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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Thursday, June 6, 1985 - Vol. 28 N° 22

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 37 - Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic


Journal des débats

 

(Quinze heures vingt minutes)

Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de l'administration se réunit avec le mandat suivant: l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, j'ai quatre remplacements. M. Blank (Saint-Louis) sera remplacé par M. Pagé (Portneuf)i M. Caron (Verdun) sera remplacé par M. Paradis (Brome-Missisquoi); M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges) sera remplacé par M. Ryan (Argenteuil). Ces trois remplacements se feront en conformité avec l'article 130 de notre règlement, à savoir que cela sera bon pour la durée de la commission au complet. J'ai un autre remplacement, M. le Président, à savoir que M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert) pour cette séance uniquement. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le secrétaire.

M. le député de Rosemont, sur une question de règlement.

Le remplacement d'un député indépendant à une commission

M. Paquette: Oui, sur une question de règlement, M. le Président. Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine qui est membre de cette commission et qui représente notre groupe parlementaire informel ne peut être ici aujourd'hui. Elle sera ici demain. Elle aurait souhaité que je la remplace aujourd'hui pour la durée de cette séance.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Rosemont. Je vais me référer à l'article 131 des règles de procédures de l'Assemblée nationale. Je vous lis l'article 131: "Exceptionnellement, lorsqu'une commission exécute un mandat confié par l'Assemblée, un de ses membres peut être remplacé pour la durée d'une séance. La commission doit en être informée dès le début de la séance. " Cependant...

M. Paquette: Dès le début de la séance. C'est cet article que j'invoque.

Le Président (M. Lachance):... si je me réfère aux règles de fonctionnement concernant les commissions, à l'article 131, cela se lit comme suit: "Lorsqu'une commission exécute un mandat confié par l'Assemblée - ce qui est bien le cas ici en ce qui concerne le projet de loi 37 - le secrétaire annonce, au début de chaque séance, les remplacements que les whips ou leur représentant lui ont signifiés. " Or, quand on parle de whips, on parle de formation politique, par extension, et je crois bien que vous êtes reconnu ici au Parlement comme des députés indépendants, donc non reconnus comme une formation politique de façon bien spécifique comme groupe parlementaire.

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je serais extrêmement étonné que les auteurs des règles de procédure et règlements d'application aient eu comme intention de faire de la discrimination contre les députés indépendants de façon à les priver de la possibilité de se faire remplacer ou de remplacer un collègue. Je vous signale que vous pouvez prendre la question en délibéré et informer le prochain Parlement de votre décision, mais je vous signale, d'autre part, qu'il y a une autre solution qui serait de fonctionner par consentement unanime. Si la commission consentait unanimement à ce que le député de Rosemont remplace pour cette séance Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, le problème serait réglé.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes, je vous fait lecture de l'article 133 de nos règles de procédure qui dit: "Tout député indépendant peut participer sans droit de vote aux travaux d'une commission qui étudie un projet de loi. " Cependant, pour avoir la conscience bien tranquille, je vais prendre en délibéré la remarque que vous m'avez faite et je crois que nous serions en mesure, à la reprise des travaux à 20 heures, de pouvoir vous fournir une réponse plus détaillée, plus éclairée sur votre intervention.

M. de Bellefeuille: Vous ne préférez pas, M. le Président, demander s'il y aurait consentement unanime de sorte que le

remplacement puisse se faire dès maintenant.

Le Président (M. Lachance): Je préfère ne pas prendre le risque de faire de la jurisprudence ici, cet après-midi. Je voudrais être davantage éclairé avant de rendre une décision sur votre intervention, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne peux que m'incliner devant votre sage décision de prendre la question en délibéré jusqu'à la reprise ce soir, mais cela représente un inconvénient. C'est que nous ne savons toujours pas si les membres ministériels de la commission consentiraient à ce remplacement.

M. Blais: C'est bien malheureux, mais vous ne le saurez pas.

M. de Bellefeuille: Je vais tirer ma propre conclusion personnelle, M. le Président, que les membres ministériels ne donnent pas leur consentement.

M. Clair: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.

M. Clair: Je pense que...

Le Président (M. Lachance): Sur la question de règlement ou sur la...

M. Clair: Sur la question de règlement, M. le Président. Je pense que ce que mon collègue le député de Terrebonne indique, c'est simplement que, comme...

M. Biais: Pas de Deux-Montagnes parce qu'il n'y en a pas.

M. Clair:... nous n'étions pas conscients de ce problème avant le début des travaux, nous n'avons pas eu l'occasion d'en discuter comme membres de la commission et, dans les mêmes délais où le président sera disposé à rendre sa décision, nous serons également prêt3 à en indiquer une. Je pense que le député de Deux-Montagnes errerait s'il prétendait que nous avons d'ores et déjà adopté une attitude définitive là-dessus.

M. de Bellefeuille: M. le Président, sur la question de règlement, je prends bonne note que le ministre n'a pas donné son consentement.

Le Président (M. Lachance): Je voudrais vous indiquer, M. le député de... Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Là-dessus, très brièvement, je comprends que notre règlement a été écrit, analysé, étudié et, finalement, approuvé en fonction d'un mode de fonctionnement parlementaire qui s'appuie sur l'existence et la présence de partis. Comme on le sait, ce règlement a été réécrit au début de la présente Législature, il y a quelques années, et on doit constater que, au moment où on se parle et plus particulièrement depuis quelques mois, les règles du jeu - si je peux utiliser le terme - doivent être appliquées en fonction d'une texture différente de la Chambre parce que nous avons le parti au pouvoir, d'accord, nous avons l'Opposition officielle, mais il faut aussi retenir qu'on a maintenant plus d'un député qui siège comme député indépendant. On a un groupe qui représente un nombre très appréciable d'électeurs; ces députés ont des droits, des obligations et aussi des limites.

Or, la question de règlement qui est soulevée, c'est de voir s'il est possible pour un député - j'espère, M. le Président, qu'on ne dérange pas le ministre du Revenu, en arrière - qui n'appartient pas à un groupe politique reconnu à l'Assemblée nationale d'intervenir et de voter. Or, le consentement a été demandé. Quant à nous, il nous apparaît que pour cette commission les députés de Rosemont et de Deux-Montagnes qui sont avec nous devraient pouvoir intervenir, ou Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine, qui a manifesté beaucoup d'intérêt, comme M. le député de Sainte-Marie. Je présume qu'il devrait être possible pour eux - c'est un droit tout à fait fondamental, surtout compte tenu de l'enjeu du projet de loi qui est à l'étude - d'être présents continuellement ou occa- sionnellement aux travaux de notre commission pour faire valoir leur point de vue. Je comprends que vous craignez de faire jurisprudence mais je m'attendais à ce que vous reconnaissiez le droit à mes deux honorables collègues de pouvoir faire oeuvre utile cet après-midi.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf, en terminant, puisque vous connaissez bien le règlement qui dit, à l'article 40, que le président peut autoriser quelques remarques à l'occasion d'un rappel au règlement et que sa décision ne peut être discutée, je vous indiquerai qu'il n'est pas dans mes intentions de président de brimer qui que ce soit, qu'il soit indépendant, dans l'Opposition ou du parti ministériel. En vertu de l'article 133, il n'y a pas de problème; tout député indépendant peut participer aux travaux d'une commission qui étudie un projet de loi mais, cependant, c'est sans droit de vote.

Le règlement de l'Assemblée nationale que vous avons, comme vous le savez, a été adopté le 13 mars 1984, comme règlement sessionnel d'abord, ensuite modifié à la séance du 20 juin 1984; le règlement est

devenu permanent en avril 1985, donc, c'est assez récent, après avoir subi à nouveau quelques modifications. J'ai demandé qu'on fasse une certaine recherche. Donc, on prend en délibéré ce qui a été demandé par les députés de Rosemont et de Deux-Montagnes et j'ai indiqué que, à la reprise des travaux, à 20 heures, et, si possible, avant, je pourrai rendre une décision là-dessus.

M. Paquette: M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Lachance): En terminant, oui. (15 h 30)

M. Paquette: Sur une question de règlement. L'interprétation que vous donnez, à savoir que les députés indépendants ont droit de parole à cette commission et qu'ils ont le droit également de faire des propositions, est incontestable. Cependant, malgré nos demandes, je tiens à vous dire que le fait que la commission ait dû commencer ses travaux aujourd'hui, ce qui empêche ma collègue des Îles-de-la-Madeleine d'être présente aujourd'hui, prive notre groupe, qui n'est pas un groupe parlementaire reconnu mais qui a une position sur les questions que nous allons débattre, une position différente de celle du parti ministériel ou du parti de l'Opposition, laquelle position représente une opinion à l'intérieur de la société, de pouvoir s'exprimer par le vote aujourd'hui.

Je sais que nos règles de procédure permettent de fonctionner par consentement unanime. On l'a fait plusieurs fois à l'Assemblée nationale. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire ici, en attendant; et sans préjuger de la demande que vous avez prise en délibéré, nous aimerions que l'un d'entre nous ait droit de vote aujourd'hui, jusqu'à ce que Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine soit ici pour exercer, en notre nom, son droit de vote.

Le Président (M. Lachance): M. le député, je vous remercie de vos remarques. Je crois comprendre qu'il n'y a pas unanimité de toute façon.

M. Paquette: Ils ne donnent pas leur consentement, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Et je m'en tiens... Oui, M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, lorsque vous rendrez votre décision, ce que je veux indiquer aux deux députés indépendants, c'est qu'une des raisons pour lesquelles nous ne donnons pas notre consentement immédiatement, c'est pour deux raisons: la première, c'est que j'ai cru comprendre tantôt, dans les discussions antérieures avec le secrétaire de la commission, que peut-être il n'était pas suffisant de donner notre consentement; alors, je voudrais que vous nous éclairiez là-dessus. Est-ce que, au niveau de la commission, nous pouvons d'un simple consentement donner le droit de vote à des remplaçants de la députée indépendante? Deuxièmement, est-ce qu'il est possible que ce consentement soit donné par séance et non pas nécessairement pour la durée de tous les travaux de la commission? J'aimerais que vous nous éclaireriez là-dessus.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, à la suite des interrogations que vous posez, comme il subsiste dans mon esprit un doute sérieux, c'est la raison pour laquelle je voudrais pouvoir rendre une décision éclairée. C'est ce pourquoi nous allons attendre que la décision qui sera rendue soit motiviée en bonne et due forme.

M. Paradis: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis:... je comprends la situation dans laquelle on se retrouve, mais, s'il arrivait qu'on ait un vote sérieux à prendre d'ici à ce que votre décision soit rendue et que cette dernière soit dans le sens de donner un droit de vote à ces parlementaires, est-ce que vous réalisez que le temps que vous allez prendre pour délibérer peut devenir très important pour les parlementaires qui se verront brimés de ce droit de vote? Ils ne pourront pas agir, à ce moment-là, rétroactivement et la suspension aura pour effet, dans l'éventualité d'une décision favorable, de brimer un parlementaire, quel qu'il soit dans cette Chambre, qui a été élu par des électeurs, pour représenter des électeurs d'un comté. Cela le brimera de ce droit d'exprimer un droit de vote.

Dans ces circonstances, est-ce que vous ne trouveriez pas plus sage peut-être qu'on suspende pour dix minutes, le temps d'aller effectuer des vérifications au cas où la décision serait positive et de permettre à ces parlementaires d'exprimer leur droit de vote si c'est là la décision que vous rendrez? Dans le cas d'une décision positive, on va se retrouver dans une situation qui va être injustifiable face aux parlementaires qui auront été ainsi brimés et face aux gens qu'ils représentent.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.

M. Gauthier: M. le Président, je suis en désaccord avec la demande du député de Brome-Missisquoi et c'est pour une raison

bien simple. La commission a des travaux à faire et je pense qu'on doit commencer selon l'ordre de la Chambre; on devrait avoir commencé ces travaux depuis 15 heures. De toute façon, c'est vrai qu'il peut y avoir quelqu'un qui soit brimé dans sa capacité de voter ici, en commission. La commission est prévue - ce n'est pas depuis cinq minutes -depuis un certain temps; il y aurait eu possibilité probablement de faire les demandes et de s'enquérir avant sur ce fait. On arrive, aujourd'hui... N'importe quel député pourrait arriver, théoriquement, avec un problème assez complexe en commençant une séance et demander une suspension au nom du fait qu'il ne veut pas être brimé dans son droit de parole ou dans son droit de vote ou autrement. Je pense qu'il y a des mécanismes en place, cela aurait pu être demandé avant, on aurait pu demander même au président de l'Assemblée nationale un avis là-dessus puisque le député de Rosemont voulait remplacer la députée des Îles-de-la-Madeleine. Comme cela n'a pas été fait en temps et lieu, vous rendrez votre décision, j'imagine, dans le plus bref délai et, en attendant, il faudrait qu'on procède.

Le député de Rosemont peut toujours participer aux travaux de la commission de toute façon, que je sache, et peut-être que son droit de vote sera rétabli dans les minutes ou au plus tard dans une heure ou deux. À ce moment-là, la situation sera complètement réglée. En attendant, on doit procéder, écoutez.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement. Le sujet est important en ce qu'il touche non seulement les travaux, le déroulement de notre commission et aussi le droit pour un parlementaire de participer et de voter à nos délibérations mais cette question-là touche l'ensemble de la problématique créée par la présence nouvelle et récente de sept députés qui ne siègent plus avec la majorité.

De votre décision, M. le Président, va dépendre bien des choses, entre autres, pour le parlementaire qui a été élu pour représenter les Îles-de-la-Madeleine, Mme la députée. Parce qu'elle est assignée à telle commission parlementaire, est-ce à dire, parce qu'elle n'a pas de whip pour la représenter, que jamais, mais jamais, elle ne pourra être réaffectée à une autre commission parlementaire?

M. Gauthier: La décision va être rendue tantôt. On va le savoir.

M. Pagé: Nous sommes légitimement en droit de soutenir et de prétendre que M. le président, avec l'expérience qu'il a, les connaissances qu'il a, l'appui qu'il a - je parle de l'appui en termes d'interprétation de nos procédures, de nos règles - peut rendre une décision dans des délais plus brefs que 18 heures.

J'aimerais bien, M. le Président, que vous puissiez répondre à ceci: abstraction faite du fond de la question qui a été abordée par le député de Rosemont, dans la situation où se retrouve le député de Deux-Montagnes, qui pourrait demander à la Chambre d'autoriser son changement d'une commission à une autre, parce qu'il n'a pas de whip, lui?

M. Clair: La personne elle-même est assez grande pour cela.

M. Pagé: Bon, c'est donc dire que chacun... Vous confirmez, mais c'est du président que j'aimerais l'entendre. Le ministre indique que son opinion, quant à lui, c'est que tous les sept députés indépendants auraient pu ce matin demander au président de l'Assemblée nationale de les reconnaître à l'avenir, dans le cadre des travaux de la commission du budget et de l'administration.

M. Paquette: Cela pourrait se faire demain.

M. Dussault: Jusqu'au prochain vote.

M. Pagé: Demain matin cela pourrait se faire. Comment régleriez-vous la composition de la commission en ce qui concerne le nombre de membres siégeant dans l'Opposition et au pouvoir maintenant? C'est ça le problème.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Châteauguay, non, M. le député de Bourassa.

Une voix: Cela va être bon. Attachez vos ceintures!

M. Laplante: Je comprends bien ce que le député de Portneuf essaie "d'encarcaner" et j'étais conscient, à la première intervention qu'il a faite, qu'il y a peut-être une lacune dans le règlement. Par contre, si le législateur, au moment où il a voulu faire ces règlements auxquels l'Opposition et la partie gouvernementale ont participé... Il y a ausi l'expansion des députés indépendants qui peuvent être sept cet après-midi ici, faire tous des interventions, faire tous des motions, sans droit de vote. Il y a cela et ce qu'un député de l'Opposition n'a pas comme droit...

M. Paquette: On a une partie de nos droits.

M. Laplante:... ce que le député

ministériel n'a pas comme droit non plus... C'est une autre lacune que cela comporte et il va falloir faire des amendements là-dessus pour qu'il y ait un choix, un nombre limité de députés indépendants qui viennent à une commission avec tous ces droits-là, si on veut refaire le règlement. Vous avez des droits qu'on n'a pas et nous autres on a des droits que vous n'avez pas. Coudon, il faut vivre avec cela.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, je pense que pour rendre votre décision vous devez avoir à l'esprit que le remplacement d'un député à une commission parlementaire relève d'une initiative d'une aile parlementaire, pour ce qui est du remplacement, je dis bien. Pour ce qui est de la participation d'une façon permanente à une commission, cela relève de l'initiative d'un parlementaire à l'Assemblée nationale de demander un vote sur un tel changement. Ici, il ne s'agit pas de savoir si la personne sera membre de façon permanente de la commission, il s'agit de savoir si, à cette commission, la personne qui remplacerait Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine pourrait être nommée par une décision ici. Je pense que l'esprit de nos règlements, c'est que c'est l'initiative d'une aile parlementaire de le faire en commission parlementaire. Cela, c'est un premier point.

Deuxièmement, je pense, M. le Président, qu'il faut que l'Opposition respecte le point de vue d'une aile parlementaire comme la nôtre qui sait déjà, de par les propos qui ont été tenus par l'Opposition, qu'il s'agit de faire en sorte que le rapport de forces évolue. À partir du moment où on nous dit: Les libéraux ont une position, les péquistes ont une autre position et les indépendants en ont une autre, on peut donc penser qu'on nous annonce d'avance que sur certains points il y aura un vote différent de la part des indépendants par rapport à celui des péquistes. Donc, on nous annonce d'avance que le rapport de forces pourrait être appelé à évoluer. Je pense qu'on devrait être capable de respecter le fait qu'on se dise: Pourquoi est-ce qu'on ferait évoluer ce rapport de forces puisque de toute façon le règlement nous protège, à savoir que c'est l'initiative d'une aile parlementaire qui demande le remplacement? On n'a pas à concéder quelque chose qui irait à rencontre de nos intérêts, à moins que pour un tel changement on nous dise que la personne qui est en cause est une personne d'une si grande compétence, qu'elle est si spécialisée dans le champ qui nous concerne qu'à toutes fins utiles tous les membres de cette commission ne pourraient pas se passer des services d'une telle personne.

Je ne vois pas, dans les propos qui ont été tenus jusqu'à maintenant, quelque chose qui soit si attrayant pour qu'on se dise: Lâchons un peu sur le rapport de forces, de toute façon on va tellement y gagner sur le plan de la qualité. Ce n'est pas comme cela qu'on est amené à voir les choses. Pour cette raison, M. le Président, je dis que le seul point d'appui que vous avez, c'est qu'en commission parlementaire l'initiative relève d'une aile parlementaire de demander le remplacement d'une personne. Il n'y a que deux ailes parlementaires présentes ici: celle des libéraux et celle du Parti québécois.

M. Paquette: M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Lachance): M. le député, pour ménager du papier et de la salive, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 16 heures.

(Suspension de la séance à 15 h 43)

(Reprise à 16 heures)

Le Président (M. Lachance): La commission poursuit ses travaux à la suite de cette suspension. Voici la décision de la présidence. Il appert que, les règles de fonctionnement n'ayant pas préséance sur les règles de procédure, ce que je lisais tantôt, qui faisait référence aux remplacements que les whips et les représentants indiquaient, ne s'applique pas aux députés indépendants. Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'obtenir le consentement unanime des membres de la commission et cela signifie qu'il pourra y avoir remplacement du député indépendant par un autre député indépendant. À ce moment-là, ce sera évidemment un et non pas deux. J'imagine que c'est le député de Rosemont.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais proposer que ce soit le député de Rosemont qui remplace Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

M. Clair: M. le Président, j'accepte volontiers votre décision. La seule interrogation que j'ai en tête est que si quelqu'un remplace un parlementaire il le fait avec l'autorisation de la personne qu'il remplace. Je n'ai aucune difficulté à accepter qu'à compter de maintenant le député de Rosemont remplace la députée des Îles-de-la-Madeleine, mais en termes de précédent il me semble que ce serait normal que la ou le député indépendant prévienne le secrétaire de la commission qu'une telle personne, un tel autre parlementaire le remplacera.

Le Président (M. Lachance): C'est pour la durée de la séance, M. le ministre, et je tiens pour acquis que la...

M. Pagé: M. le Président, est-ce que je dois comprendre que l'honorable ministre voudrait qu'on suspende à nouveau, de façon que la commission et son président puissent communiquer avec Mme Le Blanc-Bantey?

M. Clair: Non, M. le Président. Je n'ai pas demandé de commission rogatoire. J'ai dit que je prenais la parole du député de Rosemont è savoir qu'il remplace effectivement la députée des Îles-de-la-Madeleine. Mais simplement pour les fins du droit parlementaire, quand on remplace quelqu'un, normalement, c'est...

M. Pagé: C'est le minimum de déférence que l'honorable ministre et les autres collègues doivent à Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

M. Clair: Exact.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Pagé: M. le Président, je vous remercie. Vous avez bien entendu notre plaidoyer et votre décision témoigne de la sagesse qui sera bientôt proverbiale chez vous si cela continue comme cela.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je dois simplement dire à l'intention du ministre que, lorsque nous sommes arrivés ici pour la commission parlementaire, nous avions d'abord fait, contrairement à ce qu'a dit le député de Roberval tout à l'heure, les représentations nécessaires. Nous avions informé le bureau du leader du gouvernement que Mme la députée des îles ne pourrait pas être ici aujourd'hui. Nous espérions qu'on aurait tenu compte de nos représentations.

Maintenant, puisque la commission a été convoquée quand même pour cet après-midi, la première chose que nous avons faite a été, avant le début de la séance, de discuter de cette question avec le président de la commission. Nous avions supposé que la procédure qui s'applique dans le cas des députés ministériels ou des députés du Parti libéral pouvait s'appliquer. Tout à l'heure il y a eu ici des remplacements de l'un ou l'autre parti, et il n'y a pas eu de document écrit d'autorisation; cela ne s'est jamais fait à ma connaissance, ni sous l'ancien ni sous le nouveau règlement, qu'il y ait eu un document écrit par lequel le député qui est remplacé autorise le député qui le remplace à le remplacer. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on applique une telle procédure. Si une telle procédure devait être appliquée pour les prochaines commissions parlementaires, il faudrait nous en informer à l'avance. Je pense que c'est très important.

Le deuxième point que je voulais soulever - et je voudrais avoir votre avis là-dessus... Je veux d'abord vous dire ma satisfaction. Je pense qu'on respecte ainsi l'esprit de nos règlements, cela nous assure du plein exercice de nos droits de députés à cette commission parlementaire. Cependant, lorsque vous parlez d'un seul député indépendant ayant le droit de vote à cette commission, dois-je comprendre que, si mon collègue de Deux-Montagnes voulait avoir le droit de vote, il faudrait passer par une décision de l'Assemblée nationale? Vous ai-je bien interprété?

Le Président (M. Lachance): C'est exactement cela, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Et sur la question soulevée par le ministre, je voudrais que vous me disiez quelle est la procédure. Est-ce qu'on doit avoir une procédure différente de celle du parti ministériel et de l'Opposition officielle?

M. Laplante: Juste une directive avant...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Bourassa.

M. Laplante:... avant de rendre votre décision. Je ne voudrais pas que vous me répondiez aujourd'hui là-dessus, mais qu'est-ce qui arriverait si Mme Le Blanc-Bantey arrivait cet après-midi, au cours d'une séance, qu'elle disait à ce moment-là qu'elle n'a jamais donné d'autorisation pour être remplacée et qu'elle voulait reprendre sa place? J'aimerais que...

Le Président (M. Lachance): Cela ressemble à de la politique-fiction!

M. Laplante: Non. Allez en consultation sur cela. Qu'est-ce qui arriverait à ce moment, vu que ce sont tous des députés indépendants? "Indépendants", le mot est là.

M. Clair: Le député de Rosemont serait confondu, M. le Président, si une telle hypothèse arrivait.

Une voix: Ce serait terrible, terrible, terrible!

Le Président (M. Lachance): Oui, je voudrais ajouter avant, M. le député de Portneuf, que nous sommes dans un système où quand même il doit exister un minimum de confiance. Jusqu'à preuve du contraire, je

pense qu'on n'a pas à se préoccuper de ce problème que vous nous soulevez. Je le vois comme problème hypothétique.

M. Laplante: Cela fait partie...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Laplante:... de la décision que vous avez rendue.

Une voix: II ne connaît pas son règlement.

M. Pagé: Très brièvement, comme on le sait, lorsqu'un député intervient à l'Assemblée nationale, on doit prendre sa parole. On ne peut mettre en doute sa parole. Lorsqu'un député, à l'Assemblée nationale, de son siège et même en commission - parce que c'est la prolongation de la Chambre lorsqu'on est ici - évoque quelque chose, s'il est démontré qu'il a menti, il est sujet à des sanctions par ses pairs, auquel cas le collègue pourrait être poursuivi et le règlement pourrait s'appliquer. Si Mme la députée - c'est l'hypothèse évoquée par le député de Bourassa - arrivait cet après-midi et qu'elle nous indiquait que jamais, mais jamais elle ne voulait être représentée par son honorable collègue de Rosemont, son privilège à elle serait attaqué comme parlementaire et elle pourrait se prévaloir des dispositions du règlement.

Le Président (M. Lachance): Bon, j'espère que c'est assez. Nous pouvons passer à l'étude du projet de loi no 37. Est-ce qu'il y a, M. le ministre, une déclaration préliminaire ou des propos?

Remarques préliminaires

M. Clair: Elle sera très brève, M. le Président. Elle consistera simplement à indiquer que, en ce qui concerne l'introduction générale au projet de loi 37, je n'ai pas l'intention, après tous les débats qui ont eu lieu en deuxième lecture sur l'avant-projet, de reprendre à une commission parlementaire le débat sur l'orientation du projet de loi.

Deuxième point, j'indique que j'aurai des amendements à proposer à ce projet de loi et que je suis prêt à commencer immédiatement l'étude de l'article 1 du projet de loi.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: M. le Président, nous sommes heureux, mon collègue de Brome-Missisquoi ainsi que les autres collègues qui pourront se joindre à nous pendant l'étude en commission parlementaire du projet de loi 37, soit M. Ryan (Argenteuil), qui est porte-parole de notre groupe en matière d'éducation, M. Polak (Sainte-Anne), qui, comme on le sait, est particulièrement intéressé à tout ce qui concerne les relations du travail, M. Doyon (Louis-Hébert), qui est un parlementaire avec une expérience particulièrement intéressante pour nous en regard des dispositions applicables à la fonction publique, aux travailleurs des secteurs public et parapublic...

Somme toute, on aborde les travaux de cette commission avec beaucoup d'intérêt parce que c'est une phase additionnelle dans un processus important, qui est un processus d'après deuxième lecture. C'est une phase additionnelle visant ou touchant des modifications substantielles au régime de négociation dans les secteurs public et parapublic. Beaucoup d'heures ont été consacrées à l'Assemblée nationale du Québec, plus particulièrement depuis quelques années, en regard de cette dynamique sociale, de cette dynamique gouvernementale, si je peux utiliser le terme, que constitue la négociation des conditions de travail, des conventions collectives entre les travailleurs des secteurs public et parapublic et le gouvernement, l'employeur. Je n'ai pas l'intention ici de reprendre les commissions parlementaires qui ont siégé les nombreuses fois où le Parlement a dû se convier à un exercice de réflexion et d'action concernant de semblables matières.

Cependant, on doit retenir du processus de consultation enclenché par le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor, M. le député de Drummond, le 1er mai 1984, que plusieurs groupes, des centaines de personnes, pour ne pas dire des milliers, ont eu l'occasion, depuis quatorze mois, de se sensibiliser à cette question. On a eu par la suite un avant-projet de loi qui a été déposé par le ministre au mois de décembre dernier, au sujet duquel ont eu la possibilité de siéger dans le mois de février, si ma mémoire est fidèle, tous les parlementaires, ou presque, qui sont ici aujourd'hui. Cet avant-projet de loi prévoyait des choses particulièrement intéressantes, on se le rappellera. Le gouvernement entendait faire en sorte que les règles du jeu soient différentes à l'avenir. On a assisté à des propositions concernant la façon d'établir la politique de rémunération du gouvernement. Ces éléments se retrouvent toujours dans le projet de loi 37. On a eu l'occasion d'en discuter avec ceux qui ont témoigné devant nous, tant en février qu'il y a quelques semaines, et la commission nous permettra, nous l'espérons, de voir les intentions véritables du ministre, comment le gouvernement prévoit que pourra

s'articuler le fonctionnement d'un tel institut de recherche.

Toujours sur l'aspect de la rémunération - c'est important parce que c'est ce qui est le plus contentieux - il suffirait de me référer aux propos et commentaires du député de Matane, ex-président du Conseil du trésor et actuel ministre de l'Éducation supérieure, de la Science et de la Technologie, si ma mémoire est fidèle. Cela change tellement rapidement qu'on ne me critiquera pas si je n'ai pas la terminologie exacte en regard de ses fonctions et de ses responsabilités. Quand on a entendu son discours, lorsqu'on a entendu ses propos, ses questions adressées aux intervenants il y a quelques semaines, on a eu tôt fait de constater que, pour lui, la rémunération c'était bien important.

Le projet de loi 37 se distingue de l'avant-projet de loi en ce que le gouvernement a réintroduit le droit pour les travailleurs et les travailleuses du secteur public de recourir à la grève une fois par trois ans sur la question de la rémunération. Le gouvernement modifie son attitude. En ce qui nous concerne, nous croyons que des amendements devront être apportés pour revenir à la situation annoncée ou prévue dans l'avant-projet de loi.

Il y a toute la question du droit de grève, entre autres dans le secteur de la santé. Le gouvernement s'est dit préoccupé par cette question. Le gouvernement a confirmé, par la voix de ses porte-parole, que c'était un recours qui faisait mal et qui faisait très mal, dans certains cas, à des citoyens qui étaient en quelque sorte pris en otage en cas de conflit.

On a pensé, du côté du gouvernement, une formule nouvelle en vertu de laquelle les risques et les dommages seraient moindres que ceux vécus antérieurement. Quant à nous, notre position a été plusieurs fois formulée, réitérée. Elle est audacieuse, elle est courageuse lorsqu'un parti politique indique clairement à la population, à un groupe aussi important que les travailleurs et les travailleuses du monde de la santé, à quelques mois d'une élection, que ce droit ne doit plus prévaloir parce que nous croyons fermement que le droit fondamental des citoyens à recevoir en totalité les services de santé, les services sociaux auxquels ils ont droit passe avant tout autre droit qui peut être consenti à des groupes organisés, même si c'est dans la défense d'intérêts tout à fait légitimes. (16 h 15)

Je dois vous annoncer d'ores et déjà -le ministre devait certainement s'y attendre - que nous aurons des modifications bien précises, des amendements à apporter, en regard de la position qu'on a adoptée. Dans ce sens, je suis d'ores et déjà convaincu que la contribution de mon collègue, le député de

Brome-Missisquoi, porte-parole de notre groupe parlementaire en matières d'affaires sociales, pourra être importante et significative, lors de nos travaux. Comme on le sait, celui-ci, dès le lendemain de sa désignation à ce dossier par notre chef, M. Bourassa, a entrepris une démarche astreignante mais très importante et très profitable pour nous, en ce qu'il a eu l'avantage de visiter toutes les régions du Québec, de s'asseoir sur le terrain - non pas dans le complexe J, dans le complexe H ou dans le complexe G - avec les personnes vivant tous les jours le monde des affaires sociales du Québec, que ce soient les travailleurs et les travailleuses, que ce soient les administrations locales, que ce soient les structures régionales, les CRSSS, etc. La lecture des événements ou des faits qu'il pourra nous donner sera, je l'espère, de nature à influencer la position de la majorité qui, si elle va dans le sens du projet de loi 37, risque de créer plus de tort et une problématique beaucoup plus palpable que celle vécue antérieurement. D'ailleurs, je présume que, dans ce sens, mon collègue de Sainte-Marie, lorsqu'il se joindra à nous, sera en mesure d'abonder dans le même sens, puisque que cela a été l'un des éléments principaux de son intervention en deuxième lecture.

M. le Président, nous avons l'occasion, à compter de maintenant, de discuter, point par point, article par article, de l'ensemble de cette question. Cependant, on devra toujours avoir l'esprit, en dehors de l'analyse rigoureuse et à la virgule près du texte, certains paramètres, soit l'obligation qu'on a comme parlementaires de faire en sorte que le gouvernement, quel qu'il soit, puisse concilier ce qui peut paraître pour certains inconciliable: dans un premier temps, l'obligation que le gouvernement a de dispenser une qualité et une quantité de services donnés aux citoyens pour qui il administre et qu'il représente; deuxièmement l'obligation qu'il a, comme employeur, de bien se comporter avec ceux qui travaillent pour lui; enfin, troisième élément mais non le moindre, l'obligation de concilier ces deux premières obligations avec cette troisième obligation qu'il a de rechercher l'équilibre de ses comptes budgétaires et de faire en sorte que ceux qui paient pour de tels services, qui y contribuent par leurs taxes et leurs impôts en aient pour leur argent, et faire en sorte, ultimement, que notre société ne s'endette pas un peu plus à chaque matin où le soleil se lève pour accumuler des déficits qui sont croissants et exhorbitants et qui risquent de nous faire mal, comme société, à moyen terme.

M. le Président, pour nous, ce projet de loi, même s'il a été au départ mal conçu... On se rappellera qu'en novembre 1984, selon les informations - le ministre nous dira que

c'étaient peut-être des rumeurs, mais il est plus souvent vrai qu'autrement que des rumeurs s'avèrent fondées - on était alors sur le point de s'entendre entre le gouvernement et ses intervenants. Or... M. le Président, le ministre peut aller répondre au téléphone, on en a pour bien longtemps. Pour le Journal des débats, le téléphone sonne.

Une voix: Dring!

M. Pagé: J'en étais à dire, M. le Président, à mes collègues, dont Mme la députée - qui sera peut-être nommée demain, je l'espère pour elle - qu'en novembre 1984...

M. Blais: II y a une autre cloche qui sonne, là.

M. Pagé:... on était sur le point d'en arriver è un règlement. Or, on ne sait pas trop ce qui s'est passé. Là, le ministre pourrait peut-être profiter du débat, qu'on veut généralement élargi lors de l'étude de l'article 1 d'un projet de loi, pour nous indiquer ce qui s'est effectivement passé. Comment expliquer que le ministre...

Une voix: On ne sait jamais.

M. Pagé: Le ministre devrait profiter du débat amorçant ce projet de loi, avec l'étude de l'article 1 qui vient d'être appelé, pour informer cette Chambre, les membres de la commission et, finalement, le public, par l'intermédiaire des journalistes qui sont nombreux, qui sont intéressés par un tel projet de loi, sur ce qui s'est exactement passé en novembre 1984 pour que vers le 17 ou le la décembre vous déposiez, comme ministre, de façon peut-être pas improvisée mais tout au moins précipitée parce que ce n'était pas attendu comme tel, un avant-projet de loi, alors que le contact semblait être maintenu entre les intervenants; même le premier ministre avait ajouté non seulement sa voix mais sa présence au dossier. Ce serait de nature, très certainement, à nous faire comprendre un peu mieux l'à-propos de telles dispositions dans le projet de loi, tout comme le ministre devrait profiter de ce moment-ci pour nous donner sa réaction, sa perception comme ministre responsable du Conseil du trésor, qui a eu à passer des périodes pas faciles, j'en conviens, qui a eu à prendre la responsabilité d'un dossier qu'on dit très contentieux, qui est placé sur la ligne de feu, il faut en convenir. À ma connaissance, il n'y a pas beaucoup de ministres membres d'un gouvernement au Québec qui ont été appelés à conduire des rondes de négociations et qui se sont vu par la suite édifier des monuments ou des statuts après de telles rondes.

Or, on sait que votre job n'est pas facile. On sait que le défi était grand. La commande était lourde. J'aimerais que, ouvertement, franchement, de façon que votre expérience puisse être contributive, vous puissiez nous indiquer comment vous avez ressenti l'effet de l'application des décrets imposés de façon arbitraire dans les relations État-employés. Ces nombreux échanges que vous avez eus, plus particulièrement avec les représentants des syndicats, vous permettent maintenant d'en arriver à une appréciation. À cet égard, ce serait certainement utile pour nous de connaître votre perception. Est-ce que le gouvernement s'est vraiment trompé de façon exagérée? Est-ce que c'est vrai qu'on découvre, aujourd'hui, l'effet de l'application de certaines dispositions du décret? C'est le ministre de l'Éducation, M. Gendron, qui nous disait, en commission parlementaire, il y a quelques semaines: Cela va de soi que moi, comme ministre de l'Éducation, je n'ai pas lu l'ensemble des dispositions de ces millions de pages. On se rappellera que le temps qui était alloué pour chacun des parlementaires pour étudier impliquait la lecture, je pense, de 360 pages a la minute. Cela a eu des effets. On le sent encore aujourd'hui, en termes de méfiance chez les travailleurs, chez les syndicats.

