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(Onze heures vingt-deux minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre: La
commission du budget et de l'administration se réunit ce matin avec le
mandat de procéder à l'étude détaillée du
projet de loi 37, Loi sur le régime de négociation des
conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Aucun remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Aucun remplacement ne vous a
été signalé.
Le Secrétaire: Aucun.
Organisation des travaux
M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais soulever
une question de règlement.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Deux-Montagnes.
Une voix: La même qu'hier.
M. de Bellefeuille: Non, je ne l'ai pas soulevée hier,
celle-là. Nous savons tous... Non, non, je ne veux pas signaler
l'absence de l'Opposition officielle. Je me suis dit qu'après tout
l'Opposition officielle était assez grande pour s'arranger toute seule.
Non, c'est une autre question de règlement, M. le Président. La
commission étant maîtresse de ses travaux, je propose que nous
ajournions nos travaux jusqu'à 15 heures par déférence
pour Son Éminence le cardinal Vachon qui vient nous rendre visite. Je
pense que c'est une question de dignité de la part des parlementaires de
se libérer quelques instants de leurs tâches parlementaires pour
aller participer à l'accueil que le président de
l'Assemblée a prévu pour Mgr Vachon. Ce que le leader
parlementaire m'a répondu d'abord, et un peu plus tard au
député de Portneuf, c'est que nous étions assez nombreux
et assez ingénieux pour nous relayer, pour nous remplacer, mais je
trouve ce genre de procédé indigne. C'est comme si l'étude
détaillée de ce projet de loi était d'une telle importance
que la visite du nouveau cardinal Vachon ne devait pas nous déranger. Je
trouve que c'est un manque de courtoisie envers le cardinal. Ce serait un
manque de courtoisie envers le cardinal que de ne pas suspendre nos travaux et
je propose, par conséquent, que nous suspendions nos travaux
jusqu'à 15 heures.
M. Laplante: C'est une motion en bonne et due forme.
Le Président (M. Lachance): Oui, en vertu de l'article 165
de nos règles de procédure, il est prévu qu'un membre peut
proposer que la commission ajourne ses travaux. Je vous fais la lecture de
l'article au complet: "Cette motion est mise aux voix sans amendement et elle
ne peut être faite qu'une fois au cours d'une séance, sauf par le
président ou un ministre membre de la commission. Elle ne peut
être débattue, sauf qu'un représentant de chaque groupe
parlementaire peut prononcer un discours de dix minutes chacun". M. le
ministre.
M. Clair: Est-ce que le député veut intervenir sur
sa motion?
M. de Bellefeuille: Je réserve mon temps de parole, M. le
Président, selon la nature de l'intervention que fera le ministre qui a
demandé la parole.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. de Bellefeuille: Sur ma motion et celle de M. le
député de Portneuf, visant à suspendre nos travaux
jusqu'à 15 heures, par déférence pour Son Éminence
le cardinal Vachon qui rend visite au Parlement et, par courtoisie, il me
semble que c'est une chose tout à fait évidente et
élémentaire que nous devons suspendre nos travaux.
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
voudrais vous signaler que noblesse oblige. En termes de vocabulaire, ce que
l'article 165 prévoit, c'est non pas une suspension, mais un
ajournement.
M. de Bellefeuille: Mais, M. le Président, j'ai
proposé une suspension.
M. Blais: Une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de... D'abord, M. le ministre. Vous
avez demandé la parole, M. le ministre?
M. Clair: Ce sera très bref, M. le Président.
Une voix: C'est sur une question de règlement, M. le
ministre?
M. Clair: Non, ce n'était pas sur la question de
règlement.
M. Blais: Une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Terrebonne, sur une question de règlement.
M. Blais: La commission, comme dit le proposeur, est
maîtresse de sa destinée. Cependant, en Chambre, à
l'Assemblée nationale, ce matin, le leader a dit qu'on ne suspendrait
pas pour l'événement. Alors, est-ce qu'on peut, après que
la Chambre nous a donné ordre de ne pas suspendre, avoir une proposition
pour suspendre? Je crois que c'est irrecevable, je ne le sais pas.
M. Pagé: M. le Président, sur la
recevabilité.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, le leader du gouvernement
a indiqué à la Chambre que trois commissions parlementaires
allaient se réunir ce matin, immédiatement après la
période des questions jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18
heures et de 20 heures à 24 heures. Cependant, la coutume, le droit, la
jurisprudence indiquent clairement et de façon non équivoque
qu'à partir du moment où une commission parlementaire va
siéger elle est maîtresse de ses travaux. Ce qu'indique
l'honorable député de Terrebonne, c'est qu'en tout temps une
commission devrait siéger parce que le leader en a donné l'ordre.
Vous savez, il est fréquent, il est régulier qu'une commission
décide majoritairement ou unanimement de suspendre ses travaux et de
revenir un peu plus tard dans la journée pour un motif qu'elle juge
opportun. Dès que la commission a amorcé ses travaux, elle
devient purement et simplement maîtresse de ses décisions et de
ses travaux en regard de son cheminement et de son travail.
Alors, c'est très certainement recevable, M. le Président.
Nous pourrions fort aisément, j'en suis persuadé, plaider et
prendre tout le temps qu'il faut pour discuter du fond de cette motion, s'il
est opportun ou non de se convier a cette délicatesse à
l'égard de Son Éminence le cardinal Vachon. Je crois que
d'emblée le ministre va accepter de suspendre, purement et
simplement.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Je suis d'accord, règle générale,
avec ce que vient de dire le député de Portneuf. Cependant, la
proposition qui nous est faite ici a également été faite
à l'Assemblée nationale et cette dernière a
été rejetée.
M. Pagé: II n'y a pas eu de vote. M. Blais: II n'y
a pas eu de vote.
M. Pagé: Bien voyons, elle n'a pas été
rejetée.
M. Blais: II n'y a pas eu consentement.
M. Paquette: Pour le député de l'Assemblée
nationale...
M. Pagé: M. le Président, est-ce que la motion est
recevable ou non?
M. Blais: M. Paquette, vous êtes trop proche aujourd'hui
pour être narquois.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, vous avez
demandé la parole. Est-ce que c'est sur la recevabilité?
M. Clair: Sur le fond, non.
Le Président (M. Lachance): Sur le fond. Effectivement, je
juge recevable cette motion.
M. Pagé: Parfait.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, il est évident que la
préoccupation du député de Deux-Montagnes l'honore et que,
effectivement, ce serait un geste fort délicat pour les parlementaires
d'aller assister à une rencontre avec le cardinal. Maintenant, je
voudrais lui dire que, par ailleurs, je serais beaucoup plus sensible à
voter pour sa motion si, tout au cours de nos travaux, il avait
contribué à accélérer le processus de
l'étude du projet de loi 37, alors que, au contraire, il est en train
d'invoquer en quelque sorte sa propre turpitude puisque, si la commission doit
siéger encore aujourd'hui pour étudier le projet de loi 37,
article par article, si celle-ci n'est pas plus avancée qu'elle ne l'est
présentement, soit à l'article 52, c'est largement à cause
du filibuster que mènent les députés indépendants,
principalement le député de Deux-Montagnes,
dont le moins qu'on puisse dire c'est que les interventions ont plus
souvent porté sur des questions, je dirais, connexes au projet de loi,
rarement sur le fond du projet de loi. Toutes ses interventions ont
été beaucoup plus axées sur des questions autour et
alentour du projet de loi que sur les questions de fond. Je pense qu'il invoque
sa propre turpitude à cet égard. (11 h 30)
Deuxièmement, M. le Président, je voudrais dire au
député que la venue du cardinal est annoncée depuis
quelques jours déjà. Le député aurait pu, avec ses
collègues, aménager son propre horaire pour leur permettre de se
relayer à la commission parlementaire pour la période de la
visite et, effectivement, exécuter le devoir moral qu'il
considère être le sien et celui des autres parlementaires. Je
pense que rien ne l'empêche encore à cette heure-ci de se
déplacer s'il le désire et de laisser ses collègues
continuer et se relayer avec les trois autres.
Je dirai, en terminant, M. le Président, que, si sa
préoccupation honore le député de Deux-Montagnes,
l'utilisation qu'il en fait, au même titre que la cause de la
féminisation des titres... Il se sert de ces deux causes valables, de
ces motifs justifiés, pour des fins de mesure dilatoire en commission
parlementaire et non pas pour procéder à
l'accélération de nos travaux ou à l'aménagement
des travaux. Je sais que le député fera son intervention
après la mienne. Je pense que rien n'empêche que notre commission
puisse continuer et que, si le député ou quelque autre membre de
la commission désire se rendre à la rencontre avec le cardinal,
le député comme tous les autres parlementaires peuvent se
relayer. Nous sommes assez nombreux autour de la table, ici, dans cette
commission, pour que chacun puisse participer à cette visite.
Le Président (M. Lachance): Avant de céder la
parole à un autre député, je voudrais souligner que nous
en sommes à une motion de suspension du député de
Deux-Montagnes. Comme il s'agit d'une motion de forme et non pas de fond, en
vertu de l'article 209 de nos règlements le temps de parole sur la
motion est de dix minutes pour les députés. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je ne vais pas
m'abaisser au niveau des amabilités de petit avocat que nous a servies
le ministre qui parle de ma turpitude.
M. Laplante:...
M. de Bellefeuille: Je ne vous écorcherai pas les oreilles
à vous décrire l'attitude arrogante et méprisante du
ministre. Je vais plutôt dire que, depuis le début des travaux de
cette commission, je me suis efforcé de faire mon devoir. Je me suis
efforcé de comprendre ce qu'il y a derrière ce projet de loi et
je vous assure, M. le Président, que ce n'est pas facile. Plus on avance
dans le projet de loi, plus on se rend compte qu'il y a - pour employer
l'expression du ministre - des doubles tiroirs, des aspects cachés
à ce projet de loi. Le ministre nous a d'ailleurs présenté
des amendements dont il a dit qu'ils étaient tous des retouches mineures
alors qu'il y en a de fort importants.
Je ne sais pas quelle est la conception que le ministre se fait de nos
devoirs parlementaires. Est-ce que c'est de faire les béni-oui-oui
devant la parole du ministre, tout simplement parce qu'il a le pouvoir dans ses
mains? Est-ce que c'est d'approuver une mauvaise loi? C'est ma profonde
conviction, M. le Président, que cette loi, dans toute la
plénitude du sens de l'expression, est une mauvaise loi. C'est donc mon
devoir, en tant que parlementaire, de chercher à empêcher
l'adoption d'une mauvaise loi.
M. Clair: Voilà!
M. de Bellefeuille: Vous pourrez donner à cela le nom que
vous voudrez, mais je fais mon devoir. Je répète ce que j'ai dit
hier: Quoi que vous en pensiez, M. le ministre, mes interventions ont toutes
été des interventions de substance. Vous m'accusez de ne pas
avoir contribué à accélérer les travaux de la
commission. Je vous signalerai que, si vous faites le relevé dans le
Journal des débats, vous allez constater qu'il y a eu de longues
périodes où j'étais silencieux bien que présent,
bien qu'écoutant attentivement mes collègues. Il y a eu des
périodes de plusieurs heures, ma foi, où je suis resté
silencieux afin de permettre au processus parlementaire de se dérouler
sans heurts. Mais, l'attitude arrogante et méprisante du ministre ne
nous aide pas. J'ai compris que non seulement il y a des doubles tiroirs, il y
a aussi des doubles sens dans la pensée et la parole du ministre. Par
exemple, hier, à plusieurs reprises, il a insisté sur la notion
de souplesse. Il nous a dit qu'entre telle chose et la souplesse - il a dit
cela à plusieurs reprises - il choisissait la souplesse. J'ai compris
hier et je comprends plus encore ce matin que ce mot "souplesse" en
réalité veut dire "rigidité", parce que ce que le ministre
veut sauvegarder, c'est la possibilité pour le pouvoir, la
possibilité pour l'Exécutif, la possibilité pour le
ministre de n'en faire qu'à sa tête et de se montrer aussi rigide
qu'il soit possible, comme c'est le cas ce matin, sur une motion qui vise
à marquer un respect élémentaire envers une
haute personnalité qui nous rend visite ce matin au
parlement.
Je trouve que c'est indigne de la part du ministre de ne pas se rendre
compte que nous nous devons, par respect pour la personnalité de Mgr
Vachon, de suspendre nos travaux quelques moments. La boule n'arrêtera
pas de tourner. Le processus parlementaire n'échouera pas, tout
simplement parce que nous aurons marqué cette déférence
minimale envers un visiteur de marque qui se donne la peine de venir nous
rencontrer au parlement. Merci.
M. Pagé: Très brièvement. Ne voulant pas
prendre plusieurs minutes pour discuter de l'occasion d'ajourner pour quelques
minutes, je propose, en dehors de toute règle une motion au ministre, en
dehors du règlement, j'en conviens, à ce moment-ci -est-ce que
vous y seriez disposé? - pour qu'on suspende nos travaux pour une
demi-heure et qu'on reprenne par la suite. Il pourrait retirer sa motion et on
pourrait le proposer. Tout va être réglé.
Le Président (M. Lachance): Je voudrais indiquer à
ce moment-ci, également, pour ne pas être accusé de ne pas
avoir dit toute la vérité concernant la référence
à l'article 209 de nos règles de procédure, que l'auteur
d'une motion a un droit de parole de 30 minutes sur les motions de forme.
Alors, c'était le deuxième alinéa de l'article 209, M. le
député de Deux-Montagnes, je vous le dis, et je le dis à
tous les membres de la commission, et actuellement c'est clair que le ministre
aurait pu avoir également 30 minute3 pour répondre.
M. de Bellefeuille: II est bien entendu que, si je me suis tu
pour permettre au ministre de manifester une véritable souplesse, ce
n'est pas pour renoncer à ce qui me reste de mon temps de parole.
M. Clair: Est-ce que vous consentez à une demi-heure ou
pas?
M. de Bellefeuille: Qu'en dites-vous?
M. Clair: II y a une motion qui est en cours
présentement...
M. Pagé: M. le Président...
M. Clair: Je veux savoir si vous allez la retirer ou pas.
M. Pagé: Si vous permettez...
M. de Bellefeuille: Le député de Portneuf a
posé une question. Si le ministre veut donner une réponse
à la question du député de Portneuf, qu'il le fasse.
M. Pagé: Ce que j'ai indiqué, c'est ceci: en vertu
du règlement, la motion qui est présentée pourrait
entraîner un échange de "verbatim" d'une heure. Je vous le
propose: Ne serait-il pas plus sage, plus sérieux et plus
conséquent qu'unanimement on accepte et convienne d'ajourner pendant une
demi-heure?
M. Clair: Oui, je suis d'accord pour une demi-heure, à
condition que le député de Deux-Montagnes retire sa motion,
cependant, parce qu'il pourrait, à la reprise des travaux, continuer
à argumenter sur sa motion.
M. de Bellefeuille: Le ministre a une attitude non seulement
arrogante et méprisante, il a aussi une attitude méfiante. Je
retire ma motion, M. le Président.
M. Pagé: Je propose qu'on ajourne nos travaux pour une
période de 30 minutes.
Le Président (M. Lachance): Est-ce que cette motion de
suspension est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Lachance): Adopté. Alors, nous
revenons dans 30 minutes, c'est-à-dire, pour bien s'entendre, à
12 h 10.
(Suspension de la séance à 11 h 40)
(Reprise à 12 h 20)
Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de
l'administration, après cette suspension de 3es travaux, poursuit son
travail. Nous en étions à l'article 52, en signalant que deux
articles avaient déjà été suspendus, les articles
44 et 50.
M. Pagé: M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Avant d'aborder la section sur la
rémunération prévue à l'article 52, est-ce qu'il
serait indiqué qu'on règle tout de suite les articles 44 et
50?
M. Clair: En ce qui concerne l'article 44, il a été
suspendu jusqu'à l'adoption des articles 57 et 58.
M. Pagé: Oui, c'est vrai. L'article 50?
M. Clair: En ce qui concerne l'article 50, on n'est pas encore
prêt à proposer l'amendement, si besoin d'amendement il y a.
M. Pagé: D'accord.
Conventions collectives des
secteurs de l'éducation et
des affaires sociales
Le mode de négociation (suite)
Le Président (M. Lachance): Je rappelle l'article 52.
M. Clair: Je n'ai pas d'amendement à proposer M. le
Président.
Les salaires et les échelles de
salaires
M. Pagé: M. le Président, l'article 52. Sur les
salaires et les échelles de salaire, je n'ai pas l'intention de
reprendre ici tous les commentaires qu'on a eu l'occasion de formuler ou
même l'essentiel de ces commentaires, parce qu'ils emploieraient
très certainement une partie importante - non pas la totalité -
de la période qui nous reste ou qui nous est allouée
jusqu'à treize heures et une bonne partie de l'après-midi, en ce
que, par les articles 52 jusqu'à 56 tout au moins, on aborde un des
éléments principaux, sinon l'élément principal, de
toute la dynamique des négociations dans les secteurs public et
parapublic entre l'État et ses employés.
Des choses importantes par rapport à la loi actuelle sont
modifiées par le projet de loi. On a longuement eu l'occasion
d'évoquer que la politique de rémunération du gouvernement
doit s'appuyer sur certains paramètres, que la politique de
rémunération énoncée par le gouvernement
témoigne nécessairement d'un choix qui est politique pour un
gouvernement, quel qu'il soit, de redistribuer la richesse et de redistribuer
les impôts et les taxes qu'il perçoit. On a eu l'occasion de voir
et de discuter ensemble de la façon dont ces montants étaient
redistribués et de la part importante que cela prenait dans le budget du
gouvernement du Québec, soit près de 50 %, comme on a eu
l'occasion de traiter de paramètres à établir pour que le
gouvernement puisse respecter certains de ses devoirs: dans un premier temps,
l'objectif de rechercher l'équilibre de ses comptes publics et, dans un
second temps, celui de s'assurer de la capacité de payer qu'il a,
toujours en fonction de ses choix, pour la redistribution de la richesse. Il y
a un autre élément aussi, c'est-à-dire que le gouvernement
doit se comporter comme un bon employeur à l'égard de ses
employés.
C'est ce qui peut, à prime abord, sembler divergent et ce que le
gouvernement doit tenter de ramener comme étant convergent par sa
politique de rémunération. Pour que cette politique de
rémunération soit plus justifiée ou plus justifiable,
qu'elle soit bien perçue par tous les intervenants, qu'elle soit
acceptée si possible par tous les intervenants ou par le plus grand
nombre d'intervenants et acceptée aussi par la population du
Québec, le gouvernement a prévu des dispositions qui permettront
d'établir des règles du jeu, des règles d'analyse et des
règles de recherche et de comparabilité dont on croit qu'elles
seront plus crédibles que par le passé, si on se
réfère aux études qui étaient effectuées
uniquement par le Conseil du trésor et même pas toujours produites
par le Conseil du trésor.
L'avant-projet de loi prévoyait des dispositions
différentes de celles qui apparaissent au projet de loi 37 en regard de
la politique sur la rémunération, en regard de la façon
dont s'articuleraient cette politique ou ces négociations. Le
gouvernement a proposé, à l'époque, que les travailleurs
et les travailleuses ne puissent recourir à la grève dans les cas
de différends, au chapitre de la rémunération.
L'avant-projet de loi, c'est ce qu'il disait. Le projet de loi qu'on a pour
étude actuellement prévoit que les travailleurs auront toujours
recours à la grève une fois par convention, une fois par trois
années. Le gouvernement prévoit donc qu'au moment de la
première négociation les travailleurs auront le droit de recourir
à la grève et que, par la suite, en voulant introduire un
mécanisme censément de négociation permanente ou de
négociation continuelle, tout au moins pour les autres années
à courir de la convention, il négocierait à chaque
année mais sans que les travailleurs, sans que les employés
puissent avoir recours à la grève.
J'ai eu l'occasion d'indiquer au nom de notre formation politique qu'il
nous apparaissait que jamais les employés de l'État, jamais la
population du Québec et jamais la lecture de la situation
budgétaire économique ne suscitaient un climat ou une attitude
où à peu près tout le monde est conscient que la politique
de rémunération du gouvernement du Québec doit
s'établir sur des paramètres nouveaux et s'articuler à
partir de principes nouveaux au chapitre de la négociation. Il nous
apparaissait que le gouvernement aurait dû reproduire dans le projet de
loi 37 les dispositions qui étaient contenues à l'avant-projet de
loi.
Le gouvernement a reculé, le gouvernement a modifié son
attitude, c'est un choix politique qu'il fait, qui est légitime, qui est
explicable, qu'on ne considère pas comme justifié mais qui est
explicable, peut-être. Je ne voudrais pas ici qu'on s'embarque pendant
deux jours sur le pourquoi. Le ministre et ses collègues ont eu
l'occasion au début de nos travaux de nous dire ce qui justifiait leur
position et ce qui vous semblait, à vous de la majorité, comme
devant être fait.
Nous sommes d'avis contraire mais vous comprendrez que, par respect de
la position
qu'on a adoptée, on se doit à ce moment-ci de
présenter un amendement, M. " le Président, qui se lirait comme
suit: Remplacer l'article 52 par la suivant: "52. Les stipulations de la
convention collective qui portent sur les salaires et échelles de
salaires sont négociées et agréées à
l'échelle nationale pour une période se terminant au plus tard le
dernier jour de la troisième année au cours de laquelle une
entente est intervenue à l'échelle nationale sur ces
stipulations. Pour chacune des trois années, les salaires et
échelles de salaires sont déterminées conformément
aux dispositions qui suivent".
Essentiellement, M. le Président, le but de cet amendement et des
autres qui suivront, aux articles 54 et 55 notamment, est de prévoir un
mécanisme analogue à celui qui est prévu au projet de loi
37 sauf que, pour nous, il nous apparaît que les employés ne
devraient pas pouvoir recourir à la grève dans la partie 2 de la
section III concernant la rémunération. J'aurai des copies, elles
sont ici.
Une voix: On aura une copie des amendements.
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Lachance): Alors, à l'article
52...
M. Pagé: Vous l'aurez d'ici à quelques minutes.
M. Clair; M. le Président, je soulève la question de la
recevabilité de la motion du député de Portneuf non pas
pour fafiner...
M. de Bellefeuille: C'est à vous sûrement...
M. Clair:... mais simplement parce que, en toute
équité à l'égard d'autres amendements dont vous
avez déjà disposé provenant, je pense, du
député de Rosemont, je vous soumets humblement que l'un des
principes fondamentaux du projet de loi, c'est effectivement de changer les
mécanismes de négociation des salaires et des échelles de
salaires avec le droit de grève pour les employés de
l'État pour la détermination des salaires et échelles de
salaires la première année. L'amendement du député
de Portneuf aurait pour effet d'éliminer le droit de grève sur
toute la question salariale. Sans argumenter longtemps, M. le Président,
je soulève la question de la recevabilité de la motion
d'amendement du député de Portneuf, quoique je doive
reconnaître à l'avance que, comme cet article fait
référence aux dispositions qui suivent. (12 h 30)
M. Pagé: La décision du président risque
d'avoir effet sur les autres amendements éventuels.
M. Clair: Effectivement.
Le Président (M. Lachance): Sur la recevabilité, M.
le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, sur larecevabilité, je pense que le ministre a tendance, comme il l'a fait
à l'article 44, à étendre considérablement le
principe du projet de loi. En fait, la nuance qu'apporte le
député de Portneuf ne devrait pas mériter un tel sort,
bien que je sois complètement en désaccord, bien sûr, avec
cet amendement. Cependant, je pense qu'on devrait passer rapidement aux
discussions de fond. Si le ministre, qui se plaint que son projet de loi
n'avance pas rapidement, nous fait des questions de recevabilité chaque
fois qu'on change certaines modalités importantes, bien sûr, mais
certaines modalités, quand même, de son projet de loi; il nous dit
que ça a été réglé en deuxième
lecture - on va prendre énormément de temps à discuter de
procédure et très peu de temps à discuter sur le fond. Or,
cette question mérite d'être discutée sur le fond.
Sur la recevabilité, je soutiens que le député de
Portneuf est dans l'esprit du ministre; il ose simplement aller un peu plus
loin. Le ministre, dans son projet de loi, élimine le droit de
grève et l'exercice du rapport de forces deux années sur trois.
Le député de Portneuf veut l'éliminer trois années
sur trois; c'est une modalité et peut-être que c'est plus direct,
plus franc, plus honnête de le faire ainsi. Je ne vois pas en quoi on
peut énoncer que cette modalité vient en contravention du
principe du projet de loi.
M. le Président, je souhaite qu'on passe à la discussion
de fond le plus rapidement possible.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, il est indiqué
dans les notes explicatives que le projet de loi a principalement pour objet
d'établir un nouveau mode de détermination des salaires et des
échelles de salaires pour chacune des deux années suivant la
première année des conventions collectives dans les secteurs
public et parapublic. Je m'inscris dans l'argumentation suivante, entre autres
celle qu'a évoquée le député de Rosemont, à
savoir que le gouvernement prévoit, par les dispositions du projet de
loi, que le recours à la grève ne pourra être fait dans les
deux années de la convention. Quant à nous, il s'agit de changer
le chiffre "deux" par le chiffre "trois", purement et simplement. Cela
ne remet pas en cause, pas du tout, le principe d'une véritable
négociation, lequel ne sera pas accompagné d'un recours à
la grève. Cela ne met pas en cause le principe de créer un
institut de recherche pour établir des paramètres nouveaux et
fournir des informations, etc., sur la politique de
rémunération.
Je pensais que vous m'auriez interrompu pour dire: M. le
député, c'est reçu, on va plaider sur le fond.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: M. le Président, le député de
Portneuf vient d'argumenter en ne lisant pas le quatrièmement jusqu'au
bout.
Le Président (M. Lachance): Vous voulez parler des notes
explicatives?
M. Laplante: Oui, c'est ça, "d'établir un nouveau
mode de détermination des salaires et échelles de salaires pour
chacune des deux années suivant la première année des
conventions collectives... ", ce bout n'a pas été
soulevé.
Maintenant, je vous réfère à la page suivante, au
quatrième paragraphe. Je ne vous demande pas de rejeter la motion, mais
je pense que ça vaudrait la peine, à cause des autres articles
qui s'en viennent, parce que ça a une importance trop grande
actuellement, de suspendre quelques minutes ou de rendre votre décision,
si vous voulez, seulement à 15 heures, sur la recevabilité de ces
motions. Cela a une portée trop grande, actuellement, sur le projet.
Le Président (M. Lachance): C'est une suggestion, non pas
une motion en bonne et due forme. M. le député de Deux-Montagnes;
ensuite, M. le ministre.
M. de Bellefeuille: M. le Président, sur la
recevabilité, je m'étonne de la zizanie qui règne chez les
ministériels. Le ministre n'a pas voulu consentir à suspendre nos
travaux jusqu'à 15 heures pour nous permettre de participer à
l'accueil du Parlement à Son Éminence Mgr Vachon et il a fallu
une négociation sordide pour en arriver à arracher au ministre la
possibilité de suspendre pendant une demi-heure. Maintenant, un autre
ministériel, le député de Bourassa, suggère - il ne
propose pas, il n'a pas le courage d'aller jusqu'au bout de son idée -
de suspendre les travaux jusqu'à 15 heures; pourquoi? Pour permettre au
président - cela est beaucoup plus important que la visite du cardinal,
vous en conviendrez - d'aviser de la sagesse de l'objection du ministre
à la recevabilité de la motion. De cela, l'avenir du
Québec en dépend. L'objection du ministre à la
recevabilité de la motion, cela est important et il faut suspendre nos
travaux jusqu'à 15 heures.
M. le Président, je m'oppose à cette tactique dilatoire du
député de Bourassa. On ne va pas suspendre nos travaux parce
qu'on a des choses sérieuses à faire. Quant à moi, M. le
Président, la motion est tout à fait recevable.
Une voix: M. le Président...
M. de Bellefeuille: Elle est recevable à moins qu'on ne
considère que le projet de loi est un monument intouchable. Si c'est un
monument intouchable, M. le Président, je me demande ce qu'on fait ici.
Si ce n'est pas un monument intouchable, nous allons au moins essayer d'y
apporter certaines modifications; le député de Portneuf en
propose une qui n'enlève pas l'une des deux jambes du monument, qui fait
seulement modifier une modalité.
M. Paquette: Cela solidifie le monument.
M. de Bellefeuille: Cela solidifie le monument, voilà!
Cela lui donne une troisième jambe, une troisième année.
C'est parfaitement dans l'ordre, c'est tout à fait réglementaire,
il n'y a aucune objection imaginable à la recevabilité de cette
motion et je m'oppose très vivement à la fois à
l'objection du ministre et à la suggestion échevelée du
député de Bourassa.
Le Président (M. Lachance): Avant de poursuivre avec M. le
ministre, je voudrais indiquer au député de Deux-Montagnes
qu'à cette commission parlementaire il est attendu de tous les
parlementaires qu'ils aient un langage correct, un langage parlementaire, un
langage digne et...
M. Laplante: Même s'il est un rat, on ne lui dit pas qu'il
est un rat.
Une voix: Ha! Ha! Ha!
M. Paquette: M. le Président, vous allez devoir appliquer
votre remarque à celle du député de Bourassa.
Le Président (M. Lachance): Les invectives, de quelque
bord qu'elles viennent ne sont jamais admissibles en ces lieux, mêmes si
elles sont dites en des termes élégants. Par conséquent,
je souhaiterais beaucoup qu'on revienne à une qualité du
débat qui soit correcte et qui nous permette d'étudier le projet
de loi tel qu'il devrait l'être, avec beaucoup de sérieux.
J'émets cette remarque à ce moment-ci.
M. Dussault: Question de privilège, M.
le Président.
Le Président (M. Lachance): II n'y a pas de question de
privilège en commission.
M. de Bellefeuille: II n'y en a pas en commission.
M. Dussault: De règlement, M. le Président.
Mme Le Blanc-Bantey: Moi aussi, j'en ai une.
Le Président (M. Lachance): Question de
règlement.
M. Dussault: C'est sur le fonctionnement. Il s'est
écoulé plusieurs minutes, M. le Président, sur la
portée d'un amendement. Au moins trois des députés
ministériels n'avaient pas l'amendement en main. Il est bien difficile
de juger de la portée d'un amendement quand nous ne l'avons pas en main.
Je voudrais que vous preniez les précautions pour qu'à chaque
fois que des amendements seront déposés il y en ait en copies
suffisantes pour que nous puissions suivre au même rythme que tout le
monde, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): C'est très bien, M. le
député de Châteauguay, nous y verrons. M. le ministre.
M. Clair: Oui, M. le Président. Ce sera très bref.
Plusieurs des députés qui sont intervenus du côté de
l'Opposition, comme de notre côté, ont indiqué que leur
désir était de traiter du fond. On peut traiter du fond de ces
questions, que vous déclariez l'amendement recevable ou irrecevable, de
sorte que je vous indique que, quant à moi, je me rangerai à
votre décision.
Le Président (M. Lachance): Je suis prêt à
rendre ma décision. J'en arrive à la conclusion que l'amendement
est recevable et que, de toute façon, si les membres de la
majorité ne sont pas d'accord, ils pourront toujours agir en
conséquence. L'amendement est recevable. M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vois là
la continuité de la parole du fauteuil, et ce n'est pas négatif
que de le dire, M. le Président. Vous vous inscrivez pleinement dans ce
que d'autres personnes qui sont présidents soutiennent à
l'égard des décisions qu'ils ont à rendre.
M. le Président, j'ai eu l'occasion d'indiquer il y a quelques
minutes, lorsque j'ai présenté mon amendement, que jamais le
climat ou la situation n'avait tendu à une forme d'acceptation mutuelle
ou de constat mutuel indiquant que la politique de rémunération
du gouvernement du Québec pour ses employés devra à
l'avenir s'inscrire dans des conditions nouvelles. On doit retenir, sans
remonter jusqu'à 1960, qu'au cours de quelques, sinon de plusieurs,
négociations entre l'État et ses employés, le principal
point où les travailleurs et travailleuses s'inscrivaient,
c'était au chapitre de la rémunération. Tout le monde est
unanime à constater aujourd'hui que les employés des secteurs
public et parapublic ont des conditions de rémunération et de
travail qui sont comparables * comparables en plus dans certains cas,
comparables en moins dans d'autres cas - aux travailleurs du secteur
privé. Pour certains, ces conditions sont même enviables. Il faut
retenir de l'exercice aussi ou de l'analyse que l'inflation est mieux
contrôlée aujourd'hui, que le pouvoir d'achat des employés
n'est pas agressé de façon si dure, n'est pas aussi durement
ressenti aujourd'hui qu'il pouvait l'être il y a quelques
années.
Il faut retenir de plus, comme le disait d'ailleurs le ministre des
Affaires sociales en commission parlementaire il y a quelques semaines, par
exemple, dans le domaine de la santé... C'est le ministre lui-même
qui parlait et il nous disait: Là où les employés du
secteur de la santé s'inscrivent, ce n'est pas sur la
rémunération, ce n'est pas sur les salaires, mais c'est davantage
sur leurs conditions de travail, l'effet des coupures, la qualité et la
quantité de services qu'ils donnaient précédemment aux
bénéficiaires et qui, aujourd'hui, compte tenu des restrictions
budgétaires du gouvernement du Québec, sont diminués en
qualité et en quantité. C'est le ministre des Affaires sociales
lui-même qui l'indiquait, soutenant ainsi et confirmant ainsi qu'une
ronde de négociations comme la prochaine nous permettra de constater que
l'écart, finalement, entre l'offre et la demande sera très
certainement diminué par rapport aux écarts qu'on connaissait
dans le passé. Je ne crois pas que quelque gouvernement que ce soit
accorde des 10 %, des 12 %, des 11 % comme je ne crois pas que beaucoup de
monde du côté des employés revendiquent des 11 %, des 12 %
et des 15 %. Le débat, depuis quelques années, a permis certains
constats comme ceux-là, où jamais le climat n'aura
été aussi favorable à des consensus au niveau de la
rémunération.
Pour nous, il nous apparaît que la formation de l'institut de
recherche, d'analyse et d'information sur la rémunération
contribuera et jouera un rôle de premier plan pour convier les parties,
les intervenants, l'Assemblée nationale et finalement le public en
générai qui sont les contribuables d'un côté et qui
sont ceux qui bénéficient des services, de la prestation des
services des employés de l'État... J'ai l'impression que les
rapports produits par
l'institut seront de nature à favoriser, comme le disait le
ministre, des rapprochements entre les parties en regard, entre autres, de la
rémunération. Le fait qu'un rapport soit produit
n'empêchera pas la négociation comme telle. Le fait que le
débat se fasse ici à l'Assemblée nationale contribuera
à ajouter une pression additionnelle sur les travailleurs et sur
l'État pour qu'ils s'entendent parce que le public sera appelé
à juger. Les employés de l'État ne perdront pas ainsi leur
force, cette force qui est créée par notre régime de
négociation qui prévoit un cartel intersyndical qui
confère un pouvoir appréciable aux employés.
C'est dans ce sens-là qu'étaient nos commentaires. Nous
n'avons pas changé d'idée. Il nous apparaît, en ce qui nous
concerne, que le droit de grève ne devrait pas exister, être
accordé pour les questions relatives à la
rémunération. On était satisfait de voir les dispositions
de l'avant-projet de loi. Le ministre revient avec un libellé nouveau,
lequel prévoit finalement des modifications assez limitées par
rapport à la situation antérieure où il dit: Le droit de
grève sera octroyé pour la première année et pour
les deuxième et troisième années, la négociation se
déroulera sans que les employés et les syndicats puissent
recourir à la grève. La convention sera de trois ans. (12 h
45)
Cela ne change pas beaucoup dans les faits. En ce qui nous concerne...
N'allez pas croire que c'est facile pour un parti politique qui en est à
quelques semaines, à quelques mois ou, au plus, à dix mois d'une
élection générale, de dire loyalement, ouvertement,
franchement et honnêtement: Pour nous, les règles du jeu doivent
être différentes. Autant la population, autant les travailleurs
eux-mêmes, autant les employés sont généralement en
désaccord avec ces conflits stériles et coûteux qui font
mal, finalement, à tout le monde.
Le gouvernement, l'Assemblée nationale, les parlementaires que
nous sommes devrions profiter de ce débat, de cet exercice auquel on est
conviés depuis plusieurs mois déjà si l'on
réfère à l'avant-projet de loi, aux commissions
parlementaires et à la commission vers la recherche d'un nouvel
équilibre annoncée par le ministre le 1er mai 1984... Tout cela
tend à ce qu'aujourd'hui plus que jamais on puisse en arriver à
établir des règles nouvelles qui seront plus claires, plus
franches, plus loyales et qui sauveront beaucoup de capital humain et financier
aux parties et aussi, et surtout, qui permettront aux
bénéficiaires des services, soit les citoyens qu'on
représente ici à l'Assemblée nationale, de ne plus
être affectés par de tels conflits, entre autres, en regard de la
rémunération; c'est ce pourquoi on présente cet
amendement, M. le Président. Il n'est peut-être pas trop tard pour
que le ministre revienne à sa proposition initiale et qu'il accepte
notre amendement.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Pagé: Je n'ai pas abusé du temps, M. le
Président. J'ai pris dix minutes alors que j'aurais pu en prendre
vingt.
M. Clair: J'en prendrai trois, quatre, M. le Président,
pour faire valoir deux ou trois arguments contre l'amendement proposé
par le député de Portneuf.
Le premier argument que je ferai valoir, c'est que, si l'amendement du
député de Portneuf était accepté, nous reviendrions
- c'est par rapport au projet de loi que je parle - à des conventions,
à la fixation, devrais-je dire, pour trois années à
l'avance, des salaires et des échelles de salaires. Je lui indique
là-dessus que l'un des objectifs principaux qui étaient
poursuivis par le gouvernement pour pouvoir offrir un traitement juste,
équitable et raisonnable à ses employés, c'était de
ne plus s'engager dans des conventions ou dans des déterminations des
salaires trois ans à l'avance parce que cela risque de jouer de fort
mauvais tours aux deux parties. Je réfère en cela à
l'expérience de 1979-1982, alors que, même s'il y aurait beaucoup
de nuances à faire, les deux parties étaient relativement
satisfaites de la signature des conventions collectives pour trois ans à
l'avance. Ces conventions étaient basées sur des
prévisions économiques, financières et triennales et,
malencontreusement, ces prévisions ne se sont pas
matérialisées.
On peut constater - et le député d'Argenteuil sera
sûrement sensible à cet argument que je tire des autres provinces
canadiennnes - qu'il est de moins en moins fréquent que les
gouvernements, au Canada, s'engagent sur le plan des salaires et des
échelles de salaires pour trois ans. À preuve, l'Ontario, pour
une année, le Manitoba, la Saskatchewan et une ou deux autres provinces,
pour des périodes allant de 16 à 21 mois et la Colombie
britannique, selon ce qu'on m'indique, se dirige vers la fixation annuelle, par
des mécanismes qui lui sont propres. On peut voir que la tendance est
plutôt à des fixations de ces masses pour une durée
beaucoup plus courte que pour trois ans à l'avance.
Je pense, M. le Président, que, s'il y a un piège dont on
doit sortir, pour les deux parties, c'est celui de prédéterminer
trois ans à l'avance les niveaux de salaires qui seront payés
dans les secteurs public et parapublic parce que, nécessairement, on
s'appuie, à ce moment-là, sur des prévisions
économiques, financières, de taux d'inflation, de taux de change,
de croissance
économique, etc., qui, par les années qui passent, ont la
malencontreuse caractéristique de ne pas souvent se matérialiser,
tel qu'initialement prévu.
Le deuxième argument que je ferai valoir à l'encontre de
l'amendement du député de Portneuf qui me propose de revenir
à la formule de l'avant-projet de loi sera le suivant: Dans la mesure
où l'on conserve le droit de grève dans le secteur public sur un
certain nombre de questions, comment pourrez-vous distinguer, lors de
l'année de négociation de la convention collective avec droit de
grève, dans l'esprit de celui ou celle qui prendra la décision de
faire la grève, s'il la fait sur la question salariale ou si c'est sur
la question normative, sur d'autres conditions? Je l'ai dit, au niveau local,
lorsqu'on a parlé du droit de grève sur quatre matières
dans le domaine des enseignants et des enseignantes du primaire et du
secondaire, on ne pourra pas voir un syndiqué ou une personne se
promener avec une pancarte indiquant: Je suis insatisfait des propositions
salariales du gouvernement, mais je ne suis pas en grève sur ces
matières. Je n'ai pas le droit de grève sur ces questions mais,
cependant, je suis en grève sur le normatif et je suis en grève
légale à cet égard puisque j'ai le droit de grève
sur ces matières. Il y a quelque chose d'"inopérationnel" dans la
proposition du député de Portneuf. C'est l'une des raisons - ce
n'est pas la seule, parce qu'on a tenté aussi de tenir compte au maximum
de l'avis des syndicats des secteurs public et parapublic sur cette question -
c'est l'une des raisons pour laquelle nous avons décidé de
modifier l'avant-projet de loi à cet égard puisqu'il nous
paraissait que c'était fort difficile de maintenir un droit de
grève sur le normatif lourd et de ne pas le maintenir sur la question
pécuniaire aux trois ans.
Le troisième argument que je ferai valoir à l'encontre de
la proposition du député de Portneuf, c'est que celle-ci, si elle
était acceptée, au fond, nous conduirait à l'une ou
l'autre des deux choses suivantes: soit à exclure complètement le
droit de grève dans les secteurs public et parapublic... Remarquez que
les propositions de son parti vont fort loin dans cette direction en proposant
l'abolition du droit de grève sur la question pécuniaire de
même que l'abolition du droit de grève dans le domaine de la
santé. On voit que les matières sur lesquelles ils auraient le
droit de grève, le champ de négociation ouvert au droit de
grève serait considérablement réduit par rapport à
ce qu'il est dans le projet de loi. En toute logique, si on voulait poursuivre
sur cette lancée, et c'est vers cela que risquerait de conduire
rapidement la proposition du député de Portneuf, c'est, dans le
fond, l'abolition pure et simple du droit de grève dans l'ensemble des
secteurs public et parapublic.
L'autre question qu'on peut se poser est: Est-ce que les salaires et
échelles de salaires doivent continuer de faire partie d'une relation
contractuelle entre les syndicats et le gouvernement? On sait que, dans la
plupart des États européens, l'État n'entre pas en
relation contractuelle, ne signe pas, à proprement parler, de convention
collective sur les questions salariales qui sont déterminées par
une variété de mécanismes, mais où il n'y a pas de
relation contractuelle entre les syndicats et le gouvernement sur ces
questions.
Nous avons voulu, quant à nous, ne pas prendre un virage trop
brusque, tenter de faire évoluer les mentalités, les rapports
entre le gouvernement et ses syndicats, mais ne pas revenir, je dirais, tout de
go, avec la formule imagée de l'ancien premier ministre, Jean Lesage: La
reine ne négocie pas avec ses sujets. Le gouvernement n'entre pas en
relation contractuelle avec ses syndicats.
Nous pensons, M. le Président, que la proposition retenue a
l'avantage de maintenir une relation contractuelle, d'éviter que le
gouvernement, cependant, ne soit lié trois ans à l'avance sur des
conditions de salaire sur la base de prévisions économiques qui
risquent de ne pas se matérialiser et, troisièmement, tout en
conservant une relation contractuelle, de favoriser, cependant, de nouveaux
mécanismes de détermination des salaires dans l'esprit, je
dirais, européen, c'est-à-dire d'éviter que le
gouvernement se lie trois ans à l'avance dans une relation contractuelle
sur des salaires et échelles de salaires.
Ce sont les trois arguments que je ferai valoir à l'encontre de
l'amendement du député de Portneuf. Je dirais, de façon
pratico-pratique, en tout cas, que le principal argument, c'est certainement
celui de ne pas se lier trois ans à l'avance. Je pense qu'une large
partie des problèmes que nous avons connus en 1982 provient des
conséquences de contrats signés, de bonne foi de part et d'autre,
trois ans à l'avance, mais sur la base de prévisions
économiques qui ne se sont pas matérialisées et lorsque la
réalité est tombée à la face du gouvernement, des
syndicats, des syndiqués, il était, je pense, assez
inévitable que cela conduise à de la frustration des deux
côtés, à de l'incompréhension, je dirais même,
jusqu'à un certain point, à de l'inacceptation légitime de
la réalité, compte tenu des engagements pris trois ans
auparavant.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont.
M. Pagé: Seulement une question: Comment le ministre
peut-il indiquer que c'est un principe essentiel à la négociation
que les employés de l'État puissent avoir recours à la
grève au moins une fois sur les
trois ans, alors que l'avant-projet de loi prévoyait exactement
le contraire et que lui-même indiquait dans sa déclaration
d'ouverture que la population du Québec en avait assez de ces luttes
stériles et qu'on se devait de s'attaquer au problème en enlevant
le progrès dans les secteurs public et parapublic au chapitre de la
rémunération? C'est ce que vous disiez vous-même. Je
comprends que ces principes ont changé en cours de route, mais cela ne
fait pas 20 ans, cela fait 3 mois.
M. Clair: Non, je suis bien d'accord, cela ne fait pas 20 ans,
cela fait juste 2 ou 3 mois; mais ce que j'indique, c'est que notre
réflexion a évolué sur cette question. Nous avons
considéré que, d'une part, il pouvait effectivement, dans la
tradition des négociations québécoises, y avoir un
avantage réel - c'est l'argument que nous faisaient valoir les syndicats
à ce que la rémunération demeure, je dirais, partiellement
négociable. Par ailleurs, nous avons également
évalué que la façon de procéder qui était
proposée par l'avant-projet de loi présentait des
difficultés réelles sur le plan opérationnel et c'est la
raison pour laquelle notre réflexion a évolué. Nous
n'avons pas renoncé aux objectifs initiaux. Je pense que, au contraire,
nous avons simplement tenté de perfectionner ce qu'on avait dans
l'avant-projet de loi à cet égard et de le rendre plus
opérationnel tout en maintenant un caractère équitable,
à ses dispositions.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: On constate que les positions du ministre. et les
positions des députés de l'Opposition officielle ne sont pas
très éloignées. Ce sont des questions de
technicité, de modalités. Le ministre nous parle de la
difficulté de négocier les salaires et échelles de
salaires pour trois ans. Il explique qu'il a fait un petit virage par rapport
à l'avant-projet de loi, petit virage que les députés
libéraux, les députés de l'Opposition officielle
contestent. Je pense qu'on avait bien raison de dire que l'amendement du
député de Portneuf ne touchait pas au principe de ce projet de
loi, qui est d'encadrer le droit de grève, de le supprimer dans
certaines questions jusqu'à le rendre inopérant. C'est cela,
l'objectif du projet de loi.
