To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on the Budget and Administration

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on the Budget and Administration

Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Thursday, June 13, 1985 - Vol. 28 N° 27

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 37 - Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic


Journal des débats

 

(Onze heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre: La commission du budget et de l'administration se réunit ce matin avec le mandat de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 37, Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Aucun remplacement ne vous a été signalé.

Le Secrétaire: Aucun.

Organisation des travaux

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais soulever une question de règlement.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

Une voix: La même qu'hier.

M. de Bellefeuille: Non, je ne l'ai pas soulevée hier, celle-là. Nous savons tous... Non, non, je ne veux pas signaler l'absence de l'Opposition officielle. Je me suis dit qu'après tout l'Opposition officielle était assez grande pour s'arranger toute seule. Non, c'est une autre question de règlement, M. le Président. La commission étant maîtresse de ses travaux, je propose que nous ajournions nos travaux jusqu'à 15 heures par déférence pour Son Éminence le cardinal Vachon qui vient nous rendre visite. Je pense que c'est une question de dignité de la part des parlementaires de se libérer quelques instants de leurs tâches parlementaires pour aller participer à l'accueil que le président de l'Assemblée a prévu pour Mgr Vachon. Ce que le leader parlementaire m'a répondu d'abord, et un peu plus tard au député de Portneuf, c'est que nous étions assez nombreux et assez ingénieux pour nous relayer, pour nous remplacer, mais je trouve ce genre de procédé indigne. C'est comme si l'étude détaillée de ce projet de loi était d'une telle importance que la visite du nouveau cardinal Vachon ne devait pas nous déranger. Je trouve que c'est un manque de courtoisie envers le cardinal. Ce serait un manque de courtoisie envers le cardinal que de ne pas suspendre nos travaux et je propose, par conséquent, que nous suspendions nos travaux jusqu'à 15 heures.

M. Laplante: C'est une motion en bonne et due forme.

Le Président (M. Lachance): Oui, en vertu de l'article 165 de nos règles de procédure, il est prévu qu'un membre peut proposer que la commission ajourne ses travaux. Je vous fais la lecture de l'article au complet: "Cette motion est mise aux voix sans amendement et elle ne peut être faite qu'une fois au cours d'une séance, sauf par le président ou un ministre membre de la commission. Elle ne peut être débattue, sauf qu'un représentant de chaque groupe parlementaire peut prononcer un discours de dix minutes chacun". M. le ministre.

M. Clair: Est-ce que le député veut intervenir sur sa motion?

M. de Bellefeuille: Je réserve mon temps de parole, M. le Président, selon la nature de l'intervention que fera le ministre qui a demandé la parole.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. de Bellefeuille: Sur ma motion et celle de M. le député de Portneuf, visant à suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures, par déférence pour Son Éminence le cardinal Vachon qui rend visite au Parlement et, par courtoisie, il me semble que c'est une chose tout à fait évidente et élémentaire que nous devons suspendre nos travaux.

Le Président (M. Lachance): M. le député, je voudrais vous signaler que noblesse oblige. En termes de vocabulaire, ce que l'article 165 prévoit, c'est non pas une suspension, mais un ajournement.

M. de Bellefeuille: Mais, M. le Président, j'ai proposé une suspension.

M. Blais: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de... D'abord, M. le ministre. Vous

avez demandé la parole, M. le ministre?

M. Clair: Ce sera très bref, M. le Président.

Une voix: C'est sur une question de règlement, M. le ministre?

M. Clair: Non, ce n'était pas sur la question de règlement.

M. Blais: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Terrebonne, sur une question de règlement.

M. Blais: La commission, comme dit le proposeur, est maîtresse de sa destinée. Cependant, en Chambre, à l'Assemblée nationale, ce matin, le leader a dit qu'on ne suspendrait pas pour l'événement. Alors, est-ce qu'on peut, après que la Chambre nous a donné ordre de ne pas suspendre, avoir une proposition pour suspendre? Je crois que c'est irrecevable, je ne le sais pas.

M. Pagé: M. le Président, sur la recevabilité.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, le leader du gouvernement a indiqué à la Chambre que trois commissions parlementaires allaient se réunir ce matin, immédiatement après la période des questions jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures. Cependant, la coutume, le droit, la jurisprudence indiquent clairement et de façon non équivoque qu'à partir du moment où une commission parlementaire va siéger elle est maîtresse de ses travaux. Ce qu'indique l'honorable député de Terrebonne, c'est qu'en tout temps une commission devrait siéger parce que le leader en a donné l'ordre. Vous savez, il est fréquent, il est régulier qu'une commission décide majoritairement ou unanimement de suspendre ses travaux et de revenir un peu plus tard dans la journée pour un motif qu'elle juge opportun. Dès que la commission a amorcé ses travaux, elle devient purement et simplement maîtresse de ses décisions et de ses travaux en regard de son cheminement et de son travail.

Alors, c'est très certainement recevable, M. le Président. Nous pourrions fort aisément, j'en suis persuadé, plaider et prendre tout le temps qu'il faut pour discuter du fond de cette motion, s'il est opportun ou non de se convier a cette délicatesse à l'égard de Son Éminence le cardinal Vachon. Je crois que d'emblée le ministre va accepter de suspendre, purement et simplement.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Je suis d'accord, règle générale, avec ce que vient de dire le député de Portneuf. Cependant, la proposition qui nous est faite ici a également été faite à l'Assemblée nationale et cette dernière a été rejetée.

M. Pagé: II n'y a pas eu de vote. M. Blais: II n'y a pas eu de vote.

M. Pagé: Bien voyons, elle n'a pas été rejetée.

M. Blais: II n'y a pas eu consentement.

M. Paquette: Pour le député de l'Assemblée nationale...

M. Pagé: M. le Président, est-ce que la motion est recevable ou non?

M. Blais: M. Paquette, vous êtes trop proche aujourd'hui pour être narquois.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, vous avez demandé la parole. Est-ce que c'est sur la recevabilité?

M. Clair: Sur le fond, non.

Le Président (M. Lachance): Sur le fond. Effectivement, je juge recevable cette motion.

M. Pagé: Parfait.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, il est évident que la préoccupation du député de Deux-Montagnes l'honore et que, effectivement, ce serait un geste fort délicat pour les parlementaires d'aller assister à une rencontre avec le cardinal. Maintenant, je voudrais lui dire que, par ailleurs, je serais beaucoup plus sensible à voter pour sa motion si, tout au cours de nos travaux, il avait contribué à accélérer le processus de l'étude du projet de loi 37, alors que, au contraire, il est en train d'invoquer en quelque sorte sa propre turpitude puisque, si la commission doit siéger encore aujourd'hui pour étudier le projet de loi 37, article par article, si celle-ci n'est pas plus avancée qu'elle ne l'est présentement, soit à l'article 52, c'est largement à cause du filibuster que mènent les députés indépendants, principalement le député de Deux-Montagnes,

dont le moins qu'on puisse dire c'est que les interventions ont plus souvent porté sur des questions, je dirais, connexes au projet de loi, rarement sur le fond du projet de loi. Toutes ses interventions ont été beaucoup plus axées sur des questions autour et alentour du projet de loi que sur les questions de fond. Je pense qu'il invoque sa propre turpitude à cet égard. (11 h 30)

Deuxièmement, M. le Président, je voudrais dire au député que la venue du cardinal est annoncée depuis quelques jours déjà. Le député aurait pu, avec ses collègues, aménager son propre horaire pour leur permettre de se relayer à la commission parlementaire pour la période de la visite et, effectivement, exécuter le devoir moral qu'il considère être le sien et celui des autres parlementaires. Je pense que rien ne l'empêche encore à cette heure-ci de se déplacer s'il le désire et de laisser ses collègues continuer et se relayer avec les trois autres.

Je dirai, en terminant, M. le Président, que, si sa préoccupation honore le député de Deux-Montagnes, l'utilisation qu'il en fait, au même titre que la cause de la féminisation des titres... Il se sert de ces deux causes valables, de ces motifs justifiés, pour des fins de mesure dilatoire en commission parlementaire et non pas pour procéder à l'accélération de nos travaux ou à l'aménagement des travaux. Je sais que le député fera son intervention après la mienne. Je pense que rien n'empêche que notre commission puisse continuer et que, si le député ou quelque autre membre de la commission désire se rendre à la rencontre avec le cardinal, le député comme tous les autres parlementaires peuvent se relayer. Nous sommes assez nombreux autour de la table, ici, dans cette commission, pour que chacun puisse participer à cette visite.

Le Président (M. Lachance): Avant de céder la parole à un autre député, je voudrais souligner que nous en sommes à une motion de suspension du député de Deux-Montagnes. Comme il s'agit d'une motion de forme et non pas de fond, en vertu de l'article 209 de nos règlements le temps de parole sur la motion est de dix minutes pour les députés. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je ne vais pas m'abaisser au niveau des amabilités de petit avocat que nous a servies le ministre qui parle de ma turpitude.

M. Laplante:...

M. de Bellefeuille: Je ne vous écorcherai pas les oreilles à vous décrire l'attitude arrogante et méprisante du ministre. Je vais plutôt dire que, depuis le début des travaux de cette commission, je me suis efforcé de faire mon devoir. Je me suis efforcé de comprendre ce qu'il y a derrière ce projet de loi et je vous assure, M. le Président, que ce n'est pas facile. Plus on avance dans le projet de loi, plus on se rend compte qu'il y a - pour employer l'expression du ministre - des doubles tiroirs, des aspects cachés à ce projet de loi. Le ministre nous a d'ailleurs présenté des amendements dont il a dit qu'ils étaient tous des retouches mineures alors qu'il y en a de fort importants.

Je ne sais pas quelle est la conception que le ministre se fait de nos devoirs parlementaires. Est-ce que c'est de faire les béni-oui-oui devant la parole du ministre, tout simplement parce qu'il a le pouvoir dans ses mains? Est-ce que c'est d'approuver une mauvaise loi? C'est ma profonde conviction, M. le Président, que cette loi, dans toute la plénitude du sens de l'expression, est une mauvaise loi. C'est donc mon devoir, en tant que parlementaire, de chercher à empêcher l'adoption d'une mauvaise loi.

M. Clair: Voilà!

M. de Bellefeuille: Vous pourrez donner à cela le nom que vous voudrez, mais je fais mon devoir. Je répète ce que j'ai dit hier: Quoi que vous en pensiez, M. le ministre, mes interventions ont toutes été des interventions de substance. Vous m'accusez de ne pas avoir contribué à accélérer les travaux de la commission. Je vous signalerai que, si vous faites le relevé dans le Journal des débats, vous allez constater qu'il y a eu de longues périodes où j'étais silencieux bien que présent, bien qu'écoutant attentivement mes collègues. Il y a eu des périodes de plusieurs heures, ma foi, où je suis resté silencieux afin de permettre au processus parlementaire de se dérouler sans heurts. Mais, l'attitude arrogante et méprisante du ministre ne nous aide pas. J'ai compris que non seulement il y a des doubles tiroirs, il y a aussi des doubles sens dans la pensée et la parole du ministre. Par exemple, hier, à plusieurs reprises, il a insisté sur la notion de souplesse. Il nous a dit qu'entre telle chose et la souplesse - il a dit cela à plusieurs reprises - il choisissait la souplesse. J'ai compris hier et je comprends plus encore ce matin que ce mot "souplesse" en réalité veut dire "rigidité", parce que ce que le ministre veut sauvegarder, c'est la possibilité pour le pouvoir, la possibilité pour l'Exécutif, la possibilité pour le ministre de n'en faire qu'à sa tête et de se montrer aussi rigide qu'il soit possible, comme c'est le cas ce matin, sur une motion qui vise à marquer un respect élémentaire envers une

haute personnalité qui nous rend visite ce matin au parlement.

Je trouve que c'est indigne de la part du ministre de ne pas se rendre compte que nous nous devons, par respect pour la personnalité de Mgr Vachon, de suspendre nos travaux quelques moments. La boule n'arrêtera pas de tourner. Le processus parlementaire n'échouera pas, tout simplement parce que nous aurons marqué cette déférence minimale envers un visiteur de marque qui se donne la peine de venir nous rencontrer au parlement. Merci.

M. Pagé: Très brièvement. Ne voulant pas prendre plusieurs minutes pour discuter de l'occasion d'ajourner pour quelques minutes, je propose, en dehors de toute règle une motion au ministre, en dehors du règlement, j'en conviens, à ce moment-ci -est-ce que vous y seriez disposé? - pour qu'on suspende nos travaux pour une demi-heure et qu'on reprenne par la suite. Il pourrait retirer sa motion et on pourrait le proposer. Tout va être réglé.

Le Président (M. Lachance): Je voudrais indiquer à ce moment-ci, également, pour ne pas être accusé de ne pas avoir dit toute la vérité concernant la référence à l'article 209 de nos règles de procédure, que l'auteur d'une motion a un droit de parole de 30 minutes sur les motions de forme. Alors, c'était le deuxième alinéa de l'article 209, M. le député de Deux-Montagnes, je vous le dis, et je le dis à tous les membres de la commission, et actuellement c'est clair que le ministre aurait pu avoir également 30 minute3 pour répondre.

M. de Bellefeuille: II est bien entendu que, si je me suis tu pour permettre au ministre de manifester une véritable souplesse, ce n'est pas pour renoncer à ce qui me reste de mon temps de parole.

M. Clair: Est-ce que vous consentez à une demi-heure ou pas?

M. de Bellefeuille: Qu'en dites-vous?

M. Clair: II y a une motion qui est en cours présentement...

M. Pagé: M. le Président...

M. Clair: Je veux savoir si vous allez la retirer ou pas.

M. Pagé: Si vous permettez...

M. de Bellefeuille: Le député de Portneuf a posé une question. Si le ministre veut donner une réponse à la question du député de Portneuf, qu'il le fasse.

M. Pagé: Ce que j'ai indiqué, c'est ceci: en vertu du règlement, la motion qui est présentée pourrait entraîner un échange de "verbatim" d'une heure. Je vous le propose: Ne serait-il pas plus sage, plus sérieux et plus conséquent qu'unanimement on accepte et convienne d'ajourner pendant une demi-heure?

M. Clair: Oui, je suis d'accord pour une demi-heure, à condition que le député de Deux-Montagnes retire sa motion, cependant, parce qu'il pourrait, à la reprise des travaux, continuer à argumenter sur sa motion.

M. de Bellefeuille: Le ministre a une attitude non seulement arrogante et méprisante, il a aussi une attitude méfiante. Je retire ma motion, M. le Président.

M. Pagé: Je propose qu'on ajourne nos travaux pour une période de 30 minutes.

Le Président (M. Lachance): Est-ce que cette motion de suspension est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Lachance): Adopté. Alors, nous revenons dans 30 minutes, c'est-à-dire, pour bien s'entendre, à 12 h 10.

(Suspension de la séance à 11 h 40)

(Reprise à 12 h 20)

Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de l'administration, après cette suspension de 3es travaux, poursuit son travail. Nous en étions à l'article 52, en signalant que deux articles avaient déjà été suspendus, les articles 44 et 50.

M. Pagé: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Avant d'aborder la section sur la rémunération prévue à l'article 52, est-ce qu'il serait indiqué qu'on règle tout de suite les articles 44 et 50?

M. Clair: En ce qui concerne l'article 44, il a été suspendu jusqu'à l'adoption des articles 57 et 58.

M. Pagé: Oui, c'est vrai. L'article 50?

M. Clair: En ce qui concerne l'article 50, on n'est pas encore prêt à proposer l'amendement, si besoin d'amendement il y a.

M. Pagé: D'accord.

Conventions collectives des

secteurs de l'éducation et

des affaires sociales

Le mode de négociation (suite)

Le Président (M. Lachance): Je rappelle l'article 52.

M. Clair: Je n'ai pas d'amendement à proposer M. le Président.

Les salaires et les échelles de salaires

M. Pagé: M. le Président, l'article 52. Sur les salaires et les échelles de salaire, je n'ai pas l'intention de reprendre ici tous les commentaires qu'on a eu l'occasion de formuler ou même l'essentiel de ces commentaires, parce qu'ils emploieraient très certainement une partie importante - non pas la totalité - de la période qui nous reste ou qui nous est allouée jusqu'à treize heures et une bonne partie de l'après-midi, en ce que, par les articles 52 jusqu'à 56 tout au moins, on aborde un des éléments principaux, sinon l'élément principal, de toute la dynamique des négociations dans les secteurs public et parapublic entre l'État et ses employés.

Des choses importantes par rapport à la loi actuelle sont modifiées par le projet de loi. On a longuement eu l'occasion d'évoquer que la politique de rémunération du gouvernement doit s'appuyer sur certains paramètres, que la politique de rémunération énoncée par le gouvernement témoigne nécessairement d'un choix qui est politique pour un gouvernement, quel qu'il soit, de redistribuer la richesse et de redistribuer les impôts et les taxes qu'il perçoit. On a eu l'occasion de voir et de discuter ensemble de la façon dont ces montants étaient redistribués et de la part importante que cela prenait dans le budget du gouvernement du Québec, soit près de 50 %, comme on a eu l'occasion de traiter de paramètres à établir pour que le gouvernement puisse respecter certains de ses devoirs: dans un premier temps, l'objectif de rechercher l'équilibre de ses comptes publics et, dans un second temps, celui de s'assurer de la capacité de payer qu'il a, toujours en fonction de ses choix, pour la redistribution de la richesse. Il y a un autre élément aussi, c'est-à-dire que le gouvernement doit se comporter comme un bon employeur à l'égard de ses employés.

C'est ce qui peut, à prime abord, sembler divergent et ce que le gouvernement doit tenter de ramener comme étant convergent par sa politique de rémunération. Pour que cette politique de rémunération soit plus justifiée ou plus justifiable, qu'elle soit bien perçue par tous les intervenants, qu'elle soit acceptée si possible par tous les intervenants ou par le plus grand nombre d'intervenants et acceptée aussi par la population du Québec, le gouvernement a prévu des dispositions qui permettront d'établir des règles du jeu, des règles d'analyse et des règles de recherche et de comparabilité dont on croit qu'elles seront plus crédibles que par le passé, si on se réfère aux études qui étaient effectuées uniquement par le Conseil du trésor et même pas toujours produites par le Conseil du trésor.

L'avant-projet de loi prévoyait des dispositions différentes de celles qui apparaissent au projet de loi 37 en regard de la politique sur la rémunération, en regard de la façon dont s'articuleraient cette politique ou ces négociations. Le gouvernement a proposé, à l'époque, que les travailleurs et les travailleuses ne puissent recourir à la grève dans les cas de différends, au chapitre de la rémunération. L'avant-projet de loi, c'est ce qu'il disait. Le projet de loi qu'on a pour étude actuellement prévoit que les travailleurs auront toujours recours à la grève une fois par convention, une fois par trois années. Le gouvernement prévoit donc qu'au moment de la première négociation les travailleurs auront le droit de recourir à la grève et que, par la suite, en voulant introduire un mécanisme censément de négociation permanente ou de négociation continuelle, tout au moins pour les autres années à courir de la convention, il négocierait à chaque année mais sans que les travailleurs, sans que les employés puissent avoir recours à la grève.

J'ai eu l'occasion d'indiquer au nom de notre formation politique qu'il nous apparaissait que jamais les employés de l'État, jamais la population du Québec et jamais la lecture de la situation budgétaire économique ne suscitaient un climat ou une attitude où à peu près tout le monde est conscient que la politique de rémunération du gouvernement du Québec doit s'établir sur des paramètres nouveaux et s'articuler à partir de principes nouveaux au chapitre de la négociation. Il nous apparaissait que le gouvernement aurait dû reproduire dans le projet de loi 37 les dispositions qui étaient contenues à l'avant-projet de loi.

Le gouvernement a reculé, le gouvernement a modifié son attitude, c'est un choix politique qu'il fait, qui est légitime, qui est explicable, qu'on ne considère pas comme justifié mais qui est explicable, peut-être. Je ne voudrais pas ici qu'on s'embarque pendant deux jours sur le pourquoi. Le ministre et ses collègues ont eu l'occasion au début de nos travaux de nous dire ce qui justifiait leur position et ce qui vous semblait, à vous de la majorité, comme devant être fait.

Nous sommes d'avis contraire mais vous comprendrez que, par respect de la position

qu'on a adoptée, on se doit à ce moment-ci de présenter un amendement, M. " le Président, qui se lirait comme suit: Remplacer l'article 52 par la suivant: "52. Les stipulations de la convention collective qui portent sur les salaires et échelles de salaires sont négociées et agréées à l'échelle nationale pour une période se terminant au plus tard le dernier jour de la troisième année au cours de laquelle une entente est intervenue à l'échelle nationale sur ces stipulations. Pour chacune des trois années, les salaires et échelles de salaires sont déterminées conformément aux dispositions qui suivent".

Essentiellement, M. le Président, le but de cet amendement et des autres qui suivront, aux articles 54 et 55 notamment, est de prévoir un mécanisme analogue à celui qui est prévu au projet de loi 37 sauf que, pour nous, il nous apparaît que les employés ne devraient pas pouvoir recourir à la grève dans la partie 2 de la section III concernant la rémunération. J'aurai des copies, elles sont ici.

Une voix: On aura une copie des amendements.

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Lachance): Alors, à l'article 52...

M. Pagé: Vous l'aurez d'ici à quelques minutes.

M. Clair; M. le Président, je soulève la question de la recevabilité de la motion du député de Portneuf non pas pour fafiner...

M. de Bellefeuille: C'est à vous sûrement...

M. Clair:... mais simplement parce que, en toute équité à l'égard d'autres amendements dont vous avez déjà disposé provenant, je pense, du député de Rosemont, je vous soumets humblement que l'un des principes fondamentaux du projet de loi, c'est effectivement de changer les mécanismes de négociation des salaires et des échelles de salaires avec le droit de grève pour les employés de l'État pour la détermination des salaires et échelles de salaires la première année. L'amendement du député de Portneuf aurait pour effet d'éliminer le droit de grève sur toute la question salariale. Sans argumenter longtemps, M. le Président, je soulève la question de la recevabilité de la motion d'amendement du député de Portneuf, quoique je doive reconnaître à l'avance que, comme cet article fait référence aux dispositions qui suivent. (12 h 30)

M. Pagé: La décision du président risque d'avoir effet sur les autres amendements éventuels.

M. Clair: Effectivement.

Le Président (M. Lachance): Sur la recevabilité, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, sur larecevabilité, je pense que le ministre a tendance, comme il l'a fait à l'article 44, à étendre considérablement le principe du projet de loi. En fait, la nuance qu'apporte le député de Portneuf ne devrait pas mériter un tel sort, bien que je sois complètement en désaccord, bien sûr, avec cet amendement. Cependant, je pense qu'on devrait passer rapidement aux discussions de fond. Si le ministre, qui se plaint que son projet de loi n'avance pas rapidement, nous fait des questions de recevabilité chaque fois qu'on change certaines modalités importantes, bien sûr, mais certaines modalités, quand même, de son projet de loi; il nous dit que ça a été réglé en deuxième lecture - on va prendre énormément de temps à discuter de procédure et très peu de temps à discuter sur le fond. Or, cette question mérite d'être discutée sur le fond.

Sur la recevabilité, je soutiens que le député de Portneuf est dans l'esprit du ministre; il ose simplement aller un peu plus loin. Le ministre, dans son projet de loi, élimine le droit de grève et l'exercice du rapport de forces deux années sur trois. Le député de Portneuf veut l'éliminer trois années sur trois; c'est une modalité et peut-être que c'est plus direct, plus franc, plus honnête de le faire ainsi. Je ne vois pas en quoi on peut énoncer que cette modalité vient en contravention du principe du projet de loi.

M. le Président, je souhaite qu'on passe à la discussion de fond le plus rapidement possible.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, il est indiqué dans les notes explicatives que le projet de loi a principalement pour objet d'établir un nouveau mode de détermination des salaires et des échelles de salaires pour chacune des deux années suivant la première année des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Je m'inscris dans l'argumentation suivante, entre autres celle qu'a évoquée le député de Rosemont, à savoir que le gouvernement prévoit, par les dispositions du projet de loi, que le recours à la grève ne pourra être fait dans les deux années de la convention. Quant à nous, il s'agit de changer le chiffre "deux" par le chiffre "trois", purement et simplement. Cela

ne remet pas en cause, pas du tout, le principe d'une véritable négociation, lequel ne sera pas accompagné d'un recours à la grève. Cela ne met pas en cause le principe de créer un institut de recherche pour établir des paramètres nouveaux et fournir des informations, etc., sur la politique de rémunération.

Je pensais que vous m'auriez interrompu pour dire: M. le député, c'est reçu, on va plaider sur le fond.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président, le député de Portneuf vient d'argumenter en ne lisant pas le quatrièmement jusqu'au bout.

Le Président (M. Lachance): Vous voulez parler des notes explicatives?

M. Laplante: Oui, c'est ça, "d'établir un nouveau mode de détermination des salaires et échelles de salaires pour chacune des deux années suivant la première année des conventions collectives... ", ce bout n'a pas été soulevé.

Maintenant, je vous réfère à la page suivante, au quatrième paragraphe. Je ne vous demande pas de rejeter la motion, mais je pense que ça vaudrait la peine, à cause des autres articles qui s'en viennent, parce que ça a une importance trop grande actuellement, de suspendre quelques minutes ou de rendre votre décision, si vous voulez, seulement à 15 heures, sur la recevabilité de ces motions. Cela a une portée trop grande, actuellement, sur le projet.

Le Président (M. Lachance): C'est une suggestion, non pas une motion en bonne et due forme. M. le député de Deux-Montagnes; ensuite, M. le ministre.

M. de Bellefeuille: M. le Président, sur la recevabilité, je m'étonne de la zizanie qui règne chez les ministériels. Le ministre n'a pas voulu consentir à suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures pour nous permettre de participer à l'accueil du Parlement à Son Éminence Mgr Vachon et il a fallu une négociation sordide pour en arriver à arracher au ministre la possibilité de suspendre pendant une demi-heure. Maintenant, un autre ministériel, le député de Bourassa, suggère - il ne propose pas, il n'a pas le courage d'aller jusqu'au bout de son idée - de suspendre les travaux jusqu'à 15 heures; pourquoi? Pour permettre au président - cela est beaucoup plus important que la visite du cardinal, vous en conviendrez - d'aviser de la sagesse de l'objection du ministre à la recevabilité de la motion. De cela, l'avenir du Québec en dépend. L'objection du ministre à la recevabilité de la motion, cela est important et il faut suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

M. le Président, je m'oppose à cette tactique dilatoire du député de Bourassa. On ne va pas suspendre nos travaux parce qu'on a des choses sérieuses à faire. Quant à moi, M. le Président, la motion est tout à fait recevable.

Une voix: M. le Président...

M. de Bellefeuille: Elle est recevable à moins qu'on ne considère que le projet de loi est un monument intouchable. Si c'est un monument intouchable, M. le Président, je me demande ce qu'on fait ici. Si ce n'est pas un monument intouchable, nous allons au moins essayer d'y apporter certaines modifications; le député de Portneuf en propose une qui n'enlève pas l'une des deux jambes du monument, qui fait seulement modifier une modalité.

M. Paquette: Cela solidifie le monument.

M. de Bellefeuille: Cela solidifie le monument, voilà! Cela lui donne une troisième jambe, une troisième année. C'est parfaitement dans l'ordre, c'est tout à fait réglementaire, il n'y a aucune objection imaginable à la recevabilité de cette motion et je m'oppose très vivement à la fois à l'objection du ministre et à la suggestion échevelée du député de Bourassa.

Le Président (M. Lachance): Avant de poursuivre avec M. le ministre, je voudrais indiquer au député de Deux-Montagnes qu'à cette commission parlementaire il est attendu de tous les parlementaires qu'ils aient un langage correct, un langage parlementaire, un langage digne et...

M. Laplante: Même s'il est un rat, on ne lui dit pas qu'il est un rat.

Une voix: Ha! Ha! Ha!

M. Paquette: M. le Président, vous allez devoir appliquer votre remarque à celle du député de Bourassa.

Le Président (M. Lachance): Les invectives, de quelque bord qu'elles viennent ne sont jamais admissibles en ces lieux, mêmes si elles sont dites en des termes élégants. Par conséquent, je souhaiterais beaucoup qu'on revienne à une qualité du débat qui soit correcte et qui nous permette d'étudier le projet de loi tel qu'il devrait l'être, avec beaucoup de sérieux. J'émets cette remarque à ce moment-ci.

M. Dussault: Question de privilège, M.

le Président.

Le Président (M. Lachance): II n'y a pas de question de privilège en commission.

M. de Bellefeuille: II n'y en a pas en commission.

M. Dussault: De règlement, M. le Président.

Mme Le Blanc-Bantey: Moi aussi, j'en ai une.

Le Président (M. Lachance): Question de règlement.

M. Dussault: C'est sur le fonctionnement. Il s'est écoulé plusieurs minutes, M. le Président, sur la portée d'un amendement. Au moins trois des députés ministériels n'avaient pas l'amendement en main. Il est bien difficile de juger de la portée d'un amendement quand nous ne l'avons pas en main. Je voudrais que vous preniez les précautions pour qu'à chaque fois que des amendements seront déposés il y en ait en copies suffisantes pour que nous puissions suivre au même rythme que tout le monde, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): C'est très bien, M. le député de Châteauguay, nous y verrons. M. le ministre.

M. Clair: Oui, M. le Président. Ce sera très bref. Plusieurs des députés qui sont intervenus du côté de l'Opposition, comme de notre côté, ont indiqué que leur désir était de traiter du fond. On peut traiter du fond de ces questions, que vous déclariez l'amendement recevable ou irrecevable, de sorte que je vous indique que, quant à moi, je me rangerai à votre décision.

Le Président (M. Lachance): Je suis prêt à rendre ma décision. J'en arrive à la conclusion que l'amendement est recevable et que, de toute façon, si les membres de la majorité ne sont pas d'accord, ils pourront toujours agir en conséquence. L'amendement est recevable. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vois là la continuité de la parole du fauteuil, et ce n'est pas négatif que de le dire, M. le Président. Vous vous inscrivez pleinement dans ce que d'autres personnes qui sont présidents soutiennent à l'égard des décisions qu'ils ont à rendre.

M. le Président, j'ai eu l'occasion d'indiquer il y a quelques minutes, lorsque j'ai présenté mon amendement, que jamais le climat ou la situation n'avait tendu à une forme d'acceptation mutuelle ou de constat mutuel indiquant que la politique de rémunération du gouvernement du Québec pour ses employés devra à l'avenir s'inscrire dans des conditions nouvelles. On doit retenir, sans remonter jusqu'à 1960, qu'au cours de quelques, sinon de plusieurs, négociations entre l'État et ses employés, le principal point où les travailleurs et travailleuses s'inscrivaient, c'était au chapitre de la rémunération. Tout le monde est unanime à constater aujourd'hui que les employés des secteurs public et parapublic ont des conditions de rémunération et de travail qui sont comparables * comparables en plus dans certains cas, comparables en moins dans d'autres cas - aux travailleurs du secteur privé. Pour certains, ces conditions sont même enviables. Il faut retenir de l'exercice aussi ou de l'analyse que l'inflation est mieux contrôlée aujourd'hui, que le pouvoir d'achat des employés n'est pas agressé de façon si dure, n'est pas aussi durement ressenti aujourd'hui qu'il pouvait l'être il y a quelques années.

Il faut retenir de plus, comme le disait d'ailleurs le ministre des Affaires sociales en commission parlementaire il y a quelques semaines, par exemple, dans le domaine de la santé... C'est le ministre lui-même qui parlait et il nous disait: Là où les employés du secteur de la santé s'inscrivent, ce n'est pas sur la rémunération, ce n'est pas sur les salaires, mais c'est davantage sur leurs conditions de travail, l'effet des coupures, la qualité et la quantité de services qu'ils donnaient précédemment aux bénéficiaires et qui, aujourd'hui, compte tenu des restrictions budgétaires du gouvernement du Québec, sont diminués en qualité et en quantité. C'est le ministre des Affaires sociales lui-même qui l'indiquait, soutenant ainsi et confirmant ainsi qu'une ronde de négociations comme la prochaine nous permettra de constater que l'écart, finalement, entre l'offre et la demande sera très certainement diminué par rapport aux écarts qu'on connaissait dans le passé. Je ne crois pas que quelque gouvernement que ce soit accorde des 10 %, des 12 %, des 11 % comme je ne crois pas que beaucoup de monde du côté des employés revendiquent des 11 %, des 12 % et des 15 %. Le débat, depuis quelques années, a permis certains constats comme ceux-là, où jamais le climat n'aura été aussi favorable à des consensus au niveau de la rémunération.

Pour nous, il nous apparaît que la formation de l'institut de recherche, d'analyse et d'information sur la rémunération contribuera et jouera un rôle de premier plan pour convier les parties, les intervenants, l'Assemblée nationale et finalement le public en générai qui sont les contribuables d'un côté et qui sont ceux qui bénéficient des services, de la prestation des services des employés de l'État... J'ai l'impression que les rapports produits par

l'institut seront de nature à favoriser, comme le disait le ministre, des rapprochements entre les parties en regard, entre autres, de la rémunération. Le fait qu'un rapport soit produit n'empêchera pas la négociation comme telle. Le fait que le débat se fasse ici à l'Assemblée nationale contribuera à ajouter une pression additionnelle sur les travailleurs et sur l'État pour qu'ils s'entendent parce que le public sera appelé à juger. Les employés de l'État ne perdront pas ainsi leur force, cette force qui est créée par notre régime de négociation qui prévoit un cartel intersyndical qui confère un pouvoir appréciable aux employés.

C'est dans ce sens-là qu'étaient nos commentaires. Nous n'avons pas changé d'idée. Il nous apparaît, en ce qui nous concerne, que le droit de grève ne devrait pas exister, être accordé pour les questions relatives à la rémunération. On était satisfait de voir les dispositions de l'avant-projet de loi. Le ministre revient avec un libellé nouveau, lequel prévoit finalement des modifications assez limitées par rapport à la situation antérieure où il dit: Le droit de grève sera octroyé pour la première année et pour les deuxième et troisième années, la négociation se déroulera sans que les employés et les syndicats puissent recourir à la grève. La convention sera de trois ans. (12 h 45)

Cela ne change pas beaucoup dans les faits. En ce qui nous concerne... N'allez pas croire que c'est facile pour un parti politique qui en est à quelques semaines, à quelques mois ou, au plus, à dix mois d'une élection générale, de dire loyalement, ouvertement, franchement et honnêtement: Pour nous, les règles du jeu doivent être différentes. Autant la population, autant les travailleurs eux-mêmes, autant les employés sont généralement en désaccord avec ces conflits stériles et coûteux qui font mal, finalement, à tout le monde.

Le gouvernement, l'Assemblée nationale, les parlementaires que nous sommes devrions profiter de ce débat, de cet exercice auquel on est conviés depuis plusieurs mois déjà si l'on réfère à l'avant-projet de loi, aux commissions parlementaires et à la commission vers la recherche d'un nouvel équilibre annoncée par le ministre le 1er mai 1984... Tout cela tend à ce qu'aujourd'hui plus que jamais on puisse en arriver à établir des règles nouvelles qui seront plus claires, plus franches, plus loyales et qui sauveront beaucoup de capital humain et financier aux parties et aussi, et surtout, qui permettront aux bénéficiaires des services, soit les citoyens qu'on représente ici à l'Assemblée nationale, de ne plus être affectés par de tels conflits, entre autres, en regard de la rémunération; c'est ce pourquoi on présente cet amendement, M. le Président. Il n'est peut-être pas trop tard pour que le ministre revienne à sa proposition initiale et qu'il accepte notre amendement.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Pagé: Je n'ai pas abusé du temps, M. le Président. J'ai pris dix minutes alors que j'aurais pu en prendre vingt.

M. Clair: J'en prendrai trois, quatre, M. le Président, pour faire valoir deux ou trois arguments contre l'amendement proposé par le député de Portneuf.

Le premier argument que je ferai valoir, c'est que, si l'amendement du député de Portneuf était accepté, nous reviendrions - c'est par rapport au projet de loi que je parle - à des conventions, à la fixation, devrais-je dire, pour trois années à l'avance, des salaires et des échelles de salaires. Je lui indique là-dessus que l'un des objectifs principaux qui étaient poursuivis par le gouvernement pour pouvoir offrir un traitement juste, équitable et raisonnable à ses employés, c'était de ne plus s'engager dans des conventions ou dans des déterminations des salaires trois ans à l'avance parce que cela risque de jouer de fort mauvais tours aux deux parties. Je réfère en cela à l'expérience de 1979-1982, alors que, même s'il y aurait beaucoup de nuances à faire, les deux parties étaient relativement satisfaites de la signature des conventions collectives pour trois ans à l'avance. Ces conventions étaient basées sur des prévisions économiques, financières et triennales et, malencontreusement, ces prévisions ne se sont pas matérialisées.

On peut constater - et le député d'Argenteuil sera sûrement sensible à cet argument que je tire des autres provinces canadiennnes - qu'il est de moins en moins fréquent que les gouvernements, au Canada, s'engagent sur le plan des salaires et des échelles de salaires pour trois ans. À preuve, l'Ontario, pour une année, le Manitoba, la Saskatchewan et une ou deux autres provinces, pour des périodes allant de 16 à 21 mois et la Colombie britannique, selon ce qu'on m'indique, se dirige vers la fixation annuelle, par des mécanismes qui lui sont propres. On peut voir que la tendance est plutôt à des fixations de ces masses pour une durée beaucoup plus courte que pour trois ans à l'avance.

Je pense, M. le Président, que, s'il y a un piège dont on doit sortir, pour les deux parties, c'est celui de prédéterminer trois ans à l'avance les niveaux de salaires qui seront payés dans les secteurs public et parapublic parce que, nécessairement, on s'appuie, à ce moment-là, sur des prévisions économiques, financières, de taux d'inflation, de taux de change, de croissance

économique, etc., qui, par les années qui passent, ont la malencontreuse caractéristique de ne pas souvent se matérialiser, tel qu'initialement prévu.

Le deuxième argument que je ferai valoir à l'encontre de l'amendement du député de Portneuf qui me propose de revenir à la formule de l'avant-projet de loi sera le suivant: Dans la mesure où l'on conserve le droit de grève dans le secteur public sur un certain nombre de questions, comment pourrez-vous distinguer, lors de l'année de négociation de la convention collective avec droit de grève, dans l'esprit de celui ou celle qui prendra la décision de faire la grève, s'il la fait sur la question salariale ou si c'est sur la question normative, sur d'autres conditions? Je l'ai dit, au niveau local, lorsqu'on a parlé du droit de grève sur quatre matières dans le domaine des enseignants et des enseignantes du primaire et du secondaire, on ne pourra pas voir un syndiqué ou une personne se promener avec une pancarte indiquant: Je suis insatisfait des propositions salariales du gouvernement, mais je ne suis pas en grève sur ces matières. Je n'ai pas le droit de grève sur ces questions mais, cependant, je suis en grève sur le normatif et je suis en grève légale à cet égard puisque j'ai le droit de grève sur ces matières. Il y a quelque chose d'"inopérationnel" dans la proposition du député de Portneuf. C'est l'une des raisons - ce n'est pas la seule, parce qu'on a tenté aussi de tenir compte au maximum de l'avis des syndicats des secteurs public et parapublic sur cette question - c'est l'une des raisons pour laquelle nous avons décidé de modifier l'avant-projet de loi à cet égard puisqu'il nous paraissait que c'était fort difficile de maintenir un droit de grève sur le normatif lourd et de ne pas le maintenir sur la question pécuniaire aux trois ans.

Le troisième argument que je ferai valoir à l'encontre de la proposition du député de Portneuf, c'est que celle-ci, si elle était acceptée, au fond, nous conduirait à l'une ou l'autre des deux choses suivantes: soit à exclure complètement le droit de grève dans les secteurs public et parapublic... Remarquez que les propositions de son parti vont fort loin dans cette direction en proposant l'abolition du droit de grève sur la question pécuniaire de même que l'abolition du droit de grève dans le domaine de la santé. On voit que les matières sur lesquelles ils auraient le droit de grève, le champ de négociation ouvert au droit de grève serait considérablement réduit par rapport à ce qu'il est dans le projet de loi. En toute logique, si on voulait poursuivre sur cette lancée, et c'est vers cela que risquerait de conduire rapidement la proposition du député de Portneuf, c'est, dans le fond, l'abolition pure et simple du droit de grève dans l'ensemble des secteurs public et parapublic.

L'autre question qu'on peut se poser est: Est-ce que les salaires et échelles de salaires doivent continuer de faire partie d'une relation contractuelle entre les syndicats et le gouvernement? On sait que, dans la plupart des États européens, l'État n'entre pas en relation contractuelle, ne signe pas, à proprement parler, de convention collective sur les questions salariales qui sont déterminées par une variété de mécanismes, mais où il n'y a pas de relation contractuelle entre les syndicats et le gouvernement sur ces questions.

Nous avons voulu, quant à nous, ne pas prendre un virage trop brusque, tenter de faire évoluer les mentalités, les rapports entre le gouvernement et ses syndicats, mais ne pas revenir, je dirais, tout de go, avec la formule imagée de l'ancien premier ministre, Jean Lesage: La reine ne négocie pas avec ses sujets. Le gouvernement n'entre pas en relation contractuelle avec ses syndicats.

Nous pensons, M. le Président, que la proposition retenue a l'avantage de maintenir une relation contractuelle, d'éviter que le gouvernement, cependant, ne soit lié trois ans à l'avance sur des conditions de salaire sur la base de prévisions économiques qui risquent de ne pas se matérialiser et, troisièmement, tout en conservant une relation contractuelle, de favoriser, cependant, de nouveaux mécanismes de détermination des salaires dans l'esprit, je dirais, européen, c'est-à-dire d'éviter que le gouvernement se lie trois ans à l'avance dans une relation contractuelle sur des salaires et échelles de salaires.

Ce sont les trois arguments que je ferai valoir à l'encontre de l'amendement du député de Portneuf. Je dirais, de façon pratico-pratique, en tout cas, que le principal argument, c'est certainement celui de ne pas se lier trois ans à l'avance. Je pense qu'une large partie des problèmes que nous avons connus en 1982 provient des conséquences de contrats signés, de bonne foi de part et d'autre, trois ans à l'avance, mais sur la base de prévisions économiques qui ne se sont pas matérialisées et lorsque la réalité est tombée à la face du gouvernement, des syndicats, des syndiqués, il était, je pense, assez inévitable que cela conduise à de la frustration des deux côtés, à de l'incompréhension, je dirais même, jusqu'à un certain point, à de l'inacceptation légitime de la réalité, compte tenu des engagements pris trois ans auparavant.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Pagé: Seulement une question: Comment le ministre peut-il indiquer que c'est un principe essentiel à la négociation que les employés de l'État puissent avoir recours à la grève au moins une fois sur les

trois ans, alors que l'avant-projet de loi prévoyait exactement le contraire et que lui-même indiquait dans sa déclaration d'ouverture que la population du Québec en avait assez de ces luttes stériles et qu'on se devait de s'attaquer au problème en enlevant le progrès dans les secteurs public et parapublic au chapitre de la rémunération? C'est ce que vous disiez vous-même. Je comprends que ces principes ont changé en cours de route, mais cela ne fait pas 20 ans, cela fait 3 mois.

M. Clair: Non, je suis bien d'accord, cela ne fait pas 20 ans, cela fait juste 2 ou 3 mois; mais ce que j'indique, c'est que notre réflexion a évolué sur cette question. Nous avons considéré que, d'une part, il pouvait effectivement, dans la tradition des négociations québécoises, y avoir un avantage réel - c'est l'argument que nous faisaient valoir les syndicats à ce que la rémunération demeure, je dirais, partiellement négociable. Par ailleurs, nous avons également évalué que la façon de procéder qui était proposée par l'avant-projet de loi présentait des difficultés réelles sur le plan opérationnel et c'est la raison pour laquelle notre réflexion a évolué. Nous n'avons pas renoncé aux objectifs initiaux. Je pense que, au contraire, nous avons simplement tenté de perfectionner ce qu'on avait dans l'avant-projet de loi à cet égard et de le rendre plus opérationnel tout en maintenant un caractère équitable, à ses dispositions.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: On constate que les positions du ministre. et les positions des députés de l'Opposition officielle ne sont pas très éloignées. Ce sont des questions de technicité, de modalités. Le ministre nous parle de la difficulté de négocier les salaires et échelles de salaires pour trois ans. Il explique qu'il a fait un petit virage par rapport à l'avant-projet de loi, petit virage que les députés libéraux, les députés de l'Opposition officielle contestent. Je pense qu'on avait bien raison de dire que l'amendement du député de Portneuf ne touchait pas au principe de ce projet de loi, qui est d'encadrer le droit de grève, de le supprimer dans certaines questions jusqu'à le rendre inopérant. C'est cela, l'objectif du projet de loi.

