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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Thursday, June 8, 1989 - Vol. 30 N° 61

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 133 - Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile


Journal des débats

 

(Onze heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration est réunie ce matin, afin de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi 133, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Joly (Fabre) remplace M. Després (Limoilou).

Organisation des travaux

Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi de vous faire lecture de l'ordre du jour, afin qu'il puisse être adopté. À 12 heures, nous rencontrerons l'Association des consommateurs du Québec. À 13 heures, il y aura suspension des travaux. Nous reprendrons nos travaux à 15 heures, avec le Club automobile de Québec, pour continuer, à 16 heures, avec le Bureau d'assurance du Canada et le Groupement des assureurs automobiles, pour suspendre nos travaux à 18 heures. Nous reprendrons nos travaux à 20 heures avec la Commission d'accès à l'information du Québec, pour entendre, à 21 heures, la Ligue de taxis de Montréal et, à 22 heures, M. Jean-Louis Gauvin, actuaire.

Est-ce que l'ordre du jour tel qu'établi, après entente avec les groupes parlementaires, est adopté? M. le député de Lévis, est-ce que l'ordre du jour est adopté? Adopté?

M. Garon: Je regarde. C'est parce qu'il est différent du projet que j'avais.

Le Président (M. Lemieux): II s'agit de l'entente qui a été établie entre les deux groupes.

M. Garon: Oui.

Le Président (M. Lemieux): La seule différence, M. le député de Lévis, est qu'on a reçu un fax en date du 7 juin 1989 Groupe de recherche Informatique de droit et l'Université du Québec à Montréal qui nous dit ceci: Comme je vous l'ai expliqué au téléphone, je suis malheureusement obligé de décliner cette invitation, compte tenu de certains engagements antérieurs et du manque de disponibilité de nos spécialistes pour effectuer dans un si bref délai une analyse de ce dossier particulier qui permettrait de fournir une opinion éclairée à la commission parlementaire.

Alors, le groupe de recherche a décliné l'invitation de la commission. Je peux, d'ailleurs, autoriser... Est-ce que le dépôt a été fait? Nous allons déposer ce document pour permettre que les parlementaires puissent en avoir une copie. L'ordre du jour est-il adopté, M. le député de Lévis?

M. Garon: Un instant.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Garon: Je vois deux groupements entre 16 heures et 18 heures: le Bureau d'assurance du Canada et le Groupement des assureurs automobiles. Est-ce qu'il s'agit d'une heure chacun ou de deux heures pour les deux? À ce moment-là, est-ce qu'il y aura assez d'une heure? Parce que tous les autres groupes vont avoir une heure, y compris...

Le Président (M. Lemieux): On m'informe ici que le Bureau d'assurance du Canada et le Groupement des assureurs automobiles ont insisté pour faire une présentation conjointe. C'est la raison pour laquelle la durée totale de l'audition de tous les organismes qui seront entendus aujourd'hui, à l'exception du Bureau d'assurance du Canada et du Groupement des assureurs automobiles sera d'une heure, sauf pour ces gens-là.

M. Fortier: II faut bien comprendre, M. le député de Lévis, que c'est le groupement qui va administrer ce fichier et celui qui va être le plus fortement impliqué. C'est lui qui a le plus de données à nous fournir sur le plan technique, juridique ou autre. Alors, quant à moi, j'ai pensé que c'était une bonne chose de leur permettre d'avoir le temps de nous exposer en détail les conventions, la façon qu'il administre la loi et les responsabilités qu'il assume pour comprendre les détails techniques.

Le Président (M. Lemieux): Ceci avait été convenu entre les deux groupes. C'est la raison pour laquelle, lors de cette présentation conjointe du BAC et du Groupement des assureurs automobiles, leur exposé durera 40 minutes au plus et le reste de l'enveloppe, soit 80 minutes, sera consacré aux discussions.

M. le secrétaire, est-ce que cela a été effectivement convenu?

Le Secrétaire: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Effectivement, ça avait été convenu entre les groupes parlementaires en ce qui a trait au BAC...

M. Garon: C'est parce que j'avais deux groupes séparés.

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, c'est que, eux-mêmes avaient...

M. Garon: Là, je vois ici la feuille que

j'avais où on indiquait deux groupes séparés: le Bureau d'assurance du Canada et, après ça, le Groupement des assureurs automobiles. Ce matin, je vois que la présentation, c'est deux groupes ensemble.

Le Président (M. Lemieux): C'est deux groupes ensemble, mais ils avaient effectivement demandé qu'iI y ait une présentation qui soit conjointe. C'est bien exact, M. le secrétaire? Oui. Est-ce que ça vous va, M. le député de Lévis? L'ordre du jour est-il adopté?

M. Garon: Non, ce que je voulais simplement, c'est que plutôt que d'avoir quelqu'un à 22 heures, si on demandait à M. Gauvin... si on n'a pas besoin de deux heures à 16 heures.

M. Fortier: C'est parce que M. Gauvin ne peut malheureusement pas... Je sais qu'il est au

Nouveau-Brunswick aujourd'hui et il va être ici seulement en soirée.

M. Garon: Ah bon, d'accord.

Le Président (M. Lemieux): L'ordre du jour est donc adopté.

M. Garon: Adopté.

Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi de vous rappeler les règles de l'audition, telles que convenues entre les groupes parlementaires. La période des déclarations d'ouverture durera 30 minutes, 15 minutes pour M. le ministre et 15 minutes pour le porte-parole de l'Opposition. La durée totale de l'audition de tous les organismes entendus aujourd'hui, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, à l'exception de l'audition du Bureau d'assurance du Canada et du Groupement des assureurs automobiles, sera d'une heure chacun, soit 20 minutes pour l'exposé du mémoire et 40 minutes pour les échanges de vues avec les parlementaires, dont 20 minutes pour le groupe parlementaire formant le gouvernement et 20 minutes pour l'Opposition.

Dans le cas de la présentation conjointe du BAC et du Groupement des assureurs, l'exposé, comme je l'ai mentionné, durera 40 minutes au plus et le reste de l'enveloppe, soit 80 minutes, sera consacré aux discussions. Le temps de parole des députés est de 10 minutes, en respectant la règle de l'alternance dans les interventions.

Maintenant, j'inviterais M. le ministre à faire une déclaration d'ouverture dont la durée est de 15 minutes.

M. Fortier: M. le Président, est-ce qu'on peut procéder?

Le Président (M. Lemieux): Ça va, d'accord! Nous commençons notre audition. M. le ministre, votre déclaration d'ouverture.

Remarques préliminaires M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier Mes commentaires seront assez brefs, M. le Président. Rappelons que le régime d'assurance automobile en vigueur au Québec depuis 1978 comporte plusieurs particularités. En premier lieu, l'assurance pour les dommages corporels subis au cours d'un accident de la route est assumée par un organisme d'État que l'on connaît, la Régie de l'assurance automobile du Québec dont le rôle est d'administrer ce régime d'assurance, de payer les indemnités aux victimes et de percevoir les fonds auprès des usagers de la route par le biais des permis de conduire et de l'immatriculation des véhicules.

Ce système d'assurance des dommages corporels est qualifié de sans égard à la responsabilité ou 'no fault", car les victimes sont indemnisées par l'état Indépendamment de leur responsabilité dans l'événement. Aujourd'hui, nous allons discuter de l'autre volet de cette réforme qui fut faite en 1978, puisque les assureurs offrant l'assurance automobile au Québec appliquent la convention d'indemnisation directe pour le règlement des sinistres d'automobiles pour tous les dommages matériels causés par collision et prévus par la convention.

Cette convention imposée par la Loi sur l'assurance automobile fait en sorte que chacun des assureurs Indemnise directement ses propres assurés Impliqués dans un accident prévu dans la convention, dans la mesure de la responsabilité des conducteurs des autres véhicules. Alors, j'imagine qu'on aura l'occasion aujourd'hui d'étudier les aspects juridiques et techniques de cette indemnisation directe qui se base sur la responsabilité, contrairement aux dommages corporels qui sont indemnisés par la Régie d'assurance automobile du Québec et où il n'y a aucune responsabilité.

Comme vous le savez, depuis l'application de cette réforme, iI y a eu des commentaires qui nous sont venus de toute part. C'est le but du projet de loi 133 dont nous allons commencer l'étude aujourd'hui, du moins, l'audition de personnes qui se sont manifestées comme étant intéressées par le projet de loi et nous entendrons, au premier chef, l'Association des consommateurs du Québec qui s'est dite en faveur du projet de loi, mais qui s'inquiétait de certaines applications eu égard à l'information qui sera disponible aux assureurs.

Nous aurons également l'occasion d'entendre ie Groupement d'assurance automobile qui est directement impliqué et qui désire cette réforme. On entendra également d'autres organismes, en particulier la Commission d'accès à l'information, je pensais surtout à la Ligue de taxis de Montréal qui nous a fait part, dans une lettre du 9 mai dernier, qu'elle était tout à fait d'accord avec le projet de loi parce que, dans un rapport auquel elle avait participé, qu'on appelle le

rapport Bissonnet, en date de septembre 1988, ce rapport recommandait la disposition qui est le sujet du projet de loi 133.

À ce moment-ci, avec votre permission. M. le Président, j'aimerais distribuer un papillon, non pas pour... (11 h 45)

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le ministre.

M. Fortier:... en faire la proposition maintenant, mais à titre d'information, puisque, dans les discussions que l'inspecteur général des institutions financières a eues avec la Commission d'accès à l'information, il restait un point en suspens; ce point était la possibilité d'inclure dans la loi une disposition qui pénaliserait ceux qui, parmi les assureurs, obtiendraient une information et abuseraient de cette information pour la disséminer dans le public. Avec votre autorisation...

Le Président (M. Lemieux): Merci.

M. Fortier:... je distribuerais ce papillon aux parlementaires.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le secrétaire, j'en autorise le dépôt.

M. Fortier: J'ai proposé ce papillon au Comité de législation, il a été accepté. Donc, dès que nous commencerons l'étude article par article, il sera ajouté au projet de loi 133 et répond effectivement à la demande de la Commission d'accès à l'information dans ce sens-là. J'aurai l'occasion d'expliquer, lorsqu'on fera l'étude article par article, les problèmes techniques que cela pouvait poser du fait que ce sera, je crois, la première fois - c'est un précédent - qu'une telle pénalité s'applique à un fichier qui est administré par le secteur privé, alors que, jusqu'à maintenant, les pénalités s'appliquaient uniquement à des fichiers ou à des informations qui étaient contrôlés par le secteur public.

Ce sont là mes quelques propos. Je crois que le but de la commission est d'entendre les gens; alors, on devrait procéder dans les meilleurs délais, après avoir entendu, bien sûr, le député de Lévis.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le député de Lévis, porte-parole officiel de l'Opposition.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, j'ai eu l'occasion de dire que l'objectif visé par le projet de loi est louable, mais il n'y a rien dans le projet de loi qui garantit que l'objectif visé sera atteint.

D'abord, le ministre présume beaucoup de choses. Mais rien ne garantit, par exemple, que les bons conducteurs vont payer moins cher. Il est peut-être sûr que ceux qui sont considérés comme des mauvais conducteurs vont payer plus cher, mais nulle part on ne peut voir, dans le projet de loi, des garanties comme quoi les bons conducteurs auront des réductions. Il est possible, au fond, que tous les conducteurs paient le même prix, mais qu'on fasse payer une prime aux mauvais conducteurs sans que cela ne bénéficie d'aucune façon aux bons conducteurs. Cela n'est pas évident dans le projet de loi.

Qui nous dit aussi que tout cela ne fera pas seulement qu'augmenter les primes? Il est possible que tout le système mis en place fasse uniquement augmenter les primes. Ci se rappelle que l'une des principales raisons pour lesquelles c'était un système d'Indemnisation qui ne tenait pas compte de la faute, c'est que, sur le plan administratif, cela évitait des coûts considérables.

Si on veut que les gens paient des primes en fonction de leur qualité de conducteur, ils vont devoir être reconnus fautifs. Si on reconnaît des gens fautifs, il faut que les gens puissent se défendre. Il faut que les gens puissent dire: Je ne suis pas en faute. Ce n'est pas à une compagnie d'assurances de dire: Un tel est en faute, un tel n'est pas en faute. Normalement, si l'on veut reconnaître que quelqu'un est en faute, iI faut que la personne qu'on veut accuser au fond, qu'on veut déclarer coupable de quelque chose puisse avoir la possibilité de démontrer qu'elle ne l'est pas. Combien d'accidents se produisent sans témoin? C'est-à-dire que ceux qui se frappent sont présents, mais c'est tout. De quelle façon va-t-on pouvoir déterminer qui est responsable de l'accident?

Pour ces raisons, je suis un peu surpris de voir ie projet de loi piloté par le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation plutôt que par le ministre des Transports. Le ministre responsable de la Loi sur l'assurance automobile, c'est le ministre des Transports. Il me semble que le ministre des Transports aurait dû avoir quelque chose à dire, ici, au fond, on ne traite pas tellement des institutions financières. Il est évident que la compagnie d'assurances est celle qui assure mais, au fond, ce dont on va traiter dans ce projet de loi principalement, c'est d'accidents d'automobile, d'assurance automobile, de primes pour l'assurance automobile et, normalement, ces matières relèvent du ministre des Transports. Le ministre des Transports doit normalement se préoccuper autant des victimes d'accidents que des responsables des accidents, tandis que la préoccupation du ministre responsable des institutions financières, c'est le rapport entre les entreprises dans le domaine des Institutions financières. Ceux qui risquent d'écoper dans tout ça, ce sont beaucoup plus les citoyens qui sont assurés. Il me semble que le ministre responsable de ces matières, c'est le ministre des Transports.

Il va falloir se demander aussi... Je pense qu'il sera important de pousser cette analyse

assez loin au cours de la journée. La compagnie va pouvoir déterminer qui est responsable d'un accident et va pouvoir augmenter les primes en conséquence. Rien ne dit qu'elle va les diminuer, mais elle va pouvoir les augmenter. Quels seront les recours de l'assuré qui n'est pas d'accord? La compagnie d'assurances, normalement, n'aura pas été présente lors de l'accident. C'est assez rare que les compagnies d'assurances sont présentes lors d'un accident, mais elles vont trancher dans un débat dont le résultat peut être connu par les deux parties mais où, dans la majorité des cas, les deux personnes, c'est-à-dire les deux propriétaires des automobiles, ne seront pas d'accord, n'auront pas la même opinion.

L'inspecteur ne pourra pas jouer le rôle d'un tribunal pour chacun des assurés qui ne seront pas d'accord avec les décisions des compagnies d'assurances. J'aimerais que l'Inspecteur général nous dise s'il a l'Intention de jouer le rôle d'arbitre ou de tribunal; j'ai l'impression qu'l va falloir il demande des postes et qu'il les obtienne, il va s'agir de milliers de cas où des gens seront dans des matières litigieuses, vont nier ou accuser l'autre partie d'être responsable, et ça ne peut pas être une compagnie d'assurances qui va déterminer par elle-même qui est responsable. Il va falloir qu'il y ait une forme de tribunal, une forme d'arbitrage. Autrement, on ne peut pas déterminer un système de responsabilité où iI y a des conséquences. On va voir qu'il est question d'un fichier, qu'il est question d'avoir un dossier qui va suivre le citoyen. Le citoyen ne sera pas nécessairement intéressé à avoir ce dossier qui va le suivre, à plus forte raison s'il n'est pas d'accord. S'il est d'accord, il n'y aura pas de problème, mais s'il n'est pas d'accord, il va vouloir avoir la possibilité de se défendre quelque part pour démontrer qu'il n'est pas responsable pour ne pas encourir les conséquences d'une responsabilité admise.

Un autre point. Le ministre dit qu'il vient de déposer un amendement, mais I n'y a pas de garantie que l'utilisation de renseignements sur les assurés par les compagnies d'assurances ne seront pas utilisés à d'autres fins, surtout dans le cadre du décloisonnement. On est dans le cadre du décloisonnement où des listes de personnes vont pouvoir servir à d'autres fins. Le président de la Commission d'accès à l'Information a fait des représentations, nous devons l'entendre aujourd'hui. Je pense que c'est une question très importante. Remarquez bien, c'est un dossier qui va suivre la personne. Un dossier de mauvais conducteur, de conducteur négligent, de conducteur insouciant...

Une voix: Aveugle.

M. Garon:... où on va laisser planer toutes sortes de doutes sur la conduite de la personne, d'autant plus que, dans les accidents, la plupart du temps, il y a deux perspectives. Les gens n'ont pas vu les faits de la même façon, n'ont pas Interprété les faits de la même façon, et celui qui va venir trancher ça, c'est quelqu'un qui n'était pas là. Il déterminera lui-même un coupable sans procès. Dans une société civilisée, tout le monde est présumé de bonne foi et personne n'est présumé coupable ou responsable avant qu'on ait établi sa responsabilité. Il s'agit d'une matière importante.

Le dernier point. On aurait aimé, nous, et ça a été refusé, qu'un des intervenants de la Régie de l'assurance automobile puisse venir nous rencontrer, puisque c'est l'organisme qui a peut-être le plus grand nombre de dossiers concernant les assurances au Québec.

M. Fortier: Pour les dommages matériels...

M. Garon: Non, pas pour les dommages, excepté qu'habituellement, quand un dossier va à la Régie de l'assurance automobile, il y a aussi des dommages. Quand des gens sont estropiés dans des voitures, habituellement, on a commencé par briser la voiture. C'est rare que quelqu'un à l'intérieur d'une voiture sera blessé sans qu'il y ait de dommages à la voiture. Je comprends que ce ne sont pas des dossiers sur les dommages corporels dont on traite ici, excepté que par la nature des accidents, l'administration de l'indemnisation pour dommages, qu'ils soient corporels ou matériels, iI y a quand même des similitudes sur le plan de l'administration surtout sur le plan de l'établissement des responsabilités. Ne nous trompons pas. Quand le gouvernement commence à dire qu'il va établir des responsabilités pour les dommages matériels, il n'est pas dit qu'il ne met pas en place, tranquillement un système il pourra utiliser pour les dommages corporels. On a vu que... Un instant. En troisième lecture de la loi 92...

Une voix: Cela ne serait peut-être pas si mauvais que ça.

M. Garon: Un instant. En troisième lecture de la loi 92, le ministre a déjà tenté d'apporter un amendement à une loi qui ne portait pas du tout là-dessus, comme si on pouvait, en troisième lecture, apporter des amendements à une loi pour établir des responsabilités sur le plan des dommages corporels, alors qu'un des buts de la loi, c'est qu'il n'y ait pas de responsabilité. En troisième lecture, on va venir présenter un amendement pour changer la nature même de la loi? Évidemment, c'est inacceptable. On voit quand même déjà l'intention du gouvernement. C'est pourquoi, devant ces faits, je suis content qu'on ait accepté qu'il y ait une commission parlementaire pour recevoir les Intéressés, tel que nous l'avions demandé. On est contents que...

M. Fortier: C'est l'Association des consommateurs qui l'a demandé.

M. Garon: Non. On vous l'avait mentionné, on vous l'avait aussi demandé pour la loi 134. Pour la loi 92, on a refusé qu'il y ait un amendement en troisième lecture.

M. le Président, nous allons être très vigilants dans l'étude des mémoires qui vont être présentés aujourd'hui, parce qu'il y aura des conséquences Importantes pour les citoyens qui vont être déclarés coupables dans des dossiers, qui auront sans doute à payer des surprimes importantes. Dans certains cas, il n'est pas sûr que les gens n'auront pas de conséquences au point de vue de leur assurabilité, alors qu'ils n'auront pas pu se défendre.

Comme président, vous avez une formation juridique, vous savez qu'on ne peut pas accuser quelqu'un sans qu'il puisse se défendre. S'il considère qu'il n'est pas responsable, il puisse en faire la démonstration, il soit jugé par des gens impartiaux. Je suis certain, M. le Président, que vous serez sensible aux mémoires qui vont être présentés et aux questions débattues aujourd'hui. Je vous remercie.

Le Président

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. Il nous reste 30 secondes, simplement pour vous dire, M. le ministre, que je rejoins, peut-être pas en totalité, mais en partie certaines préoccupations du député de Lévis. Je pourrais tout simplement vous donner l'exemple d'une voiture neuve garée ici, sur la rue Cartier, qui se fait frapper par un automobiliste. L'automobiliste qui est frappé a plus de dommages que celui qui a frappé, et celui qui a frappé voit sa prime augmenter d'une manière moins forte que celui qui a été frappé et qui n'était pas dans sa voiture. Cela me semble aller à ('encontre de la logique. (12 heures)

Je comprends mal que nos compagnies d'assurances puissent avoir une attitude de ce genre-là. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il ne faudrait quand même pas que l'automobiliste qui n'a pas de responsabilité soit perdant, que celui qui a une responsabilité soit gagnant et que celles qui en bénéficient le plus soient les compagnies d'assurances. Je vais vous avouer que cela m'inquiète que la compagnie d'assurances profite à la fois de la personne qui n'a aucune responsabilité et de la personne qui a une responsabilité pour augmenter sa prime d'assurance. Je trouverais ça un peu illogique. Dans ce sens, je rejoins peut-être un peu le...

M. Fortier: M. le Président, on ne peut répondre, pour le moment, aux problèmes que vous soulevez parce qu'à peu près la moitié de ce que dit le député de Lévis n'est pas conforme à la loi que le Parti québécois a voté en 1978. On aura l'occasion d'y revenir.

Le Président (M. Lemieux): Je suis bien conscient de ça, M. le ministre. Effectivement, il y aurait peut-être lieu de revenir à ce qui s'est déjà fait par le Parti québécois dans le passé. Mais, en ce moment, je fais état d'une préoccupation que je comprends mal au niveau pratique des choses. J'ai terminé, M. le ministre, il n'y a pas d'autres intervenants?

