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(Quinze heures quinze minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La
commission du budget et de l'administration se réunit avec le mandat
suivant: Procéder à une consultation particulière portant
sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les courtiers d'assurances - et
la Loi sur les assurances. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le
secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blank
(Saint-Louis) sera remplacé par M. Maltais (Saguenay); M. Dussault
(Châteauguay) sera remplacé par M. Gravel (Limoilou); M. Tremblay
(Chambly) sera remplacé par M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata). C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, est-ce que je peux demander
à mes collègues le droit de faire siéger M. Lincoln, du
comté de Nelligan, comme représentant de notre côté
sans le droit de vote, mais avec le droit d'être entendu? C'est quelqu'un
qui connaît très bien le milieu. Il peut nous aider, je suis
certain, dans le débat et les questions qu'on va poser.
Le Président (M. Lachance): Vous voulez invoquer l'article
132 de nos règles de procédure?
M. Scowen: C'est cela.
Le Président (M. Lachance): Cela se lit comme suit: "Le
député qui n'est pas membre d'une commission peut, avec la
permission de cette dernière, participer à ses
délibérations, mais ne peut y voter ni y présenter de
motion. "
M. Duhaime: Pas d'objection, M. le Président; on pourra le
faire au fur et a mesure des interventions, comme on fait d'habitude.
Le Président (M. Lachance): Très bien. M. le
député de Nelligan pourra participer aux
délibérations. Je voudrais souhaiter la bienvenue à tous
les membres de cette commission après quelques semaines, je ne dirais
pas de repos parce que j'ai l'impression que tout le monde a repris le boulot
depuis un bon bout de temps. Avant d'amorcer les auditions, je voudrais laisser
la parole au ministre des Finances pour quelques indications
préliminaires. M. le ministre.
M. Duhaime: Oui, M. le Président, je vous remercie. Nous
allons, tel que prévu, dans quelques minutes, commencer à
entendre différents intervenants sur l'avant-projet de loi concernant
des modifications à la Loi sur les courtiers d'assurances. Cet
avant-projet de loi a été déposé devant
l'Assemblée nationale à la fin juin, presque à
l'ajournement de nos travaux.
La commission, M. le Président, se réunit aujourd'hui sur
un mandat d'initiative pour entendre des groupes ou des personnes sur
l'avant-projet de loi. Nous avons, après consultation avec une
association qui est sans aucun doute la principale intéressée,
c'est-à-dire l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec, suivant son nom corporatif, arrêté la date
d'aujourd'hui et de demain, soit les 9 et 10 septembre, afin que nous puissions
procéder à l'examen de l'avant-projet de loi.
Je voudrais, M. le Président, et je crois que c'est mon devoir,
porter à la connaissance de la commission une lettre qui porte la date
du 5 septembre et qui est signée par M. Paul-André Simard,
président de l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec. Je pense qu'on n'a pas les photocopies disponibles. Oui, vous
les avez? Alors, si vous voulez les faire distribuer...
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, on peut faire
la distribution.
M. Duhaime:... mais je devrai en faire un dépôt
formel pour le suivi des choses. Je vais lire le premier paragraphe ou les
paragraphes pertinents, aussi bien lire la lettre au complet. Il y a quatre
paragraphes. Si on exclut les formules de politesse à la fin, il en
reste trois. "M. le ministre, l'Association des courtiers d'assurances du
Québec vous demande, par la présente, de faire reporter à
une date ultérieure les consultations de la commission du budget et de
l'administration. "La raison de cette demande est que l'association a
entrepris, au début de juillet, une consultation des membres de ses
principales instances décisionnelles. Malgré maints
efforts, nous n'avons pas pu les mener à terme. "L'association tient
humblement à s'excuser auprès de vous, de la commission et de ses
membres ainsi qu'auprès des autres intervenants pour tous les
inconvénients qu'elle occasionne. "Veuillez agréer, M. le
ministre, l'expression de mes sentiments les plus distingués. "
Sur réception de ce document, M. le Président, nous avons
communiqué avec nos collègues membres de la commission afin de
voir si nous ne pouvions pas donner suite à cette demande. Je voudrais
non pas expliciter là-dessus, mais vous dire simplement que, sans que je
trouve cette situation gênante, il aurait été, à mon
sens, préférable de reporter ou d'ajourner jusqu'à ce que
l'association nous indique dans quel délai elle pourrait être
entendue.
Ceci étant dit, M. le Président, je n'ai pas l'intention
de faire une motion formelle de suspension, à moins que, de l'autre
côté, on ne me donne un consentement; mais je suis prêt
à ce que nous entendions les gens qui ont été
convoqués pour aujourd'hui, en excluant, bien sûr, l'association.
Je sais que ceux ou celles qui devraient être entendus demain sont
convoqués pour demain seulement.
J'ajoute un dernier élément. Je ne pense pas qu'il soit
sage, pour la bonne marche des travaux de la commission, qu'en termes de
calendrier - il va sans dire, peu importent les travaux que nous conduirons
aujourd'hui et demain, sans préjuger des discussions qu'on pourrait
avoir sur ce sujet -à cette étape-ci, nous n'avancions pas
davantage sur cet avant-projet tant et aussi longtemps que nous ne nous serons
pas réunis à nouveau pour entendre l'Association des courtiers
d'assurances de la province de Québec.
Voilà, M. le Président. Je pense qu'il était de
mise de vous indiquer ce qui s'est passé - à ma connaissance en
tout cas - et c'est ce qui explique que l'Association des courtiers
d'assurances de la province de Québec, qui devait être entendue en
tout premier lieu aujourd'hui, ne sera pas entendue.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, M. le Président. Si je comprends bien le
ministre, l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec était bel et bien avisée de notre intention de
tenir la consultation aux dates que nous avons fixées. À
l'époque elle n'a pas apporté d'objection à ces dates. Je
veux juste souligner au ministre que, lorsque nous avons été
avisés, jeudi après-midi, de la demande de l'Association des
courtiers d'assurances de la province de Québec de reporter toute la
commission, notre réaction a été la suivante.
Premièrement, il est essentiel - quant à nous - qu'on entende
l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec avant
qu'on termine les consultations sur le projet de loi. Elle est certainement
l'une des principales intéressées à ce projet de loi. Nous
avons dit, nous le répétons aujourd'hui, et vous l'avez dit vous
aussi, que cela va de soi qu'il faut fixer une autre date convenable quand
l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec pourra
se faire entendre. C'est essentiel, et nous avons exprimé cette opinion
à l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec.
Ceci étant dit, il reste tout de même que l'avant-projet de
loi est un projet de loi public qui n'appartient à aucun groupe ou
à aucune association, et la commission a convoqué un nombre
important d'associations et de groupes à se faire entendre ces jours-ci.
Il y a un bon nombre de personnes qui y sont impliquées. Même avec
l'absence de l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec, je compte treize personnes qui sont venues à
Québec aujourd'hui et il va y en avoir d'autres demain. Donc, il y a
beaucoup de gens qui se sont organisés et qui ont probablement
été obligés d'accélérer leurs consultations
pour arriver à cette date. On ne voit pas le besoin de retarder toute la
commission simplement pour entendre une association, ce que nous pourrons faire
plus tard quand les gens de cette association seront prêts. Donc, on a
proposé que l'on continue et c'est -semble-t-il - ce que vous avez
décidé de faire. On va entendre les associations qui sont ici
aujourd'hui et demain. L'Association des courtiers d'assurances de la province
de Québec est en train de nous préparer quelque chose et,
lorsqu'elle dira qu'elle est prête, on va fixer un rendez-vous avec la
commission pour établir une date convenable pour tout le monde.
Le Président (M. Lachance): Est-ce que ça va, M. le
député?
M. Scowen: Oui.
Le Président (M. Lachance): Merci. Nous avions
prévu entendre à ce moment-ci l'Association des courtiers
d'assurances de la province de Québec, mais, comme ils ne sont pas
présents, j'inviterais, s'ils sont prêts, les représentants
du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec à
bien vouloir prendre place à la table.
M. Bertrand (Gilles): M. le Président, mon nom est Gilles
Bertrand. Je suis avocat
et conseiller juridique de l'Association des courtiers d'assurances de
la province de Québec, si vous permettez.
Le Président (M. Lachance): Très bien, vous pouvez
vous asseoir ainsi que les personnes qui vous accompagnent.
M. Bertrand (Gilles): Je suis seul.
Le Président (M. Lachance): M.
Bertrand, Gilles Bertrand?
M. Bertrand (Gilles): Gilles Bertrand.
Le Président (M. Lachance): Très bien. C'est bien
le Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec?
Une voix: Non, c'est l'association.
Le Président (M. Lachance): Pardon, d'accord.
M. Scowen: Est-ce qu'il va faire des représentations?
Le Président (M. Lachance): Je pense que M. Bertrand peut
expliquer.
M. Bertrand (Gilles): Je ne crois pas que ce soit
nécessaire de faire des représentations après ce que M. le
ministre et M. Scowen ont dit tantôt. Maintenant, est-ce qu'il y aurait
possibilité de prévoir que la date de comparution de
l'association devant la commission soit postérieure au 2 octobre, date
à laquelle le mémoire de l'association sera ratifié ou
entériné par le conseil d'administration de l'association?
M. Duhaime: Si j'ai bien compris, ce n'est pas avant le 2
octobre. Moi, je suis d'accord.
Le Président (M. Lachance): Très bien, M. Bertrand.
Ça va bien quand les gens sont de bonne entente.
À ce moment-ci, je voudrais indiquer aux membres de la commission
que nous sommes à 15 h 30 à peu près. Nous avons
prévu une durée d'une heure trente pour le Regroupement des
cabinets de courtage d'assurance du Québec, ce qui nous porterait
à 17 heures. Il y a un groupe en fin de soirée qui est
prévu pour une durée d'une heure. Il s'agit de Pouliot,
Guérard Inc. J'aimerais savoir si les représentants du dernier
groupe seraient prêts à passer immédiatement avant le
souper, pour une durée d'une heure. Est-ce que les représentants
de Pouliot, Guérard Inc. sont ici?
Une voix: Non, ils viennent juste de sortir.
Le Président (M. Lachance): Non. De toute façon, on
les verra tantôt.
M. Lincoln: Est-ce que le Bureau d'assurance du Canada ne parlait
pas ce soir?
Une voix: Une heure et trente.
Le Président (M. Lachance): C'est de 20 heures à 21
h 30. C'est parce qu'il y a une durée d'une heure trente...
M. Lincoln: Ah bon, je vois.
Le Président (M. Lachance):... pour ne pas couper, si
c'était possible. De toute façon, on pourra consulter de nouveau
dans les minutes qui vont suivre. J'imagine qu'on pourra voir si c'est possible
d'entendre ces gens. J'invite le porte-parole du Regroupement des cabinets de
courtage d'assurance du Québec à bien vouloir s'identifier et
à présenter les personnes qui l'accompagnent.
Regroupement des cabinets
de courtage d'assurance du Québec
M. Morin (John): Mon nom est John Morin. À ma droite, M.
Maurice Dubuc, qui est administrateur; le conseiller juridique, Me André
Bois. À ma gauche, le vice-président, Simon Brisson, et notre
directeur, Armand Bois. J'avais pensé que vous nous donneriez les trois
heures, mais on peut le faire en moins que cela!
(15 h 30)
Le Président (M. Lachance): Tel qu'on vous l'a
indiqué dans une lettre qui vous est parvenue, datée du 9
août 1985 et signée par le secrétaire suppléant de
la commission, M. Côté, les membres de la commission ont
exprimé le voeu qu'une période d'environ dix minutes vous soit
laissée pour la présentation de votre mémoire et, par la
suite, qu'il y ait des échanges avec les membres de la commission.
Vous avez la parole.
M. Morin: M. le Président, M. le ministre, messieurs et
madame les députés, nous sommes un organisme de
propriétaires de cabinets de courtage en assurance et nous voyons aux
intérêts socio-économiques de nos membres. Donc,
l'avant-projet de loi influence tous nos membres, parce que nos membres sont
également des courtiers d'assurances et membres de l'association des
courtiers.
Je demanderais maintenant à Me Bois de faire un exposé de
notre mémoire, que vous avez entre les mains.
M. Bois (André): Brièvement, vous avez
constaté que le mémoire comporte deux parties. Dans la
première partie du mémoire,
il est question du cadre de contrôle des intermédiaires,
c'est-à-dire l'association comme telle. À l'intérieur de
ce sujet-là, nous traitons de trois questions. La première, c'est
que le regroupement que je représente constate que le texte de loi
proposé maintient deux sources parallèles de contrôle de
l'activité des intermédiaires. D'une part, l'Association des
courtiers d'assurances de la province de Québec continue à
délivrer des permis de pratique, continue à exercer un
contrôle disciplinaire, continue à surveiller la formation
professionnelle; il n'y a rien de changé de ce côté, sauf
certains raffinements en ce qui concerne l'inspection professionnelle et autres
dispositions que je passe sous silence pour l'instant.
Parallèlement à l'association, on maintient toujours le
pouvoir de l'Inspecteur général des institutions
financières de délivrer des permis à des agents
d'assurances à représentation multiple, tout comme les courtiers.
La raison pour laquelle nous soulignons ce problème, c'est que
normalement, quand on a une corporation professionnelle, quand on accepte le
corporatisme - il me semble que ce ne soit pas en cause ici, puisqu'on
dépose cet avant-projet; la déréglementation n'est pas
pour aujourd'hui dans le domaine professionnel, semble-t-il - on va jusqu'au
bout du cheminement. Il me semble contradictoire de maintenir, d'une part,
l'autorité d'une corporation professionnelle sur ses membres et, d'autre
part, d'avoir d'autres gens qui exercent exactement la même
activité et qui, en vertu de l'article 330 de la Loi sur les assurances,
pourront demander leur permis à l'inspecteur général.
C'est contradictoire parce que qui dit deux sources de contrôle dit deux
sources de réglementation.
Si on me permet une comparaison - je terminerai sur ce point par cette
comparaison - c'est comme si les maîtres mécaniciens en tuyauterie
avaient deux corps ou deux guildes, l'une qui relèverait de la gouverne
de leurs membres et l'autre qui relèverait du ministère du
Travail, ou comme si les avocats étaient, pour certains,
gouvernés par le Barreau et, pour d'autres, certifiés par le
ministère de la Justice. Je trouve cela tout à fait
contradictoire, contraire aux principes de l'égalité des citoyens
devant la loi en ce sens qu'on aura souvent deux corps de règlements qui
ne seront pas en parfaite harmonie. Dans un corps de règlements
édicté par l'association, on aura des règles
disciplinaires plus ou moins sévères. Quant à l'inspecteur
général, on pourra avoir également des règlements
disciplinaires plus ou moins sévères.
Toujours sur cette pluralité des cadres de contrôle, nous
déplorons également qu'on ne saisisse pas l'occasion de cette
réforme pour confier à l'association le contrôle de tous
les intermédiaires en assurance. Pas seulement, comme c'est le cas en
vertu de l'avant-projet, des intermédiaires en assurance de dommages, en
assurance générale, mais également les
intermédiaires en assurance-vie. Il se fait du courtage en
assurance-vie. C'est un produit financier au même titre que l'assurance
générale, peut-être avec des techniques ou des contrats
différents, mais dans les deux cas il y a un intermédiaire et,
dans les deux cas, il y a un rôle de conseil à jouer. Il me semble
que ce serait encore une fois l'occasion de poser tout le problème des
intermédiaires. Cela fait longtemps qu'on discute de la
problématique des intermédiaires, de faire de l'association un
organisme unique de contrôle de tous les intermédiaires en
assurance parce que les problèmes de discipline; de formation
professionnelle sont les mêmes, qu'il s'agisse de courtiers ou
d'assureurs-vie.
Le deuxième point dans le mémoire, au chapitre II, c'est
ta tutelle administrative du gouvernement. On remarque dans le projet de loi
que le gouvernement, comme c'est le cas pour d'autres corps professionnels,
approuve les règlements de l'association des courtiers.
Jusque-là, cela va bien, mais on observe - et c'est là la
modification - que l'avant-projet de loi prévoit que les
règlements pourront être approuvés avec modification. Le
gouvernement ou l'avant-projet de loi introduit une nouveauté: il y aura
un pouvoir de réformation des règlements adoptés par
l'association. On sait que cela existe à l'intérieur de beaucoup
d'autres administrations déléguées.
L'association n'est pas la seule dont le pouvoir réglementaire
est soumis à une tutelle; cela, on en convient. Ce que nous demandons,
c'est que ce pouvoir de réformation soit assorti de conditions
préalables, que ce ne soit pas unilatéral, que le gouvernement ou
l'inspecteur général soit tenu, s'il doit y avoir des
modifications du règlement soumis pour approbation, de formuler ou
d'adresser des suggestions à l'association des courtiers pour que
celle-ci modifie en conséquence son règlement pour donner suite
au souhait de l'inspecteur général ou du gouvernement.
Je tiens à souligner là-dessus que, dans d'autres textes
de loi - je n'en ferai pas une énumeration - où on soumet, par
exemple, certains règlements des municipalités à une
approbation du gouvernement, des conditions sont prévues. Par exemple,
on va dire: Pourvu que la modification ne change pas l'objet du
règlement. Nous demandons que cette tutelle, prévue dans
l'avant-projet de loi, soit assortie de conditions.
Sous-titre 1. Un dernier point technique sur le fonctionnement de
l'association est contenu au chapitre III de notre mémoire. Une des
nouveautés de cet avant-projet de loi est de permettre aux corporations
de
courtiers de devenir membres de l'association des courtiers, de devenir
des membres corporatifs, ce qui n'existe pas pour les autres corps
professionnels. On l'a déjà dit dans notre mémoire, nous
sommes en parfait accord avec cette réforme pour des motifs bien
évidents: elle répond aux intérêts des membres. Mais
il y a des inconvénients qui résultent de cette formule et les
voici. Nous les soulignons pour qu'on y apporte des correctifs.
Pour qu'une corporation soit membre, il faut que les courtiers, par le
truchement desquels elle exerce, elle fonctionne, soient eux-mêmes
membres de l'association. Ce qui signifie que la corporation va payer une
cotisation et que tous les courtiers, employés ou administrateurs du
courtier corporatif, vont aussi payer des cotisations. Cela pose le
problème suivant: Dans le cas des plus petits courtiers corporatifs -
par exemple, un courtier qui n'a qu'un ou deux actionnaires -des petits
cabinets, ceci signifie que ce courtier corporatif sera pénalisé
parce qu'il va payer sa cotisation et qu'il devra payer la cotisation de sa
corporation. Cet inconvénient se répercute également pour
les cotisations au fonds d'indemnisation: double cotisation pour la corporation
et pour les personnes physiques.
Ce problème se pose aussi lors du vote des assemblées
générales de l'association. La corporation a un droit de vote par
son représentant et le courtier, personne physique qui en est
actionnaire, a un droit de vote. C'est difficilement compréhensible. Le
regroupement que je représente comprend mal qu'on va réussir
à atteindre un suffrage égalitaire. Avec ce genre de
fonctionnement, il faudra trouver les mécanismes pour atténuer
cette entorse au principe un homme, un vote. On sait que, dans les petites
corporations, les plus petites y trouvent un avantage. Prenons, par exemple,
Laframboise Inc. M. Laframboise, dans le fond des choses, va exercer deux
droits de vote: le vote de sa compagnie et son droit de vote comme personne
physique. La loi ne prévoit absolument aucun mécanisme ni dans
son texte ni dans les pouvoirs de réglementation qui sont
accordés par l'association pour atténuer les conséquences
de cette innovation.
Évidemment, d'autres conséquences, ce sont les
pénalités à la suite des infractions. On sait que, quand
les administrateurs d'une compagnie contreviennent à la Loi sur Ies
assurances, la compagnie peut, par principe de l'imputabilité,
être tenue pénalement responsable.
Deuxième partie du mémoire, bien brièvement: Le
champ de pratique. Il s'agit des amendements apportés aux articles 31 et
32. Sur ce point, on voudrait simplement souligner que, d'une part, on permet,
par les nouveaux articles 31 et 32, à d'autres professionnels d'exercer
certaines des activités du courtier. Le nouvel article 32, qui est
à la page 18 de l'avant-projet - je cite le paragraphe 1° - dit: Le
paragraphe a de l'article 30, qui réserve un champ de pratique, ne
s'applique pas à un avocat - et autres professionnels - "agissant dans
l'exercice de sa profession", ce qui ne nous paraît pas clair. Qu'est-ce
que signifie "agissant dans l'exercice de sa profession"? Est-ce que cela
signifie, par exemple, que l'avocat qui va faire la planification successorale
d'un de ses clients va avoir non seulement le pouvoir de le conseiller sur le
contrat d'assurance-vie approprié ou s'il aura également le
pouvoir pour et au nom de son client de contracter une assurance?
À cet égard, le nouveau texte ne nous apparaît pas
suffisamment clair et pourrait être riche en contentieux. C'est notre
prétention que dans sa rédaction actuelle on pourrait
prétendre ou certains pourraient prétendre qu'un avocat ou un
notaire peut contracter ou agir comme représentant de ses clients pour
contracter de l'assurance. Évidemment, pour des motifs que je n'ai pas
à expliquer longuement, les membres du regroupement s'y opposent si
c'est la signification qu'il faut y donner.
Un autre aspect du champ de pratique, c'est que l'avant-projet de loi
permet à l'association d'édicter de3 règlements pour
limiter les activités des courtiers. Nous nous reportons plus
particulièrement à la page 10 de notre mémoire, au
paragraphe 14. Ce que nous disons à ce paragraphe 14, à la
cinquième ligne, c'est que l'association se fait donner le pouvoir de
limiter les activités des courtiers. Notre crainte, c'est que, par
excès de vertu ou par une mauvaise compréhension de son
rôle, l'association prohibe aux courtiers de devenir des
intermédiaires dans la mise en marché de produits financiers
autres que l'assurance. (15 h 45)
Le problème est le suivant. Par le projet de loi 75 adopté
en 1984 et qui modifiait la Loi sur les assurances, on a permis aux assureurs
à charte québécoise d'entrer dans d'autres champs
d'activité et, notamment, d'offrir les produits financiers d'autres
assureurs. Très bien, mais les courtiers qui représentent ces
assureurs à charte québécoise voudraient, eux aussi, jouir
de la même croissance que le prolongement... Parce que les courtiers, au
Québec, comme vous le savez, font la mise en marché des produits
existants des assureurs québécois. Ce que nous demandons, c'est
que les courtiers, qui constituent, dans la province de Québec, un
excellent réseau de distribution, ne soient pas exposés aux
risques d'une réglementation qui leur prohiberait l'entrée dans
ce champ.
Le chapitre II, les courtiers corporatifs. Ce sont les pages 12 et
suivantes de notre mémoire. L'avant-projet n'exige plus
maintenant qu'une corporation de courtiers soit détenue par des
actionnaires qui soient eux-mêmes courtiers. Sur ce point, le RCCAQ dit:
Très bien, nous en sommes heureux. Si nous voulons vendre les actions de
nos cabinets à Reed Stenhouse ou à Alexander & Alexander,
cela fera un marché d'acheteurs plus élargi. Nous en sommes
heureux. Le seul problème que nous y voyons - nous demandons un
remède - c'est la dénonciation des liens qui existent entre le
courtier et ses propriétaires. Sur ce point, nous pensons que la
législation québécoise est extrêmement timide
comparée, par exemple, à la législation britannique sur le
sujet. Dans le mémoire, il y a un long développement à ce
sujet. En Angleterre, tant dans la loi qui régit maintenant les
courtiers d'assurances, la loi de 1982, que dans la Loi sur les assurances, le
Insurance Act, autant dans l'édition 1974 que dans la dernière
édition, on exige des courtiers et des assureurs de dénoncer les
liens de dépendance. Pourquoi demandons-nous cela? C'est afin de
permettre aux courtiers membres du regroupement, qui regroupe, comme vous le
savez sans doute, de petits cabinets, dans l'exercice de leur profession et
dans un contexte de concurrence féroce, de pouvoir dire: Voici, tel
courtier qui vous apparaît indépendant comme conseil, il est la
propriété de... ou tel courtier, à l'inverse, parce que
vous savez que cela existe, est propriétaire de telle compagnie
d'assurances. Dans cette même veine, notre mémoire n'en parie pas,
mais nous trouvons étrange qu'en ce qui concerne les garanties qui
existent dans la dernière Loi sur les assurances, qui a élargi
les pouvoirs des mutuelles et qui a été adoptée en juin,
il y quatre articles bien précis dans lesquels on prohibe aux agents
d'assurances de siéger à un conseil d'administration de mutuelle,
à un conseil d'administration de fédération, à un
conseil d'administration de fonds de garantie. Si, dans sa sagesse, le
législateur ou ceux qui l'inspirent ont prévu des conflits
d'intérêts pour les mutuelles, il me semble que, pour le reste de
l'industrie de l'assurance, la même chose devrait être
prévue.
Donc, pour les courtiers corporatifs propriétaires de compagnies
d'assurances et propriétaires de banques, il n'y a pas de
problème, mais qu'on dénonce les liens qui existent entre les
deux et qu'on prévienne les liens de dépendance indue afin que le
public sache qu'il a affaire à un pantin.
Le dernier chapitre du mémoire, toujours sur l'activité
des intermédiaires - je termine là-dessus - Ies conditions de
solvabilité et l'assurance-responsabilité professionnelle, nous
souscrivons à ces innovations. De toute façon, ce serait
gênant de dire le contraire parce que la législation
récente ou la réglementation des autres corporations
professionnelles posent les mêmes exigences. D'ailleurs, nous nous en
réjouissons, parce que, tranquillement pas vite, c'est en train de
donner à l'association le statut de corporation professionnelle,
même si elle ne l'est pas. Sur ce point, le seul problème que nous
relevons, c'est le fonds d'indemnisation. Nous demandons que le fonds
d'indemnisation des personnes qui auront été fraudées par
un assureur soit garanti non pas par des cotisations des membres mais par une
assurance-fidélité. Les gens que je représente sont des
courtiers, ils font affaires avec des assureurs et c'est notre conviction que
la protection du public en matière de détournement pourrait
être assurée par le marché privé sans que
l'association ait le fardeau de gérer des fonds et que l'association
étende davantage ses tentacules en matière de gestion de
fonds.