Je pense qu'entre les deux positions il faut peut-être préférer la position plus franche du député de Portneuf. Je ne dirais pas plus courageuse, je reviendrai là-dessus tantôt, mais plus franche. On va se retrouver, avec cet amendement, dans une situation où les syndiqués pourront faire la grève sur les salaires et échelles de salaires une année sur trois. Cela est la position du ministre. Or, le député de Portneuf propose que ce ne soit aucune année sur trois. Le gouvernement va constituer un institut, va en faire nommer par l'Assemblée nationale le président et les deux vice-présidents; il va nommer tous les autres membres. Il a encadré le mandat de l'institut de façon telle que ses travaux, à moins de consentement des deux tiers des membres de l'institut, vont porter sur la comparaison des salaires du public avec ceux du privé et, à partir de là, à partir de ce document auquel il pense avoir donné une certaine crédibilité, il va élaborer un règlement unilatéralement. Le député de Portneuf souhaiterait que ce soit pour trois années. Le ministre dit: Pour les deux dernières années de. la convention. Ce règlement va, par la suite, être soumis à une commission parlementaire - même pas au vote de l'Assemblée nationale à la discussion en commission parlementaire où, après avoir écouté les parties à peu près comme le ministre écoute les députés autour de cette table, c'est-à-dire: Mon projet de loi est parfait et les amendements que vous avez apportés m'impressionnent plus ou moins...

Le Président (M. Lachance): M. le député, je m'excuse de vous interrompre dans votre envolée. Il est à peu près 13 heures et nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux après la suspension de 13 heures. Nous en étions à la discussion sur une proposition d'amendement du député de Portneuf sur l'article 52.

M. le député de Rosemont, je crois que vous aviez la parole.

M. Paquette: M. le Président, nous sommes en train d'examiner un amendement du député de Portneuf qui vise à faire en sorte que la mécanique proposée par le ministre, prévue aux articles 52 à 56, au lieu de s'appliquer pour les deux dernières années de la convention collective, s'applique pour les trois années de cette convention collective.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire ce matin, ceci fait en sorte qu'on prive les syndiqués du secteur public d'un rapport de forces normal dans tous les secteurs qui doit être encadré quant à ses effets; il y a d'ailleurs un chapitre dans la loi actuelle... Il y a une loi sur les services essentiels,

actuellement; il y a un chapitre de cette loi que nous allons examiner tantôt. C'est donc de priver les travailleurs de tout rapport de forces dans leurs négociations avec le gouvernement. C'est le gouvernement qui nous présente une loi - sa loi, puisque le ministre ne semble pas disposé à accepter d'amendements substantiels - qui vise à rendre, à toutes fins utiles, le droit de grève, donc, l'exercice du rapport de forces, symbolique. Ceci veut dire que le droit à la négociation est complètement réduit à un minimum qui fait en sorte que c'est un simulacre de droit.

Or, le programme du Parti québécois -je comprends que le ministre avait décidé de mettre de côté une partie du programme -dit, à la page 14, que le système de surveillance des services essentiels - ce avec quoi nous sommes pleinement d'accord -devra toutefois respecter le droit de grève des travailleurs et des travailleuses. Nous trouvions que le ministre, parce qu'il renvoie un grand nombre de matières au niveau local sans exercice de droit de grève et parce qu'il limite la grève et la possibilité d'exercer le droit de grève à la première année de la convention, niait le programme de son propre parti.

Vous allez comprendre, M. le Président, qu'on ne peut pas être d'accord avec l'amendement du député de Portneuf. Même si nous trouvons son approche plus franche -je l'ai dit tantôt - elle sera, à notre avis, complètement "contre-productive". Si on prend la proposition telle qu'amendée par le député de Portneuf, on va se retrouver avec un institut dont le gouvernement nomme la totalité des membres, sauf trois qui seront proposés par lui à l'Assemblée nationale - et le ministre espère que ce sera d'ici à la fin de la session - donc, un institut gouvernemental dont le mandat, en plus, est limité par l'article 19 à la comparaison des salaires du public avec ceux du privé. Le gouvernement va se servir du résultat des travaux de cet institut soi-disant impartial pour établir un règlement, un règlement qui va fixer les salaires et les échelles de salaires pour les deuxième et troisième années de la convention collective. Le député de Portneuf voudrait étendre cela à trois ans, c'est encore plus inacceptable. Par la suite, ce règlement sera présenté à une commission parlementaire où on va entendre les parties, un peu comme le ministre écoute les représentations des députés de l'Opposition autour de cette table. Après avoir écouté les parties, le gouvernement va appliquer son règlement. À ce compte-là - et peut-être que le député de Portneuf serait d'accord avec cela - pourquoi le ministre n'a-t-il pas prévu un article disant que, pour tout l'avenir prévisible, les échelles de salaires des employés du secteur public seront fixées à une certaine proportion du salaire industriel moyen? Finies les négociations! Plus de problèmes!

M. le Président, le député de Portneuf affirme qu'il n'est pas question de modifier le rapport de forces dans le secteur public. Mais qu'est-ce qu'un rapport de forces sans moyen de pression? Qu'est-ce qu'un rapport de forces sans droit de grève? M. le Président, on a eu l'occasion de le mettre en évidence à plusieurs reprises, le rapport de forces dans la négociation, malgré les problèmes qui ont pu se présenter dans les négociations précédentes et qui s'estompent de plus en plus. Je pense qu'on pourrait faire l'historique des négociations dans le secteur public et s'apercevoir que, même s'il y a un climat de tension dans certaines institutions du secteur public, il y a eu croissance de la responsabilité de part et d'autre, changement d'attitude de plus en plus, développement d'une notion de service essentiel qui est de mieux en mieux respectée. De là a jeter complètement le bébé avec l'eau du bain, comme le propose le député de Portneuf, c'est-à-dire s'imaginer que seul le gouvernement est gardien du bien commun et que les employés regroupés en association de salariés n'ont pas le droit d'avoir leur propre conception... Ceux-ci connaissent les problèmes, ils sont près des bénéficiaires, ils perçoivent des difficultés, des orientations nouvelles à développer dans les services publics, les services d'enseignement, les services de santé ou les services hospitaliers. (15 h 15)

S'imaginer que le gouvernement, avec son institut, avec son règlement, pourra imposer, sans aucun moyen de discussion - un peu comme les députés de l'Opposition, ici, sont totalement démunis devant la volonté du ministre d'imposer son projet de loi... S'imaginer que l'on pourra vraiment avoir un exercice responsable de confrontation de points de vue et d'amélioration, à la fois des conditions de travail et des services aux bénéficiaires, M. le Président, c'est un recul inacceptable dans notre société, c'est une dégénérescence dans l'irresponsabilité et c'est une solution illusoire. S'imaginer qu'en éliminant complètement le rapport de forces par la loi en éliminant le droit de grève on va faire disparaître les problèmes, c'est une illusion. On sait que dans des provinces ou dans d'autres pays il y a des endroits où le droit de grève est reconnu et où il est exercé de façon responsable - c'est l'objectif à atteindre au Québec - et que dans d'autres le droit de grève n'est pas reconnu et il existe quand même des problèmes qui, parfois mènent à des conflits qui, à ce moment-là, se déroulent dans un contexte totalement non encadré et deviennent beaucoup plus difficiles à vivre et rapidement incontrôlables. C'est ce qui arrive quand on a un projet de loi, qui serait empiré par l'amendement du député de

Portneuf, qui ne mise pas sur le développement de la responsabilité et le changement des attitudes.

Le député de Portneuf a minimisé les questions en cause dans les articles 52 à 56. Il a dit que c'est la question des salaires et des échelles de salaires. Mais, dans la question des salaires et des échelles de salaires, il y a des problèmes extrêmement importants de justice sociale, d'égalité entre les hommes et les femmes, d'égalité entre les catégories salariales qui sont posés. Ce que le gouvernement nous dit: Nous allons être les seuls à décider de cela. Pourquoi cet abus dans le secteur public? Est-ce qu'on accepterait que dans le secteur privé on donne un tel pouvoir aux employeurs? Je comprends que les services publics sont généralement plus essentiels que les services privés, mais l'approche qui veut qu'on assure les services essentiels n'est-elle pas suffisante et n'est-elle pas la bonne approche, sans qu'en plus on décide de se comporter de façon aussi arbitraire?

Le député de Portneuf a dit - c'est la deuxième fois que je l'entends le dire - que ça prenait un certain courage à sa formation politique pour proposer d'éliminer le droit de grève. M. le Président, il n'y a absolument aucun courage dans celai On connaît un certain sentiment qui est largement répandu dans la population, malheureusement, où, parce que le droit de grève occasionne des problèmes, on dit: La solution, c'est de supprimer le droit de grève. C'est au contraire très facile pour des hommes et des femmes politiques d'aller dans cette direction. C'est possiblement électoralement rentable d'aller dans cette direction, mais, malheureusement, aucunement adapté au problème, aucunement productif de ce nouvel esprit qu'il faut installer dans nos relations du travail.

Je crois qu'à ce courage facile il faut préférer la lucidité qui repose sur les faits. Les faits, c'est que de plus en plus les services essentiels sont respectés, de plus en plus il y a une attitude de responsabilité de la part des syndiqués et de la part des administrations aussi. Il faut parler de la responsabilité des deux côtés. C'est dans cette voie qu'il faut trouver la conciliation du droit aux services essentiels pour la population et du droit à la négociation pour les associations de salariés.

La seule et principale objection que le ministre a trouvée à l'amendement du député de Portneuf, c'est une question technique: Si on fixait par un projet de règlement gouvernemental les conditions salariales et les échelles de salaires pour trois ans cela serait incompatible avec le droit de grève qui est acquis à tous les trois ans sur d'autres questions de la convention collective. J'aimerais signaler au ministre qu'il a probablement raison face à l'amendement du député de Portneuf, mais on peut lui faire le même reproche face à sa propre position. On peut imaginer la situation où, lors de la prochaine négociation, une personne en grève se promènerait avec la pancarte suivante qu'elle aurait confectionnée: Je suis en grève sur des questions salariales pour la première année de la convention collective, mais je ne suis pas en grève pour les deux autres années parce qu'alors je serais en grève illégale; par ailleurs, je suis en grève pour les trois années sur la question du normatif et sur un certain nombre de conditions de travail.

M. le Président, c'est tout à fait aberrant de penser que, lorsque arriveront les négociations, on pourra dire aux salariés: Vous pouvez exercer votre rapport de forces sur le normatif, mais vous ne pouvez pas le faire sur le salarial et les échelles de salaires selon le député de Portneuf, ou sur les deux dernières années, comme le dit le ministre. Inévitablement, cela va revenir au même: les gens vont négocier, vont discuter, ils pourront exercer leur droit de grève sur le normatif, mais on ne pourra pas les empêcher de penser que peut-être il y a un règlement injuste qui s'amorce sur les questions salariales et de tenir compte de cela dans les discussions qu'ils ont avec l'État.

Ce que je suis en train de vous démontrer, c'est qu'il n'y a pas de solution de compromis: ou on abolit complètement le droit de grève ou on respecte et on trouve même positif l'exercice d'un rapport de forces dans le secteur public comme il existe également dans le secteur privé, avec cette différence qu'on va se donner des mécanismes d'encadrement qui vont permettre de respecter le droit à la santé et à la sécurité des citoyens.

M. le Président, je pense que l'amendement du député de Portneuf rend encore plus inacceptable, rendrait encore plus inacceptable ce projet de loi, qui est une solution inadéquate aux divergences d'opinion, voire aux conflits dans le secteur public. Il rendrait le projet de loi encore plus improductif et ferait en sorte que nous aurions au Québec un accroissement du dirigisme gouvernemental et une décroissance de l'attitude de responsabilité qu'il faut développer dans nos relations du travail.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui, si vous vouliez parler là-dessus, M. le ministre, je parlerai après.

M. Clair: Ça va être très bref, M. le Président, simplement pour dire que des gens se réjouissent sûrement de voir qu'au moins un député à l'Assemblée nationale, soit celui de Rosemont qui vient de prendre la parole,

ait, lui, la capacité d'évaluer, la franchise, le courage des autres et de souhaiter une approche plus franche, plus courageuse, c'est-à-dire plus franche en ce qui concerne le gouvernement et moins courageuse, semblerait-il, de la part de l'Opposition. J'aimerais simplement qu'il prêche par l'exemple et qu'il nous dise justement quel type d'entente il a avec la coalition, le groupement de syndicats qui s'est présenté en commission parlementaire et qui, encore aujourd'hui, publiait des textes dans lesquels on peut retrouver presque mot à mot certaines paroles du député de Rosemont. Je cite un article de M. Jean-Jacques Samson ce matin dans le Soleil: "Les establishments syndicaux qui ont joint leurs voix dans le dossier constitutionnel à celles des orthodoxes qui sont en retour leurs voix en commission parlementaire, n'ont même pas le goût d'assister au débat, de poursuivre leur lobby, de piloter des amendements négociables, bref de jouer la partie habituelle à laquelle on assiste lorsque les enjeux sont si importants. " Lui qui semble savoir ce que sont la franchise et le courage, il pourrait nous dire quel type d'entente il a avec la coalition...

M. Paquette: M. le Président, est-ce que je peux répondre à cette question?

M. Clair:... et s'il y a un lien à faire entre les deux, comme le fait le journaliste.

M. Paquette: Est-ce que je peux répondre à cette question-là, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Allez-y.

M. Paquette: Je trouve tout à fait déplorable que le ministre s'amuse à ce genre d'insinuation. Je lui réponds bien franchement qu'il n'y a aucune entente. M. le Président, il n'y a aucune espèce d'entente et aucun lien entre les deux questions. Et, pour l'information du ministre, la conférence de presse qui a été convoquée sur la question constitutionnelle l'a été par un organisme indépendant de celui auquel nous participons, qui est le Rassemblement démocratique pour l'indépendance, a été convoquée par la Coalition pour l'indépendance. Est-ce que le ministre peut concevoir que, sur un certain nombre de questions, il y ait convergence d'opinions entre les centrales syndicales et des gens engagés en politique? Je pense qu'il est incapable de concevoir cela.

M. le Président, je pense qu'il est important qu'à cette Assemblée nationale il y ait un certain nombre de députés qui aient le courage de leurs opinions. Les opinions que je défends maintenant, je les ai défendues à chaque campagne électorale, même quand je sentais que, dans mon comté, il y avait une majorité de gens qui disaient: Supprimez donc le droit de grève. J'étais en élection, j'ai défendu les mêmes positions. J'étais député ministériel, j'ai voté contre certaines lois spéciales du gouvernement. Au Conseil des ministres, j'ai défendu les mêmes opinions et, maintenant, je défends les mêmes opinions. Ce n'est pas d'aujourd'hui que je défends les mêmes opinions. La réponse est très franche, très simple, très directe. J'espère que le ministre va arrêter ses calomnies immédiatement et va accepter ce que je lui dis: II n'y a aucune entente.

M. Clair: M. le Président, vous voyez par sa réaction que le député de Rosemont n'aime pas être jugé; je voulais simplement lui faire sentir que c'en était de même en ce qui concerne les autres.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil, sur l'amendement.

M. Ryan: J'ai de la misère à suivre ces querelles de ménage.

Le Président (M. Lachance): Vous êtes entre deux micros, M. le député.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais évidemment parler au sujet de l'amendement qui a été proposé par mon collègue de Portneuf. D'abord, je voudrais qu'il soit bien clair qu'on veut dire la même chose. Je lis les textes, j'ai un peu de peine à comprendre et je voudrais solliciter certains éclaircissements pour commencer.

Dans l'article 52 du projet de loi, on dit ceci: "Les stipulations de la convention collective qui portent sur les salaires et les échelles de salaire sont négociées et agréées à l'échelle nationale pour une période se terminant au plus tard le dernier jour de l'année au cours de laquelle une entente est intervenue à l'échelle nationale sur ces stipulations. "

Je fais une hypothèse, M. le Président. Disons qu'une entente intervienne entre les parties le 15 décembre - on va prendre les décrets qui expirent à la fin de l'année, le 31 décembre - ça va valoir pour l'année suivante.

M. Clair: Si elle intervenait le 15 décembre 1985?

M. Ryan: Oui. Il y a quelque chose qui ne va pas dans le texte.

M. Clair: Certainement, parce que, comme la convention collective actuelle n'est pas expirée, les décrets ne sont pas expirés, que ça viendrait prendre effet à l'expiration de la convention collective; donc, ça couvrirait l'année 1986.

M. Ryan: Pour une période se terminant au plus tard le dernier jour de l'année pour laquelle une entente est intervenue. C'est ce que cela veut dire, finalement.

M. Clair: Non, au cours de laquelle une entente est intervenue. C'est simplement qu'on voulait conserver, en principe, des conventions de trois ans et éviter que, dans le texte, il y ait une incitation par la loi à faire en sorte qu'on retarde les négociations pour tenter de les faire porter sur deux ans et qu'on aboutisse ainsi, à toutes fins utiles, à des conventions de quatre ans. Comme on a voulu conserver des conventions de trois ans, en principe, ça veut dire qu'il est toujours possible qu'il y ait un règlement rétroactif, mais, sur le plan salarial, on s'assurerait que l'entente sur ces sujets s'appliquerait au cours de l'année où elle est intervenue, donc, garantie d'application du mécanisme de détermination pour les deux années subséquentes. Cela permet aussi la souplesse de s'entendre sur une rétroactivité pour une année antérieure, advenant que les négociations s'étirent tout en garantissant l'application du mécanisme de détermination.

M. Ryan: Supposons qu'on s'entende le 15 décembre; rien ne peut être signé avant le premier janvier.

M. Clair: C'est exact. L'entente, je dirais, officieuse pourrait intervenir avant, mais elle prendrait effet le premier janvier.

M. Ryan: Là, j'aurai une question à poser à mon collègue de Portneuf. Je ne sais pas si l'amendement est clair dans cette perspective.

Le Président (M. Blais): On peut permettre...

M. Ryan: Je me pose la question à moi-même aussi parce que...

M. Clair: Si vous voulez avoir une séance de travail conjoint...

M. Ryan: Non, non. Il va donner cela publiquement. On n'a pas peur d'examiner nos choses ensemble quand il y a des clarifications qui apparaissent utiles.

L'amendement dit: "Les stipulations de la convention qui portent sur les salaires et échelles de salaires sont négociées et agréées à l'échelle nationale pour une période se terminant au plus tard le dernier jour de la troisième année au cours de laquelle une entente est intervenue à l'échelle nationale sur ces stipulations. " "Au cours de laquelle" semble s'appliquer à la troisième année?

M. Pagé: Oui.

M. Ryan: Cela serait la période, plutôt.

M. Pagé: Oui.

M. Ryan: II faudrait retoucher cela.

M. Pagé: S'il est accepté, mais le ministre semble s'être...

M. Clair: Campé.

M. Pagé:... campé et être bien ancré...

M. Ryan: Oui, mais, pour nous, pour faire comprendre notre point de vue, il faut qu'on l'exprime clairement.

M. Pagé: C'est cela, je n'en doute pas, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Surtout à celui-là.

Le Président (M. Blais): Ce qui se conçoit bien...

M. Pagé:... et les mots pour le dire viennent aisément.

M. Clair: Est-ce qu'on peut...

M. Laplante:... n'a pas été fait sur le coin d'une table.

M. Ryan: Non, non, et on a eu le temps d'en prendre connaissance depuis quelques jours déjà. Ce que cela veut dire, en tout cas: "sont négociées et agréées à l'échelle nationale pour une période"; il y a deux difficultés dans notre texte. On se pose cela bien simplement sans... On pourrait bien jouer à la cachette, mais cela ne donnerait rien. Il y a une première difficulté. Il faut évidemment que cela soit écrit comme s'appliquant à l'ensemble de la période. Il y a une deuxième difficulté, c'est que cela semble postuler que la loi va exiger que cela soit toujours des conventions de trois ans, alors qu'il pourrait très bien arriver qu'on ait une convention de deux ans. Cela n'empêche personne de dormir. J'aime infiniment mieux une convention de deux ans que les mécanismes compliqués comme ceux que nous propose le projet de loi, entre parenthèses. Je ne sais pas comment... Cela pourrait être: le dernier jour de la dernière année pour laquelle une entente est intervenue.

Une voix: Oui.

M. Ryan: Le dernier jour de la dernière année de la période.

M. Clair: Si vous voulez qu'on suspende...

M. Ryan: Est-ce qu'on peut suspendre

cinq minutes, on va s'entendre là-dessus?

Le Président (M. Blais): On va suspendre cinq minutes, s'il vous plaît!

(Suspension de la séance à 15 h 32)

(Reprise à 15 h 40)

Le Président (M. Blais): À l'ordre! M. le député de Portneuf.

M. Ryan: Très bien. Allez-vous apporter seulement une précision là-dessus?

M. Pagé: M. le Président, si j'avais le consentement de mes collègues de la commission, je retirerais la proposition d'amendement à l'article 52 pour que la proposition d'amendement se lise comme suit: "Les stipulations de la convention collective qui portent sur les salaires et échelles de salaires sont négociées et agréées à l'échelle nationale pour une période se terminant au plus tard le dernier jour de la dernière année prévue à l'entente intervenue à l'échelle nationale sur ces stipulations. "Pour la période prévue à l'entente, les salaires et échelles de salaires seront déterminés conformément aux dispositions qui suivent. "

Évidemment, M. le Président, je ne reprendrai pas mes commentaires sur l'à-propos et même sur le souhait que nous formulons que cet article soit modifié.

Le Président (M. Blais): Y a-t-il consentement?

M. Clair: Oui, consentement.

Le Président (M. Blais): Consentement?

Mme Le Blanc-Bantey: Consentement.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais que le député de Portneuf nous en explique un peu le sens.

Le Président (M. Blais): Sur la phraséologie, pour la compréhension.

M. Paquette: Non, mais l'amendement a pour but de prévoir une période différente de celle de trois ans. C'est cela?

M. Pagé: C'est-à-dire que, si les parties le jugent opportun et qu'elles s'entendent sur une convention collective dont la période sera moindre que trois ans, cela ne causera pas de problème en regard du libellé actuel comparativement au libellé antérieur où c'était hermétiquement fermé à trois ans.

M. Paquette: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Blais): Merci, M. le député de Rosemont. La parole était au député d'Argenteuil.

M. Ryan: II y a deux points principaux dont je voudrais traiter à ce stade-ci de notre débat. Tout d'abord, la première question qui est en cause, c'est évidemment celle du droit de grève à propos de la politique salariale. J'ai fait un relevé de ce qui s'est passé dans ce domaine au cours des dernières rondes de négociations. Je crois que le dossier qui ressort de l'expérience des quinze dernières années indique que la politique salariale du gouvernement est un sujet qui se prête sans doute à la négociation, mais qui se prête moins à l'exercice du droit de grève ou de lock-out. Les fois où on a essayé le recours au droit de grève, on a fini par des solutions autoritaires. D'habitude, l'exercice du droit de grève se fait parce qu'on compte sur le rapport de forces pour amener les deux parties à une position plus raisonnable. Chacune des deux parties compte que l'autre sera attirée à une position plus raisonnable estimant qu'elle dispose d'un pouvoir d'influences assez fort sur cette partie-là.

Dans le cas de la puissance publique, les choses se déroulent différemment. La première expérience que j'ai vécue a été celle des hôpitaux en 1966. Les syndiqués s'étaient mis en grève à la faveur d'une élection imminente. À un moment donné, l'élection a eu lieu et, ensuite, ils ont été ramenés au travail par la mise en tutelle de la partie patronale, par un gouvernement conservateur de l'Union Nationale. Cette fois-là, le gouvernement a couché avec le syndicat - c'est le cas de le dire - sur le dos des directions d'hôpitaux. Il a mis les directions d'hôpitaux en tutelle; il a nommé un médiateur, qui était M. Yves Pratte, si mes souvenirs sont bons, dont le rapport a été à l'origine de clauses mécaniques qui ont coûté tellement cher et qui ont été une source de difficultés pendant les quinze années qui ont suivi. Pardon?

M. Clair: Qu'entendez-vous par "clauses mécaniques"?

M. Ryan: Les clauses sur l'exercice des droits syndicaux à l'intérieur des hôpitaux, l'exclusivité des postes et surtout la définition de postes. C'est de là que sont venues toutes ces difficultés. C'est un premier cas où la négociation n'a pas donné de résultats probants, du moins dans sa partie de l'exercice du droit de grève.

Ensuite, on a eu, en 1967, le conflit des commissions scolaires qui s'est terminé par une intervention législative du gouvernement. Après un certain nombre de

semaines d'exercice du droit de grève, le gouvernement est intervenu et il a réglé les choses pratiquement au point où c'était au début de ses propositions. Cet exercice n'a pas donné grand-chose.

Ensuite, il y a eu 1972; en 1969, je ne pourrais pas rappeler avec précision ce qui est arrivé; peut-être qu'on pourra le rappeler tantôt. En 1972, cela a fini par des décrets. Il n'y a pas eu de véritable aboutissement normal du processus de négociation. Les syndiqués s'étaient mis en grève et cela a fini par un décret.

En 1976, je crois que c'est la seule fois où il y a eu aboutissement par la voie de négociations. En 1976, tout le monde se rappelle qu'il y a eu un conflit à HydroQuébec, en plein pendant la campagne électorale. Cela a été l'occasion d'extorquer au gouvernement des concessions de base extrêmement coûteuses sur le fameux chapitre de l'ancienneté. C'était un gouvernement libéral, à l'époque. Le ministre du Travail de l'époque a fait une concession dans ce climat extrêmement difficile qui était créé par la conjoncture électorale, qui a entraîné des coûts énormes.

En 1979, il y a eu un règlement négocié, mais nous nous souvenons tous dans quelles conditions il est survenu. À un moment donné, le gouvernement avait déposé des propositions et il a trouvé que les dirigeants syndicaux ne faisaient pas convenablement leur travail de présentation à leurs membres. Il a adopté une loi - je ne sais pas si vous vous rappelez - obligeant les travailleurs à revenir au travail parce qu'il y avait eu des débuts de grève. Je ne me rappelle pas de quelle étendue ils étaient, mais je pense que c'était dans des secteurs assez répandus. Le gouvernement a fait adopter une loi disant: Vous revenez au travail, vous soumettez nos propositions à vos membres et, ensuite, on verra. Si mes souvenirs sont bons, à la suite de cette loi, il y a eu entente. Il y a eu des concessions qui ont été faites, dont certaines ont été extrêmement coûteuses au chapitre de la tâche pour les enseignants et au chapitre du nombre d'enseignants. Je pense que le ministre se rappelle comme moi le jour où, en pleine Assemblée nationale, le ministre des Finances du temps est venu dire qu'il avait donné 1600 postes supplémentaires d'enseignants sans s'en rendre compte - 1500 ou 1600. Il est venu dire cela en pleine Assemblée nationale. On s'est rendu compte de cela, en regardant tout cela. On a eu 1982... Pardon?

Mme Le Blanc-Bantey: Je trouve que ce que le député d'Argenteuil dit est très intéressant, mais, malheureusement, il a tendance à parler en dehors du micro et on n'entend pas.

M. Ryan: Vous avez raison. On va essayer de fixer cela, madame.

Mme Le Blanc-Bantey: On ne racontera pas la petite histoire. On pourrait expliquer pourquoi il y a eu des problèmes de micros.

M. Ryan: En 1982, nous nous souvenons tous de ce qui est arrivé. La négociation s'était engagée sous des auspices qu'on peut apprécier différemment. Il y a eu deux phases. Il y a eu la phase de l'été et de l'automne 1982 au cours de laquelle le gouvernement avait demandé aux syndicats de renoncer à une partie de l'augmentation qui leur était dévolue à compter de la troisième année. Les syndicats avaient demandé qu'on rouvre la négociation sur tout ce qui allait venir; le gouvernement a refusé. On a engagé des négociations en vue de la prochaine période. Au bout d'un temps plutôt bref, le gouvernement a coupé court à tout cela et il nous a présenté une première loi, la loi 70, si mes souvenirs sont bons, qui arrachait une partie de salaire aux syndiqués pour les trois premiers mois de l'année et qui abaissait des échelles de rémunération. Ensuite, on est arrivé avec la loi 105 qui établissait, par voie législative, les salaires et les conditions de travail pour les trois années subséquentes, 1983, 1984 et 1985. Nous sommes dans la dernière année de ce décret, cette année.

Sur la base de ce que nous avons observé, il faudrait faire un examen détaillé de toutes ces expériences, mais, sur la base de ce que nous avons vécu comme société, je pense que nous devons conclure que la source principale des arrêts de travail que nous avons connus, cela a été la question salariale. Les clauses que j'appelle normatives ne peuvent pas avoir été la cause déterminante parce que c'est vraiment dans ce domaine que nous étions beaucoup plus avancés que le secteur privé. C'est vraiment au chapitre de clauses normatives que le secteur public était beaucoup plus en avance sur le secteur privé. Il y a certains secteurs particuliers qui, au chapitre des rémunérations, étaient plus en avance. C'est un portrait qui est beaucoup plus complexe que les porte-parole gouvernementaux ne veulent souvent le laisser entendre. Au niveau des clauses normatives, je pense qu'il n'y a personne qui va mettre sérieusement en doute l'affirmation voulant qu'on ait été beaucoup plus avancé dans le secteur public que dans le secteur privé. J'en veux seulement à titre d'exemple les arbitrages qui, dans le secteur des affaires sociales, jusqu'à récemment, étaient entièrement payés par la partie patronale. Je me dis que, quand tu es la partie syndicale, cela va bien de demander un arbitrage, cela ne coûte pas un cent. Il y en avait un paquet. Il y en avait une accumulation de 800 ou 900 et cela ne

dérangeait pas... Pardon? C'est encore le cas. C'est un arrangement qui pouvait se justifier au début, quand on commençait... Pardon?

Le Président (M. Blais): C'est relié directement. Cela ne va pas à rencontre du règlement.

M. Ryan: Je crois que oui. Ne m'obligez pas à prendre un détour pour le rattacher, cela va être encore plus long. Je vais essayer de faire cela brièvement quand même, mais je pense que ce sont des choses importantes. Je sais que vous avez toute la souplesse voulue pour comprendre qu'une intervention peut être un petit peu plus longue et, ensuite, qu'il y en a d'autres qui seront plus brèves. Quand on fait l'addition de tout cela, peut-être que cela abrège le processus global.

Je dis que toute la question de la rémunération a été cruciale là-dedans et c'est un point sur lequel nous en sommes venus à la conclusion - beaucoup d'entre nous, pas tous - que ce n'est pas un sujet de négociation comme un autre parce que ce n'est pas l'argent du législateur. J'ai dirigé longtemps une entreprise. J'étais obligé de faire des négociations périodiques avec les syndicats de l'entreprise. Ce n'était pas mon argent, mais je savais une chose, c'est que, si j'en donnais trop ou si je négociais de travers, toute l'entreprise s'en allait "down the drain", toute l'entreprise était vouée à la banqueroute et à la disparition, et je ne voulais pas passer à l'histoire comme ayant été le fossoyeur de cette entreprise. Par conséquent, j'étais obligé de me forcer pour avoir des conventions qui marchaient.

Mais, dans le secteur public, les gens, les administrateurs, les hommes et les femmes politiques qui sont là ne sont pas les propriétaires, ils sont uniquement les fiduciaires au nom de la population tout entière. On ne peut pas concevoir qu'un quart ou qu'un cinquième de la population se déclare en guerre contre le reste de la population sur des questions qui ont trait à la répartition de la richesse parce que le lieu où on fait cela, c'est le Parlement. C'est le Parlement qui est le lieu mandaté par excellence pour prendre les décisions sur ces questions qui ont trait à la répartition de la richesse nationale entre les différentes classes de la société. Il peut très bien arriver que le processus de négociation soit reconnu comme un des moyens acceptés par le Parlement, mais il y a des limites. À un moment donné, si cela va trop loin, si cela dégénère en guerre ouverte, cela n'a pas de bon sens.

Sur ce point, je crois que dans l'état où nous sommes, avec la dette qu'a le Québec, il y a une chose que le ministre reconnaîtra avec moi, c'est qu'on peut avoir les jugements qu'on voudra sur la période de 1970 à 1976, sur celle qui s'échelonne de 1976 à 1985, il y a une chose que tout le monde est en mesure de vérifier, c'est que le pourcentage des dépenses globales de l'État, dans une année, qui allait au service de la dette, à la fin de la période de 1970 à 1976, était d'à peu près 4, 5 % ou 5 %. Aujourd'hui, il est de l'ordre de 10 %. Les taux d'intérêt ont joué un rôle, mais la grosse explication, c'est que le volume de la dette est passé, je pense, de 5 000 000 000 $ à 25 000 000 000 $. Les taux d'intérêt, il faut arrêter de se gargariser seulement avec cela, parce qu'il y a eu des déficits beaucoup plus gros au cours de cette période. On marche avec des déficits de 3 000 000 000 $ par année depuis cinq ans. En fin de compte, cela entraîne le résultat qu'on a. On est rendu à un point où, pour une période prévisible d'au moins cinq ans et peut-être davantage, il faut qu'on marche de manière très serrée et la marge qui va exister en matière de politique salariale, il faut bien se le dire franchement, elle va être très limitée. C'est une raison qui oblige les législateurs à dire que cela ne sert à rien de se faire accroire des choses et de se bâtir de beaux échafaudages théoriques. Même si on exerçait toutes les prérogatives qui vont normalement avec la négociation ordinaire, il arrivera, en fin de compte, que le législateur sera obligé d'intervenir et de dire que cela ne peut pas marcher. Cela ne peut plus marcher, on est rendu au bout, on est comme cela.

Cela est un premier point. Je pense qu'on peut différer d'opinion au chapitre des moyens. Le gouvernement n'envisage pas tout à fait les mêmes moyens que l'Opposition, mais il y a une chose sur laquelle il y a un désaccord entre nous, par exemple, et nos collègues, les députés qui siègent comme indépendants à l'Assemblée nationale depuis quelque temps, c'est qu'on ne peut pas avoir exactement la même mécanique en matière de politique salariale dans le secteur public que dans le secteur privé. Ce qui sépare le gouvernement de nous, c'est ceci: Le gouvernement dit: On va garder le droit de grève pour la première année d'une convention. Il suppose que ce serait trois ans. On ne le sait pas. Ce sont des choses qui sont négociables. C'est pour cela que, tantôt, nous avons modifié notre amendement dans ce sens-là. Nous, nous disons: Let us not kid ourselves". Ne nous faisons pas d'illusion, ne nous racontons pas d'histoire les uns aux autres. En période difficile, on va négocier loyalement. Si on peut s'entendre, tant mieux! Mais, s'il arrive une date limite à laquelle on ne s'est pas entendu, à ce moment-là, on va être obligé d'aller à l'Assemblée nationale et par voie - ici, on diverge, le gouvernement et nous, on le verra tantôt - de décret ou de loi, il faudra

régler le problème pour la période qui vient. C'est un premier point.

J'ai compris tantôt mon collègue de Rosemont qui dit qu'il faut qu'on conserve le droit de grève comme dans le bon vieux temps, comme si de rien n'était. Nous disons, de notre côté, que c'est un point où il faut le circonscrire, même l'empêcher de s'exercer sur ce qui regarde les salaires.

Il y a un deuxième point que je veux noter. Le gouvernement nous dit: On n'est pas capable de négocier pour plus d'un an. Il va falloir que cela se refasse à chaque année. Je ne le sais pas... J'aimerais que le ministre étaie son affirmation beaucoup plus solidement qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant. La majorité des grandes conventions nationales qui se signent, disons depuis la dernière année - il y en a eu beaucoup dans le secteur privé - je ne crois pas qu'il y en ait beaucoup qui soient pour une durée d'un an seulement. On va prévoir des conventions de deux et trois ans. Et un gouvernement qui n'est pas capable de prévoir son affaire pour deux ans à l'avance... Franchement, il ne faut pas exagérer non plus. Il y a des choses qu'on a apprises. C'est vrai qu'il y a des imprudences qui ont été commises, qui ont coûté cher. Mais je ne crois pas qu'un gouvernement soit incapable de prévoir raisonnablement pour une période de deux ans, peut-être même de trois ans. Il y en a beaucoup qui ont négocié leur convention sérieusement et qui sont passés à travers la dernière période parce qu'ils ne s'étaient pas trop "éjarrés", qu'ils ne s'étaient pas pris pour d'autres quand ils négociaient. Leur convention a pu fonctionner. C'est évident que ceux qui avaient attaché des clauses d'indexation illimitée et, en plus, d'autres clauses d'enrichissement et de tout ce que l'on veut, ils sont rendus à la fin...

Une voix: Éjarrer, est-ce...

M. Ryan: Je pense que c'est un mot français...

Alors, je ne suis pas de la thèse du gouvernement selon laquelle il faut absolument qu'on négocie seulement pour un an. Je suis en train d'attaquer le deuxième point de mon intervention. Nous sommes en désaccord avec vous sur la question du droit de grève. Vous dites: On le donne pour la première année, on ne le donne pas pour les deux autres. Nous, nous disons: Nous ne l'acceptons pas; nous le reconnaissons, il est là, mais nous ne l'acceptons pas pour des raisons graves dans ce secteur-ci et nous préconisons plutôt le mode de règlement qui est défini par notre amendement et par d'autres amendements qui vont venir après. La raison que nous invoquons, c'est que la première année, comment allez-vous vous en tirer s'il y a une grève? Il va falloir que vous nous expliquiez cela. Supposons que les secteurs de l'éducation, d'Hydro-Québec et des hôpitaux décident de se mettre en grève, tous en même temps, on a un joli problème sur le dos.

M. Clair: De toute façon, même dans le contexte actuel, on a un joli problème sur le dos.

M. Ryan: Comment cela? Une voix: C'est la loi...

M. Clair: De toute façon, s'il y avait grève générale illimitée, elle est supposée être illégale...

M. Ryan: Oui.

M. Clair:... dans les trois secteurs que vous évoquez, de toute façon...

M. Ryan: Oui, c'est sûr.

M. Clair:... que ce soit dans le système actuel ou dans tout autre système...

M. Ryan: C'est sûr.

M. Clair:... l'État a un joli problème sur les bras.

M. Ryan: Oui. Mais, nous, nous disons: Une grève générale autour des salaires, c'est une affaire suicidaire pour la société québécoise. Nous ne pensons pas que cela doive être envisagé comme possible dans la loi qu'on est en train de discuter. Cela est un premier point qui nous sépare. Vous, vous dites: On va l'accepter pour la première année d'une période de trois ans, on ne l'accepte pas pour les deux autres. Alors, il y a des questions de moyens qui nous séparent. Mais, sur le fond, nous reconnaissons, de part et d'autre, que cela ne peut pas être l'exercice illimité, inconditionnel et sans restriction du droit de grève dans ces secteurs. Mais, dans le chapitre des modalités, il y a des différences importantes. (16 heures)

J'allais ajouter un deuxième point. Vous dites, dans votre projet, qu'on ne peut pas s'engager plus d'un an à l'avance parce qu'on ne sait pas ce qui va arriver. Je trouve que vous vous sous-estimez. Vous sous-estimez la-capacité de décision rationnelle du gouvernement. Regardez les conventions d'envergure nationale qui ont été signées dans le secteur privé ou dans le secteur fédéral, par exemple, au cours de la dernière année. J'avais évoqué tantôt l'exemple de certains gouvernements provinciaux, je n'ai pas fait le tour, mais, au niveau fédéral, il y

a bien des conventions qui ont été signées pour deux et trois ans au cours de la dernière année. Dans le secteur privé, la plupart des conventions dont j'ai eu connaissance, les conventions d'envergure provinciale ou nationale, ont été signées pour plus d'une année. Pourquoi? Pour une raison bien simple. La signature d'une convention collective et toute la négociation qui la précède demandent un tel déploiement de ressources qu'on se dit qu'on ne peut pas avoir fait cet exercice seulement pour un an. De part et d'autre, on est toujours infiniment soulagés quand on peut régler cela pour deux ans. Quand c'est pour trois ans, c'est tant mieux. La loi ainterdit jusqu'à maintenant que cela soit pour plus de trois ans, en général, parce qu'on ne sait pas ce qui va arriver. Trois ans, c'est déjà beaucoup.

Même dans les politiques budgétaires des gouvernements, regardez ce que faisait le dernier ministre des Finances. Il nous disait qu'il faut budgétiser de plus en plus deux, trois ou quatre ans d'avance. Cela a commencé à Ottawa. Cela n'a pas donné de résultats spécialement impressionnants à Ottawa, par exemple. Mais, à Québec, M. Parizeau avait commencé à projeter de plus en plus ses dépenses et ses revenus sur une période d'anticipation de trois ans. Il présentait son budget, disons pour l'année 1984-1985, et nous disait: Voici ce qui arrivera probablement en 1986-1987, en 1987-1988 et même au-delà, dans certains cas. Parfois, il anticipait sur cinq ans. Ce n'était pas toujours, encore une fois, la précision scientifique qu'on aurait pu souhaiter; c'était impossible à obtenir dans ce domaine. II y a trop de facteurs qui entrent en ligne de compte. Mais, au moins, il y avait une tendance de ce côté-là.

Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'employeurs responsables qui soient incapables de signer une convention pour deux ans. Franchement, je trouve que vouloir se limiter à un an, comme on le fait, c'est beaucoup. J'aimerais mieux l'autre système qui permettrait d'envisager une entente d'une durée de plus d'une année. Ce serait infiniment préférable au système assez bâtard que nous propose la formule du gouvernement. C'est pourquoi, je conclus, M. le Président, en vous informant que je souhaiterait vivement que l'amendement proposé par le député de Portneuf soit considéré avec compréhension et, ensuite, en toute logique, adopté.

Le Président (M. Blais): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre, avez-vous des réactions?

M. Clair: Oui, M. le Président. Je demanderais peut-être à M. Yvan Cossette... Parce que la question des autres provinces canadiennes et du gouvernement fédéral intéressait le député d'Argenteuil, j'aimerais peut-être qu'il l'entende, si la chose l'intéresse, en mes lieu et place. Je demanderais donc à M. Yvan Cossette, qui est le directeur de la rémunération au secrétariat du Conseil du trésor, de faire une très brève revue de ce qui se passe dans les autres provinces canadiennes et au fédéral.

M. Ryan: Est-ce qu'on peut connaître les titres de M. Cossette? Quelle est sa fonction?

M. Clair: II est le directeur de la rémunération au secrétariat du Conseil du trésor.

M. Ryan: Très bien. Une voix: Le "cash"!

M. Cossette (Yvan): Ce qui en reste! Donc, pour survoler ce qui se passe à peu près dans les provinces canadiennes à l'heure actuelle, ce que vous avez dit tantôt, M. Ryan, au sujet des ententes qui couvrent une période supérieure à un an, effectivement, au cours des deux dernières années, ou si on couvre la période de 1982 à 1985, il y a eu, à peu près partout, des conventions collectives qui se sont signées pour des périodes de deux ans, de trente mois ou de trente-six mois. La plupart de ces conventions étant basées sur ou reliées à l'approche du fédéral des 6 % et des 5 %. Quand on regarde ce qui se signe dans une province comme l'Ontario, par exemple, cela ne déborde pas une période d'un an à l'heure actuelle. Elle suit la même approche que pour son budget, c'est-à-dire qu'elle prévoit son budget un an à l'avance, essaie de planifier pour plus longtemps, mais arrête sa projection, en matière de rémunération ou d'augmentation salariale, à la période de 1985. Au gouvernement fédéral, certains groupes ont réglé jusqu'à tout récemment les ententes finissant ou prenant fin vers le milieu de l'année 1986. Au fédéral, il se passe quelque chose d'assez particulier. On essaie de ramasser dans un même paquet le plus gros des unités de négociations pour en faire éventuellement un front commun sur la négociation salariale. Il y a donc un certain groupe assez important un certain nombre d'unités de négociations assez important qui n'ont pas réglé ou qui sont en attente possiblement d'une éventuelle négociation centralisée sur les salaires, une chose qui ne s'était jamais vue au fédéral où on avait quelque chose comme 85 unités de négociations. Au Manitoba, effectivement, il y a un "master agreement" qui est pour une période de trois ans, mais c'est la seule province pour laquelle on possède, à l'heure actuelle, des indications pour les prochaines

années en matière d'augmentation salariale. Plus loin, à l'ouest du pays, on va en Colombie britannique où il y a un "compensation stabilization program", comme on l'appelle, où on doit soumettre...