Auditions

J'appelle maintenant l'Association des consommateurs du Québec. Je demanderais aux gens de l'organisme de prendre place à la table des témoins. Je demanderais également à la responsable de bien vouloir s'identifier et d'identifier la personne qui l'accompagne. Avez-vous un mémoire?

Association des consommateurs du Québec

Mme Guillot-Lemelin (Solange): Oui, je voulais justement vous demander la permission de le distribuer.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, oui. J'accepte le dépôt. On va pouvoir distribuer ce mémoire aux formations politiques des deux groupes parlementaires.

Mme Guillot-Lemelin: M. le ministre, M. le Président, MM. les députés, Je me présente. Mon nom est Solange Guillot-Lemelin. Je suis présidente de l'Association des consommateurs du Québec. L'Association des consommateurs du Québec a demandé, effectivement, une commission parlementaire concernant le projet de loi 133 pour permettre à tous ceux qui ont des interrogations, des objections, des commentaires de pouvoir les exprimer avant l'adoption du projet de loi. Quant à nous, on appuie le projet dans son ensemble. Nous sommes heureux de constater qu'enfin certaines modifications à la loi seront à l'avantage des consommateurs particulièrement en ce qui concerne les propositions pour que les victimes ne soient plus responsables de leur accident d'auto, une demande, maintes fois répétée, je pourrais vous le dire, par plusieurs consommateurs.

Je comprends ce que vous mentionniez au début, M. le Président, que ce sont sûrement les compagnies d'assurances qui en ont profité pendant plusieurs années par l'augmentation des primes des personnes qui n'étaient pas responsables de leur accident. C'est la principale chose qui nous réconforte et, je peux vous l'assurer, qui va sûrement faire plaisir à plusieurs consommateurs qui ont eu à vivre ce problème et qui, souvent, ont appelé à l'Association des consommateurs pour nous dénoncer le fait. C'est à la suite de ça qu'on a fait des pressions pour que cette situation change.

Toutefois, ce n'est pas parce qu'on veut améliorer unesituation il faut en profiter pour diminuer d'autres droits acquis. Mon exposé

va être bref. Je vais surtout attirer votre attention sur les points suivants. Comme je viens de le mentionner, l'Association des consommateurs a fait connaître son appui au gouvernement concernant le projet de loi 133 qui modifie la Loi sur l'assurance automobile en vertu duquel les assureurs pourront, collectivement, constituer un fichier de renseignements qui leur permettra de déterminer la compétence et la performance réelle des conducteurs d'automobile, ce qui leur permettra ensuite d'établir une tarification selon les risques que représente chaque assuré.

Depuis plusieurs années, l'Association des consommateurs du Québec exprime ses préoccupations à l'égard de la protection des renseignements sur la vie privée. Ces préoccupations se voient confirmer par plusieurs sondages réalisés au Canada depuis le début des années quatre-vingt et qui font ressortir que la principale inquiétude des gens est avant tout leur ignorance de l'information détenue à leur sujet et l'utilisation qui peut en résulter.

Dans ce contexte, nous suggérons que le projet de loi 133 soit modifié pour inclure deux dispositions additionnelles visant à informer les consommateurs des renseignements dont les assureurs disposeront désormais à des fins de classification des tarifications lors de l'émission ou du renouvellement d'une police d'assurance automobile. Alors, nous suggérons que l'article 11 du projet de loi soit modifié afin d'y ajouter l'article 179. 2, qui pourrait se lire comme suit: "179. 2 Tout assureur doit, lors de l'émission ou du renouvellement d'une police d'assurance automobile, Informer l'assuré par écrit de tous les renseignements obtenus de l'inspecteur général des Institutions financières en vertu de l'article 179. 1 de la loi, et sur la base desquels l'assureur a établi la classification et la tarification auxquelles est assujetti l'assuré. "

L'obligation qui serait ainsi faite à un assureur de communiquer à son assuré des informations qu'il a lui-même obtenues de l'Inspecteur général des institutions financières ne devrait pas à toutes fins engendrer des coûts additionnels pour l'assureur ou pour l'assuré, puisque l'assureur a besoin de ces informations pour établir la classification et la tarification auxquelles sera assujetti son assuré. De plus, nous suggérons d'ajouter un article, l'article 179. 3, qui se lirait comme suit: "179. 3 Lors d'un accident, l'assureur doit, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les 30 jours de la date de cet accident, informer par écrit son assuré du pourcentage de responsabilité qui lui est attribuée dans cet accident, conformément aux barèmes prévus à la Convention d'indemnisation directe pour le règlement des sinistres automobiles. "

Cet avis, donc, devrait mentionner le droit pour un assuré de contester le pourcentage de responsabilité qui lui est Imputé dans cet accident ainsi que les moyens et recours à sa disposition pour obtenir une correction à son dossier à cet égard. C'est un peu ce dont nous faisait part M. Garon lors de sa présentation. L'obligation qui serait désormais faite à l'assureur d'informer par écrit son assuré de ce pourcentage de responsabilité qui lui est imputé lors d'un accident aura un double effet: d'abord, sensibiliser le consommateur à son propre comportement comme conducteur automobile et, d'autre part, s'assurer que le consommateur puisse contester, le cas échéant, ce pourcentage de responsabilité qui lui est attribué lors d'un accident.

Nous soulignons également que l'utilisation du constat à l'amiable, combiné aux dispositions de la Convention d'indemnisation directe, ont probablement entraîné un certain laxisme, tant chez les assureurs que chez les assurés, en ce qui concerne l'attribution d'un pourcentage de responsabilité à chacun des conducteurs lors d'un accident, d'où la pertinence de cette obligation d'informer l'assuré.

Par ailleurs, le projet de loi ne prévoit aucune mesure ou sanction contre les détournements de finalité des informations fournies aux assureurs pour des fins de tarification et de classification. À l'instar du rapport de la commission de la culture, intitulé 'La vie privée, un droit sacré", qui recommandait en juin 1988 d'étendre aux compagnies d'assurances les principes de protection des renseignements personnels de la Loi sur l'accès à l'information, l'Association des consommateurs du Québec demande donc au gouvernement du Québec de mettre en vigueur le chapitre du Code civil - d'ailleurs, on le dit aujourd'hui et on le demande souvent, de mettre en vigueur ce fameux chapitre du Code civil du Québec - relatif au respect de la réputation et de la vie privée.

J'appuie aussi M. Garon par rapport aux primes des mauvais conducteurs: c'est bien d'Imposer une prime aux mauvais conducteurs, mais il faut effectivement que la réduction aille aux bons conducteurs, il n'y a pas de doute.

Alors, c'est assez bref, ce sont les points sur lesquels on voulait attirer votre attention aujourd'hui, M. le ministre, et nous espérons que vous prendrez nos recommandations en considération.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme Lemelin. M. le ministre.

M. Fortier: Oui, merci, Mme Lemelin. Quand j'ai reçu votre lettre et que j'ai vu les points que vous avez soulevés, j'avais pris la décision de demander au leader de la Chambre de convoquer cette commission parlementaire, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici.

Peut-être pour commencer par le dernier point, je crois que la commission de la culture avait publié un rapport à la suite d'une étude qui avait été faite au sujet de la protection des informations personnelles dans différents milieux

dans le secteur privé. Je suis au courant que le ministère de la Justice a créé un comité spécial pour étudier toute la question et il pourrait arriver à des recommandations un peu plus tard cet automne, je crois.

En ce qui nous concerne, j'ai fait circuler tout à l'heure, pour ce projet de loi, et sans attendre les conclusions de ce comité d'étude qui va faire une étude assez exhaustive sur la question pour l'ensemble des données existant dans tout le secteur privé et dans le secteur des institutions financières en particulier, un papillon qui sera ajouté à l'article 189. 1 et qui va dire que l'assureur qui utilise ou tolère que soit utilisé autrement qu'à des fins de classification ou de tarification un renseignement qui lui a été transmis en vertu de l'article 179. 1 sera pénalisé. Donc, il y a des pénalités qui sont prévues, et c'est un précédent. C'est la première fois qu'une telle disposition s'applique à un fichier administré par le secteur privé. Donc, on devance les conclusions auxquelles le ministère de la Justice pourrait arriver, le cas échéant.

Le député de Lévis, tout à l'heure, se demandait comment il se faisait que ce soit le ministre des Institutions financières qui soit impliqué. C'est que, pour ainsi dire, je réponds en Chambre des travaux de l'Inspecteur général des institutions financières et celui-ci a des pouvoirs assez étendus sur l'approbation de toutes les polices d'assurance, en particulier. Autrement dit, lorsque les compagnies d'assurances automobiles proposent une nouvelle police d'assurance ou un nouvel avenant, ce n'est pas le gouvernement qui les approuve, c'est l'Inspecteur général des institutions financières qui a autorité et la loi dit clairement que l'Inspecteur assume une responsabilité importante indépendante du pouvoir politique comme tel. Donc, il a ce pouvoir d'approuver des avenants qui peuvent être proposés et d'approuver le contenu d'une police.

En ce qui concerne vos deux autres recommandations, j'y suis assez favorable, même très favorable. On pourrait le faire lors de l'approbation de la police qui est soumise par les différentes compagnies d'assurances ou on pourrait le faire par un texte législatif. Personnellement, je suis très favorable à un texte qui pourrait ressembler à celui de l'article 179. 2 - on peut diverger d'opinion sur la façon dont le texte est rédigé - mais l'idée est que "tout assureur doit, lors de l'émission ou du renouvellement d'une police d'assurance automobile, informer l'assuré par écrit de tous les renseignements obtenus de l'Inspecteur général". Cela devrait être dans la police d'assurance comme telle, et on pourrait donc l'inclure.

En ce qui concerne la proposition que vous faites à la page 2 sur la nécessité d'alerter le consommateur de ses droits, vous avez peut-être raison, parce que je dois vous avouer bien humblement que moi-même avant que je sois ministre des institutions financières, je ne savais pas quel était le sens même de la réforme. Contrairement à ce que le député de Lévis a dit, la réforme qui a été faite en 1978 dit clairement que dans les dommages corporels il n'y a aucune faute, donc aucune responsabilité, mais qu'en ce qui concerne les dommages physiques I y a responsabilité. Vous avez parlé d'un "no fault" en ce qui concerne les dommages matériels, et la loi de 1978 dit clairement, à l'article 108: "Le propriétaire de l'automobile est responsable du dommage matériel causé par cette automobile". Le public est un peu confus, parce qu'on parle toujours du "no fault", mais il ne vaut que pour les dommages corporels. I! ne vaut pas pour les dommages matériels. Donc, à l'article 108, on dit clairement que le propriétaire de l'automobile - et un peu plus loin le conducteur - est responsable des dommages matériels.

Aux articles 115 et 116 de la loi actuelle, on dit que "le recours du propriétaire en raison du dommage subi par son automobile ne peut être exercé que contre l'assureur avec lequel il a contracté l'assurance". Il y a donc un recours légal. Cela existe déjà dans la loi, il y a donc responsabilité du conducteur et du propriétaire en ce qui concerne les dommages matériels. Ce n'est donc pas un système sans faute, au contraire, c'est un système avec responsabilité, mais il y a eu simplification du système en 1978, par la loi qui a été adoptée à ce moment, du fait que le seul recours possible de la part de celui qui était assuré était contre sa propre compagnie d'assurances. (12 h 15)

Par ailleurs, cet après-midi, j'imagine que les compagnies nous feront part d'une entente dont elles ont convenu entre elles, parce que, selon la loi, elles pourraient se poursuivre entre elles, mais elles ont établi par une convention qu'elles ne le feraient pas, mais elles pourraient le faire selon la loi. Donc, ce système a été simplifié, mais il existe déjà un recours dans la loi et, malheureusement, peut-être que vous avez raison de dire que trop peu de gens sont au courant que, lorsqu'il y a un règlement provenant de leur compagnie d'assurances, ils ont de toute façon un recours possible, lequel peut porter également sur la responsabilité. C'est donc dire que, à l'article 179. 3, ce que vous suggérez est que, lorsqu'il y a un accident, la personne ou le conducteur, celui qui est assuré, soit informé. Nous sommes tout à fait d'accord avec cette suggestion de rappeler aux personnes qu'elles ont, comme la loi le dit à l'article 116, un recours possible contre leur assureur. M. l'Inspecteur, peut-être avez-vous des détails techniques sur ça?

Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Madame, est-ce que vous voulez intervenir à la suite des propos de M. le ministre?

Mme Guillot-Lemelin: Oui. J'aimerais obtenir la copie que vous mentionnez en ce qui concerne l'article 189 que vous avez fait distribuer tout à l'heure.

Le Président (M. Lemieux): Pourriez-vous parler plus près du micro?

Mme Guillot-Lemeiin: Excusez-moi. Je demandais à M. le ministre s'il pouvait me faire parvenir ta copie de l'article 189 présenté tout à l'heure. Quand vous dites qu'il y a un recours à l'article 116, que le consommateur a la possibilité d'avoir un recours, c'est un recours auprès de qui? Est-ce auprès de sa compagnie d'assurances?

M. Fortier: Un recours contre quoi?

Mme Guillot-Lemelin: Pour contester sa responsabilité, il peut le faire auprès de sa compagnie d'assurances, de la façon que vous venez de le présenter.

M. Fortier: C'est exact. Oui. C'est la compagnie d'assurances, à ce moment-là, par une convention signée, qui établit la responsabilité à 0 %, 50 % ou 100 %. Dans un premier temps, ça peut se faire par un dialogue. Dans un deuxième temps, si l'on n'est pas satisfait, l'article 116 est là, et je parle toujours de la loi qui existe dans le moment. A l'article 116, on dit qu'il y a un recours possible.

Mme Guillot-Lemelin: Un des problèmes est que les compagnies d'assurances ne mentionnent pas suffisamment cette possibilité aux consommateurs. Cela va.

Le Président (M. Lemieux): Cela va. M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je voudrais remercier les personnes devant nous, Mme Lemelin et la personne qui l'accompagne, pour la présentation de leur mémoire. Je pense qu'il y a des points de divulgation qui sont corrects. Je pense que le centre de toute l'affaire, c'est l'établissement de la responsabilité. Le ministre voudrait souvent me servir d'exégète, mais je peux faire ça moi-même. Il est évident que je sais que, dans le domaine des dommages, ce n'est pas un système de responsabilité sans faute. C'est un système de responsabilité avec faute, c'est évident.

Ce que j'ai dit c'est que la Régie de l'assurance automobile aurait dû venir ici parce que c'est elle qui administre le plus grand nombre de dossiers d'accidents. Sur le plan de l'administration, on aurait pu lui poser des questions. Maintenant, ne nous trompons pas.

Souvent, les deux personnes qui ont fait un accident sont assurées par la même compagnie. La compagnie fait l'arbitre en distribuant les responsabilités. Je trouve ça un peu facile, il y aura des dossiers où quelqu'un aura déjà fait peut-être deux ou trois accidents, en fera un quatrième sans être responsable, mais on établira un dossier contre lui le déclarant quasiment coupable avant qu'l ait ouvert la bouche.

Les compagnies d'assurances ne sont pas des tribunaux. J'ai la convention, on dit à l'article 12, arbitrage: Tout différend surgissant entre les parties liées par la convention - sur les assureurs et naissant de celle-ci doit être soumis au conseil d'arbitrage du Groupement des assureurs automobiles". Le conseil d'arbitrage est formé de sept membres, désignés annuellement par le conseil d'administration du Groupement des assureurs automobiles qui en nomme le président et les deux vice-présidents. Ce conseil doit se réunir dans les 30 jours de la réception d'une demande écrite d'arbitrage. Le quorum du conseil d'arbitrage est fixé à trois membres, dont le président ou l'un des vice-présidents, dont la voix est prépondérante. La décision du conseil d'arbitrage est sans appel.

Une voix: Sans appel. M. Garon: Sans appel.

M. Fortier: Ce sont les compagnies entre elles.

M. Garon: On évalue les accidents avec un système d'arbitrage qui est un peu simple. Comme un dossier suivra la personne - ne nous trompons pas, ce sera un dossier qui suivra la personne - bientôt on demandera aux gens de produire leur dossier de conducteur d'automobile quand ils font des demandes d'emploi. Ceux qui ne voudront pas les produire, on écartera leur candidature. Il y a des conséquences à établir des dossiers systématiques sur des personnes.

M. Fortier: C'est confidentiel.

M. Garon: Confidentiel, oui. sauf si la personne accepte de le produire. Et on exigera qu'elle le produise pour une demande d'emploi à certains endroits. De la même façon que, quand vous allez, par exemple, postuler des fonctions, des postes, on va vous demander de produire telle et telle choses qui sont, qui pourraient être confidentielles. Si vous ne les produisez pas, on présume que vous avez quelque chose à cacher.

Ce qu'on va établir, ne nous trompons pas, ce sont des dossiers qui vont suivre la personne alors qu'on n'a pas de système organisé où les gens vont pouvoir établir qu'ils ne sont pas responsables, où ils pourraient contester la responsabilité qu'on va leur attribuer. Dans ces dossiers, il va y avoir toutes sortes de renseignements, toutes sortes de choses, et J'ai le

sentiment très net que, si on ne prend pas les précautions, ce dossier va devenir un dossier majeur dans la carrière d'une personne pour l'évaluer, évaluer son caractère. Évidemment, s'il n'y a rien dedans, on va dire: Bon, il n'y a rien dedans. Mais celui...

Une voix: II va être évalué quand même.

M. Garon: Mais il va y avoir un dossier qui va le suivre. Vous vous rappelez autrefois, quand les compagnies d'assurances disaient: On peut avoir des accidents, n'être jamais responsable mais être un mauvais risque, être quelqu'un qui est malchanceux. Quelqu'un peut n'être jamais responsable, mais comment se fait-il que vous ayez toujours des accidents dans lesquels vous n'êtes pas responsable? C'est parce que vous n'êtes pas assez préventif? C'est parce que vous ne conduisez pas de façon assez défensive?

Il y a des conséquences à établir des dossiers comme ça sur des personnes. Quelqu'un que je connais, récemment, a stationné son automobile, puis un objet est arrivé, une grosse poubelle de restaurant, qui a commencé à glisser et qui a frappé l'automobile. La première question qu'on a posée à la personne est: Pourquoi vous êtes-vous stationné là? Il a dit: Je ne pouvais pas penser que la poubelle descendrait. Mais au départ, vous auriez pu prévenir, vous auriez dû y penser d'avance.

C'est ça qui va arriver. À la minute où on va établir un dossier, on va l'interpréter, on va le lire, on va demander de le produire. Vous allez avoir maintenant dans votre curriculum vitae, non seulement vos résultats scolaires, votre expérience de travail, mais votre dossier de conducteur. Qu'est-ce qui va empêcher un employeur de demander de produire ce dossier - j'aimerais que vous me produisiez votre dossier parce que vous postulez un emploi - pour évaluer la personne sous toutes ses facettes?

C'est pour ça qu'on ne peut pas traiter à la légère cette question. Dans le passé, quand il était question d'établir des dossiers... Aujourd'hui, quand vous allez postuler un emploi, on vous demande toutes sortes de renseignements concernant votre santé. On va vous demander encore des renseignements additionnels concernant ces questions. Si le gouvernement choisit d'établir un dossier qui établit, ' au fond, une forme de preuve de caractère, de capacité à conduire, je trouve ça inquiétant. Et je ne vois pas, au bout de la course, les résultats. Je comprends que ce qu'on vise est bon, mais je ne vois pas les résultats qu'on va obtenir. Est-ce qu'on va avoir des réductions de coûts? Si on n'a pas de réduction de coûts, qu'est-ce que va donner le résultat au bout? Le ministre n'a donné aucune garantie.

Une voix: Oui, madame.

Mme Guillot-Lemelin: Là-dessus, j'aimerais intervenir, M. Garon. C'est sûr qu'actuellement le consommateur se plaint du fait que, s'il n'est pas responsable, sa prime augmente. Je pense que vous êtes d'accord avec moi, si vous n'êtes pas responsable, vous ne voulez pas voir votre prime augmenter. On pense établir un système qui ferait qu'on aurait un dossier, justement pour, comme on l'a mentionné, faire payer les mauvais conducteurs et ne pas faire payer ceux qui sont bons. Inévitablement, la question du dossier entre en jeu, d'accumulation de données, pour avoir une idée de la situation face à la personne. Le principe n'est pas nécessairement mauvais en soi, sauf que M. le ministre dit que cela va être confidentiel et vous dites que non, l'employeur ne devrait pas le demander lorsque vous voulez être embauché. Il y a moyen d'avoir ce dossier et de le contrôler. Effectivement, cela devrait être selon la loi sur le travail, qu'aucun employeur ne puisse avoir le droit de demander ce genre d'informations et cela doit être effectivement prouvé et démontré par tout le système que, oui, c'est confidentiel, comprenez-vous? Donc, il y a vraiment des applications, d'après moi, qu'il est important de mettre en place pour ne pas que ces choses arrivent. Je suis d'accord avec vous en disant que cela peut être utilisé à des fins... Ce n'est pas parce que le consommateur gagne aujourd'hui que ses primes n'augmentent plus parce qu'il n'est pas responsable qu'ailleurs, comme je le mentionnais tout à l'heure, il faut lui enlever des droits acquis et se mettre à utiliser des données drôlement importantes qui iraient en sa défaveur. D'après mol, il y a vraiment un mécanisme à mettre en place pour, oui, gagner ce qu'on veut gagner et, d'un autre côté, continuer a protéger nos renseignements personnels.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis.

M. Garon: Ce n'est pas comme ça que je vois la dynamique. Il y a beaucoup d'emplois actuellement où les gens vous demandent d'aller passer un examen médical et Us disent: Produisez-nous le résultat de votre examen. Si on n'estime pas l'examen satisfaisant, on ne vous engage pas. Comment le gouvernement pourra-t-il interdire à un employeur... J'essaie de voir ça et je ne le vois pas facilement.