Je pense qu'entre les deux positions il faut peut-être
préférer la position plus franche du député de
Portneuf. Je ne dirais pas plus courageuse, je reviendrai là-dessus
tantôt, mais plus franche. On va se retrouver, avec cet amendement, dans
une situation où les syndiqués pourront faire la grève sur
les salaires et échelles de salaires une année sur trois. Cela
est la position du ministre. Or, le député de Portneuf propose
que ce ne soit aucune année sur trois. Le gouvernement va constituer un
institut, va en faire nommer par l'Assemblée nationale le
président et les deux vice-présidents; il va nommer tous les
autres membres. Il a encadré le mandat de l'institut de façon
telle que ses travaux, à moins de consentement des deux tiers des
membres de l'institut, vont porter sur la comparaison des salaires du public
avec ceux du privé et, à partir de là, à partir de
ce document auquel il pense avoir donné une certaine
crédibilité, il va élaborer un règlement
unilatéralement. Le député de Portneuf souhaiterait que ce
soit pour trois années. Le ministre dit: Pour les deux dernières
années de. la convention. Ce règlement va, par la suite,
être soumis à une commission parlementaire - même pas au
vote de l'Assemblée nationale à la discussion en commission
parlementaire où, après avoir écouté les parties
à peu près comme le ministre écoute les
députés autour de cette table, c'est-à-dire: Mon projet de
loi est parfait et les amendements que vous avez apportés
m'impressionnent plus ou moins...
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
m'excuse de vous interrompre dans votre envolée. Il est à peu
près 13 heures et nous suspendons nos travaux jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration poursuit ses
travaux après la suspension de 13 heures. Nous en étions à
la discussion sur une proposition d'amendement du député de
Portneuf sur l'article 52.
M. le député de Rosemont, je crois que vous aviez la
parole.
M. Paquette: M. le Président, nous sommes en train
d'examiner un amendement du député de Portneuf qui vise à
faire en sorte que la mécanique proposée par le ministre,
prévue aux articles 52 à 56, au lieu de s'appliquer pour les deux
dernières années de la convention collective, s'applique pour les
trois années de cette convention collective.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire ce matin, ceci fait en sorte qu'on
prive les syndiqués du secteur public d'un rapport de forces normal dans
tous les secteurs qui doit être encadré quant à ses effets;
il y a d'ailleurs un chapitre dans la loi actuelle... Il y a une loi sur les
services essentiels,
actuellement; il y a un chapitre de cette loi que nous allons examiner
tantôt. C'est donc de priver les travailleurs de tout rapport de forces
dans leurs négociations avec le gouvernement. C'est le gouvernement qui
nous présente une loi - sa loi, puisque le ministre ne semble pas
disposé à accepter d'amendements substantiels - qui vise à
rendre, à toutes fins utiles, le droit de grève, donc, l'exercice
du rapport de forces, symbolique. Ceci veut dire que le droit à la
négociation est complètement réduit à un minimum
qui fait en sorte que c'est un simulacre de droit.
Or, le programme du Parti québécois -je comprends que le
ministre avait décidé de mettre de côté une partie
du programme -dit, à la page 14, que le système de surveillance
des services essentiels - ce avec quoi nous sommes pleinement d'accord -devra
toutefois respecter le droit de grève des travailleurs et des
travailleuses. Nous trouvions que le ministre, parce qu'il renvoie un grand
nombre de matières au niveau local sans exercice de droit de
grève et parce qu'il limite la grève et la possibilité
d'exercer le droit de grève à la première année de
la convention, niait le programme de son propre parti.
Vous allez comprendre, M. le Président, qu'on ne peut pas
être d'accord avec l'amendement du député de Portneuf.
Même si nous trouvons son approche plus franche -je l'ai dit tantôt
- elle sera, à notre avis, complètement "contre-productive". Si
on prend la proposition telle qu'amendée par le député de
Portneuf, on va se retrouver avec un institut dont le gouvernement nomme la
totalité des membres, sauf trois qui seront proposés par lui
à l'Assemblée nationale - et le ministre espère que ce
sera d'ici à la fin de la session - donc, un institut gouvernemental
dont le mandat, en plus, est limité par l'article 19 à la
comparaison des salaires du public avec ceux du privé. Le gouvernement
va se servir du résultat des travaux de cet institut soi-disant
impartial pour établir un règlement, un règlement qui va
fixer les salaires et les échelles de salaires pour les deuxième
et troisième années de la convention collective. Le
député de Portneuf voudrait étendre cela à trois
ans, c'est encore plus inacceptable. Par la suite, ce règlement sera
présenté à une commission parlementaire où on va
entendre les parties, un peu comme le ministre écoute les
représentations des députés de l'Opposition autour de
cette table. Après avoir écouté les parties, le
gouvernement va appliquer son règlement. À ce compte-là -
et peut-être que le député de Portneuf serait d'accord avec
cela - pourquoi le ministre n'a-t-il pas prévu un article disant que,
pour tout l'avenir prévisible, les échelles de salaires des
employés du secteur public seront fixées à une certaine
proportion du salaire industriel moyen? Finies les négociations! Plus de
problèmes!
M. le Président, le député de Portneuf affirme
qu'il n'est pas question de modifier le rapport de forces dans le secteur
public. Mais qu'est-ce qu'un rapport de forces sans moyen de pression?
Qu'est-ce qu'un rapport de forces sans droit de grève? M. le
Président, on a eu l'occasion de le mettre en évidence à
plusieurs reprises, le rapport de forces dans la négociation,
malgré les problèmes qui ont pu se présenter dans les
négociations précédentes et qui s'estompent de plus en
plus. Je pense qu'on pourrait faire l'historique des négociations dans
le secteur public et s'apercevoir que, même s'il y a un climat de tension
dans certaines institutions du secteur public, il y a eu croissance de la
responsabilité de part et d'autre, changement d'attitude de plus en
plus, développement d'une notion de service essentiel qui est de mieux
en mieux respectée. De là a jeter complètement le
bébé avec l'eau du bain, comme le propose le député
de Portneuf, c'est-à-dire s'imaginer que seul le gouvernement est
gardien du bien commun et que les employés regroupés en
association de salariés n'ont pas le droit d'avoir leur propre
conception... Ceux-ci connaissent les problèmes, ils sont près
des bénéficiaires, ils perçoivent des difficultés,
des orientations nouvelles à développer dans les services
publics, les services d'enseignement, les services de santé ou les
services hospitaliers. (15 h 15)
S'imaginer que le gouvernement, avec son institut, avec son
règlement, pourra imposer, sans aucun moyen de discussion - un peu comme
les députés de l'Opposition, ici, sont totalement démunis
devant la volonté du ministre d'imposer son projet de loi... S'imaginer
que l'on pourra vraiment avoir un exercice responsable de confrontation de
points de vue et d'amélioration, à la fois des conditions de
travail et des services aux bénéficiaires, M. le
Président, c'est un recul inacceptable dans notre société,
c'est une dégénérescence dans l'irresponsabilité et
c'est une solution illusoire. S'imaginer qu'en éliminant
complètement le rapport de forces par la loi en éliminant le
droit de grève on va faire disparaître les problèmes, c'est
une illusion. On sait que dans des provinces ou dans d'autres pays il y a des
endroits où le droit de grève est reconnu et où il est
exercé de façon responsable - c'est l'objectif à atteindre
au Québec - et que dans d'autres le droit de grève n'est pas
reconnu et il existe quand même des problèmes qui, parfois
mènent à des conflits qui, à ce moment-là, se
déroulent dans un contexte totalement non encadré et deviennent
beaucoup plus difficiles à vivre et rapidement incontrôlables.
C'est ce qui arrive quand on a un projet de loi, qui serait empiré par
l'amendement du député de
Portneuf, qui ne mise pas sur le développement de la
responsabilité et le changement des attitudes.
Le député de Portneuf a minimisé les questions en
cause dans les articles 52 à 56. Il a dit que c'est la question des
salaires et des échelles de salaires. Mais, dans la question des
salaires et des échelles de salaires, il y a des problèmes
extrêmement importants de justice sociale, d'égalité entre
les hommes et les femmes, d'égalité entre les catégories
salariales qui sont posés. Ce que le gouvernement nous dit: Nous allons
être les seuls à décider de cela. Pourquoi cet abus dans le
secteur public? Est-ce qu'on accepterait que dans le secteur privé on
donne un tel pouvoir aux employeurs? Je comprends que les services publics sont
généralement plus essentiels que les services privés, mais
l'approche qui veut qu'on assure les services essentiels n'est-elle pas
suffisante et n'est-elle pas la bonne approche, sans qu'en plus on
décide de se comporter de façon aussi arbitraire?
Le député de Portneuf a dit - c'est la deuxième
fois que je l'entends le dire - que ça prenait un certain courage
à sa formation politique pour proposer d'éliminer le droit de
grève. M. le Président, il n'y a absolument aucun courage dans
celai On connaît un certain sentiment qui est largement répandu
dans la population, malheureusement, où, parce que le droit de
grève occasionne des problèmes, on dit: La solution, c'est de
supprimer le droit de grève. C'est au contraire très facile pour
des hommes et des femmes politiques d'aller dans cette direction. C'est
possiblement électoralement rentable d'aller dans cette direction, mais,
malheureusement, aucunement adapté au problème, aucunement
productif de ce nouvel esprit qu'il faut installer dans nos relations du
travail.
Je crois qu'à ce courage facile il faut préférer la
lucidité qui repose sur les faits. Les faits, c'est que de plus en plus
les services essentiels sont respectés, de plus en plus il y a une
attitude de responsabilité de la part des syndiqués et de la part
des administrations aussi. Il faut parler de la responsabilité des deux
côtés. C'est dans cette voie qu'il faut trouver la conciliation du
droit aux services essentiels pour la population et du droit à la
négociation pour les associations de salariés.
La seule et principale objection que le ministre a trouvée
à l'amendement du député de Portneuf, c'est une question
technique: Si on fixait par un projet de règlement gouvernemental les
conditions salariales et les échelles de salaires pour trois ans cela
serait incompatible avec le droit de grève qui est acquis à tous
les trois ans sur d'autres questions de la convention collective. J'aimerais
signaler au ministre qu'il a probablement raison face à l'amendement du
député de Portneuf, mais on peut lui faire le même reproche
face à sa propre position. On peut imaginer la situation où, lors
de la prochaine négociation, une personne en grève se
promènerait avec la pancarte suivante qu'elle aurait
confectionnée: Je suis en grève sur des questions salariales pour
la première année de la convention collective, mais je ne suis
pas en grève pour les deux autres années parce qu'alors je serais
en grève illégale; par ailleurs, je suis en grève pour les
trois années sur la question du normatif et sur un certain nombre de
conditions de travail.
M. le Président, c'est tout à fait aberrant de penser que,
lorsque arriveront les négociations, on pourra dire aux salariés:
Vous pouvez exercer votre rapport de forces sur le normatif, mais vous ne
pouvez pas le faire sur le salarial et les échelles de salaires selon le
député de Portneuf, ou sur les deux dernières
années, comme le dit le ministre. Inévitablement, cela va revenir
au même: les gens vont négocier, vont discuter, ils pourront
exercer leur droit de grève sur le normatif, mais on ne pourra pas les
empêcher de penser que peut-être il y a un règlement injuste
qui s'amorce sur les questions salariales et de tenir compte de cela dans les
discussions qu'ils ont avec l'État.
Ce que je suis en train de vous démontrer, c'est qu'il n'y a pas
de solution de compromis: ou on abolit complètement le droit de
grève ou on respecte et on trouve même positif l'exercice d'un
rapport de forces dans le secteur public comme il existe également dans
le secteur privé, avec cette différence qu'on va se donner des
mécanismes d'encadrement qui vont permettre de respecter le droit
à la santé et à la sécurité des
citoyens.
M. le Président, je pense que l'amendement du
député de Portneuf rend encore plus inacceptable, rendrait encore
plus inacceptable ce projet de loi, qui est une solution inadéquate aux
divergences d'opinion, voire aux conflits dans le secteur public. Il rendrait
le projet de loi encore plus improductif et ferait en sorte que nous aurions au
Québec un accroissement du dirigisme gouvernemental et une
décroissance de l'attitude de responsabilité qu'il faut
développer dans nos relations du travail.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, si vous vouliez parler là-dessus, M. le
ministre, je parlerai après.
M. Clair: Ça va être très bref, M. le
Président, simplement pour dire que des gens se réjouissent
sûrement de voir qu'au moins un député à
l'Assemblée nationale, soit celui de Rosemont qui vient de prendre la
parole,
ait, lui, la capacité d'évaluer, la franchise, le courage
des autres et de souhaiter une approche plus franche, plus courageuse,
c'est-à-dire plus franche en ce qui concerne le gouvernement et moins
courageuse, semblerait-il, de la part de l'Opposition. J'aimerais simplement
qu'il prêche par l'exemple et qu'il nous dise justement quel type
d'entente il a avec la coalition, le groupement de syndicats qui s'est
présenté en commission parlementaire et qui, encore aujourd'hui,
publiait des textes dans lesquels on peut retrouver presque mot à mot
certaines paroles du député de Rosemont. Je cite un article de M.
Jean-Jacques Samson ce matin dans le Soleil: "Les establishments syndicaux qui
ont joint leurs voix dans le dossier constitutionnel à celles des
orthodoxes qui sont en retour leurs voix en commission parlementaire, n'ont
même pas le goût d'assister au débat, de poursuivre leur
lobby, de piloter des amendements négociables, bref de jouer la partie
habituelle à laquelle on assiste lorsque les enjeux sont si importants.
" Lui qui semble savoir ce que sont la franchise et le courage, il pourrait
nous dire quel type d'entente il a avec la coalition...
M. Paquette: M. le Président, est-ce que je peux
répondre à cette question?
M. Clair:... et s'il y a un lien à faire entre les deux,
comme le fait le journaliste.
M. Paquette: Est-ce que je peux répondre à cette
question-là, M. le Président?
Le Président (M. Lachance): Allez-y.
M. Paquette: Je trouve tout à fait déplorable que
le ministre s'amuse à ce genre d'insinuation. Je lui réponds bien
franchement qu'il n'y a aucune entente. M. le Président, il n'y a aucune
espèce d'entente et aucun lien entre les deux questions. Et, pour
l'information du ministre, la conférence de presse qui a
été convoquée sur la question constitutionnelle l'a
été par un organisme indépendant de celui auquel nous
participons, qui est le Rassemblement démocratique pour
l'indépendance, a été convoquée par la Coalition
pour l'indépendance. Est-ce que le ministre peut concevoir que, sur un
certain nombre de questions, il y ait convergence d'opinions entre les
centrales syndicales et des gens engagés en politique? Je pense qu'il
est incapable de concevoir cela.
M. le Président, je pense qu'il est important qu'à cette
Assemblée nationale il y ait un certain nombre de députés
qui aient le courage de leurs opinions. Les opinions que je défends
maintenant, je les ai défendues à chaque campagne
électorale, même quand je sentais que, dans mon comté, il y
avait une majorité de gens qui disaient: Supprimez donc le droit de
grève. J'étais en élection, j'ai défendu les
mêmes positions. J'étais député ministériel,
j'ai voté contre certaines lois spéciales du gouvernement. Au
Conseil des ministres, j'ai défendu les mêmes opinions et,
maintenant, je défends les mêmes opinions. Ce n'est pas
d'aujourd'hui que je défends les mêmes opinions. La réponse
est très franche, très simple, très directe.
J'espère que le ministre va arrêter ses calomnies
immédiatement et va accepter ce que je lui dis: II n'y a aucune
entente.
M. Clair: M. le Président, vous voyez par sa
réaction que le député de Rosemont n'aime pas être
jugé; je voulais simplement lui faire sentir que c'en était de
même en ce qui concerne les autres.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil, sur l'amendement.
M. Ryan: J'ai de la misère à suivre ces querelles
de ménage.
Le Président (M. Lachance): Vous êtes entre deux
micros, M. le député.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais évidemment
parler au sujet de l'amendement qui a été proposé par mon
collègue de Portneuf. D'abord, je voudrais qu'il soit bien clair qu'on
veut dire la même chose. Je lis les textes, j'ai un peu de peine à
comprendre et je voudrais solliciter certains éclaircissements pour
commencer.
Dans l'article 52 du projet de loi, on dit ceci: "Les stipulations de la
convention collective qui portent sur les salaires et les échelles de
salaire sont négociées et agréées à
l'échelle nationale pour une période se terminant au plus tard le
dernier jour de l'année au cours de laquelle une entente est intervenue
à l'échelle nationale sur ces stipulations. "
Je fais une hypothèse, M. le Président. Disons qu'une
entente intervienne entre les parties le 15 décembre - on va prendre les
décrets qui expirent à la fin de l'année, le 31
décembre - ça va valoir pour l'année suivante.
M. Clair: Si elle intervenait le 15 décembre 1985?
M. Ryan: Oui. Il y a quelque chose qui ne va pas dans le
texte.
M. Clair: Certainement, parce que, comme la convention collective
actuelle n'est pas expirée, les décrets ne sont pas
expirés, que ça viendrait prendre effet à l'expiration de
la convention collective; donc, ça couvrirait l'année 1986.
M. Ryan: Pour une période se terminant au plus tard le
dernier jour de l'année pour laquelle une entente est intervenue. C'est
ce que cela veut dire, finalement.
M. Clair: Non, au cours de laquelle une entente est intervenue.
C'est simplement qu'on voulait conserver, en principe, des conventions de trois
ans et éviter que, dans le texte, il y ait une incitation par la loi
à faire en sorte qu'on retarde les négociations pour tenter de
les faire porter sur deux ans et qu'on aboutisse ainsi, à toutes fins
utiles, à des conventions de quatre ans. Comme on a voulu conserver des
conventions de trois ans, en principe, ça veut dire qu'il est toujours
possible qu'il y ait un règlement rétroactif, mais, sur le plan
salarial, on s'assurerait que l'entente sur ces sujets s'appliquerait au cours
de l'année où elle est intervenue, donc, garantie d'application
du mécanisme de détermination pour les deux années
subséquentes. Cela permet aussi la souplesse de s'entendre sur une
rétroactivité pour une année antérieure, advenant
que les négociations s'étirent tout en garantissant l'application
du mécanisme de détermination.
M. Ryan: Supposons qu'on s'entende le 15 décembre; rien ne
peut être signé avant le premier janvier.
M. Clair: C'est exact. L'entente, je dirais, officieuse pourrait
intervenir avant, mais elle prendrait effet le premier janvier.
M. Ryan: Là, j'aurai une question à poser à
mon collègue de Portneuf. Je ne sais pas si l'amendement est clair dans
cette perspective.
Le Président (M. Blais): On peut permettre...
M. Ryan: Je me pose la question à moi-même aussi
parce que...
M. Clair: Si vous voulez avoir une séance de travail
conjoint...
M. Ryan: Non, non. Il va donner cela publiquement. On n'a pas
peur d'examiner nos choses ensemble quand il y a des clarifications qui
apparaissent utiles.
L'amendement dit: "Les stipulations de la convention qui portent sur les
salaires et échelles de salaires sont négociées et
agréées à l'échelle nationale pour une
période se terminant au plus tard le dernier jour de la troisième
année au cours de laquelle une entente est intervenue à
l'échelle nationale sur ces stipulations. " "Au cours de laquelle"
semble s'appliquer à la troisième année?
M. Pagé: Oui.
M. Ryan: Cela serait la période, plutôt.
M. Pagé: Oui.
M. Ryan: II faudrait retoucher cela.
M. Pagé: S'il est accepté, mais le ministre semble
s'être...
M. Clair: Campé.
M. Pagé:... campé et être bien
ancré...
M. Ryan: Oui, mais, pour nous, pour faire comprendre notre point
de vue, il faut qu'on l'exprime clairement.
M. Pagé: C'est cela, je n'en doute pas, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Surtout à celui-là.
Le Président (M. Blais): Ce qui se conçoit
bien...
M. Pagé:... et les mots pour le dire viennent
aisément.
M. Clair: Est-ce qu'on peut...
M. Laplante:... n'a pas été fait sur le coin d'une
table.
M. Ryan: Non, non, et on a eu le temps d'en prendre connaissance
depuis quelques jours déjà. Ce que cela veut dire, en tout cas:
"sont négociées et agréées à
l'échelle nationale pour une période"; il y a deux
difficultés dans notre texte. On se pose cela bien simplement sans... On
pourrait bien jouer à la cachette, mais cela ne donnerait rien. Il y a
une première difficulté. Il faut évidemment que cela soit
écrit comme s'appliquant à l'ensemble de la période. Il y
a une deuxième difficulté, c'est que cela semble postuler que la
loi va exiger que cela soit toujours des conventions de trois ans, alors qu'il
pourrait très bien arriver qu'on ait une convention de deux ans. Cela
n'empêche personne de dormir. J'aime infiniment mieux une convention de
deux ans que les mécanismes compliqués comme ceux que nous
propose le projet de loi, entre parenthèses. Je ne sais pas comment...
Cela pourrait être: le dernier jour de la dernière année
pour laquelle une entente est intervenue.
Une voix: Oui.
M. Ryan: Le dernier jour de la dernière année de la
période.
M. Clair: Si vous voulez qu'on suspende...
M. Ryan: Est-ce qu'on peut suspendre
cinq minutes, on va s'entendre là-dessus?
Le Président (M. Blais): On va suspendre cinq minutes,
s'il vous plaît!
(Suspension de la séance à 15 h 32)
(Reprise à 15 h 40)
Le Président (M. Blais): À l'ordre! M. le
député de Portneuf.
M. Ryan: Très bien. Allez-vous apporter seulement une
précision là-dessus?
M. Pagé: M. le Président, si j'avais le
consentement de mes collègues de la commission, je retirerais la
proposition d'amendement à l'article 52 pour que la proposition
d'amendement se lise comme suit: "Les stipulations de la convention collective
qui portent sur les salaires et échelles de salaires sont
négociées et agréées à l'échelle
nationale pour une période se terminant au plus tard le dernier jour de
la dernière année prévue à l'entente intervenue
à l'échelle nationale sur ces stipulations. "Pour la
période prévue à l'entente, les salaires et
échelles de salaires seront déterminés conformément
aux dispositions qui suivent. "
Évidemment, M. le Président, je ne reprendrai pas mes
commentaires sur l'à-propos et même sur le souhait que nous
formulons que cet article soit modifié.
Le Président (M. Blais): Y a-t-il consentement?
M. Clair: Oui, consentement.
Le Président (M. Blais): Consentement?
Mme Le Blanc-Bantey: Consentement.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais que le
député de Portneuf nous en explique un peu le sens.
Le Président (M. Blais): Sur la phraséologie, pour
la compréhension.
M. Paquette: Non, mais l'amendement a pour but de prévoir
une période différente de celle de trois ans. C'est cela?
M. Pagé: C'est-à-dire que, si les parties le jugent
opportun et qu'elles s'entendent sur une convention collective dont la
période sera moindre que trois ans, cela ne causera pas de
problème en regard du libellé actuel comparativement au
libellé antérieur où c'était hermétiquement
fermé à trois ans.
M. Paquette: Consentement, M. le Président.
Le Président (M. Blais): Merci, M. le député
de Rosemont. La parole était au député d'Argenteuil.
M. Ryan: II y a deux points principaux dont je voudrais traiter
à ce stade-ci de notre débat. Tout d'abord, la première
question qui est en cause, c'est évidemment celle du droit de
grève à propos de la politique salariale. J'ai fait un
relevé de ce qui s'est passé dans ce domaine au cours des
dernières rondes de négociations. Je crois que le dossier qui
ressort de l'expérience des quinze dernières années
indique que la politique salariale du gouvernement est un sujet qui se
prête sans doute à la négociation, mais qui se prête
moins à l'exercice du droit de grève ou de lock-out. Les fois
où on a essayé le recours au droit de grève, on a fini par
des solutions autoritaires. D'habitude, l'exercice du droit de grève se
fait parce qu'on compte sur le rapport de forces pour amener les deux parties
à une position plus raisonnable. Chacune des deux parties compte que
l'autre sera attirée à une position plus raisonnable estimant
qu'elle dispose d'un pouvoir d'influences assez fort sur cette
partie-là.
Dans le cas de la puissance publique, les choses se déroulent
différemment. La première expérience que j'ai vécue
a été celle des hôpitaux en 1966. Les syndiqués
s'étaient mis en grève à la faveur d'une élection
imminente. À un moment donné, l'élection a eu lieu et,
ensuite, ils ont été ramenés au travail par la mise en
tutelle de la partie patronale, par un gouvernement conservateur de l'Union
Nationale. Cette fois-là, le gouvernement a couché avec le
syndicat - c'est le cas de le dire - sur le dos des directions
d'hôpitaux. Il a mis les directions d'hôpitaux en tutelle; il a
nommé un médiateur, qui était M. Yves Pratte, si mes
souvenirs sont bons, dont le rapport a été à l'origine de
clauses mécaniques qui ont coûté tellement cher et qui ont
été une source de difficultés pendant les quinze
années qui ont suivi. Pardon?
M. Clair: Qu'entendez-vous par "clauses mécaniques"?
M. Ryan: Les clauses sur l'exercice des droits syndicaux à
l'intérieur des hôpitaux, l'exclusivité des postes et
surtout la définition de postes. C'est de là que sont venues
toutes ces difficultés. C'est un premier cas où la
négociation n'a pas donné de résultats probants, du moins
dans sa partie de l'exercice du droit de grève.
Ensuite, on a eu, en 1967, le conflit des commissions scolaires qui
s'est terminé par une intervention législative du gouvernement.
Après un certain nombre de
semaines d'exercice du droit de grève, le gouvernement est
intervenu et il a réglé les choses pratiquement au point
où c'était au début de ses propositions. Cet exercice n'a
pas donné grand-chose.
Ensuite, il y a eu 1972; en 1969, je ne pourrais pas rappeler avec
précision ce qui est arrivé; peut-être qu'on pourra le
rappeler tantôt. En 1972, cela a fini par des décrets. Il n'y a
pas eu de véritable aboutissement normal du processus de
négociation. Les syndiqués s'étaient mis en grève
et cela a fini par un décret.
En 1976, je crois que c'est la seule fois où il y a eu
aboutissement par la voie de négociations. En 1976, tout le monde se
rappelle qu'il y a eu un conflit à HydroQuébec, en plein pendant
la campagne électorale. Cela a été l'occasion d'extorquer
au gouvernement des concessions de base extrêmement coûteuses sur
le fameux chapitre de l'ancienneté. C'était un gouvernement
libéral, à l'époque. Le ministre du Travail de
l'époque a fait une concession dans ce climat extrêmement
difficile qui était créé par la conjoncture
électorale, qui a entraîné des coûts
énormes.
En 1979, il y a eu un règlement négocié, mais nous
nous souvenons tous dans quelles conditions il est survenu. À un moment
donné, le gouvernement avait déposé des propositions et il
a trouvé que les dirigeants syndicaux ne faisaient pas convenablement
leur travail de présentation à leurs membres. Il a adopté
une loi - je ne sais pas si vous vous rappelez - obligeant les travailleurs
à revenir au travail parce qu'il y avait eu des débuts de
grève. Je ne me rappelle pas de quelle étendue ils
étaient, mais je pense que c'était dans des secteurs assez
répandus. Le gouvernement a fait adopter une loi disant: Vous revenez au
travail, vous soumettez nos propositions à vos membres et, ensuite, on
verra. Si mes souvenirs sont bons, à la suite de cette loi, il y a eu
entente. Il y a eu des concessions qui ont été faites, dont
certaines ont été extrêmement coûteuses au chapitre
de la tâche pour les enseignants et au chapitre du nombre d'enseignants.
Je pense que le ministre se rappelle comme moi le jour où, en pleine
Assemblée nationale, le ministre des Finances du temps est venu dire
qu'il avait donné 1600 postes supplémentaires d'enseignants sans
s'en rendre compte - 1500 ou 1600. Il est venu dire cela en pleine
Assemblée nationale. On s'est rendu compte de cela, en regardant tout
cela. On a eu 1982... Pardon?
Mme Le Blanc-Bantey: Je trouve que ce que le député
d'Argenteuil dit est très intéressant, mais, malheureusement, il
a tendance à parler en dehors du micro et on n'entend pas.
M. Ryan: Vous avez raison. On va essayer de fixer cela,
madame.
Mme Le Blanc-Bantey: On ne racontera pas la petite histoire. On
pourrait expliquer pourquoi il y a eu des problèmes de micros.
M. Ryan: En 1982, nous nous souvenons tous de ce qui est
arrivé. La négociation s'était engagée sous des
auspices qu'on peut apprécier différemment. Il y a eu deux
phases. Il y a eu la phase de l'été et de l'automne 1982 au cours
de laquelle le gouvernement avait demandé aux syndicats de renoncer
à une partie de l'augmentation qui leur était dévolue
à compter de la troisième année. Les syndicats avaient
demandé qu'on rouvre la négociation sur tout ce qui allait venir;
le gouvernement a refusé. On a engagé des négociations en
vue de la prochaine période. Au bout d'un temps plutôt bref, le
gouvernement a coupé court à tout cela et il nous a
présenté une première loi, la loi 70, si mes souvenirs
sont bons, qui arrachait une partie de salaire aux syndiqués pour les
trois premiers mois de l'année et qui abaissait des échelles de
rémunération. Ensuite, on est arrivé avec la loi 105 qui
établissait, par voie législative, les salaires et les conditions
de travail pour les trois années subséquentes, 1983, 1984 et
1985. Nous sommes dans la dernière année de ce décret,
cette année.
Sur la base de ce que nous avons observé, il faudrait faire un
examen détaillé de toutes ces expériences, mais, sur la
base de ce que nous avons vécu comme société, je pense que
nous devons conclure que la source principale des arrêts de travail que
nous avons connus, cela a été la question salariale. Les clauses
que j'appelle normatives ne peuvent pas avoir été la cause
déterminante parce que c'est vraiment dans ce domaine que nous
étions beaucoup plus avancés que le secteur privé. C'est
vraiment au chapitre de clauses normatives que le secteur public était
beaucoup plus en avance sur le secteur privé. Il y a certains secteurs
particuliers qui, au chapitre des rémunérations, étaient
plus en avance. C'est un portrait qui est beaucoup plus complexe que les
porte-parole gouvernementaux ne veulent souvent le laisser entendre. Au niveau
des clauses normatives, je pense qu'il n'y a personne qui va mettre
sérieusement en doute l'affirmation voulant qu'on ait été
beaucoup plus avancé dans le secteur public que dans le secteur
privé. J'en veux seulement à titre d'exemple les arbitrages qui,
dans le secteur des affaires sociales, jusqu'à récemment,
étaient entièrement payés par la partie patronale. Je me
dis que, quand tu es la partie syndicale, cela va bien de demander un
arbitrage, cela ne coûte pas un cent. Il y en avait un paquet. Il y en
avait une accumulation de 800 ou 900 et cela ne
dérangeait pas... Pardon? C'est encore le cas. C'est un
arrangement qui pouvait se justifier au début, quand on
commençait... Pardon?
Le Président (M. Blais): C'est relié directement.
Cela ne va pas à rencontre du règlement.
M. Ryan: Je crois que oui. Ne m'obligez pas à prendre un
détour pour le rattacher, cela va être encore plus long. Je vais
essayer de faire cela brièvement quand même, mais je pense que ce
sont des choses importantes. Je sais que vous avez toute la souplesse voulue
pour comprendre qu'une intervention peut être un petit peu plus longue
et, ensuite, qu'il y en a d'autres qui seront plus brèves. Quand on fait
l'addition de tout cela, peut-être que cela abrège le processus
global.
Je dis que toute la question de la rémunération a
été cruciale là-dedans et c'est un point sur lequel nous
en sommes venus à la conclusion - beaucoup d'entre nous, pas tous - que
ce n'est pas un sujet de négociation comme un autre parce que ce n'est
pas l'argent du législateur. J'ai dirigé longtemps une
entreprise. J'étais obligé de faire des négociations
périodiques avec les syndicats de l'entreprise. Ce n'était pas
mon argent, mais je savais une chose, c'est que, si j'en donnais trop ou si je
négociais de travers, toute l'entreprise s'en allait "down the drain",
toute l'entreprise était vouée à la banqueroute et
à la disparition, et je ne voulais pas passer à l'histoire comme
ayant été le fossoyeur de cette entreprise. Par
conséquent, j'étais obligé de me forcer pour avoir des
conventions qui marchaient.
Mais, dans le secteur public, les gens, les administrateurs, les hommes
et les femmes politiques qui sont là ne sont pas les
propriétaires, ils sont uniquement les fiduciaires au nom de la
population tout entière. On ne peut pas concevoir qu'un quart ou qu'un
cinquième de la population se déclare en guerre contre le reste
de la population sur des questions qui ont trait à la répartition
de la richesse parce que le lieu où on fait cela, c'est le Parlement.
C'est le Parlement qui est le lieu mandaté par excellence pour prendre
les décisions sur ces questions qui ont trait à la
répartition de la richesse nationale entre les différentes
classes de la société. Il peut très bien arriver que le
processus de négociation soit reconnu comme un des moyens
acceptés par le Parlement, mais il y a des limites. À un moment
donné, si cela va trop loin, si cela dégénère en
guerre ouverte, cela n'a pas de bon sens.
Sur ce point, je crois que dans l'état où nous sommes,
avec la dette qu'a le Québec, il y a une chose que le ministre
reconnaîtra avec moi, c'est qu'on peut avoir les jugements qu'on voudra
sur la période de 1970 à 1976, sur celle qui s'échelonne
de 1976 à 1985, il y a une chose que tout le monde est en mesure de
vérifier, c'est que le pourcentage des dépenses globales de
l'État, dans une année, qui allait au service de la dette,
à la fin de la période de 1970 à 1976, était
d'à peu près 4, 5 % ou 5 %. Aujourd'hui, il est de l'ordre de 10
%. Les taux d'intérêt ont joué un rôle, mais la
grosse explication, c'est que le volume de la dette est passé, je pense,
de 5 000 000 000 $ à 25 000 000 000 $. Les taux d'intérêt,
il faut arrêter de se gargariser seulement avec cela, parce qu'il y a eu
des déficits beaucoup plus gros au cours de cette période. On
marche avec des déficits de 3 000 000 000 $ par année depuis cinq
ans. En fin de compte, cela entraîne le résultat qu'on a. On est
rendu à un point où, pour une période prévisible
d'au moins cinq ans et peut-être davantage, il faut qu'on marche de
manière très serrée et la marge qui va exister en
matière de politique salariale, il faut bien se le dire franchement,
elle va être très limitée. C'est une raison qui oblige les
législateurs à dire que cela ne sert à rien de se faire
accroire des choses et de se bâtir de beaux échafaudages
théoriques. Même si on exerçait toutes les
prérogatives qui vont normalement avec la négociation ordinaire,
il arrivera, en fin de compte, que le législateur sera obligé
d'intervenir et de dire que cela ne peut pas marcher. Cela ne peut plus
marcher, on est rendu au bout, on est comme cela.
Cela est un premier point. Je pense qu'on peut différer d'opinion
au chapitre des moyens. Le gouvernement n'envisage pas tout à fait les
mêmes moyens que l'Opposition, mais il y a une chose sur laquelle il y a
un désaccord entre nous, par exemple, et nos collègues, les
députés qui siègent comme indépendants à
l'Assemblée nationale depuis quelque temps, c'est qu'on ne peut pas
avoir exactement la même mécanique en matière de politique
salariale dans le secteur public que dans le secteur privé. Ce qui
sépare le gouvernement de nous, c'est ceci: Le gouvernement dit: On va
garder le droit de grève pour la première année d'une
convention. Il suppose que ce serait trois ans. On ne le sait pas. Ce sont des
choses qui sont négociables. C'est pour cela que, tantôt, nous
avons modifié notre amendement dans ce sens-là. Nous, nous
disons: Let us not kid ourselves". Ne nous faisons pas d'illusion, ne nous
racontons pas d'histoire les uns aux autres. En période difficile, on va
négocier loyalement. Si on peut s'entendre, tant mieux! Mais, s'il
arrive une date limite à laquelle on ne s'est pas entendu, à ce
moment-là, on va être obligé d'aller à
l'Assemblée nationale et par voie - ici, on diverge, le gouvernement et
nous, on le verra tantôt - de décret ou de loi, il faudra
régler le problème pour la période qui vient. C'est
un premier point.
J'ai compris tantôt mon collègue de Rosemont qui dit qu'il
faut qu'on conserve le droit de grève comme dans le bon vieux temps,
comme si de rien n'était. Nous disons, de notre côté, que
c'est un point où il faut le circonscrire, même l'empêcher
de s'exercer sur ce qui regarde les salaires.
Il y a un deuxième point que je veux noter. Le gouvernement nous
dit: On n'est pas capable de négocier pour plus d'un an. Il va falloir
que cela se refasse à chaque année. Je ne le sais pas...
J'aimerais que le ministre étaie son affirmation beaucoup plus
solidement qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant. La majorité des
grandes conventions nationales qui se signent, disons depuis la dernière
année - il y en a eu beaucoup dans le secteur privé - je ne crois
pas qu'il y en ait beaucoup qui soient pour une durée d'un an seulement.
On va prévoir des conventions de deux et trois ans. Et un gouvernement
qui n'est pas capable de prévoir son affaire pour deux ans à
l'avance... Franchement, il ne faut pas exagérer non plus. Il y a des
choses qu'on a apprises. C'est vrai qu'il y a des imprudences qui ont
été commises, qui ont coûté cher. Mais je ne crois
pas qu'un gouvernement soit incapable de prévoir raisonnablement pour
une période de deux ans, peut-être même de trois ans. Il y
en a beaucoup qui ont négocié leur convention sérieusement
et qui sont passés à travers la dernière période
parce qu'ils ne s'étaient pas trop "éjarrés", qu'ils ne
s'étaient pas pris pour d'autres quand ils négociaient. Leur
convention a pu fonctionner. C'est évident que ceux qui avaient
attaché des clauses d'indexation illimitée et, en plus, d'autres
clauses d'enrichissement et de tout ce que l'on veut, ils sont rendus à
la fin...
Une voix: Éjarrer, est-ce...
M. Ryan: Je pense que c'est un mot français...
Alors, je ne suis pas de la thèse du gouvernement selon laquelle
il faut absolument qu'on négocie seulement pour un an. Je suis en train
d'attaquer le deuxième point de mon intervention. Nous sommes en
désaccord avec vous sur la question du droit de grève. Vous
dites: On le donne pour la première année, on ne le donne pas
pour les deux autres. Nous, nous disons: Nous ne l'acceptons pas; nous le
reconnaissons, il est là, mais nous ne l'acceptons pas pour des raisons
graves dans ce secteur-ci et nous préconisons plutôt le mode de
règlement qui est défini par notre amendement et par d'autres
amendements qui vont venir après. La raison que nous invoquons, c'est
que la première année, comment allez-vous vous en tirer s'il y a
une grève? Il va falloir que vous nous expliquiez cela. Supposons que
les secteurs de l'éducation, d'Hydro-Québec et des hôpitaux
décident de se mettre en grève, tous en même temps, on a un
joli problème sur le dos.
M. Clair: De toute façon, même dans le contexte
actuel, on a un joli problème sur le dos.
M. Ryan: Comment cela? Une voix: C'est la loi...
M. Clair: De toute façon, s'il y avait grève
générale illimitée, elle est supposée être
illégale...
M. Ryan: Oui.
M. Clair:... dans les trois secteurs que vous évoquez, de
toute façon...
M. Ryan: Oui, c'est sûr.
M. Clair:... que ce soit dans le système actuel ou dans
tout autre système...
M. Ryan: C'est sûr.
M. Clair:... l'État a un joli problème sur les
bras.
M. Ryan: Oui. Mais, nous, nous disons: Une grève
générale autour des salaires, c'est une affaire suicidaire pour
la société québécoise. Nous ne pensons pas que cela
doive être envisagé comme possible dans la loi qu'on est en train
de discuter. Cela est un premier point qui nous sépare. Vous, vous
dites: On va l'accepter pour la première année d'une
période de trois ans, on ne l'accepte pas pour les deux autres. Alors,
il y a des questions de moyens qui nous séparent. Mais, sur le fond,
nous reconnaissons, de part et d'autre, que cela ne peut pas être
l'exercice illimité, inconditionnel et sans restriction du droit de
grève dans ces secteurs. Mais, dans le chapitre des modalités, il
y a des différences importantes. (16 heures)
J'allais ajouter un deuxième point. Vous dites, dans votre
projet, qu'on ne peut pas s'engager plus d'un an à l'avance parce qu'on
ne sait pas ce qui va arriver. Je trouve que vous vous sous-estimez. Vous
sous-estimez la-capacité de décision rationnelle du gouvernement.
Regardez les conventions d'envergure nationale qui ont été
signées dans le secteur privé ou dans le secteur
fédéral, par exemple, au cours de la dernière
année. J'avais évoqué tantôt l'exemple de certains
gouvernements provinciaux, je n'ai pas fait le tour, mais, au niveau
fédéral, il y
a bien des conventions qui ont été signées pour
deux et trois ans au cours de la dernière année. Dans le secteur
privé, la plupart des conventions dont j'ai eu connaissance, les
conventions d'envergure provinciale ou nationale, ont été
signées pour plus d'une année. Pourquoi? Pour une raison bien
simple. La signature d'une convention collective et toute la négociation
qui la précède demandent un tel déploiement de ressources
qu'on se dit qu'on ne peut pas avoir fait cet exercice seulement pour un an. De
part et d'autre, on est toujours infiniment soulagés quand on peut
régler cela pour deux ans. Quand c'est pour trois ans, c'est tant mieux.
La loi ainterdit jusqu'à maintenant que cela soit pour plus de
trois ans, en général, parce qu'on ne sait pas ce qui va arriver.
Trois ans, c'est déjà beaucoup.
Même dans les politiques budgétaires des gouvernements,
regardez ce que faisait le dernier ministre des Finances. Il nous disait qu'il
faut budgétiser de plus en plus deux, trois ou quatre ans d'avance. Cela
a commencé à Ottawa. Cela n'a pas donné de
résultats spécialement impressionnants à Ottawa, par
exemple. Mais, à Québec, M. Parizeau avait commencé
à projeter de plus en plus ses dépenses et ses revenus sur une
période d'anticipation de trois ans. Il présentait son budget,
disons pour l'année 1984-1985, et nous disait: Voici ce qui arrivera
probablement en 1986-1987, en 1987-1988 et même au-delà, dans
certains cas. Parfois, il anticipait sur cinq ans. Ce n'était pas
toujours, encore une fois, la précision scientifique qu'on aurait pu
souhaiter; c'était impossible à obtenir dans ce domaine. II y a
trop de facteurs qui entrent en ligne de compte. Mais, au moins, il y avait une
tendance de ce côté-là.
Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'employeurs responsables qui
soient incapables de signer une convention pour deux ans. Franchement, je
trouve que vouloir se limiter à un an, comme on le fait, c'est beaucoup.
J'aimerais mieux l'autre système qui permettrait d'envisager une entente
d'une durée de plus d'une année. Ce serait infiniment
préférable au système assez bâtard que nous propose
la formule du gouvernement. C'est pourquoi, je conclus, M. le Président,
en vous informant que je souhaiterait vivement que l'amendement proposé
par le député de Portneuf soit considéré avec
compréhension et, ensuite, en toute logique, adopté.
Le Président (M. Blais): Merci, M. le député
d'Argenteuil. M. le ministre, avez-vous des réactions?
M. Clair: Oui, M. le Président. Je demanderais
peut-être à M. Yvan Cossette... Parce que la question des autres
provinces canadiennes et du gouvernement fédéral
intéressait le député d'Argenteuil, j'aimerais
peut-être qu'il l'entende, si la chose l'intéresse, en mes lieu et
place. Je demanderais donc à M. Yvan Cossette, qui est le directeur de
la rémunération au secrétariat du Conseil du
trésor, de faire une très brève revue de ce qui se passe
dans les autres provinces canadiennes et au fédéral.
M. Ryan: Est-ce qu'on peut connaître les titres de M.
Cossette? Quelle est sa fonction?
M. Clair: II est le directeur de la rémunération au
secrétariat du Conseil du trésor.
M. Ryan: Très bien. Une voix: Le "cash"!
M. Cossette (Yvan): Ce qui en reste! Donc, pour survoler ce qui
se passe à peu près dans les provinces canadiennes à
l'heure actuelle, ce que vous avez dit tantôt, M. Ryan, au sujet des
ententes qui couvrent une période supérieure à un an,
effectivement, au cours des deux dernières années, ou si on
couvre la période de 1982 à 1985, il y a eu, à peu
près partout, des conventions collectives qui se sont signées
pour des périodes de deux ans, de trente mois ou de trente-six mois. La
plupart de ces conventions étant basées sur ou reliées
à l'approche du fédéral des 6 % et des 5 %. Quand on
regarde ce qui se signe dans une province comme l'Ontario, par exemple, cela ne
déborde pas une période d'un an à l'heure actuelle. Elle
suit la même approche que pour son budget, c'est-à-dire qu'elle
prévoit son budget un an à l'avance, essaie de planifier pour
plus longtemps, mais arrête sa projection, en matière de
rémunération ou d'augmentation salariale, à la
période de 1985. Au gouvernement fédéral, certains groupes
ont réglé jusqu'à tout récemment les ententes
finissant ou prenant fin vers le milieu de l'année 1986. Au
fédéral, il se passe quelque chose d'assez particulier. On essaie
de ramasser dans un même paquet le plus gros des unités de
négociations pour en faire éventuellement un front commun sur la
négociation salariale. Il y a donc un certain groupe assez important un
certain nombre d'unités de négociations assez important qui n'ont
pas réglé ou qui sont en attente possiblement d'une
éventuelle négociation centralisée sur les salaires, une
chose qui ne s'était jamais vue au fédéral où on
avait quelque chose comme 85 unités de négociations. Au Manitoba,
effectivement, il y a un "master agreement" qui est pour une période de
trois ans, mais c'est la seule province pour laquelle on possède,
à l'heure actuelle, des indications pour les prochaines
années en matière d'augmentation salariale. Plus loin,
à l'ouest du pays, on va en Colombie britannique où il y a un
"compensation stabilization program", comme on l'appelle, où on doit
soumettre...
