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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration se réunit avec le
mandat de procéder à des consultations particulières
portant sur le projet de loi 37, Loi sur le régime de négociation
des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.
J'aimerais savoir, M. le secrétaire, s'il y a des
remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blank
(Saint-Louis) sera remplacé par M. Ryan (Argenteuil) et M. Caron
(Verdun) sera remplacé par M. Pagé (Portneuf).
Le Président (M. Lachance): Nous en sommes aujourd'hui
à la dernière partie des consultations particulières.
À compter de maintenant jusqu'à 13 heures, nous entendrons la
Fédération des cégeps; ensuite, l'Association des
commissions scolaires protestantes du Québec; finalement, la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec.
J'inviterais immédiatement le porte-parole de la
Fédération des cégeps. Si je ne m'abuse, c'est
monsieur...
M. le secrétaire me signale qu'avant de procéder aux
auditions nous avons reçu de l'Ordre des infirmières et des
infirmiers du Québec, par l'entremise de sa présidente, Mme
Jeannine Pelland-Baudry, une demande pour déposer les commentaires de
cet organisme sur le projet de loi 37. Les membres de la commission pourront
prendre connaissance de ce document dans les moments qui suivent.
M. Henrico, je vous demanderais de bien vouloir nous présenter
les personnes qui vous accompagnent. Ensuite, nous procéderons à
l'audition jusqu'à 11 heures.
Fédération des cégeps
M. Henrico (Luc-Claude): À ma gauche, M. Roger Paquet,
président du conseil d'administration du cégep de Victoriaville;
à côté de moi, à ma gauche, M. Benoît
Lauzière, directeur général du collège de
Maisonneuve et membre du conseil d'administration de la
Fédération des cégeps; à ma droite, M. Yves De
Belleval, directeur du service des relations du travail de la
Fédération des cégeps.
Depuis longtemps déjà, la Fédération des
cégeps souhaite un cadre de négociation qui permette à
chaque intervenant d'assumer pleinement ses responsabilités en
distinguant mieux les rôles d'un chacun. Nous pensions et pensons
toujours que le système en vigueur jusqu'à présent et la
confusion des rôles qui le caractérise conduisent
inévitablement à la centralisation en siphonnant par le haut
l'essentiel des responsabilités de l'employeur désigné par
nos lois. La synchronisation qui s'ensuit, la politisation qui en
découle et la dramatisation qui en résulte ont formé et
ont creusé les ornières de l'affrontement que nous connaissons.
Même si ce diagnostic ne fait pas l'unanimité, les effets pervers
du régime en place sont universellement dénoncés... sauf,
évidemment, par les créanciers privilégiés du
système.
Le projet de loi déposé répond-il aux attentes et
permet-il d'espérer que la vapeur sera renversée? Prenant acte
que le gouvernement a fait son lit sur le fond de la question, nous nous
efforcerons d'avoir une attitude réaliste en nuançant notre
réponse et en proposant quelques modifications qui bonifieraient, nous
semble-t-il, le projet de loi, tout en respectant son économie
générale.
À la question posée, il est malheureusement impossible de
répondre oui sans réserve. Autant nous devons espérer
d'heureux effets du nouveau processus de détermination de la
rémunération, des modifications au mécanisme de
règlement des différends à l'échelle nationale, des
pouvoirs confiés au Conseil des services essentiels, autant nous devons
reconnaître que, sauf certaines ouvertures à la
décentralisation à l'égard de certaines matières,
la mécanique fortement centralisée est, pour l'essentiel,
reconduite et l'organisation des parties demeure inchangée-Mais il y a
ces ouvertures réelles à la négociation locale et aux
arrangements locaux, soustraites aux envahissements des instances centrales,
qui pourraient devenir la voie du renouveau tant souhaité, mais
plutôt timidement exprimé dans le projet de loi lui-même. La
conviction profonde de la Fédération des cégeps est que,
si ces ouvertures sont au moins maintenues et peut-être élargies,
les intervenants à la base, dans les institutions, retrouveront le
goût et redécouvriront les bienfaits d'exercer leurs droits et
leurs capacités dans l'établissement responsable de
l'organisation du travail.
Les améliorations proposées. Mais, pour que l'objectif
soit bien clair et que la promesse soit plus engageante et mieux tenue, les
améliorations suivantes nous paraissent souhaitables:
Indiquer dans la loi les prochaines étapes de la
décentralisation. Nous comprenons qu'à ce stade-ci de
l'évolution des mentalités le gouvernement n'ait pu, comme nous
l'y invitions, réaliser d'un seul coup l'objectif de la plus grande
responsabilisation possible des parties locales et qu'il doive se contenter d'y
arriver par étapes successives. Mais, pour ne pas confondre le but du
voyage avec le parcours immédiat proposé, il faudrait alors que
le texte même de la loi exprime cette distinction et indique les
prochaines étapes. Il faudrait, par exemple, prévoir quand
l'ensemble des parties locales, et non seulement celles actuellement
désignées par le projet de loi, seront appelées à
négocier les conditions de travail relatives à l'organisation du
travail; à quel moment le nombre des conditions de travail
négociées à l'échelle locale sera augmenté;
à quelle époque l'État entend réduire sa
présence massive comme employeur-négociateur en maintenant toutes
les fonctions qu'il fait encore assumer par le Conseil du trésor. Dans
cet ordre d'idées, il faudrait évidemment d'abord résister
aux pressions de ceux qui voudraient réduire davantage les quelques
ouvertures faites dans le projet de loi à la négociation locale,
soit en écourtant les listes protégées, soit en
soustrayant des personnels pour lesquels la responsabilisation locale est la
mieux fondée et la plus appropriée.
Clarification des rôles dans la détermination des mandats
pour les objets négociés à l'échelle nationale.
À la recherche d'un nouvel équilibre, le gouvernement du
Québec a considéré, dans son document de consultation,
qu'il fallait s'attaquer à l'hypercentralisation. Cependant, le projet
de loi, lorsqu'il traite de la négociation nationale, reproduit presque
mot à mot les dispositions de l'actuel régime.
Nous proposons qu'à l'égard des comités patronaux
de négociation les rôles soient clarifiés comme suit: En ce
qui concerne le Conseil du trésor, il établit les
paramètres financiers des négociations sectorielles et s'assure
que ceux-ci sont respectés; en ce qui concerne les ministères
sectoriels, ceux-ci fixent les mandats de négociation pour les
matières qui concernent les prérogatives et les politiques
ministérielles, compte tenu des paramètres financiers
arrêtés par le Conseil du trésor; en ce qui concerne les
représentants des groupements d'employeurs, ceux-ci fixent les mandats
de négociation pour les matières qui concernent l'organisation du
travail, les mouvements de personnels et les rapports collectifs du travail,
compte tenu des paramètres financiers encore arrêtés par le
Conseil du trésor.
Si la proposition qui précède est retenue, l'article 43 du
projet de loi doit être biffé et les articles qui concernent le
Conseil du trésor réaménagés, sinon l'article 43
devrait être modifié ou remplacé. Cet article traite d'une
question de régie gouvernementale. Il est étrange qu'il
apparaisse dans une loi. Ce qui doit être prévu dans la loi, c'est
que le Conseil du trésor invite des représentants des
associations patronales concernées à participer à ses
délibérations lorsqu'elles portent sur les matières
négociées à l'échelle nationale, puisqu'ils
représentent les véritables employeurs.
Renforcement de la valeur des arrangements locaux. Une
légère modification à l'article 73 du projet de loi
suffirait pour permettre aux parties concernées de donner tout leur sens
aux arrangements locaux. Au lieu de fixer à l'avance qu'il cesse d'avoir
effet au plus tard à l'entrée en vigueur d'une nouvelle
convention collective, il suffirait de prévoir qu'un arrangement convenu
à l'échelle locale a effet jusqu'à la date
arrêtée par les parties.
Un mécanisme de médiation compétent et
crédible, donc indépendant et permanent. Sur les matières
définies comme étant l'objet de stipulations
négociées et agréées à l'échelle
locale, le projet de loi stipule que la négociation ne peut donner lieu
a un différend. Il substitue à l'exercice du droit de
grève et de lock-out le recours à un mécanisme de
médiation qui peut se transformer en mécanisme d'arbitrage
à la demande des deux parties. (10 h 15)
Compte tenu de la nature des matières éventuellement
soumises à cette médiation-arbitrage et donc de l'importance que
risquent d'avoir les décisions de ce tiers sur la gestion interne des
institutions, il faudrait inscrire dans la loi les conditions de la plus grande
compétence et de la plus grande crédibilité possible de ce
mécanisme, dont la mise sur pied et l'organisation nous paraissent tout
aussi importantes que celles de l'institut sur la rémunénation.
D'où notre suggestion de prévoir dans la loi que cette instance
de médiation soit permanente, jouisse d'une indépendance
judiciaire et soit composée de personnes qui ont une solide connaissance
des missions et de la culture organisationnelle du réseau d'institutions
dans lequel elles seront appelés à intervenir.
Ce qui précède ne peut, par ailleurs, que renforcer
l'idée que nous défendons depuis le début relativement aux
limites dont devrait tenir compte une telle instance de médiation: les
intérêts légaux des parties et la belle cohérence
des textes qui les
garantisent, bien sûr, mais aussi les contraintes
financières de l'établissement et surtout les besoins des
usagers.
Modification à la loi sur les collèges. Le projet de loi
ne prévoit que des modifications au Code du travail. Le pouvoir
donné aux parties locales de négocier et d'agréer
certaines stipulations des conventions collectives devrait également
entraîner une modification à l'article de la loi sur les
collèges qui traite des conflits d'intérêts, soit l'article
12. Quand ils n'ont pas le droit de voter, les membres syndiqués des
conseils d'administration ont actuellement le droit soit de participer aux
délibérations, soit à tout le moins d'assister à
celles-ci. Le bon sens et la moindre convenance voudraient que cet article soit
ainsi rédigé que les membres syndiqués du conseil
d'administration ne puissent ni participer ni assiter aux
délibérations relatives aux négociations concernant l'un
ou l'autre groupe syndiqué représenté au conseil.
Un délai entre les signatures nationales et l'application locale.
Enfin, nous suggérons une dernière modification pour
éviter d'inutiles complications qui pourraient résulter de
l'absence de délai. Le projet de loi, comme d'ailleurs l'actuelle loi
sur l'organisation des parties, fait comme si les responsables locaux
étaient en mesure d'appliquer immédiatement toutes les
stipulations négociées et agrées à l'échelle
nationale, au moment même de leur signature à ce niveau. La
rapidité habituelle avec laquelle ces ententes se concluent à la
dernière heure et les implications parfois complexes qui en
résultent dans l'organisation du travail à l'échelle
locale militent en faveur d'inscrire dans la loi un délai suffisant: au
moins 30 jours pendant l'année scolaire et 60 jours pendant la
période des vacances nous paraissent raisonnables.
Conclusion. En terminant, M. le Président, nous tenons à
redire toute l'importance que la fédération accorde depuis
plusieurs années déjà aux changements qu'il faut apporter
à l'actuel régime de négociation dans les secteurs public
et parapublic. Nous avons tiré toutes les leçons des
expériences passées et avons investi beaucoup d'énergie et
de temps pour concevoir, développer, défendre et illustrer les
changements qui s'imposaient et les principes qui les soutenaient.
Nous l'avons dit dans notre mémoire sur l'avant-projet de loi en
janvier dernier et le redisons dans celui-ci: le projet de loi ne répond
pas à toutes nos attentes et nous avons des réserves importantes,
mais nous respectons les contraintes dont le législateur doit tenir
compte. Consciente de l'urgence de la situation, la Fédération
des cégeps choisit de s'inscrire dans l'économie
générale du projet de loi plutôt que de ramener toutes ses
positions antérieures, si fondées et si valables soient-elles.
C'est pourquoi nous nous limitons à quelques propositions de
modifications. L'une prend acte des objectifs déclarés des
auteurs du projet de loi et demande d'indiquer dans la loi les prochaines
étapes de la décentralisation. D'autres suggèrent un
meilleur équilibre entre les intervenants, un renforcement des accords
locaux et une plus grande crédibilité au substitut proposé
à l'exercice du droit de grève et de lock-out. D'autres encore
assureraient de meilleures conditions au niveau du partage des
responsabilités.
À ces quelques changements près, la
Fédération des cégeps voit se dégager un horizon
où les intervenants dans la détermination des conditions de
travail retrouvent progressivement la place dont ils n'auraient jamais dû
être évacués ou quittent celle qu'ils n'auraient jamais
dû envahir. C'est à long terme une question de mentalité,
mais c'est aujourd'hui une question d'encadrement juridique. Il faut sans doute
miser sur les changements d'attitudes sans pour autant se soustraire aux
obligations de l'heure: doter le Québec d'une meilleure organisation et
d'un meilleur régime de négociation dans les secteurs public et
parapublic. Comment espérer que les mentalités changent si la foi
ne transpire pas des premiers changements proposés et si les
législateurs ne sont pas saisis de l'urgence de la situation?
Messieurs, membres de cette commission, nous vous remercions de nous
avoir reçus et écoutés et voulons vous assurer de notre
engagement à faire tout ce qu'il faut pour que les modifications
apportées au régime de négociation produisent tous les
effets prévus.
Le Président (M. Lachance): Merci, M.
Henrico. M. le ministre délégué à
l'Administration et président du Conseil du trésor.
M. Clair: Merci, M. le Président. Mes premières
paroles seront pour remercier les représentants de la
Fédération des cégeps, non seulement pour être venus
ce matin nous soumettre leurs commentaires sur le projet de loi 37, mais aussi
pour le travail qu'ils ont effectué depuis au-delà d'une
année en ce qui concerne la réflexion de la
Fédération des cégeps quant à savoir quelle forme
devrait prendre la réforme du régime de négociation. Je
les remercie d'autant plus que j'ai eu l'occasion de les rencontrer à de
multiples reprises et d'échanger avec eux sur leur conception du
régime de négociation dans les secteurs public et parapublic. Je
pense que je puis dire que, de toutes les organisations syndicales et
patronales, celle qui s'inscrivait le plus dans le sens d'une orientation de
décentralisation poussée c'était effectivement la
Fédération des cégeps. Ce
matin, lorsque ses membres viennent nous dire: "Une réponse
nuancée, à la question posée", si on est satisfait, "il
est malheureusement impossible de répondre oui sans réserve", je
pense que c'est dans un esprit de compromis que la Fédération des
cégeps se rallie au projet de loi 37, tout en proposant un certain
nombre d'améliorations.
La première question que je voudrais poser concerne justement la
première amélioration proposée: "Indiquer dans la loi les
prochaines étapes de la décentralisation. " Là-dessus, on
nous demande, par exemple, de préciser "quand l'ensemble des parties
locales, et non seulement celles actuellement désignées parle projet de loi, seront appelées à négocier les
conditions de travail relatives à l'organisation du travail". C'est un
premier point. Hier, lorsque les représentants des syndicats des
secteurs public et parapublic sont venus se faire entendre, ils ont
particulièrement insisté, en ce qui concerne les cégeps,
sur - ce ne sont pas les mots qu'ils ont employés - l'inutilité
de négocier, par exemple, pour les professionnels des cégeps
localement, nous disant que cela ferait 50 tables de négociation, soit
le nombre de cégeps ou environ - je ne me souviens plus si c'est une
quarantaine - 44 tables de négociation pour environ 700 personnes. Loin
de simplifier les choses, M. le ministre, vous allez les compliquer, pour ne
pas employer d'autres expressions plus colorées, concernant la
proposition de décentralisation.
Quelle est votre réaction à cette argumentation? C'est
d'envisager, si je comprends bien, que le personnel de soutien fasse
également l'objet d'une négociation décentralisée
prochainement. Quelle est l'orientation que vous visez à cet
égard, et que répondez-vous à l'argumentation qui,
jusqu'à un certain point, peut porter les parlementaires à se
dire: Pourquoi 44 tables de négociation pour 700 professionnels?
M. Henrico: Avec votre permission, M. le Président, je
demanderais à mon collègue, M. Lauzière, de bien vouloir
répondre à la question du ministre.
M. Lauzière (Benoît): Quelques mots, entre autres,
sur l'affirmation relative aux professionnels non enseignants dans les
collèges. Je comprends très bien dans le fond. La question
même éclaire plus sur les intentions ou la mentalité du
demandeur que sur le problème qui est posé, si je comprends bien
la question qui a été posée hier. On présuppose,
dans le fond, une espèce d'antagonisme quotidien, un rapport de forces
ou une division quotidienne syndiqués-cadres ou syndiqués-patrons
dans les institutions.
On fait comme s'il y avait une économie d'échelle en
termes d'énergie en négociant à 700 plutôt
qu'à 40 fois un petit nombre. Mais la question ne se pose pas comme cela
dans l'organisation du travail avec les professionnels. D'autant plus - et
c'est ce qui nous étonne d'ailleurs - que, s'il y a un corps d'emploi
où il y a déjà une tradition très nette d'action,
de concertation et d'organisation du travail très
décentralisée, très particularisée dans les
institutions... Par exemple, malgré les appellations communes,
malgré les classifications nominalement identiques, il y a une
variété énorme de façons d'organiser le travail et
d'exercer la profession pour un psychologue, un orienteur, un aide
pédagogique et ainsi de suite, un animateur de vie étudiante. Ce
n'est qu'en apparence, dans le fond, qu'il y a beaucoup de choses identiques;
dans le réel, compte tenu des colorations et des traditions locales, de
l'organisation locale, c'est déjà très
différent.
Mais il faut également savoir que, dans la pratique quotidienne,
c'est parce qu'ils sont invités, à la limite, à tous les
trois ans, à avoir des attitudes plutôt antagonistes que
concertantes que la question apparaît comme elle a été
posée, car le quotidien est fait d'une collaboration et d'une
concertation conjuguées entre les professionnels et le personnel
d'encadrement des institutions.
Donc, à la limite, s'il y a un corps d'emploi pour lequel il est
fondé et approprié de parler d'organisation locale du travail, ce
sont bien les professionnels. Peut-être que certains créanciers
privilégiés du système centralisé actuel voudraient
enlever les dernières choses qui se font avec un peu de couleur locale,
mais ce n'est pas notre point de vue.
Pour les professionnels, c'est très étonnant, quand on vit
dans une institution, de voir qu'on pense qu'une organisation faite localement
serait épouvantable. C'est ce qui se fait quotidiennement. Et c'est le
corps d'emploi, me semble-t-il, où c'est le plus approprié. Comme
vous disiez, la coloration est déjà différente, la
concertation est déjà très grande et, dans les faits, il y
a plus de différence locale entre les professionnels de ce corps
d'emploi qu'entre beaucoup de professionnels d'autres corps d'emploi.
M. Henrico: Pour illustrer et renforcer ce que M. Lauzière
vient de vous présenter...
M. Clair: J'avais la tentation de demander au président du
cégep de Victoriaville de nous dire aussi comment cela se passait dans
les faits à partir d'un cas, mais allez-y, M. Henrico.
M. Henrico: M. De Belleval a des statistiques
intéressantes à vous faire part là-dessus.