Mme Guillot-Lemelin: Moi aussi, j'essaie de le voir. Il faudrait avoir...

M. Garon: Comment va-t-il pouvoir interdire à un employeur de dire: Dans le concours que je fais, je vous demande de produire votre dossier de conducteur d'automobile?

Mme Guillot-Lemelin: On est justement en train de parler d'un avant-projet de loi. À ce moment, il faudrait l'ajouter, il faudrait l'indiquer clairement. Si l'employeur se fait prendre à

faire ça, d'après moi, ce serait lui qui devrait être pénalisé.

M. Garon: II va dire: Je ne l'exige pas. Si la personne ne veut pas le produire, elle ne le produit pas.

Mme Guillot-Lemelin: Oui, indirectement, elle va être pénalisée.

M. Garon: Excepté il y aura des conséquences pour la personne qui refuse de le produire. C'est comme le dossier médical. Si je postule un emploi et qu'on me demande mon dossier médical, si je refuse de le produire, on ne dira rien, sauf que je postule ce poste pour rien. Je sais bien que, si on me demande mon dossier médical et que je ne veux pas le produire, on va mettre le dossier de côté et je ne serai sûrement pas engagé. Parce que vous avez eu un accident, vous allez devenir quelqu'un qui est considéré comme un risque, un conducteur dangereux qui peut en avoir d'autres et on va interpréter vos accidents.

Mme Guillot-Lemelin: II y a aussi le danger dont vous avez parié tout à l'heure. Vous parliez de l'exemple d'un ami à qui il est arrivé je ne sais trop quoi à sa voiture. Si, malheureusement, il arrive à une personne, dans une année ou pendant quelques années, plusieurs accidents dont elle n'est pas responsable, qu'est-ce qu'on va faire avec cette personne? Est-ce qu'après quatre ou cinq accidents dont elle n'est pas responsable on va commencer à douter de cette personne? C'est Important aussi.

M. Garon: Dans le passé, dans les années soixante, disons, un conducteur qui avait plusieurs accidents, même s'il n'était responsable d'aucun, on considérait qu'il était un certain risque après un certain nombre - je ne me rappelle pas le nombre - d'accidents parce qu'on disait: II ne les évite pas. Il ne les provoque pas, ce n'est pas lui qui les fait, mais il est dans des situations où il y a des accidents. Alors, on présumait il représentait un certain risque additionnel et l'Inspecteur général des institutions financières, j'en suis persuadé, pourrait me confirmer qu'à ce moment on augmentait la prime d'une personne qu'on disait à risque parce qu'elle avait des accidents dont elle n'était pas responsable mais on considérait qu'elle en avait trop après, je ne me rappelle pas si c'est deux ou trois. Peut-être que l'Inspecteur général, s'il se rappelle ça, pourrait nous éclairer là-dessus.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis, je m'excuse, j'avais posé une question à M. l'Inspecteur général des institutions financières. J'aurai une question à lui poser tout à l'heure mais en lui parlant, je pense il n'a pas compris ce que vous lui demandiez. Pourriez-vous répéter votre question?

M. Garon: Avez-vous compris? Je pense il a compris.

Le Président (M. Lemieux): Non. M. le député de Lévis.

M. Garon: Je disais qu'autrefois - je ne le sais pas actuellement - quand quelqu'un avait plusieurs accidents, même s'il n'y en avait aucun dont il était responsable, on considérait qu'il représentait un certain risque parce il n'évitait pas les accidents et on augmentait la prime.

M. Bouchard (Jean-Marie): C'est ça, exactement.

M. Garon: C'est vrai?

M. Bouchard (Jean-Marie): C'est vrai et c'est encore vrai.

M. Garon: C'est encore comme ça.

Mme Guillot-Lemelin: C'est ça le problème. (12 h 30)

M. Garon: Imaginez-vous, si l'assureur le fait dans l'évaluation du risque que représente une personne, s'il y a un dossier de conduite d'une personne, on va demander de produire ce dossier. À plusieurs endroits où cela n'existe pas actuellement, si c'est fait de façon systématique, on va demander de le produire. Après ça, la personne va être évaluée, on va en tenir compte dans l'évaluation de ses qualités morales ou de ses qualités de comportement. On va l'évaluer comme on va évaluer son dossier médical.

Mme Guillot-Lemelin: Vous avez raison. C'est un point sur lequel il faut être extrêmement prudent, d'après mol. Comment un employeur... Vous disiez tantôt: Même s'il ne l'oblige pas, il peut quand même le demander et indirectement donner une mauvaise cote à la personne qui se présente chez lui. Mais il ne devrait même pas avoir le droit de le demander, carrément. Enflnl

M. Fortier: M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Fortier: Si vous le permettez, Je comprends qu'on doive s'inquiéter des abus possibles, mais iI ne faudrait pas oublier le problème de fond. Le problème de fond, c'est que des gens qui ont des accidents et qui sont responsables de ces accidents, pour éviter de subir une hausse trop considérable, changent tout simplement de compagnie d'assurances et la nouvelle compagnie d'assurances n'a aucune information. Alors, dans le moment, il y a des individus qui passent leur temps, chaque année, à changer de compagnie

d'assurances pour éviter que leur dossier soit connu. Lorsqu'ils font une demande, la compagnie d'assurances ou le courtier demande: Quels sont les accidents que vous avez eus depuis cinq ans, ils disent: On n'en a pas eu ou on en a eu un petit.

C'est ça qu'on essaie de corriger et c'est pernicieux, parce que ça fausse tout le système de l'évaluation des coûts et de la responsabilité pour une compagnie d'assurances qui ignore que le monsieur ou la dame en question a eu dix accidents depuis cinq ans et était responsable à 100 % chaque fois. Alors, il y a réellement un problème de fond et nous espérons qu'un fichier qui dira la vérité, autant que faire se peut, sur le portrait réel des accidents et de la responsabilité, cela permettra de corriger cette situation.

En ce qui concerne le dossier qu'un employeur pourrait demander, je dois vous avouer qu'il faut bien comprendre que les dossiers existent dans le moment pour ceux qui s'assurent toujours avec la même compagnie d'assurances. Personnellement, je pense que ça fait 20 ans que je suis avec le même courtier et la même compagnie d'assurances. Donc, mon courtier et ma compagnie d'assurances possèdent mon dossier à 100 %. Je n'ai pas changé de courtier ni de compagnie d'assurances. Je dois vous avouer que, depuis 25 ans, jamais un employeur ne m'a demandé: Pourriez-vous me donner le dossier que votre compagnie d'assurances possède depuis 20 ans? Ils ne m'ont jamais posé cette question. Mais ça existe.

Donc, le problème, ce n'est pas pour les individus qui sont toujours avec le même courtier et avec la même compagnie d'assurances. Le problème de fond, c'est surtout pour ceux qui ont tendance à fausser le système en changeant systématiquement de compagnie d'assurances, ce qui fait que la nouvelle compagnie d'assurances n'a aucune façon de connaître la vérité étant donné la concurrence qui existe entre les assureurs et que les compagnies d'assurances n'ont pas tendance à s'échanger ce type d'information.

C'est pour ça que je voudrais vous demander, madame, puisque vous nous avez dit au début que vous étiez plutôt favorable au projet de loi... Quand vous dites que vous êtes plutôt favorable au projet de loi, quels sont les commentaires que vous avez entendus de la part des consommateurs qui faisaient qu'en somme les gens étaient plutôt favorables à la constitution d'un dossier? Est-ce que c'était justement pour pourvoir au problème que je viens d'illustrer par le biais de gens qui faussaient le système en changeant continuellement de compagnie d'assurances?

Mme Guillot-Lemelin: D'accord. Ce que je peux vous dire là-dessus, en tant qu'association de consommateurs, à la suite de demandes des consommateurs, de dénoncer le fait que les assureurs augmentent leur prime lorsqu'ils ne sont pas responsables, nous trouvions que cela avait bien du sens et on a voulu aller plus loin là-dedans, sauf que lorsque les gens se sont plaints là-dessus, ils n'ont pas pensé comment ça serait mis en application.

M. Fortier: Oui. D'accord.

Mme Guillot-Lemelin: Effectivement, on n'est pas contre le fichier, parce que, si on veut instaurer le système pour arrêter cette situation, il faut quand même un fichier. Ce n'est pas contre le fichier, mais c'est la façon de gérer ces informations. Il va falloir le fain. C'est une question complexe de vouloir gérer ça, mais il ne faut pas l'ignorer, d'après nous.

M. Fortier: D'accord.

Mme Guillot-Lemelin: Pour revenir à ce que vous venez de dire quand vous dites que vous êtes auprès de la même compagnie d'assurances depuis plusieurs années et que ce n'est pas là le problème, je pense que le problème peut aussi être là, parce que la compagnie d'assurances doit, même si je suis auprès d'elle depuis 20 ans, transmettre les données et les informations qui me concernent à n'importe qui. Cela devrait également être vérifié.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez terminé, M. le ministre?

M. Fortier: Non, là-dessus, je suis d'accord sur la transmission de l'information...

Mme Guillot-Lemelin: D'accord.

M. Fortier:... mais ce que je veux dire, c'est qu'on fait allusion à un employeur qui demanderait cette information. Je dis que ma compagnie d'assurances l'a depuis fort longtemps et, à ma connaissance, jamais personne ne m'a demandé à moi d'utiliser cette information. Ce que j'essaie de dire... En tout cas, je ne suis pas au courant du fait que des employeurs aient demandé l'information, même quand l'information existait. Est-ce que, par le fait qu'on va créer un fichier central, on va demander aux individus de le produire? Remarquez bien que certains individus pourraient faire ce qu'ils font lorsqu'ils remplissent une demande pour obtenir une police d'assurance d'une autre compagnie d'assurances, ils écrivent ce qu'ils veulent bien écrire. L'information ne pourra pas venir du fichier central parce qu'avec l'amendement que je viens de déposer il va y avoir une pénalité contre les assureurs qui voudraient utiliser ou transmettre cette information. Donc, nous croyons que l'abus sera enrayé de ce côté-là.

Maintenant, si l'information vient de l'assuré lui-même, vous savez, la qualité de l'information sera plutôt aléatoire dans certains

cas.

Mme Guillot-Lemelin: Je pense que ce qui importe, c'est justement de comprendre l'importance d'un contrôle très sévère. Il ne s'agit pas de dire cela aujourd'hui et qu'on arrive avec des problèmes comme ceux-là dans trois ou quatre ans, ou même dès que ce sera en application.

M. Fortier: D'accord.

Le Président (M. Lemieux): Merci. J'aurais une question pour l'Inspecteur général des institutions financières, M. le ministre. Je reviens à l'exemple que je vous ai donné tout à l'heure, que vous avez à l'esprit: Est-ce que vraiment la tarification est établie par les assureurs selon la responsabilité, même si l'on a, au Québec, un régime de responsabilité quant aux dommages matériels? Je vous ai donné un exemple tout à l'heure qui me semble assez frappant et un peu incompréhensible sur le plan logique.

M. Bouchard (Jean-Marie): Oui. Le régime - et les assureurs vont l'expliquer cet après-midi dans leurs termes - qui prévaut dans le domaine des dommages matériels est essentiellement basé sur la responsabilité, comme c'était le cas autrefois. Ce qui est modifié, c'est que le droit de l'assuré s'exerce dorénavant contre son assureur et non pas contre la partie adverse.

Deuxièmement, pour faciliter les règlements, pour abaisser les coûts, les assureurs ont établi, en conformité de ta loi - et c'était une obligation de la loi - un système d'indemnisation directe, c'est-à-dire une grille qui reflète l'expérience de la jurisprudence et de la détermination des droits et qui représente à peu près au-delà de 95 % des cas d'accidents. Elle prévoit, dans ces cas-là, une responsabilité nulle, une responsabilité de 50 % ou une responsabilité de 100 %.

Sur la base des renseignements fournis par les assureurs, ceux-ci classifient les assurés, ce qui Implique que les assurés doivent dévoiler adéquatement à leurs assureurs les renseignements requis pour leur permettre de les classifier au bon endroit et adéquatement, parce qu'en assurance il y a un coût pour chaque risque. Or, il y a une disposition dans la Loi sur les assurances qui est communément ignorée, qui est l'article 7 des dispositions particulières de la Loi sur les assurances, faisant obligation à tous les assurés de dévoiler à leur assureur tout accident dans lequel ils sont impliqués. Les assurés ne le font pas, d'une part, pour ne pas avoir à subir des augmentations de prime et, d'autre part, pour ne pas voir leur dossier modifié. Donc, l'assureur - je reviendrai à votre question subséquemment, vous allez voir que c'est lié - qui n'a pas ces renseignements de son assuré... Cela fait en sorte que nous avons dans la province de Québec 90 % des assurés qui sont dans la catégorie "cinq ans sans accident*. Je dénonce cette situation...

Le Président (M. Lemieux): Cinq ans sans accident? C'est énorme.

M. Bouchard (Jean-Marie): Cinq ans sans accident. 90 % des assurés de la province de Québec sont dans la classe 5.

M. Fortier: Mais cela ne correspond pas à la réalité.

M. Bouchard (Jean-Marie): Ce qui fait que Je dis tout le temps: Je ne comprends pas que la Régie paie des indemnités parce que, pour ma part, je n'ai pas d'accident.

Forts de cela et parce que les renseignements ne sont pas colligés, les assureurs, par concurrence, ont établi un système de rabais qui se greffe sur la tarification de base. Ainsi, moi, individu donné, si, pour mon risque propre, mon automobile, l'endroit où je travaille, le travail que j'exerce, tous les critères de tarification...

M. Fortier: La profession que j'exerce.

M. Bouchard (Jean-Marie):... la profession, j'ai normalement une prime à payer, je suppose, de 250 $, l'assureur dit: Très bien, si vous êtes dans la catégorie trois ans, quatre ans, cinq ans sans accident, vous êtes un très bon assuré pour moi parce que je n'ai aucuns frais à encourir pour vous, sauf pour l'émission de la police. Donc, je vous accorde un rabais qui peut varier entre 10 %, 15 %, 20 % ou 30 %, mais moyennant quoi à la minute où vous me faites une réclamation, avec ou sans responsabilité, ça n'a pas d'Importance, vous perdez votre rabais, c'est-à-dire que vous revenez dans la machine, et là on va vous classifier selon ce que vous êtes véritablement.

L'exemple de l'individu qui se fait frapper sur la rue Cartier, c'est ce cas. J'ai constamment des appels de ce genre et j'explique le système à tous les ans dans mon rapport sur la tarification, en vain, depuis cinq ans.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. l'inspecteur général des institutions financières. Vous avez une question, M. le député de Lévis?

M. Garon: On voit les conséquences, au fond. Qu'est-ce qui arrive si on regarde cela concrètement? Dans beaucoup de cas, les gens qui ont des accidents mineurs préfèrent ne pas faire de réclamation, de part et d'autre, parce qu'ils craignent que la compagnie dise: Responsabilité 50-50. À ce moment-là, les primes des deux vont augmenter. Alors ils préfèrent assumer eux-mêmes les dommages mineurs. Évidemment, s'il s'agit de gros dommages, c'est une autre affaire Mais pour les dommages mineurs, plutôt que d'aller devant la compagnie, parce que si la compagnie dans la difficulté... La responsabilité, ce n'est pas nécessairement 100 % pour un et

0 % pour l'autre, ça peut être 60-40, 50-50. Une voix: 0-57. M. Garon: Pardon?

Le Président (M. Lemieux): 0-57, si je comprends bien.

M. Fortier: C'est ça.

M. Garon: 0-50, ça peut être 50-50.

M. Fortier: C'est sûr que, si c'est une "minoune* qui frappe une Rolls-Royce, le propriétaire de la "minoune" ne déclarera pas l'accident, mais le gars de la Rolls-Royce va déclarer l'accident.

Le Président (M. Lemieux): Évidemment.

M. Dufour: Si c'est un libéral qui se fait frapper. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Je ne suis pas certain, maintenant, que ce soit un libéral. Je ne suis plus certain de ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: II y a des conséquences importantes à ça, au fond. Maintenant, si on regarde l'article 116 de la loi, ce n'est pas du tout la même chose. Ce qu'on dit ici, c'est quelqu'un qui n'est pas content dans sa réclamation à l'assureur... C'est ça, essentiellement, l'article 116. À l'article 116 de la Loi sur l'assurance automobile, on dit: "Le recours du propriétaire en raison du dommage subi par son automobile ne peut être exercé que contre l'assureur avec lequel il a contracté l'assurance. " Il ne peut pas aller contre la personne qui l'a frappé, il faut qu'il déclare l'accident et, s'il n'est pas content de l'évaluation de la compagnie qui l'a assuré, il doit aller contre son assureur devant le comité d'arbitrage.

M. Fortier: Non, je crois que ce n'est pas ça. J'aimerais que l'inspecteur l'explique. J'aimerais qu'on rétablisse les faits parce que l'individu qui a un accident peut s'en prendre à sa compagnie d'assurances. Disons que la responsabilité est établie à 50-50. Vous avez une police d'assurances, j'en ai une, ils disent: 50-50. L'autre conducteur se contente de son 50 % et ne dit pas un mot. Moi, je ne suis pas content de l'établissement de 50 % et je m'en prends à mon assureur.

M. Garon: Oui.

M. Fortier: Mon assureur pourrait bien établir, qu'une fois que j'ai plaidé, que ça tombe à zéro, mais ça n'a aucun impact sur l'autre assureur et sur l'autre individu. Ce ne sont pas des vases communicants.

M. Garon: Non, entre assureurs.

M. Fortier: L'inspecteur me disait que, dans certains cas, finalement, ce qui est payé, ça peut être 150 %. Autrement dit, le fait que vous contestiez votre responsabilité à 50 % n'a aucun Impact sur l'autre compagnie d'assurances qui, elle, l'avait établie à 0 %, à 50 % ou à 100 %. Tout simplement, l'arbitrage dont vous pariez, ce n'est pas un arbitrage qui a un impact direct sur l'assuré, c'est tout simplement un arbitrage pour les compagnies d'assurances entre elles.

M. Garon: Je comprends, mais dans le système que vous voulez mettre sur pied, il va y en avoir un.

M. Bouchard (Jean-Marie): Non, il n'y a rien de changé.

M. Garon: Bien, voyons! Cela veut dire que la compagnie va pouvoir établir son... Cela va être encore pire.

M. Bouchard (Jean-Marie): C'est exactement le même système, sauf que les compagnies...

M. Fortier: On va terminer là-dessus. M. Garon: Ce sera encore pire.

M. Bouchard (Jean-Marie): Non, ce ne sera pas pire, sauf que les compagnies seront en mesure de faire le travail qu'elles ne pouvaient pas faire depuis 1978 parce qu'elles n'avaient pas les renseignements.

Le Président (M. Lemieux): Parce qu'elles n'ont pas de dossiers. C'est ça.

M. Bouchard (Jean-Marie): Elles n'ont pas de dossiers sur les individus. Donc, ça ne changera pas le fait, sauf que maintenant, dans mon cas, même si moi je ne voulais pas déclarer à mon assureur un accident, l'autre partie va donner le renseignement à l'assureur, de telle sorte que mon assureur va pouvoir consulter le fichier et il va savoir que je ne lui ai pas donné le renseignement.

M. Garon: Les gens vont avoir le même intérêt à ne pas déclarer un accident.

M. Fortier: II y en a un des deux qui va le déclarer.

M. Garon: Non, parce que les gens, quand ils ne le déclarent pas, ils ne sont pas fous, 8s savent que la responsabilité est difficile à déterminer et, plutôt que de prendre le risque d'avoir une responsabilité dans leur dossier, ils préfèrent ne pas le déclarer ni l'un ni l'autre.

Quand deux personnes ne le déclarent pas, c'est parce qu'elles craignent toutes les deux d'être déclarées responsables.

Le Président (M. Lemieux): Cela va être rare.

M. Fortier: En général, M. le député de Lévis, quand j'ai eu des accidents, je ne me suis pas concerté avec l'autre partie. Je fais mon affaire et l'autre fait son affaire. Vous avez peut-être raison, dans certains cas, les deux vont faire ça, mais, dans la majorité des cas, iI y a au moins un des assurés qui va le déclarer, ce qui veut dire que le dossier de l'autre va également être déclaré.

Le Président (M. Lemieux): Je suis malheureusement obligé de suspendre nos travaux, puisque nous devons nous rendre en Chambre pour un vote. Nous reprendrons nos travaux à 15 heures pour entendre le Club automobile de Québec.

Je tiens à vous remercier, Mme Guillot-Lemelin, Mme Nadeau et Me Beauchamp, membres de l'Association des consommateurs du Québec, pour le dépôt de votre mémoire et pour votre intervention. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 46)

(Reprise à15 h 9)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux relativement aux consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 133, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile.

Il est 15 h 9 et nous devons maintenant entendre le Club automobile du Québec. Je demanderais à ses représentants de bien vouloir se rendre à la place des témoins. S'il vous plaît, est-ce que le porte-parole de l'organisme pourrait s'Identifier et identifier les membres qui raccompagnent?

Club automobile du Québec

M. Desrosiers (Raymond): Je suis Raymond Desrosiers, président du CAA-Québec; à ma gauche, M. Jean-Claude Dufresne, vice-président exécutif de CAA-Québec, Mme Paula Landry, directrice du service de protection du consommateur; à ma droite, notre directeur général, M. Robert Darbelnet et, à mon extrême droite, M. Richard Bélanger, directeur général adjoint, service technique.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Les règles de procédure concernant cette consultation particulière sont les suivantes. Vous aurez 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire, 40 minutes pour discuter avec les parlementaires, dont 20 minutes pour le groupe parlementaire formant le gouvernement et 20 minutes pour le groupe parlementaire formant l'Opposition. La parole est a vous.

