatives à la carrière
des employés. Nous estimons que ces restrictions devraient être
éliminées. Donc, toutes les modalités qui entourent la
promotion, l'approbation, l'acquisition de la permanence, la nomination et le
classement des employés devraient être dorénavant
négociées.
Nous croyons également que la loi devrait être
modifiée afin de déterminer que l'ensemble des recours, notamment
ceux des changements de grade, soient également soumis à la
négociation et déterminés par les parties.
Pour ce qui est des placements d'employés en
disponibilité, nous estimons que ceci devrait aussi se faire sur la base
de dispositions négociées. Dans les cas également
où des règlements chevauchent des dispositions qui sont contenues
dans nos conventions - et, depuis 1983, dans les décrets - nous croyons
que cela devrait également être des matières
négociables strictement pour les employés syndicables. Nous
songeons ainsi aux normes d'éthique, aux mesures disciplinaires et aux
diverses mesures administratives, et aux mesures traitant de la protection des
fonctionnaires.
Nous croyons également que, s'il y a un domaine après 20
ans d'expérience qui devrait être modifié, c'est
sûrement le régime syndical qui prévaut dans la fonction
publique. Le droit d'affiliation devrait être reconnu pour l'ensemble des
associations syndicales, comme également le droit à la
grève pour tous, y compris même les agents de la paix, sous
réserve des conditions qui nous sont d'ailleurs imposées en tant
que fonctionnaires, celles de maintenir certains services essentiels.
Nous croyons donc que le régime dont nous revendiquons la
négociation devrait être applicable à tous sans
distinction, que ce soient les agents de la paix, les professionnels, les
fonctionnaires, les ouvriers, les professeurs de l'État, enfin, tous
ceux qui relèvent directement de la fonction publique.
Nous croyons que la syndicalisation des employés de la fonction
publique, qui date des années 1960, compte tenu des résultats
obtenus notamment dans le fait de la rendre performante, moderne, efficace et
non partisane, devrait être continuée. Ce n'est que par voie de
négociation que nous estimons pouvoir le faire.
Nous croyons qu'en 1985, après plus de 20 ans d'expérience
des restrictions imposées actuellement, il serait temps que vous
accordiez le droit à toutes les catégories de travailleurs
et travailleuses d'avoir un statut identique à celui des autres
travailleurs et travailleuses du Québec, d'avoir des droits qui sont
reconnus à tous les autres citoyens. C'est pour cela que, d'une
façon bien simple, la seule chose que nous revendiquons, c'est que les
dispositions du Code du travail nous soient applicables de façon
intégrale.
Pour ce qui est des organismes gouvernementaux pour lesquels vous vous
êtes gardés également de grands pouvoirs, tout d'abord,
d'inclure ou d'exclure des organismes, nous estimons que ceci devrait se faire
après accord des parties. Également, nous croyons que leur droit
de négociation total et complet devrait être reconnu contrairement
à ce que vous proposez dans le projet de loi, dans les articles 75 et
suivants, où c'est le Conseil du trésor qui détermine les
matières et les mandats des organismes aux fins de la
négociation.
Le prochain, ce sont les salaires.
M. Laberge: Alors, M. le Président, sur la question des
salaires, je pense que, là, on en arrive vraiment au coeur du projet de
loi présenté, le droit de négocier les salaires.
Pouvez-vous me dire qui ne rirait pas des beaux discours que nous faisons au
Québec sur notre démocratie, sur le droit qu'ont les
travailleuses et les travailleurs de se syndiquer, si, d'un autre
côté, ils n'ont pas le droit de négocier leurs conditions
de travail, leurs salaires, leurs échelles de salaire, leurs
classifications? Bien sûr, le projet de loi reconnaît qu'une fois
tous les trois ans ce sera une véritable négociation. Mais, pour
les deux autres années, ce sera une imposition, ce sera un
décret. De la façon dont l'institut est proposé, il n'y a
personne qui va faire confiance à cet institut pour nous donner des
informations impartiales sur lesquelles on pourra se baser pour
présenter des arguments. Si je n'avais pas peur que le ministre ne se
ravise et enlève véritablement le droit de négocier au
moins un an sur trois, j'oserais quasiment lui dire que c'est pire, une
frustration accumulée pendant deux ans qui va se ramasser la
troisième année où on aura le droit de négocier. Il
me semble que ce n'est pas la meilleure formule pour éviter les
affrontements.
Encore une fois, j'y reviens parce que je pense que c'est le coeur du
projet de loi. Si on avait un institut vraiment indépendant du
gouvernement, un conseil d'administration des parties patronales et syndicales,
un président choisi par les parties, mais nommé par le
gouvernement, qui pourrait faire son travail, qui pourrait nous arriver avec
des résultats, faire des recommandations, cela aurait un poids
énorme sur les revendications syndicales, bien sûr, et sur les
propositions patronales. Cela ne pourra pas faire autrement que d'avoir un
poids énorme. Encore faut-il que tout le monde soit convaincu que ce ne
sera pas un organisme gouvernemental qui va servir les intérêts du
gouvernement. Rappelez-vous, au premier sommet économique de tous - je
pense que c'était à La Malbaie - cela nous est arrivé
là. Tout le monde y a souscrit. Bien sûr, un Pay Research Bureau,
tout le monde rêve de cela. C'est quelque chose qui peut faire avancer
les négociations, qui peut diminuer de beaucoup les différences
d'opinions qui peuvent exister entre les partenaires, parce que c'est un
institut qui, après des recherches sérieuses, nous arriverait et
dirait: Voici l'état de la situation. La rémunération
globale, qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que vous allez prendre l'ensemble
du secteur public, 366 000 travailleurs et travailleuses dans le secteur
privé et dire: Ils gagnent moins avec leurs conditions de travail? Bien
non, il faut qu'il y ait de vraies comparaisons pour nous permettre de pouvoir
agir.
Encore une fois, nous comprenons mal l'inquiétude du gouvernement
s'il y a un institut indépendant, sérieux, qui nous donne le
résultat de ses recherches. Nous comprenons mal l'hésitation du
gouvernement. Les différences ne pourront pas être énormes.
Je veux dire: La situation, voici ce qu'elle est, elle est là et c'est
tout. On ne pourra pas argumenter beaucoup si c'est un organisme
indépendant, sérieux, qui s'est bâti une
crédibilité.
Alors, nous croyons que la seule façon de reconnaître le
droit à la négociation des 366 000 travailleuses et travailleurs
des secteurs public et parapublic, c'est vraiment de leur donner le droit de
négocier une convention collective de trois ans en ce qui a trait
à la rémunération, à moins d'une situation bien
exceptionnelle où les parties pourront convenir que ce soit deux ans ou
un an.
M. Larose: On pourrait ajouter sur l'institut de recherche que
nous voulons un institut qui ne se substitue pas aux parties, nous voulons un
organisme qui soit au service des parties. Donc, quant à la composition,
cela suppose que ce soient des mandataires des organismes ou des parties, la
présidence étant choisie par les deux parties; il faut s'entendre
sur la présidence.
Deuxièmement, sur le mandat, on trouve qu'il est très
restrictif et le mécanisme de l'unanimité est sauté, si on
veut élargir le mandat, c'est-à-dire l'unanimité. On sait
très bien qu'à partir du moment où une des parties a
planté quelqu'un dans le conseil d'administration, c'est un droit de
veto à chacun des membres de ce conseil. Cela ne marchera jamais pour
prolonger... Autant dire que vous ne voulez pas prolonger le mandat, d'aucune
manière.
Une troisième chose, sur la rémunération globale.
Il ne faut pas créer d'illusion. Déjà, c'est assez
compliqué de ramasser toutes les données pour comparer les
salaires. Vouloir comparer ou avoir un concept de rémunération
globale qui inclue les assurances, les congés de maternité, la
fête du Canada, c'est très intéressant, mais on ne paie pas
Steinberg avec la fête du Canada. On paie encore Steinberg avec le
chèque qu'on reçoit du salaire qu'on donne.
Une dernière chose, qui est une coquille, à notre avis.
Pourquoi les gens qui composeraient cet institut seraient-ils des gens non
syndiqués, non syndicables? On nous dit que c'est à cause de
leurs fonctions confidentielles, alors que leur mandat premier est d'informer
le public. Cela va être compliqué tantôt. Ne pas les
syndiquer sous prétexte qu'ils font du travail confidentiel et le seul
mandat qu'on leur définit, c'est d'informer le public. En tout cas! Il
faudra nous expliquer cela un peu plus en détail si on veut
comprendre.
Autrement dit, on veut un organisme crédible, mais qui fonctionne
avec des mandataires et qui est au service des parties. La base de notre
philosophie pour l'ensemble de la critique du projet de loi 37, c'est qu'il
faut que ce soient les parties qui règlent. Les impositions de
l'extérieur, c'est du "focaillage" légalisé, mais cela ne
réglera jamais rien. Cela n'est pas vrai. Si on veut se faire des
petites histoires du passé, on va vous en parler quand on va parler des
services essentiels, mais, de l'extérieur, ne pensez pas régler
les problèmes si les parties ne conviennent pas de régler. Cela a
toujours été la philosophie des relations du travail et on ne
passera pas à côté de cela, pas plus dans le secteur public
que dans le secteur privé. (17 h 30)
Nous en serions à 3. 3, sur le règlement des
différends. C'est Harvey qui va nous faire ce premier bout.
M. Weiner: Merci. Je reprendrai les derniers propos de
Gérald parce que je pense, comme mes collègues ici, que le but
envisagé par la loi 37, ce n'est pas le but envisagé par la
population québécoise. Je pense que la population
québécoise souhaite des règlements négociés
avec un minimum de conflits et nous pensons que l'économie de la loi 37
va mener à des conflits et des décrets permanents. Au lieu
d'améliorer la possibilité de négocier des solutions aux
problèmes et de minimiser les possibilités de conflits, la loi 37
va effectivement dans le sens inverse.
Le gouvernement ne peut pas légiférer pour dire qu'il n'y
aura pas des problèmes à résoudre à l'avenir ou que
les problèmes, à l'avenir, vont être réglés
unilatéralement par la partie patronale. Ce n'est pas en supprimant le
droit de grève et en instaurant un régime de décrets
permanents que le gouvernement va empêcher Ies conflits de surgir. Bien
au contraire.
Nous soutenons que le droit de grève est indissociable du droit
d'association et du droit à la négociation. L'expérience
nous a démontré que, trop souvent, c'est seulement au moment
d'une grève ou sous la menace d'une grève que les employeurs
consentent des améliorations aux conditions de travail ou même
renoncent à certaines détériorations.
Effectivement, nous pensons que, comme travailleurs, on a
généralement réglé Ies problèmes sans avoir
recours à ce mcyen ultime. Le nombre total de jours de grève,
c'est très minime si on considère le nombre de conventions
collectives qui ont été négociées au provincial et
au local. C'est pourquoi nous avons proposé une formule pour tenter, par
exemple, de traiter les problèmes là où ils existent. Par
exemple, si je prends la situation des commissions scolaires pour les
enseignants, je pense qu'on peut démontrer qu'effectivement, dans 95 %,
sinon plus, des cas, on a réglé sans conflit. Comme enseignant,
je sais qu'une note de 95 %, c'est une bonne note, mais, apparemment, pour le
gouvernement, ce n'est pas suffisant.
Effectivement, dans ce secteur, on a trouvé une formule qui
conviendrait aux parties impliquées - comme Yvon Charbonneau l'a
indiqué - les commissions scolaires, les enseignants, les
syndiqués et le ministre de l'Éducation. Effectivement, cette
formule n'a pas été acceptée par le cabinet et on peut se
poser la question: Pourquoi? Même le ministre, quand M. Bisaillon, M.
Palumbo et moi-même l'avons rencontré le 19 mars, a
indiqué, comme enseignant, que, sur les dossiers lourds, sur les
fonctions et responsabilités des enseignants, sur les affectations et
les mutations, il n'est pas pensable que les enseignants n'aient pas un vrai
pouvoir de négociation. C'était dans le contexte d'une discussion
sur le nombre de matières qui devaient être
négociées au niveau local. Même le ministre a reconnu que,
sur ces deux dossiers, cela prend un vrai rapport de forces.
C'est pourquoi on voit dans ce projet de loi ce qu'on appelle une
médiation patronale. Une médiation patronale, cela ne peut pas
mener à une vraie négociation. C'est une tentative de
légitimer des décrets et cela, c'est inacceptable, pas seulement
pour les syndiqués, mais je pense aussi pour la population
québécoise.
C'est peut-être vrai que la population québécoise,
avec toute la propagande qui a été faite depuis des
années, est tannée des conflits qui surgissent ici et là,
même si c'est dans la minorité des cas. Mais la population
québécoise veut des règlements négociés.
C'est une société démocratique et
la population québécoise ne croit pas au décret
permanent. Selon les termes du projet de loi 37, le ministre du Travail peut,
à sa discrétion, nommer ou non un médiateur. Il n'y a
même pas de "dead line" prévu pour ce processus et on peut en
déduire que dans la pratique aucune grève ne pourrait être
déclarée sans le consentement soit du ministre du Travail, soit
de la partie patronale.
Nous nous opposons à ce que la médiation devienne une
étape obligatoire avant l'acquisition d'un droit de grève.
L'étape obligatoire de la conciliation a été abolie dans
le Code du travail et les motifs qui prévalaient alors valent encore
aujourd'hui. Nous ne pensons pas que c'est à la fin d'une période
intensive de négociation que les parties pourront conjointement
développer une procédure de médiation différente.
Nous nous opposons à ce que le médiateur soit nommé par le
ministre du Travail étant donné sa participation au Conseil des
ministres, ce qui le place en conflit d'intérêts.
Nous croyons qu'un système volontaire de médiation doit
être à la disposition des parties et nous estimons que la formule
la plus souple et la plus susceptible d'obtenir la confiance des parties est
celle d'un conseil de médiation constitué d'une personne
désignée par la partie patronale, d'une personne
désignée par la partie syndicale et d'une troisième
choisie d'un commun accord. À défaut d'entente, cette personne
devrait être désignée par le juge en chef du Tribunal du
travail.
Quant au mandat du conseil de médiation, nous appuyons la
recommandation du rapport Martin-Bouchard voulant qu'il se limite à
constater l'état des négociations, a tenter de rapprocher les
parties, à rendre public un exposé des faits et à demeurer
à la disposition des parties. En somme, nous voyons la médiation
comme une étape du processus de négociation qui doit faciliter la
conclusion des ententes et non pas venir alourdir davantage le processus en
retardant l'exercice des droits syndicaux, en ne lui faisant même pas la
promesse d'un règlement juste.
Nous proposons la mise en place d'un mécanisme de
médiation volontaire susceptible de faciliter la conclusion d'un
règlement. Le droit de grève ne devrait pas être
abandonné à cette procédure. Un conseil de
médiation devrait être constitué d'une personne
désignée, comme je l'ai déjà dit, par chacune des
parties et d'une troisième personne choisie d'un commun accord.
Je passe la parole à Hélène Pelletier qui va parler
du droit de grève et des services essentiels.
Mme Pelletier (Hélène): M. le Président,
mesdames et messieurs de la commission parlementaire, le projet de loi 37
interdit à tous et à toutes la grève sur le salarial de la
deuxième et de la troisième année de la convention et sur
les sujets négociés localement ou régionalement. Il exige
de plus, lors d'une grève dans le secteur des Affaires sociales, que
soient maintenus par quart de travail, parmi celles et ceux qui seraient
habituellement en fonction lors de cette période, des pourcentages de
syndiqués variant entre 55 % et 90 % selon le type
d'établissement. Pour nous, ce n'est pas par une formule
mathématique que doivent être établis les services
essentiels, mais bien en tenant compte des différents lieux de travail
ou des différentes situations. Lorsqu'on vous en fera la
démonstration, le projet du code d'éthique, je pense, sera une
formule beaucoup plus souple et beaucoup mieux adaptée aux
différents milieux, tenant compte des différentes régions
et des différents milieux du réseau des affaires sociales.
Nous ne croyons pas exagérer en affirmant que le projet de loi 37
ampute le droit de grève à un point tel qu'il s'en trouve
à toutes fins utiles aboli. Il en est ainsi du droit de grève sur
les salaires, du droit de grève sur environ la moitié de ce qui
reste à négocier de la convention pour les enseignantes et
enseignants des commissions scolaires et pour le personnel enseignant et
professionnel des cégeps et de la possibilité d'exercer le droit
de grève dans l'ensemble du réseau des affaires sociales. Si vous
avez pris le temps de faire le calcul du pourcentage, vous avez sûrement
dû réaliser qu'il n'y a pas beaucoup de salariés qui vont
se retrouver en grève. 10 % de 3, de 4 et de 5, on ne va pas loin
à ce niveau. Amputer de telle façon le droit de grève,
c'est amputer d'autant le droit de négocier. L'expérience
syndicale, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, nous
apprend que, sans la menace d'une grève possible qui rétablit le
rapport de forces, la partie patronale n'est pas pressée de
négocier. Il apparaît clairement que l'abolition du droit de
grève n'empêchera pas les conflits d'éclater puisque
l'abolition du droit de grève n'élimine pas et ne règle
pas les conditions qui sont à l'origine des conflits.
Ce n'est pas l'abolition du droit de grève, mais bien
l'amélioration des mécanismes de négociation qui va
limiter le nombre de grèves. Par ailleurs, les luttes syndicales, qui
prennent parfois la forme de grèves, constituent un moteur de changement
social qui véhicule des aspirations tant populaires que syndicales.
C'est ainsi que les revendications des travailleuses et travailleurs des
hôpitaux, comme celles des enseignantes et enseignants, au début
des années soixante étaient porteuses de modifications en
profondeur qui s'imposaient
dans le système hospitalier et le système
d'éducation au Québec. C'est ainsi que la population
québécoise a pu bénéficier de l'ensemble de ces
réformes.
L'abolition du droit de grève dans le secteur public, qui sera
sans doute exportée tôt ou tard dans le secteur privé, ne
constitue donc ni une élimination à la source des conflits ni une
garantie de progrès social. Nous proposons que le droit de grève
soit maintenu pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses des
secteurs public et parapublic.
Si la grève constitue le dernier recours des syndiqués
pour amener l'employeur à négocier sérieusement, il n'en
demeure pas moins que son exercice est susceptible d'affecter les services
à la population, et ce parfois dans les secteurs
névralgiques.
Se pose donc la question des services essentiels à maintenir. Le
maintien d'un niveau donné de services provoque, à son tour, des
effets sur l'efficacité de la grève. La coalition a toujours
affirmé qu'autant nous croyons que la grève est un droit
fondamental pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs, autant il
nous faut reconnaître que certains services publics sont essentiels
à la population. Le droit à la protection de la vie, de la
santé, et à la sécurité est un droit fondamental
que nous devons considérer sérieusement et traiter avec
responsabilité. L'ensemble des travailleuses et des travailleurs de ces
réseaux en sont conscients.
La notion de services essentiels n'est pas nouvelle. Elle a
été établie par les travailleuses et les travailleurs de
la santé dès la première grève nationale en 1966.
 cette époque, les syndicats avaient à plusieurs reprises
offert de négocier les services essentiels. Devant le refus des patrons
d'en discuter, ils ont décidé de les établir et de les
maintenir. Depuis, ils ont toujours cherché à les assumer. De
toutes les rondes de négociations dans les affaires sociales où
une loi encadrait la prestation des services essentiels, nous
considérons que ce n'est qu'en 1979 que la loi comportait un
mécanisme valable de surveillance de ces services.
Aujourd'hui, par son projet de loi, le gouvernement tente de substituer
à la négociation la contrainte et la répression. Il
s'apprête à faire les mêmes erreurs qu'en 1975 et qu'en
1982-1983. Nous affirmons que ce n'est pas là le moyen de régler
les problèmes des réseaux du secteur public. Tout en
reconnaissant que les grèves dans le réseau ont permis
d'améliorer les conditions de travail et la qualité des services,
nous ne pouvons faire abstraction des craintes de la population face aux
conséquences de débrayage. Selon nous, le droit de grève
et le droit à la santé doivent coexister et non s'exclure
mutuellement. C'est dans ce sens que la coalition, par son projet de code
d'éthique, s'engage à assurer les services essentiels et à
donner des garanties additionnelles à la population. Gérald
Larose va vous donner plus de détails dans les prochaines minutes. (17 h
45)
M. Larose: Je vous réfère à la page 70, plus
exactement 72. Ce sont les annexes. Il y en a une première qui est la
déclaration générale concernant le code d'éthique,
avec cinq grilles correspondant à cinq types d'institutions: les centres
hospitaliers, les centres psychiatriques, les centres d'accueil, les CSS et les
CLSC. Je vous préviens d'abord que les travaux concernant
l'élaboration du code d'éthique sont passablement avancés.
Dans certaines organisations, c'est terminé; dans d'autres, c'est en
cours. C'est un processus qui est enclenché depuis plusieurs mois, mais
qu'on a voulu soumettre au plus large débat parce que,
précisément, l'efficacité d'un code d'éthique
dépend d'abord de l'adhésion des syndiqués qui seront
engagés, si je peux dire, à l'appliquer.
La perspective du code d'éthique, c'est de concilier et non pas
opposer, comme le disait Hélène Pelletier, le droit à la
santé de la population et le droit de grève des travailleuses et
des travailleurs. Pour nous, il n'y a pas d'opposition, il y a une articulation
et une combinaison à faire. Deuxièmement, le code
d'éthique a pour philosophie de base le fait que ce soient les parties
qui soient appelées à être responsabilisées tant
pour régler leurs différends que pour accomplir la prestation des
services essentiels. D'autant plus, pour reprendre ce que disait
Hélène Pelletier, qu'au plan historique, la seule fois où
les services essentiels n'ont pas été donnés sans accroc,
il y a eu treize accrocs exactement, dont onze ont été
corrigés dans les heures qui ont suivi leur signalement, les deux autres
étant insolubles à cause de la délinquance patronale. Et
on n'a pas encore syndiqué les patrons. En 1979, quand le gouvernement a
décidé de faire le pari que les services essentiels allaient
être la responsabilité des parties, cela a été vrai
sur le terrain. On ne niera pas que le contexte politique ou que le contexte
idéologique, fruit d'une certaine démagogie et de
politicaillerie, fait appel à une dose de courage politique qui n'existe
pas, peut-être. C'est un point d'interrogation. Mais si on veut prendre
en charge la responsabilité de s'assurer que la population ne sera pas
dépourvue de services essentiels, si notre objectif collectif et
l'objectif du gouvernement, c'est de s'assurer que la population ne subira pas
de préjudice, je vous dis que la seule formule - c'est la coalition qui
vous le dit - c'est de procéder effectivement par la responsabilisation
des parties en cette matière. C'est ce que nous
avons fait. C'est un travail énorme que nous avons fait depuis
quelques mois sur cette question.