Voilà, c'est l'essence du mémoire.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Duhaime: Je vais poser quelques questions. Pourriez-vous me
rappeler votre nom?
M. Bois: André Bois. M. Duhaime: M. Bois. M. Bois:
Oui.
M. Duhaime: Je voudrais d'abord poser la question à votre
président. Votre raison sociale est le Regroupement des cabinets de
courtage d'assurance du Québec. Pourriez-vous détailler un peu
plus et nous dire quel est votre membership? Par exemple, combien y a t-il de
cabinets de courtiers? Combien y a-t-il de personnes? Quel est le chiffre
d'affaires? Tout cela, afin qu'on ait une idée du caractère de
l'industrie de l'assurance -on peut appeler cela comme ça aussi - que
vous représentez.
M. Morin: Nous sommes un organisme qui regroupe, en ce moment,
dans sa première année, tout près de 500 cabinets de
courtage dans la province de Québec. D'après les dernières
statistiques de l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec, il y a environ 2000 à 2200 cabinets. On a commencé
notre recrutement seulement depuis trois mois et nous sommes déjà
rendus à 500 cabinets regroupant environ 1300 courtiers d'assurances. Il
y a 5000 courtiers d'assurances dans la province de Québec. Il y a 2100
ou 2200 - selon ce que l'association peut nous donner comme chiffres - cabinets
de courtage. Les gens viennent simplement dans un organisme qui regroupe les
bureaux comme membres pour discuter de leurs problèmes quotidiens de
mise en marché et
de protection sociale et économique de leurs
intérêts. Cela relève de la Loi sur les syndicats
corporatifs.
M. Duhaime: Comme vous l'indiquiez tantôt et sans faire
abstraction d'autres préoccupations que votre regroupement pourrait
avoir c'est d'abord et avant tout un organisme dont le premier souci est de
voir aux intérêts de ses propres membres, sntre autres les
intérêts économiques, sociaux, etc. D'abord et avant tout
c'est une organisation qui aurait plus, entre guillemets, le caractère
d'un "syndicat", c'est-à-dire qui représente ses membres à
tous égards, qu'autre chose.
M. Morin: Notre organisme est la contrepartie de l'Association
des courtiers d'assurances de la province de Québec. L'Association des
courtiers d'assurances de la province de Québec - comme on le dit dans
le mémoire - doit voir aux intérêts du public et nous
voyons aux intérêts des membres. Je peux ajouter que les cabinets
de courtage dans la province de Québec représentent la vente
d'environ 87 % de l'assurance générale dans la province, l'autre
pourcentage étant vendu par les assureurs directs comme Allstate,
Wawanesa ou. ces compagnies. On parle de - je l'ai dit tout à l'heure -
2200 bureaux de courtage et peut-être que les très grands bureaux
on peut en compter environ une quinzaine. Si on retranche cela, on arrive
à environ 2000 et, après trois mois de recrutement, on a dans le
moment un quart de ces bureaux dans notre membership.
M. Duhaime: Bon! Si j'ai bien saisi ce que vous avez
mentionné tantôt, M. Bois, sur l'avant-projet de loi comme tel -
vous me corrigerez si je résume mal votre position -vous êtes
d'accord que l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec ait une compétence exclusive en matière de
contrôle de l'activité des intermédiaires en assurance de
dommages et en assurance de personnes.
M. Bois: Exact.
M. Duhaime: II y a bien sûr ensuite le problème que
vous avez vous-même soulevé et que l'avant-projet de loi ne
règle pas à l'heure actuelle: c'est la question du double palier
de contrôle. Vous dites, d'une part: Nous, on est prêt à
reconnaître que l'association a une compétence exclusive et on se
demande ce que l'inspecteur général vient faire là-dedans
à partir du moment où il y a compétence exclusive. Vous
suggérez donc que l'inspecteur général n'ait aucun pouvoir
de surveillance, donc que ce soit l'association qui ait compétence
exclusive. Je pense que c'est votre premier point de vue.
En deuxième lieu, vous dites: Si l'inspecteur
général doit rester au dossier, il faudrait atténuer les
pouvoirs que l'avant-projet de loi tend à lui conférer,
c'est-à-dire le pouvoir d'approuver les règlements de
l'asssociation et même de les modifier.
Il faudrait peut-être que vous éclaircissiez votre position
là-dessus. Quel est votre premier choix?
M. Bois: Je ne veux pas dépouiller l'inspecteur
général de ses fonctions de surveillance. Ce que je veux dire
c'est que cette surveillance peut se faire au plan hiérarchique.
C'est-à-dire qu'une fois qu'on a regroupé tous les
intermédiaires - je dis bien tous les intermédiaires - en
assurances dans une corporation, une fois qu'on a donné à cette
corporation le pouvoir de réglementer l'activité des
intermédiaires, je peux concevoir qu'il existe un pouvoir de tutelle
exercé par l'inspecteur général.
Ce à quoi je m'oppose, c'est qu'il y ait sur le même palier
deux autorités qui émettent des permis de pratique. Ce n'est pas
la même chose, cela. C'est qu'en vertu de l'article 330 de la Loi sur les
assurances l'inspecteur général conserve le pouvoir
d'émettre des permis à des agents à représentation
multiple. Alors, c'est ce problème-là que je souligne. Ma
comparaison c'était le Barreau. Je trouverais absurde que le ministre de
la Justice puisse donner un permis de pratique à un avocat et que
parallèlement d'autres avocats soient autorisés à
pratiquer avec un permis identique donné par le Barreau. C'est un
problème semblable qui existe - au moins théoriquement pour
l'instant - dans la loi: deux autorités certificatrices. On sait que
jusqu'à maintenant - on me corrigera là-dessus, si j'ai tort - il
y a eu un moratoire chez le Surintendant des assurances et chez l'inspecteur
général pour l'émission de permis à
représentation multiple. Est-ce que ce moratoire était
légal? Est-ce que par mandamus on n'aurait pas pu forcer
l'émission du permis alors que la loi permet à l'inspecteur
général de donner le permis? Ce à quoi l'on s'oppose,
c'est cette double autorité certificatrice, si on me permet
l'expression.
Maintenant, que l'inspecteur général conserve le pouvoir
de surveillance et de contrôle, pour utiliser des termes plus
judiciaires, oui, sujet à certains tempéraments. On arrive au
deuxième point: le pouvoir de modification des règlements
adoptés par l'association. Moi, je disais qu'on assortisse au moins ce
pouvoir-là de certaines garanties que la modification proposée
par le gouvernement ne viendra pas annihiler le règlement. Voilà,
c'est l'esprit de la remarque.
M. Duhaime: Vous avez abordé beaucoup de choses dans votre
intervention,
mais je voudrais revenir sur un sujet qui m'apparaît très
important dans votre mémoire. Vous l'avez évoqué
vous-même tout à l'heure. Vous nous dites: Nous n'avons pas
d'objection à ce que les membres corporatifs soient membres de
l'association. Encore faudrait-il voir comment le niveau de cotisation va
être fixé, comment leur droit de vote va s'exercer, etc.
Vous avez parlé aussi de la dénonciation du lien lorsqu'il
s'agit de bureaux corporatifs. Votre mémoire fait
référence aussi à la situation qui existe en Angleterre.
Si je vous demandais comment vous voyez cette dénonciation dans la
pratique courante des choses? Je ne sais pas si dans votre regroupement
certains cabinets de courtiers sont propriété autre que des
courtiers d'assurances. Mais, dans la pratique courante, comment verriez-vous
cette dénonciation s'exercer? Quand on parle de dénonciation, ce
n'est pas dénonciation au sens de porter plainte, mais c'est beaucoup
plus de publication ou de publicité du lien qui pourrait exister. Dans
la pratique courante, comment verriez-vous cela? (16 heures)
M. Bois: Sur ce point, A. B. C. Limitée, filiale à
part entière de La Laurentienne, Sylvain Couture et Associés,
filiale à part entière de l'Unique ou une des compagnies du
groupe... Il y a plusieurs recettes. Je propose la lecture du règlement
qui est adopté en Angleterre. Les dispositions qui obligent à
dénonciation font un texte d'environ deux pages. C'est un des exemples
concrets.
L'autre exemple, c'est que le bureau de courtiers dise également
s'il offre les produits d'une compagnie d'assurances. Disons qu'il vend les
produits d'une compagnie qui s'appellerait la Gloria Inc. Il dit: Je suis
courtier propriétaire de cette compagnie. Vous savez que cela existe.
C'est le genre de dénonciation qu'on cherche.
On va me dire que dans la Loi sur les assurances il existe
déjà un article qui permet d'adopter des règlements pour
dénoncer au public qui est propriétaire - on indique le mot
propriétaire - on sait que par une gymnastique corporative assez
raffinée, ou des "legal niceties", un raffinement juridique, la
propriété et le contrôle, ce n'est pas toujours la
même chose. Alors, c'est pour cela qu'on demande qu'il soit dit dans la
publicité que c'est une filiale ou encore traitant exclusivement avec
telle compagnie pour les lignes personnelles.
Il y a un courtier à Québec récemment avec la
Northumberland qui plaçait - je ne dirais pas la totalité - la
plus grande partie de ses affaires avec cette compagnie. Alors, quand un
courtier en vient à placer toutes ses affaires dans une branche
d'assurance avec la même compagnie, il doit y avoir un lien de
dépendance. Le courtier-agent à représentation multiple
n'existe plus à ce moment. Le courtier-conseiller qui est censé
avoir l'esprit tout à fait indépendant pourra recommander
à ses clients dans une brochure d'assureurs lequel est le plus solvable.
Là non plus, cela n'existe plus quand ce n'est pas
dénoncé.
M. Duhaime: Je me place du point de vue d'un consommateur. Est-ce
que le fait qu'une dénonciation soit faite soit dans la raison sociale
ou dans le papier à lettre ou je pense aux activités courantes
d'un cabinet d'assurances est suffisant, selon vous, pour accorder au public
consommateur suffisamment de protection? J'ai toujours eu la conviction que
lorsqu'un consommateur s'adresse à un cabinet de courtier d'assurances,
il s'en va rencontrer un spécialiste de l'assurance à qui il va
exposer ses besoins d'assurance, on va lui faire des suggestions, comment
couvrir ses risques potentiels, on va lui faire état de diverses
compagnies d'assurances qui offrent tel genre de couverture, etc., moyennant
tel niveau de prime.
Mais, en fin de compte, si un consommateur qui, faisant affaires avec un
cabinet de courtier d'assurances, se rend compte, après
dénonciation, après avoir pris connaissance de cette
dénonciation, qu'à toutes fins utiles il fait affaires avec une
entreprise qui est sous contrôle, qui est sous filiale, est-ce que le
simple fait d'amener cette dénonciation serait suffisant pour
éviter tout conflit d'intérêts possible de bien
protéger le grand public?
M. Bois: Non. Pas du tout. Mais cela permet au concurrent de ce
courtier de pouvoir dire au consommateur: Viens traiter avec moi parce que
celui avec lequel tu traites est personne liée. Cela permettrait
à ces courtiers de le dire parce qu'ils en auraient la preuve. Ils ne
parleraient pas à travers leur chapeau et ils ne risqueraient pas
également de se faire accuser de tenir des propos fallacieux.
M. Morin: M. le ministre, est-ce que je pourrais ajouter quelque
chose? M. Bois étant un avocat, il n'a pas à faire cette
transaction au jour le jour dans les tranchées, comme on appelle, mais
en courtage, comme courtier d'assurances, je peux vous avouer avec
fermeté que c'est un argument que j'utilise avec mon client qui, lui,
aime de temps en temps transiger avec un assureur direct par l'entremise, des
fois, d'un agent d'Allstate, ou quelque chose comme ça.
Je lui dis: Tu comprends que l'agent, lui, travaille pour la compagnie.
Tu t'en vas là et il va te vendre les produits de cette compagnie. Il
dit: Oui, oui, mais c'est beaucoup moins cher, pour l'instant,
celui-là.
La différence, quand vous venez chez nous, je suis votre acheteur
professionnel d'assurances, vous venez vous asseoir dans mon bureau, on discute
de vos besoins, après ça, tu t'en vas chez vous et moi je vais
choisir la compagnie d'assurances pour toi, je fais l'achat de l'assurance, je
te l'apporte et tu me paies. Il y a une grosse différence.
Je prévois peut-être que si jamais nous allons vers un
futur où l'assurance peut être achetée un peu partout, au
moins, que le courtage demeure aux courtiers. Les gens disent: Quand je vais
chez un courtier, qu'ils aient cette réaction. Autant que si l'assurance
est vendue ailleurs... On dit que lorsqu'un courtier est tellement lié
à une compagnie, il ne devient plus un courtier d'assurances. À
ce moment-là, la personne qui entre dans son bureau n'est
déjà pas dans le même programme. C'est beaucoup plus pour
le concurrent de dire: J'existe encore, tu peux encore venir chez nous pour
qu'on discute de tes assurances. À ce moment-là, c'est
peut-être un peu différent.
M. Duhaime: Autrement dit, la situation de fait à laquelle
vous êtes confronté, vous nous dites: Moi-même, je m'en sers
comme argument de vente. Est-ce que cette situation de fait qui existe à
l'heure actuelle dans la pratique courante, pas seulement ici au Québec,
mais dans beaucoup d'endroits, vous paraît normale eu égard, d'une
façon générale, aux intérêts du grand public?
Remarquez que personnellement je suis absolument convaincu que, la bonne foi
devant être présumée pour tous, si je fais affaires avec un
courtier d'assurances, peu importe qui le contrôle juridiquement ou
effectivement, je vais avoir affaires à du monde honnête qui a le
droit de gagner sa vie et de pratiquer.
Seriez-vous tenté de maintenir ce statu quo avec une
dénonciation plutôt que d'aller plus loin?
M. Bois: Aller plus loin voudrait dire réglementer les
conflits d'intérêts, est-ce que j'ai bien compris votre
question?
Sur ce point, comme le RCCAQ recherche ses intérêts, comme
on ne veut pas ignorer la nécessité du décloisonnement
dans les institutions financières, la nécessité
également de ne pas ignorer la réalité parce que, quoi
qu'on fasse - cela a été entendu à plusieurs reprises par
des personnes en autorité - ces conflits vont survenir parce qu'il y a
toujours des moyens de passer à côté de la
réglementation qui est trop touffue, ce qu'on dit, c'est que, s'il n'y a
pas possibilité de policer tous les conflits d'intérêts, de
tous les punir, au moins qu'on les dénonce pour que le marché se
charge de les réprimer à sa manière pour que le courtier
puisse dire à ses clients: Ne va pas à telle place, il n'est pas
indépendant. En disant ça, le courtier ne s'expose pas à
des poursuites parce qu'il aurait dit des choses fausses ou encore le courtier
ne prend pas à sa charge la nécessité de chercher à
votre service des compagnies qui possèdent qui et comment. Avec cette
dénonciation, ça permet aux courtiers de dénoncer ceux de
leurs membres qui ne sont pas de véritables intermédiaires
neutres et indépendants.
L'autre motif pour lequel je pense que la simple dénonciation est
suffisante, sans être un expert en matière de souscription de bons
et débentures et émission d'actions, même si, dans ce
domaine, ce ne sont pas les consommateurs qui les achètent, la pratique,
dans les prospectus, est de dénoncer que le conseiller juridique a
lui-même un bloc de 100 000 actions et que tel courtier a lui-même
un bloc de tant d'actions. Si cela reste en bas de page du Financial Post, tant
pis! Si la concurrence veut l'utiliser, tant mieux!
Le dernier argument là-dessus, c'est que si, en Grande-Bretagne -
je respecte bien la sagesse de ce législateur au moins en matière
d'assurance - on a pris ce moyen pour dénoncer un problème qui a
fait surface aux Lloyd's avec le contrôle de certains syndicats par des
courtiers, courtiers qui ont d'ailleurs acculé les syndicats à la
faillite, parce que c'est le courtier qui décidait à quel tarif
on faisait la police pour être plus concurrentiel, le courtier subsiste
toujours et met sa compagnie en faillite... En Angleterre, malgré ces
problèmes-là, on a décidé de s'en remettre
uniquement à la solution de la dénonciation. Ce n'est pas
suffisant, j'en conviens, mais, à moins que vous ne vouliez engager 500
inspecteurs, je ne pense pas que vous puissiez réprimer tous les
conflits d'intérêts.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, je voudrais
vous signaler qu'on a déjà écoulé un bloc de 20
minutes; alors, en vertu du principe de l'alternance, si vous êtes
d'accord, quitte à revenir plus tard, je céderais maintenant la
parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Duhaime: II me resterait seulement un point, mais je pourrai
le reprendre tantôt.
Le Président (M. Lachance): Allez-y. M. Duhaime: Non, non,
cela va. M. Scowen: Allez-y, "go on".
M. Duhaime: Vous avez émis des réserves sur la mise
en place d'un fonds d'indemnisation. Vous dites, par ailleurs, que cela existe
dans d'autres champs d'activité professionnelle. J'avoue que je saisis
mal. Ce que vous nous dites, c'est: On aimerait mieux avoir un système
privé pour couvrir la
responsabilité professionnelle de nos membres, quitte à ce
que chacun paie sa prime, plutôt que d'avoir un fonds d'indemnisation qui
commanderait une contribution de tous ceux qui exercent ce
métier-là. Je voudrais que vous explicitiez cela un peu
davantage.
M. Bois: Si vous permettez... M. Duhaime: Oui, oui, bien
sûr.
M. Bois: M. Maurice Dubuc pourrait répondre à ce
sujet-là.
Le Président (M. Lachance): Oui, allez- y.
M. Dubuc (Maurice): Je vais immédiatement faire la
différence entre la responsabilité professionnelle et le fonds
d'indemnisation. La responsabilité professionnelle, c'est l'erreur et
l'omission, tandis que le fonds d'indemnisation, c'est l'appropriation
illégale de l'argent des clients. Ce qu'on dit, nous, étant
donné qu'on est dans l'assurance et qu'on sait comment cela fonctionne,
c'est que l'assurance devrait rester aux assureurs et qu'il y a de l'assurance
qui se vend et qui s'appelle 3-D, c'est un fonds d'indemnisation. On peut nous
dire que les gros bureaux ne se servent pas de leur responsabilité
professionnelle: erreur et omission. Il y a trois arguments qui peuvent
défendre cela assez bien. Premièrement, étant donné
leur chiffre d'affaires avec les compagnies d'assurances, elles ont le pouvoir
de faire payer par certaines compagnies d'assurances des réclamations ex
gratia, c'est-à-dire de bonne grâce, par la compagnie
d'assurances. L'autre, étant donné la grosseur et l'amplitude de
leur bureau, repose sur des franchises de peut-être 50 000 $ ou 100 000 $
et qui règlent un tas de leurs problèmes; l'autre aussi - et cela
se fait couramment - c'est de payer la réclamation ou ne pas la payer et
de réduire leur commission pendant deux ou trois ans,
c'est-à-dire qu'au lieu d'assurer un risque et de prendre une commission
de 15 %, en prendre une de 10% pendant deux ou trois ans tout simplement pour
régler ces réclamations.
Pour ce qui est du fonds d'indemnisation, je reviens à
l'idée que l'assurance devrait se vendre par les assureurs. C'est que
cela va devenir un autre fardeau et d'autres frais à la charge de
l'association, c'est-à-dire créer un fonds d'indemnisation et il
semble y avoir des problèmes qui se produisent là-dedans parce
qu'apparemment le Barreau, dans la région de Sherbrooke, avait un fonds
d'indeminisation qui était apparemment au maximum de 100 000 $ et le
juge a dit: Non, vous payez les réclamations. Maintenant, je ne le sais
pas, c'est censé aller en appel.
Si on est pour faire la même chose dans l'association, c'est qu'il
va y avoir une cotisation, il va y avoir un maximum; s'il n'y a pas de maximum,
combien de fois serons-nous cotisés durant l'année s'il y a des
réclamations? C'est peut-être de vouloir tuer une mouche avec une
masse parce que, d'après les chiffres que l'association nous a fournis
lors de son dernier rapport annuel, il y a eu deux causes d'appropriation
d'argent illégale dans la province de Québec. Alors qu'on sait
qu'il y a approximativement 4 000 000 de gens qui s'assurent, qu'ils soient
propriétaires occupants, locataires occupants ou propriétaires
d'une automobile, alors que l'on 3ait qu'on parle à ces gens en moyenne
deux ou trois fois par année, s'il y a eu deux appropriations d'argent
illégales sur 8 000 000 $, ce n'est pas tellement gros. Nous ne sommes
pas contre l'obligation d'une police 3-D, la police contre le
détournement d'argent, que l'on peut obtenir de l'industrie
privée présentement de compagnies avec lesquelles on transige.
(16 h 15)
M. Duhaime: Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Mes deux principales préoccupations sont aussi
celles du ministre, alors, je vais probablement revenir sur quelques questions
qu'il a posées. Je trouve que les deux sont importantes.
La première est la question du champ d'action, les pouvoirs que
vous proposez à l'association. Si je comprends bien, ce que vous
proposez, c'est quelque chose qui va au-delà de l'avant-projet de loi.
Vous proposez que tous les intermédiaires doivent obtenir un permis de
l'association. Que ce soit un employé de La Laurentienne qui travaille
dans le secteur des assurances, qui vend des polices d'assurance, un
employé de Allstate, du Groupe commerce ou de l'une de ses filiales, si
je comprends bien, vous proposez que toutes ces personnes ou celles qui veulent
vendre des polices d'assurance, qui sont des employés d'une compagnie de
fiducie ou même des avocats, qui sont mentionnés dans la loi, que
tous ceux qui vendent de l'assurance au Québec soient obligés
d'obtenir un permis de l'association. Est-ce exact?
M. Morin: Par contre, il faudrait qualifier le diplôme. Le
gouvernement voulait qu'on discute du point: Qui pourrait émettre des
permis à part nous? Est-ce que l'on pourrait se débarrasser de
cela? On nous a posé la question et notre réponse a
été oui, un collège des assurances, un genre de
collège des assurances - le meilleur groupe qui existe dans le moment
est l'association
des courtiers d'assurances - qui ne pourrait pas dire à un
intervenant qu'il doit fonctionner selon les règlements d'un courtier,
mais il y aurait à l'intérieur de ce genre de collège des
assurances différents règlements concernant différents
intervenants. Il n'y aurait qu'un seul groupement d'où viendrait le
diplôme. Bien sûr, le diplôme qui est donné à
l'employé d'une compagnie d'assurances n'est pas le même que le
mien et il n'est pas sujet exactement aux mêmes règles de
déontologie.
M. Scowen: Mais, effectivement, la réponse à ma
question est-elle oui?
M. Morin: Oui, excusez-moi.
M. Scowen: Vous prétendez que le meilleur collège
des assurances pourrait être l'association. J'imagine que, si le
président de La Laurentienne était ici, il me dirait que le
meilleur collège des assurances pourrait être le programme de
formation à l'intérieur de sa compagnie, qu'ils sont tout
à fait compétents et peuvent fournir leur personnel, qu'ils sont
responsables du geste et de l'information qu'ils fournissent au public, qu'ils
prennent la responsabilité du comportement de leur personnel, que leur
réputation est en jeu à chaque déclaration. J'imagine
qu'il dirait quelque chose de semblable.
La question que je veux vous poser est celle-ci. Vous proposez quelque
chose d'un peu radical en ce sens. Si j'ai bien compris la loi, c'est d'abord
l'inspecteur général qui avait le droit d'émettre des
permis et cela a été étendu, en partie, par la suite
à l'association. Maintenant, vous proposez qu'on aille jusqu'au bout de
ce raisonnement. Jusqu'ici, selon vous, y a-t-il des indications que le
consommateur...
Dans votre mémoire, vous avez déclaré d'une
façon très honnête que vous êtes ici pour
défendre les intérêts de vos membres. De notre
côté, nous devons protéger d'autres intérêts.
Vous avez de l'expérience. D'après vous, est-ce que le
système actuel, du fait que l'on donne le droit à La
Laurentienne, par exemple, de décider si une personne est
qualifiée pour vendre une police d'assurance, pourrait être
nuisible au consommateur?
M. Morin: Non. Nous avons trouvé que l'éducation
était différente. Nous nous sommes dit: Pourquoi ne pas
centraliser l'éducation et la formation des personnes
intéressées? Nous étions dans une situation où nous
avions deux ou trois organismes qui pouvaient faire l'émission des
diplômes ou qui avaient le pouvoir de retirer le diplôme de
quelqu'un.
M. Scowen, le courtier d'assurance-vie dans le moment doit se faire
parrainer par une compagnie d'assurances pour obtenir son diplôme. Un
courtier, ce n'est pas quelqu'un qui doit être parrainé par son
manufacturier, c'est quelqu'un qui est indépendant, qui gagne sa vie
à être courtier d'assurances. Pour l'instant, il faut qu'il aille
vers la compagnie d'assurances pour obtenir son permis. On disait simplement,
avec la plus grande innocence peut-être, vous allez me dire, que de
prendre un organisme qui est déjà là, qui sait comment
fonctionnent les réglementations, qui pourrait gérer deux ou
trois réglementations selon l'intervenant, simplement à
émettre et à retirer les diplômes, on ne parlait pas
exactement de la formation qui pouvait être donnée par l'institut
d'assurances, c'est beaucoup donné par l'institut dans le Canada...
Pourquoi tout le monde n'irait pas, à la même école,
apprendre les mêmes principes et la théorie de l'assurance et,
à un moment donné, choisir s'il veut devenir courtier, agent,
expert en sinistre ou quelque chose d'autre?
M. Scowen: La question que je me pose, je vais traduire une
expression anglaise: Si cela fonctionne, pourquoi le réparer? La
question que je vous avais posée, c'était celle-ci. Dans le
système actuel, où l'on confie les responsabilités de la
formation et de la surveillance des agents d'assurances essentiellement aux
compagnies - ils obtiennent un permis, bien sûr - finalement, ce sont les
compagnies qui en ont la responsabilité. Est-ce que c'est quelque chose
qui ne fonctionne pas aujourd'hui? Est-ce qu'on est devant un grand
problème qu'il faut régler, toujours dans l'intérêt
du consommateur?