M. Desrosiers: Je vous remercie. M. le Président, M. le ministre, messieurs, d'abord, permettez-moi de vous remercier au nom du CAA-Québec de votre invitation à nous présenter ici pour vous faire part de différents commentaires à l'égard du sujet qui nous intéresse.

Le CAA-Québec, organisme sans but lucratif regroupant tout près de 500 000 membres au Québec, a. tout au long de son histoire, défendu les intérêts de ses adhérents...

Le Président (M. Lemieux): Je pense que le texte, M. le secrétaire, va être distribué à l'instant même. C'est ça. S'il vous plaît, pour-riez-vous attendre une fraction de seconde, afin que je permette le dépôt et la distribution du texte?

M. Desrosiers: Certainement. M. Fortier: Allez-y.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lafontaine, ça va? Cela va. Vous pouvez continuer.

M. Desrosiers: CAA-Québec a, tout au long de son histoire, défendu les intérêts de ses adhérents et, ce faisant, les Intérêts du public en général. Sécurité routière, assistance en cas d'urgence sur la route, protection du consommateur-automobiliste, protection de l'environnement, tourisme, services financiers, voilà quelques-unes des sphères où le Club se veut présent et à l'écoute de ses membres. Nous offrons actuellement plus de 25 services conçus pour l'automobiliste et le voyageur-automobiliste.

Défendre les Intérêts de nos membres, c'est aussi analyser et s'impliquer le plus activement possible dans toutes les décisions qui ont des répercussions sur leur quotidien. Or, comme nos membres sont aussi des consommateurs de produits d'assurance, le dépôt du projet de loi 133 représente pour CAA-Québec une autre occasion de faire entendre publiquement le point de vue de ceux qu'il regroupe. Nous sommes, en général, optimistes face à ce projet de loi qui devrait contribuer à faire respecter le principe de la responsabilité dans la tarification en assurance automobile privée. Nous accordons toutefois un Intérêt particulier aux recommandations qui suivent, compte tenu du contexte actuel de la pratique de l'assurance automobile.

Notre première recommandation: attribution de la responsabilité. Déjà, depuis la présentation du projet de loi, on a pu entendre certains

commentaires remettant en question l'attribution des responsabilités telle qu'effectuée par les assureurs. Cette attribution, laquelle doit être faite en toute conformité avec le barème de responsabilité établi par le Groupement des assureurs automobiles, conformément à l'article 173 de la Loi sur l'assurance automobile, prend d'autant plus d'importance que cette décision devrait faire hausser la prime de l'automobiliste jugé fautif. En plus de bien s'entourer de toutes les informations pertinentes pour établir correctement les faits en fonction du barème, il s'avérera impératif que les assureurs fassent preuve d'un même sens de l'équité dans tous les autres cas non prévus dans le barème et qui sont alors traités selon les règles du droit commun.

De même, nous ne sommes pas convaincus que tous les assureurs appliquent de la même façon le principe d'exclusion de certaines circonstances dont ne tient pas compte le barème dans son application. En effet, si certains font immédiatement la juste part des choses, d'autres pourraient avoir tendance à voir si l'assuré saura trouver les mécanismes de recours prévus, s'en prévaudra et se verra donner raison par un tribunal. Enfin, chaque assuré possède un recours qu'il peut exercer s'il juge injuste la décision rendue par son assureur. Cependant, ces mécanismes de recours sont, à notre avis, trop peu connus du public. :

Les assureurs se trouvant, aux yeux du public, à fa fois juge et partie, le CAA-Québec recommande que l'inspecteur général continue d'exercer avec attention son rôle de surveillance des pratiques des assureurs avec tous les moyens dont il dispose. Il s'avère aussi important que l'inspecteur veille à ce que les assurés sachent, non seulement qu'il leur est possible de contester si l'attribution unilatérale de la responsabilité leur paraît Injuste, mais aussi comment s'exercent ces recours. !

Quant à la deuxième recommandation que nous voulions présenter et qui est comprise dans le document qui vous a été remis, nous constatons que vous avez apporté un amendement au présent projet de loi qui répond justement, à ce que nous soulevions. Alors, je ne lirai pas cette deuxième recommandation. Je passe à la troisième.

La troisième recommandation: connaissance de l'assuré de son niveau de classement. À l'heure actuelle, la conséquence du règlement de plusieurs sinistres d'automobilistes tenus non responsables est que des assurés voient leur prime augmentée. Ceux-ci s'expliquent mal que leur prime d'assurance augmente à la suite d'un accident pour lequel aucune responsabilité n'a été retenue à leur endroit. En fait, c'est plutôt le bénéfice d'un rabais de non-sinistre qu'ils ont plutôt perdu. Nous comprenons que les assureurs aient pu décider d'utiliser la politique du rabais afin de bonifier l'absence de réclamation, mais, à notre avis, ce système de rabais souffre d'une mauvaise compréhension auprès du public en général, lequel manque d'ailleurs d'information au sujet du dossier de conduite que lui attribue son assureur. Dans le but de permettre à l'assuré de suivre les variations enregistrées dans son dossier de conduite, nous pensons qu'il serait souhaitable qu'il puisse y trouver une mention à ce sujet à même son contrat d'assurance. En conséquence, le CAA-Québec recommande à l'inspecteur général de faire en sorte que toute police d'assurance automobile nouvelle ou renouvelée comporte une description du niveau de classement attribué par l'assureur à l'assuré en fonction de son dossier de conduite. Ce sont là les deux aspects que nous tenions à vous présenter. Nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre.

M. Fortier: Merci de votre présentation. Puisque votre club est un club extrêmement important, peut-être que, dans un premier temps, ma première question serait de vous demander si votre club est affilié à d'autres clubs semblables en Amérique? J'imagine que oui. Mais vos membres sont membres du club de Québec. Combien en avez-vous au Québec?

M. Desrosiers: CAA-Québec, dans un premier temps, compte tout près de 500 000 membres. Nous faisons partie de la Fédération canadienne du CAA qui regroupe environ 17 clubs au Canada. CAA-Québec, au moment où on se parle, est un des clubs majeurs au Québec. Nous sommes parmi les clubs les plus importants du Canada. De plus, CAA-Québec, comme la Fédération canadienne, est affilié à d'autres fédérations d'automobilistes, comme American Automobile Association, par exemple, qui regroupe des clubs automobiles partout aux États-Unis. La Fédération canadienne compte tout près de 3 000 000 de membres automobilistes et, en tout et partout quand on compte le Canada et les États-Unis, on totalise 30 000 000 de membres. Les organisations CAA ou AAA regroupent, à toutes fins utiles, 30 000 000 de membres.

M. Fortier: Est-ce qu'il est juste d'affirmer que, si vous avez 500 000 membres au Québec, vous représentez à peu près 25 % des conducteurs? C'est à peu près ça?

M. Desrosiers: Environ.

M. Fortier: C'est environ 25 % des conducteurs. C'est donc important comme représentation. Bien sûr, en ce qui concerne la première recommandation, vous dites que, les assureurs se trouvant aux yeux du public à la fois juge et partie, le CAA recommande que l'inspecteur continue d'exercer son rôle de surveillance. Il a bien l'intention de le faire. Il s'avère aussi important que l'inspecteur veille à ce que les assurés sachent, donc qu'ils soient informés...

Comme vous le savez peut-être, ce matin, l'Association des consommateurs du Québec nous a fait une recommandation similaire et nous sommes tout à fait d'accord avec le fait qu'il doit y avoir une information, lorsqu'il y a un accident, d'une part, de leur classification, du degré de leur responsabilité dans l'accident et surtout leur faire part, à ce moment-là, de leur recours. Étant donné votre expérience et le nombre de conducteurs que vous représentez, la loi est assez claire. Il y a un recours. C'est un recours judiciaire. Tout à l'heure, nous allons entendre le Groupement des assureurs et je pense qu'il va nous dire que, dans les faits, depuis 1978, il y a très peu de gens qui ont exercé leur recours, d'une part, peut-être, parce qu'ils ne le savaient pas et, d'autre part, peut-être parce que ça n'en valait pas la peine.

La question que je veux vous poser est la suivante. même s'ils étaient informés, parce que vous recommandez qu'ils soient informés des recours... Disons qu'il y a un accident et qu'on informe quelqu'un que sa responsabilité est à 50 %. Même s'il y a eu discussion par l'entremise du courtier avec la compagnie d'assurances et qu'a y a mésentente, à ce moment-là, le recours est de prendre un avocat et de contester. Avez-vous des opinions là-dessus? Avez-vous examiné cet aspect de la question? Croyez-vous que le recours judiciaire serait trop lourd? Comme de raison, si c'est moins de 1000 $, la personne pourra aller aux petites créances. Mais un accident de moins de 1000 $, de nos jours, on ne peut pas dire que c'est beaucoup. L'autre jour, avec ma voiture, j'ai brisé un tout petit morceau, c'est-à-dire un miroir ayant la particularité de pouvoir être chauffé et contrôlé à distance et quand j'ai vu la facture, ça m'a fort surpris. Je ne dirai pas le montant, c'était autour de 650 $. Cela veut donc dire que ça ne prend pas un sinistre majeur pour dépasser 1000 $. Mais il est vrai qu'en deçà de 1000 $ on peut aller devant les petites créances. Ma question, c'est: Avez-vous examiné cette question? En pratique, est-ce que le recours judiciaire est une procédure relativement facile?

M. Desrosiers: Sur cet aspect, j'aimerais demander à Mme Landry de vous répondre. Elle est beaucoup plus au fait de cette étude.

Mme Landry (Paula): M. le Président, je répondrai à cette question avec l'expérience que nous avons des demandes de nos membres qui, à leur avis, ont un problème avec l'attribution de la responsabilité dans les cas de litige avec leur assureur. En fait, ce qu'on pense qu'il se produit le plus souvent, c'est surtout avec la franchise. Les gens ont l'assurance qui leur convient, l'assurance-collision, par exemple, en vertu de laquelle, s'ils sont responsables, on va les indemniser pour leurs dommages, sauf qu'on va retenir une franchise. Comme une franchise se situe entre 300 $ et 500 $, selon ce qu'on a choisi d'acheter, le plus souvent on va indiquer à ces gens que c'est auprès de la Cour des petites créances qu'ils peuvent tenter de récupérer ce montant s) un juge reconnaît qu'effectivement ils n'ont pas la responsabilité que l'assureur leur attribuait.

Il existe aussi un autre recours qui est le comité d'arbitrage, je crois, du Groupement des assureurs automobies. C'est un recours qui, à notre avis, n'est absolument pas connu, c'est vrai. Par exemple, dans le cas d'un accident qu'un assuré subirait et pour lequel il n'aurait pas la couverture collision, si son véhicule est une perte totale et que l'assureur estime qu'il est responsable à 100 % de son accident, il n'a aucune indemnisation. Donc, si son véhicule vaut 4000 $ ou 5000 $, il ne peut pas aller à la Cour des petites créances. Peut-être peut-il prendre un avocat. Mais peut-être, aussi, peut-il soumettre son cas au conseil d'arbitrage du Groupement des assureurs automobiles. On a vraiment peu d'information là-dessus. Comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, il n'y a pas encore tellement de gens qui y pensent. Quand le fichier des sinistres pourra servir aux fins auxquelles il est destiné, on devra probablement porter à la connaissance des gens le fait que ce comité existe. Mais on n'a pas fait d'étude comme telle, à savoir s'il est préférable que les gens engagent un avocat. En fait, ce serait les petites créances ou le conseil d'arbitrage.

M. Fortier: Vous avez fait allusion au fait que, quand on achète une police d'assurance, il y a la partie a, qui est la partie responsabilité et qui est obligatoire...

Mme Landry: C'est ça.

M. Fortier:... et la partie b, qui est optionnelle. Si quelqu'un ne prend pas la partie b, soit l'assurance-collision, la partie b, iI n'a que l'assurance-responsabilité. À ce moment-là, s'il a un accident, il n'est payé que dans la mesure où il n'est pas responsable. S'il n'est pas responsable, la compagnie va payer. Par ailleurs, s'il a pris la peine de prendre la partie b...

Mme Landry: La protection de b.

M. Fortier:... l'assurance-collision, iI sera payé quand même, mais s'il était responsable, la franchise ou le montant déductible...

Mme Landry: Serait retenue.

M. Fortier:... de 250 $ va s'appliquer. J'Imagine que s'il n'était pas responsable, il serait payé entièrement. Comme de raison, le recours aux petites créances est quand même un recours facile. Mais on s'entend pour dire que peu de gens étalent au courant du fait qu'ils avaient un recours et qu'ils se contentaient

d'accepter le chèque qu'on leur envoyait ou de ne pas contester le règlement qui leur était fait. C'est pour ça que j'essayais de savoir quel est le pourcentage ou le nombre de cas où il y avait des montants inférieurs à 1000 $.

L'inspecteur me disait qu'il avait obtenu une information. Je la donne sous toute réserve. On dit: 40 % des indemnités payées sont inférieures à 1000 $. C'est donc dire que dans 40 % des cas, semble-t-il - sous réserve de vérification; on pourra demander au groupement tout à l'heure - les gens qui ne sont pas satisfaits pourraient aller aux petites créances et contester. Mais je ne crois pas que cela a été fait sur une grande échelle, parce que les gens se disent probablement: Mon Dieu, ça ne vaut pas la peine! On m'a enlevé 200 $, 250 $ sur le paiement qu'on me doit, j'accepte le règlement. Mais il est vrai, comme le disait le député de Lévis, que, dorénavant, même si pour une personne le montant n'est pas important, le dossier va indiquer qu'elle a accepté la responsabilité et c'est là que ça pourrait avoir une conséquence plus importante.

Sur la deuxième recommandation, comme vous l'avez dit, je pense qu'on a apporté un amendement qui va satisfaire la Commission d'accès à l'information.

Sur la troisième recommandation, la connaissance, encore là, je pense bien que ce serait important que l'assuré soit au courant de son dossier et que, soit par le biais d'une modification législative ou d'un amendement à la police d'assurance approuvé par l'inspecteur, on puisse clairement indiquer qu'il y a divulgation dans les deux cas, recommandation 1 et recommandation 3: information de l'assuré et divulgation du dossier. Je pense bien qu'on n'a aucune difficulté à accepter cette recommandation.

Oui, allez-y, Mme Landry.

Mme Landry: En fait, la mention qu'on suggérait, qu'on pourrait retrouver à même le contrat d'assurance, c'est le fait que... Quand un assureur fixe une prime d'assurance, une tarification, nous, en tant qu'assurés, on nous attribue un certain dossier de conduite selon le risque qu'on représente. Alors, nous, c'est surtout à ce chapitre... C'est que ce dossier-là, c'est sûr que, d'un assureur à l'autre, les politiques peuvent changer. Aussi, si on passe d'un assureur à l'autre au fil des ans, c'est-à-dire qu'on reste trois ans chez un assureur et qu'on en change ensuite, le dossier de conduite que cet assureur particulier va nous attribuer peut être différent de l'un à l'autre, avec des termes ou des chiffres différents. Par exemple, selon notre expérience, un assureur peut peut-être nous attribuer un dossier 6 alors que chez un autre assureur - il y a peut-être maintenant un dossier 7 - on me reconnaît sept ans sans accident. Alors, le terme pourrait être différent: entre 2, 5, 2, 6 et 2, 7. C'est surtout à ce sujet: la classification que nous attribue l'assureur lui-même devrait se retrouver sur le contrat d'assurance qu'il veut nous faire signer.

M. Fortier: Cela ne peut pas être la classe 7, parce que la classe 7 n'existe pas.

Mme Landry: Non, ce n'est pas encore ça. M. Fortier: Ha, ha, ha!

Mme Landry: Mais je pense, de toute façon, que dans votre projet de loi vous avez prévu qu'on va compiler dans la banque de données des données qui seront ramassées pendant dix ans. Cela peut sembler un terme peut-être assez long, et on prévoyait qu'il était possible qu'au fil des ans certains assureurs reconnaissent même un nombre d'années supérieur pendant lequel on n'aurait pas eu d'accident, ce qui permettrait d'établir différents types de prime.

M. Fortier: Merci. Je vais passer la parole à mes collègues qui voudraient peut-être poser des questions. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Cela va, M. le ministre? M. le député de Lévis.

M. Garon: Madame, messieurs les représentants du Club automobile du Québec, concernant la dernière recommandation où vous dites: "Recommande à l'inspecteur général de faire en sorte que toute police d'assurance automobile nouvelle ou renouvelée comporte une description du niveau de classement attribué par l'assureur à l'assuré en fonction de son dossier de conduite", estimez-vous, à ce moment-là, que toutes les règles d'évaluation devraient être uniformes? Si on dit qu'il y aura une description du niveau de classement attribué par l'assureur à l'assuré en fonction de son dossier de conduite, pour que ça puisse vouloir dire quelque chose, il faudrait que les normes d'évaluation soient les mêmes pour tout le monde en fonction des dossiers. Autrement, quelqu'un pourrait dire: Tel type d'accident ou tel incident survenu classe ou déclasse quelqu'un dans une proportion différente d'une compagnie à l'autre. Alors, ça ne serait pas vraiment comparable. Voulez-vous dire que l'Inspecteur général devrait administrer un certain nombre de normes ou fixer des normes qui seraient les mêmes pour toutes les compagnies. Autrement, ce ne serait pas comparable; chacun aurait un système de normes par compagnie. (15 h 30)

M. Desrosiers: Mme Landry.

Mme Landry: Je ne pense pas qu'il soit obligatoire que les normes soient absolument identiques pour tous les assureurs automobiles au Québec, pour autant que l'assuré, lui...

Le Président (M. Lemieux): Si vous voulez

bien vous approcher de votre micro, pour qu'on vous entende mieux

Mme Landry: Oui. Je ne pense pas qu'il serait nécessaire que tous les assureurs aient des normes absolument identiques, pour autant que l'assuré les connaisse bien et que ça lui soit expliqué au moment où il choisit de faire affaire avec un assureur précis. Lorsqu'il signe son contrat, s'il peut voir sur ce contrat exactement où on le situe, si on apporte des modifications à son classement lors d'un renouvellement de prime éventuel, l'assuré sera tout de suite en mesure de voir qu'il y a eu modification à son dossier. On ne pense pas que ce soit nécessaire que les normes soient identiques pour tous les assureurs.

M. Garon: Alors vous voulez dire qu'il y aurait autant de dossiers qu'il y a de compagnies. Il n'y aura pas nécessairement un dossier d'automobiliste, il pourrait y avoir autant de dossiers que...

Mme Landry: Vous voulez dire pour l'assureur de façon à répartir...

M. Garon: Pour l'assuré.

Mme Landry:... les assurés en différents dossiers de conduite?

M. Garon: Non. Si quelqu'un, par exemple, s'est assuré avec une compagnie une année, une autre compagnie une année et qu'il y a des renseignements qui sont accessibles - parce qu'actuellement on ne sait pas comment ça va être accessible - chaque compagnie pourrait faire l'évaluation de l'automobiliste. Vous voulez dire qu'à ce moment-là l'évaluation pourrait être différente d'une compagnie à l'autre.

M. Fortier: Les frais seraient les mêmes, mais le classement pourrait différer.

Le Président (M. Lemieux): Madame, est-ce que c'est exact?

Mme Landry: Pardon? Voulez-vous répéter?

M. Garon: Dans votre esprit, est-ce qu'il s'agit d'un classement par assureur, qui peut varier d'un assureur à l'autre, ou si le classement pourrait être comparable, devrait être le même? Serait-ce un système de classement uniforme ou plutôt un classement par compagnie?

Mme Landry: Chaque compagnie va devoir, d'abord, vérifier au fichier ce qu'il y a exactement dans le dossier de l'assuré. C'est sûr que ça va aider à déterminer exactement quel niveau de risque représente cet assuré en fonction des accidents dont il a été tenu responsable. Par la suite, à l'intérieur de ça, je pense que chaque compagnie d'assurances peut très bien établir, comment dire, différentes catégories de dossiers de conduite. Certaines peuvent diviser leurs assurés en quatre, cinq, six ou sept dossiers de conduite différents. Disons que c'est ce qui se fait à l'heure actuelle. Peut-être que quand le fichier deviendra opérationnel on aura de plus en plus tendance à retrouver le même genre de classification d'un assureur à l'autre. Je l'ignore. Peut-être que l'Inspecteur général pourrait vous en dire plus long à ce sujet. Je ne pense pas que tous les assureurs doivent obligatoirement avoir des normes identiques de classement de leurs assurés, pour autant qu'à la base on soit allé vérifier s'ils ont été tenus responsables ou non d'accident et, si tel est le cas, qu'on en tienne compte pour bien établir la prime.

M. Garon: Vous avez dit des accidents, dont le conducteur aurait été responsable. Mais les assureurs tiennent compte aussi des accidents dont la personne n'a pas été responsable.

Mme Landry: À l'heure actuelle, oui, puisque, même si on n'est pas responsable d'un accident, il y a bien des chances que la prime augmente quand même. C'est pour résoudre ce problème que ce projet de loi a été présenté. Le fichier des sinistres, en principe, va régler ce problème. C'est sûr qu'il va toujours y avoir des gens non responsables d'accidents, ou on va peut-être constater, chez un même assuré, trois ou quatre accidents en deux ans dont 8s n'auront pas été responsables. C'est possible. J'ignore comment, à ce moment-là, les assureurs vont faire pour travailler avec ça, mais c'est sûr que ce qu'on veut, c'est que ce soient les gens responsables des accidents qu'ils ont causés qui paient pour les augmentations de primes, et que les gens qui ne sont pas responsables ne voient pas leur prime augmenter à la suite de réclamations.