Qu'est-ce qu'un code d'éthique? On vous donne la
déclaration générale en treize points.
L'élaboration très concrète des services essentiels se
ferait de la façon suivante, selon la page 2 de la déclaration
générale. D'abord, communication de l'ensemble des informations
par la direction pour savoir ce que l'institution fait, à quel rythme,
etc.; deuxièmement, négociation des services essentiels avec les
parties impliquées; troisièmement, obligation pour le syndicat de
faire connaître à l'avance, au moment d'un conflit, le nombre de
travailleurs et le nom des travailleurs et des travailleuses qui vont donner
les services essentiels; un comité conjoint d'application et de
surveillance des services essentiels; obligation de réévaluation
quotidienne, parce que je pense que vous nagez dans les nuages et que vous
êtes très loin de vos institutions si vous pensez qu'avec un seuil
minimum de 90 % vous correspondez à la réalité. Ce n'est
pas vrai. Avec le projet de loi 37 appliqué à Pâques
à l'hôpital Notre-Dame, sans le savoir, vous avez fait un lock-out
parce qu'il y avait, à l'hôpital Notre-Dame, entre 40 % et 45 %
des effectifs pendant quatre jours. Et vous voulez que, durant la grève,
il y ait 90 % des salariés par unité d'accréditation, par
quart de travail et par service? C'est très intéressant. Je pense
qu'on va créer de l'emploi. Mais cela n'a rien à voir avec le
fait d'assurer des services à la population. Donc,
réévaluation quotidienne des services parce que ce n'est pas vrai
que les institutions donnent les mêmes services tout le temps de la
même façon, sept jours par semaine et douze mois par année.
À part cela, après quatre jours de grève, si jamais on se
rend à quatre... Cela aussi fait partie des mythes, tout le monde pense
que les Affaires sociales sont en grève au moins six semaines par
année.
Savez-vous que Marine Industrie, que vous connaissez un peu, bat
à elle seule le réseau des Affaires sociales depuis 1966 en
jours/homme/grève? Cela n'en scandalise pas beaucoup. Les Affaires
sociales sont en grève couci-couça, pas tous en même temps,
d'abord, et non pas aux six mois et non pas très longtemps. De toute
façon, on vous dit, au point 5, que si jamais la grève durait,
nous pensons qu'il faudrait faire une réévaluation parce que ce
n'est pas vrai que le monde peut donner des services essentiels de la
même façon pendant trois ou quatre jours.
Ensuite, entente sur l'accès aux établissements pour les
bénéficiaires. Le point 7, c'est pour les visiteurs; le point 8,
c'est pour les bénévoles; le point 9, c'est pour les
fournisseurs; le point 10, c'est pour les représentants et
représentantes des syndicats; le point 11, c'est pour Ies autres
mains-d'oeuvre. Là, nous allons vous demander que le secteur public ne
soit pas soumis à l'article... Je ne me souviens plus lequel, c'est
l'article du Code du travail qui empêche que les cadres fassent les
travaux des syndiqués. On pense que pour le réseau des Affaires
sociales, les cadres, les médecins, devraient assumer ces fonctions car
ce sont des services essentiels. Le point 12, c'est un comité syndical
pour les services essentiels et le point 13 regroupe les grilles des services
essentiels pour chaque type d'institution.
Je vous donne l'illustration de deux grilles afin de vous permettre de
faire un petit débat là-dessus et sur l'ensemble des questions.
Les centres hospitaliers. Comment cela pourrait-il fonctionner pour un centre
hospitalier? D'abord, il devrait y avoir détermination du nombre de lits
qui doivent rester ouverts pour les bénéficiaires. On n'est pas
nécessairement d'accord avec les directions d'hôpitaux qui, sous
la menace de grève, vident les hôpitaux. On n'est pas d'accord
avec cela. On pense que même en période de conflit, la population
a droit à ces services. Donc, qu'on s'entende sur le nombre de lits.
Les services qu'on va définir comme services essentiels le seront
en fonction du nombre de lits et non pas par rapport à la
capacité de l'institution d'en prendre 1000 ou d'en prendre 500. Ce sera
à la suite de la décision que la direction aura prise. S'il y a
700 lits normalement et qu'elle décide qu'il y en a 600 qui doivent
rester ouverts, on organisera les services pour 600 lits.
Savoir qui on a dans l'institution: les cas électifs, les cas
semi-urgents et les cas urgents. Pour ceux qui ne sont pas dans le trafic,
peut-être que cela paraît être du chinois mais les humbles
travailleuses, elles, connaissent cela et elles savent les reconnaître.
Normalement, les patrons, dans les institutions, peuvent le faire aussi. Alors,
qu'on s'entende pour décider combien il y a de cas électifs,
combien de semi-urgents et combien d'urgents.
Les syndicats considèrent comme incompressibles - on
connaît ce mot? - des unités comme les soins intensifs. On pense
qu'on ne peut pas enlever de services dans les soins intensifs, dans la
radiothérapie, dans l'hémodialyse. On pense que les services sont
incompressibles dans ces secteurs. L'unité coronarienne... En tout cas,
vous regarderez le détail.
Les soins directs aux bénéficiaires, pour nous, doivent
être assumés non pas à 90 %, mais à 100 %, tenant
compte du nombre de lits ouverts. C'est pour cela qu'on vous dit que si le
patron veut maintenir 100 % de ses lits, il aura 100 % des services directs
pour 100 % des bénéficiaires. S'il décide que ce sera 50 %
des lits, il y aura 100 % des
services directs pour 50 % des bénéficiaires qui seront
dans l'hôpital. En salle d'opération, on pense qu'il faut que ce
soit les mêmes services que pour les fins de semaine. Le monde sait qu'en
fin de semaine, on n'opère pas beaucoup dans les hôpitaux. Il y a
même des hôpitaux, le ministre est au courant de cela, où,
quand les chirurgiens décident qu'ils prennent trois mois de vacances,
ça "slaque sur la poulie" pour les opérations. On pense que pour
le temps d'une grève, qui est habituellement moins longue que les
vacances des médecins, on pourrait se contenter du service des fins de
semaine, c'est-à-dire les cas urgents. On pense que là-dessus
cela ne devrait pas être trop compliqué.
Les urgences. On pense que ça doit être 100 % pour les
urgences. Ce ne sont pas les bénéficiaires qui sont dans la
bâtisse, mais ceux qui nous arrivent. Pour les cas qui nous arrivent en
urgence, on pense qu'il doit y avoir 100 % des services, d'accord? Pour les
soins indirects: laboratoire, radiologie, cardiologie, on pense qu'il doit y
avoir une liste de ces services essentiels suffisante pour fournir un service
adéquat correspondant au nombre de bénéficiaires. Il est
clair que si le patron a vidé l'hôpital, cela se peut qu'au
laboratoire on ait moins besoin de techniciennes.
Pour les services auxiliaires, on pense qu'il faut qu'il y ait des
services pour que l'hygiène et le bien-être des
bénéficiaires soient assurés et que la
sécurité aussi le soit. Pour les services administratifs, on vous
dira qu'on pense qu'il n'y a pas de presse et que le fournisseur de patates
peut attendre une semaine pour être payé. Là-dessus, on
pense qu'il n'y a pas services essentiels. Cela, c'est pour les centres
hospitaliers.
On peut voir la même chose, je dirais, pour les centres
psychiatriques. Je vous réfère donc à la page 10. Ce
serait quoi la grille et les engagements syndicaux qu'on prendrait sur les
services essentiels dans les centres psychiatriques? Il s'agit d'abord de
savoir qui est dans le centre psychiatrique. Ceux qui sont autonomes, ceux qui
sont semi-autonomes, ceux qui sont dépendants. On s'engage à ce
que l'unité d'urgence, le service d'urgence soit une unité
considérée comme incompressible, pour permettre à ceux qui
n'y sont pas de pouvoir entrer.
Dans les unités de soins, les services seraient
équivalents au personnel maintenu durant les fins de semaine. Cela pour
les unités de soins. Dans les services indirects, on pense que pour les
labos, la radiologie, l'électrocardiographie et
l'encéphalographie cela doit être assumé pour
répondre aux besoins curatifs des bénéficiaires. Le monde
qui travaille là-dedans connaît cela, avec les médecins et
les patrons qui sont là-dedans. La médication des
bénéficiaires, y compris celle des cliniques externes, doit
être assumée comme elle l'est normalement. La
sécurité aussi. On s'engage aussi à ce qu'un minimum
d'activités de loisirs soit assumé pour le bien-être des
bénéficiaires. Dans les services jugés essentiels, le
syndicat assume la présence du personnel habitué à
fonctionner dans ces services. Dans les centres psychiatriques, ce n'est pas
comme dans un hôpital. Il y a des unités avec les mêmes
éducateurs ou les mêmes travailleurs et travailleuses. On pense
que les mêmes personnes doivent travailler dans les mêmes
unités, même en période de grève. Ainsi de suite. Il
y a cinq grilles comme cela.
C'est un travail important qui a été fait au niveau des
organisations syndicales. Je dirais que ce n'est pas un travail nouveau, mais
qu'on a porté à un stade plus avancé une
responsabilité qu'on a de toute façon toujours assumée
dans le passé. Sauf que le fait de l'avoir systématisé, de
le publier, de le faire connaître d'avance, de régler avant la
perturbation la prestation des services essentiels, on pense que cela peut
avoir un effet extraordinaire de sécurisation pour les
bénéficiaires. (18 heures)
En même temps, et sur cela on est clair avec vous, on veut
maintenir en période de grève une pression sur les
administrations. Cela, c'est clair. Nous pensons que le droit de grève
et l'exercice du droit de grève ont pour objet ou objectif de
développer de la pression afin que quelqu'un finisse par se faire une
idée. Si nous assumons notre responsabilité là-dedans,
c'est pour maintenir la pression. Il est clair que les médecins vont
nous en vouloir à mort de nous responsabiliser de cette façon
parce que eux leur problème, durant les grèves, c'est que la
castonguette ne marche pas. Ils sont obligés de passer les cabarets,
donner des piqûres à la place des infirmières, etc. C'est
clair qu'ils n'aimeront pas cela, mais on pense que les médecins, en
période de médecine un peu plus serrée, devraient eux
aussi participer aux services essentiels et non pas seulement être
définis médicalement par la castonguette.
Nous pensons qu'il n'est pas mauvais que de temps à autre - Mao
avait d'excellentes théories là-dessus - les cadres aillent
revoir un peu le travail humble d'une travailleuse, d'une auxiliaire
infirmière, d'une infirmière, même celui d'un gars qui
passe les cabarets ou celui d'une fille qui est brancardière. Nous
pensons que ce n'est pas du tout mauvais, et cela n'arrive peut-être pas
suffisamment souvent. On ne voudrait pas rater cette occasion au moment d'une
négociation.
Le dernier mot est sur les pouvoirs de redressement du conseil des
services essentiels. Là-dessus, plus on vous parle, plus vous voulez
nous caler. Les pouvoirs de redressement du conseil des services
essentiels, surtout quand on veut nous présenter cela comme un
effort de déjudiciarisation, c'est une tricherie monumentale. Vous vous
donnez un bazooka de plus pour nous tarabuster parce que vous avez comme
préjugé que tout ce qui ne fonctionne pas et qui en arrive
à une grève, c'est à cause des travailleurs et des
travailleuses.
Ce fameux conseil, à qui on a reconnu une certaine pertinence
d'intervention pour déterminer et surveiller les services essentiels,
nous voudrions que de sa propre initiative il fasse, ou qu'on permette à
des tiers de lui commander de faire des enquêtes sur les
conséquences du conflit. S'il juge que c'est susceptible de
préjudices, il peut ordonner de mettre fin au conflit, mais il n'a pas
les pouvoirs de régler. Ce conseil n'est pas là pour aider les
parties à régler le problème; il est là pour
décider que le conflit va s'arrêter, c'est-à-dire pour
mettre un couvercle sur la bouilloire.
Avec le pouvoir exorbitant - y compris faire payer le monde - de
déterminer les préjudices et combien cela va coûter, c'est
faire rentrer des tiers contre la volonté des parties non pas pour
régler les problèmes, mais pour arrêter les effets des
problèmes. Quand on prétend qu'un médiateur peut en
même temps sanctionner, je vous dis que sa crédibilité
comme médiateur, vous venez de la flauber. C'est comme quelqu'un qui se
présente à la table avec un "gun" en disant: Je suis un
médiateur. Je ne sais pas où vous prenez cela, mais si vous dites
prendre cela dans le courant syndical, le "cease and desist order", la
déjudiciarisation et tout le kit, je vous préviens que nous
sommes encore maîtres de l'interprétation des positions qu'on
développe. Quand vous nous présentez cela comme le fruit de la
réflexion syndicale, vous trichez. Vous trichez.
Ou bien on déjudiciarise ou bien on ne déjudiciarise pas,
mais on n'aura pas d'officine à côté des juges pour que si
ça ne marche pas à l'officine, le juge soit comme chromé
pour fesser, et vite. Ce n'est pas de la justice expéditive, c'est de la
répression expéditive. Il faut faire la distinction même
si, de temps à autre, comme travailleurs et travailleuses, on trouve que
la justice se confond plus facilement avec la répression.
Là-dessus, nous serons très clairs: Vous faites mieux de revirer
"back", parce que cela n'a pas de bon sens de scraper un instrument qui
péniblement essayait de se donner une certaine
crédibilité. Là, ils sont mieux d'aller se rhabiller parce
que j'ai comme l'impression que leur job est finie. La conclusion à mon
camarade.
M. Charbonneau (Yvon): Oui, je crois que... C'est parce qu'il lit
le livre rouge à l'année. Il a cité Mao tout à
l'heure, et tout ça. Riez parce que, là, c'est la dernière
chance que vous avez avant la fin de ma conclusion. Profitez-en. Cela n'est pas
taxé. L'assurance est taxée. Taxez-moi parce que je n'en
manquerai pas!
Mesdames, messieurs, le gouvernement n'a pas voulu entendre le message
syndical depuis un an, n'a pas voulu enregistrer les efforts très
concrets qui ont été exprimés ici sous forme de
propositions. C'est très grave. C'est très irresponsable. Vous
êtes enfermés dans un corridor et nous avons l'impression que nous
allons être victimes d'un châtiment complètement
immérité si ce projet de loi devient une loi. Cela ne s'adresse
pas à la bonne adresse du tout. Il y a eu des problèmes dans le
passé. En 1982, qui est venu chercher de l'argent dans la poche de qui?
Les nerfs, avant d'adopter des projets de loi comme ça! Vous avez
décidé ici de continuer votre trajectoire d'erreurs et
d'horreurs. Après la 105 et la 111, la 37 pour rendre cela permanent,
à double tour et à triple tour! Cela fait une belle leçon
de tirée des erreurs admises par des ministres, des
députés, en public et en privé, à la suite de 1982.
Conclusion: On va faire cela à longueur d'année.
Vous aviez le choix, pourtant, de faire autre chose. Vous avez choisi
l'unilatéral sur toute la ligne. On vous l'a expliqué ici. Les
salaires, un petit ge3te de parade pour la première année. Les
deux autres années, on s'en charge. Je voudrais demander, moi, à
Guy ici, qui était un négociateur en 1972, il doit se rappeler
que les salaires n'ont pas été décrétés en
1972. Les autres conditions de travail ont été
décrétées à la fin de 1972. Mais, en 1972, on a
négocié P-l, P-2, P-3. Il a fallu un P-4 pour obtenir 100 $ en
P-4. C'était négocié, cela, la deuxième et la
troisième et la quatrième année. Même chose dans la
ronde suivante en 1975-1976, on a obtenu le 165 en l'année trois, de
façon négociée. C'est important de pouvoir négocier
la deuxième et la troisième années et des fois la
troisième et demie et la quatrième, comme on a su le faire dans
le passé.
Quand on se battait dans ce temps-là pour cela, on était
d'accord à dire que le parti qui était au pouvoir à
l'époque avait tort de nous envoyer à l'ombre pour des raisons
comme celles-là. Vous allez plus loin avec ceci. Vous revenez
là-dessus. Moi, je pense que Guy, François et Roland qui
étaient là en 1972, ils ne doivent pas avoir oublié tout
cela, l'importance de négocier pas plus qu'un an à la fois. Vous
étiez d'accord pour faire le bien à l'époque avec nous.
Continuez donc au cas où ce serait la dernière chance de faire du
bien. Je ne sais pas, moi, si on va se rencontrer de nouveau dans le cadre d'un
forum comme celui-ci dans nos fonctions actuelles. Je ne le sais pas.
Peut-être que oui, peut-être que non. Ce serait le temps d'avoir
une bonne pensée
et de vous rappeler que la vie n'a pas commencé au moment
où on est entré en politique. La vie avait lieu avant et les
raisons qui nous tenaient en vie avant doivent encore nous tenir en vie.
On a fait des efforts magistraux ici pour arriver avec des propositions,
bâtir un système logique correspondant à des
responsabilités par paliers. Vous demanderez au ministre qui est
responsable non seulement du Trésor, de la fonction publique et des
services publics, mais de la jeunesse, de ne pas avoir
l'irresponsabilité de programmer pour la jeunesse qui s'en vient, dont
vous êtes responsable, des problèmes sociaux comme ceux que vous
programmez dans ce projet de loi 37. Vous nous parlez de la jeunesse, c'est
important de lui préparer un avenir. On ne voit pas cela, là.
Vous préparez un orage pour l'avenir. Cela devrait être
compréhensible. Je m'adresserai aussi aux gens de l'autre
côté à qui je demanderai aussi la collaboration pour en
arriver à faire comprendre au gouvernement que cela n'a pas de bon sens.
S'il adopte le projet de loi et que, par hypothèse, selon vos
prévisions à vous autres, c'est vous autres qui êtes au
chariot après et que cela ne fonctionne pas, qu'est-ce qu'ils vont dire,
eux autres? Est-ce qu'ils vont dire: C'est à cause de notre loi ou c'est
à cause de vous autres? Je pense qu'il y a de quoi
réfléchir autour de cela. Le programme qu'on a devant nous, avec
le 37 -ce n'est pas un 37, c'est un 38 que vous auriez dû l'appeler
à part cela - c'est un programme de non-négociation. Vous retirez
le droit de négociation et vous êtes en infraction aux normes
internationales du travail là-dessus.
Une voix: Très bien.
M. Charbonneau (Yvon): On vous demande d'essayer d'en revenir
à de meilleures dispositions, de faire le bien au moment où la
grâce de Dieu vous en laisse encore le temps.
Le Président (M. Lachance): Avant de passer aux
échanges de vues, à la suite de ces propos, nous allons suspendre
nos travaux pour dix minutes.
(Suspension de la séance à 18 h 12)
(Reprise à 18 h 23)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je vous
demanderais de prendre place, s'il vous plaît'.
La commission reprend ses travaux. J'invite tout le monde à bien
vouloir prendre place, s'il vous plaît, pour la poursuite des travaux de
la commission. C'est une belle façon de reconnaître les gens
ponctuels.
Avant de reprendre les travaux de la commission comme tels, je voudrais
indiquer aux participants qu'à la suite d'une entente il y a un partage
du temps entre les députés des deux côtés. II y aura
un premier bloc d'une trentaine de minutes pour le parti ministériel -
ce bloc pourra être décomposé selon les interventions des
différents intervenants - et, par la suite, pour l'Opposition
officielle, 30 minutes également, jusqu'à ce qu'on puisse
terminer les travaux. J'inviterais immédiatement le ministre
délégué à l'Administration et président du
Conseil du trésor.
Remarques du président du Conseil du
trésor
M. Michel Clair
M. Clair: Merci, M. le Président. Mes premières
paroles sont pour remercier les associations syndicales des secteurs public et
parapublic d'avoir accepté l'invitation de venir communiquer aux
parlementaires leur point de vue sur le projet de loi 37 portant réforme
du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic.
Je pense qu'il était important que les parlementaires des deux
côtés de la Chambre aient l'occasion, compte tenu de l'importance
des enjeux précisément, de prendre en considération le
point de vue exprimé ce matin par les associations patronales du secteur
des affaires sociales et, cet après-midi, par les associations
syndicales des secteurs public et parapublic. Comme chacun le sait, certaines
rencontres ont eu lieu entre les représentants syndicaux et les
représentants du gouvernement au cours des derniers mois. Comme la
réforme du régime de négociation dans les secteurs public
et parapublic ne concerne pas seulement le gouvernement, les associations
patronales et les associations syndicales, mais l'ensemble de la
collectivité, il m'est apparu important que, sur le plan
démocratique, l'institution parlementaire qu'est la commission
parlementaire se tienne pour que les points de vue des associations soient
communiqués aux parlementaires et que ces derniers aient l'occasion
d'échanger des points de vue avec les différents
représentants. Si on a pu regretter, des deux côtés de la
Chambre, que le regroupement des syndicats ne vienne pas au complet à la
commission parlementaire sur l'avant-projet de loi, ce qui aurait sans doute
été utile, à tout le moins nous sommes satisfaits de vous
accueillir aujourd'hui.
Je voudrais dire maintenant, quant à la tenue de cette commission
parlementaire, que dans les propos tenus, je pense, par M. Laberge, on a
rapporté que j'aurais indiqué que la tenue de cette commission ne
changerait rien. Je tiens à préciser ceci: Après avoir
mené un processus de
consultation qui a duré presque deux ans, après avoir
publié un document de consultation, après avoir publié un
avant-projet de loi, à l'étape où nous sommes de
déposer sur la table de l'Assemblée nationale un projet de loi,
vous comprendrez sûrement qu'un gouvernement responsable ne peut se
mettre dans une situation du "je ne suis ni pour, ni contre, bien au contraire;
savez-vous, je ne sais pas ce que j'en pense" de sorte que les orientations
fondamentales qui sont contenues dans ce projet de loi sont, effectivement, du
point de vue du gouvernement. Il restera à l'Assemblée nationale
d'en débattre, à la commission parlementaire, aujourd'hui, et
à la commission parlementaire lors de l'étude article par article
de voir s'il y a des amendements à apporter. Mais je suis clair
là-dessus, les orientations du gouvernement sont
arrêtées.
Cependant, cela ne veut pas dire qu'il ne reste pas des choses
substantielles qui puissent être modifiées dans le projet de loi.