J'aimerais que le ministre nous donne son appréciation de cela, comme j'aimerais aussi qu'il nous explique, dans le domaine de l'éducation, les échanges entre le ministre de l'Éducation et le représentant de la CEQ qui semblaient conduire à une entente pour la réouverture de la troisième année du décret. Nos informations - c'est public - c'est que le ministre de l'Éducation a formulé une proposition au Conseil des ministres dans le sens de l'entente de principe qu'il avait conclue avec les syndicats. Or, sans vouloir être méchant pour le ministre de l'Éducation, pour qui j'ai beaucoup de respect, force nous est de constater que son opinion n'a pas fait le poids et n'a pas traversé le Conseil des ministres.

Ce sont trois aspects, M. le Président, avant d'amorcer nos travaux, sur lesquels j'aimerais entendre le ministre, ce qui serait de nature, peut-être, à déblayer plusieurs choses susceptibles de revenir constamment dans le débat.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: Je pensais que le ministre voulait intervenir, mais je suis prêt à y aller. M. le Président, j'aimerais en ce début de nos travaux en commission parlementaire de l'étude article par article du projet de loi 37, Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs

public et parapublic, vous dire dans quel esprit mes collègues indépendants - mais là je dois spécifier, puisque nous ne sommes pas un groupe parlementaire reconnu, mon collègue de Deux-Montagnes, ma collègue des Îles-de-la-Madeleine, mon collègue de Sainte-Marie et mon collègue de Rivière-du-Loup -et moi entendons aborder l'étude de ce projet de loi. Nous entendons le faire dans un esprit d'abord positif, même si nous sommes en désaccord avec les principales articulations de ce projet de loi. Nous pensons que, même si ce projet de loi est mal orienté, même s'il risque d'être contre-productif, nous devrons en tant que parlementaires, représentant aussi, je pense, certains courants d'opinions dans la société, certains courants d'opinions qui ne trouvent pas ce problème simple... Ce n'est pas un problème simple lorsqu'il y a des droits aussi fondamentaux qui sont en cause et lorsqu'on sait que l'avenir de notre société s'y détermine très largement, puisque c'est tout le budget de l'État qui est en cause et ce sont surtout les droits fondamentaux à la santé et à la sécurité des bénéficiaires des services publics au Québec, les droits des travailleurs de faire connaître leur point de vue et également de participer en tant que professionnels responsables à l'amélioration des services publics essentiels à la population. C'est tout cela qui est en cause.

On est dans un domaine extrêmement délicat où l'histoire remonte essentiellement au début des années soixante. On se rappellera qu'un gouvernement libéral avait dit à un moment donné que la reine ne négociait pas avec ses sujets, pour finalement reconnaître le droit de négociation. Évidemment, tout droit de négociation implique qu'il y a un certain équilibre dans le rapport de forces, donc le droit de grève dans les secteurs public et parapublic.

En 1966, il faut se rappeler qu'il y a eu débrayage dans 129 institutions hospitalières, qu'il y a eu des hôpitaux mis en tutelle, qu'il y a eu un conflit très long dans le domaine de l'enseignement. Si on compare avec la situation récente de la dernière ou de l'avant-dernière négociation, on a de la difficulté à imaginer l'ampleur des difficultés à ce moment-là. Ce sont peut-être des conflits 15 fois, 20 fois plus durs que ceux que l'on connaît aujourd'hui.

Au début des années soixante-dix, on se rappellera également qu'il y a eu des conflits extrêmement durs mais beaucoup moins lourds de conséquences. Petit à petit, les modèles qu'on essayait de transporter du secteur privé au secteur public faisaient la preuve de leur inefficacité sociale à tous les points de vue quels que soient les intérêts, les orientations ou les projets de société qui étaient parfois en conflit, parce que ce sont toujours des conflits très politiques. On apprenait petit à petit, malgré qu'il y avait encore des conflits, à vivre de façon très différente les négociations dans le secteur public ainsi que dans le secteur privé. (16 h 30)

Je ne vous ferai pas tout l'historique détaillé, M. le Président, j'arrive en 1979, qui était le premier conflit que j'ai vécu personnellement en tant que député à cette Assemblée nationale. C'est d'ailleurs la première fois que j'ai eu l'occasion - chose qui est toujours extrêmement difficile à faire - de voter différemment de la majorité ministérielle, après des déchirements énormes, des discussions avec les collègues, puisqu'il y avait tout le principe de la solidarité avec le côté ministériel qui était en cause. Quelle était la situation à ce moment-là? Dans le secteur hospitalier, le 28 mars 1979, on assiste à une grève d'avertissement du Syndicat professionnel des infirmiers et infirmières du Québec, le SPIIQ. Cela touche 35 établissements et dure huit heures. Avec un grand respect, je dirais même avec un respect total - parce qu'il y a malheureusement toujours des exceptions dans ces conflits dans les services essentiels - de la population. Donc, de la part des syndiqués, un exercice responsable de leur droit de négociation. Les négociations se continuant, le 25 octobre 1979 il y a une autre grève d'avertissement du front commun qui dure moins de 24 heures et qui touche 32 000 syndiqués sur un total de peut-être 300 000 dans le secteur public, 32 000 syndiqués qui débraient moins d'une journée.

Là, arrive - je pense que c'est important de bien comprendre l'esprit - une espèce de manque de confiance du gouvernement face aux gens avec lesquels il négocie. Avant même qu'une grève ne se déclenche, le gouvernement décide de déposer une loi spéciale. C'est un pattern qu'on a très bien connu la dernière fois, puisqu'il y a eu une avalanche de lois spéciales, avant même que les gens ne débraient. Il n'y a donc pas eu de grève. Il n'y a pas eu interruption des services essentiels à la population. Cette fois-là, il n'y en avait pas encore eu. Cette loi a eu un effet de provocation. Elle a fait en sorte que, le 19 novembre, 38 000 syndiqués du front commun débraient, le lendemain 35 000, 34 000, 32 000 et finalement 10 000. C'était en 1979. Évidemment, à la dernière négociation, il n'y a pas eu de grève dans les services hospitaliers puisque les lois spéciales ont précédé toute possibilité d'exercice des moyens de pression. Je pense que ce qu'on peut retenir de cette évolution des négociations dans le secteur public, c'est que de plus en plus se développe une notion de services essentiels qui, au départ, avait été proposée par les syndiqués eux-mêmes et qui est devenue de plus en plus une réalité et qui était une

réalité en 1979 et qui a été une réalité lors des dernières négociations. Mais, en même temps que croissait, que s'améliorait la qualité des services essentiels, la tension, l'insatisfaction dans la population augmentaient. Très certainement, un des objectifs de ce projet de loi doit être d'éliminer la tension et cette crainte que peuvent avoir les bénéficiaires des services, particulièrement dans le domaine de la santé au Québec.

Cependant, voici ce qu'il faut retenir. Ce qui est important, ce n'est pas le cadre, les lois, mais l'esprit qui en découle et les attitudes de responsabilité que ces lois ou ces règlements permettent de développer. Chaque fois qu'on a misé sur la responsabilité, il y a eu des réponses positives de la part des syndiqués. Il y a eu respect des services essentiels. Autrement dit, le droit aux services essentiels pour la population et le droit à la libre négociation de la part des syndiqués sont conciliates, même si ces droits ne sont pas au même niveau. Je pense qu'on va tous être d'accord, ici, autour de cette table, M. le Président, pour accepter que le droit à la santé et à la sécurité des personnes, particulièrement dans les services de santé, doit primer le droit de négociation. De là à dire, comme le disait le député de Portneuf, que sa formation politique était courageuse parce qu'elle prône l'abolition du droit de grève dans le secteur de la santé - quel drôle de courage pour des politiciens qui savent que 90 % des gens pensent que c'est la barbarie dans les services de santé - c'est faux, ce n'est pas le cas, M. le Président. En tant que député à l'Assemblée nationale, j'ai apprécié énormément votre intervention parce que vous non plus vous ne partagez pas cette opinion. Il n'y a rien de courageux, c'est même très rentable politiquement de dire: On va abolir le droit de grève ou on va l'encadrer tellement qu'il va devenir symbolique. Peut-être, peut-être, mais non seulement ce n'est pas courageux, mais c'est totalement inefficace. On sait très bien qu'il y a d'autres provinces, d'autres pays où le droit de grève est interdit et il y en a quand même car, à un moment donné, des situations d'injustice se développent; pas nécessairement des injustices dues à des considérations égoïstes de la part des syndiqués qui veulent augmenter leurs émoluments et miner la santé financière de l'État, mais des injustices aussi dans le travail.

Actuellement, il n'y a pas de négociation, il n'y a pas de conflit mais, à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont qui dessert mon comté, les corridors sont encore remplis de malades. J'ai eu l'occasion d'y aller récemment parce que quelqu'un de ma famille était hospitalisé et les syndiqués qui m'en ont parlé n'étaient pas en train de convaincre un député de leur donner plus d'argent, ils étaient en train de convaincre un député de leur donner les moyens d'être responsables et d'être de véritables professionnels auprès des bénéficiaires, des malades qu'ils desservent.

Alors, je pense qu'il n'y a rien de courageux à abolir le droit de grève. Au contraire, c'est extrêmement improductif. Il y a des pays où le droit de grève existe et il ne se produit jamais, où il y a respect des services essentiels, mais il y a quand toujours cette pression. Cette pression est-elle nécessaire? Je parle encore là du point de vue du bien commun, pas du point de vue d'intérêts particuliers que peuvent avoir les syndiqués, qui sont aussi légitimes, mais qui doivent passer après le bien commun. Est-ce que ce rapport de pressions est utile quand on croit à une société décentralisée, plus personnalisante, qui respecte les gens qui travaillent et qui reçoivent des services? On ne peut pas faire autrement que de répondre oui.

Pour avoir vécu dans le système public un certain nombre d'années dans l'enseignement au niveau collégial et au niveau universitaire, je peux vous dire qu'il y a toujours une certaine incompréhension, un certain mécanisme dans un gigantesque appareil public comme celui qu'on a au Québec. Il suffit de regarder comment ont été faites les récentes coupures budgétaires. Le Conseil du trésor dit: On coupe tant. Il donne son quota à chacun des ministères. Le ministère répartit cela à ses directions générales, chaque direction générale répartit cela entre ses services. À chaque fois, évidemment, les coupures sont répercutées vers le bas parce que ce ne sont pas les cadres, leur personnel et l'administration qui écopent beaucoup, c'est généralement répercuté vers le bas. Cela se rend dans les réseaux. À l'intérieur des réseaux, vous avez le directeur général, les directeurs de service, les directeurs d'unité et, finalement, on arrive au niveau des gens qui travaillent avec le monde, des gens qui rendent des services. S'imaginer que la vérité est en haut et qu'elle n'est jamais en bas, M. le Président, c'est une conception dangereuse, technocratique de la société. Le seul frein qui existe face à cela, c'est un syndicalisme responsable, un syndicalisme responsable dans les institutions de santé, dans les institutions d'enseignement qui est capable de dire: Nous, on les vit tous les jours, les vrais problèmes. Vous, vous avez une vision d'ensemble. Les deux visions devraient pouvoir se conjuguer en vue du bien commun.

C'est pour cela, M. le Président, que, même si nous faisons primer le droit absolu à la santé, à la sécurité, aux services essentiels à la population, nous pensons que le droit véritable à la négociation pour les employés et leurs associations représentatives

doit être respecté et même valorisé et qu'on doit avoir un projet qui responsabilise tout le monde, et non pas qui reproduit les rapports de domination et de hiérarchie à l'intérieur des services publics très complexes.

M. le Président, nous trouvons que dans ce projet de loi il y a bien sûr des aspects positifs. Il est important, en ce qui a trait aux informations sur la rémunération, que les deux parties aient des données de base sur lesquelles elles peuvent se fier, que le public en soit informé, qu'on s'assure qu'on ait les meilleurs services possible au meilleur coût possible et que la rémunération des employés s'accorde avec ce qui est généralement consenti.

Cependant, je vous signale qu'il y a eu une évolution des mentalités. Il y a eu du progrès dans les conditions de travail aussi, ce qui fait en sorte que les syndiqués, de plus en plus, sont davantage conscients de questions comme la qualité de vie au travail, la sécurité d'emploi, les tâches adéquates et le meilleur service possible que de la rémunération salariale. Je pense que personne ne peut nier cela.

Les autres aspects du projet de loi nous apparaissent beaucoup moins positifs. Nous ne pensons pas qu'il y a une réduction de la complexité qui fait que la bureaucratie publique trouve son vis-à-vis dans l'organisation pyramidale des syndicats. On se retouve encore, dans ce projet de loi, avec de multiples tables, de multiples niveaux qui vont faire en sorte qu'il y aura une certaine provocation. Quand les gens circulent dans un paquet de niveaux et négocient 24 heures par jour, l'insatisfaction augmente et c'est à ce moment que les conflits risquent d'éclater. J'aimerais connaître la position du ministre là-dessus.

Nous allons faire en sorte qu'autant que possible, même si nous sommes en désaccord avec l'orientation générale du projet de loi, on réduise la complexité de façon à éliminer les irritants, pour prendre un terme à la mode du côté ministériel. Donc, on se donne de meilleures chances de négociation, les plus sereines possible, les plus civilisées possible et les plus productives pour le bien commun.

Également, au niveau de la décentralisation, nous pensons que ce projet de loi passe complètement à côté de la question. Je pars de l'hypothèse qu'une décentralisation est possible alors que l'appareil public est très centralisé, très hiérarchisé et qu'il y a de multiples droits de gérance à de multiples niveaux qui vont s'exercer quand même. On ne risque pas de changer grand-chose à la réalité tant qu'il n'y a pas une réforme de la fonction publique à côté. Cette réforme n'a pas été entreprise, même s'il y a eu une commission de cette Assemblée, un rapport, notamment, de mon collègue de Sainte-Marie, qui présidait, et de multiples efforts pour modifier le fonctionnement de l'appareil public. Que voulez-vous, quand on vient coller une affaire comme cela là-dessus, de s'imaginer qu'il va y avoir de la décentralisation, même si c'est souhaitable, c'est une illusion.

Enfin, quant à l'encadrement des négociations et au respect des services essentiels, cela devient presque une loi déresponsabilisante par son technocratisme. On fixe des pourcentages par institution et on dit qu'il faudra tel pourcentage de salariés par type d'institution, comme si toutes les institutions étaient semblables et comme si l'important ce n'était pas que 100 % des services essentiels, quel qu'en soit le moyen - il faut trouver le bon moyen -soient respectés. L'important, ce n'est pas le nombre de salariés en poste, c'est la couverture complète et totale des services essentiels, si on pense au bien commun. J'ai trouvé que le gouvernement, qui est très pressé d'adopter ce projet de loi avant la fin de la session, a mis beaucoup de temps et rejette du revers de la main ce code d'éthique qui a été élaboré par les centrales syndicales, qui nous le disent dans leur mémoire. Ce sont 19 organisations syndicales qui représentent 366 000 syndiqués des secteurs public et parapublic, qui ont fait de multiples réunions à tous les niveaux, qui ont vendu cela aux salariés - c'est long avant d'en arriver à un consensus - et qui nous présentent un document aussi étoffé. On le rejette en disant que ce n'est pas suffisant, qu'il n'y a pas suffisamment de garanties, sans nous dire en quoi ce n'est pas suffisant et en quoi il n'y a pas de suffisamment de garanties. (16 h 45)

Voilà pourtant une approche non technocratique, adaptée aux diverses institutions et responsabilisante pour ces professionnels que sont les travailleurs et les travailleuses de la santé, qui vaut infiniment plus qu'une espèce de matraque permanente comme celle qu'on a mise au niveau du Conseil des services essentiels, qui aura des pouvoirs analogues à ceux de la Cour supérieure, qui pourra dresser des ordonnances et appliquer des sanctions, à qui on demande d'être en même temps un médiateur et un tribunal administratif, de façon à éviter que le gouvernement et l'Assemblée nationale puissent prendre leurs reponsabilités.

Le Président (M. Lachance): En terminant, M. le député.

M. Paquette: En terminant, M. le Président, nous souhaitons faire une étude sérieuse de ce projet de loi. Nous pensons que c'est une illusion que de changer le cadre en le resserrant à ce point sans miser

sur la responsabilité et que c'est une décision qui a été largement précipitée, qui va être contreproductive et nous allons essayer de la rendre moins contreproductive.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, j'avais indiqué dès le départ que je n'avais pas de déclaration préliminaire à faire. Je serai très bref en répondant aux quelques questions qui m'ont été posées puisque, à chaque article, nous aurons l'occasion, je pense, de reprendre les principaux points qui ont été soulevés. Je dirai simplement, dans un premier temps, que je suis heureux que les députés, tant ceux de l'Opposition que les députés indépendants et mes collègues ministériels, j'en suis sûr, veulent aborder l'étude de ce projet de loi en le bonifiant. On verra, au fur et à mesure des amendements qui nous seront proposés, j'imagine. Les deux députés qui ont pris la parole juste avant moi ont indiqué de quelle façon ils pourraient bonifier ce projet de loi; on regardera ces points un par un.

Je dirai ceci, en réponse aux trois questions qui m'ont été posées par le député de Portneuf. Que s'est-il passé en novembre 1984? M. le Président, le député a sûrement lu les journaux à cette époque. Ceux-ci, si ma mémoire est bonne, ont rapporté assez fidèlement ce qui s'est passé. J'ai proposé -le député de Rosemont s'en souvient sans doute, c'est une initiative du président du Conseil du trésor au Conseil de ministres -la signature d'un accord-cadre portant sur un certain nombre de principes pour tenter de convenir d'une réforme du régime de négociation plutôt que de la légiférer. Les syndicats des secteurs public et parapublic, principalement certaines centrales, ont posé, comme préalable, une réouverture des négociations quant au contenu des conventions collectives - accords Désilets ou décrets, peu importe comment on les appellera. Quant à moi, par honnêteté, j'ai refusé - cela a été ma recommandation au Conseil des ministres, qui a été acceptée -de rouvrir des négociations sur le contenu, avant des modifications au régime de négociation puisqu'il m'apparaissait qu'on ne peut pas en même temps ouvrir des négociations et instaurer, comme mécanisme permanent, que, en cours de déroulement des négociations, on peut changer les règles du jeu. Je trouvais que ce n'était pas très honnête.

Deuxièmement, ce qu'il me semblait également évident à ce moment-là aussi, c'était que, compte tenu de l'évolution de la situation économique, budgétaire, financière et de la rémunération dans les secteurs public et parapublic, je ne pensais pas que nous avions les moyens financiers de bonifier le contenu salarial des négociations. À ce moment-là, les documents officiels de consultation - qui étaient publics, si ma mémoire est fidèle - tant par la CSN que par la CEQ auprès de ses membres, pour dégager des mandats sur des contenus, nous laissaient voir une demande qui équivalait à environ 600 000 000 $ ou 700 000 000 $ par année. Sur le plan personnel, comme comportement, si j'invite quelqu'un à ma table, c'est généralement parce que j'ai autre chose qu'un apéritif à lui offrir. Je considérais qu'inviter les centrales syndicales à rouvrir les négociations sur le contenu alors que tout nous indiquait qu'il n'y avait pas de possibilité financière, non plus que d'équité sociale, et réviser à la hausse les salaires dans les secteurs public et parapublic, cela aurait été malhonnête, en laissant croire qu'il était possible de bonifier substantiellement le contenu des conventions collectives actuelles, alors que dans les faits, quelques mois après, on aurait dû prendre la position qu'il n'y avait pas de bonification. J'ai considéré que c'était mon devoir de faire cette recommandation. C'est sur ce point que les discussions ont achoppé. Les centrales syndicales tenaient à ce qu'il y ait, en parallèle, réouverture du contenu des conventions collectives et discussion quant a des modifications éventuelles du régime de négociation. J'ai toujours indiqué - cela est vrai - que, quant aux échanges préliminaires, il y avait beaucoup de points de convergence entre la position des syndicats et celle du gouvernement sur les sujets qui devaient être traités dans une réforme du régime de négociation. Mais, malheureusement, il y a eu ce refus, une nouvelle tentative de s'entendre quant à des discussions à mener sur la réforme, puis un nouvel échec, ce qui a amené le gouvernement qui, tout en préparant cet accord-cadre éventuel avait fait des travaux en ce qui concerne ses propositions, à décider de les mettre sur la table de l'Assemblée nationale dans la forme d'un avant-projet de loi, en décembre.

La deuxième question a été posée par le député de Portneuf en ce qui concerne ma perception de la situation actuelle dans les secteurs public et parapublic. S'il fait appel à mes états d'âme, je vous dirai que, si je veux en parler une bonne fois, on pourra toujours s'installer et en causer avec n'importe qui d'autre, mais ce n'est sans doute pas le sens de sa question. Je dirai que, s'il y a frustration, actuellement, chez un grand nombre de salariés dans les secteurs public et parapublic, cela résulte du fait que nous avons un mauvais régime de négociation, qui a engendré frustration et démotivation, parce que c'est un régime de négociation théorique qui, on peut le constater, n'a pas donné des résultats satisfaisants ni pour le gouvernement, ni pour

les parlementaires, ni pour les structures syndicales, ni, non plus, pour les employés des secteurs public et parapublic.

J'ai eu l'occasion de le dire et je le répète, le plus grand défaut et le constat général qu'on peut faire à l'égard de notre régime de négociation, sous je ne sais plus combien de gouvernements et dans combien de lois spéciales que l'Assemblée nationale a adoptées, la plus grande constatation qu'on puisse faire, dis-je, c'est que ce régime n'a pas de point d'équilibre en son sein. Le point d'équilibre finit toujours par se trouver -toujours, entendons-nous - finit trop souvent par se trouver à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas sain pour notre société que l'on entretienne un régime de négociation qui conduit à une telle frustration de la part des employés des secteurs public et parapublic. Il a beau être le plus beau du monde occidental, le plus libéral au sens noble du terme, notre régime de négociation, toujours est-il que c'est à peu près ici qu'il fonctionne le moins bien. C'est ce sur quoi nous avons travaillé. Nous avons tenté de modifier le régime de négociation pour faire en sorte que les problèmes se règlent à l'intérieur du régime de négociation et non pas dans des lois spéciales répétitives qui viennent modifier les règles du jeu à la fin du processus de négociation.

Je prends l'exemple du droit de grève dans le domaine de la santé. Le député de Rosemont, je partage son point de vue - ce n'est pas un point de vue - sa constatation plutôt à savoir que de plus en plus, en ce qui concerne le droit de grève dans le domaine de la santé, on a vu que la Législature du Québec est intervenue avant même que puisse s'exercer le droit de grève. On voit bien que c'est un régime théorique et qu'il faut se pencher sur ce problème et aller au fond des choses et non pas, je dirais, en fanfaronnade facile comme le député de Portneuf le propose. Je partage le point de vue du député de Rosemont là-dessus. Dire que c'est courageux, actuellement, de proposer l'abolition pure et simple du droit de grève dans le domaine de la santé avec un "peut-être" pour substitut, je vais vous dire que je ne trouve pas cela très courageux. Je trouve que c'est plutôt démagogique. Démagogique, cela veut dire des choses, si ma mémoire est fidèle - le député de Deux-Montagnes est bien meilleur que moi en français - que le peuple aime s'entendre dire pour le strict objectif de le flatter et non pas de tenter d'apporter des solutions aux problèmes. L'approche que nous avons a été plus pratique que simplement une approche de fanfaronnade.

Alors, ma perception, c'est celle-là, M. le Président. C'est qu'une large partie - je ne dis pas qu'il n'y a que cela - de la frustration qu'entretient un trop grand nombre d'employés dans les secteurs public et parapublic provient du fait que nous avons un mauvais régime de négociation qui est théorique, qui a conduit à l'illusion, à la frustration et qui doit être modifié. C'est une des raisons, à mon avis, des problèmes qu'on peut connaître dans la fonction publique et dans les secteurs public et parapublic.

Je tiens à dire par ailleurs que je n'endosse aucunement les propos souvent très sombres que tiennent les députés libéraux à l'égard du fonctionnement des hôpitaux, des commissions scolaires, de la fonction publique. Je pense que c'est vrai qu'il y a un certain nombre de difficultés, inutile de le nier. C'est vrai que c'est compliqué de gérer un réseau public et parapublic de 360 000 employés environ; c'est vrai que cela entraîne des complications et que c'est complexe. Cependant, je pense que de façon générale le Québec peut être fier de la façon dont fonctionnent ses services publics. Qu'il s'agisse des hôpitaux, des services sociaux, des commissions scolaires, des collèges, de la fonction publique, il y a des gens compétents qui, dans un contexte budgétaire serré, offrent d'excellents services à notre population.

Troisième point en ce qui concerne l'entente possible avec la CEQ. Encore là, il n'y a pas de nouveau. Tout ce que je peux répéter au député de Portneuf, c'est que ce qui séparait le gouvernement de la CEQ c'est essentiellement deux points. D'une part, l'injection permanente de 200 postes d'enseignants de plus dans le réseau scolaire pour solutionner le problème dit du septième groupe, alors que nous savions tous qu'au niveau du comité mixte de la CEQ et du ministère de l'Éducation une série de moyens ont été conçus et développés pour éliminer le problème du septième groupe sans qu'il soit nécessaire d'injecter de nouveaux enseignants. D'une part il y avait cela et, d'autre part, il y avait le fait que la CEQ exigeait d'avoir le droit de grève au niveau local sur un certain nombre de matières, ce qui n'a pas été agréé par le Conseil des ministres.

Quatrième point en réponse au député de Rosemont. En ce qui concerne la complexité, je pense que c'est une donnée de fait. C'est un fait que cela sera toujours complexe et qu'on doit essayer effectivement de simplifier les rapports entre le gouvernement et les négociateurs syndicaux. Je pense que même si on veut simplifier on ne peut pas être simpliste non plus. Je ne dis pas que c'est ce que le député de Rosemont proposait, mais il y aura toujours la nécessité d'avoir de multiples tables, cela m'apparaît évident.

S'il y a une leçon qu'on peut tirer des vingt dernières années, c'est qu'il y a eu d'énormes avantages à la centralisation des négociations en termes d'élimination des

disparités régionales, en termes de traitement plus équitable, d'un meilleur contrôle budgétaire des masses d'argent engagées dans les services publics. L'inconvénient, l'envers de la médaille de la centralisation, c'est que les deux structures syndicale et gouvernementale se sont de plus en plus éloignées des préoccupations quotidiennes, des administrations locales et des syndicats au niveau local. On vise par le projet de loi, à cet égard, à faire en sorte que les instances locales puissent se réapproprier, dans un contexte moins conflictuel que celui qui a prévalu au cours des vingt dernières années, une partie de la négociation.

On pourra dire: On va trop loin, pas assez loin, mais s'il est une direction que l'on doit prendre, à mon avis, c'est bien celle-là, celle d'une certaine décentralisation. Les mots que j'ai toujours employés volontairement, c'est une décentralisation modeste mais réelle. C'est ce qu'on a tenté de reproduire dans le projet de loi.

M. le Président, cela étant dit, je suis prêt à entamer l'étude de l'article 1 au sujet duquel j'aurais d'ailleurs un premier amendement si vous l'appelez.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Brome-Missisquoi, vous avez la parole.

(17 heures)

M. Paradis: Avant que l'on entame l'article 1, j'aurais quelques questions à poser au ministre, qui précéderont mes remarques préliminaires et peuvent même modifier mes remarques préliminaires. Vous nous avez annoncé des amendements à la pièce. Est-ce que ces amendements sont prêts au moment où l'on se parle? Dans l'éventualité où ils seraient prêts, est-ce qu'il y aurait une possibilité de nous les déposer? J'imagine que ces amendements font suite à des représentations, etc., et cela pourrait, dans le cas de certains amendements - je fais de la spéculation - peut-être écourter nos débats ou changer notre attitude face à certains aspects de la loi. S'il y avait des amendements qui étaient proposés à l'article 87, je crois, qui fixe les pourcentages dans les hôpitaux, ou si l'approche est changée, cela change la nature de mon intervention quant à ce qui touche ce secteur. Dans un autre domaine, cela pourrait changer la nature des interventions du député de Portneuf, même des députés indépendants. Si on est pour discuter ce projet de loi à visière levée, pas en le négociant, finalement, mais en mettant sur la table ce que le gouvernement se propose d'y mettre, je pense que cela pourrait faciliter le déroulement de nos travaux.

M. Clair: Est-ce à dire que, si je répondais affirmativement à la question du député de Brome-Missisquoi, il accepterait de me remettre également une copie de tous les amendements qu'il entend proposer?

M. Paradis: Si vos amendements coïncident avec les nôtres, je ne vois pas pourquoi on ferait un dépôt double, ce qui serait inutile. On pourrait vous apporter des amendements de substance qu'on entend déposer et que les amendements que vous auriez déposés ne couvriraient pas.

M. Clair: Alors, comme je ne peux pas présumer du contenu de ses amendements, ni lui des miens, je ne vois pas pourquoi je courrais le risque de lui remettre ma série d'amendements sans qu'il ait pris au préalable l'engagement de me remettre les siens.

M. Paradis: Si vous pensez que c'est un risque de nous remettre vos amendements, si vous pensez que le fait de nous les remettre à l'avance pourrait soulever davantage de débats à la suite des commentaires que vous avez quand même entendus de la part des députés de l'Opposition et des députés indépendants en Chambre, si c'est là votre conception des amendements que vous vous apprêtez à déposer, cela peut être compliqué. Mais si vous êtes allé, dans certains de ces amendements, dans le sens des interventions que vous avez entendues dans le domaine de l'éducation, de la part du député d'Argenteuil, dans le domaine de la santé, de ma part et de la part d'autres collègues qui sont intervenus dans le contexte global, de la part du député de Portneuf, je pense que cela pourrait faire avancer le débat sainement.

M. Clair: Est-ce que je peux dire deux choses au député? La première chose, c'est que les amendements que j'ai à apporter sont, en termes de substance, à portée limitée de sorte que, si le député fait référence, par exemple, au droit de grève dans le domaine de la santé, j'annonce immédiatement que, non, il n'y aura pas d'amendements au projet de loi proposant l'abolition du droit de grève dans le domaine de la santé. C'est clair. Maintenant, la deuxième chose que je peux dire au député, c'est que je n'en ai qu'un au tout début qui est un amendement à portée très limitée, un amendement de concordance avec la loi 29 qui vient tout juste d'être adoptée, un amendement technique. Et, après cela, je n'en ai pas avant l'article 28. On pourrait commencer et je pourrais y penser. Je verrai s'il y a lieu de... Je vous dis tout de suite qu'à première vue je n'y vois pas...

M. Paradis: S'il s'agit...

M. Clair:... d'objection majeure, mais

j'aimerais avoir le temps d'y penser.

M. Paradis: Surtout s'il s'agit, M. le ministre, d'amendements de concordance...

M. Clair: Cela m'aiderait beaucoup à prendre une décision favorable, si le député de Brome-Missisquoi me donnait tous ses amendements en même temps.

M. Paradis:... et d'amendements qui changent les virgules, etc. Je pense que le fait de les avoir à l'avance ne peut pas compromettre les chances du ministre de faire avancer son projet de loi; au contraire, cela peut l'aider si c'est dans ce sens. S'il m'annonce qu'il n'y a pas d'amendement de substance en ce qui concerne, entre autres, la santé, l'éducation, le contexte global, s'il s'agit d'amendements techniques, cela va mieux de travailler avec le texte final de loi qui est proposé par le gouvernement que de travailler avec un texte qui n'est pas final et qui risque dêtre changé lorsqu'on arrive sur l'article. Là, on est obligés d'avoir des délais additionnels.

M. Pierre-J. Paradis

Dans mes remarques préliminaires, en prenant bonne note que le ministre nous donnera une réponse, j'imagine, à la reprise des travaux ce soir, j'aimerais parler de l'approche gouvernementale en ce qui a trait aux services de santé comme tels. L'approche que vous avez prise, comme gouvernement, et je vous le soumets très respectueusement, est une approche très technocratique qui, dans l'application pratique, dans chacun des établissements, n'améliorera en rien la situation qui était vécue auparavant, qui risque, au contraire, de détériorer, pour les travailleurs et travailleuses et pour les bénéficiaires, la situation qui régnait auparavant. À ce titre-là, je suis d'accord avec le député de Rosemont qui vous dit que l'approche, même si elle n'est pas aussi légale dans son cadre, même si elle n'a pas la même force d'application, l'approche syndicale de la coalition qui vous a proposé du cas par cas, établissement par établissement, même si elle n'est pas parfaite... Oui, c'est du cas par cas qu'on vous a proposé. On vous a parlé de maintenir les effectifs en place comme ils étaient maintenus par le gouvernement dans les périodes les plus creuses de l'année. Cela, c'est du cas par cas. Cette approche semble, en tout cas, plus applicable, pas satisfaisante, en ce qui nous concerne, au Parti libéral du Québec, mais supérieure à l'approche gouvernementale.

Avant de vous cimenter, si je peux utiliser cette expression, dans votre approche de dire que, dans le cas de centres hospitaliers spécifiques ou spécialisés, vous allez permettre à 10 % des travailleurs de ne pas se présenter au travail dans des conflits, des grèves, dans le cas des centres hospitaliers, à 20 % des travailleurs, dans le cas des CLSC, à 40 % des travailleurs et que, dans le cas des CSS, 45 % des travailleurs seraient autorisés à ne pas se présenter au travail, je vous recommande sérieusement de parcourir le rapport du Dr Spitzer qu'il a rendu public, il y a environ deux semaines, pour vous rendre compte, strictement sur l'île de Montréal, dans le cas de sept centres hospitaliers, combien le phénomène d'engorgement des urgences peut être différent d'un hôpital à l'autre, passant d'un hôpital où il n'y a quasiment pas d'engorgement - on le souligne rarement, mais il y en a, des hôpitaux qui ne vivent pas cette situation - jusqu'au cas extrême qui est l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Si vous appliquez le même pourcentage dans ces deux établissements, cela va être effrayant, cela va être épouvantable comme résultat! Vous allez placer les travailleurs, les travailleuses et les malades dans des situations qui sont totalement intenables, qui vont être impossibles à mener. Cette approche que vous prenez, je ne sais pas qui vous l'a conseillée. J'hésite à croire qu'elle vous a été conseillée par le ministère des Affaires sociales, bien que les ministres se sont succédé rapidement et qu'ils n'ont pas eu le temps de prendre possession complètement de leurs dossiers. Mais j'hésite à croire que c'est le ministre des Affaires sociales qui vous a proposé d'agir d'une telle façon. Vous avez encore le temps, comme ministre, d'aller voir la différence entre chacun des centres hospitaliers dans la grande région de Montréal. II y a un phénomène au centre de Montréal. Il y a un autre phénomène qui est complètement différent et qui se produit à l'est de Montréal. Vous allez retrouver un autre phénomène complètement différent au nord de Montréal. Si vous allez à Laval, vous allez retrouver un autre phénomène. Si vous sortez de l'île de Montréal ou de la grande région montréalaise, vos pourcentages appliqués dans la région de Sherbrooke, si on veut prendre cet exemple, comparativement à la région de l'Abitibi-Témiscamingue... Dans la région de Sherbrooke, il y a plus de services de santé que dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, où on est en pénurie avant même de commencer à appliquer des pourcentages. Si vous appliquez les mêmes pourcentages en Abitibi-Témiscamingue que dans la région de l'Estrie, vous allez vous retrouver dans une situation qui va être intenable et le même processus va reprendre obligatoirement. On va se retrouver à l'Assemblée nationale du Québec avec loi spéciale après loi spéciale dans le cas de débrayage.

Cette attitude que vous avez prise, cette orientation est insoutenable, cette orientation est inapplicable, M. le ministre, et je vous le dis en toute humilité, il faut vraiment ne rien connaître au fonctionnement du réseau de santé au Québec pour proposer une application uniforme en pourcentage dans toute la province de Québec, uniforme dans chacun des établissements, qui sont tellement différents les uns des autres. Cette approche m'apparaît aberrante et j'aimerais que vous me confirmiez si c'est à la demande du ministre des Affaires sociales que vous avez utilisé cette approche en cas de conflit.

L'autre point que j'aimerais toucher concerne la possibilité pour les travailleurs et travailleuses d'effectuer des pressions souvent justifiées et souvent nécessaires sur le gouvernement, quel qu'il soit, qui est en place, afin que les bénéficiaires reçoivent des soins convenables dans les établissements. La grève a été, à de rares occasions, un moyen utilisé par ces travailleurs et ces travailleuses. Les moyens de pression se raffinent. Nous avons vécu dernièrement un moyen de pression efficace, important, utilisé par un groupe de travailleurs qui a décidé, au lieu de sortir et de pénaliser le bénéficiaire, de dévoiler au grand public des anomalies, les cas de manque de ressources en termes d'équipement et en termes de personnel humain qui pénalisaient, en fin de compte, le bénéficiaire. Pour ce faire, au lieu d'aller piqueter devant l'établissement, de sortir du lieu de travail, ils ont choisi de sensibiliser l'ensemble de la population et l'ensemble des parlementaires. Cela s'est fait par la publication, par les travailleurs et les travailleuses du secteur, d'un dossier noir sur la santé qui s'intitulait "La santé est malade au Québec". C'est une nouvelle forme de moyens de pression auxquels ces gens ont recours et qui fait preuve de leur grande responsabilité et de leur conscience vis-à-vis des bénéficiaires qui se retrouvent dans les établissements.