M. Ryan: Ce doit être six mois en Colombie britannique.

M. Cossette: Oisons qu'avec les paramètres qu'ils mettent sur la table on peut prévoir pour plusieurs années parce que c'est près du zéro, c'est le "permafrost" pour au moins les prochaines années en Colombie britannique. Donc, cela donne un breféventail ou un bref survol de ce qui se passe pour les prochaines années. La tendance semble pas mal changée. Aussi, au Nouveau-Brunswick, à l'heure actuelle, on tourne autour du zéro, comme, d'ailleurs, cela a été annoncé pour la prochaine année.

M. Ryan: Je vois que la tendance semble se rapprocher de l'augmentation minimale. Au fédéral, il semble y avoir une tendance vers la cartellisation de l'approche syndicale en matière de rémunération, mais je ne crois pas qu'on puisse dégager de ce que vous avez dit une tendance générale allant vers des conventions d'une année; est-ce que je me trompe?

M. Cossette: Sur le plan de la fixation des salaires, il n'y a rien d'annoncé pour plus longtemps, sauf le "master agreement" au Manitoba. Pour le reste on ne peut pas prévoir, nulle part, à ce moment, pour au-delà de 1986.

M. Ryan: L'autre jour, ils sont venus à une entente pour les employés de la billetterie à Air Canada. Je ne crois pas que ce soit une entente d'un an.

M. Cossette: Là, vous parlez du secteur privé, c'est cela?

M. Ryan: Air Canada, c'est le secteur public à ma connaissance, nonobstant les prétentions du président.

M. Cossette: Oui, il y a des ententes qui interviennent. On ne peut pas dire qu'en règle générale il n'y en a pas qui dépassent un an. Les tendances pour les différents gouvernements provinciaux ou pour le fédéral, actuellement, nous laissent voir qu'on ne peut rien prédire au-delà de 1986.

M. Ryan: Merci, ce sont des renseignements très utiles. Si vous avez un peu de documentation à nous communiquer sur cela, je l'apprécierais vivement.

M. Clair: M. le Président, ce que je voudrais ajouter brièvement, c'est que cela a été examiné par le Conseil des ministres, au-delà de la question du droit de grève, la possibilité de tenter d'en venir à des conventions de deux ans et d'instaurer ce modèle. La raison fondamentale pour laquelle le gouvernement en est venu à la conclusion que ce n'était pas souhaitable de s'engager dans des conventions de deux ans, c'est que force nous est de reconnaître sur la base de l'expérience passée que ces négociations centralisées ou décentralisées avec les quelque 360 000 employés de l'État mobilisent énormément d'énergie tant de la part du gouvernement, du Conseil du trésor que des administrations locales. Quand on connaît la longueur de ces négociations, avec des conventions de trois ans, la crainte était que, finalement, les meilleures énergies du gouvernement, du Conseil du trésor, des administrations locales et des syndicats soient consacrées presque à longueur d'année à de la négociation dans un contexte de rapport de forces, dans la mesure où le droit de grève continuait à exister sur les salaires. C'est la raison pour laquelle nous avons privilégié de continuer des conventions de trois ans.

Quant à la question du droit de grève sur le salarial, je partage une large partie de l'analyse que fait le député d'Argenteuil. Je pourrais faire un certain nombre de nuances parce que, lorsqu'on regarde la croissance des dépenses, le poids des dépenses publiques sur le produit intérieur brut du Québec, on constate que c'était 18, 3 % en 1970, c'était rendu à 23, 6 % en 1976-1977, et on est passé maintenant à 26, 2 %. On voit qu'effectivement il y a eu une consommation de plus en plus grande du PIB par les dépenses publiques, mais la nuance que je voulais faire, c'est que 1976 avait donné un moyen coup de croissance des dépenses publiques sur le PIB et, en particulier, provenant des augmentations de salaires et des augmentations de postes qui ont été consenties à cette occasion qui étaient largement supérieures à ce dont parlait le député d'Argenteuil concernant la négociation de 1979. Tout cela fait partie d'analyses un peu plus fines que chacun peut faire, mais la constatation à laquelle on en vient, nous aussi, c'est largement la même. C'est inutile de conter des peurs, de faire des "accroires", de s'illusionner les uns les autres. La capacité d'emprunt du gouvernement du Québec est largement hypothéquée, sa capacité fiscale également et la théorie de la locomotive dans le secteur public, selon moi et de l'avis d'un grand nombre de personnes également, je pense, ne fait plus guère de sens en 1985.

Tout ce que le rapport de forces pourrait amener, c'est un transfert de richesse, finalement. Le rapport de forces dans le secteur public sur le plan de la rémunération ne crée aucune richesse et ne

peut qu'entraîner un transfert de richesse d'un groupe à l'autre. Les deux chercheurs, MM. Cadieux et Bernier, qui ont rencontré différents experts tant du côté gouvernemental que des associations patronales et aussi, des syndicats européens disent que c'est la raison pour laquelle la théorie de la locomotive est inexistante, en général, en Europe de l'Ouest parce que les syndicats du secteur public craindraient énormément le contrecoup des syndicats du secteur privé parce que leur fonction publique est à maturité en ce qui a trait au développement, au nombre. Les rémunérations sont assez avantageusement comparables au secteur privé, là comme ici, de sorte que cela devient très visible, à ce moment-là, que le rapport de forces sur le plan salarial ne peut qu'entraîner un transfert de richesse d'une partie de la population vers une autre et que cela ne crée pas la richesse, en aucune façon.

Cependant, pour les raisons opérationnelles que j'ai mentionnées, mais aussi parce que... J'ai eu l'occasion de dire que, dans un certain nombre de grands dossiers, le gouvernement du Québec et le Québec en général a eu tendance à changer de cap très souvent en faisant des virages à 180 degrés. Il nous est apparu plus sage de tenir compte à cet égard-là des représentations qui nous ont été faites par les syndicats des secteurs public et parapublic. Même si ce n'est pas l'intention du gouvernement, en aucune façon, même si les comparaisons entre le public et le privé n'ont jamais eu comme résultat de reproduire les modèles de discrimination qui existent dans le secteur privé, infiniment plus abondantes que dans le secteur public, nous nous sommes laissés convaincre de l'utilité de faire le virage à 90 degrés plutôt qu'à 180 degrés et de laisser s'exercer le droit de grève sur la rémunération pour la première année d'une convention collective de trois ans. Et je souhaite - c'est un voeu personnel, cela n'engage pas le gouvernement - je suis convaincu qu'il y aurait avantage à ce qu'éventuellement l'on sorte de la relation contractuelle la fixation des salaires et des échelles de salaires et qu'on en vienne à élargir les consultations qui se font au moment de la préparation du budget, au moment de la fixation de la politique salariale du gouvernement, que l'on crée un forum, un lieu, où tous les grands enjeux seraient discutés, quitte à ce que le gouvernement, l'Assemblée nationale par la suite, prenne ses responsabilités mais sans que l'on conçoive que ce n'est que par le rapport de forces dans le secteur public sur la masse salariale que le gouvernement va, en quelque sorte, négocier l'ensemble des priorités sociales, économiques, culturelles, budgétaires du gouvernement.

Ce sont les raisons en raccourci, parce que le député d'Argenteuil a sûrement eu l'occasion de lire mon discours de deuxième lecture, sinon de l'entendre, de même que les deux que j'ai faits en commission parlementaire qui élaboraient encore plus la conception du gouvernement à cet égard. Ce sont substantiellement les arguments qui nous ont convaincus de faire la proposition telle qu'elle est présentement, en souhaitant qu'éventuellement il y ait une évolution des mentalités qui permette peut-être de concevoir que ce n'est pas inéquitable, que ce n'est pas injuste, que ce n'est pas antidémocratique que, sur la question des rémunérations, de l'évolution des salaires, une tout autre mécanique soit agréée par toutes les parties.

M. Ryan: J'ai juste une question. Disons que la grève se déclenche, qu'est-ce que vous faites autour des salaires, qu'est-ce qui se passe? (16 h 15)

M. Clair: Exactement ce qui se passe actuellement, sauf que les nouveaux mécanismes sur le plan du droit de grève dans le domaine de la santé s'appliquent: la médiation, la "cooling-off period", etc. Mais à moins d'une législation spéciale qui viendrait modifier le régime de négociation, le gouvernement ne peut convenir de la rémunération que pour une seule et unique année.

Notre espoir, quel est-il? C'est que, relativement au mécanisme prévu pour la détermination des salaires de la deuxième et de la troisième année, l'ensemble des salariés des secteurs public et parapublic se rendent compte que cette mécanique entraîne effectivement une politique de rémunération du gouvernement qui est juste et équitable et que point n'est besoin de recourir au rapport de forces pour que le niveau et l'évolution des rémunérations dans les secteurs public et parapublic soient équitables. C'est ça, l'espoir du gouvernement.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, avant d'entreprendre mes commentaires sur la proposition d'amendement de l'Opposition, je vous demanderais la même tolérance que vous avez eue à l'égard du ministre tout à l'heure, et je vous demanderais donc de ne pas déclarer mes propos non pertinents, parce qu'il m'apparaît très important, puisque je me suis sentie aussi visée, de souligner au ministre qu'il n'y a eu aucune entente entre la Coalition pour l'indépendance du Québec, le RDI et les grandes centrales syndicales, quant à la conférence de presse que nous avons faite cette semaine, pour demander au

gouvernement de retirer les propositions constitutionnelles telles qu'elles sont actuellement.

Je l'affirme solennellement, et si c'était en Chambre je l'affirmerais de mon siège, ce n'est pas la première fois au Québec que nous voyons des forces progressistes ou autres faire front commun quand les intérêts supérieurs du Québec sont en danger et quand nous craignons que l'avenir du Québec, effectivement, soit compromis par des propositions constitutionnelles des gouvernements, quels qu'ils soient. Ce que les centrales syndicales, entre autres, craignent - là-dessus, tous les membres, beaucoup de Québécois sont d'accord - c'est le fait que le document constitutionnel du Québec soit complètement muet quant à la libre disposition du peuple québécois à disposer de lui-même, que nous soyons fédéralistes ou indépendantistes.

À cet égard, j'espère que le ministre, qui est un avocat, prendra le soin d'étudier très sérieusement cet aspect. Il en viendra peut-être lui-même à la conclusion - je continue de croire que le ministre, même s'il ne les affirme pas très fort actuellement, a encore certaines convictions - que le document constitutionnel du Québec, actuellement, est extrêmement dangereux. Cela dit, j'espère que le ministre ne se servira plus des journalistes pour nous passer des messages par personnes interposées et faire des accusations qui me sont apparues extrêmement graves.

Sur l'amendement du député de Portneuf, évidemment, je suis contre parce que, à l'instar du député de Rosemont, d'une part, je suis contre le fait d'enlever le droit de grève et, en plus, j'ai la conviction qu'enlever le droit de grève, de toute façon, ne règle rien et que cette réforme que nous voulions tous, à la recherche d'un nouvel équilibre, est actuellement en train de déséquilibrer totalement les rapports de forces à la faveur uniquement de la partie patronale.

À l'instar d'autres gens, je veux bien admettre - je crois que les centrales syndicales l'admettront - qu'il y a eu dans le passé des abus de la partie syndicale, comme il y a eu, il faut l'admettre, des abus du gouvernement dans un certain nombre de négociations. Mais ce n'est pas en déséquilibrant totalement, encore une fois, le rapport de forces à la faveur du gouvernement que nous réglons le problème. Nou3 ne faisons que continuer d'entretenir tes frustrations, le climat de méfiance, de longues discussions qui a prévalu lors des dernières négociations.

Le ministre, sur le fond, ne nous dit pas... En fait, je pense que sa dernière intervention est plus claire. Je crois effectivement qu'il est, en général, en désaccord total avec le droit de grève sur la rémunération; il préférerait une formule qui évite à l'État de contracter des liens directs sur ce dossier. Dans sa première intervention, il avait dit qu'une des raisons pour lesquelles il était contre la proposition du député de Portneuf, c'est qu'elle était inopérationnelle et qu'elle ne permettait pas de voir d'une façon très concrète si, le cas échéant où les syndiqués exerçaient le droit de grève, en fait, le droit de grève s'exerçait sur la question salariale ou normative. Si j'ai bien compris le ministre, c'était une de ses objections à cet amendement.

C'est là-dessus que le député de Rosemont, fort à propos, a dit que, même si nous étions en désaccord avec la proposition de l'Opposition officielle, elle nous apparaissait malgré tout plus franche parce que, de deux choses l'une: ou on est d'accord avec le droit de grève, ou on est contre, mais on ne cherche pas par des technicités à couvrir le fond du problème.

Le ministre a aussi fait allusion dans sa première intervention, de ce matin à la dernière crise de négociation et il a dit que c'était extrêmement dangereux pour les deux parties de se lier trois ans à l'avance et qu'il fallait donc se réserver une marge de manoeuvre. Je soulignerai au ministre que, de la part de l'autre partie, qu'on soit d'accord ou non, quand une entente est effectivement conclue pour trois ans, on n'a pas grande occasion de se libérer du piège. Nous, parce que les intérêts supérieurs de l'État - je le crois profondément sur le fond - nous obligaient à revenir sur un certain nombre de décisions, à la dernière négociation, nous avons pris les moyens qu'il fallait. Sur le plan de la stratégie et de la tactique, j'ai eu l'occasion, même quand j'étais ministre, de remettre cela en question, mais, sur le fond, j'ai été d'accord qu'effectivement il fallait tenter dans les circonstances de maintenir un équilibre parmi les finances publiques qui nous permettrait d'être plus justes envers l'ensemble des citoyens.

Cela dit, il ne faut pas que le spectre de la dernière crise économique nous conditionne - et je pense que c'est une des erreurs de cette réforme - quant à l'avenir. Nous avons vécu, il faut l'admettre, une situation absolument exceptionnelle dans les négociations des conventions collectives au Québec. Le gouvernement, par la force des choses, a été obligé de faire face à la situation et de remettre en question des ententes qui avaient été prises. Comme le disait tout à l'heure le député d'Argenteuil, je crois que c'est fort mal faire confiance à l'État que de lui enlever la capacité de prévoir sur deux ans ou trois ans une entente d'une convention collective. Dans la plupart des négociations qui avaient été conclues précédemment, je crois qu'en général les

gouvernements n'ont pas pensé qu'ils avaient fait une si mauvaise affaire. Si les gouvernements, en plus de faire leur mea culpa d'avoir peut-être cédé un peu plus qu'ils avaient les moyens de le faire... parce que, forcément, les négociations, que ce soit à la veille d'élections ou dans d'autres circonstances, étaient politisées et les gouvernements, pour des raisons strictement électoralistes, avaient décidé d'en céder plus à la partie syndicale qu'ils avaient peut-être les moyens de le faire. Cela ne veut pas dire pour autant que ces gouvernements étaient incapables de prévoir ce que serait la situation économique deux ans ou trois ans plus tard.

Je demanderais au ministre, vu que nous pensons, et le député de Deux-Montagnes l'a dit ce matin fort à propos, que le projet de loi que nous avons devant nous est mauvais... Nous pensons profondément et avec conviction, et au-delà des chicanes de famille que nous pouvons avoir, ou de non-famille, selon les circonstances, nous pensons profondément que ce projet de loi ne répond pas aux besoins ou à la nécessité... Il dit que je l'ai regardé.

M. Ryan:... il n'a pas regardé. Vous m'avez fait de la peine.

Mme Le Blanc-Bantey: Ou de famille qui n'a pas encore assumé sa séparation, aurais-je dû dire dans notre cas. Nous pensons profondément que ce projet de loi ne crée pas sur le fond le nouvel équilibre dont le ministre était à la recherche. Nous croyons qu'il ne règle rien. Nous croyons qu'il ne fait qu'accentuer ce climat très malsain que nous avons vécu depuis une décennie et plus au Québec, ce climat des négociations. Nous croyons qu'enlever le droit de grève sur la rémunération ne fait qu'attiser les frustrations et ne fera, parmi d'autres dispositions - parce que ce n'est pas la seule - que faire échoir, finalement, cette réforme.

Ce que nous demandons au ministre à propos de cet article, c'est dans la volonté de rechercher un équilibre qui pourrait amener à un consensus de la part de la partie syndicale, de tenter d'avoir plus d'ouverture d'esprit qu'il en a manifestée jusqu'à maintenant et, donc, de maintenir le droit de grève sur la rémunération pour que le rapport de forces qui a peut-être été abusif à certaines étapes, mais qui était aussi abusif de la part du gouvernement ou de l'Assemblée nationale... Si les gouvernements qui se sont succédé ne s'étaient pas autant servis de leur force pour arriver avec des lois spéciales chaque fois qu'ils n'arrivaient plus à s'entendre et, sachant qu'il y aurait une loi spéciale, ne pas rechercher avec le maximum de volonté une entente, peut-être aurions-nous moins connu d'abus de la part de l'autre partie. Je demande donc au ministre d'écouter les propositions que nous aurons à faire bientôt sur un certain nombre d'amendements qui permettraient de maintenir ce rapport de forces entre la partie patronale et la partie syndicale dans une négociation et de faire en sorte que le véritable jeu de la négociation ne soit pas remis en cause par une stipulation comme celle-là.

J'ajouterai que, dans une société comme le Québec, comme dans toutes les sociétés du monde, il m'apparaît extrêmement sain pour l'État d'avoir justement ce type d'équilibre de forces entre la partie patronale, qu'elle soit privée ou publique, et la partie syndicale. On sait que des groupes de pression de tout genre se sont développés et sont extrêmement forts de la part de la partie patronale, je le répète, qu'elle soit privée ou publique, et qu'il est très sain pour une société comme la nôtre que nous maintenions un certain rapport de forces du côté de l'autre partie, qui est la partie des employés, des syndiqués, pour faire en sorte que l'État, lui, puisse arbitrer dans le meilleur équilibre possible. Ce projet de loi, dans l'ensemble, vise à déséquilibrer cette espèce de rapport de forces qui s'était établi depuis le début des années soixante au Québec et qui a servi énormément à faire progresser la société québécoise dans toute une série de domaines, dont tout le monde peut être fier aujourd'hui et dont certains, finalement, font la fierté du Québec non seulement ici, mais, à certains égards, parfois, sur la scène internationale.

Je réitère mon profond désaccord avec l'intention qui est d'enlever le droit de grève sur une partie essentielle pour les syndiqués lors d'une négociation. Nous voterons contre les amendements de l'Opposition officielle et nous invitons le ministre, quand les amendements de l'Opposition officielle seront battus, à écouter très attentivement les amendements que nous ferons et, peut-être, par le biais de cet article, à revenir à un équilibre meilleur qui aurait de plus grandes chances de succès dans les objectifs poursuivis par cette réforme et qui permettraient peut-être, je le répète, avec un changement de mentalité que tout le monde souhaite, de vivre éventuellement au Québec une négociation qui ne soit pas, comme chaque fois, un psychodrame collectif dont plus personne ne veut.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair: Oui, brièvement, M. le Président. La députée des Iles-de-la-Madeleine a repris l'expression qui m'avait fait dire des choses pas très aimables ou poser des questions un peu incisives au

député de Rosemont concernant l'approche du projet de loi qui ne serait pas franche. Je veux réfuter cela, M. le Président. L'approche du projet de loi, au contraire, est très franche. Qu'elle soit complexe, je le reconnais. Je reconnais que l'approche est complexe. Que l'on puisse juger de cette réforme à l'usage, c'est évident, comme de n'importe quelle loi; c'est à l'usage qu'on pourra en juger. En termes de position franche, je n'accepte pas ce qualificatif à l'égard de la réforme, en aucune manière. Ce n'est pas parce qu'on essaie de s'adapter à la réalité qui est complexe et que les mécanismes qui en ressortent sont complexes qu'on peut pour autant prétendre que l'approche n'est pas franche. (16 h 30)

En termes d'approche franche, dans le déroulement des consultations sur cette réforme du régime de négociation, se souviendra-t-elle que pendant une certaine période on a demandé vivement au président et à l'équipe du Conseil du trésor d'envisager de rouvrir les négociations pour tenter, en quelque sorte, de faciliter la naissance d'un régime de négociation nouveau? Elle se souviendra que j'étais - je n'ai aucune hésitation à le dire, M. le Président, c'est connu - que j'étais un de ceux qui, justement, par franchise et honnêteté, s'étaient opposés à cette approche parce que je considérais qu'à partir des perspectives budgétaires et financières qu'on avait pour l'année courante, et non pour trois ans à l'avance, ce serait une illusion et cela aurait été berner nos partenaires que de les amener à une approche qui, à mon sens, aurait été de tenter d'acheter une réforme du régime de négociation, et de l'acheter à crédit, M. le Président. La meilleure preuve n'est-elle pas dans le fait que le ministère des Finances, pour maintenir les équilibres financiers du gouvernement, a dû, il y a quelques semaines, annoncer une augmentation de taxes de quelques centaines de millions de dollars? Ce projet de loi sur la réforme du régime de négociation s'inspire de la même franchise, du même sens de la réalité.

Je pense que ce qui nous distingue, la députée de Îles-de-la-Madeleine et moi -j'ignore si ce que je trouve est effectivement la réalité - mais ce qui nous sépare sur cette question, comme sur d'autres, c'est que, entre ce que cela pourrait être et ce que cela aurait pu être, il y a la réalité. Quant à moi, je suis toujours à la recherche de ce qu'est la réalité et je ne veux pas baigner dans des illusions qui n'engendrent que frustrations pour ceux qui les entretiennent à l'égard d'eux-mêmes, comme à l'égard des autres qu'ils bercent de ces illusions. M. le Président, je pense que ce que cherche à faire le projet de loi, c'est cela. Est-ce qu'il y parvient? Chacun pourra porter son jugement, mais c'est là l'approche, M. le Président. Le choc de la réalité, ce n'est pas toujours agréable, mais il apparaît toujours plus avantageux d'essayer de faire face à la réalité plutôt que de vivre dans un monde imaginaire, idéal, qui ne tient pas compte suffisamment de la réalité.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont. Oui, Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Le Blanc-Bantey: Très rapidement, je voudrais dire au ministre que se pencher sur la réalité, c'est aussi se pencher sur la réalité avec le plus d'ouverture d'esprit possible. Je m'excuse, neuf ans de vie politique ne m'ont pas rendue cynique. Le ministre semble me trouver naïve, il me reproche de vouloir vivre dans l'imaginaire, mais, même après avoir vécu une négociation qui a été parmi les plus dures sans doute de l'histoire du Québec et, je crois, après avoir pris mes responsabilités comme je devais le faire à l'époque, je n'ai jamais pu me convaincre du fait que la réalité était noire ou blanche, que l'État et que le gouvernement était parfait, avait le bon pas, était sûr d'avoir le bon pas et que l'autre partie, qui était la partie syndicale, était la partie irresponsable, la partie abusive, la partie exagérante, que cette partie avait tous les défauts - je m'excuse, le ministre m'accuse de vivre dans l'imaginaire, je réagis - et que, effectivement, il y avait une partie qui était noire et une partie qui était blanche.

M. le Président, j'avais la conviction que les esprits commençaient à mûrir pour une réforme du régime de négociation au Québec, tant du côté syndical - et je le pensais, à l'époque - que du côté patronal, sauf que le projet de loi me prouve que le Conseil du trésor, comme organisme - je ne vise pas le ministre personnellement même si je trouve qu'il n'a pas beaucoup d'ouverture d'esprit - ne semble pas avoir suffisamment changé de mentalité pour nous prouver qu'il était prêt à une telle réforme. Je répète au ministre que, malgré le fait qu'il semble croire que nous vivions dans l'imaginaire, s'il voulait que son projet de loi soit meilleur, s'il voulait avoir des chances que cette réforme aboutisse, il devrait - s'il pense que c'est de l'imaginaire - pour une fois, plier sur son sens qu'il croit très rationnel et sans doute très viril...

M. Clair: J'ai dit que je n'en étais pas sûr, que j'essayais.

Mme Le Blanc-Bantey:... et écouter les propositions qui, de temps à autre, viennent tant de l'Opposition officielle que du côté des députés indépendants, et qui visent un seul objectif: si cette réforme voit le jour,

faire en sorte qu'elle ait les meilleures chances d'aboutir.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je pense qu'on arrive à exagérer parfois dans notre vocabulaire. Quand on a parlé de franchise -j'ai utilisé cette expression aussi, comme ma collègue des Îles-de-la-Madeleine - ce n'est pas la sincérité du ministre qui est en cause; on parlait de franchise de la réforme. Le ministre souhaite... Je pense que c'est une distinction importante.

M. Clair: Parrainé par un ministre.

M. Paquette: Oui, d'accord, M. le Président.

Mme Le Blanc-Bantey: Je suis convaincue que le ministre en apprend sur sa loi en nous écoutant, par exemple.

M. Paquette: M. le Président, si le ministre m'écoutait un peu plus, il comprendrait où je veux en venir.

M. Clair: C'est comme M. Parizeau avec M. Lévesque cette semaine.

M. Paquette: II comprendrait où je veux en venir.

M. Clair: Il a dit: Le gouvernement est hypocrite, mais je ne dirai jamais rien contre le premier.

M. Paquette: M. le Président, je pense que je vais attendre que le ministre rouvre ses oreilles et m'écoute. Si on parle de franchise d'une réforme, le ministre nous a expliqué qu'un certain nombre de conditions l'amenaient à opter - par réalisme, dit-il, et je suis certain que c'est son intention - pour une réforme qui n'est pas celle qu'il aurait souhaitée. Il aurait souhaité que toute la question salariale et celle des échelles soit exclue des discussions et des négociations collectives. Il s'est résolu à retenir le droit de grève pour la première année, pour un certain nombre d'autres considérations. Quand on parlait de franchise de l'approche, ce n'était pas lié à une question d'honnêteté intellectuelle ou quoi que ce soit. Je pense que le ministre exprime très bien ses opinions, mais on parle de franchise de propositions. Si tel est l'objectif du ministre, dans un certain sens, on peut dire que la proposition d'amendement qui est devant nous réalise davantage l'objectif du ministre, mais je suis d'accord avec lui qu'il y a d'autres considérations et je trouve même qu'il ne tient pas assez compte de ces autres considérations.

Si on parle de la réalité, le ministre a raison de dire que la réalité économique est telle qu'on ne peut penser à une croissance considérable des conditions salariales. Cela, c'est un fait. La réalité économique, depuis la crise économique, et probablement pendant un certain nombre d'années, fait en sorte que la marge budgétaire de l'État ne permet pas les largesses qu'on a connues dans le passé. Contrairement à ce qu'on peut en penser, je soutiens qu'en 1979 - il y en a qui ont dit que c'est parce que c'était à la veille du référendum et tout cela, mais je pense que c'est faux...

M. Ryan: C'est vrai. Vous étiez là et c'est vrai, je me le rappelle très bien.

Mme Le Blanc-Bantey: On pourrait parler de la veille de 1976.

M. Paquette:... les conditions salariales adoptées en 1979 étaient beaucoup moins généreuses que lors des négociations précédentes sous un autre gouvernement. Évidemment, maintenant qu'on arrive en 1982, elles apparaissent comme ayant été extrêmement généreuses, mais, en 1979, c'est là qu'on a commencé à réduire les écarts entre la moyenne des salaires dans le secteur public et la moyenne des salaires dans le secteur privé. Tout cela s'est fait et il y a eu une réduction des écarts au cours des négociations précédentes. Cela a commencé en 1979 et cela s'est fait sous l'empire de la loi et des lois actuelles sans qu'on nous arrive avec la mécanique qui est proposée dans ce projet de loi.

Par conséquent, je voudrais faire comprendre au ministre qu'il y a moyen d'être réaliste face aux capacités de l'État et je pense qu'il y a moyen d'accepter qu'un gouvernement a pour devoir d'être limpide face aux capacités de l'État de payer, et c'est son devoir de le faire, et qu'en même temps on puisse trouver que ce n'est pas une raison suffisante pour changer les mécanismes de négociation et qu'on puisse quand même penser que ces mécanismes risquent d'être contreproductifs.

Pour vous donner un exemple, il y a une réalité qui est celle de la capacité de payer de l'État, mais il y a aussi une autre réalité qui est celle de ce qui se passe au moment des négociations. Le ministre a dit tout à l'heure qu'au moment d'exercer la grève le principal moteur de la mobilisation des travailleurs est la question salariale et que cette question reste le principal enjeu des négociations collectives. M. le Président, on peut faire des nuances là-dessus. Je pense qu'il ne faudrait pas faire l'injure du côté syndical de penser que les gens, dans ce secteur, vivent sur une autre planète aussi. Ils savent qu'il y a une crise économique, ils se sont adaptés dans bien des domaines, ils

ont fait évoluer leurs approches, ils sont conscients que des questions comme la sécurité d'emploi, des questions comme les conditions de travail doivent prendre beaucoup plus de place dans notre société. Ils sont conscients que, dans le cadre d'une politique de plein emploi, ce n'est pas tellement du côté de la croissance des salaires qu'il faut chercher, mais davantage du côté de questions comme le partage d'emploi et l'utilisation des fonds publics à la création d'emplois.

Je soutiens qu'à la dernière négociation, au lieu de faire débouler une avalanche de lois spéciales, si on avait demandé un effort équitable à tous les secteurs de la population et qu'on avait été prêt à mettre sur la table une politique de plein emploi qui aurait fait en sorte qu'on partage davantage le travail et les responsabilités dans la société pour faire face à une crise comme celle-là, le gouvernement aurait trouvé davantage d'échos favorables du côté syndical.

M. Blais: Ce n'est pas...

M. Paquette: M. le Président, le député de Terrebonne diffère d'opinion avec moi, mais je pense que c'est faire injure aux centrales syndicales que de penser qu'elles vivent sur une autre planète et qu'elles s'imaginent qu'elles pourront obtenir des augmentations de 12 % ou 15 % par année, comme elles en ont déjà connu.

Le ministre nous dit qu'au moment d'exercer la grève la question salariale est très importante; la question des échelles de salaires aussi. Je ne comprends pas pourquoi il a jumelé d'ailleurs les deux questions: autres que les échelles de salaires peuvent avoir un impact sur le niveau des salaires, mais, au moment de déterminer des échelles de salaires, il y a des questions d'orientations de la société qui sont en cause, des questions d'équilibre entre les hommes et les femmes, parce que, dans certaines tâches, notre société fait en sorte que les femmes se concentrent dans un certain type de tâches, les hommes dans d'autres. Il y a un écart salarial qui est lié à cela. L'équité salariale entre les bas, les moyens et les hauts salariés, c'est une des préoccupations du ministre, il nous l'a dit à une autre occasion.

S'imaginer que les centrales syndicales n'ont pas un rôle de contre-pouvoir par rapport au gouvernement qui est en place, qui n'a pas toujours une orientation aussi progressiste, aussi équitable qu'on pourrait le souhaiter... On en a vu des gouvernements -on en voit dans d'autres États et dans d'autres pays, qui ont des attitudes totalement inéquitables: Faisons payer les gens les moins riches dans la société et cela va stimuler l'économie. C'est une tendance au conservatisme dans plusieurs sociétés actuellement.

Donc, qu'il ait un rôle de contre-pouvoir, un rôle de frein à des organisations syndicales qui ont dans la tête un projet de société plus équitable, je pense que c'est sain et c'est la raison fondamentale pour laquelle nous croyons à la nécessité de maintenir un rapport de forces.

Maintenant, parlons de la réalité. Qu'est-ce qui va se produire avec la proposition du ministre et, à plus forte raison, avec celle du député de Portneuf? D'abord, est-ce qu'on peut encore parler du droit de négocier, quand la grève ne porte pas sur un enjeu important de la négociation? Deuxièmement, si la grève ne peut pas porter sur les questions salariales, mais qu'elle peut porter sur le normatif, est-ce qu'on ne va pas assister à un phénomène de compensation? Est-ce qu'on ne va pas assister aussi à une confusion des enjeux de négociation? On va se retrouver avec une grève soi-disant portant sur le normatif -l'amendement du député de Portneuf a exactement le même défaut - alors que ce qui est en cause, c'est l'équité des échelles de salaires. Là-dessus, la grève étant interdite pour les deux dernières années ou pour les trois ans, comme le veut le député de Portneuf, on va avoir une espèce de confusion dans les enjeux, qui va brouiller la nécessaire limpidité, le nécessaire réalisme sur ce que la société peut se payer, mais aussi sur le genre d'équité et de progrès social qu'on doit arriver à en obtenir.

Je pense que le retrait du droit de grève, que ce soit pour trois ans ou deux ans, ne règle absolument rien, mais vient masquer les enjeux, brouiller les cartes, jeter de la confusion dans les débats et empêcher une société d'évoluer vers une véritable concertation, vers une véritable mise en commun des problèmes et des solutions, et vers cette situation qui fait qu'on ne peut pas penser que seulement le gouvernement est garant du progrès social dans la société. Il y a deux démocraties dans la société qui doivent se conjuguer, dialoguer, voire s'opposer pour qu'en sorte le bien commun: il y a la démocratie formelle, qui fait qu'on élit un gouvernement tous les quatre ans, à qui on confie le mandat de veiller au bien commun, et il y a la démocratie qui émane des organisations que les gens se sont données. On pourrait dire la même chose quant à la gestion et à la participation des usagers des différents groupes à des services communautaires ou à des services publics. Ces deux types de démocratie sont essentiels. Ce que le gouvernement est en train de faire, il est en train de favoriser l'une aux dépends de l'autre et il favorise les grandes organisations - dans ce cas-ci, l'organisation publique, l'organisation gouvernementale - aux dépends des organisations que se donnent les travailleurs

dans la défense de leurs intérêts et de leur conception du bien commun. (16 h 45)

Le ministre nous dit: Je veux éviter les lois spéciales, je veux éviter l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une raison pour mettre une loi spéciale permanente dans un projet de loi en ce qui concerne un aspect de la négociation et du rapport de forces. Est-ce que le ministre ne convient pas que ce projet de loi qui, au même moment où on est en négociation, exclut le droit de grève sur certaines questions et le permet sur d'autres va tout simplement jeter de !a confusion dans le débat sans absolument rien régler et va empêcher un véritable exercice sain de la confrontation de ces deux types de démocratie qui peuvent, qui doivent se conjuguer pour permettre le progrès social et économique dans une société? Je me demande quel avantage le ministre peut penser tirer de cette approche.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je ne reprendrai pas tous les arguments que j'ai fait valoir, en aucune façon. Je voudrais simplement dire - je pense avoir eu l'occasion d'expliquer pourquoi je ne partage pas l'opinion du député de Rosemont - que je voudrais corriger deux choses dans ce qu'il a dit. Ses propos semblaient indiquer que je penserais que les centrales syndicales sont irresponsables, irréalistes et vivent dans un contexte imaginaire. Non, M. le Président, telle n'est pas ma prétention. Ma prétention n'est pas celle-là, en aucune façon. Je pense qu'effectivement il y a eu des - comment le dirais-je? - progrès dans l'appréhension de la réalité de part et d'autre, tant du côté du gouvernement que du côté des centrales syndicales. Ce dont je suis convaincu, c'est que les mécanismes du régime de négociation doivent forcer les parties, de plus en plus, à saisir cette réalité et à vivre avec les conséquences de cette réalité. C'est très différent que de penser que les centrales syndicales soient irresponsables et irréalistes parce que je n'ai jamais dit cela et je ne l'ai jamais pensé non plus.

L'autre point concerne mes opinions personnelles. Je n'ai pas dit au député que j'aurais souhaité que, dans le projet de loi, immédiatement, on sorte du négociable, du champ de la négociation, toute la rémunération. J'ai indiqué que, quant à moi, il me semblait qu'à terme ce qui serait préférable, c'est que soit agréé par toutes les parties un nouveau régime de négociation qui sortirait de la relation contractuelle la question des salaires et des échelles de salaires pour que celle-ci se retrouve plutôt discutée dans un forum différent où non seulement il y aurait le gouvernement, les employeurs du secteur public et les représentants des syndicats du secteur public que soient présents, mais où l'ensemble de la société pourrait être représenté en termes de groupes d'intérêt parce qu'il n'y a pas que des associations d'hôpitaux, des commissions scolaires, des syndicats d'enseignants ou de travailleurs et travailleuses du milieu hospitalier dans notre société et un gouvernement. Il y a plein d'autres gens, aussi, qui ont des intérêts. C'est simplement cela que je voulais corriger. Peut-être que mes propos n'étaient pas assez précis, mais je ne voulais pas laisser le député sur l'impression que c'est ce que j'avais indiqué.

M. Paquette: M. le Président, si vous me permettez une courte réaction aux propos du ministre. Je ne veux pas lui prêter d'intention. Je dois simplement regarder le contenu du projet de loi. C'est comme si le ministre s'imaginait qu'il pourra faire en sorte d'accélérer la prise de conscience dans la société en employant un mécanisme qui fait en sorte qu'un institut nommé par le gouvernement fait des études, que le gouvernement élabore un règlement, entend pendant quelques jours les parties en commission parlementaire et impose son règlement. Je ne pense pas que c'est de cette façon qu'on va aider à faire cheminer les choses. Cela aussi fait partie du réalisme qu'on doit avoir. Si un tel mécanisme avait existé dans le passé, on n'aurait pas eu des débats dans la société qui ont amené à des progrès de civilisation, si l'autoritarisme avait toujours été la règle et que les organisations que se donnent les travailleurs et les travailleuses syndiqués n'avaient pas eu la possibilité de faire un véritable débat qui prend le temps qu'il faut et qui suscite des réactions dans la population, on n'en serait peut-être pas arrivé, justement, à avoir un certain nombre de services publics, maintenant, qui sont indépendants de la capacité de payer et qui donnent un minimum de chances égales aux citoyens dans la société, quels que soient leurs revenus ou leurs conditions.

Maintenant, il y a d'autres enjeux pour notre société. On a franchi cette étape-là. Le ministre a raison de dire que le réalisme nous amène à surveiller les coûts et les capacités de payer de la population. Mais, il y a d'autres enjeux qui s'annoncent devant nous. Priver la société québécoise d'un mécanisme sain et égalitaire, autant que possible, au niveau du rapport de forces, de discussion de ces problèmes, notamment sur la question du plein emploi, du partage du travail, de l'organisation des conditions de travail, c'est courir un risque grave de sclérose, d'imposition des gouvernements qui sont soumis a des contraintes électorales ou qui ont leurs propres orientations. C'est risquer que notre société, au lieu de prendre

conscience plus rapidement, comme le souhaiterait le ministre, de ses enjeux et de ses capacités fasse en sorte qu'il y ait au contraire un blocage, une dégénérescence dans des attitudes d'irresponsabilité et que le projet de loi arrive à l'objectif exactement contraire de celui qu'il vise. C'est cela qu'on craint, particulièrement à cet article, mais aussi à d'autres articles du projet de loi.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Le Blanc-Bantey: Oui, parce que... M. Clair: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.

M. Clair: Juste une très courte phrase parce que j'ai manqué les derniers propos du député de Rosemont. Je voudrais lui dire que je diffère d'opinion avec lui quand il dit - ce ne sont pas les mots exacts qu'il a employés mais c'est l'idée - que ce ne serait pas possible de faire avancer les choses par des lois ou de favoriser des changements de mentalité. Je dois dire au député de Rosemont que, si je pensais que par l'action politique, d'une part, et par des lois, d'autre part, on ne puisse pas changer des choses dans une société, je ne me serais pas engagé dans l'action politique!

M. Paquette: M. le Président, je suis tout à fait d'accord avec le ministre. Cependant, la loi qui est devant nous vise à changer des modes de négociation. Elle vise à changer des mentalités. Elle vise à faire en sorte qu'on se dirige de plus en plus vers une saine discussion et un règlement civilisé des conflits d'opinions dans la société. Or, cette loi va exactement dans le sens inverse. Ce que je dis au ministre, je ne lui reproche pas de légiférer sur la question, je lui reproche de légiférer de la façon qu'il le fait.

Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf, je vous reconnais, si vous voulez prendre la parole, compte tenu de l'alternance.

M. Pagé: Je voulais vous indiquer purement et simplement qu'ayant constaté que le ministre répondait à chacune des interventions et sur le fond et sur la forme, avec quelques digressions que se sont permis de part et d'autre nos amis de la majorité et les amis indépendantistes, j'en étais venu à la conclusion, M. le Président, qu'il serait peut-être opportun de voter. Je retiens que le ministre est en train de se "filibuster" lui-même, encore une fois.

M. Clair: Vous pourrez regarder le décompte des heures, M. le Président! Cela ne démontre pas tout à fait que je me "filibuste"1.

M. Pagé: Vous savez, M. le Président, quand nous sommes en commission parlementaire et qu'on voit poindre en Chambre ce gentilhomme du bureau du leader, on ajuste nos cravates, cela sent la guillotine.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Clair: Si vous remarquez, il n'en porte pas.

M. Pagé:: II n'en porte pas parce qu'il n'a jamais la tête en dessous!

M. Paquette: Je tiens trop à ma cravate. Je vais l'enlever.

Le Président (M. Lachance): Pour les fins du Journal des débats, vous pourriez parler du guillotineur.

M. Pagé: Oui, oui. Alors, on serait prêts à voter.

Mme Le Blanc-Bantey: J'ai une question.

M. Blais: On peut tout de même le dire mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire de se rendre à ce que vous prétendez.

M. Pagé: Pour le bénéfice du Journal des débats, quand on le voit arriver, c'est un homme imposant qui vient d'arriver.

M. Blais: C'est nous qui décidons, vous pouvez demander...

Le Président (M. Lachance): Est-ce que nous pouvons disposer de la motion du député de Portneuf?

Mme Le Blanc-Bantey: Non, j'avais une dernière question.

Le Président (M. Lachance): Oui, Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Le Blanc-Bantey: Oui! M. le Président, quand on réussit enfin à établir la communication avec le ministre, j'aimerais bien que l'Opposition officielle arrête de perturber les ondes. Pour une fois que le ministre est en train de répondre à nos questions! Je veux revenir sur les propos du ministre parce qu'il revient systématiquement là-dessus. Cela me fatigue et j'aimerais

comprendre le fond de la pensée du ministre. Il a redit au député de Rosemont ce qu'il m'avait dit dans une intervention précédente, qu'il vivait dans la réalité, mais que, par ailleurs, il ne voulait pas dire...

M. Clair: J'avais dit que j'essayais.

Mme Le Blanc-Bantey: Bon, c'est déjà mieux. Il se nuance, vous voyez.

M. Clair: J'ai dit que j'essayais parce que...

Mme Le Blanc-Bantey: Si vous le laissez aller il va devenir plus souple.

M. Clair:... qui est-ce qui a vraiment l'appréhension complète de la réalité? Le "testing" parfait de la réalité, je ne pense pas que cela existe.

Mme Le Blanc-Bantey: Donc, j'apprécie les nuances que le ministre vient d'apporter. Il s'en vient bien!

Cela dit, M. le Président, le ministre s'est défendu en voulant créer ce déséquilibre, dans le rapport de forces qu'il crée à l'article 52, entre la partie patronale et la partie syndicale à laquelle, à toutes fins utiles, on vient d'enlever le droit de grève. H s'est défendu par la même occasion de penser que les centrales syndicales étaient irresponsables et, effectivement, il avait une appréciation de la réalité qu'il vient de nuancer, mais qu'il n'a pas tout à fait qualifiée. La question que je pose au ministre est la suivante: De deux choses l'une, si vous craignez tant que votre réforme n'aboutisse finalement pas et si vous ne croyez plus à un mécanisme de véritable négociation qui permettrait d'aboutir à un consensus et à une entente sans grève, si vous n'y croyez plus - c'est la seule raison pour laquelle, j'imagine, vous l'abolissez - ou si vous n'avez absolument aucune confiance en la possibilité que les centrales syndicales puissent cheminer dans une négociation future, avec un esprit de conciliation et de discussion qui ferait en sorte qu'on puisse éviter les psychodrames qu'on a vécus, ou si encore l'État a, lui, une appréciation de la réalité qu'il ne veut pas discuter ou qu'il ne veut pas voir véritablement remise en cause par l'autre partie, quel est le problème de l'appréciation de la réalité que vous avez, qui fait que vous êtes si méfiant à l'égard de la réaction de la partie syndicale dans les négociations des secteurs public et parapublic?