J'en indique une, d'entrée de jeu. J'étais très heureux
d'entendre, tantôt, M. Laberge nous dire qu'à certaines
conditions, les syndicats des secteurs public et parapublic pourraient non
seulement participer, mais même, je dirais, moralement soutenir la mise
sur pied d'un Institut de recherche sur la rémunération.
J'étais heureux parce que c'est là une évolution par
rapport à ce qui avait été communiqué
préalablement. Je cite simplement un passage à la page 12 du
mémoire de la CSN qui avait été communiqué en
commission parlementaire. On pouvait lire à ce sujet, concernant
l'Institut de recherche sur la rémunération: II n'est pas
nécessaire de créer un autre organisme dont la fonction serait
d'étudier les comparaisons salariales et que soit inclus dans un
régime de négociation un tel organisme. Pourquoi le gouvernement
met-il tant d'insistance à le faire? Un peu plus loin - je cite toujours
- Négocier à partir d'un rapport sur les comparaisons salariales
biaise la négociation en prédéterminant les
résultats.
Si les syndicats des secteurs public et parapublic sont d'accord pour
que l'Institut de recherche sur la rémunération vienne baliser en
quelque sorte la négociation, nous sommes tout à fait d'accord
pour dire qu'il faudra que celui-ci ait le plus haut niveau de
crédibilité possible. J'ai eu l'occasion de le dire
privément; je le dis aujourd'hui publiquement. En ce qui concerne la
composition de l'Institut de recherche sur la rémunération, dans
la mesure où nous serions assurés d'une participation non
seulement théorique, mais volontaire au sens le plus noble du terme de
la part des associations syndicales à cet institut de recherche, nous
n'aurions aucune objection à réduire à une personne
plutôt qu'à trois les permanents, si on veut en quelque sorte,
ceux qui seraient nommés par l'Assemblée nationale, et
effectivement réduire ainsi, ramener davantage en surface la dimension
paritaire d'un tel institut de recherche.
Cependant, compte tenu de la crédibilité que doit avoir
cet institut, non seulement à l'égard des syndicats et du
gouvernement, mais également à l'égard des parlementaires
eux-mêmes, à l'égard de l'ensemble de la population, il
nous apparaît, cependant, que la personne qui présiderait aux
destinées de cet institut de recherche devrait être nommée
par une majorité des deux tiers de l'Assemblée nationale. Je
souligne en passant, ce qui est un fait connu, que la majorité
ministérielle ne dispose pas, actuellement, d'une telle majorité
des deux tiers.
Je pense, M. le Président, que ce soit sur cela ou que ce soit
sur d'autres mécanismes, nous sommes toujours disposés à
envisager des améliorations au projet de loi pour le rendre plus
fonctionnel, mais non pas à remettre en cause les grands principes.
M. le Président, pourquoi une telle réforme en profondeur
dans notre régime de négociation et qu'est-ce qui nous distance
comme contenu, en termes de réforme du régime, de la position
émise aujourd'hui? Pourquoi une réforme du régime de
négociation aussi en profondeur? Je vais essayer de vous le dire le plus
simplement possible. C'est parce que c'est vrai, c'est un fait
vérifiable que nous avons, au Québec, le régime de
négociation, dans les secteurs public et parapublic, à peu
près le plus libéral du monde occidental. Trouvez-moi un pays
dans le monde où l'on combine en même temps le précompte
syndical obligatoire, des dispositions antibriseurs de grève, le
monopole syndical, la faculté de négocier en front commun, la
capacité de déclencher des grèves générales
illimitées et autres caractéristiques qu'on pourrait continuer
d'énumérer.
Je dis aux représentants des syndicats des secteurs public et
parapublic, malgré qu'on ait eu "le plus beau régime de
négociation" - entre guillemets - toujours est-il qu'à de
nombreuses reprises, la solution aux problèmes posés en
matière de relations du travail ne s'est pas trouvée à
l'interne des règles du jeu dont on s'était doté
auparavant, mais, au contraire, l'immense majorité des problèmes
s'est réglée dans la salle d'à côté par les
parlementaires, en dehors du système de négociation tel qu'il
avait été perçu, tel qu'il avait été mis en
place au départ.
Est-ce que c'est cela qu'on veut au Québec, avoir un
régime de négociation théorique qui ne fonctionne pas,
négociation après négociation, et de faire en sorte que ce
soient les parlementaires de l'autre côté de l'Assemblée
nationale qui viennent, en
quelque sorte, dessaisir les parties des règles du jeu et venir,
effectivement, régler par des lois les problèmes qui se posent
dans les relations du travail? Est-ce que cela a du bon sens qu'on se soit
rendu jusqu'à légiférer - je rejoins M. Charbonneau
là-dessus - des milliers de pages de documents, de contenu sur les
conventions collectives de l'autre côté, alors qu'à peu
près personne, je le dis avec certitude, ni de votre côté,
ni du nôtre, n'avait lu au complet - la même personne -l'ensemble
de ces documents?
Je pense que ce qui nous distance en termes de réforme du
régime de négociation, c'est cela, essayer de trouver moyen de
faire en sorte que les solutions aux problèmes qui se posent en
matière de relations du travail dans les secteurs public et parapublic,
que cela se trouve à l'intérieur du régime et non pas
continuellement à l'extérieur du régime, en dehors du
régime de négociation par l'adoption de lois
répétitives. Je pense que ce n'est que cela qui nous distance. Je
reconnais - M. Laberge l'a dit tantôt - que nous avons, de part et
d'autre, déployé beaucoup d'efforts pour se rapprocher quant
à des améliorations, je dirais à portée
limitée, au régime de négociation, qu'il s'agisse sur le
plan de la médiation, "the cooling off period", de toutes une
série de mesures.
Ce qui nous a séparés, M. le Président, c'est cela,
la conception que, en ce qui nous concerne, nous reconnaissons. Nous
reconnaissons qu'il y a des modifications majeures, qu'il y aurait un
rééquilibrage des droits et des obligations de chacune des
parties si le régime de négociation, qui est proposé dans
le projet de loi, est mis en marche. Mais nous pensons que c'est la condition
à laquelle le régime pourra produire des résultats et non
pas toujours déboucher sur des lois spéciales.
Je voudrais, par ailleurs, relever ce qui m'apparaît être,
effectivement, maintenant, le coeur de l'argumentation des centrales
syndicales, je pense que certains l'ont dit, en ce qui concerne "le droit de
négocier" -entre guillemets - ce qui serait, en quelque sorte,
nié par le projet de loi. Là-dessus, je le dis tout de suite en
passant, je n'ai aucune hésitation à aller défendre,
devant les instances internationales appropriées, le contenu de ce
projet de loi, parce que j'ai la conviction profonde que même
après la réforme, notre régime demeurera l'un des plus
libéraux, l'un des plus démocratiques qui soit à la face
du monde entier. Je ne suis pas gêné de le défendre.
Maintenant, quand on s'appelle Coalition pour le droit de
négocier et qu'on laisse entendre que les modifications apportées
viendraient nier ce droit, j'aimerais... Je pense qu'au Québec, on ne
vit pas sur une planète isolée, mais on doit se comparer,
occasionnellement, par rapport à ce qui se passe ailleurs. Je voudrais
citer, M. le Président, en ce qui concerne le concept du droit de
négocier - on y a fait référence dans les documents des
syndicats du secteur public - un document qui a été
préparé par MM. Jean-Claude Cadieux et Jean Bernier, en ce qui
concerne une étude comparative des régimes de négociation
ailleurs dans le monde, pas dans des pays totalitaires, dans les pays d'Europe
de l'Ouest, dont certains ont un niveau de vie plus élevé que le
nôtre et des traditions qui ressemblent aux nôtres, jusqu'à
un certain point. Je cite parce que cela représente, substantiellement,
ce que je pense: Au Québec, la détermination des conditions de
travail passe normalement par la négociation de conventions collectives.
"Négocier" - entre guillemets - et négocier des conventions
collectives sont, au Québec, synonymes. Il s'agit, pour les parties, de
discuter les termes d'une entente. Une fois l'accord intervenu et signé,
la convention lie les parties pour la durée qui s'y trouve
stipulée. Le gouvernement est donc obligé, comme n'importe quel
employeur du secteur privé, de se plier aux règles du processus
contractuel.
Ce système de règles est désigné souvent par
les expressions: libre négociation, négociation de bonne foi,
négociation d'égal à égal. Il implique pour les
deux parties une série d'obligations.
Premièrement, l'obligation de ne pas se dérober à
son devoir de négocier. Le gouvernement n'a pas le choix de
négocier ou non. Il est juridiquement obligé de le faire.
Deuxièmement, l'obligation de ne pas imposer à l'autre
partie contractante des conditions préalables à la
négociation. Par exemple, des conditions quant à la durée
de la négociation.
Troisièmement, l'obligation de ne rien exclure du champ de la
négociation sans l'accord de l'autre partie. À l'exception de
quelques points précis stipulés dans la loi, tout est
négociable.
Quatrièmement, l'obligation de considérer chaque
proposition de l'autre partie. Non seulement tout est négociable, mais
tout doit être négocié. Chaque terme de l'accord doit
être discuté si l'autre partie l'exige.
Enfin, l'obligation de respecter tous les termes de l'accord une fois
qu'il a été conclu.
Il est arrivé à certaines occasions que le gouvernement du
Québec, en cas d'impasse dans les négociations ou de grève
dans te secteur public, suspende le processus de négociation et fasse
appel au pouvoir législatif pour décréter les conditions
de travail des employés de l'État. Ce faisant, le gouvernement se
soustrayait du cadre juridique habituel et se plaçait dans le cadre de
l'appareil législatif "exceptionnellement" -
entre guillemets - et - encore une fois, entre guillemets - "au nom du
bien commun" en situation d'autorité vis-à-vis des syndicats.
Cette situation considérée exceptionnelle du point de vue
québécois s'apparente au fonctionnement normal des pays
visités, la demi-douzaine des pays les plus démocratiques et avec
le plus haut niveau de vie de l'Europe de l'Ouest, que ce soit l'Allemagne, la
Belgique, la Suède, l'Italie, la France, l'Angleterre. Aucun des
gouvernements des pays en cause n'est tenu juridiquement, pour
déterminer les conditions de travail de l'ensemble des employés
du secteur public, d'entrer avec leurs représentants syndicaux dans une
relation contractuelle. Les conditions de travail sont
déterminées par le gouvernement, soit par voie
réglementaire, soit par voie législative.
Ces conditions de travail ne sont donc pas, du point de vue juridique,
le résultat de la volonté mutuelle des parties, mais le produit
d'une décision souveraine de l'État. Cela ne signifie pas qu'il
n'existe aucune forme de discussion entre les représentants des
syndicats et les représentants des gouvernements concernés
préalablement à la détermination des conditions de
travail, mais "négocier" - entre guillemets - dans les pays
européens ne signifie pas automatiquement négocier des
conventions collectives et les gouvernements n'entrant pas avec les syndicats
dans une relation contractuelle ne sont pas obligés de s'astreindre
à l'ensemble des obligations que suppose, pour la conclusion d'un
contrat, une négociation dite d'égal à égal.
En France, des négociations annuelles désignées par
l'expression "rendez-vous salariaux" ont lieu au plus haut niveau entre les
représentants du gouvernement et les représentants des grandes
centrales syndicales. Elles portent essentiellement sur des questions
reliées au salaire: augmentation de traitement, pensions, heures de
travail. Comme le budget national est généralement voté,
lorsque interviennent ces discussions, celles-ci ont surtout pour objet le mode
de répartition d'une masse préétablie. Ces discussions qui
durent généralement cinq à six semaines aboutissent
à des relevés de conclusions qui reçoivent ou non
l'assentiment des syndicats. Même dûment signé par les
parties, ce type d'accord n'engage pas légalement le gouvernement qui
est libre d'y donner suite ou non et qui souvent, semble-t-il, ne respecte pas
intégralement l'accord ou encore tarde à y donner suite. On
pourrait parler de l'Italie. On pourrait parler de l'Allemagne de l'Ouest. On
pourrait parler de l'Angleterre et de la Belgique. L'immense majorité
des pays visités n'entre pas dans une relation contractuelle avec ses
syndicats.
La réforme proposée ne vient pas changer cette
règle traditionnelle par laquelle le gouvernement du Québec entre
en relation contractuelle avec les syndicats des secteurs public et parapublic.
La proposition vient simplement permettre aux parties de tenter de faire en
sorte que, plutôt que de s'affronter pour une période de trois ans
à l'avance sur la base de prévisions économiques qui ont
comme principale caractéristique par les années qui passent de ne
pas se matérialiser, de se piéger mutuellement en conservant le
droit à la négociation au sens traditionnel au Québec,
donc avec droit de grève sur la rémunération globale, sur
le normatif lourd avec droit de grève, mais en fixant les salaires et
l'échelle de salaire pour seulement une année à la fois,
nous tentons, en quelque sorte, de conserver ce qu'il nous apparaît
souhaitable de conserver dans la relation contractuelle que nous avons avec les
syndicats des secteurs public et parapublic, mais aussi de tirer avantage de
l'expérience d'autres pays démocratiques. Jamais je n'accepterai,
quant à moi, l'affirmation que la façon dont nous nous proposons
de procéder est antidémocratique, parce qu'elle est, au
contraire, conforme et même inférieure en termes de pouvoirs du
législateur et de l'exécutif, largement inférieure
à ce qui se passe dans la plupart des pays démocratiques. (18 h
45)
Je voudrais maintenant aborder rapidement, M. le Président, la
question de l'évolution de la rémunération dans les
secteurs public et parapublic. La théorie de la locomotive, comme on l'a
appelée, pouvait prévaloir et non seulement prévaloir,
mais donner des résultats positifs en termes d'enrichissement collectif,
non seulement des employés du secteur public, mais également de
ceux du secteur privé jusqu'au moment où un certain nombre
d'événements se sont produits. D'une part, tout le monde
reconnaît que les employés du secteur public avaient un rattrapage
à faire pendant un bon nombre d'années en termes de
rémunération par rapport à ceux du secteur privé.
Tel n'est plus le cas aujourd'hui, sauf quelques exceptions qui continueront de
pouvoir être corrigées année après année,
tant par les mécanismes de l'institut de recherche que par les
mécanismes de la négociation avec droit de grève une fois
aux trois ans.
Mais globalement, personne ne peut contredire le fait que la
rémunération dans le secteur public est maintenant rendue
à un niveau même avantageusement encore comparable avec ce qui se
fait dans le secteur privé.
Deuxièmement, pendant une bonne période de temps aussi, le
gouvernement du Québec disposait d'un espace fiscal inoccupé de
sorte qu'on pouvait effectivement augmenter les taxes et les impôts pour
financer les augmentations de salaire, les augmentations de
rémunération dans les
secteurs public et parapublic sans que cela ne vienne compromettre le
caractère concurrentiel de l'économie québécoise.
Il est évident aussi qu'il y avait une capacité pour le
gouvernement d'augmenter les emprunts puisqu'on sait tous qu'au début
des années soixante, le recours aux emprunts était très
limité. Aujourd'hui, en 1985, alors que nous avons le niveau de taxation
que nous connaissons, le niveau de déficit que nous connaissons, le
niveau de rémunération dans le secteur public par rapport au
secteur privé que nous connaissons, qui peut défendre l'illusion
que par l'exercice d'un rapport de forces brutal dans le secteur public, on
pourra créer la richesse collective? J'aimerais qu'on me l'explique, M.
le Président, parce qu'à l'heure où notre
développement des services publics est globalement à peu
près à maturité, alors qu'on a eu recours à peu
près au maximum à notre pouvoir d'emprunt, à notre pouvoir
de taxer, cela n'est rien d'autre qu'une illusion que de penser qu'en
s'affrontant, on va pouvoir générer la richesse collective dans
le secteur public et avoir un effet d'entraînement positif dans le
secteur privé.
M. Charbonneau parlait tantôt des générations
futures. Si on le fait en augmentant le déficit, ce n'est pas
l'accroissement de la richesse collective qu'on fait pour les jeunes qui s'en
viennent. On emprunte sur leurs cartes de crédit. Quand j'augmente les
charges, si je finance ces augmentations par une augmentation des charges
fiscales ou du niveau de taxation, qu'est-ce que je fais? Je ne
génère pas la richesse collective, j'opère simplement un
transfert de richesses d'un groupe donné de la population vers un autre
groupe. Plutôt que d'envisager de poursuivre dans cette direction, on
doit considérer que la rémunération dans les secteurs
public et parapublic est juste et équitable, qu'elle évolue
globalement d'une manière comparable avec celle du secteur privé
ou, pour employer une expression plus large - car je n'aime pas parler du
secteur privé seulement - je dirais plutôt des autres travailleurs
et travailleuses de l'économie québécoise, parce qu'il
s'en trouve tant dans les sociétés d'État, les services
publics municipaux et autres, en termes de comparaison.
Je pense, M. le Président, que, là-dessus, il faut trouver
les mécanismes qui vont nous permettre de nous assurer que la
rémunération dans le secteur public va continuer d'évoluer
de façon comparable, secteur public et autres travailleurs de la
société québécoise, sans quoi on entretient
l'illusion qu'on va créer de la richesse collective de cette
façon, ce qui nous conduit au cauchemar de 1982; même plus grave
que cela, on va progressivement opérer un transfert de richesse d'un
groupe de citoyens vers un autre ou d'une génération vers
l'autre, et cela je pense que ce serait inacceptable.
En ce qui concerne une autre dimension des commentaires des syndicats du
secteur public et parapublic, les services essentiels, je voudrais dire M. le
Président, que nous avons toujours considéré
intéressante la piste de mécanismes visant à faire en
sorte que les syndicats du secteur public se dotent, effectivement, d'un
véritable code d'éthique. J'ai eu l'occasion de le dire
privément et cela ne me fait rien de le dire publiquement. Cependant, il
nous apparaît que, si on devait prendre cette orientation, il faudra
qu'il y ait des garanties: que le code d'éthique ne soit pas simplement
l'objet d'un espoir, mais une garantie que Ies niveaux de services
prévus par le projet de loi, dans les faits, se
matérialiseront.
Je pense, M. le Président, qu'on ne peut pas, dans la
société québécoise, tenir un double discours: dire
que les ressources financières et les ressources humaines
consacrées au domaine de la santé, par exemple, sont
insuffisantes, et en même temps dire que cela ne va faire une pression
que sur les administrateurs - voyez-vous - si on diminue
considérablement les effectifs humains, pendant une période de
temps indéterminée, dans un hôpital ou dans un centre
d'accueil. Cela m'apparaît contradictoire. C'est la raison pour laquelle
je répète que nous sommes intéressés à la
piste d'un code d'éthique. Je reconnais franchement que les
délais n'ont peut-être pas été suffisants,
jusqu'à maintenant, pour permettre le raffinement à un niveau
satisfaisant du contenu d'un code d'éthique; mais, dans l'état
actuel, je vous le dis franchement, il me semble que c'est insuffisant.
Je pense, M. le Président, que si l'on veut assurer
véritablement la primauté du droit à la santé sur
le droit de grève et maintenir un équilibre entre ces deux
droits, cela nécessite l'introduction de règles claires. Je pense
qu'on ne peut pas traiter de la vie et de la santé par toute une
mécanique complexe qui vient, en quelque sorte, faire en sorte que plus
personne ne sait exactement dans quelles circonstances les services de
santé seront assurés.
Je terminerai, M. le Président, par deux brèves questions.
Je sais que mon collègue, le ministre des Affaires sociales, celui de
l'Enseignement supérieur et les autres veulent intervenir. Deux
questions: La première, en ce qui concerne l'Institut de recherche sur
la rémunération. Si la composition de l'Institut de recherche sur
la rémunération était modifiée de la façon
suivante: plutôt que trois personnes nommées par
l'Assemblée nationale, il n'y en ait qu'une, à la majorité
des deux tiers, et si on trouvait des moyens pour restreindre encore
davantage, je dirais la faculté du gouvernement de choisir, dans
la liste syndicale, la nomination des représentants syndicaux, est-ce
qu'on pourrait être assuré, à ce moment-là, de la
participation volontaire des syndicats du secteur public? Autrement dit, si ma
question est trop précise, quelles seraient les conditions auxquelles
les syndicats du secteur public et parapublic seraient prêts à
participer -comme a déjà dit quelqu'un - avec honneur et
enthousiasme à l'Institut de recherche sur la
rémunération?
Deuxième question. En ce qui concerne les services essentiels, ce
qui m'apparaît faible, sur le plan de la piste, telle qu'elle est
envisagée actuellement... On voit, dans les déclarations
générales, que l'établissement devrait fournir toute une
liste de personnels, y compris, pour aller jusqu'au nombre de
bénévoles qui devrait être indiqué dans
l'organigramme. En cas d'échec lors de cette démarche, c'est la
liste syndicale qui s'appliquerait et on prévoit même... À
la page 5, Grille d'évaluation, on dit: En simplifiant à
l'extrême pour les fins de l'illustration, on dirait que, si les cadres
et le personnel syndicable non syndiqué étaient au nombre de
douze et qu'il fallait seize personnes pour assumer un certain service, le
syndicat en grève fournirait quatre de ses membres. Autrement dit, la
prestation des services essentiels incomberait d'abord au personnel cadre, au
personnel syndicable non syndiqué, aux bénévoles et,
finalement, à la suite d'une évaluation qui serait faite par les
syndicats, on viendrait combler l'écart entre ce qui est jugé
nécessaire comme services essentiels et le nombre de personnes
manquantes.
Je vous dirai que ma première réflexion là-dessus,
c'est en même temps ma question: Est-ce qu'on ne pourrait pas, à
première vue, considérer que c'est un code d'éthique pour
les autres dans le sens que les autres offrent les services essentiels et les
premiers concernés, eux, ne viennent que combler l'écart
nécessaire? Est-ce que c'est vraiment la bonne piste dans laquelle
travailler? Est-ce que ce n'est pas dans une piste complètement
opposée? Autrement dit, est-ce qu'on n'inverse pas les
responsabilités normales en ce qui concerne la prestation des services
essentiels dans cette piste? Ce sont mes deux questions et je pense que je
n'aurai probablement pas l'occasion de revenir, j'ai pris pas mal de temps.
Le Président (M. Lachance): M. Larose.
M. Larose: Sur la première question concernant l'institut,
le problème soulevé par la coalition n'est pas seulement sur la
composition ou sur le mode de désignation des membres de l'institut.