M. Morin: Le courtier d'assurance-vie est un oiseau relativement
nouveau dans cela. Normalement, il était toujours rattaché
à une compagnie d'assurances et, de plus en plus, on voit que que les
gens qui veulent vendre de l'assurance-vie vont aller seuls dans un bureau et
ils vont avoir plusieurs contrats. Lorsque le client entre chez eux, c'est
comme quand il entre chez nous, dans le fond; il n'a pas de déontologie
dans le moment. Si le client sort de son bureau et si le monsieur fait une
omission et oublie de faire la proposition, quelle compagnie d'assurance-vie va
payer pour cette erreur ou omission? Personne, d'après ce qu'on peut
voir. Le consommateur est maintenant devant un nouveau vendeur, un genre de
vendeur d'assurance-vie qui n'est pas attaché directement à une
compagnie. Donc, qui le protège? Quand je dis: Relativement nouveau, je
sais que cela existait, mais...
M. Scowen: Quel genre d'erreur, quand il fait une erreur?
M. Dubuc: Il oublie de remplir la
proposition, il oublie de l'envoyer à la compagnie d'assurances,
l'assuré décède. Il faut faire une différence
fondamentale entre un agent et un courtier. Un agent représente une
compagnie. L'agent représente, pour le besoin de la cause, Allstate. Il
fait une erreur, la compagnie Allstate est responsable de cette personne. Le
courtier ne travaille pour personne, c'est un indépendant. Le courtier,
qu'il soit d'assurance générale ou d'assurance-vie, est
indépendant. S'il oublie d'envoyer l'application, la compagnie
d'assurances ne dit pas: Je vais payer. C'est sa responsabilité
professionnelle qui est imputée.
Présentement, il n'y a personne qui régit cela. Le
courtage en assurance-vie... On ne parle pas de l'assurance
générale parce que l'assurance générale IARD, c'est
l'association présentement qui fait cela.
M. Scowen: Je pense qu'on est sorti un peu du champ de ma
question et je vais la répéter une dernière fois. Est-ce
que le système actuel du permis émis par l'inspecteur
général aux personnes qui travaillent pour des compagnies
d'assurances cela crée des problèmes pour le consommateur, que
vous sachiez?
M. Bois: Le problème que j'y vois est le suivant. Comme
l'attribution du permis dépend du bon vouloir d'un assureur ou du
parrainage de l'assureur, on a là une personne, l'agent, qui va vendre
des produits financiers et dont la capacité de gains, dont l'emploi
dépend de la signature d'un assureur qui, pour des raisons de rendement
ou de conflits de personnalités, pourrait décider que l'individu
en question n'a plus le droit de pratiquer. Cela aboutit à quelle
pratique maintenant? Pour le consommateur, on fait de ces agents des gens qui
ne recherchent que la production pure, par n'importe quel moyen. Des gens qui
ne vont travailler que pour la commission, c'est bien en soi, mais ils ne vont
réagir qu'au programme, au stimulant de l'assureur qui les parraine. Si
cet agent a un différend avec son assureur, il ne peut pas s'en
détacher, il va perdre son permis. C'est un des rares cas où, si
on peut parler d'une profession, la profession ne peut être
exercée que si un organisme autre que le gouvernement et autre qu'une
corporation professionnelle dit oui. Le gros problème, c'est que l'agent
est à la merci - je simplifie, parce qu'on n'a pas le temps - de
l'assureur qui va lui dire: Cette année, on vend tel produit. Tu vas
convaincre les gens que c'est le bon produit. S'il n'est pas d'accord, il faut
qu'il gagne sa vie et il va perdre son permis. C'est en ce sens que cela se
répercute sur le courtier.
Je vous donne un dernier exemple concernant le consommateur, et pire
encore. Dans ma pratique, en tant qu'avocat, j'agis pour beaucoup de
consommateurs, par exemple, dans l'assurance-vie vendue sur les prêts
hypothécaires, je regrette de le dire, par des caisses populaires. C'est
le gérant qui fait signer la formule et qui dit: II n'y a pas de
problème, tu es assuré. Actuellement, sur une vingtaine de
jugements, 19 consommateurs ont perdu, parce que le gérant de banque n'a
aucune formation en assurance à part un séminaire ou deux et le
gérant de banque ne comprend pas un petit questionnaire médical.
Ce n'est pas son domaine.
M. Scowen: Mais est-ce que vous proposez que tous les
gérants de banque, de caisse populaire et des autres banques à
charte du Québec et du Canada qui oeuvrent au Québec soient
obligés d'obtenir un permis de l'association?
M. Bois: Que les personnes qui vendent de l'assurance,
lorsqu'elles en vendent de façon substantielle, aient un permis, aient
une preuve de compétence. Je vous ai donné un exemple - c'est
facilement repérable - de gens qui ne sont pas assurés parce que
ces gens ne comprennent pas.
M. Scowen: Laissez-moi passer à la deuxième
question qui était une préoccupation du ministre et une des
miennes aussi. C'est la question du droit pour un courtier de vendre sa
compagnie de courtage à une autre personne, alors qu'il est maintenant
possible de vendre même à une compagnie d'assurances. Si je
comprends le texte du projet de loi, ce n'est pas précis, mais il semble
que ce soit cela. Vous avez dit: Oui, d'un côté, on veut cela,
parce que c'est dans l'intérêt de nos membres qui veulent vendre
leur courtage d'avoir le plus grand nombre de clients possible. Cela peut les
aider à obtenir un meilleur prix. Par contre, pour ceux qui ne vendent
pas, dans leur intérêt, on veut obliger ceux qui vendent à
rendre public le fait que les autres sont maintenant des filiales ou qu'elles
sont associées à une compagnie d'assurances.
Je pense que c'est un peu votre argumentation. Je ne prétends pas
être expert dans ces questions d'assurance, mais, dans mon esprit, cette
distinction entre un agent et un courtier, à ce moment, devient beaucoup
moins claire. Je présume, en lisant le texte de loi proposé, que
c'est évident qu'un courtier est quelqu'un qui vend les produits de
plusieurs compagnies. C'est l'essence même d'un courtier. C'est
l'argumentation principale pour l'existence d'un courtier. Vous allez chez un
courtier. Il n'est pas lié a une compagnie. Il va vous donner un conseil
impartial quant à la meilleure assurance que vous devez acheter. Est-ce
que, dans votre esprit, si une maison de courtage est vendue à La
Laurentienne,
les personnes qui y travaillent vont rester des courtiers? Il me semble
que, si La Laurentienne a intérêt à acheter une maison de
courtage, c'est parce que cette maison fait 1 000 000 $ par année, dans
la région d'Alma ou je ne sais où, et qu'elle veut la
contrôler. Elle a peut-être peur que quelqu'un d'autre veuille
l'acheter; peut-être qu'elle y a déjà une grande partie de
ses affaires. Alors, elle l'achète. Les personnes, à Alma, qui
travaillent comme courtiers, il me semble qu'elles deviennent des agents et
qu'elles ne sont plus des courtiers. Elles sont liées. Ce ne sont plus
des personnes qui donnent... Pour mot, il n'est pas nécessairement
question de faire une dénonciation. Comme vous l'avez proposé, la
publicité dit que c'est une filiale. Ces personnes deviennent, en effet,
quant à moi, des agents. C'est clair. Est-ce que je me trompe?
Une voix: Non.
M. Scowen: Elles deviennent des employés, à toutes
fins utiles. (16 h 30)
M. Morin: On a peut-être été un peu trop vite
tout à l'heure et, pour les bienfaits de la cause, j'aimerais
peut-être que l'on se répète juste un peu, parce qu'il y a
une différence entre les deux choses que vous aviez dites.
Premièrement, on dit qu'étant donné qu'au Québec
avec le projet de loi 75, la loi qui a été sanctionnée le
20 juin 1984, il y a des compagnies d'assurances qui ont le droit de faire la
vente d'autres produits que de l'assurance et étant donné que
nous, les courtiers, étions les revendeurs de ces produits d'assurance,
étant donné que nos manufacturiers produisent d'autres produits,
on voudrait que le vendeur ait le droit de les vendre; sans cela, ils vont
trouver d'autres vendeurs pour les vendre, ces produits-là, et ce serait
fou, je suis là! C'est la première chose. Il n'y a pas de
problèmes avec cela. Nous, on dit simplement cela. On a fait cela pour
aider les compagnies québécoises; leurs vendeurs, on les a
oubliés ou, en tout cas, on n'est pas arrivé à eux encore
et on parle ici de donner aux vendeurs le droit de bien vendre le produit du
manufacturier, que vous lui donnez le droit de manufacturer. C'est le
numéro un.
Deuxième chose, à un moment donné, quand ce jeu va
commencer à se faire, on comprend qu'il y a des compagnies d'assurances
qui voudront accaparer les services exclusifs peut-être d'un courtier et
elles vont vouloir acheter le courtier. Dans l'avant-projet de loi, on dit que
n'importe qui peut détenir des parts, du moment que le conseil
d'administration est géré par les courtiers d'assurances, mais
n'importe qui peut détenir des parts. Voyez-vous une chose? Si la
compagnie d'assurances détient toutes les parts, vous avez
entièrement raison, le courtier ne devient plus courtier, mais agent.
Celui qui, lui, n'a pas vendu sa business à la compagnie d'assurances
devrait avoir le droit quand même de dire aux gens, d'expliquer le choix
de la personne, de dire: N'oubliez pas, même si, sur ses en-têtes
de lettre, c'est marqué qu'il est possédé par telle
compagnie d'assurances... Vous pouvez très bien être servi chez
eux comme vous avez été très bien servi peut-être
chez Allstate pendant quelques années, mais je veux que vous compreniez
la différence et, si jamais dans dix ans les banques vendent de
l'assurance, on va pouvoir dire encore au client: Quand vous allez à la
banque, c'est simplement une compagnie d'assurances qu'ils ont à vous
vendre. On est en train de discuter d'une gamme de compagnies dans mon bureau.
Donc, on dit: Premièrement, donner au vendeur le droit de bien vendre
les produits des compagnies d'assurances et, deuxièmement, si jamais un
vendeur décide de se lier tellement à une compagnie d'assurances
qu'il en devient la propriété, à ce moment-là,
qu'il soit obligé de le dire: Filiale de ou quelque chose sur ses
en-têtes de lettre, pour qu'on puisse quand même faire concurrence
à cette personne.
M. Scowen: Oui, mais je parle une dernière fois de la
position du consommateur qui, je pense, trouve déjà difficile de
comprendre les nuances entre un agent et un courtier. Probablement qu'il ne le
sait pas. Il veut de l'assurance. Ce sont des nuances qui sont
intéressantes ici, mais il me semble que vous êtes en train de
compliquer cela davantage avec la proposition que vous faites. Il me semble que
si La Laurentienne achète une compagnie de courtage allemande et devient
l'actionnaire majoritaire ou à 100 %, dans la logique des choses, les
personnes qui vendent de l'assurance pour ce groupe allemand ne sont plus des
courtiers. Ce sont des agents. Ils doivent obtenir un permis de M. Bouchard et
c'est fini. C'est La Laurentienne. L'idée de garder la fiction d'une
compagnie de courtage dont les personnes ne sont plus, à toutes fins
utiles, des courtiers et, pour essayer de réparer les
dégâts, d'obliger les gens à indiquer sur leur
en-tête de lettre qu'ils sont affiliés ou associés avec La
Laurentienne, il me semble qu'il y a quelque chose dans le raisonnement qui ne
va pas aider le consommateur à comprendre ce qui se passe dans ce
domaine.
M. Morin: Autrement dit, au lieu de l'appeler un courtier
d'assurances avec identification à une compagnie, vous proposez
plutôt de lui enlever son courtage d'assurances et de lui donner un
diplôme d'agent?
M. Scowen: Je vous demande: Est-ce
que cette personne sera, dans l'esprit de la loi et dans l'idée
d'un courtier, un courtier?
M. Bois: Si vous me permettez de répondre, M. Scowen, sur
cette question...
M. Scowen: Oui. C'est pourquoi j'ai posé la question.
M. Bois:... le projet de loi tel que soumis fera en sorte que ce
courtier va pouvoir continuer à s'afficher comme étant un
courtier à représentation multiple. Il n'y a rien, mais
absolument rien dans le projet de loi qui défend à La
Laurentienne d'acheter un cabinet de courtage et rien qui empêche ce
cabinet de courtage de s'afficher au même titre que l'autre qui n'est pas
propriété d'une compagnie d'assurances.
M. Scowen: C'est ça. On est en train de discuter de
l'opportunité d'adopter un projet de loi ou même de créer
l'avant-projet en vrai projet. Je voulais juste savoir si vous croyez
personnellement que les personnes qui vendent de l'assurance pour une compagnie
de courtage achetée majoritairement par une compagnie d'assurances
continuent d'être des courtiers?
M. Bois: Voici la démarche. Cela fait à peu
près au-delà de cinq ans que des mémoires sont soumis
là-dessus. Au début, la position de plusieurs courtiers
c'était de dire: On devrait défendre à des cabinets qui
appartiennent à des compagnies d'assurances de s'afficher comme
courtiers d'assurances. Comme les gens que je représente ont senti une
volonté de libéralisation de ce côté-là, une
volonté de donner une chance aux assureurs québécois
d'acheter des points de mise en marché, nous nous sommes dit: Ne
résistons pas à cette volonté-là, mais au moins
trouvons des moyens de rendre public le fait que ce courtier-là n'en est
pas un.
De plus, il y a un autre problème qui se greffe à cela.
Vous savez également qu'il y a des courtiers qui ont une capitalisation
plus forte que la plupart des assureurs à charte
québécoise, qui sont capables d'acheter également un
assureur et qui s'affichent comme courtiers. C'est mon humble opinion et c'est
l'opinion des membres du regroupement qu'il n'y a pas une loi ni une
réglementation qui va réussir à contrôler cela. Le
seul moyen, un pis-aller -je ne dis pas que c'est bon pour le consommateur, je
pense que c'est mauvais pour le consommateur - le seul moyen réaliste,
c'est de permettre aux forces du marché de se dénoncer
mutuellement.
M. Scowen: D'accord, merci beaucoup. Le Président (M.
Lachance): Merci. M. le député de Sainte-Anne.
M. Polak: Juste rapidement deux points, M. le Président.
Dans votre mémoire à la page 4, lorsque vous parlez de la
dualité de la juridiction, vous dites: "Manifestement, la
multiplicité d'intervenants en matière de discipline et de
contrôle de la qualité de l'acte professionnel ne peut amener que
de l'incohérence et de la discrimination. " Moi, je n'ai pas lu le texte
de loi comme cela. Je suis plutôt d'accord avec une autre loi qui sera
présentée plus tard. Le bureau d'assurance explique qu'il y a une
fonction pour chacun. L'association sera sous la surveillance de l'inspecteur
général tandis que l'association elle-même contrôlera
la compétence et le comportement professionnel de ses membres. C'est
comme ça que j'ai lu le texte de loi, sauf pour le point que vous avez
soulevé. Celui-là, c'est vrai pour l'émission de
certificats; mais pour le reste au point de vue de la discipline, je ne vois
pas de conflit du tout. Je crois qu'il y a deux rôles distincts.
Je pense que le ministre, tout à l'heure, a un peu soulevé
le même point. Je ne vais pas vous demander de confirmer que j'ai raison,
mais peut-être que dans votre mémoire ce n'était pas
clair.
M. Bois: Oui, possiblement. Voici, la difficulté est la
suivante. Il y a dans la Loi sur les assurances l'article 330 qui
prévoit que "toute corporation peut obtenir un certificat si toutes les
personnes par le truchement desquelles elle exerce la profession d'agent
d'assurance sont elles-mêmes titulaires d'un certificat émis en
vertu de l'article 327". On sait qu'agent d'assurances, cela inclut le courtier
et cela veut dire également agent à représentation
multiple; dans le fond, c'est courtier.
Ce que nous disons, c'est que, s'il y a des corporations qui vont
chercher leur certificat chez l'inspecteur général, les
conditions pour l'émission ou l'obtention du certificat vont être
posées par qui? Certainement pas par l'association des courtiers. Ce
n'est pas l'association qui va dire à l'inspecteur
général: Admettez quelqu'un qui a une 9e année. Cela va
être les règlements du gouvernement. Si cette personne qui a un
certificat en vertu de l'article 330 a une conduite dérogatoire ou est
notoirement incompétente, ce n'est pas l'association qui va aller voir
l'inspecteur général pour lui dire: Enlevez-lui le permis. C'est
l'inspecteur général qui va devoir sévir, qui va devoir
contrôler cette personne-là. Qui dit contrôle dit
nécessairement réglementation. Il faut un corps de
réglementation. II y en a déjà des règlements sur
les agents dans la Loi sur les assurances et dans la réglementation.
Qu'est-ce qui va arriver? On va avoir des personnes qui vont avoir le
permis de l'association et qui seront soumis au bureau de discipline ou,
enfin, à la discipline de l'association. Si l'association est
très sévère, on va avoir des anges à l'association.
Si, d'autre part, les courtiers ou agents à représentation
multiple qui sont régis par le surintendant ne sont pas régis par
une réglementation sévère, eh bien, eux
bénéficieront d'un traitement de faveur. Je ne dis pas que cela
va arriver, mais quand on a deux réglementations parallèles on
s'expose à des situations pareilles.
M. Polak: Deuxième point. Révéler le mandat
ou l'intérêt. Votre président donnait un exemple tout
à l'heure. Je vois l'avantage de le révéler parce que je
pense à l'intérêt du consommateur. On dit: Tel ou tel
courtier est propriété de telle ou telle compagnie d'assurances.
Qu'est-ce qui arrive si vous travaillez avec deux ou trois assureurs? Est-ce
que vous allez révéler 40 % ici, 40 % là et 20 %
là? Il y a peut-être des courtiers qui vont placer leurs
assurances au meilleur intérêt du client; ils font faire de vraies
recherches, ce que vous êtes supposés faire. Mais je ne crois pas
que ce soit toujours cela. Je pense que, très souvent, peut-être
que vous ne travaillez pas exclusivement avec un mais vous pouvez travailler
avec deux ou trois. À ce moment, est-ce qu'il n'y a pas également
intérêt pour le public de savoir que vous poussez peut-être
un produit, pas un mais au moins deux ou trois? Comment pourriez-vous
régler ce conflit?
M. Morin: Je peux vous dire, de toute façon, comme M.
Scowen l'a si bien dit tout à l'heure, nous sommes ici pour discuter
d'un avant-projet de loi. On aimerait faire quelques suggestions et c'en est
une. On comprend la compétence des gens assis autour de la table et
peut-être que même nous, si on avait d'autres choses à
présenter, et aller dans les détails de cela, on aimerait
beaucoup avoir la chance de le faire. On prévoit le futur avec optimisme
pour nous, mais on veut quand même qu'on garde les choses dans un cadre
que les gens vont pouvoir comprendre. Puis, avec des choses comme le
décloisonnement ou la déréglementation, c'est
déjà difficile à comprendre pour les gens qui sont
à l'intérieur de l'industrie. Alors, on essaie de trouver des
jalons qui vont faire que les gens vont pouvoir comprendre avec qui ils font
affaires.
N'oubliez pas une chose, monsieur. Si je fais affaires avec une
compagnie d'assurances qui vient d'acheter mon confrère, je vais encore
avoir de la difficulté parce que je me demande si je vais avoir le
même prix que mon confrère lorsqu'on sera devant le même
client. C'est bizarre ce qui peut arriver par la suite.
M. Bois: Si vous me permettez un commentaire là-dessus.
À la page 15 du mémoire, nous faisons référence
à une disposition de la Loi sur les courtiers d'assurances en Angleterre
qui habilite le "Insurance Council" ou "Insurance Brokers Council" à
adopter des règlements pour éviter que le courtier devienne
"unduly dependent upon" un assureur, soit à cause du volume de primes ou
soit à cause de l'insuffisance quant au nombre de compagnies qu'il
représente. C'est la solution qu'on a trouvée en Grande-Bretagne
dans cette matière.
Maintenant, est-ce que leur association a adopté un
règlement? Le peu de temps pour rédiger le mémoire ne nous
a pas permis de le faire et la bibliothèque du Parlement était
mal équipée pour la réglementation.
M. Polak: D'accord. Merci.
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions?
M. Lincoln:... une question à monsieur...
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: M. Bois, vous dites dans votre mémoire, si on
va à la recommandation numéro 7: "Que le pouvoir accordé
à l'association d'édicter des règlements pour limiter
l'activité du courtier d'assurances n'ait pas pour effet
d'empêcher ce dernier d'agir comme intermédiaire dans la vente des
produits d'une institution financière. "
Si je vous comprends bien, avec le décloisonnement, les produits,
vous dites... Si une compagnie d'assurances se met à vendre des produits
dans le domaine de la finance, par exemple, des bons d'épargne, des
actions de Bourse, etc., alors vous dites qu'on devrait permettre au courtier,
puisqu'il y a un décloisonnement, de vendre ces produits. C'est cela?
Est-ce que je vous comprends bien? (16 h 45)
M. Morin: Oui. Nous disons par contre: On n'a pas encore
parlé des réserves là-dessus. Est-ce qu'on peut le vendre
nous-mêmes ou si on doit engager quelqu'un qui connaît cela? On est
dans l'avant-projet de loi. Ici, nous comprenons une chose, c'est que nous
avons eu une très belle relation avec les compagnies d'assurances depuis
le début du courtage en assurances. Ces compagnies ont maintenant la
nécessité de se brancher. Est-ce qu'on va vendre directement
l'assurance ou est-ce qu'on va encore utiliser les courtiers, les gens qui ont
eu des "business", des PME familiales... Juste dans ma ville à moi, il y
en a une dizaine où c'est juste des familles. L'idée, c'est de
dire
à ces compagnies: Oui, on peut continuer à être vos
vendeurs. Si vous avez d'autres choses à vendre, cela aussi on peut le
vendre. On peut continuer cette relation qu'on a eue depuis le début de
l'assurance ici.
M. Lincoln: Est-ce que poser la question et votre réponse
ne suggéreraient pas que toute l'argumentation c'est qu'un courtier
d'assurances est un spécialiste? On va vous voir. Vous êtes un
professionnel de votre métier. Alors, vous conseillez la personne.
Là vous suggérez un domaine que vous ne connaissez pas
vous-même. Là vous ne savez pas si vous allez employer des gens
pour livrer la marchandise. Est-ce qu'en même temps la contradiction ne
se pose pas et que cela ne détruit pas un peu votre argument, de dire:
Voilà une association qui va contrôler notre profession, et en
même temps vous voulez vous donner des pouvoirs dans un domaine que vous
ne connaissez pas? Il n'y a pas de compétence professionnelle dans ce
domaine. À ce moment, est-ce que les gens qui vendent les actions en
Bourse peuvent dire: Écoutez, si les courtiers d'assurances peuvent
vendre des actions à la Bourse, nous on va vendre de l'assurance. Est-ce
que cela ne démontre pas que tout le décloisonnement des
économies aujourd'hui, l'inter - je ne dis pas le mot bien - la
portée internationale de l'économie aujourd'hui ou les compagnies
de finance, les compagnies d'assurances et les gros courtages d'assurances,
l'Amérique, par exemple, Hartford, toutes les grosses compagnies de
finance en Amérique qui s'ingèrent de plus en plus, cela ne
démontre-t-il pas que c'est un problème encore beaucoup plus
complexe? En d'autres mots, est-ce que vous pouvez dire: Écoutez, on va
contrôler l'assurance par la déontologie, par la
compétence, par les permis et en même temps entrer dans le champ
qui s'ouvre à vous? À ce moment, est-ce que ce n'est pas dire que
l'autre aussi aura le droit d'entrer dans votre champ d'action?
M. Morin: Oui. La couverte est quand même - comme vous
dites - tirée des deux côtés. Une chose est certaine, nous
on veut réglementer le courtage de l'assurance, pas les agents
d'assurances. C'est-à-dire, comme je disais tout à l'heure, on
aimerait que le courtage demeure à des gens qui s'appellent des
courtiers, le courtage étant l'acte d'aller chercher dans plusieurs
compagnies la meilleure garantie, le meilleur prix pour le client. Si quelqu'un
d'autre dans le domaine des institutions financières veut vendre de
l'assurance, s'il vend de l'assurance qu'il en vende avec juste une compagnie.
C'est simplement ce que je dis.
Mes compagnies d'assurances, s'ils ont un produit à vendre, je
dis simplement qu'ils puissent le vendre par l'entremise de mon cabinet.
Faudrait-il discuter aujourd'hui simplement de l'avant-projet de loi ou de
l'affaire globale de la réglementation des intermédiaires dans le
sens de: dans mon cabinet qui vendrait ce nouveau produit? Je ne le sais pas.
J'aimerais peut-être entamer la conversation, mais c'est sûrement
quelque chose qu'il faudrait regarder. Si on donne au courtier le droit de
vendre ces produits, on peut aussi lui dire comment les vendre, par contre.
M. Lincoln: Ne pensez-vous pas qu'il y a une contradiction? Vous
dites: On a envie de plus de pouvoirs au sein de notre regroupement, appelez
cela ce que vous voulez, une association, une corporation, quoi que ce soit. On
veut de l'assurance-vie, on veut aussi un droit de regard dans les institutions
financières par le biais des compagnies d'assurances qui se lanceraient
dans ce domaine. En même temps, on veut un décloisonnement de
notre activité, mais en même temps on veut un plus grand
contrôle. Si la théorie c'est qu'on aille beaucoup plus loin qu'on
ne va maintenant, beaucoup plus loin que l'assurance des dommages, à ce
moment, ne faut-il pas étudier toutes les conséquences de tout
cela beaucoup plus profondément avant de poser des gestes
législatifs? Est-ce qu'on ne devrait pas étudier, faire toute une
étude plus approfondie des conséquences de tout cela, parce que
cela a des conséquences en deux sens? Cela n'a pas des
conséquences seulement en un sens.