M. Ryan: Ce doit être six mois en Colombie britannique.
M. Cossette: Oisons qu'avec les paramètres qu'ils mettent
sur la table on peut prévoir pour plusieurs années parce que
c'est près du zéro, c'est le "permafrost" pour au moins les
prochaines années en Colombie britannique. Donc, cela donne un breféventail ou un bref survol de ce qui se passe pour les prochaines
années. La tendance semble pas mal changée. Aussi, au
Nouveau-Brunswick, à l'heure actuelle, on tourne autour du zéro,
comme, d'ailleurs, cela a été annoncé pour la prochaine
année.
M. Ryan: Je vois que la tendance semble se rapprocher de
l'augmentation minimale. Au fédéral, il semble y avoir une
tendance vers la cartellisation de l'approche syndicale en matière de
rémunération, mais je ne crois pas qu'on puisse dégager de
ce que vous avez dit une tendance générale allant vers des
conventions d'une année; est-ce que je me trompe?
M. Cossette: Sur le plan de la fixation des salaires, il n'y a
rien d'annoncé pour plus longtemps, sauf le "master agreement" au
Manitoba. Pour le reste on ne peut pas prévoir, nulle part, à ce
moment, pour au-delà de 1986.
M. Ryan: L'autre jour, ils sont venus à une entente pour
les employés de la billetterie à Air Canada. Je ne crois pas que
ce soit une entente d'un an.
M. Cossette: Là, vous parlez du secteur privé,
c'est cela?
M. Ryan: Air Canada, c'est le secteur public à ma
connaissance, nonobstant les prétentions du président.
M. Cossette: Oui, il y a des ententes qui interviennent. On ne
peut pas dire qu'en règle générale il n'y en a pas qui
dépassent un an. Les tendances pour les différents gouvernements
provinciaux ou pour le fédéral, actuellement, nous laissent voir
qu'on ne peut rien prédire au-delà de 1986.
M. Ryan: Merci, ce sont des renseignements très utiles. Si
vous avez un peu de documentation à nous communiquer sur cela, je
l'apprécierais vivement.
M. Clair: M. le Président, ce que je voudrais ajouter
brièvement, c'est que cela a été examiné par le
Conseil des ministres, au-delà de la question du droit de grève,
la possibilité de tenter d'en venir à des conventions de deux ans
et d'instaurer ce modèle. La raison fondamentale pour laquelle le
gouvernement en est venu à la conclusion que ce n'était pas
souhaitable de s'engager dans des conventions de deux ans, c'est que force nous
est de reconnaître sur la base de l'expérience passée que
ces négociations centralisées ou décentralisées
avec les quelque 360 000 employés de l'État mobilisent
énormément d'énergie tant de la part du gouvernement, du
Conseil du trésor que des administrations locales. Quand on
connaît la longueur de ces négociations, avec des conventions de
trois ans, la crainte était que, finalement, les meilleures
énergies du gouvernement, du Conseil du trésor, des
administrations locales et des syndicats soient consacrées presque
à longueur d'année à de la négociation dans un
contexte de rapport de forces, dans la mesure où le droit de
grève continuait à exister sur les salaires. C'est la raison pour
laquelle nous avons privilégié de continuer des conventions de
trois ans.
Quant à la question du droit de grève sur le salarial, je
partage une large partie de l'analyse que fait le député
d'Argenteuil. Je pourrais faire un certain nombre de nuances parce que,
lorsqu'on regarde la croissance des dépenses, le poids des
dépenses publiques sur le produit intérieur brut du
Québec, on constate que c'était 18, 3 % en 1970, c'était
rendu à 23, 6 % en 1976-1977, et on est passé maintenant à
26, 2 %. On voit qu'effectivement il y a eu une consommation de plus en plus
grande du PIB par les dépenses publiques, mais la nuance que je voulais
faire, c'est que 1976 avait donné un moyen coup de croissance des
dépenses publiques sur le PIB et, en particulier, provenant des
augmentations de salaires et des augmentations de postes qui ont
été consenties à cette occasion qui étaient
largement supérieures à ce dont parlait le député
d'Argenteuil concernant la négociation de 1979. Tout cela fait partie
d'analyses un peu plus fines que chacun peut faire, mais la constatation
à laquelle on en vient, nous aussi, c'est largement la même. C'est
inutile de conter des peurs, de faire des "accroires", de s'illusionner les uns
les autres. La capacité d'emprunt du gouvernement du Québec est
largement hypothéquée, sa capacité fiscale
également et la théorie de la locomotive dans le secteur public,
selon moi et de l'avis d'un grand nombre de personnes également, je
pense, ne fait plus guère de sens en 1985.
Tout ce que le rapport de forces pourrait amener, c'est un transfert de
richesse, finalement. Le rapport de forces dans le secteur public sur le plan
de la rémunération ne crée aucune richesse et ne
peut qu'entraîner un transfert de richesse d'un groupe à
l'autre. Les deux chercheurs, MM. Cadieux et Bernier, qui ont rencontré
différents experts tant du côté gouvernemental que des
associations patronales et aussi, des syndicats européens disent que
c'est la raison pour laquelle la théorie de la locomotive est
inexistante, en général, en Europe de l'Ouest parce que les
syndicats du secteur public craindraient énormément le contrecoup
des syndicats du secteur privé parce que leur fonction publique est
à maturité en ce qui a trait au développement, au nombre.
Les rémunérations sont assez avantageusement comparables au
secteur privé, là comme ici, de sorte que cela devient
très visible, à ce moment-là, que le rapport de forces sur
le plan salarial ne peut qu'entraîner un transfert de richesse d'une
partie de la population vers une autre et que cela ne crée pas la
richesse, en aucune façon.
Cependant, pour les raisons opérationnelles que j'ai
mentionnées, mais aussi parce que... J'ai eu l'occasion de dire que,
dans un certain nombre de grands dossiers, le gouvernement du Québec et
le Québec en général a eu tendance à changer de cap
très souvent en faisant des virages à 180 degrés. Il nous
est apparu plus sage de tenir compte à cet égard-là des
représentations qui nous ont été faites par les syndicats
des secteurs public et parapublic. Même si ce n'est pas l'intention du
gouvernement, en aucune façon, même si les comparaisons entre le
public et le privé n'ont jamais eu comme résultat de reproduire
les modèles de discrimination qui existent dans le secteur privé,
infiniment plus abondantes que dans le secteur public, nous nous sommes
laissés convaincre de l'utilité de faire le virage à 90
degrés plutôt qu'à 180 degrés et de laisser
s'exercer le droit de grève sur la rémunération pour la
première année d'une convention collective de trois ans. Et je
souhaite - c'est un voeu personnel, cela n'engage pas le gouvernement - je suis
convaincu qu'il y aurait avantage à ce qu'éventuellement l'on
sorte de la relation contractuelle la fixation des salaires et des
échelles de salaires et qu'on en vienne à élargir les
consultations qui se font au moment de la préparation du budget, au
moment de la fixation de la politique salariale du gouvernement, que l'on
crée un forum, un lieu, où tous les grands enjeux seraient
discutés, quitte à ce que le gouvernement, l'Assemblée
nationale par la suite, prenne ses responsabilités mais sans que l'on
conçoive que ce n'est que par le rapport de forces dans le secteur
public sur la masse salariale que le gouvernement va, en quelque sorte,
négocier l'ensemble des priorités sociales, économiques,
culturelles, budgétaires du gouvernement.
Ce sont les raisons en raccourci, parce que le député
d'Argenteuil a sûrement eu l'occasion de lire mon discours de
deuxième lecture, sinon de l'entendre, de même que les deux que
j'ai faits en commission parlementaire qui élaboraient encore plus la
conception du gouvernement à cet égard. Ce sont substantiellement
les arguments qui nous ont convaincus de faire la proposition telle qu'elle est
présentement, en souhaitant qu'éventuellement il y ait une
évolution des mentalités qui permette peut-être de
concevoir que ce n'est pas inéquitable, que ce n'est pas injuste, que ce
n'est pas antidémocratique que, sur la question des
rémunérations, de l'évolution des salaires, une tout autre
mécanique soit agréée par toutes les parties.
M. Ryan: J'ai juste une question. Disons que la grève se
déclenche, qu'est-ce que vous faites autour des salaires, qu'est-ce qui
se passe? (16 h 15)
M. Clair: Exactement ce qui se passe actuellement, sauf que les
nouveaux mécanismes sur le plan du droit de grève dans le domaine
de la santé s'appliquent: la médiation, la "cooling-off period",
etc. Mais à moins d'une législation spéciale qui viendrait
modifier le régime de négociation, le gouvernement ne peut
convenir de la rémunération que pour une seule et unique
année.
Notre espoir, quel est-il? C'est que, relativement au mécanisme
prévu pour la détermination des salaires de la deuxième et
de la troisième année, l'ensemble des salariés des
secteurs public et parapublic se rendent compte que cette mécanique
entraîne effectivement une politique de rémunération du
gouvernement qui est juste et équitable et que point n'est besoin de
recourir au rapport de forces pour que le niveau et l'évolution des
rémunérations dans les secteurs public et parapublic soient
équitables. C'est ça, l'espoir du gouvernement.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, avant d'entreprendre
mes commentaires sur la proposition d'amendement de l'Opposition, je vous
demanderais la même tolérance que vous avez eue à
l'égard du ministre tout à l'heure, et je vous demanderais donc
de ne pas déclarer mes propos non pertinents, parce qu'il
m'apparaît très important, puisque je me suis sentie aussi
visée, de souligner au ministre qu'il n'y a eu aucune entente entre la
Coalition pour l'indépendance du Québec, le RDI et les grandes
centrales syndicales, quant à la conférence de presse que nous
avons faite cette semaine, pour demander au
gouvernement de retirer les propositions constitutionnelles telles
qu'elles sont actuellement.
Je l'affirme solennellement, et si c'était en Chambre je
l'affirmerais de mon siège, ce n'est pas la première fois au
Québec que nous voyons des forces progressistes ou autres faire front
commun quand les intérêts supérieurs du Québec sont
en danger et quand nous craignons que l'avenir du Québec, effectivement,
soit compromis par des propositions constitutionnelles des gouvernements, quels
qu'ils soient. Ce que les centrales syndicales, entre autres, craignent -
là-dessus, tous les membres, beaucoup de Québécois sont
d'accord - c'est le fait que le document constitutionnel du Québec soit
complètement muet quant à la libre disposition du peuple
québécois à disposer de lui-même, que nous soyons
fédéralistes ou indépendantistes.
À cet égard, j'espère que le ministre, qui est un
avocat, prendra le soin d'étudier très sérieusement cet
aspect. Il en viendra peut-être lui-même à la conclusion -
je continue de croire que le ministre, même s'il ne les affirme pas
très fort actuellement, a encore certaines convictions - que le document
constitutionnel du Québec, actuellement, est extrêmement
dangereux. Cela dit, j'espère que le ministre ne se servira plus des
journalistes pour nous passer des messages par personnes interposées et
faire des accusations qui me sont apparues extrêmement graves.
Sur l'amendement du député de Portneuf, évidemment,
je suis contre parce que, à l'instar du député de
Rosemont, d'une part, je suis contre le fait d'enlever le droit de grève
et, en plus, j'ai la conviction qu'enlever le droit de grève, de toute
façon, ne règle rien et que cette réforme que nous
voulions tous, à la recherche d'un nouvel équilibre, est
actuellement en train de déséquilibrer totalement les rapports de
forces à la faveur uniquement de la partie patronale.
À l'instar d'autres gens, je veux bien admettre - je crois que
les centrales syndicales l'admettront - qu'il y a eu dans le passé des
abus de la partie syndicale, comme il y a eu, il faut l'admettre, des abus du
gouvernement dans un certain nombre de négociations. Mais ce n'est pas
en déséquilibrant totalement, encore une fois, le rapport de
forces à la faveur du gouvernement que nous réglons le
problème. Nou3 ne faisons que continuer d'entretenir tes frustrations,
le climat de méfiance, de longues discussions qui a prévalu lors
des dernières négociations.
Le ministre, sur le fond, ne nous dit pas... En fait, je pense que sa
dernière intervention est plus claire. Je crois effectivement qu'il est,
en général, en désaccord total avec le droit de
grève sur la rémunération; il préférerait
une formule qui évite à l'État de contracter des liens
directs sur ce dossier. Dans sa première intervention, il avait dit
qu'une des raisons pour lesquelles il était contre la proposition du
député de Portneuf, c'est qu'elle était
inopérationnelle et qu'elle ne permettait pas de voir d'une façon
très concrète si, le cas échéant où les
syndiqués exerçaient le droit de grève, en fait, le droit
de grève s'exerçait sur la question salariale ou normative. Si
j'ai bien compris le ministre, c'était une de ses objections à
cet amendement.
C'est là-dessus que le député de Rosemont, fort
à propos, a dit que, même si nous étions en
désaccord avec la proposition de l'Opposition officielle, elle nous
apparaissait malgré tout plus franche parce que, de deux choses l'une:
ou on est d'accord avec le droit de grève, ou on est contre, mais on ne
cherche pas par des technicités à couvrir le fond du
problème.
Le ministre a aussi fait allusion dans sa première intervention,
de ce matin à la dernière crise de négociation et il a dit
que c'était extrêmement dangereux pour les deux parties de se lier
trois ans à l'avance et qu'il fallait donc se réserver une marge
de manoeuvre. Je soulignerai au ministre que, de la part de l'autre partie,
qu'on soit d'accord ou non, quand une entente est effectivement conclue pour
trois ans, on n'a pas grande occasion de se libérer du piège.
Nous, parce que les intérêts supérieurs de l'État -
je le crois profondément sur le fond - nous obligaient à revenir
sur un certain nombre de décisions, à la dernière
négociation, nous avons pris les moyens qu'il fallait. Sur le plan de la
stratégie et de la tactique, j'ai eu l'occasion, même quand
j'étais ministre, de remettre cela en question, mais, sur le fond, j'ai
été d'accord qu'effectivement il fallait tenter dans les
circonstances de maintenir un équilibre parmi les finances publiques qui
nous permettrait d'être plus justes envers l'ensemble des citoyens.
Cela dit, il ne faut pas que le spectre de la dernière crise
économique nous conditionne - et je pense que c'est une des erreurs de
cette réforme - quant à l'avenir. Nous avons vécu, il faut
l'admettre, une situation absolument exceptionnelle dans les
négociations des conventions collectives au Québec. Le
gouvernement, par la force des choses, a été obligé de
faire face à la situation et de remettre en question des ententes qui
avaient été prises. Comme le disait tout à l'heure le
député d'Argenteuil, je crois que c'est fort mal faire confiance
à l'État que de lui enlever la capacité de prévoir
sur deux ans ou trois ans une entente d'une convention collective. Dans la
plupart des négociations qui avaient été conclues
précédemment, je crois qu'en général les
gouvernements n'ont pas pensé qu'ils avaient fait une si mauvaise
affaire. Si les gouvernements, en plus de faire leur mea culpa d'avoir
peut-être cédé un peu plus qu'ils avaient les moyens de le
faire... parce que, forcément, les négociations, que ce soit
à la veille d'élections ou dans d'autres circonstances,
étaient politisées et les gouvernements, pour des raisons
strictement électoralistes, avaient décidé d'en
céder plus à la partie syndicale qu'ils avaient peut-être
les moyens de le faire. Cela ne veut pas dire pour autant que ces gouvernements
étaient incapables de prévoir ce que serait la situation
économique deux ans ou trois ans plus tard.
Je demanderais au ministre, vu que nous pensons, et le
député de Deux-Montagnes l'a dit ce matin fort à propos,
que le projet de loi que nous avons devant nous est mauvais... Nous pensons
profondément et avec conviction, et au-delà des chicanes de
famille que nous pouvons avoir, ou de non-famille, selon les circonstances,
nous pensons profondément que ce projet de loi ne répond pas aux
besoins ou à la nécessité... Il dit que je l'ai
regardé.
M. Ryan:... il n'a pas regardé. Vous m'avez fait de la
peine.
Mme Le Blanc-Bantey: Ou de famille qui n'a pas encore
assumé sa séparation, aurais-je dû dire dans notre cas.
Nous pensons profondément que ce projet de loi ne crée pas sur le
fond le nouvel équilibre dont le ministre était à la
recherche. Nous croyons qu'il ne règle rien. Nous croyons qu'il ne fait
qu'accentuer ce climat très malsain que nous avons vécu depuis
une décennie et plus au Québec, ce climat des
négociations. Nous croyons qu'enlever le droit de grève sur la
rémunération ne fait qu'attiser les frustrations et ne fera,
parmi d'autres dispositions - parce que ce n'est pas la seule - que faire
échoir, finalement, cette réforme.
Ce que nous demandons au ministre à propos de cet article, c'est
dans la volonté de rechercher un équilibre qui pourrait amener
à un consensus de la part de la partie syndicale, de tenter d'avoir plus
d'ouverture d'esprit qu'il en a manifestée jusqu'à maintenant et,
donc, de maintenir le droit de grève sur la rémunération
pour que le rapport de forces qui a peut-être été abusif
à certaines étapes, mais qui était aussi abusif de la part
du gouvernement ou de l'Assemblée nationale... Si les gouvernements qui
se sont succédé ne s'étaient pas autant servis de leur
force pour arriver avec des lois spéciales chaque fois qu'ils
n'arrivaient plus à s'entendre et, sachant qu'il y aurait une loi
spéciale, ne pas rechercher avec le maximum de volonté une
entente, peut-être aurions-nous moins connu d'abus de la part de l'autre
partie. Je demande donc au ministre d'écouter les propositions que nous
aurons à faire bientôt sur un certain nombre d'amendements qui
permettraient de maintenir ce rapport de forces entre la partie patronale et la
partie syndicale dans une négociation et de faire en sorte que le
véritable jeu de la négociation ne soit pas remis en cause par
une stipulation comme celle-là.
J'ajouterai que, dans une société comme le Québec,
comme dans toutes les sociétés du monde, il m'apparaît
extrêmement sain pour l'État d'avoir justement ce type
d'équilibre de forces entre la partie patronale, qu'elle soit
privée ou publique, et la partie syndicale. On sait que des groupes de
pression de tout genre se sont développés et sont
extrêmement forts de la part de la partie patronale, je le
répète, qu'elle soit privée ou publique, et qu'il est
très sain pour une société comme la nôtre que nous
maintenions un certain rapport de forces du côté de l'autre
partie, qui est la partie des employés, des syndiqués, pour faire
en sorte que l'État, lui, puisse arbitrer dans le meilleur
équilibre possible. Ce projet de loi, dans l'ensemble, vise à
déséquilibrer cette espèce de rapport de forces qui
s'était établi depuis le début des années soixante
au Québec et qui a servi énormément à faire
progresser la société québécoise dans toute une
série de domaines, dont tout le monde peut être fier aujourd'hui
et dont certains, finalement, font la fierté du Québec non
seulement ici, mais, à certains égards, parfois, sur la
scène internationale.
Je réitère mon profond désaccord avec l'intention
qui est d'enlever le droit de grève sur une partie essentielle pour les
syndiqués lors d'une négociation. Nous voterons contre les
amendements de l'Opposition officielle et nous invitons le ministre, quand les
amendements de l'Opposition officielle seront battus, à écouter
très attentivement les amendements que nous ferons et, peut-être,
par le biais de cet article, à revenir à un équilibre
meilleur qui aurait de plus grandes chances de succès dans les objectifs
poursuivis par cette réforme et qui permettraient peut-être, je le
répète, avec un changement de mentalité que tout le monde
souhaite, de vivre éventuellement au Québec une
négociation qui ne soit pas, comme chaque fois, un psychodrame collectif
dont plus personne ne veut.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: Oui, brièvement, M. le Président. La
députée des Iles-de-la-Madeleine a repris l'expression qui
m'avait fait dire des choses pas très aimables ou poser des questions un
peu incisives au
député de Rosemont concernant l'approche du projet de loi
qui ne serait pas franche. Je veux réfuter cela, M. le Président.
L'approche du projet de loi, au contraire, est très franche. Qu'elle
soit complexe, je le reconnais. Je reconnais que l'approche est complexe. Que
l'on puisse juger de cette réforme à l'usage, c'est
évident, comme de n'importe quelle loi; c'est à l'usage qu'on
pourra en juger. En termes de position franche, je n'accepte pas ce
qualificatif à l'égard de la réforme, en aucune
manière. Ce n'est pas parce qu'on essaie de s'adapter à la
réalité qui est complexe et que les mécanismes qui en
ressortent sont complexes qu'on peut pour autant prétendre que
l'approche n'est pas franche. (16 h 30)
En termes d'approche franche, dans le déroulement des
consultations sur cette réforme du régime de négociation,
se souviendra-t-elle que pendant une certaine période on a
demandé vivement au président et à l'équipe du
Conseil du trésor d'envisager de rouvrir les négociations pour
tenter, en quelque sorte, de faciliter la naissance d'un régime de
négociation nouveau? Elle se souviendra que j'étais - je n'ai
aucune hésitation à le dire, M. le Président, c'est connu
- que j'étais un de ceux qui, justement, par franchise et
honnêteté, s'étaient opposés à cette approche
parce que je considérais qu'à partir des perspectives
budgétaires et financières qu'on avait pour l'année
courante, et non pour trois ans à l'avance, ce serait une illusion et
cela aurait été berner nos partenaires que de les amener à
une approche qui, à mon sens, aurait été de tenter
d'acheter une réforme du régime de négociation, et de
l'acheter à crédit, M. le Président. La meilleure preuve
n'est-elle pas dans le fait que le ministère des Finances, pour
maintenir les équilibres financiers du gouvernement, a dû, il y a
quelques semaines, annoncer une augmentation de taxes de quelques centaines de
millions de dollars? Ce projet de loi sur la réforme du régime de
négociation s'inspire de la même franchise, du même sens de
la réalité.
Je pense que ce qui nous distingue, la députée de
Îles-de-la-Madeleine et moi -j'ignore si ce que je trouve est
effectivement la réalité - mais ce qui nous sépare sur
cette question, comme sur d'autres, c'est que, entre ce que cela pourrait
être et ce que cela aurait pu être, il y a la
réalité. Quant à moi, je suis toujours à la
recherche de ce qu'est la réalité et je ne veux pas baigner dans
des illusions qui n'engendrent que frustrations pour ceux qui les entretiennent
à l'égard d'eux-mêmes, comme à l'égard des
autres qu'ils bercent de ces illusions. M. le Président, je pense que ce
que cherche à faire le projet de loi, c'est cela. Est-ce qu'il y
parvient? Chacun pourra porter son jugement, mais c'est là l'approche,
M. le Président. Le choc de la réalité, ce n'est pas
toujours agréable, mais il apparaît toujours plus avantageux
d'essayer de faire face à la réalité plutôt que de
vivre dans un monde imaginaire, idéal, qui ne tient pas compte
suffisamment de la réalité.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont. Oui, Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Le Blanc-Bantey: Très rapidement, je voudrais dire au
ministre que se pencher sur la réalité, c'est aussi se pencher
sur la réalité avec le plus d'ouverture d'esprit possible. Je
m'excuse, neuf ans de vie politique ne m'ont pas rendue cynique. Le ministre
semble me trouver naïve, il me reproche de vouloir vivre dans
l'imaginaire, mais, même après avoir vécu une
négociation qui a été parmi les plus dures sans doute de
l'histoire du Québec et, je crois, après avoir pris mes
responsabilités comme je devais le faire à l'époque, je
n'ai jamais pu me convaincre du fait que la réalité était
noire ou blanche, que l'État et que le gouvernement était
parfait, avait le bon pas, était sûr d'avoir le bon pas et que
l'autre partie, qui était la partie syndicale, était la partie
irresponsable, la partie abusive, la partie exagérante, que cette partie
avait tous les défauts - je m'excuse, le ministre m'accuse de vivre dans
l'imaginaire, je réagis - et que, effectivement, il y avait une partie
qui était noire et une partie qui était blanche.
M. le Président, j'avais la conviction que les esprits
commençaient à mûrir pour une réforme du
régime de négociation au Québec, tant du côté
syndical - et je le pensais, à l'époque - que du
côté patronal, sauf que le projet de loi me prouve que le Conseil
du trésor, comme organisme - je ne vise pas le ministre personnellement
même si je trouve qu'il n'a pas beaucoup d'ouverture d'esprit - ne semble
pas avoir suffisamment changé de mentalité pour nous prouver
qu'il était prêt à une telle réforme. Je
répète au ministre que, malgré le fait qu'il semble croire
que nous vivions dans l'imaginaire, s'il voulait que son projet de loi soit
meilleur, s'il voulait avoir des chances que cette réforme aboutisse, il
devrait - s'il pense que c'est de l'imaginaire - pour une fois, plier sur son
sens qu'il croit très rationnel et sans doute très viril...
M. Clair: J'ai dit que je n'en étais pas sûr, que
j'essayais.
Mme Le Blanc-Bantey:... et écouter les propositions qui,
de temps à autre, viennent tant de l'Opposition officielle que du
côté des députés indépendants, et qui visent
un seul objectif: si cette réforme voit le jour,
faire en sorte qu'elle ait les meilleures chances d'aboutir.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je pense qu'on arrive
à exagérer parfois dans notre vocabulaire. Quand on a
parlé de franchise -j'ai utilisé cette expression aussi, comme ma
collègue des Îles-de-la-Madeleine - ce n'est pas la
sincérité du ministre qui est en cause; on parlait de franchise
de la réforme. Le ministre souhaite... Je pense que c'est une
distinction importante.
M. Clair: Parrainé par un ministre.
M. Paquette: Oui, d'accord, M. le Président.
Mme Le Blanc-Bantey: Je suis convaincue que le ministre en
apprend sur sa loi en nous écoutant, par exemple.
M. Paquette: M. le Président, si le ministre
m'écoutait un peu plus, il comprendrait où je veux en venir.
M. Clair: C'est comme M. Parizeau avec M. Lévesque cette
semaine.
M. Paquette: II comprendrait où je veux en venir.
M. Clair: Il a dit: Le gouvernement est hypocrite, mais je ne
dirai jamais rien contre le premier.
M. Paquette: M. le Président, je pense que je vais
attendre que le ministre rouvre ses oreilles et m'écoute. Si on parle de
franchise d'une réforme, le ministre nous a expliqué qu'un
certain nombre de conditions l'amenaient à opter - par réalisme,
dit-il, et je suis certain que c'est son intention - pour une réforme
qui n'est pas celle qu'il aurait souhaitée. Il aurait souhaité
que toute la question salariale et celle des échelles soit exclue des
discussions et des négociations collectives. Il s'est résolu
à retenir le droit de grève pour la première année,
pour un certain nombre d'autres considérations. Quand on parlait de
franchise de l'approche, ce n'était pas lié à une question
d'honnêteté intellectuelle ou quoi que ce soit. Je pense que le
ministre exprime très bien ses opinions, mais on parle de franchise de
propositions. Si tel est l'objectif du ministre, dans un certain sens, on peut
dire que la proposition d'amendement qui est devant nous réalise
davantage l'objectif du ministre, mais je suis d'accord avec lui qu'il y a
d'autres considérations et je trouve même qu'il ne tient pas assez
compte de ces autres considérations.
Si on parle de la réalité, le ministre a raison de dire
que la réalité économique est telle qu'on ne peut penser
à une croissance considérable des conditions salariales. Cela,
c'est un fait. La réalité économique, depuis la crise
économique, et probablement pendant un certain nombre d'années,
fait en sorte que la marge budgétaire de l'État ne permet pas les
largesses qu'on a connues dans le passé. Contrairement à ce qu'on
peut en penser, je soutiens qu'en 1979 - il y en a qui ont dit que c'est parce
que c'était à la veille du référendum et tout cela,
mais je pense que c'est faux...
M. Ryan: C'est vrai. Vous étiez là et c'est vrai,
je me le rappelle très bien.
Mme Le Blanc-Bantey: On pourrait parler de la veille de 1976.
M. Paquette:... les conditions salariales adoptées en 1979
étaient beaucoup moins généreuses que lors des
négociations précédentes sous un autre gouvernement.
Évidemment, maintenant qu'on arrive en 1982, elles apparaissent comme
ayant été extrêmement généreuses, mais, en
1979, c'est là qu'on a commencé à réduire les
écarts entre la moyenne des salaires dans le secteur public et la
moyenne des salaires dans le secteur privé. Tout cela s'est fait et il y
a eu une réduction des écarts au cours des négociations
précédentes. Cela a commencé en 1979 et cela s'est fait
sous l'empire de la loi et des lois actuelles sans qu'on nous arrive avec la
mécanique qui est proposée dans ce projet de loi.
Par conséquent, je voudrais faire comprendre au ministre qu'il y
a moyen d'être réaliste face aux capacités de l'État
et je pense qu'il y a moyen d'accepter qu'un gouvernement a pour devoir
d'être limpide face aux capacités de l'État de payer, et
c'est son devoir de le faire, et qu'en même temps on puisse trouver que
ce n'est pas une raison suffisante pour changer les mécanismes de
négociation et qu'on puisse quand même penser que ces
mécanismes risquent d'être contreproductifs.
Pour vous donner un exemple, il y a une réalité qui est
celle de la capacité de payer de l'État, mais il y a aussi une
autre réalité qui est celle de ce qui se passe au moment des
négociations. Le ministre a dit tout à l'heure qu'au moment
d'exercer la grève le principal moteur de la mobilisation des
travailleurs est la question salariale et que cette question reste le principal
enjeu des négociations collectives. M. le Président, on peut
faire des nuances là-dessus. Je pense qu'il ne faudrait pas faire
l'injure du côté syndical de penser que les gens, dans ce secteur,
vivent sur une autre planète aussi. Ils savent qu'il y a une crise
économique, ils se sont adaptés dans bien des domaines, ils
ont fait évoluer leurs approches, ils sont conscients que des
questions comme la sécurité d'emploi, des questions comme les
conditions de travail doivent prendre beaucoup plus de place dans notre
société. Ils sont conscients que, dans le cadre d'une politique
de plein emploi, ce n'est pas tellement du côté de la croissance
des salaires qu'il faut chercher, mais davantage du côté de
questions comme le partage d'emploi et l'utilisation des fonds publics à
la création d'emplois.
Je soutiens qu'à la dernière négociation, au lieu
de faire débouler une avalanche de lois spéciales, si on avait
demandé un effort équitable à tous les secteurs de la
population et qu'on avait été prêt à mettre sur la
table une politique de plein emploi qui aurait fait en sorte qu'on partage
davantage le travail et les responsabilités dans la
société pour faire face à une crise comme celle-là,
le gouvernement aurait trouvé davantage d'échos favorables du
côté syndical.
M. Blais: Ce n'est pas...
M. Paquette: M. le Président, le député de
Terrebonne diffère d'opinion avec moi, mais je pense que c'est faire
injure aux centrales syndicales que de penser qu'elles vivent sur une autre
planète et qu'elles s'imaginent qu'elles pourront obtenir des
augmentations de 12 % ou 15 % par année, comme elles en ont
déjà connu.
Le ministre nous dit qu'au moment d'exercer la grève la question
salariale est très importante; la question des échelles de
salaires aussi. Je ne comprends pas pourquoi il a jumelé d'ailleurs les
deux questions: autres que les échelles de salaires peuvent avoir un
impact sur le niveau des salaires, mais, au moment de déterminer des
échelles de salaires, il y a des questions d'orientations de la
société qui sont en cause, des questions d'équilibre entre
les hommes et les femmes, parce que, dans certaines tâches, notre
société fait en sorte que les femmes se concentrent dans un
certain type de tâches, les hommes dans d'autres. Il y a un écart
salarial qui est lié à cela. L'équité salariale
entre les bas, les moyens et les hauts salariés, c'est une des
préoccupations du ministre, il nous l'a dit à une autre
occasion.
S'imaginer que les centrales syndicales n'ont pas un rôle de
contre-pouvoir par rapport au gouvernement qui est en place, qui n'a pas
toujours une orientation aussi progressiste, aussi équitable qu'on
pourrait le souhaiter... On en a vu des gouvernements -on en voit dans d'autres
États et dans d'autres pays, qui ont des attitudes totalement
inéquitables: Faisons payer les gens les moins riches dans la
société et cela va stimuler l'économie. C'est une tendance
au conservatisme dans plusieurs sociétés actuellement.
Donc, qu'il ait un rôle de contre-pouvoir, un rôle de frein
à des organisations syndicales qui ont dans la tête un projet de
société plus équitable, je pense que c'est sain et c'est
la raison fondamentale pour laquelle nous croyons à la
nécessité de maintenir un rapport de forces.
Maintenant, parlons de la réalité. Qu'est-ce qui va se
produire avec la proposition du ministre et, à plus forte raison, avec
celle du député de Portneuf? D'abord, est-ce qu'on peut encore
parler du droit de négocier, quand la grève ne porte pas sur un
enjeu important de la négociation? Deuxièmement, si la
grève ne peut pas porter sur les questions salariales, mais qu'elle peut
porter sur le normatif, est-ce qu'on ne va pas assister à un
phénomène de compensation? Est-ce qu'on ne va pas assister aussi
à une confusion des enjeux de négociation? On va se retrouver
avec une grève soi-disant portant sur le normatif -l'amendement du
député de Portneuf a exactement le même défaut -
alors que ce qui est en cause, c'est l'équité des échelles
de salaires. Là-dessus, la grève étant interdite pour les
deux dernières années ou pour les trois ans, comme le veut le
député de Portneuf, on va avoir une espèce de confusion
dans les enjeux, qui va brouiller la nécessaire limpidité, le
nécessaire réalisme sur ce que la société peut se
payer, mais aussi sur le genre d'équité et de progrès
social qu'on doit arriver à en obtenir.
Je pense que le retrait du droit de grève, que ce soit pour trois
ans ou deux ans, ne règle absolument rien, mais vient masquer les
enjeux, brouiller les cartes, jeter de la confusion dans les débats et
empêcher une société d'évoluer vers une
véritable concertation, vers une véritable mise en commun des
problèmes et des solutions, et vers cette situation qui fait qu'on ne
peut pas penser que seulement le gouvernement est garant du progrès
social dans la société. Il y a deux démocraties dans la
société qui doivent se conjuguer, dialoguer, voire s'opposer pour
qu'en sorte le bien commun: il y a la démocratie formelle, qui fait
qu'on élit un gouvernement tous les quatre ans, à qui on confie
le mandat de veiller au bien commun, et il y a la démocratie qui
émane des organisations que les gens se sont données. On pourrait
dire la même chose quant à la gestion et à la participation
des usagers des différents groupes à des services communautaires
ou à des services publics. Ces deux types de démocratie sont
essentiels. Ce que le gouvernement est en train de faire, il est en train de
favoriser l'une aux dépends de l'autre et il favorise les grandes
organisations - dans ce cas-ci, l'organisation publique, l'organisation
gouvernementale - aux dépends des organisations que se donnent les
travailleurs
dans la défense de leurs intérêts et de leur
conception du bien commun. (16 h 45)
Le ministre nous dit: Je veux éviter les lois spéciales,
je veux éviter l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une raison
pour mettre une loi spéciale permanente dans un projet de loi en ce qui
concerne un aspect de la négociation et du rapport de forces. Est-ce que
le ministre ne convient pas que ce projet de loi qui, au même moment
où on est en négociation, exclut le droit de grève sur
certaines questions et le permet sur d'autres va tout simplement jeter de !a
confusion dans le débat sans absolument rien régler et va
empêcher un véritable exercice sain de la confrontation de ces
deux types de démocratie qui peuvent, qui doivent se conjuguer pour
permettre le progrès social et économique dans une
société? Je me demande quel avantage le ministre peut penser
tirer de cette approche.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, je ne reprendrai pas tous les
arguments que j'ai fait valoir, en aucune façon. Je voudrais simplement
dire - je pense avoir eu l'occasion d'expliquer pourquoi je ne partage pas
l'opinion du député de Rosemont - que je voudrais corriger deux
choses dans ce qu'il a dit. Ses propos semblaient indiquer que je penserais que
les centrales syndicales sont irresponsables, irréalistes et vivent dans
un contexte imaginaire. Non, M. le Président, telle n'est pas ma
prétention. Ma prétention n'est pas celle-là, en aucune
façon. Je pense qu'effectivement il y a eu des - comment le dirais-je? -
progrès dans l'appréhension de la réalité de part
et d'autre, tant du côté du gouvernement que du côté
des centrales syndicales. Ce dont je suis convaincu, c'est que les
mécanismes du régime de négociation doivent forcer les
parties, de plus en plus, à saisir cette réalité et
à vivre avec les conséquences de cette réalité.
C'est très différent que de penser que les centrales syndicales
soient irresponsables et irréalistes parce que je n'ai jamais dit cela
et je ne l'ai jamais pensé non plus.
L'autre point concerne mes opinions personnelles. Je n'ai pas dit au
député que j'aurais souhaité que, dans le projet de loi,
immédiatement, on sorte du négociable, du champ de la
négociation, toute la rémunération. J'ai indiqué
que, quant à moi, il me semblait qu'à terme ce qui serait
préférable, c'est que soit agréé par toutes les
parties un nouveau régime de négociation qui sortirait de la
relation contractuelle la question des salaires et des échelles de
salaires pour que celle-ci se retrouve plutôt discutée dans un
forum différent où non seulement il y aurait le gouvernement, les
employeurs du secteur public et les représentants des syndicats du
secteur public que soient présents, mais où l'ensemble de la
société pourrait être représenté en termes de
groupes d'intérêt parce qu'il n'y a pas que des associations
d'hôpitaux, des commissions scolaires, des syndicats d'enseignants ou de
travailleurs et travailleuses du milieu hospitalier dans notre
société et un gouvernement. Il y a plein d'autres gens, aussi,
qui ont des intérêts. C'est simplement cela que je voulais
corriger. Peut-être que mes propos n'étaient pas assez
précis, mais je ne voulais pas laisser le député sur
l'impression que c'est ce que j'avais indiqué.
M. Paquette: M. le Président, si vous me permettez une
courte réaction aux propos du ministre. Je ne veux pas lui prêter
d'intention. Je dois simplement regarder le contenu du projet de loi. C'est
comme si le ministre s'imaginait qu'il pourra faire en sorte
d'accélérer la prise de conscience dans la société
en employant un mécanisme qui fait en sorte qu'un institut nommé
par le gouvernement fait des études, que le gouvernement élabore
un règlement, entend pendant quelques jours les parties en commission
parlementaire et impose son règlement. Je ne pense pas que c'est de
cette façon qu'on va aider à faire cheminer les choses. Cela
aussi fait partie du réalisme qu'on doit avoir. Si un tel
mécanisme avait existé dans le passé, on n'aurait pas eu
des débats dans la société qui ont amené à
des progrès de civilisation, si l'autoritarisme avait toujours
été la règle et que les organisations que se donnent les
travailleurs et les travailleuses syndiqués n'avaient pas eu la
possibilité de faire un véritable débat qui prend le temps
qu'il faut et qui suscite des réactions dans la population, on n'en
serait peut-être pas arrivé, justement, à avoir un certain
nombre de services publics, maintenant, qui sont indépendants de la
capacité de payer et qui donnent un minimum de chances égales aux
citoyens dans la société, quels que soient leurs revenus ou leurs
conditions.
Maintenant, il y a d'autres enjeux pour notre société. On
a franchi cette étape-là. Le ministre a raison de dire que le
réalisme nous amène à surveiller les coûts et les
capacités de payer de la population. Mais, il y a d'autres enjeux qui
s'annoncent devant nous. Priver la société
québécoise d'un mécanisme sain et égalitaire,
autant que possible, au niveau du rapport de forces, de discussion de ces
problèmes, notamment sur la question du plein emploi, du partage du
travail, de l'organisation des conditions de travail, c'est courir un risque
grave de sclérose, d'imposition des gouvernements qui sont soumis a des
contraintes électorales ou qui ont leurs propres orientations. C'est
risquer que notre société, au lieu de prendre
conscience plus rapidement, comme le souhaiterait le ministre, de ses
enjeux et de ses capacités fasse en sorte qu'il y ait au contraire un
blocage, une dégénérescence dans des attitudes
d'irresponsabilité et que le projet de loi arrive à l'objectif
exactement contraire de celui qu'il vise. C'est cela qu'on craint,
particulièrement à cet article, mais aussi à d'autres
articles du projet de loi.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Le Blanc-Bantey: Oui, parce que... M. Clair: M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.
M. Clair: Juste une très courte phrase parce que j'ai
manqué les derniers propos du député de Rosemont. Je
voudrais lui dire que je diffère d'opinion avec lui quand il dit - ce ne
sont pas les mots exacts qu'il a employés mais c'est l'idée - que
ce ne serait pas possible de faire avancer les choses par des lois ou de
favoriser des changements de mentalité. Je dois dire au
député de Rosemont que, si je pensais que par l'action politique,
d'une part, et par des lois, d'autre part, on ne puisse pas changer des choses
dans une société, je ne me serais pas engagé dans l'action
politique!
M. Paquette: M. le Président, je suis tout à fait
d'accord avec le ministre. Cependant, la loi qui est devant nous vise à
changer des modes de négociation. Elle vise à changer des
mentalités. Elle vise à faire en sorte qu'on se dirige de plus en
plus vers une saine discussion et un règlement civilisé des
conflits d'opinions dans la société. Or, cette loi va exactement
dans le sens inverse. Ce que je dis au ministre, je ne lui reproche pas de
légiférer sur la question, je lui reproche de
légiférer de la façon qu'il le fait.
Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président...
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf, je vous reconnais, si vous voulez prendre la parole, compte tenu de
l'alternance.
M. Pagé: Je voulais vous indiquer purement et simplement
qu'ayant constaté que le ministre répondait à chacune des
interventions et sur le fond et sur la forme, avec quelques digressions que se
sont permis de part et d'autre nos amis de la majorité et les amis
indépendantistes, j'en étais venu à la conclusion, M. le
Président, qu'il serait peut-être opportun de voter. Je retiens
que le ministre est en train de se "filibuster" lui-même, encore une
fois.
M. Clair: Vous pourrez regarder le décompte des heures, M.
le Président! Cela ne démontre pas tout à fait que je me
"filibuste"1.
M. Pagé: Vous savez, M. le Président, quand nous
sommes en commission parlementaire et qu'on voit poindre en Chambre ce
gentilhomme du bureau du leader, on ajuste nos cravates, cela sent la
guillotine.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Clair: Si vous remarquez, il n'en porte pas.
M. Pagé:: II n'en porte pas parce qu'il n'a jamais la
tête en dessous!
M. Paquette: Je tiens trop à ma cravate. Je vais
l'enlever.
Le Président (M. Lachance): Pour les fins du Journal des
débats, vous pourriez parler du guillotineur.
M. Pagé: Oui, oui. Alors, on serait prêts à
voter.
Mme Le Blanc-Bantey: J'ai une question.
M. Blais: On peut tout de même le dire mais je ne pense pas
qu'il soit nécessaire de se rendre à ce que vous
prétendez.
M. Pagé: Pour le bénéfice du Journal des
débats, quand on le voit arriver, c'est un homme imposant qui vient
d'arriver.
M. Blais: C'est nous qui décidons, vous pouvez
demander...
Le Président (M. Lachance): Est-ce que nous pouvons
disposer de la motion du député de Portneuf?
Mme Le Blanc-Bantey: Non, j'avais une dernière
question.
Le Président (M. Lachance): Oui, Mme la
députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Le Blanc-Bantey: Oui! M. le Président, quand on
réussit enfin à établir la communication avec le ministre,
j'aimerais bien que l'Opposition officielle arrête de perturber les
ondes. Pour une fois que le ministre est en train de répondre à
nos questions! Je veux revenir sur les propos du ministre parce qu'il revient
systématiquement là-dessus. Cela me fatigue et j'aimerais
comprendre le fond de la pensée du ministre. Il a redit au
député de Rosemont ce qu'il m'avait dit dans une intervention
précédente, qu'il vivait dans la réalité, mais que,
par ailleurs, il ne voulait pas dire...
M. Clair: J'avais dit que j'essayais.
Mme Le Blanc-Bantey: Bon, c'est déjà mieux. Il se
nuance, vous voyez.
M. Clair: J'ai dit que j'essayais parce que...
Mme Le Blanc-Bantey: Si vous le laissez aller il va devenir plus
souple.
M. Clair:... qui est-ce qui a vraiment l'appréhension
complète de la réalité? Le "testing" parfait de la
réalité, je ne pense pas que cela existe.
Mme Le Blanc-Bantey: Donc, j'apprécie les nuances que le
ministre vient d'apporter. Il s'en vient bien!
Cela dit, M. le Président, le ministre s'est défendu en
voulant créer ce déséquilibre, dans le rapport de forces
qu'il crée à l'article 52, entre la partie patronale et la partie
syndicale à laquelle, à toutes fins utiles, on vient d'enlever le
droit de grève. H s'est défendu par la même occasion de
penser que les centrales syndicales étaient irresponsables et,
effectivement, il avait une appréciation de la réalité
qu'il vient de nuancer, mais qu'il n'a pas tout à fait qualifiée.