Pour nous - et il me semble que quand Louis Laberge s'est exprimé,
c'était cela qu'il disait au nom de la coalition - l'instrument qu'on
veut se donner doit être un instrument au service des parties et non pas
se substituer aux parties. Donc, un instrument qui permette aux parties de
travailler sur le même terrain, si je peux dire, en termes d'information
et, quand le terrain n'est pas sûr, de passer les commandes pour avoir le
terrain. Ce qui nous amène à voir un organisme dont la
composition serait faite de mandataires des parties et la présidence
choisie par elles. Un ou trois, là-dessus, on est peut-être dans
la dentelle, l'aspect principal étant la fonction de l'organisme et le
fait que l'ensemble de la matière salariale doit être
négocié.
Ce qui est proposé très concrètement, c'est que les
deux premières années soient fixées. Effectivement, on a
compris dans l'ensemble du débat et des messages que vous nous avez
envoyés depuis une couple d'années, qu'un des problèmes
étant la longueur des conventions collectives pour prévoir la
rémunération, il ne faudrait peut-être pas
déterminer pour trois ans. Ce sur quoi on s'entendrait, c'est: fixons
pour deux ans. La pratique veut qu'on soit passablement avancé la
première année, quand on signe, alors, effectivement, on
détermine pour la deuxième et la troisième serait
automatique, suivant la négociation de paramètres. À ce
niveau, c'est comme cela qu'on place la question. Mes camarades pourront
peut-être compléter tout à l'heure.
Sur le deuxième aspect, je voudrais être très clair
quant aux bénévoles. On ne demande pas aux
bénévoles de faire le job de ceux qui sont en grève. Ce
n'est pas cela qu'on demande. Ce. qu'on affirme, c'est que des
bénévoles, suivant la pratique courante, y ont accès. On
s'entendra pour qu'ils aient encore le même accès, mais qu'ils ne
fassent pas le job des autres. Cela, c'est clair. Là, j'arrive
directement... Est-ce que c'est un code d'éthique pour les autres? Je
veux qu'on soit très clair. Le code d'éthique a comme point de
référence les bénéficiaires à qui on veut
assurer à 100 % des services. Bon, il y a cinq grilles. Disons que je
prends la première, les centres hospitaliers: à 100 % les
services directs aux bénéficiaires. D'accord? C'est cela,
l'objectif du code d'éthique. Maintenant, comment s'organise-ton pour
que ces services soient rendus? (19 heures)
Le deuxième objectif des codes d'éthique, c'est qu'en
même temps qu'on protège le droit à la santé de la
population, on ne veut pas nier le droit à l'exercice de la grève
pour les travailleurs et les travailleuses; donc, articulation des deux. Quand
on regarde très concrètement comment assumer 100 % des services,
on pense qu'effectivement l'ensemble du personnel syndiqué et non
syndiqué,
professionnel ou non - pas professionnel dans le sens technique du
terme, parce que tout le monde est professionnel là-dedans - que
l'ensemble du monde soit mis à contribution afin de remplir l'objectif
voulant que les bénéficiaires ne subissent pas de
préjudice. Cela veut dire très concrètement que les
médecins ne feront pas des opérations à la tonne ou
routinières. Cela se peut fort bien qu'ils soient obligés de
déplacer les affaires. Je n'ai pas été souvent malade.
Pour les quelques bénignités que j'ai eues, cela pouvait
certainement être fait après la grève. On pense que tous
ceux qui sont dans mon cas peuvent très bien attendre pour le faire
après la grève. Donc, l'agenda du médecin sera
perturbé. Soyons clairs.
Ceux qui ne sont pas en grève, qui ont décidé
qu'ils ne feraient pas la grève, je pense qu'il faut en tenir compte.
Ceux qui ne sont pas syndiqués non plus. L'engagement qu'on prend avec
tout le monde - parce que, si on est responsable pour donner des services
normaux en temps régulier, on doit l'être aussi en temps
irrégulier - est de s'asseoir et de dire: Pour donner 100 % des
services, comment va-t-on s'organiser? Effectivement, on s'engage à
fournir, si je prends toujours la première grille, les salariés
qui sont nécessaires pour arriver à 100 %.
Dans les cas psychiatriques, on va plus loin que cela, on donne une
caractéristique. On pense que, pour un certain type de services, ce ne
sont pas les médecins qui vont remplacer les éducateurs. On pense
qu'il doit y avoir une continuité des soins, que ce soient les
mêmes éducateurs ou éducatrices par rapport aux mêmes
bénéficiaires. Là, on ne demandera pas à une
infirmière qui n'est pas en grève ou à un médecin
qui est dans l'institution de remplacer l'éducateur. C'est cela,
l'ensemble des choses.
Je ne voudrais pas qu'on essaie de railler sur le fait que c'est un code
d'éthique pour les autres. C'est un code d'éthique des
professionnels de la santé afin d'assurer le droit à la
santé de la population bénéficiaire, compte tenu de
l'exercice d'un autre droit qui nous paraît aussi un exercice
respectable. C'est un mécanisme qui engage le monde dans ce sens.
M. Laberge: Je voudrais revenir surtout sur un point, votre
garantie. C'est quoi, pour vous, une garantie quand les centrales syndicales,
réunies dans cette coalition, viennent devant la commission
parlementaire et disent: Voici un code d'éthique qu'on a mis sur pied de
peine et de misère, en allant voir tout le monde, chacun des groupes
parmi ses membres et c'est cela que l'on veut, pas 90 %? Si vous pensez que vos
90 % est "full proof", j'ai des nouvelles! 100 % où c'est
nécessaire. Ce n'est pas un code d'éthique pour les autres, on
s'engage, après avoir utilisé ceux qui sont utilisables, à
fournir ce qu'il manque pour assurer 100 % des services directs aux patients.
Que voulez-vous comme garantie? On a déjà signé des
conventions collectives avec vous autres et ce n'est pas nous qui les avons
brisées.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
Commentaires de l'Opposition M. Michel
Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Mesdames et
messieurs de la coalition, j'ai presque envie de vous dire: Enfin, vous
voilà! On aurait souhaité, quant à nous, que vous puissiez
participer aux échanges de points de vue que nous avons eus, ici,
à l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'avant-projet.
C'était, pour la très grande majorité d'entre vous, un
choix tout à fait strict, qui vous appartenait de ne pas venir nous
rencontrer et de discuter dans le cadre de l'avant-projet.
M. Laberge: On avait envoyé nos éclaireurs.
M. Pagé: Je n'en doute pas, M. Laberge. Encore une
commission parlementaire pendant laquelle on aura l'occasion d'aborder, dediscuter du régime de négociation dans le secteur public et
parapublic. Je vais me permettre un commentaire et quelques questions.
Ce régime qui s'applique chez nous, au Québec, depuis 21
ans déjà, depuis 1964, depuis le début de la
révolution tranquille, cela a contribué à faire beaucoup
pour le Québec malgré tous les aspects discutables, malgré
tous les reproches qu'on peut adresser au présent régime de
négociation. Tout le monde est unanime à constater qu'au
début des années soixante, le gouvernement devait se comporter
comme un meilleur employeur à l'égard de ses employés.
C'était indiqué à l'époque d'en arriver à un
rattrapage significatif au chapitre de la rémunération et des
conditions de travail dans les secteurs public et parapublic, compte tenu de la
situation qui prévalait antérieurement. C'était aussi de
créer une dynamique nouvelle dans une période où le
Québec s'inscrivait dans une perspective de développement
accéléré.
Qu'il suffise de faire référence au réseau de
l'éducation qu'on s'est donné comme société, au
réseau des affaires sociales, qui sont à plusieurs égards
encore enviables aujourd'hui. C'était donc une démarche de
relations du travail, employeurs et employés, qui s'inscrivait dans
cette amorce de société moderne nouvelle. La fonction publique -
ce n'est pas seulement
les gouvernements, mais aussi les travailleurs et les travailleuses du
public - a contribué au cours de ces années à donner plus
de services et, par conséquent, une meilleure qualité de vie
à l'ensemble des citoyens du Québec. Nous sommes là pour
en témoigner. Après 21 ans, après 20 ans, le gouvernement
se repositionne en regard d'autres paramètres. Essentiellement, ce que
le gouvernement dit, et cela je crois que tout le monde est unanime à le
constater, ces services publics, cette qualité de vie et de services
qu'on s'est donnés comme société s'appuient
évidemment sur des revenus qui sont générés par
notre société et qui proviennent de l'entreprise privée et
de l'effort de chacun des individus.
Le gouvernement et les membres de l'Assemblée nationale
constatent, chaque matin que le soleil se lève, que la marge de
manoeuvre du gouvernement du Québec est de plus en plus mince en termes
budgétaires. On dit que c'est 50 % du budget du Québec qui va
à la masse, aux coûts de la main-d'oeuvre. On dit aussi que les
travailleurs et les travailleuses du public représentent quelque 13 %
des travailleurs et des travailleuses du Québec et qu'ils vont chercher
cependant près de 18 % des revenus disponibles. Pendant longtemps, la
promotion ou l'amélioration des conditions de rémunération
et de travail dans le secteur public ont contribué, il faut en convenir,
à insuffler une dynamique dans le secteur privé. Aujourd'hui, on
doit retenir cependant, et je pense que le gouvernement l'a indiqué
à quelques reprises, nous sommes d'accord là-dessus, qu'on a un
niveau de taxation qui est très élevé et qu'on risque
finalement de s'endetter chaque jour que le soleil se lève aussi.
Si on fait référence à la lecture de la situation,
il faudrait qu'on la voie de la façon la moins partisane possible,
malgré que ce soit difficile, il ne faut pas se le cacher. On est en
politique. Le gouvernement a signé des conventions collectives. Le
gouvernement a tôt fait de constater qu'il était dans
l'incapacité financière de respecter ses engagements. Le
gouvernement a agi unilatéralement. Il a déposé des
décrets, on va passer vite, si vous voulez, sur les lois 105 et 111.
Le 1er mai 1984, il déposait un document à l'occasion de
la fête des travailleurs, "Recherche d'un nouvel équilibre". Des
consultations publiques et privées ont été faites. Pour
avoir suivi ce débat, évidemment, de moins près que le
ministre, mais avec quand même beaucoup d'intérêt, je dois
vous dire, je dois vous le confesser, messieurs, dames, que, fin novembre, je
croyais personnellement, et c'est le rapport que je faisais à mes
collègues, que le gouvernement employeur et ces employés seraient
capables de s'entendre sur un régime de négociation nouveau dans
le secteur public et parapublic, compte tenu du rythme de cadence des
rencontres et de ce qui s'en dégageait. Le gouvernement a
déposé son avant-projet de loi, à la surprise de
plusieurs, en décembre. Cet avant-projet de loi contenait des
dispositions particulières que, même si vous n'avez pas eu
l'occasion de les commenter ici, vous avez commentées. On a pris
connaissance de vos positions.
Aujourd'hui, nous avons à étudier ou nous aurons d'ici
à quelques semaines à étudier un projet qui est devenu
définitif et qui reflète la volonté du gouvernement
d'intervenir. On ne peut, en ce qui nous concerne, que s'inscrire en
réaction parce qu'on n'a pas l'initiative de l'action. Pour nous,
l'action du gouvernement doit être de s'appuyer sur certains principes.
Je suis d'ores et déjà persuadé que ces principes ou ce
qu'on évoque n'iront pas tout le temps dans le sens de ce que vous
soutenez, mais je crois que c'est plus responsable d'agir ainsi.
Pour nous, dans un premier temps, la population, les intervenants, les
travailleurs, leurs représentants légitimement élus qui
sont là pour les défendre, le gouvernement et l'ensemble des
membres de l'Assemblée nationale doivent se confirmer mutuellement
aujourd'hui que le projet de loi doit assurer que toute modification doit
garantir et assurer la primauté du droit des citoyens à la
santé et à la sécurité sur toutes les autres
considérations. Évidemment, je me réfère à
la fameuse question du droit de grève, dans le domaine de la
santé, notamment.
Le gouvernement soutient que ce droit doit être exercé
seulement de façon symbolique, compte tenu des enjeux, compte tenu des
personnes qui bénéficient de ces services. Mesdames et messieurs,
je vous dirai, à la lumière d'une dizaine d'années de
parlementarisme, que ce droit est probablement, dans le fond, un droit qui a
toujours été artificiel, un droit qui, à plusieurs
égards, a souvent été même faux en ce que,
dès le moment où il était utilisé, les hommes et
les femmes politiques se sentaient l'obligation d'intervenir, de sensibiliser
le gouvernement, le ministre, etc. Combien de fois avons-nous été
conviés à un exercice spécial d'urgence pour l'adoption
d'une loi pour venir mettre fin à un conflit? Les lois spéciales,
il y en a eu une et une autre.
Pour nous, le temps, l'expérience des dernières
années, les acquis des travailleuses et des travailleurs et
l'expérience doivent nous enseigner qu'on peut certainement faire plus
et faire mieux comme société, et surtout à partir d'un
consensus. Quand on parle du recours à la grève dans le domaine
de la santé, quand on prône le retrait pur et
simple du droit de grève, ce n'est pas, comme certains peuvent le
croire ou le dire, retirer purement et simplement ce droit. Le retrait de ce
droit devra être accompagné, selon nous, nécessairement et
obligatoirement, d'une révision de la politique budgétaire au
sein des établissements. Je m'explique. Mon collègue de
Brome-Missisquoi pourra élaborer sa pensée tout à l'heure.
L'expérience nous enseigne que les gens dans le domaine de la
santé, comme ailleurs d'ailleurs, leurs revendications, le plus qu'il
tente d'aller chercher, ce n'est pas nécessairement tout le temps dans
la rémunération. Les problèmes qu'on vit dans les
réseaux, les revendications des travailleurs et des travailleuses, c'est
beaucoup plus souvent la question des postes, la question de la tâche, la
question de la quantité et de la qualité de services qui, compte
tenu des normes, affectent directement les bénéficiaires.
On a vu des exemples dans les centres d'accueil, dans les
établissements où les travailleurs et travailleuses
étaient presque obligés de se mettre en grève ou sur le
point de se mettre en grève, et illégale par surcroît, pour
sensibiliser le gouvernement et le ministère à des choses
inacceptables qui se passaient dans les institutions. (19 h 15)
Qu'il me suffise de faire référence au conflit de
Saint-Ferdinand. Vous savez, il y a peut-être des aspects qui sont
déplorables dans ce conflit mais ce n'est pas 700 personnes, dans un
petit village de 1200 habitants, qui font une grève
générale illimitée pour le plaisir d'en faire une. C'est
parce qu'il y avait des problèmes à l'intérieur de la
boîte.
On retient que le retrait du droit de grève devra être
accompagné d'un peu plus de bon sens dans les institutions. Ce qu'on
constate, c'est que, malheureusement, à peu près tout le monde se
promène avec son grand livre. La direction se promène avec son
grand livre, son livre de normes, son livre de limitations et de restrictions
budgétaires et, bien souvent, ce sont des normes auxquelles les
travailleurs n'ont pas été associés dans la
négociation. Les travailleurs n'ont pas le choix, ils se
promènent avec leur convention collective. Cela arrive parfois qu'il y
ait du feu.
Le deuxième principe, c'est le droit des employés de
l'État de s'associer pour négocier leurs conditions de travail
librement. À cet égard, je dois vous dire que, entre autres, en
ce qui concerne la décentralisation - mon collègue, le
député d'Argenteuil, y reviendra très probablement tout
à l'heure - on accepte et on attend avec beaucoup d'intérêt
vos recommandations de cet après-midi, en regard du premier point,
l'exemple du normatif lourd, pour lequel nous, on croit que le droit de
grève doit être maintenu, sauf dans le domaine de la santé,
et tout l'aspect des négociations locales, par rapport à la
centralisation. Il y a des éléments très
intéressants, dans votre mémoire, qui nous sont fournis et qui
méritent très certainement d'être bien analysés. Il
y a des pistes qui sont intéressantes, comme vous le disiez tout
à l'heure.
On a aussi le principe que la reconnaissance par la partie syndicale
que, en contrepartie du rapport de force que vous avez, c'est un rapport de
force qui est très favorable, qui vous est conféré par la
création d'un cartel intersyndical, le domaine ouvert à la
négociation collective doit être restreint. À cet
égard, j'aurai des questions sur la rémunération à
vous poser tout à l'heure, M. Laberge.
Enfin, pour nous, le gouvernement a une responsabilité, celle de
rechercher l'équilibre des comptes publics, vu qu'il est non seulement
l'État employeur, mais qu'il est aussi l'État, qui dispense des
services et qu'il va chercher les taxes et les impôts.
Le volet de l'institut, un des gros éléments de la
discussion, c'est la façon d'établir la
rémunération. Pour nous, la rémunération doit
être établie à partir de paramètres qui rendent
cette politique de rémunération la plus crédible possible.
C'est pourquoi la création d'un bureau ou d'un institut de recherche en
rémunération est intéressante. Jusqu'à maintenant,
vous savez, cela n'a pas été ce qu'il y a de plus accessible.
C'est la perception que j'en ai avec le Conseil du trésor et les mandats
qu'il donnait, etc.
Pour nous, le débat doit se faire, non seulement au sein du
gouvernement, mais à l'Assemblée nationale, sur le parquet de la
Chambre, devant la télévision, devant l'ensemble des citoyens.
Cela va se faire en commission parlementaire, ici, où le gouvernement
doit faire rapport, doit indiquer ses choix, se faire interroger par les
membres de l'Assemblée nationale sur ses choix comme gouvernement. Cette
politique de rémunération doit être établie à
partir d'une assistance. À cet égard, la création d'un
bureau de recherche en rémunération devient intéressante.
Cela fait bien longtemps - vous pourrez nous le confirmer -qu'on parle, ici,
à l'Assemblée nationale, de comparer le public avec le
privé. C'est une voie qui serait intéressante. Je dois vous dire
tout de suite que les appréhensions et les craintes que vous avez
soulevées aujourd'hui, nous, on achète cela, que ce bureau
pourrait être le plus plus crédible possible, que sa direction
doit être désignée sur proposition des parties. Plus cet
organisme sera crédible, plus il rendra service, finalement, à
tout le monde et au gouvernement le premier, à la société,
au Québec et aux travailleurs et aux travailleuses.
M. Laberge, la rémunération, c'est important, mais tout le
monde est unanime à constater que l'action, la volonté et les
revendications s'inscrivent de moins en moins à ce chapitre de la
rémunération. Je ne pense pas qu'il y ait personne qui puisse
prétendre être capable d'aller chercher 9 % ou 10 % d'augmentation
dans le cadre de la prochaine ronde. Si l'institut de recherche est plus
crédible, s'il est créé en fonction des propositions que
vous avez formulées, qu'il établit les faits et donne la lecture
des comparaisons possibles entre le public et le privé, s'il donne aussi
les niveaux de rémunération accordés ou les tendances dans
le secteur privé et peut-être même dans le secteur public,
mais aussi dans d'autres provinces, est-ce que vous pourriez souscrire au
principe que les travailleurs de l'État pourraient accepter une
politique de rémunération qui serait établie par le
gouvernement, à partir des renseignements ou des indications
formulés par cet institut, une politique budgétaire qui en
tiendrait compte complètement ou partiellement, mais où le
gouvernement devrait se commettre dans le cadre d'un débat ouvert sur la
place publique et où il est finalement tributaire de ses gestes? Est-ce
que vous accepteriez ces propositions?
M. Laberge: Ce qu'on dit de l'institut, c'est que les partenaires
devraient pouvoir lui donner d'autres mandats que lé mandat
général de la loi. Qu'est-ce que cela veut dire, la
rémunération globale? Cela peut vouloir dire bien des choses,
mais, dans les comparaisons avec les autres travailleurs et travailleuses
québécois, quand on sait qu'il y en a quelque 60 % qui ne sont
pas syndiqués, on accepterait difficilement que la comparaison se fasse
avec les employés qui sont au salaire minimum et encore bien moins avec
les employés qu'on envoie travailler, l'aide sociale et toute l'affaire.
C'est bien évident que, à ce moment-là, il n'y a pas de
comparaison possible, c'est du "cheap labour".
Mais si le gouvernement nous donnait comme politique de
rémunération que "le gouvernement n'a plus les moyens
d'être le meilleur employeur, mais peut se considérer dans la
première "bracket" des bons employeurs", cela est une politique. Allons
voir ce qu'il y a là-dedans. Quand on arrive... Je pense que la crise
épouvantable que tout le monde traverse a changé les idées
de bien du monde. Le gouvernement s'est rendu compte que sa capacité de
payer n'était plus ce que le gouvernement a déjà
pensé qu'elle pouvait être et cela nous a changé les
idées en maudit! On s'est rendu compte qu'on ne pouvait pas tout le
temps continuer à réclamer des augmentations; à un moment
donné, la capacité de payer entre en ligne de compte. On a
vécu cela en maudit dans le privé, on y a goûté.
Mais il n'y a pas un employeur qui n'avait pas la capacité de payer qui
a demandé au gouvernement d'enlever le droit de grève à
ses employés syndiqués. Il s'est arrangé pour
négocier avec ses employés syndiqués, malgré qu'il
ne pouvait pas payer d'augmentation, même si c'était
justifié dans certains cas. Vous le savez, ce n'est une cachette pour
personne que, dans certains cas, il y a des négociations qui se sont
même faites à rabais, dans le but d'essayer de permettre à
l'entreprise de survivre. Cela s'est fait et, je veux le dire, cela n'a pas
été de gaieté de coeur. Dans certains cas, dans le
privé, cela s'est fait, mais on n'a pas enlevé le droit de
grève, on n'a pas enlevé le droit de négocier. Le droit de
négocier est là et le droit de négocier, sans le droit de
grève, ce n'est pas le droit de négocier, on a le droit de
discuter, mais pas le droit de négocier.
Alors, la rémunération, on est prêt à la
regarder. Qu'un institut, vraiment un institut de recherche... Quand même
que Larose, Charbonneau et moi nous siégerions à l'institut de
recherche avec trois représentants patronaux, muets, aveugles et sourds,
ce n'est toujours pas nous qui allons faire la recherche. Cela va être
des chercheurs, ce sont des gens qui vont savoir où regarder. La seule
chose qu'on peut leur dire, c'est: Aie, ti-gars, tu vas juste regarder dans ce
bout-là, mais regarde dans l'autre coin aussi. On peut dire des choses
semblables. Mais les résultats des chercheurs, il n'y a rien qu'on peut
faire là-dedans. Si l'institut est crédible, cela vient de
diminuer énormément la durée des discussions ou des
négociations qu'il peut y avoir sur la rémunération. C'est
là que cela se situe.
Tantôt, il y a quelqu'un qui disait: Les employés de
l'État sont mieux rémunérés que n'importe qui dans
le privé. Ce n'est pas vrai, et je peux vous en donner des preuves.