M. De Belleval (Yves): Sur la question
des rapports concrets, réels, quotidiens dans les
établissements entre le personnel professionnel et les administrateurs
de cégeps, j'ai fait un relevé pour la dernière
année, 1984-1985, au greffe des tribunaux du secteur de
l'éducation, là où sont acheminés les griefs. Il y
a 22 griefs qui sont entrés dans une année pour 44
collèges. Cela fait en moyenne un demi-grief par année par
syndicat. Je prends cela parce que souvent on cite cet élément
des griefs comme indicateur des tensions et des rapports conflictuels entre un
établissement et un syndicat. C'est donc un demi-grief par année
par syndicat de professionnels. J'ai remonté aussi les années
antérieures et c'est du même ordre. J'ai examiné la nature
des griefs; cela porte généralement sur la sécurité
d'emploi et la rémunération, qui demeurent des matières
nationales de toute façon.
Donc, on pense qu'on a là des indicateurs sérieux. La
situation dans les faits nous permet de comprendre que c'est probablement
l'endroit, le groupe où ce modèle d'entente au niveau local a le
plus de chances de réussir dès le départ. En plus de ce
que M. Lauzière disait, je pense qu'on peut prendre cela comme des
faits.
M. Clair: Toujours à la page 3, en ce qui concerne les
parties à être couvertes par la décentralisation, vous
allez plus loin, vous dites: II faudrait également prévoir
"à quel moment le nombre des conditions de travail
négociées à l'échelle locale sera augmenté;
à quelle époque l'État entend réduire sa
présence massive comme employeur-négociateur en maintenant toutes
les fonctions qu'il fait encore assumer par le Conseil du trésor". (10 h
30)
II est évident qu'en termes du nombre de matières à
être décentralisées, il y a eu de nombreuses discussions
auxquelles vous avez été mêlés d'ailleurs avec le
ministère de l'Enseignement supérieur. Il est clair aussi que la
formule de règlement des différends a été, elle
aussi, évaluée clairement et longuement par le gouvernement,
à savoir si, dans les cégeps, on pouvait se permettre
immédiatement une décentralisation beaucoup plus poussée,
avec un droit de grève comme mode de règlement des
différends, ou une décentralisation un peu moins poussée
avec droit de grève, avec formule de médiateur-arbitre. Toujours
est-il que le gouvernement en est venu à la conclusion que, pour
l'instant, compte tenu des traditions, je dirais, il valait mieux, si l'on
voulait commencer la décentralisation des négociations dans un
climat positif, procéder à ce que j'ai moi-même
appelé, pour résumer le processus, une décentralisation
modeste, mais réelle.
Dans ce sens-là, lorsque vous proposez d'indiquer
immédiatement dans le projet de loi, de figer d'ores et
déjà quelle serait la deuxième étape de
décentralisation quant au nombre de matières, est-ce à
dire que vous favoriseriez, toujours comme mode de règlement des
différends, le médiateur-arbitre ou si, se rapprochant un peu, je
dirais, du modèle universitaire, la négociation serait
très décentralisée avec, comme mode de règlement
des différends, ultérieurement, le droit de grève au
niveau local? Qu'en est-il là-dessus? En même temps, cela ne
fait-il pas un peu - comment dirais-je - manque de confiance à
l'égard des législateurs des gouvernements, qui seront là
quand viendra le moment de procéder à une autre étape de
décentralisation, que de dire: On veut dès maintenant que soit
inscrit qu'il pourra y avoir une décentralisation plus
poussée?
M. Lauzière: Je vais essayer de me limiter aux
premières questions, si vous me le permettez. Je n'oserais pas glisser
sur la dernière question. Pour ce qui est des étapes, mais on ne
le donne qu'à titre d'exemple, ce n'est pas si facile de prévoir
toutes les étapes s'il devait être question de prévoir de
telles étapes. Il nous semblait qu'il valait mieux distinguer dans la
loi elle-même, comme cela se fait dans d'autres lois, les objectifs
terminaux, ce sur quoi on met le cap, et le parcours immédiat
proposé. Dans les textes, dans les réponses qu'on nous fait
à notre position, qui, comme vous l'avez souligné, était
peut-être la plus avancée des positions relatives à la
décentralisation, on nous dit qu'on doit tenir compte d'une série
de contraintes, qu'on doit faire des choses maintenant, des choses possibles,
au lieu de souhaiter l'idéal qui, de toute façon, ferait que
même l'actuel ne serait pas modifié. On prend acte de cela et on
s'inscrit dans cette économie, mais on dit: Distinguons bien l'objectif
terminal visé et l'étape actuellement parcourue, qui est celle
proposée, et indiquons dans la loi, de quelque manière - on donne
quelques exemples - ce que pourrait être ce qu'on prévoit. Il ne
suffirait que de prévoir, et ce serait déjà beau, qu'il
s'agit d'une étape et que d'autres étapes suivront.
Cela dit, je veux répondre à la question sur le droit de
grève dans ce contexte, ou le choix entre le droit de grève ou le
lock-out et le mécanisme de médiation proposé. Nos
positions antérieures relatives au droit de grève et de lock-out
étaient les suivantes: nous étions d'accord pour maintenir le
droit de grève et de lock-out, compte tenu, cependant... Bien sûr
que le champ du négociable était très large dans notre
position. Il y avait une corrélation entre l'ampleur du champ des
négociations locales et le maintien du droit de grève et de
lockout. Notre réaction au projet de loi 37 ne renie pas le principe qui
était le nôtre, mais
essaie de le concilier, au fond, au champ du négociable qui est
ainsi déterminé et à ce qui semble assez
déterminé comme position gouvernementale en cette matière.
Nous sommes cependant, et nous avons des propositions à faire
là-dessus... Le mot "inquiets" est peut-être trop fort, mais on
peut se poser des questions sur ce qui va résulter de la pratique de la
médiation-arbitrage si le mécanisme n'est pas renforcé.
Notre position est essentiellement la suivante: on se range du
côté du mécanisme proposé. Il nous semble,
cependant, qu'il faudrait le renforcer un peu. Quand on regarde la nature des
matières sur lesquelles va porter de fait la médiation-arbitrage,
ou l'arbitrage à la suite de la médiation, ce sont des
matières qui véhiculent, étant donné qu'il y en a
quand même de nombreuses - on parle de tout en termes de conditions du
travail maintenant - qui conjuguent au quotidien la gestion des
institutions.
Compte tenu de ce qui peut résulter en termes d'interventions
cumulées d'un arbitre, qui serait l'offre difficile à refuser
dans beaucoup de cas, nous sommes portés à penser qu'il faut
renforcer assez bien le mécanisme de médiation-arbitrage.
À défaut de quoi, je dirais que le rapport réel de forces
encadrées nous paraîtrait préférable. Il faut
imaginer une série de situations où les gens pourraient obtenir,
par une spécialisation de la coupe de la poire en deux, un changement
significatif dans la gestion très quotidienne des institutions. C'est
pour cela que nous pensons que le mécanisme doit être
renforcé de la façon suivante: il doit être permanent,
avoir une indépendance judiciaire ou quasi judiciaire et les
médiateurs qui feront partie de cette instance devraient être un
peu spécialisés.
Nous ajoutons ce que nous avons toujours ajouté depuis le
début, qu'ils doivent tenir compte, étant donné la nature
des matières sur lesquelles ils vont être amenés à
intervenir, de la capacité de payer de l'établissement et,
surtout, des besoins des usagers parce que de belles médiations, sur
textes seulement, in vitro, cela peut faire en sorte qu'au nom d'une belle
cohérence du texte un étudiant ait des cours de 9 h 30 à
16 h 30 l'après-midi, par exemple.
M. Clair: Qu'est-ce que vous entendez quand vous dites, sur
l'indépendance des médiateurs: jouisse d'une indépendance
judiciaire... C'est ce que je ne comprenais pas: "D'où notre suggestion
de prévoir dans la loi que cette instance de médiation soit
permanente... " Je vous indique là-dessus que le ministère du
Travail suit les discussions en commission et est régulièrement
informé des positions des parties en ce qui concerne la meilleure
façon de faire en sorte que cette formule américaine de
médiation-arbitrage fonctionne bien au Québec et, en
conséquence, il a déjà du travail de fait en ce qui
concerne comment "spécialiser" les médiateurs-arbitres à
cet égard, avoir une équipe permanente.
Mais, quand vous parlez d'une indépendance judiciaire, cela va de
soi: "... composée de personnes qui ont une solide connaissance des
missions et de la culture organisa-tionnelle du réseau d'institutions...
" Non seulement cela, mais des relations du travail elles-mêmes, cela
paraît évident. Mais, quand vous dites: jouisse d'une
indépendance judiciaire...
M. De Belleval: On a examiné...
M. Clair: Vous savez qu'on n'a surtout pas comme objectif de
judiciariser davantage les relations du travail.
M. De Belleval: Oui, mais on a eu à l'esprit et on a
examiné un peu comment, à la Cour supérieure, par exemple,
on a tenté de procéder, dans un cadre judiciaire, à une
décompression des rôles, etc. C'est quand même dans un cadre
judiciarisé, mais un effort pour faire en sorte que justice soit rendue
de façon plus rapide, à l'intérieur d'un certain cadre.
Les gens qui oeuvrent là sont des gens qui jouissent d'une
indépendance judiciaire.
Ce sur quoi on insiste, c'est pour qu'ils soient regroupés
à l'intérieur d'un organisme. Il y a aussi l'aspect de
l'indépendance qui est important. On souhaite que les gens qui vont
exercer cette responsabilité de la médiation-arbitrage ne soient
pas, autant que possible, des gens qui font la navette entre une autre fonction
qu'ils exercent par ailleurs dans la société et cette fonction,
pour, en quelque sorte, fournir aux parties une espèce de garantie plus
forte de leur propre indépendance à l'égard du
problème qui leur serait soumis.
M. Clair: Merci. Je pense que mon temps est écoulé.
Je voudrais que mon collègue, le ministre de l'Enseignement
supérieur, ait un peu de temps après le critique de
l'Opposition.
Le Président (M. Lachance): Oui. Pardon?
M. Ryan: On peut prolonger votre période de dix
minutes.
M. Clair: Allez-y donc.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Cela nous fait toujours plaisir de vous rencontrer. Ce
sont des sujets très difficiles que ceux que nous discutons ce matin. Je
me souviens de la rencontre que
nous avons eue avec vous autour de l'avant-projet de loi au mois de
janvier. Je ne sais pas si nous avons progressé véritablement
depuis ce temps. J'en doute sérieusement. Il y a une chose, dans votre
position de fond. Si j'ai bien compris, vous autres, vous étiez surtout
intéressés au réaménagement des
responsabilités à l'intérieur de la partie patronale. Vous
trouviez qu'il y avait eu trop de centralisation dans le passé de ce
côté. Vous demandiez qu'il y ait davantage de
responsabilités qui soient confiées aux institutions
individuelles en particulier; libre à elles de s'entendre sur les choses
qu'elles voudraient faire en commun. Je me souviens assez clairement de ce
point.
Vous n'aviez pas demandé de changements fondamentaux au mode
même de la négociation, au système de la négociation
libre. Je crois qu'un élément essentiel, la position que vous
aviez défendue, c'est qu'il y avait des matières qui
étaient négociées dans la plus grande quantité
possible au plan local, mais dans un régime de négociation
véritable comprenant le droit de grève. Vous disiez: Les
institutions s'entendront entre elles sur les choses qui pourront être
discutées sur le plan régional ou national, la question salariale
étant laissée au niveau national. C'est le souvenir que je
conserve de l'essentiel de votre position.
Ici, on arrive avec un régime qui est assez différent de
ce que vous aviez proposé et qui varie même dans ses composantes.
Il y a une chose qui m'a frappé. Par exemple, pour le personnel de
soutien dans le cas des collèges, cela va être ce qu'on appelle
improprement, à mon point de vue, la négociation limitée
sur le plan local, tandis que pour les commissions scolaires cela va être
des arrangements. Je ne sais pas quelle est la logique qui a inspiré
cette partie du projet de loi. On a des dispositions différentes suivant
qu'il s'agit d'un niveau ou de l'autre. Je ne sais pas. Le ministre pourra nous
l'expliquer en temps utile, quand il défendra son projet de loi. Cela
m'apparaît incongru à sa face même. Je ne crois pas qu'on
doive faire des distinctions comme celles-là.
Il y a une question qui se pose à moi. Il y a bien des objets
qu'on veut renvoyer à la négociation locale au sujet desquels des
questions se posent. Il y a deux ordres. D'abord, ce ne serait pas le
même genre de négociation. Là, on discuterait de choses
normatives au plan national avec la possibilité de recours à la
grève par les syndicats concernés. Là, on s'en irait au
plan local pour d'autres matières et il n'y aurait pas de recours
à la grève. Tout un système de médiation arbitrage
assez bâtard, à mon point de vue, une innovation d'un goût
plutôt douteux dans le domaine des relations du travail, à mon
humble avis. Là, c'est une première difficulté. C'est
qu'il y a deux modes de négociation très différents
à un niveau et à l'autre.
Deuxièmement, est-ce qu'il est opportun de renvoyer par voie de
législation toutes les matières énumérées
dans l'annexe A du projet de loi à la négociation locale? Je vais
vous donner quelques exemples. Les libérations syndicales, par exemple.
Je ne sais pas si c'est une bonne chose de commencer à avoir des
régimes particuliers dans chaque institution, dans tout le
Québec, ou si ce n'est pas mieux d'avoir un régime uniforme qui
soit discuté une fois et qu'après cela les gens se disent: C'est
cela qui va s'appliquer partout. Une institution qui a, disons, de 1000
à 2000 étudiants, aura tel régime; de 2000 à 3000
étudiants, tel autre régime. Je ne vois pas quels sont les
avantages véritables à recommencer à discuter de tout
cela, chaque partie avec ses avocats et ses conseillers au plan local. Je n'en
vois pas la justification, pour être franc avec vous autres. (10 h
45)
Le département. D'après le projet de loi, cela s'en va
tout au plan local sans droit de grève. Le statut du département,
la fonction du département, la composition du département, c'est
vraiment une pièce charnière dans l'appareil institutionnel que
constituent les cégeps. Il y a une tout autre école de
pensée qui a tendu à rechercher des normes qui soient
fondamentalement les mêmes au plan national dans une question vitale
comme celle-là. Est-ce qu'on doit courir le risque? Tout renvoyer cela
au niveau local et, si les parties ne s'entendent pas, il y aura 50 arbitres
différents qui vont tirer des conclusions. À une place, le jupon
va dépasser un peu plus; à l'autre, un peu moins. J'ai de la
difficulté à comprendre cela, pour être franc avec vous,
à moins qu'il n'existe un climat tel que les parties conviennent que
c'est une matière qui peut être discutée au plan local. En
ce qui concerne les mesures disciplinaires, est-ce qu'on va revenir à un
régime où il va y avoir 50 régimes différents de
mesures disciplinaires, 50 régimes différents de
procédures de grief et d'arbitrage? Je vous le dis franchement, je le
conçois péniblement.
La sélection des professeurs. Encore là, je pense que
personne ne met en cause le droit de la partie patronale de procéder
à l'engagement des professeurs. Une tradition s'est créée
dans le secteur des cégeps dont je ne suis pas responsable et sur
laquelle je ne porte pas de jugement pour l'instant, en vertu de laquelle la
sélection des professeurs se fait suivant des procédures
définies dans un décret pour l'instant qui tient lieu de
convention collective, mais qui ont toujours été définies
par le processus de la négociation collective, procédures en
vertu
desquelles, comme vous le savez, il y a participation très
importante des professeurs, avec un droit de décision en fin de compte
que j'appellerais limité pour la partie patronale, c'est-à-dire
circonscrit par les contraintes que crée la procédure inscrite
dans les décrets, les conventions collectives qui les
précédaient. Est-ce qu'on peut renvoyer tout cela du revers de la
main, comme on le fait, à la négociation locale? Vous me
permettrez d'en douter.
L'ancienneté. On a consacré des énergies
énormes à discuter de ce facteur, pas seulement dans le secteur
de l'enseignement, mais dans tout le secteur public et parapublic au cours des
deux dernières décennies. On en est arrivé à
certaines normes, à certaines orientations. Il y a encore du cheminement
à faire, parce que des syndicats partaient d'une position que j'ai
toujours qualifiée personnellement de très corporatiste dans ces
choses. On négligeait beaucoup la dimension de la compétence, du
dynamisme, de l'efficacité. Il fallait que des choses changent à
ce point de vue. Un certain nombre de choses ont été
modifiées la dernière fois; d'autres ont été
modifiées dans d'autres secteurs, à l'occasion de conflits, etc.
Est-ce qu'on doit tout renvoyer cela au niveau local et risquer de voir
exploser des conflits individuels à gauche et à droite, suivant
des modalités différentes? Je ne le sais pas.
En tout cas, ce sont autant d'exemples que je vous donne qui sont
tirés de la proposition gouvernementale en particulier. C'est contenu
à l'annexe A. J'ai examiné le contenu du décret à
la lumière de ce qui serait renvoyé au plan local sans droit de
grève, encore une fois. On évacue du décret toute la
substance. On laisse certaines choses: la sécurité d'emploi, la
permanence, ces choses-là, les régimes de protection contre ceci
et cela, mais je pense que la substance même de la négociation, ce
qui est le tissu même des relations du travail quotidiennes entre la
direction et les syndicats, est renvoyée purement au plan local. Je vais
vous dire bien franchement mon opinion: je ne pense pas que nous en soyons
rendus à un stade où nous puissions en envisager autant.
J'aimerais avoir votre réaction là-dessus, que vous me disiez
pourquoi, sur tous ces points, cela va comporter beaucoup plus d'avantages que
d'inconvénients que de procéder comme le propose le
gouvernement.
M. Lauzière: Je pense qu'il y avait deux questions. Je
vais essayer de répondre succinctement aux deux questions. La
première, c'est que vous avez remarqué une différence dans
la position que nous tenons aujourd'hui sur le projet de loi 37 par rapport aux
positions tenues sur l'avant-projet de loi. Nous essayons de nous exprimer
assez clairement dans notre réaction aujourd'hui. Nous maintenons
toujours que les positions que nous avions étaient bonnes,
défendables et valables. Il nous semblait qu'il y avait des distinctions
de rôles qui permettaient d'éviter des confusions. On renvoyait
directement à l'employeur le statut de négociateur et on
demandait à l'État d'intervenir d'une autre façon.
Cela dit, nous sommes également conscients de l'urgence
d'apporter des modifications suffisantes dès maintenant. Notre
réaction, aujourd'hui, ne consiste pas à dire que les positions
que nous tenions ne valent plus; elle consiste à tenir compte d'un
projet de loi qui, nous l'espérons, sera loi le plus tôt possible.
On essaie de s'inscrire dans cette économie générale
plutôt que de ramener la défense et l'illustration de toutes nos
positions antérieures, ce qui nous semblerait un exercice satisfaisant
pour l'esprit, mais assez inutile, dans le fond, pour la suite des choses. Nous
préférons recommander certaines améliorations
s'ins-crivant dans l'économie d'un projet de loi qu'on aurait voulu
idéalement autrement. C'est la réponse à la
première question.
La réponse à la deuxième question, qui me semble
extrêmement intéressante, c'est que je pense qu'il faut faire...
Il y a deux ordres de questions qui sont posées là-dedans.
Premièrement, faut-il légiférer ou pas? Faut-il inscrire
dans la loi les listes d'objets à être négociés
localement? Je pense que c'est capital. Autrement, comme je le disais en
blaguant à peine: C'est comme si on demandait au fond aux catholiques
réunis de décider du nombre et du mode d'agir des protestants; il
n'y aurait pas de protestants qui existeraient et il n'y aurait pas
d'Église protestante. Si on demande aux instances centrales - et
là-dessus, ceux qui ont participé à ces instances, soit en
subissant des choses, soit en y étant très actifs, vont
comprendre facilement, me semble-t-il, que ce n'est pas au niveau des instances
centrales... Quant on est créancier privilégié d'un
système centralisé, c'est assez difficile d'avoir assez de vertu
pour faire confiance aux gens de la base pour régler quelque chose. On
dit: Avec notre permission et tant qu'on n'en décidera pas autrement. Je
pense qu'il faut vraiment sortir de ce système.