Face à ces nouveaux moyens de pression, à cette ingéniosité dont font preuve ces travailleurs et travailleuses du secteur de la santé, vous avez un gouvernement qui nous parle de maintenir un droit de grève symbolique. On utilise toutes sortes de termes, mais il n'y a pas un parlementaire qui va dire: Je suis pour la grève dans le secteur de la santé.

De l'autre côté, lorsqu'une formation politique dit: Dans le secteur de la santé, nous sommes pour l'abolition du droit de grève, on dit: Vous êtes démagogiques. Vous avez tenté, par sémantique, d'expliquer votre raisonnement là-dessus. Il y a, dans le secteur de la santé, pas une majorité, mais une minorité importante des travailleurs et des travailleuses qui oeuvrent dans ce secteur qui sont prêts et qui sont prêtes volontairement à renoncer à ce droit de grève. Ce pourcentage va peut-être vous surprendre, M. le ministre, à moins que vous ne le connaissiez déjà. Il est supérieur au tiers des travailleurs et des travailleuses qui oeuvrent auprès des bénéficiaires; ils sont prêts et vous offrent, à vous qui êtes le responsable, de renoncer gratuitement à ce droit de grève. Si vous dites à ces gens, parce qu'ils font cette offre, finalement, parce qu'ils ont acquis cette conviction, qu'ils sont démagogues, je trouve que vous allez un peu loin dans vos remarques.

Je les remercie de leur prise de conscience. Je leur dis que cette renonciation à un droit qui a été considéré comme un droit acquis, cela ne doit pas se faire, comme dans toute négociation, par une offre d'un côté et aucune "contre-offre" de l'autre. Je déplore que vous n'ayez pas, comme gouvernement, exploré à fond cette avenue. Vous savez que, déjà, plus du tiers des travailleurs et des travailleuses en sont convaincus. Vous savez qu'il y a des moyens qui existent, qu'ils peuvent vous en proposer et que vous pouvez leur en proposer. Il y a des gens qui parlent d'arbitrage obligatoire, mais il y a de la réticence dans le milieu lorsqu'on utilise le mot "arbitrage obligatoire" depuis le fameux conflit à la Sûreté du Québec. On se dit: Ouais! l'arbitrage, c'est devenu quoi? Qu'est-ce qu'on en a fait du mot "arbitrage"? Si c'est le style d'arbitrage qu'on a connu dans le dossier de la Sûreté du Québec, je comprends le travailleur ou la travailleuse de dire: Je suis pour le moins méfiant, pour ne pas dire que je refuse.

Il y a toute la question de la clause remorque. Est-ce que vous avez déjà, comme ministre responsable, discuté avec les travailleurs et travailleuses du secteur de la santé d'une possibilité que ces gens, qui n'auraient plus le droit de grève, puissent se prévaloir d'une clause remorque avec d'autres travailleurs des secteurs public et parapublic qui conservent ce droit de grève sur le plan de la rémunération? Est-ce que vous en avez discuté avec leurs représentants? Est-ce que vous en avez discuté avec les dirigeants élus localement? Est-ce que vous avez approché au moins les 37 %, si c'est encore cela, des travailleurs qui sont prêts à renoncer à leur droit de grève pour qu'ils puissent avoir des outils pour en convaincre davantage parce que, si cela peut se faire par conviction, c'est encore beaucoup mieux que par législation, M. le ministre? (17 h 15)

À travers tout cela, on se retrouve, aujourd'hui, au Québec, en 1985, dans un système de santé où il y a des pénuries importantes sur le plan des ressources humaines qui oeuvrent dans ce secteur. Est-ce que vous avez parlé à ces gens d'une possibilité d'augmentation de ces ressources

humaines qui donnent des services aux bénéficiaires en contrepartie de cette renonciation au droit de grève? Est-ce que vous avez déposé des offres sérieuses sur la table?

À la lecture de votre projet de loi, je retrouve un gouvernement qui, après avoir coupé dans le secteur de la santé à un degré où cela fait mal, dit: En cas de conflit de travail, je suis prêt à couper davantage, 10 %, 20 %, 40 %, 45 %, selon le type d'institution, et partout dans le Québec, sans tenir compte des besoins réels de la population. D'un autre côté - j'étais ici lorsqu'ils sont venus témoigner - j'ai vu la coalition venir dire au gouvernement: On est prêt, par notre code d'éthique, à vous garantir 100 % - non 90 %, non 80 %, non 60 %, non 55 % - des services dans les périodes les plus creuses, par exemple. C'est là que cela m'inquiète.

M. Clair: Ce n'est pas vrai et tu le liras, tabarnouchel

M. Paradis: Je m'excuse, M. le Président, mais si le ministre veut la... Je pense que le ministre n'a pas lu le code...

M. de Bellefeuille: Le ministre veut la parole. Consentement.

M. Paradis:... d'éthique qui a été présenté. C'est cela qu'il a à faire. Le défi pour le gouvernement...

M. Clair: Le service direct.

M. Paradis:... pourquoi hésitez-vous à le donner? C'est parce que vous savez que vous exercez - là, ma comparaison est boiteuse mais je la fais quand même - dans des périodes importantes de l'année, du lock-out. Vous fermez des services complets: plus de 1000 lits à Montréal l'été prochain, plus de 700 litsà Québec, l'été qui s'en vient. Lorsque vous effectuez ce genre de lock-out et que les travailleurs et les travailleuses vous disent: Si vous pouvez vous permettre, comme gouvernement, de prendre la décision de priver les citoyens de services de santé auxquels ils ont droit, vous ne pouvez certainement pas nous reprocher à nous, les travailleurs et les travailleuses, dans un cas de conflit de travail, de donner 100 % de ce que vous donnez dans les périodes les plus creuses. C'est là que le bât blesse. C'est là que cela vous fait mal comme gouvernement parce que, à ce moment-là, vous êtes obligé d'admettre que vous effectuez du lock-out partiel dans les services de santé et que vous fermez des établissements et des institutions, alors que les salles d'urgence sont engorgées, alors que les listes d'attente, pour opérations électives, dans les centres hospitaliers, s'allongent de jour en jour.

Si vous autorisez, comme gouvernement, 10 %, 20 %, 40 %, 45 % des travailleurs et des travailleuses à ne pas se présenter au travail en cas de conflit de travail, j'aimerais que vous me disiez, comme ministre responsable de ce projet de loi, celui qui prend la décision, quels sont ces 10 %, ces 20 %, ces 40 %, ces 45 % qui, en 1985, après les coupures budgétaires que l'on a connues, dans ce secteur, de 1980 à 1985... Quel est cet emploi, quel est ce service aux bénéficiaires, dans le domaine de la santé, qui n'est pas un service essentiel? Si vous réussissez à les identifier et si vous réussissez à dire que dans tel centre hospitalier... Ne le faites pas dans toute la province, prenez cas par cas. Si vous le faites dans toute la province, vous allez encore commettre la même gaffe, la même erreur dramatique. Si vous réussissez à me dire: Dans les salles d'urgence, il y a trop de personnel, 10 % de moins, cela va suffire; dans les salles d'urgence il y a trop de personnel, dans tel hôpital, 20 % de moins, cela va suffire à donner des bons soins; sur les étages, il y a suffisamment d'infirmiers ou d'infirmières, il y a suffisamment d'infirmiers ou d'infirmières auxiliaires, 20 % de moins, cela va suffire, si vous êtes capable de justifier cela ici, peut-être pourriez-vous nous convaincre de vous suivre dans votre approche et dans votre calcul. Mais, lorsque vous ne réussissez même pas à nous convaincre de votre approche, comment pouvez-vous justifier votre calcul? Si vous n'êtes pas capable de justifier ni votre approche, ni votre calcul, pourquoi ne prend-on pas le temps ensemble de regarder une autre approche? Cette approche viserait à assurer en tout temps à notre population des services de santé qui sont des services essentiels, des services de santé accessibles et de qualité, tout en offrant aux travailleurs et aux travailleuses qui oeuvrent dans ce secteur, non pas une rémunération, non pas un traitement qui soit moindre que celui des autres travailleurs ou des autres travailleuses des secteurs public ou parapublic, mais quelque chose d'au moins équivalent. Peut-être que, si ces gens s'aperçoivent qu'on est prêt à leur offrir encore un peu plus pour qu'ils nous assurent des services continus, pour qu'ils renoncent justement à faire cette grève, pour qu'ils choisissent, comme ils l'ont fait dernièrement, des moyens de pression qui ne se font pas sur le dos des bénéficiaires mais qui réussissent quand même à faire bouger des choses parce que cela fait mal dans l'opinion publique et au gouvernement, peut-être qu'on aura là une avenue de solution qui nous permettra, comme législateurs, des deux côtés de la table ou des trois formations ou partis ou groupes qui sont représentés ici, d'être fiers du travail que nous allons accomplir. Mais, si on n'a pas de

justification pour l'approche et pour le calcul, cela va être un débat qui va être dur, M. le ministre.

On a l'intention de ce côté-ci de la table de vous demander de justifier, de vous faire prendre conscience et de votre approche, et de votre calcul. Merci, M. le Président.

M. Clair: M. le Président, puisque le député m'a posé des questions, s'il est aussi intéressé que cela au projet de loi, on pourrait, déjà depuis une heure et demie, avoir commencé l'étude, article par article. En fait, comme ces gens n'ont pas d'idées ils visent à tuer le temps au début de la commission, cela leur fera moins de travail. Je ne parle pas des députés indépendants, je parle du député de Brome-Missisquoi.

Je dirai que le député de Brome-Missisquoi, sans m'emporter, mais parce que je le pense vraiment, non seulement il est démagogue, mais, en plus, par les propos qu'il vient de dire, il nous démontre qu'il est suffisant. Lui a la vérité révélée! Il a fait le tour des hôpitaux, il a la solution simple, facile. En plus de cela, je dirai qu'il est incohérent, parce qu'en même temps qu'il défend un code d'éthique qui nous était proposé par les syndicats des secteurs public et parapublic, lequel nous avons accueilli avec intérêt, effectivement... On a eu des discussions avec eux, même pour avoir des dispositions dans le projet qui viennent permettre d'introduire et de reconnaître l'existence de ce code d'éthique. Finalement, l'orientation qui s'est dégagée, c'est que, comme un code d'éthique, c'est sur une base volontaire et non pas sur une base législative, il a été convenu de ne pas introduire un tel code d'éthique, de ne pas prévoir de disposition législative le reconnaissant. Quand il défend en même temps le code d'éthique qui prévoit, s'il l'a lu, 100 % des services directs et non pas 100 % des services et 100 % des services directs en fonction du fonctionnement le plus bas d'un hôpital ou d'un centre d'accueil, soit pendant la fin de semaine ou encore pendant la période d'été ou la période des fêtes, quand le député défend en même temps que cela l'abolition pure et simple du droit de grève, à mon avis - je le dis simplement et modestement comme je le pense - il est incohérent. Non seulement il parle des deux côtés de la bouche, mais il dit des choses contradictoires et sans fondement.

D'où viennent les planchers en termes de services à assurer dans les centres d'accueil, les centres hospitaliers de longue durée et toute une série qui est énumérée? Non, cela ne vient pas de génération spontanée de la tête du président du Conseil du trésor, ou de ses fonctionnaires, non plus que du ministre des Affaires sociales, cela vient des associations patronales du secteur de la santé. Si le député de Brome-Missisquoi avait suivi les travaux depuis le début du processus de révision, les associations patronales sont toutes venues, sauf une dans le secteur de la santé, se prononcer contre sa solution magique qui s'appelle l'abolition du droit de grève dans le domaine de la santé. Toutes les associations patronales se sont prononcées contre, à l'exception, si ma mémoire est fidèle, de celle des centres d'accueil privés. Les CLSC, les CSS, les hôpitaux se sont prononcés contre l'abolition du droit de grève dans le domaine de la santé, premier point.

M. Paradis: Se sont-ils prononcé contre les 80 %?

M. Clair: Au contraire, M. le Président. D'où proviennent les 90 %, 80 %, 60 % et 55 %? Cela provient de ceux qui, quotidiennement, gèrent ces établissements; cela vient des associations patronales. Je pense que, si le député acceptait d'aborder l'étude de ce projet de loi autrement que par des visions strictement partisanes, théoriques, peut-être qu'il pourrait réviser des positions qu'il prend de façon un peu trop à la légère. Ce dont on parle ici, c'est effectivement de droits fondamentaux: le droit à la vie, le droit à la santé et un autre droit important qui s'appelle le droit de grève. Je pense, M. le Président, que nous avons comme responsabilité non pas d'essayer de faire des fanfaronnades...

M. Paradis:... symbolique.

M. Clair:... et des déclarations à l'emporte-pièce, mais de tenir compte de l'avis de ceux-là mêmes qui sont impliqués dans le domaine de la santé. Quand on me dit que les représentants d'environ 860 institutions dans le domaine de la santé se prononcent contre l'abolition pure et simple du droit de grève, j'accorde une certaine importance à cela; en tout cas une importance plus grande qu'à des propos démagogiques comme ceux que tenait le député de Brome-Missisquoi tantôt. Il me semble qu'on a à en tenir compte. De la même façon, M. le Président, j'ai eu eu l'occasion de discuter à de nombreuses reprises avec les centrales syndicales et des syndicats indépendants du domaine de la santé. Je vais vous surprendre en vous disant qu'au-delà des positions de principe un grand nombre de personnes disent privément qu'elles préfèrent effectivement une approche comme celle-là plutôt que l'approche de l'abolition pure et simple du droit de grève ou encore une approche de déresponsabilisation des parlementaires laissant le droit de grève "être organisé", être géré par les lois québécoises de la même façon que lorsqu'il

s'agit d'une entreprise privée.

C'est dans ce corridor-là, qui est beaucoup plus étroit que celui que le député de Brome-Missisquoi décrivait tantôt, que nous avons tené d'élaborer une solution qui remette un équilibre entre deux droits, qui tienne compte de l'avis de ceux qui gèrent quotidiennement les services de santé, de même que de ceux qui y travaillent quotidiennement. Je pense que nous avons exploré toutes les autres avenues. On ne réinventera pas le monde, M. le Président.

M. Paradis: M. le Président, est-ce que...

M. Clair: Je n'ai pas interrompu le député de Brome-Missisquoi...

M. Paradis: Non, non. Je voulais vous demander la permission de vous poser une brève question. Vous m'avez parlé de la partie patronale, de la partie syndicale. Je ne relèverai pas ce que je crois être des inexactitudes. Je ne veux pas m'embarquer dans un débat. J'ai une petite question. Est-ce que vous m'avez parlé de l'avis des représentants des bénéficiaires?

M. Clair: Oui, nous en avons tenu compte, M. le Président. Le député de Portneuf se souvient que nous avons même tenu une sous-commission spéciale qui s'est déplacée à Montréal pour rencontrer les représentants du Comité provincial des malades - si ma mémoire est fidèle, c'est son appellation - et, effectivement, le projet de loi est essentiellement orienté pour tenir compte de l'opinion des bénéficiaires. Le député aura beau s'étouffer... Oui, il devrait s'étouffer...

M. Paradis: Vous n'avez pas reçu une lettre de Claude Brunet, dernièrement?

M. Clair: Oui, il devrait s'étouffer, M. le Président.

M. Paradis: Oui.

M. Clair: Parce que ses propos ne sont assis sur strictement rien!

M. Paradis: Voyons donc! On n'a pas le droit de dire n'importe quoi!

Le Président (M. Lachance): M. le député, monsieur le ministre a la parole.

M. Paradis: II a reçu une lettre dernièrement du Comité provincial des malades, voyons donc!

Le Président (M. Lachance): Vous aurez votre tour pour parler, plus tard.

M. Paradis: Il ne lit pas son courrier! Il ne lit pas son courrier!

Le Président (M. Lachance}: M. le député, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Clair: Ce sont ses propositions qui ne sont assises, premièrement, sur rien d'autre que des préjugés et, deuxièmement, sur des visions, sur des objectifs purement electoralistes qu'il entretient. J'aurais souhaité, encore une fois, que le député de Brome-Missisquoi puisse avoir une attitude beaucoup plus constructive que celle qu'il a présentement, plus responsable, du genre que celle que le député de Portneuf a eue tout au long de ces travaux. On peut ne pas partager le même point de vue sans être obligé de déformer les faits, de grossir ses arguments jusqu'à ce qu'ils n'aient plus aucune allure. Cela n'aide pas l'avancement du débat, non plus que l'avancement du Québec. (17 h 30)

Quant aux autres avenues, oui, on les a explorées. On a regardé l'hypothèse d'abolir le droit de grève. Je dirais même au député de Brome-Missisquoi que des syndicats, membres de la coalition, nous disent privément qu'effectivement certains d'entre eux préféreraient l'abolition pure et simple du droit de grève. Il y en a d'autres qui cependant, à l'autre extrême - chacun pourra poser son jugement sur ce que nous proposons comme moyen terme - s'opposent vivement à ce que nous proposons et considèrent qu'il appartient aux travailleurs eux-mêmes de décider quel est le niveau des services essentiels qu'on doit maintenir dans une institution. Entre ces deux positions extrêmes, nous avons tenté, M. le Président, de dégager une approche plus réaliste, plus pratique et, après avoir considéré toute une série d'autres avenues, nous avons décidé de retenir celle qui est proposée dans le projet de loi.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pierre de Bellefeuille

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais, comme notre collègue de Rosemont, vous assurer, M. le Président, de mon entière collaboration et dire que j'aborde l'étude détaillée du projet de loi 37 avec une très grande ouverture d'esprit. Je ne prétends pas posséder de solutions. Je connais mal les origines complexes de ce projet de loi qui a subi, dans le sens strict du mot, plusieurs avatars, plusieurs changements de forme avant de nous parvenir dans son état actuel. Les circonstances ne m'ont pas permis de suivre chaque aspect de cette démarche et je ne

serais pas étonné que le ministre, s'il continue comme il a commencé, ait parfois à redire à ce que j'aurai moi-même à dire, en me disant que je ne connais pas tel ou tel aspect du dossier. C'est possible, c'est possible.

Mais il s'agit de questions extrêmement importantes. Je suis sûr que nous ferions l'unanimité autour de la table sur l'idée que ce projet de loi est extrêmement important, qu'il touche des matières sensibles et délicates qui sont vitales pour beaucoup de monde à beaucoup d'égards. Notre rôle de législateurs, nous devons le remplir durant les jours ou les semaines qui viendront de façon très consciencieuse pour améliorer le projet de loi. Je préfère dire améliorer plutôt que bonifier parce que bonifier, c'est comme si on faisait de petites retouches cosmétiques, des changements de virgules ou de choix de mots. Je pense que notre rôle n'est pas seulement de bonifier la loi dans ce sens-là, mais beaucoup plus de l'améliorer. Je crains que ce ne soit pas facile de l'améliorer, à la fois parce qu'elle semble refléter un vilain esprit antisyndical de la part du gouvernement qui en est l'auteur et à la fois parce que le ministre semble se cabrer facilement. Non seulement il se cabre facilement, il a l'injure facile.

Je ne doute pas que notre collègue de Brome-Missisquoi soit capable de se défendre lui-même, alors je ne vous expliquerai pas, M. le Président, que le député de Brome-Missisquoi n'est pas un démagogue, qu'il n'est pas suffisant et qu'il n'est pas incohérent. D'ailleurs, c'est peut-être vrai à certains égards, cela peut nous arriver à nous tous. C'est déjà arrivé, j'en suis sûr, au député de Drummond de tomber dans des pièges comme cela. Mais, quand même, je fais appel au ministre de modérer son vocabulaire. Ce n'est pas gentil de se faire injurier comme cela. Ce n'est pas agréable de se faire injurier comme cela. On aimerait mieux travailler sérieusement et discuter du projet de loi plutôt que d'avoir à faire la démonstration qu'on n'est pas un démagogue, qu'on n'est pas suffisant et qu'on n'est pas incohérent.

Je voudrais faire appel au ministre aussi à propos de cette question des... Je vais revenir à la première difficulté, celle de l'esprit antisyndical qui semble animer le gouvernement. Mais, avant d'en venir à cela, je voudrais faire appel au ministre de nouveau, parce qu'il y a un de nos collègues libéraux qui l'a fait - je pense que c'est le député de Brome-Missisquoi - pour lui demander de porter à notre connaissance, dès maintenant, les amendements déjà préparés. Je crois que ce serait la preuve la plus évidente de la bonne volonté du ministre et de son esprit de collaboration s'il nous présentait ce qui est déjà préparé. Je ne vois pas quel danger le guette à nous mettre ainsi dans ce qui n'est pas vraiment une confidence. Nous aurons à prendre une décision à savoir si nous appuyerons ou non ces amendements. Alors, c'est tout simplement fonctionner normalement, puisqu'il y a des choses qui sont déjà prêtes, que de les porter à notre connaissance pour que nous ayons aussi un peu la possibilité de les étudier.

Le ministre n'est pas particulièrement dépourvu de conseillers. Je vois une belle galerie de beau monde derrière lui. Le ministre n'est pas dépourvu de conseillers. Ces conseillers lui servent sûrement à quelque chose. Nous aussi nous aimerions bien prendre conseil, nous aimerions bien réfléchir, nous aimerions bien nous faire une idée sur la valeur des amendements que le ministre va nous préparer. Le ministre craint que cela ralentisse les travaux, parce qu'il semble parfois que les ministres soient pressés quand on arrive à l'étude détaillée. Le ministre s'est abstenu de faire une déclaration initiale. C'est peut-être parce qu'il voulait que nous abordions plus vite l'article 1 du projet de loi. Je ne suis pas sûr qu'il ait atteint son but à cet égard. S'il craint qu'en nous communiquant le texte des amendements qu'il a déjà tout prêts, cela retarde le processus, je pense qu'il se trompe. Je pense que cela aurait plutôt pour effet d'accélérer le processus. On peut fort bien imaginer... Je me méfie. Je dis au ministre, lorsqu'il dit que ces amendements sont tous à portée limitée, que je me méfie des amendements à portée limitée. On en a vu dans d'autres cas, dans d'autres commissions, des amendements dont le ministre avait dit: Vous savez, cela ne touche pas à la substance de la loi. On s'est aperçu, dans certains cas, que cela avait, au contraire, une portée très considérable. J'aime mieux juger par moi-même et faire des consultations pour savoir si la portée de ces amendements, effectivement, est limitée.

Le ministre a parlé de risque s'il nous livre le texte des amendements qui sont déjà prêts. Il me semble qu'il y a un minimum de confiance qui doit régner autour de la table et que le risque, s'il y en a un, c'est le ministre qui le prend en ne nous communiquant pas le texte des amendements. À ce moment, si nous recevons un amendement que nous ne pouvons pas juger au premier regard, qu'est-ce que nous allons faire? Nous allons vouloir obtenir des avis et, pour obtenir des avis ou pour simplement y réfléchir à tête reposée ou plus longuement, qu'est-ce qu'il faut pour cela? Il faut du temps et, à ce moment, nous demanderons peut-être des suspensions, nous demanderons peut-être des suspensions de séance ou des suspensions d'articles. Si le ministre pense que les suspensions de séance et les suspensions d'articles accélèrent le processus, je pense qu'il se trompe. Au

contraire, c'est en fonctionnant en confiance, en nous livrant dès maintenant le texte des amendements qu'il a tout prêts qu'il pourrait faire sa part pour accélérer les travaux de la commission, étant donné que le comportement des représentants du gouvernement est extrêmement important quant à savoir quel sera le rythme des travaux de la commission.

Je trouve que le ministre se comporte, à certains égards, comme s'il représentait l'Opposition plutôt que le gouvernement, parce qu'il a dit qu'il serait peut-être prêt à nous communiquer le texte de ses amendements si le député de Brome-Missisquoi en faisait autant. Je regrette, M. le Président, mais, dans notre régime, qui a l'initiative? Est-ce que c'est l'Opposition ou si c'est le gouvernement?

Une voix: L'Opposition.

M. de Bellefeuille: Bien oui, alors on va en faire. Si c'est l'Opposition, on va en faire, un projet de loi. Cela va en être un autre et, à ce moment, on va demander une suspension indéfinie de séance sur le projet de loi 37, qui mourra au feuilleton. Alors, si c'est le gouvernement, comportez-vous en gouvernement. Nos amendements ne sont pas marqués de la même responsabilité quant à la conduite des affaires publiques. Ce n'est pas nous qui avons cette responsabilité. Ni les représentants du Parti libéral ni encore moins, par définition, les députés indépendants n'ont la responsabilité de conduire le char de l'État. Cette responsabilité, en ce qui concerne les travaux de cette commission, c'est le député de Drummond qui l'a. C'est à lui, il me semble, de s'en acquitter. Je lui fais donc appel pour qu'il nous livre le texte des amendements qu'il a déjà fait préparer.

Je voudrais revenir à ce que je disais à propos de l'esprit antisyndical qui semble régner dans ce gouvernement. Le député de Rosemont a parlé de manque dès 1979. Notre collègue de Rosemont a fait, comme vous vous en souviendrez, un retour sur le passé de ces questions complexes. Il a affirmé que, dès 1979, on pouvait noter un manque de confiance de la part du gouvernement envers les travailleurs. Je crois que c'est exact. Je me souviens d'avoir moi-même dénoncé certains aspects de cette attitude du gouvernement en 1982, lorsque la roue avait fait encore un bout de chemin. En 1982, bien qu'encore député ministériel, j'avais dénoncé cette mentalité qui envahissait le gouvernement. Le projet de loi 37 est l'aboutissement de ce processus selon lequel, dans les officines gouvernementales, ce qu'on a jadis appelé le préjugé favorable envers les travailleurs... Quel touchant souvenir! Cela me rappelle l'ancien député de Maisonneuve, Robert Burns, qui était crédible quand il parlait de préjugé favorable envers les travailleurs. Personne n'a jamais pu douter que Robert Burns, effectivement, était un homme sage et averti qui avait ce préjugé favorable envers les travailleurs, préjugé nécessaire quand on est à la conduite des affaires de l'État parce que les travailleurs, les choses étant ce qu'elles sont, n'ont pas le gros bout du bâton. Il faut que l'État introduise dans tous ces rapports de forces des éléments qui permettent d'établir des équilibres.

Le ministre a parlé de point d'équilibre qui se retrouve trop souvent à l'Assemblée nationale. Si cela se retrouve trop souvent à l'Assemblée nationale, c'est justement parce qu'il n'y a pas cet équilibre. Donc, il faudrait qu'on rétablisse dans les officines gouvernementales sinon un préjugé favorable envers les travailleurs, du moins un esprit véritable de justice et qu'on en banisse l'esprit antisyndical qui est si facile aujourd'hui à observer. Cet esprit antisyndical, on l'entend parfois s'exprimer sous la forme d'un certain nombre de simplifications. Les gens du gouvernement, depuis quelque temps, ont pris conscience -je leur donne raison, puisque je dis qu'ils ont pris conscience - de l'importance de la croissance économique au Québec et du rôle que doivent jouer les entreprises dans cette croissance. Ils ont eu raison de prendre conscience de cela. Ils n'en avaient pas suffisamment conscience auparavant. Ils ont eu raison d'en prendre conscience. En particulier, ils ont pris conscience du rôle de ce qu'on appelle les PME, les petites et moyennes entreprises. (17 h 45)

Mais ce qu'on peut observer, c'est que, trop souvent, les gens du gouvernement, cédant à une simplication à outrance, semblent croire que, pour faire toute la place qu'il convient aux entreprises dans le développement du Québec, il faut restreindre l'action syndicale, il faut adopter une attitude antisyndicale. Je considère, M. le Président, que cette simplification est extrêmement déplorable parce que le Québec a tout autant besoin - je l'ai signalé à l'Assemblée et à l'attention particulière du ministre dans le débat sur le principe du projet de loi - d'un syndicalisme fort et en croissance qu'il a besoin d'entreprises fortes et en croissance. L'un ne va pas sans l'autre dans une économie qui se développe de façon saine. L'esprit antisyndical qui est si répandu, malheureusement, dans l'actuel gouvernement ne peut que mener à des situations sociales pénibles et nuire au bon développement économique du Québec.

Cet esprit antisyndical va faire qu'il ne sera pas facile d'améliorer le projet de loi parce qu'il en a inspiré la plupart des aspects essentiels. On observe, par exemple, que le gouvernement a voulu adhérer à l'idée

d'une certaine décentralisation. Pour ce que j'en sais, cette idée d'une décentralisation dans le domaine des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic est une idée intéressante. À première vue, à tout le moins, je suis tout à fait favorable à cette idée de décentralisation. Mais le projet de loi propose une forme de décentralisation qui est condamnée au départ parce qu'elle crée, à l'échelle locale, des conditions dans lesquelles les travailleurs et les travailleuses syndiqués ne pourront pas être en confiance parce que le rapport de forces les défavorisera fatalement. Comme le rapport de forces défavorisera fatalement la partie syndicale, elle va éviter, autant que possible, d'avoir à accepter des décisions prises au palier local. Donc, on va en revenir à une situation où il va y avoir un engorgement à des tables centrales et on se retrouvera avec le même régime. On aura peut-être adopté une loi, mais on n'aura pas vraiment modifié les aspects les plus déplorables du régime actuel.

Par ailleurs, M. le Président, je me demande si cet esprit antisyndical n'a pas aussi poussé le gouvernement à écarter trop rapidement le projet de code d'éthique, projet impressionnant, projet développé avec soin, projet résultant d'un très grand effort de la part des syndicats représentant les travailleurs et les travailleuses. J'ai l'impression que ce projet a été écarté du revers de la main par le gouvernement, que ce projet n'a pas été étudié convenablement, ni par le gouvernement, ni par le Parlement.

En conséquence, je veux présenter une motion pour que cette commission, en vertu de l'article 150 des règles de procédure, confie à une sous-commission la tâche d'étudier le code d'éthique qui a été proposé par la partie syndicale. Merci, M. le Président.

M. Laplante: M. le Président, au sujet de la recevabilité...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Bourassa.

M. Laplante:... je pense que je n'aurai pas à essayer de vous convaincre très longtemps que le mandat qu'on a actuellement est d'étudier le projet de loi article par article. Il ne fait aucunement partie du mandat de la commission d'étudier autre chose, actuellement, que les articles du projet de loi. On a siégé en commission, on a reçu les groupes, on a fait tout ce qu'il y avait à faire jusqu'à aujourd'hui. C'est pourquoi on a le mandat de venir adopter les articles en commission, de les amender, de les rejeter, en fait, de faire tout ce que Ies parlementaires jugeront bon de faire à leur sujet.

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Sur la motion?

M. Paquette: Sur la recevabilité... Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Paquette:... parce que le député vient d'intervenir sur la recevabilité.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député.

M. Paquette: L'article qu'a cité mon collègue est très clair. IL ne s'agit pas de modifier le mandat de cette commission. Le mandat de cette commission est bien clair, c'est l'étude article par article du projet de loi. Cependant, notre règlement permet à une commission de constituer une sous-commission dont elle désigne les membres pour étudier des questions qui intéressent son mandat général. Je vous signale en plus, M. le Président, qu'au sujet de la création d'une telle sous-commission, dans la proposition de mon collègue de Deux-Montagnes, il n'y a pas de délai, il n'y a pas de limite. On pourra parler du contenu de la motion si vous la recevez. Il s'agit de faire siéger une sous-commission sur une question qui, en plus, n'a pas été vraiment débattue à cette Assemblée. Quand les centrales syndicales sont venues présenter leurs propositions, M. le Président, j'étais là. J'ai écouté très attentivement. Elles ont fait leur plaidoyer et, en quelques minutes, le ministre et la majorité ministérielle ont dit: Cela est insuffisant, ce n'est pas une solution et on met cela de côté. Il n'y a pas eu d'étude. Il y a eu, en quelque sorte, certaines manifestations d'intérêt, mais un rejet. On les a renvoyées à leurs oignons.

Nous pensons, au contraire, qu'il y a là une piste extrêmement intéressante qu'il serait important d'approfondir. Je pense qu'encore une fois, sur la recevabilité, cela ne contrevient aucunement au mandat que l'Assemblée nationale a confié à cette commission. Cette commission peut continuer l'étude article par article, mais je pense que cette sous-commission, si elle siégeait rapidement, pourrait nous éclairer, particulièrement sur les sections qui suivent. On reviendra sur le contenu. Je pense qu'elle est tout à fait recevable et qu'on devrait débattre de cette proposition de mon collègue de Deux-Montagnes.

Le Président (M. Lachance): Sur la recevabilité, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, il m'apparaît que la motion du député de Deux-Montagnes relève de l'esprit d'un

mandat d'initiative. La commission pourrait très bien, par les bons services du président et du vice-président de la commission, convoquer une séance de travail pour que nous nous penchions sur l'idée de nous donner un mandat d'initiative de ce type, ce qui, en fait, est l'objet de la motion du député de Deux-Montagnes. Ce n'est pas ce qui devrait être débattu actuellement à la commission. Ce que l'on doit faire comme travail, c'est l'étude article par article du projet de loi 37. Je ne verrais pas d'objection à ce qu'on se réunisse en séance de travail dans les prochains jours, où on se poserait cette question, la question qui est posée dans cette motion, mais pour le moment, M. le Président, ce n'est vraiment pas... C'est ce que j'appelerais un revirement de mandat par rapport à ce qui nous a été demandé par l'Assemblée nationale.

M. de Bellefeuille: M. le Président, sur la recevabilité, il me semble que le député de Châteauguay nous induit en erreur, involontairement, sûrement, parce que l'article 150 n'est pas du tout limité à des mandats d'initiative. Au contraire, M. le Président, on lit à l'article 150: "Sur motion d'un de ses membres, une commission peut faire exécuter un mandat qu'elle a reçu ou qu'elle s'est elle-même donné par une sous-commission composée de certains de ses membres. " Alors, c'est un mandat qu'elle a reçu. L'ordre de l'Assemblée nationale, c'est le mandat qu'elle a reçu. C'est parfaitement conforme.

Le Président (M. Lachance): Quand vous faites allusion à l'article 150 de nos règles de procédure, vous faites référence à un mandat que la commission, du budget et de l'administration a reçu du leader et qui se lit comme suit, j'ai ici une copie des épreuves: "De 15 heures à 18 heures et, également aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, la commission du budget et de l'administration entreprendra l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. " Or, il m'apparaît que la motion qu'a présentée le député de Deux-Montagnes confierait à la sous-commission une mission différente de celle qui lui a été confiée par l'Assemblée. Par conséquent, je rejette la motion du député de Deux-Montagnes, puisqu'il y aurait une orientation différente de celle qui a été donnée.

M. de Bellefeuille: M. le Président, vous voulez sûrement dire que vous la déclarez irrecevable?

Le Président (M. Lachance): Irrecevable. M. de Bellefeuille: Ah bon!

Le Président (M. Lachance): Vous avez raison.

M. de Bellefeuille: M. le Président, pourriez-vous nous donner une suspension de 30 secondes, s'il vous plaît?

Le Président (M. Lachance): La suspension...

M. Clair: M. le Président, j'indique simplement que, du côté ministériel, nous sommes toujours disposés à entreprendre l'étude de l'article 1 du projet de loi.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Brome-Missisquoi, la question de la recevabilité de la motion est réglée.

M. Paradis: Oui, c'est réglé, cela va, ce n'est pas à ce sujet. Il me restait une minute et demie.

Le Président (M. Lachance): II vous restait effectivement 90 secondes sur ce qu'on peut appeler des déclarations préliminaires.

M. Paradis: M. le Président, j'aimerais les faire très rapidement en une minute et demie. Tantôt, le ministre s'est emporté - il avait peut-être oublié les interventions des intervenants - lorsqu'il a dit qu'il s'appuyait sur la partie patronale pour fixer ses pourcentages. J'aimerais simplement que, durant son heure de souper, il vérifie ce qu'a dit l'Association des hôpitaux du Québec.

Vous allez le retrouver au ruban R-930-B-CBA du 15 mai 1985. Je vous le cite très brièvement. C'est le directeur général, M. Nadeau, qui parle: "À notre point de vue, il devrait y avoir 100 % des effectifs. C'est ce que nous avions dit. Si jamais vous décidez que ce n'est pas 100 % des effectifs et que vous allez dans le sens de ce que vous présentez là, je n'ai pas besoin de vous justifier cela, je pense que, lors de l'avant-projet de loi, on vous a dit pourquoi la grève ne devrait pas s'exercer dans les services de santé. " Avant de faire les commentaires qu'il a faits, le ministre aurait peut-être dû écouter attentivement. Cela concerne l'AHQ.

En ce qui concerne les bénéficiaires, vous avez reçu une lettre, publiée dans la Presse le 23 mai 1985, de Claude Brunet, du Comité provincial des malades. Cette lettre s'adressait à vous personnellement, M. le ministre, et elle traitait de deux sujets: le retrait total du droit de grève dans le secteur de la santé et l'inclusion dans la loi de mesures dissuasives qui s'appliqueraient automatiquement en cas de violation de la loi.