M. Bois: Le problème, c'est que, dans la mesure où
l'avant-projet de loi, malheureusement, pour des raisons que nous ignorons ne
pose pas tout le problème des intermédiaires en assurances, mais
constitue un dépoussiérage de la Loi sur les courtiers
d'assurances, dans cette mesure, il nous est impossible de poser la
problématique des intermédiaires en matière de produits
financiers. Les gens que je représente voient passer cet avant-projet
qui fait des réformes parcellaires à la Loi sur les courtiers
d'assurances, craignent d'être emprisonnés pour longtemps dans ce
texte législatif, s'il est adopté, et profitent de l'occasion,
évidemment, pour poser ce problème. Vous avez entièrement
raison, c'est un problème beaucoup plus vaste, mais qui aurait pu se
poser dans un texte législatif plus large sur tous les
intermédiaires en assurances: agents de voyage, agents d'assurance-vie,
courtiers IARD et ceux qui vont vendre les produits des compagnies d'assurances
dont les pouvoirs sont élargis en vertu de l'article 33. 1 de la
nouvelle Loi sur les assurances.
M. Lincoln: Une dernière question parce que je sais que le
temps presse, mais j'ai
envie d'être sûr, par rapport à votre regroupement.
Dites-vous: L'occasion est là, il y a un avant-projet de loi, on veut le
modifier dans le sens de nos recommandations? Ou si vous dites: Cela demande
à être étudié beaucoup plus profondément
parce qu'il y a des conséquences vastes à cela et qu'à ce
moment-là... Ou bien, c'est l'un, ou bien c'est l'autre. Dites-vous
qu'il faut amender ce projet de loi pour tenir compte de vos recommandations ou
si vous dites qu'il faut l'étudier beaucoup plus en profondeur? C'est
l'un ou l'autre.
M. Morin: Si je demandais à mon conseil d'administration
de répondre par le biais d'un vote, je ne sais pas ce qui arriverait,
mais selon moi le problème mérite d'être regardé de
façon plus globale.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Les questions de mon collègue de Nelligan
m'incitent à vous poser une très courte question seulement pour
mon information sur la nature de votre industrie. De l'extérieur, j'ai
l'impression qu'il y a une distinction très importante dans la nature de
vos produits. Je prends deux exemples. D'abord, l'assurance automobile. Je veux
une assurance pour une Mazda 1984, 250 $ de déductible; pour moi, c'est
un produit assez standard pour lequel on peut avoir accès à un
certain nombre de compagnies qui vendent ce produit à des prix plus ou
moins concurrentiels et avec peu de conseils à me donner. Je peux
prendre facilement la décision de m'assurer et d'établir le
déductible. Je la compare avec l'assurance pour une industrie, une
compagnie avec de la machinerie, avec toutes sortes de problèmes
possibles: les bouilloires, le feu, les obligations envers le personnel
où vous avez vraiment besoin d'un courtier qui va vous conseiller sur
tout. À première vue, il me semble que ce sont presque deux
industries différentes et que le rôle du courtier dans la
première... Je parle non seulement de l'autombile mais aussi des
maisons; l'assurance contre l'incendie pour les maisons et l'assurance
automobile doivent former une grande partie du total des assurances
aujourd'hui. A-t-on vraiment besoin d'un courtier dans le domaine de
l'assurance automobile et de l'assurance contre l'incendie pour les maisons
aujourd'hui? Que faites-vous dans ce domaine?
M. Morin: Vous parlez à un courtier d'assurances, j'aurais
de la difficulté...
M. Scowen: J'ai un courtier qui me vend les deux, je ne suis pas
contre, mais je voulais seulement savoir ce que vous faites.
M. Morin: Je vous répondrais comme ceci, M. Scowen.
Premièrement, si les gens estimaient qu'ils n'ont pas besoin de
courtiers, cela ne serait pas 87 % de l'assurance qui serait vendue par les
courtiers. Ce qu'ils semblent venir chercher chez nous, c'est qu'on leur tienne
la main, qu'on leur explique une formule standardisée. Vous savez que
les nouvelles formules sont maintenant plus faciles à lire, mais pas
plus faciles à comprendre. C'est une formule un peu comme le bail qu'on
a maintenant et qui doit régir toute la base entre le locateur et le
locataire, l'hypothèque que le notaire fait dans son bureau, ce sont des
choses standardisées, mais il faut quelqu'un pour l'expliquer. Souvent
deux courtiers d'assurances ont des interprétations différentes
sur la police d'assurance automobile qui, elle, est une loi au Québec.
Dans une discussion entre deux courtiers d'assurances et un expert en sinistre
d'une compagnie d'assurances, on n'est pas complètement d'accord sur
l'interprétation. Donc, le courtier d'assurances est une personne
à laquelle le client fait confiance. Le client a le choix d'acheter
lui-même quelque chose qu'il ne connaît pas, il sait très
bien que le document qu'il va recevoir contient tous les règlements tout
comme celui qu'il aurait reçu de chez nous, mais personne ne lui
expliquera. Excusez-moi, je ne peux parler pour les autres. Il vient chercher
chez nous l'explication de ce document et, au moment où il a besoin de
concrétiser son assurance, il revient chez nous et je deviens encore,
croyez-le ou non, un genre de courtier confesseur. C'est encore comme cela dans
nos bureaux. Les gens ne veulent pas tout le temps le croire, mais les gens
aiment venir nous parler de leur accident, ils savent qu'entre eux et la
compagnie d'assurances il y a quelqu'un qui connaît l'assurance et ils
veulent lui en parler avant, à celui-là. À mon avis, il
aura toujours besoin d'une explication, d'avoir quelqu'un qui est là et
qui sert de tampon.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Morin, ainsi que les
personnes qui vous accompagnent, du Regroupement des cabinets de courtage
d'assurance du Québec.
M. Morin: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Lachance): Je crois comprendre qu'il est
maintenant possible d'entendre le groupe qui était prévu de 21 h
30 à 22 h 30, Pouliot, Guérard Inc., le groupe Sobeco Inc.
J'inviterais les représentants à prendre place à la table,
s'il vous plaît!
M. Rochette.
Blondeau & Cie
Le Groupe Sobeco Inc.
(Pouliot, Guérard Inc. )
Hébert, Lehouillier & Ass. Inc.
Melanber Inc.
M. Rochette (Martin): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, il faut d'abord dire qu'il ne s'agit pas
uniquement d'un mémoire présenté au nom du groupe Sobeco
ou de Pouliot, Guérard, mais bien par trois firmes d'actuaires et par
une firme de conseillers en gestion de risques. Je suis accompagné par
M. Jacques Bolduc, qui est vice-président de la firme Hébert,
Lehouillier, qui va, d'ailleurs, partager avec moi la tâche de vous
présenter le mémoire. À peu près à
mi-chemin, M. Bolduc continuera.
Avant d'entreprendre la présentation du mémoire,
j'aimerais demander la permission de déposer un addendum au
mémoire que nous avons présenté le 30 août. Vous
comprendrez qu'avec les vacances il ne nous avait pas été
possible de rejoindre tous nos collègues. J'aimerais, si possible,
déposer un addendum au mémoire du 30 août, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Très bien, M. Rochette,
l'autorisation est accordée et nous allons distribuer
immédiatement cet addendum.
M. Rochette: Ce mémoire s'inscrit dans le cadre de la
révision de la Loi sur les courtiers d'assurances du Québec et
concerne l'activité de conseiller en gestion de risques et en assurance
de dommages. Il est présenté par les firmes suivantes: Blondeau
& Cie, le Groupe Sobeco, Hébert, Lehouiilier et Associés et
Melanber. Les trois premières sociétés sont des firmes
d'actuaires qui offrent, entre autres, des services de consultation en gestion
de risques et en assurance de dommages. Quant à Melanber, il s'agit
d'une société offrant exclusivement des services de consultation
en gestion de risques et en assurance de dommages. (17 heures)
Qu'est-ce que le conseiller en gestion de risques et en assurance de
dommages? Le conseiller en gestion de risques et en assurance de dommages agit
comme personne-ressource d'un assuré à l'égard de tous les
sujets relevant de l'assurance de dommages et de la gestion des risques en
général. Son rôle porte notamment sur les sujets suivants:
l'identification des risques; la détermination des risques qui peuvent
être éliminés ou assumés; le transfert des risques
au moyen de l'assurance ou autrement; l'évaluation des méthodes
alternatives de traitement des risques; l'élaboration du contenu du
portefeuille d'assurance; l'assistance dans la négociation des polices
d'assurance; le cas échéant, la préparation d'un devis et
l'assistance lors de l'appel d'offres; l'analyse des soumissions; la
vérification des polices d'assurance; les conseils et l'assistance lors
d'un sinistre; la tenue de séminaires sur la gestion des risques et des
assurances; les questions de contrôle et de prévention des pertes;
la planification et les programmes d'urgence. Nous sommes donc loin, M. le
Président, du strict cadre de la vente d'assurance.
L'activité de conseiller en gestion de risques et enassurance de dommages s'est développée parallèlement
à celle de gestionnaire de risques internes d'une entreprise. En effet,
les entreprises qui ne pouvaient se permettre les services d'un gestionnaire de
risques à plein temps avaient de plus en plus recours, sur la base de
mandat ponctuel ou autrement, aux services d'un conseiller externe en gestion
de risques et en assurance de dommages.
Un élément essentiel de la fonction de conseiller en
gestion de risques: ne pas vendre d'assurance. Le conseiller en gestion de
risques et en assurance de dommages ne vend pas d'assurance et il est
indépendant des compagnies d'assurances, des courtiers et des agents. II
s'agit du seul intervenant, en matière d'assurance de dommages, qui est
nommé et rémunéré uniquement par l'assuré et
qui n'a de comptes à rendre qu'à ce dernier.
En effet, le courtier et l'agent sont les intermédiaires
obligatoires du processus de négociation et d'émission d'un
contrat d'assurance et ils ont donc un intérêt commercial dans la
conclusion du contrat. Quant à l'expert en sinistres, il relève
directement de l'assureur.
En conséquence, au fil des ans, est apparu un besoin d'avoir
recours à l'expertise de personnes qui sont complètement et
exclusivement dévouées à l'assuré et qui, dans la
solution des problèmes de ce dernier, peuvent avoir recours à
toutes les méthodes disponibles en matière de gestion de risques
sans être limitées à l'utilisation de l'assurance
traditionnelle dans la solution des problèmes qui leur sont
posés.
Bien que les services des conseillers en gestion de risques et en
assurance de dommages pourraient être utilisés par tout
assuré, quel qu'il soit, seuls des corporations publiques ou
privées ou encore des commerçants, au sens large du terme, ont
recours à leurs services. Ces derniers ne s'adressent donc pas aux
consommateurs, mais plutôt à des entreprises qui désirent
avoir l'expertise d'une personne qui n'a de comptes à rendre qu'à
l'assuré et qui, en plus de l'expérience acquise dans le domaine
de l'assurance de dommages, a des connaissances utiles ou nécessaires
à la solution des problèmes soumis.
Les services du conseiller sont des services professionnels qui font
l'objet d'un mandat particulier et qui sont rémunérés sur
base d'honoraires, en fonction des services rendus, et ce, peu importe le
montant de la prime payée par le client. Il n'y a aucune
rémunération sur base de commission.
La formation du conseiller. L'activité de conseiller en gestion
de risques et en assurance de dommages ne correspond à aucune discipline
précise dans notre monde académique. Aucun tel diplôme
n'est donc décerné par nos institutions d'enseignement.
Toutefois, les conseillers ont une formation diverse que ce soit en
actuariat, en droit, en génie, en administration ou autre. Certains sont
également d'anciens courtiers d'assurances qui ont cessé de
vendre de l'assurance et qui ont préféré se consacrer
exclusivement à cette activité.
Les conseillers en gestion de risques et en assurance de dommages au
Québec. Les intervenants réguliers en matière de
consultation en assurance de dommages et en gestion de risques au Québec
se répartissent comme suit: trois firmes d'actuaires comptant au total
une dizaine de personnes affectées à cette fonction à
plein temps; une firme spécialisée exclusivement en consultation
en gestion de risques, laquelle compte trois employés à plein
temps; deux à cinq firmes américaines spécialisées
dans ce type de consultation, dont l'une maintient un bureau au Québec
et, enfin, une ou deux firmes de conseillers en gestion de risques de l'Ontario
qui ont des clients au Québec, mais qui n'y maintiennent pas de
bureau.
Il existe enfin quelques personnes qui agissent comme conseillers de
façon sporadique, à la pige, au niveau local ou régional.
Il s'agit de personnes ayant, pour des raisons diverses, une expertise
particulière en matière d'assurance de dommages et en gestion de
risques et qui agissent pour le compte de quelques clients avec lesquels elles
ont des relations privilégiées.
Le contrôle de l'activité de conseiller en gestion de
risques et en assurance de dommages. À l'instar d'une foule de
conseillers qui ont émergé au cours des dernières
années (conseillers en administration, en ressources humaines, en
communications, en informatique, et j'en passe) il n'y a pas de contrôle
particulier, du type corporation professionnelle ou permis d'exercice, sur les
qualifications requises pour pratiquer comme conseiller en assurance de
dommages et en gestion de risques, pas plus qu'il n'y a de surveillance
particulière d'un organisme gouvernemental ou autre sur cette
activité professionnelle.
Cela ne veut pas dire que les conseillers en gestion de risques et en
assurance de dommages sont complètement libres, car, comme quiconque,
ils doivent respecter les diverses lois qui peuvent leur être applicables
et, advenant une faute professionnelle, ils sont soumis au régime
général de la responsabilité civile. Il convient
également de mentionner que plusieurs personnes qui exercent cette
activité sont membres de corporations professionnelles, que ce soit le
Barreau du Québec ou l'Institut canadien des actuaires, et doivent donc
respecter les normes de ces corporations.
Sans prétendre que l'activité de conseiller en gestion de
risques et en assurance de dommages doit être à l'abri de tout
contrôle particulier, nous soumettons que les conditions de base d'un tel
contrôle spécifique, qu'il soit gouvernemental ou qu'il soit
effectué par une corporation quelconque, ne sont pas encore
réunies. Un des premiers éléments qui motivent
habituellement l'intervention gouvernementale est le monopole qui est
donné à certains individus en regard de l'exercice d'une
activité en particulier. Par exemple, en contrepartie du monopole qui
est donné aux avocats par rapport à certains actes, il est normal
qu'on réglemente l'accès à cette profession et qu'on
surveille les activités de ceux qui l'exercent. Il en est de même
avec toutes les autres professions a exercice exclusif ou à titre
réservé. Les conseillers en gestion de risques et en assurance de
dommages n'ont pas un tel monopole.
Un autre élément qui motiverait une intervention
quelconque serait les plaintes du public. D'après les renseignements que
nous avons pu obtenir, aucune plainte n'a jamais été reçue
au bureau du Surintendant des assurances du Québec concernant des
personnes exerçant l'activité de conseiller en gestion de risques
et en assurance de dommages.
Enfin, il faut se demander, surtout à la lumière de
l'effort de déréglementation que l'on connaît actuellement,
si la simple existence d'une activité suffît à justifier
l'imposition de mesures de contrôle ou de surveillance
particulières.
Cela dit, notre attention a été éveillée, il
y a quelques années, par les demandes de l'Association des courtiers
d'assurances du Québec d'étendre sa juridiction à
l'activité de conseiller en gestion de risques et en assurance de
dommages et, ce faisant, de l'inclure dans la description globale de
l'activité de courtier d'assurances. C'est cette initiative qui a
amené l'avant-projet de loi.
Je demanderais à mon collègue de faire nos commentaires
sur ce sujet. Merci.
Le Président (M. Lachance): M. Bolduc.
M. Bolduc (Jacques): Les commentaires que je fais portent plus
particulièrement sur l'application de ces données
vis-à-vis de l'avant-projet de loi dont on discute ici.
D'après la définition de la Loi sur les assurances, les
courtiers d'assurances ont comme activité propre d'exercer en assurance
"en négociant ou plaçant des risques, en sollicitant ou obtenant
des demandes d'assurance, en délivrant des polices ou en percevant des
primes", bref de vendre un produit d'assurance.
L'article 31 de l'avant-projet de loi étend les pouvoirs
exclusifs des courtiers à d'autres secteurs d'activités qui sont
connexes et qui ne constituent pas des activités propres aux courtiers
ni aux autres intervenants en matière d'assurance, principalement au
niveau de la fonction de conseiller. D'autres professionnels peuvent intervenir
aussi efficacement et dans le meilleur intérêt du public. Par
exemple, un comptable pourrait recommander à son client d'augmenter le
montant de sa couverture d'assurance et il agirait encore dans
l'intérêt de son client.
Il nous apparaît donc dangereux, surtout dans l'optique de la
protection du public, de réserver exclusivement au courtier la fonction
de consultation et de recommandation en matière d'assurances. Le
courtier, en se réservant exclusivement tout le champ des
activités connexes à son activité propre, enlève
à sa clientèle un recours direct à des disciplines
variées. Bien plus, il risque de se placer en situation de conflit
d'intérêts où ses propres intérêts sont
confrontés à ceux de ses clients.
L'article 32 permet bien à un avocat, à un notaire,
à un comptable ou à un actuaire agissant dans l'exercice de sa
profession de poser un acte autrement réservé exclusivement aux
courtiers. Mais il nous apparaît qu'une législation par exception
risque des oublis importants et nous estimons que les conseillers en gestion de
risques et en assurance de dommages ont été, dans ce projet,
oubliés.
Nous nous interrogeons donc sur les intentions réelles de
l'Association des courtiers d'assurances lorsqu'elle demande d'étendre
sa juridiction à l'activité de conseiller en gestion de risques
et en assurance de dommages. D'abord, au niveau des chiffres, pourquoi une
association qui compte près de 5000 membres voudrait-elle étendre
sa juridiction à une activité qui n'est pratiquée que par
quelques dizaines de personnes, comme nous l'avons vu
précédemment? De plus, pourquoi l'association voudrait-elle
étendre sa juridiction à une activité qui, en soi, est
différente de celle de courtier et incompatible avec cette
dernière? Elle est différente, car l'activité principale
du courtier est de vendre un produit, alors que celle du conseiller est de
donner à son client plusieurs conseils en matière de gestion de
risques et en assurances, conseils qui ne sont pas limités à
l'assurance proprement dite.
Quant à l'incompatibilité, nous donnons comme exemple les
situations suivantes. Le courtier est-il à même de juger de
l'opportunité ou non de procéder à un appel d'offres,
surtout lorsque son intérêt commercial est en jeu et qu'il risque
de perdre le compte du client? Le courtier est-il en mesure de porter un
jugement objectif sur la situation financière d'un assureur au nom
duquel il présente une proposition? Le courtier peut-il faire un choix
sur une alternative à l'assurance comme, à titre d'exemple, la
non-assurance, l'auto-assurance ou toute autre formule mixte? En cas de
sinistre, la position de courtier ne risque-telle pas d'être
partagée entre les intérêts de l'assuré et le
maintien de ses bonnes relations avec l'assureur? De façon plus
générale, qu'est-ce qui prévaudra: l'intérêt
commercial relié à la vente de l'assurance ou
l'intérêt de l'assuré?
Le conseiller en gestion de risques et en assurance de dommages et le
courtier sont donc souvent dans des positions qui s'opposent. Or, les regrouper
sous la juridiction d'une même association ou corporation, surtout
lorsque cette association compterait près de 100 % de ses membres dans
une catégorie, équivaudrait à la disparition de la
fonction de conseiller indépendant en gestion de risques et en assurance
de dommages. Nous nous opposons donc à ce que la juridiction de
l'Association des courtiers d'assurances du Québec soit étendue
à la fonction de conseiller en gestion de risques et en assurance de
dommages.
À la lecture de l'article 31 de l'avant-projet, on ne sait trop
si on a voulu illustrer certains accessoires de l'acte de courtage ou, encore,
si on a voulu élargir le champ de compétence exclusive du
courtier. Si, en parlant d'assistance à l'occasion d'un sinistre, de
sollicitation d'un contrat d'assurance, d'examen d'évaluation et de
conseils ou encore d'information à la victime lors d'un sinistre, on a
voulu illustrer certains accessoires de l'acte de courtage, nous soumettons
respectueusement que cela est superflu et peut amener des débats et des
poursuites longs et inutiles. (17 h 15)
En effet, il va de soi que tout acte de vente implique la sollicitation,
une certaine partie de conseils et un service après vente. Il ne nous
apparaît pas nécessaire de l'ajouter à la description d'une
activité de vente. Par contre, si l'intention est d'accorder ce pouvoir
additionnel aux courtiers et cette juridiction accrue à l'association
des courtiers, nous soumettons qu'il ne doit pas en être ainsi et ce,
pour les raisons que nous avons mentionnées plus haut.
En conséquence, nous soumettons respectueusement que la
définition actuelle
du courtier d'assurances, dans la Loi sur les assurances ou la Loi sur
les courtiers d'assurances, ne devrait pas être modifiée. Bien
plus, le champ de compétence exclusif du courtier ne devrait pas
comporter de références à la consultation en gestion de
risques et en assurance de dommages et la juridiction sur une telle
activité ne devrait pas être donnée à l'Association
des courtiers d'assurances du Québec.
Enfin, nous désirons rappeler qu'un comité de travail sur
les intermédiaires en assurance de dommages a été mis sur
pied par l'Inspecteur général des institutions financières
et le Surintendant des assurances. Dans cette optique, nous croyons qu'il
serait préférable d'attendre les résultats de ce
comité de travail où, d'ailleurs, tous les intervenants sont
présents avant de modifier la Loi sur les courtiers d'assurances du
Québec.
Merci de votre attention, c'était là notre
intervention.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Duhaime: Merci, M. le Président. À l'heure
actuelle, j'essaie de voir exactement où se situent vos propres
activités. Vous êtes exclusivement, si je comprends bien, des
conseillers en gestion de risques et en assurance de dommages.
M. Bolduc: Exactement.
M. Duhaime: Vous n'émettez pas de police d'assurance, vous
ne percevez pas de prime, vous n'intervenez d'aucune manière entre le
grand public et une ou des compagnies d'assurances.
M. Rochette: Non, nous ne sommes pas du tout les
intermédiaires de la conclusion du contrat d'assurance et nous
n'effectuons aucun des actes qui sont inclus dans la définition actuelle
de l'agent d'assurances, à savoir - je n'ai pas la définition de
l'agent d'assurances sous les yeux - négocier ou placer des risques,
percevoir une prime, émettre une police d'assurance ou solliciter une
demande d'assurance. Nous n'intervenons d'aucune manière dans le
processus commercial de l'assurance.
Par contre, pour autant que l'assurance est concernée, qui est
une très petite partie de nos activités, nous conseillons des
clients sur la composition de leur portefeuille d'assurances. Quelles sont les
clauses, les garanties qu'ils devraient avoir? Quelle limite d'indemnité
ou quel montant d'assurances devraient-ils avoir? Quelle franchise
également? Sauf que l'émission du contrat d'assurance, en fait,
les relations qui se rapportent à la vente d'assurance entre
l'assuré et l'assureur sont effectuées par l'intermédiaire
du courtier. Nous n'intervenons d'aucune façon. C'est, d'ailleurs, un
des éléments essentiels que les clients recherchent quand ils
viennent nous voir, le fait que nous soyons à l'écart, si vous
voulez, du processus commercial de l'assurance.
M. Bolduc: Vous permettez, M. le ministre?
M. Duhaime: Oui, bien sûr.
M. Bolduc: Nous croyons comprendre que l'avant-projet de loi
inclut dans ses définitions des activités qui ont
été décrites par mon confrère. En fait, l'article
32 de cet avant-projet de loi exclut par la suite les actuaires et les avocats.
Nous sommes un bureau d'actuaires, mais chez nous ceux qui font ce travail ne
sont pas nécessairement des actuaires. Cela pourrait être des
actuaires, mais ce n'est pas exclusif. C'est un peu par accident comme on
pourrait dire, cela fait partie du champ d'activités connexes à
l'actuariat. Nous avons des personnes chez nous qui n'ont pas de diplôme
d'actuaire ou d'avocat et qui sont d'excellents conseillers en gestion de
risques et qui, nous le croyons, seraient exclues par la nouvelle
définition dans l'avant-projet de loi.
M. Duhaime: Si je comprends bien le coeur de votre
mémoire, vous ne souhaitez pas que, d'une manière ou d'une autre,
un conseiller en gestion de risques ou en assurance de dommages soit couvert
par ce projet de loi.
M. Rochette: Exactement, M. le ministre, qu'il tombe sous le coup
de l'Association des courtiers d'assurances.
M. Duhaime: J'avais compris cela assez clairement. Maintenant,
à la page 5 de l'addendum qui porte la date du 9 septembre, vous posez
un certain nombre de questions -il y en a quatre - qui découlent, en
fait, de ce que vous avez dit précédemment en soulignant qu'il y
a peut-être incompatibilité entre l'exercice de la fonction de
courtier d'assurances telle qu'on la connaît aujourd'hui et le rôle
d'un conseiller en gestion de risques et en assurance de dommages.
Vous posez les questions. Je n'ose pas risquer une réponse
à chacune d'entre elles, mais je dirais d'une façon
générale que ce sont les règles d'éthique,
finalement, qui vont départager. Dans la pratique courante, les
courtiers d'assurances, sauf erreur, effectivement sont des conseillers,
peut-être pas au même niveau de spécialisation ou de
spécialité que vous l'êtes au niveau actuariel ou
autrement, mais ils sont effectivement
des conseillers en gestion de risques. J'imagine que, lorsqu'un sinistre
survient, la première personne qu'un assuré ordinaire porteur
d'une police va aller voir, ce n'est pas un actuaire. Il va aller voir son
courtier. Il va lui poser un certain nombre de questions. Qu'est-ce que tu en
penses? Est-ce que je devrais réclamer plus? Est-ce que je devrais
réclamer moins? Puis, il va essayer d'obtenir un peu d'information
là-dessus.
Si j'ai bien compris, vous travaillez plutôt dans
l'appréciation du risque et dans l'appréciation des
indemnités à la suite d'un événement aussi. Est-ce
que c'est le cas?
M. Rochette: Si vous le permettez, nous travaillons à tous
les niveaux. Nous ne travaillons pas uniquement au niveau de
l'appréciation du risque, de l'identification du risque, mais
également, lorsqu'arrive un sinistre, il nous arrive d'aider un client
dans la préparation de ses preuves de pertes. Nous intervenons à
peu près à tous les niveaux de la procédure d'assurance,
mais nous ne le faisons pas comme un intermédiaire entre l'assureur et
le courtier, pour les fins d'une émission commerciale.