Deuxième ordre de questions. Je pense qu'il ne faut pas confondre
non plus tout ce qui doit être, tout ce qui sera, de fait, tout ce qui a
été prévu juridiquement de pouvoirs négociés
au niveau local, avec la conséquence immédiate que tout va
être chambardé. Il y a l'article 59 du projet de loi qui est tel
que, le bon sens minimal aidant - pas l'extrême vertu - et les
intérêts des parties aidant - cela sera la meilleure garantie - il
n'y aura un changement dans les choses ou dans les conditions actuelles -
départements, commissions pédagogiques, sélection
des professeurs, ancienneté - que si les deux parties le veulent bien.
Donc, le moins que l'on puisse dire, je pense, quand on sait la
difficulté, justement, de sortir d'un certain carcan qui existe depuis
longtemps, c'est que ce ne sera pas la révolution dans les modifications
locales et dans la différenciation locale, à vue, en tout cas.
Les parties pourront. Là-dessus la distinction est de base, me
semble-t-il. Il faut prévoir dans la loi, parce que, autrement cela va
être très variable et les instances centrales ne se
décideront pas facilement à laisser couler beaucoup de choses au
local. On y perd du pouvoir: on n'a pas intérêt à en
laisser couler au local. Je pense, par ailleurs, que tout le reste doit
être local.
Écoutez un peu, la sélection du personnel dans une
institution qui est maintenant de l'ordre de l'enseignement supérieur,
s'il y a quelque chose qui aurait toujours dû être local et qui
était dangereusement local autrefois, avant que ce soit assez
centralisé... Je ne crois pas que la sélection des professeurs
était si mauvaise dans les instituts, dans les collèges
classiques. Je ne crois pas que cela a été si mauvais en moyenne.
Je ne vois pas comment la centralisation a amélioré beaucoup la
chose. Je me dis: Ces choses-là, l'organisation de l'encadrement
pédagogique de base qui est le département, s'il y a quelque
chose qui doit être local, c'est bien cela. Mais cela étant dit,
pour ceux qui craindraient qu'il y ait une différence -comme si la
différence était le péché mortel dans ces affaires,
alors qu'elle existe actuellement et qu'on ne le dit pas parce qu'au niveau
central cela ne se dit pas - il me semble que, s'il y a des choses qui doivent
être au niveau local, ce sont bien celles-là. Et je
répète - cela me semble important - que nous croyons que le prix
à payer est élevé pour avoir un jour la possibilité
de changer quelque chose au niveau local - c'est l'article 59 - et nous avons
dit depuis le début que nous pensons, pour sécuriser les gens,
que c'est un prix qui doit être accepté. Dans ce sens, que la
sélection des professeurs à un moment donné soit variable
d'une institution à l'autre, personnellement, je n'y verrais que du
bien.
C'est pour cela que je me dis: II y a une protection qui est là.
Et je pense que ces choses-là, justement, sont caractéristiques
des choses qui devraient être au niveau local.
M. Ryan: Je vais vous poser...
M. De Belleval: On pourrait vous donner quelques exemples, M.
Ryan, si vous le permettez.
M. Ryan: Oui, oui, je veux bien.
M. De Belleval: Dans votre deuxième question, vous avez
énuméré un certain nombre d'objets. Le premier que vous
avez mentionné, ce sont les libérations syndicales. L'annexe A
parle bien des libérations syndicales, sauf celles au plan national.
D'accord? Donc, ce sont les libérations syndicales pour fins de
fonctionnement interne du syndicat. Dans les faits, chaque année, au
niveau local, il y a des rapports qui s'établissent au comité des
relations du travail entre le syndicat et l'employeur sur ces
libérations syndicales. Et le nombre est établi par entente dans
95 % des cas, chaque année, et il varie pour un certain nombre de
considérations. Ce nombre - on s'en souvient - est pris à
même l'allocation pour fins d'enseignement et donc, au moment où
on procède à la répartition des professeurs entre les
disciplines, cet élément intervient. Déjà, dans les
faits, il y a donc une certaine négociation au niveau local qui
s'établit. Ce que je comprends, c'est que vous dites: II y a des
minimums ou un certain nombre de règles au niveau national, mais, dans
les faits, il y a quand même chaque année une négociation
qui est faite à ce point de vue.
Un deuxième exemple: le département. Quand on a
commencé à examiner la question du régime de
négociation, on a reçu dans un colloque une dizaine de personnes
qui provenaient du milieu syndical, du milieu patronal ou qui étaient
des observateurs de la scène publique. L'une de ces personnes, un ancien
président de centrale syndicale, a donné le département
comme exemple de ce qui pourrait être effectivement
décentralisé. Ce qui se passe dans les faits en ces
matières, quand elles sont de niveau national, c'est que cela peut
fonctionner très bien dans une quarantaine d'établissements. Et
là, il y a trois ou quatre problèmes et on ramène au
niveau national ces trois ou quatre problèmes: pour les régler,
on est obligé d'aller dans des clauses nationales. C'est ce qu'il y a
dans la dynamique de la centralisation de la négociation: on arrive avec
des cahiers de revendications qui sont extrêmement volumineux parce que
les problèmes des différents milieux remontent jusqu'en haut,
alors qu'il serait beaucoup plus souhaitable que, dans une perspective de
permanence de la négociation - ce qui est le cas, à notre avis,
dans le projet de loi - les parties puissent se rencontrer.
Vous avez conclu votre intervention en vous référant
à la relation quotidienne. Je pense que c'est la raison pour laquelle
nous disons que cette liste, que nous considérons comme une liste
minimale, doit être là. C'est justement la relation quotidienne
qui est inscrite à l'intérieur de ces objets. Si c'est vraiment
la relation quotidienne, on
pense que ce sont les acteurs de la relation quotidienne qui devraient
à ce niveau se rencontrer et échanger entre eux. II y a quand
même, je dirais, des traditions sur un très grand nombre de ces
objets. Au fond, ce qui arrive au niveau national, c'est qu'on présente,
dans un premier temps, des documents volumineux qui donnent l'impression qu'il
faut tout chambarder pour, en fin de compte, délester et, dans bien des
cas, reproduire le statu quo, ce qui ne se ferait pas au niveau local, selon
nous. À ce niveau, les gens n'ont pas la volonté de satisfaire
à des obligations de stratégie nationale qui nécessitent
de demander beaucoup pour obtenir quelque chose en fin de course.
M. Ryan: Juste une dernière question. Le président
m'informe que mon temps est déjà écoulé. M.
Lauzière, vous nous avez parlé tout à l'heure de l'article
59, qui garantit qu'à moins d'entente entre les deux parties les choses
qui existent actuellement vont rester. Je pense que vous nous placez en face
d'un dilemme. Le dilemme serait le suivant: en l'absence d'entente entre les
deux parties, ou bien le régime des décrets dure
éternellement ou perpétuellement, ce qui n'est pas
désirable, ou bien on s'en va vers un régime de
médiation-arbitrage. Sous le régime de
médiation-arbitrage, d'abord, il y a un facteur important qui tombe et
dont nous avons parlé tout à l'heure: le droit de grève;
deuxièmement, quelle garantie allons-nous avoir qu'on ne se
réveillera pas avec 50 régimes différents au
Québec, comme on en avait au moment où on est allé vers
une centralisation qui est devenue excessive?
M. Lauzière: Je pense que, sur les conditions de base,
cependant, notre position a toujours été la même. Sur les
conditions de base, c'est égal dans tout le Québec. Qu'il y ait
50, 22 ou 10 manières différentes de concevoir l'encadrement
pédagogique -départements, modules, etc. - je ne vois pas que le
mal soit là. Au contraire, dans les faits actuels, quand on a
dépassé le temps des holocaustes, tous les trois ans, quand les
gens reviennent chez eux, la vie départementale, c'est ce qu'il y a de
plus spécifiquement différencié.
M. Henrico: II ne faut pas oublier non plus que 77 % des objets
qu'on retrouve dans le décret avaient été paraphés
avant le décret par les parties.
M. Ryan: Avant le décret?
M. Henrico: Oui, c'est cela.
M. Ryan: C'est excellent, cela.
M. De Belleval: Et, dans d'autres cas, c'était le statu
quo de la convention antérieure. Pas dans tous les cas, mais dans
d'autres cas. (11 heures)
M. Henrico: II ne faut pas en venir nécessairement
à la conclusion que tout ce qui est dans le décret n'est pas
bon.
M. Ryan: Là, je me borne à constater...
M. Henrico: Je pense que c'est sur le principe du décret
que les gens s'élèvent plutôt que sur le contenu.
M. Ryan: Très bien. Alors, je me borne à constater
qu'il existe un désaccord important quant à ce que sont des
matières suffisamment importantes pour être au plan national et
suffisamment enracinées dans les réalités
différentes d'une place à l'autre pour être au plan local.
Je veux vous informer que nous avons été saisis du fait qu'il n'y
a aucune espèce de consensus entre la partie syndicale et la partie
patronale là-dessus. Je veux vous prévenir qu'en ce qui touche
l'Opposition nous sommes loin d'être convaincus de l'opportunité
de procéder à des changements comme ceux que propose le
gouvernement actuellement.
J'ai une théorie en relations du travail; je ne veux pas la
présenter au nom de mon parti, c'est une opinion personnelle. C'est:
When it is not clear, be prudent. Lorsque vous n'avez pas un consensus le
moindrement substantiel, soyez extrêmement prudents avant de jouer avec
la mécanique. Ce ne sont pas des jeux de mécano, ces
choses-là, ce sont des choses très lourdes de
conséquences. À ce moment-là, mieux vaut peut-être
tirer un meilleur parti des instruments que l'on a que tout chambarder en
créant peut-être le risque d'avoir des conséquences plus
lourdes, plus graves.
Je vous donne cela en terminant, je suis content qu'on échange
encore là-dessus, ce n'est pas la première fois. Ma conviction
n'est pas emportée par les choses qu'on a entendues ce matin, mais je
garde l'esprit ouvert.
M. Lauzière: Remarquez que les sondages... Il est
intéressant de savoir là-dessus que les instances centrales,
évidemment, ne sont pas pour la décentralisation; les
professeurs, lorsque interviewés dans des sondages comme ceux de l'IQOP
- et cela confirme ce qu'on vit quotidiennement - savent très bien que
cela se réglerait bien mieux au niveau local.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre de
l'Enseignement supérieur, vous m'avez demandé la parole.
Brièvement, s'il vous plaît.
M. Bérubé: Merci, M. le Président.
D'une part, je voudrais vous remercier de votre présentation ici
ce matin et m'excuser d'avoir malheureusement raté les premières
minutes. D'autre part, vous faites un certain nombre de demandes sur lesquelles
j'aimerais des éclaircissements.
Ainsi, vous demandez une modification à la loi sur les
collèges qui amène les représentants syndicaux à
effectivement siéger lorsque l'on discute d'organisation. J'aurais assez
facilement accepté votre demande dans un contexte où on aurait
retenu des sujets majeurs de négociation à l'échelle
locale, impliquant par exemple des intérêts matériels, des
quanta de tâche tels qu'à ce moment-là on aurait pu avoir
évidemment des positions divergentes, difficiles à concilier,
puisque l'intérêt de l'un étant d'en obtenir le plus pour
son argent et de l'autre d'en donner le moins pour l'argent qu'il
reçoit. Donc, conflit normal entre patron et employé. À ce
moment-là, j'aurais très bien pu imaginer des questions
stratégiques qu'il convient de discuter entre patrons et non pas
à une table où sont impliqués des syndiqués qui
pourraient dévoiler Ies stratégies. Parce qu'à ce
moment-là on choisit un modèle dit d'affrontement,
d'opposition.
Or, le modèle qui est retenu ici n'est pas ce modèle
reposant sur l'affrontement; c'est plutôt, au niveau local, un
modèle fondé sur la discussion quasi permanente, la
réflexion permanente sur les conditions de vie à
l'intérieur du collège, sur l'organisation du travail à
l'intérieur du collège, donc, essentiellement, sur ce qu'est le
collège.
En conséquence, puisqu'il s'agit beaucoup plus de
réfléchir ensemble à ce que l'on veut faire du
collège, n'y a-t-il pas au contraire énormément
d'intérêt à ce que des représentants des professeurs
siègent au conseil d'administration et discutent de la vie du
collège, des problèmes que connaît le collège pour
en arriver, à un moment donné, à dire que peut-être
il faudrait changer certaines règles de fonctionnement internes à
notre collège puisque cela nous empêche d'atteindre les
résultats pédagogiques désirés?
En d'autres termes, comme il s'agit d'une recherche pour
améliorer la qualité du système, la vie du système,
n'y a-t-il pas intérêt à avoir les gens autour de la
même table? À ce moment, je dirais, dans le modèle qui est
ici, de maintenir la présence des représentants syndicaux
à la table du conseil.
M. Henrico: Notre souci c'est la cohérence. On se retrouve
devant une situation où, en bout de course à la
détermination d'un mandat de négociation, on se trouve à
recevoir le mandat de négociation de la partie syndicale. C'est un peu
ça notre souci. En principe, on est parfaitement d'accord avec
l'orientation.
Mais je me dis qu'à un certain moment donné il faut aussi
se rendre compte de la réalité: souvent les gens qui sont assis,
qui représentent l'interne au niveau d'un conseil d'administration,
même s'ils veulent privilégier des orientations professionnelles,
sont obligés de représenter des positions syndicales dans
plusieurs cas. On a beaucoup de misère à concilier et à
voir la cohérence où on devrait discuter d'un mandat de
négociation avec la partie syndicale. Je pense que, si l'inverse
était acceptable, on pourrait peut-être le considérer.
M. Bérubé: Parce que vous parlez ici de
négociation de type traditionnel et, dans une négociation de type
traditionnel, il est normal que, lorsqu'il y a désaccord entre les
parties, il y ait un mécanisme d'arbitrage du conflit qui soit la
grève ou l'arbitrage obligatoire. Or, nous n'avons ni l'un ni l'autre
dans le cas présent. En d'autres termes, lorsqu'il y a mésentente
entre les parties, le pire qui puisse arriver, c'est le statu quo,
c'est-à-dire qu'on va maintenir le système actuel jusqu'à
ce que, éventuellement, les parties aient jugé avantageux de
faire des compromis ici et là et de retrouver un nouvel
équilibre.
Donc, on n'est pas ici dans un processus de négociation, car, si
on devait parler véritablement de négociation, je vous donnerais
entièrement raison. Si, effectivement, ce dont on parlait au niveau
local était une négociation typique avec le point de vue syndical
d'un côté et le point de vue patronal de l'autre, à ce
moment-là, je vous donnerais entièrement raison. En même
temps, je devrais traiter de la question de la résolution des
désaccords. Or, ici nous avons choisi de dire que, lorsque les parties
ne s'entendent pas, elles vont continuer à vivre la situation
présente. Donc, on ne parle plus véritablement d'une
négociation classique.
M. Lauzière: Oui, cela va, mais je pense qu'il faut faire
attention. Il ne faut pas induire de la vertu anticipée du
système proposé la bonté originelle de l'homme. Il faut
faire attention. Moi, je dis que, dans la pratique quotidienne
souhaitée, je pense que ce que vous dites pourrait très bien se
construire, et c'est ce qui va arriver. Je vais même aller plus loin.
Dans la majorité des cas, quand les gens auront retrouvé et
redécouvert dans le fond le sens d'une concertation locale, ce n'est
même pas au conseil d'administration que cela va se discuter, au niveau
des mandats.
Il faut quand même ne pas trop présupposer que la vertu
revient au bâton tout de suite et maintenant. Je pense qu'il pourrait
arriver qu'il n'y ait pas une entente spontanée, une concertation qui
transpire quotidiennement sur des choses assez
importantes, et qu'il pourrait arriver qu'au conseil d'administration il
y ait encore une dialectique patronale-syndicale dans les institutions. Ce
n'est pas impossible. Il faut juste se protéger.
M. Bérubé: Oui, mais la présence syndicale
au conseil d'administration serait certainement de nature à
éviter ce travers, puisqu'elle empêche effectivement tout type de
négociation basé sur des positions dites stratégiques dans
le but d'obtenir des concessions en échange. Car, lorsqu'on discute
à fenêtre ouverte, il est assez difficile de pouvoir s'engager
dans ce type de considération. Par conséquent, n'est-ce pas
effectivement le meilleur moyen de s'assurer qu'on va éviter
l'ornière de l'affrontement?
M. Lauzière: Écoutez un peu! D'une façon
générale, je pense que la meilleure... Si les ornières de
l'affrontement doivent être évitées, elles le seront
autrement que par une présence en troisième instance ou en
troisième niveau des gens qui se donnent des mandats pour eux par. la
suite.
Si on vivait dans un monde où tout le monde est bon, etc., je
pense qu'on n'aurait même pas besoin d'en parler; c'est une question de
décence. Quelqu'un dans un conseil d'administration, si on parle de ses
conditions d'emploi ou des conditions d'emploi du corps d'emploi qu'il
représente, je pense que la bonté originelle étant
supposée, il se retirerait de lui-même. Disons que cela ne se
passe pas toujours comme cela depuis 1967. Même si tout le monde
espère qu'on ne s'en va pas du tout dans une situation conflictuelle, on
est quand même en relations du travail.
M. Bérubé: J'ai une dernière question. Vous
parlez de. l'article 43 qui garantit la présence du ministre de
l'Enseignement supérieur aux délibérations du Conseil du
trésor. Je m'étais moi-même étonné de la
présence d'un tel article, me disant que, de toute façon, nous
avons le droit d'assister à toutes les séances du Conseil du
trésor. Toutefois, il faut reconnaître que c'est en même
temps une garantie. Il est vrai que je peux y assister, mais ici on fait une
obligation à l'administration du Conseil du trésor de s'assurer
que toute décision qui est prise concernant un mandat de
négociation ne peut être prise sans qu'au préalable on ait
invité le ministre de l'Enseignement supérieur. Donc, c'est une
garantie que l'intérêt du secteur collégial sera pris en
compte par les ministres responsables du Conseil du trésor lors de la
prise de décision. Cela existait déjà dans la loi 55. Je
comprends donc qu'on a simplement maintenu une telle clause.
Ce qui m'intéresse cependant, c'est quand vous parlez de
réaménagement des articles concernant le pouvoir du Conseil du
trésor. J'aimerais que vous précisiez cela. Cela
m'intéresserait.
M. Lauzière: Écoutez! Je veux quand même
parler un peu de l'article 43. Si vous n'avez pas d'objection à ce que
soit garantie dans la loi une présence au Conseil du trésor qui
est acquise par ailleurs, vous comprendrez qu'on est peut-être
intéressé à voir garantie dans la loi une présence
qui n'est pas acquise du tout quand on parle des affaires des collèges.
C'est pour cela que nous le demandons. À la limite, si je comprends
bien, vous n'auriez pas d'objection à ajouter que les
représentants des fédérations patronales soient
invitées au Conseil du trésor quand on est en train de
déterminer les mandats qui concernent leur réseau.