La question que je pose au ministre est la suivante: De deux choses l'une, si
vous craignez tant que votre réforme n'aboutisse finalement pas et si
vous ne croyez plus à un mécanisme de véritable
négociation qui permettrait d'aboutir à un consensus et à
une entente sans grève, si vous n'y croyez plus - c'est la seule raison
pour laquelle, j'imagine, vous l'abolissez - ou si vous n'avez absolument
aucune confiance en la possibilité que les centrales syndicales puissent
cheminer dans une négociation future, avec un esprit de conciliation et
de discussion qui ferait en sorte qu'on puisse éviter les psychodrames
qu'on a vécus, ou si encore l'État a, lui, une
appréciation de la réalité qu'il ne veut pas discuter ou
qu'il ne veut pas voir véritablement remise en cause par l'autre partie,
quel est le problème de l'appréciation de la
réalité que vous avez, qui fait que vous êtes si
méfiant à l'égard de la réaction de la partie
syndicale dans les négociations des secteurs public et parapublic?
M. Clair: M. le Président, je vais essayer de donner un
exemple, une comparaison ou une allégorie. Physiquement, je suis une
petite personne et la députée des Îles-de-la-Madeleine
également. Je ne pense pas que l'on comprendrait davantage la
réalité, que l'on pourrait s'entendre plus facilement si, au lieu
d'argumenter autour d'une table comme on le fait cet après-midi, pour se
comprendre, on avait toujours besoin d'avoir une paire de gants de boxe. Je ne
pense pas que cela nous aiderait plus à comprendre la
réalité. Je ne pense pas que cela nous aiderait plus à
nous entendre. Je ne vois pas ce que cela ajouterait. La question de la
rémunération, c'est, d'abord et avant tout, une question de
compréhension de la réalité, de saisie de l'ensemble de la
problématique des données. Je ne vois pas dans quelle mesure le
droit de grève permanent - comme elle semblerait le souhaiter -
c'est-à-dire le droit de grève annuel sur la
rémunération ou le droit de grève aux trois ans... Je sais
que c'est une allégorie, une comparaison, un exemple, une caricature, si
vous voulez, mais seulement pour essayer de faire saisir... La
députée a dit qu'elle voulait saisir le fond de ma
pensée.
M. Pagé: Essayez d'en trouver une autre parce qu'elle
n'est pas très forte.
M. Clair: Elle n'est pas très forte? Alors, je renonce
à essayer d'en développer une autre. Je vais simplement dire que
le droit de grève sur la question salariale n'ajoute pas, en soi, ce qui
est le plus utile à convenir d'un accord sur la question des salaires.
Ce qui est le plus utile, c'est de bien saisir la réalité de
l'évolution de la rémunération dans le reste de
l'économie du Québec, de prendre une photographie de cela, non
pas de la reproduire intégralement, mais d'être capable d'en tenir
compte au moment de la négociation des salaires. Cela se passe ainsi
dans d'autres sociétés et je ne vois pas pourquoi cela ne se
passerait pas ainsi dans la nôtre.
Mme Le Blanc-Bantey: Ce que vous êtes en train de dire, si
j'ai bien compris, c'est que, à toutes fins utiles, ce serait
illusoire...
M. Paquette: C'est seulement lui qui va avoir les gants de
boxe.
Mme Le Blanc-Bantey: J'oublie la partie de boxe, je ne suis pas
très familière avec ce genre de notion, je vais laisser cela au
député de Rosemont qui l'a reprise.
M. Clair: Je peux dire à la députée que,
même si elle est plus petite que moi physiquement, si je lui en donne une
paire et qu'elle me ramasse un coup, c'est probablement moi qui serai
knock-out.
Mme Le Blanc-Bantey: J'essayerai de ne pas manquer mon coup; je
vous le
garantis. Ha! Ha! Ha!
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: C'est gentil, cela!
M. Clair: Avec ces instruments-là, ce n'est pas
très difficile, d'ailleurs.
Mme Le Blanc-Bantey: Pour revenir à l'article 52,
effectivement, ce que le ministre est en train de dire, c'est qu'il ne croit
pas, compte tenu de ce qu'il perçoit comme étant la
réalité qu'il qualifie, dans ce cas, d'économique,
à une véritable négociation au point de vue salarial. Nous
allons, à partir de l'institut de rémunération,
établir une photographie; il a nuancé quand même, en
disant: II y aura lieu de l'ajuster; mais cela restera, finalement, assez
clair. À toutes fins utiles, il vient de nous dire qu'il n'y aura plus
de véritable négociation sur le plan salarial. La raison pour
laquelle on a cet article, c'est parce qu'il faut se donner le maximum de
chances, justement, de faire en sorte qu'il n'y ait pas de véritable
négociation. (17 heures)
M. Clair: Je suis prêt à voter.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: Si on me permet une dernière remarque au
ministre.
M. Clair: Vous voudriez avoir les gants de boxe?
M. Paquette: Non.
M. Clair: On ne vous en achètera pas.
M. Paquette: Je reprends son allégorie sur les gants de
boxe. Je pense que, dans son projet de loi, ce que le ministre dit c'est qu'il
va être le seul à avoir des gants de boxe. J'aimerais lui poser
juste une question: Est-ce que le gouvernement aurait créé un
institut de recherche sur la rémunération et tous ces
mécanismes si les salaires du privé étaient plus
élevés que les salaires du public?
M. Clair: C'est une question hypothétique.
M. Paquette: Je ne pense pas, parce que ce que j'essaie de mettre
en évidence avec ceci, c'est que les préoccupations de masse
monétaire et de capacité de payer qui sont une partie de la
réalité sont à peu près les seules dont le ministre
a tenu compte dans son projet de loi et il y a d'autres préoccupations.
Il y a des préoccupations d'équilibre, d'équité, de
déplacement du salarial vers le normatif vers une perspective de partage
d'emploi, de plein emploi qu'il faut arriver à établir. Et ce
n'est pas en donnant le droit de grève sur certaines et pas sur d'autres
qu'on va arriver au dégagement de consensus et à
l'évolution des mentalités sur des questions comme
celle-là. J'espère m'être fait comprendre aussi clairement
que le ministre, mais on n'a pas la même position là-dessus.
Le Président (M. Lachance): Pouvons-nous procéder
à la mise aux voix? Est-ce que la motion d'amendement du
député de Portneuf est adoptée?
Des voix: Rejeté.
M. Paquette: Le vote nominal.
Le Président (M. Lachance): M. le secrétaire.
M. Beauséjour: Est-ce que le député de
Rosemont a droit de vote?
Le Président (M. Lachance): C'est Mme la
députée des Îles-de-la-Madeleine qui a droit de vote.
M. Beauséjour: Alors, c'est elle qui peut le
demander, si elle veut avoir un appel nominal.
Mme Le Blanc-Bantey: Je viens de le demander.
Le Président (M. Lachance): Oui, allez-y, M. le
secrétaire.
Une voix: Alors, on vote?
Le Secrétaire: M. Blais (Terrebonne).
M. Blais: Contre.
Le Secrétaire: M. Dussault (Château-guay).
M. Dussault: Contre.
Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville).
M. Beauséjour: Contre.
M. Pagé: M. le Président, il ne peut pas voter. On
a quelqu'un dans le public, "A stranger is in the house", M. le
Président. Non, il n'est pas étranger, lui, il est
député.
M. Beauséjour: Contre.
Le Secrétaire: M. Laplante (Bourassa).
M. Laplante: Contre.
Le Secrétaire: M. Clair (Drummond). M. Clair: Contre.
Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine).
Mme Le Blanc-Bantey: Contre. Je suis assez soulagée de
voter avec eux.
M. Paquette: Pour une fois.
Mme Le Blanc-Bantey: Pour une fois.
Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil).
M. Ryan: Pour.
Le Secrétaire: M. Pagé: (Portneuf).
M. Pagé: Pour.
Le Secrétaire: Six contre, deux pour.
Le Président (M. Lachance): La motion d'amendement du
député de Portneuf est rejetée. Revenons à
l'article 52.
Une voix: Adopté, M. le Président.
M. Paquette: Nous avons évité par cet amendement le
pire. Nous avons évité une situation où le rapport de
forces aurait été totalement débalancé du
côté du gouvernement et nous venons d'éviter une situation
où le ministre aurait été seul avec ses gants de boxe
devant une autre partie qui a le droit d'avoir des positions différentes
et d'avoir le maximum de moyens pour les faire prévaloir. Là, on
est devant l'article 52 qui dit que le ministre va se garder les deux tiers,
c'est-à-dire qu'il aura un gant de boxe ou un peu plus qu'un gant de
boxe dans une main et la partie syndicale, zéro. Encore une fois cette
situation nous apparaît néfaste pour un certain nombre de raisons
que je vais tenter d'expliquer brièvement pour ensuite déposer un
amendement qui nous apparaît plus conforme à l'objectif de
responsabilité et d'équité et dans le meilleur
intérêt du climat qui doit prévaloir dans les
négociations dans les secteurs public et parapublic.
Le député d'Argenteuil nous disait tout à l'heure
que - je pense que c'est une opinion qui pourrait être partagée
par le ministre - la politique salariale et les échelles de salaires ne
doivent pas être soumises à la grève parce que cela
mène à des gestes autoritaires sous forme de lois
spéciales de l'Assemblée nationale. M. le Président, on
peut déplorer effectivement que l'Assemblée nationale soit
amenée de temps à autre à adopter des lois
spéciales pour mettre fin à des conflits qui deviennent
inacceptables face aux meilleurs intérêts et au droit aux services
publics qui est un droit fondamental de la population. On pense
particulièrement au domaine de la santé mais également
à d'autres secteurs. Dans l'éducation, aussi, un conflit de
travail ne peut pas se prolonger indûment sans mettre en cause l'avenir
des jeunes et la qualité des services d'éducation. Cependant, ces
lois spéciales, même si elles s'avèrent parfois
fréquentes et si on exclut les cas où le gouvernement a eu
tendance ces dernières années d'aller au-devant des coups,
c'est-à-dire de faire adopter une loi spéciale parce qu'il y
avait grève appréhendée, ont été
relativement peu fréquentes. De là à dire qu'il faut poser
un geste autoritaire à caractère permanent comme c'est le cas de
cette loi, je ne vois pas la logique. On déplore qu'il y ait des lois
spéciales de temps en temps et là on s'en donne une à
caractère permanent à chaque négociation. Ce n'est pas le
seul article, il y a d'autres articles qui devraient être inclus dans
cette idée de loi spéciale permanente mais ce que nous avons
devant nous, c'est une loi spéciale permanente qui vient
complètement fausser le jeu normal des négociations.
Deuxièmement, le ministre à bon droit a fait valoir que
notre société ne pouvait plus se payer des augmentations
salariales comme celles qu'on a connues depuis le début des
années soixante. Il a certainement raison. Cependant, je pense qu'il y a
un énorme danger à fixer dans une loi une situation qui va
peut-être durer un certain nombre d'années, qui était
surtout présente au moment de la crise économique. Je reconnais
qu'encore maintenant, à l'orée de cette prochaine
négociation, la marge de manoeuvre du gouvernement est très
restreinte, mais on ne devrait pas se fier et inscrire dans la loi des
mécanismes qui sont liés à une situation
économique, à un moment donné, lorsqu'on pense à un
régime de négociation. On devrait plutôt se dire: Laissons
jouer le jeu normal des négociations, il y a des soupapes, il y a des
balises et il y a des mécanismes pour civiliser et pour éviter
les effets néfastes et les dangers possibles sur la population et on
devrait se fier au jeu normal des négociations. Le gouvernement a tous
les outils nécessaires et la population comprend maintenant que les
gouvernements n'ont plus les marges de manoeuvre qu'ils avaient auparavant. Les
salariés et les syndiqués aussi le comprennent. Par
conséquent, il faut miser sur cette responsabilité plutôt
que de miser sur la matraque et sur la loi spéciale permanente incluse
dans une loi liée à des conditions économiques
particulières qui prévalent maintenant mais qui ne
prévaudront peut-être plus dans trois ans ou dans quatre ans,
espérons-le.
Troisièmement, on se retrouve avec un article 52 qui exclut du
rapport de forces
normal la détermination des salaires et des échelles
salariales pour les deux dernières années mais qui la permet pour
la première année et qui la permet pour des conditions de travail
autres que les salaires et les échelles de salaires. On va tout
simplement semer de la confusion dans les enjeux, on va se retrouver avec des
gens qui. sont en train de débattre sur d'autres questions alors que ce
à quoi ils pensent, c'est à l'iniquité, par exemple, des
échelles de salaires. Je ne vois pas ce que cela apporte en termes de
débat démocratique et en termes de lucidité. On a besoin
de lucidité dans notre société.
Finalement, M. le Président, le ministre a raison de dire que
c'est sa responsabilité de légiférer pour amener un
régime plus responsable de négociation collective dans le secteur
public. Est-ce que le ministre peut prétendre que c'est miser sur la
responsabilité que de dire, en quelque sorte c'est le message qu'il
donne, peut-être involontairement: Je pense que les vis-à-vis avec
lesquels je vais négocier sont moins responsables, moins lucides, moins
conscients et qu'ils vont surtout se concentrer sur les intérêts
égoïstes, alors que le gouvernement est le seul à
connaître ce qui est bon, ce qui est le bien commun?
Je ne pense pas que cette loi va améliorer le climat des
relations du travail. Je ne pense pas que cet article va amener plus de
lucidité, plus de responsabilité. Au contraire, cet article vient
fausser le jeu normal des négociations, vient semer de la confusion dans
les enjeux, vient déterminer l'arbitraire gouvernemental comme
règle et vient complètement fausser le climat de
responsabilité que cette loi devrait par ailleurs viser à
établir. Pour cette raison, M. le Président, j'aimerais
déposer un amendement qui est en direction diamétralement
opposée de celui qu'a déposé le député de
Portneuf.
Je ne peux pas m'attendre à un appui de l'Opposition, mais
j'espère recevoir un appui du ministre quand même, parce que
l'amendement tient compte du fait que le ministre a probablement raison de dire
qu'il est illusoire de décider à l'avance des niveaux salariaux
pour trois ans. Je pense que, quand les négociations s'amorcent,
généralement elles se concluent après l'expiration des
conventions collectives précédentes. Par exemple, les conventions
collectives actuelles sont échues en décembre, les
négociations vont probablement se continuer après les
fêtes, très certainement. On va se retrouver assez avancé
dans la première année de la convention collective et donc, on
sera à même de prévoir les conditions économiques,
d'avoir une assez bonne idée de la marge de manoeuvre du gouvernement
pour l'année suivante.
Je pense qu'on peut très bien dire que la négociation et
le droit de grève vont porter sur les deux premières
années de la convention collective et vont prévoir la
façon de déterminer les salaires et échelles de salaires
pour la troisième année. Là, on pourra vraiment tabler
sans méfiance, avec moins de méfiance en tout cas, sur les
conclusions et les études de l'Institut de recherche et d'information
sur la rémunération.
L'amendement viserait à remplacer l'article 52 et ensuite, s'il
est accepté, j'aurai des amendements de concordance, sinon on
s'orientera autrement. Il viserait à remplacer l'article 52 par le texte
suivant: "52. Les stipulations de la convention collective qui portent sur les
salaires et les échelles de salaires sont négociées et
agréées à l'échelle nationale pour une
période maximum de trois ans, à moins d'entente à l'effet
contraire entre les parties négociantes à l'échelle
nationale. " Donc, on conserve cette souplesse que recherchaient les
députés de l'Opposition libérale tout à l'heure.
Deuxième paragraphe: "Pour chacune des deux premières
années de la convention collective, la négociation porte sur la
détermination des salaires et des échelles salariales. Pour la
troisième année, les parties conviennent des paramètres
à utiliser pour fixer les salaires et les échelles salariales de
cette période. "
M. le Président, il me fait plaisir de déposer
l'amendement. On peut en faire des copies...
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y aurait
possibilité, M. le député de Rosemont, d'en avoir des
copies?
Afin de se conformer à la suggestion et à la demande
priante du député de Châteauguay, nous allons suspendre
pour quelques instants, le temps de pouvoir avoir des copies pour tout le
monde.
(Suspension de la séance à 17 h 15)
(Reprise à 17 h 22)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission poursuit ses travaux. La motion d'amendement
présentée par le député de Rosemont, est-ce qu'il y
a des commentaires sur sa recevabilité?
M. Laplante: On va se fier à votre jugement, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Sur la
recevabilité.
M. Clair: Je n'ai pas de copie. Je suis le dernier
concerné! Ce n'est pas une méchanceté, c'est une
taquinerie. Je pense que c'est difficile de plaider contre la
recevabilité de l'amendement, puisqu'il n'est pas conforme
à ce que le député a annoncé qui viendrait comme
amendement par la suite. Dans le fond, les amendements de concordance, ce
seraient eux qui seraient la substance. Mais, dans l'amendement qui est
présentement devant nous, sur le principe du droit de grève ou
non dans le domaine salarial, rien n'indique qu'il n'y aurait pas droit de
grève ou qu'il y en aurait.
Je n'ai pas d'argument à faire valoir, M. le Président,
sur la recevabilité, ce qui ne vous empêche pas, proprio motu,
d'exercer votre sévérité ou votre jugement.
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires sur la recevabilité? M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Sur la recevabilité, je n'ai pas d'autre
commentaire à faire que de signaler qu'il m'apparaît tout à
fait recevable.
Le Président (M. Lachance): II vous apparaît
recevable?
M. Ryan: Tout à fait recevable.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors,
je...
M. Ryan: Je signale seulement une difficulté, M. le
Président, c'est qu'il m'apparaît difficile que vous nous
appeliez à voter sur l'amendement qui est proposé à
l'article 52 sans que nous sachions ce qui va venir par la suite, parce que
c'est un appareil qui se tient.
Une voix: C'est cela.
M. Ryan: C'est bien difficile de considérer cela en
pièces détachées, sans que nous ayons au moins la
chance...
M. Clair: Le député de Rosemont serait...
M. Ryan:... d'avoir une description générale des
changements qu'il envisage, pour qu'on puisse mieux apprécier chacun
ensuite... Vingt minutes par article...
M. Clair: Si M. le député de Rosemont avait
l'amabilité, justement, de nous distribuer les amendements qui
viendraient avec celui-là, éventuellement.
M. Ryan: M. le député de Rosemont, je voudrais vous
faire une suggestion: Peut-être que vous devriez vous renseigner
auprès du ministre sur le temps qu'il nous reste pour faire tout
cela.
Une voix: Combien est-ce qu'il reste de temps au
député de Rosemont?
Le Président (M. Lachance): Écoutez, si nous
discutons sur l'amendement, il a 20 minutes, pas de problème.
M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Lachance): Je voudrais signaler à
M. le député d'Argenteuil que la remarque qu'il a
formulée, même si j'en constate la pertinence, ne me laisse pas
d'autre choix, en vertu de l'article 244, que celui de dire que la commission
est saisie des articles qui doivent être étudiés un par un.
Je comprends très bien votre objection; cependant, il faut les voir un
par un. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je suis parfaitement conscient de la pertinence de ce
point, mais je voudrais justement demander le consentement du gouvernement pour
qu'on puisse avoir une présentation d'ensemble de ce qu'il envisage
comme changement à cette sous-section; ensuite on va revenir, si le
gouvernement est conscient...
M. Clair: Oui. Au fond, c'est un geste de courtoisie qu'on
demandait au député de Rosemont à savoir que, pour mieux
comprendre la portée de ses amendements, il distribue ceux qui
viendraient avec celui-ci. Mais cela ne l'empêche pas de commencer son
intervention. Peut-être qu'il pourra nous expliquer...
M. Paquette: Oui, ce sera très simple, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Alors, évidemment, la
décision est facile à rendre sur la recevabilité; c'est
recevable. M. le député de Rosemont, vous avez la parole sur
l'amendement que vous avez proposé.
M. Paquette: M. le Président, je pense que le ministre et
les députés de l'Opposition officielle auront compris que cet
amendement en amène d'autres, évidemment, aux articles 53
à 56 inclusivement. Notre objectif, évidemment, est
d'éliminer toute réglementation unilatérale. C'est
pourquoi on retrouve, dans le deuxième alinéa de l'amendement que
je viens de déposer: "Pour la troisième année, les parties
conviennent des paramètres à utiliser pour fixer les salaires et
les échelles salariales de cette période. " Ceci veut dire que
nous allons, pour être conséquents, proposer de biffer tous les
articles qui ont trait au règlement unilatéral
déposé en commission parlementaire.
Cela prend beaucoup d'articles au ministre, évidemment, pour dire
comment son règlement va s'acheminer. Nous allons
proposer de biffer les articles 54, 55 et 56. Nous allons proposer
également de remplacer l'article 53 par une autre disposition: les
dispositions d'une convention collective continuent de s'appliquer
malgré son expiration. Nous pensons que l'Institut de recherche et
d'information sur la rémunération doit faire son travail, mais
que ce travail ne doit pas être imbriqué aussi intimement à
la fixation des salaires et des échelles de salaires, surtout pas
unilatéralement par règlement du gouvernement.
Donc, ce sont des changements substantiels aux articles qui suivent,
mais très simples. En gros, on biffe les articles 54, 55 et 56 et on
modifie le sens de l'article 53, ce qui revient à le biffer et à
le remplacer par un article qui dit que les dispositions d'une convention
collective continuent de s'appliquer malgré son expiration.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Étant donné la visite impressionnante que
nous avons eue au cours des dernières minutes, on se sent enclin
à procéder un peu plus vite pour être sûr, au moins,
que certains points de vue auront été exprimés. Je ne sais
pas si, dans le même esprit dont nous avons convenu, le
député de Rosemont pourrait exposer sa conception
générale de ce que pourrait être cette partie du projet de
loi. Je pourrais, en commentant la sienne, évidemment, dire
brièvement ce qu'est la nôtre. Le ministre l'a déjà
dit dans le texte du projet de loi; c'est ça de pris.
Je pense qu'après cela on sera plus en mesure de comprendre les
votes que nous donnerons, et peut-être que nous serons prêts aussi
à voter plus rapidement. Je comprends que le gouvernement nous dit dans
son projet de loi: Négociable la première année; les deux
autres années, on s'en va dans une procédure qui passe par un
rapport de l'institut de rémunération et, par la suite, un projet
de règlement devant une commission de l'Assemblée nationale et un
règlement décrété par le Conseil
exécutif.
Nous disons, du côté de l'Opposition: Négociation
à l'échelle nationale; ensuite, après la
négociation, qu'il y ait entente ou non, le gouvernement dépose
un projet de règlement à l'Assemblée nationale. Juste pour
vous expliquer la logique de notre position, nous gardons un article comme 54
en le modifiant, évidemment - nous avons remis des projets d'amendement,
hier, qui indiquaient cela clairement - et ça passe par l'entonnoir de
l'Assemblée nationale, quelle que soit la solution retenue et, par la
suite, ça continue. (17 h 30)
Les amendements que vous nous annoncez, dont le premier a
été déposé, indiquent que vous, vous retournez
à un régime de négociation entièrement libre, y
compris le droit de grève.
Je n'ai pas d'objection du tout, c'est pour vous informer en termes
généraux, encore une fois, de ma réaction. Je n'ai pas
d'objection du tout à approuver l'article 52; il nuance le champ de la
négocation d'une manière qui m'apparaît à la fois
utile, pertinente et intéressante. Évidemment, cela ne doit vous
laisser aucunement supposer qu'aux articles qui suivront nous continuerons
d'épouser la logique qui inspire l'ensemble de votre appareil. Je ne
sais pas si je me suis exprimé clairement.
Mme Le Blanc-Bantey: Si vous avez des suggestions
intéressantes sur les articles suivants, on les écoutera avec
beaucoup d'intérêt.
M. Ryan: Ah oui, oui! Vous les avez déjà. On a
déposé des projets d'amendement hier et cela va vous sembler un
retour à la discipline un peu plus sévère, mais c'est fait
dans un esprit de préoccupation pour le bien général. Cela
résume en tout cas la manière dont nous réagissons. En
fait, il y a trois conceptions: une fois qu'on a exposé cela, je ne
pense pas qu'on doive s'étendre indéfiniment dans l'exposition
des motifs ou des nuances à l'appui de chacune. Je crois avoir compris
ce que vous voulez et je vous dis simplement comment je réagis.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, le député
d'Argenteuil a fait référence à un certain messager qui
l'inciterait à accélérer nos travaux. C'est notre objectif
de faire des débats de fond sur des questions importantes. C'est le cas
ici. On a devant nous une question très importante, une question de
conception des négociations. Comme j'ai eu l'occasion de l'exposer tout
à l'heure, les intérêts de la société
seraient mieux servis par une négociation libre - le
député d'Argenteuil a très bien compris notre intention -
y compris sur les échelles de salaires et sur les salaires.
L'amendement a pour objectif de faire en sorte que, lors de la
négociation - et là, il faut bien s'entendre, nous ne changeons
pas le fait que le droit de grève peut s'exercer tous les trois ans;
c'est la même chose qu'actuellement, le droit de grève peut
s'exercer tous les trois ans - au moment de la négociation de la
convention collective, les deux parties s'entendent sur les salaires et
échelles de salaires pour les deux premières années. Nous
pensons que c'est raisonnable de dire uniquement pour les deux premières
années plutôt que pour les trois
années, pour les motifs que le ministre a invoqués. Il est
très difficile, surtout dans la conjoncture actuelle, de prévoir
quelle sera la marge de manoeuvre du gouvernement, quelles seront les
situations économiques trois ans à l'avance.
Le ministre pourrait prétendre que deux ans c'est trop, puisque
dans son projet de loi il a prévu une seule année, mais nous
savons que... Je vois que le député d'Argenteuil est d'accord que
c'est mieux deux ans, parce que, quand la négociation se conclut, on est
suffisamment avancé dans la première année qu'on est
capable de prévoir raisonnablement ce que vont être les
disponibilités du gouvernement et la situation économique
générale pour la deuxième année de la convention
collective. Donc, à mon avis, aucun argument ne nous empêche il y
a même beaucoup d'avantages à ce que la négociation
permette de fixer par libre négociation entre les deux parties les
salaires et échelles de salaires pour les deux premières
années.
Pour la troisième année, nous nous rendons à
l'argument du ministre qu'il est très difficile de prévoir,
même un an et demi à l'avance, quelles seront les conditions
économiques et la marge de manoeuvre du gouvernement. Alors, nous disons
que là encore, par libre négociation, les parties devront
convenir des paramètres à utiliser pour fixer les salaires et les
échelles salariales de cette période. Le gouvernement pourra
argumenter, par exemple - j'imagine comment cela pourrait se passer - que
l'écart entre le secteur public et le secteur privé est encore
trop grand à la fin des deux premières années qu'il faudra
réduire encore un peu cet écart, qu'il faudra, par exemple, pour
la troisième année, prendre les moyennes sur la base des travaux
de l'institut de recherche sur la rémunération que l'on retrouve
dans le secteur privé en comparant diverses catégories de
salariés ou encore le salaire industriel moyen dans le secteur
privé, quel que soit son critère, possiblement sur la base des
travaux de l'institut de recherche sur la rémunération, et
essaiera de faire accepter ces critères par la partie syndicale.
Celle-ci aura peut-être d'autres critères à
suggérer. Par la suite, les salaires et échelles de salaires
devront être établis tels que stipulés à la
convention collective, conformément à ces paramètres et
à ces critères. Ce qui fait qu'on aura une négociation
d'ensemble sur tous les aspects de la convention collective, avec un droit de
grève pas plus fréquent que maintenant, avec un rapport de forces
équitable, éclairé par les travaux d'un institut de
recherche sur la rémunération, ce qui pourra favoriser un climat
plus sain, plus responsable de négociation.
M. le Président, je pense que j'ai exposé l'essentiel des
motifs tantôt. Les différences de philosophies aussi sont bien
connues. Je vais terminer là mes propos.
Le Président (M. Lachance): Alors, je voudrais vous
signaler à ce moment-ci qu'il s'est passé quelque chose au salon
bleu, et vous y avez fait référence dans vos propos tantôt.
Une motion a été présentée pour que la commission
du budget et de l'administration mette fin à son mandat de
l'étude détaillée du projet de loi 37 dès
l'adoption de la présente motion et qu'elle fasse rapport une heure
après l'adoption de ladite motion. Évidemment, les discusssions
vont suivre. Cela veut dire que nous continuons à discuter ici.
M. Pagé: M. le Président, est-ce que vous pourriez
nous indiquer si le débat sur la motion est amorcé?
M. Ryan: J'ai manqué la question.
M. Pagé: Je m'informais, mon cher collègue,
à savoir si le débat sur la motion était amorcé.
S'il est amorcé ce soir...
Le Président (M. Lachance): II ne semble pas, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Est-ce que vous pourriez, M. le Président,
parce que vous êtes quand même le gardien de nos droits...
Le Président (M. Lachance): Nous allons
vérifier.
M. Pagé:... nous indiquer quelles sont les intentions du
gouvernement, parce que la motion, selon l'information que vous nous donnez,
serait qu'on fasse rapport une heure après l'adoption de celle-ci. Donc,
il serait utile de savoir si elle sera débattue ce soir, demain ou
lundi.
Le Président (M. Lachance): Nous allons vérifier,
M. le député, et nous vous fournirons l'information
demandée dans les meilleurs délais.
M. Pagé: M. le Président, il faudrait remonter au
Moyen Âge, tuer le messager.
M. Ryan: Devant cette nouvelle, est-ce qu'on pourrait suspendre
cinq minutes...
Une voix: Oui.
M. Ryan:... pour aller aux renseignements d'abord et savoir un
peu où on s'en va?
M. Clair: M. le Président...
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair:... peut-être que je peux éclairer les
membres de cette commission en leur disant que, sauf erreur, notre
règlement prévoit que la motion n'est pas débattable le
même jour de sa présentation, de sorte qu'elle serait
débattue demain à l'Assemblée nationale. Ce sont les
informations dont je dispose. Je ne suis que le messager, encore une fois.
M. Pagé: Demain, à quelle heure ajourne-t-on nos
travaux?
M. Clair: Cela dépend de la longueur du débat.
M. Pagé: Bon, cela nous en dit un peu. Vous êtes
associé à tout cela.
M. Clair: M. le Président, les travaux de
l'Assemblée nationale sont organisés sous la direction du leader
du gouvernement et non du...
M. Pagé: Ce que je veux dire, c'est qu'on...
M. Clair:... président du Conseil du trésor.
M. Pagé:... a tous les motifs raisonnables de croire que
vous êtes associé à la démarche de la guillotine. Si
vous saviez en matinée qu'on allait être coupé comme cela,
arbitrairement, est-ce que cela pourrait expliquer le pourquoi de vos
interventions multiples aujourd'hui?
M. Clair: M. le Président, le député de
Portneuf me prête des intentions. J'ai eu l'occasion aujourd'hui d'avoir
des questions sur le fond des choses de sa part, de la part du
député d'Argenteuil et d'autres députés
indépendants. J'y ai répondu. S'il fait le total des heures
utilisées par le ministre, par les députés
indépendants et par les députés de l'Opposition, il sera
à même de constater que le ministre n'a aucunement abusé du
temps de la commission. Je n'ai pas de jugement à porter sur
l'utilisation que d'autres ont fait de leur temps, mais il pourra regarder
simplement par une comptabilisation des...
M. Pagé: Est-ce que vous nous visez, M. le ministre?
M. Clair:... heures employées par chacun que je n'ai
certainement pas abusé du temps de la commission.
M. Pagé: Sauf aujourd'hui.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette:... je suis en train de me demander s'il faut que le
gouvernement ait décidé de bâillonner une commission pour
que le ministre se mette à dialoguer, se mette à échanger,
se mette à nous dire les intentions et la réflexion qui l'a
amené à présenter ce projet de loi. Je constate
qu'aujourd'hui, pour la première fois, on a eu des échanges sur
des questions de fond. M. le Président, je suis d'accord avec le
ministre que le temps aurait été beaucoup mieux utilisé
les jours précédents si le ministre avait consenti à
débattre avec nous des questions de fond et je trouve un peu
étonnant et inacceptable qu'au moment même où on commence
à confronter nos arguments, nos philosophies, nos orientations et que le
ministre se prête au dialogue et à la discussion, on nous annonce
que nos travaux vont prendre fin. Je ne sais pas si le ministre craint qu'on
soit obligé de débattre des sections du projet de loi qui
touchent à la mécanique technocratique qu'il a prévue dans
le domaine des services essentiels, des pouvoirs exorbitants qu'il donne au
Conseil des services essentiels. J'ai l'impression que le ministre craint ce
débat et j'aurais souhaité, je pense, comme tous les membres de
cette commission, qu'on puisse continuer nos travaux.
Qu'est-ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui, tout à coup, on
décide de mettre fin aux travaux? On aurait pu continuer demain et
même lundi. La fin de la session, c'est seulement vendredi prochain. Je
pense que ce projet de loi mérite mieux que cette espèce
d'expédition, cette espèce d'exécution - je pense que
c'est le terme qu'il faut utiliser - de nos travaux, et je trouve cette
attitude particulièrement irresponsable du ministre qui a vraiment
commencé à débattre des questions aujourd'hui et avec
lequel on aurait bien aimé continuer à débattre des autres
questions de ce projet de loi, notamment, demain et lundi.
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
voudrais vous signaler que c'est une information que je vous ai
communiquée tantôt et que le débat va se faire à un
autre lieu qu'à cette commission parlementaire. J'aimerais bien qu'on
puisse...
M. Pagé: II est inscrit dans nos moeurs parlementaires
qu'un commentaire du président aussi important que celui que vous avez
formulé en regard de nos travaux amène une réaction des
différents collègues autour de la table.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: Rapidement...
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député d'Argenteuil, après M. le ministre.
M. Clair: Rapidement. Je pense que le député de
Rosemont est fort mal placé pour me reprocher de ne pas avoir
abordé les questions de fond. N'importe quel observateur de nos travaux
a pu constater que ceux qui ont utilisé le plus largement leur droit de
parole à l'occasion sur des questions de fond, je le reconnais... Chaque
fois qu'il y a eu des questions de fond qui ont été
soulevées, j'ai indiqué quelles étaient les orientations
du gouvernement. J'ai tenté de le faire brièvement pour permettre
aux deux oppositions de pouvoir s'exprimer parce que les intentions du
gouvernement sont affichées, sont claires dans un projet de loi, alors
que les deux groupes d'opposition n'ont pas la même occasion de
présenter leurs points de vue.
S'il y a quequ'un qui a abusé du temps de parole, ce n'est
certainement pas celui qui vous parle sur les questions de fond, non plus que
mes collègues ministériels. Je ne sache pas que j'aie
parlé pendant des heures sur des questions qui n'étaient pas des
questions de fond. Il peut se reporter au contenu du Journal des débats
pour constater que chaque fois que des questions de fond ont été
soulevées, j'ai tenté d'y répondre brièvement,
précisément et, de cette façon, de contribuer à
l'avancement de nos travaux. On ne peut pas dire la même chose de ses
deux voisins et de lui-même.
Le Président (M. Lachance): Avant de céder la
parole au député d'Argenteuil, on m'indique que le débat
n'aura pas lieu avant demain à l'Assemblée. M. le
député d'Argenteuil.
M. Pagé: Causez mes lapins avant qu'on vous fasse cuire,
Hum? C'est ce que cela veut dire. Quelle insulte!
M. Ryan: M. le Président, de même que mes
collègues qui ont parlé avant moi à la suite de l'annonce
que vous avez faite, je voudrais émettre quelques observations au sujet
de ce qui se produit. Je crois que l'invocation de la clôture, c'est une
mesure extrême, qui ne doit être utilisée que dans des
circonstances qui ne permettent absolument plus d'autre recours. Je pense que
c'est la nature même de cette mesure extrême de n'être
utilisée que dans un contexte qui interdit tout autre recours. Le
débat se fera à l'Assemblée nationale. Je ne veux pas le
faire ici, mais, moi, j'avais cru comprendre... Je regarde le point où
nous en sommes à ce moment-ci. Évidemment, on pourra continuer ce
soir. On est obligé de continuer, d'après le mandat que nous
avons, à mon point de vue. Demain, cela va être plus difficile.
Cela va se débattre demain matin à l'Assemblée nationale.
On va siéger quand même. C'est vrai. En tout cas, onverra.
Mais ce que je trouvais, c'est qu'on était rendu à jeudi
soir, qu'il y avait 52 articles sur 93 qui avaient été
adoptés ou pratiquement adoptés. Il y a une couple de sections
qu'il reste à examiner; il y a toute la section de la mécanique
des services essentiels et, ensuite, la question de la
rémunération et des arrangements locaux. Ce sont les trois gros
points qu'il reste à discuter. Je trouve que le gouvernement fait montre
d'une prudence calculatrice excessive. Étant donné que nos
règlements prévoient que la Chambre siège jusque... Je
pense qu'elle peut siéger jusqu'à la veille de la
Saint-Jean-Baptiste, le 23? Est-ce le 21 ou le 23, d'après le
règlement? (17 h 45)
Des voix: Le 23.
M. Ryan: Le 23.
M. Laplante: Le 23, c'est un dimanche, on n'a pas le droit en
vertu du règlement. Il faut que cela finisse...
M. Ryan: Le 23, c'est dimanche en huit.
M. Laplante: Vendredi soir à minuit.
M. Ryan: II y a toute la semaine prochaine.
Le Président (M. Lachance): Pour répondre...
M. Ryan: Je m'excuse, oui.
Le Président (M. Lachance):... à votre question, M.
le député d'Argenteuil, à l'article 19: "Pendant une
législature, l'Assemblée se réunit en séances
ordinaires: 1° du deuxième mardi de mars jusqu'au 23 juin au plus
tard... " et, effectivement, le 23 juin tombe un lundi...
M. Ryan: Oui, c'est ça. Le 23 tombe un lundi...
Le Président (M. Lachance):... je veux dire un
dimanche.
M. Ryan: Cela veut dire...
Le Président (M. Lachance): Un dimanche.
M. Ryan:... qu'il y a toute la semaine prochaine.
Une voix: Un dimanche.
M. Ryan: C'est cela. Ah oui! Ah oui! C'est correct, le 23 est un
dimanche. Le 22...
M. Laplante: On peut aller jusqu'à minuit, vendredi
soir.
M. Ryan: Oui. Et avec le règlement actuel, cela pourrait
aller jusqu'à samedi aussi. Ils sont habitués, ils connaissent
cela; toutes les dispositions d'exception, ils sont experts
là-dedans.
Je trouve que le gouvernement fait montre d'un manque de respect envers
la commission parlementaire en prenant cette mesure dès cette semaine.
S'il était arrivé la semaine prochaine, à un certain
moment, ayant jugé que c'était absolument nécessaire
à ce point de le faire, je pense qu'il aurait été mieux
placé pour défendre son opinion. Mais faire cela ce soir, je
pense qu'il se place dans une situation où il peut beaucoup plus
difficilement justifier sa ligne de conduite. Quand on regarde ce qui s'est
passé ici, il y a eu des longueurs. On l'a signalé à un
moment ou l'autre, mais il n'y a pas eu d'abus de droits. Je pense que chacun a
usé des droits que lui reconnaissent nos règlements. Je peux
juger qu'il en a usé d'une manière que je n'aurais pas
imitée sur toute la ligne dans ce contexte-ci, mais je l'aurais
peut-être fait dans d'autres contextes. Par conséquent, je ne
lance pas la pierre. Cela fait partie du jeu parlementaire, mais cela s'est
fait avec dignité, avec courtoisie, avec civilité. Je pense que
le ministre a eu une très bonne conduite dans l'ensemble. Je pense qu'on
est tous satisfait de la manière dont il a poursuivi la conversation,
pas seulement aujourd'hui, hier, avant hier et lundi également.
En tout cas, je trouve qu'étant donné qu'on était
rendu à l'article 52, je ne sais pas quelle était la tactique de
nos amis de l'opposition officieuse, marginale et temporaire, j'espère
bien, circonstancielle par rapport à ce projet. Je ne sais pas quelle
était leur stratégie. Est-ce qu'ils voulaient faire peur au
gouvernement? Je trouve que, s'ils avaient voulu faire un vrai "filibuster",
ils l'auraient fait plus tôt, ils n'auraient pas laissé
aller cela jusqu'à l'article 52. Ils voulaient créer une
inquiétude, de manière à essayer d'arracher des
concessions au ministre. Cela fait partie du jeu.
Nous, nous avions une attitude, je pense que tout le monde a
constaté qu'elle était différente. Sur certains articles,
il y a une opposition invincible entre la position du gouvernement et la
nôtre. Nous avons fait valoir nos points le plus clairement possible,
mais sans aller au-delà d'un certain point. Une fois que la discussion a
été faite, on se dit! Quand bien même on la ferait' quatre
ou cinq fois, cela n'avance pas tellement les choses.
Je regrette cela profondément, M. le Président; je pense
que le reste de nos travaux va se dérouler, fatalement, dans un climat
qui sera profondément marqué par ce geste d'irrespect et de
manque de confiance envers une commission de l'Assemblée nationale. On
va continuer à travailler dans le même esprit que nous l'avons
fait jusqu'à maintenant. Cela ne change pas mon attitude, mais je ne
peux pas faire autrement que d'exprimer un regret profond devant la hâte
avec laquelle le gouvernement procède.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, vous me permettrez
d'ajouter ma voix aux autres et de dire que je suis extrêmement surprise
que, pour employer une expression communément utilisée ici, la
guillotine tombe à ce moment. Je trouve cela très malheureux,
pour ne pas dire odieux, parce que nous sommes seulement - je le souligne -
à cinq jours d'étude de ce projet de loi en commission
parlementaire. Pour avoir siégé en cette Assemblée depuis
neuf ans, j'ai connu des projets de loi qui ont eu des vies beaucoup plus
longues en commission parlementaire, et d'importance beaucoup moindre.
Nous avons un projet de loi devant nous qui est essentiel pour
l'équilibre et la paix sociale dans la société
québécoise. Nous avons un projet de loi que, nous, en conscience,
nous jugions mauvais tel qu'il est rédigé actuellement. Nous
jugions qu'il ne réglait rien des problèmes que nous voulions
régler. Nous avons travaillé avec acharnement pour tenter de
convaincre le ministre en particulier sur certains articles très
importants. Vous verrez dans le Journal des débats que les articles qui
ont requis le plus de temps de l'Opposition, ce sont des articles de fond.
C'est vrai que nous nous sommes battus avec acharnement pour tenter de
convaincre le ministre que, puisqu'il avait décidé de faire
adopter le projet de loi, mieux valait nous écouter et tenter de faire
en sorte qu'il soit le plus correct et le plus juste possible et, en fait,
qu'il réponde aux objectifs que le ministre s'était
fixés.
Effectivement, depuis le début de la commission, il n'y a eu
absolument aucune ouverture d'esprit, pour ne pas dire aucun dialogue. Le
ministre s'est contenté de rejeter du revers de la main toutes les
propositions qui sont venues de part et d'autre et, à cinq jours, on
vient nous dire qu'après avoir discuté, justement, pendant un
laps de temps qui était extrêmement raisonnable - nous sommes
rendus à 52 articles sur 93 - le ministre et le gouvernement viennent
nous dire qu'ils en ont assez. Pour nous consoler, on nous dit
qu'il nous restera une journée et demie. Je trouve cela
extrêmement dommage, je trouve cela très triste. J'ai la
conviction que, si le ministre avait eu, depuis le début, l'ouverture
d'esprit, l'ouverture au dialogue qu'il a eue cet après-midi, nous
aurions déjà, jusqu'à l'article 52, un projet de loi qui
serait mieux, qui, dans la mesure du possible, aurait tenté de rallier
le consensus d'une partie qui est fondamentale pour la réussite de cette
réforme, qui est la partie syndicale, mais le gouvernement
prétend, préfère croire qu'il a la vérité,
qu'il est le seul qui sait marquer le pas et que toute proposition -même
si nous n'étions pas d'accord, l'Opposition libérale et nous, sur
un certain nombre de choses - mais que tout ce qui vient de l'Opposition, tout
ce qui vient des gens qui ne sont pas d'accord avec son projet est
nécessairement mauvais, imaginaire ou va à l'encontre de la
réalité.
Je dois dire, M. le Président, que, quant à moi, je
poursuivrai le reste des travaux avec beaucoup moins d'intérêt et
d'enthousiasme sachant à l'avance - et la guillotine vient de le
confirmer - que le ministre ne participe à cette commission que parce
qu'il est obligé d'y être présent et de faire son devoir,
mais avec nulle intention d'améliorer le projet de loi qui est devant
nous.
Le Président (M. Lachance): Avant de céder la
parole au député de Deux-Montagnes, j'ai reconnu le
député de Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président. On s'était
fait un devoir, de ce côté-ci, d'en faire une étude, des
recommandations par l'entremise du caucus des députés et du
caucus de la commission justement pour que l'Opposition puisse avoir le temps
de poser toutes les questions qu'elle voulait poser.
M. le député d'Argenteuil parlait d'avancer sur les
articles accessoires du projet de loi et d'aller plus profondément dans
la mécanique. Si on regarde les accessoires qui sont adoptés, on
y a pris autant de temps que sur la mécanique. Un exemple d'aujourd'hui,
on s'était même donné le mot là-dessus pour voir
jusqu'où la sincérité pouvait exister de la part des
indépendants de l'opposition ou même de l'Opposition
officielle...
M. Pagé: L'Opposition officielle, les
indépendantistes et la majorité des pépères.
M. Laplante: D'accord. On est, depuis ce matin, sur l'article 52.
Cela a été le test ultime qu'on a fait aujourd'hui, sur un
article seulement, qui était l'article 52, pour voir jusqu'où il
pourrait y avoir un déblocage du projet de loi. Je n'en suis pas
surpris, c'est un peu l'analyse que j'avais faite personnellement, qu'on serait
au même niveau, à 18 heures, où on pouvait être ce
matin après la période des questions, lorsqu'on a commencé
l'étude du projet. Cela voudrait dire qu'il nous resterait encore la
volonté de l'Opposition dans une journée et demie, toute la
soirée jusqu'à 24 heures, et demain toute la journée
jusqu'à 18 heures vendredi, pour adopter le projet de loi, pour aller,
à la suggestion du député d'Argenteuil, au fond des
articles que vous appelez mécaniques. Tout ce qui est accessoire, autour
de cela, peut être adopté assez rapidement; c'est ce que nous
escomptons de ce côté-ci. La guillotine n'est pas permanente; vous
pouvez la lever très facilement demain en adoptant le projet de loi en
commission parlementaire. C'est ce à quoi nous nous attendons.