Tout à l'heure, vous parliez de la fonction du courtier qui
conseille. Il est évident que la fonction du courtier comporte une
certaine partie de conseils. Toute vente de quoi que ce soit comporte une
partie de conseils; qu'on s'achète des souliers, une automobile ou
n'importe quoi, le vendeur nous conseille. Si je suis célibataire, sans
enfants, il ne me vendra pas un autobus. La distinction fondamentale entre les
deux, c'est que, d'abord, nous ne touchons pas exclusivement l'assurance. Nous
allons au niveau de toute la gestion des risques, qui s'appelle identification,
évaluation, détermination du mode le plus approprié de
traitement du risque.
On fait face à une foule de risques et ce ne sont pas tous les
risques auxquels on fait face qui sont assurés. Une fois qu'on les a
identifiés et qu'on les a évalués, il faut
déterminer ce qu'on fait avec. On peut, soit les éliminer, soit
les prévenir, soit les assumer ou, encore, les transférer. Dans
le transfert, on peut les transférer contractuellement à autrui,
à nos partenaires. Vous avez des entreprises qui incorporent dans leurs
produits une matière première ou un produit qui vient d'un autre
fabricant et qui demandent à ce fabricant de les analyser. Donc, elles
lui transfèrent une certaine partie du risque. Vous avez finalement
l'assurance. L'assurance n'est qu'une des parties de tout ce qu'on peut appeler
la gestion des risques des assurances. C'est dans ce domaine que nous sommes
spécialisés.
Il est évident que, sur certains sujets, les questions qui nous
sont posées sont semblables à celles qui sont posées aux
courtiers. Pour quoi est-ce que je suis couvert? Quelle est ma limite
d'assurance? Est-ce que je suis assez assuré? Est-ce que je devrais
avoir telle ou telle franchise? Sauf que dans la réponse à ces
questions, premièrement, nous ne sommes pas influencés par
l'aspect commercial de l'assurance parce que nous n'en vendons pas et,
deuxièmement, nous avons è notre disposition de l'expertise et
des mécanismes plus étendus que ceux dont disposent - je ne
dirais pas qu'aucun courtier ne les a - les courtiers en
général.
M. Duhaime: Cela me va, M. le Président. Je vous
remercie.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Les personnes qui ont présenté le
mémoire ont posé deux questions au ministre et j'aimerais avoir
les réponses à ces deux questions, si possible. La
première se trouve à la page 6 du premier mémoire. Elles
trouvent que le texte est un peu ambigu et vous posent la question: Est-ce que
c'était votre intention que les conseillers en gestion de risques soient
assujettis à l'encadrement de l'association des courtiers? C'est la
question qu'elles posent dans les deux derniers paragraphes de la page 6.
Est-ce que c'était votre intention? Elles n'en étaient pas
certaines et veulent avoir la réponse. Elles disent qu'il y a deux
interprétations possibles du texte et veulent savoir quelle était
votre intention parce que, si ce n'était pas votre intention qu'ils
soient couverts, elles parlent pour rien dans le premier mémoire.
C'était quoi, votre intention?
M. Duhaime: Je croyais que cela pourrait être induit des
questions que j'ai posées. J'ai été moi-même un peu
étonné de voir que le mémoire pointait du doigt ce point
bien précis. Je n'ai pour l'instant, en tout cas, et pour un bon bout de
temps pas l'intention de faire en sorte qu'on puisse donner une extension telle
à la définition d'un courtier d'assurances qu'on rejoigne les
activités de firmes aussi spécialisées que celles qu'on
vient d'évoquer tantôt. C'est clair.
M. Scowen: C'est la réponse à la première
question. La deuxième, là, c'est posé à la page 6
de l'addendum où on essaie de décerner votre objectif dans la
définition du champ de compétence exclusif d'un courtier qu'on
voit à l'article 31. On dit que c'est possible que vous ayez voulu
simplement illustrer les activités qu'on accepte déjà, que
n'importe quel courtier doit faire dans le cours de ses responsabilités
mais, pour citer le mémoire, "par contre, si l'intention est d'accorder
ce pouvoir
additionnel", dans un sens très précis, c'est une autre
affaire. C'était quoi, votre intention, à l'article 31 de
l'avant-projet de loi?
M. Duhaime: Je pense avoir répondu très clairement
à la première question qui est soulevée. Quant à la
deuxième, quant à la définition de ce que serait
éventuellement un courtier d'assurances dans un projet de loi qui
pourrait être déposé à l'Assemblée nationale,
je pense qu'on va prendre le temps de rencontrer tous les intervenants et de
prendre connaissance de l'ensemble des mémoires avant de dire ici
aujourd'hui: La définition du courtier, le champ d'application,
d'exercice du courtier d'assurances ne sera modifié d'aucune
façon. Il y a une chose qui est très simple. La question qui est
posée par ces gens qui sont des conseillers en gestion de risques et en
assurance de dommages, ce qu'ils veulent savoir, c'est ceci: Est-ce que
l'avant-projet de loi vise l'exercice du métier qu'ils font aujourd'hui?
La réponse est non. Quant au reste, on verra.
M. Scowen: Je ne veux pas insister, mais je vais quand même
reposer la question une dernière fois. Est-ce que, comme point de
départ dans l'avant-projet de loi, vous avez en tête l'idée
d'élargir le champ de compétence exclusif des courtiers
d'assurances au-delà du champ de compétence qui existe
aujourd'hui ou est-ce que c'est pour vous, dans ce sens, le statu quo?
M. Duhaime: Disons que, pour les fins de la discussion
aujourd'hui, c'est à peu près le statu quo.
M. Scowen: D'accord.
M. Duhaime: Je le dis sous réserve de voir ce que nous
entendrons et ce que nos travaux pourraient commander. C'est beaucoup plus
l'exercice actuel du champ de compétence, les mesures de contrôle
que l'élargissement comme tel qui est visé, mais je le dis sous
réserve.
M. Scowen: On voulait surtout parler du point de départ,
c'est tout.
M. Duhaime: Autrement dit, ce serait beaucoup demander à
des conseillers en gestion de risques et en assurance de dommages de devenir
des courtiers et de satisfaire à toutes et chacune des obligations qu'un
courtier d'assurances doit avoir dans l'exercice du courtage, alors qu'ils ne
font pas de courtage.
M. Scowen: J'aurais peut-être une très courte
question. Vous posez la question, si je comprends bien, quant à la
possibilité de conflit d'intérêts dans le cas des
courtiers. C'est l'essentiel de votre argumentation aux pages 4 et 5. (17 h
30)
M. Bolduc: C'est un point important, ce n'est probablement pas
l'essentiel. Le courtier est rémunéré à commission
par un assureur et il peut avoir à faire des recommandations qui vont
remettre en question, mettre dans la balance ses propres intérêts
et ceux de son client. Il est possible qu'un courtier ait à dire: On
devrait diminuer les couvertures ou augmenter la franchise, ce qui diminue, par
le fait même, la prime et la commission. Je n'accuse pas, je montre
simplement la possibilité. Cela demeure probablement
théorique.
M. Scowen: Je dois vous dire que je ne vois rien de scandaleux
là-dedans. Votre mémoire m'a aidé à comprendre
davantage. Une personne qui se pose la question: Ai-je besoin d'assurances peut
se diriger vers vous. Vous allez, pour une certaine preuve, examiner la
situation. Vous pouvez aussi bien lui dire: Non, vous n'avez pas besoin
d'assurances ou: Vous avez besoin d'assurances. Pour vous, cela vous est
égal parce que vous êtes payés par des frais... Je ne sais
pas exactement.
Une voix: Des honoraires.
M. Scowen:... des honoraires. Par contre, une personne avertie
sait très bien que, si quelqu'un va vers un courtier, il a
déjà décidé qu'il a besoin d'assurances. Il ne va
pas chez un courtier dont il sait très bien que le rôle est de
vendre de l'assurance et qu'il sera payé seulement s'il réalise
une vente, s'il n'a pas l'intention, au moins, d'acheter de l'assurance. Est-ce
que je me trompe en disant qu'il n'y a rien de scandaleux là? La
personne qui se dirige vers un courtier sait que ce n'est pas différent
d'y aller et de se diriger vers un magasin de vêtements. Si vous allez
dans un magasin, vous savez très bien que la personne est là pour
vous vendre.
M. Bolduc: Je crois que le problème ne se limite pas
à ce point-là.
M. Scowen: Ce n'est pas compliqué, on le sait.
M. Boiduc: Si vous allez voir un conseiller en gestion de risques
pour un problème d'assurances, celui-ci va faire une étude et il
peut arriver à la conclusion que vous avez besoin d'assurances.
Maintenant, on fait ce qu'on appelle un appel d'offres, des demandes de
soumissions à plusieurs assureurs et on fait le tour du marché.
Il y aura un courtier dans le portrait parce que les
assureurs vont placer par l'intermédiaire des courtiers. Mais le
courtier, est-ce qu'il va faire un appel d'offres à plusieurs
compagnies? Il va aller voir les compagnies avec lesquelles il transige;
déjà, il a un secteur d'activité limité. Ce n'est
pas toujours dans le meilleur intérêt du client de limiter
l'accès à différentes activités connexes sous
prétexte qu'il y a un point de vente quelque part. Le point de vente va
demeurer et le conseiller en gestion est complètement indépendant
de cette partie.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, M. le Président.
Pour reprendre les derniers mots - ils s'accrochent justement à ma
question - de l'indépendance quant au moment où la vente se
conclut, le client à qui vous avez recommandé de s'assurer,
présumément en lui suggérant des déductibles, des
franchises, des niveaux d'assurance, votre connaissance du marché lui
donne probablement une idée de la prime qu'il paiera. Je me demande
à quel moment précis - j'aime bien comprendre ce qui se passe en
pratique - vous quittez le dossier. Qui va mettre votre client en contact avec
un assureur et sur quelle base?
M. Bolduc: Nous faisons un appel d'offres. Quand le dossier est
bien étudié et qu'on sait de quoi on a besoin, on fait un appel
d'offres chez les fournisseurs qui sont des courtiers parce que la plupart des
assureurs travaillent avec des courtiers. On ouvre et on étudie les
soumissions, on décide laquelle est meilleur marché. Là,
l'assureur est en contact avec son client par le biais de son courtier. On est
toujours présent dans le dossier, mais on peut aller jusqu'à
vérifier que les contrats soumis sont bien ceux qu'on avait
demandés et qu'ils couvrent exactement ce qu'on avait demandé. On
peut encore intervenir, comme le disait mon confrère, quand arrivera une
réclamation, selon le genre de la réclamation et si le client
aussi le désire. Théoriquement, on quitte le dossier quant on a
vérifié que les couvertures fournies sont bien celles qu'il
fallait.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): De quoi a l'air le client
typique, s'il existe, ou le client moyen qui n'existe pas?
M. Rochette: Le client typique, c'est habituellement souvent une
municipalité ou cela peut être un organisme parapublic, mais c'est
aussi, dans le secteur privé, soit une moyenne ou une grande entreprise
qui désire s'informer des méthodes alternatives de traitement des
risques, qui ne veut pas s'en remettre uniquement à l'assurance comme
mode de traitement de risques, qui veut faire une étude
coûts-bénéfices de son transfert des risques. Ce peut
également être quiconque, petite, moyenne ou grande entreprise, a
eu des problèmes de réclamation dans le passé parce qu'il
était mal assuré et qui veut maintenant avoir une seconde
opinion, une opinion indépendante sur sa couverture et sur son
portefeuille d'assurances.
Tantôt, M. Scowen parlait des cas de conflits
d'intérêts. Si un individu vient nous voir pour nous dire: Je veux
assurer mon automobile Mazda, on va lui répondre probablement la
même chose que le courtier. Mais il y a des questions où la
réponse qu'on peut donner n'est pas nécessairement identique
à celle que le courtier, de par le rôle qu'il remplit
auprès de l'assuré, peut lui donner. Si le courtier recommande
à quelqu'un de ne pas s'assurer du tout ou encore l'incite à une
mesure qui amène une diminution importante, je ne dirais pas du
coût du risque, mais de la prime d'assurance, le courtier peut
possiblement être en conflit d'intérêts, à ce
moment-là, lorsqu'il a le choix entre faire une recommandation qui
entraîne une prime réduite, donc une commission réduite, ou
encore une prime élevée et une commission
élevée.
Un autre exemple. Si un courtier a une prime intéressante avec un
assureur dont la situation financière est chancelante ou sur lequel on
peut se poser des questions, il risque d'être en conflit
d'intérêts lorsqu'il porte un jugement de valeur sur cet
assureur.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
J'aurais aimé savoir si les clients pour qui vous êtes
conseillers en gestion de risques et en assurance ne sont pas
déjà vos clients parce que vous êtes conseillers en
avantages sociaux? Enfin, vous offrez toute une gamme de produits. Je me
demandais s'il y avait beaucoup de clients qui allaient chez vous la
première fois parce que vous êtes également conseillers en
gestion de risques.
M. Rochette: C'est très fréquent. D'ailleurs, on
aurait aimé un plus grand phénomène d'osmose entre la
clientèle d'avantages sociaux et la clientèle de gestion de
risques.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Je laisserai quelques
minutes à mon collègue de Nelligan. Quelques brèves
questions. À la lecture de votre document, j'ai constaté des
interrogations qui mettent drôlement en parallèle le rôle du
courtier. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la vente au comptoir de
l'assurance.
M. Rochette: C'est quelque chose dont on parle beaucoup, c'est un
mode de vente -c'est mon opinion personnelle, car je ne pense pas que cela
touche la gestion de risques - d'assurance qui se prête à
l'assurance automobile ou à l'assurance-habitation, mais qui ne sera
jamais applicable dans le genre d'assurances que nos clients transigent, si
vous voulez.
M. Maltais: D'accord, on conçoit que vous avez, quand
même, une clientèle spéciale et que ce n'est pas M.
Tout-le-Monde qui va chez vous. Celui qui s'achète une maison, le
notaire ne l'envoie pas chez vous, mais chez son courtier d'assurances. Je
pense que l'on conçoit cela, mais il reste, quand même, que la
masse de la population québécoise a besoin d'être
conseillée par quelqu'un. Ce n'est pas nécessairement le
meilleur, mais la masse, M. Tout-le-Monde, la personne à revenu moyen a
besoin d'être conseillée par quelqu'un. Est-ce
qu'inévitablement elle doit passer chez vous avant d'aller voir son
courtier ou son agent?
M. Rochette: II n'est pas nécessaire qu'elle passe chez
nous, nous ne sommes pas un intermédiaire obligatoire. Si on parle de la
masse des gens, on constate que les produits d'assurance destinés
à la masse des gens se standardisent énormément
aujourd'hui. Prenez la police d'assurance automobile, qui constitue un texte
standard approuvé par le surintendant et qui est d'utilisation
obligatoire; prenez l'assurance-habitation pour les particuliers, il y a
beaucoup de standardisation. Sans que les textes se ressemblent, ils sont au
même effet. Les assureurs ont des "packages", comme on dit.
Le Président (M. Lachance): Je crois que M. Bolduc veut
ajouter quelque chose.
M. Bolduc: C'est dur d'avoir la parole à côté
d'un avocat, je ne suis pas avocat. Comme actuaire, vous avez touché un
point sur lequel nous travaillons beaucoup: la distribution des contrats
d'assurance. Je crois que l'avenir, en assurance-vie et en assurance-dommages
aussi, va se jouer sur les modes de distribution. Je pense que vous avez fait
une distinction judicieuse entre l'assurance commerciale et industrielle et
l'assurance des particuliers, ce que l'on appelle les lignes personnelles:
l'automobile et l'habitation. On se demande quel est le rôle du courtier
en habitation. On peut vous citer des exemples. Il y a un exemple qui est
très proche physiquement ici du milieu dans lequel on retrouve: c'est la
Capitale qui vend sans courtiers et sans agents et dont les opérations
vont très bien. On a un exemple de distribution où le courtier
n'est pas nécessaire. Cela n'enlève pas la valeur du courtier
dans les risques commerciaux et industriels. Il faut un intermédiaire et
le courtier est indispensable.
Le courtier est encore un véhicule de distribution très
recherché par la population en général. Quand le besoin
d'assurance existe, si la compagnie fait un effort, elle peut atteindre
directement sa clientèle pour les produits standards. Cela se fait
déjà avec succès.
M. Maltais: Historiquement, le courtier est au Québec
depuis nombre d'années et vous êtes arrivés par la suite,
à cause de la complexité de l'assurance, surtout au niveau
commercial. Vous n'êtes pas accessibles au public en
général, vous avez des bureaux à Québec,
Montréal, dans les grands centres. Il reste que le courtier n'entre pas
dans des conflits d'intérêts à 100 % sur les quatre ou cinq
points que vous soulevez. Je ne suis pas convaincu que le courtier ne soit pas
un peu conseiller. Il a le choix entre un groupe de compagnies pour placer son
risque. Il y a une question d'éthique, comme le ministre le soulevait.
Il y a aussi une question de continuité. Le courtier ne veut pas avoir
un client pour une journée; il veut l'avoir l'année suivante,
c'est son gagne-pain. II a avantage à ne pas si mal conseiller son
client, règle générale. Il y a peut-être des
exceptions à la règle. Il y en a partout, c'est pour cela qu'il y
a des avocats et des législateurs. Règle générale,
le courtier a, quand même, un rôle important de conseiller, qu'on
le veuille ou qu'on ne veuille pas et que vous soyez d'accord ou pas, c'est
votre droit... La population a quand même le droit. Demain matin, je
verrais très mal qu'on adopte une loi ici en disant à tout le
monde: Vous êtes obligés d'aller voir la maison X qui va vous
conseiller comment acheter votre police d'assurance-vie, votre police
d'assurance automobile. C'est encore un intermédiaire ou conseiller,
appelez-le comme vous voudrez, qui va trouver... Vous ne faites pas cela pour
les beaux yeux de quelqu'un; vous faites cela parce que cela rapporte quelque
part. Il y a encore quelqu'un qui va payer. Chaque fois qu'on augmente la
masse, il y a quelqu'un qui paie la différence et c'est toujours le
public.
Le rôle du courtier, dans la mesure où son travail se fait,
où le vôtre se fait selon un autre standard, n'est peut-être
pas aussi noir que vous le faites ressortir ici.
M. Bolduc: Je ne voudrais pas noircir le rôle du courtier.
Je pense que le marché de l'assurance en général
présentement a été servi par des courtiers et a
été très bien servi. Dans le cadre de
l'élargissement de la loi, peut-être qu'on accumule un peu de
nuages sur la nouvelle section, mais le courtier a joué un rôle
important au Québec et il a très bien servi sa clientèle.
Le monde
de l'assurance est en train d'essayer de trouver de nouvelles
façons de distribuer ses produits et c'est le monde de l'assurance et
non pas les actuaires qui est en compétition avec les courtiers. Il y a
des compagnies d'assurances qui essaient d'éviter le courtier pour
atteindre leur clientèle directement, c'est tout ce que je veux
dire.
Pour nous, conseillers en gestion de risques, la compétition, ce
n'est pas chez l'individu parce qu'il n'a pas assez de problèmes pour
que cela vaille la peine d'entreprendre une étude. Nous intervenons dans
les gros cas de risques industriels et commerciaux et dans les
municipalités. Il faut vraiment qu'il y ait du volume pour cela en
vaille la peine. Nous ne sommes pas en compétition avec le courtier en
ce qui concerne l'individu.
M. Maltais: D'accord. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: J'ai quelques questions à poser dans le
même sens que mon collègue. Justement, je comprends très
bien ce que vous voulez dire, que vous agissez dans le cadre des gros risques
industriels, commerciaux et parapublics. C'est évident, mais dans ce
sens est-ce que les questions que vous posez aux pages 4 et 5 ne sont pas un
peu simplistes? Cela donne une drôle d'impression à quelqu'un qui
ne connaît pas le cadre de l'assurance aussi bien qu'un autre qui agit
là-dedans. Je comprends très bien que mon collègue de
Notre-Dame-de-Grèce, par exemple, en lisant cela, dise: Celui qui vient
chez le courtier, c'est comme s'il décidait d'acheter un vêtement.
Je comprends que le public serait porté à arriver à cette
conclusion après avoir vu ces questions, mais, en fait, c'est un peu
simpliste, avouez-le. (17 h 45)
Si, demain matin, un courtier avait affaire au Canadien Pacifique ou
à Alcan, il ne resterait pas là bien longtemps s'il ne pouvait
pas répondre aux quatre dernières questions au moins
objectivement. Laissons la question des appels d'offres. Si un courtier
d'envergure, courtier d'une botte avec laquelle vous faites affaires
vous-même, ne savait pas faire les quatre choses, il ne resterait pas
là bien longtemps. Je veux dire par cela que ce sont des questions qui
peut-être tendent à suggérer que, dans le domaine du
courtage, ces choses sont impossibles. Or, on sait très bien que cela se
fait tous les jours. Demain matin, si Demers, McLennen, Johnson à
Higgins, Parizeau, etc., ou même des courtiers moyens ne savaient pas
évaluer un risque commercial de la grosse industrie de façon tout
à fait professionnelle, ils ne seraient pas là bien longtemps.
Cela a donné l'impression qu'il y avait deux catégories, et que
seul le gestionnaire pourrait le faire. Le fait que vous ne soyez que dix
démontre lui-même qu'il y a sûrement d'autres gens qui font
ce travail. Je pense que ce n'était pas tout à fait juste de
poser des questions qui avaient l'air de dire que c'était tout à
fait incompatible pour un courtier d'assurances de faire ces choses. Je veux
bien qu'il ne puisse pas faire des appels d'offres, mais, pour le reste,
excusez-moi.
M. Rochette: Malheureusement, vous parliez de certains bureaux.
On retrouve ces bureaux parmi ceux qui ont moussé les affaires de
Northumberland, Strathcona, Pitts et Cardinal, les quatre compagnies qui ont
fait faillite dernièrement. La question était de savoir si les
grandes entreprises avaient ou non besoin d'avoir recours à des
conseillers externes en gestion de risques. Dans la plupart des cas, les
grandes entreprises ont recours à des conseillers externes en gestion de
risques en plus d'avoir, à l'interne, sur leur propre feuille de paie,
un gestionnaire de risques payé à temps plein. Je pourrais vous
nommer trois des plus grandes banques canadiennes qui ont recours à des
conseillers externes.
Il est évident que lorsqu'on donne des exemples de conflits
d'intérêts, il ne faut pas prendre un individu et dire: Cet
individu courtier est capable de faire la différence entre une compagnie
et une autre. On a réagi à une situation o l'on voulait mettre
les conseillers en gestion de risques et en assurance de dommages sous le
même chapeau que les courtiers en disant: C'est blanc bonnet, bonnet
blanc, ces gens peuvent faire à peu près la même chose, les
courtiers peuvent agir comme conseillers et les conseillers peuvent agir comme
courtiers.
M. Lincoln: Ah oui! Je vous suis tout à fait.
M. Rochette: C'est cela.
M. Lincoln: Mais je veux dire qu'il ne faut pas non plus inverser
la chose. C'est cela que je voulais vous dire.
M. Rochette: Je suis d'accord.
M. Lincoln: Cela semblait inverser la chose. Qu'il y ait Pitts,
Strathcona, si quelque chose fonctionne mal, cela ne prouve pas quelque chose.
Ce sont des exemples. Peut-être qu'eux-mêmes pourraient citer des
exemples de conseillers en gestion qui ont mal fait leur travail dans certains
domaines. Ce que je veux dire, c'est que des principes ne s'établissent
pas tout à fait en blanc et noir. Je suis d'accord avec vous, mais
l'inverse...
Une voix: D'accord.
M. Lincoln:... est aussi faux. C'est ce que je voulais
souligner.
M. Rochette: Mais on dit bien qu'on a cherché à
illustrer. Comme la fonction de conseil en gestion de risques et en assurance
de dommages est une fonction relativement jeune au Québec et
relativement peu connue, on a cherché à l'illustrer,
peut-être avec certains contrastes.
M. Lincoln: Comment est-ce que vous agissez dans le cas, par
exemple, de beaucoup de compagnies de conseillers en gestion, surtout dans le
domaine de l'actuariat, qui sont possédées par des compagnies
financières, des compagnies de courtage, même d'assurances, qui
sont reliées très activement à des compagnies
d'assurances, de courtage, par actions ou autrement? Comment est-ce que vous
départagez, à ce moment-là, toute cette question,
justement, de conflits d'intérêts possibles et comment est-ce que
vous contrôlez ou non cela? Si, par exemple, c'est permis à une
compagnie de courtage ou à une compagnie financière de
posséder une compagnie de conseillers en gestion, une compagnie
d'actuaires, comme cela se fait très couramment - les exemples, vous les
connaissez aussi bien que moi - comment est-ce que vous établissez le
contrôle sur une situation possible de conflit d'intérêts
direct ou indirect qui se trouverait être la même que celle du
courtier?
M. Rochette: Disons que ce conflit n'est pas le cas de la firme
que je représente.
M. Lincoln: Non, non! On ne parle pas d'individus. On parle de
principes.
M. Rochette: Par contre, l'Institut canadien des actuaires a un
code d'éthique très rigide; c'est un des plus rigides que je
connaisse et les clients sont en mesure, à ce moment-là, de faire
la différence.
M. Lincoln: Oui, je suis entièrement d'accord avec vous.
C'est là que je reviens à mon point. Quand vous avez l'Institut
canadien des actuaires, quand vous avez la corporation des ingénieurs,
quand vous avez les corporations professionnelles qui contrôlent leurs
membres, nous sommes d'accord, mais si X se met demain matin une affiche de
conseiller en gestion et qu'il n'est pas votre collègue ici, qu'il n'a
aucune formation dans le domaine, mais qu'il dit: Moi, je fais des appels
d'offres pour telle municipalité, je veux aller la conseiller.
Si vous voulez des exemples, je vais vous citer celui d'un
Américain qui était devenu conseiller en assurances de
Rockefeller, qui était devenu conseiller en assurances d'une des grandes
aciéries suédoises et qui avait posé des gestes presque...