M. Clair: M. le Président, je vais essayer de donner un exemple, une comparaison ou une allégorie. Physiquement, je suis une petite personne et la députée des Îles-de-la-Madeleine également. Je ne pense pas que l'on comprendrait davantage la réalité, que l'on pourrait s'entendre plus facilement si, au lieu d'argumenter autour d'une table comme on le fait cet après-midi, pour se comprendre, on avait toujours besoin d'avoir une paire de gants de boxe. Je ne pense pas que cela nous aiderait plus à comprendre la réalité. Je ne pense pas que cela nous aiderait plus à nous entendre. Je ne vois pas ce que cela ajouterait. La question de la rémunération, c'est, d'abord et avant tout, une question de compréhension de la réalité, de saisie de l'ensemble de la problématique des données. Je ne vois pas dans quelle mesure le droit de grève permanent - comme elle semblerait le souhaiter - c'est-à-dire le droit de grève annuel sur la rémunération ou le droit de grève aux trois ans... Je sais que c'est une allégorie, une comparaison, un exemple, une caricature, si vous voulez, mais seulement pour essayer de faire saisir... La députée a dit qu'elle voulait saisir le fond de ma pensée.

M. Pagé: Essayez d'en trouver une autre parce qu'elle n'est pas très forte.

M. Clair: Elle n'est pas très forte? Alors, je renonce à essayer d'en développer une autre. Je vais simplement dire que le droit de grève sur la question salariale n'ajoute pas, en soi, ce qui est le plus utile à convenir d'un accord sur la question des salaires. Ce qui est le plus utile, c'est de bien saisir la réalité de l'évolution de la rémunération dans le reste de l'économie du Québec, de prendre une photographie de cela, non pas de la reproduire intégralement, mais d'être capable d'en tenir compte au moment de la négociation des salaires. Cela se passe ainsi dans d'autres sociétés et je ne vois pas pourquoi cela ne se passerait pas ainsi dans la nôtre.

Mme Le Blanc-Bantey: Ce que vous êtes en train de dire, si j'ai bien compris, c'est que, à toutes fins utiles, ce serait illusoire...

M. Paquette: C'est seulement lui qui va avoir les gants de boxe.

Mme Le Blanc-Bantey: J'oublie la partie de boxe, je ne suis pas très familière avec ce genre de notion, je vais laisser cela au député de Rosemont qui l'a reprise.

M. Clair: Je peux dire à la députée que, même si elle est plus petite que moi physiquement, si je lui en donne une paire et qu'elle me ramasse un coup, c'est probablement moi qui serai knock-out.

Mme Le Blanc-Bantey: J'essayerai de ne pas manquer mon coup; je vous le

garantis. Ha! Ha! Ha!

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: C'est gentil, cela!

M. Clair: Avec ces instruments-là, ce n'est pas très difficile, d'ailleurs.

Mme Le Blanc-Bantey: Pour revenir à l'article 52, effectivement, ce que le ministre est en train de dire, c'est qu'il ne croit pas, compte tenu de ce qu'il perçoit comme étant la réalité qu'il qualifie, dans ce cas, d'économique, à une véritable négociation au point de vue salarial. Nous allons, à partir de l'institut de rémunération, établir une photographie; il a nuancé quand même, en disant: II y aura lieu de l'ajuster; mais cela restera, finalement, assez clair. À toutes fins utiles, il vient de nous dire qu'il n'y aura plus de véritable négociation sur le plan salarial. La raison pour laquelle on a cet article, c'est parce qu'il faut se donner le maximum de chances, justement, de faire en sorte qu'il n'y ait pas de véritable négociation. (17 heures)

M. Clair: Je suis prêt à voter.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Si on me permet une dernière remarque au ministre.

M. Clair: Vous voudriez avoir les gants de boxe?

M. Paquette: Non.

M. Clair: On ne vous en achètera pas.

M. Paquette: Je reprends son allégorie sur les gants de boxe. Je pense que, dans son projet de loi, ce que le ministre dit c'est qu'il va être le seul à avoir des gants de boxe. J'aimerais lui poser juste une question: Est-ce que le gouvernement aurait créé un institut de recherche sur la rémunération et tous ces mécanismes si les salaires du privé étaient plus élevés que les salaires du public?

M. Clair: C'est une question hypothétique.

M. Paquette: Je ne pense pas, parce que ce que j'essaie de mettre en évidence avec ceci, c'est que les préoccupations de masse monétaire et de capacité de payer qui sont une partie de la réalité sont à peu près les seules dont le ministre a tenu compte dans son projet de loi et il y a d'autres préoccupations. Il y a des préoccupations d'équilibre, d'équité, de déplacement du salarial vers le normatif vers une perspective de partage d'emploi, de plein emploi qu'il faut arriver à établir. Et ce n'est pas en donnant le droit de grève sur certaines et pas sur d'autres qu'on va arriver au dégagement de consensus et à l'évolution des mentalités sur des questions comme celle-là. J'espère m'être fait comprendre aussi clairement que le ministre, mais on n'a pas la même position là-dessus.

Le Président (M. Lachance): Pouvons-nous procéder à la mise aux voix? Est-ce que la motion d'amendement du député de Portneuf est adoptée?

Des voix: Rejeté.

M. Paquette: Le vote nominal.

Le Président (M. Lachance): M. le secrétaire.

M. Beauséjour: Est-ce que le député de Rosemont a droit de vote?

Le Président (M. Lachance): C'est Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine qui a droit de vote.

M. Beauséjour: Alors, c'est elle qui peut le demander, si elle veut avoir un appel nominal.

Mme Le Blanc-Bantey: Je viens de le demander.

Le Président (M. Lachance): Oui, allez-y, M. le secrétaire.

Une voix: Alors, on vote?

Le Secrétaire: M. Blais (Terrebonne).

M. Blais: Contre.

Le Secrétaire: M. Dussault (Château-guay).

M. Dussault: Contre.

Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville).

M. Beauséjour: Contre.

M. Pagé: M. le Président, il ne peut pas voter. On a quelqu'un dans le public, "A stranger is in the house", M. le Président. Non, il n'est pas étranger, lui, il est député.

M. Beauséjour: Contre.

Le Secrétaire: M. Laplante (Bourassa).

M. Laplante: Contre.

Le Secrétaire: M. Clair (Drummond). M. Clair: Contre.

Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine).

Mme Le Blanc-Bantey: Contre. Je suis assez soulagée de voter avec eux.

M. Paquette: Pour une fois.

Mme Le Blanc-Bantey: Pour une fois.

Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil).

M. Ryan: Pour.

Le Secrétaire: M. Pagé: (Portneuf).

M. Pagé: Pour.

Le Secrétaire: Six contre, deux pour.

Le Président (M. Lachance): La motion d'amendement du député de Portneuf est rejetée. Revenons à l'article 52.

Une voix: Adopté, M. le Président.

M. Paquette: Nous avons évité par cet amendement le pire. Nous avons évité une situation où le rapport de forces aurait été totalement débalancé du côté du gouvernement et nous venons d'éviter une situation où le ministre aurait été seul avec ses gants de boxe devant une autre partie qui a le droit d'avoir des positions différentes et d'avoir le maximum de moyens pour les faire prévaloir. Là, on est devant l'article 52 qui dit que le ministre va se garder les deux tiers, c'est-à-dire qu'il aura un gant de boxe ou un peu plus qu'un gant de boxe dans une main et la partie syndicale, zéro. Encore une fois cette situation nous apparaît néfaste pour un certain nombre de raisons que je vais tenter d'expliquer brièvement pour ensuite déposer un amendement qui nous apparaît plus conforme à l'objectif de responsabilité et d'équité et dans le meilleur intérêt du climat qui doit prévaloir dans les négociations dans les secteurs public et parapublic.

Le député d'Argenteuil nous disait tout à l'heure que - je pense que c'est une opinion qui pourrait être partagée par le ministre - la politique salariale et les échelles de salaires ne doivent pas être soumises à la grève parce que cela mène à des gestes autoritaires sous forme de lois spéciales de l'Assemblée nationale. M. le Président, on peut déplorer effectivement que l'Assemblée nationale soit amenée de temps à autre à adopter des lois spéciales pour mettre fin à des conflits qui deviennent inacceptables face aux meilleurs intérêts et au droit aux services publics qui est un droit fondamental de la population. On pense particulièrement au domaine de la santé mais également à d'autres secteurs. Dans l'éducation, aussi, un conflit de travail ne peut pas se prolonger indûment sans mettre en cause l'avenir des jeunes et la qualité des services d'éducation. Cependant, ces lois spéciales, même si elles s'avèrent parfois fréquentes et si on exclut les cas où le gouvernement a eu tendance ces dernières années d'aller au-devant des coups, c'est-à-dire de faire adopter une loi spéciale parce qu'il y avait grève appréhendée, ont été relativement peu fréquentes. De là à dire qu'il faut poser un geste autoritaire à caractère permanent comme c'est le cas de cette loi, je ne vois pas la logique. On déplore qu'il y ait des lois spéciales de temps en temps et là on s'en donne une à caractère permanent à chaque négociation. Ce n'est pas le seul article, il y a d'autres articles qui devraient être inclus dans cette idée de loi spéciale permanente mais ce que nous avons devant nous, c'est une loi spéciale permanente qui vient complètement fausser le jeu normal des négociations.

Deuxièmement, le ministre à bon droit a fait valoir que notre société ne pouvait plus se payer des augmentations salariales comme celles qu'on a connues depuis le début des années soixante. Il a certainement raison. Cependant, je pense qu'il y a un énorme danger à fixer dans une loi une situation qui va peut-être durer un certain nombre d'années, qui était surtout présente au moment de la crise économique. Je reconnais qu'encore maintenant, à l'orée de cette prochaine négociation, la marge de manoeuvre du gouvernement est très restreinte, mais on ne devrait pas se fier et inscrire dans la loi des mécanismes qui sont liés à une situation économique, à un moment donné, lorsqu'on pense à un régime de négociation. On devrait plutôt se dire: Laissons jouer le jeu normal des négociations, il y a des soupapes, il y a des balises et il y a des mécanismes pour civiliser et pour éviter les effets néfastes et les dangers possibles sur la population et on devrait se fier au jeu normal des négociations. Le gouvernement a tous les outils nécessaires et la population comprend maintenant que les gouvernements n'ont plus les marges de manoeuvre qu'ils avaient auparavant. Les salariés et les syndiqués aussi le comprennent. Par conséquent, il faut miser sur cette responsabilité plutôt que de miser sur la matraque et sur la loi spéciale permanente incluse dans une loi liée à des conditions économiques particulières qui prévalent maintenant mais qui ne prévaudront peut-être plus dans trois ans ou dans quatre ans, espérons-le.

Troisièmement, on se retrouve avec un article 52 qui exclut du rapport de forces

normal la détermination des salaires et des échelles salariales pour les deux dernières années mais qui la permet pour la première année et qui la permet pour des conditions de travail autres que les salaires et les échelles de salaires. On va tout simplement semer de la confusion dans les enjeux, on va se retrouver avec des gens qui. sont en train de débattre sur d'autres questions alors que ce à quoi ils pensent, c'est à l'iniquité, par exemple, des échelles de salaires. Je ne vois pas ce que cela apporte en termes de débat démocratique et en termes de lucidité. On a besoin de lucidité dans notre société.

Finalement, M. le Président, le ministre a raison de dire que c'est sa responsabilité de légiférer pour amener un régime plus responsable de négociation collective dans le secteur public. Est-ce que le ministre peut prétendre que c'est miser sur la responsabilité que de dire, en quelque sorte c'est le message qu'il donne, peut-être involontairement: Je pense que les vis-à-vis avec lesquels je vais négocier sont moins responsables, moins lucides, moins conscients et qu'ils vont surtout se concentrer sur les intérêts égoïstes, alors que le gouvernement est le seul à connaître ce qui est bon, ce qui est le bien commun?

Je ne pense pas que cette loi va améliorer le climat des relations du travail. Je ne pense pas que cet article va amener plus de lucidité, plus de responsabilité. Au contraire, cet article vient fausser le jeu normal des négociations, vient semer de la confusion dans les enjeux, vient déterminer l'arbitraire gouvernemental comme règle et vient complètement fausser le climat de responsabilité que cette loi devrait par ailleurs viser à établir. Pour cette raison, M. le Président, j'aimerais déposer un amendement qui est en direction diamétralement opposée de celui qu'a déposé le député de Portneuf.

Je ne peux pas m'attendre à un appui de l'Opposition, mais j'espère recevoir un appui du ministre quand même, parce que l'amendement tient compte du fait que le ministre a probablement raison de dire qu'il est illusoire de décider à l'avance des niveaux salariaux pour trois ans. Je pense que, quand les négociations s'amorcent, généralement elles se concluent après l'expiration des conventions collectives précédentes. Par exemple, les conventions collectives actuelles sont échues en décembre, les négociations vont probablement se continuer après les fêtes, très certainement. On va se retrouver assez avancé dans la première année de la convention collective et donc, on sera à même de prévoir les conditions économiques, d'avoir une assez bonne idée de la marge de manoeuvre du gouvernement pour l'année suivante.

Je pense qu'on peut très bien dire que la négociation et le droit de grève vont porter sur les deux premières années de la convention collective et vont prévoir la façon de déterminer les salaires et échelles de salaires pour la troisième année. Là, on pourra vraiment tabler sans méfiance, avec moins de méfiance en tout cas, sur les conclusions et les études de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération.

L'amendement viserait à remplacer l'article 52 et ensuite, s'il est accepté, j'aurai des amendements de concordance, sinon on s'orientera autrement. Il viserait à remplacer l'article 52 par le texte suivant: "52. Les stipulations de la convention collective qui portent sur les salaires et les échelles de salaires sont négociées et agréées à l'échelle nationale pour une période maximum de trois ans, à moins d'entente à l'effet contraire entre les parties négociantes à l'échelle nationale. " Donc, on conserve cette souplesse que recherchaient les députés de l'Opposition libérale tout à l'heure. Deuxième paragraphe: "Pour chacune des deux premières années de la convention collective, la négociation porte sur la détermination des salaires et des échelles salariales. Pour la troisième année, les parties conviennent des paramètres à utiliser pour fixer les salaires et les échelles salariales de cette période. "

M. le Président, il me fait plaisir de déposer l'amendement. On peut en faire des copies...

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y aurait possibilité, M. le député de Rosemont, d'en avoir des copies?

Afin de se conformer à la suggestion et à la demande priante du député de Châteauguay, nous allons suspendre pour quelques instants, le temps de pouvoir avoir des copies pour tout le monde.

(Suspension de la séance à 17 h 15)

(Reprise à 17 h 22)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission poursuit ses travaux. La motion d'amendement présentée par le député de Rosemont, est-ce qu'il y a des commentaires sur sa recevabilité?

M. Laplante: On va se fier à votre jugement, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Sur la recevabilité.

M. Clair: Je n'ai pas de copie. Je suis le dernier concerné! Ce n'est pas une méchanceté, c'est une taquinerie. Je pense que c'est difficile de plaider contre la

recevabilité de l'amendement, puisqu'il n'est pas conforme à ce que le député a annoncé qui viendrait comme amendement par la suite. Dans le fond, les amendements de concordance, ce seraient eux qui seraient la substance. Mais, dans l'amendement qui est présentement devant nous, sur le principe du droit de grève ou non dans le domaine salarial, rien n'indique qu'il n'y aurait pas droit de grève ou qu'il y en aurait.

Je n'ai pas d'argument à faire valoir, M. le Président, sur la recevabilité, ce qui ne vous empêche pas, proprio motu, d'exercer votre sévérité ou votre jugement.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur la recevabilité? M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Sur la recevabilité, je n'ai pas d'autre commentaire à faire que de signaler qu'il m'apparaît tout à fait recevable.

Le Président (M. Lachance): II vous apparaît recevable?

M. Ryan: Tout à fait recevable.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, je...

M. Ryan: Je signale seulement une difficulté, M. le Président, c'est qu'il m'apparaît difficile que vous nous appeliez à voter sur l'amendement qui est proposé à l'article 52 sans que nous sachions ce qui va venir par la suite, parce que c'est un appareil qui se tient.

Une voix: C'est cela.

M. Ryan: C'est bien difficile de considérer cela en pièces détachées, sans que nous ayons au moins la chance...

M. Clair: Le député de Rosemont serait...

M. Ryan:... d'avoir une description générale des changements qu'il envisage, pour qu'on puisse mieux apprécier chacun ensuite... Vingt minutes par article...

M. Clair: Si M. le député de Rosemont avait l'amabilité, justement, de nous distribuer les amendements qui viendraient avec celui-là, éventuellement.

M. Ryan: M. le député de Rosemont, je voudrais vous faire une suggestion: Peut-être que vous devriez vous renseigner auprès du ministre sur le temps qu'il nous reste pour faire tout cela.

Une voix: Combien est-ce qu'il reste de temps au député de Rosemont?

Le Président (M. Lachance): Écoutez, si nous discutons sur l'amendement, il a 20 minutes, pas de problème.

M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Lachance): Je voudrais signaler à M. le député d'Argenteuil que la remarque qu'il a formulée, même si j'en constate la pertinence, ne me laisse pas d'autre choix, en vertu de l'article 244, que celui de dire que la commission est saisie des articles qui doivent être étudiés un par un. Je comprends très bien votre objection; cependant, il faut les voir un par un. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je suis parfaitement conscient de la pertinence de ce point, mais je voudrais justement demander le consentement du gouvernement pour qu'on puisse avoir une présentation d'ensemble de ce qu'il envisage comme changement à cette sous-section; ensuite on va revenir, si le gouvernement est conscient...

M. Clair: Oui. Au fond, c'est un geste de courtoisie qu'on demandait au député de Rosemont à savoir que, pour mieux comprendre la portée de ses amendements, il distribue ceux qui viendraient avec celui-ci. Mais cela ne l'empêche pas de commencer son intervention. Peut-être qu'il pourra nous expliquer...

M. Paquette: Oui, ce sera très simple, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Alors, évidemment, la décision est facile à rendre sur la recevabilité; c'est recevable. M. le député de Rosemont, vous avez la parole sur l'amendement que vous avez proposé.

M. Paquette: M. le Président, je pense que le ministre et les députés de l'Opposition officielle auront compris que cet amendement en amène d'autres, évidemment, aux articles 53 à 56 inclusivement. Notre objectif, évidemment, est d'éliminer toute réglementation unilatérale. C'est pourquoi on retrouve, dans le deuxième alinéa de l'amendement que je viens de déposer: "Pour la troisième année, les parties conviennent des paramètres à utiliser pour fixer les salaires et les échelles salariales de cette période. " Ceci veut dire que nous allons, pour être conséquents, proposer de biffer tous les articles qui ont trait au règlement unilatéral déposé en commission parlementaire.

Cela prend beaucoup d'articles au ministre, évidemment, pour dire comment son règlement va s'acheminer. Nous allons

proposer de biffer les articles 54, 55 et 56. Nous allons proposer également de remplacer l'article 53 par une autre disposition: les dispositions d'une convention collective continuent de s'appliquer malgré son expiration. Nous pensons que l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération doit faire son travail, mais que ce travail ne doit pas être imbriqué aussi intimement à la fixation des salaires et des échelles de salaires, surtout pas unilatéralement par règlement du gouvernement.

Donc, ce sont des changements substantiels aux articles qui suivent, mais très simples. En gros, on biffe les articles 54, 55 et 56 et on modifie le sens de l'article 53, ce qui revient à le biffer et à le remplacer par un article qui dit que les dispositions d'une convention collective continuent de s'appliquer malgré son expiration.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Étant donné la visite impressionnante que nous avons eue au cours des dernières minutes, on se sent enclin à procéder un peu plus vite pour être sûr, au moins, que certains points de vue auront été exprimés. Je ne sais pas si, dans le même esprit dont nous avons convenu, le député de Rosemont pourrait exposer sa conception générale de ce que pourrait être cette partie du projet de loi. Je pourrais, en commentant la sienne, évidemment, dire brièvement ce qu'est la nôtre. Le ministre l'a déjà dit dans le texte du projet de loi; c'est ça de pris.

Je pense qu'après cela on sera plus en mesure de comprendre les votes que nous donnerons, et peut-être que nous serons prêts aussi à voter plus rapidement. Je comprends que le gouvernement nous dit dans son projet de loi: Négociable la première année; les deux autres années, on s'en va dans une procédure qui passe par un rapport de l'institut de rémunération et, par la suite, un projet de règlement devant une commission de l'Assemblée nationale et un règlement décrété par le Conseil exécutif.

Nous disons, du côté de l'Opposition: Négociation à l'échelle nationale; ensuite, après la négociation, qu'il y ait entente ou non, le gouvernement dépose un projet de règlement à l'Assemblée nationale. Juste pour vous expliquer la logique de notre position, nous gardons un article comme 54 en le modifiant, évidemment - nous avons remis des projets d'amendement, hier, qui indiquaient cela clairement - et ça passe par l'entonnoir de l'Assemblée nationale, quelle que soit la solution retenue et, par la suite, ça continue. (17 h 30)

Les amendements que vous nous annoncez, dont le premier a été déposé, indiquent que vous, vous retournez à un régime de négociation entièrement libre, y compris le droit de grève.

Je n'ai pas d'objection du tout, c'est pour vous informer en termes généraux, encore une fois, de ma réaction. Je n'ai pas d'objection du tout à approuver l'article 52; il nuance le champ de la négocation d'une manière qui m'apparaît à la fois utile, pertinente et intéressante. Évidemment, cela ne doit vous laisser aucunement supposer qu'aux articles qui suivront nous continuerons d'épouser la logique qui inspire l'ensemble de votre appareil. Je ne sais pas si je me suis exprimé clairement.

Mme Le Blanc-Bantey: Si vous avez des suggestions intéressantes sur les articles suivants, on les écoutera avec beaucoup d'intérêt.

M. Ryan: Ah oui, oui! Vous les avez déjà. On a déposé des projets d'amendement hier et cela va vous sembler un retour à la discipline un peu plus sévère, mais c'est fait dans un esprit de préoccupation pour le bien général. Cela résume en tout cas la manière dont nous réagissons. En fait, il y a trois conceptions: une fois qu'on a exposé cela, je ne pense pas qu'on doive s'étendre indéfiniment dans l'exposition des motifs ou des nuances à l'appui de chacune. Je crois avoir compris ce que vous voulez et je vous dis simplement comment je réagis.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, le député d'Argenteuil a fait référence à un certain messager qui l'inciterait à accélérer nos travaux. C'est notre objectif de faire des débats de fond sur des questions importantes. C'est le cas ici. On a devant nous une question très importante, une question de conception des négociations. Comme j'ai eu l'occasion de l'exposer tout à l'heure, les intérêts de la société seraient mieux servis par une négociation libre - le député d'Argenteuil a très bien compris notre intention - y compris sur les échelles de salaires et sur les salaires.

L'amendement a pour objectif de faire en sorte que, lors de la négociation - et là, il faut bien s'entendre, nous ne changeons pas le fait que le droit de grève peut s'exercer tous les trois ans; c'est la même chose qu'actuellement, le droit de grève peut s'exercer tous les trois ans - au moment de la négociation de la convention collective, les deux parties s'entendent sur les salaires et échelles de salaires pour les deux premières années. Nous pensons que c'est raisonnable de dire uniquement pour les deux premières années plutôt que pour les trois

années, pour les motifs que le ministre a invoqués. Il est très difficile, surtout dans la conjoncture actuelle, de prévoir quelle sera la marge de manoeuvre du gouvernement, quelles seront les situations économiques trois ans à l'avance.

Le ministre pourrait prétendre que deux ans c'est trop, puisque dans son projet de loi il a prévu une seule année, mais nous savons que... Je vois que le député d'Argenteuil est d'accord que c'est mieux deux ans, parce que, quand la négociation se conclut, on est suffisamment avancé dans la première année qu'on est capable de prévoir raisonnablement ce que vont être les disponibilités du gouvernement et la situation économique générale pour la deuxième année de la convention collective. Donc, à mon avis, aucun argument ne nous empêche il y a même beaucoup d'avantages à ce que la négociation permette de fixer par libre négociation entre les deux parties les salaires et échelles de salaires pour les deux premières années.

Pour la troisième année, nous nous rendons à l'argument du ministre qu'il est très difficile de prévoir, même un an et demi à l'avance, quelles seront les conditions économiques et la marge de manoeuvre du gouvernement. Alors, nous disons que là encore, par libre négociation, les parties devront convenir des paramètres à utiliser pour fixer les salaires et les échelles salariales de cette période. Le gouvernement pourra argumenter, par exemple - j'imagine comment cela pourrait se passer - que l'écart entre le secteur public et le secteur privé est encore trop grand à la fin des deux premières années qu'il faudra réduire encore un peu cet écart, qu'il faudra, par exemple, pour la troisième année, prendre les moyennes sur la base des travaux de l'institut de recherche sur la rémunération que l'on retrouve dans le secteur privé en comparant diverses catégories de salariés ou encore le salaire industriel moyen dans le secteur privé, quel que soit son critère, possiblement sur la base des travaux de l'institut de recherche sur la rémunération, et essaiera de faire accepter ces critères par la partie syndicale. Celle-ci aura peut-être d'autres critères à suggérer. Par la suite, les salaires et échelles de salaires devront être établis tels que stipulés à la convention collective, conformément à ces paramètres et à ces critères. Ce qui fait qu'on aura une négociation d'ensemble sur tous les aspects de la convention collective, avec un droit de grève pas plus fréquent que maintenant, avec un rapport de forces équitable, éclairé par les travaux d'un institut de recherche sur la rémunération, ce qui pourra favoriser un climat plus sain, plus responsable de négociation.

M. le Président, je pense que j'ai exposé l'essentiel des motifs tantôt. Les différences de philosophies aussi sont bien connues. Je vais terminer là mes propos.

Le Président (M. Lachance): Alors, je voudrais vous signaler à ce moment-ci qu'il s'est passé quelque chose au salon bleu, et vous y avez fait référence dans vos propos tantôt. Une motion a été présentée pour que la commission du budget et de l'administration mette fin à son mandat de l'étude détaillée du projet de loi 37 dès l'adoption de la présente motion et qu'elle fasse rapport une heure après l'adoption de ladite motion. Évidemment, les discusssions vont suivre. Cela veut dire que nous continuons à discuter ici.

M. Pagé: M. le Président, est-ce que vous pourriez nous indiquer si le débat sur la motion est amorcé?

M. Ryan: J'ai manqué la question.

M. Pagé: Je m'informais, mon cher collègue, à savoir si le débat sur la motion était amorcé. S'il est amorcé ce soir...

Le Président (M. Lachance): II ne semble pas, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Est-ce que vous pourriez, M. le Président, parce que vous êtes quand même le gardien de nos droits...

Le Président (M. Lachance): Nous allons vérifier.

M. Pagé:... nous indiquer quelles sont les intentions du gouvernement, parce que la motion, selon l'information que vous nous donnez, serait qu'on fasse rapport une heure après l'adoption de celle-ci. Donc, il serait utile de savoir si elle sera débattue ce soir, demain ou lundi.

Le Président (M. Lachance): Nous allons vérifier, M. le député, et nous vous fournirons l'information demandée dans les meilleurs délais.

M. Pagé: M. le Président, il faudrait remonter au Moyen Âge, tuer le messager.

M. Ryan: Devant cette nouvelle, est-ce qu'on pourrait suspendre cinq minutes...

Une voix: Oui.

M. Ryan:... pour aller aux renseignements d'abord et savoir un peu où on s'en va?

M. Clair: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair:... peut-être que je peux éclairer les membres de cette commission en leur disant que, sauf erreur, notre règlement prévoit que la motion n'est pas débattable le même jour de sa présentation, de sorte qu'elle serait débattue demain à l'Assemblée nationale. Ce sont les informations dont je dispose. Je ne suis que le messager, encore une fois.

M. Pagé: Demain, à quelle heure ajourne-t-on nos travaux?

M. Clair: Cela dépend de la longueur du débat.

M. Pagé: Bon, cela nous en dit un peu. Vous êtes associé à tout cela.

M. Clair: M. le Président, les travaux de l'Assemblée nationale sont organisés sous la direction du leader du gouvernement et non du...

M. Pagé: Ce que je veux dire, c'est qu'on...

M. Clair:... président du Conseil du trésor.

M. Pagé:... a tous les motifs raisonnables de croire que vous êtes associé à la démarche de la guillotine. Si vous saviez en matinée qu'on allait être coupé comme cela, arbitrairement, est-ce que cela pourrait expliquer le pourquoi de vos interventions multiples aujourd'hui?

M. Clair: M. le Président, le député de Portneuf me prête des intentions. J'ai eu l'occasion aujourd'hui d'avoir des questions sur le fond des choses de sa part, de la part du député d'Argenteuil et d'autres députés indépendants. J'y ai répondu. S'il fait le total des heures utilisées par le ministre, par les députés indépendants et par les députés de l'Opposition, il sera à même de constater que le ministre n'a aucunement abusé du temps de la commission. Je n'ai pas de jugement à porter sur l'utilisation que d'autres ont fait de leur temps, mais il pourra regarder simplement par une comptabilisation des...

M. Pagé: Est-ce que vous nous visez, M. le ministre?

M. Clair:... heures employées par chacun que je n'ai certainement pas abusé du temps de la commission.

M. Pagé: Sauf aujourd'hui.

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette:... je suis en train de me demander s'il faut que le gouvernement ait décidé de bâillonner une commission pour que le ministre se mette à dialoguer, se mette à échanger, se mette à nous dire les intentions et la réflexion qui l'a amené à présenter ce projet de loi. Je constate qu'aujourd'hui, pour la première fois, on a eu des échanges sur des questions de fond. M. le Président, je suis d'accord avec le ministre que le temps aurait été beaucoup mieux utilisé les jours précédents si le ministre avait consenti à débattre avec nous des questions de fond et je trouve un peu étonnant et inacceptable qu'au moment même où on commence à confronter nos arguments, nos philosophies, nos orientations et que le ministre se prête au dialogue et à la discussion, on nous annonce que nos travaux vont prendre fin. Je ne sais pas si le ministre craint qu'on soit obligé de débattre des sections du projet de loi qui touchent à la mécanique technocratique qu'il a prévue dans le domaine des services essentiels, des pouvoirs exorbitants qu'il donne au Conseil des services essentiels. J'ai l'impression que le ministre craint ce débat et j'aurais souhaité, je pense, comme tous les membres de cette commission, qu'on puisse continuer nos travaux.

Qu'est-ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui, tout à coup, on décide de mettre fin aux travaux? On aurait pu continuer demain et même lundi. La fin de la session, c'est seulement vendredi prochain. Je pense que ce projet de loi mérite mieux que cette espèce d'expédition, cette espèce d'exécution - je pense que c'est le terme qu'il faut utiliser - de nos travaux, et je trouve cette attitude particulièrement irresponsable du ministre qui a vraiment commencé à débattre des questions aujourd'hui et avec lequel on aurait bien aimé continuer à débattre des autres questions de ce projet de loi, notamment, demain et lundi.

Le Président (M. Lachance): M. le député, je voudrais vous signaler que c'est une information que je vous ai communiquée tantôt et que le débat va se faire à un autre lieu qu'à cette commission parlementaire. J'aimerais bien qu'on puisse...

M. Pagé: II est inscrit dans nos moeurs parlementaires qu'un commentaire du président aussi important que celui que vous avez formulé en regard de nos travaux amène une réaction des différents collègues autour de la table.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair: Rapidement...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député d'Argenteuil, après M. le ministre.

M. Clair: Rapidement. Je pense que le député de Rosemont est fort mal placé pour me reprocher de ne pas avoir abordé les questions de fond. N'importe quel observateur de nos travaux a pu constater que ceux qui ont utilisé le plus largement leur droit de parole à l'occasion sur des questions de fond, je le reconnais... Chaque fois qu'il y a eu des questions de fond qui ont été soulevées, j'ai indiqué quelles étaient les orientations du gouvernement. J'ai tenté de le faire brièvement pour permettre aux deux oppositions de pouvoir s'exprimer parce que les intentions du gouvernement sont affichées, sont claires dans un projet de loi, alors que les deux groupes d'opposition n'ont pas la même occasion de présenter leurs points de vue.

S'il y a quequ'un qui a abusé du temps de parole, ce n'est certainement pas celui qui vous parle sur les questions de fond, non plus que mes collègues ministériels. Je ne sache pas que j'aie parlé pendant des heures sur des questions qui n'étaient pas des questions de fond. Il peut se reporter au contenu du Journal des débats pour constater que chaque fois que des questions de fond ont été soulevées, j'ai tenté d'y répondre brièvement, précisément et, de cette façon, de contribuer à l'avancement de nos travaux. On ne peut pas dire la même chose de ses deux voisins et de lui-même.

Le Président (M. Lachance): Avant de céder la parole au député d'Argenteuil, on m'indique que le débat n'aura pas lieu avant demain à l'Assemblée. M. le député d'Argenteuil.

M. Pagé: Causez mes lapins avant qu'on vous fasse cuire, Hum? C'est ce que cela veut dire. Quelle insulte!

M. Ryan: M. le Président, de même que mes collègues qui ont parlé avant moi à la suite de l'annonce que vous avez faite, je voudrais émettre quelques observations au sujet de ce qui se produit. Je crois que l'invocation de la clôture, c'est une mesure extrême, qui ne doit être utilisée que dans des circonstances qui ne permettent absolument plus d'autre recours. Je pense que c'est la nature même de cette mesure extrême de n'être utilisée que dans un contexte qui interdit tout autre recours. Le débat se fera à l'Assemblée nationale. Je ne veux pas le faire ici, mais, moi, j'avais cru comprendre... Je regarde le point où nous en sommes à ce moment-ci. Évidemment, on pourra continuer ce soir. On est obligé de continuer, d'après le mandat que nous avons, à mon point de vue. Demain, cela va être plus difficile. Cela va se débattre demain matin à l'Assemblée nationale. On va siéger quand même. C'est vrai. En tout cas, onverra.

Mais ce que je trouvais, c'est qu'on était rendu à jeudi soir, qu'il y avait 52 articles sur 93 qui avaient été adoptés ou pratiquement adoptés. Il y a une couple de sections qu'il reste à examiner; il y a toute la section de la mécanique des services essentiels et, ensuite, la question de la rémunération et des arrangements locaux. Ce sont les trois gros points qu'il reste à discuter. Je trouve que le gouvernement fait montre d'une prudence calculatrice excessive. Étant donné que nos règlements prévoient que la Chambre siège jusque... Je pense qu'elle peut siéger jusqu'à la veille de la Saint-Jean-Baptiste, le 23? Est-ce le 21 ou le 23, d'après le règlement? (17 h 45)

Des voix: Le 23.

M. Ryan: Le 23.

M. Laplante: Le 23, c'est un dimanche, on n'a pas le droit en vertu du règlement. Il faut que cela finisse...

M. Ryan: Le 23, c'est dimanche en huit.

M. Laplante: Vendredi soir à minuit.

M. Ryan: II y a toute la semaine prochaine.

Le Président (M. Lachance): Pour répondre...

M. Ryan: Je m'excuse, oui.

Le Président (M. Lachance):... à votre question, M. le député d'Argenteuil, à l'article 19: "Pendant une législature, l'Assemblée se réunit en séances ordinaires: 1° du deuxième mardi de mars jusqu'au 23 juin au plus tard... " et, effectivement, le 23 juin tombe un lundi...

M. Ryan: Oui, c'est ça. Le 23 tombe un lundi...

Le Président (M. Lachance):... je veux dire un dimanche.

M. Ryan: Cela veut dire...

Le Président (M. Lachance): Un dimanche.

M. Ryan:... qu'il y a toute la semaine prochaine.

Une voix: Un dimanche.

M. Ryan: C'est cela. Ah oui! Ah oui! C'est correct, le 23 est un dimanche. Le 22...

M. Laplante: On peut aller jusqu'à minuit, vendredi soir.

M. Ryan: Oui. Et avec le règlement actuel, cela pourrait aller jusqu'à samedi aussi. Ils sont habitués, ils connaissent cela; toutes les dispositions d'exception, ils sont experts là-dedans.

Je trouve que le gouvernement fait montre d'un manque de respect envers la commission parlementaire en prenant cette mesure dès cette semaine. S'il était arrivé la semaine prochaine, à un certain moment, ayant jugé que c'était absolument nécessaire à ce point de le faire, je pense qu'il aurait été mieux placé pour défendre son opinion. Mais faire cela ce soir, je pense qu'il se place dans une situation où il peut beaucoup plus difficilement justifier sa ligne de conduite. Quand on regarde ce qui s'est passé ici, il y a eu des longueurs. On l'a signalé à un moment ou l'autre, mais il n'y a pas eu d'abus de droits. Je pense que chacun a usé des droits que lui reconnaissent nos règlements. Je peux juger qu'il en a usé d'une manière que je n'aurais pas imitée sur toute la ligne dans ce contexte-ci, mais je l'aurais peut-être fait dans d'autres contextes. Par conséquent, je ne lance pas la pierre. Cela fait partie du jeu parlementaire, mais cela s'est fait avec dignité, avec courtoisie, avec civilité. Je pense que le ministre a eu une très bonne conduite dans l'ensemble. Je pense qu'on est tous satisfait de la manière dont il a poursuivi la conversation, pas seulement aujourd'hui, hier, avant hier et lundi également.

En tout cas, je trouve qu'étant donné qu'on était rendu à l'article 52, je ne sais pas quelle était la tactique de nos amis de l'opposition officieuse, marginale et temporaire, j'espère bien, circonstancielle par rapport à ce projet. Je ne sais pas quelle était leur stratégie. Est-ce qu'ils voulaient faire peur au gouvernement? Je trouve que, s'ils avaient voulu faire un vrai "filibuster", ils l'auraient fait plus tôt, ils n'auraient pas laissé aller cela jusqu'à l'article 52. Ils voulaient créer une inquiétude, de manière à essayer d'arracher des concessions au ministre. Cela fait partie du jeu.

Nous, nous avions une attitude, je pense que tout le monde a constaté qu'elle était différente. Sur certains articles, il y a une opposition invincible entre la position du gouvernement et la nôtre. Nous avons fait valoir nos points le plus clairement possible, mais sans aller au-delà d'un certain point. Une fois que la discussion a été faite, on se dit! Quand bien même on la ferait' quatre ou cinq fois, cela n'avance pas tellement les choses.

Je regrette cela profondément, M. le Président; je pense que le reste de nos travaux va se dérouler, fatalement, dans un climat qui sera profondément marqué par ce geste d'irrespect et de manque de confiance envers une commission de l'Assemblée nationale. On va continuer à travailler dans le même esprit que nous l'avons fait jusqu'à maintenant. Cela ne change pas mon attitude, mais je ne peux pas faire autrement que d'exprimer un regret profond devant la hâte avec laquelle le gouvernement procède.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, vous me permettrez d'ajouter ma voix aux autres et de dire que je suis extrêmement surprise que, pour employer une expression communément utilisée ici, la guillotine tombe à ce moment. Je trouve cela très malheureux, pour ne pas dire odieux, parce que nous sommes seulement - je le souligne - à cinq jours d'étude de ce projet de loi en commission parlementaire. Pour avoir siégé en cette Assemblée depuis neuf ans, j'ai connu des projets de loi qui ont eu des vies beaucoup plus longues en commission parlementaire, et d'importance beaucoup moindre.

Nous avons un projet de loi devant nous qui est essentiel pour l'équilibre et la paix sociale dans la société québécoise. Nous avons un projet de loi que, nous, en conscience, nous jugions mauvais tel qu'il est rédigé actuellement. Nous jugions qu'il ne réglait rien des problèmes que nous voulions régler. Nous avons travaillé avec acharnement pour tenter de convaincre le ministre en particulier sur certains articles très importants. Vous verrez dans le Journal des débats que les articles qui ont requis le plus de temps de l'Opposition, ce sont des articles de fond. C'est vrai que nous nous sommes battus avec acharnement pour tenter de convaincre le ministre que, puisqu'il avait décidé de faire adopter le projet de loi, mieux valait nous écouter et tenter de faire en sorte qu'il soit le plus correct et le plus juste possible et, en fait, qu'il réponde aux objectifs que le ministre s'était fixés.

Effectivement, depuis le début de la commission, il n'y a eu absolument aucune ouverture d'esprit, pour ne pas dire aucun dialogue. Le ministre s'est contenté de rejeter du revers de la main toutes les propositions qui sont venues de part et d'autre et, à cinq jours, on vient nous dire qu'après avoir discuté, justement, pendant un laps de temps qui était extrêmement raisonnable - nous sommes rendus à 52 articles sur 93 - le ministre et le gouvernement viennent nous dire qu'ils en ont assez. Pour nous consoler, on nous dit

qu'il nous restera une journée et demie. Je trouve cela extrêmement dommage, je trouve cela très triste. J'ai la conviction que, si le ministre avait eu, depuis le début, l'ouverture d'esprit, l'ouverture au dialogue qu'il a eue cet après-midi, nous aurions déjà, jusqu'à l'article 52, un projet de loi qui serait mieux, qui, dans la mesure du possible, aurait tenté de rallier le consensus d'une partie qui est fondamentale pour la réussite de cette réforme, qui est la partie syndicale, mais le gouvernement prétend, préfère croire qu'il a la vérité, qu'il est le seul qui sait marquer le pas et que toute proposition -même si nous n'étions pas d'accord, l'Opposition libérale et nous, sur un certain nombre de choses - mais que tout ce qui vient de l'Opposition, tout ce qui vient des gens qui ne sont pas d'accord avec son projet est nécessairement mauvais, imaginaire ou va à l'encontre de la réalité.

Je dois dire, M. le Président, que, quant à moi, je poursuivrai le reste des travaux avec beaucoup moins d'intérêt et d'enthousiasme sachant à l'avance - et la guillotine vient de le confirmer - que le ministre ne participe à cette commission que parce qu'il est obligé d'y être présent et de faire son devoir, mais avec nulle intention d'améliorer le projet de loi qui est devant nous.

Le Président (M. Lachance): Avant de céder la parole au député de Deux-Montagnes, j'ai reconnu le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. On s'était fait un devoir, de ce côté-ci, d'en faire une étude, des recommandations par l'entremise du caucus des députés et du caucus de la commission justement pour que l'Opposition puisse avoir le temps de poser toutes les questions qu'elle voulait poser.

M. le député d'Argenteuil parlait d'avancer sur les articles accessoires du projet de loi et d'aller plus profondément dans la mécanique. Si on regarde les accessoires qui sont adoptés, on y a pris autant de temps que sur la mécanique. Un exemple d'aujourd'hui, on s'était même donné le mot là-dessus pour voir jusqu'où la sincérité pouvait exister de la part des indépendants de l'opposition ou même de l'Opposition officielle...

M. Pagé: L'Opposition officielle, les indépendantistes et la majorité des pépères.

M. Laplante: D'accord. On est, depuis ce matin, sur l'article 52. Cela a été le test ultime qu'on a fait aujourd'hui, sur un article seulement, qui était l'article 52, pour voir jusqu'où il pourrait y avoir un déblocage du projet de loi. Je n'en suis pas surpris, c'est un peu l'analyse que j'avais faite personnellement, qu'on serait au même niveau, à 18 heures, où on pouvait être ce matin après la période des questions, lorsqu'on a commencé l'étude du projet. Cela voudrait dire qu'il nous resterait encore la volonté de l'Opposition dans une journée et demie, toute la soirée jusqu'à 24 heures, et demain toute la journée jusqu'à 18 heures vendredi, pour adopter le projet de loi, pour aller, à la suggestion du député d'Argenteuil, au fond des articles que vous appelez mécaniques. Tout ce qui est accessoire, autour de cela, peut être adopté assez rapidement; c'est ce que nous escomptons de ce côté-ci. La guillotine n'est pas permanente; vous pouvez la lever très facilement demain en adoptant le projet de loi en commission parlementaire. C'est ce à quoi nous nous attendons.