M. de Bellefeuille: M. le Président.
Mme Le Blanc-Bantey: On va encore négocier avec la carotte
et le bâton?
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
dire brièvement, parce que le temps nous presse, qu'à mon avis le
problème, ce n'est pas seulement le ministre. Nous savons que le
ministre a l'injure souvent plus facile que la compréhension, mais le
principal problème n'est pas cela. Le principal problème, c'est
le projet de loi. Je répète ce que j'ai déjà dit ce
matin, que ce projet de loi est un mauvais projet de loi. Il provient d'un
gouvernement qui choisit maintenant, dans un secteur extrêmement
délicat, un secteur qui est déterminant pour la paix sociale au
Québec, de procéder au moyen de la guillotine. Cela, M. le
Président, a valeur de symbole. Cela ne peut être qu'un des
nombreux signes du commencement de la fin d'un gouvernement qui, ayant
gouverné par décrets de plus en plus, impose maintenant la
guillotine dans le domaine des relations du travail avec ses propres
employés. Il y a là un symbole, M. le Président, qui va
passer à l'histoire. Parmi les principaux signes avant-coureurs de
l'effondrement de ce gouvernement, l'histoire retiendra la guillotine dans le
domaine des relations du travail dans les secteurs public et parapublic. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Avant de revenir à
l'essentiel de la motion d'amendement du député de Rosemont, je
pense que l'heure tardive nous indique de suspendre nos travaux jusqu'à
20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 57)
(Reprise à 20 h 29)
Le Président (M. Lachance): II est 20 h 30. La commission
du budget et de l'administration poursuit ses travaux. Nous en étions
à l'étude de la motion d'amendement du député de
Rosemont sur l'article 52.
Est-ce que la motion du député de Rosemont est...
Une voix: Adopté.
M. Paquette: Vous l'appelez aux voix, M. le Président?
Le Président (M. Lachance): Bien. Est-ce que la motion du
député de Rosemont est adoptée?
M. Paquette: M. le Président, j'aurais quelques mots
à dire.
Le Président (M. Lachance): Ah oui? Allez-y...
M. Paquette: Cela ne vous dérange pas, toujours?
Le Président (M. Lachance):... M. le député
de Rosemont. Non, on commence à se familiariser avec votre intonation,
votre ton de voix, et on peut continuer.
M. Paquette: M. le Président, on a un peu perdu le fil
parce que, comme vous le savez, notre vie comme commission ne tient qu'à
un fil.
M. le Président, avant que l'exécution n'arrive, je pense
qu'il est important quand même de débattre des articles
clés de ce projet de loi. Je tiens à vous dire, M. le
Président... Je ne sais pas combien de temps nous avons encore à
notre disposition, mais il m'apparaît important de clarifier, de part et
d'autre - des trois côtés de la table, si on veut, parce que je
pense qu'il y a trois positions très différentes - nos attitudes
et nos objectifs face à ce projet de loi. Nous aurions souhaité,
M. le Président, que le ministre écoute parfois, accepte de
réfléchir à certains amendements dont celui-ci sur
l'article 52, mais il semble que cela ne soit pas possible. On semble faire
comme si on se disait: L'opinion publique veut un projet de loi? On adopte un
projet de loi. C'est un projet de loi largement irresponsable.
Je vais simplement résumer l'argumentation, à l'article
52. Le ministre voudrait que, tous les trois ans, les négociations
s'enclenchent, que l'on discute des salaires et des échelles de salaires
la première année et que, pour les deux autres années, sur
la base d'un rapport de l'institut de recherche sur la
rémunération dont il nomme tous les membres, sauf trois, dont il
recommande la nomination à l'Assemblée nationale et qui a un
mandat de comparaison des salaires entre le secteur public et le secteur
privé, le ministre élabore un règlement pour entendre les
parties, un peu comme il nous a entendus au cours de cette commission
parlementaire, et, ensuite, qu'on fasse adopter le règlement par le
gouvernement, de façon à fixer les salaires et les
échelles de salaires pour la deuxième et la troisième
année.
On a mis en évidence, M. le Président, que c'était
là une approche qui allait détruire le climat des relations du
travail. On peut prétendre que le climat n'est pas au beau fixe, loin de
là, mais je pense que, de part et d'autre, tant du côté
syndical que du côté patronal... Les gens ne vivent pas sur une
autre planète, les gens savent que des augmentations de salaires de 12 %
ou 15 % ne sont plus possibles et que, par conséquent, la
négociation doit pouvoir s'entreprendre en mettant tous les
éléments dans la balance et en discutant des questions de
qualité de vie au travail, d'aménagement du temps de travail, de
services à la population. À ce point de vue, il faut permettre
les deux formes de démocratie dans notre société, celle
que représente le gouvernement, qui est chargé par la population
de s'assurer du bien commun, et la démocratie qui vient de la base
à travers les organisations démocratiques que les salariés
du secteur public se sont données. Notre position, c'est la
confrontation de ces deux points de vue, et le fait qu'à un moment
donné il faut régler et qu'il faut entreprendre des discussions
sur une base de relative égalité. Remarquez que le gouvernement
aura toujours le gros bout du bâton parce que, à la limite, on se
retrouve parfois, lorsque les services au public sont en péril, avec des
lois spéciales. Là, on nous présente une loi
spéciale permanente dans la loi, qui fera en sorte que le gouvernement
décrétera deux années sur trois les salaires et les
échelles de salaires.
Je n'ai pas compris pourquoi l'amendement que je présente n'est
pas acceptable par le ministre, il n'a pas daigné me l'expliquer. Il a
préféré s'entendre avec le gouvernement pour mettre fin
à nos travaux le plus rapidement possible, un peu à la
façon de cette démarche qui fait que ces dernières
années, à la dernière négociation, on
commençait un peu à négocier et, avant même qu'on
commence vraiment à discuter, il y avait une loi spéciale.
Là, tout le monde discutait dans le cadre de la loi spéciale et
on en amenait une autre et, finalement, une autre. Le ministre a eu la
même attitude face à cette commission: la guillotine. Si vous
êtes gentils, on va pouvoir discuter, sinon on va mettre fin à vos
travaux et on va mettre fin à la discussion.
M. le Président, je n'ai pas compris pourquoi l'amendement que je
propose était
tellement inacceptable pour le ministre. Cet amendement ferait en sorte
que les négociations commencent. On discute des salaires et des
échelles salariales comme des autres questions liées à la
convention collective dans une optique d'égalité, avec l'exercice
possible du droit de grève tous les trois ans - comme cela est le cas
maintenant - et, pour chacune des deux premières années de la
convention collective, la négociation pourrait porter sur la
détermination des salaires et des échelles de salaires. Pour la
troisième année, puisque le ministre nous dit, avec raison, qu'on
ne peut prévoir la situation économique, la marge de manoeuvre du
gouvernement, on va convenir et on va négocier - encore là sur
une base d'égalité - des paramètres qui permettront de
fixer les salaires. Cela fera partie du règlement.
Qu'est-ce qu'il y a d'inacceptable dans cela, M. le Président?
Qu'est-ce qui ferait en sorte que le ministre tienne absolument à toute
sa mécanique qu'il y a dans les articles suivants, d'un institut de
recherche sur la rémunération, d'une réglementation
où en entend les parties qu'on impose? Est-ce que le ministre craint de
ne pas être capable de convaincre l'opinion publique et ses
vis-à-vis syndicaux qu'un certain nombre de paramètres, que la
situation économique et budgétaire du gouvernement, et que les
priorités sociales imposent une certaine approche pour fixer les
échelles et la masse salariale de la troisième année?
Est-ce que le ministre a tellement peur que le gouvernement soit incapable de
convaincre ses vis-à-vis syndicaux et de convaincre la population? Si on
veut favoriser la responsabilité, ce n'est pas en mettant le fusil sur
la table qu'on va convaincre les gens de réfléchir, de comparer
les sacrifices qu'on leur demande parfois avec ceux qui sont imposés
ailleurs à d'autres catégories de la population. Ce n'est
certainement pas de cette façon qu'on va développer des relations
du travail responsables.
Je ne sais pas combien il y aurait eu de points difficiles au cours des
dernières négociations si on avait laissé le processus
normal se poursuivre. On ne le saura jamais parce qu'avant même que la
discussion commence plus sérieusement, il y avait une avalanche de lois
spéciales qui étaient présentées. Là, on
décide de rendre cela permanent dans le projet de loi. C'est
contre-productif, ce n'est pas une amélioration. Au contraire, on va
régresser dans le domaine des relations du travail. Il n'y a pas
seulement cet article, mais il y en a d'autres sur lesquels nous reviendrons
plus tard, mais celui-là en particulier ne favorise pas le
progrès, la maturité et la responsabilité dans les
relations du travail. C'est pourquoi on a présenté cet amendement
et, encore une fois, je ne comprends pas ce qui là-dedans est
inacceptable pour le ministre et le gouvernement.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Le Blanc-Bantey: Je comprends que le ministre n'a aucun
commentaire à faire.
M. Clair: M. le Président, je ne sais pas exactement
à quoi m'en tenir. Je vais essayer d'ajuster mon comportement de
façon qu'il soit le plus utile aux travaux de la commission. D'un
côté, on m'a reproché de m'être "auto-filibuster", et
de l'autre côté on m'a dit qu'il n'y avait qu'aujourd'hui
où j'avais répondu aux questions. Je voulais attendre que toutes
les interventions sur l'amendement aient eu lieu avant de donner un point de
vue. Peut-être que cela pourrait contribuer à rendre nos travaux
les plus utiles possible.
Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, comme l'a
souligné le député de Rosemont et compte tenu de ce que
nous avons entendu à la fin de l'après-midi, effectivement, le
couperet est à la veille de tomber sur ce projet de loi après
quatre jours et demi de délibérations. Comme je l'ai dit, c'est
avec plus ou moins d'enthousiasme que je continue à participer aux
travaux de cette commission, compte tenu surtout de l'attitude qu'a eue le
ministre depuis le début de nos discussions, qui, à toutes fins
utiles, a rejeté tous les amendements qui auraient pu permettre à
cette réforme de devenir plus acceptable et, encore une fois, de devenir
plus acceptable à une des parties fondamentales dans la réussite
des objectifs poursuivis par ce projet de loi, soit la partie syndicale, bien
sûr. Je trouve que c'est une attitude qui est extrêmement malsaine,
qui présage, comme l'a dit le député de Deux-Montagnes cet
après-midi, de ce que seront les prochaines négociations, si
c'est ce gouvernement qui les dirige. Si c'est un autre, on verra en temps et
lieu. Pour le moment, je vous assure que cela n'augure rien de bon et cela
n'augure certainement pas un grand changement eu égard à ce que
nous avons vécu par le passé.
Sur l'amendement du député de Rosemont, je vais tenter
d'intervenir le plus rapidement possible. Il m'apparaît qu'il y a dans
cet amendement des possibilités de faire en sorte que les
négociations se déroulent de la façon la plus respectueuse
possible des parties en cause et en même temps de la façon la plus
efficace dans la perspective toujours de maintenir à l'occasion de ces
conflits un maximum de paix sociale au Québec.
Ce que le député de Rosemont a dit et
que je reprends à mon compte, s'il me le permet, parce que cela
m'apparaît essentiel de le répéter en espérant que
le ministre finira par comprendre et à revenir sur son entêtement,
c'est que cet amendement permet d'éliminer toute réglementation
unilatérale qui, dans tous les cas de l'expérience vécue
au Québec ces vingt dernières années, a toujours
été génératrice de conflits,
génératrice de frustrations, comme je le disais cet
après-midi, et qui a finalement contribué à faire
dégénérer non seulement le climat social au Québec,
mais le climat des relations du travail.
On parle beaucoup des équilibres budgétaires de
l'État, et j'en suis. Je pense que tout le monde va admettre que
l'État, le gouvernement a la responsabilité de faire en sorte que
la gérance de la gestion publique soit le plus en conformité avec
un certain nombre d'arbitrages qu'il y a à faire dans cette
société en fonction des besoins qu'un ensemble de
clientèle peut avoir.
Cela dit, on a peu souvent parlé du coût financier
qu'implique un climat de relations du travail complètement
dégénéré, en raison, bien sûr, de la
multitude de conflits de travail que nous avons vécus dans les secteurs
public et parapublic ces vingt dernières années. Je l'ai dit cet
après-midi, je le répète, ces conflits de travail ont
été causés non seulement par certains abus que tout le
monde pourra admettre du côté de la partie syndicale, mais aussi
par certains abus du gouvernement, des gouvernements qui se sont
succédé, qui ont eu, ou tendance à agir
unilatéralement et à finalement ne pas faire en sorte que des
négociations aient les meilleures chances d'aboutir, mais qui ont eu
aussi tendance, pour des raisons strictement éiectoralistes, à
donner peut-être un peu plus que les moyens ne le permettaient ou, au
contraire, à en enlever, ce que le gouvernement est en train de faire.
C'est aussi une démarche - je m'excuse de le dire aussi brutalement -
essentiellement électo-raliste: pensant que la majorité de la
population souhaite cela, le gouvernement le fait.
Pendant ce temps, il y a sur le plan de la productivité dans les
secteurs public et parapublic un certain nombre de problèmes. Personne
n'a pensé mesurer le coût financier et social, le coût
humain qu'impliquait un climat de relations du travail complètement
difficile, démobilisateur et qui, essentiellement, ne tient pas compte
de la volonté qu'ont en même temps les employés de
contribuer au mieux-être de la société
québécoise.
(20 h 45)
Je prétends que l'amendement du député de Rosemont
éviterait une réglementation unilatérale de la part de
l'État qui ne peut qu'aboutir à des conflits que personne ne
souhaite. L'amendement permet en même temps de maintenir ce que
j'appellerais l'équilibre des forces. Je l'ai dit et je le
répète cet après-midi, il m'apparaît que nous avons
intérêt, au-delà des idéologies que nous avons les
uns les autres, à maintenir au Québec un véritable
régime de négociation qui ne soit pas un régime
handicapé de son principal rapport de forces et que nous avons tout
intérêt à maintenir entre les groupes de pression patronaux
et les groupes de pression syndicaux un rapport de forces qui soit respectueux
essentiellement des différentes forces présentes dans la
société québécoise. Comme d'autres l'ont dit - je
le répète - nous avons tous la conviction - sans doute que le
ministre pourra le reconnaître - que les centrales syndicales, et en
particulier ce rapport de forces, nous ont permis comme société
de progresser sur un certain nombre de points dont nous sommes tous très
fiers, comme Québécois.
L'amendement du député de Rosemont nous permettrait
d'éviter ce qui est tout à fait prévisible, étant
donné le libellé de l'article 52. Étant donné que
les syndiqués n'auraient le droit de grève que la première
année, ce qu'on peut prévoir, en effet, c'est que ça
conditionne la partie syndicale à profiter de cette première
année pour faire de la surenchère parce que, évidemment,
durant les deuxième et troisième années, comme ils
n'auront aucun droit de grève et, à toutes fins utiles, aucun
droit de parole, le réflexe peut être très fort de faire de
la surenchère sur la négociation de la première
année.
Donc, on fait en sorte, en partant, que cette négociation n'ait
aucune chance d'aboutir parce que, compte tenu des circonstances - qui pourrait
en blâmer la partie syndicale dans un tel contexte - cela pourrait faire
en sorte que les demandes soient effectivement disproportionnées non
seulement par rapport à la capacité de payer des citoyens, mais
aussi aux prévisions qu'aurait pu faire le gouvernement en fonction des
négociations. Il m'apparaît que sur le plan strictement
opérationnel, pour revenir à une formule qui est chère au
ministre, cet article ne fera que perpétuer ce qu'on a vécu
durant un certain nombre de négociations, c'est-à-dire des
écarts absolument infranchissables entre les demandes syndicales et ce
que le gouvernement pourrait se permettre d'offrir.
Il y a aussi un deuxième inconvénient majeur et que
d'autres ont soulevé, c'est que cet article, tel que stipulé,
nous promet à l'avance des crises annuelles dans les domaines de la
négociation et de la rémunération dans les secteurs public
et parapublic. Le ministre pense, parce que les syndiqués ont le droit
de grève la première année, que la deuxième et la
troisième
année, il va décider unilatéralement de la
rémunération, qu'il va faire ses règlements et que, de
préférence, cela va passer à la Gazette officielle quand
l'Assemblée nationale ne siégera pas, et probablement durant les
périodes où ça ne sera pas trop facile de mobiliser les
syndiqués, comme maintenant, et il pense que ça va passer
probablement comme une lettre à la poste.
Or, je serais fort surprise que ça se passe aussi facilement et
aussi naturellement. Au contraire, j'ai malheureusement l'impression que ce qui
risque d'arriver, c'est que nous nous préparions des crises sociales et
des psychodrames collectifs annuels. Qui, encore une fois, pourrait en
blâmer les syndiqués? Effectivement, de la façon dont le
ministre a prévu les négociations dans le domaine de la
rémunération, il a tout mis en place pour qu'il n'y ait aucune
discussion possible, aucune négociation possible, et que, encore une
fois, le processus engendre toute une série de frustrations et toute une
série de malaises qui feront en sorte que ça ne sera toujours pas
vivable, non seulement au moment des négociations, mais en même
temps, sur le terrain, dans les réseaux, que ce soit de
l'éducation, des hôpitaux ou de la fonction publique.
Ne serait-ce que pour ces quatre raisons que j'ai évoquées
- je pourrais en évoquer encore un certain nombre - et en
espérant qu'en invoquant le minimum de raisons, le ministre sera plus
ouvert à comprendre - cela lui en fera moins à digérer -
je m'arrêterai et j'espère très sincèrement que,
dans une attitude de collaboration, puisque, maintenant, le couperet vient de
tomber et qu'il ne nous reste que très peu de temps pour tenter
d'améliorer cette réforme qui nous apparaît
extrêmement néfaste telle qu'elle est conçue actuellement,
le ministre va, ce soir, manifester l'ouverture d'esprit qu'il avait
commencé à manifester cet après-midi, tout au moins dans
son écoute, et qu'il va effectivement accepter l'amendement du
député de Rosemont.
Le Président (M. Lachance): Je voudrais expliquer à
Mme la députée qu'il n'y a pas de couperet de tombé. Une
intention ferme a été manifestée par le biais d'une motion
du leader, un peu avant 18 heures, mais, jusqu'à maintenant, c'est une
intention, il n'y a pas de couperet.
Mme LeBlanc-Bantey: Vous êtes en train de me dire que c'est
une arme de négociation.
Le Président (M. Lachance): Ah! Vous pouvez
l'interpréter comme vous voulez, mais...
Mme Le Blanc-Bantey: C'est du chan- tage, c'est le bâton,
et peut-être bien qu'on pourrait avoir un peu de carotte. Pourrait-on
avoir des éclaircissements, à savoir si le gouvernement est
sérieux dans son intention de laisser tomber le couperet sur le projet
de loi 37 ou s'il ne s'agit que d'une stratégie?
M. Clair: Je voudrais donner une information, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): C'est cela. Je n'ai pas
à commenter, c'est tout simplement l'exactitude des faits. Une intention
a été manifestée par le leader du gouvernement et, tant et
aussi longtemps que la motion ne sera pas adoptée en bonne et due forme,
les travaux se poursuivent en commission. Quelqu'un veut-il prendre la parole
ou si on dispose de la motion du député de Rosemont tout de
suite?
M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, j'avais indiqué que je
prendrais la parole après que les députés aient..
M. Ryan: Pardon?
M. Clair: Le député d'Argenteuil voudrait-il
intervenir sur la motion d'amendement?
M. Ryan: Je voulais demander le vote.
M. Clair: Là, vous allez me reprocher de vouloir parler,
"tabarnouche".
M. Ryan: Ce n'est pas ce que je veux reprocher au ministre. Si le
ministre veut parler pour annoncer qu'il est prêt a faire des
amendements, cela va nous aider, mais, s'il veut dire qu'il n'accepte pas
l'amendement, on serait aussi bien de voter et de passer à un autre
article. Cela fait environ quatre ou cinq heures qu'on est sur celui-là.
Si le gouvernement est sérieux, il devrait au moins retenir sa langue un
peu.
Le Président (M. Lachance): On passe au vote.
M. Clair: M. le Président, j'avais promis au
député de Rosemont que je commenterais ses propos. Je vais
essayer de le faire brièvement.
Le député de Rosemont commence en disant que c'est un
mauvais projet de loi et que le gouvernement agit pour faire plaisir à
l'opinion publique parce que celle-ci s'attend qu'un projet de loi soit
adopté. Je lui dirai deux choses à cet égard: si je
diffère d'opinion, ce n'est pas pour faire plaisir à l'opinion
publique. Le Québec a besoin d'une modification de son régime de
négociation, et maintenant, si l'on ne veut pas que la
prochaine négociation se déroule avec les mêmes
règles du jeu conduisant aux mêmes affrontements que lors des deux
dernières rondes et d'un certain nombre d'autres antérieures.
Quand il dit que c'est une mauvaise loi - chacun est libre de son jugement -
quant à moi, par rapport à ce qu'on peut regarder entre le statu
quo renforcé, que le député de Rosemont semble
défendre, et des mesures qui iraient beaucoup plus loin et qui sont
avancées par l'Opposition libérale, cette loi est
modérée et raisonnable.
Dans son intervention, le député de Rosemont a
diminué à l'avance le rôle que pourrait jouer la commission
parlementaire lorsqu'elle entendrait les parties sur le projet de
règlement qui pourrait résulter d'une entente. Quant à
moi, après huit ans et demi, bientôt neuf ans - d'ailleurs,
à la même date d'entrée ici dans ce Parlement que les trois
députés - en commission parlementaire - je le dis comme je le
pense - lorsque les propositions gouvernementales sont déraisonnables,
effectivement, elles entraînent une mobilisation de l'opinion publique
qui force le gouvernement à réviser ses positions.
Si le processus d'une commission parlementaire a été
introduit, qui n'apparaissait pas dans l'avant-projet de loi et qui
apparaît maintenant dans le projet de loi, c'est justement pour permettre
qu'un débat ait lieu en commission parlementaire. Si ce que l'une ou
l'autre des parties propose est déraisonnable, par la couverture que les
médias accorderaient aux travaux d'une telle commission, ce serait
certainement l'objet de réflexions de la part d'un gouvernement, quel
qu'il soit.
Qu'est-ce qui est inacceptable dans l'amendement du député
de Rosemont. C'est la dernière question qu'il m'a posée. D'abord,
en ce qui concerne le premier paragraphe, lorsqu'il propose que les
stipulations de la convention collective qui portent sur les salaires et les
échelles de salaires soient négociées et
agréées à l'échelle nationale pour une
période maximale de trois ans, à moins d'ententes à
l'effet contraire entre les parties négociantes à
l'échelle nationale, je dirai simplement là-dessus que le Code du
travail prévoit déjà cela. Alors, il n'y a rien de neuf
sous le soleil à cet égard. Cela ne change strictement rien, le
député le reconnaît. C'est le statu quo à cet
égard.
En ce qui concerne la deuxième partie, sans entrer sur la
question du droit de grève ou pas, nous avons évalué cette
possibilité de fixer une troisième année ouverte sur la
base de paramètres prédéterminés. Le
député m'a déjà dit que le projet de loi
n'était pas franc, et non pas moi, m'a-t-il dit, je dirai
qu'après avoir soupesé toutes ces hypothèses afin
d'essayer de déterminer les indices composés ou composites,
d'attribuer à l'avance un certain poids à la croissance du PIB,
à la croissance du salaire industriel moyen, à celle des taux
d'intérêt, de l'inflation, des taux de change, cela conduit
à de la prédétermination des salaires trois ans à
l'avance. Entre diverses possibilités, on a examiné la
possibilité d'une convention de deux ans, on a examiné ce qu'on
appelait la formule dite d'un horizon glissant, c'est-à-dire de
s'entendre ferme pour une année et d'avoir des paramètres
prédéterminés entre les parties pour la deuxième
année, pour que, de cette façon, de façon continue, on
négocie avec une année ferme, une année ouverte.
Après avoir bien soupesé le pour et le contre de toutes et
chacune de ces hypothèses, au-delà de la question du droit de
grève, en dehors de la question du droit de grève sur la
rémunération, nous en sommes venus à la conclusion qu'il
valait mieux faire maintenant un choix clair, précis, de dire que les
rémunérations, les traitements... Ce n'est pas ma faute, c'est
mon nom, je suis venu au monde avec, j'y suis habitué. Alors, on a
préféré faire un choix où les règles du jeu
seraient précises, si vous préférez le terme, où
les rémunérations évolueraient annuellement.
C'était là la meilleure garantie qu'on pouvait offrir au
gouvernement et aux salariés des secteurs public et parapublic, que les
rémunérations évolueraient le plus possible en
conformité par rapport à ce qui se passe dans le reste de
l'économie. Il n'y a pas de formule mathématique savante ou de
paramètres composés qui peuvent, mieux que la fixation annuelle
des salaires, permettre cela, et c'est la raison pour laquelle je
considère que cette partie de l'amendement du député est
inacceptable pour le gouvernement puisque l'orientation prise, c'est celle que
je viens d'évoquer. Voilà pour les réponses, parce que
j'avais dit au député d'Argenteuil - il faut que je tienne parole
aussi - que je serais assez bref.
M. Ryan: L'essentiel aurait pu être dit en deux minutes, M.
le Président. On aurait mieux compris.
M. Clair: Non, non, je connais l'esprit éclectique,
synthétique du député d'Argenteuil, mais malheureusement
je ne l'ai pas.
M. Laplante: Vous n'êtes pas "circoncis" tellement vous non
plus.
Une voix: Circoncis? M. Clair: Circonscrit. M.
Laplante: Circonscrit.
M. Clair: Si cela vous est arrivé, j'espère qu'au
moins c'est arrivé dans votre
circonscription.
M. le Président, très rapidement, pour la
députée des Îles-de-la-Madeleine. Elle a fait valoir trois
points que j'ai notés de cette façon. Elle a parlé des
abus que les gouvernements successifs auraient commis. Chacun a son
interprétation, mais j'aurais tendance à employer l'expression
que quelqu'un d'autre a déjà utilisée avant moi. Sur le
plan salarial - je ne parle pas de corrections en termes relatifs, mais en
termes de gravité - nommez-moi un seul cas d'abus grave, majeur,
concernant la rémunération qui a été commis dans le
secteur public par rapport au secteur privé en termes de
discrimination.. Autrement dit, quand est-il arrivé que dans le secteur
public le gouvernement ait eu une politique salariale discriminatoire dans le
sens d'aggraver des discriminations qui auraient existé dans le secteur
privé? Je pense que cela va être difficile d'en trouver.
Mme Le Blanc-Bantey:... la question du ministre.
M. Clair: Elle parlait des abus que les gouvernements auraient
commis. Je pense que, sur le plan salarial, je suis en désaccord. La
députée dit que c'est par électoralisme...
Mme Le Blanc-Bantey: La députée.
M. Clair: La députée, c'est ce que j'ai dit. La
députée dit que ce serait par électoralisme. M. le
Président, je ne suis pas un savant tacticien ni analyste politique,
mais je dirai que, par électoralisme, actuellement, ce qui serait le
plus simple, c'est l'approche du Parti libéral qui, à mon avis,
sur le plan de la stricte rentabilité politique à court terme,
pourrait probablement être celle qui est la plus facile à
défendre. Je ne dis pas, par rapport aux conséquences qu'il
aurait à envisager advenant que ce soit une telle réforme, que
cela ne demanderait pas beaucoup de détermination pour mettre en oeuvre
une telle réforme au-delà d'en parler. Je pense que par
électoralisme, au sens péjoratif dans lequel la
députée l'employait, ce ne serait pas le genre de réforme
qu'on propose actuellement. (21 heures)
En ce qui concerne les scénarios catastrophiques annuels qui
pourraient se produire, quant à moi, j'ai confiance dans le sens des
responsabilités de la partie patronale, des syndicats du secteur public,
des salariés. Dans la mesure où toutes les parties voudront
donner une chance sincère a cette réforme d'être mise en
oeuvre, je n'entrevois pas, quant à moi, de scénario
catastrophique annuel. Je pense qu'au contraire ce qu'on aura mis en marche,
c'est une première phase de développement de relations du travail
moins conflictuelles dans les secteurs public et parapublic.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci. Je n'allais pas intervenir sur cet
amendement.
M. Clair: M. le Président, pour ajuster autant que faire
se peut mon comportement, pour les heures qu'il nous reste, sur les attentes de
l'Opposition officielle et des députés indépendants,
j'aimerais qu'il y ait un minimum de concertation. J'avais indiqué
à l'avance que je préférerais intervenir à la fin
des interventions des indépendants. Remarquez que ce n'est pas... Cela
ne s'impose pas, mais je le proposais. Si cela peut agréer, tant mieux,
sinon j'essaierai de restreindre davantage mes interventions.
M. de Bellefeuille: Je ne veux pas troubler l'ordre des choses
que le ministre avait prévu. Comme j'étais en train de le dire,
je n'avais pas l'intention d'intervenir sur cet amendement, mais ce sont les
propos du ministre qui me forcent à exprimer, en toute
simplicité, l'avis que le râle que le gouvernement, le ministre,
le projet de loi prévoit pour une commission de l'Assemblée
nationale est obscur. Ce n'est pas clair. C'est un peu comme le rôle de
l'institut dans le système proposé par le ministre, ce n'est pas
clair. Je pense que nous nous mettrons facilement d'accord que
l'Assemblée nationale n'a pas à se mettre à intervenir
dans un processus de négociation. Nous nous mettrons également
d'accord que l'Assemblée nationale n'a pas à intervenir ou
à se prendre pour une médiatrice. Le ministre a raison de parler
d'un effet modérateur, temporisateur par rapport à l'opinion
publique, lorsque les gens viennent présenter leurs propositions
à l'Assemblée nationale qui est composée des
représentants de toute la population québécoise. Il est
bien sûr que cela a cet effet. Sur ce point, je suis tout à fait
d'accord avec le ministre. Je ne suis pas en train de dire qu'un recours comme
celui-là à l'Assemblée nationale est nécessairement
de mauvaise inspiration. Au contraire, c'est le genre de mécanisme que
personnellement -on ne s'en étonnera pas puisque je suis
député - je tends à favoriser à cause de cet effet
modérateur. En soi, c'est une bonne chose, mais dans l'ensemble du
contexte...
M. Ryan: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: 11 me semble que
l'intervention de l'Assemblée nationale, ça vient à
l'article 54. Il me semble que nous sommes sur un amendement à l'article
52. Est-ce que je me trompe?
M. de Bellefeuille: Sur la question de règlement. Le
député d'Argenteuil en un sens a raison, mais j'ai
été induit, entraîné sur cette pente glissante par
le ministre lui-même qui vient de faire référence...
M. Clair: Lui-même avait été
entraîné par le député de Rosemont.
M. de Bellefeuille: Tout se tient, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, tout se tient, mais je
pense que c'est pertinent ce que M. le député d'Argenteuil vient
de signaler à la présidence.
M. de Bellefeuille: Autrement dit, le ministre lui peut violer le
règlement. Cela n'a pas d'importance, il peut continuer, mais les
députés de l'opposition, ce n'est pas pareil.
Le Président (M. Lachance): Cela ne m'a pas
été signalé jusqu'à maintenant.
M. Ryan: On va surveiller le ministre de très près
aussi.
M. de Bellefeuille: M. le député d'Argenteuil, il
n'en tenait qu'à vous de le faire. J'ai pensé que plutôt
que, de faire de l'obstruction et de faire de la procédurite, il valait
mieux discuter la question au mérite. C'est ce que je fais, discuter de
cette question du rôle de l'Assemblée nationale dans tout ce
mécanisme. Si le président juge que c'est conforme au
règlement, je recommencerai depuis le point a, quand ce sera conforme au
règlement.
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'on peut
disposer...
M. de Bellefeuille: Ce n'est pas une menace. C'est une intention
que j'annonce, M. le député de Châteauguay.
M. Dussault: Merci.
M. Ryan: Ce qui est conforme à vos droits.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le député
d'Argenteuil.
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'on peut disposer de
la motion d'amendement du député de Rosemont? Est-ce que la
motion est adoptée?
Des voix: Rejeté.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Favorable à la motion.
M. Paquette: Est-ce qu'on pourrait procéder? C'est parce
que ma collègue était sortie quelques instants. Je suis sûr
qu'elle demanderait un vote nominal, question de savoir qui est pour et qui est
contre.
Mme Le Blanc-Bantey: J'avais effectivement, M. le
Président, depuis tout à l'heure, décidé de
demander un vote nominal. Je m'excuse de m'être absentée quelques
minutes.
Le Président (M. Lachance): Nous allons procéder.
M. le secrétaire. Est-ce que vous voulez faire l'appel nominal, s'il
vous plaît?
Le Secrétaire: Oui. Mme Juneau (Johnson)?
Mme Juneau: Rejeté.
Le Secrétaire: M. Dussault (Châteauguay)?
M. Dussault: Rejeté.
Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?
M. Baril (Arthabaska): Rejeté.
Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville)?
M. Beauséjour: Contre.
Le Secrétaire: M. Laplante (Bourassa)?
M. Laplante: Contre.
Le Secrétaire: M. Clair (Drummond)?
M. Clair: Contre.
Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine)?
Mme Le Blanc-Bantey: Pour.
Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?
M. Ryan: Pour.
Le Président (M. Lachance): Alors, pour 2; 6 contre. La
motion d'amendement du député de Rosemont est rejetée.
Alors, nous revenons à l'article 52. Est-ce que l'article 52 est
adopté?
Une voix: Sur division.
M. Paquette: M. le Président, il va être
adopté sur division. C'est ce qui arrive quand le gouvernement a tout le
rapport de forces de son côté.
Mme Le Blanc-Bantey: On va redemander le vote nominal.
Le Président (M. Lachance): Alors, M. le
secrétaire.
Le Secrétaire: Mme Juneau (Johnson)? Une voix: Tu
votes contre? Mme Juneau: Mais non!
Le Secrétaire: M. Dussault (Châteauguay)?
M. Clair: Ce n'est plus la même chose, là.
Une voix: L'article 52?
Le Président (M. Lachance): C'est bien cela. L'article 52,
tel que vous le voyez dans le projet de loi.
M. Dussault: Pour, M. le Président.
Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?
M. Baril (Arthabaska): Pour.
Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville)?
M. Beauséjour: Pour.
Le Secrétaire: M. Laplante (Bourassa)?
M. Laplante: Pour.
Le Secrétaire: M. Clair (Drummond)?
M. Clair: Pour.
Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine)?
Mme Le Blanc-Bantey: Contre.
Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?
M. Ryan: Contre.
Le Président (M. Lachance): Alors, l'article 52 eat
adopté...
M. Laplante: Pourriez-vous nous dire le temps qu'on a
passé sur l'article 52?
Le Président (M. Lachance): C'est très facile.
C'est depuis le début de nos travaux aujourd'hui.
Mme Le Blanc-Bantey: M. le député de Bourassa,
c'est un article qui interdit le droit de grève, à toutes fins
utiles, dans le secteur de la rémunération.
Le Président (M. Lachance): Pour éviter de perdre
du temps supplémentaire pour le travail de la commission, M. le
député de Bourassa, vous allez convenir que je n'ai pas à
faire de calculs. J'appelle donc l'article 53. M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Ayant pris connaissance de l'article 53, je trouve qu'il
découle logiquement de ce qui a été adopté
antérieurement. Je veux vous informer que je serais prêt à
voter sur cet article.
M. Clair: Attendez un peu. J'ai un amendement, M. le
Président, à proposer à l'article 53. Je m'excuse. Je
voudrais proposer que l'article 53 du projet de loi soit modifié par le
remplacement, dans la cinquième ligne, des mots "les stipulations
portant sur les" par les mots "la détermination des". Il s'agit d'un
changement de vocabulaire visant à tenir compte du fait que les salaires
et échelles de salaires sont objet de règlement et non de
convention, même s'il y a entente.
Le Président (M. Lachance): Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. Paquette: M. le Président, dans l'esprit
général, je vois que le ministre est tout à fait logique
et conséquent...
M. Clair: Et franc, vous le reconnaîtrez.
M. Paquette: On n'a jamais dit le contraire. On a dit que
c'était le projet de loi et l'approche qui ne l'étaient pas, et
non le ministre qui défend, je pense, ses opinions et qui a le droit de
différer d'opinion avec nous. Évidemment, nous différons
d'opinion sur le rôle qu'on fait jouer à l'institut, qui va miner
sa crédibilité parce qu'on l'insère dans un organisme,
dans une mécanique patronale. Le ministre, pour être bien
sûr, nous amène un amendement disant que tout cela sera bien
déterminé par règlement. C'est tout à fait
conséquent avec son projet de loi et nous ne pouvons que nous y opposer,
M. le Président.
M. Ryan: Je ne comprends pas très bien. Je vais être
obligé de demander des explications au ministre. Je serais porté
à croire que, s'il y a entente entre les deux parties, il y a
convention. Maintenant que, du point de vue gouvernemental, la convention doive
être ratifiée par un règlement, je comprends cela
très bien. Je pense que, si ce sont les deux qui se
complètent, il n'y a pas d'objection, mais, si la
réalité de la convention devait être éliminée
au profit de la réalité de règlements uniquement,
là, j'aurais des objections. Dans la mesure où vous me dites:
S'il y a entente et qu'ensuite cela suit le processus qui va plus loin et que
cela débouche sur un règlement, je comprends cela très
bien.
M. Clair: C'est-à-dire que, s'il y a entente, le projet de
règlement reproduit l'entente, mais cela ne vient pas pour autant
constituer une nouvelle convention collective. Cela s'introduit dans la
convention collective et c'est réputé en faire partie. J'ignore
à quel... je pense que c'est à l'article 56. C'est cela: "Une
fois fixés par règlement, les salaires et échelles de
salaires font partie de la convention collective et ont le même effet que
des stipulations négociées et agréées à
l'échelle nationale. "
Comme je le disais tantôt, c'est pour être plus direct et
reconnaître le fait que les salaires, par la mécanique
prévue, font l'objet d'une détermination et non pas, à cet
égard, d'une convention. Dans le règlement, rien n'empêche
que - je le souhaite - des ententes de principe interviennent, mais elles sont
introduites dans la convention collective à compter du moment où
il y a un règlement et, de cette façon, par le biais de l'article
56 dans la convention.
Si vous voulez des renseignements plus techniques, peut-être que
Me Brière...
M. Ryan: Oui.
M. Clair:... ou Me Munn...
M. Ryan: Des fois, ce n'est pas mauvais d'avoir...
Une voix: Les explications sont conformes.
M. Ryan: Pardon?
M. Clair: Ils me disent qu'ils viendraient dire la même
chose que j'ai dite.
M. Ryan: Maintenant, juste pour que ce soit net, prenons la
première année. Il y a entente entre les deux parties pour la
première année.
M. Clair: Oui.
M. Ryan: Là, en vertu de l'article 54, le président
du Conseil du trésor va déposer devant l'Assemblée
nationale un projet de règlement.
M. Clair: Pour la deuxième et la troisième
année.
M. Ryan: Où est-ce que vous voyez cela? Ce n'est pas
marqué dans...
M. Clair: Non, non.
M. Ryan:... l'article 54.
M. Clair: Alors, Me Jules Brière.
M. Brière (Jules): Je pense qu'il faut relire le
deuxième alinéa de l'article 52.
M. Ryan: Oui.
M. Brière: Au fond, l'article 52 parle d'une entente sur
la première année de la convention collective et pour les
années qui suivent...
M. Ryan: Très bien.
M. Brière:... n'est-ce pas?
M. Ryan: Très bien.
M. Clair: C'est qu'à l'intérieur de la même
convention collective il y a deux modes de détermination...
M. Ryan: Très bien.
M. Clair:... des salaires et échelles de salaires.
M. Ryan: Cela veut dire que, s'il y a entente pour la
première année, il n'y a pas de règlement.
M. Brière: Non.
M. Clair: Non.
M. Ryan: Très bien.
M. Clair: Non, non.
M. Ryan: C'est cela que...
Le Président (M. Lachance): Est-ce que l'amendement est
adopté? Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
M. Ryan: Attendez un petit peu.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je veux juste vérifier l'article 53.
Le Président (M. Lachance): Sur l'amendement, M. le
député?
M. Ryan: C'est parce que l'article 53 couvre la première
année. Il ne touche pas à la première année du
tout?
M. Brière: Non, non. Le deuxième alinéa de
l'article 52 le précise: "... pour chacune des deux années qui
suivent celle où s'appliquent ces stipulations, les salaires... " sont
déterminés de la façon suivante... Alors, les articles 53,
54, 55 s'appliquent, admettons, pour l'an 2 et l'an 3 de la convention.
M. Ryan: C'est clair comme cela, d'après vous.
M. Brière: Et là, c'est déterminé. M.
Ryan: Très bien.
Le Président (M. Lachance): Cela va? Mme la
députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Le Blanc-Bantey: Très rapidement parce que j'avais un
certain nombre de questions que le député d'Argenteuil a
très élégamment posées à ma place. Je
voudrais dire au ministre, pour être conséquent et cohérent
avec ce qu'il nous a dit depuis le début de la discussion sur les
négociations de la rémunération, qu'il devrait enlever le
mot "négocie" de l'article 53.
Une voix: Bien oui.
Mme Le Blanc-Bantey: Même si je n'en fais...
M. Clair: Non, M. le Président.
Mme Le Blanc-Bantey:... pas un amendement formel, en me disant:
Espérons que l'esprit finira par changer et qu'on négociera
vraiment.
M. Paquette: M. le Président, là-dessus, on va
revenir à l'article 44. Au deuxième alinéa de l'article
44, le ministre avait employé le terme "discussion"; peut-être que
le terme conviendrait davantage ici que "négociation".
M. Clair: M. le Président, l'article 44...
M. Paquette: C'est un peu curieux.
M. Clair:... quand on parie des modalités de discussion
entre les parties pendant la durée de la convention collective dans le
but d'aplanir leurs difficultés, je pense qu'il s'agit d'une toute autre
chose que ce qui est prévu à l'article 53.
M. Paquette: Oui, oui, je veux bien.
Mais...
M. Clair: Et quand on emploie le mot "négocie", j'ai eu
l'occasion de le dire dans le débat de deuxième lecture, il n'y a
qu'au Québec, ou à peu près, ainsi que dans certaines
provinces canadiennes et dans certains pays Scandinaves, où la notion
même de négociation signifie un rapport contractuel entre le
gouvernement et les syndicats du secteur public de ces pays pour la
détermination des salaires. Je pense que ce n'est pas impropre que
d'employer le mot "négocie" dans ce cas, même si je suis conscient
que le concept de négocier, tel qu'il est généralement
entendu au Québec, signifie droit de grève, convention
collective, rapport de forces. Mais je pense que, dans ce cas-là, le mot
n'est pas employé d'une manière impropre.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil, d'abord, et, ensuite, on reviendra.
(21 h 15)
M. Ryan: À la lumière des explications fournies par
le conseiller juridique du ministre tantôt, je conviens que l'article 53
porte uniquement sur la deuxième et la troisième année. En
conséquence, je dois vous prévenir que je voterai contre cet
article, contrairement à ce que j'avais indiqué tantôt
parce que ma lecture était différente.
M. Clair: Parce que vous pensiez que cela couvrait la
première année?
M. Ryan: Oui. Nous sommes contre cet échelonnement sur
trois années, avec des procédures différentes. Par
conséquent, logiquement, je pense que vous comprendrez que je sois
opposé à cette clause.
Le Président (M. Lachance): On parle toujours de
l'amendement, ou bien on parle...
M. Ryan: Comme j'ai déjà énoncé mes
motifs lors de la discussion générale, je craindrais qu'à
force de les répéter je ne les affaiblisse.
Le Président (M. Lachance): Mme la
députée.
Mme Le Blanc-Bantey: Le ministre me permettra de réagir
parce qu'il a une vision totalement différente des mots "négocier
au Québec" de la mienne. Évidemment, il ne m'a pas convaincue par
ses arguments. Le ministre dit: Négocier au Québec...
M. Clair: Ils étaient très brefs.
Mme Le Blanc-Bantey:... c'est rapport de forces, droit de
grève, etc. Je dis: Pour moi, négocier au Québec, c'est la
volonté réelle des deux partenaires d'en arriver à une
entente, à un règlement. C'est aussi la bonne foi et le respect
de l'autre partie, ce
qui n'est pas évident depuis le début, dans les propos
tenus à cette commission.
M. Clair: Ce serait trop long probablement, mais est-ce que la
députée a vraiment lu l'étude... Je n'ai jamais eu
l'occasion de lui poser la question. Est-ce qu'elle a lu l'étude de MM.
Jean-Claude Cadieux et Jean Bernier sans considérer cela comme une
bible? Je l'invite à relire les pages 7, 8 et 9 où on traite de
cette question de négocier des conventions collectives; c'est
très intéressant à lire.
M. Paquette: M. le Président.
M. Clair: Je sais que, si j'entrais là-dedans, cela
risquerait d'élargir le débat et de l'allonger.
Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, j'accepterais de la
relire si le ministre acceptait de relire certaines études avant
d'adopter le projet de loi.
Le Président (M. Lachance): Je voudrais...
M. Paquette: M. le Président, si vous me le
permettez...
Le Président (M. Lachance): Oui, je voudrais quand
même vous signaler que je fais preuve de largesse, compte tenu de notre
règlement, que nous en sommés à la discussion sur
l'amendement de l'article 53. Si vous n'avez pas d'autres remarques, on
pourrait revenir sur l'ensemble du projet de loi, tel qu'amendé. Est-ce
que vous êtes prêts à disposer de l'amendement tout de
suite?
M. Paquette: Si vous voulez.
Le Président (M. Lachance): Oui? Est-ce que l'amendement
est adopté?
Des voix: Sur division.