M. Bérubé: Vous avez raison. Disons en . blague,
parce que la comparaison n'est pas tout à fait exacte, que c'est
à peu près comme le problème de la présence des
syndiqués à la table du conseil d'administration...
M. Lauzière: Je ne le crois pas.
M. Bérubé:... même si l'analogie et
l'extension ne sont pas absolument exactes. Je comprends votre point de vue.
Évidemment, il faut aussi admettre que le gouvernement peut vouloir
obtenir des discussions carrément politiques à une table qui
s'appelle la table du Conseil du trésor et que, évidemment,
à ce moment-là, ces discussions peuvent être
confidentielles, d'autant plus que la loi sur l'accès à
l'information - dois-je vous le rappeler? -fait en sorte que c'est probablement
l'un des seuls organismes gouvernementaux dont il est interdit de diffuser les
documents de travail qui lui sont soumis: dans le cas des documents du Conseil
du trésor, c'est un refus d'accès à l'information, pour
bien protéger, je dirais, le chien de garde de l'appareil public, qui
doit pouvoir exprimer toutes les opinions et aider les ministres à
prendre les meilleures décisions possible, y compris lorsque les
remarques que l'on doit faire sont des remarques désagréables
à entendre pour un ministre, disons. Donc, il est un peu normal que le
Conseil du trésor puisse se réunir in camera et que cela se fasse
sur une base strictement politique. J'ai de la difficulté à
imaginer qu'on pourrait établir dans une loi qu'on met un terme,
finalement, à ce lieu de prise de décision gouvernementale. Mais
on peut s'assurer cependant que le point de vue du réseau est traduit
par le ministre responsable. Je pense que c'est le sens de l'article.
M. Lauzière: Oui, sur le fond.
M. Bérubé: J'aimerais que vous me parliez de ce que
vous envisagiez pour le Conseil du trésor. Vous parlez de
réaménagement, mais sans être explicite dans votre
mémoire.
M. Lauzière: La remarque sur. l'article 43, c'est à
la fin. On dit: S'il n'y a pas de réaménagement, il faudrait au
moins que... C'est pour cela que ce n'est peut-être pas cela qui est
majeur. Ce sont les réaménagements proposés. C'est la
position que nous tenons. Au fond, nous ramenons l'esprit, une partie de la
lettre des positions que nous tenons là-dessus depuis le début et
qui nous semblent ramenables sur la table, si je puis ainsi dire, même en
respectant l'économie générale de la loi. Le coeur de ce
mécanisme, c'est-à-dire tout le mécanisme de la
négociation des objets au niveau national, demeure inchangé. Vous
l'avez remarqué, vous venez de le dire. C'est la reproduction mot
à mot des textes de la loi 55. Il nous semble qu'il faille attaquer cela
un peu, qu'il faille améliorer cette affaire-là, parce que notre
réflexion là-dessus consistait à dire: Comment
définir le mieux possible les rôles des intervenants, compte tenu
de la nature des intervenants? (11 h 15)
Dans la négociation nationale, compte tenu que nous sommes des
organismes subventionnés - on part de là - il nous semblait non
seulement admissible, mais tout à fait correct, impensable autrement,
que l'État définisse un certain nombre de paramètres
généraux, mais très précis quant à leur
limite à l'intérieur desquels les regroupements d'employeurs
définis par la loi puissent exercer leur rôle propre d'employeurs
par rapport aux conditions de travail, même le normatif lourd. C'est dans
ce sens-là que, et même si cela mériterait probablement
d'être mieux décrit ou plus longuement décrit, en gros, il
nous semblait que les rôles des intervenants au niveau national devaient
précisément être décrits conformément
à leur nature propre. Le Conseil du trésor et, derrière
cela, l'État évidemment, au sens le plus fort du terme, quant aux
paramètres de négociations, doit définir le plus
précisément possible des paramètres et il doit veiller
à ce que ce soit à l'intérieur de ces paramètres -
un peu comme cela se fait pour les organismes gouvernementaux dans le
même projet de loi d'ailleurs; ils définissent, dans le fond, des
paramètres qui sont contraignants - que le ministre agisse à son
niveau propre, c'est-à-dire ait une prépondérance
réelle pour les affaires qui relèvent plus directement du
ministre, et qu'il y ait une prépondérance réelle qui
relève du statut de l'employeur concerté au niveau national.
Il y aura probablement lieu de huiler davantage la mécanique
parce que ce n'est pas si simple que cela quand on fait jouer ces rôles
en concordance ou en concertation. Mais c'est l'esprit et la lettre des
améliorations qui nous sembleraient souhaitables quant au coeur de la
mécanique de la négociation nationale qui reste inchangé
et qui pourrait, nous semble-t-il, changer dans un sens donné qui est le
sens que nous souhaitons depuis le début.
Le Président (M. Lachance): Je voudrais demander la
collaboration de tout le monde pour essayer d'abréger un peu, parce
qu'on va avoir des problèmes à tout faire entrer dans les
délais qui nous ont été impartis pour les travaux de cette
commission cet avant-midi. M. le député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, seulement une question pour
rattraper un peu le temps. Je comprends qu'on veut terminer à 13 heures.
Avec tout le respect que je dois à M. Bérubé, il a
mangé pas mal de temps aux autres groupements qui vont venir
ensuite.
Ma question concerne l'Institut de recherche sur la
rémunération. Je présume que c'est M. De Belleval qui va
répondre. Quoi qu'il en soit, si un autre veut répondre, vous
décidez.
Hier, quand les représentants de la coalition sont venus devant
nous, ils ont exprimé beaucoup de réserves sur la composition et
le mandat de cet institut de recherche. En résumé, ce qu'ils ont
dit, c'est qu'ils ne sont pas du tout contre un tel institut, mais ils veulent
avoir un organisme crédible et qui soit vraiment une sorte d'outil
d'information qui va nourrir en même temps et le patron et le syndicat;
tout le monde serait renseigné à l'aide des mêmes
données. Je dois vous dire que, ayant écouté tout cela, je
trouve leurs arguments, jusqu'à un certain point, valables. Je pense
qu'on pourrait peut-être améliorer cet institut.
Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec la remarque que
peut-être, à l'institut, le fait que tous les membres sont
nommés par le gouvernement... En ce qui concerne le mandat, l'article 6
dit que, pour avoir un mandat en dehors du mandat général de
comparer les salaires, globalement, pour aller en dehors de cela, cela prend
vraiment le consentement unanime de tous les membres. Si, par hasard, ils
décidaient de regarder dans une autre province ce qui se passe pour nous
renseigner ici à Québec, il y a un membre sur 19 qui pourrait
bloquer l'initiative. Je comprends que, pour moi, cette critique avait du bon
sens. Donc, si on voulait améliorer cet institut de recherche, de quelle
manière, croyez-vous, qu'on pourrait le faire?
Par exemple, croyez-vous que ce serait mieux que l'institut soit
composé de
membres dont, par exemple, une moitié serait nommée par le
syndicat, l'autre moitié par le secteur de l'employeur, avec une
personne présidente ou peut-être trois nommées sur des
listes recommandées au gouvernement par l'Assemblée nationale,
comme le projet de loi le dit? En tout cas, que tous les membres ne soient pas
nommés par le gouvernement, mais qu'au moins le syndicat et les
employeurs aient directement le droit de nommer leurs membres.
Deuxièmement, concernant le mandat, surtout le mandat d'aller en
dehors de l'ordinaire, du régulier, ce n'est pas juste de dire que cela
prend le consentement unanime de tous les 19 membres. Devrait-on dire que cela
prend le consentement des deux tiers de ses membres ou de la majorité
pour avoir une extension de mandat, précisément pour obtenir les
meilleures données possible? De quelle manière est-ce qu'on
pourrait fortifier cet institut de sorte que cela devienne vraiment un
organisme de recherche crédible?
M. De Belleval: Vous me rapportez que la coalition serait
favorable à un institut, mais qu'elle pose le problème de la
crédibilité de l'Institut de recherche sur la
rémunération.
Je serais porté à imaginer qu'en conséquence, si
c'est le problème de la crédibilité qui est posé,
et puisque nous sommes dans le domaine de la recherche, je serais porté
à imaginer que la conclusion sera que les gens qui siégeraient
à cet institut devraient être des gens qui proviennent de milieux
neutres. À mon point de vue, la recherche est une activité noble
et neutre. La recherche, c'est censé être objectif et, donc, le
résultat de la recherche ne devrait pas être de. l'ordre de ce
qui, dans le domaine des relations du travail, tient plus du compromis. Si le
problème est le problème de la crédibilité, je
rappellerais qu'en ce qui nous concerne nous avons déjà
suggéré qu'il ne soit pas composé de gens qui
représentent des milieux et qui ont des mandats. Le mandat de la
recherche, qu'il soit défini dans la loi et que les chercheurs cherchent
et non pas des gens qui arriveraient avec des mandats. Il m'apparaît, en
tout cas, qu'à ce moment la crédibilité d'un tel organisme
pourrait être augmentée si c'est bel et bien cela qu'on recherche.
Si ce qu'on recherche, c'est de commencer à établir
déjà à l'intérieur de l'institut le rapport de
forces, à ce moment, je pense qu'on est peut-être mieux de choisir
un modèle qui est un modèle de paritarisme et de vouloir que les
gens aillent là déjà avec des mandats.
Pour ce qui est de la question de la crédibilité, il
m'apparaît qu'en matière de recherche celui qui est
crédible, c'est celui qui est compétent et qui, compte tenu de
son mandat, applique des techniques scientifiques. Quant à ce qui est du
mandat lui-même et d'aller à l'extérieur, je vous avoue que
nous avons effectué très récemment un certain nombre de
voyages à l'extérieur du Québec. Nous sommes allés,
par exemple, en Ontario. On parle souvent de l'Ontario, de la comparaison
Québec-Ontario. Il nous apparaît qu'il est extrêmement
hasardeux de comparer à l'extérieur des éléments
restreints comme, par exemple, la rémunération. Je ne dis pas que
ce n'est pas un élément majeur, mais je dis que c'est un
élément dans un ensemble parce que, pour examiner la
rémunération, il faut examiner la tâche, la
sécurité d'emploi, etc.
À ce moment, vous faites une comparaison d'institutions. Vous
faites une comparaison de modèles organisationnels ou de modèles
de sociétés, mais vous ne faites pas une comparaison strictement
sur la rémunération comme telle. Au fond, il nous apparaît,
c'est pour cela que nous n'en traitons pas dans notre mémoire, que le
projet de loi sur cette question, dans son ensemble, c'est satisfaisant.
M. Polak: Une question additionnelle. Vous parlez de cet institut
comme vraiment un institut, dans votre opinion, de recherche. Mais, vous
connaissez le mot "recherche". Ici, on fait de la recherche aussi. Si le
gouvernement dit: On impose 9 % de taxe de vente sur les primes d'assurance,
cela est un fait. Mais dans la recherche qu'on a faite, nous, on a
critiqué: Cela ne vaut rien. Ce n'est pas bon. C'est régressif,
etc. Le gouvernement a dit: C'est très bon. C'est le même point.
La donnée que cet institut va trouver au point de vue de la
rémunération, cela va être interprété de
différentes manières. J'ai compris plutôt la fonction,
quand je lis le projet de loi à l'article 19, la fonction de cet
institut... Certainement, il y a une fonction de recherche là-dedans,
mais aussi il parle d'informer le public de l'état et de
l'évolution comparés de la rémunération globale.
Cela va très loin.
Je pense qu'ayant une représentation et syndicale et de la part
des patrons avec une tierce partie présidant, qui préside,
neutre, objective, cela est vraiment le but. D'ailleurs, la loi elle-même
prévoit cela parce que: Le gouvernement les nomme parmi les gens qui
sont suggérés sur la liste, etc. Le gouvernement sans doute a
prévu non un institut de recherche comme vous le voyez, mais
plutôt un institut représentant les deux groupements. Pour moi,
cette fonction de l'institut... Quand les représentants de la coalition
sont venus devant nous hier, ils ont fait le point. Cela devient très
important, la fonction de cet institut et d'avoir confiance dans
l'institut.
Justement, à cause du fait qu'on va abolir le droit de
grève après la première année sur la
rémunération, selon le projet de loi, c'est essentiel que la
fonction de l'institut, la crédibilité de cet institut prime
à tous points de vue. Pour vous, l'institut, c'est plutôt un
groupe qui obtient certaines données et sans donner trop de
commentaires.
M. De Belleval: Non, je vous dis tout simplement que, si le
problème que l'on pose est celui de la crédibilité, mon
point de vue est celui que j'ai exprimé tout à l'heure.
M. Polak: D'accord.
Le Président (M. Lachance): Merci.
M. Clair: M. le Président, il me reste à remercier
les gens de la Fédération des cégeps d'être venus
nous communiquer leur point de vue ce matin.
L'ACSPQ et la FCSCQ
Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs, pour votre
collaboration aux travaux de cette commission. J'invite immédiatement
les porte-parole de l'Association des commissions scolaires protestantes du
Québec à prendre place, s'il vous plaît.
Si je comprends bien, cela veut dire que les représentants de
l'Association des commissions soclaires protestantes du Québec ainsi que
les membres de la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec vont s'asseoir à la même table.
Je les inviterais à nous faire part de leurs remarques sur le
projet de loi 37. Bienvenue à toutes ces personnes.
M. Chagnon (Jacques): M. le Président, vous me permettrez
de vous présenter d'abord les membres qui forment cette
délégation qui est composée - je pense que vous l'avez
souligné - d'une part, des représentants de l'Association des
commissions scolaires protestantes et, plus spéficifiquement, de M. Dave
Wadsworth, à mon extrême gauche - c'est rare qu'il se trouve
là - qui est directeur général de l'Association des
commissions scalaires protestantes, et de M. Terry Léger, qui est
coordonnateur des négociations pour l'Association des commissions
scolaires protestantes. Vous trouverez à ma droite, pour la
Fédération des commissions scolaires catholiques, le directeur
général, M. Fernand Paradis, à sa droite, M. Paul
Chrétien, coordonnateur des négociations pour la
Fédération des commissions scolaires catholiques et, à mon
extrême droite, M. Jean-Pierre Hillinger, le nouveau directeur du service
des relations du travail de la Fédération des commissions
scolaires catholiques.
M. le Président, si vous me le permettez, je demanderai à
M. Léger de nous faire le rapport ou de donner les commentaires sur le
projet de loi 37 que son organisme comptait faire, et j'y reviendrai par la
suite. Ensuite, nous pourrons procéder à une période de
questions.
Le Président (M. Lachance): Très bien, M. Chagnon.
Pour notre part, voici le travail qui va se faire: une fois votre exposé
fait, chaque groupe parlementaire disposera de blocs de vingt minutes de
façon à faciliter la discussion. M. Léger. (11 h 30)
M. Léger (Terence): M. le Président, membres de la
commission, lors de notre présentation à la commission
parlementaire du 5 février 1985, nous avons proposé des
structures de négociation qui étaient radicalement
différentes de ce que nous avons vécu jusqu'ici dans les secteurs
public et parapublic. Nous croyions qu'une telle structure répondrait
aux objectifs du gouvernement ainsi qu'à ceux des commissions
scolaires.
À la lecture du projet de loi 37, il nous est apparu que le
gouvernement a décidé de structures autres que celles
préconisées par notre association et nous n'avons pas l'intention
ici de refaire le débat. Sans oublier les critiques et recommandations
que nous vous avons déjà soumises lors de notre
présentation, nous vous faisons les commentaires et recommandations
suivants.
L'Institut de recherche sur la rémunération. Nous croyons
que la procédure de nomination contenue dans le projet de loi doit
s'appliquer au président et aux vice-présidents. Nous proposons
que ces trois individus recrutent les autres membres de l'institut, se basant
sur des critères établis par le gouvernement après
consultation des parties. Ceci aurait comme but principal d'assurer
l'indépendance de ce corps, d'éliminer des conflits
d'intérêts et de recruter des spécialistes reconnus dans le
domaine de la rémunération.
Nous vous incitons à faire en sorte que les enquêtes et
analyses de la rémunération ne se limitent pas seulement aux
salariés québécois. Il faut être capable d'analyser
la rémunération des enseignants avec des enseignants, des
professionnels non enseignants, avec des professionnels non enseignants sans
quoi toute recommandation de l'institut vis-à-vis de ces
catégories d'employés manquera de crédibilité dans
le milieu.
Nous constatons que le droit de grève est réintroduit pour
seulement la première année d'une convention collective. Nous
constatons également qu'il n'y a aucun recours prévu pour les
années subséquentes
de la convention. Il se doit d'y avoir un mécanisme pour
régler les conflits possibles.
Organisation de la partie patronale. Nous constatons, déplorons
et nous opposons au fait que le Conseil du trésor va une fois de plus
avoir le pouvoir d'invoquer l'intérêt gouvernemental, même
sur les sujets sur lesquels les représentants du ministre et les
représentants des groupements de commissions scalaires ont convenu
ensemble dans leur protocole comme ayant au niveau national la voix
prépondérante.
Le mode de négociation. S'il se doit d'y avoir des
négociations locales sans droit de grève, nous préconisons
donc que l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec
et l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec
négocient les sujets appelés locaux et qu'ils permettent des
arrangements locaux. Il faut comprendre que la plupart de nos commissions
scolaires n'ont simplement ni les ressources financières, ni le
personnel voulu pour entamer le processus de négociation prévu au
projet de loi. D'ailleurs, nous avons transmis au Conseil du trésor une
liste des matières pour négociation locale si jamais notre
proposition était acceptée.
Dans le contexte du projet de loi, nous nous opposons à
l'inclusion d'une liste obligatoire de matières à être
négociées au niveau local. Cependant, s'il doit y avoir une telle
liste, la loi devrait permettre aux parties nationales d'ajouter ou de
soustraire des matières de cette liste.
Nous acceptons le concept d'un médiateur-arbitre. Cependant, nous
recommandons que les parties au niveau local aient la possibilité de se
prévaloir de toute autre procédure de médiation.
Conseil des services essentiels. Nous vous recommandons que certains
établissements MAS-MEQ soient considérés comme des
services essentiels. Lorsque les services éducatifs sont interrompus,
même pour une courte durée, ces élève3
démontrent des signes de régression assez marqués
concernant leur fonctionnement éducatif.
En conclusion: Après étude du projet de loi 37, nous en
arrivons à la conclusion que, bien qu'il y ait eu des modifications
apportées à l'avant-projet de loi, nous ne pensons pas que ce
projet de loi va apporter les fruits attendus, c'est-à-dire mettre fin
ou limiter le plus possible les affrontements stériles dans le secteur
de l'éducation. Pour ce faire, les mentalités doivent changer.
Cependant, on ne change pas les mentalités par voie
législative.
Pour qu'un système de négociation porte fruit, il faut que
les parties nationales s'entendent sur les règles du jeu, sans quoi nous
nous embarquons, encore une fois, dans une nouvelle loi qui,
théoriquement, devrait résoudre les problèmes majeurs
vécus, mais qui, en réalité, ne règle rien. Si les
parties nationales ne peuvent s'entendre sur les règles du jeu et que le
gouvernement adopte le projet de loi, le gouvernement devra, à un moment
donné, prendre les mesures nécessaires pour faire respecter la
loi. Qu'une grève ou un arrêt de travail soit légal ou non
est une question qui devient très théorique lorsque les
établissements sont fermés. Â ce moment-là, la
question sera: Quoi faire pour les rouvrir?