Il n'y avait aucun contrôle. Est-ce que vous ne pensez pas qu'à un
moment donné il faut une délimitation quelconque? Je ne dis pas
que cela devrait être l'association des courtiers. Je ne vous dis pas
cela. Je parle du principe même. Si on parle d'actuaires, si on parle
d'ingénieurs, si on parle de spécialistes qui sont
déjà régis par un code de déontologie et de
compétence quelconque, nous sommes d'accord, mais est-ce que vous pensez
que la même chose s'applique pour X, Y ou Z qui, lui, devient demain
matin conseiller en gestion?
M. Rochette: Par rapport aux firmes que vous mentionniez, le
contrôle externe est en contrepartie du monopole qui leur est
donné. On a dit dans notre mémoire que les conseillers en gestion
de risques, comme une foule d'autres conseillers en informatique, en
communications, en relations publiques et en tout ce que vous voudrez qui ont
émergé au cours des dernières années, n'ont pas de
monopole et ne font pas l'objet d'un contrôle particulier. Je pense que
toute la problématique que vous soulevez là est beaucoup plus
large et c'est le contrôle de toutes ces activités de
consultation.
M. Lincoln: Justement, une dernière question: Est-ce que
vous ne pensez pas que toutes ces questions doivent être vues, doivent
être étudiées même si on arrivait à la
conclusion qu'il faut un marché tout à fait libre, un
décloisonnement? Vous ne pensez pas que c'est ce qu'il faut dans
l'ensemble?
M. Rochette: Je pense que cela vaut la peine d'être
discuté et c'est, justement, ce qu'on suggérait. Il y a un groupe
de travail qui étudie toute la question au niveau des intervenants en
matière d'assurance. Je pense que ce groupe-là serait un forum
idéal pour ce qui est de l'assurance.
Le Président (M. Lachance): Très bien. Est-ce qu'il
y a d'autres interventions? Non. Alors, je désire, au nom des membres de
la commission, remercier les représentants de Pouliot, Guérard,
Inc., MM. Bolduc et Rochette, de leur présence ici à la
commission. Merci beaucoup.
Nous allons suspendre les travaux de cette commission jusqu'à 20
heures alors que nous entendrons les représentants du Bureau d'assurance
du Canada.
(Suspension de la séance à 17 h 53)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux avec
le mandat de prodécer à une consultation particulière
portant sur l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les courtiers
d'assurances et la Loi sur les assurances.
Bureau d'assurance du Canada
Nous en étions dans notre ordre du jour à entendre le
Bureau d'assurance du Canada. J'inviterais les porte-parole à bien
vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît.
Bienvenue à cette commission. J'inviterais le porte-parole - je
présume que c'est M. Le Blanc -...
M. Le Blanc (Conrad): Merci.
Le Président (M. Lachance):... à nous
présenter les personnes qui l'accompagnent.
M. Le Blanc (Conrad): Bonjour, M. le Président, M. le
ministre, messieurs. Je vous présente, à votre droite, M. Guy
Deschênes, qui est vice-président du secteur
québécois du Bureau d'assurance du Canada, M. Jacques Drouin,
président-directeur générai du groupe La Laurentienne,
assurances générales; à mon extrême droite et
à votre gauche, M. Guy Saint-Germain, président-directeur
général du Groupe Commerce, M. Paul-H. Brochu,
président-directeur général de L'Union canadienne,
compagnie d'assurances. Je suis moi-même président du conseil du
Groupe Desjardins, assurances générales.
Nous remercions très sincèrement les membres de la
commission parlementaire du budget et de l'administration de bien vouloir
entendre les représentations que le Bureau d'assurance du Canada prend
la liberté de lui faire en rapport avec l'avant-projet de loi sur les
courtiers.
Le Bureau d'assurance du Canada est l'association représentative
des assureurs incendie, accidents et risques divers oeuvrant au Canada et qui,
à eux seuls, sont responsables de plus de 95 % des encaissements
effectués par les assureurs privés. Le BAC est composé de
100 groupes d'assureurs qui, pour la plupart, pratiquent au Québec.
Avant d'exposer aux membres de la commission... Je l'ai fait, je m'en
excuse. J'allais présenter de nouveau mon équipe. Le Bureau
d'assurance du Canada et le milieu de l'industrie des assurances-dommages ont
toujours pensé que la réforme des institutions financières
engagée en juin 1984 par l'application de la nouvelle Loi sur les
assurances allait encourager l'industrie à découvrir ses
perspectives d'avenir et, surtout, à fixer elle-même les
orientations et les conditions de son développement sans autres
contraintes que celles qui se rapportent expressément a la protection et
à la rentabilité de l'épargne.
Le fait est que l'application de nouvelles dispositions de la Loi sur
les assurances présente l'avantage incomparable de favoriser l'expansion
des institutions qui se mettent en peine d'innover et qui ne ménagent
aucun effort aux fins de diversifier leurs produits et leurs
marchés.
À elle seule, l'application du principe du
décloisonnement, articulation maîtresse du premier mouvement de la
réforme, met déjà les assureurs de dommages en situation
de satisfaire encore plus convenablement les besoins nouveaux apparus sur le
marché, en commençant par ceux qui se rapportent à
l'intégration de l'épargne.
Aujourd'hui, le Bureau d'assurance du Canada s'attend - la commission le
comprendra sans difficulté - à ce que la deuxième partie
de la réforme, celle qui a trait au cadre d'opération des
intermédiaires de l'assurance, soit articulée sur le même
principe.
Le bureau souhaite, pour les intermédiaires, la même
polyvalence que celle que la Loi sur les assurances favorise dans l'industrie.
Aussi, le BAC recommande-t-il que l'avant-projet de loi sur les courtiers soit
réaménagé de manière que les intermédiaires
de l'assurance puissent, eux aussi, prendre pied sur tous les marchés et
y offrir tous les produits et services que la réforme elle-même
permet à l'industrie de développer.
Par ailleurs, l'industrie des assurances-dommages invite le
législateur à éliminer les contraintes au partage de la
rétribution des courtiers, à autoriser l'accès du public
aux comités d'inspection, d'autocensure et de discipline
professionnelle, et la participation des assureurs aux opérations de
contrôle et de surveillance des comptes en fiducie.
Enfin et surtout, le Bureau d'assurance du Canada et l'ensemble de
l'industrie mettent en garde l'autorité politique contre la tentation de
contrarier, sous prétexte de protéger le libre choix du
consommateur et l'indépendance de son courtier, la libre
propriété des corporations intermédiaires à
l'industrie des assurances, et l'invitent à supprimer de son projet
toute disposition qui produirait tel effet.
Les assureurs ne croient pas que l'indépendance du courtier soit
vraiment mise en cause. Elle est déjà et depuis longtemps
protégée par les prescriptions déontologiques qui lui sont
applicables.
Quant à la liberté du consommateur, il n'est pas sûr
qu'elle soit inversement proportionnelle au droit qu'ont personnes et groupes
d'établir des entreprises et de participer à des
propriétés collectives. De fait, le plus sûr et le meilleur
moyen d'y pourvoir, c'est de reproduire ou de confirmer des dispositions
déjà existantes interdisant au
pourvoyeur de services financiers des pratiques réprouvées
par la loi fédérale sur les coalitions.
En tout état de cause, le Bureau d'assurance du Canada
reconnaît la nécessité de réaffirmer les
règles applicables aux activités et opérations des
courtiers et des autres intermédiaires de l'assurance. Le BAC ne
s'oppose d'aucune manière à ce que l'association des courtiers
soit nantie des pouvoirs utiles à la surveillance de la pratique
professionnelle de ses membres. Les assureurs se réjouissent aussi de
retrouver, dans l'avant-projet de loi, la certitude que l'Inspecteur
général des institutions financières supporte toujours la
responsabilité administrative des associations professionnelles
reliées à l'industrie des assurances.
Voilà notre pensée.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. Le Blanc. M. le
ministre.
M. Duhaime: Oui, M. le Président. Je voudrais commencer
par la fin de votre mémoire, sur le dernier point. Vous avez
constaté que, cet après-midi, nous avons reçu les
représentations du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du
Québec qui, en fait, représente, selon ce qu'il nous a dit,
possiblement 500 cabinets d'assurance, 1200 à 1300 personnes physiques
comme courtiers. Sur ce plan de la double autorité, c'est-à-dire
celle de l'association que vous souhaitez et celle, également, que vous
souhaitez des pouvoirs de surveillance et de contrôle de l'inspecteur
général, le regroupement nous indiquait cet après-midi...
Vous l'avez entendu comme moi, j'imagine; je ne sais pas si vous étiez
présent.
M. Le Blanc (Conrad): Je l'ai été en partie, M. le
ministre.
M. Duhaime: Oui. Il avait des réserves, c'est le moins
qu'on pourrait dire. Mais, de votre côté, si je comprends bien,
vous dites: II faut, à toutes fins utiles, le double contrôle,
chacun ayant sa sphère d'activité. Vous n'avez pas d'objection
à ce qu'ils aient une association avec des pouvoirs de contrôle et
que l'association ait un pouvoir de compétence sur les membres qui
rencontrent les exigences de la loi et des règlements et qui exercent ce
métier, pour ne pas dire cette profession, de courtier d'assurances. Et
si je saisis bien, vous voyez comme étant une amélioration ce que
nous retrouvons dans l'avant-projet de loi. Votre mémoire ne l'indique
pas, mais vous allez me rassurer davantage si vous nous le dites. Les cinq
comités qui seraient structurés, vous seriez d'accord avec cela
dans la mesure où l'Inspecteur général des institutions
financières, tout en étant en arrière-plan, garde quand
même une autorité sur l'association et ses membres. Est-ce que je
vous saisis bien?
M. Le Blanc (Conrad): Nous sommes d'accord avec la formation de
ces comités. Nous avons ajouté dans notre mémoire que nous
souhaiterions y participer dans les cas où les intérêts des
assureurs sont en cause, telles les sommes d'argent en fiducie, par
exemple.
M. Duhaime: Bon. Avant d'aborder cette question, je voudrais
peut-être, avec vous, enchaîner sur une proposition. Je suis
parfaitement conscient que nous avons entrepris au Québec,
peut-être même avant d'autres juridictions, un processus dit de
décloisonnement qui, très certainement, permet une plus grande
polyvalence. Si je vous saisis bien, vous voudriez que ce processus de
décloisonnement, qui se produit au niveau des institutions,
s'élargisse pour aller rejoindre les intermédiaires.
M. Le Blanc (Conrad): C'est exactement le sens de notre
proposition, M. le ministre.
M. Duhaime: Est-ce que cela voudrait dire, en même temps
que vous avancez cette proposition, qu'il nous faudrait resserrer les
conditions d'exercice d'un membre qui aurait une qualification, disons, dans la
vente, l'émission des produits d'assurance et qui, avec le
décloisonnement, se verrait ouvrir un autre champ d'activités? Je
fais une hypothèse. Si le décloisonnement allait dans cette
direction et que l'on décidait de mettre les intermédiaires sur
le même pied, si on les décloisonnait eux aussi, est-ce que cela
voudrait dire qu'il faudrait que l'on augmente les qualifications requises pour
l'exercice de ce genre de nouveau métier, en quelque sorte?
M. Le Blanc (Conrad): II y aurait lieu, je crois, M. le ministre,
que l'on se préoccupe, bien sûr, des produits qui pourraient
être rendus disponibles aux personnes qui pourraient faire la vente de
multiples services, si vous voulez. Il existe, je crois, des distinctions bien
précises tant dans le domaine de l'assurance que dans les autres
domaines financiers qui font que certains produits ont des
caractéristiques beaucoup plus simples et pour le consommateur et pour
l'intermédiaire. Il est possible, en effet, à des personnes de
posséder les notions essentielles pour en faire la vente et ce, sans,
pour autant, mettre en péril les intérêts du public.
Actuellement, il y a deux types de distributeurs, en général: il
y a le courtier et l'agent exclusif. L'un est sous la tutelle de sa
société d'assurance qui le prend en charge et dont la loi lui
donne la responsabilité et l'autre, c'est l'association des
courtiers qui voit à assurer la formation et la responsabilité de
ses membres envers le public.
M. Duhaime: Dites-moi donc un mot sur cette question du compte en
fidéicommis ou du compte en fiducie. Comment est-ce que vous voyez les
choses actuellement? Je comprends que votre point de vue, c'est que même
un non-membre au niveau de l'inspection pourrait faire partie de ces
différents comités que l'avant-projet de loi envisage. Pour ce
qui est de la gestion de ces comptes, je vois mal le rôle des assureurs
ou de leurs représentants à l'intérieur de cela.
M. Le Blanc (Conrad): Pour ce qui a trait à la formation
d'un fonds semblable, nous nous sommes inspirés de la logique, à
savoir que ce sont des sommes qui appartiennent au public ou aux assureurs,
selon le cas, lorsque la prime est acquise. Il nous apparaît raisonnable,
dans les cas de défaut de la part d'un courtier de payer l'assureur
impliqué, que certains assureurs désignés puissent faire
partie de ce comité où il y aurait plusieurs personnes dont
certains courtiers, j'imagine, désignés par l'inspecteur
général. Je crois que c'est un intérêt tout à
fait légitime de vouloir protéger les fonds qui, ultimement,
appartiennent à l'assureur.
M. Duhaime: Votre mémoire indique que vous êtes
d'accord pour que cela devienne impératif, c'est-à-dire
obligatoire. Les comptes en fiducie devraient exister.
M. Le Blanc (Conrad): Nous avons cité des
précédents qui existent déjà. Nous avons aussi
rappelé que l'Association des surintendants des assurances l'a
favorisé à son congrès. En Ontario également,
l'Association des agents et courtiers reconnaît le bien-fondé de
cette mesure. Inspiré des mêmes intérêts, nous
croyons légitime de demander qu'un fonds en fidéicommis soit
également établi au Québec.
M. Duhaime: Maintenant, vous parlez dans votre document de la
libre propriété des corporations de courtage en assurances.
Voulez-vous nous dire quelle est votre perception à l'heure actuelle de
la façon dont les choses se déroulent dans le cours normal des
affaires d'assurances au Québec? On sait, par exemple, que des firmes de
courtage n'appartiennent pas nécessairement à des courtiers
d'assurances, mais bien à des non-courtiers, quelquefois même
à des compagnies d'assurances. Est-ce que vous voyez un problème
dans ce genre de pratique sur le plan, par exemple, de la protection des
consommateurs, sur le plan des conflits d'intérêts? Est-ce que les
règles qui existent dans l'industrie, à l'heure actuelle, vous
paraissent suffisantes ou si on pourrait les bonifier de quelque manière
que ce soit, ou bien si le statu quo prévalant à l'heure actuelle
vous paraît convenable dans l'état actuel des choses?
M. Le Blanc (Conrad): Le Bureau d'assurance du Canada sait que
l'association des courtiers, les courtiers en général se
préoccupent du conflit d'intérêts et souhaiteraient que
certaines mesures de divulgation, entre autres, soient prévues. Nous
n'avons pas d'objection, d'une façon générale, nous aussi,
à ce qu'il y ait divulgation de notre part dans des situations où
un assureur serait propriétaire, par exemple, d'un bureau de courtage
d'assurance.
Dans la pratique, vous le savez, M. le ministre, lorsqu'un
représentant courtier se présente devant un client pour assurer
son automobile, son habitation ou sa maison, il a dans sa pochette bien
sûr, quelques sociétés d'assurances qu'il représente
lui-même. Il ne les représente pas toutes. 11 y en a
peut-être 300 qui existent, environ 100 qui ont un permis d'opérer
et les courtiers, d'une façon générale,
représentent peut-être quelque 5, 10, 15 sociétés.
Cela varie selon l'importance du bureau de courtage et selon
l'intérêt que les uns et les autres peuvent y porter. Nous croyons
que, dans l'ensemble, cela ne représente pas tout le marché, de
toute façon. L'assureur, de façon semblable, ne peut pas
représenter tout le marché, c'est bien évident. Il offre
ses conditions. Il ne veut pas, non plus, vanter les mérites de ses
concurrents. C'est de bonne guerre, dans la concurrence, chacun vend ses
produits à leur mérite. C'était également notre
intention de procéder de cette façon, c'est-à-dire que
lorsqu'un courtier, possédé par un assureur... D'ailleurs, il ne
cesserait pas pour autant d'être représentant de plusieurs
assureurs, puisque acquisition ne veut pas dire exclusivité et c'est
bien sûr qu'il pourrait y avoir certaines influences, certains penchants
comme cela existe déjà présentement parce que certains
courtiers obtiennent du financement de la part des assureurs. Cette influence
joue également sans toutefois être une contrainte absolue. Ce sont
des choses, dans la pratique, qui se voient. Je fais un certain
parallèle entre les deux situations, qui ne paraissent pas être un
changement complet d'orientation. C'est une continuité dans une certaine
mesure.
M. Duhaime: Historiquement - vous êtes dans le domaine des
assurances vous-même et vos collègues depuis de longues
années -ce phénomène qui existe où la
propriété des firmes de courtage d'assurance se concentre dans le
sens que des acquisitions se font et qu'à toutes fins utiles le
contrôle effectif de
ces firmes de courtage, lorsqu'il s'agit de structures corporatives,
passe entre les mains de non-courtiers sans que ce soit nécessairement
une compagnie d'assurances, il me semble, en tout cas qu'il va en s'accentuant.
Est-ce que, pour vous, cela peut poser un problème qu'un bon jour on se
retrouve avec quelques centaines de firmes de courtage d'assurance sur
l'ensemble du territoire et que, par hypothèse, 65 %, 70 % ou 75 % de
ces firmes soient sous le contrôle corporatif de non-courtiers et, dans
bien des cas, avec des liens directs avec des compagnies d'assurances? Je ne
veux pas avoir votre point de vue sur le plan de la protection du public d'une
façon générale, parce que le moyen pour régler ce
problème, si le problème existe, on peut le trouver par la
dénonciation. Il se fait des choses en Angleterre là-dessus, mais
du point de vue de l'industrie, est-ce que ce phénomène est
souhaitable ou bien si on devrait y faire davantage attention?
M. Le Blanc (Conrad): Je crois qu'il est le reflet même de
ce que nous avons amorcé en nous donnant la loi 22. La loi 22, sans le
dire, recherche les regroupements. Elle recherche les regroupements des
produits, mais par le fait même elle recherche les regroupements des
institutions et, de ce fait en réduit peut-être ultimement le
nombre. Déjà, nous avons observé le
phénomène de regroupements de bureaux de courtiers entre eux,
peut-être dans le sens également que vous citez, de regroupements
par l'acquisition de maisons, même si elles ne sont pas des
sociétés d'assurances. Je crois que c'est la conséquence
logique et je ne vois pas l'exposé additionnel auquel vous
référez.
M. Duhaime: Très bien.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Cet après-midi on a eu droit à deux
présentations qui nous ont donné un peu d'éclaircissements
sur quelques-unes de ces questions. Pour le moment j'arrive à la
conclusion qu'il y a trois questions fondamentales dans les décisions
qu'on va prendre dans ce projet de loi. Premièrement, qu'est-ce qu'un
courtier? Dans mon esprit, ce n'est pas clair et c'est beaucoup moins clair ce
soir que cela ne l'était ce matin. Deuxièmement, quelles sont les
activités qu'un courtier doit exercer? Troisièmement, quels sont
les contrôles que doit exercer l'association auprès de ces
courtiers? J'aimerais vous poser quelques questions sur le premier point parce
que je pense qu'il faut régler la question de la définition d'un
courtier, car les autres questions viennent après.
Le Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec a
proposé cet après-midi qu'effectivement toutes les personnes qui
vendent de l'assurance au Québec soient considérées au
sens de la loi comme des courtiers et qu'elles soient assujetties aux
règles et normes de l'association; que l'inspecteur
général à toutes fins utiles perde ses pouvoirs
d'émettre des permis aux agents que ce soit dans l'assurance
générale ou l'assurance-vie.
Vous ne serez pas d'accord avec cette idée, mais, si j'ai tort,
vous pouvez me corriger. J'ai l'impression que ce n'est pas l'idée
à laquelle vous tenez, vous autres. Est-ce que j'ai raison?
M. Le Blanc (Conrad): M. Drouin va vous répondre.
M. Scowen: Est-ce que, pour vous, ce serait une bonne idée
que l'association émette les permis pour vos employés qui vendent
de l'assurance?
M. Drouin (Jacques): Je vais essayer de répondre à
la question, à savoir: Qu'est-ce qu'un courtier? Je pense que la
question soulève elle-même tout le débat parce que la
réponse n'est pas unidimensionnelle, elle est multidimensionnelle et
elle évolue dans le temps.
Un courtier, il y a peut-être 30 ans, avait un rôle bien
différent du rôle qu'on retrouve aujourd'hui et c'est simplement
dû au fait que l'éducation des consommateurs n'est pas la
même, les sources d'information ne sont pas les mêmes, la
sophistication de l'industrie n'est pas la même. Il y a peut-être
30 ans, quand vous renouveliez une assurance automobile, peut-être
aviez-vous besoin de consulter un courtier ou deux qui devaient faire un
certain démarchage pour trouver la meilleure assurance automobile dont
vous aviez besoin. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, l'assurance automobile
représente 50 % de notre chiffre d'affaires. Il n'est plus
justifié économiquement de faire un démarchage pour
renouveler une police d'assurance de 400 $ ou 500 $ qui est très peu
différente d'un assureur à l'autre. Nous publions tous nos
tarifs, ils sont connus, ils sont mis à jour très rapidement par
la voie de l'informatique. Ce sont des calculs actuariels qui se ressemblent.
Alors, on est en face d'une commodité aujourd'hui, d'un produit qui
diffère peu et le consommateur n'a pas à faire de longues
recherches pour prendre cette décision-là, pour 50 % du volume.
Cela est l'exemple le plus simple. (20 h 30)
À l'autre extrême - vous avez toutes les combinaisons de
complexité là-dedans -vous pouvez avoir un individu qui a
beaucoup de biens ou une petite ou moyenne entreprise, qui a des
propriétés, des immeubles, des véhicules pour qui le
problème d'assurances est bien différent et où
l'expertise et le rôle conseil du courtier sont beaucoup plus importants.
Entre ces deux extrêmes, vous pouvez avoir toutes les combinaisons
imaginables.
Alors, qu'est-ce qu'un courtier, qui le mandate et pour qui agit-il? Je
pense que dans les assurances plus simples la tendance est que les courtiers
traitent avec un nombre de moins en moins important d'assureurs. Un grand
nombre de courtiers vont même traiter, pour certaines assurances ou
certains territoires, avec un seul assureur et vont avoir des ententes avec lui
pour distribuer le produit de la façon la plus efficace possible. Il n'y
a pas vraiment d'économie à aller chercher pour le consommateur.
Alors, ils sont vraiment le représentant de l'assureur dans un
rôle comme celui-là. Au lieu de déplacer des assurances
individuelles, ils vont déplacer des portefeuilles d'affaires d'un
assureur à l'autre selon l'évolution des conditions du
marché. À l'inverse, pour des assurances beaucoup plus
compliquées où il est économique de faire un certain
démarchage, une certaine sélection, une certaine analyse,
là ils deviennent le mandataire de l'assuré. Ils recherchent pour
lui le meilleur marché possible pour satisfaire ses besoins. Encore
là, entre ces deux extrêmes, toutes les nuances sont possibles.
Alors, la réponse, je pense, n'est pas simple.
M. Scowen: Non. Je conviens avec vous que ce n'est pas une
question simple, mais je pense que je peux tenir pour acquis, pour revenir
à la question que je vous ai posée, que vous n'êtes pas
d'accord sur le fait qu'on doive changer ta loi qui existe aujourd'hui dans le
sens de créer un seul groupe de personnes assujetti à une
même juridiction. Je parle maintenant comme un législateur. Ce
n'est pas une bonne idée d'assujettir tous ceux et celles qui vendent de
l'assurance à la surveillance de l'Association des courtiers
d'assurances. Il va y avoir probablement - le projet de loi le propose -un
certain nombre de personnes qui ne sont pas des courtiers d'assurances, mais
qui peuvent vendre de l'assurance. Je pense qu'exception faite du regroupement
qu'on a entendu cet après-midi tout le monde est d'accord
là-dessus.
Alors, il est maintenant nécessaire de définir le courtier
dans un article de la loi. L'effort de le définir a été
fait dans l'article 23, l'article 31 de la loi actuelle, si vous voulez. J'ai
des difficultés avec la définition. Effectivement, si je
comprends bien, il y en a deux. Cette question est importante parce qu'avant de
décider comment contrôler il faut décider ce qu'on va
contrôler, qui on va contrôler. Le courtier, d'après
l'article, c'est quelqu'un qui transige avec plus d'un assureur et qui est
payé à commission plutôt qu'à salaire. Il me semble
que ce sont là deux critères de base dans la
définition.
Si je les prends comme étant les deux critères de base,
j'essaie de comprendre jusqu'à quel point ils correspondent à la
réalité. Vous avez proposé, par exemple, qu'on permette
aux courtiers de vous vendre leurs actions, leur maison de courtage, à
La Laurentienne ou au Groupe Commerce ou à un autre groupe d'assurances
ou compagnie d'assurances. J'ai mentionné cet après-midi, et je
le répète, que, même si vous aviez dit qu'une acquisition
de votre part ne veut pas dire que vous allez exiger l'exclusivité, il
est quand même vrai que, si vous achetez une maison de courtage, il me
semble que c'est très probable que vous allez, au moins, suggérer
ou proposer à ces personnes qu'elles mettent l'accent sur vos produits.
C'est même probable qu'elles le fassent déjà si vous les
avez achetées.
Alors, il me semble que ces personnes, dans le sens de la loi, ne sont
plus des courtiers. Elles deviennent des agents. On peut, comme l'a
proposé un groupe cet après-midi, insister pour qu'on mette dans
l'en-tête de lettre une phrase qui dit que cette maison de courtage est
maintenant la propriété à 51 % de La Laurentienne, mais
dans les faits, pour le consommateur, cela ne changera pas grand-chose. Cette
personne n'est pas, dans le sens de la loi, quant à moi, quelqu'un qui
transige avec plus d'un assureur dans la grande majorité des cas.