Le Président (M. Lachance): Sur division? Bon, très
bien. Maintenant, nous allons poursuivre la discussion sur l'article 53, tel
qu'amendé. M. le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je veux bien convenir avec
le ministre que dans l'étude qu'il a précitée, le mot
"négociation" peut avoir un sens différent, que l'on soit au
Québec, dans certaines provinces canadiennes, dans les pays Scandinaves
ou dans d'autres pays où les salariés ne sont pas en relation
contractuelle avec l'État. Cependant, on doit lui donner un sens qui
colle au contexte où l'on vit, d'autant plus que le projet de loi du
ministre est hybride sur certaines choses. Il y aura de véritables
négociations, notamment sur les salaires de la première
année et sur les conditions normatives. On peut aussi appliquer le terme
au niveau local, bien qu'avec le projet du ministre il ne s'agisse pas non plus
de véritables négociations. Je ne veux pas jouer sur les mots. Il
s'agit de discussions qui mènent, non pas à une entente
discutée librement et agréée par les deux parties, mais
à un règlement gouvernemental. Il me semble que le terme de
"négociation" vient fausser le sens de l'article. Il vaudrait
peut-être mieux employer le terme "discussion". On discute avec les
groupements d'associations de salariés, puisque tout cela ne se termine
pas par une entente signée par les deux parties, mais, dans tous les
cas, par un règlement gouvernemental qui sera imposé, compte tenu
du processus établi à l'article 54. Je pense qu'il ne faut pas
utiliser un terme avec deux sens différents dans un projet de loi. Il me
semble que les intentions seraient plus claires. Il s'agit de discussions
menant à un règlement gouvernemental; ce n'est pas autre chose
que cela.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Le ministre a cité tantôt l'étude de
MM. Cadieux et Bernier. À la page 7 de cette étude, on trouve des
explications sur la signification du mot "négocier". Les auteurs notent
opportunément que, au Québec, on a l'habitude de négocier
des conventions collectives dans le secteur public, et je cite: "Le
gouvernement est donc obligé, comme n'importe lequel employeur du
secteur privé, de se plier aux règles du processus contractuel.
Ce système de règles est désigné souvent par les
expressions "libre négociation", "négociation de bonne foi" et
"négociation d'égal à égal". Il implique pour les
deux parties une série d'obligations: - ce sont des choses qui
découlent directement du concept de négociation comme ils le
formulent - l'obligation de ne pas se dérober à son devoir de
négocier; le gouvernement n'a pas le choix de négocier ou non; il
est juridiquement obligé de le faire; l'obligation de ne pas imposer
à l'autre partie contractante des conditions préalables à
la négociation, par exemple des conditions quant à la
durée de la négociation: ". Je crois que dans ce projet de loi il
y a des...
Une voix:...
M. Ryan: Oui, Oui. "L'obligation de ne rien exclure du champ de
la négociation... ". Là, j'ai fait venir un autre instrument, le
Dictionnaire...
M. Clair: Pour accélérer les travaux.
M. Ryan:... des relations du travail. Le mot "négocier",
j'ai souligné à plusieurs reprises moi-même dans des
interventions antérieures, qu'il ne faut point en abuser, qu'il faut en
user avec toute la précision et toute la rigueur nécessaires.
Peut-être que le ministre peut le regarder. Je n'ai pas peur, c'est un
instrument public. Ici, on dit, par conséquent: "L'obligation de ne rien
exclure du champ de la négociation sans l'accord de l'autre partie;
à l'exception de quelques points précis stipulés dans la
loi, tout est négociable; l'obligation de considérer chaque
proposition de l'autre partie; non seulement tout est négociable mais
tout doit être négocié; chaque terme de l'accord doit
être discuté si l'autre partie l'exige; l'obligation enfin de
respecter tous les termes de l'accord une fois qu'il a été
conclu... "
Il me semble que, dans ce texte, à l'article suivant, le
gouvernement limite et impose à la partie contractante des conditions
préalables à la négociation et en particulier les
conditions quant à la durée de la négociation. Cela va
contre contre le concept de négociation. C'est là que la remarque
faite par la députée des Îles-de-la-Madeleine me
paraît pertinente. Il y a lieu de s'interroger sur le bien-fondé
de l'utilisation à ce point. Pour la première année, il
n'y a pas de problème, mais à ce point-ci il y a lieu de
s'interroger sur l'utilisation du beau mot "négociation" qui ne doit pas
être galvaudé par le pouvoir politique.
M. Clair: M. le Président, justement sur cela, le
député d'Argenteuil nous disait hier même, lorsqu'on a
parlé des explorations concernant l'hypothèse de règlement
possible: Ne jouons pas sur les mots. Il n'y avait pourtant pas droit de
grève. Il a dit: Appelons cela une négociation, c'est une
négociation. Aujourd'hui, il semble avoir changé d'idée.
Je n'ai pas eu le temps de lire rapidement toute la définition du mot
"négociation" du dictionnaire, mais, si on continue - et j'ai reconnu
qu'on voulait s'orienter vers un changement de concept -quand on lit la suite
du rapport Cadieux-Bernier, il est dit: "II est arrivé à
certaines occasions que le gouvernement du Québec, en cas d'impasse dans
les négociations ou de grèves dans le secteur public, suspende le
processus de négociation et fasse appel au pouvoir législatif
pour décréter les conditions de travail des employés de
l'État. Ce faisant, le gouvernement se soustrayait au cadre juridique
habituel et se plaçait dans le cadre de l'appareil législatif,
exceptionnellement entre guillemets et au nom du bien commun - entre guillemets
- en situation d'autorité vis-à-vis des syndicats. Cette
situation considérée exceptionnelle du point de vue
québécois s'apparente au fonctionnement normal des pays
visités. "Aucun des gouvernements des pays en cause n'est tenu
juridiquement, pour déterminer les conditions de travail de l'ensemble
des employés du secteur public, d'entrer avec leurs représentants
syndicaux dans une relation contractuelle. Les conditions de travail sont
déterminées par le gouvernement, soit par voie
réglementaire, soit par voie législative. Ces conditions de
travail ne sont donc pas, du point de vue juridique le résultat de la
volonté mutuelle des parties mais le produit d'une décision
souveraine de l'État. "Cela ne signifie pas qu'il n'existe aucune forme
de discussion entre les représentants des syndicats et les
représentants des gouvernements concernés préalablement
à la détermination des conditions de travail. Mais - et j'insiste
-"négocier" dans les pays européens ne signifie pas
automatiquement "négocier des conventions collectives" et les
gouvernements n'entrant pas avec les syndicats dans une relation contractuelle
ne sont pas obligés de s'astreindre à l'ensemble des obligations
que suppose, pour la conclusion d'un contrat, une "négociation
d'égal à égal". "
Cette problématique, si elle est soulevable - et je reconnais
qu'elle est soulevable - dans le projet de loi tel qu'il est, que le
député d'Argenteuil s'imagine à quel point cette
même problématique est soulevable lorsqu'ils parlent, de leur
côté, par les amendements qu'ils ont proposés, de retirer
complètement le droit de grève sur les questions salariales et de
les maintenir cependant comme faisant partie des conventions collectives! C'est
ce qui m'amenait à dire: Appelons un chat, un chat. Si on enlève
complètement le droit de grève sur la rémunération,
on peut continuer d'appeler ça négociation, mais il faut
reconnaître que le contenu dans le concept vient de changer et, à
ce moment-là, qu'il n'y a plus, à proprement parler, de relation
contractuelle entre le gouvernement et les syndicats. Nous avons voulu, quant
à nous, introduire une formule mixte.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais simplement vous donner ta définition
de la négociation collective qu'on trouve dans le Dictionnaire des
relations du travail, de M. Gérard Dion.
M. Clair: Qui doit représenter la réalité
canadienne ou québécoise.
M. Ryan: C'est un instrument de référence qui fait
autorité dans tous les milieux de relations du travail, comme pourraient
l'attester vos collaborateurs en arrière. Voici ce qu'il dit:
"Procédé selon lequel, d'une part, un employeur, une
association d'employeurs et, d'autre part, un syndicat cherchent
à en venir à une entente sur des questions relatives aux rapports
du travail dans l'intention de conclure une convention collective à
laquelle les deux parties souscrivent mutuellement. La plupart du temps, la
négociation collective se fait par l'intermédiaire de
représentants. La négociation collective présuppose donc
l'existence de parties distinctes, d'un but commun recherché ensemble et
d'intérêts divergents qu'on cherche à accommoder pour une
période habituellement déterminée, comme en
Amérique du Nord, parfois indéterminée, comme il arrive en
Grande-Bretagne... " On sort de l'Amérique, on va jusqu'à la
Grande-Bretagne inclusivement, on n'est pas encore sur le continent. Je
poursuis la citation: "Dans la négociation collective, chacune des
parties s'efforce de convaincre l'autre du bien-fondé de son point de
vue sur les sujets débattus et utilise, pour atteindre ses fins, les
moyens de persuasion ou de pression dont elle dispose jusqu'à la
grève ou le lock-out inclusivement, si ceux-ci s'avèrent
nécessaires et efficaces. "
Ceci pour conclure que, dans le langage établi par l'usage, le
concept de négociation collective se réfère, comme l'a dit
la députée des Îles-de-la-Madeleine, à un exercice
qui comporte la négociation jusqu'à l'emploi, si jugé
nécessaire par l'une ou l'autre des deux parties, du lock-out ou de la
grève. Je crois comprendre ce que la députée des
Îles-de-la-Madeleine vous demande. C'est d'envisager s'il n'y aurait pas
un terme plus adéquat que le terme "négocier" pour définir
ce que vous allez faire ici. En tout cas, ça, c'est la
définition, ce n'est pas une bible, encore une fois, mais c'est un
très bon instrument de travail et meilleur que la définition que
j'ai pu laisser supposer, moi, dans une intervention improvisée hier. Je
me rends facilement à la définition de l'abbé Dion que
j'ai eu le plaisir de rencontrer ce matin, ici même, d'ailleurs.
M. Clair: Oui, nous disons tous les deux la même chose, M.
le Président. Je dis simplement que de notre côté nous
voulons faire évoluer le concept. Je n'ai pas eu de difficulté,
c'est pour cela que j'ai cité Cadieux et Bernier. Ils décrivent
fort bien que la...
M. Ryan: Mais ils sont encore loin d'un dictionnaire, eux
autres.
M. Clair: Pardon?
M. Ryan: Ils sont encore très loin d'un dictionnaire avec
leur rapport.
M. Clair: Oui, ils sont très loin d'un dictionnaire, mais
ils recoupent la même réalité décrite par le
député d'Argenteuil. On dit tous les deux la même chose,
sauf que, moi, je dis: On veut faire évoluer le concept.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je suis assez
incrédule. J'ai du mal à croire ce que j'entends. Le ministre
nous dit qu'il veut faire évoluer les concepts ou le concept. Quel
étrange rôle pour un gouvernement que de se mettre en tête
de faire adopter par l'Assemblée nationale des choses qui font
évoluer les concepts! C'est inimaginable! C'est du Orwell. C'est
extraordinaire! C'est 1984 en 1985.
M. Paquette: On dirait que le ministre a commencé à
préparer son...
M. de Bellefeuille: C'est incroyable: Le ministre veut faire
évoluer le concept, il veut le faire entrer dans le moule que lui a
déterminé. Il n'est pas très cohérent, d'ailleurs,
le ministre, par rapport au vocabulaire. Là, je ne parle pas de la
féminisation parce que là-dessus il est cohérent. Bon. Il
n'est pas cohérent par rapport au vocabulaire parce qu'au début
de nos travaux il nous a sorti des dictionnaires. Alors, nous, pour ne pas
être en reste, on est allé en chercher aussi, comme le
député d'Argenteuil vient de le faire. Quand on lui a fait
observer que le mot "corporation", selon les dictionnaires français
usuels, cela n'avait pas du tout le sens que le projet de loi lui donne, il
nous a répondu: Ah, mais au Québec, c'est cela que ça veut
dire. Ses juristes sont venus nous dire: Oui, oui, au Québec, dans nos
lois - M. Brière nous a dit cela - c'est cela que ça veut dire.
Moi, je me suis incliné. Au Québec, cela veut dire ça,
parfait. On est Québécois, on va parler le français comme
il se parle au Québec. Qu'est-ce qu'il dit ce soir, le ministre? Il nous
a dit: Au Québec, la négociation, ça veut dire: droit de
grève, convention collective et rapport de forces, mais, moi, ministre,
président du Conseil du trésor, je le mets dans la loi dans un
autre sens parce qu'il faut que les concepts évoluent. Moi, je ne
comprends plus rien. C'est un monde "fucké", pour employer un mot que
tout le monde comprendra. C'est tout biscornu et distordu, puis c'est tout
croche. Premier point. C'est le ministre... (21 h 30)
M. Paquette: Détournement de concepts.
M. de Bellefeuille: C'est le ministre qui dit qu'il faut appeler
un chat un chat. Bien non! II veut appeler une discussion une
négociation. Donc, il veut appeler un rat un
chat, pour reprendre le vocabulaire du député de
Bourassa.
Deuxième point. Je voudrais faire une suggestion au ministre que
je ne présenterai pas sous forme d'amendement parce que, si je la
présentais sous forme d'amendement, cela voudrait dire que j'accepterais
l'article une fois amendé, ce qui n'est pas le cas. Donc, c'est une
suggestion. On a vu que le député d'Argenteuil, qui est un
législateur extrêmement consciencieux, peut-être le
législateur le plus consciencieux que j'aie vu travailler à
l'Assemblée nationale, a eu du mal à être certain que
l'article 53 s'applique seulement en fonction du deuxième alinéa
de l'article 52. Me Brière est venu confirmer: Oui, oui, ce n'est pas
tout le temps, c'est juste la deuxième et la troisième
année, parce que ce n'est pas clair.
M. le ministre, un projet de loi, surtout dans un domaine critique comme
celui-là, il faut qu'il soit clair. Je ne veux pas faire de vilain jeu
de mots sur votre nom, mais vous employez vous-même ce mot. Il faut que
ce soit clair, mais ce n'est pas clair. Je suis peut-être moins
consciencieux que le député d'Argenteuil, je passe sur des choses
parce que je me dis que les gens vont comprendre, mais c'est évident que
ce n'est pas si facile à comprendre. Pourquoi ne dites-vous pas quelque
chose comme, au début de l'article: pour la deuxième et la
troisième année, après publication par l'institut? Au
moins, on ne serait pas obligé de faire venir des juristes pour
vérifier que c'est bien ce que cela veut dire. C'est juste une
suggestion que je vous donne comme cela, parce que j'ai un grand coeur.
Troisième point. Là, je voudrais parler à M. le
président, mais, en réalité, je m'adresse à mes
collègues ministériels, tous: celui de Bourassa, celui
d'Arthabaska, celui de Châteauguay et celle de Johnson. Je voudrais dire
à mes collègues, que j'estime beaucoup, qu'il est clair, ce soir,
que la guillotine ne tenant plus qu'au fil qui va bientôt être
coupé, le comportement du ministre est tel que le temps ne lui importe
plus. C'est: "Ô temps, suspends ton vol". On vit dans une espèce
d'interrègne en regardant le couperet et ça n'a pas d'importance;
donc, on peut causer. Le ministre cause. Il a raison, je n'ai pas d'objection.
Il y a des choses qu'il dit qui sont intéressantes, mais pourquoi est-ce
que ses quatre collègues ministériels n'en profitent pas pour
causer aussi et sortir de leur pénible mutisme? Vos électeurs
pensent que vous avez quelque chose à dire, et ils ont raison. Moi, je
vous connais, je sais que vous avez des choses à dire. Vous n'êtes
pas obligés, par solidarité, d'être d'accord avec la
dernière virgule de ce mauvais projet de loi. Vous avez des choses
à dire, dites-les! Cela nous intéressera passionnément et
le ministre ne vous en voudra pas parce qu'il nous a clairement indiqué
que le temps ne compte plus et qu'on cause.
Quatrième point. Une autre suggestion au ministre et je n'en
ferai pas une motion qu'on dirait, évidemment, dilatoire. Quelle
horreur! Les parlementaires parlent, les parlementaires usent du droit de
parole. Quel scandale pour l'Exécutifl La suggestion que je veux faire
au ministre, c'est celle-ci: II a fait son travail, la guillotine s'en vient,
le projet de loi est là, c'est presque une loi; c'est une question
d'heures et ce sera une loi. Cette loi lui échappe, elle ne
relèvera plus de lui, ce n'est pas lui qui sera chargé de
l'application de cette loi. Pourquoi ne fait-il pas venir son collègue
du ministère du Travail? C'est lui qui sera chargé de ce beau
bébé, qui va prendre ce beau bébé dans ses mains et
il faudra qu'il le soigne; il aura bien besoin de soins. Pourquoi le ministre
du Travail ne viendrait-il pas un peu voir ce qui se passe en commission
parlementaire et nous parler un peu, essayer de comprendre ce qu'on pense de ce
projet de loi? Cela l'aidera peut-être, on ne sait jamais. J'ai
terminé, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): D'accord. J'étais pour
vous suggérer de causer sur l'article 53.
M. de Bellefeuille: Cela fait au moins deux points sur lesquels
j'enfreins le règlement, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Bon, vous voyez la
tolérance de la présidence. M. le député de
Châteauguay.
M. de Bellefeuille: Oui, et je vous en remercie.
M. Dussault: M. le Président, on peut très bien
participer aux travaux d'une commission parlementaire, voter et assumer
pleinement ce qui se dit. Ce n'est une obligation pour personne de parler
à une commission parlementaire. Si j'ai le goût de parler, je le
fais; ce n'est pas parce qu'on m'a invité à le faire.
Ceci dit, M. le Président, nous avons ici un dictionnaire qu'a
évoqué M. le député d'Argenteuil. Il y a beaucoup
de définitions là-dedans. Il y a une définition du mot
négociation tout court et une définition de l'expression
négociation collective. Ce que le député d'Argenteuil nous
a lu est la définition de négociation collective; c'est donc un
concept particulier. Le mot négociation est aussi un concept en soi.
S'il y a les mots négociation collective dans le dictionnaire
aujourd'hui, c'est parce qu'un jour quelqu'un a eu l'idée d'un certain
concept, qu'il a cherché à le faire appliquer dans un
vécu, dans une évolution, et, à la suite de cette
évolution, nous avons eu
l'expression négociation collective.
Quand le ministre parlait tout à l'heure d'un concept dans un
cadre d'évolution, je trouvais que c'était plein de bon sens.
Quand on veut changer une situation, il faut utiliser les mots qui existent. On
les place dans un contexte nouveau et, un jour, le mot prend un autre sens.
C'est normal, cela se passe toujours comme cela dans toutes les
sociétés, dans toutes les situations humaines qu'on
connaît. Il est normal, puisque l'on tient à ce qu'il y ait de la
négociation dans les deuxième et troisième années,
sans pour autant définir à tout prix comment cela va se terminer
en termes de résultat, il faut bien parler de négociation
puisqu'on veut en faire. On ne veut pas dire nécessairement, pour la
deuxième et la troisième année que cela va se conclure
sous une forme qu'on connaît, qu'on a toujours vécue. Ce sera une
autre forme dorénavant, mais il y aura eu préalablement
négociation. C'est comme cela que je le comprends et je trouve que cela
a du sens, M. le Président.
J'espère qu'on va essayer de le placer dans un contexte qui va
nous permettre de mieux comprendre encore, et je vais essayer de le faire. Nous
avons vécu des moments difficiles, il n'y a pas très longtemps,
avec le monde syndical. J'étais de ce monde syndical; j'avais même
une responsabilité syndicale et il me semble avoir beaucoup appris des
événements qu'on a connus. Je ne me rappelle pas, M. le
Président, qu'après les événements qu'on a connus
des gens aient déclaré publiquement: Si on s'y était pris
autrement, si on avait voulu reconnaître la situation
particulière, on n'aurait pas eu les problèmes qu'on a connus. Il
ne me semble pas avoir entendu beaucoup de gens venir nous dire qu'il fallait
tenir compte de la crise profondément. Je connais une personne qui a dit
des choses là-dessus à un moment donné. Elle était
permanente d'une centrale syndicale et on l'a jetée dehors pour l'avoir
dit. Elle disait que, dans une situation de crise comme cela, il fallait avoir
des réflexes différents. Je dis, M. le Président, que ce
gouvernement a cherché à apprendre des événements
et qu'il s'est mis à penser que ce n'était peut-être pas
bon de prévoir trop longtemps d'avance quelle était la
règle sur le plan salarial qui devait exister. On s'est dit: On va
essayer d'y penser moins longtemps d'avance pour se donner une meilleure
méthode de l'identifier.
Je suis d'accord avec cela, M. le Président. Avec mon vécu
syndical, avec mon vécu de député, avec ce que j'ai
entendu ici et avec ce que j'ai entendu dans la préparation de ce projet
de loi, je dis que je suis d'accord avec cela. Le mot négocier a encore
son plein sens ici. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je vais être très bref, M. le
Président. Je m'excuse.
Le Président (M. Lachance): Le moins qu'on puisse dire,
c'est que le sujet est très pertinent à l'article 53.
M. Ryan: Oui. Ah oui! C'est en plein coeur de l'article, à
part cela, physiquement et autrement. Je voudrais simplement dire au
député de Châteauguay qu'il déforme le sens du mot
négocier. D'après ce que je comprends, même dans son sens
originel, avant même qu'on arrive au concept de négociation
collective, le mot négocier veut dire essentiellement échanger en
vue d'en venir librement à une entente. Cela est très important:
en vue d'en venir librement à une entente. Si l'une des deux parties
détermine à l'avance qu'il y aura une solution même s'il
n'y a pas d'entente libre, on dit que ce n'est pas de la négociation.
Cela peut être du marchandage, de la conversation, de
l'échange...
Une voix: De l'intimidation.
M. Ryan: Ah oui, mais, à mon point de vue, c'est vraiment
une utilisation abusive du mot négocier parce que vous ne pouvez pas
dissocier de ce mot-là l'idée de conclusion libre d'un accord
auquel les deux parties adhèrent mutuellement. Si vous dites: on
négocie en vue d'en arriver, mais, si on n'en arrive pas, on a
négocié quand même, ce n'est pas vrai parce que l'objectif
de tout l'exercice, c'était l'accord librement conclu.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Je voudrais demander au député
d'Argenteuil, M. le Président, si, chaque fois qu'il y a
négociation dans le secteur de la construction et que cela mène
automatiquement à un règlement, parce que les règles le
veulent et qu'on ne peut pas faire autrement - on arrive, à ce moment,
à quelque chose d'imposé - quand on a fait le règlement
qui s'ensuit, est-ce qu'on va dire qu'il n'y a pas eu négociation? Il y
a eu négociation, sauf que le résultat prend une forme
différente de celle qu'il prend dans d'autres circonstances, mais il y a
eu négociation et personne ne peut nier cela. Quand les centrales
syndicales - c'est arrivé quelques fois - après un affrontement
pendant un certain temps, sont arrivées à penser qu'il vaudrait
peut-être mieux laisser signer cela par le gouvernement sous forme
d'imposition d'une convention collective, est-ce qu'on peut dire qu'il n'y a
pas eu négociation? Oui, mais on pensait que cela se terminerait
autrement que de la façon
dont cela se termine habituellement, mais il y a eu négociation;
on peut toujours parler de négociation, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: Je serai très bref. Je voudrais simplement dire
au député de Deux-Montagnes que ses effets oratoires m'avaient
impressionné et que le contenu, cependant, de l'argumentation du
député de Châteauguay m'a encore davantage
impressionné. Effectivement, M. le Président, le
député d'Argenteuil oublie une chose dans l'utilisation du mot
"négocier", dans ce cas-ci. C'est vrai que la négociation, selon
ce qu'il soutient, signifie que les deux parties sont libres, mais il ne faut
pas oublier que, quel que soit le mode de négociation qui sera retenu,
à moins de dire que ce n'est plus le gouvernement qui gouverne, que ce
n'est plus l'Assemblée nationale qui est le législateur, qui est
l'autorité suprême sur le plan de la législation, il y aura
toujours une responsabilité ultime à laquelle le gouvernement et
l'Assemblée nationale ne pourront déroger, à laquelle ils
ne pourront pas se dérober - c'est le mot que je cherchais.
Je pense que le mot "négocier" est employé à juste
titre ici puisque, comme je l'ai indiqué, il ne s'agit pas de
négocier une convention collective. L'article 53 ne porte pas sur cela.
Mais il s'agit quand même de négociations qui conduiront
éventuellement à une entente, qui, elle-même, fera l'objet
d'un projet de règlement; si cette négociation ne conduit pas
à une entente, il y a un projet de règlement déposé
sur la table de l'Assemblée nationale et, finalement, décision
ultime prise par le gouvernement.
M. le Président, je pense que cela ne veut pas dire pour autant
qu'il n'y a pas de négociation. Cela veut dire que la négociation
prend un sens nouveau, une orientation nouvelle et qu'il ne s'agit pas de
négociation d'une convention collective au sens traditionnel, au sens
où on l'entend habituellement.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, la discussion qu'on
vient d'avoir prouvre d'une façon on ne peut plus évidente que,
si le projet de loi est terriblement clair sur le fond, il ne l'est pa3 sur la
forme. Effectivement, j'ai eu l'occasion de le constater à plusieurs
reprises et, malgré tout ce qu'on en a dit de l'autre bord, pour ne pas
retarder indûment les travaux, je n'ai pas relevé toutes sortes de
dispositions que nous avons vues jusqu'à présent, qui
m'apparaissaient obscures et certainement sujettes à discussion
juridique. Évidemment, je ne veux pas mettre M. Brière en cause,
parce que je lui ai demandé de me faire une loi sur la fonction publique
claire et précise, et elle l'était. Si celle-là est
obscure et moins précise, il y avait peut-être des intentions
qu'on ne peut lui prêter.
M. Clair: C'est peut-être que vous voyez les choses d'un
autre oeil, maintenant que vous avez changé de côté de
table.
Mme Le Blanc-Bantey: Non, parce que, volontairement, comme
ministre, chaque fois que j'ai eu à piloter un projet de loi, j'ai
insisté considérablement pour que les dispositions soient
claires, lisibles et compréhensibles pour les gens qui auraient non
seulement à l'administrer, mais qui seraient les administrés de
cette loi, ce qui n'est certainement pas le cas de celle-ci.
Cela dit, sur le fond cette fois-ci - je ne veux pas déposer
d'amendement formel parce que, évidemment, je serais encore moins
d'accord avec le fond de l'amendement - en fonction du deuxième
alinéa de l'article 52 et en fonction de l'article 53, pour ne pas
mentionner un certain nombre d'autres dispositions qui m'ont inspiré la
même préoccupation, est-ce que le ministre a consulté la
Commission des droits de la personne québécoise, pour ne pas
parler de la charte canadienne, pour savoir si ces articles sont en
conformité avec cette loi, pour savoir si on ne pourrait pas invoquer la
charte? Parce que cet article vient, à toutes fins utiles, compte tenu
du sens qui est donné au mot "négocier" et compte tenu des
modalités qui sont dan3 cette loi, enlever le droit véritable
à la négociation pour la deuxième et la troisième
année. (21 h 45)
M. Clair: Je ne suis pas sûr de comprendre l'argumentation
de la députée.
Mme Le Blanc-Bantey: Est-ce que cet article est en
conformité avec la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne, pour ne pas parler de la charte canadienne?
Disons que celle-là, je la connais moins. Est-ce qu'il y a eu un avis
sur l'ensemble du projet de loi, pour oublier l'article?
M. Clair: II n'y a pas eu de demande d'avis à la
Commission des droits de la personne.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Deux remarques très brèves. La
première, c'est que le ministre n'a pas réagi à ma
suggestion pour clarifier le début de son article et bien indiquer que
c'est la deuxième et la troisième année. La
deuxième m'échappe. Qu'est-ce que j'avais donc à
dire?
Mme Le Blanc-Bantey: Cela m'a échappé...
M. de Bellefeuille: Ce n'est pas grave. Comment le ministre
réagit-il à cette suggestion?
M. Clair: Ma première réaction, d'après ce
dont je me souviens, avait été de dire au député
que ses effets oratoires m'avaient impressionné. Au-delà de cela,
je pense que la rédaction est claire. On indique bien au premier
alinéa de 52 comment sont négociées et
agréées à l'échelle nationale les stipulations sur
les salaires et échelles de salaires pour la première
année et on dit bien que, pour chacune des deux années qui
suivent celle où s'appliquent ces stipulations, les salaires et
échelles de salaires sont déterminés conformément
aux dispositions qui suivent. Donc, je ne vois pas comment on peut
interpréter que l'article 53 s'appliquerait à la première
année. C'est clair que le premier alinéa de l'article 52 couvre
la première année.
M. de Bellefeuille: Le ministre rejette ma suggestion. J'ai
retrouvé la deuxième suggestion que je voulais lui faire, c'est
de remplacer "négocie", à la troisième ligne de l'article
53, et de mettre à la place fait aux groupements d'associations de
salariés une offre qu'ils ne peuvent refuser.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Clair: Question de règlement, M. le Président.
Je félicite encore une fois le député pour ses effets
oratoires, mais, cependant, pour corriger, il n'avait pas fait cette suggestion
lors de sa première intervention.
M. de Bellefeuille: Non, c'est exact. C'est celle qui est
nouvelle.
M. Clair: Ah boni C'est la deuxième à
laquelle...
M. Ryan: C'est pour faire progresser la discussion.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: Je pense qu'on constate que le ministre non
seulement trouve son projet parfait sur le fond, mais parfait sur la forme
également. S'il nous avait dit dès le début que ces
questions ne l'intéressaient pas, on aurait arrêté d'en
parler. J'aurais le goût d'arrêter d'en parler, personnellement,
pour passer aux questions de fond. Je pense qu'on peut simplement avoir une
crainte...
M. de Bellefeuille: On est en plein dans le fond.
M. Paquette: On peut simplement avoir une crainte: Le ministre
nous a dit qu'il voulait faire évoluer le concept de négociation.
Si le gouvernement fait évoluer le concept de négociation comme
il a fait évoluer celui de souveraineté, cela promet! À
défaut de faire évoluer la réalité, on va faire
évoluer les concepts. Soit, faisons évoluer les conceptsl
M. Clair: Je reconnais que le député de Rosemont
prend de bonnes leçons du député de Deux-Montagnes. Il
s'en vient meilleur dans ses effets oratoires, aussi.
M. Paquette: Je m'inspire toujours de l'expérience.
M. Clair: Dernier élément de
référence, au cas où, au-delà des travaux de la
commission, quelqu'un voudrait poursuivre davantage ses recherches sur le terme
négociation. Je voudrais vous référer au document
intitulé: Liberté syndicale et procédure de
détermination des conditions d'emploi dans la fonction publique, du
Bureau international du travail à Genève, puisque j'ai
déjà eu l'occasion de dire que, quant au caractère
démocratique du projet de loi 37, je n'ai aucune objection à ce
qu'on ait éventuellement l'occasion de le défendre devant quelque
instance que ce soit, y compris celle-là. Je voudrais faire
référence, pour ceux que la chose intéresserait, aux pages
45 et suivantes de ce document. Il serait trop long de les citer toutes sur le
concept de négociation, ce que comprend cette réalité dans
les différents pays, à la lumière de quels critères
sont jugées les procédures de négociation et de
consultation dans la fonction publique dans différents pays
démocratiques.
Mme Le Blanc-Bantey: On sait que le ministre est très
cultivé.
M. Ryan:... qu'on ait juste le modèle sur...
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'on peut...
M. Clair: M. le Président, je ne voudrais pas faire
d'effet oratoire, mais je dirai que, toutes de droites qu'elles soient, les
propositions du député d'Argenteuil et celles comprises dans son
programme s'en rapprochent davantage que celles contenues dans mon projet de
loi.
Mme Le Blanc-Bantey: Je soulève une
question de privilège, M. le Président. Le
député d'Argenteuil a été beaucoup moins de droite
aujourd'hui que le député de Drummond.
M. Ryan: Mais plus on le connaît, plus on s'aperçoit
qu'il n'est pas...
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'on...
M. Paquette; C'est un autre concept que le ministre veut faire
évoluer, je pense.
Mme Le Blanc-Bantey: C'est un autre concept qu'il a relu.
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'on peut faire
évoluer nos travaux en disposant de l'article 53?
M. Ryan: II n'y a pas de doute, il est en train de plonger dans
la droite.
Le Président (M. Lachance): Est-ce que l'article 53 est
adopté?
M. Clair: Est-ce que l'amendement est adopté?
Mme Le Blanc-Bantey: Un vote nominal.
M. Clair: Oui? Alors, adopté tel qu'amendé.
Le Président (M. Lachance): Vu que l'amendement a
déjà été adopté, M. le secrétaire,
est-ce qu'on peut procéder au vote nominal demandé par la
députée des Îles-de-la-Madeleine?
Le Secrétaire: Mme Juneau (Johnson)? Mme Juneau:
Adopté.
Le Secrétaire: M. Dussault (Château-guay)?
M. Dussault: Pour.
Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?
M. Baril (Arthabaska): Pour.
Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville)?
M. Beauséjour: Pour.
Le Secrétaire: M. Clair (Drummond)?
M. Clair: Pour.
Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey (î
les-de-la-Madeleine)?
Mme Le Blanc-Bantey: Contre.
Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?
M. Ryan: Contre.
Le Secrétaire: M. Pagé (Portneuf)?
M. Pagé: Contre.
Le Président (M. Lachance): Alors, l'article 53 est
adopté tel qu'amendé, sur division. J'appelle l'article 54.
Mme Le Blanc-Bantey: On pourrait inviter les
députés ministériels qui sont fatigués à
aller se coucher. On pourrait avancer.
M. Clair: Pardon?
Mme Le Blanc-Bantey: Les votes commencent à être
serrés. Il y a quelques députés ministériels qui
étaient fatigués et qui voulaient aller se coucher. On pourrait
avancer dans...
M. Paquettes M. le Président...
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député, sur l'article 54.
M. Paquette: Sur l'article 54, M. le Président, et pour
gagner du temps à cette commission, je vais vous présenter un
amendement qui concerne en bloc les articles 54, 55 et 56. Je vous propose de
les biffer, M. le Président.
M. Pagé: Avant, M. le Président, si vous me le
permettez...
M. Paquette: C'est dramatique.
Le Président (M. Lachance): M. le député
de...
M. Pagé: Avant, M. le Président, si vous me le
permettez, nous...
Une voix: Non.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé:... avions indiqué plus tôt au cours
de cette séance, soit en matinée, notre intention de
présenter des modifications aux articles 54 et 55, dans cette section
qui touche les salaires, les échelles de salaires. Les modifications que
nous entendions proposer pour la majorité de celles-là
étaient directement reliées à la proposition d'amendement
qu'on a formulée en regard de l'article 52 qui visait essentiellement
à faire en sorte que le droit de recours à la grève
pour les employés des secteurs public et parapublic concernant la
rémunération ne soit pas accordé. Les motifs pour lesquels
les propositions déposées ont été refusées,
ce sera seulement un élément, si ma mémoire est
fidèle - on pourra y revenir dans quelques minutes - de l'article 54 qui
sera maintenu. Le reste, même si on les a distribués, on n'entend
pas, M. le Président, les déposer. Cela ne serait pas
conséquent avec le libellé de l'article 52, d'une part, et,
d'autre part, on ne veut pas abuser du temps de cette commission.
Jusqu'à maintenant, la participation de mon collègue d'Argenteuil
et la mienne ont toujours été contributives, ne se sont jamais
inscrites dans le cadre d'interventions de type dilatoire et, par
surcroît, avec la visite, à 17 heures, et le dépôt,
à 17 h 45, de l'intention de la majorité ministérielle de
nous imposer la clôture, et, finalement, de nous fermer le bec et de
poser ce geste antidémocratique par excellence qu'est la guillotine, on
entend accélérer le plus possible, tout faire ce qui est
humainement possible pour accélérer le débat.
Alors, à l'article 54, nous aurons un seul amendement, M. le
Président, soit d'ajouter, dans la deuxième ligne du
quatrième alinéa, après le mot "parties" les mots
suivants: "ainsi que les organismes représentatifs des secteurs
privé et public". Vous l'aviez d'ailleurs reçu, M. le
ministre?
M. Paquette: C'est le troisième point de votre...
M. Beauséjour:... deux, vous le laissez tomber.
M. Pagé: C'est cela, M. le député
d'Iberville, on ne peut rien vous cacher.
Le Président (M. Lachance): Alors, je relis la proposition
d'amenendement du député de Portneuf: Ajouter, dans la
deuxième ligne du quatrième alinéa, après le mot
"parties", les mots suivants: "ainsi que les organismes représentatifs
des secteurs privé et public". C'est bien cela, M. le
député de Portneuf?
M. Pagé: C'est bien cela, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: Je n'ai pas de commentaire...
M. Pagé: Vous ne devriez pas. M. le Président, je
m'excuse...
M. Clair:... sur la recevabilité.
M. Pagé: Sur la recevabilité, vous n'en avez pas et
je présume que, sur le fond, vous serez d'accord.
M. Clair: Je ne veux pas émettre d'opinion sans avoir
entendu, peut-être, un peu d'explications. Quel est l'objectif poursuivi?
Est-ce que cela veut dire les syndicats du secteur privé et du secteur
public? Les organismes représentatifs des secteurs privé et
public, c'est très large. Il y a beaucoup d'organismes
représentatifs des secteurs public et privé.
M. Paquette: M. le Président... M. Pagé: M.
le Président...
M. Paquette:... dans le même ordre d'idées, pour que
le député de Portneuf puisse répondre, est-ce que, par
exemple, cela inclurait le Parti québécois qui pourrait venir
dire en commission parlementaire à quel point le projet de
règlement est contraire au programme du parti?
M. Pagé: Ah! Mais le problème, c'est que, comme
d'habitude, il ne serait pas écouté. Êtes-vous d'accord
avec moi là-dessus?
M. Paquette: Oui, mais, est-ce que c'est aussi large que cela?
Autrement dit, pour redevenir sérieux, c'est-à-dire est-ce que ce
sont tous les organismes demandant, dans le fond, à être entendus
en commission parlementaire, qui ont quelque chose à dire sur le
sujet?
M. Pagé: M. le Président, pour nous, suivant le
processus visant à convier l'Assemblée nationale à
débattre, à discuter, à se positionner, finalement, en
regard des négociations sur la rémunération, on se doit de
convoquer et d'appeler à cet échange non seulement les parties,
parce que l'alinéa en question se réfère à la
possibilité pour les parties d'être entendues en commission
parlementaire. Cela est votre position, celle du projet de loi 37.
Pour nous, le débat ne devrait pas se limiter à une
commission parlementaire, mais devrait intervenir sur le parquet de la Chambre,
à l'Assemblée nationale du Québec, où les 122
représentantes ou représentants de la population seraient
susceptibles de formuler leurs représentations en regard des offres et
de la politique de rémunération.
Or, le libellé de l'article 54 prévoit que les parties
pourraient être entendues, et je reprends le quatrième
alinéa: "Le projet de règlement ne peut être soumis au
gouvernement pour adoption sans que les parties aient été
invitées à être entendues devant une commission
parlementaire sur son contenu. " Alors, en ce qui nous concerne, si on veut que
le débat soit le plus large
possible, si on veut que ceux et celles qui ont à payer, à
assumer, à juger des choix politiques qu'effectuera le gouvernement...
Nous croyons qu'elles devraient être entendues. C'est ce pourquoi on vous
demande d'ajouter les mots "ainsi que les organismes représentatifs des
secteurs privé et public". Cela n'a jamais été difficile,
à ma connaissance, pour le gouvernement de procéder à la
confection d'une liste des organismes jugés représentatifs par le
gouvernement provenant des secteurs privé et public; cela pourrait
facilement se faire. C'est évident que, si le ministre continue à
s'interroger, à se questionner, à se demander des choses,
à réfléchir, on pourra consacrer la prochaine heure
à discuter de cet amendement. Mais, s'il voulait, par souci... La
proposition qu'on formule aujourd'hui reprend les propos que vous avez tenus le
29 janvier 1985 en commission parlementaire, quand vous avez dit souhaiter le
débat le plus large possible où la population sera conviée
au même exercice que le gouvernement au chapitre de la
négociation, notamment au niveau de la rémunération.
Alors, j'invite le ministre à intervenir, présumant d'ores
et déjà qu'il acceptera d'emblée notre proposition.
M. Clair: M. le Président...
M. Pagé: Qu'est-ce qui arrive, Huguette, là?
M. Clair:... je suis en désaccord avec le
député. Le quatrième alinéa...
Des voix:... nouveau.
M. Clair: Non, mais regardez bien: le quatrième
alinéa - il ne faudrait pas détourner de son sens le
quatrième alinéa -dans le fond, que vise-t-il à faire? Il
vise à faire obligation au gouvernement à au moins entendre les
parties...
M. Pagé: Puis?
M. Clair:... en commission parlementaire.
M. Pagé: Bien oui, puis?
M. Clair: Rien n'empêche, par ailleurs, qu'au-delà
de cela, comme cela se produit occasionnellement et même assez
fréquemment maintenant avec le nouveau règlement, les partis de
l'Assemblée nationale, l'Opposition et la majorité
ministérielle, décident de tenir une consultation élargie
ou restreinte sur cette question. Mais, tout compte fait, M. le
Président, je craindrais à ce moment-là que l'enjeu
principal, fondamental, qui est celui: Est-ce que le projet de règlement
que dépose le président du Conseil du trésor à
l'Assemblée nationale est raisonnable ou pas comparé au rapport
de l'institut, par rapport à ce qu'il est capable de payer, par rapport
aux demandes des syndicats... " Le député ne veut pas en discuter
très longtemps...
M. Pagé: On va en discuter, j'ai d'autres arguments
à faire valoir.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, le projet de
règlement doit être déposé en commission...
M. Clair: À l'Assemblée. (22 heures)
M. Pagé:... à l'Assemblée et discuté
en commission. Vous nous dites ici que l'objectif et ce que le gouvernement
veut, c'est que les parties puissent venir se faire entendre. Parfaitl Aucune
objection, aucun problème, on est d'accord avec cela, sauf qu'on demande
plus. Sur ce qu'on demande, vous nous répondez: Vous savez, c'est
toujours possible, entre les partis, de s'entendre pour convoquer une
commission parlementaire restreinte. Bien, voyons donc! Vous savez comment cela
fonctionne. Quand vient le temps de décider, entre les formations
politiques, de convoquer des groupes à l'Assemblée, combien de
fois a-t-on vu ici -et c'est plus souvent qu'autrement - le gouvernement
arriver avec une liste restreinte? Il faut batailler ferme, il faut
négocier pour s'assurer que tel groupe puisse être entendu. Vous
pourriez facilement, par l'ordre ou le programme des travaux de ladite
commission, convoquer les parties, dans un premier temps, et, par la suite,
convoquer les organismes représentatifs des secteurs privé et
public; rien n'empêche de le faire. Ne venez pas tenter de nous conter
fleurette en nous disant: On va s'arranger en arrière du rideau et on va
négocier cela. Cela ne fonctionnera pas et, finalement, ce sera toujours
le gouvernement, quel qu'il sait, qui aura le gros bout du bâton.
M. Clair: Même avec la proposition d'amendement du
député, pour ce qui est des organismes représentatifs, de
deux choses l'une: ou il y a une sélection de faite, ou ce sont tous les
organismes représentatifs du Québec, auquel cas, on peut
siéger deux ans sans qu'il y ait règlement.
M. Pagé: M. le Président, on se fie...
M. Clair: À ce moment-là, qui va prendre
l'initiative de proposer une limitation de la liste? Ce sera le gouvernement.
Le gouvernement risque d'avoir tendance à limiter le débat pour
que la question soit concentrée sur les enjeux en cause et que ce
ne soit pas l'occasion pour tout un chacun de venir vider... Le contexte
a des chances d'être relativement tendu, s'il n'y a pas d'entente. Je
pense que cela n'aiderait pas les parties que la chambre de commerce vienne
dire que le gouvernement en donne trop, que l'autre partie vienne dire: Oui,
mais les syndicats font ceci et cela, et qu'un autre dise: Le gouvernement est
déraisonnable. Je ne vois pas en quoi cela contribuerait vraiment
à éclairer la population sur les enjeux en cause.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, à l'appui de l'amendement
proposé par le député de Portneuf, je voudrais ajouter les
considérations suivantes: Je pense que nous convenons tous que, dans une
question de cette gravité, les mécanismes nouveaux que propose le
gouvernement doivent avoir pour but de favoriser non seulement une entente
entre deux parties, mais un débat national sur la politique salariale du
gouvernement qui implique, comme le disent souvent les porte-parole
gouvernementaux, environ la moitié de l'ensemble du budget
gouvernemental. Le moyen qu'on trouve pour le faire, c'est la
présentation d'un projet de règlement devant une commission
parlementaire de l'Assemblée nationale. Il me semble que nous avons tous
en vue l'objectif qui consiste à faire de l'Assemblée nationale
le carrefour par excellence où vont s'exprimer tous les grands points de
vue sur des questions aussi fondamentales que celles qui impliquent la
moitié de la politique budgétaire du gouvernement.
J'ai remarqué, au cours de ma plutôt brève
expérience à l'Assemblée nationale qui comporte quand
même maintenant six ans, que j'ai été associé
à plusieurs commissions parlementaires qui ont drainé des points
de vue en provenance de milieux extérieurs au Parlement. C'est une des
richesses de l'Assemblée nationale actuellement que son pouvoir
d'attirer vers elle des éléments qui sont
intéressés à venir donner leurs points de vue devant les
députés. Chaque fois que l'Assemblée nationale le fait
consciencieusement, il en résulte des améliorations dans les
projets de loi, soit dans la conception qu'on s'en fait, soit dans les
modalités d'application. C'est bien rare qu'un débat un peu
élargi ne donne pas lieu à des améliorations notables dans
les projets de loi. Comme le ministre l'a dit cet après-midi, lorsque le
gouvernement refuse systématiquement de tenir compte de points de vue
raisonnables qui lui sont soumis, il doit s'exposer à payer la note
tôt ou tard.