M. de Bellefeuille: M. le Président.

Mme Le Blanc-Bantey: On va encore négocier avec la carotte et le bâton?

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais dire brièvement, parce que le temps nous presse, qu'à mon avis le problème, ce n'est pas seulement le ministre. Nous savons que le ministre a l'injure souvent plus facile que la compréhension, mais le principal problème n'est pas cela. Le principal problème, c'est le projet de loi. Je répète ce que j'ai déjà dit ce matin, que ce projet de loi est un mauvais projet de loi. Il provient d'un gouvernement qui choisit maintenant, dans un secteur extrêmement délicat, un secteur qui est déterminant pour la paix sociale au Québec, de procéder au moyen de la guillotine. Cela, M. le Président, a valeur de symbole. Cela ne peut être qu'un des nombreux signes du commencement de la fin d'un gouvernement qui, ayant gouverné par décrets de plus en plus, impose maintenant la guillotine dans le domaine des relations du travail avec ses propres employés. Il y a là un symbole, M. le Président, qui va passer à l'histoire. Parmi les principaux signes avant-coureurs de l'effondrement de ce gouvernement, l'histoire retiendra la guillotine dans le domaine des relations du travail dans les secteurs public et parapublic. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Avant de revenir à l'essentiel de la motion d'amendement du député de Rosemont, je pense que l'heure tardive nous indique de suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 20 h 29)

Le Président (M. Lachance): II est 20 h 30. La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux. Nous en étions à l'étude de la motion d'amendement du député de Rosemont sur l'article 52.

Est-ce que la motion du député de Rosemont est...

Une voix: Adopté.

M. Paquette: Vous l'appelez aux voix, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Bien. Est-ce que la motion du député de Rosemont est adoptée?

M. Paquette: M. le Président, j'aurais quelques mots à dire.

Le Président (M. Lachance): Ah oui? Allez-y...

M. Paquette: Cela ne vous dérange pas, toujours?

Le Président (M. Lachance):... M. le député de Rosemont. Non, on commence à se familiariser avec votre intonation, votre ton de voix, et on peut continuer.

M. Paquette: M. le Président, on a un peu perdu le fil parce que, comme vous le savez, notre vie comme commission ne tient qu'à un fil.

M. le Président, avant que l'exécution n'arrive, je pense qu'il est important quand même de débattre des articles clés de ce projet de loi. Je tiens à vous dire, M. le Président... Je ne sais pas combien de temps nous avons encore à notre disposition, mais il m'apparaît important de clarifier, de part et d'autre - des trois côtés de la table, si on veut, parce que je pense qu'il y a trois positions très différentes - nos attitudes et nos objectifs face à ce projet de loi. Nous aurions souhaité, M. le Président, que le ministre écoute parfois, accepte de réfléchir à certains amendements dont celui-ci sur l'article 52, mais il semble que cela ne soit pas possible. On semble faire comme si on se disait: L'opinion publique veut un projet de loi? On adopte un projet de loi. C'est un projet de loi largement irresponsable.

Je vais simplement résumer l'argumentation, à l'article 52. Le ministre voudrait que, tous les trois ans, les négociations s'enclenchent, que l'on discute des salaires et des échelles de salaires la première année et que, pour les deux autres années, sur la base d'un rapport de l'institut de recherche sur la rémunération dont il nomme tous les membres, sauf trois, dont il recommande la nomination à l'Assemblée nationale et qui a un mandat de comparaison des salaires entre le secteur public et le secteur privé, le ministre élabore un règlement pour entendre les parties, un peu comme il nous a entendus au cours de cette commission parlementaire, et, ensuite, qu'on fasse adopter le règlement par le gouvernement, de façon à fixer les salaires et les échelles de salaires pour la deuxième et la troisième année.

On a mis en évidence, M. le Président, que c'était là une approche qui allait détruire le climat des relations du travail. On peut prétendre que le climat n'est pas au beau fixe, loin de là, mais je pense que, de part et d'autre, tant du côté syndical que du côté patronal... Les gens ne vivent pas sur une autre planète, les gens savent que des augmentations de salaires de 12 % ou 15 % ne sont plus possibles et que, par conséquent, la négociation doit pouvoir s'entreprendre en mettant tous les éléments dans la balance et en discutant des questions de qualité de vie au travail, d'aménagement du temps de travail, de services à la population. À ce point de vue, il faut permettre les deux formes de démocratie dans notre société, celle que représente le gouvernement, qui est chargé par la population de s'assurer du bien commun, et la démocratie qui vient de la base à travers les organisations démocratiques que les salariés du secteur public se sont données. Notre position, c'est la confrontation de ces deux points de vue, et le fait qu'à un moment donné il faut régler et qu'il faut entreprendre des discussions sur une base de relative égalité. Remarquez que le gouvernement aura toujours le gros bout du bâton parce que, à la limite, on se retrouve parfois, lorsque les services au public sont en péril, avec des lois spéciales. Là, on nous présente une loi spéciale permanente dans la loi, qui fera en sorte que le gouvernement décrétera deux années sur trois les salaires et les échelles de salaires.

Je n'ai pas compris pourquoi l'amendement que je présente n'est pas acceptable par le ministre, il n'a pas daigné me l'expliquer. Il a préféré s'entendre avec le gouvernement pour mettre fin à nos travaux le plus rapidement possible, un peu à la façon de cette démarche qui fait que ces dernières années, à la dernière négociation, on commençait un peu à négocier et, avant même qu'on commence vraiment à discuter, il y avait une loi spéciale. Là, tout le monde discutait dans le cadre de la loi spéciale et on en amenait une autre et, finalement, une autre. Le ministre a eu la même attitude face à cette commission: la guillotine. Si vous êtes gentils, on va pouvoir discuter, sinon on va mettre fin à vos travaux et on va mettre fin à la discussion.

M. le Président, je n'ai pas compris pourquoi l'amendement que je propose était

tellement inacceptable pour le ministre. Cet amendement ferait en sorte que les négociations commencent. On discute des salaires et des échelles salariales comme des autres questions liées à la convention collective dans une optique d'égalité, avec l'exercice possible du droit de grève tous les trois ans - comme cela est le cas maintenant - et, pour chacune des deux premières années de la convention collective, la négociation pourrait porter sur la détermination des salaires et des échelles de salaires. Pour la troisième année, puisque le ministre nous dit, avec raison, qu'on ne peut prévoir la situation économique, la marge de manoeuvre du gouvernement, on va convenir et on va négocier - encore là sur une base d'égalité - des paramètres qui permettront de fixer les salaires. Cela fera partie du règlement.

Qu'est-ce qu'il y a d'inacceptable dans cela, M. le Président? Qu'est-ce qui ferait en sorte que le ministre tienne absolument à toute sa mécanique qu'il y a dans les articles suivants, d'un institut de recherche sur la rémunération, d'une réglementation où en entend les parties qu'on impose? Est-ce que le ministre craint de ne pas être capable de convaincre l'opinion publique et ses vis-à-vis syndicaux qu'un certain nombre de paramètres, que la situation économique et budgétaire du gouvernement, et que les priorités sociales imposent une certaine approche pour fixer les échelles et la masse salariale de la troisième année? Est-ce que le ministre a tellement peur que le gouvernement soit incapable de convaincre ses vis-à-vis syndicaux et de convaincre la population? Si on veut favoriser la responsabilité, ce n'est pas en mettant le fusil sur la table qu'on va convaincre les gens de réfléchir, de comparer les sacrifices qu'on leur demande parfois avec ceux qui sont imposés ailleurs à d'autres catégories de la population. Ce n'est certainement pas de cette façon qu'on va développer des relations du travail responsables.

Je ne sais pas combien il y aurait eu de points difficiles au cours des dernières négociations si on avait laissé le processus normal se poursuivre. On ne le saura jamais parce qu'avant même que la discussion commence plus sérieusement, il y avait une avalanche de lois spéciales qui étaient présentées. Là, on décide de rendre cela permanent dans le projet de loi. C'est contre-productif, ce n'est pas une amélioration. Au contraire, on va régresser dans le domaine des relations du travail. Il n'y a pas seulement cet article, mais il y en a d'autres sur lesquels nous reviendrons plus tard, mais celui-là en particulier ne favorise pas le progrès, la maturité et la responsabilité dans les relations du travail. C'est pourquoi on a présenté cet amendement et, encore une fois, je ne comprends pas ce qui là-dedans est inacceptable pour le ministre et le gouvernement.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Le Blanc-Bantey: Je comprends que le ministre n'a aucun commentaire à faire.

M. Clair: M. le Président, je ne sais pas exactement à quoi m'en tenir. Je vais essayer d'ajuster mon comportement de façon qu'il soit le plus utile aux travaux de la commission. D'un côté, on m'a reproché de m'être "auto-filibuster", et de l'autre côté on m'a dit qu'il n'y avait qu'aujourd'hui où j'avais répondu aux questions. Je voulais attendre que toutes les interventions sur l'amendement aient eu lieu avant de donner un point de vue. Peut-être que cela pourrait contribuer à rendre nos travaux les plus utiles possible.

Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, comme l'a souligné le député de Rosemont et compte tenu de ce que nous avons entendu à la fin de l'après-midi, effectivement, le couperet est à la veille de tomber sur ce projet de loi après quatre jours et demi de délibérations. Comme je l'ai dit, c'est avec plus ou moins d'enthousiasme que je continue à participer aux travaux de cette commission, compte tenu surtout de l'attitude qu'a eue le ministre depuis le début de nos discussions, qui, à toutes fins utiles, a rejeté tous les amendements qui auraient pu permettre à cette réforme de devenir plus acceptable et, encore une fois, de devenir plus acceptable à une des parties fondamentales dans la réussite des objectifs poursuivis par ce projet de loi, soit la partie syndicale, bien sûr. Je trouve que c'est une attitude qui est extrêmement malsaine, qui présage, comme l'a dit le député de Deux-Montagnes cet après-midi, de ce que seront les prochaines négociations, si c'est ce gouvernement qui les dirige. Si c'est un autre, on verra en temps et lieu. Pour le moment, je vous assure que cela n'augure rien de bon et cela n'augure certainement pas un grand changement eu égard à ce que nous avons vécu par le passé.

Sur l'amendement du député de Rosemont, je vais tenter d'intervenir le plus rapidement possible. Il m'apparaît qu'il y a dans cet amendement des possibilités de faire en sorte que les négociations se déroulent de la façon la plus respectueuse possible des parties en cause et en même temps de la façon la plus efficace dans la perspective toujours de maintenir à l'occasion de ces conflits un maximum de paix sociale au Québec.

Ce que le député de Rosemont a dit et

que je reprends à mon compte, s'il me le permet, parce que cela m'apparaît essentiel de le répéter en espérant que le ministre finira par comprendre et à revenir sur son entêtement, c'est que cet amendement permet d'éliminer toute réglementation unilatérale qui, dans tous les cas de l'expérience vécue au Québec ces vingt dernières années, a toujours été génératrice de conflits, génératrice de frustrations, comme je le disais cet après-midi, et qui a finalement contribué à faire dégénérer non seulement le climat social au Québec, mais le climat des relations du travail.

On parle beaucoup des équilibres budgétaires de l'État, et j'en suis. Je pense que tout le monde va admettre que l'État, le gouvernement a la responsabilité de faire en sorte que la gérance de la gestion publique soit le plus en conformité avec un certain nombre d'arbitrages qu'il y a à faire dans cette société en fonction des besoins qu'un ensemble de clientèle peut avoir.

Cela dit, on a peu souvent parlé du coût financier qu'implique un climat de relations du travail complètement dégénéré, en raison, bien sûr, de la multitude de conflits de travail que nous avons vécus dans les secteurs public et parapublic ces vingt dernières années. Je l'ai dit cet après-midi, je le répète, ces conflits de travail ont été causés non seulement par certains abus que tout le monde pourra admettre du côté de la partie syndicale, mais aussi par certains abus du gouvernement, des gouvernements qui se sont succédé, qui ont eu, ou tendance à agir unilatéralement et à finalement ne pas faire en sorte que des négociations aient les meilleures chances d'aboutir, mais qui ont eu aussi tendance, pour des raisons strictement éiectoralistes, à donner peut-être un peu plus que les moyens ne le permettaient ou, au contraire, à en enlever, ce que le gouvernement est en train de faire. C'est aussi une démarche - je m'excuse de le dire aussi brutalement - essentiellement électo-raliste: pensant que la majorité de la population souhaite cela, le gouvernement le fait.

Pendant ce temps, il y a sur le plan de la productivité dans les secteurs public et parapublic un certain nombre de problèmes. Personne n'a pensé mesurer le coût financier et social, le coût humain qu'impliquait un climat de relations du travail complètement difficile, démobilisateur et qui, essentiellement, ne tient pas compte de la volonté qu'ont en même temps les employés de contribuer au mieux-être de la société québécoise.

(20 h 45)

Je prétends que l'amendement du député de Rosemont éviterait une réglementation unilatérale de la part de l'État qui ne peut qu'aboutir à des conflits que personne ne souhaite. L'amendement permet en même temps de maintenir ce que j'appellerais l'équilibre des forces. Je l'ai dit et je le répète cet après-midi, il m'apparaît que nous avons intérêt, au-delà des idéologies que nous avons les uns les autres, à maintenir au Québec un véritable régime de négociation qui ne soit pas un régime handicapé de son principal rapport de forces et que nous avons tout intérêt à maintenir entre les groupes de pression patronaux et les groupes de pression syndicaux un rapport de forces qui soit respectueux essentiellement des différentes forces présentes dans la société québécoise. Comme d'autres l'ont dit - je le répète - nous avons tous la conviction - sans doute que le ministre pourra le reconnaître - que les centrales syndicales, et en particulier ce rapport de forces, nous ont permis comme société de progresser sur un certain nombre de points dont nous sommes tous très fiers, comme Québécois.

L'amendement du député de Rosemont nous permettrait d'éviter ce qui est tout à fait prévisible, étant donné le libellé de l'article 52. Étant donné que les syndiqués n'auraient le droit de grève que la première année, ce qu'on peut prévoir, en effet, c'est que ça conditionne la partie syndicale à profiter de cette première année pour faire de la surenchère parce que, évidemment, durant les deuxième et troisième années, comme ils n'auront aucun droit de grève et, à toutes fins utiles, aucun droit de parole, le réflexe peut être très fort de faire de la surenchère sur la négociation de la première année.

Donc, on fait en sorte, en partant, que cette négociation n'ait aucune chance d'aboutir parce que, compte tenu des circonstances - qui pourrait en blâmer la partie syndicale dans un tel contexte - cela pourrait faire en sorte que les demandes soient effectivement disproportionnées non seulement par rapport à la capacité de payer des citoyens, mais aussi aux prévisions qu'aurait pu faire le gouvernement en fonction des négociations. Il m'apparaît que sur le plan strictement opérationnel, pour revenir à une formule qui est chère au ministre, cet article ne fera que perpétuer ce qu'on a vécu durant un certain nombre de négociations, c'est-à-dire des écarts absolument infranchissables entre les demandes syndicales et ce que le gouvernement pourrait se permettre d'offrir.

Il y a aussi un deuxième inconvénient majeur et que d'autres ont soulevé, c'est que cet article, tel que stipulé, nous promet à l'avance des crises annuelles dans les domaines de la négociation et de la rémunération dans les secteurs public et parapublic. Le ministre pense, parce que les syndiqués ont le droit de grève la première année, que la deuxième et la troisième

année, il va décider unilatéralement de la rémunération, qu'il va faire ses règlements et que, de préférence, cela va passer à la Gazette officielle quand l'Assemblée nationale ne siégera pas, et probablement durant les périodes où ça ne sera pas trop facile de mobiliser les syndiqués, comme maintenant, et il pense que ça va passer probablement comme une lettre à la poste.

Or, je serais fort surprise que ça se passe aussi facilement et aussi naturellement. Au contraire, j'ai malheureusement l'impression que ce qui risque d'arriver, c'est que nous nous préparions des crises sociales et des psychodrames collectifs annuels. Qui, encore une fois, pourrait en blâmer les syndiqués? Effectivement, de la façon dont le ministre a prévu les négociations dans le domaine de la rémunération, il a tout mis en place pour qu'il n'y ait aucune discussion possible, aucune négociation possible, et que, encore une fois, le processus engendre toute une série de frustrations et toute une série de malaises qui feront en sorte que ça ne sera toujours pas vivable, non seulement au moment des négociations, mais en même temps, sur le terrain, dans les réseaux, que ce soit de l'éducation, des hôpitaux ou de la fonction publique.

Ne serait-ce que pour ces quatre raisons que j'ai évoquées - je pourrais en évoquer encore un certain nombre - et en espérant qu'en invoquant le minimum de raisons, le ministre sera plus ouvert à comprendre - cela lui en fera moins à digérer - je m'arrêterai et j'espère très sincèrement que, dans une attitude de collaboration, puisque, maintenant, le couperet vient de tomber et qu'il ne nous reste que très peu de temps pour tenter d'améliorer cette réforme qui nous apparaît extrêmement néfaste telle qu'elle est conçue actuellement, le ministre va, ce soir, manifester l'ouverture d'esprit qu'il avait commencé à manifester cet après-midi, tout au moins dans son écoute, et qu'il va effectivement accepter l'amendement du député de Rosemont.

Le Président (M. Lachance): Je voudrais expliquer à Mme la députée qu'il n'y a pas de couperet de tombé. Une intention ferme a été manifestée par le biais d'une motion du leader, un peu avant 18 heures, mais, jusqu'à maintenant, c'est une intention, il n'y a pas de couperet.

Mme LeBlanc-Bantey: Vous êtes en train de me dire que c'est une arme de négociation.

Le Président (M. Lachance): Ah! Vous pouvez l'interpréter comme vous voulez, mais...

Mme Le Blanc-Bantey: C'est du chan- tage, c'est le bâton, et peut-être bien qu'on pourrait avoir un peu de carotte. Pourrait-on avoir des éclaircissements, à savoir si le gouvernement est sérieux dans son intention de laisser tomber le couperet sur le projet de loi 37 ou s'il ne s'agit que d'une stratégie?

M. Clair: Je voudrais donner une information, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): C'est cela. Je n'ai pas à commenter, c'est tout simplement l'exactitude des faits. Une intention a été manifestée par le leader du gouvernement et, tant et aussi longtemps que la motion ne sera pas adoptée en bonne et due forme, les travaux se poursuivent en commission. Quelqu'un veut-il prendre la parole ou si on dispose de la motion du député de Rosemont tout de suite?

M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, j'avais indiqué que je prendrais la parole après que les députés aient..

M. Ryan: Pardon?

M. Clair: Le député d'Argenteuil voudrait-il intervenir sur la motion d'amendement?

M. Ryan: Je voulais demander le vote.

M. Clair: Là, vous allez me reprocher de vouloir parler, "tabarnouche".

M. Ryan: Ce n'est pas ce que je veux reprocher au ministre. Si le ministre veut parler pour annoncer qu'il est prêt a faire des amendements, cela va nous aider, mais, s'il veut dire qu'il n'accepte pas l'amendement, on serait aussi bien de voter et de passer à un autre article. Cela fait environ quatre ou cinq heures qu'on est sur celui-là. Si le gouvernement est sérieux, il devrait au moins retenir sa langue un peu.

Le Président (M. Lachance): On passe au vote.

M. Clair: M. le Président, j'avais promis au député de Rosemont que je commenterais ses propos. Je vais essayer de le faire brièvement.

Le député de Rosemont commence en disant que c'est un mauvais projet de loi et que le gouvernement agit pour faire plaisir à l'opinion publique parce que celle-ci s'attend qu'un projet de loi soit adopté. Je lui dirai deux choses à cet égard: si je diffère d'opinion, ce n'est pas pour faire plaisir à l'opinion publique. Le Québec a besoin d'une modification de son régime de négociation, et maintenant, si l'on ne veut pas que la

prochaine négociation se déroule avec les mêmes règles du jeu conduisant aux mêmes affrontements que lors des deux dernières rondes et d'un certain nombre d'autres antérieures. Quand il dit que c'est une mauvaise loi - chacun est libre de son jugement - quant à moi, par rapport à ce qu'on peut regarder entre le statu quo renforcé, que le député de Rosemont semble défendre, et des mesures qui iraient beaucoup plus loin et qui sont avancées par l'Opposition libérale, cette loi est modérée et raisonnable.

Dans son intervention, le député de Rosemont a diminué à l'avance le rôle que pourrait jouer la commission parlementaire lorsqu'elle entendrait les parties sur le projet de règlement qui pourrait résulter d'une entente. Quant à moi, après huit ans et demi, bientôt neuf ans - d'ailleurs, à la même date d'entrée ici dans ce Parlement que les trois députés - en commission parlementaire - je le dis comme je le pense - lorsque les propositions gouvernementales sont déraisonnables, effectivement, elles entraînent une mobilisation de l'opinion publique qui force le gouvernement à réviser ses positions.

Si le processus d'une commission parlementaire a été introduit, qui n'apparaissait pas dans l'avant-projet de loi et qui apparaît maintenant dans le projet de loi, c'est justement pour permettre qu'un débat ait lieu en commission parlementaire. Si ce que l'une ou l'autre des parties propose est déraisonnable, par la couverture que les médias accorderaient aux travaux d'une telle commission, ce serait certainement l'objet de réflexions de la part d'un gouvernement, quel qu'il soit.

Qu'est-ce qui est inacceptable dans l'amendement du député de Rosemont. C'est la dernière question qu'il m'a posée. D'abord, en ce qui concerne le premier paragraphe, lorsqu'il propose que les stipulations de la convention collective qui portent sur les salaires et les échelles de salaires soient négociées et agréées à l'échelle nationale pour une période maximale de trois ans, à moins d'ententes à l'effet contraire entre les parties négociantes à l'échelle nationale, je dirai simplement là-dessus que le Code du travail prévoit déjà cela. Alors, il n'y a rien de neuf sous le soleil à cet égard. Cela ne change strictement rien, le député le reconnaît. C'est le statu quo à cet égard.

En ce qui concerne la deuxième partie, sans entrer sur la question du droit de grève ou pas, nous avons évalué cette possibilité de fixer une troisième année ouverte sur la base de paramètres prédéterminés. Le député m'a déjà dit que le projet de loi n'était pas franc, et non pas moi, m'a-t-il dit, je dirai qu'après avoir soupesé toutes ces hypothèses afin d'essayer de déterminer les indices composés ou composites, d'attribuer à l'avance un certain poids à la croissance du PIB, à la croissance du salaire industriel moyen, à celle des taux d'intérêt, de l'inflation, des taux de change, cela conduit à de la prédétermination des salaires trois ans à l'avance. Entre diverses possibilités, on a examiné la possibilité d'une convention de deux ans, on a examiné ce qu'on appelait la formule dite d'un horizon glissant, c'est-à-dire de s'entendre ferme pour une année et d'avoir des paramètres prédéterminés entre les parties pour la deuxième année, pour que, de cette façon, de façon continue, on négocie avec une année ferme, une année ouverte. Après avoir bien soupesé le pour et le contre de toutes et chacune de ces hypothèses, au-delà de la question du droit de grève, en dehors de la question du droit de grève sur la rémunération, nous en sommes venus à la conclusion qu'il valait mieux faire maintenant un choix clair, précis, de dire que les rémunérations, les traitements... Ce n'est pas ma faute, c'est mon nom, je suis venu au monde avec, j'y suis habitué. Alors, on a préféré faire un choix où les règles du jeu seraient précises, si vous préférez le terme, où les rémunérations évolueraient annuellement. C'était là la meilleure garantie qu'on pouvait offrir au gouvernement et aux salariés des secteurs public et parapublic, que les rémunérations évolueraient le plus possible en conformité par rapport à ce qui se passe dans le reste de l'économie. Il n'y a pas de formule mathématique savante ou de paramètres composés qui peuvent, mieux que la fixation annuelle des salaires, permettre cela, et c'est la raison pour laquelle je considère que cette partie de l'amendement du député est inacceptable pour le gouvernement puisque l'orientation prise, c'est celle que je viens d'évoquer. Voilà pour les réponses, parce que j'avais dit au député d'Argenteuil - il faut que je tienne parole aussi - que je serais assez bref.

M. Ryan: L'essentiel aurait pu être dit en deux minutes, M. le Président. On aurait mieux compris.

M. Clair: Non, non, je connais l'esprit éclectique, synthétique du député d'Argenteuil, mais malheureusement je ne l'ai pas.

M. Laplante: Vous n'êtes pas "circoncis" tellement vous non plus.

Une voix: Circoncis? M. Clair: Circonscrit. M. Laplante: Circonscrit.

M. Clair: Si cela vous est arrivé, j'espère qu'au moins c'est arrivé dans votre

circonscription.

M. le Président, très rapidement, pour la députée des Îles-de-la-Madeleine. Elle a fait valoir trois points que j'ai notés de cette façon. Elle a parlé des abus que les gouvernements successifs auraient commis. Chacun a son interprétation, mais j'aurais tendance à employer l'expression que quelqu'un d'autre a déjà utilisée avant moi. Sur le plan salarial - je ne parle pas de corrections en termes relatifs, mais en termes de gravité - nommez-moi un seul cas d'abus grave, majeur, concernant la rémunération qui a été commis dans le secteur public par rapport au secteur privé en termes de discrimination.. Autrement dit, quand est-il arrivé que dans le secteur public le gouvernement ait eu une politique salariale discriminatoire dans le sens d'aggraver des discriminations qui auraient existé dans le secteur privé? Je pense que cela va être difficile d'en trouver.

Mme Le Blanc-Bantey:... la question du ministre.

M. Clair: Elle parlait des abus que les gouvernements auraient commis. Je pense que, sur le plan salarial, je suis en désaccord. La députée dit que c'est par électoralisme...

Mme Le Blanc-Bantey: La députée.

M. Clair: La députée, c'est ce que j'ai dit. La députée dit que ce serait par électoralisme. M. le Président, je ne suis pas un savant tacticien ni analyste politique, mais je dirai que, par électoralisme, actuellement, ce qui serait le plus simple, c'est l'approche du Parti libéral qui, à mon avis, sur le plan de la stricte rentabilité politique à court terme, pourrait probablement être celle qui est la plus facile à défendre. Je ne dis pas, par rapport aux conséquences qu'il aurait à envisager advenant que ce soit une telle réforme, que cela ne demanderait pas beaucoup de détermination pour mettre en oeuvre une telle réforme au-delà d'en parler. Je pense que par électoralisme, au sens péjoratif dans lequel la députée l'employait, ce ne serait pas le genre de réforme qu'on propose actuellement. (21 heures)

En ce qui concerne les scénarios catastrophiques annuels qui pourraient se produire, quant à moi, j'ai confiance dans le sens des responsabilités de la partie patronale, des syndicats du secteur public, des salariés. Dans la mesure où toutes les parties voudront donner une chance sincère a cette réforme d'être mise en oeuvre, je n'entrevois pas, quant à moi, de scénario catastrophique annuel. Je pense qu'au contraire ce qu'on aura mis en marche, c'est une première phase de développement de relations du travail moins conflictuelles dans les secteurs public et parapublic.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci. Je n'allais pas intervenir sur cet amendement.

M. Clair: M. le Président, pour ajuster autant que faire se peut mon comportement, pour les heures qu'il nous reste, sur les attentes de l'Opposition officielle et des députés indépendants, j'aimerais qu'il y ait un minimum de concertation. J'avais indiqué à l'avance que je préférerais intervenir à la fin des interventions des indépendants. Remarquez que ce n'est pas... Cela ne s'impose pas, mais je le proposais. Si cela peut agréer, tant mieux, sinon j'essaierai de restreindre davantage mes interventions.

M. de Bellefeuille: Je ne veux pas troubler l'ordre des choses que le ministre avait prévu. Comme j'étais en train de le dire, je n'avais pas l'intention d'intervenir sur cet amendement, mais ce sont les propos du ministre qui me forcent à exprimer, en toute simplicité, l'avis que le râle que le gouvernement, le ministre, le projet de loi prévoit pour une commission de l'Assemblée nationale est obscur. Ce n'est pas clair. C'est un peu comme le rôle de l'institut dans le système proposé par le ministre, ce n'est pas clair. Je pense que nous nous mettrons facilement d'accord que l'Assemblée nationale n'a pas à se mettre à intervenir dans un processus de négociation. Nous nous mettrons également d'accord que l'Assemblée nationale n'a pas à intervenir ou à se prendre pour une médiatrice. Le ministre a raison de parler d'un effet modérateur, temporisateur par rapport à l'opinion publique, lorsque les gens viennent présenter leurs propositions à l'Assemblée nationale qui est composée des représentants de toute la population québécoise. Il est bien sûr que cela a cet effet. Sur ce point, je suis tout à fait d'accord avec le ministre. Je ne suis pas en train de dire qu'un recours comme celui-là à l'Assemblée nationale est nécessairement de mauvaise inspiration. Au contraire, c'est le genre de mécanisme que personnellement -on ne s'en étonnera pas puisque je suis député - je tends à favoriser à cause de cet effet modérateur. En soi, c'est une bonne chose, mais dans l'ensemble du contexte...

M. Ryan: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: 11 me semble que

l'intervention de l'Assemblée nationale, ça vient à l'article 54. Il me semble que nous sommes sur un amendement à l'article 52. Est-ce que je me trompe?

M. de Bellefeuille: Sur la question de règlement. Le député d'Argenteuil en un sens a raison, mais j'ai été induit, entraîné sur cette pente glissante par le ministre lui-même qui vient de faire référence...

M. Clair: Lui-même avait été entraîné par le député de Rosemont.

M. de Bellefeuille: Tout se tient, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, tout se tient, mais je pense que c'est pertinent ce que M. le député d'Argenteuil vient de signaler à la présidence.

M. de Bellefeuille: Autrement dit, le ministre lui peut violer le règlement. Cela n'a pas d'importance, il peut continuer, mais les députés de l'opposition, ce n'est pas pareil.

Le Président (M. Lachance): Cela ne m'a pas été signalé jusqu'à maintenant.

M. Ryan: On va surveiller le ministre de très près aussi.

M. de Bellefeuille: M. le député d'Argenteuil, il n'en tenait qu'à vous de le faire. J'ai pensé que plutôt que, de faire de l'obstruction et de faire de la procédurite, il valait mieux discuter la question au mérite. C'est ce que je fais, discuter de cette question du rôle de l'Assemblée nationale dans tout ce mécanisme. Si le président juge que c'est conforme au règlement, je recommencerai depuis le point a, quand ce sera conforme au règlement.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'on peut disposer...

M. de Bellefeuille: Ce n'est pas une menace. C'est une intention que j'annonce, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci.

M. Ryan: Ce qui est conforme à vos droits.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le député d'Argenteuil.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'on peut disposer de la motion d'amendement du député de Rosemont? Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Rejeté.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Favorable à la motion.

M. Paquette: Est-ce qu'on pourrait procéder? C'est parce que ma collègue était sortie quelques instants. Je suis sûr qu'elle demanderait un vote nominal, question de savoir qui est pour et qui est contre.

Mme Le Blanc-Bantey: J'avais effectivement, M. le Président, depuis tout à l'heure, décidé de demander un vote nominal. Je m'excuse de m'être absentée quelques minutes.

Le Président (M. Lachance): Nous allons procéder. M. le secrétaire. Est-ce que vous voulez faire l'appel nominal, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Oui. Mme Juneau (Johnson)?

Mme Juneau: Rejeté.

Le Secrétaire: M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Rejeté.

Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?

M. Baril (Arthabaska): Rejeté.

Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville)?

M. Beauséjour: Contre.

Le Secrétaire: M. Laplante (Bourassa)?

M. Laplante: Contre.

Le Secrétaire: M. Clair (Drummond)?

M. Clair: Contre.

Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine)?

Mme Le Blanc-Bantey: Pour.

Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?

M. Ryan: Pour.

Le Président (M. Lachance): Alors, pour 2; 6 contre. La motion d'amendement du député de Rosemont est rejetée.

Alors, nous revenons à l'article 52. Est-ce que l'article 52 est adopté?

Une voix: Sur division.

M. Paquette: M. le Président, il va être adopté sur division. C'est ce qui arrive quand le gouvernement a tout le rapport de forces de son côté.

Mme Le Blanc-Bantey: On va redemander le vote nominal.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Mme Juneau (Johnson)? Une voix: Tu votes contre? Mme Juneau: Mais non!

Le Secrétaire: M. Dussault (Châteauguay)?

M. Clair: Ce n'est plus la même chose, là.

Une voix: L'article 52?

Le Président (M. Lachance): C'est bien cela. L'article 52, tel que vous le voyez dans le projet de loi.

M. Dussault: Pour, M. le Président.

Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?

M. Baril (Arthabaska): Pour.

Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville)?

M. Beauséjour: Pour.

Le Secrétaire: M. Laplante (Bourassa)?

M. Laplante: Pour.

Le Secrétaire: M. Clair (Drummond)?

M. Clair: Pour.

Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine)?

Mme Le Blanc-Bantey: Contre.

Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?

M. Ryan: Contre.

Le Président (M. Lachance): Alors, l'article 52 eat adopté...

M. Laplante: Pourriez-vous nous dire le temps qu'on a passé sur l'article 52?

Le Président (M. Lachance): C'est très facile. C'est depuis le début de nos travaux aujourd'hui.

Mme Le Blanc-Bantey: M. le député de Bourassa, c'est un article qui interdit le droit de grève, à toutes fins utiles, dans le secteur de la rémunération.

Le Président (M. Lachance): Pour éviter de perdre du temps supplémentaire pour le travail de la commission, M. le député de Bourassa, vous allez convenir que je n'ai pas à faire de calculs. J'appelle donc l'article 53. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Ayant pris connaissance de l'article 53, je trouve qu'il découle logiquement de ce qui a été adopté antérieurement. Je veux vous informer que je serais prêt à voter sur cet article.

M. Clair: Attendez un peu. J'ai un amendement, M. le Président, à proposer à l'article 53. Je m'excuse. Je voudrais proposer que l'article 53 du projet de loi soit modifié par le remplacement, dans la cinquième ligne, des mots "les stipulations portant sur les" par les mots "la détermination des". Il s'agit d'un changement de vocabulaire visant à tenir compte du fait que les salaires et échelles de salaires sont objet de règlement et non de convention, même s'il y a entente.

Le Président (M. Lachance): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Paquette: M. le Président, dans l'esprit général, je vois que le ministre est tout à fait logique et conséquent...

M. Clair: Et franc, vous le reconnaîtrez.

M. Paquette: On n'a jamais dit le contraire. On a dit que c'était le projet de loi et l'approche qui ne l'étaient pas, et non le ministre qui défend, je pense, ses opinions et qui a le droit de différer d'opinion avec nous. Évidemment, nous différons d'opinion sur le rôle qu'on fait jouer à l'institut, qui va miner sa crédibilité parce qu'on l'insère dans un organisme, dans une mécanique patronale. Le ministre, pour être bien sûr, nous amène un amendement disant que tout cela sera bien déterminé par règlement. C'est tout à fait conséquent avec son projet de loi et nous ne pouvons que nous y opposer, M. le Président.

M. Ryan: Je ne comprends pas très bien. Je vais être obligé de demander des explications au ministre. Je serais porté à croire que, s'il y a entente entre les deux parties, il y a convention. Maintenant que, du point de vue gouvernemental, la convention doive être ratifiée par un règlement, je comprends cela très bien. Je pense que, si ce sont les deux qui se

complètent, il n'y a pas d'objection, mais, si la réalité de la convention devait être éliminée au profit de la réalité de règlements uniquement, là, j'aurais des objections. Dans la mesure où vous me dites: S'il y a entente et qu'ensuite cela suit le processus qui va plus loin et que cela débouche sur un règlement, je comprends cela très bien.

M. Clair: C'est-à-dire que, s'il y a entente, le projet de règlement reproduit l'entente, mais cela ne vient pas pour autant constituer une nouvelle convention collective. Cela s'introduit dans la convention collective et c'est réputé en faire partie. J'ignore à quel... je pense que c'est à l'article 56. C'est cela: "Une fois fixés par règlement, les salaires et échelles de salaires font partie de la convention collective et ont le même effet que des stipulations négociées et agréées à l'échelle nationale. "

Comme je le disais tantôt, c'est pour être plus direct et reconnaître le fait que les salaires, par la mécanique prévue, font l'objet d'une détermination et non pas, à cet égard, d'une convention. Dans le règlement, rien n'empêche que - je le souhaite - des ententes de principe interviennent, mais elles sont introduites dans la convention collective à compter du moment où il y a un règlement et, de cette façon, par le biais de l'article 56 dans la convention.

Si vous voulez des renseignements plus techniques, peut-être que Me Brière...

M. Ryan: Oui.

M. Clair:... ou Me Munn...

M. Ryan: Des fois, ce n'est pas mauvais d'avoir...

Une voix: Les explications sont conformes.

M. Ryan: Pardon?

M. Clair: Ils me disent qu'ils viendraient dire la même chose que j'ai dite.

M. Ryan: Maintenant, juste pour que ce soit net, prenons la première année. Il y a entente entre les deux parties pour la première année.

M. Clair: Oui.

M. Ryan: Là, en vertu de l'article 54, le président du Conseil du trésor va déposer devant l'Assemblée nationale un projet de règlement.

M. Clair: Pour la deuxième et la troisième année.

M. Ryan: Où est-ce que vous voyez cela? Ce n'est pas marqué dans...

M. Clair: Non, non.

M. Ryan:... l'article 54.

M. Clair: Alors, Me Jules Brière.

M. Brière (Jules): Je pense qu'il faut relire le deuxième alinéa de l'article 52.

M. Ryan: Oui.

M. Brière: Au fond, l'article 52 parle d'une entente sur la première année de la convention collective et pour les années qui suivent...

M. Ryan: Très bien.

M. Brière:... n'est-ce pas?

M. Ryan: Très bien.

M. Clair: C'est qu'à l'intérieur de la même convention collective il y a deux modes de détermination...

M. Ryan: Très bien.

M. Clair:... des salaires et échelles de salaires.

M. Ryan: Cela veut dire que, s'il y a entente pour la première année, il n'y a pas de règlement.

M. Brière: Non.

M. Clair: Non.

M. Ryan: Très bien.

M. Clair: Non, non.

M. Ryan: C'est cela que...

Le Président (M. Lachance): Est-ce que l'amendement est adopté? Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

M. Ryan: Attendez un petit peu.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je veux juste vérifier l'article 53.

Le Président (M. Lachance): Sur l'amendement, M. le député?

M. Ryan: C'est parce que l'article 53 couvre la première année. Il ne touche pas à la première année du tout?

M. Brière: Non, non. Le deuxième alinéa de l'article 52 le précise: "... pour chacune des deux années qui suivent celle où s'appliquent ces stipulations, les salaires... " sont déterminés de la façon suivante... Alors, les articles 53, 54, 55 s'appliquent, admettons, pour l'an 2 et l'an 3 de la convention.

M. Ryan: C'est clair comme cela, d'après vous.

M. Brière: Et là, c'est déterminé. M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Lachance): Cela va? Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Le Blanc-Bantey: Très rapidement parce que j'avais un certain nombre de questions que le député d'Argenteuil a très élégamment posées à ma place. Je voudrais dire au ministre, pour être conséquent et cohérent avec ce qu'il nous a dit depuis le début de la discussion sur les négociations de la rémunération, qu'il devrait enlever le mot "négocie" de l'article 53.

Une voix: Bien oui.

Mme Le Blanc-Bantey: Même si je n'en fais...

M. Clair: Non, M. le Président.

Mme Le Blanc-Bantey:... pas un amendement formel, en me disant: Espérons que l'esprit finira par changer et qu'on négociera vraiment.

M. Paquette: M. le Président, là-dessus, on va revenir à l'article 44. Au deuxième alinéa de l'article 44, le ministre avait employé le terme "discussion"; peut-être que le terme conviendrait davantage ici que "négociation".

M. Clair: M. le Président, l'article 44...

M. Paquette: C'est un peu curieux.

M. Clair:... quand on parie des modalités de discussion entre les parties pendant la durée de la convention collective dans le but d'aplanir leurs difficultés, je pense qu'il s'agit d'une toute autre chose que ce qui est prévu à l'article 53.

M. Paquette: Oui, oui, je veux bien.

Mais...

M. Clair: Et quand on emploie le mot "négocie", j'ai eu l'occasion de le dire dans le débat de deuxième lecture, il n'y a qu'au Québec, ou à peu près, ainsi que dans certaines provinces canadiennes et dans certains pays Scandinaves, où la notion même de négociation signifie un rapport contractuel entre le gouvernement et les syndicats du secteur public de ces pays pour la détermination des salaires. Je pense que ce n'est pas impropre que d'employer le mot "négocie" dans ce cas, même si je suis conscient que le concept de négocier, tel qu'il est généralement entendu au Québec, signifie droit de grève, convention collective, rapport de forces. Mais je pense que, dans ce cas-là, le mot n'est pas employé d'une manière impropre.

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil, d'abord, et, ensuite, on reviendra.

(21 h 15)

M. Ryan: À la lumière des explications fournies par le conseiller juridique du ministre tantôt, je conviens que l'article 53 porte uniquement sur la deuxième et la troisième année. En conséquence, je dois vous prévenir que je voterai contre cet article, contrairement à ce que j'avais indiqué tantôt parce que ma lecture était différente.

M. Clair: Parce que vous pensiez que cela couvrait la première année?

M. Ryan: Oui. Nous sommes contre cet échelonnement sur trois années, avec des procédures différentes. Par conséquent, logiquement, je pense que vous comprendrez que je sois opposé à cette clause.

Le Président (M. Lachance): On parle toujours de l'amendement, ou bien on parle...

M. Ryan: Comme j'ai déjà énoncé mes motifs lors de la discussion générale, je craindrais qu'à force de les répéter je ne les affaiblisse.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée.

Mme Le Blanc-Bantey: Le ministre me permettra de réagir parce qu'il a une vision totalement différente des mots "négocier au Québec" de la mienne. Évidemment, il ne m'a pas convaincue par ses arguments. Le ministre dit: Négocier au Québec...

M. Clair: Ils étaient très brefs.

Mme Le Blanc-Bantey:... c'est rapport de forces, droit de grève, etc. Je dis: Pour moi, négocier au Québec, c'est la volonté réelle des deux partenaires d'en arriver à une entente, à un règlement. C'est aussi la bonne foi et le respect de l'autre partie, ce

qui n'est pas évident depuis le début, dans les propos tenus à cette commission.

M. Clair: Ce serait trop long probablement, mais est-ce que la députée a vraiment lu l'étude... Je n'ai jamais eu l'occasion de lui poser la question. Est-ce qu'elle a lu l'étude de MM. Jean-Claude Cadieux et Jean Bernier sans considérer cela comme une bible? Je l'invite à relire les pages 7, 8 et 9 où on traite de cette question de négocier des conventions collectives; c'est très intéressant à lire.

M. Paquette: M. le Président.

M. Clair: Je sais que, si j'entrais là-dedans, cela risquerait d'élargir le débat et de l'allonger.

Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, j'accepterais de la relire si le ministre acceptait de relire certaines études avant d'adopter le projet de loi.

Le Président (M. Lachance): Je voudrais...

M. Paquette: M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M. Lachance): Oui, je voudrais quand même vous signaler que je fais preuve de largesse, compte tenu de notre règlement, que nous en sommés à la discussion sur l'amendement de l'article 53. Si vous n'avez pas d'autres remarques, on pourrait revenir sur l'ensemble du projet de loi, tel qu'amendé. Est-ce que vous êtes prêts à disposer de l'amendement tout de suite?

M. Paquette: Si vous voulez.

Le Président (M. Lachance): Oui? Est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix: Sur division.