Nous sommes loin de croire qu'en fin de compte les moyens
préconisés pour faire respecter ce projet de loi vont promouvoir
un meilleur climat des relations du travail ici au Québec. Il n'y a pas
de raison non plus de croire qu'il n'y aura pas, encore une fois, des
confrontations majeures qui affecteront non seulement le climat des relations
du travail au Québec, mais aussi le climat dans nos écoles.
Merci.
Le Président (M. Lachance): M. Cha- gnon, est-ce qu'il y a
d'autres commentaires à ajouter, ou si vous êtes prêt
à passer à la période de questions?
M. Chagnon: Nous sommes prêts à passer à la
présentation de notre mémoire.
Le Président (M. Lachance): Très bien, M. Chagnon.
Allez-y.
M. Chagnon: En guise d'introduction, M. le Président, la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec, en tant que représentante de l'ensemble des commissions
scolaires, s'est impliquée depuis plus de quinze ans au niveau de la
négociation des conditions de travail dans le milieu de
l'éducation.
La fédération est membre du Comité patronal des
négociations des commissions scolaires catholiques, ce qu'on appelle le
CPNCC et a participé aux diverses rondes de négociation depuis
1969. Auparavant, la fédération a conseillé les
commissions scolaires au niveau local lors de négociations
spécifiques.
Notre organisme a déjà fait connaître son point de
vue en février 1985 lors de la consultation gouvernementale sur la
réforme du régime de négociation du secteur public. Nous
ne voulons pas reprendre en détail dans le présent document les
propositions et l'ensemble de l'argumentation que nous avions mis de l'avant.
Contentons-nous cependant de rappeler quelques éléments.
Il est essentiel d'apporter des changements à notre régime
de négociation et les commissions scolaires en ont fait une de leurs
priorités depuis 1983. La fédération a produit cinq
documents sur le sujet. Nous avons longuement réfléchi et
beaucoup écrit sur ces questions. Ces documents vous sont parvenus au
moment où ils ont été publiés, en 1984 et en
1985.
Nous avons mis trop d'énergie dans cette démarche pour
nous contenter d'un statu quo. Les élèves, les parents et les
citoyens que les commissions scolaires représentent réclament une
action gouvernementale pour réformer le régime de
négociation. Ce que la fédération propose fondamentalement
se résume en quatre points: permettre à chacun des milieux
spécialisés de jouer leur rôle; encadrer les discussions du
dossier salarial; permettre aux entités locales d'établir un
certain nombre de conditions de travail qui leur soient propres; modifier le
Code du travail en favorisant un encadrement des discussions au niveau
local.
Pour la Fédération des commissions scolaires, le projet de
loi 37 véhicule bon nombre d'éléments mis de l'avant par
les commissions scolaires. Nous souscrivons d'emblée à
l'encadrement du dossier salarial, à la volonté de
déconcentrer la négociation vers les secteurs
spécialisés et à l'octroi de responsabilités de
négociation au niveau local, tout en réglementant l'exercice du
droit de grève à ce niveau.
Par rapport au premier document émis par le gouvernement en mai
1984, le présent projet comporte plusieurs corrections positives que
nous soulignerons ultérieurement. Des amendements sont souhaitables en
regard des dispositions relatives à la conciliation et à
l'exercice du droit de grève dans les écoles à vocation
spéciale. Enfin, des corrections s'imposent quant au râle des
partenaires patronaux et du gouvernement.
Relativement au dossier salarial, à chaque ronde de
négociation, le dossier salarial monopolise une grande partie du temps
de négociation. C'est immédiatement après un constat
d'échec sur le dossier salarial que le front commun annonce une
grève. Il s'ensuit généralement une guerre de chiffres
entre les parties et un débat politique sur la capacité ou la
volonté de payer de l'État. En ce sens, la création d'un
Institut de recherche sur la rémunération s'avère un outil
utile à la conduite des négociations.
La fédération, dans son dernier mémoire sur le
régime de négociation, soulignait au gouvernement l'importance de
conférer un statut d'indépendance à cet institut. Les
dispositions de la loi 37 prévoyant la nomination du président et
du vice-président de cet organisme au vote des deux tiers des membres de
l'Assemblée nationale, tout comme c'est le cas, par exemple, pour
l'ombudsman, confèrent un caractère d'indépendance,
à notre avis, à l'institut de recherche.
La précision qu'apporte l'article 52, en indiquant que les
discussions porteront uniquement sur les salaires, permet de mieux circonscrire
le débat. De même, le maintien de la libre négociation avec
droit de grève en première année de convention, ainsi que
l'assurance que les parties seront entendues en commission parlementaire au
cours des années subséquentes avant que le gouvernement
n'établisse les taux d'augmentation de salaire, constituent des
garanties pour les centrales syndicales de faire valoir leur point de vue.
La fédération, dans son mémoire de janvier 1985,
formulait la recommandation suivante: "Le gouvernement doit prendre les moyens
pour favoriser une reprise du dialogue sur ce dossier (les salaires) en
impliquant, cette fois-ci, les divers intervenants du secteur public. " Nous
nous réjouissons des corrections apportées à la suite de
notre recommandation.
Même si notre organisme se dit satisfait dans l'ensemble des
dispositions législatives traitant de l'établissement des
salaires, nous souhaitons que le gouvernement, soit dans la loi
elle-même, soit au niveau des protocoles des comités patronaux,
s'engage, s'engage à impliquer les organismes patronaux dans toutes les
discussions relatives au dossier salarial.
Alors que l'article 6 du projet de loi assure que six membres de
l'institut de recherche seront obligatoirement choisis par le cabinet, à
même la liste syndicale, il indique que les organismes patronaux seront
consultés - consultés - sur la nomination des six autres membres.
Il nous apparaît que l'organisation de l'un et de l'autre devrait
fonctionner de la même façon.
Est-ce que l'intérêt gouvernemental que peut invoquer le
Conseil du trésor à l'article 42, particulièrement au
deuxième alinéa, peut lui permettre d'exclure les organismes
patronaux des discussions sur le salarial? Les dispositions de l'article 53:
"... le Conseil du trésor, en collaboration avec les comités
patronaux, négocie.. " ne nous rassurent en rien quant à la
présence des organismes patronaux lors des négociations. Il
serait dans l'intérêt des parties et du grand public en
général que le gouvernement précise ses orientations sur
ce point.
Comme dernier élément, soulignons qu'il y aurait lieu
d'amender l'article 19 du projet de loi afin d'élargir les pouvoirs
d'enquêtes et d'études confiés à l'Institut de
recherche sur la rémunération. Cet article prévoit que,
dans ses fonctions, l'institut peut faire des enquêtes, des études
et des analyses sur la rémunération des différents corps
d'emploi ou groupes de salariés au Québec.
Pour des raisons particulières au milieu de l'éducation
(primaire et secondaire), il nous apparaît nécessaire que, dans le
cas des enseignants, l'institut recueille des données relatives à
la rémunération d'enseignants à l'extérieur du
Québec.
Relativement à l'implication des entités locales. À
partir d'un objectif fondamental qui se voulait une reprise en main de la
négociation par chacune des commissions scolaires, la
fédération a soumis dès le départ le postulat que
le dossier salarial ne serait pas décentralisé. L'ensemble de nos
consultations nous indiquent que la décentralisation doit se faire par
étapes. Il nous paraît inévitable, dans le contexte de
1985, de devoir regrouper certains grands dossiers provinciaux, notamment en
matière de sécurité d'emploi, de tâche, de droits
parentaux et d'assurances.
Parallèlement, les commissions scolaires, comme employeurs de
leur personnel, doivent être en mesure d'établir avec les
syndicats locaux des conditions de travail propres à leur milieu. Nous
pensons à des matières telles que la répartition des
tâches, les mouvements de personnel, les congés, les absences et
l'organisation du travail en général.
En ce sens, les listes de matières annexées au projet de
loi nous conviennent. Cependant, certains libellés devraient être
reformulés afin d'être conformes aux articles prévus dans
les conventions collectives. Â l'égard du personnel enseignant, 5
des 26 matières doivent être reformulées. Nous retrouvons
en annexe de ce document la liste des corrections techniques à y
être apportées. (11 h 45)
Bien que la fédération ait souhaité que les
commissions scolaires puissent négocier localement certaines
matières pour ' chacune des catégories de personnel, nous
comprenons qu'au niveau de l'enseignement primaire et secondaire les syndicats
préfèrent la formule d'arrangements locaux dans le cas du
personnel professionnel non enseignant et du personnel de soutien.
Nous sommes entièrement satisfaits du mode de discussion locale
prévu aux articles 57 à 74 du projet de loi. Le mode
proposé rejette la formule traditionnelle de la négociation
locale avec droit de lock-out ou de grève et favorise un encadrement des
discussions axé sur la médiation sur demande et l'arbitrage avec
le consentement des parties. Ce mécanisme propre au milieu local
permettra sans doute d'assurer une étanchéité
complète entre le niveau provincial et le niveau local dans la conduite
des dossiers.
Nous comprenons aussi que l'article 42 où il est fait mention que
le Conseil du trésor ne peut autoriser de mandat sur des matières
locales, traduit une volonté gouvernementale de non-ingérence
dans le déroulement des négociations locales.
Le projet de loi 37 propose un certain nombre d'amendements au Code du
travail. Nous traiterons dans ce chapitre de ceux relatifs à la
grève et à la conciliation.
La grève: Les commissions scolaires sont d'accord pour le
maintien du droit de grève lors de la négociation des grands
dossiers du normatif au niveau national.
Le fait d'institutionnaliser davantage le recours à la
médiation volontaire constitue certes un élément dynamique
dans le processus de négociation. Il y aurait cependant lieu de
clarifier l'article 111. 10. 8 du Code du travail, tel que modifié par
l'article 87 du projet de loi 37, relativement à l'exercice du droit de
grève, eu égard à la médiation. Dans le cas du
milieu patronal, il y aurait aussi intérêt à
préciser, soit au niveau de la loi, soit au niveau des protocoles des
comités patronaux, quelle partie - comme on la retrouve à
l'article 46 - peut demander au ministre du Travail de nommer un
médiateur.
Comme dans notre cas la partie patronale négociante est le
comité patronal formé de représentants du ministère
et de la fédération, la volonté de l'un ou de l'autre de
se soustraire ou d'imposer la médiation risquerait d'aller à
rencontre du régime de médiation volontaire mis de l'avant dans
le projet de loi 37.
Bien que la Fédération des commissions scolaires ne
possède pas toute l'expertise nécessaire pour évaluer les
conséquences de l'exercice du droit de grève dans le secteur des
affaires sociales, le renforcement des pouvoirs du Conseil des services
essentiels et la réglementation des listes de salariés requis
pour le maintien des services essentiels nous apparaissent des mesures propres
à rétablir auprès du public la crédibilité
des organismes oeuvrant dans ce secteur.
Les commissions scolaires ne sont pas visées par la
réglementation sur les services essentiels prévue aux articles 82
à 88 de la loi. Le milieu scolaire est couvert par les pouvoirs de
redressement que confère l'article 89 - loi 37 - au Conseil des services
essentiels. Ce mode de fonctionnement convient pour la majorité des
écoles.
Toutefois, la fédération trouverait cependant
préférable que, dans le cas des écoles
spécialisées, la loi prévoie que, sur ordonnance du
conseil, ces écoles soient considérées, pour les fins des
services essentiels, sur le même pied que les centres de services
sociaux. Cette disposition pourrait s'insérer à l'article 111. 10
du Code du travail, tel qu'amendé par l'article 89 du projet de loi.
La conciliation: Dans ses différents mémoires, la
fédération a toujours insisté sur l'utilisation de la
médiation ou de la conciliation comme moyen de solution des conflits.
Ainsi, dans notre document de janvier 1984, "Propositions pour un nouveau mode
de négociation", nous proposions aux recommandations 24 et 26 ce qui
suit: "Que les recours, soit à la conciliation, soit à la
médiation, soit à l'arbitrage, puissent s'appliquer en fonction
des objets en litige. "Que l'on crée un service de
conciliation autonome pouvant desservir notamment les parties
impliquées dans la négociation au niveau des secteurs public et
parapublic. "
Le projet de loi 37 fait une large place à la conciliation et
à la médiation comme mode de solution des conflits. Nous ne
retrouvons cependant aucun article susceptible de renforcer le râle de
l'actuel service de conciliation du ministère du Travail.
Il n'est nullement question ici de mettre en doute la qualité des
services actuellement offerts. Nous croyons cependant, puisqu'il s'agit
d'interventions dans le secteur public où les ministères sont
parties prenantes avec les organismes patronaux, qu'il y aurait
intérêt à conférer au service de conciliation un
caractère d'indépendance et d'autonomie par rapport au
ministère du Travail.
Relativement au rôle des parties. Le projet de loi 37 comporte
quatre articles relatifs à l'organisation de la partie syndicale, les
articles 26 à 29. Il comporte cependant quatorze articles relatifs
à l'organisation de la partie patronale, les articles 30 à 43. La
présente loi perpétue en cela le statu quo établi
antérieurement par la loi 95 et la loi 55 qui nous régissent
actuellement.
Nous nous réjouissons cependant que le projet de loi 37
crée au niveau des affaires sociales cinq sous-comités patronaux.
Cette modification permettra sans doute, tel que nous l'avions
réclamé, que chacun des secteurs spécialisés joue
un rôle actif dans la conduite des négociations.
Il est aussi intéressant de noter qu'en précisant son
rôle de négociateur, à l'article 53, le Conseil du
trésor le limite exclusivement au dossier salarial.
Bien que le gouvernement ait admis la nécessité de
dépolitiser la négociation, de décentraliser des objets de
négociation et d'impliquer davantage les organismes patronaux, il n'a pu
résister à la tentation de maintenir dans le présent
projet de loi tous les articles qui "organisent" ses partenaires patronaux.
La fédération a toujours admis la responsabilité du
gouvernement à l'intérieur du processus de négociation
comme contrôleur des deniers publics et, notamment, sa juridiction en ce
qui a trait au dossier salarial. Ce que nous avons toujours rejeté comme
fédération, c'est son empressement, dès qu'il y a blocage
ou apparence de conflit, à se substituer immédiatement aux
employeurs véritables.
Tout le problème provient de cette immense confusion entre les
notions d'État-gouvernement et d'État-employeur. De fait, c'est
l'État-employeur qui a pris le pas sur l'État-gouvernement en
occupant un champ d'activité tellement vaste que les négociations
dans le secteur public sont devenues l'occasion de convenir d'un contrat social
pour la société québécoise plutôt que de
s'entendre sur un contrat de travail. Et si l'État-employeur n'arrive
pas, lui non plus, à sortir des culs-de-sac où il s'est
lui-même embourbé, il peut toujours faire appel à
l'État-législateur qui l'a servi plus de 30 fois depuis 1967.
Partant du fait que les personnels des commissions scolaires ne sont pas
des employés de l'État, chaque commission scolaire étant
en soi une entité juridique selon la Loi sur l'instruction publique,
dont l'une des fins est justement d'administrer les ressources humaines, il
importe de redéfinir le rôle que l'État s'est
lui-même attribué à l'intérieur du processus de
négociation.
Il doit se retirer de la conduite des négociations. Cette
assertion ne signifie pas qu'il doive s'abstenir. Il doit participer au
processus, mais dans le sens de l'État-gouvernement dont le mandat ne
devrait être axé que sur sa responsabilité d'administrer
les fonds publics, de définir les grands paramètres en
éducation et de s'assurer que l'ensemble des régions du
Québec profiteront d'une équivalence, tant au niveau des services
éducatifs qu'au niveau de leur qualité.
Il appartient donc aux associations d'employeurs d'exercer le rôle
d'agent négociateur. Cette négociation peut se faire par
l'intermédiaire d'un comité de liaison,
associations-gouvernement, où chacun exerce un rôle
spécifique.
En ce sens, les comités patronaux devraient être
conçus comme des comités de liaison permettant aux organismes
patronaux et aux représentants du gouvernement d'y exercer chacun leurs
rôles respectifs.
Afin de refléter la présence d'entités distinctes
au sein du comité patronal, les cinq correctifs suivants nous
apparaissent nécessaires: 1° Amender l'article 33 du projet de loi
afin de ne plus assujettir le comité à l'autorité
déléguée du ministre. 2° De même, soit au niveau
de la loi, soit au niveau du protocole du comité patronal, il faudrait
que le gouvernement s'oblige, avant le début d'une négociation,
à indiquer les matières ou éléments de
matière sur lesquels il entend exercer son intérêt
gouvernemental. L'article 33 pourrait être réécrit comme
suit: "Les comités patronaux relèvent du ministre de
l'Éducation ou du ministre des Affaires sociales sur le plan
budgétaire. Ces comités ont autorité pour négocier
et agréer les stipulations visées à l'article 44. À
cette fin, ils élaborent des propositions de négociation, en
informent le Conseil du trésor, requièrent de celui-ci des
mandats de négociation sur les matières ou dispositions
identifiées d'intérêt gouvernemental conformément
à l'article 42,
organisent, dirigent et coordonnent les négociations de la partie
patronale avec le groupement d'associations de salariés ou, suivant le
cas, des associations de salariés. " 3° II nous apparaît
inconcevable que les dispositions prévues à l'article 42 sur
l'intérêt gouvernemental puissent invalider les dispositions de
l'article 32 qui prévoit qu'au sein du comité patronal les
parties conviennent "des matières à l'égard desquelles les
représentants du groupement ou les représentants du ministre ont
une voix prépondérante".
En ce sens, le deuxième paragraphe de l'article 42 doit
être amendé comme suit: ... autorise les mandats de
négociation des comités patronaux sur les matières ou
éléments d'une matière qu'il juge d'intérêt
gouvernemental. L'intérêt gouvernemental ne peut jamais être
invoqué pour une matière, ou élément d'une
matière, à l'égard de laquelle les représentants du
groupement ont une voix prépondérante, à moins d'entente
spécifique.
Cet amendement peut aussi être inclus au protocole du CPNCC.
4° Amender l'article 34 pour spécifier qu'un représentant
désigné par l'association patronale signe les ententes. En
l'occurrence, au niveau du CPNCC, les mandants qui sont le ministre et le
président de la fédération pourraient, de concert avec
leurs mandataires, le président et le ou les vice-présidents,
signer les ententes. 5° Amender l'article 32 pour permettre aux parties de
désigner, si elles le désirent, un deuxième
vice-président. Cette façon d'opérer correspondrait
davantage à la réalité de notre milieu en permettant au
président d'exercer un rôle de coordination et de leadership sur
le comité, tout en permettant aux vice-présidents, l'un
représentant l'organisme patronal, l'autre, le ministère, de
véhiculer les orientations et objectifs de leurs mandants
respectifs.
En guise de conclusion, le projet de loi 37 apporte, dans l'ensemble,
une réponse positive aux propositions que les commissions scalaires ont
mises de l'avant afin de réformer le mode de négociation dans les
secteurs public et parapublic.
Tout en réglementant davantage l'exercice de la
négociation, ce projet de loi accorde au monde syndical la
possibilité de représentation efficace des syndiqués du
secteur public.
Au cours des dernières années, la fédération
a su faire les compromis nécessaires au bon fonctionnement du
système. Sous réserve des commentaires contenus dans le
présent document, nous croyons que les commissions scolaires doivent
appuyer la réforme du mode de négociation que propose le projet
de loi 37.
Il y a cependant un aspect sur lequel tout compromis risquerait de
devenir une compromission: il s'agit de l'implication de la partie patronale
à l'ensemble du processus de négociation.