C'est la même question qui se pose, pour moi, sur la
rémunération autre qu'un salaire. Si je comprends le sens de
cette phrase, cela veut dire qu'un courtier doit être payé
uniquement à commission. Je ne sais pas si cela s'applique au courtier
à titre personnel ou au courtier au titre de sa maison de courtage, mais
j'ai l'impression qu'il y a aujourd'hui un certain nombre de courtiers qui sont
payés autrement qu'à commission explicitement et même un
certain nombre de maisons de courtage dont les revenus sont autres que les
revenus des commissions.
Est-ce qu'on va insister là-dessus? Est-ce que ce sont de bonnes
définitions? Qu'est-ce qu'on fait avec les personnes? Je pense que le
cas est réglé, mais c'était un bon cas cet
après-midi, quand les experts en sinistres ou les experts en risques
sont venus. Ils sont certainement des gens qui vendent de l'assurance, mais,
semble-t-il, le ministre n'a nullement l'intention de les inclure dans les
définitions. Il y a quand même un paquet de contradictions, il me
semble, dans les définitions que nous avons quand on essaie de les
appliquer. Alors, c'est dans ce sens et vous avez bien parlé de la
complexité de l'affaire. Mais si vous étiez obligé de
rédiger un paragraphe dans une loi pour définir un courtier
d'assurances... Parce qu'après qu'on
l'aura défini, on va commencer à décider ce qu'il
peut faire et comment on va le contrôler. D'abord, il faut les
définir. Qui sont-ils?
M. Drouin: Je vais vous laisser le soin de le définir
parce que nous n'avons pas l'habilité de le faire. C'est vraiment le
noeud du problème quand on essaie de légiférer sur le
sujet. Je vais répondre directement à votre question. Avant de le
faire, j'aimerais ajouter comme commentaire que nous faisons une distinction
entre la fonction de courtier et le titre de courtier. La fonction de courtier:
le fait de vendre de l'assurance, de fournir des conseils en assurance, d'aider
une clientèle à s'approvisionner en assurance. Nos
employés le font. Il y a certains assureurs directs qui le font. Il y a
certains courtiers d'assurances-vie qui vont référer de la
clientèle. Il y a des agents d'assurance-vie. Il y a un paquet de monde
qui oeuvre dans ce domaine plus ou moins directement ou indirectement.
Nous, nous pensons que toute la série de fonctions qu'un cabinet
de courtage exécute dans son travail à partir de la recherche de
risques, de l'activité de vente, de la sélection, de la
collection des comptes, enfin toutes ces étapes ne sont pas
nécessairement l'exclusivité d'un courtier. Nous nous rallierions
à la proposition que le titre de courtier soit géré par
une association et que, d'ailleurs, à l'exemple de beaucoup d'autres
titres professionnels soit exclusivement utilisable par les membres d'une
association. Nous ne nous rallierions pas à l'exclusivité de
fonction, parce qu'il y a énormément de ces fonctions que nous
exerçons déjà et dont nous assumons la
responsabilité depuis de nombreuses années.
Le deuxième commentaire que j'aimerais faire, c'est que vous
dites: Qui est un courtier? Évidemment, quand on pense à
l'individu travaillent seul chez lui, c'est assez clair, il est courtier, il
fait tout son travail, il est qualifié professionnellement. Mais la
réalité est tout autre. Si vous regardez le marché, vous
allez voir que ce que nous appelons le courtage dans une grande proportion -
c'est probablement près de 50 % des affaires - est contrôlé
par de très grands cabinets de courtage qui eux-mêmes sont
contrôlés par des cabinets nationaux et internationaux. Je vais
vous donner un exemple bien connu, celui d'un cabinet que nous connaissons
tous, qui fait partie d'un de ces groupes. Le Groupe Meloche, ce n'est pas un
petit cabinet. C'est un cabinet qui fait lui-même à peu
près 70 000 000 $ d'affaires, qui est lui-même affilié au
groupe Reed Stenhouse, qui lui-même vient d'être acheté par
Alexander & Alexander.
Donc, c'est une organisation, c'est une multinationale du courtage. Cet
assureur s'adonne à avoir un contrat d'approvisionnement en
exclusivité avec un assureur. Il offre au consommateur une couverture
habitation, automobile, comme courtier et peut-être que dans deux ans,
parce que les conditions du marché auront évolué, il
changera d'assureur. Si vous appelez chez Meloche et que vous voulez obtenir un
service, qui va vous répondre? Ce sera une téléphoniste;
elle va prendre vos coordonnées; elle va les entrer dans un ordinateur
et elle va vous dire: Voici, vous allez recevoir la police la semaine
prochaine. C'est elle qui va poser ce geste-là. Et voici un cabinet
d'envergure considérable. Il est difficile de le définir... Le
lendemain, le même cabinet peut-être - je ne sais pas dans le cas
de Meloche - ou un autre pourrait très bien avoir un service de
souscription à cautionnement où on souscrit des risques complexes
pour des entreprises de construction qui entreprennent des contrats et qui
veulent des bons de performance. Voici une spécialité d'assurance
exercée par le même cabinet avec un service distinct et beaucoup
d'expertise-conseil.
Quand vous me posez la question: Qu'est-ce qu'un courtier? C'est tout
cela. Comme assureurs, nous pensons que les lois du marché et les
législations existantes nous ont permis de fonctionner avec cette
réalité-là sans que, à notre avis, les
consommateurs soient mal servis, qu'il y ait un manque de concurrence ou un
manque d'information. Nous sommes plutôt, à cause de
l'économie limitée dans laquelle nous vivons et des
difficultés de marché, favorables à ce que cette expertise
et cette plus grande maturité du système évoluent dans le
sens d'une libéralisation.
M. Scowen: Laissez-moi vous poser la question une dernière
fois d'une autre façon en tenant compte de ce que vous avez dit:
L'association des courtiers d'assurances doit contrôler qui?
M. Drouin: Nous serions en faveur du fait que ceux qui veulent
utiliser le titre de courtiers d'assurances, s'afficher comme un cabinet
privé exerçant auprès du public le métier de
courtier d'assurances et s'afficher avec ce titre soient membres d'une
association qui va gérer ce titre au même titre que beaucoup
d'autres professions le font. Nous nous opposons à ce qu'il y ait
exclusivité des fonctions quelles qu'elles soient, que nous
définirons comme étant celles assumées par un courtier,
exercées en exclusivité sous l'autorité de cette
association.
M. Scowen: Pour revenir à la question de l'achat d'un
cabinet de courtage par une compagnie d'assurances, croyez-vous que les membres
d'une maison de courtage, dont les
actions sont détenues majoritairement par une compagnie
d'assurances, doivent avoir le droit de garder le titre de courtiers?
M. Drouin: Pour nous, ce n'est pas une question fondamentale. Si
ce cabinet, qui serait hypothétiquement la propriété d'un
cabinet de courtage, avait à son emploi des courtiers ou s'il avait des
ingénieurs -d'ailleurs, cela se produit souvent - ou des comptables,
nous trouverions tout à fait approprié que ces
personnes-là soient qualifiées professionnellement par leur
association professionnelle, comme cela se fait dans beaucoup d'autres
professions à titre réservé. Mais ce ne serait pas
fondamental que le titre de courtier soit dans le nom du cabinet.
M. Scowen: C'est fondamental seulement quand on regarde la
définition et qu'on lit que c'est une personne qui transige avec plus
d'un assureur ou d'un groupe d'assureurs.
M. Drouin: En pratique, la façon dont cela se ferait, cela
pourrait très bien être un conseiller en assurances, si c'est
là le problème. L'important, c'est que si le cabinet était
la propriété d'une société d'assurances... Dans les
cas où cela se trouve, ces cabinets sont loin d'avoir
l'exclusivité d'assureurs. En pratique, ce qui se produit, c'est que,
pour les petits risques, comme je les ai décrits, c'est sûr qu'il
y a un préjugé favorable envers l'actionnaire. Mais si le
conditions du marché ne sont pas appropriées, l'actionnaire ne
sera pas nécessairement l'assureur. Les assureurs sont loin d'être
présents dans toutes les sortes d'assurances. Nous nous
spécialisons tous là où on est les meilleurs. Alors, bien
souvent, on ne couvre pas des secteurs d'assurances; donc, ce cabinet va
s'adresser à d'autres sources d'approvisionnement. Finalement, dans des
risques complexes où on a besoin de faire une souscription
professionnelle, où on a besoin de visiter plusieurs assureurs avant
d'arriver à une meilleure couverture pour un client donné, il est
impérieux que ce cabinet puisse avoir la liberté de s'adresser
à différentes sources d'assurance. En pratique, c'est comme cela
que cela se fait. (20 h 45)
M. Scowen: Juste une dernière question. Tout à
l'heure, le ministre vous a interrogé sur ce qui touche les
problèmes potentiels de concentration des pouvoirs. Ce sont des
questions fort intéressantes et je crois savoir quelle aurait
été la réponse à ces questions si elles avaient
été posées à son prédécesseur. Quand
on a étudié la loi 75, le ministre des Finances de
l'époque a dit très clairement que son idée était
de rédiger une loi qui aurait pour effet de décloisonner les
institutions financières au Québec et même d'une
façon - je pense le citer presque textuellement - avant-gardiste afin de
permettre aux institutions financières québécoises
d'avancer plus vite. Non seulement voulait-il faire des fusions, il envisageait
même la possibilité de la disparition de quelques petites
boîtes pour en former des grandes non seulement pour faire concurrence
aux multinationales sur notre territoire, mais aussi pour leur permettre de se
lancer en affaires partout dans le monde. C'était la vision de M.
Parizeau, il voulait encourager cette modernisation afin de nous permettre
d'être concurrentiels au niveau mondial.
Je ne sais pas si ce n'est qu'une impression, mais je sens un peu
d'hésitation dans les paroles de son successeur; il a peut-être un
peu moins confiance aux compagnies, aux institutions québécoises
que son prédécesseur, je ne le sais pas, mais je ressens un peu
d'hésitation de sa part à aller aussi loin. Je ne sais pas, mais
je l'ai même entendu parler de la possibilité d'amender la loi
75.
Je ne peux pas dire avec certitude ce qu'il pense, mais j'aimerais avoir
votre idée sur cette question. Premièrement, croyez-vous que le
projet de loi tel que rédigé est fidèle à l'esprit
de la loi 75, aux idées et aux espoirs qui avaient inspiré M.
Parizeau ou si c'est un projet de loi qui va un peu à l'encontre de ces
idées? Quelles sont les possibilités? Vous n'avez pas
répondu directement au ministre des Finances; peut-être
pourriez-vous nous donner un peu votre opinion.
M. Drouin: Vous posez toujours des questions faciles. Notre
pensée, je pense que notre président vous l'a dit très
clairement. Nous étions favorables, comme assureurs de dommages,
à la loi 75 - maintenant la loi 22, c'est peut-être cela, le
changement qui a été apporté - et au
décloisonnement. Nous pensons effectivement que les primes ont
été très largement contrôlées de
l'étranger pendant longtemps. Nous pensons que l'industrie des services
financiers, en dehors du secteur bancaire, est extrêmement
fragmentée, que ce soit au niveau de la fabrication ou à celui de
la distribution et il nous est difficile de faire face aux économies
d'échelle des grands producteurs.
Maintenant, toutes ces choses, ce sont des questions de degré.
Nous pensons que l'industrie a été trop frangmentée, nous
pensons que les besoins que nous avons d'accéder à la technologie
contemporaine, que ce soit chez les assureurs ou chez les distributeurs,
demandent des économies d'échelle différentes de celles
auxquelles on est habitué traditionnellement. Nous sommes favorables
à ce mouvement. Nous reconnaissons que cela va poser des exigences
sérieuses. Parmi les assureurs de dommages, nous sommes probablement
le
membre de la communauté financière le plus
vulnérable et celui qui devra être le plus dynamique pour
répondre à ces tendances, mais on a un choix: laisser passer ou
exercer un certain leadership et prendre certaines initiatives. Je pense que
c'est l'attitude que nous avons prise comme industrie.
L'avant-projet de loi tel que déposé nous
déçoit sur ce plan parce que nous nous voyons dans
l'impossibilité, comme assureurs de dommages, de vraiment donner prise
au décloisonnement pour autant que nous sommes concernés. En
effet, nous sommes tellement tributaires de notre réseau de distribution
que, si notre réseau de distribution ne peut pas agir avec nous dans la
distribution, nous sommes presque inopérants sur le plan du
décloisonnement.
Il est intéressant de noter que les courtiers nous voient souvent
comme une menace sur ce plan, alors que nous sommes leurs plus grands
alliés. Nous voulons nous allier à eux pour nous engager dans la
distribution. Nous ne pouvons pas le faire si la loi ne le permet pas. Nous
aurions souhaité dans le cadre de la révision des
différentes lois sur les intermédiaires, que peut-être une
pensée un peu plus globale soit appliquée pour que nous puissions
voir lesquels des produits financiers peuvent vraiment être
distribués en commun par certains réseaux, parce que ce ne sont
pas tous les produits, je ne pense pas qu'il y ait un jugement universel qu'on
peut poser en disant: tout est décloisonnable.
On pense qu'il y a certaines activités précises qui
pourraient l'être, qui peuvent s'allier naturellement et qui s'allient
presque naturellement dans le marché. Nous favorisons cette
direction.
M. Scowen: Une dernière question. Vous y avez
déjà répondu, mais c'est une précision. Face, au
Québec, à une concurrence de plus en plus importante de
l'extérieur, de la part de grandes compagnies qui ont la tendance
à devenir de plus en plus grandes et dont le contrôle nous
échappe de plus en plus, est-ce que vous pensez que la meilleure
solution pour un gouvernement, c'est d'accroître la protection? Je parle
maintenant des lois sur les intermédiaires. Est-ce que c'est une
meilleure idée d'augmenter la protection de ce qui nous reste au
Québec ou si ce serait plutôt à notre avantage, devant
cette concurrence, d'ouvrir et de libérer les intermédiaires pour
leur permettre de se regrouper et de créer des organisations qui
pourraient faire face à cette concurrence? Est-ce que c'est
réaliste de penser qu'on peut réussir si on va dans le sens d'une
plus grande ouverture plutôt que d'une plus grande protection?
M. Le Blanc (Conrad): Je crois que la tendance actuelle est plus
vers la libéralisa- tion que vers la protection des institutions qu'on a
mises sur pied. Je pense vraiment que le fait de permettre aux
intermédiaires de se regrouper ne devrait pas nuire dans le sens que
vous l'indiquez.
M. Scowen: Merci.
M. Drouin: Nous avons regardé les chiffres. Si vous
regardez la part du marché que nos assureurs acquièrent au cours
des années en assurance de dommages, c'est une part qui est en
croissance. Au fur et à mesure que nos capitaux se bâtissent, au
fur et à mesure que les capitaux canadiens se bâtissent, on peut
retenir une partie croissante de ces primes. J'ai tout à fait confiance
dans notre habileté à nous battre sur le même terrain que
nos concurrents et à nous tailler une place. Si le législateur
empêche le dynamisme des marchés, je pense qu'il ne sert pas bien
le développement de l'industrie.
M. Saint-Germain (Guy): Si vous me le permettez, j'aurais un mot
à ajouter à une des questions de M. Scowen. La question qu'il
soulève, celle de la définition d'un courtier, n'est
évidemment pas facile. Il y a peut-être des éléments
de solution qu'il faudrait regarder, parce que c'est une question qui a
été touchée à un certain moment par la commission
Gauvin. Au lieu de penser qu'un courtier est quelqu'un qui transige avec plus
d'un assureur et est payé à commission plutôt qu'à
salaire - il faudrait peut-être demander ce que les courtiers pensent de
cela - si on le définissait comme quelqu'un qui est le mandataire d'un
assuré et qui est rémunéré comme n'importe quel
autre professionnel, c'est-à-dire par honoraires?
Si je le mentionne, ce n'est pas quelque chose qui est
particulièrement populaire, mais il ne faut pas non plus, parce que
c'est impopulaire, se faire des montagnes avec des définitions qui ont
l'air boiteuses. Historiquement, le courtier d'assurances a été
appelé à tirer sa rémunération par le biais d'un
pourcentage, d'une commission. Il est vrai qu'il a acquis le statut de
professionnel à une date beaucoup plus récente que les avocats,
les notaires ou les autres professionnels qu'on connaît, mais il est
rémunéré d'une façon assez spéciale.
Effectivement, il y aura toujours un marché pour le courtier
d'assurances qui représente l'assuré, parce que l'assuré -
un certain nombre d'entre eux, un nombre important -ne désire aucunement
s'impliquer dans la lecture d'un contrat d'assurance qui ne peut être que
complexe, parce qu'on sait tous que la justice ne peut qu'avancer lentement
avec des textes complexes, de même qu'avec vos lois et tout cela. Ces
clients sont très satisfaits de se remettre entièrement entre
les mains d'un professionnel de l'assurance.
Par contre, il y une autre catégorie de la population qui trouve
que c'est peut-être un peu plus économique et qui est prête
à faire confiance à un assureur directement. Je prétends
qu'il y a là deux marchés - il y en a peut-être un
troisième et un quatrième -et que, s'il y avait une orientation
à prendre dans les lois auxquelles vous devrez songer pour donner effet
au décloisonnement, ce serait effectivement d'aller dans le sens de la
liberté et de la multiplicité des marchés et de
créer l'environnement qui permet de faire cela sans faux-fuyants.
Je voudrais verser aussi au dossier, pour votre connaissance, que le
profil de mon collègue Drouin, quand vous parlait d'une firme comme
Meloche, une excellente réussite, une belle réussite, pour nous,
c'est un élément de concurrence extraordinaire; on ne sait plus
par quel bout on peut arriver à concurrencer ces gens. Il faut remarquer
qu'effectivement ils fonctionnent presque comme une compagnie d'assurances. Il
vous disait tantôt que vous faites affaires avec Meloche, vous ne faites
pas affaires avec un courtier d'assurances. Vous téléphonez. Il y
a une représentante quelconque. Elle ne détient pas de permis.
Que je sache, en général, elle n'est pas obligée de
détenir un permis ou il n'est pas obligé de détenir un
permis, ni de l'inspecteur général, ni de l'association des
courtiers.
En plus de cela, ces gens ont un service complet d'experts en sinistres.
Ils règlent leurs sinistres eux-mêmes. Or, vous trouvez quelque
part dans la loi qu'un courtier d'assurances est quelqu'un qui doit se
consacrer exclusivement à vendre de l'assurance. D'ailleurs, on trouve
une exception additionnelle. Je ne sais trop pourquoi, mais quelqu'un qui
détient un contrat de Lloyd's, qui est, évidemment, notre
concurrent, n'a pas besoin de tout le personnel dont ont besoin les assureurs
ici, de même que plusieurs autres qui sont représentés par
le Bureau d'assurance du Canada qui représente aussi Lloyd's, parce que
le personnel est décentralisé dans le champ par le bureau du
courtier d'assurances. Vous pouvez être certains que, lorsque nous
tentons de nous questionner sur la position qui doit être la nôtre,
celle du Groupe Commerce comme celle de mes collègues, de façon
à pouvoir continuer à fournir des services d'assurances IARD au
Québec comme au Canada, le modèle de Lloyd's nous hante, parce
que peut-être qu'avec le décloisonnement et tout cela il faudra en
arriver à fermer nos sièges sociaux et à
décentraliser, nous aussi, nos activités dans le champ, de la
même façon que Lloyd's le fait. C'est possible.
On doit, cependant, à ce stade-ci, constater des contradictions,
parce que la loi l'interdit aux courtiers. Si le Groupe Com- merce peut faire
affaires avec un courtier de Lloyd's, il peut régler les sinistres pour
Lloyd's. Si je m'en tiens à l'application de la loi, il ne peut pas
régler les sinistres pour le Groupe Commerce. Je suis obligé
d'embaucher un enquêteur régleur ou de retenir les services d'un
enquêteur régleur indépendant pour régler mon
sinistre, à moins que je ne le fasse en contravention de la loi, ce qui
se fait, "by the way", couramment pour les petits sinistres, évidemment.
Il y a des compagnies qui fonctionnent à partir de Toronto. Elles n'ont
pas besoin de service de sinistres. Lorsque vous parlez d'un service de
sinistres, au Groupe Commerce ou à La Laurentienne, vous parlez de
centaines de personnes qui sont là pour donner le service constamment.
Évidemment, pour quelqu'un qui veut arriver ici et nous concurrencer,
c'est presque impossible car ce serait long avant de mettre sur pied un service
semblable. Cela va de soi que, si on dit au courtier d'assurances: Règle
donc pour les premiers 250 $ ou les premiers 300 $, on va te donner une traite,
on te donne même une traite, il n'y a pas de problème avec cela.
Mais on prétend que vous ne pouvez pas vous pencher sur une loi
semblable sans clarifier une fois pour toutes ces contradictions. (21
heures)
Je reviens à Meloche. À toutes fins utiles, c'est une
compagnie d'assurances déguisée en "broker". Ce que nous disons,
de notre côté, c'est ceci: Si c'est cela qui doit être la
réalité et si vous tenez à ce qu'il y ait un marché
dynamique de l'assurance IARD au Québec, donnez-nous les moyens de
rivaliser non pas avec ce qu'on appréhende, mais avec ce qui existe
déjà actuellement, en réalité.
M. Duhaime: Je voudrais profiter de l'intervention de M.
Saint-Germain et je pense que M. Drouin le disait également auparavant
pour essayer de voir comment on peut cerner bien clairement votre position.
Nous avons fait le choix, au Québec, de mettre de l'avant une politique
de décloisonnement sur le plan des institutions. Plusieurs d'entre vous
savent qu'au gouvernement fédéral il y a un livre vert qui a
été déposé et qui est en discussion. Mon
collègue se demande aujourd'hui ce que fait un courtier d'assurances. Je
me pose la même question. Sur le plan des institutions, passablement de
gens se demandent aujourd'hui ce qu'est un banquier, par analogie.
Est-ce que le décloisonnement des institutions peut se
réaliser concrètement, sur le terrain, sans nécessairement
passer par le processus du décloisonnement des intermédiaires? Je
pense qu'on est au coeur du débat. Si la réponse à cette
question était affirmative, à savoir qu'il faut que les
intermédiaires deviennent polyvalents et que
le décloisonnement ait lieu à leur niveau et que,
parallèlement à ce phénomène, se poursuive ce qu'on
décrivait tantôt comme étant cette concentration, ma
question serait la suivante: Est-ce qu'on a encore besoin de courtiers? Est-ce
qu'on a encore besoin d'intermédiaires indépendants? Et si on en
vient à la conclusion qu'on n'en a plus besoin, qui seront les gens sur
le terrain qui seront "neutres", entre guillemets, et qui pourront conseiller
le public?
Je pense que là est la question. La trame de fond derrière
ce débat est véritablement là. J'aimerais avoir votre
réaction là-dessus. Je comprends que vous n'êtes pas dans
la position de courtier d'assurances, mais il y a un bon volume de vos affaires
qui se transige par des cabinets d'assurance. Comment voyez-vous l'avenir dans
cette direction? Par exemple, le fait de décloisonner les
intermédiaires pour ce qui est de votre industrie, voyez-vous cela comme
étant favorable ou plutôt défavorable, au point où
on en est?
M. Drouin: La dernière partie de votre question est:
Est-ce que c'est favorable ou défavorable? Il est sûr que, pour
nous, comme je l'ai dit plus tôt, nous ne sommes pas les membres les plus
forts de la communauté financière. Si des pouvoirs additionnels
sont donnés à d'autres institutions, c'est certain que cela va
nous forcer à les concurrencer, à travailler plus fort, mais je
pense que c'est une réalité qu'on ne peut pas éviter dans
le contexte nord-américain dans lequel on vit. Si vous regardez des
exemples comme Sears, aux États-Unis, qui avance inévitablement
vers l'offre de produits diversifiés au comptoir, avec succès -
c'est un exemple, mais il y en a une multitude d'autres dont vous êtes
certainement au courant - nous pensons que c'est un mouvement
inéluctable qui va prendre un certain nombre d'années à se
réaliser, mais qui est quand même là et nous le sentons
dans nos propres marchés. Alors, on se dit: Si c'est pour être
cela, donnons-nous les armes pour concurrencer sur le marché libre le
plus rapidement possible et pour vraiment constituer des entreprises
dynamiques. Si on ne le fait pas, ce sont d'autres institutions
étrangères ou d'ailleurs qui vont envahir les marchés.
Vous savez comme moi que ce ne sont pas les lois qui empêchent les
conditions des marchés. Les lois vont suivre une certaine
évolution. Je pense qu'il est illusoire d'imaginer qu'on pourrait se
protéger contre ces phénomènes.
Est-ce qu'on pourrait décloisonner les institutions
financières sans décloisonner les intermédiaires? Je pense
que, si les lois existantes demeurent telles qu'elles sont à l'heure
actuelle, la réponse c'est non. Est-ce que cela veut dire qu'on doit
décloisonner "all out" et libéraliser complètement le
système? Je pense que cela serait également irresponsable d'aller
jusque-là. Il y a sûrement certaines lois relatives au nombre de
permis et au type de permis qui pourraient être combinés chez un
même professionnel qui pourraient être regardées. Je pense
que cela a déjà été regardé et
expérimenté. On ne peut pas aller à des dizaines de
permis, bien sûr. Personne ne peut devenir polyvalent au point de pouvoir
tout faire, mais il y a certaines choses qui peuvent se faire raisonnablement
sans imposer une responsabilité qui ne peut pas être
assumée ou un risque qui est inacceptable.
L'assurance-vie et l'assurance générale se côtoient
depuis bien des années et je ne verrais rien de très
risqué pour la société de vendre des obligations
gouvernementales, par exemple, ou même des fonds mutuels par l'entremise
de la même personne. Je ne dirais pas la même chose peut-être
pour le courtage en valeurs mobilières, qui est beaucoup plus
risqué. Je pense que cela devrait être regardé dans cette
optique.