Le Président (M. Lachance): Sur division? Bon, très bien. Maintenant, nous allons poursuivre la discussion sur l'article 53, tel qu'amendé. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je veux bien convenir avec le ministre que dans l'étude qu'il a précitée, le mot "négociation" peut avoir un sens différent, que l'on soit au Québec, dans certaines provinces canadiennes, dans les pays Scandinaves ou dans d'autres pays où les salariés ne sont pas en relation contractuelle avec l'État. Cependant, on doit lui donner un sens qui colle au contexte où l'on vit, d'autant plus que le projet de loi du ministre est hybride sur certaines choses. Il y aura de véritables négociations, notamment sur les salaires de la première année et sur les conditions normatives. On peut aussi appliquer le terme au niveau local, bien qu'avec le projet du ministre il ne s'agisse pas non plus de véritables négociations. Je ne veux pas jouer sur les mots. Il s'agit de discussions qui mènent, non pas à une entente discutée librement et agréée par les deux parties, mais à un règlement gouvernemental. Il me semble que le terme de "négociation" vient fausser le sens de l'article. Il vaudrait peut-être mieux employer le terme "discussion". On discute avec les groupements d'associations de salariés, puisque tout cela ne se termine pas par une entente signée par les deux parties, mais, dans tous les cas, par un règlement gouvernemental qui sera imposé, compte tenu du processus établi à l'article 54. Je pense qu'il ne faut pas utiliser un terme avec deux sens différents dans un projet de loi. Il me semble que les intentions seraient plus claires. Il s'agit de discussions menant à un règlement gouvernemental; ce n'est pas autre chose que cela.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le ministre a cité tantôt l'étude de MM. Cadieux et Bernier. À la page 7 de cette étude, on trouve des explications sur la signification du mot "négocier". Les auteurs notent opportunément que, au Québec, on a l'habitude de négocier des conventions collectives dans le secteur public, et je cite: "Le gouvernement est donc obligé, comme n'importe lequel employeur du secteur privé, de se plier aux règles du processus contractuel. Ce système de règles est désigné souvent par les expressions "libre négociation", "négociation de bonne foi" et "négociation d'égal à égal". Il implique pour les deux parties une série d'obligations: - ce sont des choses qui découlent directement du concept de négociation comme ils le formulent - l'obligation de ne pas se dérober à son devoir de négocier; le gouvernement n'a pas le choix de négocier ou non; il est juridiquement obligé de le faire; l'obligation de ne pas imposer à l'autre partie contractante des conditions préalables à la négociation, par exemple des conditions quant à la durée de la négociation: ". Je crois que dans ce projet de loi il y a des...

Une voix:...

M. Ryan: Oui, Oui. "L'obligation de ne rien exclure du champ de la négociation... ". Là, j'ai fait venir un autre instrument, le Dictionnaire...

M. Clair: Pour accélérer les travaux.

M. Ryan:... des relations du travail. Le mot "négocier", j'ai souligné à plusieurs reprises moi-même dans des interventions antérieures, qu'il ne faut point en abuser, qu'il faut en user avec toute la précision et toute la rigueur nécessaires. Peut-être que le ministre peut le regarder. Je n'ai pas peur, c'est un instrument public. Ici, on dit, par conséquent: "L'obligation de ne rien exclure du champ de la négociation sans l'accord de l'autre partie; à l'exception de quelques points précis stipulés dans la loi, tout est négociable; l'obligation de considérer chaque proposition de l'autre partie; non seulement tout est négociable mais tout doit être négocié; chaque terme de l'accord doit être discuté si l'autre partie l'exige; l'obligation enfin de respecter tous les termes de l'accord une fois qu'il a été conclu... "

Il me semble que, dans ce texte, à l'article suivant, le gouvernement limite et impose à la partie contractante des conditions préalables à la négociation et en particulier les conditions quant à la durée de la négociation. Cela va contre contre le concept de négociation. C'est là que la remarque faite par la députée des Îles-de-la-Madeleine me paraît pertinente. Il y a lieu de s'interroger sur le bien-fondé de l'utilisation à ce point. Pour la première année, il n'y a pas de problème, mais à ce point-ci il y a lieu de s'interroger sur l'utilisation du beau mot "négociation" qui ne doit pas être galvaudé par le pouvoir politique.

M. Clair: M. le Président, justement sur cela, le député d'Argenteuil nous disait hier même, lorsqu'on a parlé des explorations concernant l'hypothèse de règlement possible: Ne jouons pas sur les mots. Il n'y avait pourtant pas droit de grève. Il a dit: Appelons cela une négociation, c'est une négociation. Aujourd'hui, il semble avoir changé d'idée. Je n'ai pas eu le temps de lire rapidement toute la définition du mot "négociation" du dictionnaire, mais, si on continue - et j'ai reconnu qu'on voulait s'orienter vers un changement de concept -quand on lit la suite du rapport Cadieux-Bernier, il est dit: "II est arrivé à certaines occasions que le gouvernement du Québec, en cas d'impasse dans les négociations ou de grèves dans le secteur public, suspende le processus de négociation et fasse appel au pouvoir législatif pour décréter les conditions de travail des employés de l'État. Ce faisant, le gouvernement se soustrayait au cadre juridique habituel et se plaçait dans le cadre de l'appareil législatif, exceptionnellement entre guillemets et au nom du bien commun - entre guillemets - en situation d'autorité vis-à-vis des syndicats. Cette situation considérée exceptionnelle du point de vue québécois s'apparente au fonctionnement normal des pays visités. "Aucun des gouvernements des pays en cause n'est tenu juridiquement, pour déterminer les conditions de travail de l'ensemble des employés du secteur public, d'entrer avec leurs représentants syndicaux dans une relation contractuelle. Les conditions de travail sont déterminées par le gouvernement, soit par voie réglementaire, soit par voie législative. Ces conditions de travail ne sont donc pas, du point de vue juridique le résultat de la volonté mutuelle des parties mais le produit d'une décision souveraine de l'État. "Cela ne signifie pas qu'il n'existe aucune forme de discussion entre les représentants des syndicats et les représentants des gouvernements concernés préalablement à la détermination des conditions de travail. Mais - et j'insiste -"négocier" dans les pays européens ne signifie pas automatiquement "négocier des conventions collectives" et les gouvernements n'entrant pas avec les syndicats dans une relation contractuelle ne sont pas obligés de s'astreindre à l'ensemble des obligations que suppose, pour la conclusion d'un contrat, une "négociation d'égal à égal". "

Cette problématique, si elle est soulevable - et je reconnais qu'elle est soulevable - dans le projet de loi tel qu'il est, que le député d'Argenteuil s'imagine à quel point cette même problématique est soulevable lorsqu'ils parlent, de leur côté, par les amendements qu'ils ont proposés, de retirer complètement le droit de grève sur les questions salariales et de les maintenir cependant comme faisant partie des conventions collectives! C'est ce qui m'amenait à dire: Appelons un chat, un chat. Si on enlève complètement le droit de grève sur la rémunération, on peut continuer d'appeler ça négociation, mais il faut reconnaître que le contenu dans le concept vient de changer et, à ce moment-là, qu'il n'y a plus, à proprement parler, de relation contractuelle entre le gouvernement et les syndicats. Nous avons voulu, quant à nous, introduire une formule mixte.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais simplement vous donner ta définition de la négociation collective qu'on trouve dans le Dictionnaire des relations du travail, de M. Gérard Dion.

M. Clair: Qui doit représenter la réalité canadienne ou québécoise.

M. Ryan: C'est un instrument de référence qui fait autorité dans tous les milieux de relations du travail, comme pourraient l'attester vos collaborateurs en arrière. Voici ce qu'il dit: "Procédé selon lequel, d'une part, un employeur, une

association d'employeurs et, d'autre part, un syndicat cherchent à en venir à une entente sur des questions relatives aux rapports du travail dans l'intention de conclure une convention collective à laquelle les deux parties souscrivent mutuellement. La plupart du temps, la négociation collective se fait par l'intermédiaire de représentants. La négociation collective présuppose donc l'existence de parties distinctes, d'un but commun recherché ensemble et d'intérêts divergents qu'on cherche à accommoder pour une période habituellement déterminée, comme en Amérique du Nord, parfois indéterminée, comme il arrive en Grande-Bretagne... " On sort de l'Amérique, on va jusqu'à la Grande-Bretagne inclusivement, on n'est pas encore sur le continent. Je poursuis la citation: "Dans la négociation collective, chacune des parties s'efforce de convaincre l'autre du bien-fondé de son point de vue sur les sujets débattus et utilise, pour atteindre ses fins, les moyens de persuasion ou de pression dont elle dispose jusqu'à la grève ou le lock-out inclusivement, si ceux-ci s'avèrent nécessaires et efficaces. "

Ceci pour conclure que, dans le langage établi par l'usage, le concept de négociation collective se réfère, comme l'a dit la députée des Îles-de-la-Madeleine, à un exercice qui comporte la négociation jusqu'à l'emploi, si jugé nécessaire par l'une ou l'autre des deux parties, du lock-out ou de la grève. Je crois comprendre ce que la députée des Îles-de-la-Madeleine vous demande. C'est d'envisager s'il n'y aurait pas un terme plus adéquat que le terme "négocier" pour définir ce que vous allez faire ici. En tout cas, ça, c'est la définition, ce n'est pas une bible, encore une fois, mais c'est un très bon instrument de travail et meilleur que la définition que j'ai pu laisser supposer, moi, dans une intervention improvisée hier. Je me rends facilement à la définition de l'abbé Dion que j'ai eu le plaisir de rencontrer ce matin, ici même, d'ailleurs.

M. Clair: Oui, nous disons tous les deux la même chose, M. le Président. Je dis simplement que de notre côté nous voulons faire évoluer le concept. Je n'ai pas eu de difficulté, c'est pour cela que j'ai cité Cadieux et Bernier. Ils décrivent fort bien que la...

M. Ryan: Mais ils sont encore loin d'un dictionnaire, eux autres.

M. Clair: Pardon?

M. Ryan: Ils sont encore très loin d'un dictionnaire avec leur rapport.

M. Clair: Oui, ils sont très loin d'un dictionnaire, mais ils recoupent la même réalité décrite par le député d'Argenteuil. On dit tous les deux la même chose, sauf que, moi, je dis: On veut faire évoluer le concept.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je suis assez incrédule. J'ai du mal à croire ce que j'entends. Le ministre nous dit qu'il veut faire évoluer les concepts ou le concept. Quel étrange rôle pour un gouvernement que de se mettre en tête de faire adopter par l'Assemblée nationale des choses qui font évoluer les concepts! C'est inimaginable! C'est du Orwell. C'est extraordinaire! C'est 1984 en 1985.

M. Paquette: On dirait que le ministre a commencé à préparer son...

M. de Bellefeuille: C'est incroyable: Le ministre veut faire évoluer le concept, il veut le faire entrer dans le moule que lui a déterminé. Il n'est pas très cohérent, d'ailleurs, le ministre, par rapport au vocabulaire. Là, je ne parle pas de la féminisation parce que là-dessus il est cohérent. Bon. Il n'est pas cohérent par rapport au vocabulaire parce qu'au début de nos travaux il nous a sorti des dictionnaires. Alors, nous, pour ne pas être en reste, on est allé en chercher aussi, comme le député d'Argenteuil vient de le faire. Quand on lui a fait observer que le mot "corporation", selon les dictionnaires français usuels, cela n'avait pas du tout le sens que le projet de loi lui donne, il nous a répondu: Ah, mais au Québec, c'est cela que ça veut dire. Ses juristes sont venus nous dire: Oui, oui, au Québec, dans nos lois - M. Brière nous a dit cela - c'est cela que ça veut dire. Moi, je me suis incliné. Au Québec, cela veut dire ça, parfait. On est Québécois, on va parler le français comme il se parle au Québec. Qu'est-ce qu'il dit ce soir, le ministre? Il nous a dit: Au Québec, la négociation, ça veut dire: droit de grève, convention collective et rapport de forces, mais, moi, ministre, président du Conseil du trésor, je le mets dans la loi dans un autre sens parce qu'il faut que les concepts évoluent. Moi, je ne comprends plus rien. C'est un monde "fucké", pour employer un mot que tout le monde comprendra. C'est tout biscornu et distordu, puis c'est tout croche. Premier point. C'est le ministre... (21 h 30)

M. Paquette: Détournement de concepts.

M. de Bellefeuille: C'est le ministre qui dit qu'il faut appeler un chat un chat. Bien non! II veut appeler une discussion une négociation. Donc, il veut appeler un rat un

chat, pour reprendre le vocabulaire du député de Bourassa.

Deuxième point. Je voudrais faire une suggestion au ministre que je ne présenterai pas sous forme d'amendement parce que, si je la présentais sous forme d'amendement, cela voudrait dire que j'accepterais l'article une fois amendé, ce qui n'est pas le cas. Donc, c'est une suggestion. On a vu que le député d'Argenteuil, qui est un législateur extrêmement consciencieux, peut-être le législateur le plus consciencieux que j'aie vu travailler à l'Assemblée nationale, a eu du mal à être certain que l'article 53 s'applique seulement en fonction du deuxième alinéa de l'article 52. Me Brière est venu confirmer: Oui, oui, ce n'est pas tout le temps, c'est juste la deuxième et la troisième année, parce que ce n'est pas clair.

M. le ministre, un projet de loi, surtout dans un domaine critique comme celui-là, il faut qu'il soit clair. Je ne veux pas faire de vilain jeu de mots sur votre nom, mais vous employez vous-même ce mot. Il faut que ce soit clair, mais ce n'est pas clair. Je suis peut-être moins consciencieux que le député d'Argenteuil, je passe sur des choses parce que je me dis que les gens vont comprendre, mais c'est évident que ce n'est pas si facile à comprendre. Pourquoi ne dites-vous pas quelque chose comme, au début de l'article: pour la deuxième et la troisième année, après publication par l'institut? Au moins, on ne serait pas obligé de faire venir des juristes pour vérifier que c'est bien ce que cela veut dire. C'est juste une suggestion que je vous donne comme cela, parce que j'ai un grand coeur.

Troisième point. Là, je voudrais parler à M. le président, mais, en réalité, je m'adresse à mes collègues ministériels, tous: celui de Bourassa, celui d'Arthabaska, celui de Châteauguay et celle de Johnson. Je voudrais dire à mes collègues, que j'estime beaucoup, qu'il est clair, ce soir, que la guillotine ne tenant plus qu'au fil qui va bientôt être coupé, le comportement du ministre est tel que le temps ne lui importe plus. C'est: "Ô temps, suspends ton vol". On vit dans une espèce d'interrègne en regardant le couperet et ça n'a pas d'importance; donc, on peut causer. Le ministre cause. Il a raison, je n'ai pas d'objection. Il y a des choses qu'il dit qui sont intéressantes, mais pourquoi est-ce que ses quatre collègues ministériels n'en profitent pas pour causer aussi et sortir de leur pénible mutisme? Vos électeurs pensent que vous avez quelque chose à dire, et ils ont raison. Moi, je vous connais, je sais que vous avez des choses à dire. Vous n'êtes pas obligés, par solidarité, d'être d'accord avec la dernière virgule de ce mauvais projet de loi. Vous avez des choses à dire, dites-les! Cela nous intéressera passionnément et le ministre ne vous en voudra pas parce qu'il nous a clairement indiqué que le temps ne compte plus et qu'on cause.

Quatrième point. Une autre suggestion au ministre et je n'en ferai pas une motion qu'on dirait, évidemment, dilatoire. Quelle horreur! Les parlementaires parlent, les parlementaires usent du droit de parole. Quel scandale pour l'Exécutifl La suggestion que je veux faire au ministre, c'est celle-ci: II a fait son travail, la guillotine s'en vient, le projet de loi est là, c'est presque une loi; c'est une question d'heures et ce sera une loi. Cette loi lui échappe, elle ne relèvera plus de lui, ce n'est pas lui qui sera chargé de l'application de cette loi. Pourquoi ne fait-il pas venir son collègue du ministère du Travail? C'est lui qui sera chargé de ce beau bébé, qui va prendre ce beau bébé dans ses mains et il faudra qu'il le soigne; il aura bien besoin de soins. Pourquoi le ministre du Travail ne viendrait-il pas un peu voir ce qui se passe en commission parlementaire et nous parler un peu, essayer de comprendre ce qu'on pense de ce projet de loi? Cela l'aidera peut-être, on ne sait jamais. J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): D'accord. J'étais pour vous suggérer de causer sur l'article 53.

M. de Bellefeuille: Cela fait au moins deux points sur lesquels j'enfreins le règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Bon, vous voyez la tolérance de la présidence. M. le député de Châteauguay.

M. de Bellefeuille: Oui, et je vous en remercie.

M. Dussault: M. le Président, on peut très bien participer aux travaux d'une commission parlementaire, voter et assumer pleinement ce qui se dit. Ce n'est une obligation pour personne de parler à une commission parlementaire. Si j'ai le goût de parler, je le fais; ce n'est pas parce qu'on m'a invité à le faire.

Ceci dit, M. le Président, nous avons ici un dictionnaire qu'a évoqué M. le député d'Argenteuil. Il y a beaucoup de définitions là-dedans. Il y a une définition du mot négociation tout court et une définition de l'expression négociation collective. Ce que le député d'Argenteuil nous a lu est la définition de négociation collective; c'est donc un concept particulier. Le mot négociation est aussi un concept en soi. S'il y a les mots négociation collective dans le dictionnaire aujourd'hui, c'est parce qu'un jour quelqu'un a eu l'idée d'un certain concept, qu'il a cherché à le faire appliquer dans un vécu, dans une évolution, et, à la suite de cette évolution, nous avons eu

l'expression négociation collective.

Quand le ministre parlait tout à l'heure d'un concept dans un cadre d'évolution, je trouvais que c'était plein de bon sens. Quand on veut changer une situation, il faut utiliser les mots qui existent. On les place dans un contexte nouveau et, un jour, le mot prend un autre sens. C'est normal, cela se passe toujours comme cela dans toutes les sociétés, dans toutes les situations humaines qu'on connaît. Il est normal, puisque l'on tient à ce qu'il y ait de la négociation dans les deuxième et troisième années, sans pour autant définir à tout prix comment cela va se terminer en termes de résultat, il faut bien parler de négociation puisqu'on veut en faire. On ne veut pas dire nécessairement, pour la deuxième et la troisième année que cela va se conclure sous une forme qu'on connaît, qu'on a toujours vécue. Ce sera une autre forme dorénavant, mais il y aura eu préalablement négociation. C'est comme cela que je le comprends et je trouve que cela a du sens, M. le Président.

J'espère qu'on va essayer de le placer dans un contexte qui va nous permettre de mieux comprendre encore, et je vais essayer de le faire. Nous avons vécu des moments difficiles, il n'y a pas très longtemps, avec le monde syndical. J'étais de ce monde syndical; j'avais même une responsabilité syndicale et il me semble avoir beaucoup appris des événements qu'on a connus. Je ne me rappelle pas, M. le Président, qu'après les événements qu'on a connus des gens aient déclaré publiquement: Si on s'y était pris autrement, si on avait voulu reconnaître la situation particulière, on n'aurait pas eu les problèmes qu'on a connus. Il ne me semble pas avoir entendu beaucoup de gens venir nous dire qu'il fallait tenir compte de la crise profondément. Je connais une personne qui a dit des choses là-dessus à un moment donné. Elle était permanente d'une centrale syndicale et on l'a jetée dehors pour l'avoir dit. Elle disait que, dans une situation de crise comme cela, il fallait avoir des réflexes différents. Je dis, M. le Président, que ce gouvernement a cherché à apprendre des événements et qu'il s'est mis à penser que ce n'était peut-être pas bon de prévoir trop longtemps d'avance quelle était la règle sur le plan salarial qui devait exister. On s'est dit: On va essayer d'y penser moins longtemps d'avance pour se donner une meilleure méthode de l'identifier.

Je suis d'accord avec cela, M. le Président. Avec mon vécu syndical, avec mon vécu de député, avec ce que j'ai entendu ici et avec ce que j'ai entendu dans la préparation de ce projet de loi, je dis que je suis d'accord avec cela. Le mot négocier a encore son plein sens ici. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je vais être très bref, M. le Président. Je m'excuse.

Le Président (M. Lachance): Le moins qu'on puisse dire, c'est que le sujet est très pertinent à l'article 53.

M. Ryan: Oui. Ah oui! C'est en plein coeur de l'article, à part cela, physiquement et autrement. Je voudrais simplement dire au député de Châteauguay qu'il déforme le sens du mot négocier. D'après ce que je comprends, même dans son sens originel, avant même qu'on arrive au concept de négociation collective, le mot négocier veut dire essentiellement échanger en vue d'en venir librement à une entente. Cela est très important: en vue d'en venir librement à une entente. Si l'une des deux parties détermine à l'avance qu'il y aura une solution même s'il n'y a pas d'entente libre, on dit que ce n'est pas de la négociation. Cela peut être du marchandage, de la conversation, de l'échange...

Une voix: De l'intimidation.

M. Ryan: Ah oui, mais, à mon point de vue, c'est vraiment une utilisation abusive du mot négocier parce que vous ne pouvez pas dissocier de ce mot-là l'idée de conclusion libre d'un accord auquel les deux parties adhèrent mutuellement. Si vous dites: on négocie en vue d'en arriver, mais, si on n'en arrive pas, on a négocié quand même, ce n'est pas vrai parce que l'objectif de tout l'exercice, c'était l'accord librement conclu.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Je voudrais demander au député d'Argenteuil, M. le Président, si, chaque fois qu'il y a négociation dans le secteur de la construction et que cela mène automatiquement à un règlement, parce que les règles le veulent et qu'on ne peut pas faire autrement - on arrive, à ce moment, à quelque chose d'imposé - quand on a fait le règlement qui s'ensuit, est-ce qu'on va dire qu'il n'y a pas eu négociation? Il y a eu négociation, sauf que le résultat prend une forme différente de celle qu'il prend dans d'autres circonstances, mais il y a eu négociation et personne ne peut nier cela. Quand les centrales syndicales - c'est arrivé quelques fois - après un affrontement pendant un certain temps, sont arrivées à penser qu'il vaudrait peut-être mieux laisser signer cela par le gouvernement sous forme d'imposition d'une convention collective, est-ce qu'on peut dire qu'il n'y a pas eu négociation? Oui, mais on pensait que cela se terminerait autrement que de la façon

dont cela se termine habituellement, mais il y a eu négociation; on peut toujours parler de négociation, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair: Je serai très bref. Je voudrais simplement dire au député de Deux-Montagnes que ses effets oratoires m'avaient impressionné et que le contenu, cependant, de l'argumentation du député de Châteauguay m'a encore davantage impressionné. Effectivement, M. le Président, le député d'Argenteuil oublie une chose dans l'utilisation du mot "négocier", dans ce cas-ci. C'est vrai que la négociation, selon ce qu'il soutient, signifie que les deux parties sont libres, mais il ne faut pas oublier que, quel que soit le mode de négociation qui sera retenu, à moins de dire que ce n'est plus le gouvernement qui gouverne, que ce n'est plus l'Assemblée nationale qui est le législateur, qui est l'autorité suprême sur le plan de la législation, il y aura toujours une responsabilité ultime à laquelle le gouvernement et l'Assemblée nationale ne pourront déroger, à laquelle ils ne pourront pas se dérober - c'est le mot que je cherchais.

Je pense que le mot "négocier" est employé à juste titre ici puisque, comme je l'ai indiqué, il ne s'agit pas de négocier une convention collective. L'article 53 ne porte pas sur cela. Mais il s'agit quand même de négociations qui conduiront éventuellement à une entente, qui, elle-même, fera l'objet d'un projet de règlement; si cette négociation ne conduit pas à une entente, il y a un projet de règlement déposé sur la table de l'Assemblée nationale et, finalement, décision ultime prise par le gouvernement.

M. le Président, je pense que cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'y a pas de négociation. Cela veut dire que la négociation prend un sens nouveau, une orientation nouvelle et qu'il ne s'agit pas de négociation d'une convention collective au sens traditionnel, au sens où on l'entend habituellement.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, la discussion qu'on vient d'avoir prouvre d'une façon on ne peut plus évidente que, si le projet de loi est terriblement clair sur le fond, il ne l'est pa3 sur la forme. Effectivement, j'ai eu l'occasion de le constater à plusieurs reprises et, malgré tout ce qu'on en a dit de l'autre bord, pour ne pas retarder indûment les travaux, je n'ai pas relevé toutes sortes de dispositions que nous avons vues jusqu'à présent, qui m'apparaissaient obscures et certainement sujettes à discussion juridique. Évidemment, je ne veux pas mettre M. Brière en cause, parce que je lui ai demandé de me faire une loi sur la fonction publique claire et précise, et elle l'était. Si celle-là est obscure et moins précise, il y avait peut-être des intentions qu'on ne peut lui prêter.

M. Clair: C'est peut-être que vous voyez les choses d'un autre oeil, maintenant que vous avez changé de côté de table.

Mme Le Blanc-Bantey: Non, parce que, volontairement, comme ministre, chaque fois que j'ai eu à piloter un projet de loi, j'ai insisté considérablement pour que les dispositions soient claires, lisibles et compréhensibles pour les gens qui auraient non seulement à l'administrer, mais qui seraient les administrés de cette loi, ce qui n'est certainement pas le cas de celle-ci.

Cela dit, sur le fond cette fois-ci - je ne veux pas déposer d'amendement formel parce que, évidemment, je serais encore moins d'accord avec le fond de l'amendement - en fonction du deuxième alinéa de l'article 52 et en fonction de l'article 53, pour ne pas mentionner un certain nombre d'autres dispositions qui m'ont inspiré la même préoccupation, est-ce que le ministre a consulté la Commission des droits de la personne québécoise, pour ne pas parler de la charte canadienne, pour savoir si ces articles sont en conformité avec cette loi, pour savoir si on ne pourrait pas invoquer la charte? Parce que cet article vient, à toutes fins utiles, compte tenu du sens qui est donné au mot "négocier" et compte tenu des modalités qui sont dan3 cette loi, enlever le droit véritable à la négociation pour la deuxième et la troisième année. (21 h 45)

M. Clair: Je ne suis pas sûr de comprendre l'argumentation de la députée.

Mme Le Blanc-Bantey: Est-ce que cet article est en conformité avec la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, pour ne pas parler de la charte canadienne? Disons que celle-là, je la connais moins. Est-ce qu'il y a eu un avis sur l'ensemble du projet de loi, pour oublier l'article?

M. Clair: II n'y a pas eu de demande d'avis à la Commission des droits de la personne.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Deux remarques très brèves. La première, c'est que le ministre n'a pas réagi à ma suggestion pour clarifier le début de son article et bien indiquer que c'est la deuxième et la troisième année. La

deuxième m'échappe. Qu'est-ce que j'avais donc à dire?

Mme Le Blanc-Bantey: Cela m'a échappé...

M. de Bellefeuille: Ce n'est pas grave. Comment le ministre réagit-il à cette suggestion?

M. Clair: Ma première réaction, d'après ce dont je me souviens, avait été de dire au député que ses effets oratoires m'avaient impressionné. Au-delà de cela, je pense que la rédaction est claire. On indique bien au premier alinéa de 52 comment sont négociées et agréées à l'échelle nationale les stipulations sur les salaires et échelles de salaires pour la première année et on dit bien que, pour chacune des deux années qui suivent celle où s'appliquent ces stipulations, les salaires et échelles de salaires sont déterminés conformément aux dispositions qui suivent. Donc, je ne vois pas comment on peut interpréter que l'article 53 s'appliquerait à la première année. C'est clair que le premier alinéa de l'article 52 couvre la première année.

M. de Bellefeuille: Le ministre rejette ma suggestion. J'ai retrouvé la deuxième suggestion que je voulais lui faire, c'est de remplacer "négocie", à la troisième ligne de l'article 53, et de mettre à la place fait aux groupements d'associations de salariés une offre qu'ils ne peuvent refuser.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Clair: Question de règlement, M. le Président. Je félicite encore une fois le député pour ses effets oratoires, mais, cependant, pour corriger, il n'avait pas fait cette suggestion lors de sa première intervention.

M. de Bellefeuille: Non, c'est exact. C'est celle qui est nouvelle.

M. Clair: Ah boni C'est la deuxième à laquelle...

M. Ryan: C'est pour faire progresser la discussion.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je pense qu'on constate que le ministre non seulement trouve son projet parfait sur le fond, mais parfait sur la forme également. S'il nous avait dit dès le début que ces questions ne l'intéressaient pas, on aurait arrêté d'en parler. J'aurais le goût d'arrêter d'en parler, personnellement, pour passer aux questions de fond. Je pense qu'on peut simplement avoir une crainte...

M. de Bellefeuille: On est en plein dans le fond.

M. Paquette: On peut simplement avoir une crainte: Le ministre nous a dit qu'il voulait faire évoluer le concept de négociation. Si le gouvernement fait évoluer le concept de négociation comme il a fait évoluer celui de souveraineté, cela promet! À défaut de faire évoluer la réalité, on va faire évoluer les concepts. Soit, faisons évoluer les conceptsl

M. Clair: Je reconnais que le député de Rosemont prend de bonnes leçons du député de Deux-Montagnes. Il s'en vient meilleur dans ses effets oratoires, aussi.

M. Paquette: Je m'inspire toujours de l'expérience.

M. Clair: Dernier élément de référence, au cas où, au-delà des travaux de la commission, quelqu'un voudrait poursuivre davantage ses recherches sur le terme négociation. Je voudrais vous référer au document intitulé: Liberté syndicale et procédure de détermination des conditions d'emploi dans la fonction publique, du Bureau international du travail à Genève, puisque j'ai déjà eu l'occasion de dire que, quant au caractère démocratique du projet de loi 37, je n'ai aucune objection à ce qu'on ait éventuellement l'occasion de le défendre devant quelque instance que ce soit, y compris celle-là. Je voudrais faire référence, pour ceux que la chose intéresserait, aux pages 45 et suivantes de ce document. Il serait trop long de les citer toutes sur le concept de négociation, ce que comprend cette réalité dans les différents pays, à la lumière de quels critères sont jugées les procédures de négociation et de consultation dans la fonction publique dans différents pays démocratiques.

Mme Le Blanc-Bantey: On sait que le ministre est très cultivé.

M. Ryan:... qu'on ait juste le modèle sur...

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'on peut...

M. Clair: M. le Président, je ne voudrais pas faire d'effet oratoire, mais je dirai que, toutes de droites qu'elles soient, les propositions du député d'Argenteuil et celles comprises dans son programme s'en rapprochent davantage que celles contenues dans mon projet de loi.

Mme Le Blanc-Bantey: Je soulève une

question de privilège, M. le Président. Le député d'Argenteuil a été beaucoup moins de droite aujourd'hui que le député de Drummond.

M. Ryan: Mais plus on le connaît, plus on s'aperçoit qu'il n'est pas...

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'on...

M. Paquette; C'est un autre concept que le ministre veut faire évoluer, je pense.

Mme Le Blanc-Bantey: C'est un autre concept qu'il a relu.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'on peut faire évoluer nos travaux en disposant de l'article 53?

M. Ryan: II n'y a pas de doute, il est en train de plonger dans la droite.

Le Président (M. Lachance): Est-ce que l'article 53 est adopté?

M. Clair: Est-ce que l'amendement est adopté?

Mme Le Blanc-Bantey: Un vote nominal.

M. Clair: Oui? Alors, adopté tel qu'amendé.

Le Président (M. Lachance): Vu que l'amendement a déjà été adopté, M. le secrétaire, est-ce qu'on peut procéder au vote nominal demandé par la députée des Îles-de-la-Madeleine?

Le Secrétaire: Mme Juneau (Johnson)? Mme Juneau: Adopté.

Le Secrétaire: M. Dussault (Château-guay)?

M. Dussault: Pour.

Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?

M. Baril (Arthabaska): Pour.

Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville)?

M. Beauséjour: Pour.

Le Secrétaire: M. Clair (Drummond)?

M. Clair: Pour.

Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey (î les-de-la-Madeleine)?

Mme Le Blanc-Bantey: Contre.

Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?

M. Ryan: Contre.

Le Secrétaire: M. Pagé (Portneuf)?

M. Pagé: Contre.

Le Président (M. Lachance): Alors, l'article 53 est adopté tel qu'amendé, sur division. J'appelle l'article 54.

Mme Le Blanc-Bantey: On pourrait inviter les députés ministériels qui sont fatigués à aller se coucher. On pourrait avancer.

M. Clair: Pardon?

Mme Le Blanc-Bantey: Les votes commencent à être serrés. Il y a quelques députés ministériels qui étaient fatigués et qui voulaient aller se coucher. On pourrait avancer dans...

M. Paquettes M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député, sur l'article 54.

M. Paquette: Sur l'article 54, M. le Président, et pour gagner du temps à cette commission, je vais vous présenter un amendement qui concerne en bloc les articles 54, 55 et 56. Je vous propose de les biffer, M. le Président.

M. Pagé: Avant, M. le Président, si vous me le permettez...

M. Paquette: C'est dramatique.

Le Président (M. Lachance): M. le député de...

M. Pagé: Avant, M. le Président, si vous me le permettez, nous...

Une voix: Non.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé:... avions indiqué plus tôt au cours de cette séance, soit en matinée, notre intention de présenter des modifications aux articles 54 et 55, dans cette section qui touche les salaires, les échelles de salaires. Les modifications que nous entendions proposer pour la majorité de celles-là étaient directement reliées à la proposition d'amendement qu'on a formulée en regard de l'article 52 qui visait essentiellement à faire en sorte que le droit de recours à la grève

pour les employés des secteurs public et parapublic concernant la rémunération ne soit pas accordé. Les motifs pour lesquels les propositions déposées ont été refusées, ce sera seulement un élément, si ma mémoire est fidèle - on pourra y revenir dans quelques minutes - de l'article 54 qui sera maintenu. Le reste, même si on les a distribués, on n'entend pas, M. le Président, les déposer. Cela ne serait pas conséquent avec le libellé de l'article 52, d'une part, et, d'autre part, on ne veut pas abuser du temps de cette commission. Jusqu'à maintenant, la participation de mon collègue d'Argenteuil et la mienne ont toujours été contributives, ne se sont jamais inscrites dans le cadre d'interventions de type dilatoire et, par surcroît, avec la visite, à 17 heures, et le dépôt, à 17 h 45, de l'intention de la majorité ministérielle de nous imposer la clôture, et, finalement, de nous fermer le bec et de poser ce geste antidémocratique par excellence qu'est la guillotine, on entend accélérer le plus possible, tout faire ce qui est humainement possible pour accélérer le débat.

Alors, à l'article 54, nous aurons un seul amendement, M. le Président, soit d'ajouter, dans la deuxième ligne du quatrième alinéa, après le mot "parties" les mots suivants: "ainsi que les organismes représentatifs des secteurs privé et public". Vous l'aviez d'ailleurs reçu, M. le ministre?

M. Paquette: C'est le troisième point de votre...

M. Beauséjour:... deux, vous le laissez tomber.

M. Pagé: C'est cela, M. le député d'Iberville, on ne peut rien vous cacher.

Le Président (M. Lachance): Alors, je relis la proposition d'amenendement du député de Portneuf: Ajouter, dans la deuxième ligne du quatrième alinéa, après le mot "parties", les mots suivants: "ainsi que les organismes représentatifs des secteurs privé et public". C'est bien cela, M. le député de Portneuf?

M. Pagé: C'est bien cela, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair: Je n'ai pas de commentaire...

M. Pagé: Vous ne devriez pas. M. le Président, je m'excuse...

M. Clair:... sur la recevabilité.

M. Pagé: Sur la recevabilité, vous n'en avez pas et je présume que, sur le fond, vous serez d'accord.

M. Clair: Je ne veux pas émettre d'opinion sans avoir entendu, peut-être, un peu d'explications. Quel est l'objectif poursuivi? Est-ce que cela veut dire les syndicats du secteur privé et du secteur public? Les organismes représentatifs des secteurs privé et public, c'est très large. Il y a beaucoup d'organismes représentatifs des secteurs public et privé.

M. Paquette: M. le Président... M. Pagé: M. le Président...

M. Paquette:... dans le même ordre d'idées, pour que le député de Portneuf puisse répondre, est-ce que, par exemple, cela inclurait le Parti québécois qui pourrait venir dire en commission parlementaire à quel point le projet de règlement est contraire au programme du parti?

M. Pagé: Ah! Mais le problème, c'est que, comme d'habitude, il ne serait pas écouté. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Paquette: Oui, mais, est-ce que c'est aussi large que cela? Autrement dit, pour redevenir sérieux, c'est-à-dire est-ce que ce sont tous les organismes demandant, dans le fond, à être entendus en commission parlementaire, qui ont quelque chose à dire sur le sujet?

M. Pagé: M. le Président, pour nous, suivant le processus visant à convier l'Assemblée nationale à débattre, à discuter, à se positionner, finalement, en regard des négociations sur la rémunération, on se doit de convoquer et d'appeler à cet échange non seulement les parties, parce que l'alinéa en question se réfère à la possibilité pour les parties d'être entendues en commission parlementaire. Cela est votre position, celle du projet de loi 37.

Pour nous, le débat ne devrait pas se limiter à une commission parlementaire, mais devrait intervenir sur le parquet de la Chambre, à l'Assemblée nationale du Québec, où les 122 représentantes ou représentants de la population seraient susceptibles de formuler leurs représentations en regard des offres et de la politique de rémunération.

Or, le libellé de l'article 54 prévoit que les parties pourraient être entendues, et je reprends le quatrième alinéa: "Le projet de règlement ne peut être soumis au gouvernement pour adoption sans que les parties aient été invitées à être entendues devant une commission parlementaire sur son contenu. " Alors, en ce qui nous concerne, si on veut que le débat soit le plus large

possible, si on veut que ceux et celles qui ont à payer, à assumer, à juger des choix politiques qu'effectuera le gouvernement... Nous croyons qu'elles devraient être entendues. C'est ce pourquoi on vous demande d'ajouter les mots "ainsi que les organismes représentatifs des secteurs privé et public". Cela n'a jamais été difficile, à ma connaissance, pour le gouvernement de procéder à la confection d'une liste des organismes jugés représentatifs par le gouvernement provenant des secteurs privé et public; cela pourrait facilement se faire. C'est évident que, si le ministre continue à s'interroger, à se questionner, à se demander des choses, à réfléchir, on pourra consacrer la prochaine heure à discuter de cet amendement. Mais, s'il voulait, par souci... La proposition qu'on formule aujourd'hui reprend les propos que vous avez tenus le 29 janvier 1985 en commission parlementaire, quand vous avez dit souhaiter le débat le plus large possible où la population sera conviée au même exercice que le gouvernement au chapitre de la négociation, notamment au niveau de la rémunération.

Alors, j'invite le ministre à intervenir, présumant d'ores et déjà qu'il acceptera d'emblée notre proposition.

M. Clair: M. le Président...

M. Pagé: Qu'est-ce qui arrive, Huguette, là?

M. Clair:... je suis en désaccord avec le député. Le quatrième alinéa...

Des voix:... nouveau.

M. Clair: Non, mais regardez bien: le quatrième alinéa - il ne faudrait pas détourner de son sens le quatrième alinéa -dans le fond, que vise-t-il à faire? Il vise à faire obligation au gouvernement à au moins entendre les parties...

M. Pagé: Puis?

M. Clair:... en commission parlementaire.

M. Pagé: Bien oui, puis?

M. Clair: Rien n'empêche, par ailleurs, qu'au-delà de cela, comme cela se produit occasionnellement et même assez fréquemment maintenant avec le nouveau règlement, les partis de l'Assemblée nationale, l'Opposition et la majorité ministérielle, décident de tenir une consultation élargie ou restreinte sur cette question. Mais, tout compte fait, M. le Président, je craindrais à ce moment-là que l'enjeu principal, fondamental, qui est celui: Est-ce que le projet de règlement que dépose le président du Conseil du trésor à l'Assemblée nationale est raisonnable ou pas comparé au rapport de l'institut, par rapport à ce qu'il est capable de payer, par rapport aux demandes des syndicats... " Le député ne veut pas en discuter très longtemps...

M. Pagé: On va en discuter, j'ai d'autres arguments à faire valoir.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, le projet de règlement doit être déposé en commission...

M. Clair: À l'Assemblée. (22 heures)

M. Pagé:... à l'Assemblée et discuté en commission. Vous nous dites ici que l'objectif et ce que le gouvernement veut, c'est que les parties puissent venir se faire entendre. Parfaitl Aucune objection, aucun problème, on est d'accord avec cela, sauf qu'on demande plus. Sur ce qu'on demande, vous nous répondez: Vous savez, c'est toujours possible, entre les partis, de s'entendre pour convoquer une commission parlementaire restreinte. Bien, voyons donc! Vous savez comment cela fonctionne. Quand vient le temps de décider, entre les formations politiques, de convoquer des groupes à l'Assemblée, combien de fois a-t-on vu ici -et c'est plus souvent qu'autrement - le gouvernement arriver avec une liste restreinte? Il faut batailler ferme, il faut négocier pour s'assurer que tel groupe puisse être entendu. Vous pourriez facilement, par l'ordre ou le programme des travaux de ladite commission, convoquer les parties, dans un premier temps, et, par la suite, convoquer les organismes représentatifs des secteurs privé et public; rien n'empêche de le faire. Ne venez pas tenter de nous conter fleurette en nous disant: On va s'arranger en arrière du rideau et on va négocier cela. Cela ne fonctionnera pas et, finalement, ce sera toujours le gouvernement, quel qu'il sait, qui aura le gros bout du bâton.

M. Clair: Même avec la proposition d'amendement du député, pour ce qui est des organismes représentatifs, de deux choses l'une: ou il y a une sélection de faite, ou ce sont tous les organismes représentatifs du Québec, auquel cas, on peut siéger deux ans sans qu'il y ait règlement.

M. Pagé: M. le Président, on se fie...

M. Clair: À ce moment-là, qui va prendre l'initiative de proposer une limitation de la liste? Ce sera le gouvernement. Le gouvernement risque d'avoir tendance à limiter le débat pour que la question soit concentrée sur les enjeux en cause et que ce

ne soit pas l'occasion pour tout un chacun de venir vider... Le contexte a des chances d'être relativement tendu, s'il n'y a pas d'entente. Je pense que cela n'aiderait pas les parties que la chambre de commerce vienne dire que le gouvernement en donne trop, que l'autre partie vienne dire: Oui, mais les syndicats font ceci et cela, et qu'un autre dise: Le gouvernement est déraisonnable. Je ne vois pas en quoi cela contribuerait vraiment à éclairer la population sur les enjeux en cause.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, à l'appui de l'amendement proposé par le député de Portneuf, je voudrais ajouter les considérations suivantes: Je pense que nous convenons tous que, dans une question de cette gravité, les mécanismes nouveaux que propose le gouvernement doivent avoir pour but de favoriser non seulement une entente entre deux parties, mais un débat national sur la politique salariale du gouvernement qui implique, comme le disent souvent les porte-parole gouvernementaux, environ la moitié de l'ensemble du budget gouvernemental. Le moyen qu'on trouve pour le faire, c'est la présentation d'un projet de règlement devant une commission parlementaire de l'Assemblée nationale. Il me semble que nous avons tous en vue l'objectif qui consiste à faire de l'Assemblée nationale le carrefour par excellence où vont s'exprimer tous les grands points de vue sur des questions aussi fondamentales que celles qui impliquent la moitié de la politique budgétaire du gouvernement.

J'ai remarqué, au cours de ma plutôt brève expérience à l'Assemblée nationale qui comporte quand même maintenant six ans, que j'ai été associé à plusieurs commissions parlementaires qui ont drainé des points de vue en provenance de milieux extérieurs au Parlement. C'est une des richesses de l'Assemblée nationale actuellement que son pouvoir d'attirer vers elle des éléments qui sont intéressés à venir donner leurs points de vue devant les députés. Chaque fois que l'Assemblée nationale le fait consciencieusement, il en résulte des améliorations dans les projets de loi, soit dans la conception qu'on s'en fait, soit dans les modalités d'application. C'est bien rare qu'un débat un peu élargi ne donne pas lieu à des améliorations notables dans les projets de loi. Comme le ministre l'a dit cet après-midi, lorsque le gouvernement refuse systématiquement de tenir compte de points de vue raisonnables qui lui sont soumis, il doit s'exposer à payer la note tôt ou tard.