Voilà la position des bénéficiaires. Je vous ai donné la position d'un représentant très important sur le plan patronal et, en ce

qui concerne les syndicats, vous avez eu la présentation d'un code d'éthique qui, lui aussi, parlait de 100 % des services directs -vous aviez raison d'ajouter le mot "directs" -des services donnés par le gouvernement dans les périodes peut-être les plus creuses de l'année, mais c'était quand même là une avenue intéressante. Ce que j'ai voulu vous dire comme message, c'est que, lorsque tout le monde parle de 100 %, il y a peut-être là une avenue intéressante à explorer. Ce n'est pas venu de la tête ou de l'imagination du député de Brome-Missisquoi. C'est venu de témoignages de la partie patronale, de témoignages de la partie syndicale et de témoignages des bénéficiaires.

Lorsqu'on rejette ces trois témoignages du revers de la main et qu'on adresse au député qui les rapporte en commission parlementaire toutes sortes de quolibets, cela peut avoir un effet de boomerang et je ne souhaite pas engager le débat sur ce ton. Je vous demanderais simplement de ne pas prendre ce que vous avez pensé dans votre cabinet, dans votre bureau ou...

Le Président (M. Lachance): En terminant, M. le député.

M. Paradis:... ce que vous ont livré vos technocrates pour des choses qui vous ont été dites soit par la partie syndicale, soit par la partie patronale, soit par les bénéficiaires, parce que cela a été écrit, c'est transcrit et cela peut se retourner contre vous.

M. Clair: M. le Président, je voudrais simplement indiquer au député de Brome-Missisquoi, s'il veut aller au fond de cette question, qu'il aurait avantage à lire les multiples mémoires, entre autres de l'AHQ, et non pas se contenter - en parlant de technocrates...

M. Paradis: Bon, cela va, c'est bien...

M. Clair:... d'une citation d'un extrait très bref d'une déclaration de M. Nadeau. Il aurait avantage à lire tous les mémoires soumis par l'AHQ sur cette question...

M. Paradis: Je les ai tous lus...

M. Clair:... de même que l'ensemble du débat qui a eu lieu en commission parlementaire.

M. Paradis:... et j'étais là.

Le Président (M. Lachance): La partie qu'on appelle habituellement déclarations préliminaires est maintenant terminée. Lorsque nous...

M. Ryan: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Je pense que la présidence a quand même été assez large et très tolérante, puisque beaucoup de députés sont intervenus au départ. Je pense, M. le député d'Argenteuil, qu'il vous sera possible, quand on aura appelé l'article 1, de passer votre message.

La commission du budget et de l'administration suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures) (Reprise à 20 h 16)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux avec le mandat de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, j'ai dû m'absenter quelques minutes avant 18 heures et, malheureusement, je suis arrivé quelques minutes en retard; je m'en excuse auprès de mes collègues. Je me suis rendu faire une émission d'affaires publiques, ici à Québec. J'ai, d'ailleurs, une invitation à formuler au ministre délégué à l'Administration, M. le député de Drummond, afin de participer à la même émission où on a eu l'occasion de traiter du projet de loi 37 et de son application. Alors, vous recevrez, M. le ministre, une invitation d'ici à quelques jours de M. Bédard, qui est l'animateur de cette émission dont le titre est "Réaction".

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf, lors de la suspension des travaux, j'avais indiqué aux députés de chaque côté, y compris aux députés indépendants, que la période consacrée aux déclarations préliminaires avait été suffisamment longue pour nous permettre de passer à l'article 1.

Questions préliminaires

M. Pagé: M. le Président, je suis pleinement d'accord avec vous que le temps des déclarations préliminaires peut être épuisé, mais je suis persuadé que le temps des questions préliminaires n'est pas épuisé. C'est, d'ailleurs, pourquoi j'ai l'intention, comme on le fait d'habitude, une fois que les déclarations sont formulées, de poser des questions d'ordre général ou des questions précises en regard de dispositions du projet de loi, avant même qu'on y touche article par article. Un des premiers volets que je voulais voir avec le ministre, c'était tout l'aspect des services de santé maintenus dans le cas d'un conflit.

M. Clair: Je m'excuse d'interrompre le député. C'est tout simplement un renseignement. Je fais distribuer présentement une bonne petite partie des amendements que nous avons l'intention de proposer. J'indique, cependant, qu'il est possible que certains amendements soient encore légèrement modifiés et que quelques autres soient ajoutés, mais, en gros, c'est une bonne partie des amendements que l'on proposera.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.

M. Pagé: M. le Président, j'avais l'intention de vous proposer qu'on puisse passer quelques minutes encore à formuler des questions au ministre en regard d'aspects majeurs du projet de loi de façon que, lorsqu'on arrivera à l'étude de l'article auquel on se référera, cela puisse aller plus vite.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, est-ce que cela vous convient?

M. Clair: II n'y a pas de problème.

Le Président (M. Lachance): Allons-y, M. le député.

Maintien des services essentiels

M. Pagé: Merci, M. le Président. Dans le domaine des affaires sociales, le gouvernement propose, par le projet de loi 37, que les travailleurs puissent encore recourir à des moyens de pression, qu'on dit symboliques au gouvernement; à plusieurs reprises, a cette commission, les représentants du gouvernement, les députés de la majorité ont claironné, si je peux utiliser le terme, qu'à l'avenir les grèves dans le secteur de la santé ne seraient plus tolérées et que la grève devait être symbolique seulement.

Mon collègue de Brome-Missisquoi a eu l'occasion d'aborder, cet après-midi, cet aspect du droit de recourir à la grève, des dispositions du projet de loi prévoyant qu'un certain nombre de travailleurs seraient maintenus selon le type d'établissement. J'aimerais entendre le ministre parce que ni en deuxième lecture, ni en commission parlementaire, jusqu'à maintenant, on n'a eu l'occasion de le faire.

Dans le vécu concret par établissement, de façon à éviter plusieurs questions lorsqu'on arrivera à ces articles, est-ce que le ministre pourrait profiter du début des travaux pour nous indiquer, bien concrètement, comment tout cela va fonctionner? Vous savez, c'est facile d'établir un quantum à 90 % dans le cas d'un hôpital pour malades chroniques et à 55 % dans le cas des centres de services sociaux. Des questions ont été posées par nos intervenants, ceux qui ont comparu ici, qui se demandaient: Est-ce que l'établissement sera traité en entier, en fonction de son orientation, des services qu'il donne? Est-ce que ce sont certains services qui pourront être régis de façon différente à l'intérieur de l'établissement ou si c'est l'ensemble de l'institution qui sera considéré comme faisant partie de telle catégorie? J'aimerais que le ministre nous informe sur la façon dont tout cela sera défini, dont tout cela sera établi.

Je comprends que le Conseil des services essentiels aura un rôle important à jouer. Il aura à jouer le râle de marteau automatique pour intervenir, apprécier, enquêter, juger, décider et pénaliser. Est-ce que ce sera seulement le conseil qui sera habilité à vérifier et à surveiller l'application de telles dispositions? Pour nous, autant que pour les représentants syndicaux, ces dispositions seront inapplicables dans certains types d'établissements, dans certains départements. Finalement, on est porté à croire qu'il faudra probablement autant de policiers que de travailleurs pour surveiller l'application de ces dispositions. En fin de compte, la grève ne sera pas que symbolique; elle sera - c'est un autre aspect de la question - assurément coûteuse aux prestataires et aux bénéficiaires de cesservices.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Pagé: Comment cela va-t-il fonctionner?

M. Clair: Assez simplement, de la façon suivante, M. le Président: d'abord, en ce qui concerne les niveaux de services à maintenir, c'est un niveau de services par quart de travail des salariés habituellement affectés à telle ou telle activité; d'autre part, vu qu'on ne peut pas parler de 100 % des effectifs - en effet, qu'est-ce que cela veut dire, 100 % des effectifs en tout temps, quand on sait que cela peut varier d'un établissement à l'autre? - le fonctionnement normal des unités d'urgence et des unités de soins intensifs devra être assuré en tout temps.

La façon dont cela va fonctionner, c'est, en gros, de la manière suivante: il va y avoir négociation d'une entente. S'il n'y a pas entente au niveau local, il y a dépôt d'une liste syndicale au Conseil des services essentiels et celui-ci doit l'évaluer à la lumière des planchers qui sont prévus. L'article 87, qui modifie l'article 111. 10 du Code du travail, dit bien: "Lors d'une grève dans un établissement, le pourcentage de salariés à maintenir par quart de travail parmi les salariés qui seraient habituellement

en fonction lors de cette période est d'au moins... " et là, il y a une variété de pourcentages de services. Qu'il y ait liste syndicale ou qu'il n'y en ait pas, le Conseil des services essentiels doit tenir compte de ces critères comme minimums et il peut, tenant compte des circonstances, aller au-delà de ces minimums, s'il juge que la situation le justifie. Les mots exacts, je ne pourrais pas les citer avant d'arriver à l'article, il faudrait que je retrouve l'article qui prévoit cela, mais le Conseil des services essentiels aurait le pouvoir d'aller au-delà, compte tenu d'une situation d'urgence donnée ou d'éléments de sécurité ou de protection de la santé qui ne seraient pas pris en compte par les planchers tels qu'indiqués. C'est comme cela que cela va fonctionner, en résumé.

M. Pagé: Vous indiquez que, dans les hôpitaux qui dispensent des services de centres d'accueil ou des soins de longue durée, ce sera 90 % des travailleurs qui devront être disponibles pour travailler. Comment sera considéré le centre hospitalier de Québec ou de Montréal, qui a très probablement 20 % de ses lits affectés à des malades de longue durée, le reste des bénéficiaires étant là pour recevoir des soins dits aigus? Dans certains cas, peut-être 15 % ou 20 % de3 bénéficiaires reçoivent des soins spécialisés. Est-ce qu'ils seront soumis à 111. 10, 1° ou à 111. 10, 2°?

M. Clair: L'immense majorité de ce qu'on appelle communément les hôpitaux, que ce soit de courte ou de longue durée, se retrouvent dans les 90 % puisqu'on dit bien, à l'article 111. 10, 1° que c'est "90 % dans un établissement qui dispense les services d'un centre d'accueil - cela couvre tous les cas où un établissement dispense les services d'un centre d'accueil - ou des soins de longue durée - ce qu'on appelle souvent les CHSP, les centres hospitaliers de longue durée - un établissement spécialisé en psychiatrie, en neurologie ou en cardiologie et un centre hospitalier doté d'un département clinique de psychiatrie ou d'un département de santé communautaire. " Les 90 % s'appliquent non seulement aux départements ou aux secteurs visés, mais à tout l'établissement.

M. Pagé: Alors, le syndicat sera appelé à déposer sa liste au conseil. Le conseil aura à juger et à apprécier si la liste répond aux dispositions de la loi. En cours de conflit, le conseil a le pouvoir d'intervenir. Il faudra combien de gens au conseil pour faire acte de police et contrôler l'application de ces dispositions?

M. Clair: Je pense que, par rapport à la loi telle qu'elle existe actuellement, on vient faciliter la tâche du Conseil des services essentiels puisqu'avec les normes prévues par la loi cela devient beaucoup plus facile pour le conseil de juger de l'appréciation de la liste qui est fournie eu égard aux critères qui sont prévus dans la loi. Maintenant, vous dire combien de personnes devront surveiller l'application de la loi! C'est certain que, quelle que soit la solution retenue, le député de Portneuf préconise, de son côté, l'abolition pure et simple du droit de grève. Il a toujours reconnu la possibilité de l'existence de grèves illégales. À ce moment-là, le problème demeure le même. Combien cela en prendrait-il pour surveiller l'application de services essentiels ou le redémarrage de services dans le cas de grèves illégales? C'est un problème auquel on fait face dans toutes les hypothèses. Il n'y a pas une hypothèse où ce problème peut être exclu complètement.

M. Pagé: On peut prendre une demi-heure, si on veut, pour parler des grèves illégales dans le secteur de la santé et on pourrait facilement passer plusieurs minutes sur le dossier de la grève générale illégale et illimitée qui a duré trop longtemps à Saint-Ferdinand d'Halifax. Mais je ne crois pas que le ministre souhaite qu'on en traite aujourd'hui, compte tenu du précédent qui a été créé par le règlement de ce conflit, compte tenu de la position qu'a adoptée le gouvernement dans ce conflit, compte tenu, finalement, du traitement qui a été fait par le gouvernement ou du peu de considération qu'a accordée le gouvernement à ceux qui ont la charge d'administrer un tel centre hospitalier.

Cependant, ma question a pour objectif de voir le fonctionnement. Comment tout cela sera-t-il articulé? C'est beau de dire ici à l'Assemblée et au public que la grève ne sera que symbolique et de croire que les représentants patronaux sont d'accord. Les représentants de l'Association des hôpitaux du Québec disaient - c'était clairement exprimé dans leurs commentaires il y a quelques semaines - que, pour eux, il fallait maintenir 100 % des travailleurs affectés dans le monde de la santé pour que la grève demeure purement et simplement symbolique. Il est explicable et normal qu'on ait des réserves, qu'on se questionne, parce qu'on ne croit pas que cela puisse être applicable.

J'aimerais bien savoir ce que le législateur entend dire par le texte qu'il nous propose, quand il dit: "Lors d'une grève dans un établissement, le pourcentage de salariés à maintenir par quart de travail parmi les salariés qui seraient habituellement en fonction... " Est-ce que cela implique une ventilation par département, dans votre esprit? On sait que, souvent, ceux qui ont à appliquer les lois doivent rechercher

l'intention du législateur. Le législateur n'étant pas supposé parler pour ne rien dire, qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que, dans un établissement où on a quelques centaines, 200 employés, par exemple, la ventilation des 180 employés qui devront être maintenus en service se fera par département? Comment cela va-t-il se faire? Comment cela sera-t-il articulé? (20 h 30)

M. Clair: C'est ce que j'ai indiqué, M. le Président. La norme vaut pour l'ensemble de l'établissement. Maintenant, je peux indiquer que le Conseil des services essentiels fonctionne déjà. Il a eu à se pencher sur je ne sais plus trop combien de centaines de cas dans le domaine du transport, dans le domaine des services publics autres que ceux qui sont visés au niveau des services de santé. Il y a actuellement huit membres, quatre enquêteurs. Dans tous les cas, les décisions du Conseil des services essentiels, sauf erreur, ont été respectées et, si ma mémoire est fidèle, le ministre du Travail citait des statistiques l'autre jour: il n'a pas fallu une armée. Maintenant, on prévoit également dans le projet de loi la possibilité de nommer des personnes ad hoc et cela ne nécessitera donc pas l'ajout de centaines d'effectifs au niveau du Conseil des services essentiels. C'est sûr que, si on n'a pas confiance dans le mécanisme, on peut penser que cela va prendre une armée pour le faire respecter.

De notre côté, avec l'expérience vécue du Conseil des services essentiels, nous avons pleinement confiance que ces mécanismes donneront des résultats satisfaisants pour les deux parties et qu'en conséquence on n'aura pas besoin d'embaucher 800 personnes pour surveiller chacun des 800 établissements du réseau des affaires sociales. Je rappelle qu'il y a la soupape, la possibilité qu'il y ait une personne ad hoc qui soit nommée.

M. Pagé: Comment le gouvernement réagit-il face à ce qui nous a été dit? Je pense que tout le monde convient que, dans le domaine des affaires sociales, les conflits n'ont jamais duré longtemps parce qu'aussitôt qu'une grève se pointait, tous les efforts étaient déployés pour tenter de la régler dans les meilleurs délais. Aussi, le législateur a eu à intervenir régulièrement. C'est ce qui me faisait dire, en commission, que le droit de grève dans le secteur de la santé était pratiquement devenu illusoire, même artificiel, parce qu'aussitôt qu'il était utilisé, les gouvernements, quels qu'ils soient, s'empressaient de convier le Parlement à l'exercice législatif d'une loi spéciale.

Ce que nous soutenons et la conclusion à laquelle on en vient, c'est de l'abolir plutôt que de maintenir un droit artificiel comme celui-là, un droit qui, dès le moment où il est exercé, fait en sorte que le degré d'énervement très facilement palpable est ressenti chez les élus - et c'est explicable comme suite des pressions qui sont faites -et que le gouvernement intervient par voie législative.

Vous remplacez le droit de grève par cette mécanique nouvelle, mais il y a un élément qui est présent dans le débat et qui n'apparaît pas ici dans le projet de loi. On sait que, dans le passé, ce qui faisait souventefois plus mal - c'est une question d'appréciation - que la grève elle-même, c'était la grève appréhendée. Là, il y a un chiffre noir que personne ne peut quantifier, mais quel en a été l'effet pour notre société, pour des dizaines, des centaines ou des milliers de bénéficiaires qui auraient été normalement en droit de recevoir une prestation de santé, qui n'ont pas pu la recevoir parce que la grève était appréhendée, ce qui entraînait auprès des administrateurs d'hôpitaux et d'établissements une modification des services? On a vu cela souvent, des gens qui devaient recevoir une prestation médicale et qui ne pouvaient être admis. Leur admission à l'établissement était retardée parce qu'il y avait un conflit qui s'en venait. Combien de fois a-t-on vu, et cela était régulier, quand l'affrontement était sur le point d'aboutir en conflit, que des gens sortaient de l'établissement hospitalier, recevaient leur congé beaucoup plus rapidement qu'ils ne l'auraient normalement reçu? Cela a un effet chez la personne, chez le citoyen ou la citoyenne qui est en droit de recevoir une qualité et une quantité de services donnés.

Vous me direz: Ce n'est pas quantifiable. C'est vrai que cela n'est pas quantifiable. Certains articles de journaux soutenaient que le retard occasionné par de tels conflits appréhendés avait même enlevé la vie à des personnes qui devaient subir des interventions chirurgicales importantes; on pense, entre autres, à la cardiologie. Je suis d'accord avec vous qu'il y a un chiffre qu'on ne peut pas quantifier, ce n'est pas palpable. Qu'allez-vous faire comme gouvernement en cas de conflit appréhendé, ne serait-ce qu'avec des effectifs réduits à 10 %, dans certains cas, 20 %, 25 %, entre 90 % et 55 %? Quels sont les gestes que le gouvernement entend poser pour pallier cet écueil que la qualité et la quantité des services soient réduites, strictement parce que la grève non pas est déclenchée, mais s'en vient?

M. Clair: Essentiellement, M. le Président, en faisant obligation par le projet de loi à la direction d'un établissement de santé de maintenir, malgré une grève appréhendée, le niveau de services habituel, pour tenter, justement, de faire obstacle à cette psychose de la grève appréhendée.

Étant donné le très haut niveau de services essentiels imposé par l'effet de la loi, nous considérons qu'il est normal de faire obligation, dans le cas d'une grève appréhendée, aux directions des établissements de santé de maintenir le niveau habituel de services.

M. Pagé: Cela veut dire que, dès le moment où la grève sera déclenchée, le nombre de personnes hospitalisées ne devrait pas être modifié. Est-ce ce que vous voulez dire?

M. Clair: Cela veut dire qu'avec des taux de 90 %, notamment, pour ces établissements nous pensons que les établissements pourront fonctionner presque à la normale, sinon à la normale, compte tenu de la possibilité pour l'établissement de recourir aux cadres et de tenter de gérer avec des effectifs réduits, oui, mais qui ne viennent pas interrompre la continuité des soins et des services de santé.

C'est l'objectif et, dans ce sens, on pense qu'on est légitimé, avec un aussi haut niveau de services essentiels obligatoires par l'effet de la loi, de faire obligation aux administrations des hôpitaux de maintenir les services habituels malgré la grève appréhendée. À 90 % des effectifs - on l'a dit honnêtement - c'est sûr que la grève ne peut être que symbolique. Elle demeure très dérangeante puisque personne ne considère que les hôpitaux sont suréquipés en termes d'effectifs. En tout cas, personne n'a déclaré cela à ce jour. C'est sûr que cela crée une pression sur l'employeur, mais cela ne vient pas interrompre les services.

M. Pagé: Vous avez indiqué qu'il n'y a pas de surplus de personnel. C'est d'autant plus vrai qu'à la suite des restrictions budgétaires cela s'est ressenti dans les réseaux de la santé. L'augmentation de la tâche est devenue très visible dans plusieurs établissements de santé, dans plusieurs départements. Ce qu'on analyse tous les deux et tous ensemble ce soir, c'est beau. C'est toujours facile lorsqu'on est ici. Lorsqu'on est sur le terrain, cependant, c'est pas mal différent. Qu'on prenne un cas. Par exemple, dans la région de Québec, il y a un centre pour grands brûlés, à l'hôpital du Saint-Sacrement. Une dizaine de personnes sont continuellement à ce département. Le ministre des Affaires sociales ou le président du Conseil du trésor devrait se rendre visiter un tel centre. C'est 24 heures par jour de travail soutenu, constant, continuel et à un niveau où on n'a pas le temps de prendre de "break" à certaines occasions.

Imaginez-vous l'effet qu'aura - parce qu'il manque déjà de personnel dans des centres et des services comme ceux-là; les gens doivent faire plus et même beaucoup plus maintenant, à certains égards, dans certains centres spécialisés comme ceux-là -la coupure de 10 % du personnel si, par surcroît, l'établissement n'a pas le droit de réduire le nombre de personnes admises! Par exemple, dans un cas comme celui auquel je me réfère, le centre pour grands brûlés, c'est évident que la personne n'attendra pas chez elle ou à la porte, et je ne prétends pas que quiconque pourrait la faire attendre. Il est très probable que, dans le cas d'un conflit, une personne qui devait demeurer dans l'établissement ou dans le centre encore trois semaines, quinze jours ou un mois, reçoive son congé beaucoup plus rapidement.

Essentiellement, même si on est en désaccord avec la mesure proposée, nous croyons qu'elle se serait peut-être expliquée ou justifiée à certains égards si, au moins, le législateur s'était donné les moyens, dans le libellé de la loi, pour que les points que j'évoque, les écueils que j'évoque ne se réalisent pas. Dites-vous bien, M. le ministre, que c'est toujours beau ici, c'est toujours facile, mais quand on arrive sur le terrain, c'est parfois moins drôle.

M. Clair: M. le Président, on est conscient de cela. Je pourrai répondre quand on entrera dans l'étude des articles 82 et suivants. Si le député veut décomposer la mécanique de fonctionnement du Conseil des services essentiels et du niveau de services à rendre par un hôpital, le cas de la grève appréhendée, le fonctionnement des services, à ce moment, on pourra entrer dans le détail. Les réponses aux questions du député de Portneuf s'y trouvent toutes, je l'espère. Si le député nous fait découvrir des choses qu'on aurait oubliées, on n'a pas d'objection à les regarder.

M. Pagé: C'est bien, j'aime votre approche. C'est beaucoup plus constructif que de taxer mon collègue de Brome-Missisquoi d'irresponsable et de démagogue, ce qui n'est pas du tout le cas, M. le Président.

M. Clair: M. le Président, on ne reprendra pas ce débat. Tout ce que je peux dire, c'est que je suis bien heureux que le député de Portneuf soit là plutôt que...

M. Pagé: Ce n'est pas correct. Je vais m'interroger moi-même si vous continuez.

M. Clair: Ce que j'indiquais simplement au député, c'est que les réponses se trouvent dans les articles 85 et suivants.

M. Pagé: Mais pas toutes.

M. Clair: On aura l'occasion de prendre toutes et chacune de ces questions à ce moment.

M. Pagé: D'accord.

M. Clair: S'il y a des oublis qui ont été faits ou s'il y a des souplesses qu'on peut ajouter, on l'examinera à ce moment.

M. Pagé: M. le Président, une autre question qui est d'ordre général. Supposons que le projet de loi est adopté par une majorité de députés, même si la majorité du groupe ministériel est mince actuellement malgré les pressions qui se font nombreuses auprès non seulement du ministre et du gouvernement, mais auprès des députés, je présume, individuellement aussi pour les sensibiliser aux écueils contenus dans ce projet de loi. Supposons, malgré tout cela, qu'il est adopté, qu'il est sanctionné, évidemment, dans les heures qui suivent pour que personne ne change d'idée et pour être certain que cela passe. Tout le monde va célébrer chez l'honorable représentant de Sa Majesté et les mesures qui sont là s'appliqueront au mois d'août prochain parce que les négociations doivent s'amorcer le 4 ou 5 août, si ma mémoire est fidèle, selon ce qui a été évoqué.

Institut de recherche sur la rémunération

L'Institut de recherche sur la rémunération, les intentions du gouvernement sont de procéder à sa composition dans quel délai? On a une ronde qui s'en vient et chacune est toujours aussi délicate que la précédente. Pourriez-vous nous indiquer vos intentions en termes de composition, de mandat, de réalisation du mandat? À quel moment croyez-vous que l'institut pourra remplir son obligation principale, c'est-à-dire fournir une lecture ou faire rapport sur la situation factuelle ou le constat qu'il a fait des degrés de comparabilité des emplois dans les secteurs public et parapublic par rapport au secteur privé? Essentiellement, le but de ma démarche et de ma question, c'est que le ministre devrait profiter de cette ouverture pour nous donner la lecture la plus précise et la plus exacte que lui fait. Comme proposeur, comment perçoit-il, dans les jours, les semaines et les mois qui vont suivre l'adoption du projet de loi, toujours s'il est adopté, que tout cela pourra s'articuler?

M. Clair: Alors, comme le député le sait, les trois premières personnes à nommer en vertu du projet de loi le seront par l'Assemblée nationale qui, normalement, ajourne ses travaux le 21 juin. C'est évident que, si l'on veut que l'institut de recherche soit le plus utile possible pour la prochaine ronde de négociations, il y aurait avantage à ce qu'il puisse se mettre au travail le plus rapidement possible. Alors, mon objectif, c'est d'essayer d'obtenir la nomination de ces trois personnes par l'Assemblée nationale après l'adoption de la loi; donc, cela veut dire au plus tard le 21 juin si le projet de loi est adopté et s'il y a une entente quant aux personnes à nommer par l'Assemblée nationale. À ce moment, nous entrerions en contact le plus rapidement possible avec les représentants syndicaux et les associations patronales afin de pouvoir, par la suite, nommer les autres membres. Ensuite, il y a la constitution du personnel et l'institut pourrait également donner des mandats de recherche à des universitaires ou à des organismes existants. Il n'est pas obligé de procéder lui-même à toutes les recherches. Nous pensons que, de cette façon, même si c'est sûr que l'institut de recherche n'aura pas une année complète pour préparer ses travaux, à partir des travaux existants au CRSMT, Centre de recherche... (20 h 45)

M. Paquette: Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail.

M. Clair: Comment dites-vous?

M. Paquette: Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail.

M. Clair: Exact. C'est là une source qui semble, en tout cas, avoir une certaine fiabilité par rapport aux associations syndicales. Vous vous souviendrez que des représentants de la coalition nous indiquaient que, quant à eux, ils avaient un penchant -c'est le mot que j'emploierais - à l'égard de...

M. Pagé: Un préjugé favorable.

M. Clair:... un préjugé favorable à l'égard du...

M. Pagé: C'est ce que vous avez déjà eu.

M. Clair:... CRSMT. Je pense que oui, l'institut de recherche pourrait faire un travail utile pour la prochaine négociation. Mais de vous dire que le travail serait aussi complet qu'il pourrait l'être pour les années subséquentes, je pense que ce n'est pas pour rien qu'il ne produirait qu'un seul rapport par année. Le travail serait plus en profondeur.

M. Pagé: Alors, vous nous confirmez, M. le ministre, ce soir, votre intention que l'institut soit formé et que les dispositions de la loi s'appliquent dans les meilleurs délais après son adoption.

M. Clair: Effectivement, c'est l'intention...

M. Pagé: C'est donc dire... M. Clair:... du gouvernement.

M. Pagé:... que vous créez une pression additionnelle sur tous les parlementaires en ce disant, parce que si le projet de loi était adopté le 21 juin à 23 h 45, je ne vois pas en quoi vous pourriez procéder à la nomination des trois premières personnes à l'Assemblée nationale, à ce moment-là.

M. Clair: Je suis conscient de cela, M. le Président. Maintenant, on a, comme je l'ai dit au député, longuement évalué la possibilité d'avoir des personnes qui ne soient pas nommées par l'Assemblée nationale, mais nommées par le gouvernement ou encore qu'il soit strictement paritaire, auquel cas il y a un risque de blocage. On a imaginé la possibilité de veto de part et d'autre pour empêcher qui que ce soit d'imposer son point de vue. Il nous est apparu, finalement, par rapport à l'objectif de neutralité recherché à l'égard des personnes qui seraient chargées de conduire, dans le fond, les destinées de l'institut de recherche, que celles-ci devaient être nommées par l'Assemblée nationale, à la majorité des deux tiers, comme c'est le cas pour un certain nombre de nos institutions, notamment le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne, si ma mémoire est fidèle, le Directeur général des élections, le Vérificateur général également, je pense.

M. Pagé: Vous avez dû...

M. Clair: Maintenant, si vous me demandez si je suis conscient de la date à laquelle nous sommes et de l'importance du projet de loi, que le 21 juin est le 21 juin, oui, j'en suis conscient. J'ai des objectifs. Comme ministre, je considère avoir une obligation de moyens et non pas une obligation de résultat.

M. Pagé: Ah! La politique est l'art du possible.

M. de Bellefeuille: Je m'excuse, je n'ai pas saisi?

M. Clair: À cet égard-là, quant à l'adoption d'un projet de loi, j'ai une obligation de moyens, dans le sens de tenter de le faire adopter; je n'ai pas une obligation de résultat, dans le sens que, s'il n'est pas adopté, cela ne relève pas de ma seule volonté. Alors, je ne peux pas garantir le résultat à l'avance, je peux garantir les moyens que je déploie pour le faire adopter. Je ne peux pas aller plus loin.

M. Pagé: J'aurais une toute dernière question. Je sais que le député de Rosemont veut aborder ce sujet et il est important. Le ministre est libre d'y répondre ou non. Vous avez dû commencer à magasiner, à regarder les nominations à effectuer. Si tel est le cas, j'aimerais qu'on me le dise, sans nommer...

Une voix: Cela vous intéresse? M. Pagé: Non, non, vous savez... M. Clair: Cela vous intéresse?

M. Pagé: Je suis très bien où je suis dans Portneuf, à représenter le plus dignement possible ces citoyens qui me donnent le privilège de siéger ici depuis bientôt douze ans et j'ai l'intention de continuer.

Le ministre fait référence au Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail, à un mandat à lui confier. Comme on le sait, le centre de recherche effectue des analyses de conventions collectives dans le secteur privé pour des entreprises syndiquées de 500 employés et plus.

M. Clair: De 200.

M. Pagé: De 200? C'est récent, parce que cela...

M. Clair: II me semble que c'est 200.

M. Pagé:... a été longtemps 500 employés.

M. Clair: CRSMT, 200? Oui, 200.

M. Pagé: Bon, tant mieux! Sinon, on fera une commission rogatoire et on ira voir cela. Mais cela a été longtemps à 500 employés.

M. Clair: C'était le Bureau de recherche sur la rémunération qui travaillait sur 500 et plus.

M. Pagé: Ah! C'était le Bureau de recherche sur la rémunération du Conseil du trésor.

M. Clair: Exact.

M. Pagé: D'accord. Est-ce que c'est l'intention du gouvernement et du ministre, dans le mandat donné à l'institut, que le cadre de référence déborde pour que les analyses puissent être faites auprès des entreprises de moins de 200 employés et aussi auprès, par exemple, de grandes entreprises du Québec qui ne sont pas syndiquées ou affiliées aux syndicats que nous connaissons?

M. Clair: M. le Président, le mandat de l'institut ne serait pas limitatif dans la loi quant à un nombre d'employés de façon à laisser à l'institut le soin de faire le travail le plus utile. Je vous indique immédiatement

que, quant à nous, nous n'avons jamais voulu, ni au Bureau de recherche sur la rémunération, et je ne pense pas que cela ait été le cas, non plus, au CRM, au CRSMT...

M. Pagé: Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail, c'est moins compliqué que de dire CRSMT.

M. Clair: Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail. J'ai de la misère à l'apprendre, celui-là!

Cela n'a jamais été notre intention d'essayer de comparer le gouvernement, comme employeur, à la main-d'oeuvre la moins bien rémunérée au Québec, celle qui a le moins de moyens. Cela n'a jamais été notre objectif. On pense que le gouvernement doit continuer à être un employeur équitable et à traiter correctement ses employés et ne pas se servir de ce moyen pour chercher, je dirais, à reproduire dans le secteur public les discriminations qui peuvent exister dans le secteur privé à l'égard de certains travailleurs. J'indique au député que quand il met dans ma bouche l'intention de confier un mandat au CMRST, au Centre de recherche -je vais l'écrire! Centre de recherche et de statistique sur le marché du travail - je n'ai pas dit cela. J'ai simplement dit qu'il y avait des travaux qui avaient été faits et qui pouvaient être utiles à un institut nouvellement créé. Je ne dis pas que l'institut de recherche devrait en quelque sorte renoncer à ses fonctions et donner une commande à ce centre en disant: Pendant une année, je ne fais pas de travail, je vais me contenter de ces travaux-là. Je dis simplement qu'il y a des travaux qui ont été faits là et qui peuvent être utiles à l'institut, comme il y en a sûrement d'autres qui peuvent l'être ailleurs.

M. Pagé: Je vais céder la parole au député de Rosemont après la réponse du ministre à ma question. On a, à quelques reprises, évoqué l'obligation que commandait l'exercice de comparer nos niveaux de rémunération avec ceux des autres provinces et peut-être avec certains États américains. Est-ce que, dans votre esprit, un des mandat de l'institut serait d'établir des grilles en vertu desquelles on pourrait comparer des fonctions et des responsabilités dans le public avec des fonctions et des responsabilités dans le privé qui ne sont pas nécessairement de même nature? Je m'explique. Vous savez, comparer une infirmière du secteur public avec une infirmière du secteur privé, cela peut devenir assez difficile; comparer la rémunération d'un enseignant dans le public et dans le privé, là aussi c'est très difficile. Cependant, certains États américains ont dégagé des moyens en vertu desquels ils peuvent, de façon raisonnable, assez équitable, comparer des choses qui, à leur face même, n'apparaissent pas comme étant comparables et ce, à partir d'une grille, de plusieurs points de comparaison, que ce soit la formation, le champ de responsabilité inhérent à la fonction occupée, l'expérience, le caractère délicat de la prestation, par exemple, pour des techniciens en radiologie ou des choses comme cela. Est-ce dans l'esprit du ministre qui nous propose ce projet de loi que l'institut se convie à un tel exercice?

M. Clair: Dans la mesure où l'institut serait chargé de comparer la rémunération globale des salariés du secteur public et du secteur privé, la réponse est oui, ce serait possible, mais toujours à l'intérieur du Québec en termes de mandat fondamental et non pas en termes de comparaison par rapport à l'extérieur. Il y a des méthodes. C'est faisable en termes d'appariement, d'évolution historique, de tenir compte d'un paquet d'éléments qui peuvent permettre de voir évoluer les rémunérations même de personnes qui n'ont pas, à proprement parler, de vis-à-vis public-privé tout à fait identiques. Par appariement, oui, c'est possible, dans un panier d'emplois en quelque sorte...

M. Pagé: Je ne demande pas si c'est possible.

M. Clair:... de le faire.

M. Pagé: C'est certainement possible, c'est ce que je soutiens!

M. Clair: C'est ce qui va effectivement se faire. Maintenant, en ce qui concerne la comparaison par rapport à d'autres provinces ou à d'autres États, nous sommes ouverts à cette possibilité, mais nous pensons que cela ne doit pas être l'objectif fondamental de l'Institut de recherche sur la rémunération, l'objectif premier. Le fondement de la politique salariale, c'est une évolution comparable des employés du secteur public -quand on dit secteur privé, dans le fond, le mot n'est pas juste, c'est plus ceci - et des autres travailleurs et travailleuses de l'économie québécoise parce qu'on peut tenir compte des employés tout aussi bien d'Air Canada, du CN, d'Hydro-Québec et autres. Il ne s'agit pas juste d'isoler trois ou quatre entreprises privées et de se comparer avec elles. Ce sont des travaux qui sont beaucoup plus élaborés que cela.

Ce qu'il y a de sous-jacent à cette politique salariale, c'est que les rémunérations au Québec, qu'elles soient dans le public ou dans le privé, évoluent en fonction de la capacité de payer d'une économie dans son entité, dans son entièreté. L'évolution des salaires à Terre-Neuve, tant

dans le public que dans le privé, au Québec, en Ontario, en Colombie britannique ou dans les États américains varie aussi en fonction de la richesse collective d'une société. On doit tenir compte de cela. C'est la réalité pure et simple.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, le député de Portneuf a abordé certaines des questions que je voulais soulever avec le ministre. Cela va me permettre d'être un peu plus bref. Je pense que le noeud, particulièrement névralgique, du projet de loi, c'est la jonction entre le niveau des services essentiels qui doivent être assurés à la population dans les diverses institutions de santé, les diverses catégories et les pourcentages que vous fixez dans la loi. Il y a des pourcentages à certaines périodes de l'année par rapport à d'autres.