Quand le député de Portneuf propose d'ajouter les mots
"ainsi que les organismes représentatifs des secteurs privé et
public", comme il l'a dit très précisément, il ne s'agit
pas d'ouvrir un dictionnaire Larousse des "do-gooders" professionnels de la
société québécoise. Je pense que le gouvernement,
dans cet exercice, a toujours la liberté de décision. C'est
toujours lui qui a le pouvoir d'arrêter la liste des organismes
invités à se faire entendre. Quand les choses vont bien, le
gouvernement consulte l'Opposition. Il arrive plus souvent qu'autrement que les
deux, le gouvernement et l'Opposition, s'entendent sur la liste des organismes
a inviter. Je pense que, dans un cas comme celui-là, en cas de
non-entente, le gouvernement arrête la liste. Il dit: Nous, on met
ça, à cinq, à huit, à dix ou à douze, cela
dépend. Il faut bien qu'on marche avec la décision du
gouvernement, mais la porte a été ouverte. Surtout pour une
question comme celle-ci, pour donner des exemples, je crois que ce serait
très bon... On a M. Dufour, du Conseil du patronat; lui va faire son
petit morceau, de toute manière, devant une conférence de presse
à Montréal qui va être très résumée.
On n'aura pas la chance de lui poser des questions et de lui poser les
difficultés sur les points de vue qu'il aurait émis. S'il vient
ici avec son groupe et qu'on lui donne une heure ou deux pour exposer son point
de vue. et si la commission parlementaire prend une semaine ou deux pour faire
cet exercice, je crois que, pour ajouter à la légitimité
démocratique de l'exercice, vu surtout qu'il y aura un règlement
imposé par voie d'autorité, cela va donner de la force à
l'exercice. Mais le gouvernement conserve l'entière faculté
d'arrêter une liste raisonnable et de ne pas se croire tenu, par aucune
force et aucune obligation, de constituer une liste interminable. Je crois que
ce sont des choses qui peuvent être arrangées. Il y en a qui
enverraient leur point de vue - si c'est marqué comme cela - sous forme
de mémoire écrit; peut-être le gouvernement et aussi
l'Opposition jugeraient-ils que ce n'est pas nécessaire d'entendre tout
ce monde. Il y aurait au moins tout un dossier qui aurait été
constitué et, comme exercice démocratique, ce serait
formidable.
Dans le passé, n'oublions pas une chose, j'ai mentionné
les différentes rondes qui ont été tenues au cours des 15
ou 20 dernières années, tout cela s'est réglé.
L'élément le plus tragique dans les règlements qui sont
survenus - et je pense que le ministre va être parfaitement d'accord avec
moi sur cela - c'est que cela s'est réglé dans une nuit entre
quelques éléments qui étaient souvent très
éloignés de la scène réelle, autant du
côté syndical que du côté patronal. Nous avons tous
découvert le prix plusieurs mois après. En 1976, vous vous
souvenez que votre ancien collègue, M. Parizeau, parlait toujours du feu
d'artifice qui avait découlé de la convention signée en
1974 et c'est vrai que
la troisième année il y avait un éclatement des
bénéfices qui dépassait toutes les prévisions qu'on
aurait pu faire au moment où la convention fut signée. Vous
autres, vous en avez signé une en 1979 qui a eu les mêmes effets.
C'est curieux parce que M. Parizeau a péri par le même
mécanisme qu'il avait reproché au gouvernement qui l'avait
précédé. Il a été pris avec son feu
d'artifice et de manière tellement brûlante qu'il a
été obligé de dire aux gars: Je vous émets une
directive, vous allez me rembourser 20 % de votre salaire pendant trois mois.
II a été obligé d'aller le chercher de force tellement il
s'était trompé. Il a dit: C'est la crise, c'est la crise. Un
gouvernement est obligé de prévoir ces choses, il ne peut pas
aller s'excuser au nom d'un "act of God" quelconque. Il faut qu'il prenne sa
responsabilité. Il l'a fait et il n'a pas été mieux que
ceux qui l'ont précédé. Si, aujourd'hui, on veut faire des
comparaisons, je crois que cela a coûté encore plus cher la
dernière fois. Cela a coûté 500 000 000 $ aux travailleurs
syndiqués seulement dans le secteur de l'enseignement; au moins 400 000
000 $ dans ce secteur. C'est de l'argent qui avait été
voté en trop au jugement et de l'aveu même du gouvernement. Il me
semble que tous ceux qui sont appelés à payer le coût de
cela y gagneraient à avoir la chance d'être entendus par
l'intermédiaire d'un certain nombre d'organismes représentatifs
des différents milieux de la société
québécoise. J'aimerais que des éléments ruraux de
notre société, disons que l'UPA dise: Savez-vous que nous, les
cultivateurs, on a quelque chose à dire sur cela? Ce sont des
travailleurs syndiqués suivant le mode d'organisation urbaine, des
travailleurs qui sont impliqués et nous, les cultivateurs, on va payer
des taxes pour cela aussi. On va subir ou, au moins, avoir à vivre avec
les conséquences de tout cela. On aimerait aller donner notre point de
vue. Je ne sais pas, mais il me semble que ça enrichit
singulièrement la vocation de l'Assemblée nationale comme
carrefour central de l'échange démocratique d'opinions dans la
société québécoise. Il me semble que, si le
ministre acceptait un amendement comme celui-là, il se grandirait et il
grandirait son gouvernement également.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, j'étais pris avec la
contrainte de temps que le député de Portneuf me donnait, il
disait qu'il voulait que j'en dispose rapidement. Je dois dire au
député d'Argenteuil ce que je pense. D'abord, il
reconnaîtra sûrement - et c'est un fait -qu'en tout temps une
commission parlementaire, celle-ci, pourrait tenir une consultation restreinte
sur cette question et, effectivement, entendre ceux qui désirent
être entendus. À ce moment, l'initiative est entre les mains de
l'Opposition à l'Assemblée nationale, surtout entre les mains de
l'Opposition par rapport à ce qu'elle propose. Sauf si le gouvernement
considère que c'est d'intérêt public ou à son
avantage et qu'il a lui-même l'intention de le faire, l'initiative
appartient un peu plus à l'Opposition qu'au gouvernement. Dans la mesure
où on fait obligation au gouvernement d'inviter les organismes, il y a
deux risques, à mon sens. Le premier risque, c'est que le gouvernement
tente de limiter la liste - c'est toujours une possibilité - de
façon telle que cela vienne soutenir sa position plutôt que la
position de l'autre partie. C'est un risque permanent parce que l'initiative,
à ce moment-là, appartient au gouvernement. Le deuxième
risque que j'y vois, quant à moi, c'est que ceux et celles qui vont
vouloir venir se faire entendre risquent de vouloir se servir de la commission
parlementaire dans le cadre d'une stratégie qui les serve. Vous
comprenez? Le deuxième risque que j'y vois, c'est que les organismes qui
vont désirer venir se faire entendre viennent se servir de la commission
parlementaire à des fins stratégiques qui les favorisent et que
cela ne soit pas tant en fonction d'éclairer la commission sur tel ou
tel contenu du projet de règlement, mais bien davantage pour s'en servir
à des fins stratégiques propres. Je ne prête pas de
mauvaises intentions à qui que ce soit, mais c'est sans doute un
élément de risque.
Je comprends que cela pourrait être éclairant pour les
parlementaires de dire, par exemple, que l'UPA veut se faire entendre pour
venir nous dire comment ses revenus ont augmenté et comment les revenus
agricoles se comportent au Québec depuis deux ou trois ans, et, cette
année, comment on prévoit que les revenus vont augmenter. Vous
voyez dans cet exemple-là qu'il y a un risque que l'UPA vienne ici
défendre, dans le fond, un point de vue dans sa stratégie et
qu'il n'y ait qu'une relation indirecte, au fond, avec le sujet en
débat. C'est ce qu'on doit mettre dans la balance, je pense. Je ne sais
pas ce que le député d'Argenteuil - je ne dis pas cela pour
étirer le débat - pense de ces arguments.
M. Ryan: Regardez, il y a deux choses que je dirais,
brièvement. Premièrement, c'est vrai qu'en vertu de nos
règlements nous pouvons demander, à la veille d'un exercice comme
celui-là, qu'il y ait consultation particulière, que des
organismes soient invités à se faire entendre, mais, à ce
moment-là, nous dépendons entièrement de la
majorité ministérielle. Si la majorité
ministérielle ne le veut point, il n'y en aura pas, tandis que, si c'est
prévu par la loi, le gouvernement va être obligé de le
faire. C'est une protection plus forte pour notre
point de vue.
M. Clair: En contrepartie, cependant, vous êtes conscient
que, s'il y a obligation d'en inviter et, donc, à toutes fins utiles,
d'en recevoir, c'est le gouvernement qui non seulement conserve sa
majorité en Chambre pour imposer une liste, mais, en plus de cela, il a
l'initiative, dans le fond, de les choisir et ce serait un peu gênant que
le gouvernement dise: Je veux convoquer une commission restreinte et que la
demi-douzaine de noms d'organismes qui apparaissent, ce soient clairement des
organismes qui sont en accord et qui vont même au-delà des
positions du gouvernement.
M. Ryan: Là-dessus, je vous dis: Comptez sur nous autres
pour vous le dire. Comptez sur nous autres pour vous le dire et organiser une
grosse conférence de presse pour dire: Regardez-les manipuler cette
affaire-là. On l'a déjà fait, d'ailleurs.
M. Pagé: M. le député d'Argenteuil, je
m'excuse, mais c'est au mois de mars prochain, cela? Ce ne sera peut-être
pas nous autres qui allons le leur dire.
M. Ryan: C'est vrai. Je m'excuse, mon cher collègue, mais
ils sont tellement accrochés là qu'au mois de mars cela se peut
qu'ils soient encore là.
M. Clair: Et pour quatre années
supplémentaires.
Mme Le Blanc-Bantey: M. le ministre regrettera sans doute de ne
pas avoir accepté à ce moment-là.
M. Ryan: Maintenant, deuxième point, M. le ministre. Vous
avez souligné le danger que certains organismes veuillent se servir de
cette tribune pour promouvoir des objectifs qui soient étrangers
à l'objet même de la consultation. Je pense que vous devez faire
confiance au jugement des députés, au sens critique des
députés pour leur dire: On ne vous a pas invités pour
cela. On veut avoir votre point de vue sur ceci. Si vous voulez faire une
conférence de presse à côté pour le reste, allez-y.
Comptez sur nous pour le dire à des organismes, on l'a fait souvent.
M. Clair: Si le député de Portneuf n'insiste pas
pour que je prenne une décision immédiatement, je veux bien
accepter d'y réfléchir. Je demanderais cependant aux autres d'y
réfléchir. Je ne détesterais pas avoir d'autres avis
rapidement, s'il y en a d'autres, s'il y a des écueils qu'on a vus,
qu'on voit et qui n'existent pas, ou qu'on n'a pas vus.
M. Paquette: Très rapidement, M. le Président, je
n'ai pas d'opinion tranchée sur la question. Je suis conscient qu'une
commission peut toujours inviter des organismes, particulièrement la
commission du budget et de l'administration, à venir témoigner
sur la politique salariale du gouvernement. Cela pourrait être
intéressant. Je signale que le mécanisme le plus
intéressant, ce n'est pas dans cette loi qu'on devrait le trouver.
D'ailleurs, la loi n'est pas très intéressante en soi, à
mon point de vue. Cela, je pense que le ministre l'a compris. C'est un
mécanisme de concertation où les divers intervenants dans la
société pourraient confronter leurs points de vue sur la part qui
doit aller dans l'économie, dans les dépenses publiques, dans les
dépenses sociales, la part du budget de l'État qui doit aller
dans les politiques salariales.
La seule chose qui me fait m'interroger sur la proposition du
député de Portneuf, c'est le fait que, dans la mécanique
qui est prévue, c'est la commission qui reçoit des parties
négociantes. J'imagine qu'on va entendre le comité patronal dans
le domaine des CSS qui va venir témoigner, dont fait partie le
gouvernement; le gouvernement va être là comme témoin. De
l'autre côté, on va entendre la partie syndicale. Après
cela, on va passer aux CLSC, aux hôpitaux, au domaine de l'enseignement,
etc. C'est une mécanique extrêmement lourde, d'ailleurs assez
inutile, puisqu'en définitive le gouvernement va adopter le
règlement qu'il voudra bien.
M. Clair: Je souligne au député...
M. Paquette: Je ne sais pas si on devrait le compliquer
davantage. C'est la seule réaction que j'aurais.
M. Clair:... qu'on est toujours sur "salaires et échelles
de salaires".
M. Paquette: Oui, oui.
M. Clair: Ce n'est pas l'ensemble de la convention collective des
cinq secteurs. Si vous n'avez pas d'objection, on pourrait le laisser en
suspens.
Une voix: Cela va. M. Clair: Est-ce que...
Le Président (M. Lachance): Est-ce que c'est la suspension
de l'article 54 au complet?
M. Pagé: M. le Président, je pense que le ministre
veut tellement réfléchir qu'il est même prêt à
suspendre la séance.
M. Clair: Pour quelques minutes.
M. Pagé: C'est cela.
Le Président (M. Lachance): Alors, nous allons suspendre
la séance pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 22 h 18)
(Reprise à 22 h 28)
Le Président (M. Lachance): A l'ordre, s'il vous
plaît! La commission poursuit ses travaux. Nous en étions à
l'article 54, sur la motion d'amendement du député de Portneuf.
M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, je pense que la question est
d'importance, mais elle ne justifie pas qu'on y reste indéfiniment. Je
propose que l'article... Est-ce l'article 54?
Le Président (M. Lachance): C'est bien cela.
M. Clair:... 54 soit laissé en suspens pour le moment. Je
vais continuer d'y réfléchir.
Le Président (M. Lachance): D'accord. L'article 54 se
trouve par le fait même en suspens.
M. Paquette: M. le Président, comme on vit sous l'empire
de la guillotine, on n'est pas certain qu'on va revenir à l'article 54.
Je serais bien d'accord pour qu'on le suspende, mais, avant, est-ce qu'on
pourrait soulever une autre question que celle qui a été
soulevée?
M. Clair: Oui, oui, je n'ai pas d'objection.
M. de Beilefeuille: Je voudrais aussi intervenir sur l'article 54
avant la suspension.
M. Clair: Techniquement, cela dépend comment vous voulez
procéder. Je peux demander que l'amendement soit...
M. Ryan: Oui, on va voter.
M. Paquette: Si vous voulez prendre en
délibéré l'amendement, il n'y a pas de
problème.
M. Clair: Non, c'est parce que, techniquement, je ne sais pas
comment faire, M. le Président, mais je n'ai pas d'objection à ce
qu'on traite d'autre chose sur l'article 54.
M. Ryan: Mais autre chose autour de l'article 54... Nous autres,
on voudrait vous donner tout le paquet. Après que vous aurez
parlé...
M. Clair: Oui, d'accord.
M. Ryan:... j'aurai d'autres remarques à faire et un autre
amendement...
M. Paquette: Et peut-être bien...
Le Président (M. Lachance): On peut poursuivre la
discussion...
Une voix: Apparemment pas.
Le Président (M. Lachance):... sur l'article 54. Ce serait
la motion d'amendement qui serait suspendue...
M. Clair: Oui.
M. Ryan: C'est cela.
Le Président (M. Lachance):... d'un commun accord.
M. Clair: Oui.
Le Président (M. Lachance): Alors, entendons-nous
là-dessus. M. le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je vais laisser le
député d'Argenteuil soulever la question parce qu'on a eu la
même idée en même temps, mais c'était simplement une
question au ministre: Pourquoi un règlement uniquement discuté en
commission parlementaire plutôt qu'adopté par l'Assemblée
nationale? À ce moment-là, cela deviendrait une loi,
j'imagine?
M. Clair: Exactement, cela deviendrait une loi.
M. Paquette: Et alors?
M. Clair: Je vais vous dire...
M. Paquette: Et alors?
M. Clair: Et alors? On a sérieusement pensé
à la possibilité d'une loi annuelle des salaires. Maintenant,
comme on veut que le règlement des salaires coïncide avec le
dépôt du livre des crédits et le discours sur le budget,
compte tenu qu'à ce moment-là l'Assemblée nationale est
occupée - on le sait, on vient tout juste de terminer l'étude des
crédits, l'étude du discours sur le budget - sans compter qu'il
arrive fréquemment que le discours d'ouverture coïncide avec cela,
cela voudrait dire que, même sans obstruction parlementaire, les chances
seraient que, dans le calendrier de travail de l'Assemblée nationale,
cela vienne,
premièrement, hypothéquer assez largement le temps de la
Chambre; deuxièmement, que ce projet de loi annuel sur les salaires soit
reporté après l'étude du discours d'ouverture,
après le livre des crédits, après le discours sur le
budget, et que cela aille à la fin de mai ou juin avant que ce projet de
loi ne soit débattu, et il y a le risque qu'une Opposition malveillante
comme celle qui est devant nous amène le gouvernement à devoir
imposer la guillotine sur cette loi annuelle sur les salaires. Je pense que,
tout compte fait, ce sont les raisons qui nous amenés à
préférer un règlement plutôt qu'une loi annuelle des
salaires.
M. Paquette: Je voudrais simplement ajouter...
M. Clair: Donc, c'est une question de temps de la Chambre...
M. Paquette: Oui.
M. Clair:... une question de délai pour adopter la loi
annuelle et une question de danger que les discussions à
l'Assemblée nationale... On ne pouvait pas dire: C'est une loi, mais
elle n'est pas soumise à toutes les règles habituelles de
législation. Cela pouvait conduire à retarder indéfiniment
l'adoption de la loi ou, encore, s'il y avait une élection ou absence de
session pendant cette période pour une année, parce que
l'élection aurait eu lieu au début de mars et que la Chambre
pourrait ne siéger que de façon très brève
après l'élection, à la fin de juin... Ce sont des
considérations d'ordre pratique.
M. Paquette: Oui, allez-y.
M. Pagé: M. le Président, j'ai bien compris que le
ministre nous proposait de suspendre l'adoption de cet article, mais la
suspension de l'adoption de l'article n'exclut pas, pour nous, la
possibilité d'en déposer un autre.
M. Clair: Non, non.
M. Pagé: M. le Président, j'aimerais qu'à
l'article 54, quatrième alinéa, première ligne, on ajoute,
après le mot "être", les mots "adopté par
l'Assemblée nationale sans que les parties n'aient été
invitées à être entendues devant une commission
parlementaire sur son contenu".
Le but de notre amendement, c'est uniquement de convier
l'Assemblée nationale et ses 122 élus, comme on a
déjà eu l'occasion de l'indiquer antérieurement, à
un débat sur le projet de règlement qui sera déposé
par le gouvernement, avec tous les écueils, tous les enjeux que cela
comporte, nous en sommes conscients. Nous sommes conscients qu'un débat
à l'Assemblée nationale, ce n'est pas un débat en
commission parlementaire. Nous sommes conscients que cela donne un pouvoir
important, appréciable à un groupe parlementaire, quel qu'il
soit, évidemment, à un groupe de l'Opposition.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf, je m'excuse. Est-ce que vous pourriez répéter, s'il
vous plaît... Vous n'avez pas votre amendement par écrit?
M. Pagé: Attendez une minute. M. Paquette: M. le
Président... M. Pagé: M. le Président, le
libellé.
M. Paquette: Est-ce que j'ai bien compris le député
de Portneuf? Il soulève, je pense, une modalité différente
de celle à laquelle le ministre pensait, c'est-à-dire que nous
aurions ici un projet de règlement, préparé par le
gouvernement, j'imagine, mais qui serait soumis à l'adoption de
l'Assemblée. Donc, cela pourrait se faire par motion?
M. Pagé: Oui.
M. Paquette: Motion à l'Assemblée
présentée par le gouvernement sur un projet de règlement,
discussion et adoption?
M. Pagé: Débat. Audition des parties et des groupes
en commission parlementaire, tel qu'on l'a proposé dans l'amendement
précédent.
M. Paquette: Et adoption subséquente par
l'Assemblée.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Pagé: Avec les modifications que cela implique au
troisième alinéa de l'article, évidemment.
M. de Bellefeuille: M. le Président, s'il est dans l'ordre
d'intervenir sur l'amendement proposé par le député de
Portneuf, il me semble qu'il y a là-dedans de la confusion des genres.
Quand on parle de règlement, je ne veux pas qu'on sorte de nouveau tous
les dictionnaires, mais c'est règlement dans le sens de pouvoir
réglementaire du gouvernement. L'Assemblée nationale n'a pas
d'affaire à adopter cela. C'est la confusion des genres et ça me
rappelle l'intervention que j'avais commencée et que, selon le
député de Châteauguay, j'ai menacé de recommencer
à zéro. Je ne veux pas la recommencer à zéro, mais
je veux quand même dire qu'il y a une certaine confusion quant au
rôle de l'Assemblée nationale.
C'est quoi? Le député de Portneuf propose que
l'Assemblée nationale adopte un règlement relevant du pouvoir
exécutif du gouvernement. Cela ne marche pas. Mais cela ne marche pas
mieux, il me semble, dans le projet de loi tel qu'il nous est
présenté. J'ai déjà dit que je suis d'accord avec
l'idée de se présenter devant une commission parlementaire pour
faire entendre les parties. Même faire venir les autres mouvements
intéressés, je serais pour cela. Cela introduit un
élément modérateur, "températeur".
M. Pagé: Temporisateur, pas "températeur".
M. de Bellefeuille: Cela huile les mécanismes, en fait.
Cela implique l'Assemblée, les représentants du peuple, l'opinion
publique, les médias d'information. C'est bon. Je ne veux pas être
trop sévère, mais il me semble que c'est un geste creux, qui n'a
pas de sens. C'est un geste qui aurait du sens dans une démarche qui
serait une véritable négociation avec un véritable
équilibre, avec le rapport de forces, avec la possibilité pour la
partie syndicale de participer pleinement au mécanisme de la
négociation. Comme ce n'est pas le cas, comme nous sommes devant un
gouvernement qui a décrété les documents tenant lieu de
convention collective, un gouvernement qui invoque maintenant la guillotine
pour faire passer son "repatchage" du régime de négociation,
comme on a une mauvaise loi inspirée par ce que le ministre appelle la
souplesse, que moi je traduis en arbitraire gouvernemental, dans ce contexte,
le geste est creux, il n'a aucun sens. Qu'est-ce que cela va changer?
Les syndicats ne peuvent pas vraiment négocier, on l'a bien dit.
Le ministre lui-même a reconnu que, dans le sens québécois
de négociation, ce n'est pas une négociation. Qu'est-ce que
ça va leur donner aux syndicats de se présenter dans ce
déséquilibre total devant l'Assemblée nationale pour une
affaire qui est déjà réglée? À moins que
l'Assemblée nationale adopte - le ministre a évoqué cette
possibilité - une loi annuelle des salaires, comme il dit. Je ne connais
pas cette hypothèse, mais si c'est de cela que vous voulez qu'on
discute, c'est examinable, encore que j'aie toutes sortes de réserves
à première vue, mais, au moins, en soi, ce n'est pas
déséquilibré. Tandis que se présenter devant le
Parlement, devant l'Assemblée nationale dans tout ce contexte, ça
n'a pas de sens. Je m'oppose à l'amendement du député de
Portneuf, de la même façon que je m'oppose à l'article
54.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, pour le
bénéfice de mes honorables collègues et pour
refléter plus fidèlement notre intention, le règlement
devrait être ratifié par l'Assemblée nationale. Si vous
acceptez, on changerait le mot "adopté" par "ratifié".
Essentiellement, cela veut dire que le projet de règlement du
gouvernement, après l'exercice prévu dans les articles
précédents, serait déposé dans le cadre d'une
motion à l'Assemblée. Cette motion engendre un débat.
À la suite du débat, il y a un vote et il y a une ratification
qui est faite par l'Assemblée. Vous êtes contre cela, M. le
député? Un grand démocrate comme vous!
M. de Bellefeuille: À mon avis, M. le Président,
c'est toujours la confusion des genres enfin, c'est...
M. Pagé: L'Assemblée nationale a adopté
combien de résolutions depuis l'élection du gouvernement?
M. de Bellefeuille: Non, mais cela voudrait dire, M. le
député de Portneuf, que, si l'Assemblée ne ratifie pas, il
n'y a pas de règlement?
M. Pagé: À ce moment-là...
M. de Bellefeuille: À ce moment-là, le pouvoir
réglementaire du gouvernement est...
M. Pagé: Si l'Assemblée ne le ratifie pas...
M. de Bellefeuille:... comment dire? Paralysé et
nié.
M. Pagé: Si l'Assemblée ne le ratifie pas, elle
peut le modifier.
M. de Bellefeuille: On renvoie le gouvernement refaire...
M. Pagé: II faut une majorité de
députés, voyons donc! Il faut une majorité de
députés.
M. Clair: M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre.
M. Clair: II y a quelque chose qui ne marche pas
là-dedans. Jusqu'à ce que le député de
Deux-Montagnes dise que c'était un geste creux, j'étais d'accord
avec lui sur son intervention. Il me semble effectivement... Dans le fond,
qu'est-ce qu'on fait? On utilise un processus qui est occasionnellement
utilisé. Un projet de règlement, un règlement, c'est
adopté par le Conseil exécutif, par le gouvernement; une loi,
c'est adopté par l'Assemblée nationale.
Je ne connais pas beaucoup de cas où des projets de
règlement sont soumis à l'adoption par motion de
l'Assemblée nationale, parce qu'il n'y aurait plus de départage
très clair entre le rôle de l'Assemblée nationale et le
rôle du gouvernement. Ce qu'on a voulu faire, avant le geste creux, c'est
de dire: II arrive cependant que des projets de règlement soient
déposés sur la table de l'Assemblée nationale. Il y a un
certain nombre de cas qui sont prévus dans nos lois.
Deuxièmement, j'ignore si c'est prévu dans certaines lois, je
pense que oui: dans le cas de l'industrie de la construction, il y a une
commission parlementaire qui est obligatoire. Dans le fond, il y a étude
du projet de règlement des salaires et, après cela, il y a un
décret. C'est une procédure assez fréquente qu'une
commission parlementaire se penche sur des projets de règlement; en tout
cas, c'est une demande de la part des parlementaires. Depuis neuf ans, il y a
eu beaucoup de demandes pour que des projets de règlement soient soumis,
avant l'adoption par l'Exécutif, à l'étude d'une
commission parlementaire. C'est en s'inspirant de cela et essayant de ne pas
confondre les genres que la proposition est venue du gouvernement. Je suis
honnête avec le député de Portneuf et le
député d'Argenteuil, on n'a pas vraiment étudié
très longuement la possibilité d'avoir une motion, un peu comme
cela nous est proposé. Ce qu'on a longuement étudié,
cependant, c'est la possibilité de modifier la loi sur les subsides et
d'y introduire des modifications entraînant la loi sur les salaires, pour
éviter qu'en même temps, dans la même période,
l'Assemblée nationale soit saisie de deux lois qui concernent, dans un
cas, la totalité du budget et, dans l'autre cas, la moitié, et
que l'Assemblée nationale puisse être amenée à
trancher de façon différente sur l'une et sur l'autre, ce qui
n'aurait aucun sens. En grattant un peu cette hypothèse, on s'est
aperçu que c'était une hypothèse très difficile
à concilier avec le fonctionnement de l'Assemblée nationale, la
Loi sur l'administration financière, la loi sur les subsides, le
processus d'étude des crédits, l'impression du livre des
crédits. Cela devenait très difficile de concilier tout cela, et
c'est la raison pour laquelle nous nous sommes rabattus sur l'hypothèse
d'un projet de règlement étudié en commission
parlementaire.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: L'argument fondamental qui sous-tend l'amendement
présenté par le député de Portneuf est à peu
près le suivant: le gouvernement est impliqué dans cette
opération à titre d'employeur, et, parce que la
négociation n'a pas produit les résultats espérés,
le gouvernement est obligé de se transformer en décideur
unilatéral. C'est le même qui était pris là-dedans
par son Conseil du trésor, par ses ministres sectoriels et tout;
là, il est obligé de se transformer en décideur pour une
opération qui peut impliquer près de 50 %, pour être exact,
des dépenses budgétaires. Nous disons: II ne peut pas y avoir une
mutation aussi importante dans les fonctions du gouvernement vu qu'il est
impliqué lui-même, sans qu'il y ait intervention de
l'Assemblée nationale d'une manière plus forte que celle qui est
esquissée dans le projet de loi. C'est ce qu'on essaie de trouver,
peut-être la formulation... (22 h 45)
II y a des problèmes de concordance dans l'usage des termes que
le député de Deux-Montagnes a pertinemment signalés. Je ne
sais pas si le ministre est prêt à faire un effort de recherche
avec nous. On n'a pas de formule mathématique à imposer. Le
député de Portneuf a mis une formule sur la table. Il a
lui-même fait une modification en cours de route montrant l'ouverture
d'esprit dans laquelle tout cela a été fait. Je vois M.
Brière qui rit. Je n'aime pas voir vos conseillers se moquer de nos
idées parce que tantôt on va l'obliger à trouver une
solution.
M. Clair: C'est parce qu'avec moi ce sont les mêmes...
M. Ryan: Je voudrais juste terminer, à moins que vous
vouliez seulement faire une remarque incidente. Je vous préviens que je
n'ai pas tout à fait terminé, mais j'accepte volontiers
d'être interrompu si cela peut m'aider à trouver mon chemin
jusqu'à la fin.
M. Clair: Tout simplement, ce que je voulais indiquer au
député, c'est qu'on les a creusées - c'est peut-être
cela qui fait sourire mes conseillers - on a déjà creusé
ces hypothèses, et le travail nous a conduits aux conclusions auxquelles
nous en sommes venus. Dans le fond, il y a deux grandes orientations possibles,
dans la mesure où on s'inscrit dans une problématique du genre de
celle qu'on retrouve dans le projet de loi: ou il s'agit d'une loi annuelle des
salaires, ou c'est un projet de règlement qui, finalement, est
adopté par l'Exécutif. Le mélange des deux, afin d'essayer
de transformer un règlement en loi, cela conduit à des
mécanismes qui ne sont pas en accord avec la tradition parlementaire de
la séparation de l'exécutif du législatif.
Si on s'en va dans la direction d'une loi annuelle des salaires, la
grande difficulté qu'on rencontre, c'est sa concordance avec la Loi sur
l'administration financière, la loi sur les subsides, le discours sur le
budget et les crédits. Là, cela devient très complexe: il
faudrait revoir les règles parlementaires, les
règles mêmes de fonctionnement de l'Assemblée
nationale en ce qui concerne le débat sur les crédits, le
débat sur le discours sur le budget. Or, nous ne nous sommes pas
considérés autorisés à présumer d'une
nouvelle réforme parlementaire, de changements aux règlements de
l'Assemblée nationale, pour s'assurer que la loi sur les salaires soit
adoptée dans un délai raisonnable.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Justement, en tenant compte de toutes ces
difficultés réelles qui ne peuvent probablement pas trouver de
solution à court terme, tout en considérant que la question
demeure ouverte, est-ce qu'on ne peut pas envisager une formule
relativisée, comme celle qu'a mise de l'avant le député de
Portneuf, en demandant que le projet de règlement soit soumis pour
ratification à l'Assemblée nationale? A ce moment, le principe de
l'intervention ultime de l'Assemblée nationale est sauf. Il y aurait un
débat là-dessus qui serait d'une durée plus ou moins
prolongée. Cela se ferait suivant les règles ordinaires. Cela ne
serait pas une loi susceptible d'amendements et tout cela, mais ce projet
serait ratifié par l'Assemblée nationale.
Vous évoquez des difficultés dont je suis conscient, moins
que vous parce que je n'ai pas regardé cela dans le détail, mais
dont je suis capable de comprendre la complexité. Cependant, vous ne
résolvez pas le problème que nous soulevons et qui est non moins
important. On ne peut pas laisser un gouvernement se muer d'employeur soumis
à des règles objectives qui doivent être le plus proche
possible de celles auxquelles doivent s'astreindre l'ensemble des employeurs en
un décideur unilatéral sans que l'Assemblée nationale
n'intervienne dans le processus d'une manière plus efficace que la
simple manière consultative qui est prévue dans le projet de
loi.
Je ne sais pas si cela ajoute considérablement aux
difficultés quand on dit que le projet de règlement doit
être ratifié par l'Assemblée nationale. Étant
donné les difficultés que soulève le ministre - et je
m'adresse au député de Deux-Montagnes - je laisserais de
côté certaines difficultés qui sont réelles du point
de vue du vocabulaire. Si cela est possible techniquement, comme je pense que
cela l'est, de toute évidence, je me dis que ce serait au moins cela de
pris. On serait assuré que l'Assemblée nationale se serait
prononcée et qu'il n'y a pas un député qui pourrait aller
dire nulle part: Ils m'ont passé cela et je n'ai jamais eu un mot
à dire là-dedans. C'était à lui à se
prévaloir de son droit de parole et à dire: Je suis contre ou je
suis pour cela, j'aurais aimé mieux telle affaire. Du point de vue de
l'exercice de la démocratie, il me semble qu'on serait tous plus
satisfaits. Je n'exigerais pas, au départ du processus, d'avoir le droit
de commencer à tripoter toutes sortes d'amendements là-dedans,
parce qu'on sait comment c'est compliqué et tout, mais je ferais des
représentations et, comme cela reviendrait chaque année, il en
tiendrait compte l'année suivante si c'était bon. Nous savons
tous quand une idée est bonne et à la condition qu'elle soit
bonne, qu'à force d'être répétée elle finit
par faire son chemin.
Dans ce sens, je serais satisfait si on me donnait ce principe.
Je ne demande pas autre chose. Il me semble que je serais, content. J'ai suivi
cette affaire-là depuis 25 ans. Je n'ai jamais trouvé d'autre
solution au règlement des différends que l'exercice du pouvoir
ultime par l'Assemblée nationale. L'exercice par voie de lois
spéciales particulières ne s'avérait pas une bonne
méthode. Là, on a autre chose. Il y a de bons
éléments dans ce qui est proposé. Si c'était
conciliable, j'en serais extrêmement soulagé et cette partie du
projet de loi me poserait moins de difficultés fondamentales.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont, il y a un bon bout de temps que vous attendez avec impatience.
Allez-yl
M. Paquette: Cela commence à être relativement clair
dans mon esprit. D'abord, j'aimerais dire au départ, pour qu'on
comprenne bien mon intervention, que là on discute du choix entre deux
maladies, la lèpre ou la petite vérole. Je pense que le
député de Portneuf a raison de trouver curieux que le processus
s'arrête à une simple commission parlementaire où on entend
les parties et qu'après cela le gouvernement adopte son projet de
règlement qui va déterminer quasiment la moitié du budget
de l'État. Là, le ministre nous dit: II y a des
technicités. J'aimerais simplement lui dire que ce qu'on est en train de
faire ici, dans cet article, c'est tout à fait analogue au processus qui
a été suivi chaque fois - plusieurs fois - que le gouvernement a
eu à adopter des lois spéciales. Je me rappelle en particulier la
loi spéciale sur Hydro-Québec. La veille de la loi
spéciale, on a entendu ici les représentants des employés
d'Hydro-Québec en commission parlementaire qui ont exposé leur
point de vue. Le ministre responsable de la loi, au lieu d'être à
la barre des témoins, ce qui aurait dû être le ca3
normalement, était de l'autre côté. Les patrons
d'Hydro-Québec étaient là, mais essentiellement ils se
trouvaient à présenter le point de vue patronal.
Là, on a écouté, on a entendu les deux parties. Le
lendemain, le gouvernement -
parce que tout cela est ficelé d'avance, c'est une des raisons
pour lesquelles je n'ai pas voté pour cette loi spéciale alors
que j'étais député ministériel... Non, non, c'est
parce que j'avais vu comment cela s'était passé: on les entendait
pour la forme. Le lendemain -je ne voudrais* pas que mes propos distraient du
point essentiel; oubliez cela un instant -la loi spéciale était
déjà prête, parce qu'elle a été
adoptée immédiatement le lendemain.
Là, ce que le ministre nous propose c'est le même
processus, avec cette différence que c'est le gouvernement tout seul,
dans la salle du Conseil des ministres, à l'édifice 3, qui va
adopter le projet de règlement, au lieu que ce soit débattu
devant le public, à l'Assemblée nationale. Je ne vois pas,
puisque le ministre tient absolument à ce genre de mécanisme,
pourquoi ce qui a été fait à plusieurs reprises dans le
cas de lois spéciales deviendrait tout à coup techniquement
impossible. Tout ce que le ministre fait, c'est que, pour la deuxième et
la troisième année, les salaires et échelles de salaires,
il inclut dans cette loi des mécanismes analogues à ceux d'une
loi spéciale, sauf que cela va être le gouvernement par
règlement au lieu de l'Assemblée nationale par loi. Ce qui m'a
fait dire plutôt qu'on avait là une loi spéciale permanente
sur la question des salaires et échelles de salaires.
Là, le ministre, à l'article 54, est gentil parce que sur
certaines lois spéciales on n'a même pas entendu les parties
à l'Assemblée nationale. Il dit: Avant que le gouvernement se
transforme en juge et tranche par son projet de règlement, on va au
moins laisser à l'accusé la chance de se faire entendre. Je sais
que le ministre n'aime pas mon vocabulaire. J'essaie de faire l'analogie entre
ce qui se passe dans les cours de justice et l'analogie avec le rôle de
juge qui devient celui du gouvernement quand il adopte son projet de
règlement. Là, le ministre dit: Par 54, on va laisser, si vous
n'aimez pas le mot accusés, les parties, l'avocat de la défense
et l'avocat de la couronne, et le député de Portneuf par son
autre amendement dit: quelques témoins importants aussi qu'on pourrait
inviter en plus... On va les inviter et on va les entendre devant une
commission qui représente l'Assemblée nationale, qui a une
autorité déléguée de l'Assemblée nationale,
donc devant l'Assemblée nationale. Après les avoir entendus, ce
n'est pas celui qui devrait être le juge qui va décider,
c'est-à-dire l'Assemblée nationale, c'est le gouvernement qui va
adopter son projet de règlement. Alors, entre la lèpre et la
petite vérole, on est peut-être mieux avec la petite vérole
et d'aller dans le sens de l'amendement du député de Portneuf. Le
ministre y voit des problèmes techniques. C'est drôle, il n'y en
avait pas de problèmes techniques quand les lois spéciales
arrivaient. Est-ce qu'on peut savoir pourquoi là ce sont des
problèmes techniques insurmontables? Je comprends que la formulation
demanderait peut-être à être fouillée un peu plus,
mais...
M. Clair: Ce n'est absolument pas le cas d'une loi
spéciale, M. le Président, non plus que d'une loi spéciale
permanente. Je pense que le député de Rosemont exagère
dans son vocabulaire.
M. Paquette: Non, non... M. Clair: Je répète...
M. Paquette: Je veux bien me faire comprendre. C'est bien
sûr que ce n'est plus une loi spéciale puisque c'est une loi
générale, mais la dynamique est exactement la même que lors
de l'adoption d'une loi spéciale. Pour éviter d'avoir à
présenter des lois spéciales, le ministre dit: On aura des
règlements gouvernementaux permanents, mais la dynamique est exactement
la même.
M. Clair: Je pense que chacun comprendra que si c'était
une loi annuelle sur les salaires, avec l'amendement du député de
Portneuf... Si on adoptait l'amendement du député de Portneuf, un
projet de règlement adopté par le gouvernement soumis à la
ratification de l'Assemblée nationale, je peux vous assurer que la ligne
de parti va jouer.
M. Pagé: Bien oui, M. le Président. Vous en avez
déjà été victime, quoi?
M. Clair: À ce moment-là... Non, M. le
Président...
M. Pagé: Ah! Même pas?
M. Clair:... comme le disait l'ancien leader du gouvernement,
Robert Burns, tout le monde sait que tous les votes sont toujours libres
à l'Assemblée nationale, mais il y a quand même la ligne de
parti. Mais surtout, fondamentalement, je pense que... Je répète
très brièvement l'argument: On ne peut pas envisager une loi
annuelle des salaires sans modification...
M. Pagé: Ce n'est pas de cela dont on parle.
M. Clair: Non, mais... C'est une... M. Pagé: On parle
d'une motion.
M. Clair:... façon hybride de fonctionner qui n'est pas...
On choisit une voie ou on choisit l'autre, à mon sens. Je vois que le
député de Deux-Montagnes, même s'il est en désaccord
sur le fond, sur cette
approche, choisir entre deux voies est d'accord avec moi. On choisit une
voie ou on choisit l'autre. Si on devait choisir la loi annuelle des salaires,
cela entraînerait des modifications au fonctionnement même de
l'Assemblée nationale, à la loi des subsides et,
éventuellement, à la Loi sur l'administration financière
et aux règlements de l'Assemblée nationale. C'est la raison pour
laquelle nous l'avons exclue.
D'autre part, je rappelle aux collègues... Je sais que ce n'est
pas susceptible de se produire tous les ans, mais, déjà, il y a
un risque: si l'Assemblée nationale ne siège pas ou s'il y a une
élection pendant cette période, déjà, on prend un
risque en ce qui concerne la réunion d'une commission parlementaire. Le
risque serait encore plus grand si c'était une loi annuelle des
salaires, si l'Assemblée nationale ne siège pas à cette
période-là. Même si, habituellement, elle siège, je
pense, M. le Président, qu'il faut être conscient aussi de ces
limites.
Mon meilleur argument, je pense, est de dire: on choisit une voie ou on
choisit l'autre. On est allé, dans la mesure où on choisit la
voie réglementaire, on est allé le plus loin qu'on pouvait dans
la tradition parlementaire, c'est-à-dire de déposer le projet de
règlement sur la table de l'Assemblée nationale, tenir une
commission parlementaire sur ce projet de règlement. Je ne vois pas
tellement ce qu'on pourrait faire de plus. Si on veut aller plus loin que cela,
cela s'appelle une loi annuelle des salaires, avec tout ce que cela
comporte.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais
féliciter le ministre de n'avoir pas voulu que sa loi modifie les
règles de procédure de l'Assemblée nationale.
M. Clair: II n'y a rien à notre épreuve.
M. de Bellefeuille: C'est justement pour cela que je le
félicite.
M. Clair: C'est dans ce sens-là que je recevais son
compliment. (23 heures)
M. de Bellefeuille: Le ministre a fait allusion à la
réforme parlementaire, un sujet qui me passionne. Je regrette que
l'ancien député de Trois-Rivières ait
démissionné, M. Vaugeois, parce qu'il pourrait nous
éclairer là-dessus. Un des aspects de la réforme
parlementaire auquel il s'est le plus intéressé, c'est
précisément le rapport entre le législatif et
l'exécutif sous l'angle du pouvoir réglementaire de
l'exécutif. Mais il me semble que dans le cadre de la réforme
parlementaire, ce dont nous nous sommes surtout préoccupés, c'est
de deux choses: d'abord, l'abus du pouvoir réglementaire,
c'est-à-dire la tendance qu'a le gouvernement de proposer à
l'Assemblée nationale des lois qui ne font que donner un cadre
très général, en se réservant - se, le gouvernement
- un pouvoir réglementaire où se trouve une bonne partie de la
substance. Nous avons déploré cela.
La deuxième chose à laquelle nous nous sommes
intéressés, c'est le contrôle du pouvoir
réglementaire. Le ministre a rapidement fait allusion à cela.
Comment ce contrôle du pouvoir réglementaire par le
législatif pourrait-il se faire? Je ne crois pas me souvenir qu'il y ait
eu des solutions d'adoptées. Des propositions ont été
faites, mais je n'en vois guère la suite. Ce contrôle du pouvoir
réglementaire, c'est un contrôle dans le sens français.
Cela ne veut pas dire maîtriser le pouvoir réglementaire, cela
veut dire savoir ce qui se passe. Oui, bien sûr, les parlementaires
veulent savoir ce qui se passe du côté de l'exercice que
l'exécutif fait de son pouvoir réglementaire, mais rien dans cela
ne signifie que la réforme parlementaire entraînerait un
empiétement du législatif sur l'exécutif quant à
son pouvoir réglementaire. Cela, que je sache, n'a jamais
été proposé, et cela me semble être
précisément ce que propose le député de Portneuf
dans son amendement. Malgré la fin de l'intervention de mon
collègue de Rosemont, avec laquelle je n'étais tout à fait
d'accord, je continue de m'opposer à l'amendement pour cette raison. Le
ministre, je lui attribue, en cette matière, un bon naturel,
c'est-à-dire qu'il semble partir d'un bon naturel, mais il me
semble...
M. Clair: M. le Président, si j'ai remercié plus
tôt le député de Deux-Montagnes pour ses effets oratoires,
je le remercie maintenant pour son argumentation.
M. de Bellefeuille: Le bon naturel, c'est que le ministre veut
introduire de la démocratie là-dedans, mais il me semble que la
démocratie doit résider dans la... Le ministre parlait de ce que
nous choisissons. Le choix que je fais, c'est que la démocratie, dans
cela, doit résider dans la négociation libre et véritable,
et non dans l'intervention du Parlement, ce qui serait, en l'occurrence, il me
semble, un recours mal fondé au pouvoir législatif, ce qui ne
veut pas dire que je suis d'accord avec l'article 54. Je ne serais pas d'accord
non plus avec une loi sur les salaires. C'est peut-être un peu moins pire
que l'article 54, mais c'est le choléra et la peste, ou la peste et la
petite vérole, comme le dit si bien mon collègue de Rosemont.
Entre les deux, je ne choisis pas, je dis: II faut biffer tout cela, comme l'a
proposé mon collègue. Pardon?
M. Clair: Entre les deux, vous choisissez de ne pas être
malade.
M. de Bellefeuille: Voilà! La santé, bon! Merci, M.
le Président.
M. Paquette: La négociation, c'est la santé.
M. Clair: C'est rejeté.
Le Président (M. Lachance): M. le secrétaire,
est-ce qu'on peut procéder?
M. Pagé: M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui.
M. Pagé: Est-ce qu'on peut voter sur l'article qui
était suspendu?
M. Clair: On vote sur votre amendement, l'autre amendement
demeurant en suspens.
Le Président (M. Lachance): La proposition d'amendement du
député de Portneuf se lirait comme suit: Au quatrième
alinéa, aux première et deuxième lignes, remplacer les
mots "soumis au gouvernement pour adoption", par les mots "ratifié par
l'Assemblée nationale".