Prenons les fonctionnaires, dans les basses classes. Je vous défie
d'aller dans le secteur privé syndiqué, de prendre des
sténodactylos, de prendre des commis aux livres, de prendre des choses
comme cela et de les comparer pour le "fun". Comparez-les et on reviendra se
reparler de cela après, s'ils sont trop payés! Mais c'est pour
cela que je suis d'accord avec un institut indépendant, crédible,
qui va pouvoir aller fouiller cela et qui va vous donner les chiffres. Tout le
monde va avoir les mêmes chiffres et, après cela, on saura de quoi
on parle.
M. Larose: II y a un danger à mettre en absolu la question
de la comparaison entre le secteur privé et le secteur public.
M. Laberge: Évidemment.
M. Larose: Cela, c'est nier un fait politique et un fait social
que, lorsque les
organisations syndicales rentrent dans un rapport contractuel avec les
autorités étatiques et qui détermine le salaire et les
salaires, il y a des choix politiques de faits là-dedans. Vous ne m'avez
pas encore répondu, ni dans le privé, ni dans le public,
concernant les femmes. Il y a eu des choix de faits dans la
détermination des salaires pour réduire la discrimination
homme-femme concernant les salaires. Votre proposition de comparaison veut nous
faire passer d'un écart encore existant entre les hommes et les femmes,
qui est de l'ordre de 17 %... Votre proposition pour les secteurs privé
et public, c'est que cela passe à 36 %. C'est cela votre proposition,
mais, en même temps, vous masquez la réalité de la
négociation des salaires dans le secteur public, comme dans le secteur
privé d'ailleurs. C'est qu'il y a des choix politiques et il y a des
choix sociaux. C'est achalant, je le sais bien, pour quelqu'un qui a à
gérer cette province, de négocier aussi quelques choix politiques
et quelques choix sociaux.
On prétend, comme organisation syndicale responsable dans une
société tout aussi responsable, que nous avons le droit, comme
partenaires sociaux, d'influencer ce genre de décisions. Alors, le fait
que vous vouliez, de façon automatique, à partir d'un "press
button" à 19 %, pour les secteurs privé et public, et les reins
roulent, on ne marchera jamais là-dedans c'est de l'illusion. On me
parlait d'illusion tantôt; c'est celle-là, l'illusion, parce qu'il
y a des choix que vous faites et il y a des choix que nous faisons. Quand on
négocie des salaires, c'est effectivement soit de réduire des
écarts, d'éliminer la discrimination, de relever les bas
salariés, c'est tout cela qu'on fait. Être à la remorque -
parce que cela aussi, il y a une grande mystification là-dedans - dans
la comparaison entre le privé et le public, d'un secteur qui est
massivement non syndiqué de l'ordre de 82 %, peut-on dire,
effectivement, que vous faites tirer le chariot à quelqu'un qui est
peut-être moins pourvu? Bernier et Cadieux, en tout cas, vous ont-ils dit
combien il y avait de syndiqués? Et les taux de syndicalisation? Vous
ont-ils parlé de l'histoire du mouvement ouvrier en Italie? en France?
en Belgique? en Suède? Vous ont-ils parlé des relations
déjudiciarisées? Il n'y a pas de recours collectif contre les
syndicats. On ne met pas le monde en prison parce qu'on a été
solidaire d'une décision d'une assemblée générale.
Ils ne sont même pas reconnus avec des papiers d'accréditation. II
faut mettre cela dans le débat. Dans une comparaison des régimes
soi-disant très libéraux et archilibéraux au
Québec, je vous dirai que, dans le cadre d'une syndicalisation à
30 % par rapport à un cadre de syndicalisation à 85 % en
Suède, le mouvement ouvrier en Suède est autrement plus costaud
pour influencer les décisions politiques et économiques qu'on
peut l'être.
Qu'on ne me fasse pas brailler sur le soi-disant régime
libéral qu'on a. Ce n'est pas vrai. On a le régime qu'on s'est
donné. On a le régime que la société
québécoise a voulu se donner et je pense que cela a
été rentable pour la société
québécoise. La proposition 37, elle dessert la
société québécoise et la proposition concernant les
secteurs privé et public là-dedans, c'est, à mon avis,
desservir pas rien que le mouvement syndical, mais l'ensemble de la
population.
M. Laberge: Deux fois.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. Harguindeguy, vous
avez demandé la parole.
M. Pagé: Avant, M. le Président, et si vous me le
permettez, M. Larose, je dois vous dire, que, ce matin, j'ai indiqué, au
début de nos travaux, que l'alignement du secteur privé et du
secteur public dans la perspective d'une nouvelle politique de
rémunération risquait de causer un préjudice très
grave à l'évolution de la situation des conditions de
rémunération et de travail de la femme au Québec. (19 h
30)
M. Charbonneau (Yvon): Si vous me permettez d'ajouter seulement
une phrase et ensuite, Jean-Louis... C'est parce que c'est sur cette question,
on parle souvent de la rémunération des pays civilisés
visités par vos deux chercheurs en Europe de l'Ouest. En Angleterre, Mme
Thatcher a mis la hache dans une institution qui s'appelle le "Pay Research
Unit" parce qu'elle trouvait cela trop emmerdant de devoir aligner le public
sur le privé. Cela lui aurait coûté trop cher.
Jean-Louis.
Discussion générale
M. Harguindeguy: Justement sur la question de l'institut, je
pense qu'il faudrait quand même apporter les clarifications qui
s'imposent et ne pas croire que notre revendication serait dans le sens que ce
soit l'institut qui établisse finalement les augmentations et les
salaires qu'on devrait obtenir. Ce qu'on revendique, c'est qu'il y ait un
institut qui soit crédible. Les dernières négociations ont
toujours fait en sorte que cela a achoppé sur la question des salaires.
Une guerre de chiffres, la partie patronale prétendant telle chose, la
partie syndicale telle autre chose. Finalement, tout le monde se perd dans les
chiffres. Ce qu'on veut, c'est avoir un institut qui puisse fournir les
données sur lesquelles on pourra discuter, négocier les salaires,
la rémunération qui est appropriée à chacun. Donc,
ne pas croire que c'est l'institut qui va déterminer les
augmentations.
Mais je voudrais revenir surtout à l'orientation que M.
Pagé a annoncée à savoir que, pour lui - en tout cas pour
le parti qu'il représente - l'endroit approprié pour
déterminer nos salaires serait en commission parlementaire ou à
l'Assemblée nationale. Vous me permettrez d'en douter. En tout cas, je
préfère m'occuper de mes affaires et avoir confiance en mes
moyens que de laisser le soin à d'autres de décider, et ce,
compte tenu que j'estime qu'une commission parlementaire n'est pas
nécessairement l'endroit approprié pour négocier. Les
règles de procédure, telles qu'on les connaît à
l'heure actuelle, ne nous permettent pas d'intervenir aussi facilement qu'on le
souhaiterait, comme en période de négociation, où il y a
un certain dialogue qui doit être maintenu. D'autre part,
j'appréhende quelque peu les décisions qui seraient prises par
les parlementaires, malgré toute la déférence que je dois
avoir à leur égard. Si je tiens pour acquis la déclaration
du président du Conseil du trésor, qui n'a pas été
contredite, à savoir qu'en 1982, lorsque vous avez adopté les
décrets, très peu de personnes - si ce n'est personne -avaient
pris connaissance de la totalité du document, vous me laissez perplexe
sur la décision que vous prendrez sur les salaires.
M. Pagé: M. le Président, une très
brève question à M. Charbonneau, avant de céder la parole
à mes collègues. Nous sommes aujourd'hui le 15 mai. Le projet de
loi est là. Pour nous, même si nous croyons qu'un gouvernement est
plus ou moins justifié d'apporter des modifications aussi substantielles
au début de la cinquième année du deuxième mandat,
il est toujours possible que ce projet de loi auquel on sera convié
à la deuxième lecture d'ici à quelques jours finisse par
être adopté. Le gouvernement a la majorité et peut toujours
se prévaloir des mesures de guillotine, etc.
Une voix: Elles lui sont familières.
M. Pagé: Qu'est-ce qui arrive le 21 juin? Vous avez
évoqué tout à l'heure que nous, on n'est pas sur le
terrain et qu'on n'a pas le vécu quotidien, comme vous pouvez l'avoir
dans vos instances. En principe, la négociation pour le renouvellement
des décrets ou de la convention, ou des décrets qui en tiennent
lieu, aurait dû s'amorcer le ou vers le 5 avril. Qu'est-ce qui va arriver
dans la perspective de la prochaine convention collective si ce projet de loi
est adopté à la fin de juin et entre en vigueur au début
de juillet, ou à peu près? Est-ce que c'est possible d'en
arriver... Votre perception, c'est quoi?
M. Charbonneau (Yvon): Lorsqu'on a commencé à
discuter de l'intention de réforme du régime, on avait une
demande qui était jumelle, qui était l'autre côté de
la pièce de monnaie, c'était celle d'entreprendre les
négociations avec le présent gouvernement pour le renouvellement
des conventions collectives. Ce renouvellement aurait pu inclure la
présente année. On pensait que cela aurait été
beaucoup plus fonctionnel de se ranger comme cela et d'ajouter quelques
règles du jeu en cours de route. Le gouvernement a
préféré nous entraîner dans un débat sur le
régime seulement et il a fermé la porte à la question de
la négociation avant de réformer le régime ainsi qu'il
l'entendait. Cependant, de notre côté, nous avons entrepris des
préparatifs, les préparatifs habituels, c'est-à-dire une
certaine forme d'étude des situations, ce qu'auraient dû faire les
chercheurs gouvernementaux plutôt que de courir l'Europe, etc. - ce qui
ne manque pas d'intérêt, d'ailleurs - étudier les
problèmes dans les écoles, les hôpitaux, les services
publics, etc. D'ailleurs, il y en a qui l'ont fait. Le Conseil supérieur
l'a fait. Cela a beaucoup inspiré le ministre de l'Éducation,
d'ailleurs.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Charbonneau (Yvon): Nous, on a continué, on a
mené une étude systématique des problèmes concrets
- ça, c'est important - sur des questions comme l'organisation du
travail, sur la question des services à donner dans les écoles,
différentes catégories d'élèves. C'est la
même chose pour ce qui est du secteur hospitalier et dans la fonction
publique. Ils ont étudié, nous avons étudié
ensemble dossier par dossier ces questions complexes parfois, très
complexes, d'organisation du travail, d'organisation des carrières
aussi. Nos membres sont de plus en plus sensibles à des valeurs ou
à des besoins qui amèneraient un réagencement de leurs
années de travail, de leurs 32 ou 35 ans de travail, avec des phases,
etc. Alors, on a capté un certain nombre de ces besoins, de ces
sensibilités, et on a préparé des dossiers, par exemple,
sur l'emploi, sur l'organisation du travail, sur le travail, sur les
tâches, etc. On a également tenu compte de l'impact de
l'implantation des nouvelles technologies qui viennent transformer certains
processus de travail.
Pour répondre à votre question, ce que nous avons fait, on
a préparé nos dossiers dans un état peut-être
inégal d'avancement selon les dossiers, mais cela a avancé. Ce
que nous ferons, à tout événement, on va continuer
à préparer ce qui nous semble les choses à proposer
à nos employeurs et au gouvernement afin de continuer à
améliorer la situation des services publics dans les prochaines
années et, également, je dirais, à tenir compte des
besoins du système et des
besoins des personnes qui y travaillent. Nous allons continuer à
préparer nos dossiers après le 21 juin, avec une pause
d'été compréhensible.
Le Président (M. Lachance): II reste trois minutes et
demie dans le bloc de temps imparti. Est-ce que vou3 voulez continuer
immédiatement ou...
Une voix: On vous le redonnera.
M. Paradis: Après le ministre des Affaires sociales.
Le Président (M. Lachance): D'accord. M. le ministre des
Affaires sociales.
M. Chevrette: M. le Président, j'ai quelques questions. La
première s'adresse au camarade Larose, Cela concerne la
négociation sectorielle. Votre demande est de négocier à
une table unique pour les cinq sous-secteurs, si j'ai bien compris vos propos.
Est-ce que vous accepteriez une proposition, à savoir qu'il y ait une
liste, une nouvelle annexe édictant un certain nombre d'objets qui
seraient nécessairement négociés à l'échelon
sectoriel et non pas à l'échelon sous-sectoriel, avec le pouvoir
ou la possibilité d'ajouter à cette proposition sur consentement
unanime des parties?
M. Larose: Si je comprends bien, le pattern serait le suivant: II
y a une table centrale, affaires sociales; on s'entend sur des matières
à être négociées, pas à être
arrangées, mais à être négociées, au plan
sectoriel?
M. Chevrette: En d'autres mots, le CPNAS que vous avez connu
aurait comme mandat de négocier une liste précise d'objets avec
le pouvoir d'ajouter, avec le consentement des parties à cette liste, et
une autre annexe qui serait faite avec des arrangements locaux où vous
pourriez procéder purement et simplement comme vous nous l'avez
demandé, je crois, sur cette partie. La partie des arrangements locaux,
on les laisserait tels quels. En d'autres mots, il y aurait trois paliers de
négociation: un sectoriel, un sous-sectoriel et un, facultatif, bien
sûr, sur les arrangements locaux. Au sectoriel, il y aurait une liste
préalablement établie avec une possibilité d'ajouts, avec
le consentement des sous-secteurs. Il y aurait le palier sous-sectoriel et,
bien sûr, la liste des arrangements locaux dont on a discuté, de
toute façon, depuis un bon bout de temps.
M. Larose: Le "préalablement établi", il est
fixé par la loi ou si c'est le fruit de la négociation au
plan...
M. Chevrette: Fixé par la loi en annexe. Par exemple, sur
les objets communs qu'on retrouve... Prenons l'exemple du quantum des
congés sociaux, le quantum des vacances. Au lieu de se retrouver
à en discuter à l'ensemble des sous-secteurs, perte de temps et
d'énergie et probablement de beau coup d'argent, on le retrouve au
sectoriel, à une table unique. C'est un exemple de points du genre qu'on
peut facilement identifier comme communs à l'ensemble des
sous-secteurs.
M. Larose: Je pense qu'on est sur une voie qui peut être
intéressante. La question que je posais, c'est: Si c'est
préalablement établi, cela dépend ce qu'on a
établi, cela dépend des matières qui vont être
centralisées, et centralisées dans le sens de sectorialiser. Cela
dépend des matières qui vont être au plan sous-sectoriel.
Notre proposition n'élimine pas effectivement on voudrait simplement
s'entendre dessus.
M. Chevrette: La distinction fondamentale entre votre
réponse et ma question est que vous parlez de négociation des
objets de la table sectorielle alors que je vous dis que c'est
préalablement établi par liste. C'est là qu'est la nuance
entre les deux.
M. Larose: On n'est pas chaud là-dessus. On aime beaucoup
l'exercice de la négociation, un peu moins celui des décrets. Le
fait que vous décidiez unilatéralement que c'est comme cela que
cela va se passer, nous serions plutôt d'accord pour qu'il y ait des
matières qui soient négociées sectoriellement, d'autres
qui le soient sous-sectoriellement et d'autres, par des arrangements locaux.
Là-dessus, on s'entendra à notre table.
M. Chevrette: Cela s'envisage d'une autre façon. Il va se
soi qu'il y a des objets qui sautent aux yeux, qui sont négociables
sectoriellement, vous en convenez avec moi. Je vous ai donné un exemple
ou deux. Si, en plus, il y a un pouvoir de ramener le tout au sectoriel, il y a
une partie qui vous échappe, mais pas la totalité. Est-ce qu'on
se comprend bien?
M. Larose: La mécanique que vous nous proposez pour
remonter les matières à la table sectorielle, puis-je vous dire
que c'est le droit de veto patronal pour une organisation patronale? C'est
complexe, votre affaire. Il faut d'abord l'unanimité des organisations
syndicales - on commence à en avoir l'habitude -...
M. Chevrette: Donc, ce n'est pas un problème pour vous
autres.
M. Larose: Non.
M. Chevrette: Mais est-ce que cela pourrait être un veto et
un veto syndical face à une demande patronale de négocier
sectoriellement?
M. Laberge: Ce n'est pas marqué.
M. Larose: Pourquoi ne placez-vous pas tout cela en haut?
Ensuite, on s'entendra pour savoir ce qui va descendre au lieu de faire le
contraire. C'est toujours plus dur de monter les côtes que les
descendre.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Larose: Surtout que vous imposez aux parties dans le clan
syndical d'être d'accord pour partir tout le monde en même temps,
pour monter la côte, tandis que, du côté patronal, si l'un
dit "on ne remonte pas la côte", les quatre autres sont "stalles". On
trouve que la mécanique est un droit de veto, en fait, pour toute
organisation patronale.
M. Chevrette: Ma deuxième question s'adresse à Mme
Pelletier. Cela fait deux fois que je vous entends dire que les pourcentages ou
les plafonds sont irréalistes. Vous dites: On pourrait vous faire des
propositions vous démontrant que ce serait beaucoup plus simple d'avoir
une proposition concrète émanant des syndiqués
eux-mêmes. Vous avez, en particulier, dans le cas des infirmières,
dit que vous aviez vécu des expériences qui démontraient
cela. J'aimerais que vous me donniez un exemple.
Mme Pelletier: Par exemple, quand on vous dit que les
pourcentages sont inapplicables, si on parle du soir ou de la nuit, souvent, on
ne se retrouve pas plus de trois ou quatre sur les quarts de travail. Donc,
c'est éliminé. Personne ne va partir. Le droit de grève
est éliminé. Je disais, lors de rencontres
précédentes, que des expériences ont été
vécues dans notre secteur et qu'on était prêt à
s'asseoir n'importe quand pour reprendre les services essentiels qui avaient
été donnés dans les différents milieux. Je n'ai pas
apporté mes listes avec moi, ici, mais des expériences
vécues de façon concrète peuvent démontrer que
c'est pratiquable et, avec le code qui vous a été expliqué
et que vous avez en main, cela rejoint les positions que nous avions sur les
services essentiels à assurer à la population.
C'est dans cette pratique que nous disons que l'ensemble des gens du
secteur de la santé sont prêts globalement à s'inscrire
dans cette démarche qui donne une garantie de services adéquats
à assurer a la population en temps de conflit. C'est bien sûr
à partir du vécu de 1979 et de 1982, avec les ententes
extrêmement nombreuses dans notre secteur. Dans le code, encore une fois,
ce sont ces positions qui sont reprises de façon très large.
M. Chevrette: Dans l'approche du code tel que
présenté, et qui n'est pas complété, si j'ai bien
compris M. Larose tantôt, j'aimerais vous entendre sur une
réaction que nous avons eue ce matin, je ne me souviens pas laquelle des
parties l'a affirmé. À la lecture du code d'éthique qui a
été transmis même à la partie patronale, si j'ai
bien compris, un des représentants - je crois que ce sont des centres
d'accueil, mais je le dis sous réserve - disait qu'à toutes fins
utiles reconnaître ce code d'éthique, c'était
reconnaître le droit de gérance des syndiqués en temps de
grève à l'intérieur de l'hôpital. Comment
réagissez-vous à cette allégation?
M. Larose: La gérance? Le droit de gérance?
M. Chevrette: De l'organisation des services de santé et
de la distribution des services de santé. C'est une affirmation qu'on a
entendue ce matin. (19 h 45)
Mme Pelletier: Quand on parle des services essentiels, je pense
qu'on ne se cache pas, on a toujours exprimé que cela relevait en grande
partie de la responsabilité des travailleuses et des travailleurs. Quand
on dit que la négociation des services essentiels doit se faire au
milieu local, bien sûr, quand c'est possible, avec la partie patronale
qui est là, quand il y a moyen de s'entendre, dans le passé, il a
été démontré que c'était possible. Si les
patrons disent à ce moment que c'est le droit de gérance du
syndicat, la façon dont le code est expliqué, moi, je dis qu'il y
a de la place pour qu'on s'assoie avec les employeurs et qu'on réussisse
à s'entendre sur les services à maintenir. Si on qualifie cela de
droit de gérance, ils en ont déjà beaucoup de droits de
gérance, les employeurs, mais on ne cache pas que cela revient aux
travailleuses et aux travailleurs, cette responsabilité. Si elle est
partagée par l'ensemble, cela nous apparaît extrêmement
rassurant et peut-être plus rassurant que de le laisser
entièrement au patron, parce que ce qui se passe actuellement dans le
réseau de santé, vous le savez, de façon quotidienne, il y
a des situations inacceptables. Et ce n'est pas dû aux travailleuses et
travailleurs, ce n'est pas dû aux syndicats, mais ils se sont battus pour
faire changer des situations pareilles.
M. Laberge: Justement, me permettriez-vous une petite question,
juste pour m'éclairer? Le droit de gérance que vous voulez
accorder, est-ce que c'est aux gens qui gèrent tellement bien les
affaires que vous les menacez?
M. Chevrette: Pas mail Comme question, elle est bonne. J'ai pris
la peine, M. Laberge, de dire que c'était une allégation qui a
été faite ici ce matin à cette table, probablement
même à la table et à la place où est Mme Pelletier.
Je me demandais à ce moment quelle serait la réaction de la
partie syndicale d'entendre cela, parce qu'il n'y avait pas de
représentant syndical à ce moment. Deuxièmement, je
voudrais vous citer une autre allégation qui a été faite,
je ne sais pas si c'est aujourd'hui ou hier que je l'ai entendue. Si c'est vrai
que la responsabilité relève du syndicat ou des travailleurs et
travailleuses de l'établissement, vous pourriez considérer,
à partir de la grille que vous avez, qu'il y a X cadres, par exemple.
Donc, dans l'institution, pour donner des services normaux, pour suivre
toujours le même raisonnement, il faut - je ne sais pas - nous avons dix
cadres et ça en prend douze, deux salariés. Mais celui ou celle,
le directeur ou la directrice de nursing, ça fait 15 ou 20 ans qu'elle
est directrice ou qu'il est directeur, dorénavant, à cause du
nombre, non pas à cause de la compétence, et vous avez bien
spécifié vous autres mêmes que c'est la qualité des
services que vous voulez maintenir, qu'est-ce qui arrive si depuis quinze ans,
il ou elle n'a pas injecté, par exemple, une intraveineuse?
M. Larose: On les déclarera incompétents et ils ne
feront pas partie des services essentiels.