M. Garon: Voulez-vous dire qu'il devrait être interdit aux assureurs de considérer que quelqu'un qui a eu tant d'accidents pour lesquels il n'a pas de responsabilité représente quand même un mauvais risque? On a souvent dit dans le passé que quelqu'un qui n'est pas responsable, mais qui a eu tant d'accidents, c'est parce qu'il n'utilise pas assez la prévention, il n'est pas assez défensif. Il se met dans des situations où des accidents surviennent, alors que d'autres les préviennent. Il n'est pas coupable, il n'est pas responsable, mais on dit qu'il ne les évite pas assez. Comment va-ton être capable de déterminer la façon dont les assureurs évaluent le dossier d'une personne si, en plus d'une évaluation différente, les critères sont différents, ou qu'encore on considère comme des risques à assumer des comportements, des Incidents ou des accidents dans lesquels a été impliqué quelqu'un malgré lui?

M. Darbelnet (Robert): Je pense que c'est clair qu'il faut laisser aux assureurs une certaine latitude quant à l'établissement des normes de tarification qu'ils veulent utiliser. Notre préoccupation est davantage une Information plus complète à l'intention de l'assuré. Je ne crois pas qu'on aurait raison d'imposer à l'ensemble des assureurs une même approche, une même tarification, une même structure de classification de risque. Si on peut faire en sorte que les assurés comprennent bien quelle est la classification que leur assureur a choisie pour eux, et si l'assuré peut voir évoluer cette classification, lors du renouvellement de sa police d'assurance, en présumant que, dans plusieurs cas, il ne change pas d'assureur, il sera déjà, par le fait même, mieux renseigné sur l'interprétation que son assureur fait de la situation. Je ne crois pas qu'à ce stade-ci ce soit dans l'intérêt de l'industrie ni des assurés d'imposer à tous les assureurs un système unique de classification, mais plutôt de faire en sorte que l'assuré soit bien renseigné sur la classification telle qu'elle est faite par son assureur.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de

Lévis.

M. Garon: Pas seulement renseigner, il va falloir qu'il puisse la contester.

M. Darbelnet: Aussi, et c'est un autre volet de notre dernière recommandation, la troisième, dont on discutait à l'instant, celle concernant la nécessité de bien renseigner l'assuré sur la classification.

Notre première recommandation est celle qui traite de la nécessité que l'assuré connaisse bien les mécanismes qui s'offrent à lui pour contester, s'il le juge à propos, sa classification, laquelle découle, en fait, de l'attribution d'une responsabilité. À cet égard, pour revenir à une question qui a été discutée plus tôt, II est exact que, pour plusieurs assurés qui bénéficient de la protection collision, le montant en cause, si une responsabilité leur est attribuée à tort, pour eux, va être le montant déductible ou une partie du montant déductible. Mais, à moyen terme, comme vous l'avez souligné, je crois, quand viendra le renouvellement de la police d'assurance, le montant en cause risque d'être pas mal plus élevé, parce qu'ils vont changer de catégorie de risque et, conséquemment, leur prime va augmenter. Vous avez une petite réclamation ou une partie d'une réclamation qui vous est refusée, on vous tient à 50 % responsable d'un accident important, mais ça ne vous touche, au moment du règlement, que pour la moitié du montant déductible, peut-être 150 $. Cela vous paraît peu, mais dans six mois, à l'échéance de votre police, quand elle sera renouvelée, votre assureur va vous considérer comme responsable de cet accident et il va vous pénaliser. Si vous bénéficiez en ce moment d'un dossier impeccable ou presque, et que vous le perdez par le fait de cet accident, laconséquence financière de la non-contestation de cette décision de votre assureur à l'époque peut représenter plusieurs centaines de dollars additionnelles d'augmentation de la prime.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Votre temps de parole est écoulé, M. le député de Lévis.

Mme Landry, j'aimerais résumer un peu. Cela me fatigue un petit peu ce que vous avez dit. Si je comprends bien...

M. Garon: Est-ce que c'est sur le temps du ministre?

Le Président (M. Lemieux): Je parle sur le temps du parti ministériel, M. le député de Lévis, votre temps étant terminé.

M. Garon: Je comprends, mais...

Le Président (M. Lemieux): C'est l'alternance, M. le député de Lévis.

M. Fortier: C'est l'alternance, mais il est au milieu, lui.

Le Président (M. Lemieux): Je suis au milieu, alors j'essaie de...

M. Garon: II parle sur le temps de qui?

Le Président (M. Lemieux): Je ne renonce pas à mon droit du parole du fait que j'assume la présidence, M. le député de Lévis.

Mme Landry, ça me fatigue un petit peu et je voudrais bien comprendre. Il me semble que M. Darbelnet a corroboré ce que vous avez dit. À partir de mon dossier de conducteur à moi, pour des faits identiques, êtes-vous en train de nous dire que je pourrais avoir une classification différente, eu égard à certaines compagnies? Et si, effectivement, j'ai une classification différente, eu égard à certaines compagnies, c'est donc dire que ma prime pourrait varier. Est-ce que c'est ça que vous êtes en train de me dire?

Mme Landry: Votre prime pourrait varier si, par exemple, vous délaissez votre compagnie actuelle pour en choisir une autre lors de votre renouvellement.

Le Président (M. Lemieux): Ce serait ma responsabilité d'aller faire un peu de magasinage parmi les compagnies. J'aimerais entendre, peut-être, l'inspecteur général des institutions financières sur ce sujet.

M. Bouchard (Jean-Marie): C'est difficile de répondre. En général, sans connaître les faits, c'est sûr que la prime peut varier mais dans le système qui existe au Québec toutes les compa-

gnies d'assurances respectent les quatre variables d'un système de classification qui sont: le territoire, la classe du conducteur, le dossier de conduite et l'automobile que vous avez. La même Chevrolet ou la même Honda, que ce soit un modèle 1987 ou 1988, la compagnie d'assurances, quelle qu'elle soit, va en tenir compte.

Dans la question des territoires, la province de Québec est divisée en 20 zones, comme vous le savez. Certaines compagnies vont les diviser, surtout dans la région de Montréal, en plus que dix sous-zones, ce qui est la règle générale respectée par les compagnies d'assurances. Mais, pour répondre à la question du président, c'est que, de façon générale, les compagnies d'assurances ont toutes le même système de classification. Les quatre variables de base sont les mêmes. On ne change pas. Par exemple, dans le dossier de la classe du conducteur, on va tenir compte de l'état matrimonial, de l'âge et du sexe. Dans le dossier de conduite, il y a des variables également. Que vous soyez un an, deux ans, trois ans sans accident, les compagnies d'assurances, dans la mesure où elles le savent, vont tarifer en fonction du dossier qui a été dévoilé. Mais il peut arriver et cela arrive que certaines compagnies ont ce qu'on appelle le pardon facile. Une compagnie d'assurances va pardonner un accident. Elle peut aller jusqu'à pardonner deux accidents lorsque les montants ne sont pas exagérés pour conserver sa clientèle parce qu'il faut bien se rendre compte...

M. Fortier: II y a de la compétition.

M. Bouchard (Jean-Marie):... qu'il y a 150 compagnies d'assurances qui font des affaires dans la province de Québec. Il y a beaucoup trop de compagnies pour les risques que nous avons au Québec. Il y a une surcapitalisation du marché, ce qui explique la politique de rabais qui existe pour la concurrence.

Lorsque les prix varient d'une compagnie à l'autre, c'est que la nouvelle compagnie ne connaît pas exactement le dossier de l'ancien assureur de telle sorte qu'avec cette compagnie, lorsque vous déclarez que vous n'avez pas eu d'accident, vous tombez dans la classe cinq ans sans accident et vous n'avez pas la même prime que votre assureur qui vous connaît et qui sait qu'il vous a payé deux ou trois réclamations, selon le dossier de conduite, évidemment.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez des commentaires, Mme Landry?

Mme Landry: II est possible que mon assureur m'ait pardonné facilement un accident que je viens d'avoir, mais l'autre assureur auprès de qui j'irais magasiner mon prochain contrat d'assurance, même si je lui disais que j'ai eu un accident, lui ne me le pardonnerait pas. À ce moment, on ne m'Inscrirait pas dans la même classe, finalement.

M. Fortier: Les compagnies sont libres.

Le Président (M. Lemieux): J'espère que vous allez nous donner le nom de celui qui vous pardonne.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis.

M. Garon: Dans votre esprit, si le projet de loi est adopté, étant donné qu'on va avoir un dossier par individu, l'historique de la personne, considérez-vous qu'on devrait continuer à discriminer, à ce moment, en fonction du sexe et de l'âge? On fonctionne avec des moyennes. On va dire, par exemple, qu'une femme a moins d'accidents qu'un homme, une personne plus âgée moins qu'un plus jeune, etc. Mais, par ailleurs, si on fournit à la compagnie d'assurances dans un dossier l'historique de cette personne, est-ce que la personne, à ce moment, doit subir en même temps tous les avatars qui sont consécutifs à l'appartenance à un sexe ou à une state d'âge alors que la compagnie ne peut plus invoquer ça, ayant l'historique parfait de cette personne qui n'est peut-être pas représentative de son sexe ou de son âge? (15 h 45)

M. Desrosiers: Dans l'étude que nous avons faite au Club, nous n'avons pas considéré cet aspect comme tel. À ce sujet, par contre, il faut se rappeler qu'en assurance - je ne suis pas un expert en assurance générale mais il reste quand même qu'en assurance il y a des principes de base qui sont classiques - on travaille sur des populations. Si je comprends bien M. le député, un jeune homme ou une jeune fille qui n'a jamais eu d'accident et qui conduit depuis x années, peut se retrouver dans une certaine catégorie, à cause de son âge, qui le pénalise. À ce moment-là, ça veut dire que, si J'étais dans une compagnie d'assurance générale celui qui fait la tarification et si j'oubliais les catégories d'âge et que je commençais à traiter cas par cas, je me retrouverais avec des problèmes parce que, chez les jeunes - je le sais, mes enfants conduisent depuis six à sept ans et n'ont jamais eu d'accident, je touche du bois, mais...

M. Fortier: Vous êtes chanceux! Ha, ha, ha!

M. Desrosiers: C'est pour ça que je touche du bois. Il reste quand même qu'ils paient la catégorie de leur âge et je le comprends, parce qu'autrement on se retrouverait avec un éventail - je ne sais pas à quel âge Ils commencent à conduire aujourd'hui, si c'est 16 ou 17 ans - de 16 à 77 ans, des hommes, des femmes, et tout ça. Une chatte ne retrouverait plus ses chats. Cela deviendrait certainement une difficulté administrative qui, je pense, n'est pas envisagea-

ble. ll faut toujours se rappeler qu'en assurance c'est le principe de la population et, en assurance générale, on marche par tranche de la population. En assurance-vie, on marche par tranches de population aux âges donnés, mais pour une population d'âge, 20 ans, 21 ans, 22 ans. En assurance générale, on fait des catégories d'âge de 18 à 25 ans, marié ou non. Il reste quand même que l'expérience appliquée à des populations déterminées démontre, semble-t-il, que pour une personne célibataire de 24 ans ou une personne de 24 ans, mariée, le risque n'est pas le même. Les statistiques démontrent qu'effectivement il y a une différence. Heureusement qu'à l'intérieur de ces catégories, il y en a qui sont de bons risques. Cela permet à l'ensemble de la catégorie de conserver une prime plus acceptable parce qu'autrement vous vous retrouveriez, à l'intérieur d'une catégorie avec des mauvais risques et les primes ne seraient plus abordables.

M. Garon: Vous êtes en train de m'expliquer, de nous faire la démonstration qu'un bon conducteur n'aura pas de prime moins forte, mais que seulement les mauvais conducteurs auront une prime plus forte. Tous les avantages sont du côté de la compagnie. C'est ça que vous m'expliquez? C'est justement ce dont je me doutais...

M. Fortier: Une combinaison des deux.

M. Desrosiers: C'est-à-dire que... C'est ça, oui.

M. Garon: Au fond, on va marcher sur la moyenne. Après ça, ceux qui ont des accidents seront mis au-dessus de la moyenne.

M. Desrosiers: C'est-à-dire qu'à l'intérieur d'une même catégorie, et je pense que c'est ce qui se passe dans le moment - M. l'inspecteur général le sait sûrement mieux que moi - vous avez une bonne classification et, selon l'expérience que vous avez développée, vous avez une prime qui se détériore avec les mauvaises expériences de risque. Vous pouvez avoir des jeunes qui vont payer 700 $ pour assurer leur voiture, et un autre jeune qui, lui, a développé un mauvais dossier, paiera 2000 $. Il reste quand même qu'à l'intérieur de la catégorie il y a déjà une reconnaissance pour le bon conducteur et une reconnaissance pour le moins bon ou le mauvais conducteur. Cela se fait déjà.

M. Garon: Comment?

M. Desrosiers: Les jeunes d'une catégorie donnée - on parie des jeunes - les gens d'une catégorie donnée ont démontré qu'ils avaient un risque de telle portée. C'est pour ça que les primes tiennent compte de cette portée.

M. Garon: Mais comment? Si on me met dans une catégorie de risques à tel niveau, je pale la moyenne de ce niveau-là. Ensuite, par rapport à mon dossier personnel, j'ai des surprimes. Je ne vois pas de quelle façon je suis avantagé d'être un bon conducteur. Je ne suis pas pénalisé, mais je ne suis pas avantagé.

M. Desrosiers: Vous êtes avantagé si vous bénéficiez de la meilleure classe de votre catégorie.

M. Fortier: M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le ministre.

M. Fortier: Je pense que cette discussion est très intéressante parce qu'en définitive, ce que vous essayez de nous expliquer, c'est que ce sera probablement une combinaison des deux. Les compagnies d'assurances, pour des fins... C'est basé sur la statistique; elles prendront donc en considération les catégories, les classes. Je voyais dans l'information qu'on m'a fait parvenir à la suite de la conférence de presse du Groupement, et probablement qu'ils vont nous en parier tout à l'heure, qu'ils tiennent compte des régions. C'est sûr que la même personne avec la même voiture qui est dans un endroit où, par définition, il y a moins d'accidents, comme en région, si elle déménage à Montréal, sa prime augmentera automatiquement.

Donc, c'est une combinaison des deux. Comme l'inspecteur vient de le dire, il y a 150 compagnies d'assurances et il se fait une compétition féroce. Comme de raison, si on veut chercher des garanties absolues - on va demander au Groupement tout à l'heure - on n'aura pas des garanties absolues que celui qui est bon conducteur ou qui a des accidents desquels il n'est pas responsable, cela sera pris en considération par la compagnie d'assurances d'automobile. Sans ça, on va s'en aller dans un système comme celui de l'Ontario. J'aimerais que vous fassiez des commentaires étant donné que vous participez à des travaux, j'imagine que vous êtes associés à des fédérations d'autres provinces, vous devez suivre un peu ce qui se fait en Ontario. Et j'en parie d'autant plus librement, que ceux qui nous ont dotés du système que nous avons dans le moment, ce n'est pas notre gouvernement, c'est le gouvernement du Parti québécois. Mais je pense qu'on peut dire que le système que nous avons au Québec est un des meilleurs. Quand on compare à ce qu'ils ont en Ontario dans le moment, c'est complètement farfelu.

Je pense que c'est important, M. le député de Lévis, parce que si on s'en va dans une direction où on va imposer aux compagnies quoi faire dans tous les cas comme en Ontario, ils sont rendus qu'ils disent... Dans le moment, c'est

rendu de la folie pure en Ontario, ils ne savent pas dans quelle direction s'en aller. Là, c'est rendu qu'ils disent aux compagnies: Cette année, vous ne pouvez pas augmenter de plus de 16, 5 %. Ils ne savent plus comment s'en sortir. Ils disaient au début: Vous ne pouvez pas faire de discrimination. Les personnes âgées ont contesté, elles ont dit: Cela n'a pas de sacré bon sens, on va être pénalisées parce qu'avant on avait des escomptes. En définitive, je crois que les amendements qu'on propose ici. c'est plutôt du "fine tuning" d'un système qui, d'une façon générale, donne assez satisfaction à l'ensemble de la population. Est-ce que vous avez des commentaires à faire là-dessus par rapport à la situation de l'Ontario, par rapport au contribuable ou à l'assuré?

Le Président (M. Lemieux): Mme Landry ou M. Desrosiers.

Une voix: Est-ce que quelqu'un parmi nous autres...

M. Desrosier»: Avez-vous étudié la situation de l'Ontario?

Le Président (M. Lemieux): Mme Landry?

Mme Landry: Je vous avouerais qu'on n'a pas étudié de très près la situation de l'Ontario, mais effectivement je ne pense pas qu'on soit à la veille d'en arriver au même point. Je ne pense pas non plus que l'Inspecteur général ait un rôle d'ingérence administrative au sein même de la gestion des compagnies d'assurances automobile. En fait, nous, ce qu'on tenait à exprimer, c'est qu'on est satisfaits de voir qu'au moins le gouvernement fait en sorte qu'on donne un outil de travail aux assureurs, à ces compagnies-là, pour leur permettre, justement d'exercer une meilleure tarification. C'est d'un outil de travail qu'on avait besoin d'abord et avant tout, et non pas, je pense, d'entrer dans un système où, en fait, les assureurs n'ont plus grand-chose à faire ou à décider, comme ce qui se passe en Ontario présentement. Alors, c'est surtout à ce niveau-là, donc c'était la question du fichier qui était importante. Il va rester à savoir maintenant, parce que je pense qu'il y a encore beaucoup de détails à mettre au point pour que ce fichier puisse être opérationnel, ce sera dans la gestion des détails qu'on va voir de quelle façon cela fonctionnera. Cela ne va pas encore fonctionner, même si cela commence à être opérationnel à partir du mois de janvier, c'est-à-dire que c'est à partir de janvier, probablement, qu'on va entrer les données dont les assureurs auront besoin dans leur fichier. Cela va quand même prendre un certain nombre d'années, peut-être quelque deux ou trois ans avant que les assureurs soient vraiment en mesure de bien l'utiliser. On va voir, à ce moment-là, comment les choses vont aller, finalement.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme Landry. Cela va. Nous vous remercions d'être venus ici en commission parlementaire. J'aimerais peut-être ajouter un petit commentaire. M. le député de Lévis, vice-président de la commission, est heureux d'avoir le siège social des Caisses Desjardins dans son comté. Je crois maintenant que le siège social du nouveau Club automobile sera dans Lebourgneuf. Est-ce exact?

M. Desrosiers: Comté de Vanier.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. Vous avez rétabli l'équilibre. Merci.

Nous allons suspendre maintenant environ une minute pour permettre au Bureau d'assurance du Canada et au Groupement des assureurs automobiles de prendre place à la table des témoins.

(Suspension à 15 h 55)

(Reprise à 15 h 58)

Le Président (M. Lemieux): A l'ordre. s'il vous plait!

Je demanderais aux gens du Bureau d'assurance du Canada ' et au Groupement des assureurs automobiles de bien vouloir prendre place à la table des témoins. Que le responsable du groupe ou des groupes s'identifie et identifie, s'il vous plaît, les gens qui l'accompagnent.

M. Brouillette (Yves): M. le Président, M. le ministre Fortier, M. l'inspecteur général, MM. les membres de la commission, mon nom est Yves Brouillette. Je suis président du Groupement des assureurs automobiles. À ma droite, M. Raymond Medza qui est directeur générai pour le Québec du Bureau d'assurance du Canada et aussi directeur générai du Groupement des assureurs automobiles; à ma gauche, M. Daniel Demers, qui est président du comité de la statistique pour le Groupement des assureurs automobiles et qui est aussi vice-président assurance des particuliers, pour la Laurentienne générale; à ma gauche, Hélène Gagné qui est conseiller principal pour le Bureau d'assurance du Canada.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. La procédure sera la suivante. Exceptionnellement, vous aurez 40 minutes pour faire votre exposé. Suivra une période de questions de 80 minutes où il y aura 40 minutes pour le groupe parlementaire et 40 minutes pour l'Opposition officielle. La parole est maintenant à vous pour l'exposé de votre mémoire.

GAA et BAC

M. Brouillette (Yves): Merci beaucoup. Le Groupement des assureurs automobiles (GAA) est un organisme qui regroupe tous les assureurs

autorisés à pratiquer l'assurance automobile au Québec. Le GAA est responsable du mécanisme qui permet l'accessibilité à l'assurance automobile pour tous les Québécois. Le GAA a aussi établi une convention d'indemnisation directe pour les victimes d'accidents d'automobiles, un constat amiable pour déclarer les accidents et a mis sur pied un réseau de centres pour l'estimation des dommages. Enfin, le GÀA agit comme Agence statistique pour le compte de l'Inspecteur général des institutions financières en matière d'assurance automobile.

Le Bureau d'assurance du Canada, que nous représentons aussi, est une association dont fait partie la presque totalité des compagnies pratiquant au Québec l'assurance IARD, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Le rôle du Bureau d'assurance du Canada est de faciliter les échanges entre les compagnies membres et de maintenir un contact direct entre l'industrie des assurances IARD, les consommateurs et les pouvoirs publics. Le BAC a à Montréal un centre d'information qui répond aux questions des assurés de l'ensemble du Québec.

Le Groupement et le Bureau d'assurance du Canada remercient les membres de la commission du budget et de l'administration de leur permettre de commenter le projet de loi 133 qui modifie la Loi sur l'assurance automobile. Ce projet autorise l'Inspecteur général à établir un fichier central. Nous croyons donc approprié, en raison de l'importance de ce dossier, de venir expliquer aux membres de la commission, premièrement, pourquoi les assureurs ont recommandé l'établissement d'un tel fichier; deuxièmement, comment l'Agence statistique entend s'acquitter du mandat que devrait lui confier l'Inspecteur général des institutions financières. Afin de répondre à ces deux questions, nous proposons premièrement, de faire un bref rappel du fonctionnement du régime avant 1978; deuxièmement, d'expliquer le régime d'après 1978; troisièmement, d'informer les membres de la commission sur les constatations des assureurs depuis 1981 et, finalement, d'expliquer le fonctionnement du fichier des sinistres que nous prévoyons établir.