Pourcentages fixés pour les services essentiels

La première question que j'aimerais vous poser, c'est: Comment êtes-vous arrivé à ces pourcentages? Comment pouvez-vous dire qu'un hôpital pour malades chroniques, un hôpital de cardiologie, cela vaut 90 % et qu'un hôpital général, un hôpital ordinaire, cela vaut 80 % et qu'un CLSC vaut 60 %, un CSS vaut 55 % de salariés? Comment peut-on arriver à des pourcentages uniformes comme ceux-là? Qu'est-ce qui vous a amené aussi à adopter cette approche, c'est-à-dire d'arriver à imposer des pourcentages uniformes dans quatre catégories d'établissements?

M. Clair: Essentiellement, je vous dirais qu'on a procédé par élimination. On a d'abord procédé à l'élimination de l'hypothèse - et là, ce n'est pas parce que je veux soulever un débat - de l'abolition pure et simple du droit de grève. Pourquoi a-t-on procédé comme cela? Essentiellement pour deux raisons. La première, c'est que, même sur le plan mécanique, lorsqu'on vient pour essayer de mettre en oeuvre un substitut au droit de grève en termes d'arbitrage, d'offre finale, de clause remorque, il nous est apparu que c'était la première hypothèse à exclure. La deuxième, c'était, en quelque sorte, de maintenir la possibilité d'une grève générale illimitée dans le secteur de la santé avec prédominance de la liste syndicale et de revenir à l'ancienne formule. C'est une deuxième hypothèse que nous avons écartée, non pas qu'il n'y ait pas eu le rapport Picard, entre autres, qui ait fait l'éloge de cette approche, mais, il nous semble, quant à nous, qu'il y a quelque chose d'anormal -c'est un peu l'approche également dans le code d'éthique - à dire, en termes d'encadrement d'un droit: La présomption de responsabilité et de bonne foi tiendra lieu de loi. C'est comme si, demain matin, il y avait une association d'automobilistes qui obtenait l'engagement formel de 2 000 000 des 3 000 000 de conducteurs d'automobile au Québec. Savez-vous que, plus besoin de limites de vitesse, plus besoin d'arrêts aux coins des rues, nous nous engageons sur notre honneur à les respecter. (21 heures)

II nous a semblé que cette approche, si elle faisait appel au sens des responsabilités des travailleurs et des travailleuses de ce secteur, cependant déresponsabilisait le Parlement et l'amenait à agir comme il le fait trop souvent, c'est-à-dire à la dernière minute, et à prendre des moyens pour interdire la grève en sortant complètement des règles du jeu convenues au départ et en retirant le droit de grève avant même qu'il soit exercé. Pourquoi donc avoir toute cette mécanique si, à la dernière minute, les Parlements successifs et les députés décident en Chambre de retirer ce droit? On a donc écarté cette hypothèse.

M. Paquette: Et là, vous avez le Conseil des services essentiels...

M. Clair: Oui. Maintenant...

M. Paquette:... qui est là justement pour s'assurer que les engagements que prennent les syndiqués, et même institution par institution, soient respectés et, en cas de non-respect, sont connus du public. S'ils ne le sont pas, le gouvernement a des recours...

M. Clair:... en l'absence de guide...

M. Paquette:... qui correspondent aux contraventions qu'on peut imposer sur les limites de vitesse. Alors, si vous ne répondez pas à ma question...

M. Clair: J'essaie d'y répondre et j'arrivais à dire pourquoi on a retenu cette approche. L'autre hypothèse était de dire: On maintient les dispositions actuelles du Code du travail qui, sauf erreur, ont été sanctionnées, mais jamais proclamées, jamais mises en vigueur. Pourquoi? Parce que, lorsqu'on regarde le fonctionnement actuel du Conseil des services essentiels, dans le transport en commun - c'est un gros cas -ce n'est pas le transport dans toutes les villes du Québec en même temps, par une grève générale illimitée, qui risque d'être paralysé.

Autrement dit, telles que les dispositions du Code du travail existaient -je ne veux engager personne - un grand nombre de personnes concernées par ces matières considérait que les dispositions

actuelles étaient inapplicables. Comme elles étaient considérées inapplicables, cela voulait dire que, si on les maintenait dans notre loi, on acceptait d'avance d'aller, encore une fois, la prochaine fois à l'Assemblée nationale suspendre le droit de grève avant qu'il soit exercé.

On a donc fait des travaux à partir des listes des services essentiels déposées dans certains conflits, à partir des travaux des associations patronales, des services, je dirais de sens commun, essentiels qui ne sont pas d'un même niveau dans un établissement tel un CLSC, dans un hôpital de soins prolongés ou dans un centre d'accueil. En travaillant avec les associations patronales, nous en sommes venus à des pourcentages du type de ceux qui apparaissent.

On a voulu conserver de la souplesse au Conseil des services essentiels qui peut aller au-delà de cela, car on sait, par exemple, que les CLSC n'offrent pas tous exactement le même type de services et ne sont pas tous dans un contexte identique. Alors, on a - j'emploie volontairement cette expression -un plancher, un minimum, ce qui va faciliter le travail du Conseil des services essentiels, ce qui, quant à moi, était la seule avenue qui pouvait en même temps permettre de respecter un droit de grève, dans le domaine de la santé, qui ait valeur de sonnette d'alarme, sans avoir comme conséquence d'interrompre les services de santé, respectant ainsi l'équilibre entre deux droits: le droit à la santé et le droit de grève.

M. Paquette: Pour aller un peu plus loin, le fait de changer le cadre de négociation et le mécanisme d'encadrement des services essentiels à chaque ronde de négociations - c'est toujours le même "pattern"; à chaque ronde de négociations, on n'est pas complètement satisfait de la précédente, il y a des tensions et on change le cadre - évidemment, il y a un effet négatif à cela. L'effet positif est escompté, mais l'effet négatif est toujours là, c'est-à-dire que des gens qui s'étaient habitués à fonctionner, et, à mon avis, malgré les problèmes, de mieux en mieux, d'une ronde de négociations à l'autre, dans un cadre donné, sont obligés de s'orienter dans un nouveau cadre qui peut causer un certain nombre de problèmes.

Donc, avant de changer le mode d'encadrement des services essentiels, je pense qu'il faut d'excellentes raisons. Je vais vous soumettre une hypothèse. J'ai l'impression que le ministre a mis des pourcentages pour des motifs de sécurisation psychologique. Aux dernières négociations, d'abord, il y a eu le rapport Picard qui a dit que les services essentiels fonctionnaient quand même assez bien. On a tenu une commission parlementaire dans le temps de notre ex-collègue, Pierre Marois. On avait fait le point là-dessus et on se rendait compte qu'il y avait eu très peu de problèmes à la négociation précédente, beaucoup moins qu'à l'autre négociation avant. Toutes les centrales syndicales et tous les organismes patronaux étaient venus. Je pense que la conclusion générale, à ce moment, avait été que, finalement, le mécanisme, peut-être pas au niveau de la tension qui est toujours créée, comme vous le dites, par les effets appréhendés d'une négociation chez les malades qui sont, évidemment, des personnes extrêmement vulnérables, cela se comprend, mais dans la réalité des choses semblait donner de bons résultats. Est-ce que le ministre est capable de nous donner des exemples qui démontrent que, dans les deux dernières négociations, les services essentiels ont été tellement mal respectés qu'il faut encore une fois changer le cadre? Avec 90 %, 80 %, 60 % ou 55 %, qu'est-ce que cela va changer dans le fond? Est-ce que ce n'est pas plutôt une affaire de responsabilisation, d'habitude à fonctionner dans un cadre donné? Est-ce que les pourcentages du ministre, ce n'est pas tout simplement, sur le plan politique, pour pouvoir dire à la population: Regardez, on a quelque chose qui vous garantit la sécurité psychologique et on se dédouane face à l'opinion publique de cette façon?

M. Clair: Regardez bien, M. le Président. Â l'égard du phénomène de la grève appréhendée, nous ne pouvions pas demander aux directions des hôpitaux, si on voulait arrêter le phénomène de la grève appréhendée, de rabaisser, avant même que la grève se déclenche, au cas où elle serait déclenchée, le niveau des services. Nous ne pouvions pas, je pense, en toute honnêteté, exiger des administrations des hôpitaux de maintenir les services à leur niveau habituel sans introduire des planchers d'emploi assez élevés, du type de ceux qu'on retrouve ici. Je pense que cela va de pair et que, dans la mesure où on veut éviter le premier problème, le problème de la grève appréhendée, il fallait introduire des planchers et créer l'obligation aux directions des hôpitaux de maintenir leurs services habituels, c'est-à-dire 100 % des services normaux.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'exercice du droit de grève comme tel, le député dit que cela aurait uniquement comme objectif de sécuriser. Je dis que ce n'est pas uniquement cet objectif qui est poursuivi. Cela va avoir pour résultat de sécuriser, c'est évident, de minimiser l'impact psychologique de la grève appréhendée, de légitimer un peu plus l'exercice du droit de grève. Finalement, ces pourcentages ne s'éloignent pas beaucoup de ce que vous et moi, comme citoyens, on peut peut-être considérer comme tolérable en

termes de listes qui ont été fournies et en termes de fonctionnement des institutions hospitalières et des autres institutions des services de santé ou des services sociaux. Alors, que ce soit par un code d'éthique, par décision du Conseil des services essentiels ou encore par l'effet de la loi qui est le moyen que nous avons choisi, je pense que nous ne sommes pas loin de ce qui est, dans l'esprit du citoyen ordinaire, raisonnable.

Dans ce sens, je pense, quant à moi, que même pour le travailleur syndiqué dans le milieu hospitalier, quand vient le moment de prendre la décision d'aller en grève, c'est plus déchirant pour cette personne que cela ne l'est pour d'autres employés de l'Etat. La meilleure preuve, c'est que lors du dernier front commun, si ma mémoire est fidèle, sauf erreur, dans la liste des moyens de pression, dans la gradation des moyens de pression, les centres d'accueil, les centres hospitaliers de soins prolongés, les hôpitaux que j'appelle, quant à moi, les hôpitaux lourds, névralgiques du système de santé étaient prévus pour être les derniers.

Je pense qu'on ne peut pas dire que ces niveaux de services essentiels, je dirais, soient contraires au sens commun, qu'il soit syndical, qu'il soit patronal ou qu'il soit du point de vue du bénéficiaire. C'est dans la mesure où on pense, justement, que ces pourcentages se rapprochent considérablement du sens commun qu'ils vont contribuer à dédramatiser, d'une part, la grève appréhendée, d'autre part, la grève réelle et replacer les choses - dans un équilibre plus équilibré, cela n'existe pas - dans un équilibre plus certain, plus stable.

M. Paquette: M. le Président, je pense que le ministre confirme que son objectif est, d'abord, de sécuriser par rapport à des problèmes appréhendés. Je prends note de cela. Je soutiens que la meilleure façon de sécuriser des gens, c'est de voir un gouvernement et des centrales syndicales qui s'entendent et qui établissent un mécanisme détaillé, adapté à chaque type d'institution, comme celui qui a été proposé par les centrales au niveau de leur code d'éthique. S'il avait pu y avoir entente et s'il pouvait encore y avoir entente là-dessus entre le gouvernement et les centrales syndicales, ce serait peut-être pas mal plus sécurisant. Je pense que, là-dedans, c'est une question de responsabilité. Là, on parle de la responsabilité des syndiqués. Il serait peut-être bon de parler de la responsabilité du gouvernement, à un moment donné, et des directions hospitalières. On n'en parle pas beaucoup dans la loi et il n'y a pas beaucoup de mécanismes pour garantir cela.

M. Clair: On leur fait obligation, M. le Président.

M. Paquette: Vous n'avez rien dans votre projet de loi qui permet, par exemple, d'assurer la population qu'un gouvernement, à un moment donné, parce qu'elle veut tirer la couverture de son côté, parce qu'elle veut faire pencher le rapport de forces de son bord, ne va pas matraquer une loi spéciale alors qu'il n'y a même pas de conflit. Cela s'est vu dans le passé, en 1979, notamment.

M. Clair: M. le Président, je m'excuse auprès du député. C'est impossible, le Parlement est souverain. On ne peut pas. Même si on adoptait, aujourd'hui, une loi qui interdirait au gouvernement d'adopter des lois spéciales, c'est impossible.

M. Paquette: Non, non.

M. Clair: Ce n'est pas possible. Une question que je lui pose: Connaît-il un pays où il y a code d'éthique prévu par l'effet d'une loi et aucun mécanisme de services essentiels? Est-ce qu'il en connaît?

M. Paquette: M. le Président, je pense que la question n'est pas là. On parle, évidemment, d'un code d'éthique qui vise le respect des services essentiels. En présence d'un Conseil des services essentiels qui a, jusqu'à maintenant, bien fait son travail, avec également des recours possibles aux tribunaux pour le gouvernement, qui sont prévus dans nos lois - il y a tout cela dans le décor - je pense que l'élément sécurisant viendrait bien davantage de syndiqués qui s'engagent non seulement au niveau des dirigeants des centrales syndicales, mais au niveau des syndicats locaux à respecter 100 % des services essentiels que du fait d'assurer tel pourcentage de syndiqués à tel moment ou à tel autre. Enfin, je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir au moment de l'étude article par article. Mais je pense qu'il y a là une approche responsabilisante. Je pense que la sécurité vient de la responsabilité de toutes les parties, vient d'un changement d'attitude de chacune des parties, alors que le ministre, lui, a opté pour des pourcentages mathématiques qui visent essentiellement, si je l'ai bien compris, à contrer les effets psychologiques, la tension qui peut exister lorsqu'on appréhende une grève. Là, les gens vont se dire: On va toujours avoir 90 % des syndiqués, ce qui risque d'être illusoire, parfois. Mais le ministre a mis ses espérances dans cette approche un peu technocratique, un peu mathématique.

M. Clair: M. le Président, la discussion est intéressante. Je pose comme première question au député: Qu'est-ce qui, selon lui, lui apparaîtrait être un pourcentage ou un niveau de services essentiels qui doive être garanti par code d'éthique, par loi, par

décision du Conseil des services essentfels? Il faut absolument avoir une façon de le déterminer, cela en prend une. Alors, la façon dont on le traduit, c'est par des pourcentages. (21 h 15)

Maintenant, à mon avis, une approche d'un minimum de services essentiels assuré, cela ne contredit pas l'exercice d'un droit de grève, mais, au contraire, à mon sens, dans la mesure où le Parlement a parlé et où le législateur ne parle pas pour ne rien dire, cela le légitime. Cela permet qu'il n'y ait pas interruption des services, mais cela assure la continuité des services. Troisièmement, cela n'est pas incompatible avec un code d'éthique. Les deux ne sont pas mutuellement exclusifs, à mon sens. Mais on ne peut pas, dans une loi, dire: II y a un code d'éthique et le code d'éthique est absolument cela. L'approche du projet de loi n'est pas de dire: C'est un code d'éthique. On dit: Ce sont des services essentiels définis par l'effet de la loi, oui. En parallèle à cela, qu'il y ait développement d'un code d'éthique, je pense que c'est une approche positive, effectivement, qui doit être encouragée, mais ce n'est pas mutuellement exclusif, je ne le pense pas.

M. Paquette: M. le Président, on a parlé un peu de la façon dont on est arrivé à ces pourcentages. Donc, c'est par des consultations avec les organismes patronaux. J'imagine qu'autour de la table des hôpitaux un directeur d'hôpital a dit - je prends une catégorie d'hôpitaux, les hôpitaux pour malades chroniques, par exemple - chez nous cela me prend 100 %, un autre a dit 80 % et on a fait une moyenne. Est-ce que c'est cela? Est-ce que j'ai bien compris le ministre?

M. Clair: Je ne sais pas comment le député de Rosemont travaillait lorsqu'il était ministre, mais ce n'est pas tout à fait la façon dont on a travaillé. On a tenté, à partir des travaux qui avaient déjà été effectués, des expériences antérieures, de voir comment cela a fonctionné dans le passé, de le voir aussi par catégories d'établissements de services de santé. Par exemple dans les CSS, ce que l'on considère être de la nature des services essentiels, c'est principalement toute la question de la protection de la jeunesse. Au niveau des CLSC, cela nous apparaît être largement la question des services à domicile. Il y a moyen de quantifier le personnel affecté habituellement à ces services. C'est de cette façon, en faisant le travail le plus professionnel possible, que nous en sommes venus à déterminer ces niveaux.

M. Paquette: Je voudrais vous poser une question. Le pourcentage de salariés et les services essentiels, ce sont deux choses. Il reste à voir si cela va concorder et de quelle façon. Prenons deux centres hospitaliers de courte durée, ceux qui sont prévus à 80 % dans le projet de loi. Vous avez des hôpitaux qui ont d'énormes déficits, qui doivent, donc, faire un effort de compression de leurs services plus important. Prenons-les dans la même région: deux hôpitaux à Montréal, un qui a 300 000 000 $ de déficit, qui est obligé de faire des compressions, et un autre qui, au contraire, a des surplus et tout cela. Est-ce qu'on ne peut pas supposer que, dans un hôpital en bonne santé financière, on va peut-être se payer un peu plus de luxe, si vous voulez, de services gravitant autour des services essentiels, peut-être plus d'employés dans le bureau, dans l'administration, dans le service des archives, que dans un hôpital qui est en difficulté et qui doit vraiment resserrer les choses? À ce moment-là, est-ce qu'on ne peut pas dire qu'appliquer 80 % à ces deux hôpitaux fait en sorte que le malade qui a le malheur de tomber sur l'hôpital où il y a moins de luxe, où il y a moins de marge de manoeuvre, si on veut, va se retrouver avec 80 % de syndiqués, en règle générale? Il y a moyen de faire des petites adaptations, mais, en gros, il va se retrouver avec moins de syndiqués. Est-ce que cela ne vient pas rompre l'idée que, si les services sont essentiels, ils doivent être assurés équitablement, quel que soit le hasard qui fait qu'un malade tombe dans un hôpital bien géré par rapport à un hôpital mal géré?

M. Clair: M. le Président, comment cette situation pourrait-elle se produire? D'abord, de façon générale, je vous dirai que les hôpitaux, qu'ils soient en déficit ou qu'ils soient en surplus... Quand on dit des déficits énormes, entendons-nous. C'est une minorité d'établissements qui ont un déficit supérieur à 1 % de leur budget et un plus petit nombre encore ont un déficit supérieur à 2 %. Il ne faut pas exagérer les choses. Je ne pense pas qu'on puisse dire que le comportement des directions d'établissements à cet égard soit fonction de leur déficit, je dirais. Je ne pense pas qu'on puisse dire que, par exemple, les hôpitaux, les centres d'accueil aient une attitude très différente en termes de catégorie des hôpitaux généraux de courte durée, alors que les centres d'accueil sont généralement en équilibre et qu'il y a plus d'hôpitaux qui sont en déséquilibre financier.

M. Paquette: Deux hôpitaux entre eux?

M. Clair: Pour deux hôpitaux, à supposer que cela existe, exactement pareils dans la même région, un en déficit et l'autre en surplus, la loi fait exactement les mêmes obligations aux deux. Cela protège, je pense,

le bénéficiaire à cet égard, qu'il y ait de tels planchers qui soient identiques pour les deux établissements en cause.

M. Paquette: Qu'est-ce qui arrive, M. le Président, si on se retrouve avec un conflit qui est à cheval sur deux périodes très différentes de l'année? On sait qu'entre Noël et le Jour de l'an, dans les hôpitaux, il n'y a pas de problèmes avec les services essentiels, on coupe, on admet moins de malades, et cela dure à peu près une semaine, parce qu'il y a un grand nombre de personnes en vacances. On ne se pose pas de problème de services essentiels, il y a moins de monde.

Il y a un article qui dit: Le pourcentage s'applique sur le nombre de salariés normalement en fonction à cette période de l'année.

M. Clair: Exact.

M. Paquette: Donc, si cela tombe dans une période creuse où il y a beaucoup de vacances, il va y avoir moins de syndiqués requis dans l'établissement. Peut-être que, trois jours avant, c'était la période pleine et l'hôpital fonctionnait à plein et là, il devait y avoir plus de salariés. Qu'est-ce qui arrive s'il y a une période de conflit qui est à cheval sur deux régimes complètement différents? Est-ce qu'il va falloir faire deux listes de services essentiels?

M. Clair: Le Conseil des services essentiels a le pouvoir d'apprécier. C'est justement une des raisons pour lesquelles on maintient le pouvoir du Conseil des services essentiels d'évaluer à la hausse les demandes prévues. Je pense qu'avec cette flexibilité le Conseil des services essentiels pourra en tenir compte. C'est aussi pour tenir compte de la variation en cours d'année des besoins que l'on mentionne que ce sont les salariés qui seraient habituellement en fonction lors de cette période. Je pense qu'à cet égard... Je voulais ajouter un autre point que j'oublie. C'est oublié, cela reviendra.

M. Paquette: M. le Président...

M. Clair: Je sais ce que je voulais dire au député. Parce que j'avais cette préoccupation aussi, je me suis fait simuler un peu comment cela fonctionnait, justement, en fin de semaine, pendant la période estivale, la période des fêtes, etc. Je dois dire que c'est un phénomène avec lequel le réseau de la santé est habitué à vivre depuis qu'il existe probablement. C'est un phénomène qui m'est apparu comme étant bien maîtrisé tant par le personnel syndiqué que par le personnel de maîtrise, les médecins, etc. Cela m'est apparu beaucoup moins mystérieux et beaucoup moins inquiétant que ce qu'on pouvait en penser à première vue. Je pense que, tant du côté des employés que du côté de l'administration, ils sont habitués à vivre régulièrement ce phénomène.

M. Paquette: Concernant le Conseil des services essentiels, il y a toute une série de mesures punitives permanentes au cas où le conseil constaterait que ses exigences ne sont pas respectées à tel ou tel endroit. Le conseil peut enjoindre à toute personne impliquée de faire ce qui est nécessaire pour se conformer à certaines de ses décisions, il peut exiger une réparation d'un acte, il peut appliquer des sanctions, il a un pouvoir d'ordonnance. "Le dépôt de l'ordonnance lui confère la même force et le même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de la Cour supérieure. " Donc, on fait du conseil un tribunal administratif ou presque.

J'aimerais avoir des précisions du ministre à ce sujet. Pense-t-il que le conseil, qui a aussi un rôle de médiation lorsque les parties ne s'entendent pas sur le niveau des services essentiels, doit donc essayer de rapprocher les parties? Comment pourra-t-il vraiment jouer son rôle si l'on sait qu'en définitive il peut ordonner et imposer des sanctions et est-ce qu'il n'y a pas le risque que ce conseil perde toute crédibilité en tant qu'agent de médiation et de rapprochement des parties?

M. Clair: Premièrement, la formule, comme le député de Rosemont le sait sans doute, est non pas calquée, mais je dirais plutôt inspirée de ce qui est actuellement fonctionnel dans plusieurs autres provinces canadiennes et ailleurs, aussi, dans d'autres juridictions. Plutôt que les parties aient tendance à régler leurs problèmes par recours, comme on l'a vu trop souvent, aux tribunaux, l'objectif est d'introduire une étape préalable qui fasse en sorte que, par l'exercice de ces pouvoirs de redressement, on déjudiciarise les relations du travail, on les dépolitise aussi et que le Conseil des services essentiels, par son pouvoir à la fois de médiation, mais aussi de redressement à l'égard des deux parties, soit muni de moyens plus expéditifs, plus rapides et moins "judiciarisables" à l'égard des parties.

On a constaté qu'ailleurs au Canada -et on espère, bien sûr, que la jurisprudence prendra la même tendance au Québec -lorsqu'il y a eu des recours en injonction, par exemple, ou tentative de faire intervenir les tribunaux dans des conflits de travail dans le cas de non-respect de conventions collectives ou de services essentiels, les tribunaux de droit commun ont renvoyé les demandes d'injonction en indiquant qu'il y avait d'autres recours plus appropriés.

C'est sûr, cependant, qu'au Québec notre constitution ne nous permet pas

d'exclure tout recours devant le tribunal ou d'empêcher les gens d'y recourir. Si on essayait d'installer une clause privative, selon les avis juridiques que nous avons, visant à empêcher les gens même de prendre un recours en injonction, les chances sont qu'ils pourraient quand même obtenir l'émission d'une injonction à partir de l'argument qu'une telle clause privative serait anticonstitutionnelle, alors que, si on fait plutôt confiance aux tribunaux de droit commun à savoir qu'ils refuseront d'émettre des injonctions avant que le processus des pouvoirs de redressement ait été utilisé, nous avons confiance que le moins souvent le conseil sera appelé à déposer à la Cour supérieure ses ordonnances pour qu'elles deviennent exécutoires par l'effet d'un jugement de cour, puisque, à toutes fins utiles, "le dépôt - on l'indique à l'article 111. 20 - de l'ordonnance lui confère alors la même force et le même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de la Cour supérieure. "

C'est l'esprit de ces dispositions. On a examiné les lois d'autres juridictions. Il y avait deux approches en ce qui concerne les pouvoirs de redressement: une approche de libeller de façon assez générale et étendue les pouvoirs de redressement - les pouvoirs de "cease and desist" - qui seraient confiés au Conseil des services essentiels ou encore de les libeller de façon très précise, par une énumération de pouvoirs très précis.

L'approche que nous avons retenue est d'accorder des pouvoirs plus généraux, en faisant confiance, c'est sûr, au jugement des membres du Conseil des services essentiels qui auront intérêt, eux aussi, à ce que ces mécanismes soient crédibles, que ses décisions soient équitables et qu'elles contribuent à déjudiciariser le processus de négociation des conventions collectives ou de respect des conventions collectives, plutôt que de les judiciariser davantage.

On a examiné les deux approches et, finalement, l'approche que nous avons retenue est celle de libeller de façon large les pouvoirs du Conseil des services essentiels. Je dois vous dire que, lorsqu'on a regardé l'hypothèse de les libeller de façon très précise, si le député trouve qu'il y a beaucoup de pouvoirs, oui, c'est vrai, mais quand on les énumère un à un non seulement cela démontre, encore là, qu'il y a beaucoup de pouvoirs, mais cela en fait une longue liste aussi. (21 h 30)

M. Paquette: M. le Président, le ministre n'a pas répondu à mon autre question. Ces pouvoirs nouveaux, quasi judiciaires, ne viendraient-ils pas contredire le rôle de médiation et de conciliation entre les parties que le conseil doit exercer? Si on va plus au fond des choses, est-ce qu'on avait vraiment besoin de cela? Si, comme le dit le rapport Picard, le conseil fonctionne bien et est perçu comme crédible, si les gens ne prennent pas le Conseil des services essentiels à la légère, est-ce qu'on avait vraiment besoin de lui accumuler un tel ensemble de pouvoirs qui peuvent, en quelque sorte, contredire son rôle de médiation, de conciliation, d'information du public et tout cela?

M. Clair: Je pense que le député de Rosemont ne doit pas confondre l'ancienne Commission des services essentiels et le Conseil des services essentiels tel qu'il existe présentement, d'une part. D'autre part, loin de penser que le conseil risque de perdre sa crédibilité, nous pensons, au contraire, compte tenu de la crédibilité du Conseil des services essentiels ainsi muni d'un pouvoir de conciliation, de médiation, de rapprochement des parties et d'un pouvoir d'ordonnance, que les parties vont préférer effectivement se rendre aux décisions du Conseil des services essentiels quant à ses pouvoirs de redressement plutôt que de courir après la judiciarisation du conflit. Cela nous apparaît être une piste d'avenir. En tout cas, je le répète au député, cela a considérablement aidé dans d'autres provinces canadiennes. Il nous semble que c'est loin d'être inutile et qu'au contraire, cela peut contribuer à améliorer les choses.

Prenez le cas de Saint-Ferdinand d'Halifax; je fais un scénario - on peut en faire 100 - mais je fais un scénario. Plutôt que de se retrouver dans un recours en injonction avec des mépris de cour et des condamnations pour outrage au tribunal et des congédiements, etc., qui enveniment la situation plutôt que de rapprocher les parties, le Conseil des services essentiels aurait pu, dès l'annonce d'un débrayage possible, intervenir, ordonner le respect de la convention collective aux deux parties, ordonner un arbitrage accéléré des griefs et prendre des mesures qui auraient évité le recours aux tribunaux par les deux parties, ce qui vient envenimer le conflit plutôt que le régler. Quelles auraient été les décisions du Conseil des services essentiels? À ce moment-là, comme je le dis, on peut en imaginer, les pouvoirs sont larges et le Conseil des services essentiels aurait eu des pouvoirs d'intervention rapide. Si les parties y ont confiance comme elles ont présentement confiance au Conseil des services essentiels sans ces pouvoirs, je pense que ce sera une amélioration considérable à notre droit du travail.

S'il avait existé une commission des relations ouvrières comme cela existe dans d'autres juridictions, je reconnais que cela aurait pu être intéressant d'envisager la possibilité de lui confier, plutôt qu'au Conseil des services essentiels, de tels pouvoirs de redressement. Cela aurait pu être intéressant

de le regarder. Cependant, on se serait privé, à ce moment, de l'expérience que nous avons déjà avec le Conseil des services essentiels et du pouvoir moral très grand dont il dispose déjà. Le fait d'envisager la création d'une commission des relations du travail uniquement pour les fins du secteur public, je pense que c'était un pensez-y bien, pour employer l'expression bien connue.

M. de Bellefeuille: L'expression bien connue'

M. Clair: II nous est apparu préférable, après avoir évalué le pour et le contre de chacune des hypothèses, de retenir celle-ci.

Alors, nous sommes prêts, M. le Président, à entamer l'étude de l'article 1?

Le Président (M. Lachance): Article 1?

M. de Bellefeuille: Non, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député.

M. de Bellefeuille: Avant l'article 1, sur la même question qui vient d'être discutée par le ministre et le député de Rosemont, j'avoue que je n'arrive pas à comprendre la logique...

Une voix: Cela allait bien.

M. de Bellefeuille:... du ministre lorsqu'il dit que le projet de loi confie au Conseil des services essentiels des pouvoirs équivalents à ceux de la Cour supérieure. Comment, dans sa logique, cela a-t-il pour effet de déjudiciariser le système? Il me semble que cela a exactement l'effet inverse. Cela judiciarise le système. Le Conseil des services essentiels acquiert une autorité de type judiciaire; donc, par conséquent, cela judiciarise le mécanisme.

M. Clair: M. le Président, quand je dis que cela déjudiciarise le processus, c'est à l'égard des tribunaux de droit commun. Le député connaît sûrement toute une série de cas de conflits qui se sont retrouvés devant les tribunaux par des recours en injonction. Ce que je lui indique, c'est que, dans les autres juridictions du Canada, les tribunaux de droit commun ont refusé l'émission d'injonctions à la demande des parties parce qu'il y avait un autre recours moins judiciaire, plus approprié dans le cadre de mécanismes visant à favoriser de bonnes relations du travail. L'attente à l'égard d'un tel pouvoir de redressement, ce n'est pas que, dans tous les cas, le Conseil des services essentiels émette une ordonnance, elle n'est pas respectée et c'est déposé devant la Cour supérieure. Effectivement, cela entraîne le processus de judiciarisation, tel qu'on le connaît. C'est une étape antérieure au processus de judiciarisation des conflits, tel qu'on le connaît actuellement.

Je dis ceci au député: On n'essaie pas d'inventer la roue ici. Cela a fonctionné ailleurs, dans le reste du Canada; cela a, effectivement, contribué à déjudiciariser les relations du travail, les conflits, c'est sûr! Parce que les tribunaux de droit commun ont refusé l'émission d'injonctions disant: Il y a un autre recours plus approprié, qui est plus de la nature des relations du travail qu'un tribunal de droit commun qui émet des injonctions. Si le député veut avoir de la jurisprudence à cet égard, il me fera plaisir de lui en fournir. Mais, encore une fois, il ne faut pas se mettre des idées en tête et s'imaginer qu'à partir de cela tout, tout, tout va être réglé; mais c'est un moyen d'améliorer les relations du travail et de sortir les conflits des tribunaux judiciaires.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je sais que vous désirez vivement appeler l'article premier. Mais, avant que vous le fassiez, je voudrais exprimer le regret que vous ayez mis fin à la période des remarques préliminaires sans que nous ayons eu le grand bénéfice d'entendre les interventions des députés de Bourassa, de Terrebonne, de Châteauguay, d'Iberville, de Roberval, de Mme la députée de Johnson, laquelle, avant d'être députée, était une conférencière très prisée. Alors, nous aurions apprécié l'entendre ici.

M. Beauséjour: Vous en oubliez un.

M. de Bellefeuille: Lequel?

M. Beauséjour: Le député de "filibuster".

M. de Bellefeuille: Le député de "filibuster"? C'est vous, sûrement! Je ne blague pas du tout, M. le Président. Le député de Terrebonne, justement, qui me dit "oh ya", nous savons qu'il a généralement des opinions sur toutes les questions. Je m'étonne qu'il ne nous en fasse pas part sur cet important projet de loi.

M. Blais: J'en ai justement une, monsieur. J'aimerais beaucoup qu'on passe à l'article 1.

M. de Bellefeuille: Oui. Mais cela nous privera des remarques préliminaires de ces collègues dont les compétences pourraient être très utiles à la commission. Par exemple, le député d'Iberville, qui est devant nous...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes, je voudrais vous

signaler que ce que vous faites actuellement est un genre d'ironie qui n'a peut-être pas sa place, même si on échange, de part et d'autre, de façon très cordiale. Alors, il est libre à tous les participants d'y aller de leurs propos. Comme ils ont choisi de ne pas, à ce moment-ci, participer aux délibérations, aux discussions de la commission, je pense que vous n'avez pas à insister pour qu'ils le fassent.

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Alors, si vous n'avez pas d'autres propos...

M. de Bellefeuille:... je reconnais leur droit de se taire. Mais je n'accepte pas que vous me fassiez un procès d'intention et que vous disiez que je fais de l'ironie. Qui peut nier que le député de Roberval a acquis une précieuse expérience dans le domaine de l'enseignement?

M. Paradis: Ce n'est pas moi!

M. de Bellefeuille: Qui peut nier qu'il en va autant du député d'Iberville et du député de Bourassa? Qui peut nier - et je me répète - que Mme la députée de Johnson était une conférencière très prisée?

M. Pagé: La voici!

M. de Bellefeuille: J'exprime de façon sérieuse et sincère le regret que la commission n'ait pas eu l'avantage d'entendre les remarques préliminaires de nos collègues ministériels.

Le Président (M. Lachance): Cela viendra peut-être au cours de nos travaux, M. le député!

M. de Bellefeuille: Je le souhaite vivement, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Brome-Missisquoi.

Déjudiciarisation du système

M. Paradis: M. le Président, j'aurais une question qui m'a été suggérée par les propos du député de Deux-Montagnes concernant la judiciarisation ou la déjudiciarisation du processus dans lequel on s'embarque. Je prenais connaissance d'un document sur les sommets socio-économiques de 1981. L'ex-ministre des Affaires sociales, actuel député d'Anjou, ministre de la Justice et des Affaires intergouvernementales, déplorait à l'époque que le système de relations du travail, strictement dans le secteur de la santé au Québec, avait coûté dans l'année qui précédait son intervention, qui était en juin 1981, plus de 10 000 000 $. Ce n'était pas en Cour supérieure, c'était au niveau du Tribunal du travail pour l'ensemble des griefs. Les propos du député d'Anjou indiquaient que 10 000 000 $ représentaient la mise en place et le fonctionnement sur une base annuelle de trois centres d'accueil importants. Je ne peux pas citer le nombre exact de lits qu'il avait cité à l'époque. Il déplorait que le système soit tellement judiciarisé.

Dans les réponses que vous avez données tantôt à mon collègue, le député de Deux-Montagnes, vous avez indiqué que, parce que cela n'allait pas en Cour supérieure, que cela allait devant un tribunal inférieur à qui on tentait de donner une juridiction quand même équivalente à celle de la Cour supérieure, cela allait avoir pour effet de déjudiciariser le système.

Dans les expériences précédentes, lorsque le législateur, que ce soit un gouvernement libéral, péquiste ou unioniste, a créé des régies et des commission de toutes sortes, on s'est aperçu que cela n'avait pas nécessairement l'effet recherché. Cela rendait peut-être la justice plus accessible parce que moins coûteuse, mais que cela n'avait pas pour effet de déjudiciariser. Au contraire, en rendant la justice plus accessible à plus de gens, moins coûteuse, en ayant plus de tribunaux, plus de forums et plus de juges, on avait l'effet contraire: on judiciarisait, on faisait en sorte que les conflits se multipliaient.

À la dernière commission parlementaire sur les affaires sociales qui s'est tenue ici la semaine dernière concernant les effectifs médicaux, j'ai eu à adresser une question aux représentants de l'Association des hôpitaux du Québec, aux représentants des centres d'accueil publics et des centres d'accueil privés. Je leur demandais: À quoi attribuez-vous cette judiciarisation du processus qui fait en sorte que vous avez à traiter un tel nombre de griefs dans le domaine des relations du travail par année, etc? J'ai obtenu des réponses qui variaient, des centres d'accueil privés aux centres d'accueil publics, à l'Association des hôpitaux du Québec. J'imagine qu'avant de déposer un nouveau mode de négociation vous êtes, en tant que président du Conseil du trésor, très conscient des coûts que peut amener ce processus de judiciarisation additionnelle, des problèmes et des coûts importants que cela amène sur le plan budgétaire et sur le plan social. Quels sont les dossiers que vous avez étudiés dans le domaine des affaires sociales, quelles sont les données que vous avez recueillies? À partir des données recueillies, quelles sont les orientations que vous avez choisies pour diminuer cette judiciarisation?