Mme Pelletier: M. Chevrette, on a vécu cette situation,
encore une fois, dans les dernières négociations des services
essentiels. Il y a des endroits des infirmières-chefs dont cela ne fait
pas deux ans qu'elles ont laissé la pratique d'infirmière
autorisée et qui disaient: On ne peut pas. Je pense que c'est un peu
aussi fou quand on vient nous affirmer quand on est infirmière-chef que,
deux ans après, on ne peut plus assumer des soins aux
bénéficiaires. Cela est du charriage. Quand vous donnez l'exemple
de quelqu'un pour qui ça pourrait faire quinze ans, nous avons tenu
compte de ces situations. C'est pour cela que, quand on dit aussi que des
quotas, ça ne peut pas s'appliquer à 90 % de façon
générale, qu'il faut tenir compte de chaque milieu, des gens qui
y travaillent et que c'est là qu'on est capable de faire
l'évaluation, je pense que c'est évident que quand quelqu'un
depuis quinze ans n'a pas été sur les unités de soins,
mais dans un bureau, c'est très déplorable. M. Larose disait
tantôt que c'est peut-être un bon moment de revenir vraiment sur le
plancher et de voir ce qui est assumé par les travailleuses, mais moi,
je vous dis que ce sont des situations dont on a tenu compte en 1979 et en
1982.
M. Laberge: En plus, vous avez la Commission des services
essentiels, dont c'est le rôle d'aller voir cela et de voir si cela a de
l'allure. En tout cas, personne n'en a parlé, mais pourrais-je vous
signaler que la Commission des services essentiels a rendu de très
précieux services dans les municipalités et les commissions de
transport, à la Commission de transport de Montréal, à la
Commission de transport de la rive sud. La Commission des services essentiels
s'est assise avec le syndicat et avec les employeurs et ils sont venus à
bout de faire accepter des compromis par les deux et cela a fonctionné.
Si vous les faites juge, partie et bourreau, c'est un rôle qu'ils ne
pourront plus exercer. Il n'y a personne qui va vouloir les sentir. Il me
semble que c'est quelque chose que vous ne devriez pas avoir de misère
à garder. Il y a le Tribunal du travail, il y a la Cour
supérieure, il y a beaucoup de tribunaux, non? À part de cela, il
se nomme des juges tous les jours, quasiment.
M. Chevrette: Pas si souvent que cela. J'avais d'autres
questions, mais je sais que vous êtes limités. Il y en a seulement
trois qui ont parlé sur l'ensemble. Donc, je vais donner mon tour et je
reviendrai s'il me reste du temps.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Très rapidement, M. le Président,
tantôt...
Le Président (M. Lachance): D'accord, on a réduit
les blocs de temps... Une demi-heure, c'était beaucoup.
M. Paradis:... mon collègue de Portneuf, dans son
introduction, a dit que, pour le Parti libéral, dans le domaine de la
santé le maintien des services de santé en tout temps
était une priorité absolue. On a devant nous un projet de loi
présentement qui, à son article 87, propose une approche qu'on
peut aisément en tout cas qualifier de technocratique, qui gèle
un plancher ou un plafond, qu'on l'appelle comme on veut, des pourcentages qui,
à notre avis et qui de l'avis d'autres intervenants, même
patronaux qui vous ont précédés, ne sont pas satisfaisants
dans plusieurs cas. On peut parler, comme dans le cas des centres d'accueil, de
90 %, de 60 % des services qui sont déjà là parce que les
centres d'accueil, les services ne sont pas rendus de façon
complète à cause d'un manque de personnel, etc. On a
également devant nous, cet après-midi, une proposition que vous
mettez sur la table comme coalition qui s'appelle un code d'éthique. Je
ne veux pas discuter de la forme, qu'il s'agisse d'une loi ou d'un code
d'éthique, mais strictement des mécanismes qui y sont
contenus. Est-ce que vous considérez que les mécanismes, à
supposer qu'ils aient la même valeur ou la même autorité,
qui sont contenus dans le code d'éthique que vous placez sur la table
cet après-midi, assurent des services qui, sans être complets,
parce que j'ai encore des réserves là-dessus, sont
supérieurs pour le bénéficiaire qui se retrouve
alité? Prenons le cas, comme premier exemple, du centre hospitalier en
cas de conflit de travail; sur quel élément vous basez-vous pour
faire une telle déclaration?
M. Laberge: II me semble que ce qui vous inquiète, c'est
que les patients aient des services adéquats. Je suppose que les deux
propositions, disons, rejoignent cela. Mais ce que la proposition qu'on
retrouve dans le projet de loi 37 ne prend en considération ni les
médecins, ni les cadres, ni les travailleurs et les travailleuses non
syndiqués, nous, dans notre code d'éthique, on prend soin de
cela, évidemment. Qu'on considère que, dans le secteur des
affaires sociales, le gouvernement semble déterminer, enfin, il y a des
fois, il nous semble déterminer, des fois, il ne semble pas... Vous
dites que la grève ne peut pas durer longtemps dans le secteur des
affaires sociales. Ne venez pas pleurer sur nos épaules que les pauvres
cadres vont être surtaxés. Si la grève ne dure pas
longtemps, ils vont pouvoir prendre la relève pendant une
journée, deux jours, trois jours. Cela n'a jamais fait mourir personne.
Cela serait tellement mieux pour les patients. Je ne sais pas, mais on semble
se préoccuper beaucoup plus d'une possibilité de diminution de
services tous les trois ans qu'on se préoccupe d'une diminution
constante de services tous les jours de la semaine. Cela fait des années
que dure la diminution des services. Les salles d'urgence sont bondées,
il n'y a personne les fins de semaine, il n'y a pas d'opération, il n'y
a rien. Les patients attendent dans les passages. Les listes d'attente sont
passées de six mois à neuf mois, dix mois, onze mois dans
certains hôpitaux. Vous ne parlez pas du droit à la santé
dans ce temps-là. Le droit à la santé, ce n'est pas juste
une fois tous les trois ans.
M. Paradis: Peut-être, M. Laberge. Si vous me le permettez,
pour continuer dans le même sens de votre intervention, votre code
d'éthique prévoit quand même ceci et je cite à
partir de l'article 2. 1 dans le cas du centre hospitalier: "Le nombre de lits
ouverts ne dépassera pas celui des périodes où on constate
les plus bas taux d'occupation. " Je viens de faire une tournée à
travers la province et je ne la prétends pas complète. Avec des
fermetures complètes de départements à certaines
périodes qui ont été mentionnées, etc., est-ce que
votre code d'éthique n'est pas trop sévère, à ce
moment-là? Parce que, s'il faut se retrouver à longueur
d'année ou pendant toute la durée de la grève dans une
situation où l'on se retrouve dans les pires moments à longueur
d'année, soit la période estivale, soit la période des
fêtes, est-ce qu'on peut vraiment parler de protéger le droit du
bénéficiaire à la santé et son
accessibilité?
M. Laberge: Si on ne le protège pas dans ce
temps-là, vous ne le protégez pas dans les autres temps.
M. Larose: II faut visualiser cela très
concrètement. On dit: En période de grève, peut-on se
payer collectivement le régime du temps des fêtes? Exemple: La
grève, habituellement, cela ne dure pas quatre mois, cela dure trois,
quatre jours.
M. Laberge: C'est cela.
M. Larose: Si on observe, dans la prestation annuelle des
services, que, pour la période des fêtes, effectivement, les
médecins reportent l'ensemble de leurs opérations, on ne fait
qu'entretenir ou, en tout cas, soigner les gens qui sont déjà
dans les hôpitaux, cela se peut-il qu'on puisse prendre cela et se
calibrer là-dessus? On pense que ce n'est pas mettre en péril le
droit à la santé qu'a la population. Les amygdalites, à
moins qu'elles soient aiguës... Cela se peut bien. Pour mon gars,
justement, il faut que j'y aille. Si on est en grève, je lui dirai:
Attends, il n'y a pas de cassure. S'il y a une cassure, il pourra y aller,
parce que l'urgence va être ouverte. C'est dans ce sens-là.
M. Paradis: On se retrouve déjà, M. Larose, dans un
système où, si on veut parler strictement des électifs,
même en cas de grève, strictement des cas électifs... Dans
la région de Québec, ici, pour ne pas le mentionner, un
hôpital, récemment, nous disait et nous autorisait à le
révéler qu'il y avait plus de 40 patientes - on parle de la
situation des femmes - qui étaient atteintes du cancer du sein et qui
étaient sur une liste élective pour être
opérées - là, on parle de cancer du sein sur une liste
élective - et que le délai minimal était de quatre mois.
Est-ce que vous ne pensez pas que, dans un cas de grève, on allonge
encore ce délai pour ces patientes qui sont sur une liste
élective?
M. Laberge: Bien non! Bien non! Bien non!
M. Larose: De trois jours?
M. Paradis: Attendez une minute! J'ai
deux réponses: j'ai non et j'ai de trois jours.
M. Larose: Ce qu'on vous dit essentiellement, quand on se fixe un
repère comme celui-là, c'est qu'on ne voudrait pas que, pour une
période de grève, les exigences de ceux qui décident dans
le réseau soient supérieures à ce qu'ils décident
pour des périodes moins sévères et normales. Si vous nous
dites qu'en période de vacances ou de congé de Noël, vous
corrigez la situation et que, effectivement, vous relevez l'ensemble de la
prestation de services, on vous dira que, pour la grève, on va
être prêts à relever cela au même niveau.
M. Paradis: Si je comprends bien, vous mettez le fardeau,
à ce moment-là, sur le dos du gouvernement: Donnez-nous des
services accessibles en tout temps et, en période de grève, ils
seront également accessibles.
M. Larose: Vous n'êtes pas bête en logique,
là!
Le Président (M. Lachance): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Gendron: M. le Président, j'ai quelques courts
commentaires avant de poser une couple de questions. Effectivement, je voudrais
moi aussi remercier les gens de la coalition d'avoir accepté cette
fois-ci de venir nous donner leur point de vue dans un mémoire quand
même assez articulé et étoffé. J'ai toujours
pensé, un peu comme M. Larose l'a dit tantôt, que c'était
assez facile de mentionner que c'est plus facile de descendre les côtes
que de les monter, mais je pense qu'on risque de faire avancer les
débats davantage lorsqu'on profite des occasions qui sont offertes pour
venir s'exprimer et donner son point de vue. En poussant sur certaines choses,
règle générale, parfois cela prend plus de temps que
prévu, mais cela permet de les faire avancer. Dans ce sens, je suis
heureux que vous ayez répondu à l'invitation qui vous
était faite de venir donner votre point de vue.
Dans le mémoire de la coalition, en page 26, on m'a cité
un peu et je voudrais profiter de l'occasion - parce que c'est peut-être
la première fois - pour rectifier certaines choses ou donner au moins
des précisions quand on dit: "Le principe d'une véritable
négociation locale, avec droit de grève, sur certaines
matières, fait d'ailleurs consensus entre les syndicats, la
Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec
et même le ministre Gendron, comme en fait foi la récente entente
de principe sur la tâche que le Conseil des ministres a rejetée.
J'ai lu totalement le paragraphe.
Je voudrais indiquer que c'est exact que, sur la base de cette entente
de principe et également sur la base de ce qui a été
évoqué par M. Charbonneau, dans le sens que les problèmes
réels en éducation, cela nous intéresse, comme
gouvernement et cela m'intéressait comme ministre de l'Éducation,
et cela a intéressé mon collègue qui est ici
présent ce soir, M. Bérubé, quand il avait le
ministère, puisqu'on a déjà eu une certaine discussion
qu'on a appelée "les accords du 11 mai", à la suite de choses que
nous reconnaissions comme réelles, et également la formation et
la création du comité mixte qui a travaillé et qui a
permis de progresser toujours sur des problèmes réels que je
reconnais... Dans ce sens, ce que je veux indiquer, c'est que, aux mêmes
occasions où, pour ce qui est de l'entente, j'ai pensé que cela
pouvait être soutenant dans l'hypothèse d'un règlement, sur
trois ans, de toute la question du chapitre VIII, que, oui, nous pouvions
envisager - ceux qui sont plus familiers avec ces notions - un "one shot deal",
pour refaire les bases de certains éléments de la
négociation locale, parce que la prétention syndicale
était qu'à la suite du décret, c'est bien sûr qu'il
y a des choses qui ont été imposées, qui ne
correspondaient pas, en tout cas, aux idéaux de la partie syndicale,
à tout le moins. (20 heures)
Je voudrais rappeler que, pour le bénéfice de tout le
monde, mes collègues et tous les autres, à la première
rencontre, je pense, avec la coalition, à la suite du dépôt
de l'avant-projet, j'ai aussi mentionné que, en ce qui me concerne, je
prétendais qu'on ne pouvait pas, en 1985, affirmer sans nuance, comme
vous le faites régulièrement dans votre mémoire, que le
droit de grève en est un inaliénable pour tous les travailleurs
et toutes les travailleuses, bien sûr y compris ceux et celles du secteur
social. Vous ajoutez: sur toutes les matières et sur toutes les
conditions de travail.
J'avais indiqué à cette première rencontre qu'il
m'apparaissait que, pour certaines matières négociées
localement, compte tenu de la valeur dans le rapport de force de l'utilisation
du droit de grève comme outil de pression ou comme moyen ultime
d'essayer de régler des conflits, c'était disproportionné
que d'avoir cette prétention sans nuance pour à peu près
n'importe quoi. C'est exactement ce que cela veut dire. Les conditions de
travail des travailleurs et des travailleuses, quand on les détaille, il
y en a qui sont majeures, primordiales, mais je n'accepte pas que l'on puisse
avoir la prétention que tous les éléments qui
légifèrent les conditions de travail des travailleuses et des
travailleurs du secteur public aient le même caractère
fondamental.
Je tenais à faire cette précision. Ceci étant dit,
ma première question, j'aimerais la
poser à M. Charbonneau, président de la CEQ. Est-ce qu'il
ne lui apparaît pas également que, dans la perspective où
nous aurions à discuter un peu plus longuement des matières qui
devraient être négociées localement, la prétention
d'un droit de grève absolu... Bien sûr, même si je vois cela
sur du papier, on veut juste l'avoir, il y a bien des chances qu'on ne l'exerce
pas, il est loin d'être sûr qu'on va l'exercer, je comprends cela.
Mais, ma question précise, c'est: Est-ce que vous convenez qu'il est
légitime et normal de prétendre que, sur toutes les
matières, effectivement, cela ne vaut pas la peine de faire l'exercice
qu'au niveau local il y a certaines matières qui pourraient être
soustraites à un droit de grève permanent? Parce que, lorsqu'on a
cité Gendron, c'était dans la perspective d'une hypothèse
de règlement sur trois ans, je l'ai bien expliqué, un "one shot
deal", et on revenait sur des bases qu'on a sur la table dans le nouveau projet
de loi.
Alors, j'aimerais avoir des précisions de M. Charbonneau
là-dessus.
M. Charbonneau (Yvon): J'ai une orientation, comme
réponse, à vous souligner, qui est à la page 26, le
paragraphe précédent celui que vous avez lu. C'est écrit!
"Les enseignantes et les enseignants des commissions scolaires ont
traditionnellement négocié au niveau local un nombre significatif
de sujets, notamment en ce qui a trait à l'organisation du travail et
aux mouvements de personnel. " Voilà le coeur du sujet pour ce qui est
du niveau local et ce sont les objets lourds, les objets qui conditionnent la
vie des personnes dont nous parlons. C'est là-dessus qu'il doit y avoir
un recours substantiel, qu'on appelle le droit de grève.
Si on va à l'annexe de votre projet de loi, à la page 29,
secteur des commissions scolaires, vous avez l'énumération de 26
points. Si vous vouliez - ce n'est certainement pas le sens de votre question,
tout au contraire - me faire dire qu'il nous faut le droit de grève sur
les modalités de versement du traitement ou sur la caisse
d'économie, point 26, ou sur quelques autres questions secondaires, ou
je ne sais pas, l'utilisation des locaux de la commission scolaire ou la
communication des affichages des avis syndicaux, si vous vouliez me faire que
nous tenons comme à nos yeux au droit de grève sur des questions
comme celles-là, je ne vous dirais pas cela. Mais, je vous dis, par
exemple, que, dans votre liste des 26 points, il y a des matières
lourdes de sens, parce qu'elles font la vie des gens. Il y en a plusieurs.
Comme mon collègue M. Weiner a travaillé avec vous à la
mise au point d'un projet d'accord, ii va pouvoir compléter la
réponse pour vous illustrer ce à quoi nous tenons dans cette
liste au secteur local, dans l'optique d'une véritable
négociation à ce niveau.
M. Weiner: Alors, c'est bien évident que nous n'avons
jamais demandé une liste de 26 points en annexe à la loi. On est
prêt, comme on l'a déjà fait, à négocier une
liste acceptable et, pour répondre à votre question, c'est bien
évident qu'il y a des points qui sont plus lourds, comme vous nous
l'avez indiqué. L'essentiel, je pense, de ce que j'ai dit auparavant a
été confirmé. Pour ce qui est des affectations et des
mutations, pour ce qui est de la fonction et de la responsabilité, il
n'est pas question de négocier une vraie négociation locale sans
le droit de grève. Je peux dire aussi qu'il y a un certain nombre de
sujets ici dans la liste qui ont déjà été
négociés au niveau national, où on a quelque chose de
prévu dans l'entente nationale. Si ces dossiers sont
décentralisés au local sans droit de grève, moi, je ne
pense pas que vous puissiez garantir qu'il n'y aura pas de grève sur des
matières comme, par exemple, le renvoi et le non-réengagement,
les dossiers personnels. Il y a des choses ici qu'on n'est pas
nécessairement intéressé à négocier au
niveau local, mais, effectivement, la façon de déterminer une
liste, c'est par voie de négociation et non par la voie d'une annexe qui
est décrétée.
Effectivement, ce qu'on fait depuis trois ans, c'est renégocier
un décret sur le contenu qui a été promulgué par le
gouvernement en décembre 1982. On a passé trois années
à changer des choses et effectivement le gouvernement devait changer des
choses qu'il pensait, à ce moment, lourdes de conséquence. Le
ministre, à cette époque, M. Camille Laurin, a dit: Ce sont des
conditions de travail équitables. Cela peut marcher, il n'y a que les
syndicats qui sont contre cela. Les enseignants et les enseignantes acceptent
cela.
Qu'est-ce qu'on a fait depuis trois ans? On renégocie cela. On ne
veut pas recommencer avec un décret. On veut négocier une liste
équitable de sujets à négocier. On est favorable à
cela au niveau local. Évidemment, dans cette liste, pour les fins d'un
droit de grève, c'est le lourd qui nous intéresse.
M. Gendron: M. Weiner et M. Charbonneau, je vous remercie. Jamais
je n'ai pensé que vous ne seriez pas en mesure de me préciser
très clairement que, sur certaines matières, on peut convenir que
c'est plus lourd que d'autres et que, sur certaines choses, il n'y a pas lieu
de faire des batailles. Moi, volontairement, j'ai posé la question. Cela
démontre dans le mémoire, à plusieurs reprises, que vous
affirmez en termes absolus - je le répète, et sans aucune
nuance, et je vous citais - qu'une véritable négociation
de toutes les conditions de travail doit se faire avec le droit de
grève.
M. Weiner: Ah noni C'est vrai...
M. Gendron: Alors, vous venez de me permettre, par votre
réponse...
M. Weiner:... et c'est toujours vrai. Cela veut dire qu'il y a
des dossiers qu'on va négocier au niveau national avec le droit de
grève. D'accord? Il y a des choses qui peuvent être l'objet d'une
entente locale avec des clauses provinciales, mais ce qui va être
négocié au secteur local, cela doit être avec le droit de
grève. On ne fera pas la grève sur la documentation, par exemple,
sur le bulletin, l'affichage, ce n'est pas cela.
M. Gendron: Rapidement, parce qu'on dit qu'on alterne toutes les
dix minutes et le temps fuit, j'aurais une autre question assez précise.
À la page 26 du mémoire, puisqu'il n'y a plus d'obligation ou
que, en tout cas, dans le dépôt de la loi 37, il n'y a plus
d'obligation de négocier à un moment précis au niveau
local, on se comprend, c'est vous autres qui affirmez cela et je pense que
c'est conforme au projet de loi 37, la question est la suivante: Pourquoi
qualifiez-vous - à la toute fin, au bas du paragraphe de la page 26, je
ne l'ai pas ici - cette obligation de douteuse? Je voudrais comprendre.
Très rapidement. Vous dites: "L'obligation de négocier à
un moment précis est pour le moins douteuse. " Je ne comprends pas ce
que vous voulez dire puisque vous venez d'affirmer: Les délais... selon
les termes du projet de loi, la négociation locale pourrait avoir lieu
en tout temps. Alors, je ne suis pas capable de faire la conciliation d'une
négociation qui peut avoir lieu en tout temps et que vous portiez le
jugement que ce délai, l'obligation de négocier à un
moment précis est pour le moins douteuse. Expliquez-moi cela! Je ne
comprends pas cela.
M. Weiner: II y aura une entente provinciale qui va
peut-être changer des choses et il n'y aura pas un lien nécessaire
avec ce qui reste, en effet, au niveau local, et avec ce qui va être
négocié à l'avenir. On ne voit pas la concordance entre ce
qui va être une négociation nationale et ce qui va être
déterminé au plan local.
M. Gendron: J'ai une question bien précise: quand vous
affirmez dans votre mémoire l'obligation de négocier à un
moment précis, où avez-vous pris cela? À quel endroit y
a-t-il une obligation de négocier à un moment précis,
puisque vous affirmez un peu avant que, dorénavant, le projet de loi
permet une négociation locale qui peut avoir lieu en tout temps?
M. Charbormeau (Yvon): À l'article 61. M. Gendron:
À l'article 61?
M. Weiner: À l'article 61, on indique que "l'entente ne
peut faire l'objet de négociation avant l'expiration d'une
période de deux ans, à moins que les parties ne
décident... " Alors, cela prend l'accord des deux parties.
M. Gendron: D'accord. C'est dans ce sens-là?
M. Weiner: Oui. M. Gendron: Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, mes questions portent
également sur le secteur de l'éducation. Je voudrais demander
à M. Charbonneau en quoi la position que la Coalition syndicale
présente aujourd'hui diffère de ce qui est déjà
dans la loi 55 en ce qui touche le secteur de l'éducation.
M. Charbonneau (Yvon): En ce qui concerne l'organisation des
parties, par exemple.
M. Ryan: Les matières négociables, le niveau de la
négociation.
M. Charbonneau (Yvon): C'est dans le même sens que la loi
55 pour ce qui est des enseignants ou enseignantes des commissions scolaires.
Pour ce qui est des autres catégories, le personnel de soutien ou le
personnel professionnel, nous avons fait des remarques d'un autre type
complètement. Je pense que le débat est en train de s'organiser
surtout à partir de la question des enseignants, selon les derniers
échanges. C'est un système du même type que le
nôtre.