Quand le député de Portneuf propose d'ajouter les mots "ainsi que les organismes représentatifs des secteurs privé et public", comme il l'a dit très précisément, il ne s'agit pas d'ouvrir un dictionnaire Larousse des "do-gooders" professionnels de la société québécoise. Je pense que le gouvernement, dans cet exercice, a toujours la liberté de décision. C'est toujours lui qui a le pouvoir d'arrêter la liste des organismes invités à se faire entendre. Quand les choses vont bien, le gouvernement consulte l'Opposition. Il arrive plus souvent qu'autrement que les deux, le gouvernement et l'Opposition, s'entendent sur la liste des organismes a inviter. Je pense que, dans un cas comme celui-là, en cas de non-entente, le gouvernement arrête la liste. Il dit: Nous, on met ça, à cinq, à huit, à dix ou à douze, cela dépend. Il faut bien qu'on marche avec la décision du gouvernement, mais la porte a été ouverte. Surtout pour une question comme celle-ci, pour donner des exemples, je crois que ce serait très bon... On a M. Dufour, du Conseil du patronat; lui va faire son petit morceau, de toute manière, devant une conférence de presse à Montréal qui va être très résumée. On n'aura pas la chance de lui poser des questions et de lui poser les difficultés sur les points de vue qu'il aurait émis. S'il vient ici avec son groupe et qu'on lui donne une heure ou deux pour exposer son point de vue. et si la commission parlementaire prend une semaine ou deux pour faire cet exercice, je crois que, pour ajouter à la légitimité démocratique de l'exercice, vu surtout qu'il y aura un règlement imposé par voie d'autorité, cela va donner de la force à l'exercice. Mais le gouvernement conserve l'entière faculté d'arrêter une liste raisonnable et de ne pas se croire tenu, par aucune force et aucune obligation, de constituer une liste interminable. Je crois que ce sont des choses qui peuvent être arrangées. Il y en a qui enverraient leur point de vue - si c'est marqué comme cela - sous forme de mémoire écrit; peut-être le gouvernement et aussi l'Opposition jugeraient-ils que ce n'est pas nécessaire d'entendre tout ce monde. Il y aurait au moins tout un dossier qui aurait été constitué et, comme exercice démocratique, ce serait formidable.

Dans le passé, n'oublions pas une chose, j'ai mentionné les différentes rondes qui ont été tenues au cours des 15 ou 20 dernières années, tout cela s'est réglé. L'élément le plus tragique dans les règlements qui sont survenus - et je pense que le ministre va être parfaitement d'accord avec moi sur cela - c'est que cela s'est réglé dans une nuit entre quelques éléments qui étaient souvent très éloignés de la scène réelle, autant du côté syndical que du côté patronal. Nous avons tous découvert le prix plusieurs mois après. En 1976, vous vous souvenez que votre ancien collègue, M. Parizeau, parlait toujours du feu d'artifice qui avait découlé de la convention signée en 1974 et c'est vrai que

la troisième année il y avait un éclatement des bénéfices qui dépassait toutes les prévisions qu'on aurait pu faire au moment où la convention fut signée. Vous autres, vous en avez signé une en 1979 qui a eu les mêmes effets. C'est curieux parce que M. Parizeau a péri par le même mécanisme qu'il avait reproché au gouvernement qui l'avait précédé. Il a été pris avec son feu d'artifice et de manière tellement brûlante qu'il a été obligé de dire aux gars: Je vous émets une directive, vous allez me rembourser 20 % de votre salaire pendant trois mois. II a été obligé d'aller le chercher de force tellement il s'était trompé. Il a dit: C'est la crise, c'est la crise. Un gouvernement est obligé de prévoir ces choses, il ne peut pas aller s'excuser au nom d'un "act of God" quelconque. Il faut qu'il prenne sa responsabilité. Il l'a fait et il n'a pas été mieux que ceux qui l'ont précédé. Si, aujourd'hui, on veut faire des comparaisons, je crois que cela a coûté encore plus cher la dernière fois. Cela a coûté 500 000 000 $ aux travailleurs syndiqués seulement dans le secteur de l'enseignement; au moins 400 000 000 $ dans ce secteur. C'est de l'argent qui avait été voté en trop au jugement et de l'aveu même du gouvernement. Il me semble que tous ceux qui sont appelés à payer le coût de cela y gagneraient à avoir la chance d'être entendus par l'intermédiaire d'un certain nombre d'organismes représentatifs des différents milieux de la société québécoise. J'aimerais que des éléments ruraux de notre société, disons que l'UPA dise: Savez-vous que nous, les cultivateurs, on a quelque chose à dire sur cela? Ce sont des travailleurs syndiqués suivant le mode d'organisation urbaine, des travailleurs qui sont impliqués et nous, les cultivateurs, on va payer des taxes pour cela aussi. On va subir ou, au moins, avoir à vivre avec les conséquences de tout cela. On aimerait aller donner notre point de vue. Je ne sais pas, mais il me semble que ça enrichit singulièrement la vocation de l'Assemblée nationale comme carrefour central de l'échange démocratique d'opinions dans la société québécoise. Il me semble que, si le ministre acceptait un amendement comme celui-là, il se grandirait et il grandirait son gouvernement également.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, j'étais pris avec la contrainte de temps que le député de Portneuf me donnait, il disait qu'il voulait que j'en dispose rapidement. Je dois dire au député d'Argenteuil ce que je pense. D'abord, il reconnaîtra sûrement - et c'est un fait -qu'en tout temps une commission parlementaire, celle-ci, pourrait tenir une consultation restreinte sur cette question et, effectivement, entendre ceux qui désirent être entendus. À ce moment, l'initiative est entre les mains de l'Opposition à l'Assemblée nationale, surtout entre les mains de l'Opposition par rapport à ce qu'elle propose. Sauf si le gouvernement considère que c'est d'intérêt public ou à son avantage et qu'il a lui-même l'intention de le faire, l'initiative appartient un peu plus à l'Opposition qu'au gouvernement. Dans la mesure où on fait obligation au gouvernement d'inviter les organismes, il y a deux risques, à mon sens. Le premier risque, c'est que le gouvernement tente de limiter la liste - c'est toujours une possibilité - de façon telle que cela vienne soutenir sa position plutôt que la position de l'autre partie. C'est un risque permanent parce que l'initiative, à ce moment-là, appartient au gouvernement. Le deuxième risque que j'y vois, quant à moi, c'est que ceux et celles qui vont vouloir venir se faire entendre risquent de vouloir se servir de la commission parlementaire dans le cadre d'une stratégie qui les serve. Vous comprenez? Le deuxième risque que j'y vois, c'est que les organismes qui vont désirer venir se faire entendre viennent se servir de la commission parlementaire à des fins stratégiques qui les favorisent et que cela ne soit pas tant en fonction d'éclairer la commission sur tel ou tel contenu du projet de règlement, mais bien davantage pour s'en servir à des fins stratégiques propres. Je ne prête pas de mauvaises intentions à qui que ce soit, mais c'est sans doute un élément de risque.

Je comprends que cela pourrait être éclairant pour les parlementaires de dire, par exemple, que l'UPA veut se faire entendre pour venir nous dire comment ses revenus ont augmenté et comment les revenus agricoles se comportent au Québec depuis deux ou trois ans, et, cette année, comment on prévoit que les revenus vont augmenter. Vous voyez dans cet exemple-là qu'il y a un risque que l'UPA vienne ici défendre, dans le fond, un point de vue dans sa stratégie et qu'il n'y ait qu'une relation indirecte, au fond, avec le sujet en débat. C'est ce qu'on doit mettre dans la balance, je pense. Je ne sais pas ce que le député d'Argenteuil - je ne dis pas cela pour étirer le débat - pense de ces arguments.

M. Ryan: Regardez, il y a deux choses que je dirais, brièvement. Premièrement, c'est vrai qu'en vertu de nos règlements nous pouvons demander, à la veille d'un exercice comme celui-là, qu'il y ait consultation particulière, que des organismes soient invités à se faire entendre, mais, à ce moment-là, nous dépendons entièrement de la majorité ministérielle. Si la majorité ministérielle ne le veut point, il n'y en aura pas, tandis que, si c'est prévu par la loi, le gouvernement va être obligé de le faire. C'est une protection plus forte pour notre

point de vue.

M. Clair: En contrepartie, cependant, vous êtes conscient que, s'il y a obligation d'en inviter et, donc, à toutes fins utiles, d'en recevoir, c'est le gouvernement qui non seulement conserve sa majorité en Chambre pour imposer une liste, mais, en plus de cela, il a l'initiative, dans le fond, de les choisir et ce serait un peu gênant que le gouvernement dise: Je veux convoquer une commission restreinte et que la demi-douzaine de noms d'organismes qui apparaissent, ce soient clairement des organismes qui sont en accord et qui vont même au-delà des positions du gouvernement.

M. Ryan: Là-dessus, je vous dis: Comptez sur nous autres pour vous le dire. Comptez sur nous autres pour vous le dire et organiser une grosse conférence de presse pour dire: Regardez-les manipuler cette affaire-là. On l'a déjà fait, d'ailleurs.

M. Pagé: M. le député d'Argenteuil, je m'excuse, mais c'est au mois de mars prochain, cela? Ce ne sera peut-être pas nous autres qui allons le leur dire.

M. Ryan: C'est vrai. Je m'excuse, mon cher collègue, mais ils sont tellement accrochés là qu'au mois de mars cela se peut qu'ils soient encore là.

M. Clair: Et pour quatre années supplémentaires.

Mme Le Blanc-Bantey: M. le ministre regrettera sans doute de ne pas avoir accepté à ce moment-là.

M. Ryan: Maintenant, deuxième point, M. le ministre. Vous avez souligné le danger que certains organismes veuillent se servir de cette tribune pour promouvoir des objectifs qui soient étrangers à l'objet même de la consultation. Je pense que vous devez faire confiance au jugement des députés, au sens critique des députés pour leur dire: On ne vous a pas invités pour cela. On veut avoir votre point de vue sur ceci. Si vous voulez faire une conférence de presse à côté pour le reste, allez-y. Comptez sur nous pour le dire à des organismes, on l'a fait souvent.

M. Clair: Si le député de Portneuf n'insiste pas pour que je prenne une décision immédiatement, je veux bien accepter d'y réfléchir. Je demanderais cependant aux autres d'y réfléchir. Je ne détesterais pas avoir d'autres avis rapidement, s'il y en a d'autres, s'il y a des écueils qu'on a vus, qu'on voit et qui n'existent pas, ou qu'on n'a pas vus.

M. Paquette: Très rapidement, M. le Président, je n'ai pas d'opinion tranchée sur la question. Je suis conscient qu'une commission peut toujours inviter des organismes, particulièrement la commission du budget et de l'administration, à venir témoigner sur la politique salariale du gouvernement. Cela pourrait être intéressant. Je signale que le mécanisme le plus intéressant, ce n'est pas dans cette loi qu'on devrait le trouver. D'ailleurs, la loi n'est pas très intéressante en soi, à mon point de vue. Cela, je pense que le ministre l'a compris. C'est un mécanisme de concertation où les divers intervenants dans la société pourraient confronter leurs points de vue sur la part qui doit aller dans l'économie, dans les dépenses publiques, dans les dépenses sociales, la part du budget de l'État qui doit aller dans les politiques salariales.

La seule chose qui me fait m'interroger sur la proposition du député de Portneuf, c'est le fait que, dans la mécanique qui est prévue, c'est la commission qui reçoit des parties négociantes. J'imagine qu'on va entendre le comité patronal dans le domaine des CSS qui va venir témoigner, dont fait partie le gouvernement; le gouvernement va être là comme témoin. De l'autre côté, on va entendre la partie syndicale. Après cela, on va passer aux CLSC, aux hôpitaux, au domaine de l'enseignement, etc. C'est une mécanique extrêmement lourde, d'ailleurs assez inutile, puisqu'en définitive le gouvernement va adopter le règlement qu'il voudra bien.

M. Clair: Je souligne au député...

M. Paquette: Je ne sais pas si on devrait le compliquer davantage. C'est la seule réaction que j'aurais.

M. Clair:... qu'on est toujours sur "salaires et échelles de salaires".

M. Paquette: Oui, oui.

M. Clair: Ce n'est pas l'ensemble de la convention collective des cinq secteurs. Si vous n'avez pas d'objection, on pourrait le laisser en suspens.

Une voix: Cela va. M. Clair: Est-ce que...

Le Président (M. Lachance): Est-ce que c'est la suspension de l'article 54 au complet?

M. Pagé: M. le Président, je pense que le ministre veut tellement réfléchir qu'il est même prêt à suspendre la séance.

M. Clair: Pour quelques minutes.

M. Pagé: C'est cela.

Le Président (M. Lachance): Alors, nous allons suspendre la séance pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 22 h 18)

(Reprise à 22 h 28)

Le Président (M. Lachance): A l'ordre, s'il vous plaît! La commission poursuit ses travaux. Nous en étions à l'article 54, sur la motion d'amendement du député de Portneuf. M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je pense que la question est d'importance, mais elle ne justifie pas qu'on y reste indéfiniment. Je propose que l'article... Est-ce l'article 54?

Le Président (M. Lachance): C'est bien cela.

M. Clair:... 54 soit laissé en suspens pour le moment. Je vais continuer d'y réfléchir.

Le Président (M. Lachance): D'accord. L'article 54 se trouve par le fait même en suspens.

M. Paquette: M. le Président, comme on vit sous l'empire de la guillotine, on n'est pas certain qu'on va revenir à l'article 54. Je serais bien d'accord pour qu'on le suspende, mais, avant, est-ce qu'on pourrait soulever une autre question que celle qui a été soulevée?

M. Clair: Oui, oui, je n'ai pas d'objection.

M. de Beilefeuille: Je voudrais aussi intervenir sur l'article 54 avant la suspension.

M. Clair: Techniquement, cela dépend comment vous voulez procéder. Je peux demander que l'amendement soit...

M. Ryan: Oui, on va voter.

M. Paquette: Si vous voulez prendre en délibéré l'amendement, il n'y a pas de problème.

M. Clair: Non, c'est parce que, techniquement, je ne sais pas comment faire, M. le Président, mais je n'ai pas d'objection à ce qu'on traite d'autre chose sur l'article 54.

M. Ryan: Mais autre chose autour de l'article 54... Nous autres, on voudrait vous donner tout le paquet. Après que vous aurez parlé...

M. Clair: Oui, d'accord.

M. Ryan:... j'aurai d'autres remarques à faire et un autre amendement...

M. Paquette: Et peut-être bien...

Le Président (M. Lachance): On peut poursuivre la discussion...

Une voix: Apparemment pas.

Le Président (M. Lachance):... sur l'article 54. Ce serait la motion d'amendement qui serait suspendue...

M. Clair: Oui.

M. Ryan: C'est cela.

Le Président (M. Lachance):... d'un commun accord.

M. Clair: Oui.

Le Président (M. Lachance): Alors, entendons-nous là-dessus. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je vais laisser le député d'Argenteuil soulever la question parce qu'on a eu la même idée en même temps, mais c'était simplement une question au ministre: Pourquoi un règlement uniquement discuté en commission parlementaire plutôt qu'adopté par l'Assemblée nationale? À ce moment-là, cela deviendrait une loi, j'imagine?

M. Clair: Exactement, cela deviendrait une loi.

M. Paquette: Et alors?

M. Clair: Je vais vous dire...

M. Paquette: Et alors?

M. Clair: Et alors? On a sérieusement pensé à la possibilité d'une loi annuelle des salaires. Maintenant, comme on veut que le règlement des salaires coïncide avec le dépôt du livre des crédits et le discours sur le budget, compte tenu qu'à ce moment-là l'Assemblée nationale est occupée - on le sait, on vient tout juste de terminer l'étude des crédits, l'étude du discours sur le budget - sans compter qu'il arrive fréquemment que le discours d'ouverture coïncide avec cela, cela voudrait dire que, même sans obstruction parlementaire, les chances seraient que, dans le calendrier de travail de l'Assemblée nationale, cela vienne,

premièrement, hypothéquer assez largement le temps de la Chambre; deuxièmement, que ce projet de loi annuel sur les salaires soit reporté après l'étude du discours d'ouverture, après le livre des crédits, après le discours sur le budget, et que cela aille à la fin de mai ou juin avant que ce projet de loi ne soit débattu, et il y a le risque qu'une Opposition malveillante comme celle qui est devant nous amène le gouvernement à devoir imposer la guillotine sur cette loi annuelle sur les salaires. Je pense que, tout compte fait, ce sont les raisons qui nous amenés à préférer un règlement plutôt qu'une loi annuelle des salaires.

M. Paquette: Je voudrais simplement ajouter...

M. Clair: Donc, c'est une question de temps de la Chambre...

M. Paquette: Oui.

M. Clair:... une question de délai pour adopter la loi annuelle et une question de danger que les discussions à l'Assemblée nationale... On ne pouvait pas dire: C'est une loi, mais elle n'est pas soumise à toutes les règles habituelles de législation. Cela pouvait conduire à retarder indéfiniment l'adoption de la loi ou, encore, s'il y avait une élection ou absence de session pendant cette période pour une année, parce que l'élection aurait eu lieu au début de mars et que la Chambre pourrait ne siéger que de façon très brève après l'élection, à la fin de juin... Ce sont des considérations d'ordre pratique.

M. Paquette: Oui, allez-y.

M. Pagé: M. le Président, j'ai bien compris que le ministre nous proposait de suspendre l'adoption de cet article, mais la suspension de l'adoption de l'article n'exclut pas, pour nous, la possibilité d'en déposer un autre.

M. Clair: Non, non.

M. Pagé: M. le Président, j'aimerais qu'à l'article 54, quatrième alinéa, première ligne, on ajoute, après le mot "être", les mots "adopté par l'Assemblée nationale sans que les parties n'aient été invitées à être entendues devant une commission parlementaire sur son contenu".

Le but de notre amendement, c'est uniquement de convier l'Assemblée nationale et ses 122 élus, comme on a déjà eu l'occasion de l'indiquer antérieurement, à un débat sur le projet de règlement qui sera déposé par le gouvernement, avec tous les écueils, tous les enjeux que cela comporte, nous en sommes conscients. Nous sommes conscients qu'un débat à l'Assemblée nationale, ce n'est pas un débat en commission parlementaire. Nous sommes conscients que cela donne un pouvoir important, appréciable à un groupe parlementaire, quel qu'il soit, évidemment, à un groupe de l'Opposition.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf, je m'excuse. Est-ce que vous pourriez répéter, s'il vous plaît... Vous n'avez pas votre amendement par écrit?

M. Pagé: Attendez une minute. M. Paquette: M. le Président... M. Pagé: M. le Président, le libellé.

M. Paquette: Est-ce que j'ai bien compris le député de Portneuf? Il soulève, je pense, une modalité différente de celle à laquelle le ministre pensait, c'est-à-dire que nous aurions ici un projet de règlement, préparé par le gouvernement, j'imagine, mais qui serait soumis à l'adoption de l'Assemblée. Donc, cela pourrait se faire par motion?

M. Pagé: Oui.

M. Paquette: Motion à l'Assemblée présentée par le gouvernement sur un projet de règlement, discussion et adoption?

M. Pagé: Débat. Audition des parties et des groupes en commission parlementaire, tel qu'on l'a proposé dans l'amendement précédent.

M. Paquette: Et adoption subséquente par l'Assemblée.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pagé: Avec les modifications que cela implique au troisième alinéa de l'article, évidemment.

M. de Bellefeuille: M. le Président, s'il est dans l'ordre d'intervenir sur l'amendement proposé par le député de Portneuf, il me semble qu'il y a là-dedans de la confusion des genres. Quand on parle de règlement, je ne veux pas qu'on sorte de nouveau tous les dictionnaires, mais c'est règlement dans le sens de pouvoir réglementaire du gouvernement. L'Assemblée nationale n'a pas d'affaire à adopter cela. C'est la confusion des genres et ça me rappelle l'intervention que j'avais commencée et que, selon le député de Châteauguay, j'ai menacé de recommencer à zéro. Je ne veux pas la recommencer à zéro, mais je veux quand même dire qu'il y a une certaine confusion quant au rôle de l'Assemblée nationale.

C'est quoi? Le député de Portneuf propose que l'Assemblée nationale adopte un règlement relevant du pouvoir exécutif du gouvernement. Cela ne marche pas. Mais cela ne marche pas mieux, il me semble, dans le projet de loi tel qu'il nous est présenté. J'ai déjà dit que je suis d'accord avec l'idée de se présenter devant une commission parlementaire pour faire entendre les parties. Même faire venir les autres mouvements intéressés, je serais pour cela. Cela introduit un élément modérateur, "températeur".

M. Pagé: Temporisateur, pas "températeur".

M. de Bellefeuille: Cela huile les mécanismes, en fait. Cela implique l'Assemblée, les représentants du peuple, l'opinion publique, les médias d'information. C'est bon. Je ne veux pas être trop sévère, mais il me semble que c'est un geste creux, qui n'a pas de sens. C'est un geste qui aurait du sens dans une démarche qui serait une véritable négociation avec un véritable équilibre, avec le rapport de forces, avec la possibilité pour la partie syndicale de participer pleinement au mécanisme de la négociation. Comme ce n'est pas le cas, comme nous sommes devant un gouvernement qui a décrété les documents tenant lieu de convention collective, un gouvernement qui invoque maintenant la guillotine pour faire passer son "repatchage" du régime de négociation, comme on a une mauvaise loi inspirée par ce que le ministre appelle la souplesse, que moi je traduis en arbitraire gouvernemental, dans ce contexte, le geste est creux, il n'a aucun sens. Qu'est-ce que cela va changer?

Les syndicats ne peuvent pas vraiment négocier, on l'a bien dit. Le ministre lui-même a reconnu que, dans le sens québécois de négociation, ce n'est pas une négociation. Qu'est-ce que ça va leur donner aux syndicats de se présenter dans ce déséquilibre total devant l'Assemblée nationale pour une affaire qui est déjà réglée? À moins que l'Assemblée nationale adopte - le ministre a évoqué cette possibilité - une loi annuelle des salaires, comme il dit. Je ne connais pas cette hypothèse, mais si c'est de cela que vous voulez qu'on discute, c'est examinable, encore que j'aie toutes sortes de réserves à première vue, mais, au moins, en soi, ce n'est pas déséquilibré. Tandis que se présenter devant le Parlement, devant l'Assemblée nationale dans tout ce contexte, ça n'a pas de sens. Je m'oppose à l'amendement du député de Portneuf, de la même façon que je m'oppose à l'article 54.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, pour le bénéfice de mes honorables collègues et pour refléter plus fidèlement notre intention, le règlement devrait être ratifié par l'Assemblée nationale. Si vous acceptez, on changerait le mot "adopté" par "ratifié". Essentiellement, cela veut dire que le projet de règlement du gouvernement, après l'exercice prévu dans les articles précédents, serait déposé dans le cadre d'une motion à l'Assemblée. Cette motion engendre un débat. À la suite du débat, il y a un vote et il y a une ratification qui est faite par l'Assemblée. Vous êtes contre cela, M. le député? Un grand démocrate comme vous!

M. de Bellefeuille: À mon avis, M. le Président, c'est toujours la confusion des genres enfin, c'est...

M. Pagé: L'Assemblée nationale a adopté combien de résolutions depuis l'élection du gouvernement?

M. de Bellefeuille: Non, mais cela voudrait dire, M. le député de Portneuf, que, si l'Assemblée ne ratifie pas, il n'y a pas de règlement?

M. Pagé: À ce moment-là...

M. de Bellefeuille: À ce moment-là, le pouvoir réglementaire du gouvernement est...

M. Pagé: Si l'Assemblée ne le ratifie pas...

M. de Bellefeuille:... comment dire? Paralysé et nié.

M. Pagé: Si l'Assemblée ne le ratifie pas, elle peut le modifier.

M. de Bellefeuille: On renvoie le gouvernement refaire...

M. Pagé: II faut une majorité de députés, voyons donc! Il faut une majorité de députés.

M. Clair: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.

M. Clair: II y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans. Jusqu'à ce que le député de Deux-Montagnes dise que c'était un geste creux, j'étais d'accord avec lui sur son intervention. Il me semble effectivement... Dans le fond, qu'est-ce qu'on fait? On utilise un processus qui est occasionnellement utilisé. Un projet de règlement, un règlement, c'est adopté par le Conseil exécutif, par le gouvernement; une loi, c'est adopté par l'Assemblée nationale.

Je ne connais pas beaucoup de cas où des projets de règlement sont soumis à l'adoption par motion de l'Assemblée nationale, parce qu'il n'y aurait plus de départage très clair entre le rôle de l'Assemblée nationale et le rôle du gouvernement. Ce qu'on a voulu faire, avant le geste creux, c'est de dire: II arrive cependant que des projets de règlement soient déposés sur la table de l'Assemblée nationale. Il y a un certain nombre de cas qui sont prévus dans nos lois. Deuxièmement, j'ignore si c'est prévu dans certaines lois, je pense que oui: dans le cas de l'industrie de la construction, il y a une commission parlementaire qui est obligatoire. Dans le fond, il y a étude du projet de règlement des salaires et, après cela, il y a un décret. C'est une procédure assez fréquente qu'une commission parlementaire se penche sur des projets de règlement; en tout cas, c'est une demande de la part des parlementaires. Depuis neuf ans, il y a eu beaucoup de demandes pour que des projets de règlement soient soumis, avant l'adoption par l'Exécutif, à l'étude d'une commission parlementaire. C'est en s'inspirant de cela et essayant de ne pas confondre les genres que la proposition est venue du gouvernement. Je suis honnête avec le député de Portneuf et le député d'Argenteuil, on n'a pas vraiment étudié très longuement la possibilité d'avoir une motion, un peu comme cela nous est proposé. Ce qu'on a longuement étudié, cependant, c'est la possibilité de modifier la loi sur les subsides et d'y introduire des modifications entraînant la loi sur les salaires, pour éviter qu'en même temps, dans la même période, l'Assemblée nationale soit saisie de deux lois qui concernent, dans un cas, la totalité du budget et, dans l'autre cas, la moitié, et que l'Assemblée nationale puisse être amenée à trancher de façon différente sur l'une et sur l'autre, ce qui n'aurait aucun sens. En grattant un peu cette hypothèse, on s'est aperçu que c'était une hypothèse très difficile à concilier avec le fonctionnement de l'Assemblée nationale, la Loi sur l'administration financière, la loi sur les subsides, le processus d'étude des crédits, l'impression du livre des crédits. Cela devenait très difficile de concilier tout cela, et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes rabattus sur l'hypothèse d'un projet de règlement étudié en commission parlementaire.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: L'argument fondamental qui sous-tend l'amendement présenté par le député de Portneuf est à peu près le suivant: le gouvernement est impliqué dans cette opération à titre d'employeur, et, parce que la négociation n'a pas produit les résultats espérés, le gouvernement est obligé de se transformer en décideur unilatéral. C'est le même qui était pris là-dedans par son Conseil du trésor, par ses ministres sectoriels et tout; là, il est obligé de se transformer en décideur pour une opération qui peut impliquer près de 50 %, pour être exact, des dépenses budgétaires. Nous disons: II ne peut pas y avoir une mutation aussi importante dans les fonctions du gouvernement vu qu'il est impliqué lui-même, sans qu'il y ait intervention de l'Assemblée nationale d'une manière plus forte que celle qui est esquissée dans le projet de loi. C'est ce qu'on essaie de trouver, peut-être la formulation... (22 h 45)

II y a des problèmes de concordance dans l'usage des termes que le député de Deux-Montagnes a pertinemment signalés. Je ne sais pas si le ministre est prêt à faire un effort de recherche avec nous. On n'a pas de formule mathématique à imposer. Le député de Portneuf a mis une formule sur la table. Il a lui-même fait une modification en cours de route montrant l'ouverture d'esprit dans laquelle tout cela a été fait. Je vois M. Brière qui rit. Je n'aime pas voir vos conseillers se moquer de nos idées parce que tantôt on va l'obliger à trouver une solution.

M. Clair: C'est parce qu'avec moi ce sont les mêmes...

M. Ryan: Je voudrais juste terminer, à moins que vous vouliez seulement faire une remarque incidente. Je vous préviens que je n'ai pas tout à fait terminé, mais j'accepte volontiers d'être interrompu si cela peut m'aider à trouver mon chemin jusqu'à la fin.

M. Clair: Tout simplement, ce que je voulais indiquer au député, c'est qu'on les a creusées - c'est peut-être cela qui fait sourire mes conseillers - on a déjà creusé ces hypothèses, et le travail nous a conduits aux conclusions auxquelles nous en sommes venus. Dans le fond, il y a deux grandes orientations possibles, dans la mesure où on s'inscrit dans une problématique du genre de celle qu'on retrouve dans le projet de loi: ou il s'agit d'une loi annuelle des salaires, ou c'est un projet de règlement qui, finalement, est adopté par l'Exécutif. Le mélange des deux, afin d'essayer de transformer un règlement en loi, cela conduit à des mécanismes qui ne sont pas en accord avec la tradition parlementaire de la séparation de l'exécutif du législatif.

Si on s'en va dans la direction d'une loi annuelle des salaires, la grande difficulté qu'on rencontre, c'est sa concordance avec la Loi sur l'administration financière, la loi sur les subsides, le discours sur le budget et les crédits. Là, cela devient très complexe: il faudrait revoir les règles parlementaires, les

règles mêmes de fonctionnement de l'Assemblée nationale en ce qui concerne le débat sur les crédits, le débat sur le discours sur le budget. Or, nous ne nous sommes pas considérés autorisés à présumer d'une nouvelle réforme parlementaire, de changements aux règlements de l'Assemblée nationale, pour s'assurer que la loi sur les salaires soit adoptée dans un délai raisonnable.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Justement, en tenant compte de toutes ces difficultés réelles qui ne peuvent probablement pas trouver de solution à court terme, tout en considérant que la question demeure ouverte, est-ce qu'on ne peut pas envisager une formule relativisée, comme celle qu'a mise de l'avant le député de Portneuf, en demandant que le projet de règlement soit soumis pour ratification à l'Assemblée nationale? A ce moment, le principe de l'intervention ultime de l'Assemblée nationale est sauf. Il y aurait un débat là-dessus qui serait d'une durée plus ou moins prolongée. Cela se ferait suivant les règles ordinaires. Cela ne serait pas une loi susceptible d'amendements et tout cela, mais ce projet serait ratifié par l'Assemblée nationale.

Vous évoquez des difficultés dont je suis conscient, moins que vous parce que je n'ai pas regardé cela dans le détail, mais dont je suis capable de comprendre la complexité. Cependant, vous ne résolvez pas le problème que nous soulevons et qui est non moins important. On ne peut pas laisser un gouvernement se muer d'employeur soumis à des règles objectives qui doivent être le plus proche possible de celles auxquelles doivent s'astreindre l'ensemble des employeurs en un décideur unilatéral sans que l'Assemblée nationale n'intervienne dans le processus d'une manière plus efficace que la simple manière consultative qui est prévue dans le projet de loi.

Je ne sais pas si cela ajoute considérablement aux difficultés quand on dit que le projet de règlement doit être ratifié par l'Assemblée nationale. Étant donné les difficultés que soulève le ministre - et je m'adresse au député de Deux-Montagnes - je laisserais de côté certaines difficultés qui sont réelles du point de vue du vocabulaire. Si cela est possible techniquement, comme je pense que cela l'est, de toute évidence, je me dis que ce serait au moins cela de pris. On serait assuré que l'Assemblée nationale se serait prononcée et qu'il n'y a pas un député qui pourrait aller dire nulle part: Ils m'ont passé cela et je n'ai jamais eu un mot à dire là-dedans. C'était à lui à se prévaloir de son droit de parole et à dire: Je suis contre ou je suis pour cela, j'aurais aimé mieux telle affaire. Du point de vue de l'exercice de la démocratie, il me semble qu'on serait tous plus satisfaits. Je n'exigerais pas, au départ du processus, d'avoir le droit de commencer à tripoter toutes sortes d'amendements là-dedans, parce qu'on sait comment c'est compliqué et tout, mais je ferais des représentations et, comme cela reviendrait chaque année, il en tiendrait compte l'année suivante si c'était bon. Nous savons tous quand une idée est bonne et à la condition qu'elle soit bonne, qu'à force d'être répétée elle finit par faire son chemin.

Dans ce sens, je serais satisfait si on me donnait ce principe. Je ne demande pas autre chose. Il me semble que je serais, content. J'ai suivi cette affaire-là depuis 25 ans. Je n'ai jamais trouvé d'autre solution au règlement des différends que l'exercice du pouvoir ultime par l'Assemblée nationale. L'exercice par voie de lois spéciales particulières ne s'avérait pas une bonne méthode. Là, on a autre chose. Il y a de bons éléments dans ce qui est proposé. Si c'était conciliable, j'en serais extrêmement soulagé et cette partie du projet de loi me poserait moins de difficultés fondamentales.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont, il y a un bon bout de temps que vous attendez avec impatience. Allez-yl

M. Paquette: Cela commence à être relativement clair dans mon esprit. D'abord, j'aimerais dire au départ, pour qu'on comprenne bien mon intervention, que là on discute du choix entre deux maladies, la lèpre ou la petite vérole. Je pense que le député de Portneuf a raison de trouver curieux que le processus s'arrête à une simple commission parlementaire où on entend les parties et qu'après cela le gouvernement adopte son projet de règlement qui va déterminer quasiment la moitié du budget de l'État. Là, le ministre nous dit: II y a des technicités. J'aimerais simplement lui dire que ce qu'on est en train de faire ici, dans cet article, c'est tout à fait analogue au processus qui a été suivi chaque fois - plusieurs fois - que le gouvernement a eu à adopter des lois spéciales. Je me rappelle en particulier la loi spéciale sur Hydro-Québec. La veille de la loi spéciale, on a entendu ici les représentants des employés d'Hydro-Québec en commission parlementaire qui ont exposé leur point de vue. Le ministre responsable de la loi, au lieu d'être à la barre des témoins, ce qui aurait dû être le ca3 normalement, était de l'autre côté. Les patrons d'Hydro-Québec étaient là, mais essentiellement ils se trouvaient à présenter le point de vue patronal.

Là, on a écouté, on a entendu les deux parties. Le lendemain, le gouvernement -

parce que tout cela est ficelé d'avance, c'est une des raisons pour lesquelles je n'ai pas voté pour cette loi spéciale alors que j'étais député ministériel... Non, non, c'est parce que j'avais vu comment cela s'était passé: on les entendait pour la forme. Le lendemain -je ne voudrais* pas que mes propos distraient du point essentiel; oubliez cela un instant -la loi spéciale était déjà prête, parce qu'elle a été adoptée immédiatement le lendemain.

Là, ce que le ministre nous propose c'est le même processus, avec cette différence que c'est le gouvernement tout seul, dans la salle du Conseil des ministres, à l'édifice 3, qui va adopter le projet de règlement, au lieu que ce soit débattu devant le public, à l'Assemblée nationale. Je ne vois pas, puisque le ministre tient absolument à ce genre de mécanisme, pourquoi ce qui a été fait à plusieurs reprises dans le cas de lois spéciales deviendrait tout à coup techniquement impossible. Tout ce que le ministre fait, c'est que, pour la deuxième et la troisième année, les salaires et échelles de salaires, il inclut dans cette loi des mécanismes analogues à ceux d'une loi spéciale, sauf que cela va être le gouvernement par règlement au lieu de l'Assemblée nationale par loi. Ce qui m'a fait dire plutôt qu'on avait là une loi spéciale permanente sur la question des salaires et échelles de salaires.

Là, le ministre, à l'article 54, est gentil parce que sur certaines lois spéciales on n'a même pas entendu les parties à l'Assemblée nationale. Il dit: Avant que le gouvernement se transforme en juge et tranche par son projet de règlement, on va au moins laisser à l'accusé la chance de se faire entendre. Je sais que le ministre n'aime pas mon vocabulaire. J'essaie de faire l'analogie entre ce qui se passe dans les cours de justice et l'analogie avec le rôle de juge qui devient celui du gouvernement quand il adopte son projet de règlement. Là, le ministre dit: Par 54, on va laisser, si vous n'aimez pas le mot accusés, les parties, l'avocat de la défense et l'avocat de la couronne, et le député de Portneuf par son autre amendement dit: quelques témoins importants aussi qu'on pourrait inviter en plus... On va les inviter et on va les entendre devant une commission qui représente l'Assemblée nationale, qui a une autorité déléguée de l'Assemblée nationale, donc devant l'Assemblée nationale. Après les avoir entendus, ce n'est pas celui qui devrait être le juge qui va décider, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, c'est le gouvernement qui va adopter son projet de règlement. Alors, entre la lèpre et la petite vérole, on est peut-être mieux avec la petite vérole et d'aller dans le sens de l'amendement du député de Portneuf. Le ministre y voit des problèmes techniques. C'est drôle, il n'y en avait pas de problèmes techniques quand les lois spéciales arrivaient. Est-ce qu'on peut savoir pourquoi là ce sont des problèmes techniques insurmontables? Je comprends que la formulation demanderait peut-être à être fouillée un peu plus, mais...

M. Clair: Ce n'est absolument pas le cas d'une loi spéciale, M. le Président, non plus que d'une loi spéciale permanente. Je pense que le député de Rosemont exagère dans son vocabulaire.

M. Paquette: Non, non... M. Clair: Je répète...

M. Paquette: Je veux bien me faire comprendre. C'est bien sûr que ce n'est plus une loi spéciale puisque c'est une loi générale, mais la dynamique est exactement la même que lors de l'adoption d'une loi spéciale. Pour éviter d'avoir à présenter des lois spéciales, le ministre dit: On aura des règlements gouvernementaux permanents, mais la dynamique est exactement la même.

M. Clair: Je pense que chacun comprendra que si c'était une loi annuelle sur les salaires, avec l'amendement du député de Portneuf... Si on adoptait l'amendement du député de Portneuf, un projet de règlement adopté par le gouvernement soumis à la ratification de l'Assemblée nationale, je peux vous assurer que la ligne de parti va jouer.

M. Pagé: Bien oui, M. le Président. Vous en avez déjà été victime, quoi?

M. Clair: À ce moment-là... Non, M. le Président...

M. Pagé: Ah! Même pas?

M. Clair:... comme le disait l'ancien leader du gouvernement, Robert Burns, tout le monde sait que tous les votes sont toujours libres à l'Assemblée nationale, mais il y a quand même la ligne de parti. Mais surtout, fondamentalement, je pense que... Je répète très brièvement l'argument: On ne peut pas envisager une loi annuelle des salaires sans modification...

M. Pagé: Ce n'est pas de cela dont on parle.

M. Clair: Non, mais... C'est une... M. Pagé: On parle d'une motion.

M. Clair:... façon hybride de fonctionner qui n'est pas... On choisit une voie ou on choisit l'autre, à mon sens. Je vois que le député de Deux-Montagnes, même s'il est en désaccord sur le fond, sur cette

approche, choisir entre deux voies est d'accord avec moi. On choisit une voie ou on choisit l'autre. Si on devait choisir la loi annuelle des salaires, cela entraînerait des modifications au fonctionnement même de l'Assemblée nationale, à la loi des subsides et, éventuellement, à la Loi sur l'administration financière et aux règlements de l'Assemblée nationale. C'est la raison pour laquelle nous l'avons exclue.

D'autre part, je rappelle aux collègues... Je sais que ce n'est pas susceptible de se produire tous les ans, mais, déjà, il y a un risque: si l'Assemblée nationale ne siège pas ou s'il y a une élection pendant cette période, déjà, on prend un risque en ce qui concerne la réunion d'une commission parlementaire. Le risque serait encore plus grand si c'était une loi annuelle des salaires, si l'Assemblée nationale ne siège pas à cette période-là. Même si, habituellement, elle siège, je pense, M. le Président, qu'il faut être conscient aussi de ces limites.

Mon meilleur argument, je pense, est de dire: on choisit une voie ou on choisit l'autre. On est allé, dans la mesure où on choisit la voie réglementaire, on est allé le plus loin qu'on pouvait dans la tradition parlementaire, c'est-à-dire de déposer le projet de règlement sur la table de l'Assemblée nationale, tenir une commission parlementaire sur ce projet de règlement. Je ne vois pas tellement ce qu'on pourrait faire de plus. Si on veut aller plus loin que cela, cela s'appelle une loi annuelle des salaires, avec tout ce que cela comporte.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais féliciter le ministre de n'avoir pas voulu que sa loi modifie les règles de procédure de l'Assemblée nationale.

M. Clair: II n'y a rien à notre épreuve.

M. de Bellefeuille: C'est justement pour cela que je le félicite.

M. Clair: C'est dans ce sens-là que je recevais son compliment. (23 heures)

M. de Bellefeuille: Le ministre a fait allusion à la réforme parlementaire, un sujet qui me passionne. Je regrette que l'ancien député de Trois-Rivières ait démissionné, M. Vaugeois, parce qu'il pourrait nous éclairer là-dessus. Un des aspects de la réforme parlementaire auquel il s'est le plus intéressé, c'est précisément le rapport entre le législatif et l'exécutif sous l'angle du pouvoir réglementaire de l'exécutif. Mais il me semble que dans le cadre de la réforme parlementaire, ce dont nous nous sommes surtout préoccupés, c'est de deux choses: d'abord, l'abus du pouvoir réglementaire, c'est-à-dire la tendance qu'a le gouvernement de proposer à l'Assemblée nationale des lois qui ne font que donner un cadre très général, en se réservant - se, le gouvernement - un pouvoir réglementaire où se trouve une bonne partie de la substance. Nous avons déploré cela.

La deuxième chose à laquelle nous nous sommes intéressés, c'est le contrôle du pouvoir réglementaire. Le ministre a rapidement fait allusion à cela. Comment ce contrôle du pouvoir réglementaire par le législatif pourrait-il se faire? Je ne crois pas me souvenir qu'il y ait eu des solutions d'adoptées. Des propositions ont été faites, mais je n'en vois guère la suite. Ce contrôle du pouvoir réglementaire, c'est un contrôle dans le sens français. Cela ne veut pas dire maîtriser le pouvoir réglementaire, cela veut dire savoir ce qui se passe. Oui, bien sûr, les parlementaires veulent savoir ce qui se passe du côté de l'exercice que l'exécutif fait de son pouvoir réglementaire, mais rien dans cela ne signifie que la réforme parlementaire entraînerait un empiétement du législatif sur l'exécutif quant à son pouvoir réglementaire. Cela, que je sache, n'a jamais été proposé, et cela me semble être précisément ce que propose le député de Portneuf dans son amendement. Malgré la fin de l'intervention de mon collègue de Rosemont, avec laquelle je n'étais tout à fait d'accord, je continue de m'opposer à l'amendement pour cette raison. Le ministre, je lui attribue, en cette matière, un bon naturel, c'est-à-dire qu'il semble partir d'un bon naturel, mais il me semble...

M. Clair: M. le Président, si j'ai remercié plus tôt le député de Deux-Montagnes pour ses effets oratoires, je le remercie maintenant pour son argumentation.

M. de Bellefeuille: Le bon naturel, c'est que le ministre veut introduire de la démocratie là-dedans, mais il me semble que la démocratie doit résider dans la... Le ministre parlait de ce que nous choisissons. Le choix que je fais, c'est que la démocratie, dans cela, doit résider dans la négociation libre et véritable, et non dans l'intervention du Parlement, ce qui serait, en l'occurrence, il me semble, un recours mal fondé au pouvoir législatif, ce qui ne veut pas dire que je suis d'accord avec l'article 54. Je ne serais pas d'accord non plus avec une loi sur les salaires. C'est peut-être un peu moins pire que l'article 54, mais c'est le choléra et la peste, ou la peste et la petite vérole, comme le dit si bien mon collègue de Rosemont. Entre les deux, je ne choisis pas, je dis: II faut biffer tout cela, comme l'a proposé mon collègue. Pardon?

M. Clair: Entre les deux, vous choisissez de ne pas être malade.

M. de Bellefeuille: Voilà! La santé, bon! Merci, M. le Président.

M. Paquette: La négociation, c'est la santé.

M. Clair: C'est rejeté.

Le Président (M. Lachance): M. le secrétaire, est-ce qu'on peut procéder?

M. Pagé: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui.

M. Pagé: Est-ce qu'on peut voter sur l'article qui était suspendu?

M. Clair: On vote sur votre amendement, l'autre amendement demeurant en suspens.

Le Président (M. Lachance): La proposition d'amendement du député de Portneuf se lirait comme suit: Au quatrième alinéa, aux première et deuxième lignes, remplacer les mots "soumis au gouvernement pour adoption", par les mots "ratifié par l'Assemblée nationale".