Quelques mots concernant le régime d'assurance automobile avant 1978. Avant le 1er mars, au moment de l'adoption de la loi 67, les sinistres automobiles étaient réglés en vertu du principe de la responsabilité civile. L'assureur devait payer pour les dommages causés aux tiers. Ainsi, la personne impliquée dans un accident devait traiter avec l'assureur de l'autre automobiliste en plus de son propre assureur. Comme il nous apparaît particulièrement important d'expliquer les différences qui existent entre l'ancien régime d'assurance automobile et le régime actuel, on a même prévu ici un tableau et je vais demander à M. Medza de vous donner la procédure qui se déroulait dans le cas d'un accident sous l'ancien régime.

M. Fortier: Vous parlez toujours de dom- mages matériels?

M. Brouillette (Yves): Toujours de dommages matériels. M. Medza.

M. Medza (Raymond): M. le Président, vous remarquerez dans le premier graphique que nous avons remis le fonctionnement de...

Le Président (M. Lemieux): C'est pour informer les parlementaires qu'ils ont une photocopie de ces tableaux.

M. Medza: Cela va. Nous avons remis une copie à chacun montrant comment on procédait avant 1978. On va prendre, d'abord, le cas de la personne qui était non responsable de l'accident. Alors, voici un cas qui est fréquent: la voiture A est emboutie par la voiture B. Dans ces cas-là, la pratique normale voulait que la personne écrive, d'abord, à la partie présumément responsable; deuxièmement, qu'elle informe son assureur qui, lui, faisait enquête. On va poursuivre. Si cette personne était assurée pour les dommages à son propre véhicule, c'est-à-dire l'assurance-collision - on disait, à l'époque, être assuré sur les deux bords - si elle était assurée pour la responsabilité, les dommages à son propre véhicule, l'assureur faisait évaluer les dommages, il autorisait les réparations et il indemnisait son assuré contractuellement, c'est-à-dire moins la franchise que cette personne-là devait avoir, et il prenait subrogation contre l'assureur de la partie responsable. Il offrait aussi très souvent à l'assuré de se joindre à lui pour aller récupérer aussi la somme de déductible ou de franchise qu'il avait dû supporter. C'est dans le cas d'un assuré avant 1978, qui avait de l'assurance des deux bords, comme je l'expliquais avant.

Maintenant, s'il n'avait pas d'assurance-collision, s'il était assuré strictement pour les dommages aux tiers, pour les dommages causés à d'autres, dès qu'il avait procédé aux premières étapes de mettre l'autre en demeure, d'informer son assureur et de procéder à l'enquête, il attendait afin d'être indemnisé non pas par son assureur, mais par l'assureur de l'autre partie, c'est-à-dire de la partie responsable. C'est ce qui a entraîné une quantité de délais.

Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui? Pour la partie non responsable, aujourd'hui, l'assuré fait la déclaration d'accident à l'aide du constat amiable. Déjà là, on vient de gagner du temps. C'est plus rapide. L'assureur enquête Immédiatement. S'il est assuré pour collision, l'assureur enverra son assuré immédiatement au centre pour obtenir l'évaluation des dommages. Une fois l'enquête terminée, l'assureur va rembourser la franchise et va transférer le paiement de la collision et de l'assurance-responsabilité. Voyez-vous, le paiement se fait immédiatement. On ne pose pas de questions et c'est l'assureur qui traite de tout.

L'assureur indemnise donc son assuré moins

la franchise seulement dans les cas où l'assuré est responsable. Dans le cas de non-collision, il indemnise son assuré et une fois l'enquête terminée, il procède à l'indemnisation. Cela vous donne ce qui se passait pour l'assuré non responsable.

Pour l'assuré responsable, avant 1978, il recevait l'avis de l'autre partie, celle qui, présumément, n'était pas responsable de l'accident, la victime. Il transmettait cette Information à son assureur qui devait traiter en son nom avec la personne innocente. L'assureur faisait l'enquête. Il allait voir son assureur et il disait: Je suis assuré en collision. C'est parfait. Évaluons les dommages, autorisons les réparations, je vous Indemnise moins la franchise et, comme vous êtes responsable, je vais rembourser la partie qui ne l'est pas. S'il n'était pas assuré en collision, l'assuré, malheureusement, devait supporter ses propres dommages parce qu'il était déclaré responsable. Avec la venue de la convention d'indemnisation directe, depuis 1978, la partie responsable fait son rapport à son assureur, à l'aide du constat, l'assureur complète son enquête. Si elle est assurée pour collision, l'assureur l'envoie au centre d'estimation. Il fait le paiement moins la franchise et, dès qu'il a terminé l'enquête, il applique la franchise parce que, je regrette, vous êtes responsable de l'accident. S'il n'est pas assuré pour collision, il lui dit: Les dommages de votre véhicule sont à votre charge, vous êtes responsable de l'accident. On voit donc, dans les deux cas aujourd'hui, que l'assuré transige directement avec son assureur et qu'il est informé presque immédiatement de sa responsabilité ou non dans un accident. L'assuré sait alors s'il est, oui ou non, responsable de l'accident.

M. Brouillette (Yves): Merci, M. Medza. Essentiellement, ces changements au régime d'assurances qui sont survenus en 1978, en ce qui concerne les dommages matériels, proviennent de l'article 116. En fait, l'article 116 prévoit que le recours du propriétaire en raison du dommage subi par son automobile ne peut être exercé que contre l'assureur avec lequel il a contracté l'assurance visée dans l'article 84. C'est l'essentiel de l'article 116. Cela fait en sorte que l'assuré doit s'adresser à son propre assureur. Cette façon de procéder, tel qu'on l'a mentionné, est plus rapide et moins coûteuse que celle qui existait avant la loi 67.

De plus, le propriétaire peut, s'il n'est pas satisfait du règlement qui est effectué en vertu de la convention, exercer un recours contre son assureur suivant les règles du droit commun. Enfin, il peut toujours revenir contre son propre assureur en vertu des règles du droit commun et prouver qu'il n'est pas responsable de l'accident s'il n'est pas d'accord avec l'application de la convention.

Toutefois, il y a très peu de contestations parce que la convention d'indemnisation directe a été créée en se basant sur l'expérience des assureurs, le Code de la sécurité routière et la jurisprudence. En fait, nous avons modifié la convention à sept reprises afin de la rendre conforme soit à la jurisprudence, soit au Code de la sécurité routière.

On va parler maintenant de la subrogation. La Loi sur l'assurance-automoblle de 1978 prévoyait que les assureurs devaient indemniser leurs propres assurés. Elle permettait aux assureurs de maintenir ou de renoncer à la subrogation entre eux. Pourquoi avoir choisi d'y renoncer? Trois raisons principales: premièrement, éviter les lourdeurs administratives; deuxièmement, contrôler les coûts des sinistres; troisièmement, favoriser une tarification plus équitable. Ce sont les trois raisons pour lesquelles l'ensemble des membres du Groupement des assureurs automobiles a décidé, en 1978, de ne pas maintenir la subrogation entre les assureurs.

Avant de vous donner plus de détails sur ces trois raisons, j'aimerais vous présenter mon collègue, M. Jean Bouchard, qui vient de se joindre à nous. M. Bouchard est président du comité BAC Québec et aussi président et chef de la direction de La Laurentlenne générale.

La première raison pour laquelle on a choisi de ne pas maintenir le droit de subrogation, c'est pour éviter les lourdeurs administratives. Il faut comprendre que l'indemnisation de son propre assuré implique pour l'assureur qu'il y aurait subrogation dans pratiquement tous les cas où on Indemnise un de nos assurés qui est non responsable. Contrairement à ce qui se passait auparavant où une bonne partie des sinistres étaient réglés directement par le tiers, avec la venue de l'indemnisation directe, il y aurait eu subrogation dans la grande majorité des dossiers. Il aurait donc fallu maintenir un bordereau pour chacun des quelque 180 assureurs et traiter de chaque cas pour se rendre compte, finalement, qu'il y aurait autant de dossiers où il aurait fallu rembourser que de dossiers où on aurait pu récupérer. En effet, dans tous les accidents où il y a deux automobiles, II y a un responsable et un non-responsable, ou encore un partage de la responsabilité. Ce serait donc là un exercice Inutile, lourd et coûteux. Donc, une première raison pour enlever la subrogation est de réduire les frais de fonctionnement.

De plus, une utilisation aussi générale du droit de subrogation aurait eu des conséquences négatives au plan du contrôle du coût des sinistres. En effet, la majorité des sommes versées par un assureur lui aurait été remboursée par les autres compagnies. Il n'y aurait donc eu pratiquement aucune incitation à contrôler les coûts des sinistres.

Si on avait eu l'indemnisation directe, qui est prévue à l'article 116 de la loi comme on l'a vu tantôt, avec le droit de subrogation, cela veut dire que la majorité des sinistres que, moi comme assureur, j'aurais payée, m'aurait été remboursée par mes concurrents. Je n'aurais eu

aucune incitation à contrôler les coûts des sinistres, puisque c'est l'argent des concurrents que j'aurais dépensé. Alors que, dans le système qu'on a aujourd'hui, sans subrogation, je supporte les coûts des sinistres que je paie moi-même. Il y a une incitation pour chacun des assureurs à améliorer les contrôles en ce qui concerne le règlement des sinistres. C'est la deuxième raison.

Enfin, l'élimination de la subrogation a permis à l'assureur de tarifer toutes les garanties en fonction de la valeur et de la "dommageabilité" du véhicule qu'il assure. Ce changement a permis de réduire sensiblement les primes pour les modèles moins récents et a, par conséquent, favorisé l'acceptation de l'assurance obligatoire. On peut le mentionner ici: L'assurance obligatoire, qui a été imposée aussi par la loi 67, a été un succès au Québec. Le pourcentage de non-assurés est plus faible au Québec que dans pratiquement toutes les autres juridictions en Amérique du Nord. Il y a même des endroits où l'assurance est obligatoire depuis beaucoup plus longtemps et où le pourcentage de non-assurés est plus élevé qu'ici. (16 h 15)

L'une des raisons, non la seule, pour lesquelles on a eu un tel succès, c'est que les primes ici sont toujours en fonction de la valeur et de la "dommageabilité" des voitures. Cela signifie que le bonhomme qui est propriétaire d'une voiture de dix ans ou de quinze ans - il y en a sur les routes - va payer une prime de beaucoup inférieure à celle de celui qui est propriétaire d'une voiture neuve, voyez-vous, parce qu'il pale pour le risque de dommages physiques qu'il représente. Si on avait maintenu la subrogation dans la prime de tout automobiliste, il y aurait le risque moyen: en fait, tout automobiliste a une probabilité d'aller emboutir n'importe quelle voiture qui circule sur la route. Alors, si on avait maintenu la subrogation, les primes auraient été sensiblement plus élevées pour les propriétaires de vieilles voitures et cela aurait été, en conséquence, beaucoup plus difficile d'appliquer l'assurance obligatoire. Si on exige aujourd'hui du propriétaire d'une voiture de 1976, disons, 150 $ pour assurer sa voiture et si on devait lui en exiger 400 $ alors que sa voiture vaut 500 $ ou 1000 $, il y aurait beaucoup plus de difficultés à appliquer l'assurance obligatoire dans ce cas-là. Donc, c'est l'un des avantages de l'élimination de la subrogation; ça a permis d'adapter les primes en fonction de la valeur et de la "dommageabilité" des véhicules et ça a favorisé l'implantation de l'assurance obligatoire au Québec.

Cela a aussi favorisé l'évolution de la tarification. Cela fait en sorte qu'aujourd'hui les primes sont beaucoup plus fonction des différentes catégories de voitures. On a pu constater qu'il y a certains modèles de voitures qui représentent des risques plus grands, non seulement à cause de leur valeur, mais à cause de la façon dont elles sont construites. Alors, avec l'indemnisation directe, sans subrogation, on a une prime modulée selon la valeur et selon la "dommageabilité" des véhicules. Alors, c'est un facteur très positif, parce que ça fait en sorte que les gens peuvent être conscients, lors de l'achat d'une voiture, du risque que représente cette voiture. Ce sont eux qui vont devoir en payer les conséquences alors que, si on maintenait la subrogation, dans une bonne mesure, ce risque, introduit par l'achat d'une voiture plutôt qu'une autre serait réparti sur l'ensemble des automobilistes.

Donc, c'étaient là les trois raisons pour lesquelles on avait choisi d'éliminer la subrogation, soit pour réduire les frais, permettre un meilleur contrôle des coûts et favoriser une tarification plus équitable. C'étaient les avantages. Il y avait cependant un Inconvénient ou un désavantage important. Avec l'avènement de la convention d'Indemnisation directe, nous avions prévu qu'il y aurait une hausse dans le pourcentage d'assurés responsables qui ne rapporteraient pas leur accident, surtout s'ils n'étaient pas assurés pour les dommages à leur automobile ou si les dommages étaient mineurs. Quelques mois après l'entrée en vigueur du nouveau régime, nous avons vérifié cette hypothèse. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons analysé 554 dossiers de sinistres pour lesquels l'assureur avait déclaré son assuré non responsable. Pour chacun de ceux-ci, nous sommes allés vérifier auprès de l'assureur de l'autre partie impliquée dans l'accident. Résultat: 302 accidents furent rapportés à la compagnie par les deux parties et 252 furent rapportés seulement par la partie non responsable. Dès lors, les assureurs ont conclu que le maintien d'une tarification au mérite pour les assurés exigerait la constitution d'un fichier obligatoire des sinistres.

La réforme de 1978 a, on le voit, entraîné de profonds changements dans la souscription et le règlement des sinistres. Notamment concernant les dossiers d'accident, l'information est devenue de moins en moins disponible, comme nous venons de l'expliquer et comme le tableau suivant le démontre. Depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime, on note qu'année après année une proportion de plus en plus grande des assurés se volt attribuer le meilleur dossier, c'est-à-dire un dossier sans accident avec responsabilité pour les cinq dernières années. Comme vous le voyez, on avait 58, 9 % de bons dossiers et on en a maintenant 88, 2 %. Alors, je pense que ça ne demande pas de commentaire supplémentaire. On voit que l'information est de moins en moins disponible et les statistiques qu'on voit là sont le résultat d'un manque d'information.

À la page suivante, on vous donne des statistiques plus détaillées qui montrent l'évolution du pourcentage dans les différents dossiers au cours des années.

Il est généralement admis que le dossier de

conduite est un Indice valable pour identifier la qualité d'un risque et que la détérioration de son importance dans la tarification est causée essentiellement par l'incapacité d'établir le dossier réel de chaque risque. Il nous apparaît important que le dossier de conduite redevienne un critère de tarification prépondérante et ce, pour deux raisons: premièrement, le concept de l'attribution de la faute au responsable d'un sinistre est généralement accepté et, deuxièmement, plus le poids relatif du dossier de conduite sur la tarification est grand, plus il peut agir comme incitatif à la prudence et à la prévention.

Si on veut utiliser le dossier de conduite efficacement, iI faut que chaque assureur soit. informé de la véritable expérience d'accident de chacun de ses assurés et qu'il puisse la vérifier. L'accès à cette information, pour les nouveaux contrats d'assurés, a présenté des difficultés bien avant 1978, présente des difficultés même dans les autres régions, les autres juridictions, même s'il n'y a pas d'indemnisation directe, et elle présente des difficultés pour les nouveaux assurés. Depuis le nouveau régime qu'on a au Québec, toutefois, le problème s'étend non seulement aux nouveaux assurés, mais aussi aux renouvellements pour nos assurés qu'on a déjà dans nos livres.

C'est pourquoi le Groupement des assureurs automobiles a proposé un mécanisme qui permettra à un assureur de connaître l'expérience de sinistres de chacun des conducteurs en faveur de qui il a émis un contrat d'assurance ou doit en émettre un et de vérifier si les déclarations faites à l'article 7 des déclarations du contrat d'assurance automobile sont exactes. Toutefois, le mécanisme ne peut fonctionner que si tous les assureurs rapportent au fichier tous les sinistres de tous les conducteurs impliqués. C'est pourquoi nous avons proposé de l'ajouter au Plan statistique automobile du Québec.

Voyons maintenant quelle serait la constitution du fichier des sinistres qui est proposé. Le numéro de permis de conduire a été retenu comme identificateur. Ce numéro est assigné à une personne lorsqu'elle obtient son permis de conduire et elle le conserve tant qu'elle le détient. Cette information est facile à obtenir et est donc déjà transmise aux assureurs. Le Code de la sécurité routière prévoit que les numéros de permis de conduire de toutes les parties impliquées dans un accident doivent être fournis lors d'un accident. L'assuré remet à l'assureur une copie du constat amiable ou du rapport de police lors de sa demande d'indemnité. Les coûts relatifs à la codification de cette Information ne seront donc pas prohibitifs. Il faudra une période de cinq ans avant d'obtenir une Information vraiment complète. Pendant cette période, toutefois, il y aura une augmentation rapide et progressive de la qualité des données. Il faut rappeler ici que tous les assureurs qui sont autorisés à pratiquer l'assurance automobile au Québec sont obligatoirement membres du GAA et doivent donc rapporter leurs données à l'Agence statistique.

L'accès au fichier des sinistres. Les personnes qui auront un accès à la banque de données seront les représentants autorisés de l'Inspecteur généra) ou d'autres organismes de l'État, les assureurs agréés et leurs représentants autorisés, ainsi que le personnel de contrôle du Groupement des assureurs automobiles et du BAC. Ces personnes pourront interroger la banque de données et obtenir l'information désirée par les moyens couramment en usage, soit, par exemple, un écran relié à la banque de données, un ruban envoyé au Groupement contenant une liste de numéros de permis de conduire. Afin d'assurer le meilleur contrôle possible des accès à la banque de données, aucune demande de renseignements par téléphone ne sera acceptée. L'interrogation se fera uniquement à partir du numéro de permis de conduire, cet Identificateur étant le seul à assurer une confidentialité complète. Toute personne pourra, sur demande écrite au groupement, obtenir les informations relatives à son expérience. Dans les cas où l'information contenue au fichier est erronée, sur dépôt de pièces justificatives, les corrections nécessaires seront apportées.

Le contrôle du fichier des sinistres s'exerce à trois niveaux: la collecte, le traitement et la consultation. Afin de garantir l'intégralité et l'intégrité du fichier, les données seront recueillies à même le Plan statistique automobile du Québec. Ainsi, toutes les données relatives à toutes les indemnités versées par les assureurs à un assuré québécois doivent être rapportées selon les directives de l'agence statistique qui s'assure que toutes les données sont rapportées et procède à des tests de validation tant au niveau de la qualité des données que de leur intégralité.

Les données accessibles aux assureurs dans le fichier des sinistres se limiteront aux suivantes: le numéro de permis de conduire, la date du sinistre, la nature du sinistre et la garantie affectée, le genre d'utilisation du véhicule, le code de véhicule et l'année du modèle, le montant des indemnités et le pourcentage de responsabilité. Les assureurs ne pourront interroger le fichier qu'à partir d'un numéro de permis de conduire. Ils auront donc ainsi un accès limité aux données ci-dessus.

Seule l'Agence statistique pourra accéder aux autres données pour les besoins de correction ou pour fins d'analyse statistique. L'agence enregistrera toutes les demandes de renseignements en exigeant les données suivantes: le numéro de l'assureur ou de son représentant interrogeant la banque, le numéro de police ou de renouvellement, le numéro de permis obtenu et la date de la consultation. Annuellement, l'Agence statistique déposera au conseil d'administration du Groupement un rapport sur l'utilisation du fichier faisant état des demandes faites, des raisons des demandes, du nombre de corrections et des résultats d'analyse particulière.

Voilà donc les grandes lignes du fonctionnement du fichier.

Pour conclure, avant de répondre à vos questions, la convention d'Indemnisation directe créée par la Loi sur l'assurance automobile de 1978 comporte plusieurs avantages importants au plan de la rapidité des règlements, du contrôle des coûts et de l'équité de la tarification. Elle comporte aussi un désavantage majeur, soit la plus grande difficulté à contrôler le dossier de sinistres des conducteurs. Afin d'améliorer le système de classification actuel, le Groupement a proposé rétablissement d'un fichier des sinistres. Ce fichier, constitué à même le Plan statistique automobile du Québec, permettra aux assureurs de connaître le dossier des sinistres des assurés. Cet accès à une information privilégiée et confidentielle sera sujet à des contrôles stricts. Il en résultera alors une plus grande équité pour les assurés, ce qui se reflétera dans tout le système de tarification des risques automobiles.

M. le Président, merci beaucoup de votre attention. Il nous fera plaisir de répondre aux questions que peut susciter notre mémoire ou à d'autres questions sur le projet de fichier des sinistres.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Fortier: Merci, M. Brouillette. Je salue, au passage, M. Bouchard, le président du BAC, qui nous arrive d'un peu plus loin. Je pense que la première question sur laquelle nous nous sommes interrogés ce matin et qui revient constamment dans nos conversations, c'est le point que vous souligniez à la page 10, alors que vous dites: "II est important que le dossier de conduite redevienne un critère de tarification prépondérant. " C'est votre texte, "prépondérant". (16 h 30)

En fait, on se rend bien compte que la constitution d'un fichier pourrait être une information utile. Mais l'inspecteur nous expliquait ce matin le fait que, présentement, les assureurs fonctionnent sur une base d'escompte, de rabais. Une compagnie d'assurances va dire: Si, pendant cinq ans, un détenteur de police d'assurance n'a pas fait rapport et n'a pas demandé aucune compensation, donc, il se voit accorder un rabais important. Si elle a un accident, la personne peut perdre son rabais.