M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre que vous trouvez que ce
système était bon, qu'il a donné de bons résultats
et qu'il n'a pas besoin d'amélioration véritable, qu'il suffirait
que l'esprit change?
M. Charbonneau (Yvon): II faudrait aussi qu'il y ait des
contenus. Le régime à lui seul ne fera pas de bons produits
nécessairement. Dans la dernière ronde de la négociation,
on sait ce qui est arrivé. La négociation sur le fond des
questions à portée éducative, il n'y en a pas eu, à
toutes fins utiles. Il y a eu une embardée sur la question salariale,
à la fin de novembre 1982, et il y a eu des
décrets qui ont figé tout le reste. Alors, ce n'est pas
que la mécanique de la loi 55 était mauvaise en soi, mais on n'a
pas pu l'utiliser pour des fins de négociation ou d'amélioration
des réalités dans le domaine scolaire, parce que l'autre
question, la question salariale, avec les décrets, la loi 105 et tout le
reste ont complètement empêché que jouent ces
mécanismes.
M. Ryan: En somme, pour vous, le statu quo vous satisferait?
M. Weiner: Est-ce que je peux ajouter quelque chose? Pour les
enseignants des commissions scolaires, ce qu'on propose dans la recommandation,
au haut de la page 28, c'est qu'on est prêt à établir
différents mécanismes de rapprochement au niveau local, convenus
en fait entre les parties, qui précèdent l'acquisition du droit
de grève. On a déjà indiqué cela à maintes
reprises au ministre de l'Éducation. Cela pourrait prendre
différentes formes, y incluant le "fact finding", la médiation
d'un comité national qui vient au niveau local pour tenter d'amener les
parties à un accord, même un "cooling off", tout cela sans nier,
finalement, comme étape finale et cela a toujours été
comme cela, mais pour rassurer la population, on était prêt et on
est encore prêt à établir des mécanismes par accord
entre les parties qui précèdent l'exercice du droit de
grève.
M. Ryan: Alors, vous autres, MM. Charbonneau et Weiner, si je
comprends bien, les listes qui sont présentées en annexe, les
listes de matières qui seraient négociées - le terme est
mal employé, étant donné ce qu'il y a dans le reste du
projet de loi - je suggérerais au ministre au moins de changer le mot
"négociées" si ce n'est pas cela et je pense qu'il faudrait au
moins qu'il appelle les choses comme elles doivent s'appeler. Pardon?
M. Clair: On peut sortir les dictionnaires.
M. Ryan: Oui. Cela peut s'employer dans le sens de
"négoce" aussi. Mais la négociation, au sens où on en
parle, est évidemment accompagnée du droit de grève.
Autrement, cela ne veut pas dire grand chose. Ma question est la suivante: Si
je comprends bien, les listes contenues en annexe pour le secteur des
collèges - sur lequel je vais revenir avec une autre question tout de
suite après - et le secteur des commissions scolaires, vous "scraperiez"
cela, vous laisseriez cela dans le texte de la loi et les matières qui
seraient négociables ou sujettes à arrangement au plan local
seraient l'objet d'ententes au plan national?
M. Charbonneau (Yvon): Évidemment... (20 h 15)
M. Ryan: À moins que le gouvernement ne veuille consentir
à la négociation et au droit de grève au plan local, dans
ce cas, vous maintiendriez au moins les points sur lesquels il y avait eu une
entente avec les représentants du ministre de l'Éducation et qui
a malheureusement été refusée par le cabinet, si je
comprends bien.
M. Weiner: II y a cela. Comme minimum, on l'a indiqué au
ministre et, pour être juste à son endroit, c'était quelque
chose à prévoir. On doit prévoir une possibilité
d'ajout, c'est bien évident; on ne pense pas que ce soit suffisant. Mais
ce doit être une liste négociée.
M. Ryan: J'ai une question plus large, si vous me le permettez.
Il y a un problème dans les conventions, dans la mesure où cela
se négocie au plan national. Il me semble qu'il y a une espèce
d'exigence de simplicité minimale; autrement, si c'est trop
compliqué, des gros dictionnaires ou de grosses encyclopédies
nationales qu'on doit ensuite appliquer dans des institutions et commissions
scolaires qui sont par nature différentes, cela devient
extrêmement lourd et cela a engendré des rigidités dans le
système dont, je pense bien, tout le monde doit se rendre compte. Quelle
est votre solution, vous autres, pour permettre qu'on négocie à
l'échelle nationale peut-être des conventions pas mal plus simples
que ce qu'on a si, en même temps, on laisse toutes les matières au
plan national? Je ne sais pas si vous avez une solution à ce
problème.
M. Charbonneau (Yvon): Dans la dernière ronde de
négociations...
M. Ryan: Parce que là, on fait face à une situation
telle, M. Charbonneau, que, quand on aborde ces textes, il n'y a que les
initiés qui peuvent s'y retrouver. Il y a quelque chose qui ne marche
plus. Quand un mécanisme aussi central dans une société
que celui de la négociation collective devient un objet de chicane entre
spécialistes et entre "litigateurs", je pense qu'il y a un
problème auquel les deux parties doivent faire face franchement. Je ne
sais pas comment vous le voyez.
M. Larose: On est trop... dans le décor.
M. Charbonneau (Yvon): II y a des problèmes que vous
soulevez et que nous portons chaque jour. Il y a beaucoup d'argent, en effet,
qui va dans le système pour essayer de déchiffrer ce que veulent
dire les choses qui ont été soit négociées, soit
décrétées. Il y a des gens qui consacrent leur vie
entière à essayer d'interpréter tout
cela. Nous avons beaucoup moins de moyens, en tant qu'organisation
syndicale, que les parties patronales peuvent en avoir, d'ailleurs, pour jouer
ce jeu. Mais dès qu'un mot manque ou qu'il y a une
ambiguïté, à ce moment-là, on n'a plus de recours et
cela amène les gens à essayer de mettre le plus possible de
clauses de réserve ou de précautions dans les textes. Maintenant,
cela, c'est un niveau de débat.
Le fond de votre question que j'ai perçu, c'est: Comment ne pas
trop alourdir tout de même un contenu? Le modèle que nous avons eu
lors de la dernière ronde n'a pas fonctionné, mais c'était
un modèle. On parle du régime pour le moment. Il comportait, je
crois, une quinzaine de sujets dits matière de négociation locale
et non pas 26 comme maintenant. Nous pensons que si on avait pu reproduire, en
l'améliorant, parce qu'on était prêt à en rediscuter
et à convenir d'une liste qui aurait pu être quelque peu
reformulée - d'accord? - ce modèle, pourvu qu'il comporte une
dimension de négociation locale réelle, c'était un bon
modèle.
Ici, l'annexe en question, de la page 29, alourdit la liste, d'une part,
ramène au niveau local et d'autorité des matières que, je
crois, même le ministère en question pourra regretter demain
d'avoir laissé éparpiller dans toutes les juridictions locales;
cela se peut. En tout cas, nous aurions aimé pouvoir en discuter point
par point et arriver à une liste raisonnable de questions et, là,
ouvrir. Cela va dans le sens de la restructuration des commissions scolaires,
de la définition de leur mandat de l'automne dernier. Ces gens arrivent
ici et disent: C'est cela, 26 points. Il y en a de gros là-dedans et de
moins gros. Ils disent: Vous ne pouvez rien faire avec cela de toute
façon; médiateur-arbitre, si on le veut bien. Cela fait dur pas
mal. On ne peut pas appeler cela le "new deal" dont le ministre parlait dans
une entrevue enthousiaste à la Presse du 10 novembre dernier. Il n'y a
pas de "new deal" là-dedans, pas du tout.
M. Ryan: Je répète la question pour que ce soit
bien clair entre nous. Si je comprends bien, dans l'état où se
trouve ce projet de loi, il serait infiniment préférable,
d'après vous, que ces annexes disparaissent.
M. Charbonneau (Yvon): Malheureusement, non seulement cela va
disparaître comme texte, mais la réalité va faire en sorte
que nous trouvions intérêt, par protection de
l'intérêt de nos membres, à remonter au niveau national le
plus de questions possible. Cela aura un effet de reflux vers le niveau
national, sectoriel, et ce sera bien malheureux. Ce sera bien malheureux parce
que cela va le congestionner encore plus qu'il ne l'est. Si vous ne pouvez pas
voir cela, du côté gouvernemental, il y a un problème
majeur là.
M. Larose: II faudrait peut-être préciser, pour les
collèges, que la proposition veut maintenir globalement une
négociation sectorielle pour les collèges, c'est-à-dire
une négociation centralisée au niveau national avec
possibilité d'identification de clauses pouvant être
arrangées au plan local parce que le régime au niveau des
collèges, c'est un peu différent. C'est un peu différent
de ce qui se passe au niveau de l'éducation, à
l'élémentaire ou au secondaire, où il y a des points de
négociation au plan local. C'est ce qu'on a connu et qu'on ne
connaît pas et qu'on ne veut pas connaître au plan des
collèges.
M. Weiner: On doit comprendre, pour compléter, que ce
n'est pas seulement la liste des 26 matières. Toute la démarche
pour la négociation locale est croche. Ce n'est pas une procédure
de négociation. Effectivement, c'est un processus qui avantage, par
exemple, la non-négociation parce que, si le patron veut dire non
jusqu'au bout, il n'a même pas la possibilité de régler les
problèmes. Alors, avec ça comme texte, ils vont indiquer: On n'a
aucun autre choix que de tenter de régler tout au national avec la
conséquence que cela va augmenter les possibilités de conflits
à ce niveau.
M. Charbonneau (Yvon): Je demanderais à toute la
commission de bien relire les articles 62, 63 et 64 du projet de loi. Vous
allez vous apercevoir que, finalement, le système de
médiateur-arbitre dont se pique le ministre, c'est lui seul et ses
partenaires patronaux qui ont le pouvoir de lui faire régler quoi que ce
soit. On parle d'un système d'arbitrage. Regardez à l'article 64.
Il faut que les parties, d'un commun accord, demandent au
médiateur-arbitre de statuer sur ce qui fait l'objet du
désaccord. Ce n'est même pas une formule d'arbitrage.
M. Ryan: II y a l'autre phrase après qui aggrave
l'affaire: "S'il estime alors improbable un règlement. "
M. Weiner: II n'y a même pas la garantie qu'un
médiateur soit nommé: le ministre a le pouvoir de le nommer ou
non et il a le pouvoir de le nommer l'année d'après, s'il le
veut.
M. Charbonneau (Yvon): J'aimerais bien avoir le point de vue du
vrai ministre du Travail sur des questions comme cela.
Une voix: Celui du privé ou celui du public?
M. Charbonneau (Yvon): Celui qui est privé du secteur
public.
Une voix: D'accord.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie.
M. Bérubé: Je pense que, si nous en sommes
aujourd'hui à devoir adopter un projet de loi, c'est carrément
parce que le régime qui aprévalu dans le passé s'est
avéré insatisfaisant pour l'ensemble de nos concitoyens. Nous
avons, comme société, réussi à créer durant
une vingtaine d'années un climat qui, je pense, a contribué
à dévaloriser les services publics aux yeux mêmes de nos
concitoyens. C'est inévitable lorsqu'on dénonce continuellement
la mauvaise qualité des services publics comme argument de
négociation, à un moment donné, quelqu'un finit par le
croire. Il finit par se dire que, dans le fond, les services publics ne sont
pas bons, que l'école publique, dans le fond, n'est pas valable et qu'on
est aussi bien d'envoyer ses enfants à l'école privée.
À ce moment, on est obligé de se retourner vers une sorte de
monopole d'État en forçant les gens à envoyer leurs
enfants à l'école publique, même si elle n'est pas bonne
étant donné qu'on vient de la dénoncer et, finalement, on
a contribué en partie à dévaloriser les services
publics.
Peut-être qu'on a contribué aussi à ralentir la
syndicalisation. J'ai écouté tantôt M. Larose qui nous
disait: Vous auriez dû faire des études plus complètes en
Europe. Bien oui, effectivement, on aurait pu aller très loin. En
Europe, il n'y a pas de monopole syndical, il n'y a pas de formule Rand.
Évidemment, la syndicalisation est plus grande parce qu'à ce
moment quelqu'un qui n'est pas capable d'embarquer dans le moule d'un syndicat
donné peut toujours s'organiser avec un groupe et former son syndicat
à lui et, en conséquence, il y a moyen d'exprimer sa dissidence.
Tandis que dans un organisme qui a un monopole la dissidence suppose que tu te
lèves à une assemblée publique et que tu tiens tête
et là, évidemment, tu dois affronter ce que représente
quand même la pression psychologique d'un débat public. Ce n'est
pas le même régime du tout. C'est sûr que le système
européen a favorisé plus de syndicalisation. Quand on regarde
l'ensemble du système, effectivement, il faut regarder comment le
système européen a fonctionné, comment le nôtre a
fonctionné, ce qui a conduit à ce genre de situations
d'affrontement qu'on a vécue durant des années.
C'est le seul point que je vais essayer de soulever avec vous et de
pousser un peu plus loin. Si on regarde le problème plus précis
des collèges, on a dans le fond deux objectifs quand on parle de
négociations locales. D'abord, on voudrait s'engager dans une
négociation permanente. On pense que, dans la mesure où les
intervenants apprennent à dialoguer de façon constante,
permanente, à ce moment, ils vont prendre l'habitude de régler
les problèmes au fur et à mesure qu'ils se développent
plutôt que de les reporter à plus tard et qu'ainsi on a des
chances de créer un milieu de vie plus agréable. On pense
qu'effectivement, localement, lorsqu'on parle d'organisation du travail, il y a
avantage à ce qu'on se dirige vers une négociation
permanente.
Deuxièmement, on se dit également: II faut une
négociation locale. Des grands paramètres de salaires,
d'avantages sociaux, le nombre d'heures de travail, cela peut se
négocier nationalement en ce sens que ce sont des standards. Mais,
l'organisation du travail, ce qui fait la vie dans un collège, ce qui
lui donne sa coloration, cela ne peut pas être autre chose que le fruit
d'une sorte de vision commune de ceux qui enseignent au collège, des
professionnels qui y oeuvrent et également de la direction des cadres.
Cela ne peut pas être autre chose qu'un travail d'équipe. Donc, on
pense que cela doit se faire localement, cela ne peut pas se faire
nationalement. C'est la vie d'un collège. Les programmes sont tellement
variés. On a aujourd'hui plus de la moitié des étudiants
qui sont inscrits dans des options professionnelles. Souvent, il y a quelques
programmes du même type dans ces options à travers le
Québec, il n'y a pas de standards il y a beaucoup de variation. Par
conséquent, l'organisation du travail, à ce moment-là,
doit être ajustée en bonne partie à la situation qu'on vit
dans le collège.
Alors, partant de ces deux objectifs, on regarde votre demande de
négocier centralement la liste des sujets locaux. Cette demande a des
conséquences. D'abord, cela génère nécessairement
une insécurité pour les parties locales car rien ne nous dit
qu'au bout de trois ans le sujet sur lequel on s'était entendu ne sera
pas rapatrié nationalement. Donc, on n'est jamais sûr d'avoir une
base de négociation qui soit sa responsabilité. C'est quelque
chose qui peut vous échapper n'importe quand, quand un gouvernement et
une centrale syndicale décident de vous l'enlever. Donc, cela est
très "déresponsabilisant". On peut avoir tendance, à ce
moment-là, à vouloir tout le temps se décharger en se
disant: Wof! On ne négociera pas. Ils se débrouilleront bien au
centre quand viendra le temps. Donc, danger de "déresponsabilisation"
naissant de l'insécurité. Également, il y a toujours le
danger du patron qu'on va négocier localement et qui sert de marchepied
à la négociation nationale. Je pense qu'on n'est pas né de
la dernière pluie, on connaît la technique du coin. On commence
par creuser
une petite fente, on insère le coin et là, on sort la
masse. On connaît la technique. On ne se le cachera pas.
Donc, quelqu'un qui sait que, localement, il peut proposer le patron qui
va, après cela, servir de base à la négociation nationale,
je vais vous dire quelque chose: II va prendre le téléphone et il
va appeler au ministère parce qu'il ne voudra pas prendre le risque. Il
se dit: C'est dangereux, ce que je fais. Donc, à nouveau, tendance
à "déresponsabiliser". Pourquoi essaierait-on de régler un
problème localement si on connaît les implications qui pourraient
survenir au bout de trois ans? Ceci nous amène à dire: Bien, il
faut une liste qui est invariable, locale, qui ne peut pas continuellement
revenir au national, de telle sorte que les essais que l'on fait localement
doivent se corriger localement. Ils ne se corrigeront pas nationalement.
Cela nous amène à parler aussi du droit de grève
local. Comment peut-on imaginer qu'on bâtit un milieu de vie, une
organisation du travail, une façon de bâtir un collège sur
la base d'une menace - là, on parle de négociations permanentes -
permanente de grève? Si on veut négocier continuellement de
façon permanente, il va bien falloir mettre le droit de grève
quelque part, donc, un droit de grève permanent. On va livrer
essentiellement le système à cette menace perpétuelle
alors qu'on est en train de dire qu'il faut essayer d'enlever les
affrontements, qu'il faut essayer de créer un climat. Ce que vous me
dites, c'est qu'il va falloir le faire en bâtissant un système qui
va reposer sur un droit de grève permanent qui va effectivement servir
d'épée de Damoclès.
Il me semble que, si on revient à un droit de grève
balisé ou aux trois ans, on revient à la bonne vieille technique
traditionnelle d'affrontement, au refus d'une négociation continue.
Comment va-t-on arriver à bâtir un milieu de qualité sur la
base d'une relation qui serait essentiellement conflictuelle? C'est cela qui me
semble être votre proposition, c'est-à-dire essayer de bâtir
la vie d'un collège qui repose sur l'organisation du travail
essentiellement sur une relation conflictuelle.
Le Président (M. Lachance): Alors, M. Larose.
M. Larose: Je ne pourrai pas répondre à l'ensemble
de l'argumentation du ministre, mais je trouve que l'ensemble du plaidoyer
repose sur des préjugés. D'après moi, le ministre n'a
jamais été syndiqué. Il n'a surtout jamais fait de
grève. Le seul fait de reconnaître le droit de grève, pour
lui, cela signifie que le monde va être en grève. Savez-vous
qu'à la CSN, quand le secteur privé renouvelle ses conventions
collectives, à 92 %, le monde renouvelle cela sans grève? Est-ce
que cela se peut que le monde ait le droit de grève et qu'il ne l'exerce
pas? Ce n'est pas un sport, celai Ce n'est pas du jogging! (20 h 30)
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Larose: La grève, c'est une décision importante
dans la vie des individus et des groupes. Ils la font, habituellement, à
partir d'une constatation qu'il n'y a rien qui va se régler ou que cela
ne se réglera pas de la façon qu'ils veulent. Reconnaître
le droit de grève au plan local, je vous dirai: Vos cégeps, ils
ne seront pas en grève demain matin. Je ne sais pas si vous savez ce que
c'est. Quand on décide de se mobiliser -pour reprendre notre jargon - on
ne passe pas de mot d'ordre par le télex interne: Vote de grève
et on sort dans dix jours. Vous savez fort bien que ce n'est pas ainsi que cela
fonctionne. Il y a un préjugé, que j'ose espérer non
indécrottable, par rapport à l'exercice de la grève dans
le secteur public.
Deuxièmement, quand on dit - là-dessus, je pense que ce
n'est pas dépourvu d'un certain nombre de sophismes - que le fait de
renvoyer cela au plan local ou, inversement, de vouloir négocier au plan
sectoriel, c'est "déresponsabiliser" les communautés et les
individus, il faut avoir quelques notions et une vision un peu plus
concrète de la pratique syndicale pour s'apercevoir que, dans les
collèges comme ailleurs, le tout fonctionne à partir de mandats
et que, habituellement, il y a des rapports. Je vous dirai - pour
connaître un peu le secteur massivement syndiqué chez nous - que
s'ils pèchent, c'est plutôt par... Ils font
régulièrement rapport. Ils se réunissent
régulièrement. Il y a une grande responsabilisation des groupes
par rapport à la négociation.
Troisième aspect: D'où vient cette idée que le
régime de négociation ait pour objectif autre chose que la
négociation? Un régime de négociation, c'est pour
négocier. Ce n'est pas pour - je ne sais pas, moi -que des individus
décident de faire la culture des tomatesi Un régime de
négociation, c'est pour amener les secteurs, les collectivités et
les communautés à s'entendre sur un certain nombre de points. Ce
qu'on vous dit pour les collèges, c'est qu'on pense que les
vis-à-vis décideurs de la vie des collèges contrairement
à ce que vous affirmez, les grands décideurs, ce ne sont pas ceux
qui ne sont pas élus au plan local; les grands décideurs, ce sont
ceux qui sont élus et qui répondent devant la population; ce sont
effectivement ceux qui donnent les enveloppes budgétaires, entre autres
- les responsables locaux - appelons cela ainsi -dans les cégeps, ce
sont des gens qui travaillent à partir de paramètres que vous
leur fixez.
Nous pensons que, dans une négociation, on peut s'entendre sur un
certain nombre de choses, d'arrangements avec ceux qui administrent localement,
mais, pour les décisions, on veut négocier avec ceux qui
décident. Je pense que le ministère de l'Enseignement
supérieur, de la Science et de la Technologie est peut-être un
très grand décideur qu'on voudrait voir à la table de
négociations. Souvenez-vous - c'est vrai dans le secteur public comme
dans le secteur privé - quand vous "tataouinez" avec des gens qui ne
décident pas, bien, vous "tataouinez" et vous ne négociez pas.
Une procédure comme celle-là génère habituellement
des abcès et des frustrations qui vont peut-être vous conduire
plus régulièrement qu'autrement à la grève. Tant et
aussi longtemps qu'on n'a pas débattu, discuté et qu'on ne s'est
pas convaincu mutuellement de décideur à demandeur, je vous dirai
que c'est dangereux dans un processus de négociation.
Dans ce sens, la proposition concernant les collèges, on vous dit
que cela doit être sectoriel parce que je pense qu'il y a une
volonté des deux parties, effectivement, à souhaiter plus de
souplesse pour qu'au plan local on ajuste des affaires. C'est ce qu'on appelle
des arrangements locaux.
M. Charbonneau (Yvon): Je voudrais dire, M. le Président,
à ce moment-ci, que les questions de M. Bérubé sont
importantes, mais je crois qu'il abuse soit de ses connaissances ou de ses
généralisations. Il a une certaine facilité à
invoquer le système européen. Vous avez eu l'occasion, en
novembre dernier, de discuter, étant présent dans une instance de
l'OCDE, avec vos collègues, les ministres de l'Éducation d'autres
pays européens.