M. Clair: M. le Président, si le député

de Brome-Missisquoi lit les articles qui concernent les pouvoirs de redressement du Conseil des services essentiels, il y verra effectivement toute une série de nouveaux pouvoirs qui, quant à nous, constituent une déjudiciarisation. Je dois dire que, sauf erreur, parmi les experts en relations du travail que j'ai rencontrés, je ne me souviens pas d'en avoir rencontré un seul qui ait considéré que les pouvoirs de "cease on desist", qui sont ceux qui seront confiés au Conseil des services essentiels, aient contribué à judiciariser les conflits où que cela soit, où que cela ait été introduit, premier point. Deuxième point, en ce qui concerne les arbitrages de griefs et les coûts qui y sont associés, je vous rappelle que cela fait partie du contenu des conventions collectives et non pas du régime de négociation. (21 h 45)

M. Paradis: Lorsque vous me dites que vous avez consulté les experts, c'est justement là que je suis porté à vous poser une question additionnelle. Si vous voulez déjudiciariser un système et que vous consultez les gens qui y ont un avantage ou qui vivent, finalement, des retombées de la judiciarisation et de la complexité du système, je me dis: Est-ce que vous êtes certain - c'est une question avec strictement un point d'interrogation, ni dans une direction, ni dans l'autre - que votre approche va vous conduire vers l'objectif qui vous anime? Vous me dites que vous avez consulté les experts de ce domaine; à chaque fois que j'ai vu un ministre me répondre cela, on s'est retrouvé, six mois, un an ou un an et demi après, avec encore un peu plus de problèmes où les experts avaient encore à être un peu plus consultés, etc, etc. Vous comprenez leur intérêt dans ce dossier. Est-ce que vous avez consulté d'autre3 experts?

M. Clair: Sur la base des experts consultés et des expériences étrangères, M. le Président, la réponse à la question est oui.

M. Paradis: Si la réponse à la question est oui, quels sont ces experts?

M. Clair: Si vous voulez qu'on vous fournisse la liste, on fera du travail et on vous la fournira d'ici quelques semaines, parce qu'il y a eu des gens de rencontrés dans à peu près toutes les provinces canadiennes et dans quelque chose comme dix pays européens. On vous la fournira, mais quand on aura le temps.

M. Paradis: J'accepte votre réponse que vous êtes prêt à la fournir, mais, si les rencontres ont eu lieu, j'imagine que vous savez qui a été rencontré et que la liste est disponible. J'accepte votre réponse que vous êtes prêt à la fournir. Je vous en sais gré, de cette réponse. La partie de la réponse qui dit: Dans quelques semaines, après la commission, après la loi, après l'Assemblée nationale, celle-là, je l'apprécie un peu moins, à moins que vous ne me disiez qu'il y a des difficultés vraiment techniques à dresser une telle liste. Si ces rencontres ont eu lieu, j'imagine que c'est facile à compiler, cela se livre sur quelques feuilles de papier, à moins qu'il n'y en ait eu des milliers et des milliers comme les articles des décrets. Je ne pense pas que ce que je demande soit tellement déraisonnable et j'apprécie votre réponse à savoir que, oui, vous avez consulté ailleurs, oui, vous êtes prêt à la fournir. Si vous pouviez continuer en me disant: Oui, on vous la remettra d'ici la fin de semaine ou au début de la semaine prochaine, je trouverais que c'est une réponse acceptable, M. le ministre. Mais, si vous me dites: Dans quelques semaines, je comprends que vous ne voulez pas la fournir.

Une voix: Quand on n'a pas le temps.

M. Clair: M. le Président, si le député lit le document de M. Jean-Claude Cadieux et Jean Bernier, "Caractéristiques du régime de relations du travail dans le secteur public de certains pays industrialisés", il trouvera à l'annexe 2, page 65 et suivantes, le nom d'un certain nombre d'experts qui ont été rencontrés. Maintenant, je dis simplement au député deux choses c'est que, s'il veut une bibliographie sur les relations du travail au Canada, son service de recherche se fera sûrement un plaisir de lui en fournir une, d'une part. D'autre part, quant au nombre de personnes qui ont été rencontrées, je dis honnêtement au député que la liste qu'on pourrait fournir serait certainement partielle parce que, oui, il y a eu des dizaines et probablement des centaines d'experts canadiens, québécois qui ont été rencontrés. J'en ai rencontré certains personnellement, d'autres ont été rencontrés par les fonctionnaires du ministère des Affaires sociales, par les associations patronales qui nous ont fait rapport. M. le Président, je pense que le député...

M. Paradis: Si le problème du ministre est de dire: Je ne peux pas voir, mes conseillers ou d'autres organisations patronales ou même syndicales ont peut-être rencontré des experts, je comprends la raisonnabilité de son propos. J'aimerais savoir - c'est lui qui est le parrain du projet de loi - les experts de l'extérieur que vous avez consultés, vous, etc. Je ne vous demande pas tous ceux de votre cabinet, tout cela. Vous exagérez. Mes demandes sont généralement très raisonnables et je vous demande qui vous avez rencontré, qui vous avez consulté

et cela me suffira, M. le ministre. Je ne voudrais pas que vous pensiez que je veux savoir tout le monde, qui l'AHQ a rencontré au cours des cinq dernières années, pour vous donner un exemple, ou la CEQ, etc. C'est ne pas cela que je vous demande. Mes propos s'adressent à vous, M. le ministre; je vous le demande bien simplement et bien humblement parce que vous avez acquiescé à me fournir la liste. Maintenant, vous m'avez dit: Je vais vous remettre aux calendes grecques. Je joue sur l'échéance, je ne joue pas sur d'autre chose. Au lieu des calendes grecques, je vous demande si vous pouvez nous fournir la liste des personnes que vous avez rencontrées dans un délai raisonnable, au début de la semaine prochaine. Cela serait très acceptable, M. le ministre.

M. Clair: Alors, pour le début de la semaine prochaine, la réponse c'est non, M. le Président, parce que je vais être en commission parlementaire et je n'ai pas l'intention d'écrire mes mémoires pour essayer de retracer toutes les personnes que j'ai rencontrées là-dessus.

M. Paradis: M. le président du Conseil du trésor, est-ce que vous vous rendez compte? Vous avez répondu: Oui, on va vous la fournir et là vous nous avez renvoyé aux calendes grecques. Là, vous nous dites non. Est-ce que vous vous rendez compte qu'en...

M. Clair: Vous m'avez demandé la liste des experts.

M. Paradis:... argumentant comme vous le faites, M. le ministre - je m'excuse, je ne vous ai pas interrompu - vous me dites: M. le député de Brome-Missisquoi, vous aviez raison de conclure que la réponse était non? Si vous avez eu une telle attitude, tout au cours de la préparation du projet de loi, dans vos rencontres avec les représentants des travailleurs et des travailleuses, je comprends qu'on en soit rendu où on est. Avec des attitudes où on amène quelqu'un sur une piste, où on tente de le tromper, où on le renvoie aux calendes grecques, où on le ramène après et où on lui dit: Ma vraie réponse du début, c'était pour me moquer de toi. C'était non, tu ne l'auras pas, la liste, je comprends qu'on ait des problèmes de relations du travail.

M. Clair: M. le Président, la question du député, au départ, était: Les experts consultés? Il n'a pas dit les experts rencontrés personnellement par le ministre. À cela, je lui ai dit que, sans doute, oui, il était possible de faire une telle liste. Maintenant, je lui indique également que, dans cette liste d'experts, oui, certainement figureraient les principaux responsables des syndicats des secteurs public et parapublic que je considère, oui, comme étant des experts en ces matières.

Maintenant, je dois dire au député de Brome-Missisquoi que ni mon nom, ni le sien n'apparaîtraient sur la liste, c'est bien évident.

M. Paradis: Non, mais, M. le président du Conseil du trésor, je sais que vous avez entendu et consulté les gens qui ont été appelés à témoigner ou à comparaître en commission parlementaire. On dispose déjà de ces listes. Mais, étant donné, que vous semblez en possession de tant d'informations qui semblent nous échapper de ce côté-ci de la table, j'aimerais savoir bien humblement qui, à part ces gens, vous avez consulté. Vous avez mentionné des gens d'autres provinces, d'autres pays, etc. Je suis prêt à vous croire, mais j'aimerais connaître vos sources. Vous m'avez dit: Oui, je vais vous communiquer mes sources, mais je vais vous les communiquer peut-être cet été quand j'aurai le temps, etc. Ce n'est quand même pas un travail incommensurable et, à la fin, vous m'avez dit: Non, vous ne les aurez pas.

J'ai de la misère à comprendre votre bonne foi. Je suis prêt à entreprendre l'étude de l'article 1. Je suis prêt à l'entreprendre, M. le ministre, mais dans une atmosphère où il y a au moins, s'il n'y en a pas eu ailleurs, de la bonne foi des deux côtés de la table ici, où l'on peut poser honnêtement une question à un ministre, où il nous répond honnêtement et où on y va à visière levée et non en tentant de s'enfarger ou de se jouer des tours d'un côté et de l'autre de la table, M. le ministre. C'est aussi simple que cela.

Le Président (M. Lachance): Cela allait si bien avant que vous arriviez.

Une voix: Tu es fort, toi.

M. Clair: Je comprends qu'on est prêt à aborder l'article 1, M. le Président?

M. Paradis: Là, est-ce que ma demande est en suspens ou si on peut avoir une réponse? Est-ce que c'est la première réponse aux calendes grecques, c'est-à-dire que je peux m'attendre à la recevoir peut-être au mois d'août ou au mois de septembre, ou est-ce votre dernière réponse qui prévaut sur les autres soit que vous n'en aurez pas "pantoute"? Je veux savoir à quoi m'en tenir.

M. Clair: Ce que j'indique au député, c'est que je lui ai dit: Non, je ne ferai pas personnellement une liste de toutes les personnes que j'ai rencontrées, en ce qui me concerne, parce que cette liste serait, forcément, basée uniquement sur ma mémoire. Il n'y a pas eu de compilation de toutes les rencontres que j'ai tenues et je

serais incapable, sur la base de ma simple mémoire, de donner le nom de toutes et chacune des personnes que j'ai rencontrées. Je dois vous dire que les dix secrétaires des dix Conseils du trésor du Canada, c'est facile de mettre la main là-dessus, mais parmi les professeurs d'université que j'ai rencontrés à plusieurs reprises, ce n'est pas facile de savoir qui exactement a participé à toutes et chacune des rencontres que j'ai eues. Cette liste serait incomplète et je n'ai pas l'intention de la dresser.

Ce que je peux indiquer au député, par ailleurs, ce sont des listes qui existent. Je lui indique celle dressée par MM. Jean-Claude Cadieux et Jean Bernier. Cette liste est déjà publique et elle a été mise en annexe au travail qui a été effectué. Du côté des fonctionnaires tant du ministère des Affaires sociales, de l'Éducation, du secteur fonction publique, du secrétariat du Conseil du trésor, ces gens ont également rencontré un grand nombre de personnes. Je doute qu'ils soient capables d'en dresser une liste complète et détaillée dans tous les cas, mais...

M. Paradis: Ce n'est pas ce que je demande, M. le ministre. C'est vous, votre information.

M. Clair: Cela va vous servir à quoi au juste?

M. Paradis: Cela va peut-être me servir à vérifier, entre autres, un élément qui me préoccupe et vous avez sans doute pu le sentir dans mon intervention aux remarques préliminaires. Dans l'orientation que vous avez prise d'établir des pourcentages de travailleurs et de travailleuses, dans le secteur de la santé, surtout dans les centres hospitaliers et les centres d'accueil, qui n'auront pas à se présenter, où avez-vous pu aller les chercher? Vous m'avez répondu que, possiblement, vous étiez allé chercher cela auprès des associations d'employeurs. Je regarde leur témoignage et je m'aperçois que ce n'est pas là. Chez les bénéficiaires, chez les travailleurs et les travailleuses, je m'aperçois que ce n'est pas là. Je me dis: II y a quelqu'un qui vous a conseillé cela. Vous me dites que ce n'est pas le ministre des Affaires sociales et cela m'aurait surpris, car il commence à connaître un peu son dossier. Il n'aurait jamais accepté que 20 % des travailleurs, lorsqu'on est déjà en pénurie d'effectifs, ne se présentent pas au travail dans de telles circonstances.

Je cherche, j'aimerais savoir. Si vous me dites que c'est vous qui avez pensé à cela dans votre bureau, je vais vous dire: Parfait, très bien, vous avez droit à vos idées. Vous êtes le ministre responsable, vous avez le droit de les écrire dans les projets de loi, vous avez le droit de les défendre et tout. J'aimerais savoir qui, sur cette planète, a pu vous conseiller de considérer comme étant sur un pied d'égalité, avec un pourcentage uniforme, les centres hospitaliers quelle que soit leur location sur l'île de Montréal, quelle que soit leur situation géographique, I'Abitibi-Témiscamingue sur le même pied que Sherbrooke, etc. Je cherche votre inspiration, M. le ministre. Si vous pouvez me dire: J'ai quelqu'un et je vais vous dire qui exactement, vous allez m'éclairer. Si vous me demandez le but, je n'ai pas de honte à vous dire quel est le but de ma question; c'est cela, le but de ma question, je cherche une réponse honnête.

M. Clair: M. le Président, nous avons débattu de cette question avant que le député nous fasse l'honneur de sa présence pour nos travaux. Tout compte fait, à bien l'entendre, M. le Président, je me ravise et je n'ai pas l'intention de fournir d'autres listes que celle qui est déjà rendue disponible dans le document. Cela va peut-être nous permettre d'aborder l'étude de l'article 1.

Le Président (M. Lachance): Je voudrais signaler à ce moment-ci que l'article 82 de nos règles de procédure est très clair: "Le ministre auquel une question est posée peut refuser d'y répondre. "

M. Paradis: Cela va, je prends cela comme un refus. Je ne suis pas offensé, pas de problème.

Le Président (M. Lachance): Je pense que c'est légitime de poser des questions, il faut avoir des échanges, mais je pense que ce n'est pas l'endroit pour prendre le style de l'interrogatoire en règle comme dans un prétoire.

M. Paradis: M. le Président, je m'offusque de vos remarques. Si vous me citez l'article du règlement et que vous me dites que le ministre a parfaitement le droit de refuser, je vous dis que vous avez raison d'interpréter le règlement de cette façon. Mais je ne pense pas que, sur la façon dont je pose mes questions, vous ayez, malgré tout le respect que j'ai pour la fonction que vous occupez, à me dicter le verbe, le point d'interrogation, etc., que je mets au bout de mes phrases. Cela, M. le Président, je vous le soumets en toute humilité et en tout respect pour la fonction que vous occupez. Je pense que, lorsque vous prêtez de tels propos, vous outrepassez la fonction qui est vôtre.

Le Président (M. Lachance): C'est une opinion, M. le député, et je rappelle que l'article 82 dit ceci: "Le ministre auquel une question est posée peut refuser d'y répondre. Le refus de répondre ne peut être discuté. "

M. Paradis: M. le Président, si j'ai insisté, c'est parce qu'il a dit qu'il me répondrait à la fin de l'été. J'ai essayé de lui faire rapprocher la date et, à la fin, il a dit non. S'il avait dit non au début, on n'aurait pas eu tout ce débat et vous auriez eu raison d'interpréter le règlement comme vous le faites.

M. de Bellefeuille: M. le Président, sur la question de règlement que vous avez vous-même soulevée, il me semble que l'article 82 ne s'applique pas parce que ce n'est pas tellement que le ministre refuse de répondre, c'est qu'il affirme avoir répondu. Je ne sais pas quel est l'avis du député de Brome-Missisquoi, mais il arrive que j'ai le sentiment qu'il n'a pas vraiment répondu à certains aspects importants de cette question, particulièrement, la question de savoir comment le ministre considère souhaitable, équitable de traiter sous le même pourcentage des établissements appartenant à la même catégorie, mais étant, à toutes sortes d'égards, très différents les uns des autres.

Je ne me souviens pas que le ministre ait répondu à cette question qui me semble très importante. Je lui reconnais le droit de ne pas répondre, que vous lui avez signalé, rappelé, mais il affirme qu'il a répondu. Là-dessus, il a divergence de vues, M. le Président.

M. Paradis: Si vous me permettez, M. le Président, sur cette question, je n'ai pas insisté auprès du ministre parce que c'est vrai que je suis arrivé une heure et demie après le début des travaux. Comme le règlement m'oblige à prendre la parole du ministre lorsqu'il affirme quelque chose, je me suis conformé au règlement et j'ai pris la parole du ministre. Maintenant, vous qui étiez ici, si vous me dites que c'est le contraire, je suis également obligé de prendre votre parole et là j'ai des problèmes.

Étude détaillée

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'on peut passer à l'article 1? J'appelle l'article 1. J'oserai dire, pour utiliser un slogan bien connu du député de Brome-Missisquoi, enfin! M. le ministre.

Application

M. Clair: M. le Président, en ce qui concerne l'article 1, je voudrais proposer un amendement: Je voudrais proposer que l'article 1 du projet de loi 37 soit modifié: 1° par l'insertion, dans la première ligne du deuxième alinéa, avant le mot "au", des mots "ainsi qu'une commission scolaire confessionnelle". 2° par la suppression dans les deuxième, troisième et quatrième lignes du quatrième alinéa des mots "un établissement privé qui a conclu avec le ministre des Affaires sociales un contrat prévu par l'article 176 de cette loi". (22 heures) "3° par l'insertion, dans la sixième ligne du quatrième alinéa, après le mot "établissement", des mots "ou à des bénéficiaires".

Cet amendement modifie la désignation d'une commission scolaire pour tenir compte de la loi 29. De plus, cet amendement retranche formellement de la définition certains établissements privés subventionnés à taux fixe qui, en fait, n'ont jamais été assujettis à la loi 55, qui était l'ancienne loi. Finalement, il en ajoute d'autres qui ont pour mandat de dispenser des services directement à des bénéficiaires comme, par exemple, le Service de réadaptation sociale Inc.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais signaler au ministre que dans le "deuxièmement" il est question des deuxième, troisième et quatrième lignes mais, lorsqu'on se réfère au texte imprimé de la loi, ce sont les troisième, quatrième et cinquième lignes.

M. Clair: Oui, effectivement, vous avez raison.

M. de Bellefeuille: Je voudrais seulement faire observer au ministre qu'il se peut que nous ayons parfois raison sur des questions plus substantielles aussi.

M. Paradis: Elles lui apparaissent moins évidentes.

Le Président (M. Lachance): Alors, il faudrait corriger le papillon et indiquer deuxième, troisième et quatrième?

M. Paradis: Relativement à la procédure, étant donné que c'est quand même important, est-ce qu'on tient pour acquis qu'il y a seulement un papillon exact qui a été déposé ou est-ce qu'on amende le papillon qui est déjà devant nous?

M. Clair: Je crois que, pour la procédure, on pourrait tenir pour acquis que je fais mienne la correction du député de Deux-Montagnes.

M. Paradis: Avec l'autorisation du député de Deux-Montagnes, qui donne toujours son consentement dans des causes justes.

M. Clair: Sur l'amendement, moi, je n'ai pas d'autres explications à donner. On voit que c'est assez limité comme amendement.

Le Président (M. Lachancc): Oui, sur l'amendement. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Ce n'est pas sur l'amendement, M. le Président.

M. Clair: Est-ce que l'amendement est adopté?

Le Président (M. Lachance): Est-ce que l'amendement est adopté?

Une voix: C'est un amendement technique.

M. Paquette: M. le Président, tout en déplorant que la constitution canadienne ait forcé le gouvernement et cette Assemblée nationale a adopter la loi 29 qui maintient des commissions scolaires confessionnelles archaïques et tout en déplorant en même temps que les récentes propositions constitutionnelles du gouvernement aient oublié de revendiquer cette modification essentielle à la constitution canadienne à l'article 93, qui aurait permis d'éviter tout cela, y compris cet amendement...

M. de Bellefeuille: Donc, c'est adopté avec la modification qui a déjà été mentionnée.

Le Président (M. Lachance): D'accord. Sur l'article tel qu'amendé?

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: J'aurais d'abord un certain nombre d'éclaircissements à obtenir en ce qui concerne le premier alinéa, là où on dit à la quatrième ligne: "Elle s'applique en outre à un organisme gouvernemental mentionné à l'annexe C dans la mesure prévue par le chapitre IV, et à la fonction publique dans la mesure prévue par le chapitre V. " Si on va voir à l'annexe C qui est à la page 34 du projet de loi, on retrouve 15 ou 20 organismes dont la Commission des droits de la personne, la Commission des services juridiques, etc., et il y a des choses dans cela qui étonnent. J'aimerais savoir ce qui a amené le ministre à arrêter cette liste en particulier. Remarquez qu'on aurait plutôt tendance à éliminer toute la liste avec un tel projet de loi puisque cela va, à notre avis, aggraver les chances de conflit plutôt que d'aider à les réduire, donc on n'aurait pas tendance à ajouter des organismes, mais plutôt à en retrancher. Cependant, par exemple, dans la liste des organismes, il y a Hydro-Québec, qui est une société d'État qui fournit, on le comprendra, un service essentiel, surtout en hiver. Les gens se chauffent à l'électricité et il y a eu parfois des conflits très importants. Hydro-Québec est incluse dans la liste. Par contre, SOQUIP ou plus particulièrement Gaz Métropolitain ou Gaz Inter-Cité - je pense que maintenant les deux ont fusionné - qui fournit le gaz naturel, service tout aussi essentiel, n'apparaissent pas dans la liste. Comment expliquer cela?

M. Clair: Je vais donner une explication générale, d'abord, au député de Rosemont. La liste des organismes gouvernementaux qui apparaît à l'annexe C est exactement, sauf erreur il y a peut-être un cas de différence - la même que celle qui était dans l'ancienne loi 55. Les dispositions régissant le régime de négociation pour ces organismes sont, à toutes fins utiles, les mêmes que celles qui existaient dans la loi 55 et qui sont reconduites. Ce qui distingue certaines régies ou sociétés d'État d'autres, c'est que dans sa loi constitutive, notamment, Hydro-Québec doit, j'imagine, depuis qu'elle existe, obtenir des mandats de négociation au Conseil du trésor alors que SOQUIP, SOQUEM ou d'autres n'ont pas cela dans leur loi constitutive. À toutes fins utiles, en ce qui concerne ces organismes gouvernementaux, tant pour la liste que pour les mécanismes, c'est la reconduction du statu quo. On n'a pas voulu maintenir l'ancienne loi et une nouvelle avec les dispositions qui continueraient à être véhiculées dans diverses loi. À toutes fins utiles, c'est la reproduction du statu quo.

M. Paquette: Est-ce qu'on doit en conclure que dans les grandes sociétés d'État, où il y a beaucoup d'employés qui sont syndiqués, à ma connaissance, dans presque tous Ies cas... Je vois seulement Hydro-Québec ici. Comment le ministre peut-il justifier que l'on traite différemment une société d'État qui fournit un service essentiel comme l'électricité et une société d'État qui fournit un service tout aussi essentiel et qui remplit les mêmes fonctions, dans beaucoup de cas, comme une filiale de SOQUIP qui est Gaz Métropolitain? Comment se fait-il que cela s'applique au ministère de l'Industrie et du Commerce et que cela ne s'applique pas à la Société de développement industriel, ni à la Société nationale de l'amiante, ni à SOQUEM, ni à REXFOR?

M. Clair: La réponse que j'ai donnée au député est celle-là: Dans le fond, à l'égard des organismes gouvernementaux, on reproduit l'histoire, purement et simplement. Il n'y a pas de modification quant au régime de négociation, non plus que quant à la liste. Cette liste peut être raccourcie ou allongée sur décision du gouvernement, ce qui a été le cas également dans la loi 55. Vous savez

qu'il existe la commission Beaudry qui se penche actuellement sur les relations du travail dans le secteur dit privé, dans le secteur de la production. Nous n'avons pas voulu, à ce moment-ci, modifier le régime. Les organismes comme Hydro-Québec, notamment, parmi les sociétés d'État, vous avez raison de dire que c'est la plus grande et que c'est la seule ou, en tout cas, l'une des rares qui soit soumise, avec la Société des alcools du Québec, à la loi 37, comme elles l'étaient à la loi 55. On peut porter toutes sortes de jugements mais c'est la reconduction du statu quo.

M. Paquette: Est-ce que le ministre peut nous asssurer - si je l'ai bien compris -qu'on a là exactement et seulement les organismes publics qui viennent chercher leur mandat de négociation au Conseil du trésor? Il n'y en a pas d'autres?

M. Clair: Je pense qu'il n'y en a pas d'autres, maintenant... Il y en a d'autres?

Une voix: Oui. C'est dans la loi qui les forme...

M. Clair: C'est ce que j'indique. Ce sont des organismes qui, dans leur loi constitutive, doivent obtenir des mandats au Conseil du trésor. Tous les organismes qui viennent obtenir des mandats n'apparaissent pas, je pense, dans la liste. Je vais vous dire que c'est très discutable, effectivement, la question de savoir si Hydro-Québec devrait continuer à obtenir ses mandats du Conseil du trésor. Je ne prends pas position, ni dans un sens, ni dans l'autre, mais simplement c'est très discutable. Le fait qu'Hydro-Québec, par exemple, fasse partie de cette liste alors que, si je ne fais pas erreur, SIDBEC ne soit pas soumise à une telle situation, alors que la situation financière de l'une est florissante et que la situation financière de l'autre ne l'est pas... On n'a pas voulu vider cette question par la réforme du régime de négociation. Pour la continuité, nous avons reproduit substantiellement les mêmes dispositions que celles qui existaient à l'égard des organismes gouvernementaux, tant pour les mécanismes que pour la liste, en se disant que l'objectif visé... Le régime de négociation dont on parle ici est davantage celui qui concerne le réseau de l'enseignement, le réseau des affaires sociales et la fonction publique proprement dite, et non pas les sociétés d'État.

M. de Bellefeuille: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: II me semble que le ministre devrait quand même pouvoir nous donner certaines explications. Comment se fait-il qu'on trouve, dans la liste de l'annexe C, le Conseil de la santé et des services sociaux de la région de Montréal métropolitain, le Conseil de la santé et des services sociaux de la région de Québec, le Conseil de la santé et des services sociaux de la région de Trois-Rivières, le Conseil de la santé et des services sociaux de la région d'Abitibi-Témiscamingue et aucun autre conseil régional de la santé et des services sociaux?

M. Clair: Voici la réponse, M. le Président. Je pense qu'essentiellement c'est parce qu'un certain nombre de ces conseils ou de ces organismes ne sont pas syndiqués ou, encore, ne constituent pas, au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Comme je vous le dis, cette liste a évolué. C'est le résultat d'une certaine sédimentation, je dirais.

M. Paquette: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Le ministre nous a dit tout à l'heure que le gouvernement pouvait allonger ou raccourcir la liste. Cela se fait, j'imagine, par arrêté en conseil ou par règlement qui est connu du public, ou par décret.

M. Clair: Je vais vous lire l'article du projet de loi, l'article 76: "Le gouvernement peut retrancher de l'annexe C un organisme qui y figure, y ajouter tout organisme qu'il a retranché ou tout autre organisme. Il peut également ajouter ou retrancher une filiale de tout organisme qu'il désigne. " Je pense que ces dispositions existaient également dans l'ancienne loi, ce que je vais confirmer. L'ancien article 24 de la loi disait également: "Le gouvernement peut retrancher de l'annexe un organisme qui y figure ou ajouter tout autre organisme. Il peut également ajouter ou retrancher une filiale de tout organisme qu'il désigne. " C'était l'article 24 du chapitre III, le secteur des organismes gouvernementaux. Il y a eu des arrêtés en conseil et des décrets et le plus ancien date de 1978, pour la Régie des installations olympiques, et le dernier, le Conseil de la santé et des services sociaux de la région de Montréal métropolitain, de 1982.

M. Paquette: M. le Président, si je comprends bien, le ministre nous dit que c'était dans l'ancienne loi et donc aussi dans la nouvelle, à savoir que le gouvernement peut retrancher ou ajouter des organismes. Quelles conséquences cela a-t-il du point de vue des personnes bénéficiaires des services?

Comme je l'ai fait remarquer tantôt, il y a des organismes qui offrent des services essentiels qui sont dans la liste et il y en a d'autres qui offrent des services tout aussi essentiels qui ne sont pas dans la liste. On a parlé de SOQUIP. On pourrait parler de la Société des transports aussi, une interruption des traversiers trop longtemps, cela peut être assez embêtant.

M. de Bellefeuille: Le Bureau de la protection civile. (22 h 15)

M. Paquette: Le Bureau de la protection civile n'est pas dedans non plus. D'une part, du point de vue des services essentiels, il y a certains services qui ne sont pas soumis à la mécanique compliquée du projet de loi, si je comprends bien. Est-ce que le conseil a le droit de regard sur les...

M. Clair: Ces services essentiels? M. Paquette: Oui.

M. Clair: Le Conseil des services essentiels et cette liste de l'annexe C n'ont rien a voir l'un avec l'autre. Les pouvoirs du Conseil des services essentiels, à l'égard des autres services, on les retrouve à l'article 111. 0. 16 du Code du travail qui dit: Dans la présente section, on entend par "service public", une corporation municipale et une régie intermunicipale, un établissement et un conseil régional au sens des paragraphes a et f de l'article 1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, une entreprise de téléphone, une entreprise de transport par autobus, par bateau, vente de gaz, d'eau, d'électricité, etc. Cette liste n'a rien à voir avec le Conseil des services essentiels et les dispositions du Code du travail. C'est simplement pour les fins de l'organisation des négociations, si on veut, des conventions collectives dans le secteur des organismes gouvernementaux qu'on retrouve au chapitre IV et qui reconduisent, comme je l'indiquais, exactement ce que nous avons déjà comme dispositions.

M. Paquette: Donc, tous les nouveaux pouvoirs du Conseil des services essentiels s'appliquent à tous les organismes que vous venez de mentionner...

M. Clair: Exactement.

M. Paquette:... et pas seulement à la liste qui est à l'annexe C.

M. Clair: Quand on y arrivera au moment de l'étude de ces articles, on verra dans quelles circonstances et comment s'appliquent les nouveaux pouvoirs du Conseil des services essentiels à ces organismes. Je vous rappelle simplement qu'en termes de législation, quand on modifie les pouvoirs du Conseil des services essentiels, on modifie le Code du travail. Il y a d'autres dispositions qui se trouvent déjà au Code du travail alors que la loi sur le régime de négociation, le projet de loi 37 qui est devant nous, remplace l'ancienne loi 55.

M. Paquette: Sur un autre plan, on va clarifier cette question par rapport aux services essentiels. Sur le plan des syndiqués qui sont soumis à la loi 37 dans leur négociation, est-ce que le ministre ne trouve pas un peu abusif que le gouvernement, par décret ou arrêté en conseil, unilatéralement et sans passer par l'Assemblée nationale, puisse décider demain matin que les syndiqués de SOQUIP ou les syndiqués de la Société des transports vont être soumis à la loi ou qu'à l'inverse - je pense qu'il n'y a pas beaucoup de syndiqués qui s'en plaindraient - les syndiqués d'Hydro-Québec seront exclus de la loi? Est-ce que cela n'est pas un peu abusif qu'unilatéralement, sans passer par l'Assemblée nationale, le gouvernement puisse allonger ou restreindre la liste, donc faire tomber plus ou moins de salariés sous la coupe de la loi 37?

M. Clair: M. le Président, je pense que le député de Rosemont n'a pas lu les articles 75 et suivants du projet de loi parce qu'il verrait qu'à l'égard des organismes gouvernementaux le fait de pouvoir ajouter ou retrancher à la liste des organismes gouvernementaux n'a pas comme conséquence de changer les conditions de travail de qui que ce soit. On lit à l'article 75: "Les stipulations d'une convention collective liant une association de salariés à un organisme gouvernemental sont négociées et agréées suivant les dispositions du présent chapitre. " Ce n'est pas trop méchant jusque-là. Le gouvernement peut retrancher - ce que je viens d'indiquer - et ajouter à cette liste. Les articles de fond disent simplement qu'une "association de salariés négocie et agrée, par l'entremise d'un agent-négociateur qu'elle nomme, toutes les stipulations d'une convention collective la liant à un organisme gouvernemental. " On dit qu'avant d'entreprendre avec une association de salariés la négociation d'une convention un organisme gouvernemental soumet au ministre responsable un projet établissant les paramètres généraux d'une politique de rémunération et de conditions de travail. C'est soumis pour approbation au Conseil du trésor qui détermine, en collaboration avec celui-ci et l'organisme, les modalités selon lesquelles est assuré le suivi du déroulement des négociations. La politique de rémunération et de conditions de travail approuvée avec ou sans modification par le Conseil du trésor et les modalités déterminées pour le suivi du déroulement des

négociations lient l'organisme qui est tenu de s'y conformer. Finalement, on dit qu'un organisme gouvernemental négocie, agrée et signe une convention collective dans le cadre défini en application des articles 78 et 79. Le fait qu'un organisme gouvernemental soit soumis ou non à cette annexe ne vient pas modifier la question des services essentiels, du pouvoir de décréter ou quoi que ce soit. Ce sont des articles d'une portée très limitée qui prévoient l'organisation des négociations en ce qui concerne ces organismes.

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille:... j'essaie de comprendre les allusions que le ministre a faites à la commission Beaudry. Permettez-moi de poser la question avant que vous y répondiez et merci de votre empressement, mais je crois me souvenir que la refonte du Code du travail est un élément très important du programme du Parti québécois depuis toujours et c'est encore dans la version de ce programme.

La commission Beaudry va peut-être permettre commodément au gouvernement de ne pas agir dans ce domaine avant les prochaines élections, parce que je n'ai pas l'impression que le gouvernement aura le temps d'agir. Je ne sais quand la commission est censée remettre son rapport mais, quoi qu'il en soit, je ne vois pas très bien ce que la commission Beaudry a à faire là-dedans. Il s'agit ici, de toute façon, d'organismes publics et il me semble que le mandat de la commission Beaudry ne concerne pas les organismes publics. C'est cela que j'aimerais que le ministre clarifie.

M. Clair: Le mandat que j'avais du Conseil des ministres consistait à proposer une réforme du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic pour le réseau des services de santé, des affaires sociales, de l'éducation, de l'enseignement primaire, secondaire et collégial et de la fonction publique.

Traditionnellement annexés aux lois qui régissaient ces relations du travail, ces régimes de négociation, apparaissaient un certain nombre d'organismes ou de sociétés d'État. Je dis simplement au député que nous les avons reconduits dans leur statut tels qu'ils sont présentement. Pour ce qui est de la commission Beaudry, celle-ci est chargée de réviser le Code du travail. Il nous semble que des sociétés d'État qui sont opérationnelles dans des services, que ce soit l'hydroélectricité, l'acier ou autre, sont davantage soumises aux règles usuelles du Code du travail que les employés de l'État dans des réseaux comme ceux de la santé, des affaires sociales et de l'éducation. C'e3t la raison pour laquelle, avant de bouger, nous avons voulu attendre le rapport de la commission Beaudry.

Le Président (M. Lachance): Cela va?

M. Paquette: M. le Président, j'ai une autre question.

M. de Bellefeuille: M. le député d'Iberville veut intervenir, M. le Président.

M. Beauséjour: Vas-y! Vas-y!

M. de Bellefeuille: Vas-y!

Le Président (M. Lachance): Vous avez la parole.

M. Paquette: M. le Président, je me reporte au deuxième alinéa de l'article 1 où on dit "une commission scolaire... et tout autre organisme similaire désigné par le gouvernement pour l'application de la présente loi. " On définit, en quelque sorte... Dans l'ensemble des organismes visés dans le monde de l'éducation, on retrouve des organismes publics. Est-ce que les institutions d'enseignement privées sont incluses dans le champ d'application du projet de loi?

M. Clair: Non, elles ne sont aucunement concernées. Encore là, en ce qui concerne les expressions "une commission scolaire" et "tout autre organisme similaire désigné par le gouvernement pour l'application de la présente loi", ces deux formulations, dans les deux cas, se retrouvaient également dans l'ancienne loi 55.

M. Paquette: D'accord. Comment le ministre explique-t-il qu'à l'alinéa 4 on inclue, par contre, dans le champ d'application de la loi, les établissements privés conventionnés au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, donc les établissements privés subventionnés par le gouvernement, et qu'on n'inclue pas, dans le secteur scolaire, les institutions d'enseignement privées qui sont également subventionnées, sauf deux ou trois exceptions, à 80 % ou à 60 % et où on trouve également des travailleurs syndiqués?