Alors, on peut concevoir un cas où une personne n'a pas subi d'accident, pour lequel elle était responsable ou non responsable. Si un individu ne subit pas d'accident pendant cinq ans, la compagnie d'assurances va être très heureuse parce qu'elle va dire: Cet individu paie ses primes annuellement, mais ne me réclame aucune indemnité et, donc, c'est le client parfait. C'est le client qui paie sa prime annuellement. C'est comme dans le cas de l'assurance-feu. Je paie mes primes depuis 30 ans et je n'ai jamais réclamé pour un feu. Alors, c'est le client parfait. C'est la même chose dans le domaine de l'assurance automobile. Dans ce domaine, le client parfait est celui qui pale sa prime, mais qui ne demande absolument rien. Dans ces cas, présentement, les compagnies d'assurances disent: Nous allons vous donner un rabais de 20 %. Alors, on peut prendre le cas d'une personne qui paierait normalement une prime de 250 $ à qui vous donnez un rabais de 20 %, donc elle paie 200 $. Là, si elle a un accident ou si elle fait une réclamation, même si elle n'est pas responsable, vous dites: Vous perdez votre rabais. Alors, elle remonte à 250 $.

Dans un cas comme ça, s! les rabais continuent à exister, dans quelle mesure le dossier de conduite va-t-il redevenir "un critère de tarification prépondérant", pour reprendre votre texte de la page 10? Est-ce que, dans un premier temps, s'il y a réclamation, ça va être le rabais qui va disparaître et c'est seulement après que le rabais sera disparu que le dossier de conduite va devenir un élément de tarification? Est-ce que ça va être un élément plutôt mineur? C'est la question fondamentale, je pense.

M. Brouillette (Yves): II y a plusieurs volets dans votre question. Je vais essayer d'y répondre et je vais demander à mes collègues de compléter sur un point ou sur l'autre parce que je pense que vous avez raison, c'est la question centrale qui est sous-jacente à tout ce dossier. Il faut peut-être apporter certaines précisions. Premièrement, la tarification et la classification des risques est une responsabilité qui relève de chacun des assureurs pris individuellement. Il n'y a pas un seul système de tarification uniforme pour l'ensemble des assureurs. Cela relève de la responsabilité de chacun des assureurs. Par conséquent, II existe des différences importantes entre les structures de tarification des différents membres du Groupement. Donc, on ne peut pas dire qu'automatiquement le fait d'avoir eu un sinistre entraîne une perte de rabais. Cela peut être vrai dans une société et ne pas être vrai dans l'autre société. Il y a une liberté au plan de la tarification qui existe présentement. Voilà.

Si on essaie de voir maintenant comment cette pratique des rabais qui sont accordés pour non-sinistre s'est développée, je pense qu'on peut y voir deux sources. La premiere source, c'est cette attente qu'il y a dans la population, de la part des gens qui n'ont pas eu de sinistre. Vous l'évoquiez vous-même. Vous disiez: Cela fait 30 ans que je n'ai pas eu de sinistre en assurance-habitation et, vous et moi, on connaît beaucoup de gens qui vont nous dire: C'est toujours les mêmes qui réclament, c'est toujours les mêmes qui ont des sinistres et ce sont les autres qui paient pour ces clients. Alors, il y a assurément une attente dans la population qui dit: Faites payer ceux qui ont davantage de sinistres et facturez moins cher ceux qui n'en ont pas. Je n'ai pas eu de sinistre depuis cinq ans, je n'ai pas eu de sinistre depuis dix ans. Comme client,

je demande, je m'attends à avoir une réduction ou un rabais sur ma prime. Alors, iI y a assurément une attente à ce niveau. C'est la première source, je crois, de ces rabais.

La deuxième source, c'est le fait qu'on a aujourd'hui des outils statistiques beaucoup plus raffinés que ce qui existait il y a dix ans ou quinze ans. Ces statistiques nous ont permis de mesurer de façon très précise que les clients qui ont subi, par exemple, deux sinistres et plus au cours des trois dernières années ont une fréquence de sinistres pour l'avenir sensiblement plus élevée que ceux qui n'ont subi aucun sinistre au cours de la même période. Dans un marché libre, dans un marché concurrentiel, il y a là une incitation très importante pour un assureur à ajuster sa tarification selon la catégorie de risques. Il faut bien comprendre que les rabais ne représentent en aucune façon un moyen de pénaliser qui que ce soit parce que celui qui a un contrat d'assurance, c'est entendu qu'il a le droit de réclamer. Cela fait partie de son droit que de présenter une réclamation. Il a convenu un contrat d'assurance. Donc, ce n'est pas une façon de pénaliser qui que ce soit. Mais les rabais qui sont accordés sont une façon, pour les assureurs, de reconnaître l'existence de risques différents, de reconnaître qu'un client qui n'a pas eu de sinistre depuis trois ans ou cinq ans, cela représente un meilleur risque que le client qui a eu trois réclamations ou trois sinistres au cours des dernières années. C'est une réalité au plan de la statistique qui a été traduite dans la tarification. Ce sont les deux raisons, je pense, qui expliquent l'apparition de ce phénomène de rabais.

Si on examine ce qui se passe un peu dans les autres juridictions, que ce soit en Amérique du Nord, que ce soit en Europe, il y a des systèmes, qu'on appelle en Europe bonus-malus et qui existent un peu partout, par lesquels les assureurs ont des primes qui fluctuent selon la fréquence des accidents qui sont survenus dans le passé. En fait, ce n'est rien de particulier au Québec, ce sont des systèmes qui existent dans la plupart des pays. Ce qui est particulier ici, c'est qu'on a dû donner plus d'Importance qu'on ne l'aurait fait autrement au facteur nombre d'accidents parce qu'on n'avait pas l'information sur le facteur nombre de sinistres responsables.

Comme on l'explique dans notre mémoire, à cause de la convention d'Indemnisation directe, dans bon nombre de cas, nous n'avons pas l'information lorsque notre client frappe une autre voiture ou est responsable du dommage à un autre véhicule. Cette information ne nous est pas fournie. C'est la raison pour laquelle les dossiers de conduite proprement dits se sont affaiblis dans la tarification alors que d'autres facteurs, dont le nombre de réclamations ou le nombre de sinistres subis ont pris plus d'importance. Ce que l'on dit, c'est que le fichier va permettre aux dossiers de conduite de prendre une plus grande place. C'est dans ce sens qu'on a employé l'expression "facteur ou critère prépondérant".

Cela ne signifie pas - c'est très important de le souligner ici - que toute la tarification va se faire uniquement en fonction du dossier de conduite parce que, si on regarde les discussions qui ont eu lieu dans différents États américains et au Canada, c'est souvent venu un peu comme une trouvaille de dire: On va faire un système bonus-malus et ça va remplacer tout le reste de la tarification. Je pense qu'il faut éviter cette solution facile. Il n'y a pas de moyen dans un système d'assurances de tarifer des risques individuels sur la base unique de leur propre expérience. La crédibilité qu'on peut accorder à un individu, la crédibilité qu'on peut accorder à son expérience, c'est établi scientifiquement, varie entre, 5 % et 10 %. On ne peut pas accorder à l'expérience d'un Individu sur une période, disons, de trois ans une crédibilité de plus que 5 % ou 10 %. Donc, il sera toujours impossible de tarifer un individu strictement sur la base de sa propre expérience. Il va toujours falloir, si on veut avoir une tarification précise, tenir compte d'autres facteurs, par exemple, la valeur de sa voiture, la "dommageabillté". L'utilisation de la voiture est un autre facteur qui va demeurer dans la tarification. L'âge de l'assuré, on l'espère, est un autre facteur qui demeurera dans la tarification aussi parce que ce sont des facteurs qui nous permettent de mesurer le risque.

Une grande corporation qui aurait une flotte de 1000 voitures, on peut mesurer son risque à partir de sa seule expérience. Mais un Individu qui a une, deux ou trois voitures, c'est impossible de mesurer son risque à partir de sa seule expérience. Il faut faire appel à d'autres facteurs pour établir sa prime, pour mesurer son risque. C'est dans ce sens qu'on parle de facteur prépondérant. Cela ne veut certainement pas dire que ce sera un facteur unique. Il y aura encore d'autres facteurs dans la tarification.

M. Fortier: Merci.

M. Brouillette (Yves): Je demanderais à mes collègues, si l'un ou l'autre veut ajouter...

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je voudrais remercier les gens du Bureau d'assurance du Canada et le Groupement des assureurs automobiles de venir nous rencontrer et d'avoir préparé des documents en prévision de cette commission parlementaire.

La question que je voudrais leur poser, c'est: Qu'est-ce qui empêcherait les assureurs de se constituer un fichier de renseignements ses conducteurs entre eux et de le gérer? Pourquoi l'intervention du gouvernement est-elle nécessaire? S'il y a des avantages, pourquoi les

assureurs n'ont-ils pas fait ce fichier-là entre eux, sans le gouvernement? On parle souvent de l'entreprise privée, M me semble que cela pourrait être une initiative de l'entreprise privée.

Le Président (M. Lemieux): M. Bouchard va répondre à cette question.

M. Bouchard (Jean): D'abord, M. le Président, je veux m'excuser pour le retard, quoique j'étais à Toronto cet avant-midi. Les avions ont fait ce qu'ils ont pu pour m'amener ici à temps. Malheureusement, cela ne l'a pas été tout à fait assez.

M. Garon: C'est ça, la privatisation!

M. Bouchard (Jean): Pour revenir à la question de M. Garon, l'industrie de l'assurance au Québec comme au Canada, vous le savez, est effectivement morcelée. Il y a un nombre considérable d'assureurs qui font partie de ce marché. Il y a eu des expériences qui ont été tentées dans d'autres provinces quant à la création de fichiers ou à l'accès à des fichiers. Ceci demande, en général, le consentement de chacun des assureurs. Jusqu'à maintenant, on a vécu certaines expériences, par exemple, en Ontario, où le Bureau d'assurance du Canada est l'Agence statistique officielle pour les différents gouvernements. D'ailleurs, ils ont un ensemble de données.

Dans plusieurs provinces, particulièrement en Ontario, jusqu'à maintenant du moins, le système d'assurance automobile qui existe est celui que nous avions ici antérieurement en 1978. Donc, les assureurs ont peut-être des données plus considérables que ce que nous possédons et ils ont essayé de faire des choses dans le sens d'avoir accès à ces données. Cela présente plusieurs inconvénients dont celui qu'il n'y a aucun organisme présentement, autre qu'un gouvernement, qui peut forcer les assureurs à rapporter, d'abord, et à accepter l'utilisation des données. Donc, pour avoir l'unanimité, c'est pratiquement impossible dans un domaine de marché libre comme celui qui existe présentement à cause des forces concurrentielles. Je pense que c'est la grande barrière que nous aurions à l'établissement d'un fichier sur une base volontaire. Théoriquement, ce serait possible, mais, en pratique, les forces du marché font qu'on ne peut pas avoir l'unanimité.

Ici, au Québec, on aurait peut-être pu essayer de le faire également sur une base volontaire, mais nous avons toujours refusé de le faire parce que nous croyons, comme c'est dit, d'ailleurs, dans notre mémoire, que l'utilité d'un tel fichier n'est réelle que si l'ensemble des données peut être là et si l'ensemble des assureurs peut y avoir accès. C'est pourquoi nous profitons d'une situation peut-être un peu prévilégiée avec l'existence du Groupement des assureurs automobiles auquel tous les assureurs sont obligés d'adhérer pour faire affaire ici au Québec, depuis la réforme de 1978. De ce fait, agissant comme Agence statistique officielle pour l'Inspecteur général, nous avons l'opportunité de créer ce fichier qui n'existe pas nécessairement dans d'autres provinces.

M. Garon: Cela n'existe pas ailleurs?

M. Bouchard (Jean): Non. Dans les provinces qui ont un marché de l'assurance automobile comme le nôtre, ça n'existe pas. Il y a des provinces où c'est entièrement étatisé, c'est totalement différent. C'est l'assurance d'État, tout simplement. (16 h 45)

M. Garon: Pensez-vous vraiment qu'un tel fichier fera diminuer les primes des bons conducteurs? Si je regarde les statistiques de la page 8, quand je lis les pages 8 et 9, j'ai le sentiment que vous trouvez qu'il y en a trop de bons. Vous aimeriez mieux qu'il y en ait moins. Pensez-vous vraiment que ça va faire diminuer les primes de ceux qui seront considérés comme de bons conducteurs ou si, dans le fond, vous ne vous dites pas: On en aura moins de bons, on en aura plus de moyens et plus de risques élevés, on pourra faire payer plus de surprimes pour les moins bons conducteurs, tout en n'ayant pas de meilleure prime pour les bons conducteurs?

M. Brouillette (Yves): Je pense qu'encore là II faut apporter certaines nuances. Quand on dit faire diminuer des primes, c'est en termes relatifs. Si le fichier est établi sur une période d'années, si ça prend trois ans ou cinq ans, comme on l'a mentionné, avant que le fichier soit complet, ça ne signifie pas que, dans cinq ans, la prime de celui qu'on peut qualifier de bon conducteur sera inférieure à la prime d'aujourd'hui. Il faut tenir compte de la hausse normale des coûts qui surviendra dans cette période. Ce qu'on dit, c'est qu'en termes relatifs ça fera diminuer la prime pour les bons conducteurs parce que, comme vous l'avez mentionné, iI y en aura moins qui se qualifieront pour la catégorie de bons conducteurs pour avoir une moyenne, disons, de 300 $, comme il y en aura moins qui seront à une prime Inférieure à la moyenne. Cela nous permettra d'avoir des écarts plus importants entre les différentes catégories qui peuvent exister aujourd'hui. En termes relatifs, je pense qu'on peut conclure qu'il y aura des primes plus faibles pour les bons conducteurs à l'avenir. C'est en termes relatifs, cela ne signifie pas que la prime, dans trois ou cinq ans, sera inférieure à celle d'aujourd'hui. Il faut bien comprendre cette notion.

M. Garon: Est-ce que ce sera mesurable? Comment?

M. Brouillette (Yves): Oui. Ce sera mesurable. En fait, la façon d'établir la tarification,

c'est d'établir le niveau général des prix. Si on procède à établir une tarification pour une compagnie d'assurances, il faut établir le niveau général des prix. L'assureur détermine qu'il a besoin, disons, de 350 $ ou de 400 $ de prime moyenne. C'est la première étape. Cela n'est pas changé. Supposons que le fichier est en place et qu'il est complet, cette première opération, qui consiste à déterminer ce qu'est la prime moyenne requise, elle n'est pas changée. On dira: Ça nous prenait 400 $, ça nous prend encore 400 $, sauf qu'on répartit la prime autrement.

Admettons qu'on aurait Juste deux catégories, pour vous faire un exemple simple, soit les bons conducteurs et les mauvais conducteurs. Supposons qu'on veut avoir une prime de 400 $ et qu'aujourd'hui on en a 90 bons et 10 mauvais. Pour faire une moyenne de 400 $, avec 90 et 10, il faudra demander quelque chose comme 480 $ ou 490 $ et 390 $. Cela fera une moyenne de 400 $. Si on en a 50 % dans la catégorie des bons - ce sont des chiffres hypothétiques, pour faire la même moyenne de 400 $, on pourrait facturer 350 $ et 450 $. Voyez-vous? Si on a 350 $ au lieu de 390 $ pour le bon conducteur, c'est là qu'il y a une réduction. Il faudrait peut-être vérifier l'arithmétique, mais je pense qu'on peut démontrer facilement que la prime moyenne ne serait pas affectée, mais, comme la répartition entre les catégories le sera, ça entraînera une réduction pour les meilleurs conducteurs.

M. Demers (Daniel): Autrement dit, il est vrai que les assureurs iront chercher de l'argent supplémentaire avec les assurés identifiés comme mauvais et qui, maintenant, se dissimulent parmi les 88 % de bons. C'est la concurrence qui existe et qui continuera présumément d'exister qui fera que les assureurs redonneront ces primes, qu'ils sont allés chercher auprès des mauvais assurés, des mauvais conducteurs, aux bons assurés pour se les attirer parce qu'on va savoir maintenant que ce sont vraiment de bons conducteurs, alors qu'actuellement les 88 %, c'est un mélange de bons et de mauvais conducteurs. L'argent va retourner aux bons conducteurs dans la mesure où iI va y avoir de la concurrence.

M. Garon: Je ne vois pas comment ça va retourner. Si on dit que c'est relatif, je vais m'en apercevoir si je n'ai pas d'accident et que je paie moins cher. Si je ne paie pas moins cher comme bon conducteur, en supposant que je suis un bon conducteur... Je ne parle pas à titre personnel, je donne l'exemple de quelqu'un qui est un bon conducteur.

M. Fortier: II est toujours en retard aux réunions, alors...

M. Garon: Je n'accroche pas mon miroir. Le ministre s'est acheté un miroir à 650 $, un miroir chauffant.

Le Président (M. Lemieux): C'est faux. Il ne l'a pas acheté, il l'a fait réparer et cela a coûté 650$.

M. Garon: 650 $ pour faire réparer son miroir! Il faut que quelqu'un se trouve de son goût! Ha, ha, ha!

M. Fortier: Ça coûte cher, c'est une BMW.

Le Président (M. Lemieux): Si le ministre a une BMW, moi, j'ai une Porsche.

M. Garon: Je ne vois pas du tout ce que ça va donner aux gens. J'ai plutôt le sentiment que c'est une contrepartie pour que vous ne parliez pas trop contre la loi 92. Je ne vois pas du tout ce que ça va donner aux assurés. Je ne suis pas capable de le voir. Ce ne sont pas des baisses relatives qu'ont les assurés. Si les comptes ne sont pas moins chers, ça veut dire qui n'y a rien pour le bon conducteur. On va réussir à en classer un moins grand nombre - monsieur vient de le dire franchement - comme bons conducteurs, ce qui va vous permettre de faire des surprimes à des gens qui vont être considérés comme moins bons conducteurs et le pot va être plus gros.

M. Demers: II y a des rabais actuellement dont on dispose pour les donner aux bons conducteurs qui sont confondus dans 88 % des assurés, alors que, là-dedans, il y en a peut-être 50 %. Il faudrait faire des analyses. On va vraiment voir, avec le fichier, combien iI y en a, mais il n'y en a pas 88 % de bons là-dedans, alors qu'en 1977 on disait qu'il y en avait 60 % de bons. On va retourner aux 60 % de bons et les rabais qu'on peut consentir aux bons assurés vont être partagés entre beaucoup moins d'assurés. C'est toujours par rapport à une moyenne.

M. Garon: Le ministre des Transports passe son temps à dire qu'il y a moins d'accidents mortels au Québec. Cela doit signifier qu'il y a de meilleurs conducteurs, surtout que tout le monde sait que nos routes sont mauvaises, pires qu'avant. S'il y a moins d'accidents avec des routes mauvaises, ça veut dire que les conducteurs sont meilleurs.

M. Medza: Je vais vous expliquer un peu comment la prime va coûter moins cher. On va prendre une tarte. Si on prenait une tarte et qu'on divisait les primes entre les bons et les mauvais conducteurs, aujourd'hui, ceux qui sont considérés comme de bons conducteurs représentent tellement de la tarte qu'il faut leur demander plus qu'on devrait normalement leur demander parce que ceux qui devraient payer ne paient pas leur part. C'est le problème. Vous avez, par exemple, des bonbons et des cornets de crème glacée à vendre et que la façon dont vous devez les vendre est de faire trois cents de

profit sur vos cornets et deux cents sur vos bonbons. Or, vous vendez tellement peu de crème glacée que vous devez aller chercher trois cents sur les bonbons. Vous débalancez votre marge de profit. C'est ce que vous faites. Et en ayant 88 % des assurés dans la tarte qui paient un montant plus élevé qu'ils ne le devraient, vous avez trop de primes. Ce sont vos mauvais conducteurs qui ne paient pas assez. Cela nous force à demander plus aux autres.

M. Garon: Ce que je ne comprends pas, c'est ceci. Vous me dites que c'est seulement ici qu'il y aura un système comme celui-là. Il n'y a aucun autre endroit en Amérique du Nord où il va y avoir un système d'État comme celui-là, réglementé comme celui-là, avec un fichier comme un fichier de police sur les conducteurs. Tout le monde va être fiché. Ailleurs, dans tout le reste de l'Amérique du Nord, l'Industrie de l'assurance peut fonctionner sans avoir un tel fichier d'État.

M. Fortier: En Californie, on peut payer pas mal plus.

M. Garon: Pourquoi notre industrie, au Québec, a-t-elle besoin d'un tel fichier d'État...

M. Fortier: On fait des comparaisons.

M. Garon:... administré par le gouvernement, qui va dénoncer les citoyens aux entreprises, alors que l'entreprise privée n'a besoin de ça nulle part en Amérique du Nord? Je ne comprends pas.

Le Président (M. Lemieux): Pouvez-vous nous donner vos commentaires?

M. Brouillette (Yves): II faut dire, au Québec, qu'on a un système d'assurances qui est différent de ce qui existe ailleurs, en Amérique du Nord. Ce n'est pas nous qui avons fait ça. C'est la loi 67, votée par le gouvernement précédent, qui a fait un système d'assurance différent au Québec de tout ce qui existe en Amérique du Nord et il est meilleur. Ce n'est pas qu'il fonctionne plus mal; il fonctionne mieux que ce qui fonctionne ailleurs en Amérique du Nord. On n'a qu'à comparer la situation de l'assurance automobile au Québec, présentement, avec ce qui se passe chez nos voisins immédiats en Ontario. On pourrait parler de la Californie, on pourrait parler du Massachusetts, du New Jersey, mais parlons seulement de l'Ontario et on peut être très brefs.