M. Bérubé: On voyageait ensemble, d'ailleurs.
M. Charbonneau (Yvon): Oui. J'ai appris quelque chose, mais je ne
sais pas si vous, vous l'avez appris. C'est qu'il n'y a pas un modèle
européen et il n'y a pas une manière de voir les choses en
Europe. Vous parlez facilement du syndicalisme comme si vous connaissiez cela
mieux que l'éducation; moi, j'aimerais que vous parliez de ce que vous
connaissez et je pourrais parler de ce que je connais. Il y a des
modèles syndicaux nombreux en Europe. On peut mettre, d'un
côté, l'Italie et la France; après cela, on peut parler de
l'Allemagne, de l'Angleterre et des pays Scandinaves. Vous avez là
plusieurs modèles syndicaux différents, avec des taux de
syndicalisation différents.
On pourrait parler d'éducation aussi, changeant de champ de
discussion, puisqu'on connaît un peu les deux, disons. On va se faire un
"deal" là-dessus. Vous avez plusieurs de vos collègues, ministres
de l'Éducation en Europe, qui ont dit: C'est le temps d'arrêter de
serrer la vis aux services publics, aux services de l'éducation en
particulier. Vous avez, semble-t-il, tiré une leçon de cela dans
le cadre de votre nouvelle affectation, puisque, depuis que vous êtes
rendu au niveau où vous êtes, vous réussissez à
débloquer un certain nombre de crédits parce que, vous le dites
vous-même, c'est le temps de desserrer de ce côté-là,
on est en train de s'arriérer comme collectivité en ce qui
concerne l'enseignement où vous travaillez maintenant.
Je pense que ce sont des choses qu'il faut dire aussi à la
société québécoise. Il y aurait moins de
grèves et moins de problèmes si les systèmes
étaient gérés en tenant compte davantage des besoins de
demain et de ceux qui nous pendent au bout du nez dans le système
éducatif. L'adaptation des systèmes éducatifs, vous en
avez entendu parler de la part de vos collègues européens, cela
presse, cela urge, nous sommes en arrière là-dessus. Vous donnez
un coup de barre.
Ayant enseigné pendant plusieurs années, travaillant dans
le secteur de l'enseignement et du syndicalisme, je suis un peu vexé,
vous me permettrez cela, que les questions tournent toujours autour de la
grève, de la grève et de la grève tout le temps;
même du côté des affaires sociales, c'est le débat de
tout à l'heure. On dirait que vous pensez que les enseignants et les
enseignantes, les professionnels, le personnel de soutien, c'est enfermé
dans une armoire par nous et qu'on s'ingénie à trouver la clef
pour qu'ils sortent en bondissant en grève tout le temps. C'est un peu
insultant de se faire faire ce portrait. Après cela, vous dites: La
grève, cela déprécie le secteur. C'est vous qui en parlez.
Vous en parlez dix fois plus que nous, de la grève, esprit!
Arrêtez un peu. Ce n'est pas cela, la réalité du secteur.
Il y a des gens responsables là-dedans et ils font faire des
grèves lorsqu'il y a des choses très importantes en jeu. C'est
honorable, à part cela, d'arrêter de travailler de temps en temps.
Si on a le droit de travailler, on a le droit d'arrêter de travailler. Il
ne faudrait pas oublier cela, de temps en temps. On n'est pas des esclaves.
À un moment donné, cela ne fait plus, cela ne va plus, on
arrête. C'est bien mieux que de traîner une maladie à
l'année.
Tout à l'heure, vous avez parlé de négociation
permanente. Vous vous êtes conté un conte. Vous avez dit: S'il y
avait de la négociation permanente, il y aurait de la grève
permanente et, là, l'affaire montait. Perrette et le pot au lait. Un
instant, là! On n'a pas réclamé la négociation
permanente; donc, le droit de grève permanent, on ne l'a pas
réclamé non plus. Ramenez l'histoire à son origine, vous
allez voir qu'elle n'est pas
si grave que cela; mettez un peu de foin dans le domaine, cela va
régler le problème aussi, des grands bouts.
Alors, on est capable de se parler de manière raisonnable.
Maintenant, vous n'avez plus le droit, vous, M. Bérubé, de parler
comme vous parliez quand vous étiez sans expérience au Conseil du
trésor. Vous ne nous connaissiez pas, à l'époque; vous
avez dit n'importe quoi sur notre compte et vous êtes obligé de
vous laver la langue après avec des campagnes de publicité pour
revaloriser le secteur. Quand on est au Conseil du trésor, on peut se
permettre cela. Mais, quand on est au poste où vous êtes, non.
Maintenant, vous nous avez connus, on a discuté du projet de loi
40, on a discuté du projet de 3 ensemble. Vous savez qu'on est du monde
parlable quand il y a un ministre qui prend la peine de nous parler, ce que ne
faisait pas votre prédécesseur à l'Éducation, dans
le temps. Vous l'avez fait, on s'est parlé et on a conclu des affaires
ensemble. Vous savez cela d'expérience, maintenant. Vous n'avez plus le
droit de parler de la grève à la légère, comme vous
le faisiez avant, dans le temps.
M. Harguindeguy: C'est sur un autre sujet; alors, peut-être
qu'on est aussi bien de compléter celui-là, il semble
intéressant.
Le Président (M. Lachance): Oui. On a
dépassé la période dont il avait été convenu
entre les deux formations politiques. Il resterait une dernière
intervention, je crois, de la part de la députée de
Jacques-Cartier.
M. Charbonneau (Yvon): On est disponible demain.
M. Laberge: Vous aviez dit que vous me reconnaîtriez, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Après. M. Laberge:
Vous n'êtes pas pressé.
Le Président (M. Lachance): Après Mme la
députée, est-ce que cela va?
Mme Dougherty: Merci. Une des réalités qui
caractérisent la négociation dans le secteur public est le double
rôle du gouvernement comme législateur et négociateur. Il
me semble qu'une des questions importantes est de savoir comment concilier le
mieux possible ces deux rôles, parce que ces deux rôles pourraient
être certainement disparates et possiblement antithétiques.
Le rapport Martin-Bouchard, en 1978, je crois, s'est
préoccupé de cette question. Ils sont arrivés à
cette conclusion et je vais la lire parce que je crois que c'est très
pertinent pour le débat d'aujourd'hui: "Tout en admettant comme
justifiée et même inévitable l'intervention de
l'État dans certaines situations, il apparaît essentiel que les
détenteurs du pouvoir respectent aussi rigoureusement que possible les
principes, les exigences et les contraintes d'une négociation
authentique quand ils s'y sont engagés. En regard de l'obligation de
négocier de bonne foi, on a raison de dire que l'État est un
employeur comme un autre. " En d'autres mots, lorsque les règles du
régime de négociation dans le secteur public sont
établies, l'État ne devrait pas s'ingérer dans son
fonctionnement pas plus que dans celui du secteur privé.
Ma première question: Est-ce que vous êtes d'accord avec ce
principe énoncé dans le rapport Martin-Bouchard? Si oui, comment
est-ce que vous pourriez concilier votre demande de négocier le
processus ainsi que le contenu des négociations? J'ai soulevé ces
questions parce qu'il me semble qu'un des problèmes majeurs que vous
avez soulevés dans votre mémoire est la longueur des
négociations. Dans le passé, si ma mémoire est bonne, on a
vécu des mois et des mois en discutant du processus même avant le
contenu des négociations.
Est-ce que ma question est claire? D'abord, est-ce que vous êtes
d'accord avec le principe de cette division des responsabilités en
reconnaissance du double rôle du gouvernement?
Le Président (M. Lachance): Oui, M. Laberge.
M. Laberge: Bien, la réponse est assez simple, je pense.
Ce qui nous a menés à une longueur épouvantable des
négociations dans les secteurs public et parapublic, c'est que cela
prenait des mois et des mois avant de rencontrer les vrais décideurs. On
faisait affaires pendant des mois et des mois, pas à des "faiseux", mais
a des entremetteurs.
M. Larose: Des "faiseux".
M. Laberge: Et là, vous voulez rendre le processus encore
pire. Par le projet de loi 37, vous allez rendre le processus pire qu'il ne
l'était déjà parce qu'on va être obligé
d'aller s'asseoir et de négocier une série -26 d'un bord et 32 de
l'autre - avec des gens qui ne peuvent pas décider. Ils sont
obligés de prendre leur décision avec les enveloppes du Conseil
du trésor. Que voulez-vous! On pourrait continuer à
négocier jour et nuit, pendant des mois et des mois et, à un
moment donné, ils sont bloqués. Il faut qu'ils se
réfèrent au Conseil du trésor.
Si vous me le permettez, en même temps, vu que le président
a été assez gentil pour me reconnaître, je voudrais relever
deux affirmations qui ont été faites tantôt
et que je ne peux pas laisser passer. Par exemple, c'est la
première fois qu'on se faisait expliquer de façon aussi savante
comment il se faisait qu'en Europe le taux de syndicalisation était plus
élevé qu'ici. J'ai eu l'occasion d'aller en Suède. Vous
avez expliqué cela; vu qu'il était libre, si un syndicat ne le
tentait pas, il en formait un autre et il devenait au moins un travailleur
syndiqué. Cela doit être pour cela qu'en Suède il y a un
grand syndicat pour les cols bleus, un grand syndicat pour les cols blancs, un
pour les ingénieurs, professionnels et médecins, et un
quatrième. Ce ne sont pas tous les gens, en Suède, qui se sont
formé un syndicat. Il y en a juste deux dans le vrai sens du mot et ils
sont syndiqués à 92 %, pour votre information. Cela serait
peut-être que la législation a favorisé l'accès au
syndicalisme. Par votre explication, on a appris. C'est vrai que chaque fois on
apprend quelque chose. (20 h 45)
Peut-être que M. le ministre Clair pourrait apprendre quelque
chose aussi. Tout à l'heure, au début de ses remarques, il nous a
fait une affirmation... Mon Dieu, Seigneur, j'en suis resté
éberlué! Lorsque le gouvernement arrive à une commission
parlementaire avec un projet de loi, son idée est faite et jamais
d'amendements substantiels ne sont apportés au projet de loi. Vous avez
dit cela tantôt. Vous avez dit: Sur de petites choses, on peut faire de
petits arrangements, quand vous avez voulu expliquer votre déclaration
des points et des virgules. Il y a justement un ministre qui est assis ici. Sur
le projet de loi 42, il y a eu -combien? - 186 amendements?
M. Fréchette: II y en a eu 300.
M. Laberge: Je ne voulais pas exagérer. Vous voyez? Il y a
eu 300 amendements. Vous voyez quand on collabore si cela va bien? Il y a eu
300 amendements. Le projet de loi 17, je ne me souviens plus combien il y en
avait eu, mais il y en avait eu quelques centaines. J'espère que ce sont
ces modèles que vous allez prendre comme commission parlementaire. Il
faut qu'il y ait des amendements importants apportés à ce projet
de loi, parce que je vous prédis... Je ne sais pas si on peut faire
quelque chose et, contrairement à ce que vous pensez, aller chercher un
vote de grève, ce n'est pas ce qu'il y a de plus facile de nos jours.
Vous n'avez pas besoin d'avoir peur. Les négociations de sujets
d'importance moindre -je ne dis pas pas importants, mais d'importance moindre -
je pense que vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, ce n'est pas
là-dessus que la grève va être déclenchée.
C'est tellement vrai que, dans le secteur privé, on a accepté des
sentences arbitrales finales et exécutoires parce qu'on savait que,
pendant une convention collective, ce n'est pas vrai que tu fais sortir le
monde en grève parce que le patron refuse un grief, même si c'est
quelqu'un qui a été congédié. Tout le monde sait
cela. Si c'était aussi facile que cela d'obtenir un vote de grève
et si je m'en tenais à votre déclaration que ce n'est pas
possible d'avoir des amendements substantiels au projet de loi, au lieu
d'être ici, j'essaierais de prendre mon vote de grève. Le projet
de loi 37, tel qu'il est là, n'est pas acceptable. Moi, je vous
prédis que vous allez semer la pagaille. La marmite ne sautera
peut-être pas tout de suite. Je vous rappelle qu'en Ontario on n'a jamais
eu le droit de grève dans les hôpitaux. Cela n'a pas
empêché qu'il y a quatre ans il y a eu une grève
générale dans les hôpitaux en Ontario. C'est en
Nouvelle-Zélande qu'on a enlevé le droit de grève? Il n'y
a jamais eu plus de grèves en Nouvelle-Zélande. Enlever le droit
de grève, le garder, cela ne règle pas les problèmes. Ce
qu'il nous faut, c'est quelque chose pour essayer de régler les
problèmes. La coalition vous en propose. On espère encore
qu'avant l'adoption de ce projet de loi il y aura des amendements qui vont nous
permettre d'éviter les affrontements que tout le monde redoute. Il faut
que le droit de négocier soit respecté.
Le Président (M. Lachance): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Nous avons eu l'occasion d'entendre les
ministres responsables de trois des quatre secteurs. Nous, de la fonction
publique, demeurons avec une interrogation qui est la suivante: Est-ce qu'on
doit considérer que l'engagement pris en 1983 par le gouvernement, par
la ministre de la Fonction publique, à savoir qu'il y aurait des
modifications d'apportées au régime syndical lors de
l'étude du projet de loi sur la fonction publique, ne tient plus ou si
l'on doit considérer que l'engagement est respecté par les
amendements qui sont envisagés par le projet de loi 37 et qui ont comme
conséquence, chez nous, de nous imposer des restrictions additionnelles?
C'est la réponse que je souhaiterais avoir de notre "boss" à
nous, M. Clair.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: En même temps que je réponds à M.
Harguindeguy, je pense qu'il est au courant qu'en ce qui concerne les
problèmes auxquels il se réfère du travail sera
effectué de façon sérieuse, mais séparée de
la réforme du régime de négociation, et que nous sommes
toujours disposés à continuer à travailler avec eux.
M.
Harguindeguy sait très bien que les problèmes auxquels il
fait référence en termes de champ de négociation existent
depuis 25 ans. Cela n'a pas été réglé depuis 25
ans, semble-t-il. Je pense - j'ai déjè eu l'occasion de le dire -
qu'il y avait certainement des raisons pour lesquelles il y avait des
restrictions au champ de la négociation en ce qui concerne les
employés directs du gouvernement et, là-dessus, on aura des
propositions à faire en termes de méthodologie de travail.
M. Harguindeguy: Mais l'engagement demeure?
M. Clair: Pardon?
M. Harguindeguy: L'engagement demeure d'apporter des
modifications?
M. Clair: De travailler à faire le point là-dessus
et d'apporter des amendements, si on considère qu'il y a lieu de le
faire.
M, Harguindeguy: Ce n'est pas tout à fait pareil. En tout
cas.
M. Clair: Je n'irai pas plus loin en termes d'engagement que
celui qui a été pris lors de la rencontre à
Montréal, certainement pas. Je répète ce qu'on a eu
l'occasion de dire.
En terminant, M. le Président, je voudrais simplement dire que,
même si on constate une distance certaine entre les positions des
représentants syndicaux et celles des représentants de
l'Assemblée nationale, je pense que cette rencontre d'aujourd'hui, la
tenue de cette commission parlementaire que j'avais moi-même
proposée, aura été utile. On a fait du travail utile.
Je dirai à M. Laberge, qui a encore fait référence
à ce que je disais tout à l'heure, à savoir que le
gouvernement a arrêté les grands principes, que ce n'est pas par
le nombre d'amendements qu'on peut évaluer le changement en termes
d'orientations. Je ne nie pas qu'il puisse y avoir encore un certain nombre
d'amendements, mais de la façon dont cela va procéder à
compter de maintenant, de l'autre côté, dans le salon bleu, les
élus du peuple vont discuter du principe du projet de loi en
deuxième lecture, à la lumière de ce qui a
été dit par les représentants des employés du
secteur public, à la lumière des orientations prises par le
gouvernement, par les autres partis politiques. Il y aura un débat en
deuxième lecture qui sera enclenché. Il y aura ensuite la
commission parlementaire, l'étude article par article, où,
effectivement, surviennent les amendements, lorsqu'il en survient. Je dirai
cependant, non pas pour poser en grand conciliateur - ce n'est certainement pas
ma prétention - que vous êtes sans doute conscient, en termes
d'amendements à venir, sans caricaturer la position ni de l'une ni de
l'autre des parties, que, de votre côté, plusieurs personnes
concluent que la position de la coalition consiste en un renforcement du statu
quo; que, du côté du Parti libéral, ce qu'on propose, c'est
la non-négociabilité de la masse salariale et l'abolition du
droit de grève dans le domaine de la santé pour le remplacer par
un substitut qui, aux dernières nouvelles, s'appellerait l'arbitrage de
l'offre finale et que, de notre côté, nous tentons de
dégager une réforme qui soit raisonnable, équitable, qui
mise sur le changement des mentalités, mais qui ne vient pas tout
bouleverser le système de négociation que nous avons. Vous
conviendrez que ce n'est pas facile. Cela ne sera pas facile non plus de
concilier des positions aussi différentes d'un côté et de
l'autre. L'objectif que je m'étais fixé et que je poursuis
toujours, c'est de faire en sorte que cette réforme soit substantielle,
qu'elle soit équitable, raisonnable, mais qu'elle soit aussi
significative et ne comporte pas simplement des changements de virgules - comme
j'ai déjà eu l'occasion de le dire - en termes de
mécanisme.
Je suis très heureux, quant à moi, que les
représentants des syndicats du secteur public soient venus nous dire de
façon colorée, vive, à l'occasion, ce qu'ils pensent du
projet de loi et leur façon de voir les choses. Je pense que cela aura
éclairé les élus du peuple, les parlementaires, qui auront
prochainement à débattre de ce projet de loi en deuxième
lecture.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Je veux, très brièvement, remercier
les membres de la coalition d'être venus nous rencontrer cet
après-midi, d'être venus enrichir notre réflexion. En ce
qui nous concerne, cela a été certainement faire oeuvre utile que
d'avoir eu l'occasion d'échanger avec vous aujourd'hui. Le projet de loi
sera amené en deuxième lecture. Nous retenons de l'exercice des
séparations profondes et très significatives entre vos
réactions et l'approche du gouvernement. Pour nous, il nous paraît
que modifier un régime de négociation dans les secteurs public et
parapublic sans un minimum de consensus de la part des travailleurs et des
travailleuses, et de leurs représentants, c'est dangereux pour une
société; par surcroît, quand cela vient au début de
la cinquième année d'un deuxième mandat du gouvernement.
Cela ne passera pas comme une lettre à la poste.
Le Président (M. Lachance): Oui, briè-
vement, M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Pour dire notre appréciation du
débat que nous avons pu tenir ici cette fois, je dirai très
brièvement, en conclusion, que nous savons tous que le gouvernement
négocie à longueur de jour et d'année un tas de choses, un
tas de réalités: ses taux d'intérêt, ses achats, ses
baux de location, etc. On pourrait en nommer plusieurs; il négocie un
tas de choses. Ce que nous lui demandons, c'est d'accepter aussi de
négocier la force de travail des gens qui sont dans le service public et
d'arrêter de dire que nous disposons, par ces négociations, de 50
% du budget de l'État. Nous disposons, par ces négociations, d'un
rajustement de 1 %, 2 %, 3 %. Le reste des 50 %, à moins qu'on soit en
train de se raconter que cela peut fermer demain matin, on ne négocie
pas ces 50 %. On négocie à la marge le rajustement. C'est cela
qu'on fait, rien de plus. Le gouvernement l'a fait dans beaucoup d'autres
domaines pour ses ressources d'ordre matériel. Nous lui demandons de
faire la même chose pour ses ressources humaines.
J'inviterai la commission et le ministre Clair à se poser la
question, s'ils pensent qu'ils ont atteint le "new deal" dont parlait le
ministre, le 10 novembre. Il disait: Ce qu'on recherche, c'est l'introduction,
en quelque sorte, d'un "new deal" avec les syndicats des secteurs public et
parapublic, un "new deal" qui ne vienne pas heurter de plein front les
traditions dans les relations de travail dans ce secteur. Est-ce qu'on a
constaté qu'il n'y avait pas heurt, cet après-midi? Est-ce qu'on
a constaté qu'il y avait "new deal"?
Le Président (M. Lachance): M. Larose.
M. Larose: M. le Président, nous sommes dans un des lieux
importants où s'exerce la démocratie. En même temps, il
faut se rappeler que la démocratie n'est pas que formelle, mais que
c'est la capacité collective qu'on a de se donner des règles qui
permettent le règlement des divers intérêts. Ces
règles doivent être consenties.
Si le ministre nous a convoqués à une réforme qui
engage le changement de mentalité, je lui souligne que, du
côté syndical, une démarche très importante a
été faite depuis le début de nos pourparlers, qui ont
été de divers ordres, mais j'exprime de façon très
sincère que, du côté gouvernemental et du côté
du ministre plus particulièrement, le discours qu'il nous a tenu
aujourd'hui est un discours qui date et qu'en ce qui concerne les changements
de mentalité je n'ai pas pu constater que l'évolution avait
été aussi visible du côté gouvernemental que du
côté syndical.
De toute façon, des règles comme celles d'un régime
de négociation, c'est à la pratique que cela se vérifie.
On aura beau vouloir propulser un projet de loi comme le projet de loi 37, les
règles, que nous avons toujours eues et que nous aurons toujours seront
des règles qui devront régler des problèmes. À ce
niveau, je pense qu'il ne faut pas entretenir d'illusions: si le projet n'est
pas amendé de façon substantielle, il ne faut pas créer
l'illusion qu'on a réglé quoi que ce soit dans les rapports entre
les syndicats et le gouvernement pour le renouvellement des conventions
collectives. Nous vous disons très clairement que, loin d'avoir
réglé quelque question que ce soit, vous avez multiplié
les lieux et les temps d'affrontement et que, loin d'apaiser ou de nous sortir
de l'ornière de l'affrontement systématique, comme quelqu'un l'a
déjà dit, je pense qu'on les a tout simplement
multipliées.
Là-dessus, je le dis comme je le pense - je crois refléter
le sentiment de l'ensemble autour de la table - il faut être vigilant
pour ne pas faire sauter la baraque si on veut tout simplement la retapisser ou
la rafraîchir, la rendre plus performante; il faudrait protéger la
baraque et ses principes qui la font vivre.
Le Président (M. Lachance): Alors, mesdames et messieurs
de la coalition, merci pour votre présence, ici, aujourd'hui. La
commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux à
demain, jeudi, 10 heures.
(Fin de la séance à 20 h 59)