Deuxièmement, la notion du cabinet multidisciplinaire, c'est un
peu la formule de Sears. Si vous allez dans les magasins Sears, vous allez voir
qu'il y a un comptoir d'Allstate qui est l'assurance générale, il
y a un comptoir voisin qui distribue les fonds mutuels et les fonds
d'épargne-retraite et il y a un comptoir voisin qui distribue les
prêts hypothécaires. Ces trois institutions-là sont
distinctes, avec des règles qui leur sont propres, des ratios financiers
qui leur sont propres, mais, au niveau du réseau de distribution, elles
se côtoient avec des professionnels différents de la distribution.
C'est un scénario et il y en a bien d'autres.
C'est sûr que, dans l'état de la loi actuel, les permis ne
sont pas disponibles, le partage de la rémunération est
impossible, on ne peut pas exercer sous une raison sociale commune. Enfin,
toute la structure du système de distribution ne se prête pas
à ce genre de formule.
Nous sommes tout à fait partisans de la prudence. Cela
étant dit, on ne pense pas qu'on doive adopter une attitude de
décloisonnement total et de polyvalence totale chez tous les individus.
Je pense que cela devrait se regarder selon les cas d'espèce dans des
modèles comme ceux que je viens de décrire.
M. Scowen: Si vous le permettez, je voudrais peut-être
apporter un aspect de la réponse à votre question, à
savoir: Est-ce qu'on peut décloisonner les institutions
financières sans décloisonner les intermédiaires? Je me
permets d'apporter une partie de la réponse au ministre, tout est permis
dans un avant-projet de loi. Un individu, un monsieur, un courtier d'assurances
dans le sens traditionnel du mot, c'est un intermédiaire. Selon la loi
ici, pour prendre l'exemple que vous avez donné,
Meloche, c'est un intermédiaire, lui aussi, cette compagnie avec
les ordinateurs et les personnes qui répondent au
téléphone. Meloche, dans le sens de la loi, c'est un
intermédiaire. Si je comprends bien, Meloche dans la
réalité des choses, est beaucoup plus près d'une
institution financière. Non? Alors, c'est le sens de votre intervention,
je pense. C'est ça que vous avez dit. Elle l'est, à toutes fins
utiles.
M. Saint-Germain: On peut aller jusqu'à dire cela.
M. Scowen: Vous avez dit à peu près cela.
M. Saint-Germain: On peut aller jusqu'à dire cela,
oui.
M. Scowen: Alors, vous êtes devant une institution qui est
rendue à une taille, qui a une structure, qui, à toutes fins
utiles, est une institution financière, mais c'est régi par la
loi des intermédiaires. C'est là, certainement, un aspect du
problème qu'il faut regarder attentivement.
M. Duhaime: Vous avez parfaitement raison de regarder les choses
de cette manière-là. J'ai l'impression que si, sur ce genre de
marché, il n'y avait pas de chevauchement, on avait aucune espèce
de problème à cerner les définitions, je pense que
l'Assemblée nationale ne serait pas saisie d'un avant-projet de loi. Si
on a fait un avant-projet de loi, c'est parce qu'on voulait que la discussion
se fasse et qu'on voulait surtout que les intermédiaires qui, dans
l'exercice de leur métier et dans la pratique des affaires courantes,
sont aux prises avec ces lois, ces réglementations, nous disent
exactement ce qu'ils en pensent.
Je vous rejoins passablement. Je n'ai pas l'impression qu'un cabinet de
la taille de Meloche mettrait beaucoup d'années à embaucher des
spécialistes en courtage dans les valeurs mobilières. Il pourrait
vous offrir un comptoir complet. J'ai l'impression qu'il pourrait régler
cela dans la même semaine. Si on pousse un peu plus loin, il pourrait
possiblement aussi, au fil des années, en élargissant le
consortium, ou peu importe la forme du holding que cela pourrait prendre,
à la fois contrôler des compagnies d'assurances et contrôler
des grandes entreprises qui elles-mêmes émettraient des valeurs
mobilières qui seraient mises sur le marché par
l'intermédiaire des intermédiaires qui sont dans leur propre
cabinet.
Alors, là, on a un problème. Pour ma part, on a deux
ordres d'objectifs: nous assurer sur ce marché la concurrence va rester
là, qu'elle va se faire loyalement et, par ailleurs, faire en sorte que
le public, le consommateur, celui qui achète les produits d'assurance
aussi bien que celui qui achète des obligations; que celui qui
achète des actions de compagnie, qui achète des valeurs
mobilières d'une façon générale, soit
protégé. Aujourd'hui, il ne faut pas se laisser impressionner par
la taille des institutions visées, que ce soit en matière
d'assurance ou autre. La seule différence entre une grande ou une
petite, maintenant, c'est que, lorsque l'explosion arrive, au lieu de parler de
quelques millions ou de quelques centaines de milliers de dollars, on parle
d'un milliard et demi. Les journaux de la semaine dernière sont
là pour nous le rappeler.
C'est dans ce sens que notre réflexion veut être faite.
Vous avez raison de le noter, règle générale, le droit ou
les lois et les règlements qui en découlent suivent la pratique.
C'est rare que cela précède. Il y a des cas d'exception, bien
sûr. Ici, ce n'est pas facile à cerner exactement. On vit un
phénomène de concentration qui, à mon sens, peut aussi
bien s'arrêter que s'accélérer. Même si on a des lois
qui définissent ce qu'est un courtier, on a des institutions
financières qui sont sous la gouverne des lois
québécoises. Je pense, entre autres, aux caisses populaires.
Quelqu'un me disait récemment que les caisses populaires faisaient de la
banque.
Alors, il y a toujours ce que j'appellerais des zones grises ou des
zones ombrées à travers les textes législatifs et les
règlements et la réalité des choses. Vous en êtes
conscients et nous en sommes également conscients. Ce qu'il faut voir
à travers cela, c'est comment on peut ajuster au mieux la
législation. J'ai mentionné deux points. Mon collègue
tantôt en a soulevé un autre: les prises de contrôle qui
s'exercent actuellement par des entreprises, qu'elles soient
américaines, britanniques, arabes ou autres, dans le secteur des
assurances aussi bien que dans le secteur des institutions financières,
sur le plan du contrôle plus ou moins accentué de notre propre
économie. Je pense que c'est le genre de question qui mérite
d'être regardée de près.
C'est la trame de fonds qui sous-tend tout ce projet de loi qui,
à première vue, a l'air très inoffensif. Ce sont ces
questions qu'il faut poser et, dans la mesure du possible, il faut tenter d'y
trouver une réponse. Quand je regarde la définition actuelle d'un
courtier et celle que propose l'avant-projet de loi, je ne suis pas prêt
à aller aussi loin que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce
qui disait tantôt, si je l'ai bien saisi: Meloche n'est peut-être
pas un courtier d'assurances. Je pense que Meloche répond toujours
à la définition d'un courtier d'assurances, mais il n'est pas
qu'un courtier d'assurances. Il est plus que cela. Et s'il est plus qu'un
courtier d'assurances, qu'en est-il de sa capacité, à cause de sa
taille, à en concurrencer d'autres sur le même marché?
Je pense que c'est le genre de problème si on regarde cela dans
sa globalité.
Peut-être que je fais fausse route, mais j'avais l'impression et
je suis content un peu de la réaction de M. Drouin... Je me demande si
on peut arriver, sans aller à des solutions extrêmes, à
décloisonner les intermédiaires et en arriver dans les faits
à une concrétisation du décloisonnement des institutions
sans pour autant avoir des intermédiaires à vocations multiples
ou, encore, tous azimuts. (21 h 15)
On pourrait admettre du chevauchement dans certains cas. J'ai
l'impression que vendre des obligations, cela ne doit pas prendre un grand
cours classique pour faire ça, ni même un cours
d'université. Vendre des polices d'assurance, c'est plus
compliqué. Vendre des valeurs mobilières, c'est plus
compliqué. Gérer des fonds en fiducie, c'est compliqué.
Faire du prêt hypothécaire aussi, cela demande une expertise.
Je peux vous dire d'emblée que ce n'est pas mon intention, en
tout cas ce soir, d'aller - vous avez utilisé l'expression "all out" -
"all out" dans cette direction. Je pense que ce serait sûrement une
erreur. J'aurais aimé, pour être bien clair - on a du temps,
semble-t-il, on a au moins encore un mois - recevoir le point de vue des
assureurs quant à ce que devrait être la définition du
courtier d'assurances, à ce que devrait être clairement son champ
d'activité. Sur les mesures de contrôle, je pense qu'il y a
passablement d'imagination pour en venir à bout, à moins que vous
ne me disiez: On aimerait mieux que vous nous laissiez ce problème sur
les bras, mais on est vraiment au coeur de la question là quand on parle
de cela.
M. Scowen: II y a le courtier, il y a le produit, les deux. Je
pense qu'on peut un peu s'inspirer du débat qui a eu lieu sur le projet
de loi sur les valeurs mobilières, il y a un an. Là on avait des
courtiers, un groupe bien défini dans la loi, et le produit est devenu
aussi de plus en plus compliqué. Je parle des nouvelles
émissions, par exemple. Vous avez certaines nouvelles émissions
qui sont les émissions, si vous voulez, québécoises,
où la compagnie est assujettie aux règles qui contrôlent
l'émission d'un prospectus ici au Québec. Il y a d'autres
produits qu'on veut vendre qui sont les actions des compagnies
étrangères et la compagnie ne veut pas faire un prospectus pour
le Québec. Donc, on perd un peu le contrôle.
Je pense qu'on n'a pas réglé le problème d'une
façon parfaite dans la Loi sur les valeurs mobilières qu'on a
faite, mais on a quand même fait un pas en avant dans la solution qu'on a
trouvée. Le ministre peut peut-être s'inspirer au moins un peu du
débat et des conclusions de ce projet de loi.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Nelligan, vous avez demandé la parole.
M. Lincoln: Sauf tout le respect que je dois à mon
collègue de Notre-Dame de-Grâce, je crois qu'on parle de deux
choses différentes, parce que si on parle des valeurs mobilières
ou si on parle d'obligations financières, si on parle du marché
financier, on parle d'un marché qui du point de vue des
intermédiaires est plus spécialisé, est plus
concentré dans quelques firmes spécialisées, tandis que,
dans le marché intermédiaire de l'assurance, je crois que
là où se pose le problème, c'est qu'on va de Meloche au
gars qui travaille comme individu dans un tout petit patelin. C'est cela, la
grosse différence. Meloche pourra faire ce que suggère le BAC
ici, peut-être vendre des obligations financières. Est-ce que le
petit, lui, en aura les ressources? Justement, il s'agit de trouver le juste
milieu. On parle d'une plus grande population, beaucoup plus étendue, et
de circonstances qui diffèrent complètement de l'un à
l'autre.
Toute la question, si on met cela dans son contexte fondamental, c'est
réellement la protection du public qu'on cherche. Le fait même, de
l'assurance c'est la protection du public. Une suggestion avait
été faite par le regroupement des courtiers d'assurances, un des
groupes que nous avons entendus, d'adopter la formule anglaise pour les
courtiers d'avoir une certaine relation entre le nombre d'assureurs, le chiffre
d'affaires qu'ils ont et la distribution pour qu'il n'y ait pas un assureur ou
un bloc d'assureurs qui contrôle le bureau de courtage ou vice versa. Il
citait la faillite de Northumberland comme le cas inverse du contrôle par
un courtier.
Voyez-vous cela du même oeil? Pensez-vous qu'il y a un danger pour
le public que ou bien vous ayez une compagnie d'assurances qui contrôle
un courtier et vice versa par rapport à une compagnie qui ne serait
pas... On a eu le cas de Pitts, etc., trois ou quatre récemment? On ne
parle pas de compagnies bien établies, mais le fait d'une compagnie
d'assurances serait faible et pourrait être manipulée par un
courtier et vice versa. La protection du public devrait-elle se faire au niveau
du contrôle de la compagnie à la base? Devrait-elle se faire par
le compte en fidéicommis ou par un système de relation entre les
primes d'affaires et la distribution ou les deux? Quel est votre point de vue
là-dessus, surtout par rapport aux faillites récentes, du fait
que c'étaient peut-être des compagnies qui n'étaient pas
basées au Québec, par rapport à la réassurance
maintenant qui est tellement étendue qu'on ne peut pas la retracer
souvent? Faudrait-il avoir une espèce de formule qu'on appelle "cut
through clause" ou aller directement au réassureur
pour savoir ce qu'il y a dans le décor, etc? Si on
considère que la clé de l'assurance, c'est la protection et que
le public demande à être protégé, comment
réagissez-vous à cela?
M. Le Blanc (Conrad): Je crois que la Loi sur les assurances
prévoit déjà cette situation. C'est pour cela que nous
avons nommé un inspecteur général et un Surintendant des
assurances qui surveillent de très près les intérêts
du public de toute façon. Je comprends que, malgré cela, il est
arrivé récemment en Ontario des situations déplorables. Il
est difficile de comparer les contrôles d'un endroit à l'autre.
Jusqu'ici, nous avons une fiche assez favorable. Cela dit, nous demeurons
toujours vulnérables, bien sûr, à une mauvaise gestion,
à de mauvais placements de la part des assureurs, mais c'est
plutôt prévu dans la Loi sur les assurances. Ai-je bien compris le
sens de votre question? C'est plutôt une préoccupation?
M. Lincoln: L'un des groupes que nous avons entendus auparavant
disait qu'il y avait une relation entre ce que l'intermédiaire, le
courtier d'aujourd'hui fait et le placement des assurances par l'assureur parce
que celui-ci décide du choix. Le choix peut être
contrôlé par l'assureur qui contrôle le courtier ou vice
versa. Il dit que l'Angleterre a connu les mêmes problèmes, comme
vous le savez, à la Lloyd's, et on a établi récemment des
règlements qui forcent le courtier à distribuer la part
d'assurance qu'il place d'après le chiffre global d'affaires qu'il fait,
justement pour la protection indirecte.
M. Le Blanc (Conrad): Tout au plus, cela peut diluer le
problème, pas nécessairement le solutionner. Pour être
ridicule, supposons que le courtier ait choisi Strathcona, Pitts et Cardinal,
il n'aurait pas été dans une situation très favorable. Ce
que je veux dire, c'est qu'il ne fait que diluer le risque en distribuant
auprès de plusieurs assureurs son volume de primes. Je pense vraiment
que la protection du consommateur se retrouve entre les mains du surintendant
et de l'inspecteur général et que l'application de cette loi
convenablement, comme cela se fait ici, est peut-être le meilleur moyen
pour sauvegarder les intérêts du consommateur.
M. Lincoln: Par rapport à la suggestion dans votre
mémoire, dont le ministre a fait mention, d'étendre les champs
d'activité du courtier à la zone financière - vous avez
fait une suggestion spécifique là-dessus, dont on a
discuté avant - est-ce purement au titre d'un projet de discussion que
vous avez fait cela? Pensez-vous que, dans l'état actuel des choses,
dans l'état où se situe le système de courtage actuel,
c'est vraiment faisable pour, je ne sais pas, environ 2500 bureaux de
courtiers, compte tenu du décloisonnement, de se lancer sur le
marché, dans certaines juridictions, de la distribution des produits
financiers?
M. Drouin: Comme vous l'avez dit, on ne peut adopter d'attitude
globale pour tous les instruments financiers dans tous les domaines, mais je
suis certain, pour prendre l'exemple le plus simple, que les obligations
d'épargne, qui sont à l'heure actuelle distribuées au
comptoir par des caissières, peuvent très bien être
distribuées par des agents d'assurances-vie ou par des courtiers
d'assurances. L'expérience de combiner l'assurance-vie et les fonds
mutuels... Les agents d'assurance-vie aussi ont eu le même
problème, un certain temps, entre la partie protection de la vie et la
partie épargne. Ils ont pris de l'expérience dans le domaine de
la combinaison de ces deux activités et certaines compagnies canadiennes
ont eu un grand succès en combinant la distribution de l'assurance-vie
et des fonds mutuels.
Je pense que ces choses peuvent se faire de façon graduelle et
prudente et, comme on l'a dit antérieurement, non pas de façon
polyvalente immédiate. Rien n'empêche aussi, par des techniques
comme les franchises et d'autres techniques du genre, de transférer
cette expertise afin que des personnes dans un même cabinet, de formation
ou de qualification professionnelle différente... C'est sûr qu'un
courtier, comme vous le dites, qui travaille dans sa cuisine, qui est seul et
qui n'a que son seul permis, ne pourrait pas devenir polyvalent, mais s'il y
avait quelques professionnels dans une même localité qui
s'associaient entre eux -ce sont, d'ailleurs, des expériences qui ont
cours a l'heure actuelle - ce serait tout à fait vraisemblable de
l'imaginer. C'est déjà en marche certainement aux
États-Unis et dans d'autres juridictions.
J'aimerais revenir, par exemple, sur le problème de la
solidité financière des institutions. Je pense que la loi 22 a
été novatrice sur ce plan aussi en disant que la solidité
du système financier repose sur la solidité des institutions
financières et la suffisance de leurs réserves pour faire face
à leurs obligations. Nous appuyons cette position. Il y a des tests de
solvabilité qui existent, qui sont suivis de façon
régulière par l'autorité compétente et nous pensons
que, avec ces mécanismes d'évaluation des réserves par des
professionnels compétents, on peut se prémunir - on ne peut
jamais se prémunir à 100 %, ce ne serait pas un système
économique - pour la grande majorité des situations, contre les
déconfitures auxquelles on a assisté au cours des
dernières années dans certaines autres provinces, ce qu'on n'a
pas observé ici.
M. Lincoln: D'accord, mais en même temps, lorsque les
déconfitures des autres provinces affectent directement les citoyens de
cette province-ci, dans le système en général, est-ce que
ce n'est pas quelque chose qu'il faut regarder de plus près? Si, dans le
système, on prévient chez nous, mais que les autres viennent
présenter leurs failles à notre public, n'est-ce pas cela le
chaînon le plus faible?
M. Drouin: C'est un sujet sur lequel nous avons eu l'occasion de
nous prononcer, qui est la solvabilité des non-résidents. Je ne
pense pas que ce soit tellement relié au problème des
intermédiaires, mais bien plus à la solvabilité des
institutions financières non résidentes qui viennent nous faire
concurrence sur nos marchés, qui doivent obtenir des permis,
démontrer leurs réserves, etc. Je ne suis pas sûr que ce
système soit aussi serré que pour les institutions dont nous
avons un contrôle direct. Je suppose que c'est un domaine qui pourrait
peut-être être amélioré avec les années.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Très brièvement,
M. le Président, car je crois comprendre que notre temps achève.
Je suis convaincu que le BAC va résister à l'invitation du
ministre de rédiger une définition du courtier. J'ai cru voir
tout à l'heure, à la suite des interventions notamment de M.
Drouin et un peu de M. Saint-Germain, d'après la description qu'ils en
ont faite, qu'on est en train de regarder des individus qui n'ont pas, dans le
fond, des fonctions aussi clairement définies que l'on aimerait, comme
législateurs, qu'elles soient, que le marché est d'une
complexité grandissante, que oui, à la rigueur, un cabinet, c'est
un courtier. Les gens, à l'intérieur de ce cabinet, font toutes
sortes de choses. Il y a des gens qui, pour certains produits, de façon
purement mécanique, sont à même d'informer absolument
parfaitement le consommateur selon son degré de sophistication. Il y a
d'autres gens qui sont des superpécialistes de disciplines qu'on
trouverait abstruses probablement.
À partir de ce moment, on est obligé de se demander
où est la personne contact entre l'institution qui recevra
éventuellement l'épargne du consommateur et le consommateur
lui-même. Il m'apparaît que c'est cette personne physique qui est
en train de faire un appel à l'épargne du consommateur, qui va
tenter de le convaincre de se protéger ou d'investir, parce qu'on
déborde l'assurance, d'une façon plutôt que d'une autre. Et
on va s'apercevoir qu'avec un marché décloisonné on ne
peut pas véritablement décloisonner des personnes. Avec un
marché sophistiqué très diversifié, c'est quasi
impossible que tous les cabinets de courtage soient remplis de petits
génies universels capables d'aviser correctement le consommateur sur
tous ses besoins quant à l'utilisation qu'il veut faire de son
épargne.
À partir de ce moment, on est en train de regarder - à
travers cette loi, c'est une bonne occasion - comment on s'assure, comme
législateurs, que les consommateurs vont faire affaires avec des
personnes physiques qui seront dignes de confiance parce qu'elles seront
compétentes, parce qu'elles auront passé certains examens.
À la limite, dans les cas inévitables et croissants, apparemment,
où c'est de la mécanique pure et simple qui se déroule
entre le consommateur et un cabinet, un bureau, il y aura des tests pour les
cabinets, les firmes d'intermédiaires quelconques. Je ne parle pas
d'intermédiaires financiers au sens des quatre gros groupes
d'institutions, je parle des gens qui sont en aval de tout ce monde.
Ils devront peut-être répondre, eux, à des tests de
solvabilité, à des tests de confiance, à des tests de
performance. Le BAC nous parle de comptes en fiducie de fidéicommis,
comme une espèce de gage de confiance, finalement, vers lequel le
consommateur pourra se tourner pour se dire: Au moins mon argent va être
un peu protégé et il va se rendre là où j'ai
l'intention qu'il se rende. On voit donc qu'il appartient au législateur
et non pas au BAC de rédiger des définitions, d'encadrer
l'activité, le service financier, notamment celui-ci qu'on est en train
de discuter aujourd'hui, l'assurance des biens et des personnes, de la
façon qui va protéger d'abord et avant tout les citoyens qui, en
plus de faire confiance à tout ce beau monde qui est devant nous, sont
censés nous faire confiance à nous pour encadrer les
activités dans la société d'une façon telle qu'ils
vont être protégés. Autrement dit, ce n'est pas le BAC qui
va faire notre travail. Il peut nous éclairer, comme il l'a fait, sur la
nature de la tâche qui nous attend. (21 h 30)
M. Saint-Germain: Si vous me permettez juste un mot. M. Drouin
pourra ajouter quelque chose à cela pour montrer la vérité
de ce que vous dites et la complexité des problèmes qui sont
sous-jacents au décloisonnement. La Metropolitan Life, aux
États-Unis - c'est un nouveau service, semble-t-il - a offert à
tous les récipiendaires d'indemnité en cas de
décès... Comme on sait que l'expectative de vie des femmes est
encore plus grande que celle des hommes, ce sont les femmes qui empochent les
capitaux aux États-Unis. Ce sont elles qui sont propriétaires de
la plupart des entreprises quand on prend la liste des actionnaires. En
même temps, elles peuvent ne pas avoir la même compétence,
de par leur historique, pour administrer ces fonds.
La Met a offert à tous les récipiendaires d'un capital de
laisser le capital en dépôt chez elle, d'avoir le privilège
de tirer des chèques sur la Metropolitan sans frais, d'administrer ces
fonds, soit sur certificat de dépôt avec un intérêt
garanti pour cinq ans, un choix en tout cas, ou un fonds mutuel, un mixte
d'actions ou d'autres choses en définissant les objectifs de rendement
que l'héritière veut bien définir. Savez-vous quel a
été le pourcentage de succès? Dans les premiers mois de
cela, elle a réussi à conserver 40 %, je pense, ou 40 000 000
$.
Une voix: C'est gros, de toute façon.
M. Saint-Germain: En tout cas, ce sont des gros chiffres, par
rapport à ce qu'il y avait, qui se trouvent automatiquement soustraits
des activités bancaires, fiduciaires, fonds mutuels, etc. C'est tout
cela qu'on va avoir. Vous savez qu'aux États-Unis les Provigo de
l'affaire ou les Steinberg de l'affaire, chez Kruger dans le Middle West
vendent de l'assurance-habitation et de l'assurance automobile dans un kiosque
dans les grandes surfaces. Cela se produit actuellement en France. En
Angleterre, il y a des banques qui commencent à vendre de l'assurance.
Lorsqu'on parle de décom-partimentation, de décloisonnement, il
faut bien réaliser que vous avez des problèmes de taille devant
vous et que nous avons des problèmes de taille devant nous, parce que le
monde de l'assurance IARD, historiquement, pour les dernières
décades... Cela n'a pas toujours été le cas. Si vous
prenez une compagnie comme le Groupe Commerce, de 1907 à 1924, le Groupe
Commerce avait ses assureurs, ses vendeurs en direct. À un moment
donné de son histoire, il est devenu plus économique, plus
efficace de faire affaires par les courtiers d'assurances. Alors, le Groupe
Commerce est devenu un assureur qui fonctionnait par courtiers d'assurances.
Maintenant, on peut dire qu'il y a une multiplicité de marchés.
Tout change, tout évolue.
Il reste que, dans le secteur des assurances IARD, on se réveille
avec un situation où le réseau de distribution est formé
en grande partie de petites entités indépendantes les unes des
autres. Lorsqu'on vient nous dire: Vous allez décompartimenter, vous
allez faire ceci, vous allez faire cela, je suis bien d'accord. On a dit aux
autorités du temps: On va se battre. On verra ce qui va rester en fin de
compte, parce qu'il faut bien réaliser que les seuls qui n'ont pas, en
grande partie, de réseau de distribution, ce sont les assureurs IARD et,
en particulier, les asssureurs IARD québécois qui ont, dans tous
les secteurs d'activité au Québec, fort bien réussi tout
au cours des années et ils contrôlent une part importante du
marché.
Si vous dites à un assureur-vie: On décompartimente, allez
vendre autre chose, il n'y a pas de problème pour lui. Il s'agit de
donner des produits à ses employés, à ses
représentants. Si on nous dit: Vous autres, les IARD allez donner des
produits à vos représentants, on n'a pas de représentants
et, à ce moment-là, il faut se tourner vers la loi des
intermédiaires et dire: Qu'est-ce que la loi des intermédiaires
permet aux représentants indépendants de faire? C'est le
problème que vous avez sur la table. Suivant les réponses que
vous allez y apporter, que nous allons tous y apporter, les courtiers, les
assureurs, comme vous autres, on aura un secteur qui continuera d'être
dynamique ou qui cessera d'exister.
Le Président (M. Lachance): Cela va? Messieurs du Bureau
d'assurance du Canada, au nom des membres de la commission, je vous remercie
d'avoir présenté votre mémoire et donné votre point
de vue aux membres de la commission sur cet avant-projet de loi.
La commission permanente du budget et de l'administration ajourne ses
travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 40)