Compte tenu de son rôle d'agent négociateur, compte tenu
que chacune des commissions scolaires représente les parents, les
élèves et les citoyens qu'elle dessert et, finalement, compte
tenu du droit du public d'être informé des enjeux de la
négociation, la fédération ne pourra accepter, à
quelque moment que ce soit, d'être écartée du processus de
négociation.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Chagnon.
M. Chagnon: M. le Président... Le Président (M.
Lachance): Oui.
M- Chagnon:... vous retrouverez en annexe, aux pages 16 et 17,
des modifications au libellé sur les sujets devant être
traités de façon négociée ou par arrangement local,
soit pour le personnel enseignant, soit pour le personnel non enseignant, soit
encore pour le personnel de soutien.
Nous vous demandons de corriger le libellé de la loi 37 sur ces
points pour les rendre conformes aux dispositions des conventions collectives
actuelles. Ce sera tout, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre,
président du Conseil du trésor.
M. Clair: Oui, M. le Président. Dans un premier temps, je
voudrais remercier les représentants de la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec de même que ceux de
l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec de venir
présenter ce matin un mémoire sur la réforme du
régime de négociation.
Je veux les remercier aussi pour tout le travail qui a été
effectué. Il y a à peu près un an, jour pour jour,
j'étais présent devant le congrès de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec, prenant l'engagement de mener à terme une réforme
du régime de négociation et de tenir impliquée, tout au
long du processus de révision du régime de négociation
dans les secteurs public et parapublic, la fédération des
commissions scolaires, notamment. Je pense, là-dessus, que nous avons
tenu parole de part et d'autre puisque la fédération n'a
cessé d'être disponible pour nous éclairer quant à
son point de vue et, de notre côté également, nous les
avons associés, à chaque étape du processus de
révision du régime de négociation, aux travaux que nous
avons conduits. (12 heures)
Avant d'entrer dans la discussion proprement dite, dans la question, je
dirais,
de précision quant au contenu du mémoire, il est un sujet
sur lequel il semble, en tout cas, que l'Association des commissions scolaires
protestantes du Québec, rejoignant en cela, je pense, la position du
député d'Argenteuil, soit en opposition avec la
fédération des commissions scolaires: c'est quant à
l'opportunité à ce moment-ci de procéder à une
réforme majeure du régime de négociation sans que -
j'emploie à peu près les mots du député
d'Argenteuil - il y ait un consensus entre les différentes parties
impliquées, à savoir les représentants des associations
patronales, du gouvernement et des associations syndicales.
En effet, on peut lire, à la page 4 du mémoire de
l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, ceci:
"Pour qu'un système de négociation porte fruit, il faut que les
parties nationales s'entendent sur les règles du jeu, sans quoi nous
nous embarquons encore une fois dans une nouvelle législation qui
théoriquement devrait résoudre les problèmes majeurs
vécus, mais qui, en réalité, ne règle rien. "
À la page 3 du mémoire de la fédération des
commissions scolaires, on lit plutôt: "Nous avons mis trop
d'énergie dans cette opération pour nous contenter du statu quo.
Les élèves, les parents et les citoyens que les commissions
scolaires représentent réclament une action gouvernementale pour
réformer le régime de négociation. "
Je pense que la question se pose en particulier à l'égard
des représentants des commissions scolaires tant protestantes que
catholiques, puisque nous parlons là d'élus, de personnes qui
sont élues. La question se pose effectivement, je pense, avec franchise.
Compte tenu des positions des centrales syndicales qui ont été
exprimées hier, dont vous êtes déjà informés,
compte tenu de la difficulté de dégager un consensus sur
l'ensemble des matières et, je pense aussi, compte tenu de ce dont on
doit tenir compte en termes de position des partis politiques évoluant
sur la scène québécoise - là-dessus, cela
m'étonnait fort de voir le député d'Argenteuil
préconiser les agissements, préconiser l'action uniquement sur la
base de consensus en matière de réforme du régime de
négociation, quand on connaît le contenu du programme politique du
parti auquel il appartient qui propose d'aller beaucoup plus loin que ne le
projette la loi 37 en ce qui concerne, notamment, la
non-négociabilité de la masse salariale, l'abolition du droit de
grève dans le domaine de la santé, pour le remplacer, je le
reconnais, par un autre mécanisme - devant tous ces faits, selon
l'opinion des élus que vous êtes, doit-on attendre qu'il y ait
consensus entre tous les partenaires et ne légiférer que sur la
base des consensus, ou les élus de l'Assemblée nationale ont-ils
une responsabilité à ce moment-ci de l'histoire du Québec
et à ce moment-ci de l'évolution de nos relations du travail dans
les secteurs public et parapublic d'aller de l'avant avec le projet de loi 37?
La question s'adresse à M. Chagnon.
M. Chagnon: À notre avis, il y a, depuis un an, à
tout le moins, une volonté manifestée par le Conseil du
trésor de modifier le régime de négociation. Nous pensons,
à la fédération, et nous avons pu le constater dans les
grands milieux pour avoir fait deux tournées dans tout le Québec
sur ce dossier, qu'il y a une attente profonde de la population de voir des
changements aux dispositions législatives qui viennent encadrer le
régime de négociation, de façon à éviter
qu'à tous les trois ans nous nous retrouvions dans une espèce de
chaos social chez les bénéficiaires de services, que ce soient
les élèves, que ce soient les malades, que ce soient des
bénéficiaires de services sociaux ou de l'éducation, pour
faire en sorte d'éviter de créer des traumatismes qui, encore
plus particulièrement dans le cas des services sociaux, hospitaliers et
autres, peuvent jusqu'à mettre la vie de personnes en danger.
Quant à nous, la recherche d'un consensus entre la partie
patronale et la partie syndicale est effectivement souhaitable. Je pense que
l'exercice qui s'est fait depuis un an aurait dû permettre, s'il y avait
possibilité de conciliation entre les diverses positions, ce consensus.
On ne fera le procès de personne, mais il nous apparaît que
l'État, comme nous l'avons indiqué dans notre document, est aussi
un législateur. À un moment donné, il se doit de prendre
une décision; il se doit de prendre une orientation; il ne peut pas
toujours être sur une patte.
Une fois que l'État a pris en considération, d'une part,
la volonté de la population de modifier le régime de
négociation et, d'autre part, de le modifier de façon à
faire en sorte que la population puisse bénéficier des services
auxquels elle a droit et pour lesquels elle paie, c'est son rôle de tirer
la ligne et de modifier le régime de négociation, s'il ne peut,
malgré tout, y avoir un consensus. En deux mots, au point où nous
en sommes rendus aujourd'hui, consensus ou non, il faut que l'État
décide, parce qu'on pourra attendre encore de nombreuses années,
des années lumières avant d'avoir un consensus sur les
différentes positions des parties dans ce domaine.
L'intérêt public exige que le gouvernement ait la volonté
politique, le courage politique de faire valoir le point de vue de
l'intérêt public. M. Léger.
M. Léger (Terence): Je suis d'accord avec cela. Je dis
exactement la même chose.
M. Clair: Selon l'Association des
commissions scolaires protestantes du Québec, "pour qu'un
système de négociation porte fruit, il faut que les parties
nationales s'entendent sur les règles du jeu, sans quoi nous nous
embarquons encore une fois dans une nouvelle législation qui
théoriquement devrait résoudre les problèmes majeurs
vécus, mais qui, en réalité, ne règle rien". Je
comprends qu'il s'agit là, je dirais, d'une pétition de principe,
mais que, confrontée à la réalité, à
l'exercice de concertation, de consultation, appelons cela comme on le voudra,
toujours est-il que cela fait deux ans qu'on court à peu près
tout le monde les uns après les autres pour tenter de s'entendre sur une
réforme du régime de négociation et vous en arrivez
à la conclusion qu'il y a maintenant lieu de procéder avec le
projet de loi 37.
M. Léger (Terence): Sans doute. Le seul commentaire qu'on
peut ajouter, c'est qu'à un moment donné le gouvernement devrait
prendre les mesures nécessaires pour faire respecter la loi. On est loin
d'être certain qu'à ce moment-là on va avoir la paix, la
paix sociale ou encore la paix dans les relations du travail. C'est le
commentaire que je fais.
M. Clair: Je vous remercie. Sur des questions plus techniques,
à la Fédération des commissions scolaires catholiques, en
ce qui touche les dispositions concernant les services essentiels dans
certaines écoles, lors d'une rencontre précédente, vous
nous aviez également dit que, dans un certain nombre d'écoles
spécialisées - c'est à la page 10 -"La
fédération trouverait cependant préférable que,
dans le cas des écoles spécialisées... " Ici, il y a une
référence au bas de la page: "Nous entendons par "écoles
spécialisées" un certain nombre limité d'écoles du
Québec qui accueillent des élèves privés
partiellement d'autonomie à cause d'incapacité physique ou
mentale, ou de perturbation socio-affective grave. " Vous demandez que "la loi
prévoie que, sur ordonnance du conseil, ces écoles soient
considérées, pour les fins des services essentiels, sur le
même pied que les centres de services sociaux", c'est-à-dire avec
un plancher ou un plafond de services encore une fois de 55 %.
Vous vous souviendrez sans doute que nous avions fait valoir le point de
vue qu'il était très difficile juridiquement de cerner de telles
institutions et qu'un préalable pour envisager l'inclusion de telles
institutions d'enseignement dans la loi serait d'abord, soit de faire une
énumération, soit une définition qui, juridiquement,
baliserait d'une façon aussi efficace qu'on peut le faire dans le cas
d'un CLSC. Un CLSC, c'est une entité facilement reconnaissable sur le
plan juridique, alors qu'il semble y avoir des problèmes pour de telles
écoles. Qu'en est-il?
M. Chagnon: Nous avions la conviction, le 6 février dernier, et
à la relecture du Journal des débats de la commission permanente
du budget et de l'administration, à la page 387... Nous avions
été questionnés, entre autres, par le ministre de
l'Éducation sur l'importance qu'il portait aux services essentiels en
matière scolaire. C'était la dernière question de M.
Gendron concernant les services essentiels; "Dans votre mémoire,
peut-être par choix, vous avez été passablement silencieux
là-dessus. " La réponse était: "Au contraire, je vousinvite à lire le dernier paragraphe au bas de la page 15". Il s'agit
de notre mémoire sur l'avant-projet de loi. Nous disions: "Nous estimons
que l'avant-projet de loi n'est pas assez clair sur cette question-là. "
Il n'y a pas de jeu de mots, et nous estimons que le projet de loi 37 ne l'est
guère plus que l'avant-projet de loi.
Organiser une liste d'écoles spécialisées, que ce
soit Nazareth, Louis-Braille, John F. Kennedy, Bel-Essor et autres, elles
existent, ces écoles. Elles ont comme caractéristiques
relativement spéciales justement d'être des centres
spécialisés regroupant des clientèles de handicapés
physiques ou mentaux ou handicapés physiques et mentaux. C'est
peut-être difficile d'en faire la liste. C'est peut-être difficile
de les identifier sous un nom particulier à l'intérieur d'un
projet de loi, mais il nous faut certainement trouver un moyen de
protéger ces institutions de l'éventualité d'une
grève qui pourrait les affecter. Il y a dans ces écoles des
élèves qui sont très loin de chez eux. Il y a dans
certaines de ces écoles des élèves qui n'habitent pas, par
exemple, chez leurs parents et qui sont en foyer, en résidence tout
près de l'école. Bousculer les habitudes, difficilement
contractées pour certains, de ces élèves en cas de
grève devient un supplice extrêmement difficile à vivre
pour les élèves, pour les administrateurs de ces écoles et
pour les parents de ces élèves qui, souvent, envoient leurs
enfants très loin de chez eux.
M. Gendron: Oui, si vous le permettez, j'aurais d'autres
questions, mais puisqu'on est là-dessus j'aimerais cela, M. Chagnon,
approfondir davantage. Ce que vous avez cité est tout à fait
exact. J'avais mentionné que la fédération des commissions
scolaires, dans son mémoire à la suite de l'avant-projet de loi,
n'avait pas tellement dit de choses. Vous m'avez dit: Non, au contraire, allez
voir le dernier paragraphe. C'est exact, il y avait un dernier paragraphe qui
portait là-dessus.
M. Chagnon: II y a toujours un dernier paragraphe.
M. Gendron: Oui, mais je pense qu'il faut examiner cela, essayer
d'approfondir cela. Vous dites: Les écoles spécialisées,
telles les écoles pour handicapés physiques ou mentaux, ainsi de
suite, ou gravement perturbés, cela devrait être jugé comme
services essentiels et vous ajoutez: Sur le même pied que les CSS. Ce
qu'on comprend - ce que je comprenais et c'est ce que je veux vérifier -
c'est que, règle générale, ces élèves sont
d'abord et avant tout confiés à des institutions du réseau
des affaires sociales, pour ce qui est de la garde. Dans le cas
d'élèves - je pense que c'est exact, c'est ce que je veux
vérifier - assez perturbés soit socio-affectivement ou autrement,
il est exact que vous dispensez le service éducatif, pour des
élèves en difficulté d'apprentissage, par exemple. Vous
m'avez mentionné l'institut Braille, les sourds, bon! Je ne veux pas les
détailler tous aujourd'hui, mais je vais essayer d'être bien
précis. Est-ce que, oui ou non, règle générale, les
commissions scolaires ou les écoles spécialisées
dispensent le service spécialisé, mais, après avoir
dispensé le service éducatif que l'on ne qualifiera pas pour
l'instant, ces élèves retournent dans les institutions, pour une
bonne partie, du réseau des affaires sociales? Si c'est exact -
là, je conclus - le problème que nous avons, c'est que ce serait
difficile pour les écoles spécialisées dans les services
éducatifs d'en faire une catégorie spéciale et de dire:
Bon! Les services éducatifs pour des élèves
spécialisés doivent être garantis comme droit de
grève alors que les services éducatifs réguliers, on ne
les garantit pas. Si mon raisonnement est exact, dans le vécu des
écoles, c'est cela, le problème qui existe. Je pose la question
bien précise: Quelle serait la proportion des élèves qui,
effectivement, non seulement reçoivent le service éducatif, mais
également dont vous avez la garde?
M. Chagnon: D'une part, je voudrais préciser
qu'effectivement il y a des écoles qui sont sous la "gérance" du
ministère des Affaires sociales ou du CSS, dans lesquelles on retrouve
notre clientèle. Mais ce n'est pas toujours le cas. Semble-t-il que ce
sera de moins en moins le cas, si je me réfère entre autres
à... Je suis certain que vous connaissez ce dossier; c'est un dossier
que j'ai ramassé dans ma dernière tournée sur le
financement des commissions scolaires, un autre sujet qui nous préoccupe
et pour lequel j'ai eu a voyager dans une région que vous connaissez
bien, le Nord-Ouest. Vous êtes certainement au courant que le foyer de
Rouyn, qui recevait une clientèle étudiante qui était,
elle, organisée, aménagée et administrée par le
ministère des Affaires sociales, fait décentraliser ses
clientèles vers Amos, La Sarre jusqu'à Val-d'Or. Il y a un autre
centre à Val-d'Or qui est en train de faire la même
démarche. Ceci va ramener des clientèles probablement plus
près de leur milieu parental, mais cela n'assujettira plus ces
clientèles à l'organisation du ministère des Affaires
sociales, comme c'était le cas dans le foyer de Rouyn, par exemple. On
se ramasse avec un joyeux problème en perspective. (12 h 15)
M. Gendron: Oui, mais très rapidement, que je sache, dans
le cas concret que vous évoquez - c'est tout à fait vrai - c'est
toujours quand même sous la responsabilité de la maison de
Rouyn-Noranda. C'est la maison de Rouyn-Noranda qui a déconcentré
ce que j'appelle le soutien institutionnel qu'elle offrait à l'ensemble
de sa clientèle en disant: Pourquoi l'aurait-on toujours en institution
chez nous? Elle a décidé de faire des sous-centres un peu
partout. Ces jeunes, filles ou garçons, reçoivent une formation
éducative spécialisée des institutions d'enseignement.
Mais, pour ce qui est de l'encadrement, qu'ils soient en classe d'accueil ou en
foyer d'hébergement plus ou moins collectif - certains sont en foyer
familial individuel - ce sont quand même des gens du CSS qui continuent
de voir si, effectivement, ils ont l'encadrement et la supervision requis. Dans
ce sens, si mon analyse est exacte, je pense que, dans le projet de loi tel
qu'il est formulé, oui, vous êtes indirectement assujetti aux
services essentiels.
M. Chagnon: On va peut-être finir par se comprendre. Il y a
des écoles qui relèvent spécifiquement des commissions
scolaires et pour lesquelles le ministère des Affaires sociales n'a
aucune espèce d'approche sur le plan de la rééducation ou
de la réhabilitation. Je pense, entre autres, à Bel-Essor. Il y
en a des écoles comme cela. Pour celles-là, la
problématique comme centre spécialisé demeure la
même que si elles étaient sous le couvert du ministère des
Affaires sociales. Peut-être que M. Wadsworth ou M. Paradis pourrait
ajouter quelque chose. M. Wadsworth?
M. Wadsworth (David): Si je peux rn'exprimer en anglais, the
problem that we have with those institutions is that, during the day, the
teachers are their caretakers and they have to be there, they have to be
continually watched, these children. To say that you are going to give them
just the service that they have on weekends destroys any plan of education that
we have for the children. They need to have the teachers with them totally. If
the teacher is away one day out of the week, it will throw the training program
of these children. That is why we say it is essential that those schools
continue to exist.
Le Président (M. Lachance): M. Paradis.
M. Paradis (lernand): II est vrai que, dans un premier temps,
nous avons examiné la possibilité d'avoir les noms des
institutions; nous l'avons écartée pour un certain nombre de
raisons. Entre autres, c'est une réalité mouvante qui peut
changer d'année en année et on n'a pas voulu aborder le
problème par ce biais.
En ce qui concerne les clientèles elles-mêmes, il est vrai
que certaines viennent d'institutions couvertes par le ministère des
Affaires sociales. Je pense au Pavillon Saint-Charles qui envoie dans certaines
écoles de la CECQ des enfants souffrant de déficience mentale
dite moyenne au départ; on a réalisé, au fur et à
mesure que le temps passait, qu'il y avait de la déficience mentale
profonde, ce qui pose d'autres types de problèmes. Ces enfants, ces
écoliers sont en difficulté beaucoup plus sérieuse.
Il y a donc, dans un premier temps, une question de vocabulaire à
surveiller: déficience mentale profonde, déficience mentale
moyenne et on parle parfois de déficience mentale sévère.
Il y a donc une attention très particulière à attacher au
vocabulaire qui décrit parfois des réalités tout à
fait semblables, mais selon des mots qui sont différents.
Il y a, deuxièmement, la tendance de ces institutions à
remettre ces enfants à des foyers ou à les remettre à leur
propre foyer. C'est une trajectoire qui me semble maintenant bien
dessinée, ce qui fait que ces enfants doivent être couverts,
à notre avis, par la loi pour éviter que se produise dans ces
institutions qu'on évalue approximativement au nombre de 20 à
30... Nous estimons qu'elles doivent être couvertes par la loi et, entre
autres, par les articles que nous mentionnons dans notre mémoire.
M. Gendron: D'accord? Je peux poursuivre?
Le Président (M. Lachance): Très rapidement.