M. Pagé: C'est cela.

Le Président (M. Lachance): M. le secrétaire.

Le Secrétaire: M. Dussault (Château-guay).

M. Dussault: Contre.

Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska).

M. Baril: Contre.

Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville).

M. Beauséjour: Contre.

Le Secrétaire: M. Clair (Drummond).

M. Clair: Contre.

Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil).

M. Ryan: Pour.

Le Secrétaire: M. Pagé (Portneuf).

M. Pagé: Pour.

Le Président (M. Lachance): Alors, c'est rejeté par...

Une voix: Mme Bantey n'est pas là?

M. de Bellefeuille: Non, elle est allée manger une bouchée.

Le Président (M. Lachance):... deux voix pour et quatre voix contre.

M. de Bellefeuille: Elle aurait dû faire comme M. Pagé et manger ici.

Le Président (M. Lachance): L'amendement du député de Portneuf est rejeté.

M. Pagé: Les péquistes mangent à la table.

M. de Bellefeuille: Je m'en fiche éperdument!

Le Président (M. Lachance): Est-ce que nous poursuivons la discussion sur l'article 54?

M. Pagé: Est-ce que M. le ministre a une réponse à nous donner en regard de la proposition initiale formulée?

M. Clair: Non, M. le Président, je vais y penser et dormir là-dessus probablement.

Le Président (M. Lachance): Ah! bon. Alors, cela signifie que l'article est suspendu.

M. Pagé: Vous dormez malgré la guillotine?

Une voix: C'est confortable.

M. Clair: Si vous saviez comme c'est à regret.

Le Président (M. Lachance): L'article 54 est suspendu.

M. Pagé: C'est cela. Article 55.

Le Président (M. Lachance): Nous passons à l'article 55.

M. Clair: À l'article 55, j'ai un amendement. On a une nouvelle version pour vous, M. le Président, puisqu'il y a une petite modification par rapport à l'amendement qu'on vous avait remis. Je propose que l'article 55 soit modifié par l'insertion, à la première ligne du deuxième alinéa, après le mot "adoption" des mots: "II a effet pour toute l'année en cours".

Le Président (M. Lachance): Nous allons procéder à la distribution de l'amendement du ministre.

M. Clair: Oui, et cela prend un i

majuscule.

M. de Bellefeuille: Cela fait une nouvelle phrase.

M. Clair: C'est cela, c'est une nouvelle phrase qu'on insère. L'amendement vise à s'assurer que le règlement, une fois adopté, pourra s'appliquer rétroactivement au 1er janvier de l'année en cours. Je peux d'ores et déjà fournir au député de Rosemont l'argument qu'en plus d'être un règlement, le règlement pourra avoir un effet rétroactif pour l'année en cours. C'est simplement pour éviter que le règlement ne puisse avoir qu'une valeur dans l'avenir et non pas pour toute l'année en cours.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, on est vraiment dans la dentelle. Le ministre cisèle son oeuvre d'art, son projet de loi chéri. C'est simplement une directive, M. le Président. Tout à l'heure, j'avais annoncé que j'avais l'intention de déposer un amendement qui visait à biffer les articles 54, 55 et 56. Je ne m'illusionne pas sur ses chances d'adoption; cependant, j'aimerais bien le déposer.

L'article 54 est suspendu, et tout cela est lié parce que le ministre a conservé le mot "négocier" à l'article 53 et, par conséquent, si on biffait les articles 54, 55 et 56, cela voudrait dire qu'il y aurait une négociation libre, plutôt que d'essayer d'améliorer et de ciseler les articles 54, 55 et 56. Donc, à quel moment est-ce que je vais pouvoir présenter mon amendement, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Vous voulez présenter un amendement en bonne et due forme?

M. Paquette: Oui. Je l'avais annoncé d'ailleurs au début de la discussion de l'article 54.

M. Clair: Je pense, M. le Président, pour vous éclairer, que vous avez vous-même indiqué qu'on étudiait les articles un à un. Alors, cela prendrait plusieurs motions d'amendement, c'est-à-dire plusieurs motions les unes après les autres afin de retirer un tel article du projet de loi. Si le député avait voulu le présenter à l'article 54, il aurait pu le faire. Il peut maintenant le faire à l'article 55. Remarquez que, s'il advenait que sa motion d'amendement proposant de biffer l'article 54 soit adoptée - ce que je ne crois pas - cela voudrait dire qu'on n'aurait plus besoin de garder en suspens la proposition d'amendement du député de Portneuf.

M. Paquette: M. le Président, il faut bien se comprendre. Il y aurait une façon très simple de régler la question, c'est de "désuspendre" l'article 54, juste le temps de présenter l'amendement, et, s'il est battu, le ministre pourra retourner à sa réflexion sur l'article 54. Pour ma part, je vais me taire sur les articles 55 et 56 parce que je suis en désaccord avec cesarticles. Je ne veux même pas parler des amendements et de la dentelle du ministre.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on revienne?

M. Clair: II y a consentement.

M. Beauséjour: Sur une question de règlement, M. le Président. Je m'interroge pour savoir, sur chacun des articles, quand vous demandez si tel article est adopté, si on peut arriver au même effet que ce que propose le député de Rosemont, c'est-à-dire que, si tout le monde ou la majorité dit que c'est rejeté, l'article ne sera plus là.

Mme Le Blanc-Bantey: Y a-t-il quelqu'un qui a compris?

Le Président (M. Lachance): Oui, j'ai très bien compris.

M. de Bellefeuille: Je félicite le député d'Iberville.

Mme Le Blanc-Bantey: Je vais me le faire expliquer par mon collègue.

M. Paquette: M. le Président, je pense que... Sur la question de règlement.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je pense que dans notre règlement nous pouvons biffer des articles. Si on a prévu cela dans le règlement, c'est donc que l'argument du député d'Iberville ne tient pas.

M. Ryan: Je crois que...

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil, je vais continuer d'entendre les avis avant de prendre une décision là-dessus parce que...

M. Ryan: C'est cela.

Le Président (M. Lachance):... la même décision pourrait s'appliquer pour...

M. Paquette: Oui, c'est cela.

Le Président (M. Lachance):... les trois articles.

M. Paquette: C'est une question de libre expression. Un député a le droit de manifester son désaccord avec des articles en proposant de les biffer. Je n'ai pas l'intention de retarder les travaux parce que je propose d'en biffer trois d'un coup plutôt que de le faire trois fois. Cela va aller plus vite, n'est-ce pas?

M. Ryan: M. le Président, pourriez-vous résumer l'objet qui est en discussion pour ne pas parler pour rien dire, pour savoir de quoi on parle?

Mme Le Blanc-Bantey: Et nous indiquer si j'aurais perdu de nouveaux concepts pendant mon absence temporaire et très courte.

M. Ryan: Cela évolue vite.

Une voix: Cela évolue vite et cela finit que c'est rien.

Des voix: Ha! Ha!

Une voix: Fermez les portes et ne le laissez pas partir.

M. Ryan: M. le Président...

Mme Le Blanc-Bantey: Cela continue sur le plan des effets oratoires comme mon collègue de Deux-Montagnes.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Pourriez-vous résumer l'objet de la discussion?

Le Président (M. Lachance): Le député de Rosemont demande qu'on revienne à l'article 54, qu'on en discute, et sa proposition d'amendement, c'est de le biffer tout simplement, de le faire disparaître du projet de loi 37. Il a indiqué qu'il avait également l'intention de procéder de la même façon, selon la recevabilité, j'imagine, pour les articles 55 et 56.

M. Paquette: Je voudrais faire une seule proposition d'amendement au projet de loi biffant les trois articles.

M. Beauséjour: M. le Président, une question de règlement juste pour saisir. Cela reviendrait à dire que, si un député demande de biffer, il demande par le fait même de prendre le vote. Cela reviendrait à la même chose?

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Non, M. le Président.

D'abord, je pense que vous avez compris que nous étions d'accord pour renoncer temporairement à la mise en suspens de l'article 54.

Le Président (M. Lachance): C'est bien cela.

M. Ryan: Nous avons accepté cela de notre côté volontiers. Maintenant, on nous propose un amendement qui consisterait à biffer l'article 54. Vous demandez des opinions sur la recevabilité...

Le Président (M. Lachance): C'est cela, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je crois que c'est tout à fait recevable. Je crois que c'est une formule d'amendement qu'on emprunte souvent. Si l'amendement est accepté, cela veut dire que l'article disparaît. S'il n'est pas accepté, cela veut dire qu'il reste. Je crois que c'est le droit d'un parlementaire de présenter une motion comme celle-là. Je pense qu'il n'y a rien qui s'y oppose. Moi-même, j'aurai tantôt une proposition d'amendement qui va exactement dans le même sens à propos d'un article...

Une voix: Ah!

M. Ryan:... qui vient un peu plus loin.

Le Président (M. Lachance): J'ai des avis, M. le député d'Argenteuil, qui me permettent d'avoir des doutes.

M. Ryan: Oui, mais je vais vous prévenir d'une chose. S'il arrivait des difficultés, on vous ajouterait un mot. On va vous régler cela. Il n'y aura pas beaucoup de difficultés avec cela. J'aimerais entendre votre avis, même votre conclusion sérieuse.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre, sur la recevabilité.

M. Clair: Oui, sur la recevabilité. Le député d'Argenteuil a raison de dire qu'un député - en tout cas, c'est mon opinion -peut proposer comme motion d'amendement de biffer un article, auquel cas, effectivement, l'article n'existe plus, sauf et à la condition que, par ce biais, cela ne vienne pas faire disparaître un des principes du projet de loi qui a été adopté en deuxième lecture.

M. Ryan: D'accord. À ce moment-là, c'est à vous de juger dans votre discrétion.

Le Président (M. Lachance): Je préférerais prendre cela en délibéré, vu l'importance que cela peut avoir.

M. Ryan: Si je peux vous donner un avis désintéressé, j'espère que votre délibéré s'inspirera de normes libérales. Ha! Ha!

M. Paquette: M. le Président, si vous me le permettez, le député de Châteauguay vient de me donner un argument irréfutable. C'est arrivé très souvent qu'un ministre ait déposé des amendements à son propre projet de loi pour biffer des articles. Je pense qu'il y a beaucoup de précédents dans... N'est-ce pas?

Mme Le Blanc-Bantey: Comme ministre, c'était acceptable.

M. Paquette: Si c'est acceptable pour un ministre, cela doit être acceptable pour un député.

Mme Le Blanc-Bantey: Pas nécessairement. Il ne comprend pas vite.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont...

Mme Le Blanc-Bantey: II a encore beaucoup d'illusions, mon collègue de Rosemont. (23 h 15)

Le Président (M. Lachance): Sans préjuger de la décision que je rendrai sur cette question, je voudrais vous indiquer que, lorsque vous avez - et c'est arrivé au cours de nos travaux - présenté une motion, à un moment donné, vous avez décidé, après discussion, vous qui en étiez l'auteur, de la retirer.

M. Paquette: Oui.

Le Président (M. Lachance): Or, de la même façon, par association, on pourrait penser que, puisque le ministre est l'auteur du projet de loi, il pourrait peut-être avoir un privilège que d'autres n'ont pas.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Lachance): C'est sans préjuger de la décision que je pourrais rendre là-dessus. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais simplement porter à votre attention que, lorsqu'un membre retire une proposition...

M. Paquette: Si le ministre veut la retirer, M. le Président, je suis bien d'accord.

M. Ryan:... d'amendement qu'il avait faite...

Le Président (M. Lachance): Oui, je note. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voulais simplement porter à votre attention que, lorsqu'un membre retire une proposition d'amendement qu'il avait déposée, il doit le faire avec le consentement des membres de la commission parce qu'elle est devenue la propriété...

M. Paquette: Oui.

M. Ryan:... de la commission à ce moment-là et non plus la sienne. Il peut le faire avec le consentement des gens. Sinon, il va falloir qu'on en dispose par les voies régulières.

Mme Le Blanc-Bantey: II me semble que le président a une vision élitiste.

M. Beauséjour: D'autant plus, ici, que la proposition vient du ministre. Alors, l'interrogation est encore beaucoup plus grande, dans le sens qu'elle ne vient pas du député de Rosemont.

M. Ryan: C'est différent dans le cas du ministre parce qu'il a le pouvoir d'initiative sur toute la ligne, à mon point de vue. S'il veut nous soulager de quelques articles de son projet de loi, je ne pense pas qu'on lui fasse obstacle.

M. Beauséjour: C'est justement, mais que le député de Rosemont...

Mme Le Blanc-Bantey: C'est une suggestion à faire.

M. Beauséjour:... propose de résilier des articles et qu'il ne soit pas l'auteur...

M. Paquette: Ce serait même pour son propre bien.

M. Beauséjour: Ce n'est pas lui qui a présenté l'article. Cela pose une interrogation.

M. Clair: M. le Président, je ne sais qui a fait ce règlement, mais prenez-le, je trouve que c'est bien fait.

Le Président (M. Lachance): Je pense que, pour ne pas faire perdre le temps de la commission...

M. de Bellefeuille: II y a un filibuster ministériel, manifestement. Ils parlent tous.

M. Dussault: M. le Président, il y a des choses, malgré tout, qui ne sont pas exactes. Le projet de loi 56 a été adopté en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Il n'appartient plus à personne d'autre qu'aux membres de l'Assemblée nationale. Donc, c'est pour cela qu'il faut un consentement unanime pour pouvoir retirer quoi que ce soit

du projet de loi.

Mme Le Blanc-Bantey: Ce n'est pas le projet de loi 56, M. le député, c'est le projet de loi 37.

M. Dussault: Je m'excuse. Le dernier auquel j'ai travaillé, c'était le projet de loi 56. C'est le projet de loi 37, donc. Il appartient aux membres de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Lachance): C'est un argument extrêmement intéressant, mais je vais le prendre en délibéré.

Mme Le Blanc-Bantey: Nous saurons bientôt si l'article est suspendu éternellement.

Le Président (M. Lachance): Je vous suggère... À mois qu'on aille plus loin et qu'on discute de l'amendement proposé par le ministre à l'article 55.

Une voix: Le point et les guillemets?

M. Ryan: Je serais porté à accepter l'amendement sans discussion, en réservant mon jugement sur l'article tel qu'amendé, cependant.

M. Clair: Alors, l'amendement est-il adopté?

Le Président (M. Lachance): Est-ce que l'amendement proposé par le ministre est adopté?

M. Clair: Adopté.

Mme Le Blanc-Bantey: Sur division, parce que, évidemment, on est contre le principe; on ne peut pas adopter l'amendement.

Une voix: Même quand ils sont bons.

Mme Le Blanc-Bantey: Bien non! C'est parce que l'amendement ne change en rien le principe visé dans l'article.

Le Président (M. Lachance): L'amendement est adopté sur division.

M. Ryan: Chaque fois que cela améliore un peu, je n'ai pas d'objection à adopter un amendement. Je réserve mon jugement sur l'article amendé. Chacun sa ligne de conduite.

Le Président (M. Lachance): À l'article 55, est-ce qu'il y a des commentaires, ou on passe à l'article...

M. Paquette: M. le Président, c'est simplement, sous réserve de votre décision, pour m'éviter de faire trois propositions d'amendement si jamais elle est recevable: Est-ce qu'on pourrait convenir que, si vous la receviez, je pourrai proposer de biffer cet article en même temps que l'autre?

Le Président (M. Lachance): Cela vous va? D'accord. Alors, en attendant de pouvoir rendre une décision là-dessus, nous allons passer à l'étude de l'article 56.

M. Clair: Est-ce que l'article 55 est adopté?

Le Président (M. Lachance): Non.

M. Paquette: II est suspendu comme 54.

M. Clair: Ah! il est suspendu.

Le Président (M. Lachance): C'est parce qu'il y a une décision à rendre qui...

M. Clair: D'accord. M. le Président, avant de... On peut peut-être faire l'article 56. Je vais être prêt à revenir à l'article 50.

M. Ryan: On est rendus aux articles 55 et 56.

M. Clair: Je n'ai pas d'amendement à proposer à l'article 56, M. le Président.

M. Paquette: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Ici, on a le principe du décret permanent pour les salaires et les échelles de salaires pour la deuxième année et pour la troisième année de la convention collective. Une fois que le gouvernement a adopté son règlement, cela fait partie de la convention collective, donc, cela devient... Je ne sais pas si le terme est exact: faire partie de la convention collective. Ce serait plutôt ici quelque chose qui s'apparente à un décret tenant lieu de convention collective, si on voulait être plus précis. Si le ministre m'assure que c'est un terme qui, juridiquement...

M. Clair: C'est juridiquement étanche.

M. Paquette:... est étanche, cela me donne d'autant plus de raisons de demander de le biffer un peu plus tard.

M. Clair: Je peux assurer le député que c'est juridiquement étanche.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, même si j'ai confiance que ce sera biffé, au cas où cela ne le serait pas, je vous rappellerai qu'à l'article 53 le ministre a changé le mot "stipulations" par quelque chose comme "détermination". Je m'excuse, mais je n'ai pas le libellé exact. J'essaie de comprendre s'il y a un sens différent ou s'il y a un nouveau concept dans l'article 56 par rapport à l'article 53, pour faire en sorte qu'il y ait concordance. Évidemment, je ferai toutes les mêmes réserves que j'ai déjà faites à l'article 53, je crois, sur le mot "négocier".

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, il n'y a pas de concordance à faire par rapport à ce qu'on a adopté tantôt. Tantôt, il fallait corriger une expression employée à mauvais escient sur le plan de la description du mode de détermination des salaires, mais ici les mots sont employés correctement sur le plan juridique par rapport à tout le reste du projet de loi.

Mme Le Blanc-Bantey: Le ministre étant avocat, je n'ose protester.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Clair: Vous devriez.

Le Président (M. Lachance): D'accord?

M. Ryan: Sur l'article 56?

Le Président (M. Lachance): L'article 56, oui.

M. Ryan: Prêt à voter.

Le Président (M. Lachance): L'article serait suspendu lui aussi par rapport à la décision que j'ai à rendre sur la motion d'amendement du député de Rosemont.

M. Ryan: Je suis prêt à attendre.

Le Président (M. Lachance): Vous êtes prêt à attendre?

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Lachance): Mais le ministre a indiqué qu'il...

M. Ryan: On ne peut pas demander plus soumis, hein?

M. Clair: J'étais disposé, M. le Président, à revenir à l'article 50 à avancer en arrière.

M. Ryan: Je suis à la veille de passer de votre côté.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil, on avait suspendu hier l'article 50. Est-ce que vous seriez disposé à ce qu'on revienne...

M. Clair: À l'article 50? M. Ryan: Non.

Le Président (M. Lachance):... à l'article 50?

M. Ryan: J'aimerais autant qu'on continue.

M. Clair: Pourquoi?

M. Ryan: Parce qu'il nous reste seulement 35 minutes et j'aimerais autant qu'on aborde des questions plus substantielles que celle-là. Celle-là, on pourrait y revenir.

M. Clair: C'était simplement pour dire, M. le Président, qu'il avait été question qu'il y ait de la concordance. Il n'y a pas de nécessité de concordance. Les juristes l'ont vérifié et il n'y a pas nécessité de concordance.

M. Ryan: Je pense que, demain, ce sera tout aussi éclairant. Parfois, il suffit d'une virgule pour engager un débat de 45 minutes. Il y a des choses importantes qu'on voudrait soumettre à la considération de la commission avant la fin de la présente séance.

M. Clair: Je n'en fais pas une question de principe.

Le Président (M. Lachance): Maudit!

M. Pagé: M. le Président, je viens d'entendre un mot qui doit être étranger à nos travaux parlementaires.

M. Ryan: De la part du président. M. Pagé: De la part du président.

M. Ryan: Aie, aie, aie! Nos chastes oreilles ont été blessées une fois de plus en cette enceinte.

M. Pagé: On est habitués de l'être par les péquistes, mais pas par les présidents.

M. Clair: Je tiens à dire au député d'Argenteuil qu'après tout ce que les miennes ont entendu à propos de moi-même et de mon projet de loi, il peut se consoler.

M. Pagé: Mais c'était vous qui étiez

attaqué comme ministre et non pas comme personne ou comme député.

M. Ryan: C'est le coeur qui est important et non pas les oreilles. Il y a des choses qui frappent l'oreille, mais qui ne vont pas jusqu'au coeur.

M. de Bellefeuille: M. le Président, puis-je proposer une suspension, parce que tout cela passe au Journal des débats?

Mme Le Blanc-Bantey: J'allais dire au député d'Argenteuil que des oreilles qui écoutent, cela ne fait pas de tort et c'est important.

Le Président (M. Lachance): Nous allons suspendre pendant quelques instants.

Une voix: Il commence à avoir peur. (Suspension de la séance à 23 h 24)

(Reprise à 23 h 34)

Le Président (M. Lachance): La commission reprend ses travaux. Voici ce qui a été pris en délibéré, la motion du député de Rosemont visant à biffer les articles 54, 55 et 56. Je m'inspire de Beauchesne, l'article 773...

M. Pagé: Pourriez-vous jeter un coup d'oeil pour voir s'il y a quorum, M. le Président, si cela était possible.

Le Président (M. Lachance): Erskine and

May?

Mme Le Blanc-Bantey: On devrait demander le silence parce que peut-être que c'est...

Le Président (M. Lachance): Je pense qu'on a suffisamment d'indications pour être capable de rendre une décision.

M. Paquette: À la page...

Le Président (M. Lachance): Alors, recevabilité des propositions d'amendement en comité, à la page 238 du livre sur la jurisprudence parlementaire de Beauchesne, cinquième édition: "II est interdit au président de recevoir des propositions d'amendement entachées des vices suivants... ". Et, là, je tombe au sixièmement: "... s'il ne vise qu'à supprimer un article. En l'espèce il suffit, en effet, de voter contre l'article en question. " Alors, c'est Beauchesne.

Nous avons aussi Geoffrion: "II est irrégulier de proposer de rayer un article en entier. Quand on veut qu'il soit rayé, on vote contre son adoption. " Alors, je pense que cela est assez clair. Finalement, il y avait M. Jean-Noël Lavoie, que vous avez bien connu, M. le député de Portneuf...

M. Pagé: Très bien. Vous auriez dû le connaître.

Le Président (M. Lachance): Peut-être. Le 3 décembre 1975, il a rendu une décision qui s'inspire de ce que je viens de vous dire: Un amendement à une motion visant à écarter la question principale est irrecevable. Là, on donne un peu plus de détails compte tenu de ce qui avait été évoqué à l'époque. Alors, je pense que c'est assez clair. Alors, la décision est rendue et, par conséquent, nous pouvons revenir à l'article 54.

M. Paquette: II était suspendu. Je crois comprendre qu'on ne le "désuspendra" pas è moins que le ministre réponde aux questions qui sont en suspens.

M. Clair: On pourrait laisser l'article 54 en suspens et adopter sur...

M. Paquette: Et voter...

M. Clair:... sur division immédiatement les articles 55 et 56.

M. Paquette:... les articles 55 et 56.

Le Président (M. Lachance): Alors, est-ce que l'article 55 tel qu'amendé est adopté?

M. Clair: Adopté.

M. de Bellefeuille: Un instant, M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Vous dites "tel qu'amendé". Quel amendement?

M. Clair: J'avais proposé un amendement à l'article 55.

M. de Bellefeuille: L'amendement du ministre. Très bien. M. le Président, on nous a distribué... Très bien, c'est une façon de parler. On nous a distribué un amendement de l'Opposition officielle. Ne sera-t-il pas présenté?

M. Ryan: II n'est pas présenté.

M. de Bellefeuille: II n'est pas présenté.

M. Ryan: II n'a jamais été déposé. Il vous avait été communiqué gracieusement...

M. de Bellefeuille: C'est très gentil,

merci...

M. Ryan:... pour votre information.

M. de Bellefeuille:... nous allons faire une grande croix. Merci.

M. Ryan: Nous avons décidé de n'en pas parier ici, étant donné le sort malheureux qui fut réservé, plus tôt, à l'article 52.

Le Président (M. Lachance): Alors, est-ce que l'article 55, tel qu'amendé, est adopté?

Mme Le Blanc-Bantey: J'ai demandé le vote nominal, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. le secrétaire, nous allons voter sur l'adoption de l'article 55, tel qu'amendé.

Le Secrétaire: M. Dussault (Châteauguay)?

M. Dussault: Pour.

Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?

M. Baril (Arthabaska): Pour.

Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville)?

M. Beauséjour: Pour.

Le Secrétaire: M. Clair (Drummond)?

M. Clair: Pour.

Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine)?

Mme Le Blanc-Bantey: Contre.

Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?

M. Ryan: Contre.

Le Secrétaire: M. Pagé (Portneuf)?

M. Pagé: Contre.

Le Président (M. Lachance): L'article 55, tel qu'amendé, est adopté sur division.

M. Pagé: Quel est le résultat, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Quatre pour et trois contre.

M. Pagé: Quatre-trois, on se rapproche.

Le Président (M. Lachance): Et le président n'a pas voté, et le président aurait droit de vote. J'appelle l'article 56.

Mme Le Blanc-Bantey: Ne nous faites pas de menace, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Pas du tout.

M. Pagé: M. le Président, étant donné que vous ouvrez la porte, pourriez-vous nous indiquer comment vous auriez voté?

Le Président (M. Lachance): C'est trèshypothétique.

M. Pagé: D'accord, bonne chance. Ne votez pas.

Le Président (M. Lachance): J'appelle l'article 56.

M. Clair: Adopté.

Mme Le Blanc-Bantey: Non, compte tenu du fait qu'on n'a pas pu l'éviter, on va demander le vote nominal; on réussira peut-être mieux.

Le Président (M. Lachance): Nous allons procéder au vote nominal sur l'article 56.

Le Secrétaire: M. Dussault (Château-guay)?

M. Dussault: Pour.

Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?

M. Baril (Arthabaska): Pour.

Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville)?

M. Beauséjour: Pour.

Le Secrétaire: M. Clair (Drummond)?

M. Clair: Pour.

Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine)?

Mme Le Blanc-Bantey: Contre.

Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?

M. Ryan: Contre.

Le Secrétaire: M. Pagé (Portneuf)?

M. Clair: Sans enthousiasme.

M. Pagé: Contre.

Les stipulations négociées et

agréées à l'échelle locale ou régionale

Le Président (M. Lachance): L'article 56 est adopté sur division. J'appelle l'article 57. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Avec l'article 57, nous entrons dans la partie du projet de loi qui traite des stipulations négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale. L'économie du projet de loi se résume à peu près ainsi: Dans le secteur des affaires sociales et dans le secteur de l'éducation, pour le personnel de soutien et le personnel professionnel...

On me signale, en passant, M. le Président - c'est une question de formulation - une expression qui est employée désormais dans les milieux syndicaux pour le personnel professionnel non enseignant, on dit du personnel professionnel tout court, on n'emploie plus l'expression "non enseignant". Si vous adoptez une loi qui doit valoir pour la prochaine année ou pour les deux ou trois prochaines années, il faudrait peut-être que vos rédacteurs vérifient ce point avec la centrale syndicale concernée. On parle de personnel professionnel tout court maintenant, on m'a signalé cela ces jours derniers.

Mais ce n'est pas là-dessus que je veux attirer votre attention pour l'instant. On dit que pour le personnel des affaires sociales et le personnel de soutien, le personnel professionnel des commissions scolaires, les matières sur lesquelles les stipulations négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale portent sont celles que définissent les parties à l'occasion de la négociation des stipulations nécogiées et agréées à l'échelle nationale. Cela veut dire, ainsi qu'on le verra d'ailleurs à l'article suivant, que pour le personnel enseignant dans le secteur de l'éducation et pour le personnel professionnel dans le cas des collèges en plus, les matières mentionnées à l'annexe A du projet de loi sont l'objet de stipulations négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale de manière obligatoire.

Finalement, on dit plus loin, à l'article 60, que les négociations qui ont lieu à l'échelle locale ou régionale ne peuvent donner lieu à un différend au sens de notre loi du travail, c'est-à-dire un différend pouvant déboucher sur une grève ou un lockout.

La position que véhiculeront les amendements dont nous saisirons la commission se résume à ceci: Nous trouvons que, dans le secteur des affaires sociales, la position consistant à dire que les conventions collectives seront négociées et agréées à l'échelle nationale et que des arrangements pourront être établis d'un commun accord à l'échelle locale, c'est une position qui est acceptable pour nous et qui, d'ailleurs, va bien avec la philosophie générale que nous avons définie.

Dans le secteur de l'éducation, il y aurait un amendement que nous proposerions - et je pense que j'en ai déjà donné communication, à titre d'information, au ministre ainsi qu'aux autres membres de la commission - et qui se lirait comme suit, à l'article 57: Supprimer les mots "à l'égard du personnel de soutien et du personnel professionnel non enseignant des commissions scolaires". Il faudrait supprimer ces mots, ce qui nous ramènerait au régime suivant, à un régime où les conventions collectives seraient négociées à l'échelle nationale, sauf sur les matières qui auraient fait l'objet d'un accord entre les parties pour qu'elles soient négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale.

C'est aussi simple que cela. Il y a beaucoup d'implications là-dedans. Si le gouvernement avait accepté, comme le demandait l'hypothèse de règlement acceptée par le ministre de l'Éducation et la Centrale de l'enseignement du Québec, que certaines matières puissent être négociées à l'échelle locale au sens plein du terme - je souligne, à l'intention du député de Châteauguay, qu'ici le mot "négociation" aurait son véritable et plein sens - si le gouvernement avait consenti à ce que ces matières soient négociées à l'échelle locale et régionale, comme le demandait l'hypothèse de règlement approuvée par le ministre de l'Éducation et rejetée par le cabinet à ce moment, nous sommes tout à fait pour la négociation locale à la condition que ce soit une vraie négociation. Si le gouvernement ne veut pas de vraie négociation, à ce moment, nous lui disons: Laissez la négociation au plan national et, si les parties s'entendent pour que certains éléments puissent faire l'objet d'arrangements à l'échelon local ou régional, c'est très bien. À ce moment, vous supprimez le droit de grève. Les choses sont claires, mais ce que nous voulons, c'est que certaines matières puissent être négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale, moyennant un accord des parties au plan national, mais une négociation locale et régionale assortie de tous les éléments qui sont inhérents à une négociation véritable, y compris le droit de grève. C'est notre position de base sur le secteur de l'éducation.

Quant au secteur des affaires sociales -mon collègue de Portneuf en parlera tantôt -il ne peut pas y être question d'une négociation locale avec un droit de grève. Vu qu'on la refuse au plan national, il ne peut pas en être davantage question au plan local. C'est une question de consistance élémentaire de notre part qui se comprend facilement, je pense, de la part du ministre. C'est notre position que véhicule l'amendement dont je viens de donner

lecture. (23 h 45)

Je vais continuer ainsi à titre d'introduction, parce que cela nous permet d'embrasser trois ou quatre articles en même temps; ensuite, on pourra les discuter un après l'autre avec beaucoup plus de brièveté, je pense. Cela nous amène à demander que l'article 58 disparaisse par des voies qu'il restera à déterminer. Nous avions préparé un amendement très simple qui aurait consisté à supprimer tout simplement cet article. Étant donné votre décision, nous allons essayer, d'ici à demain matin, d'en rédiger un qui gardera au moins une couple de mots, mais qui fera disparaître le reste.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Ryan: Si nous ne réussissons pas, nous devrons...

M. Paquette:... nous faisons confiance aux parties pour décider des matières, décider localement, quelque chose du genre.

M. Ryan: Oui, il y a bien des choses qui peuvent être trouvées ici, en tout cas, dont l'objet essentiel serait de fairedisparaître l'annexe A.

M. Paquette: D'accord.

M. Ryan: D'accord? Si nous ne voulons pas que des choses soient négociées de manière obligatoire sans droit de grève au plan local, nous ne pouvons pas consentir à l'annexe A qui a précisément pour but d'imposer cela. Je pense que cela va de soi également.

Ensuite, il y a une autre chose qu'il faudrait modifier pour satisfaire à la position que nous essayons de défendre. À l'article 60, il faudrait convenir, au deuxième alinéa, que les négociations qui ont lieu à l'échelle locale ou régionale ne peuvent donner lieu à un différend - je vais prendre le texte de l'amendement pour ne pas induire qui que ce soit en erreur - dans le secteur des affaires sociales. Je pense que la position se tient. Je pourrais l'expliquer très longuement, mais cela ne servirait à rien. C'est rattaché à la position de fond que nous défendons comme parti depuis le début du débat sur le projet de loi 37. Nous avons dit à combien de reprises: II faut faire des modifications là où l'expérience enseigne qu'elles doivent être faites et là où les solutions de rechange qu'on veut instituer par voie législative ont des chances très sérieuses d'être meilleures que les choses qu'on veut remplacer. Sous l'empire de ces deux critères, nous trouvons que, dans ce secteur-ci, mieux vaut avoir des réflexes de saine conservation de ce que nous avons plutôt que de transformation simplement pour le plaisir d'expérimenter des choses nouvelles.

Hier, au cours de la discussion préliminaire que nous avons eue à ce sujet, j'ai fait un résumé de ce qui était arrivé dans le secteur des négociations au plan de l'éducation, au niveau local et régional, au cours des dix dernières années. J'ai fait une évocation des litiges qui ont pu survenir, des différends qui ont donné lieu à des arrêts de travail, et j'ai conclu de la synthèse que j'avais faite et qui n'a pas été réfutée par le gouvernement... J'avais demandé au ministre, s'il pouvait présenter un dossier plus complet à ce sujet, de nous le présenter, en lui disant que nous serions très heureux d'en prendre connaissance, mais j'étais allé aux renseignements...

M. Clair: C'était assez complet, ce que vous avez fait.

M. Ryan: Oui. Je pense que, sur la foi du dossier historique sur lequel nous sommes d'accord - je remercie le ministre d'apporter cette précision - il n'y a pas lieu d'envisager de changements radicaux. Je pense que ce serait mieux d'agir par réflexe de saine conservation. Le cardinal Newman, dont j'admire beaucoup l'oeuvre remarquable non seulement au plan théologique, mais au plan intellectuel tout court, a écrit un ouvrage qui s'appelle "Grammar of Assent". Cela dit peut-être quelque chose à mon collègue de Deux-Montagnes qui aime beaucoup les auteurs anglais. Dans cet ouvrage, à un moment donné, il donne les caractéristiques d'une idée qui a su se conserver à travers les âges. Il en donne sept. Je ne veux pas les énumérer toutes, parce qu'il faudrait que je retourne à l'ouvrage, mais il y en a une qui m'a toujours frappé. Il dit: Une caractéristique de cette idée-là, c'est "conservative action upon its past", c'est qu'elle tend à préserver son passé.

Ce n'est pas une affaire inutile et superfétatoire. Cela fait partie de son être, son passé. On parle des idées. À cause de ce réflexe spontané de "conservative action upon its past", par conséquent, cette idée ne consent pas à être supplantée ou éliminée, à moins qu'il n'y ait eu vraiment des développements qui ont fait apparaître des idées meilleures, plus fortes. Il expliquait que c'est comme cela que certaines grandes idées se sont conservées à travers les âges, parce qu'il y a toujours eu des gens pour les incarner avec les autres caractéristiques. Je pourrais vous les donner demain si vous voulez, parce que cela fait assez longtemps que je n'ai pas relu cet ouvrage remarquable de logique. C'est un ouvrage de logique, celui-là. Ce n'est pas un ouvrage religieux. L'élément religieux est secondaire dans l'ouvrage, quoiqu'il y ait beaucoup d'application. Mais le fond, c'est un exercice de logique qui est reconnu comme un des

meilleurs qui ait jamais été fait en ce qui touche le thème très important du développement homogène des idées, le développement des idées sans les altérer en cours de route.

Alors, c'est cela qu'est mon réflexe conservateur dans ces questions. Ce n'est pas parce que je suis un conservateur, M. le Président; je surprendrai toujours mes amis en étant parfois très conservateur et parfois très radical. J'aime bien que mes attitudes soient inspirées par ma liberté d'esprit et non par mon rattachement à l'école de droite ou à celle de gauche. Cela ne m'empêche pas de dormir.

Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous êtes né sous le signe de la Balance, M. le député?

M. Ryan: Pardon?

Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous êtes né sous le signe de la Balance?

M. Ryan: Je ne connais rien là-dedans.

Le Président (M. Lachance): Excusez-moi.

M. Ryan: J'ai toujours été faible sur les symboles. Les symboles n'ont jamais été mon fort!

Alors, je reviens à ceci, je suis très sérieux quand je vous dis qu'il faut faire attention là-dessus. Ce n'est pas une fantaisie ou un discours d'opportuniste, pas du tout. Une autre idée qui m'incline à penser ainsi, c'est que déjà nous demandons à la partie syndicale, dans le secteur de l'enseignement, de faire un gros sacrifice quant à la négociation des clauses salariales. Nous lui disons, à toutes fins utiles: Nous vous demandons de renoncer à l'exercice conventionnel du droit de grève, à l'exercice du droit de grève, pour être franc; mais nous ne voulons pas amputer le droit à la négociation là où cela n'apparaît pas vraiment impérieux en raison de ce que nous avons vécu. Il ne nous semble pas que l'expérience vécue au plan local en matière de négociation dans le secteur de l'éducation justifie des modifications aussi draconiennes que celles que propose le projet de loi. C'est dans cet esprit que nous déposons ces propositions d'amendement, qui auraient pour but de maintenir ce que nous avons connu dans ce secteur, en espérant que cela va produire de bons résultats, comme cela en a produit dans l'ensemble au cours des 15 ou 20 dernières années.

C'est l'essentiel de la position que véhiculent les propositions d'amendement qui sont déposées à ce stade-ci. Je serais très heureux d'apprendre que le gouvernement est prêt à considérer ces modifications à son projet de loi. On va me dire et je pense que le ministre l'a mentionné l'autre jour: Vous allez créer deux régimes pour les établissements de santé. Oui, parce que nous sommes dans deux ordres différents. J'ai bien mentionné que, si nous sommes contre l'exercice du droit de grève dans le secteur des établissements de santé et dans le secteur des centres d'accueil, c'est pour des raisons qui se rattachent directement à la santé publique, comme nous sommes contre le droit de grève dans le cas des policiers et des pompiers pour des raisons qui se rattachent à la sécurité publique. Je pense que c'est un élément de commune doctrine en matière de relations du travail dans le secteur des "public utilities" et des "public services", qu'on peut envisager le retrait ou la suppression ou la limitation sévère du droit de grève là où des motifs impérieux se rattachant directement à la santé ou à la sécurité publique le justifient. Dans les cas que j'ai mentionnés, je pense que c'est une expression latine qui disait cela autrefois, dans notre temps: Evidentia patet. Je m'excuse pour mon jeune collaborateur qui n'a pas eu le temps de faire des études de latin parce que cela n'existait plus de son temps; cela veut dire "cela tombe sous le sens", comme dit...

M. Clair: Le député de Portneuf...

M. Ryan:... les frères jumeaux. Ah! toi aussi, peut-être. Cela, c'est evidentia patet.

M. Paquette: Le député n'a pas dit son "jeune collègue".

M. Ryan: C'est évident, cela tombe sous le sens, comme aime le dire le ministre. Cela se dégage. De traduire exactement, j'en serais embarrassé, ce soir. Alors, il me semble pour ces raisons que, dans ce cas-là, cela le justifie.

Dans le cas de l'éducation, ce n'est pas la même chose. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'une grève d'une ou de deux semaines porte atteinte à la sécurité publique, pas davantage à la santé, au bien public, oui. Mais, là, si on allait prendre le critère du bien public, c'est extrêmement dangereux, de même que si on allait prendre le critère que cela nuit à la santé de l'économie. On ne peut pas le mettre comme critère habituel dans des lois parce qu'à ce moment-là on interdirait à peu près tout. Cela voudrait dire qu'on ne serait pas pour la libre négociation. Le gouvernement comprend très bien cela, d'ailleurs; il a toujours fait attention de ne pas utiliser ce concept de manière inconsidérée. Il peut arriver que, dans des cas exceptionnels, disons une grève dans les transports, le gouvernement agisse; cela se comprend très bien. Mais c'est exceptionnel, dans des cas d'une très grande

gravité.

Alors, dans le cas de l'éducation, je ne pense pas qu'on puisse dire à l'état de thèse générale qu'on devrait supprimer le droit de grève. Par conséquent, si on n'est pas prêt à le dire, je pense qu'on ne devrait pas le laisser entendre dans un texte de loi, il faudrait plutôt opter pour les risques inhérents à la libre négociation jusqu'à plus ample information. L'information dont nous disposons pour l'heure, sur la foi de l'expérience des 15 ou 20 dernières années, ne justifie pas les conclusions qui sont véhiculées dans le libellé actuel des articles 57 et suivants. Pour tout cela, M. le Président, je crois que les amendements contribueraient à bonifier le projet de loi si le gouvernement voulait les considérer.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Rosemont, en tenant compte du peu de temps qu'il nous reste.

M. Paquette: Loin de moi l'idée de dépasser l'heure fatidique de minuit, M. le Président. Je veux simplement, pour que le ministre dorme sur cette question, soumettre notre position. Nous avions également prévu des amendements aux articles 57 et 58 qui ont exactement le même effet que ceux proposés par le député d'Argenteuil. Je pourrais d'ailleurs lui passer la formulation de notre article 58. Cela lui éviterait peut-être de le regarder.

Essentiellement, il s'agit ici de faire en sorte, puisque le ministre a décidé de supprimer le droit de grève et la libre négociation sur les salaires en deuxième et troisième années de la convention collective, qu'au niveau local on laisse jouer la libre négociation. Particulièrement à ce niveau, c'est là qu'on retrouve cette possibilité de dégager le bien commun en termes de qualité de travail, de vie nu travail et de services à la population, par la négociation dans une optique d'égalité entre les besoins constatés par les administrations locales et les besoins constatés par les travailleurs des établissements.

Je pense que le même principe vaut dans le domaine de la santé que dans le domaine de l'éducation. Les articles ainsi que formulés font en sorte que, dans les autres secteurs, cela va, mais dans le secteur de l'éducation à l'égard du personnel enseignant et dans le cas des collèges, à l'article 58, on se réfère à l'annexe A. Quand on regarde la liste des sujets prévus à l'annexe A, on s'aperçoit, par exemple, que concernant le régime syndical un bon nombre des conditions de travail sur le plan local vont être soumises à un mécanisme complexe, qui suit dans les articles suivants, de médiateur-arbitre, et il faudra que les deux parties soient d'accord pour confier un rôle décisionnel au médiateur-arbitre. En cas de mésentente, on en restera, règle générale -il y aura des nuances à faire - à la situation précédente.

Je pense que cela risque de ralentir l'évolution et cela risque également de valoriser indûment le droit de gérance des administrations locales, qui est la règle générale - je pense qu'il faut le reconnaître - dans l'économie de nos lois. Je pense qu'il est important sur ces questions-là que les travailleurs de l'enseignement, puisque ce sont eux qui sont visés ici, puissent s'exprimer avec autant de force. S'il n'y a pas de droit de grève au niveau local, la négociation risque de se faire bien vite. Les syndicats vont s'amener devant l'administration locale. Si, à première vue, cela n'agrée pas à l'administration locale, le syndicat pourra toujours appeler un médiateur-arbitre et ce dernier va venir saluer la partie patronale. Si la partie patronale ne veut pas que l'arbitre tranche, il ne tranchera pas. Je pense qu'on va perdre énormément de richesse. Compte tenu qu'il y a eu très peu de conflits sur des négociations locales dans le passé - je pense qu'on avait dénombré 3 commissions scolaires sur 255 la dernière fois et la fois précédente aussi...

M. de Bellefeuille:... les a énumérées.

M. Paquette: Oui. C'est à peu près 3 sur 255.

Une voix:...

M. Paquette: C'est cela. M. le Président, je ne vois pas pourquoi encore ici on décide d'imposer une liste de matières où le droit à la libre négociation sera exclu. J'espère que le ministre va y repenser, qu'il va dormir là-dessus et qu'il va nous arriver avec une attitude d'ouverture demain matin.

Le Président (M. Lachance): II est minuit et la commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à minuit)

Document(s) related to the sitting