M. Pagé: C'est cela.
Le Président (M. Lachance): M. le secrétaire.
Le Secrétaire: M. Dussault (Château-guay).
M. Dussault: Contre.
Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska).
M. Baril: Contre.
Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville).
M. Beauséjour: Contre.
Le Secrétaire: M. Clair (Drummond).
M. Clair: Contre.
Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil).
M. Ryan: Pour.
Le Secrétaire: M. Pagé (Portneuf).
M. Pagé: Pour.
Le Président (M. Lachance): Alors, c'est rejeté
par...
Une voix: Mme Bantey n'est pas là?
M. de Bellefeuille: Non, elle est allée manger une
bouchée.
Le Président (M. Lachance):... deux voix pour et quatre
voix contre.
M. de Bellefeuille: Elle aurait dû faire comme M.
Pagé et manger ici.
Le Président (M. Lachance): L'amendement du
député de Portneuf est rejeté.
M. Pagé: Les péquistes mangent à la
table.
M. de Bellefeuille: Je m'en fiche éperdument!
Le Président (M. Lachance): Est-ce que nous poursuivons la
discussion sur l'article 54?
M. Pagé: Est-ce que M. le ministre a une réponse
à nous donner en regard de la proposition initiale formulée?
M. Clair: Non, M. le Président, je vais y penser et dormir
là-dessus probablement.
Le Président (M. Lachance): Ah! bon. Alors, cela signifie
que l'article est suspendu.
M. Pagé: Vous dormez malgré la guillotine?
Une voix: C'est confortable.
M. Clair: Si vous saviez comme c'est à regret.
Le Président (M. Lachance): L'article 54 est suspendu.
M. Pagé: C'est cela. Article 55.
Le Président (M. Lachance): Nous passons à
l'article 55.
M. Clair: À l'article 55, j'ai un amendement. On a une
nouvelle version pour vous, M. le Président, puisqu'il y a une petite
modification par rapport à l'amendement qu'on vous avait remis. Je
propose que l'article 55 soit modifié par l'insertion, à la
première ligne du deuxième alinéa, après le mot
"adoption" des mots: "II a effet pour toute l'année en cours".
Le Président (M. Lachance): Nous allons procéder
à la distribution de l'amendement du ministre.
M. Clair: Oui, et cela prend un i
majuscule.
M. de Bellefeuille: Cela fait une nouvelle phrase.
M. Clair: C'est cela, c'est une nouvelle phrase qu'on
insère. L'amendement vise à s'assurer que le règlement,
une fois adopté, pourra s'appliquer rétroactivement au 1er
janvier de l'année en cours. Je peux d'ores et déjà
fournir au député de Rosemont l'argument qu'en plus d'être
un règlement, le règlement pourra avoir un effet
rétroactif pour l'année en cours. C'est simplement pour
éviter que le règlement ne puisse avoir qu'une valeur dans
l'avenir et non pas pour toute l'année en cours.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, on est vraiment dans la
dentelle. Le ministre cisèle son oeuvre d'art, son projet de loi
chéri. C'est simplement une directive, M. le Président. Tout
à l'heure, j'avais annoncé que j'avais l'intention de
déposer un amendement qui visait à biffer les articles 54, 55 et
56. Je ne m'illusionne pas sur ses chances d'adoption; cependant, j'aimerais
bien le déposer.
L'article 54 est suspendu, et tout cela est lié parce que le
ministre a conservé le mot "négocier" à l'article 53 et,
par conséquent, si on biffait les articles 54, 55 et 56, cela voudrait
dire qu'il y aurait une négociation libre, plutôt que d'essayer
d'améliorer et de ciseler les articles 54, 55 et 56. Donc, à quel
moment est-ce que je vais pouvoir présenter mon amendement, M. le
Président?
Le Président (M. Lachance): Vous voulez présenter
un amendement en bonne et due forme?
M. Paquette: Oui. Je l'avais annoncé d'ailleurs au
début de la discussion de l'article 54.
M. Clair: Je pense, M. le Président, pour vous
éclairer, que vous avez vous-même indiqué qu'on
étudiait les articles un à un. Alors, cela prendrait plusieurs
motions d'amendement, c'est-à-dire plusieurs motions les unes
après les autres afin de retirer un tel article du projet de loi. Si le
député avait voulu le présenter à l'article 54, il
aurait pu le faire. Il peut maintenant le faire à l'article 55.
Remarquez que, s'il advenait que sa motion d'amendement proposant de biffer
l'article 54 soit adoptée - ce que je ne crois pas - cela voudrait dire
qu'on n'aurait plus besoin de garder en suspens la proposition d'amendement du
député de Portneuf.
M. Paquette: M. le Président, il faut bien se comprendre.
Il y aurait une façon très simple de régler la question,
c'est de "désuspendre" l'article 54, juste le temps de présenter
l'amendement, et, s'il est battu, le ministre pourra retourner à sa
réflexion sur l'article 54. Pour ma part, je vais me taire sur les
articles 55 et 56 parce que je suis en désaccord avec cesarticles. Je ne veux même pas parler des amendements et de la
dentelle du ministre.
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a consentement
pour qu'on revienne?
M. Clair: II y a consentement.
M. Beauséjour: Sur une question de règlement, M. le
Président. Je m'interroge pour savoir, sur chacun des articles, quand
vous demandez si tel article est adopté, si on peut arriver au
même effet que ce que propose le député de Rosemont,
c'est-à-dire que, si tout le monde ou la majorité dit que c'est
rejeté, l'article ne sera plus là.
Mme Le Blanc-Bantey: Y a-t-il quelqu'un qui a compris?
Le Président (M. Lachance): Oui, j'ai très bien
compris.
M. de Bellefeuille: Je félicite le député
d'Iberville.
Mme Le Blanc-Bantey: Je vais me le faire expliquer par mon
collègue.
M. Paquette: M. le Président, je pense que... Sur la
question de règlement.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: Je pense que dans notre règlement nous
pouvons biffer des articles. Si on a prévu cela dans le
règlement, c'est donc que l'argument du député d'Iberville
ne tient pas.
M. Ryan: Je crois que...
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil, je vais continuer d'entendre les avis avant de prendre une
décision là-dessus parce que...
M. Ryan: C'est cela.
Le Président (M. Lachance):... la même
décision pourrait s'appliquer pour...
M. Paquette: Oui, c'est cela.
Le Président (M. Lachance):... les trois articles.
M. Paquette: C'est une question de libre expression. Un
député a le droit de manifester son désaccord avec des
articles en proposant de les biffer. Je n'ai pas l'intention de retarder les
travaux parce que je propose d'en biffer trois d'un coup plutôt que de le
faire trois fois. Cela va aller plus vite, n'est-ce pas?
M. Ryan: M. le Président, pourriez-vous résumer
l'objet qui est en discussion pour ne pas parler pour rien dire, pour savoir de
quoi on parle?
Mme Le Blanc-Bantey: Et nous indiquer si j'aurais perdu de
nouveaux concepts pendant mon absence temporaire et très courte.
M. Ryan: Cela évolue vite.
Une voix: Cela évolue vite et cela finit que c'est
rien.
Des voix: Ha! Ha!
Une voix: Fermez les portes et ne le laissez pas partir.
M. Ryan: M. le Président...
Mme Le Blanc-Bantey: Cela continue sur le plan des effets
oratoires comme mon collègue de Deux-Montagnes.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Pourriez-vous résumer l'objet de la
discussion?
Le Président (M. Lachance): Le député de
Rosemont demande qu'on revienne à l'article 54, qu'on en discute, et sa
proposition d'amendement, c'est de le biffer tout simplement, de le faire
disparaître du projet de loi 37. Il a indiqué qu'il avait
également l'intention de procéder de la même façon,
selon la recevabilité, j'imagine, pour les articles 55 et 56.
M. Paquette: Je voudrais faire une seule proposition d'amendement
au projet de loi biffant les trois articles.
M. Beauséjour: M. le Président, une question de
règlement juste pour saisir. Cela reviendrait à dire que, si un
député demande de biffer, il demande par le fait même de
prendre le vote. Cela reviendrait à la même chose?
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Non, M. le Président.
D'abord, je pense que vous avez compris que nous étions d'accord
pour renoncer temporairement à la mise en suspens de l'article 54.
Le Président (M. Lachance): C'est bien cela.
M. Ryan: Nous avons accepté cela de notre
côté volontiers. Maintenant, on nous propose un amendement qui
consisterait à biffer l'article 54. Vous demandez des opinions sur la
recevabilité...
Le Président (M. Lachance): C'est cela, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je crois que c'est tout à fait recevable. Je
crois que c'est une formule d'amendement qu'on emprunte souvent. Si
l'amendement est accepté, cela veut dire que l'article disparaît.
S'il n'est pas accepté, cela veut dire qu'il reste. Je crois que c'est
le droit d'un parlementaire de présenter une motion comme
celle-là. Je pense qu'il n'y a rien qui s'y oppose. Moi-même,
j'aurai tantôt une proposition d'amendement qui va exactement dans le
même sens à propos d'un article...
Une voix: Ah!
M. Ryan:... qui vient un peu plus loin.
Le Président (M. Lachance): J'ai des avis, M. le
député d'Argenteuil, qui me permettent d'avoir des doutes.
M. Ryan: Oui, mais je vais vous prévenir d'une chose. S'il
arrivait des difficultés, on vous ajouterait un mot. On va vous
régler cela. Il n'y aura pas beaucoup de difficultés avec cela.
J'aimerais entendre votre avis, même votre conclusion
sérieuse.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le ministre, sur la
recevabilité.
M. Clair: Oui, sur la recevabilité. Le
député d'Argenteuil a raison de dire qu'un député -
en tout cas, c'est mon opinion -peut proposer comme motion d'amendement de
biffer un article, auquel cas, effectivement, l'article n'existe plus, sauf et
à la condition que, par ce biais, cela ne vienne pas faire
disparaître un des principes du projet de loi qui a été
adopté en deuxième lecture.
M. Ryan: D'accord. À ce moment-là, c'est à
vous de juger dans votre discrétion.
Le Président (M. Lachance): Je préférerais
prendre cela en délibéré, vu l'importance que cela peut
avoir.
M. Ryan: Si je peux vous donner un avis
désintéressé, j'espère que votre
délibéré s'inspirera de normes libérales. Ha!
Ha!
M. Paquette: M. le Président, si vous me le permettez, le
député de Châteauguay vient de me donner un argument
irréfutable. C'est arrivé très souvent qu'un ministre ait
déposé des amendements à son propre projet de loi pour
biffer des articles. Je pense qu'il y a beaucoup de précédents
dans... N'est-ce pas?
Mme Le Blanc-Bantey: Comme ministre, c'était
acceptable.
M. Paquette: Si c'est acceptable pour un ministre, cela doit
être acceptable pour un député.
Mme Le Blanc-Bantey: Pas nécessairement. Il ne comprend
pas vite.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont...
Mme Le Blanc-Bantey: II a encore beaucoup d'illusions, mon
collègue de Rosemont. (23 h 15)
Le Président (M. Lachance): Sans préjuger de la
décision que je rendrai sur cette question, je voudrais vous indiquer
que, lorsque vous avez - et c'est arrivé au cours de nos travaux -
présenté une motion, à un moment donné, vous avez
décidé, après discussion, vous qui en étiez
l'auteur, de la retirer.
M. Paquette: Oui.
Le Président (M. Lachance): Or, de la même
façon, par association, on pourrait penser que, puisque le ministre est
l'auteur du projet de loi, il pourrait peut-être avoir un
privilège que d'autres n'ont pas.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Lachance): C'est sans préjuger de
la décision que je pourrais rendre là-dessus. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais simplement porter à votre attention
que, lorsqu'un membre retire une proposition...
M. Paquette: Si le ministre veut la retirer, M. le
Président, je suis bien d'accord.
M. Ryan:... d'amendement qu'il avait faite...
Le Président (M. Lachance): Oui, je note. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voulais simplement porter à votre attention
que, lorsqu'un membre retire une proposition d'amendement qu'il avait
déposée, il doit le faire avec le consentement des membres de la
commission parce qu'elle est devenue la propriété...
M. Paquette: Oui.
M. Ryan:... de la commission à ce moment-là et non
plus la sienne. Il peut le faire avec le consentement des gens. Sinon, il va
falloir qu'on en dispose par les voies régulières.
Mme Le Blanc-Bantey: II me semble que le président a une
vision élitiste.
M. Beauséjour: D'autant plus, ici, que la proposition
vient du ministre. Alors, l'interrogation est encore beaucoup plus grande, dans
le sens qu'elle ne vient pas du député de Rosemont.
M. Ryan: C'est différent dans le cas du ministre parce
qu'il a le pouvoir d'initiative sur toute la ligne, à mon point de vue.
S'il veut nous soulager de quelques articles de son projet de loi, je ne pense
pas qu'on lui fasse obstacle.
M. Beauséjour: C'est justement, mais que le
député de Rosemont...
Mme Le Blanc-Bantey: C'est une suggestion à faire.
M. Beauséjour:... propose de résilier des articles
et qu'il ne soit pas l'auteur...
M. Paquette: Ce serait même pour son propre bien.
M. Beauséjour: Ce n'est pas lui qui a
présenté l'article. Cela pose une interrogation.
M. Clair: M. le Président, je ne sais qui a fait ce
règlement, mais prenez-le, je trouve que c'est bien fait.
Le Président (M. Lachance): Je pense que, pour ne pas
faire perdre le temps de la commission...
M. de Bellefeuille: II y a un filibuster ministériel,
manifestement. Ils parlent tous.
M. Dussault: M. le Président, il y a des choses,
malgré tout, qui ne sont pas exactes. Le projet de loi 56 a
été adopté en deuxième lecture à
l'Assemblée nationale. Il n'appartient plus à personne d'autre
qu'aux membres de l'Assemblée nationale. Donc, c'est pour cela qu'il
faut un consentement unanime pour pouvoir retirer quoi que ce soit
du projet de loi.
Mme Le Blanc-Bantey: Ce n'est pas le projet de loi 56, M. le
député, c'est le projet de loi 37.
M. Dussault: Je m'excuse. Le dernier auquel j'ai
travaillé, c'était le projet de loi 56. C'est le projet de loi
37, donc. Il appartient aux membres de l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Lachance): C'est un argument
extrêmement intéressant, mais je vais le prendre en
délibéré.
Mme Le Blanc-Bantey: Nous saurons bientôt si l'article est
suspendu éternellement.
Le Président (M. Lachance): Je vous suggère...
À mois qu'on aille plus loin et qu'on discute de l'amendement
proposé par le ministre à l'article 55.
Une voix: Le point et les guillemets?
M. Ryan: Je serais porté à accepter l'amendement
sans discussion, en réservant mon jugement sur l'article tel
qu'amendé, cependant.
M. Clair: Alors, l'amendement est-il adopté?
Le Président (M. Lachance): Est-ce que l'amendement
proposé par le ministre est adopté?
M. Clair: Adopté.
Mme Le Blanc-Bantey: Sur division, parce que, évidemment,
on est contre le principe; on ne peut pas adopter l'amendement.
Une voix: Même quand ils sont bons.
Mme Le Blanc-Bantey: Bien non! C'est parce que l'amendement ne
change en rien le principe visé dans l'article.
Le Président (M. Lachance): L'amendement est adopté
sur division.
M. Ryan: Chaque fois que cela améliore un peu, je n'ai pas
d'objection à adopter un amendement. Je réserve mon jugement sur
l'article amendé. Chacun sa ligne de conduite.
Le Président (M. Lachance): À l'article 55, est-ce
qu'il y a des commentaires, ou on passe à l'article...
M. Paquette: M. le Président, c'est simplement, sous
réserve de votre décision, pour m'éviter de faire trois
propositions d'amendement si jamais elle est recevable: Est-ce qu'on pourrait
convenir que, si vous la receviez, je pourrai proposer de biffer cet article en
même temps que l'autre?
Le Président (M. Lachance): Cela vous va? D'accord. Alors,
en attendant de pouvoir rendre une décision là-dessus, nous
allons passer à l'étude de l'article 56.
M. Clair: Est-ce que l'article 55 est adopté?
Le Président (M. Lachance): Non.
M. Paquette: II est suspendu comme 54.
M. Clair: Ah! il est suspendu.
Le Président (M. Lachance): C'est parce qu'il y a une
décision à rendre qui...
M. Clair: D'accord. M. le Président, avant de... On peut
peut-être faire l'article 56. Je vais être prêt à
revenir à l'article 50.
M. Ryan: On est rendus aux articles 55 et 56.
M. Clair: Je n'ai pas d'amendement à proposer à
l'article 56, M. le Président.
M. Paquette: M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: Ici, on a le principe du décret permanent
pour les salaires et les échelles de salaires pour la deuxième
année et pour la troisième année de la convention
collective. Une fois que le gouvernement a adopté son règlement,
cela fait partie de la convention collective, donc, cela devient... Je ne sais
pas si le terme est exact: faire partie de la convention collective. Ce serait
plutôt ici quelque chose qui s'apparente à un décret tenant
lieu de convention collective, si on voulait être plus précis. Si
le ministre m'assure que c'est un terme qui, juridiquement...
M. Clair: C'est juridiquement étanche.
M. Paquette:... est étanche, cela me donne d'autant plus
de raisons de demander de le biffer un peu plus tard.
M. Clair: Je peux assurer le député que c'est
juridiquement étanche.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, même si j'ai
confiance que ce sera biffé, au cas où cela ne le serait pas, je
vous rappellerai qu'à l'article 53 le ministre a changé le mot
"stipulations" par quelque chose comme "détermination". Je m'excuse,
mais je n'ai pas le libellé exact. J'essaie de comprendre s'il y a un
sens différent ou s'il y a un nouveau concept dans l'article 56 par
rapport à l'article 53, pour faire en sorte qu'il y ait concordance.
Évidemment, je ferai toutes les mêmes réserves que j'ai
déjà faites à l'article 53, je crois, sur le mot
"négocier".
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, il n'y a pas de concordance
à faire par rapport à ce qu'on a adopté tantôt.
Tantôt, il fallait corriger une expression employée à
mauvais escient sur le plan de la description du mode de détermination
des salaires, mais ici les mots sont employés correctement sur le plan
juridique par rapport à tout le reste du projet de loi.
Mme Le Blanc-Bantey: Le ministre étant avocat, je n'ose
protester.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
M. Clair: Vous devriez.
Le Président (M. Lachance): D'accord?
M. Ryan: Sur l'article 56?
Le Président (M. Lachance): L'article 56, oui.
M. Ryan: Prêt à voter.
Le Président (M. Lachance): L'article serait suspendu lui
aussi par rapport à la décision que j'ai à rendre sur la
motion d'amendement du député de Rosemont.
M. Ryan: Je suis prêt à attendre.
Le Président (M. Lachance): Vous êtes prêt
à attendre?
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Lachance): Mais le ministre a
indiqué qu'il...
M. Ryan: On ne peut pas demander plus soumis, hein?
M. Clair: J'étais disposé, M. le Président,
à revenir à l'article 50 à avancer en arrière.
M. Ryan: Je suis à la veille de passer de votre
côté.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil, on avait suspendu hier l'article 50. Est-ce que vous seriez
disposé à ce qu'on revienne...
M. Clair: À l'article 50? M. Ryan: Non.
Le Président (M. Lachance):... à l'article 50?
M. Ryan: J'aimerais autant qu'on continue.
M. Clair: Pourquoi?
M. Ryan: Parce qu'il nous reste seulement 35 minutes et
j'aimerais autant qu'on aborde des questions plus substantielles que
celle-là. Celle-là, on pourrait y revenir.
M. Clair: C'était simplement pour dire, M. le
Président, qu'il avait été question qu'il y ait de la
concordance. Il n'y a pas de nécessité de concordance. Les
juristes l'ont vérifié et il n'y a pas nécessité de
concordance.
M. Ryan: Je pense que, demain, ce sera tout aussi
éclairant. Parfois, il suffit d'une virgule pour engager un débat
de 45 minutes. Il y a des choses importantes qu'on voudrait soumettre à
la considération de la commission avant la fin de la présente
séance.
M. Clair: Je n'en fais pas une question de principe.
Le Président (M. Lachance): Maudit!
M. Pagé: M. le Président, je viens d'entendre un
mot qui doit être étranger à nos travaux
parlementaires.
M. Ryan: De la part du président. M. Pagé:
De la part du président.
M. Ryan: Aie, aie, aie! Nos chastes oreilles ont
été blessées une fois de plus en cette enceinte.
M. Pagé: On est habitués de l'être par les
péquistes, mais pas par les présidents.
M. Clair: Je tiens à dire au député
d'Argenteuil qu'après tout ce que les miennes ont entendu à
propos de moi-même et de mon projet de loi, il peut se consoler.
M. Pagé: Mais c'était vous qui étiez
attaqué comme ministre et non pas comme personne ou comme
député.
M. Ryan: C'est le coeur qui est important et non pas les
oreilles. Il y a des choses qui frappent l'oreille, mais qui ne vont pas
jusqu'au coeur.
M. de Bellefeuille: M. le Président, puis-je proposer une
suspension, parce que tout cela passe au Journal des débats?
Mme Le Blanc-Bantey: J'allais dire au député
d'Argenteuil que des oreilles qui écoutent, cela ne fait pas de tort et
c'est important.
Le Président (M. Lachance): Nous allons suspendre pendant
quelques instants.
Une voix: Il commence à avoir peur. (Suspension de la
séance à 23 h 24)
(Reprise à 23 h 34)
Le Président (M. Lachance): La commission reprend ses
travaux. Voici ce qui a été pris en
délibéré, la motion du député de Rosemont
visant à biffer les articles 54, 55 et 56. Je m'inspire de Beauchesne,
l'article 773...
M. Pagé: Pourriez-vous jeter un coup d'oeil pour voir s'il
y a quorum, M. le Président, si cela était possible.
Le Président (M. Lachance): Erskine and
May?
Mme Le Blanc-Bantey: On devrait demander le silence parce que
peut-être que c'est...
Le Président (M. Lachance): Je pense qu'on a suffisamment
d'indications pour être capable de rendre une décision.
M. Paquette: À la page...
Le Président (M. Lachance): Alors, recevabilité des
propositions d'amendement en comité, à la page 238 du livre sur
la jurisprudence parlementaire de Beauchesne, cinquième édition:
"II est interdit au président de recevoir des propositions d'amendement
entachées des vices suivants... ". Et, là, je tombe au
sixièmement: "... s'il ne vise qu'à supprimer un article. En
l'espèce il suffit, en effet, de voter contre l'article en question. "
Alors, c'est Beauchesne.
Nous avons aussi Geoffrion: "II est irrégulier de proposer de
rayer un article en entier. Quand on veut qu'il soit rayé, on vote
contre son adoption. " Alors, je pense que cela est assez clair. Finalement, il
y avait M. Jean-Noël Lavoie, que vous avez bien connu, M. le
député de Portneuf...
M. Pagé: Très bien. Vous auriez dû le
connaître.
Le Président (M. Lachance): Peut-être. Le 3
décembre 1975, il a rendu une décision qui s'inspire de ce que je
viens de vous dire: Un amendement à une motion visant à
écarter la question principale est irrecevable. Là, on donne un
peu plus de détails compte tenu de ce qui avait été
évoqué à l'époque. Alors, je pense que c'est assez
clair. Alors, la décision est rendue et, par conséquent, nous
pouvons revenir à l'article 54.
M. Paquette: II était suspendu. Je crois comprendre qu'on
ne le "désuspendra" pas è moins que le ministre réponde
aux questions qui sont en suspens.
M. Clair: On pourrait laisser l'article 54 en suspens et adopter
sur...
M. Paquette: Et voter...
M. Clair:... sur division immédiatement les articles 55 et
56.
M. Paquette:... les articles 55 et 56.
Le Président (M. Lachance): Alors, est-ce que l'article 55
tel qu'amendé est adopté?
M. Clair: Adopté.
M. de Bellefeuille: Un instant, M. le Président...
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Vous dites "tel qu'amendé". Quel
amendement?
M. Clair: J'avais proposé un amendement à l'article
55.
M. de Bellefeuille: L'amendement du ministre. Très bien.
M. le Président, on nous a distribué... Très bien, c'est
une façon de parler. On nous a distribué un amendement de
l'Opposition officielle. Ne sera-t-il pas présenté?
M. Ryan: II n'est pas présenté.
M. de Bellefeuille: II n'est pas présenté.
M. Ryan: II n'a jamais été déposé. Il
vous avait été communiqué gracieusement...
M. de Bellefeuille: C'est très gentil,
merci...
M. Ryan:... pour votre information.
M. de Bellefeuille:... nous allons faire une grande croix.
Merci.
M. Ryan: Nous avons décidé de n'en pas parier ici,
étant donné le sort malheureux qui fut réservé,
plus tôt, à l'article 52.
Le Président (M. Lachance): Alors, est-ce que l'article
55, tel qu'amendé, est adopté?
Mme Le Blanc-Bantey: J'ai demandé le vote nominal, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Alors, M. le
secrétaire, nous allons voter sur l'adoption de l'article 55, tel
qu'amendé.
Le Secrétaire: M. Dussault (Châteauguay)?
M. Dussault: Pour.
Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?
M. Baril (Arthabaska): Pour.
Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville)?
M. Beauséjour: Pour.
Le Secrétaire: M. Clair (Drummond)?
M. Clair: Pour.
Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine)?
Mme Le Blanc-Bantey: Contre.
Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?
M. Ryan: Contre.
Le Secrétaire: M. Pagé (Portneuf)?
M. Pagé: Contre.
Le Président (M. Lachance): L'article 55, tel
qu'amendé, est adopté sur division.
M. Pagé: Quel est le résultat, M. le
Président?
Le Président (M. Lachance): Quatre pour et trois
contre.
M. Pagé: Quatre-trois, on se rapproche.
Le Président (M. Lachance): Et le président n'a pas
voté, et le président aurait droit de vote. J'appelle l'article
56.
Mme Le Blanc-Bantey: Ne nous faites pas de menace, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Pas du tout.
M. Pagé: M. le Président, étant donné
que vous ouvrez la porte, pourriez-vous nous indiquer comment vous auriez
voté?
Le Président (M. Lachance): C'est trèshypothétique.
M. Pagé: D'accord, bonne chance. Ne votez pas.
Le Président (M. Lachance): J'appelle l'article 56.
M. Clair: Adopté.
Mme Le Blanc-Bantey: Non, compte tenu du fait qu'on n'a pas pu
l'éviter, on va demander le vote nominal; on réussira
peut-être mieux.
Le Président (M. Lachance): Nous allons procéder au
vote nominal sur l'article 56.
Le Secrétaire: M. Dussault (Château-guay)?
M. Dussault: Pour.
Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?
M. Baril (Arthabaska): Pour.
Le Secrétaire: M. Beauséjour (Iberville)?
M. Beauséjour: Pour.
Le Secrétaire: M. Clair (Drummond)?
M. Clair: Pour.
Le Secrétaire: Mme Le Blanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine)?
Mme Le Blanc-Bantey: Contre.
Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil)?
M. Ryan: Contre.
Le Secrétaire: M. Pagé (Portneuf)?
M. Clair: Sans enthousiasme.
M. Pagé: Contre.
Les stipulations négociées et
agréées à l'échelle locale
ou régionale
Le Président (M. Lachance): L'article 56 est adopté
sur division. J'appelle l'article 57. M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Avec l'article 57, nous entrons dans la partie du projet
de loi qui traite des stipulations négociées et
agréées à l'échelle locale ou régionale.
L'économie du projet de loi se résume à peu près
ainsi: Dans le secteur des affaires sociales et dans le secteur de
l'éducation, pour le personnel de soutien et le personnel
professionnel...
On me signale, en passant, M. le Président - c'est une question
de formulation - une expression qui est employée désormais dans
les milieux syndicaux pour le personnel professionnel non enseignant, on dit du
personnel professionnel tout court, on n'emploie plus l'expression "non
enseignant". Si vous adoptez une loi qui doit valoir pour la prochaine
année ou pour les deux ou trois prochaines années, il faudrait
peut-être que vos rédacteurs vérifient ce point avec la
centrale syndicale concernée. On parle de personnel professionnel tout
court maintenant, on m'a signalé cela ces jours derniers.
Mais ce n'est pas là-dessus que je veux attirer votre attention
pour l'instant. On dit que pour le personnel des affaires sociales et le
personnel de soutien, le personnel professionnel des commissions scolaires, les
matières sur lesquelles les stipulations négociées et
agréées à l'échelle locale ou régionale
portent sont celles que définissent les parties à l'occasion de
la négociation des stipulations nécogiées et
agréées à l'échelle nationale. Cela veut dire,
ainsi qu'on le verra d'ailleurs à l'article suivant, que pour le
personnel enseignant dans le secteur de l'éducation et pour le personnel
professionnel dans le cas des collèges en plus, les matières
mentionnées à l'annexe A du projet de loi sont l'objet de
stipulations négociées et agréées à
l'échelle locale ou régionale de manière obligatoire.
Finalement, on dit plus loin, à l'article 60, que les
négociations qui ont lieu à l'échelle locale ou
régionale ne peuvent donner lieu à un différend au sens de
notre loi du travail, c'est-à-dire un différend pouvant
déboucher sur une grève ou un lockout.
La position que véhiculeront les amendements dont nous saisirons
la commission se résume à ceci: Nous trouvons que, dans le
secteur des affaires sociales, la position consistant à dire que les
conventions collectives seront négociées et agréées
à l'échelle nationale et que des arrangements pourront être
établis d'un commun accord à l'échelle locale, c'est une
position qui est acceptable pour nous et qui, d'ailleurs, va bien avec la
philosophie générale que nous avons définie.
Dans le secteur de l'éducation, il y aurait un amendement que
nous proposerions - et je pense que j'en ai déjà donné
communication, à titre d'information, au ministre ainsi qu'aux autres
membres de la commission - et qui se lirait comme suit, à l'article 57:
Supprimer les mots "à l'égard du personnel de soutien et du
personnel professionnel non enseignant des commissions scolaires". Il faudrait
supprimer ces mots, ce qui nous ramènerait au régime suivant,
à un régime où les conventions collectives seraient
négociées à l'échelle nationale, sauf sur les
matières qui auraient fait l'objet d'un accord entre les parties pour
qu'elles soient négociées et agréées à
l'échelle locale ou régionale.
C'est aussi simple que cela. Il y a beaucoup d'implications
là-dedans. Si le gouvernement avait accepté, comme le demandait
l'hypothèse de règlement acceptée par le ministre de
l'Éducation et la Centrale de l'enseignement du Québec, que
certaines matières puissent être négociées à
l'échelle locale au sens plein du terme - je souligne, à
l'intention du député de Châteauguay, qu'ici le mot
"négociation" aurait son véritable et plein sens - si le
gouvernement avait consenti à ce que ces matières soient
négociées à l'échelle locale et régionale,
comme le demandait l'hypothèse de règlement approuvée par
le ministre de l'Éducation et rejetée par le cabinet à ce
moment, nous sommes tout à fait pour la négociation locale
à la condition que ce soit une vraie négociation. Si le
gouvernement ne veut pas de vraie négociation, à ce moment, nous
lui disons: Laissez la négociation au plan national et, si les parties
s'entendent pour que certains éléments puissent faire l'objet
d'arrangements à l'échelon local ou régional, c'est
très bien. À ce moment, vous supprimez le droit de grève.
Les choses sont claires, mais ce que nous voulons, c'est que certaines
matières puissent être négociées et
agréées à l'échelle locale ou régionale,
moyennant un accord des parties au plan national, mais une négociation
locale et régionale assortie de tous les éléments qui sont
inhérents à une négociation véritable, y compris le
droit de grève. C'est notre position de base sur le secteur de
l'éducation.
Quant au secteur des affaires sociales -mon collègue de Portneuf
en parlera tantôt -il ne peut pas y être question d'une
négociation locale avec un droit de grève. Vu qu'on la refuse au
plan national, il ne peut pas en être davantage question au plan local.
C'est une question de consistance élémentaire de notre part qui
se comprend facilement, je pense, de la part du ministre. C'est notre position
que véhicule l'amendement dont je viens de donner
lecture. (23 h 45)
Je vais continuer ainsi à titre d'introduction, parce que cela
nous permet d'embrasser trois ou quatre articles en même temps; ensuite,
on pourra les discuter un après l'autre avec beaucoup plus de
brièveté, je pense. Cela nous amène à demander que
l'article 58 disparaisse par des voies qu'il restera à
déterminer. Nous avions préparé un amendement très
simple qui aurait consisté à supprimer tout simplement cet
article. Étant donné votre décision, nous allons essayer,
d'ici à demain matin, d'en rédiger un qui gardera au moins une
couple de mots, mais qui fera disparaître le reste.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Ryan: Si nous ne réussissons pas, nous devrons...
M. Paquette:... nous faisons confiance aux parties pour
décider des matières, décider localement, quelque chose du
genre.
M. Ryan: Oui, il y a bien des choses qui peuvent être
trouvées ici, en tout cas, dont l'objet essentiel serait de fairedisparaître l'annexe A.
M. Paquette: D'accord.
M. Ryan: D'accord? Si nous ne voulons pas que des choses soient
négociées de manière obligatoire sans droit de
grève au plan local, nous ne pouvons pas consentir à l'annexe A
qui a précisément pour but d'imposer cela. Je pense que cela va
de soi également.
Ensuite, il y a une autre chose qu'il faudrait modifier pour satisfaire
à la position que nous essayons de défendre. À l'article
60, il faudrait convenir, au deuxième alinéa, que les
négociations qui ont lieu à l'échelle locale ou
régionale ne peuvent donner lieu à un différend - je vais
prendre le texte de l'amendement pour ne pas induire qui que ce soit en erreur
- dans le secteur des affaires sociales. Je pense que la position se tient. Je
pourrais l'expliquer très longuement, mais cela ne servirait à
rien. C'est rattaché à la position de fond que nous
défendons comme parti depuis le début du débat sur le
projet de loi 37. Nous avons dit à combien de reprises: II faut faire
des modifications là où l'expérience enseigne qu'elles
doivent être faites et là où les solutions de rechange
qu'on veut instituer par voie législative ont des chances très
sérieuses d'être meilleures que les choses qu'on veut remplacer.
Sous l'empire de ces deux critères, nous trouvons que, dans ce
secteur-ci, mieux vaut avoir des réflexes de saine conservation de ce
que nous avons plutôt que de transformation simplement pour le plaisir
d'expérimenter des choses nouvelles.
Hier, au cours de la discussion préliminaire que nous avons eue
à ce sujet, j'ai fait un résumé de ce qui était
arrivé dans le secteur des négociations au plan de
l'éducation, au niveau local et régional, au cours des dix
dernières années. J'ai fait une évocation des litiges qui
ont pu survenir, des différends qui ont donné lieu à des
arrêts de travail, et j'ai conclu de la synthèse que j'avais faite
et qui n'a pas été réfutée par le gouvernement...
J'avais demandé au ministre, s'il pouvait présenter un dossier
plus complet à ce sujet, de nous le présenter, en lui disant que
nous serions très heureux d'en prendre connaissance, mais j'étais
allé aux renseignements...
M. Clair: C'était assez complet, ce que vous avez
fait.
M. Ryan: Oui. Je pense que, sur la foi du dossier historique sur
lequel nous sommes d'accord - je remercie le ministre d'apporter cette
précision - il n'y a pas lieu d'envisager de changements radicaux. Je
pense que ce serait mieux d'agir par réflexe de saine conservation. Le
cardinal Newman, dont j'admire beaucoup l'oeuvre remarquable non seulement au
plan théologique, mais au plan intellectuel tout court, a écrit
un ouvrage qui s'appelle "Grammar of Assent". Cela dit peut-être quelque
chose à mon collègue de Deux-Montagnes qui aime beaucoup les
auteurs anglais. Dans cet ouvrage, à un moment donné, il donne
les caractéristiques d'une idée qui a su se conserver à
travers les âges. Il en donne sept. Je ne veux pas les
énumérer toutes, parce qu'il faudrait que je retourne à
l'ouvrage, mais il y en a une qui m'a toujours frappé. Il dit: Une
caractéristique de cette idée-là, c'est "conservative
action upon its past", c'est qu'elle tend à préserver son
passé.
Ce n'est pas une affaire inutile et superfétatoire. Cela fait
partie de son être, son passé. On parle des idées. À
cause de ce réflexe spontané de "conservative action upon its
past", par conséquent, cette idée ne consent pas à
être supplantée ou éliminée, à moins qu'il
n'y ait eu vraiment des développements qui ont fait apparaître des
idées meilleures, plus fortes. Il expliquait que c'est comme cela que
certaines grandes idées se sont conservées à travers les
âges, parce qu'il y a toujours eu des gens pour les incarner avec les
autres caractéristiques. Je pourrais vous les donner demain si vous
voulez, parce que cela fait assez longtemps que je n'ai pas relu cet ouvrage
remarquable de logique. C'est un ouvrage de logique, celui-là. Ce n'est
pas un ouvrage religieux. L'élément religieux est secondaire dans
l'ouvrage, quoiqu'il y ait beaucoup d'application. Mais le fond, c'est un
exercice de logique qui est reconnu comme un des
meilleurs qui ait jamais été fait en ce qui touche le
thème très important du développement homogène des
idées, le développement des idées sans les altérer
en cours de route.
Alors, c'est cela qu'est mon réflexe conservateur dans ces
questions. Ce n'est pas parce que je suis un conservateur, M. le
Président; je surprendrai toujours mes amis en étant parfois
très conservateur et parfois très radical. J'aime bien que mes
attitudes soient inspirées par ma liberté d'esprit et non par mon
rattachement à l'école de droite ou à celle de gauche.
Cela ne m'empêche pas de dormir.
Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous êtes
né sous le signe de la Balance, M. le député?
M. Ryan: Pardon?
Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous êtes
né sous le signe de la Balance?
M. Ryan: Je ne connais rien là-dedans.
Le Président (M. Lachance): Excusez-moi.
M. Ryan: J'ai toujours été faible sur les symboles.
Les symboles n'ont jamais été mon fort!
Alors, je reviens à ceci, je suis très sérieux
quand je vous dis qu'il faut faire attention là-dessus. Ce n'est pas une
fantaisie ou un discours d'opportuniste, pas du tout. Une autre idée qui
m'incline à penser ainsi, c'est que déjà nous demandons
à la partie syndicale, dans le secteur de l'enseignement, de faire un
gros sacrifice quant à la négociation des clauses salariales.
Nous lui disons, à toutes fins utiles: Nous vous demandons de renoncer
à l'exercice conventionnel du droit de grève, à l'exercice
du droit de grève, pour être franc; mais nous ne voulons pas
amputer le droit à la négociation là où cela
n'apparaît pas vraiment impérieux en raison de ce que nous avons
vécu. Il ne nous semble pas que l'expérience vécue au plan
local en matière de négociation dans le secteur de
l'éducation justifie des modifications aussi draconiennes que celles que
propose le projet de loi. C'est dans cet esprit que nous déposons ces
propositions d'amendement, qui auraient pour but de maintenir ce que nous avons
connu dans ce secteur, en espérant que cela va produire de bons
résultats, comme cela en a produit dans l'ensemble au cours des 15 ou 20
dernières années.
C'est l'essentiel de la position que véhiculent les propositions
d'amendement qui sont déposées à ce stade-ci. Je serais
très heureux d'apprendre que le gouvernement est prêt à
considérer ces modifications à son projet de loi. On va me dire
et je pense que le ministre l'a mentionné l'autre jour: Vous allez
créer deux régimes pour les établissements de
santé. Oui, parce que nous sommes dans deux ordres différents.
J'ai bien mentionné que, si nous sommes contre l'exercice du droit de
grève dans le secteur des établissements de santé et dans
le secteur des centres d'accueil, c'est pour des raisons qui se rattachent
directement à la santé publique, comme nous sommes contre le
droit de grève dans le cas des policiers et des pompiers pour des
raisons qui se rattachent à la sécurité publique. Je pense
que c'est un élément de commune doctrine en matière de
relations du travail dans le secteur des "public utilities" et des "public
services", qu'on peut envisager le retrait ou la suppression ou la limitation
sévère du droit de grève là où des motifs
impérieux se rattachant directement à la santé ou à
la sécurité publique le justifient. Dans les cas que j'ai
mentionnés, je pense que c'est une expression latine qui disait cela
autrefois, dans notre temps: Evidentia patet. Je m'excuse pour mon jeune
collaborateur qui n'a pas eu le temps de faire des études de latin parce
que cela n'existait plus de son temps; cela veut dire "cela tombe sous le
sens", comme dit...
M. Clair: Le député de Portneuf...
M. Ryan:... les frères jumeaux. Ah! toi aussi,
peut-être. Cela, c'est evidentia patet.
M. Paquette: Le député n'a pas dit son "jeune
collègue".
M. Ryan: C'est évident, cela tombe sous le sens, comme
aime le dire le ministre. Cela se dégage. De traduire exactement, j'en
serais embarrassé, ce soir. Alors, il me semble pour ces raisons que,
dans ce cas-là, cela le justifie.
Dans le cas de l'éducation, ce n'est pas la même chose. Je
ne pense pas qu'on puisse dire qu'une grève d'une ou de deux semaines
porte atteinte à la sécurité publique, pas davantage
à la santé, au bien public, oui. Mais, là, si on allait
prendre le critère du bien public, c'est extrêmement dangereux, de
même que si on allait prendre le critère que cela nuit à la
santé de l'économie. On ne peut pas le mettre comme
critère habituel dans des lois parce qu'à ce moment-là on
interdirait à peu près tout. Cela voudrait dire qu'on ne serait
pas pour la libre négociation. Le gouvernement comprend très bien
cela, d'ailleurs; il a toujours fait attention de ne pas utiliser ce concept de
manière inconsidérée. Il peut arriver que, dans des cas
exceptionnels, disons une grève dans les transports, le gouvernement
agisse; cela se comprend très bien. Mais c'est exceptionnel, dans des
cas d'une très grande
gravité.
Alors, dans le cas de l'éducation, je ne pense pas qu'on puisse
dire à l'état de thèse générale qu'on
devrait supprimer le droit de grève. Par conséquent, si on n'est
pas prêt à le dire, je pense qu'on ne devrait pas le laisser
entendre dans un texte de loi, il faudrait plutôt opter pour les risques
inhérents à la libre négociation jusqu'à plus ample
information. L'information dont nous disposons pour l'heure, sur la foi de
l'expérience des 15 ou 20 dernières années, ne justifie
pas les conclusions qui sont véhiculées dans le libellé
actuel des articles 57 et suivants. Pour tout cela, M. le Président, je
crois que les amendements contribueraient à bonifier le projet de loi si
le gouvernement voulait les considérer.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Rosemont, en tenant compte du peu de temps qu'il nous reste.
M. Paquette: Loin de moi l'idée de dépasser l'heure
fatidique de minuit, M. le Président. Je veux simplement, pour que le
ministre dorme sur cette question, soumettre notre position. Nous avions
également prévu des amendements aux articles 57 et 58 qui ont
exactement le même effet que ceux proposés par le
député d'Argenteuil. Je pourrais d'ailleurs lui passer la
formulation de notre article 58. Cela lui éviterait peut-être de
le regarder.
Essentiellement, il s'agit ici de faire en sorte, puisque le ministre a
décidé de supprimer le droit de grève et la libre
négociation sur les salaires en deuxième et troisième
années de la convention collective, qu'au niveau local on laisse jouer
la libre négociation. Particulièrement à ce niveau, c'est
là qu'on retrouve cette possibilité de dégager le bien
commun en termes de qualité de travail, de vie nu travail et de services
à la population, par la négociation dans une optique
d'égalité entre les besoins constatés par les
administrations locales et les besoins constatés par les travailleurs
des établissements.
Je pense que le même principe vaut dans le domaine de la
santé que dans le domaine de l'éducation. Les articles ainsi que
formulés font en sorte que, dans les autres secteurs, cela va, mais dans
le secteur de l'éducation à l'égard du personnel
enseignant et dans le cas des collèges, à l'article 58, on se
réfère à l'annexe A. Quand on regarde la liste des sujets
prévus à l'annexe A, on s'aperçoit, par exemple, que
concernant le régime syndical un bon nombre des conditions de travail
sur le plan local vont être soumises à un mécanisme
complexe, qui suit dans les articles suivants, de médiateur-arbitre, et
il faudra que les deux parties soient d'accord pour confier un rôle
décisionnel au médiateur-arbitre. En cas de mésentente, on
en restera, règle générale -il y aura des nuances à
faire - à la situation précédente.
Je pense que cela risque de ralentir l'évolution et cela risque
également de valoriser indûment le droit de gérance des
administrations locales, qui est la règle générale - je
pense qu'il faut le reconnaître - dans l'économie de nos lois. Je
pense qu'il est important sur ces questions-là que les travailleurs de
l'enseignement, puisque ce sont eux qui sont visés ici, puissent
s'exprimer avec autant de force. S'il n'y a pas de droit de grève au
niveau local, la négociation risque de se faire bien vite. Les syndicats
vont s'amener devant l'administration locale. Si, à première vue,
cela n'agrée pas à l'administration locale, le syndicat pourra
toujours appeler un médiateur-arbitre et ce dernier va venir saluer la
partie patronale. Si la partie patronale ne veut pas que l'arbitre tranche, il
ne tranchera pas. Je pense qu'on va perdre énormément de
richesse. Compte tenu qu'il y a eu très peu de conflits sur des
négociations locales dans le passé - je pense qu'on avait
dénombré 3 commissions scolaires sur 255 la dernière fois
et la fois précédente aussi...
M. de Bellefeuille:... les a énumérées.
M. Paquette: Oui. C'est à peu près 3 sur 255.
Une voix:...
M. Paquette: C'est cela. M. le Président, je ne vois pas
pourquoi encore ici on décide d'imposer une liste de matières
où le droit à la libre négociation sera exclu.
J'espère que le ministre va y repenser, qu'il va dormir là-dessus
et qu'il va nous arriver avec une attitude d'ouverture demain matin.
Le Président (M. Lachance): II est minuit et la commission
du budget et de l'administration ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à minuit)