M. Gendron: Bien, très rapidement... M. Chagnon, à
la page 9, troisième paragraphe, je voudrais savoir si je comprends
bien. Vous aimeriez que le protocole entre le ministère et la
fédération prévoie lequel des deux a la
prépondérance pour demander un médiateur. Est-ce bien
cela, à la page 9, quand vous dites que, dans le milieu patronal, il y
aurait aussi intérêt à préciser, soit dans la loi,
soit dans les protocoles des comités patronaux, quelle partie peut
demander au ministre du Travail de nommer un médiateur? Est-ce une
question de prépondérance? Qui aurait la
prépondérance de faire la demande?
M. Chagnon: Ce qu'on dit, c'est que l'un et l'autre devront
s'entendre pour demander la médiation et non pas l'une des deux
parties.
M. Gendron: L'un et l'autre devraient s'entendre conjointement.
D'accord.
Rapidement...
Le Président (M- Lachance): Vous pourrez toujours revenir
après, M. le ministre.
M. Gendron: D'accord. Mon temps est-il écoulé?
Le Président (M. Lachance): Oui. M. Gendron:
D'accord.
M. Chagnon: On est ici pour l'après-midi.
Le Président (M. Lachance): Ce sont des blocs de temps de
vingt minutes. M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les
représentants de l'Association des commissions scolaires protestantes du
Québec et de la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec d'être venus nous faire part de leurs
commentaires en regard du projet de loi 37 qui a été
déposé il y a quelques jours et dont le gouvernement a
l'intention de proposer l'adoption avant l'ajournement de nos travaux.
Tout d'abord, je voudrais relever un commentaire qui a été
formulé par M. le ministre délégué à
l'Administration et président du Conseil du trésor et ce,
même s'il m'est toujours apparu que c'est un manque de respect... Ce
n'est certainement pas élégant de la part de quiconque autour
d'une table, dans le cadre des travaux d'une commission parlementaire, de
tenter de confronter des intervenants avec le programme politique d'un groupe
qui siège ici. M. le ministre s'est référé tout
à l'heure à la question...
Une voix:...
M. Pagé: Pourriez-vous demeurer silencieux et, surtout,
pourriez-vous écouter? Ce serait peut-être plus utile.
Le ministre s'est référé tout à l'heure
à la question des consensus, se référant aux propos de mon
collègue d'Argenteuil. C'est effectivement le cas qu'hier, à la
fin du témoignage des 19 représentants de la coalition, j'ai
indiqué en conclusion qu'il nous apparaissait que, dans une
réforme aussi importante que celle à notre régime de
négociation dans les secteurs public et parapubiic, qui touche
directement près de
375 000 travailleuses ou travailleurs, qui touche des institutions comme
les vôtres, qui touche finalement des milliers et des milliers de
personnes, pour ne pas dire l'ensemble de la population du Québec, un
gouvernement se devait d'intervenir à partir d'un minimum de
consensus.
Par surcroît, lorsque ce gouvernement en est au début de la
cinquième année de son deuxième mandat, on peut
s'interroger sur l'opportunité pour le gouvernement, quand il
apparaît clairement qu'il est de plus en plus illégitime chaque
matin que le soleil se lève, d'en arriver à un tel projet. Quand,
par surcroît, un projet comme celui-là a été mal
conçu, a été conçu à partir de contacts avec
les travailleurs et les travailleuses qui s'appuient sur les projets de loi 105
et 111, avec un processus de consultation qui a été lancé
le 1er mai 1984 et qui, à certains égards, avait un certain
mérite, qui a conduit à des échanges publics et
privés à l'automne 1984; quand, par surcroît, le
gouvernement est arrivé, sans que beaucoup de monde n'en soit averti,
pour déposer un avant-projet de loi en décembre, pour nous, ce
n'est pas un moyen privilégié pour tenter de favoriser un climat
serein à ce chapitre-là et vraiment associer tout le monde dans
une démarche utile. Au chapitre des consensus, c'est ce à quoi je
me référais.
J'aurai quelques questions pour M. Chagnon. Vous avez
évoqué dans votre mémoire l'aspect combien important de la
rémunération. Notre position, quoiqu'elle soit critiquée
par le Parti québécois et on en est fort aise, est claire
à l'égard de la rémunération. Pour nous, de plus en
plus, les travailleurs et les travailleuses des secteurs public et parapublic
s'inscrivent en plus, non pas au chapitre de la rémunération,
mais à d'autres chapitres. Conscients qu'ils sont de la capacité
limitée de l'État de payer, conscients qu'ils sont du pourcentage
important des sommes du budget du Québec affectées au paiement de
tels travailleurs et aussi, il faut en convenir, de la crise qu'on a
traversée, d'une inflation qui est de mieux en mieux
contrôlée, d'une richesse collective qui est moins visible, on ne
peut pas prétendre que les prochaines rondes de négociation vont
déboucher sur des plus 7, des plus 9, des plus 10 et des plus 12. Donc,
on a à évoluer dans un contexte où les parties sont
susceptibles d'être plus près qu'elles ne l'ont été
dans le passé au chapitre de la rémunération. Si, par
surcroît, on a un Institut de recherche sur la rémunération
qui est plus crédible que les données du Conseil du
trésor, si on a un institut qui est formé de personnes
représentant les milieux, tel qu'évoqué dans le projet de
loi, partie patronale et partie syndicale, on a de fortes chances que la
lecture factuelle, les rapports ou les indications données par cet
institut...
Une voix: Ils n'ont pas d'autre choix.
M. Pagé:... on ne vous dérange pas, non? prennent
fait et cause dans une place de premier plan, dans la négociation sur la
rémunération.
Hier, des représentations nous ont été faites qui
semblaient intéressantes. De notre côté, on a
accepté cela. Les travailleurs - je les comprends de soupçonner
le gouvernement à la lumière des expériences qu'ils ont
eues avec celui-ci - soutiennent que la présidence, la direction, le
leadership, finalement, de ce comité devrait être composé
de personnes nommées non pas par le gouvernement, mais nommées
par les parties elles-mêmes. Le paritarisme, c'est beau. Le paritarisme,
c'est noble en soi. Il suffit de se référer, à titre
d'exemple, à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail où vous avez, d'un côté,
un bloc patronal et, de l'autre côté, un bloc syndical. C'est
très bien, c'est très beau dans les textes de loi, mais, dans les
faits, qu'est-ce qui se passe? Ce n'est pas compliqué. À la CSST,
ce qui arrive actuellement - je ferme la parenthèse là-dessus -
plus souvent qu'autrement la partie patronale vote oui ou vote non, et c'est un
vote inverse de l'autre côté, et l'honorable juge Sauvé a
le choix de décider lui-même et de trancher. Finalement, c'est une
voix indirectement gouvernementale qui tranche et c'est elle qui assume les
décisions. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela? Dans votre
mémoire, vous dites que vous souscrivez pleinement, de A à Z, aux
dispositions des articles relatifs à l'Institut de recherche sur la
rémunération.
L'autre élément, vous demandez que les études,
parce qu'il devient difficile de comparer les niveaux de
rémunération des enseignants ici même au Québec, de
faire déborder les études et analyses par rapport aux enseignants
de l'extérieur du Québec. C'est là un
élément qui est certainement intéressant. Est-ce que vous
seriez d'accord avec le principe que l'institut puisse, parce que, souvent,
lorsqu'on parle de comparer le public au privé, le premier argument
qu'on entend, c'est que toutes choses ne sont pas comparables, toute fonction
n'est pas tout le temps comparable... C'est vrai. Mais, si on fait
référence aux expériences conduites de façon active
dans certains États américains, on doit constater qu'il est
possible de comparer, par exemple, un enseignant avec une personne qui, dans la
société, peut faire un travail comparable à partir d'une
grille donnée, par exemple formation, années d'expérience,
pouvoir décisionnel, quantifier la responsabilité dans le cadre
de la fonction, etc., et comparer ce qui, à prime abord, peut sembler
incomparable.
J'aimerais vous entendre là-dessus et, en addenda, parce que le
temps fuit, le projet de loi arrive, encore une fois, avec un
système qui est très alambiqué, très
compliqué. Il faudra une police dans presque toutes les institutions,
entre autres, du domaine de la santé pour contrôler
l'applicabilité de ces dispositions, les 90 %, les 80 %, jusqu'à
55 %. Nous, nous sommes clairs, nous sommes précis et les gens savent
à quelle enseigne on loge: nous sommes contre le maintien du recours
à la grève dans le domaine de la santé. Pour la
rémunération, en ce qui nous concerne, on l'a dit clairement, la
rémunération doit s'établir à partir de
l'obligation qu'a le gouvernement d'équilibrer ses comptes, parce que le
gouvernement est tributaire devant une population aussi, et on propose que cela
se fasse de la façon la plus ouverte possible, la plus honnête, la
plus loyale possible, avec un institut qui aura véritablement des
pouvoirs et qui sera crédible, et aussi avec un débat ici
même à l'Assemblée nationale. (12 h 30)
Ce que le gouvernement propose, ce sont des négociations chaque
année, sans droit de grève, mais le droit de grève tous
les trois ans. En quoi, selon vous, la formule proposée par le
gouvernement va-t-elle changer quelque chose par rapport à ce qu'on vit
actuellement? C'était la dernière question.
M. Chagnon: Alors, M. le Président, si le
député de Portneuf me le permet, j'ai disséqué son
commentaire et son questionnement en trois parties et, la troisième
partie, en quatre sous-parties.
M. Pagé: Quatre volets.
M. Chagnon: Quatre volets. Premièrement, pourquoi est-ce
l'occasion aujourd'hui, d'ici peut-être l'ajournement de la session, de
discuter et de rediscuter, et de, peut-être, prendre une orientation
concernant l'avenir des négociations dans les secteurs public,
parapublic et péripublic? Je dirais tout simplement, en dehors des
considérations éminemment politiques, qu'il y a un contrat de
travail avec les 325 000 employés dont vous parliez et qui se termine le
31 décembre 1985; pas 1986, pas 1987, mais 1985. Or, je me rappelle,
à la suite de la dernière phase de négociation ou de
décret de 1982-1983, que nous avions eu une réunion, les
associations patronales et le gouvernement, sur l'idée de remettre en
question le modèle de négociation dans lequel on vivait.
J'étais personnellement convaincu, pour avoir vécu la
dernière période de négociation, qu'il fallait absolument
changer le modèle de négociation. À ce moment-là,
on nous disait fort idéalistes parce que le même type d'approche
postnégociation par la partie patronale avait été fait au
cours des cinq dernières rondes de négociation et, toujours, la
même conclusion avait été tirée.
C'est que, dans le temps, cela s'était perdu. On avait
oublié où les cicatrices des séquelles des
négociations antérieures s'étaient refermées. On
reprenait le même modèle hypercentralisé avec ses autres
défauts qu'on connaissait. Pourquoi tout de suite? Pourquoi pas l'an
dernier? C'est une autre question. Mais pourquoi tout de suite? Parce qu'on a
un contrat de travail le 31 décembre 1985 qu'il nous faudra
définir. Il nous faut définir les balises d'organisation de ces
négociations.
Deuxième point. L'Institut de recherche sur la
rémunération, à notre avis, a toute son importance dans
l'esprit, dans la volonté et dans le but d'objectiver tout le
débat qui devra se faire dans le domaine de la
rémunération des différents groupes d'employés dans
le secteur public et parapublic. Objectiver le débat et faire en sorte
que la partie patronale et la partie syndicale puissent avoir un mot à
dire, comprendre un peu les données, comme vous l'avez mentionné,
données qui étaient certainement moins crédibles parce
qu'elles venaient d'un ministère qui était le Conseil du
trésor, qui était partie prenante à la négociation.
Il fallait rendre ces données plus crédibles en permettant
à tout le monde de pouvoir participer à l'élaboration de
ces données. Or, l'Institut de recherche sur la
rémunération, à notre avis, c'est un moyen excellent
d'objectiver l'ensemble du débat sur la rémunération.
Troisième dossier à quatre volets. Encadrer le premier
volet, encadrer le dossier salarial. Oui, il nous apparaît qu'il faut
encadrer le dossier salarial exactement pour les raisons que vous avez
mentionnées, parce qu'il est du rôle de l'État de
définir la "paramétrisation" de sa capacité de payer en
fonction des différents groupes de personnels. Deuxième point,
comparaison avec la CSST. Peut-être, sauf erreur, je ne suis pas familier
ou, enfin, je suis familier un peu, mais peut-être pas autant qu'il le
faudrait avec la CSST... Est-ce que le président de la CSST est
nommé par le Conseil des ministres? Or, le président de
l'Institut de recherche sur la rémunération et le ou les
vice-présidents seront nommés par l'Assemblée nationale
sur un vote des deux tiers des membres de l'Assemblée, ce qui
m'apparaît personnellement et ce qui apparaissait aussi au groupe de
travail de la fédération comme un indice pouvant permettre une
plus grande objectivation, une plus grande objectivité du choix du
président et des vice-présidents.
Quant à la formation de la CSST comparativement à
l'Institut de recherche sur la rémunération, effectivement, vous
avez raison, M. le député de Portneuf, de dire qu'il y a à
la CSST un groupement patronal et un groupement syndical qu'on divise en deux
par la présidence. Si j'ai bien lu la loi
37, il y aurait trois groupements qui formeraient l'Institut de
recherche sur la rémunération: des représentants du
gouvernement pour le tiers, des représentants des associations
patronales pour l'autre tiers et des représentants des associations
syndicales pour l'autre tiers; un président et deux
vice-présidents. On peut présumer que l'ensemble des
débats pourrait éviter de faire que ce soit toujours le
représentant du gouvernement qui ait à trancher.
Troisième point. En ce qui concerne notre intention et notre
demande de faire en sorte que l'Institut de recherche sur la
rémunération, particulièrement pour les enseignants, ait
la possibilité de pouvoir regarder ce qui se fait et ce qui se donne et
quelle est la tâche, quel est le salaire des enseignants, par exemple, en
Ontario, je vous rappellerai qu'en commission parlementaire sur les relations
du travail, en 1983, on a fait à l'ensemble de la population, je ne
dirais pas un procès, mais on a cherché à définir
les équivalences entre le Québec et l'Ontario à peu
près tout le long du dossier sur les relations du travail après
la grève de 17 jours que nous avions connue. On trouve un peu curieux
qu'aujourd'hui les possibilités de faire des recherches ou les
possibilités de comparaison entre le Québec et l'Ontario, entre
le Québec et les États de l'Amérique du Nord, entre le
Québec et le Nouveau-Brunswick ne soient plus dans le portrait.
Vous suggérez l'idée - probablement que vous avez
d'excellents contacts au Conseil du trésor - on m'avait aussi
suggéré cette idée de relativiser des formations ou des
groupes de travail. Par exemple: un enseignant, avec un coefficient un peu
abstrait, cela vaut 0, 7 % d'un ingénieur ou 1, 2 % d'un sociologue.
Cela m'apparaît forcer la note. En tout cas, il y a un grand risque
d'erreur dans cette formulation. Il m'apparaît beaucoup plus simple de
comparer ce qu'un enseignant fait ici avec ce qui se fait en Ontario. C'est la
province avec laquelle nous nous comparons le plus souvent, non seulement sur
le plan des relations du travail, mais sur le plan économique, à
tous les points de vue.
Alors, nous trouvons qu'il serait préférable d'incorporer,
à tout le moins, pour les enseignants, des notions de comparaison avec
d'autres États qui nous entourent, parce qu'au Québec il n'y a
que des enseignants qui gagnent le même salaire et qui ont la même
tâche. Il y a une convention collective pour tout le monde au primaire et
au secondaire. On ne peut pas comparer avec le marché privé.
Votre dernier point: le droit de grève en P-l. Pourquoi P-l? P-l,
première année de l'application de la convention collective.
Généralement, vous n'êtes pas sans savoir que, lorsqu'il y
a eu des grèves dans le secteur de l'éducation, dans tous les
cas, ces grèves ont eu lieu en première année
d'application sur la partie salariale. H est entendu que, si on réussit
à objectiver le débat par le biais de l'Institut de recherche sur
la rémunération, si on réussit à faire en sorte que
les associations syndicales puissent - en commission parlementaire, tout comme
les associations patronales - faire valoir leur point de vue et
qu'éventuellement le gouvernement décide de l'augmentation,
puisqu'il ne pourra décider autrement que de l'augmentation ou, du
moins, de la stabilisation des revenus, tel que le prescrit l'article 55 de la
loi 37 qui, à son dernier passage, dit ceci... L'avant-dernière
phrase de l'article 55 dit, parlant du gouvernement et parlant des salaires des
employés du gouvernement, la dernière phrase: "Ils ne peuvent
être inférieurs à ceux de l'année
précédente. "
Nous aussi, on pensait cela en 1983. Ce serait peut-être
préférable un gel des salaires pour trois ans plutôt que la
"piscine". Il y a de prévu dans la loi, en tout cas, une espèce
de garantie - je n'appellerai pas cela une bouée de sauvetage - à
tout le moins un plancher minimal de rémunération pour les
employés de l'État, pour les années à venir. C'est
une espèce de camisole de force que l'État semble vouloir se
donner.
Dans ce cas, n'est-il pas préférable que, s'il doit y
avoir droit de grève sur le dossier salarial, il ait lieu dans la
première année d'application de la convention collective? On dit:
Pourquoi pas? Lorsqu'on s'était vu au mois de février sur
l'avant-projet de loi, on avait dit: Sur le dossier salarial, il devrait y
avoir un droit de grève. Et les conclusions qui ont eu lieu - parce
qu'il y a eu aussi des réunions privées entre le gouvernement,
les syndicats et, plus tard, avec les associations patronales... Cette question
a sûrement été discutée avec les associations
syndicales. C'est peut-être l'endroit où il y a eu une
volonté ou une détermination d'un consensus, puisqu'on en parlait
tout à l'heure, à savoir qu'il y aurait - parce que, dans
l'avant-projet de loi, il n'y avait pas de droit de grève sur la
rémunération... Maintenant, il y en a un pour la première
année. Est-ce que c'est le juste milieu entre deux points? C'est
à vous, parlementaires, d'en décider.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Gendron: J'aimerais revenir sur une couple de questions
auprès de la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec.
À la page 10 de votre mémoire, vous évoquez, M.
Chagnon, que le projet de loi 37 fait une large place à la conciliation
et à la médiation comme mode de solution des conflits. Je pense
qu'on en convient de part
et d'autre. Vous ajoutez ceci: "Nous croyons cependant, puisqu'il s'agit
d'interventions dans le secteur public où les ministères sont
parties prenantes avec les organismes patronaux, qu'il y aurait
intérêt à conférer au service de conciliation un
caractère d'indépendance et d'autonomie par rapport au
ministère du Travail. "
Je vous avoue que je comprends très bien ce qui est dit et ce qui
est écrit, mais j'ai de la difficulté à voir pourquoi la
fédération semble vouloir exiger que le service de conciliation
ait de meilleures garanties d'autonomie puisque, dans les faits, ce n'est pas
parce qu'un service à l'intérieur d'un ministère, comme le
ministère du Travail, ayant son entité propre, qu'il est
chapeauté, si vous me permettez l'expression, par le ministère
que cela lui enlève ou que cela entache sa crédibilité
éventuelle. En tout cas, je pense que, si on prenait cela comme
principe, on aurait de sérieux problèmes dans plusieurs
boîtes qui ont des responsabilités très clairement
définies.
J'aimerais cela que vous précisiez peut-être davantage
quelles sont vos inquiétudes, parce qu'il doit sûrement y avoir de
quoi là, si vous avez évoqué cela.