M. Clair: Tantôt, j'ai proposé de retrancher "un établissement privé qui a conclu avec le ministre des Affaires sociales un contrat prévu par l'article 176 de cette loi", ce qui exclut un certain nombre de ces organismes.

En ce qui concerne les établissements dits privés conventionnés, en fait, on sait que ces établissements offrent non seulement

des services identiques, mais qu'ils sont, à toutes fins utiles, entièrement financés par l'État. Je pense qu'ils sont couverts par le régime de négociation depuis le tout début alors que les établissements d'enseignement privés ne l'ont jamais été. Dans un esprit de décentralisation, comme disait le député tantôt, je ne pense pas qu'il y ait lieu d'inclure ceux du secteur de l'enseignement privé.

Le Président (M. Lachance): Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Beauséjour: II a été adopté.

Le Président (M. Lachance): L'amendement est adopté.

M. Paradis: Si vous voulez intervenir rétroactivement, il pourrait y avoir un consentement.

M. de Bellefeuille: On va rouvrir tout cela pour vous, M. le député.

Le Président (M. Lachance): Alors, l'article 1 est adopté. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: J'aurais quelques questions. Tantôt, à une des questions d'un de mes collègues indépendants, le ministre a répondu, quant à la liste de l'annexe C, que c'étaient des organismes qui étaient déjà là. J'ai noté l'expression, le ministre a répondu: L'explication, c'est de la sédimentation. J'ai trouvé cela très bien comme réponse, mais j'ai comparé une liste - je n'ai peut-être pas la dernière documentation, j'y vais prudemment, comme on dit, j'ai celle qui date du 7 février 1985 - avec celle que l'on retrouve à l'annexe C et, justement, sur la question qui concernait les conseils de santé, la sédimentation pourrait s'appliquer dans trois des conseils de santé mentionnés mais elle ne s'applique pas, suivant le document auquel je vous référais, en ce qui concerne le Conseil de la santé et des services sociaux de la région d'Abitibi-Témiscamingue. À ce moment-là, je ne peux pas appliquer votre réponse de sédimentation. Je suis obligé de vous poser une question additionnelle: Dans ce cas-là, si ce n'est pas de la sédimentation, qu'est-ce que c'est?

M. Clair: Le Conseil de la santé et des services sociaux de la région d'Abitibi-Témiscamingue avait été inclus à la liste par le décret 2594-83 du 14 décembre 1983; c'est l'information que j'ai. Quand je dis que c'est un processus de sédimentation, ce que je voulais indiquer au député, c'est que cette liste s'était allongée avec les années. Je n'ai pas fait de recherche à cet égard, mais l'une des toutes premières à apparaître a sans doute été Hydro-Québec puisque c'est une des plus anciennes sociétés d'État. Quand j'ai dit que c'est un processus de sédimentation, j'entendais par là qu'il y avait eu des organismes qui s'étaient ajoutés au fil des ans et que, aujourd'hui, on avait simplement repris la même liste et on l'a reproduite dans le projet de loi 37, à l'annexe C.

M. Paradis: C'est là que j'ai un problème, M. le ministre.

M. Clair: Oui, quoi?

M. Paradis: À partir du Code du travail annoté du 7 février 1985, dans la première liste, parmi les premières que vous avez mentionnées - vous avez raison de mentionner Hydro-Québec - il y avait la Commission des droits de la personne, les commissions de formation professionnelle de la main-d'oeuvre, la Commission des services juridiques, les corporations d'aide juridique, la Société des alcools du Québec, la Société des traversiers du Québec et la Sûreté du Québec. En astérisque, suivant l'article 24, d'autres organismes ont été ajoutés. C'est indiqué dans le texte et il me fera plaisir de vous le remettre si vous voulez le consulter. On ajoute la Régie des installations olympiques, la Société des loteries et courses du Québec, la Société de radio-télévision du Québec, l'Office de la construction du Québec, le Conseil de la santé et des services sociaux de la région de Québec - là, cela va, cela fait partie de la même annexe - le Conseil de la santé et des services sociaux de la région de Trois-Rivières - cela va également - et le Conseil de la santé et des services sociaux de la région de Montréal métropolitain. Celui-là aussi va, mais je n'ai pas l'autre; je ne sais pas s'il y a eu une erreur de codification. L'explication "sédimentation", avec les deux listes que je tente de coller ensemble, mais j'ai un trou d'un organisme. (22 h 30)

M. Clair: Alors, il semble que cet organisme aurait été oublié puisque l'information que j'ai... Je vous donne le numéro du décret, je n'ai pas le décret avec moi; il porte le numéro 2594-83. Il date du 14 décembre 1983 et concerne le Conseil de la santé et des services sociaux de la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Il semble que la codification administrative que vous avez comportait une erreur.

M. Paradis: C'était...

M. Clair: On n'ajoute pas par l'effet de la loi.

M. Paradis:... la vérification que je voulais faire.

Maintenant, si on retient votre

explication de sédimentation et étant donné que vous parlez de réforme majeure, que vous parlez de réforme importante, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, pour vous, comme ministre responsable, soit d'ajouter l'ensemble des autres conseils régionaux, pour que tout le monde se retrouve dans ce système sur un pied d'égalité, soit de retrancher les conseils qui y sont déjà mentionnés? Comment peut-on justifier, s'il s'agissait strictement de centres urbains... Si on parlait de Québec et de Montréal et qu'on me disait que c'est différent au niveau de l'ampleur des conseils régionaux, je comprendrais et je dirais: II y a peut-être une logique qui sous-tend qu'on ait les grands centres urbains au Québec, mais, lorsqu'on a Trois-Rivières et Abitibi-Témiscamingue, et qu'on n'a pas - à titre d'exemple - Montérégie, je me dis: Est-ce que vraiment on uniformise ce domaine? Pourquoi avez-vous choisi, dans le cas des conseils de santé et de services sociaux, la sédimentation plutôt que la progression ou l'abstention?

M. Clair: Je vous ai donné une indication tantôt, M. le Président. On ne peut pas couvrir, par le régime de négociation, des conseils régionaux de santé et de services sociaux qui ne sont pas syndiqués, où il n'y a pas de négociation de convention collective.

M. Paradis: Ce que vous me dites, c'est que tous les autres qui ne sont pas listés là ne sont pas syndiqués et qu'il n'y a pas de convention collective.

M. Clair: Je ne pourrais pas parler en date d'aujourd'hui, mais je dis simplement que la liste, à la date à laquelle la sédimentation s'est terminée, c'était...

M. Paradis: Quelle est cette date?

M. Clair: C'est ce que j'indique. Le dernier qui a été entré dans les conseils régionaux de services de santé, il semble que ce soit celui de l'Abitibi-Témiscamingue au mois de décembre 1983.

M. Paradis: On prend décembre 1933 comme date de...

M. Clair: Non. La date du projet de loi est la date officielle de ce qu'on reproduit dans la liste, mais je dis simplement que, selon les informations que j'ai, il semble que les autres conseils régionaux de santé et de services sociaux n'étaient pas syndiqués.

M. Paradis: Je ne peux pas vous contredire, je vous le dis...

M. Clair: Je ne peux pas dire s'il y en a...

M. Paradis:... bien humblement. S'ils étaient syndiqués, je ne comprendrais pas la logique. Si vous pouvez m'affirmer qu'ils ne le sont pas et que c'est différent, cela va, je vais suivre la logique du ministre.

M. Clair: Alors, après avoir consulté mes gens, M. le Président, il semble qu'il y en ait deux qui étaient en voie de syndicalisation récemment, à moins que cela soit très récent dans le style d'il y a quelques mois, tout au plus, parce que la pratique était, sur le plan de la gestion de ces organismes, que, dès qu'un conseil régional de la santé et des services sociaux était syndiqué et qu'il y avait négociation d'une convention collective, on l'incluait dans la liste afin que la négociation... J'ai lu des articles tantôt. À grands traits, ils disent simplement que l'organisme doit établir une politique de rémunération, qu'il doit la faire approuver et faire approuver ses mandats par le Conseil du trésor, et que chaque partie se nomme un agent négociateur. Ce n'est pas plus sorcier que cela, les dispositions qui concernent les organismes gouvernementaux.

M. Paradis: Est-ce que c'est correct d'interpréter la réponse que le ministre vient de me donner comme suit, c'est-à-dire que, s'il y a un autre conseil de la santé et des services sociaux qui se syndicalise, pour utiliser l'expression, il va être ajouté à la liste?

M. Clair: Exact.

M. Paradis: J'aurais une autre question qui touche le paragraphe 4 de l'article 1 qui se lisait ou qui se lit... Je pense que je vais procéder immédiatement à l'amendement, étant donné qu'il a déjà été adopté, M. le Président. Le paragraphe se lit comme suit: Un établissement comprend un établissement public au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, un établissement privé conventionné au sens de cette loi, un établissement privé qui a conclu avec le ministre des Affaires sociales un contrat prévu par l'article 176 de cette loi et tout organisme qui fournit des services à un établissement ou des bénéficiaires, suivant l'amendement qui vient d'être adopté, conformément à cette loi et est déclaré par le gouvernement être assimilé pour l'application de la présente loi à un établissement, tel que l'entend la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Ma question touche la partie de l'alinéa qui concerne les établissements qui fournissent des services aux établissements, si vous pouvez me suivre. Je pourrais vous donner un exemple pratique, peut-être pour qu'on se comprenne mieux. Dans le cas de certains centres de santé, dans la région de Sherbrooke, les services de cafétéria, même

de nourriture pour les malades, sont assurés par le secteur privé, par des compagnies privées, finalement. Est-ce que vous les assimilez, à ce moment-là, dans le cadre de ce projet de loi? Est-ce que vous assimilez ces travailleurs, qu'ils soient syndiqués ou non?

M. Clair: Ce n'est pas un établissement au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux; donc, il n'est pas assimilé. Les organismes qui sont visés là, ce sont des organismes... C'est davantage une cafétéria ou un service de buanderie en commun qui rendent des services. Il arrive souvent qu'il y a des ententes interétablissements pour regrouper des services, c'est cela que cela vise. C'est la raison pour laquelle ces établissements peuvent l'être, comme le dit la loi. Et tout organisme qui fournit des services à un établissement ou à des bénéficiaires, conformément à cette loi -c'est-à-dire, la Loi sur les services de santé et les services sociaux - est déclaré par le gouvernement être assimilé pour l'application de la présente loi en établissement, tel que l'entend la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Par exemple, la buanderie centrale Partagée, c'est un cas d'assimilé.

M. Paradis: Si je comprends bien votre réponse...

M. Clair: Cela ne se prolonge pas au privé.

M. Paradis: Cela ne se prolonge absolument pas au privé, même si les services... Si au lieu de faire affaires avec Partagec, le centre hospitalier faisait affaires avec une buanderie privée qui fournit des services de buanderie - ce sont quand mêmes des services importants, même en cas de conflit, etc. - ce projet de loi ne se prolonge pas jusque là.

M. Clair: Je ne pense pas que, par rapport aux fournisseurs privés des hôpitaux, il y ait beaucoup de fournisseurs qui soient en situation de monopole et où, s'il y avait une grève ou un lock-out chez lui, cela rendrait la dispensation des services par l'hôpital impossible. Je ne pense pas qu'il y ait de telles entreprises privées qui soient ainsi en situation de monopole.

M. Paradis: Autrement dit, le prolongement se limite aux secteurs public et parapublic et il ne touche absolument pas tout ce qui pourrait être des services fournis par le secteur privé?

M. Clair: Non.

M. Paradis: D'accord.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, au premier alinéa, on a parlé beaucoup de l'annexe C, dans la mesure prévue au chapitre IV - donc, on a bien compris que c'étaient uniquement les articles du chapitre IV qui s'appliquaient à ces organismes - et on ajoute: "... et à la fonction publique, dans la mesure prévue dans le chapitre V".

Alors, si on va voir dans le chapitre V, on dit: "Les articles 46 - il y a un seul article au chapitre V, l'article 81 - à 56 s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires à une convention collective liant le gouvernement et une association de salariés reconnue ou accréditée en vertu des articles 64 à 67 de la Loi sur la fonction publique. " Cela nous permet de préciser le champ d'application, car, à l'article 1, on veut savoir qui est visé exactement par le projet de loi et dans quelle mesure, par rapport à quels articles exactement.

Je pense que là-dedans il y a tous les employés, toute la fonction publique, c'est-à-dire tous les employés des ministères, les professionnels, employés de soutien, tous les salariés syndiqués. Est-ce que cela couvre d'autres catégories de salariés? Est-ce que tous les ministères sont couverts par les articles 64 à 67 de la loi, y compris les bureaux régionaux, les palais de justice? Parce que si on prend l'exemple du ministère de la Justice, il y a à peu près 12 000 employés à ce ministère.

M. Clair: Oui. Ce sont tous les employés qui sont couverts par la Loi sur la fonction publique. Alors, c'est à eux que cela s'applique. Maintenant, ceux qui ne sont pas couverts par la Loi sur la fonction publique, si je fais référence aux employés de la Sûreté du Québec, ils apparaissent en annexe C, et, si l'on pense aux avocats de l'aide juridique, ils sont couverts aussi dans l'annexe. Les juges, c'est autre chose. Donc, ce sont tous ceux qui sont couverts par la Loi sur la fonction publique, c'est donc dire tous les employés des ministères, qu'ils soient en région ou à Québec.

M. Paquette: Par exemple, les quelques milliers d'employés du ministère des Transports, les employés des divers palais de justice, des bureaux de la Régie de l'assurance automobile du Québec, etc..

M. Clair: Oui.

M. Paquette:... tout cela est couvert par le chapitre V. Bon.

Maintenant, pour le chapitre V. On dit, à l'article 1 "... dans la mesure prévue pour le chapitre V... " et, au chapitre V, on nous dit "... ce sont les articles 46 à 56 qui

s'appliquent... ", donc on peut conclure que ces employés ne sont visés que par ces articles du projet de loi. Si on va voir ces articles, on se rend compte, par exemple, que la question du médiateur s'applique; ensuite, à l'article 47, on décrit comment le médiateur peut fonctionner en regard des parties; on continue ainsi, à l'article 48, on trouve le recours à un conseil de médiation. Â l'article 49, on dit ce qu'on fait en cas de différend. Je continue comme cela. À l'article 51, "Les conditions de travail prévues par des stipulations négociées et agréées à l'échelle nationale continuent de s'appliquer, malgré leur expiration, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle convention collective. " Ensuite, il y a tout le chapitre sur les salaires et les échelles de salaire, qui s'applique aussi à d'autres catégories de travailleurs, mais qui va s'appliquer également aux employés de la fonction publique. Cela s'arrête là. Donc, on exclut toute la section sur les stipulations négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale, les arrangements locaux. On exclut également toute la question de l'organisation des parties. Il faut comprendre que ces salariés, si je comprends bien, vont négocier directement avec le Conseil du trésor, d'une part et qu'il n'y a pas de décentralisation possible de prévue dans leur cas, même dans le cas de très vastes ministères. Je pense au ministère de la Justice, au ministère des Transports, au ministère de l'Éducation; ce sont peut-être seulement les bureaux régionaux, mais encore c'est peut-être moins grave. C'est un peu curieux de voir que certains des principes que le ministre veut voir s'appliquer dans son projet de loi ne s'appliquent pas à une aussi vaste catégorie de salariés.

M. Clair: M. le Président, cela n'empêche pas pour autant que déjà interviennent des ententes. Par exemple, au ministère des Transports, je me souviens fort bien qu'à l'époque où j'étais titulaire de ce ministère, des ententes ont été conclues entre le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et le gouvernement concernant les horaires de travail, par exemple, en ce qui concerne l'entretien des chemins d'hiver, parce qu'on manquait de flexibilité pour concurrencer l'entreprise privée dans le secteur public en ce qui a trait aux coûts d'entretien des chemins d'hiver. Il y a eu des ententes. Cela n'empêche pas que de telles ententes puissent avoir lieu. Mais la réponse à la question, c'est: Non, il n'y a pas d'envisagé de processus de décentralisation des négociations vers les ministères. On cherche à impliquer de plus en plus les directions de personnel et les sous-ministres dans la gestion de leurs effectifs, la gestion de leurs relations du travail. Mais, il n'y a pas, à proprement parler, de processus de décentralisation du type de celui qui a été envisagé, qui est proposé c'est-à-dire, pour le secteur parapublic, soit les réseaux de l'enseignement et de la santé.

M. Paquette: Lorsqu'on regarde la liste de matières pouvant être décentralisées, soit dans les secteurs de l'éducation ou de la santé, règles d'éthique, reconnaissance syndicale pouvant faire l'objet... Je prends l'annexe Bs procédures de griefs et d'arbitrage, congés fériés, l'adaptation face aux vacances et un certain nombre d'autres questions. (22 h 45)

Qu'est-ce qui fait en sorte qu'on a l'air de trouver cela intéressant que les questions concernant la vie de tous les jours qui sont le plus près des salariés puissent se négocier avec les cadres, donc, les patrons locaux dans le secteur de l'éducation, dans le secteur des affaires sociales et lorsqu'on arrive à des ministères, particulièrement des ministères qui ont autant d'employés que le ministère des Transports ou le ministère de la Justice, là, on a une approche très centralisée?

Cela ne donne pas l'impression qu'on a bien le goût de "débureaucratiser" un peu la fonction publique et de donner la chance aux gens, sur le plan local, d'organiser leur vie au travail sur des questions qui, encore une fois, n'impliquent pas de masse financière. Je pense que c'est la philosophie générale. Elles sont plutôt des questions de qualité de vie au travail.

M. Clair: M. le député, la différence, c'est que dans le cas des employés du secteur parapublic, l'employeur direct n'est pas le gouvernement, alors que, dans le cas des employés de l'État, les membres de la fonction publique, ceux-ci le sont et font face directement à leur employeur, lorsqu'il y a négociations, d'une part. D'autre part, il y a des pas qui sont franchis, par exemple, avec le ministère de la Justice. Nous travaillons à faire en sorte que nous ayons de nouvelles ententes et de nouvelles directives qui ont été émises en ce qui concerne l'implication du ministère de la Justice dans les négociations avec les avocats, les notaires, avec les agents de la paix, les différentes catégories, parce qu'on voit qu'effectivement il y a un mini-réseau, si je peux employer l'expression, et qu'il y a avantage à ce que - je ne dirais pas une décentralisation - une déconcentration des négociations ait lieu.

C'est ce que nous faisons; c'est une piste que nous suivons. Mais de là à donner des pouvoirs à chacun des ministères pour négocier séparément des conventions collectives, je suis loin d'être sûr que ce serait à l'avantage des ministères et du

gouvernement, dans son ensemble. C'est plutôt une approche un peu différente qu'on suit présentement.

M. Paquette: Je constate que dans les articles 46 à 56, il n'y a pas de comité patronal. Comment le ministre pense-t-il que les conditions très différentes qui peuvent exister d'un ministère à l'autre, comme le ministère de la Justice par rapport au ministère de l'Éducation, avec ses bureaux régionaux, ou le ministère de l'Industrie et du Commerce, et certaines questions très particulières vont pouvoir véritablement s'articuler? On se serait attendu qu'il y ait, au moins, dans la loi, un comité patronal pour ce secteur très important de la fonction publique où le Conseil du trésor ne soit pas le seul maître à bord.

M. Clair: Ce n'est pas nécessaire...

M. Paquette: Est-ce que c'est le fait que le ministre qui gère cette loi, qui aurait peut-être dû être le ministre du Travail, est le président du Conseil du trésor?

M. Clair: C'est le responsable de l'application de la loi.

M. Paquette: II veut serrer la vis un peu sur ces collègues? Qu'est-ce qui explique cela?

M. Clair: Le ministre responsable de l'application de la loi, M. le Président, c'est effectivement le ministre du Travail.

M. Paquette: Oui, mais ce n'est pas lui qui est devant nous, aujourd'hui. Ce n'est pas lui qui a mené tout ce dossier du début à la fin.

M. Clair: Mais, ce que je veux dire, M. le Président, je pense qu'on n'a pas besoin de dispositions dans la Loi sur la fonction publique, pour indiquer que le ministre de la Fonction publique et son sous-ministre consultent les sous-ministres des principaux ministères dans la définition des contenus de négociation de conventions collectives pour les employés de la fonction publique. Ce n'est pas parce que c'est passé au Conseil du trésor qu'on n'en a plus besoin, au contraire. S'il y a un organisme habitué de travailler avec les ministères du gouvernement et de tenir compte de leur opinion, c'est bien le Conseil du trésor; c'est l'organisme central par excellence du gouvernement avec le Conseil exécutif.

M. Paquette: M. le Président, je constate que l'optimiste, face au Conseil du trésor, du ministre a peut-être évolué récemment. Cependant, il y a une différence entre consulter et établir conjointement avec les principaux ministères impliqués au sein, par exemple, d'un comité patronal où pourraient être déterminées, par exemple, des matières. Si le ministre ne se sent pas prêt à faire une étape de décentralisation dans la fonction publique au niveau des gros ministères, par exemple, qu'au moins sectoriellement on puisse tenir compte de la disparité énorme qui existe d'un ministère à l'autre, d'un tout petit ministère comme le Secrétariat des relations avec les citoyens à un énorme ministère comme celui de la Justice ou celui du Revenu. Qu'on ne soit pas capable, en négociation avec les syndiqués, de dire: Voilà, il y a des choses qui sont communes à tous les fonctionnaires et on va négocier cela avec un comité patronal et les syndicats de la fonction publique. Il y a un certain nombre de questions sectorielles qui touchent beaucoup à la qualité de la vie professionnelle, qui sont peut-être moins lourdes sur le plan financier et qui vont, à ce moment, pouvoir être laissées sectoriellement. Là, il y a moyen, peut-être, d'établir cette attitude de décentralisation que le ministre semble souhaiter et qu'il essaie de favoriser dans d'autres secteurs.

M. Clair: Ce que j'indique au député, M. le Président, c'est qu'il y a deux façons de le faire. Il y en a une qui est déjà en cours: c'est, effectivement, d'avoir une plus grande implication des ministères à réseaux. Je parlais du ministère de la Justice, par exemple. Nous sommes présentement à le faire. Il y a également une autre façon de le faire qui est d'impliquer plus directement les directeurs du personnel et de relations du travail des différents ministères. C'est un organisme qui existe en bonne et due forme, qui conseille le secrétariat du Conseil du trésor.

Quant à envisager une autre étape, soit de décentraliser la négociation ou de déconcentrer de la négociation au niveau des ministères, j'indique, à cet égard, que déjà de telles ententes surviennent. Je n'ai pas entendu beaucoup de gens me demander que, dans la fonction publique, les employés en région soient traités différemment des employés à Québec, au siège social. Les différences qu'il y a entre un fonctionnaire à Québec et un fonctionnaire en région demeurent quand même assez ténues. Je pense, quant à moi, que la piste que nous suivons présentement est la bonne.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Toujours dans la même veine, puisque le premier alinéa de l'article 1 nous renvoie au chapitre V et qu'on voit, à ce chapitre, que ce sont les articles 46 à 56 qui s'appliquent aux

travailleurs et aux travailleuses de la fonction publique, je note que les articles 46 à 56 font partie de la section III, du chapitre II, n'est-ce pas?... Non... du chapitre III. Dans cette section III qui est intitulée "Le mode de négociation", il y a d'abord l'article 44. Le deuxième alinéa de l'article 44 se lit comme suit: "Elles peuvent prévoir - "elles", si je comprends bien, ce sont des stipulations - en outre, des modalités de discussion entre les parties pendant la durée de la convention collective dans le but d'aplanir leurs difficultés. "

J'ai l'impression de deviner, derrière ces trois lignes, le fantôme de la négociation permanente dont on nous a souvent parlé comme étant un des objectifs poursuivis par le gouvernement. Effectivement, ce serait bien de poursuivre cet objectif de créer des mécanismes selon lesquels les accords peuvent se faire, en quelque sorte, au fur et à mesure en cours d'année, en cours de convention collective et selon lesquels des discussions peuvent avoir lieu pour aplanir les difficultés qui peuvent apparaître et pour préparer les prochaines négociations. Cela est d'une excellente inspiration, sauf que ces trois lignes me paraissent un peu faibles pour réaliser ces objectifs. Je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas autre chose dans la loi qui porte plus directement là-dessus. Ce que je veux faire observer maintenant au ministre, c'est que ces trois lignes, le deuxième alinéa de l'article 44, ne s'appliqueront pas à la fonction publique et cela me paraît dommage. Il me semble que dans le cas des fonctionnaires, pour ce qui est de la possibilité "d'aplanir leurs difficultés" comme le dit le texte de l'article 44, deuxième alinéa - pendant la durée de la convention collective, ce serait très bien que les relations du travail concernant la fonction publique contiennent aussi ce mécanisme.

M. Clair: M. le Président, ce que je peux indiquer au député, c'est que la raison pour laquelle on n'a pas besoin... Une première chose: "Elles peuvent prévoir, en outre, les modalités de discussion", j'aurais souhaité que ce soit "Elles doivent prévoir", mais...

M. de Bellefeuille: Un amendement:

M. Clair: Non, je n'ai pas dit que j'annonçais un amendement, mais simplement qu'il y avait d'énormes résistances du côté syndical à ce que l'on impose cela. Je pense qu'il y a pour cela de bonnes raisons, dans la mesure où on veut se donner des modalités de discussion entre les parties durant la durée de la convention collective dans le but "d'aplanir leurs difficultés". Si on commence en les obligeant, peut-être que cela facilitera moins les choses.

Dans les conventions collectives, en ce qui concerne la fonction publique, ne pas oublier que la fonction publique est régie par une loi particulière, la Loi sur la fonction publique, la loi 50, et dans les conventions collectives de la fonction publique, il y a déjà de prévu, dans toutes les conventions collectives des employés de la fonction publique, des comités de relations du travail qui fonctionnent et qui donnent des résultats. Le fait que cela ne couvre pas les employés de la fonction publique, cela ne veut pas dire pour autant que cela ne s'applique pas et que, dans les faits et dans les lois, il n'y a pas possibilité de mettre en place de tels mécanismes pour les employés de la fonction publique. Il y en a déjà et ils fonctionnent.

M. Pagé: M. le Président.

Le Président (M. Lacnance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. J'avais une question pour le ministre. Est-ce que j'ai bien compris, dans sa réponse à la question du député de Brome-Missisquoi, concernant l'extension possible des dispositions de la loi à des entreprises privées ou à des organismes privés, que cela ne pouvait s'appliquer à des organismes privés? Si je lis le quatrième alinéa de l'article 1, il suffit, pour le ministère des Affaires sociales, que l'organisme en question soit déclaré comme étant assimilé et il le devient, qu'il soit privé ou non.

M. Clair: "Un établissement comprend un établissement public au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux c'est clair - un établissement privé conventionné au sens de cette loi - on sait également ce que c'est; on a enlevé "un établissement privé qui a conclu avec le ministre... " - et tout organisme qui fournit des services à un établissement ou à des bénéficiaires conformément à cette loi et est déclaré par le gouvernement être assimilé, pour l'application de la présente loi à un établissement tel que l'entend la Loi sur les services de santé et les services sociaux. " Donc, cela ne nous permet pas d'aller chez n'importe quel fournisseur de l'hôpital et dire: On vous assimile à un organisme régi par la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

M. Pagé: Oui. Si le gouvernement décide d'assimiler un organisme privé il devient régi.

M. Clair: Avez-vous la Loi sur les services de santé et les services sociaux? Il faut bien comprendre, quand on dit: "Et tout organisme qui fournit des services à un établissement conformément à cette loi" -

cette loi fait référence à la Loi sur les services de santé et les services sociaux - et est déclaré... ". Cela ne peut pas être n'importe quel organisme.

M. Pagé: Et même un organisme privé. Il faudrait définir dans l'article 1... (23 heures)

M. Clair: Bien non! Ce que je peux dire au député, par ailleurs, c'est que cette définition existe depuis la loi 55 et cela n'a jamais présenté de difficultés.

M. Paradis: Si vous me le permettez, M. le Président, c'est parce que le gouvernement n'a jamais décidé d'assimiler un organisme privé. Il est allé dans le sens des propos que vous nous avez tenus tantôt, M. le ministre. Je ne doute pas des propos que vous puissiez nous tenir, mais un organisme qui fournit des services à un établissement ou à des bénéficiaires conformément à cette loi peut être un organisme public, un organisme parapublic ou un organisme privé. On sait que lorsque ces lois sont plaidées on n'a pas le droit - et peut-être à raison - de citer l'intention du législateur telle que révélée en commission parlementaire. À ce moment la seule direction ou la seule indication qu'on a, ce sont des propos que vous avez tenus ici, mais au texte de loi comme tel on parle d'un organisme et on ne spécifie pas si cet organisme est public, parapublic ou privé. Il n'y a ni exclusion, ni inclusion, donc on est obligé de le prendre au sens générique du terme. Organisme - je vous le souligne bien humblement sans avoir le Petit Robert à mes côtés - peut comprendre autant organisme public, parapublic qu'organisme privé. On cherche simplement un éclaircissement. Si c'est ce que vous voulez dire, peut-être que vous pourriez proposer un amendement.

M. Clair: Non, comme je n'ai pas avec moi la Loi sur les services de santé et les services sociaux... Si je peux répondre plus tard, il me fera plaisir de le faire.

Le Président (M. Lachance): On va suspendre...

M. Paquette: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Dans le même ordre d'idées, on a examiné plus tôt le cas des organismes gouvernementaux mentionnés à l'annexe C, dans laquelle se trouve la Société des alcools du Québec. La Société des alcools du Québec, comme cela a été annoncé dans le récent budget va bientôt -et bientôt c'est même maintenant, c'est en train de se faire - offrir ses magasins en concession à ce qui va devenir des entreprises privées ou des coopératives. Comment est-ce qu'on doit interpréter cette loi? Autrement dit, est-ce qu'elle va s'appliquer uniquement aux employés qui demeureront au service de la Société des alcools? Du fait que ce soit des concessions à des entreprises privées ou à des coopératives, est-ce que la loi va s'appliquer également aux employés de ces entreprises et de ces coopératives?

M. Clair: Aux employés de ces entreprises et de ces coopératives, dans la mesure où il s'agira d'entités juridiques différentes de la Société des alcools et d'unités d'accréditation différentes, la loi ne s'appliquera pas.

M. Pagé: Pardon!

M. Clair: Elle ne s'appliquera pas à eux. Je fais l'hypothèse qu'il s'agit d'une nouvelle entreprise et d'une nouvelle unité d'accréditation. À ce moment, non, elle ne s'appliquerait pas.

M. Pagé: M. le Président, le ministre a suffisamment d'expérience pour avoir à l'esprit la probabilité que lors de la vente des magasins du centre-ville de Montréal d'ici à quelques mois, les employés vont maintenir leur accréditation. Le nouvel acquéreur va prendre feu et lieu et va se porter garant des obligations contractées par l'employeur antérieur. Je ne vois pas en quoi la vente de ces magasins impliquerait, même à titre probable, des changements d'accréditation.

M. Clair: À ce moment, c'est évident qu'on devra revoir en termes d'autorisation le mandat de négociation. C'est sûr que si les employés, à cause de l'article 45 du Code du travail, traînent avec eux leur convention collective et conservent leur même unité d'accrédition, s'il n'y a pas d'amendement à la loi et qu'ils conservent le statut d'employés de la Société des alcools du Québec et non pas d'employés de la nouvelle compagnie ou de la nouvelle entreprise, ils continueront à être couverts par l'annexe C. L'annexe C, c'est la liste des organismes gouvernementaux. Mais encore une fois il faut bien voir ce que comporte l'organisation des négociations en ce qui concerne les organismes gouvernementaux. Si vous lisez les articles 74 et suivants vous allez voir que c'est assez limité.

M. Pagé: C'est limité, M. le Président, j'en conviens, mais je présume que le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui est responsable devant l'Assemblée nationale de l'administration de la SAQ, vous a fait

parvenir un document vous indiquant: Écoutez, vous êtes en train d'étudier un projet de loi qui concerne indirectement ou qui risque de concerner directement des travailleurs des magasins de la SAQ. On vit dans une période particulière où il y a des transferts de propriétés qui s'effectueront.

J'aimerais demander au ministre s'il a eu des échanges avec le ministre de l'Industrie et du Commerce là-dessus. Si tel est le cas, quelles sont les inquiétudes et quelles sont les positions, etc.

M. Clair: Non, M. le Président, quant à moi je n'en ai pas eu mais je sais que mes fonctionnaires en ont eu, cependant, avec les gens de la Société des alcools du Québec. Fondamentalement, le processus va se dérouler conformément aux lois du Québec telles qu'elles sont présentement et à compter du moment où il y a un lien d'employés et de syndiqués à la Société des alcools du Québec, c'est le statu quo qui demeure. Dans la mesure où ils deviennent des employés d'une nouvelle entreprise et qu'il y a une nouvelle unité d'accréditation qui se forme et un nouvel employeur, c'est évident qu'à ce moment-là, cela se déroule conformément aux lois du Québec. Il n'y a pas de mystère là-dedans, à mon avis.

Le Président (M. Lachance): Alors, l'article 1 est suspendu ou adopté?

M. Paquette: Je pense qu'en attendant la réponse du ministre au quatrième alinéa...

Institut de recherche sur la rémunération

Constitution et composition

Le Président (M. Lachance): Bon, il y a suspension de l'article 1. J'appelle l'article 2.

M. Clair: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

M. Pagé: Est-ce que le ministre pourrait nous indiquer si le Bureau de recherche sur la rémunération du Conseil du trésor va demeurer aussi actif?

M. Clair: Le Bureau de recherche en rémunération du Conseil du trésor a été dissous il y a maintenant trois ans.

M. Pagé: Trois ans, mais l'organisme du Conseil du trésor qui a fourni les informations pertinentes, qui met de la chair sur l'ossature des négociations, va, je présume, poursuivre son travail malgré que l'institut va avoir reçu le mandat de faire les études comparatives entre le secteur public et le secteur privé, syndiqué ou non? On reviendra là-dessus plus tard. Ce que je veux savoir, c'est: Est-ce que le ministre... Il n'est plus là.

M. le Président, je fais motion pour qu'on ramène le ministre.

M. de Bellefeuïlle: On va suspendre la séance. Est-ce que je pourrais parler sur la motion? Le ministre est fatigué peut-être?

M. Clair: M. le Président, il reste cinq personnes de l'ancien Bureau de recherche sur la rémunération. Maintenant, c'est évident que le Conseil du trésor, quant à lui, va devoir, pour ses fins propres, continuer d'avoir une équipe d'analyse sur la rémunération pour être sûr que l'on comprend bien les résultats des travaux de l'Institut de recherche sur la rémunération. Comme il y aura une période de négociation qui continuera à avoir lieu, c'est évident que le Conseil du trésor va devoir demeurer équipé pour analyser les rapports de l'institut, dégager des mandats, des orientations, etc.

Il faut dire aussi que ce ne sont pas tous les employés directs ou indirects de l'État qui sont couverts par le régime de négociation. Si je prends, par exemple, les médecins vétérinaires, les médecins, etc., il y a là aussi des travaux qui doivent se faire au Conseil du trésor pour des fins de négociation de la rémunération.

M. Pagé: Alors, c'est donc dire que, malgré l'abolition du Bureau de recherche sur la rémunération, même si les activités de l'organisme ont été suspendues ou sa composition a été annulée, son personnel est demeuré à l'emploi du Conseil du trésor pour continuer à effectuer des études qui relevaient généralement des mandats antérieurement assumés par le bureau. C'est comme le CAD, le Centre d'analyse et de documentation, c'est aboli, mais ça continue.

M. Clair: Le député fait de bien drôles de comparaisons.

M. Pagé: Bien oui.

M. Clair: Je trouve qu'il ne relève pas le plus bel exemple de démocratie qui a pu exister dans le gouvernement de M. Bourassa. J'aimerais bien savoir où existe le CAD dans le gouvernement. C'est une tout autre chose que de dire qu'au Conseil du trésor on doive conserver une équipe en rémunération. Dois-je comprendre des propos du député que le Conseil du trésor devrait être responsable de l'émission des mandats en rémunération puis ne pas avoir d'expert en ces matières?

M. Pagé: M. le Président, tout ce que je voulais, c'est que le ministre nous confirme que parallèlement à l'institut de recherche, des travaux dans le même sens

seront effectués et continueront à être effectués par le Conseil du trésor. Je veux que ce soit bien clairement exprimé. Le ministre me l'a confirmé, je l'en remercie, mais ce n'était pas comme cela que c'était compris chez tous les intervenants.

M. Clair: Pardon? Voulez-vous répéter?

M. Pagé: J'étais à vous dire, M. le ministre, alors qu'on vous dérangeait, que la compréhension que plusieurs ont donnée aux dispositions de l'article 2 et suivants, c'est que l'organisme qui sera habilité à faire des recherches, des analyses, des études, à produire des rapports, ce sera l'institut de recherche. Tout le monde est d'accord là-dessus. Cependant, beaucoup de gens se demandaient si, parallèlement au mandat exercé par l'institut, le Conseil du trésor allait continuer et poursuivre, parallèlement, de telles analyses ou de telles études pour justifier ses prises de position. Vous me confirmez que oui, je l'apprécie et je vous remercie.