M. Chagnon: Notre avis, c'est exactement dans l'esprit que vous
venez de mentionner. C'est juste pour s'assurer qu'on ne puisse pas remettre en
question la crédibilité du conciliateur ou du médiateur,
particulièrement parce qu'il est dans le secteur public, parce qu'il
aura à oeuvrer dans le secteur public. Or, premièrement, s'il a
à oeuvrer dans le secteur public et qu'il est un employé direct
d'un des ministres membres du cabinet, qui est aussi partie de ce secteur
public, cela peut mettre la personne dans une position peut-être moins
confortable ou, en ce qui concerne la crédibilité par rapport aux
associations syndicales, cela peut avoir certaines contraintes. C'est tout.
M. Gendron: Est-ce que vous croyez -pour ne pas être trop
long là-dessus... Dans le passé, de votre part ou de
l'association syndicale, à moins que je ne me trompe, règle
générale, on n'a pas tellement eu d'indication que le service de
conciliation du ministère du Travail, parce qu'il était sous la
responsabilité du ministère du Travail, bien sûr,
collègue et membre du gouvernement, cela entachait sa
crédibilité. J'ai rarement entendu cela. Alors, je veux savoir:
Est-ce que vous avez déjà entendu des récriminations
à cet effet?
M. Chagnon: Dans le passé, entendons-nous bien, les
services de médiation et de conciliation dans les secteurs public et
parapublic étaient à peu près inutilisés en ce qui
touche la médiation. Particulièrement sur tout ce qui touchait le
normatif lourd et le salarial, l'État, non sans raison, disait: On ne
peut pas laisser un tiers négocier une partie de nos contrats, une
partie de notre marge de manoeuvre financière; non pas négocier,
mais tirer une conclusion, arbitrer notre marge de manoeuvre.
Dans le projet de loi tel qu'il est écrit, la conciliation et la
médiation risquent d'être beaucoup plus fréquentes afin,
justement, de pallier la perte du droit de grève dans certains secteurs,
soit le secteur des affaires sociales ou celui de l'éducation.
Or, comme on retrouvera beaucoup plus de demandes en médiation ou
en conciliation, tout simplement sur le plan prévisionnel, nous
cherchons à éviter ce qui pourrait être l'objet d'un
débat ou d'une confrontation ultérieurement. (12 h 45)
M. Gendron: D'accord. À la page 11 du mémoire,
c'est plus un commentaire que je veux faire; je voudrais savoir si vous le
partagez ou pas; selon votre mémoire, il semble que non. Alors, je vais
le faire tout de suite. Vous avez invoqué que la
fédération a toujours admis la responsabilité du
gouvernement; pour ce qui est de sa responsabilité comme
contrôleur des deniers publics, je pense que cela ne fait de doute chez
personne. Mais vous dites: Ce qu'on a toujours rejeté comme
fédération, c'est son empressement, dites-vous, dès qu'il
y a blocage ou apparence de conflit, à se substituer
immédiatement aux employeurs véritables. Encore là, je
pense que c'est une question de perception, mais j'avais souvent l'impression
que, dans la plupart des conflits - cela fait quand même huit ans et
même neuf ans que je suis au gouvernement, et même avant,
j'étais dans de tels secteurs -cet empressement venait beaucoup plus des
partenaires patronaux que du gouvernement lui-même. A moins que je ne
fasse des mauvaises lectures, règle générale, très
vite, on interpellait les députés ou les membres du gouvernement
en leur disant: Écoutez, cela n'a pas de bon sens que vous laissiez
perdurer les choses, c'est urgent, parce que c'est "conséquentiel".
À moins de me tromper, il me semble que la lecture de ce qui est survenu
dans le passé, c'est que l'empressement est toujours venu beaucoup plus
des parties partenaires que du gouvernement, puisqu'on nous accusait de laisser
pourrir les conflits. Si on revient à l'analyse qui a été
faite, et vous-même, dans le mémoire que vous avez
déposé sur l'avant-projet de loi, en tout cas, comme
fédération, vous aviez évoqué qu'un des
problèmes qui étaient devenus dramatiques, c'est que non
seulement la conclusion de tous ces conflits, mais le pourrissement des
conflits et la longueur... À moins de me tromper, vous avez
évoqué que ce qu'on a vécu dans les 20 dernières
années, ce
sont des conflits qui durent sur des négociations. Alors, je ne
sais pas, mais il me semble que ce n'est pas trop affirmatif par rapport
à la réalité passée.
M. Chagnon: M. le Président, je douterais, et, à ce
moment-là, le député d'Abitibi-Ouest, était membre
du cabinet, qu'on m'apprenne aujourd'hui que la CECM avait demandé
d'être en tutelle en 1979. Je douterais qu'aujourd'hui on m'apprenne que
les commissions scolaires cherchaient absolument à voir
décréter, lors de la dernière ronde de la
négociation, l'intérêt gouvernemental sur l'ensemble des
matières et l'ensemble des points de négociation. Je ne pense pas
que cela ait jamais fait l'objet d'une demande des associations patronales,
à tout le moins pas celle de la fédération. Je pense que
c'est aussi la même chose du côté des associations.
M. Gendron: Je suis porté à vous croire, mais je ne
pense pas que ce soit de cela que vous parlez là-dedans. On parle
effectivement de cette espèce de chevauchement entre l'État
gouvernement et l'État employeur. Vous dites très clairement:
C'est quand il y a apparence de conflit ou dès qu'il y a blocage. Alors,
quand il s'agit de faire une tutelle pour une commission scolaire, je ne pense
pas que ce soit de cela qu'on discutait aujourd'hui.
M. Chagnon: M. le Président, en 1979 on a mis en tutelle
la CECM pour une raison, c'est parce qu'on était en train de
négocier l'article 5. 4, c'est-à-dire les mutations et les
affectations des enseignants pour la CECM. Il y avait ce que j'appellerais un
blocage. Plutôt que de laisser suivre le cours normal des choses, le
ministère de l'Éducation a mis en tutelle pour 24 heures la CECM
et il est allé signer à sa place les mutations et les
affectations pour l'ensemble de la commission scolaire, la CECM. Le plus
surprenant, c'est que, trois ans plus tard, on s'est retrouvé, dans le
dossier des affectations et mutations, devant une volonté
gouvernementale passant par l'intérêt gouvernemental. Sur le fond,
ce n'était pas malsain, c'était la demande de la CECM à
l'époque qui faisait en sorte d'introduire un critère de
capacité à l'intérieur des mutations et des affectations.
En 1979, on mettait en tutelle la CECM parce qu'elle voulait le faire; en 1983,
on a un intérêt gouvernemental qui nous oblige à le
faire.
Il y a de ces incohérences qui font que, lorsqu'on écrit
que, dès qu'il y a blocage ou apparence de conflit, l'État a
tendance à se substituer immédiatement aux employeurs
véritables, c'est cela, et ce n'est pas particulièrement
récent. Il est arrivé aussi, pour des protocoles de retour au
travail, que l'État ait obligé - et là je dis
l'État - le ministère de l'Éducation ait obligé des
commissions à financer, y inclus pour le temps de grève, leurs
enseignants, même pour le temps où ils étaient en
grève. Ce n'est que le fruit de quinze ans peut-être d'erreurs
sporadiques, mais qui font en sorte de nous faire croire que le
ministère de l'Éducation, le Conseil du trésor et
l'État comme tels ont un rôle de législateur, doivent
donner les paramètres et laisser négocier les gens qui ont les
véritables responsabilités d'employeurs.
M. Gendron: M. Chagnon, également à la page 8, j'en
profite, ce n'est pas une question, c'est un commentaire, je pense que vous
aviez raison. Sur la liste annexée des matières, vous avez
mentionné qu'il y avait cinq corrections ou reformulations que vous
souhaiteriez voir acceptées en principe. Je pense qu'on est en mesure de
vous indiquer que vous avez raison là-dessus. Il y a eu des discussions
entre les spécialistes et, effectivement, vous avez raison.
J'aurais une dernière question à poser à M.
Léger, très rapidement. À la page 2 de votre
mémoire, vous dites que le droit de grève est réintroduit
pour la première année seulement. Vous dites: "Nous constatons
également qu'il n'y a aucun recours prévu pour les années
subséquentes de la convention. Il se doit d'y avoir un mécanisme
pour régler des conflits possibles. " Je vous trouve
particulièrement silencieux sur les suggestions. Alors, si on partageait
votre appréciation à savoir que, d'après vous, il n'y a
pas de recours prévu pour les années subséquentes de la
convention, si on devait en instaurer ou en répertorier, est-ce que vous
avez des suggestions sur des mécanismes autres que ceux
évoqués dans le projet de loi 37 qui rendraient effectivement
plus probant le règlement des différends?
M. Léger (Terence): Je n'ai pas de proposition pour la
simple raison que je ne vois pas de quelle manière on peut s'en sortir.
Qu'il y ait une commission parlementaire pour les deux autres années
lorsqu'on parlera de rémunération, c'est beau, on se dira bien
des choses, mais, en fin de compte, c'est le gouvernement qui va
légiférer. On l'a vu auparavant lorsqu'on a créé la
"piscine". Ce n'était pas très acceptable. C'était
peut-être nécessaire dans le contexte, mais ce n'était pas
acceptable au syndicat. On se pose la question: Si on donne une augmentation de
salaire qui n'est pas acceptable également au syndicat, le fait d'avoir
légiféré un taux de 2 % ou 3 % d'augmentation de salaire
ne règle pas le problème. Que va-t-il arriver? Je ne le sais pas.
Est-ce qu'il va y avoir des arrêts de travail? Est-ce qu'il va y avoir
encore des conflits majeurs dans les écoles? Le climat? Je ne sais pas
quelle est la réponse, mais je
vous dis simplement qu'une commission parlementaire n'est pas la
réponse. C'est peut-être une partie de la réponse, mais il
doit y avoir un mécanisme.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Tout d'abord une remarque générale, M. le
Président. Dans son mémoire, la fédération des
commissions scolaires nous parle de la dualité du râle de
l'État dans ces situations, de son râle comme employeur, de son
râle comme législateur. Je pense que, dans le projet de loi qu'on
nous présente, d'après les témoignages que nousavons entendus, le gouvernement a trop penché, dans son rôle
de législateur, vers ses préoccupations comme employeur. Sa
responsabilité, comme législateur, c'est de créer des
conditions d'égalité véritable entre les parties qui sont
appelées à négocier et je pense que le résultat que
nous apporte le projet de loi ne va pas du tout dans ce sens. Je pense que
c'est une constatation générale que le ministre a le devoir
d'enregistrer à la suite de ce que nous avons entendu depuis hier.
Maintenant, je voudrais vous poser, une question, M. le
Président, qui va intéresser au plus haut point le ministre de
l'Éducation d'ailleurs. La fédération des commissions
scolaires avait donné son consentement, il y a quelques semaines,
à une hypothèse de règlement négocié entre
la partie patronale et la partie syndicale. Le ministre pourra dire que ce
n'était pas le mot "négocié" au sens propre du terme; je
suis prêt à lui concéder cela. S'il veut qu'on retire ce
mot de tous les endroits dans le projet de loi où on l'emploie
inconsidérément, cela va être parfait. On va faire un
"trade-off" qui va être bon.
Mais vous aviez accordé votre consentement à cette
hypothèse de règlement qui comportait entre autres, à
l'article 13, la négociation locale accompagnée du droit de
grève sur quatre objets fondamentaux, c'est-à-dire les
affectations et les mutations, la répartition des fonctions et
responsabilités entre les enseignants d'une école, la
distribution des 200 jours de travail dans l'année scolaire et des
modalités de répartition des 27 heures de travail de la semaine
régulière. Est-ce que vous donnez toujours votre consentement
à cette hypothèse de règlement avec les points qui
auraient été l'objet d'une négociation locale en bonne et
due forme et non pas d'une négociation à rabais comme celle que
nous propose le projet de loi? Et pourquoi avez-vous changé d'opinion,
si vous n'êtes plus d'accord là-dessus? Si c'était bon il y
a deux semaines, pourquoi cela ne le serait-il pas aujourd'hui?
M. Chagnon: L'hypothèse de règlement qui nous a
été apportée à la suite de l'exploration que nous
avons faite, le ministère de l'Éducation, la
fédération des commissions scolaires et la Centrale de
l'enseignement du Québec, tirait d'abord son cheminement de ce que la
loi 55 nous permettait de faire. On l'a fait sous le régime de la loi
55, puisque la loi 37 n'est pas adoptée.
Le droit de grève sur les quatres points de négociation
locale, c'était le treizième article effectivement, comme vous
l'avez souligné, M. le député d'Argenteuil, mais il y
avait aussi d'autres articles qui nous permettaient d'accepter, comme nous
l'avons fait, cette hypothèse de règlement. N'oubliez pas que,
dans cette hypothèse de règlement, il y avait quelque chose qui,
pour le réseau de l'éducation au Québec, avait une valeur
sacrée, une valeur carrément en or. Il y avait la
stabilité de la tâche pour les trois prochaines années.
Pour trois ans, on stabilisait la tâche. Cela faisait partie de
l'enjeu.
C'était une hypothèse de èglement, je le rappelle,
c'est comme cela qu'on l'a présentée à nos membres le 13
avril dernier et qu'ils l'ont acceptée dans une très large
proportion. C'était une hypothèse de règlement qui faisait
en sorte de nous amener dans une espèce de "package deal",
c'était à prendre ou à laisser, tous les points. On peut
difficilement découper un point par rapport à un autre. Chez
nous, chez nos membres, ce n'était pas de gaieté de coeur qu'ils
acceptaient le droit de grève sur les points de la négociation
locale. Souvenez-vous qu'on en avait déjà parlé au mois de
février, ici même à l'Assemblée, en commission
parlementaire. Par contre, ils étaient prêts à l'accepter,
compte tenu d'autres points de l'offre de règlement qui faisaient
l'affaire des commissions scolaires et particulièrement, je tiens
à le souligner, la stabilité pour les trois prochaines
années en matière de tâche des enseignants, parce que, pour
l'instant, tout est un peu flou. On change année après
année.
M. Ryan: Après qu'on a déposé un
avant-projet de loi - qui allait dans le sens de ce qu'on a aujourd'hui; le
projet de loi est une version modifiée, mais c'est dans le même
sens général - qu'on en a débattu en commission
parlementaire ici, la négociation s'engage dans le cadre de la loi 55 et
elle aboutit à un résultat très positif. Est-ce que cela
n'est pas la preuve que, s'il y a un bon esprit, la loi de base... Je voudrais
préciser pour M. le ministre, qui est président du Conseil du
trésor, que les remarques que j'ai faites ce matin portaient sur le
secteur de l'éducation. Sur le secteur des services de santé, je
crois que, dans notre programme, nous disons bien: Quand des raisons de
santé
et de sécurité entrent en conflit avec l'exercice du droit
de grève, ces raisons doivent primer. C'est une position
civilisée de base à laquelle je souscris entièrement. Il
n'y a pas de problème là-dessus.
Pour le reste, il y a de la matière à discussion, surtout
pour le secteur de l'éducation. Je vous disais: On avait une preuve qui
était faite, cela a même été présenté
au cabinet des ministres par le ministre de l'Éducation. Il avait
endossé cela, à moins que je ne me trompe; il me corrigera si je
me trompe. On était tellement proche d'un règlement qui aurait
procuré la paix pour trois ans. Pourquoi est-ce qu'on devrait aller
substituer à cela tout le nouveau jeu de mécano qu'on nous
propose, surtout des histoires de médiation-arbitrage dans lesquelles
j'ai bien du mal à me retrouver? Je ne sais pas ce que vous en pensez.
Est-ce qu'on n'aurait pas été mieux de poursuivre dans cette
voie, étant donné qu'on était si proche d'un
règlement?
M. Chagnon: Je vous rappellerai que l'hypothèse de
règlement, et particulièrement en ce qui concerne le point que
vous avez soulevé, c'est-à-dire la négociation avec droit
de grève sur le plan local sur les quatre points, aurait pu avoir lieu
cet automne ou au début de l'hiver dans le cadre, encore une fois, d'une
entente signée sous la loi 55.
Maintenant, avec l'arrivée du projet de loi 37, il était
clair que, s'il ne devait plus y avoir de droit de grève sur le plan des
négociations locales, c'était la dernière
négociation locale avec droit de grève sur quatre points.
C'était un "one shot deal" pour l'automne ou l'hiver.
On en est arrivé à un règlement, c'est vrai, et on
en est arrivé à une hypothèse de règlement qui,
à notre avis, était acceptable, puisqu'on l'a acceptée. Je
tiens à souligner toutefois que nous avions une acceptation
conditionnelle à un financement intégral et récurrent de
cette entente. C'est quand même un autre problème, mais
c'était important de le mettre dans le portrait.
Sur le fond, le droit de grève au niveau local, certaines
commissions scolaires ont été carrément
traumatisées par certaines grèves qui ont eu lieu dans le
passé, je pense à la région de Trois-Rivières, la
commission scolaire des Vieilles-Forges, la Mauricie, la rive sud, Sorel,
Carignan, Tracy.
Ce n'est pas sans hésitation que le droit de grève au
niveau local, même au niveau des quatre points, a été
accepté au niveau de notre assemblée. C'est quand même par
la présentation de l'ensemble du bloc qui venait répondre
à certaines demandes justifiées de la part des enseignants qui
faisait en sorte de nous stabiliser pour trois ans que nous avons
accepté cette hypothèse de règlement.
Quant à l'hypothèse de la médiation et de la
conciliation, qui semble peut-être un peu plus compliquée et qui
pourrait permettre d'éviter fort probablement - en tout cas, nous le
pensons - des grèves dans le secteur soit de l'éducation, soit
des affaires sociales dans l'avenir, on ne peut pas faire autrement que de
penser qu'un droit de grève dans un secteur public doit être
balisé aussi, un peu comme vous l'aviez mentionné, pour des
raisons de sécurité, pour des raisons d'intérêt
public.
M. Ryan: L'intérêt public, je n'accepte pas
celui-là, c'est trop flou, mais santé et sécurité,
je l'accepte.
M. Chagnon: Santé et sécurité...
M. Ryan: Pour le reste, à moins d'une loi très
spéciale, je ne donne pas mon consentement.
Le Président (M. Lachance): En parlant de consentement, M.
le député, nous en sommes à dépasser un petit peu
13 heures. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre ou bien si on
va terminer les travaux de la commission?
M. Ryan: Regardez! On pourrait peut-être prendre cinq
minutes tout au plus, parce que nous avons de nombreux autres engagements. Nous
autres, à quelle heure est notre caucus?
Une voix: 13 heures.
M. Ryan: II y a un caucus du groupe à 13 heures.
Une voix: Le président est trop tard.
M. Ryan: Je pense qu'on ne gagnera pas grand-chose à
continuer une couple de minutes encore, mais on a nos devoirs.
M. Chagnon: Je vais conclure en disant que, s'il y a modification
à l'étendue du droit de grève, il faut absolument qu'il y
ait des balises qui fassent en sorte, par le biais par exemple de la
conciliation et de la médiation, de permettre une espèce de
ventilation et une "cool off period" pour l'ensemble des employés. C'est
tout.
M. Clair: M. le Président, il me reste à remercier
la Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec et l'Association des commissions scolaires protestantes du
Québec d'être venues se faire entendre ce matin et d'avoir
accepté pour la nième fois de nous communiquer leurs points de
vue sur le dossier dans l'état où il est présentement. Je
vous remercie.
Le Président (M. Lachance): Merci, messieurs. La
commission du budget et de l'administration, ayant terminé ses travaux,
s'ajourne sine die.
(Fin de la séance à 13 h 3)