M. Clair: C'est avec une équipe infiniment plus réduite. Le Bureau de recherche sur la rémunération a compté jusqu'à 40 à 45 personnes. Il n'en reste que 5. Les équipes d'enquêteurs sont disparues, c'est maintenant le...

M. Pagé: Le CRSTM.

M. Clair:... CRSMT qui fait ce travail. Le député a l'air à penser qu'il vient de faire une découverte importante...

M. Pagé: Non, non, on veut seulement...

M. Clair: Je pense que ce serait le contraire qui serait une découverte importante, si le député découvrait que le Conseil du trésor, qui va continuer à émettre des mandats de négociation sur le plan de la rémunération, n'avait plus aucune capacité en termes d'analyse et de critique de ces orientations qui seront dégagées à l'institut de recherche. Mais, par ailleurs, je peux dire au député qu'il n'est pas question non plus que le Conseil du trésor se bâtisse un nouveau bureau de recherche en rémunération pour tenter de contredire l'Institut de recherche sur la rémunération.

M. Pagé: C'est le danger.

M. Clair: Hé bien! je veux dire...

M. Pagé: C'était le danger à partir du moment où vous nous indiquez qu'un tel mandat va être assumé par le Conseil du trésor. Là, vous dites qu'il n'y a pas de problème, que c'est un droit tout à fait légitime que vous avez. D'accord, mais je voulais...

M. Clair: Cela tombe dans l'ordre des choses mais, encore une fois, je n'ai aucune difficulté à répéter, cependant, qu'il n'est pas question d'avoir deux instituts de recherche, un au Conseil du trésor et un indépendant.

M. Pagé: Merci de nous l'avoir dit.

M. Clair: Est-ce que l'article 2 est adopté?

M. Paquette: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Oui. On a discuté tantôt du CRSMT, le Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail qui existe actuellement au sein du ministère du Travail. Il y a, semble-t-il, à peu près une vingtaine de professionnels qui travaillent dans cet organisme et qui ont une expertise. Qu'est-ce qui amène le ministre à créer en plus un nouvel organisme? Si je comprends bien, le CRSMT va continuer à exister et on crée en plus un Institut de recherche sur la rémunération dont les fonctions, à première vue, n'apparaissent pas radicalement distinctes. En plus, le ministre se garde quatre ou cinq personnes qui vont faire un peu le même travail, mais à son compte. Donc, on se retrouve avec deux organismes et un groupe de personnes au Conseil du trésor. Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi particulièrement et qu'est-ce qui fait que les fonctions d'un Institut de recherche sur la rémunération seraient tellement différentes de celles du CRSMT, ce qui justifierait la présence de deux organismes dans le même secteur? (23 h 15)

M. Clair: En ce qui concerne le Bureau de recherche sur la rémunération, son principal "défaut" - entre guillemets - c'était son manque de crédibilité, parce qu'il était partie intégrée intégrante. C'était une partie du Conseil du trésor. L'existence d'un bureau de recherche au ministère du Travail, qui n'a pas que cela comme fonction, mais qui, effectivement, s'apparente en termes de responsabilités à celles qui étaient autrefois assumées par le Bureau de recherche sur la rémunération, le fait que cela relève du ministre du Travail, cela ne le rend pas aussi indépendant qu'un institut de recherche de type mixte, c'est-à-dire à la fois paritaire et composé de trois personnes neutres. Ce n'est pas du tout la même dynamique que l'on peut voir, en termes de crédibilité, d'une part, et, d'autre part, ce que l'on espère à partir de la création d'un Institut de recherche sur la rémunération où seront

présents, en permanence, des représentants du gouvernement et des représentants des syndicats. C'est qu'un certain esprit de négociation permanente puisse se développer et s'implanter progressivement au niveau de cet institut de recherche et qu'à partir d'une compréhension commune et d'analyses conjointes des données s'enclenche dans les mentalités un processus continu de compréhension, d'échanges et, éventuellement, de négociation sur la rémunération, alors qu'unorganisme, à l'intérieur du Conseil du trésor ou du ministère du Travail ne permet pas d'atteindre un tel objectif, tant à cause de son "manque de crédibilité" - entre guillemets - qu'à cause de l'absence de représentants syndicaux dans ces organismes.

Maintenant, qu'est-ce qu'il adviendra du CRSMT? C'est à déterminer. Il n'est pas impensable non plus que l'institut, même si ce n'est pas mon intention de forcer l'institut ou de tenter de le forcer à aller engager de ces professionnels... Le Québec est une société de 6 000 000 d'habitants et non pas de 250 000 000. Les gens qui ont développé une expertise et qui sont intéressés à aller de l'avant là-dedans... Cela pourrait être intéressant, éventuellement, je pense - je le donne comme opinion personnelle - que l'institut de recherche puisse effectivement tirer profit de l'expertise que des gens ont accumulée à l'une ou l'autre des deux places.

M. Paquette: M. le Président, on reviendra tout à l'heure sur la crédibilité de l'institut proposé dans le projet de loi, en regard du fait que tous les membres, sauf les trois nommés par l'Assemblée nationale, vont être nommés par le gouvernement, ce qui en fait un organisme à allure plutôt patronale que paritaire ou mixte.

M. Clair: Qui voulez-vous qui les nomme? Les martiens?

M. Paquette: M. le Président, je pense que le ministre...

M. Clair: Parce que c'est à partir d'une liste... Pour les représentants des syndicats, c'est à partir d'une liste des syndicats. Pour les représentants patronaux, c'est après une consultation. Il y a trois membres de nommés par l'Assemblée nationale. Je ne vois pas comment le député peut affirmer que c'est un organisme patronal.

M. Paquette: M. le Président, on pourra examiner les modalités tout à l'heure. Mais, il y a une grande différence entre un organisme, même à partir de listes syndicales, dont tous les membres sont nommés par le gouvernement, sauf trois qui le sont par l'Assemblée nationale, et un organisme paritaire où une partie des • membres est nommée par une partie, l'autre partie des membres, en nombre égal, est nommée par l'autre partie. Justement dans cet esprit, si le ministre veut favoriser un esprit de négociation permanente et de conciliation, l'objectif étant d'avoir des données crédibles qui vont être partagées, à chances égales, par les deux parties à la négociation, bien il y a une grosse différence entre nommé paritairement par les deux parties, quitte à ce que le président soit choisi conjointement, et un organisme dont tous les membres sont nommés par le gouvernement, sauf trois qui le sont par l'Assemblée nationale. Cela en fait un organisme gouvernemental.

On aura l'occasion d'y revenir lorsqu'on examinera les modalités, mais je pense que c'est une question extrêmement importante. Si je comprends bien la réponse du ministre, parce qu'il a devancé ma deuxième question, le ministre n'a pas prévu mais il laisse entendre un démantèlement du CRSMT. Donc, si je comprends bien, si on adopte cette section du projet de loi, on peut prévoir qu'à brève échéance, le CRSMT va disparaître...

M. Clair: Pas nécessairement...

M. Paquette:... vos employés étant possiblement intégrés au nouvel institut?

M. Clair: Pas nécessairement à brève échéance, mais j'indique simplement que dans la mesure où l'Institut de recherche sur la rémunération fonctionnera et fonctionnera bien, il y a sans doute une partie du mandat du CRSMT qu'il sera moins utile de continuer à exercer parce qu'il y aura, par ailleurs, des données scientifiquement aussi fiables et valides et portant sur le même sujet. Alors, je n'ai pas annoncé la mort instantanée du CRSMT par l'adoption de la présente loi.

M. Paquette: Tout à l'heure, le ministre nous indiquait son espoir, son intention que l'Institut de recherche sur la rémunération soit sur pied à temps pour la prochaine ronde de négociation. Il y a une espèce de problème ici. Vous espérez pouvoir adopter cette loi avant la fin de juin, faire nommer les trois membres par l'Assemblée nationale avant la fin de juin et ensuite, probablement pendant l'été, parce que cela commence sérieusement autour du début d'août, le 5 août, quelque part par là... Donc, le gouvernement va, pendant l'été, nommer les membres et, après cela, il va falloir engager le personnel. Il va falloir mettre un nouvel organisme sur pied. Il va falloir que ces gens apprennent à fonctionner ensemble. Il va falloir qu'ils se définissent des mandats. Est-ce qu'il n'aurait pas été préférable, plutôt

que de créer un nouvel organisme et de dire que l'autre va disparaître éventuellement, de créer l'Institut de recherche sur la rémunération à partir du CRSMT tout en le détachant du ministère du Travail, en lui donnant une représentativité paritaire qui aurait assuré son impartialité face aux parties, plutôt que de faire cette espèce de mouvement de va-et-vient qui va retarder la mise sur pied de l'Institut de recherche sur la rémunération à un moment extrêmement critique? On est à la veille d'une ronde de négociation. Pourquoi le ministre n'a-t-il pas choisi d'inclure le CRSMT dans le projet de loi et de dire: Voilà, ce n'est plus un organisme du ministère du Travail, c'est un organisme prévu à cette loi, dont on change possiblement le nom, qu'on dote d'un conseil d'administration paritaire et qu'on met sur pied à partir de l'expertise qui existe au CRSMT, d'autant plus qu'il s'agit d'un organisme qui semble jouir d'une assez grande crédibilité? Les centrales syndicales qui vous ont présenté un mémoire, en tout cas, proposent cette approche. Pourquoi ne l'avez-vous pas retenue?

M. Clair: Essentiellement, M. le Président, parce que cela n'empêche absolument pas et cela ne retarde aucunement le fonctionnement de l'Institut de recherche sur la rémunération. Rien n'empêche que l'Institut de recherche sur la rémunération ait lui-même un personnel fort réduit et, effectivement, fasse effectuer ses travaux de cueillette de données, de recherches par le CRSMT et, à ce moment-là, il n'est même pas besoin de transférer physiquement des personnes, de les faire relever, de modifier leur statut d'employés de la fonction publique pour devenir des employés de l'Institut de recherche sur la rémunération, etc. Ces travaux pourront être effectués par un simple contrat de services entre l'institut et le CRSMT. Mais, à ce moment-là, ce sera sur la base d'une décision de l'Institut de recherche sur la rémunération et non pas sur la base d'une décision du gouvernement de dire: Je prends un bloc de personnes qui existent déjà et, d'ores et déjà, en partant, par le fait de la loi, je les impose à l'institut de recherche. Je pense qu'à cet égard la formule retenue offre bien plus de souplesse que celle qui est proposée par le député et en termes de coût aussi, je pense qu'il n'est pas utile de modifier la structure d'une unité de travail qui existe déjà, qui est opérationnelle, qui est fonctionnelle. Je pense que le rôle, le mandat de l'institut ne s'effectuera pas nécessairement uniquement par du personnel permanent à l'emploi de l'institut de recherche. Il y aura sans doute des mandats qui seront confiés à des universitaires, au CRSMT et, éventuellement, à d'autres organismes existants déjà sans qu'il soit nécessaire, pour la première année en particulier, que ce soit uniquement le travail du personnel permanent de l'institut de recherche.

Je pense, par rapport à la date à laquelle on est avant la prochaine ronde de négociations - comment dirais-je? - que l'institut ne peut qu'améliorer le processus de négociation en donnant plus d'informations identiques aux deux parties pour que celles-ci aient la même chose. C'est sûr qu'après quatre ou cinq mois de fonctionnement, l'institut n'aura pas produit un rapport complet, mais dans la mesure où il contribuerait, je ne sais pas, à 25 %, à rapprocher les parties, c'est toujours mieux qu'actuellement; il n'y a rien.

M. Paquette: Je pense que le ministre oublie un point extrêmement important. C'est que sous le régime de négociation actuel, donc avant l'adoption de cette loi, il n'y avait pas ces mesures de fixation des salaires qui branchent, par la loi, la rémunération dans le secteur public sur le secteur privé. Il n'y avait pas non plus cette limitation au droit de grève, qui n'est pas seulement à ce niveau, qui est ailleurs aussi dans le projet de loi, mais qui est notamment à ce niveau.

M. Clair: Le député de... Je m'excuse, est-ce que je vous interromps?

M. Paquette: Allez-y! Je vais reprendre après.

M. Clair: Ce que j'allais dire, le député ne le sait peut-être pas, mais les deux dernières rondes de négociations ont été menées sur la base de la comparaison entre le secteur public et le secteur privé.

M. Paquette: Oui, oui. La question n'est pas là, M. le Président.

M. Clair: Ce que j'indique simplement, c'est que l'institut de recherche pourra contribuer à rapprocher les parties. Le fait que pour la première année il ait moins de temps pour effectuer son mandat, c'est sûr que les travaux ne seront pas d'une aussi grande qualité que s'il avait eu une année, mais je rappelle que pour la première année, le droit de grève est conservé. Deuxièmement, il n'y a pas de modification quant à la politique de rémunération du gouvernement qui est la même depuis 1979, c'est-à-dire une évolution et un niveau comparables au secteur privé pour le secteur public. Finalement, pour les nouveaux mécanismes qui fonctionneront pour la deuxième et la troisième année, l'institut de recherche aura eu le temps d'avoir une année complète de travail.

M. Paquette: M. le Président, le point que je voulais soulever n'a pas trait aux orientations de la politique salariale, mais au fait que, maintenant, cette politique salariale est dans la loi et on peut prévoir que le climat qui va être créé par les nouveaux mécanismes va rendre d'autant plus essentiel qu'un mécanisme d'élaboration et de partage des données sur la rémunération soit le plus crédible possible, vienne atténuer ces tensions, d'où l'importance de le mettre sur pied rapidement.

Maintenant, le ministre dit: Voilà, cela va pouvoir se mettre assez rapidement sur pied parce qu'on va pouvoir confier des contrats à l'externe.

M. Clair: Si l'institut en décide ainsi.

M. Paquette: Si l'institut en décide ainsi, mais on peut prévoir que l'institut va probablement en décider ainsi parce qu'il va être pressé par les événements. Par conséquent, on revient au problème soulevé initialement. On va se retrouver avec deux organismes qui vont faire à peu près la même chose. Qu'on le fasse par contrat ou par personnel intégré à l'institut, ce sont des modalités, mais je veux dire que l'argent va être le même et l'ampleur des ressources va être la même. On va avoir un CRSMT qui, de son côté, va faire exactement le même travail et l'Institut de recherche sur la rémunération va fonctionner à contrat. On va se retrouver avec l'équivalent de deux organismes qui fonctionnent différemment, mais qui font la même chose.

M. Clair: Non. S'il y a un contrat qui est passé entre l'institut de recherche et le CRSMT pour dire: Voici un mandat qu'on vous demande d'exécuter pour nous, j'imagine que l'institut ne sera pas assez bête pour se virer de bord et faire lui-même le même travail.

M. Paquette: Là, on touche un autre problème qui est lié au fait que les syndiqués qui travaillent au CRSMT risquent de se retrouver un peu en conflit d'intérêts. Ils vont être en négociation et ils vont avoir à faire des études confiées par l'Institut de recherche sur la rémunération qui peuvent modifier leurs propres conditions salariales. Il y a un problème là. Il est prévisible que l'Institut de recherche sur la rémunération ne confie pas de contrat au CRSMT. Il va les confier ailleurs et - je maintiens mon argument - on va se retrouver avec deux organismes. (23 h 30)

M. le Président, je vois que le ministre reste bouche bée devant la solidité et la logique de mon argumentation. Il va devoir convenir qu'on va se retrouver avec deux organismes.

M. Clair: L'Institut de recherche sur la rémunération et le Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail sont deux organismes différents qui n'ont pas exactement le même mandat. L'Institut de recherche sur la rémunération sera chargé de faire un rapport; on le dit dans l'article: "L'institut a pour fonction d'informer le public de l'état et de l'évolution comparés de la rémunération globale des salariés du gouvernement, des commissions scolaires, des collèges et des établissements d'une part et de la rémunération globale des autres salariés québécois de toute catégorie qu'il détermine, d'autre part. Il peut faire des enquêtes, des études et des analyses sur la rémunération de différents corps d'emplois ou groupes de salariés au Québec. " Il publie un rapport chaque année. Rien n'empêcherait que l'institut... D'abord, il n'y a pas, en termes de mandat, de chevauchement intégral du mandat de l'institut et du centre. C'est inexact; il n'y a pas un tel chevauchement.

M. Paquette: II y en a une section quand même assez forte.

M. Clair: Le centre de recherche peut recevoir des mandats de cueillette de données et l'analyse pourrait fort bien être confiée à des permanents de l'Institut de recherche sur la rémunération. Je ne vois pas en quoi il y aurait eu avantage, en partant, d'imposer, par la loi, à l'Institut de recherche sur la rémunération, un personnel donné, avec une certaine crédibilité mais une crédibilité qui n'est pas celle d'un organisme où siègent des représentants, des parties patronale et syndicale et trois personnes nommées par l'Assemblée nationale du Québec. Il me semble qu'il n'y a pas de problème majeur à cet égard et je ne vois pas en quoi l'institut devrait entraîner la disparition des cinq ou six personnes qui conseillent le secrétariat du Conseil du trésor sur les mandats de négociation en matière de rémunération, non plus que de ce centre de recherche. Tout au plus, pour une partie du mandat qu'il effectue, peut-être y aura-t-il lieu, dans l'avenir, de procéder à une certaine intégration des personnels ou encore à un changement de mandat et à l'élimination d'une petite partie du mandat du CRSMT.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Est-ce que j'ai bien compris lorsque le ministre a dit tout à l'heure - je présume que c'est un lapsus qu'il a fait - que le rapport de l'institut - même pas... Il a indiqué que l'institut était susceptible de rapprocher les parties.

M. Clair: Pas l'institut.

M. Pagé: Oh oui'.

M. Clair: Pas l'institut.

M. Pagé: Oui. Ah oui! Vous vous relirez dans le Journal des débats, M. le ministre. Vous avez dit que l'institut... Le travail de l'institut, au cours de l'été...

M. Clair: Je ne passe pas mon temps à me relire. Je vais préciser ma pensée.

M. Pagé: On aime bien passer notre temps à vous lire.

M. Clair: Je vais préciser ma pensée. Grand bien vous fassel

M. Pagé: Pas tout le temps!

M. Clair: Si c'est la plupart du temps, c'est déjà cela de pris. Ce que je dis au député, c'est simplement que le fonctionnement même de l'Institut de recherche sur la rémunération va contribuer à rapprocher les parties, d'une part, en rendant disponible le même type de données. En plus de cela, dans la mesure où seront présents, au conseil d'administration de l'institut, des représentants des deux parties, ce que l'on souhaite, il n'est pas interdit dans la loi qu'interviennent des ententes; ce n'est pas interdit du tout. Rien n'empêche que, avec le temps, les deux partenaires étant présents à un même institut, avec les mêmes données, le goût leur vienne, s'inspirant de la négociation permanente, a ce niveau, de... Ils ne pourront pas engager le gouvernement. C'est le Conseil du trésor qui va continuer à émettre les mandats, mais j'imagine que les personnes qui vont être là, à partir des données qui vont leur être fournies, vont commencer à se faire, de part et d'autre, une idée de ce qui serait raisonnable et cela pourrait arriver qu'elles commencent à s'en parler.

Dans ce sens, l'institut joue un rôle de rapprochement des parties. Cela ne veut pas dire que l'institut, une fois qu'il a fait son rapport, fait venir le président du Conseil du trésor et le président de la CSN et dit: Venez ici, je vais vous rapprocher; ce n'est pas cela.

M. Pagé: Votre correction est bonne; vous l'avez bien amendée, parce que ce n'est pas ce que cela indiquait, de la manière que vous l'avez dit dans la réponse au député de Rosemont. Vous avez indiqué que si la loi est adoptée avant la fin juin, avant le 2l, vous pouviez proposer à l'Assemblée d'accepter de nommer le président et les trois membres et que, peut-être, ils allaient pouvoir commencer à dégager le terrain, si je peux utiliser le terme, de façon à se rendre utiles, malgré qu'ils arrivent un peu sur le tard dans la perspective de la négociation qui doit s'amorcer au début d'août.

Vous avez ajouté que, puisque l'organisme sera jeune, les mandats qu'il aura à confier n'auront pas tous nécessairement été donnés, les études, encore plus, ne seront pas menées à terme pour la présente ronde de négociations, vous avez indiqué, sur la foi de cela, qu'il était toujours possible que l'institut transige, donne un contrat au centre de recherche en rémunération. La négociation commence au mois d'août. Êtes-vous au courant que les études, les analyses, dans le cadre des mandats qui ont été donnés pour cette année par le centre de recherche en rémunération, ces conclusions et ces rapports ne seront pas produits avant la fin d'octobre?

M. Clair: Oui, et l'institut doit publier son rapport au plus tard le 30 novembre de chaque année.

M. Pagé: Je ne parle pas de l'institut, je parle du centre de recherche du ministère du Travail. Comment pouvez-vous vous appuyer sur les études et les analyses qui sont faites par le centre de recheche du ministère du Travail en septembre ou en octobre, alors que les analyses et les requêtes qui ont été présentées pour donner des mandats n'entreront pas avant la fin d'octobre? Ce sont des informations que j'ai du ministère du Travail et qui, par surcroît, l'année dernière, ont été produites six mois en retard.

M. Clair: Effectivement, M. le Président, le député a raison de dire que la deuxième génération de rapports sera disponible à la fin du mois d'octobre prochain. En termes de date de dépôt des offres monétaires, effectivement, dans les amendements, si le député a eu le temps de les voir, il y en a un qui va reporter la date de dépôt des offres monétaires pour pouvoir justement tenir compte du rapport à l'institut de recherche. On s'est aperçu qu'en maintenant les mêmes dates de dépôt des mandats des offres salariales et des propositions à cet égard, à ce moment, on se retrouverait dans une situation où des offres seraient faites avant le rapport de l'institut de recherche. Effectivement, un amendement va être proposé à cet égard.

M. Pagé: Votre amendement va proposer quoi, pour le bénéfice de l'échange qu'on a actuellement?

M. Clair: Dans les documents que vous avez, c'est à l'article 86, au quatrième alinéa où on dit: "Une association de salariés

visée dans le paragraphe 1 et le paragraphe 2 et un comité ou un sous-comité patronal de négociation visé dans le paragraphe 3 doivent transmettre par écrit à l'autre partie leurs propositions sur le salaire et échelle de salaire dans les trente jours qui suivent la date de publication du rapport de l'Institut de recherche sur la rémunération prévue par l'article 19 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. "

M. Pagé: Cela veut dire, M. le Président, que l'intention du gouvernement, par la modification qu'il entend apporter, c'est que l'institut de recherche puisse déposer un premier rapport le ou vers le 30 novembre qui sera le résultat de trois mois d'exercice avec un mois de juillet en vacances et quelque temps pour s'organiser, se structurer et commencer à travailler. Je comprends que le rapport ne sera pas très exhaustif comparativement à ce qu'il pourrait être s'il avait eu une pleine année pour fonctionner. Cela fait partie de la composante en regard de la période où le projet de loi sera adopté, on n'y peut rien.

Cependant, vous indiquez par votre amendement que les offres pourront être déposées dans les trente jours de la production du rapport. Cela pourra nous mener au 30 décembre.

M. Clair: C'est cela.

M. Pagé: Avez-vous l'intention de prolonger les décrets encore une fois?

M. Clair: Non, mais de chaque année il faut prévoir la situation non seulement pour cette année-ci, mais pour toutes les années.

M. Pagé: Je veux dire pour cette année... Parce que la prochaine à régler, c'est celle de cette année.

M. Clair: C'est cela.

M. Pagé: Est-ce à dire que la véritable négociation pourrait s'amorcer seulement le ou vers la fin de décembre 1985?

M. Clair: Dans la mesure où sur le salarial, sur la rémunération, les offres et les demandes seraient produites trente jours après le dépôt du rapport, cela veut dire que oui. Maintenant, encore une fois, dans la mesure où on veut modifier le régime, il y a une transition à faire d'un régime à l'autre et c'est évident qu'on ne peut pas demander aux parties d'enclencher la négociation sur la rémunération chaque année avant même que le rapport de l'institut soit disponible si on veut que le rapport soit utile.

M. Pagé: Je suis d'accord avec cela.

Est-ce que vous nous dites ce soir qu'il n'y aura pas de négociation sur la rémunération avant que soit écoulée une période de trente jours suivant la production du premier rapport de l'institut?

M. Clair: Sur la rémunération, c'est l'effet de l'amendement que je proposerai.

M. Pagé: Vous nous confirmez que les négociations ne peuvent pas véritablement s'amorcer sur la rémunération au plus tôt à la mi-décembre.

M. Clair: Exact.

M. Pagé: Et les décrets deviennent échus le 31 décembre.

M. Clair: Comment pourrait-il en être autrement?

M. Pagé: D'accord. C'est évocateur pour la prochaine ronde.

M. Clair: Encore une fois, rien n'empêcherait cependant au niveau de l'institut, dans la mesure où les membres vont avoir les données accessibles au fur et à mesure, qu'il y ait des travaux préparatoires qui se fassent pendant la même période et qu'au moment où les offres sont déposées et les demandes sont déposées, l'écart soit beaucoup moins grand que ce qu'il était traditionnellement.

M. Pagé: D'accord. J'ai indiqué et nous avons indiqué, dans notre groupe parlementaire, notre intérêt, notre satisfaction de voir un organisme un peu moins gouvernemental, si je peux utiliser le terme, un organisme autre que le Conseil du trésor, se convier à une analyse rigoureuse, scientifique et objective? Pour nous, c'était et cela demeure des éléments essentiels si on veut que l'organisme soit crédible.

Ne craignez-vous pas que les premiers pas de l'institut risquent d'être chancelants en le créant au mois de juin, en procédant à sa composition complète en juillet et que, dans un délai de quelques mois il ait déjà à produire des rapports? S'il fallait - et que Dieu nous en garde - que ces rapports ne répondent pas à l'objectif qu'on a établi dans la loi, qu'ils soient évasifs, qu'ils soient discutables, etc., ce ne serait pas drôle. (23 h 45)

M. Clair: Oui, c'est sûr, M. le Président. Est-ce une crainte? Il y a certainement un risque. L'idéal aurait été que l'organisme puisse naître plus tôt. Maintenant, je crois avoir eu l'occasion amplement d'expliquer en commission parlementaire le long cheminement que nous avons suivi depuis deux ans pour aboutir à ce projet de réforme. Tout ce qu'on peut

espérer, c'est que dès leur nomination - si nous pouvons effectivement procéder en juin - les gens qui seront là s'activeront à produire les instruments les plus utiles pour les parties d'ici la fin de la présente année. Je reconnais que les délais sont courts, c'est un fait, c'est un fait de la vie, comme disait l'autre.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Cela implique, si j'ai bien compris le ministre, presque automatiquement que le rapport étant déposé le 30 novembre avec les délais normaux et ce rapport devant servir de base au cas de non-entente entre les parties, on doit en conclure que cela ne se réglera sûrement pas entre le 15 décembre et le jour de l'an et que, par conséquent, les décrets vont être prolongés?

M. Clair: Ils sont prolongés, entendons-nous.

M. Paquette: L'application des décrets...

M. Clair: En ce qui concerne l'application. Mais en ce qui concerne la rémunération, je ne crois pas que ce sera la première fois où...

M. Paquette: Ah non!

M. Clair:... non mais regardez bien. Je ne pense pas que ce sera la première fois où le règlement sur la rémunération interviendrait après l'expiration de la convention collective. Je ne pense pas que ce serait la première fois où l'accord Désilets...

M. Paquette: C'est la même coutume.

M. Pagé: M. le Président, c'est bien important ce que le ministre a dit, c'est vrai; mais c'est partiellement vrai seulement.

M. Clair: M. le Président, c'est juridiquement tout à fait vrai.

M. Pagé: C'est juridiquement vrai, mais vous savez, au 1er janvier prochain et au 2 janvier, ce ne seront pas, comme c'était dans le passé, des conventions collectives qui continueront à courir. Ce seront des décrets imposés qui continueront à s'appliquer au-delà de la période pour laquelle ils avaient été adoptés arbitrairement.

M. Clair: J'emploie régulièrement les expressions "accord Désilets", "convention collective" ou "décret" mais quand j'utilise ces trois expressions, j'ai toujours l'impression de prendre un peu trop de temps de sorte que je peux employer l'expression que vous voudrez, peu importe celle que vous choisirez. Je ne m'attache pas aux étiquettes parce que cela ne change pas la réalité de toute façon.

Pour répondre à la question du député de Rosemont, notre objectif est de faire en sorte que chaque année le règlement sur les questions salariales coincide avec les principales décisions qu'un gouvernement prend et que l'Assemblée nationale prend annuellement, soit l'adoption du livre des crédits et du discours sur le budget. Si on voulait que cela coïncide, à ce moment, cela voulait dire que c'était quelque part à la fin de mars ou au début d'avril que les décisions se prenaient. Si on voulait donner préalablement à cette date un certain nombre de mois de discussions et de négociations, il fallait effectivement considérer que trois mois ce ne serait pas une trop longue période, ce qui nous ramenait au premier janvier. Si on voulait que l'institut puisse produire un rapport qui soit utile, il nous semblait que de le produire 30 jours avant le début un peu formel des négociations, soit au début de l'année, en janvier de chaque année, il fallait le produire vers le 30 novembre. Cela coïncide également avec les travaux qui sont ceux du CRSMT pour pouvoir être utile et c'est ce qui nous a amenés dans cet échéancier. Cela n'a pas de bon sens? Il me semble que oui, cela a du bon sens. Ce qu'on peut constater aussi là où il y a des législations annuelles sur les salaires ou les règlements sur les salaires, généralement, cela coïncide avec les politiques budgétaires et financières du gouvernement. J'aurais mal vu qu'après avoir déposé le livre des crédits et prononcé le discours sur le budget, ce qui se passe généralement en mars ou en avril, on décide que c'est en octobre ou en septembre ou en juin de chaque année que la négociation se fasse. Il me semble que...

Le Président (M. Lachance): L'article 2 est-il adopté?

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): II n'y a pas d'empressement à adopter l'article 2.

M. Paquette: Je m'excuse M. le Président, mais je pense que ce projet de loi mérite une étude sérieuse et attentive et ce que nous faisons...

Le Président (M. Lachance): Ce n'était pas du tout...

M. Paquette:... comme vous pouvez le constater.

M. Pagé: Vous êtes le premier à

constater comment ce projet de loi peut être important et compte tenu de votre carrière antérieure, je pense, vous étiez enseignant vous?

Le Président (M. Lachance): J'étais dans la direction de l'école.

M. Pagé: Bien, raison de plus.

Le Président (M. Lachance): Dans l'application de la loi.

M. Pagé: M. le Président, on a déblayé beaucoup de travail aujourd'hui, on a avancé. Je pensais au tout début qu'on allait être convié à un exercice d'une journée et demie ou presque avant d'aborder l'article 1. C'est déjà fait. Il aurait pu être appliqué, adopté. On s'attendait à ce qu'il soit adopté et c'est la faute du ministre s'il ne l'est pas.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Sur l'article 2. M. le Président, compte tenu de la mécanique complexe de ce projet de loi et en particulier du lien qui existe entre le rapport de l'institut sur la rémunération et la fixation de la rémunération, tout le chapitre sur la rémunération et les salaires, et des délais possibles, de la prolongation possible des décrets tenant lieu de convention collective, des accords Désilets ou peu importe comment on appelle cela...

Une voix: Avec ou sans modification.

M. Paquette: Oui. Il est donc très important que l'institut puisse remettre son rapport le 30 novembre, comme prévu. Il est donc important que l'institut existe et soit en mesure de faire un rapport. On peut douter de la qualité du rapport avec le temps qui va être mis à sa disposition et la procédure bizarre que le ministre a décidé d'employer, c'est-à-dire de créer un nouvel organisme plutôt que de bâtir à partir d'un organisme existant, ce qui aurait permis de mettre les choses en place beaucoup plus rapidement.

Il y a un autre problème qui peut se présenter. On lit à l'article 6: Les autres membres sont nommés par le gouvernement. Six de ces membres sont choisis parmi les personnes dont les noms apparaissent sur les listes dressées par les associations de salariés...

M. Clair: Question de règlement, M. le Président.

M. Paquette: Non, mais c'est pour éclairer l'article 2.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, sur la question de règlement.

M. Clair: Écoutez, M. le Président, je pense m'être prêté assez volontiers au jeu de questions et réponses normales des députés, mais je constate par contre qu'on ne cesse de déborder. On étudie à peu près tous les articles en même temps, on est à l'article 2.

M. Paquette: M. le Président, lorsqu'on aura...

M. Clair: Je dis simplement qu'un organisme est constitué sous le nom de Institut de recherche sur la rémunération. Quelqu'un doit être capable de se faire une idée assez vite s'il est pour ou contre l'appellation.

M. Paquette: M. le Président, sur la question de règlement.

M. de Bellefeuille: J'ai la permission de mon collègue. Il y a bien plus que l'appellation dans l'article 2. Il y a le fait de la constitution de l'organisme et c'est un des pivots de la loi du ministre. Je m'étonne que le ministre ne reconnaisse pas l'importance essentielle de l'article 2.

M. Paquette: Mais, M. le Président, dans cet esprit, avant d'adopter l'article 2, il faut s'assurer que l'institut pourra fonctionner et que ces difficultés de fonctionnement n'aient pas d'influence néfaste sur le reste de la mécanique complexe de ce projet de loi. C'est pour cela que j'évoquais l'article 6: Six de ces membres doivent être choisis parmi les personnes dont les noms apparaissent sur les listes dressées par les associations de salariés et groupements d'associations de salariés visés dans la présente loi, etc. Qu'est-ce qui arrive, si, compte tenu du caractère patronal de cet organisme qui a été dénoncé par les 19 organismes et centrales syndicales et compte tenu aussi de la façon dont on constitue cet organisme, plutôt que de le constituer à partir d'un organisme existant, on crée un nouvel organisme sur pied... Qu'est-ce qui arrive si les associations de salariés ne soumettent pas de liste?

M. Clair: J'ai toujours indiqué que nous étions disposés, quant à nous, à ce que l'organisme soit parfaitement paritaire dans la mesure où les syndicats des secteurs public et parapublic nous assureraient de leur adhésion et dans la mesure où ils ne nous en assureraient pas, nous préférerions que l'organisme soit purement indépendant et non pas paritaire. C'est la raison pour laquelle il y aurait trois membres nommés par l'Assemblée nationale et c'est la raison pour laquelle s'ils ne désignaient personne,

l'organisme pourrait fonctionner...

M. Paquette: Avec trois membres.

M. Clair:... avec seulement les trois membres nommés par l'Assemblée nationale.

M. Paquette: D'accord.

M. Paquette: M. le Président, on arrive à la question que le ministre a lui-même soulevée tout à l'heure, l'appellation, parce qu'on a beaucoup discuté du principe. On voit que l'organisme peut... M. le Président.

M. Clair: Ce n'est pas important. Une voix: Pas enregistré.

M. Paquette: M. le Président, je pense que le député de Terrebonne est intervenu trop souvent dans cette commission et cela a épuisé ses réserves physiques et mentales qui sont, par ailleurs, énormes. La somme de travail qu'il a abattu...

M. Blais: Ne soyez pas narquois, parce que je vais vous répondre. Cela fait assez longtemps que vous faites perdre du temps ici. Si vous étiez ministre, cela ferait longtemps que vous auriez accepté l'article 2.

M. Paquette: M. le Président,, sur la question de l'appellation...

M. Blais: Ne passez pas votre amertume sur moi.

M. Paquette: M. le Président, je pense que le député...

Une voix: II fait de la projection.

M. Paquette:... fait une intervention qu'il vaut mieux ne pas relever à cette heure tardive, parce que cela vous ferait perdre énormément de temps.

M. Pagé: M. le Président, je voudrais faire motion pour qu'on dépasse minuit et qu'on laisse aller nos deux collègues.

M. Blais:... s'il continue à ruminer comme il le fait.

M. Pagé: Je fais motion pour ajourner nos travaux.

M. Paquette: M. le Président, la question de l'appellation a une certaine importance. Je pense qu'on assiste à la multiplication des organismes que l'on appelle "de recherche". On a des instituts de recherche, des centres de recherche, et ce sont très souvent des organismes qui ne font pas de la recherche. Quand on examine le mandat proposé de l'institut - c'est à l'article 19 - c'est, d'abord, un mandat d'information du public de l'état et de l'évolution comparée de la rémunération, un mandat d'enquête, d'étude, d'analyse. À l'article 20, on parle un peu de recherche, mais il ne s'agit pas à proprement parler d'un institut de recherche. Je pense qu'il y a ce danger de s'illusionner sur les progrès qui sont faits dans notre société. Je suggère au ministre de modifier l'appellation de son organisme, soit l'appeler Centre de données sur la rémunération ou encore Institut québécois de la rémunération, mais je pense qu'il est important, si on veut être cohérent dans le système scientifique québécois, de ne pas appeler, de ne pas dénommer "institut de recherche" des organismes qui, fondamentalement, n'en sont pas et qui peuvent faire des recherches indirectement, mais qui ne sont pas à proprement parler des institutions.

Le Président (M. Lachance): Effectivement, M. le député de Terrebonne, il est minuit. La commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 59)

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