Cela va beaucoup mieux au Québec. Pourquoi ça va beaucoup mieux au Québec? La principale raison est la loi 67 qui a été votée en 1978. Il y avait beaucoup d'éléments très favorables dans cette loi. Il y avait le "no fault" mis en place pour les dommages corporels. De fait, on l'avait proposé, nous, de l'industrie, à partir de 1974 et on le propose à l'heure actuelle pour l'Ontario. Alors, on est tout à fait fiers de dire que ça a bien réussi. On est tout à fait du même avis qu'on l'était à ce moment, qu'il n'était pas nécessaire d'étatiser, de créer une régie d'État, mais le changement pour un régime "no fault" a été profitable pour les Québécois. Cela ne change rien. En réalité, les compagnies d'assurances peuvent fonctionner dans un régime ou dans un autre, mais de façon générale, c'est plus agréable quand on sent une satisfaction chez nos clients et chez le public en général. Je vous parlais des dommages corporels.

Si j'arrive sur les dommages matériels, là aussi, on a un système différent au Québec. Vous demandez: Pourquoi ça va être différent de partout ailleurs? Parce que la loi 67 est unique. Il n'y a pas de loi 67 ailleurs. C'est la raison pour laquelle on a un système différent. On ne vous dit pas que c'est un mauvais système, on vous dit que c'est, selon nous, un meilleur système. Avec le temps, d'autres juridictions vont probablement s'inspirer du système qu'on a ici pour les dommages corporels et pour les dommages matériels. Sauf qu'il nous apparaît qu'il y a certains ajustements à apporter. Pour les dommages matériels, ce n'est pas nouveau.

L'histoire du fichier, c'est depuis 1981 qu'on en parle. Il faut bien comprendre, M. le Président, que pour les assureurs, le fait qu'il y ait un fichier ou qu'il n'y en ait pas ne changera rien à notre rentabilité. Pour ça, il n'y a pas beaucoup de démonstrations qu'on peut faire pour dire que ça ne changera rien. Ceux d'entre vous qui lisent le rapport de l'Inspecteur général déposé chaque année n'auront pas besoin d'autres démonstrations, en fait, pour dire qu'une concurrence très vive existe dans cette industrie. Je défierais des gens de nous montrer une industrie plus concurrentielle que la nôtre. Bon Dieu, on la vit, la concurrence, et on est au-delà d'une centaine de groupes. Le groupe le plus Important, en termes de volume dans l'assurance automobile, a 12 %. Si on prend les cinq principaux, ça fait autour de 30 % du marché. En termes de fragmentation, du point de vue économique - on pourrait calculer la fragmentation du marché - vous allez avoir de la difficulté à trouver des industries plus concurrentielles que la nôtre. Le rapport de l'inspecteur générai témoigne, chaque année, du degré de concurrence qui existe et qui fait que les assureurs déboursent davantage en sinistres qu'ils ne perçoivent en primes. On n'est pas venus Ici pour raconter ça, mais je pense qu'il faut avoir confiance qu'il existe de la concurrence. S'il n'existait pas de concurrence, ah, on pourrait dire: II n'y a pas de concurrence; donc, il va y avoir davantage de risques classés comme moins bons conducteurs et ça va faire davantage de primes. Si on ne croit pas qu'il y a de la concurrence, je pense qu'on peut avoir des doutes. C'est là, peut-être, qu'il y a une question ouverte, mais il m'apparaît qu'on en a témoigné à plusieurs reprises et II y a des

preuves tangibles qu'il existe une concurrence très vive dans l'industrie de l'assurance, particulièrement en assurance automobile. A partir du moment où iI y a de la concurrence, les forces du marché vont jouer. Qu'est-ce que ça va faire? Cela ne changera pas la rentabilité ou la non-rentabilité de l'industrie de l'assurance automobile, pour nous.

Notre préoccupation. Pourquoi a-t-on fait ces demandes répétées, depuis le début des années quatre-vingt? C'est qu'on croit qu'aujourd'hui la tarification qu'on fait ne répond pas aux attentes de la population. C'est confirmé, encore là, par des échos qui sortent de temps à autre dans les Journaux. À un moment donné, c'est à une émission pour les consommateurs, à la radio, qu'on fait ressortir ce phénomène qu'on facture des primes pour les gens non responsables. (17 heures)

On le voit dans le rapport de l'Inspecteur général, encore une fois. Des critiques sont faites contre l'industrie et, même sans le lire dans les journaux, en en parlant avec nos employés, avec nos courtiers d'assurances, on constate que la manière dont on travaille présentement ne répond pas vraiment à l'attente de la population. On pense qu'il y a une déficience. On ne dit pas que le système est mauvais. Plusieurs d'entre nous travaillent dans d'autres juridictions, de comparer avec ce qui se passe ailleurs. On trouve que, au total, c'est mieux ici, qu'il y a des avantages, comme on l'a mentionné. Mais il y a une déficience et on a demandé, dans le passé, aux autorités de nous permettre de corriger cette déficience. Maintenant, si l'Assemblée nationale décidait de ne pas la corriger, bien, on peut continuer à fonctionner sur la base sur laquelle on a fonctionné dans le passé, sauf qu'on va continuer à se faire reprocher certains comportements au chapitre de la tarification, ça, c'est entendu, mais ça ne changera pas en tant que telle la rentabilité des assureurs dans un sens ou dans l'autre. Ce projet est là pour nous permettre d'améliorer le service, et on n'est pas tout à fait désintéressés dans ça, d'améliorer notre Image dans la population, parce qu'on est conscients des problèmes d'image qui existent ici et qui existent dans d'autres juridictions. On pense que, si on veut prospérer sur une période de temps, c'est en donnant satisfaction à la population, pas d'autre chose que ça.

M. Garon: Ce qui me surprend...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis, je m'excuse. M. le ministre.

M. Fortier: M. Bouchard, je crois, voulait parler.

Le Président (M. Lemieux): Oui?

M. Bouchard (Jean): En complément à ce qu'a dit M. Brouillette, la province voisine, l'Ontario, considère également l'établissement d'un fichier maître comme celui que nous avions envisagé nous-mêmes, et elle voulait l'administrer elle-même, directement. Maintenant, c'est certain, disons, avec les modifications du système qu'ils sont en train d'examiner présentement, qu'ils vont avoir exactement le même problème à solutionner que celui que nous avons ici. C'était, d'ailleurs, dans le plan de l'Ontario Insurance Board d'établir également un fichier maître pour contrôler les sinistres. Dès qu'ils vont changer leur système, ils vont arriver exactement aux mêmes conclusions que celles auxquelles on arrive présentement.

Le Président (M. Lemieux): Votre petit commentaire, M. le député de Lévis.

M. Garon: Ce qui m'étonne...

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre vous le permet.

M. Garon:... je vais vous le dire, c'est ceci. En 1987, le ministre a présenté le projet de loi 54 sur le registre des entreprises. Cela devait donner des renseignements au public sur les entreprises. Il a reculé sur ce projet. Le projet est resté au feuilleton, on a entendu des gens. Là il s'agit d'un registre, au fond, pour donner des renseignements sur les consommateurs et il semble qu'il soit prêt à avancer. Il me semble qu'il y a un déséquilibre. Quand il s'est agi de donner des renseignements sur les entreprises, où c'est bien plus difficile de les avoir, au fond, avec les entreprises incorporées et tout ça, là, le gouvernement a reculé, mais là il semble vouloir avancer pour donner des renseignements aux entreprises sur les consommateurs, les Individus, les personnes. Je ne comprends pas.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, la parole est à vous.

M. Fortier Comme je l'exprimais ce matin, il s'agit d'un "fine tuning" dans ce qui existe présentement. Il est évident que, si vous n'avez pas l'information, vous ne pouvez pas prendre en considération ce type d'information. La question que le député de Lévis pose, c'est la deuxième question, à savoir: Si on vous donne l'information ou si on vous permet d'avoir l'information, est-ce que vous allez l'utiliser dans le sens de favoriser ceux qui devraient être favorisés? Il est vrai qu'il y a une très grande compétition au Québec. Pour ma part, je pense bien qu'on peut assez facilement conclure que peut-être une, deux ou trois compagnies vont tenter de maximiser leurs profits en n'avantageant pas les bons conducteurs, mais, s'il y en a deux trois ou quatre qui ne le font pas. Une centaine d'autres vont le faire et la concurrence va jouer à plein.

La question technique que j'aurais, c'est que j'ai reçu une lettre de la part de l'Associa-

tion des camionneurs et je voulais juste m'as-surer que je comprenais bien le problème. Bien sûr, quand on pense à un fichier, on pense en termes des individus, autour de la table ici, qui conduisent leur propre automobile, mais le fichier va couvrir également les conducteurs de taxis, de motocyclettes, de camions; en fait, ça va être tous les conducteurs qui conduisent un véhicule au Québec, pas uniquement ceux qui conduisent leur automobile privée.

Je ne sais pas si vous pouvez répondre à la question. Je pense que j'ai la réponse, mais je vais vous la poser pour que je l'aie de source autorisée. L'Association des camionneurs nous disait: Nous quand on conduit notre camion, on peut accrocher des cordes à linge en passant dans les ruelles, on peut accrocher des clôtures et ce n'est pas toujours notre responsabilité. Mais, ces accidents ou ces sinistres, à supposer qu'ils soient assez considérables pour être rapportés, vont être dans le fichier et, lorsque nous, comme conducteurs d'un camion, on va vouloir obtenir une assurance pour notre automobile, ce sera pris en considération. Je pense que j'ai la réponse, mais je me demandais si vous aviez un commentaire a faire là-dessus. Des fois, quand jo prends la route 20 pour aller à Montréal, il y a de gros camions qui nous tassent. Je vous le dis, que ce soit une voiture conduite pas un garde du corps ou un individu, ils nous tassent et, bien souvent, on pourrait quasiment aller sur le terre-plein. Je vous dis que les camionneurs ne font pas tellement attention aux automobiles. On se demande s'il n'y a pas des conducteurs de camion qui, lorsqu'ils sont au volant d'un camion, deviennent imperturbables face aux petits véhicules qui sont autour d'eux. Lorsque eux-mêmes prennent leur véhicule, ils deviennent tout gentils. Ils font une démarcation très critique entre le moment où ils conduisent un gros camion et celui où ils conduisent leur propre véhicule. Mais il est vrai, je crois - et j'aimerais que vous le confirmiez - que, si un chauffeur de camion se trouve Impliqué dans des accidents avec son camion, ce sera pris en considération lorsqu'il fera une demande pour avoir une assurance automobile. Est-ce bien ce qui va se produire?

M. Brouillette (Yves): On va avoir les différentes informations qu'on a mentionnées sur le genre d'utilisation du véhicule conduit lors de l'accident. On va savoir si l'accident est survenu avec une voiture de tourisme, avec un camion, une motocyclette, un taxi, le cas échéant. On va connaître le genre de véhicule utilisé. Donc, l'assureur pourra faire la part des choses. C'est entendu que le chauffeur de camion, comme vous le dites, qui est sur la route tous les jours, plusieurs heures par jour, la probabilité qu'il a d'être impliqué dans un accident est plus grande que l'automobiliste qui ne fait pas cette utilisation. Donc, cette information sera disponible dans le fichier et les assureurs seront en mesure de tarifer les risques en fonction de la conduite que l'individu fait d'un véhicule utilitaire d'une voiture de tourisme, d'une motocyclette ou d'un taxi. C'est susceptible d'être utile aussi pour la tarification des véhicules utilitaires. Mais je vois mal comment on pourrait, pour celui dont la fonction est d'être camionneur, tenir compte de sa fréquence d'accidents comme camionneur pour sa voiture privée. Je pense qu'on va être en mesure de faire la part des choses et de tenir compte de ses accidents comme camionneur pour tarifer le risque de son camion, puis de tenir compte de son dossier comme automobiliste pour tarifer sa voiture privée.

M. Fortier: Vous avez évoqué, tout à l'heure, l'indemnisation directe, la non-subrogation dans le cas de non-responsabilité, qui est la différence maintenant. Vous avez dit: Dans notre convention, on a convenu ensemble de ne pas exercer cette subrogation. Vous en supportez les coûts. J'imagine que cela amène les compagnies, dans la plus grande mesure possible, à choisir les bons clients, c'est-à-dire à choisir ceux qui sont de bons conducteurs. À ce moment-là - voyons, quelle était la question que je voulais poser? -bien sûr, votre tarification est faite en fonction de ça. Enfin, j'imagine que chaque compagnie d'assurances tente d'avoir une clientèle dont, si possible, le pourcentage de bons clients ou de ceux qui réclament le - moins soit le plus considérable possible. Autrement dit, cela vous amène à refuser des clients, à l'occasion, à mettre une prime tellement plus élevée qu'il va aller chez un concurrent, à un moment donné. Alors, vous ajustez votre tarification en fonction d'une stratégie de pénétration des marchés ou des couches de marché que vous voulez pénétrer.

M. Brouillette (Yves): Vous avez raison de dire que chacun des assureurs surveille la qualité des risques qu'il assure. C'est entendu, ça fait partie du défi d'un assureur de chercher à avoir une qualité de risque meilleure que la moyenne.

Cela étant dit, il faut aussi souligner que l'assurance est obligatoire. Il est obligatoire pour les automobilistes de s'assurer et il est obligatoire pour l'ensemble des assureurs d'assurer tous les automobilistes qui désirent l'être, il ne faut pas exagérer le degré de sélection que les assureurs peuvent faire. Il y a quand même des contraintes qu'il faut respecter. On ne peut pas se permettre de refuser 20 % ou même 10 % des clients qui se présentent. Comme Industrie, et je pense que notre dossier là-dessus est très bon, on peut être fiers de notre dossier sur l'accessibilité à l'assurance automobile.

Encore là, tantôt, on évoquait ce qui se passe dans les autres régions en Amérique du Nord. Je vous assure qu'il y a des provinces au Canada, mais, surtout, des États du côté des États-Unis, où l'accessibilité à l'assurance automobile, à l'heure actuelle, est un grave

problème. Il y a des États où jusqu'à 25 %, 30 % et même plus des automobilistes doivent être mis dans un "pool" parce qu'il n'y a aucun assureur qui veut les assurer. Il y a vraiment des problèmes d'accessibilité à l'assurance. Au Québec, iI y a eu très peu de problèmes dans les dix dernières années. On peut remonter un peu plus loin, en 1975, il y avait eu effectivement des problèmes d'accessibilité à l'assurance. Si on regarde depuis 1978, iI n'y a eu pratiquement pas de problèmes d'accessibilité à l'assurance. C'est pour ça que, quand on parle de sélectivité, il faut bien comprendre que, en ce qui touche le consommateur, ça n'a qu'une portée très limitée.

Pour ce qui est de l'autre volet, vous dites: Vous allez tenter d'avoir un meilleur portefeuille. Évidemment, on tente d'avoir un meilleur portefeuille, surtout par la tarification, c'est-à-dire en ajustant nos tarifs pour attirer les risques qui nous semblent les meilleurs. C'est ce qui a fait en sorte, par exemple, que depuis sept ou huit ans des réductions sont accordées aux conducteurs âgés de 50 ans et plus. On a observé que les automobilistes de 50 ans et plus - ça varie selon les compagnies, certaines compagnies c'est 55 ans, d'autres c'est 45 ans, d'autres c'est 50 ans - représentaient des meilleurs risques que les automobilistes plus jeunes. Alors, certaines compagnies ont commencé à accorder des réductions aux automobilistes âgés de 50 ans et plus. Aujourd'hui, c'est très répandu dans le marché du Québec.

C'est ce segment de la population qui en profite, c'est l'un des fruits de la libre concurrence. Je vous mentionne cet exemple tout simplement pour illustrer les mesures que les assureurs prennent pour améliorer la qualité de leur portefeuille. On a observé que les clients, par exemple de 50 ans et plus sont de meilleurs risques. Donc, un certain nombre de compagnies et, par la suite, un plus grand nombre ont commencé à accorder des tarifs réduits ou des rabais aux conducteurs de 50 ans et plus. Cela a fait en sorte qu'elles ont pu augmenter la proportion des 50 ans et plus dans leur portefeuille et, de cette façon, améliorer la qualité de leur portefeuille de risques.

Si on examine ce qui se passe maintenant avec ce qui se passait ou ce qui se serait passé s'il n'y avait pas eu de convention d'indemnisation directe, on doit conclure que la convention d'indemnisation directe a eu très peu d'influence sur ce qui représente un bon risque en assurance automobile par rapport à ce qui représente un mauvais risque. Les catégories qu'on pourrait qualifier "à risque élevé", disons, les jeunes conducteurs, c'étaient des risques élevés dans l'ancien système; lls sont restés des risques élevés et cela, pratiquement dans les mêmes proportions. (17 h 15)

Techniquement, la convention d'indemnisation directe a eu très peu d'influence sur la définition de ce qu'est un bon risque et de ce qu'est un moins bon risque. Ces catégories sont très peu changées par rapport à ce que c'était auparavant. La dynamique du marché de l'assurance fait que, comme assureur, vous devez chercher à attirer davantage de meilleurs risques, à améliorer la qualité de votre portefeuille. Mais cela existerait tout autant si on n'avait pas de convention d'indemnisation, si on avait un régime traditionnel, que ça existe dans le régime qu'on a ici, au Québec.

M. Fortier: Sur un autre sujet en dehors de l'indemnisation, iI y a d'autres dispositions dans le projet de loi 133. Je ne sais pas si vous aviez un commentaire à faire sur les autres dispositions. Je pense, entre autres, aux modifications sur le montant d'assurance-responsabilité pour tenir compte de ce qui se fait dans les autres provinces et tout ça. Avez-vous des commentaires sur ces autres dispositions du projet de loi?

M. Brouillette (Yves): Un commentaire très bref pour souligner qu'il y a un changement Important dans la question des limites de responsabilité à l'extérieur. Il y avait, encore là, une lacune dans la loi précédente, lacune qui faisait en sorte que les polices d'assurance automobile émises au Québec auraient pu, dans certains cas, avoir à répondre à des exigences très élevées dans certains États américains. Vous savez que toutes les polices d'assurance automobile comportent la mention que la limite d'assurance dans le contrat, si vous allez à l'extérieur... Supposons que vous auriez 100 000 $ de limite d'assurance automobile et que vous iriez dans un État où la limite minimale est de 200 000 $, automatiquement, votre limite d'assurance, qui était de 100 000 $, est haussée à 200 000 $. Si vous allez n'importe où aux États-Unis ou au Canada et que la limite minimale d'assurance automobile est de 200 000 $, votre limite est haussée automatiquement.

Ce n'est pas d'hier. Cela fait déjà un bon nombre d'années que ça existe et ça nous semble tout à fait approprié, sauf que la manière dont l'article - j'oublie le numéro, c'est l'article 88 - était rédigé faisait en sorte que notre limite de responsabilité ici devait répondre non seulement à la loi sur l'assurance automobile, mais aussi à un règlement. Supposons qu'il y aurait un règlement dans un État ou même une ville... Une ville pourrait décider d'avoir un règlement disant que, pour un camion qui transporte tel ou tel produit dans sa ville, dorénavant, ça prend 5 000 000 $ ou 10 000 000 $ de limite de responsabilité. Or, de la manière dont notre contrat était rédigé, iI y avait un risque qu'on doive répondre à cette exigence. C'était tout simplement une lacune. Pour ça aussi, ça fait plusieurs années qu'on a... Cela créait certains problèmes en ce qui concerne la réassurance parce que les réassureurs étaient un peu mal à l'aise face à un tel piège.

Cela créait certains problèmes.

On est bien satisfaits de voir que, par le projet de loi 133, ce sera corrigé. Encore là, ça va nous permettre de continuer à offrir à nos assurés la meilleure protection, c'est-à-dire de répondre aux demandes qui peuvent être faites sous n'importe quelle juridiction des États-Unis et du Canada pour que les limites de responsabilité répondent aux limites qui peuvent être en vigueur. Mais, on ne veut pas que nos polices aient à répondre à n'importe quel règlement en particulier qui pourrait exister dans un État ou dans une ville donnée. Sur cet élément, on désire souligner que, après avoir fait des représentations pendant plusieurs années, c'est un point qui va faciliter le fonctionnement de l'assurance automobile au Québec, lorsque cet élément aura été adopté et que le contrat aura été modifié en conséquence. C'est peut-être un peu technique, mais II me fait plaisir de souligner que c'est un point très positif.

M. Fortier: J'imagine que, pour vous, sur le plan financier, c'est une modulation qui est importante.

M. Brouillette (Yves): En fait, ça ne touche pas la grande majorité des automobilistes et ça ne change rien. Aucun de ces règlements ne va toucher l'automobiliste privé. C'est surtout pour les assureurs impliqués dans le camionnage, dans les gros camions.

M. Fortier: Oui, d'accord.

M. Brouillette (Yves): C'est un secteur spécialisé, mais, en fait, c'est un secteur où, lorsqu'on pense au libre-échange, il faut que l'assurance soit disponible. Il faut que les compagnies d'assurances du Québec et du Canada soient en mesure d'offrir les protections requises. Cela venait compliquer un peu l'opération parce que, au plan de la réassurance, ça représentait vraiment un inconvénient.

M. Fortier: II me fait plaisir de répondre à vos attentes. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le député de Lévis, vous avez quelques questions.

M. Garon: Avez-vous des données concernant le nombre d'assurés qui se prévalent du recours prévu à l'article 116 de la Loi sur l'assurance automobile? Si oui, parmi ceux qui utilisent ce recours, combien d'assurés gagnent leur cause?

M. Brouillette (Yves): Me Gagné peut répondre à cette question.

Mme Gagné (Hélène): Ici, il s'agirait de savoir combien il y a eu de poursuites. Oh n'a pas de données qui pourraient être crédibles, en ce sens que les quelques cas que nous allons connaître sont ceux rapportés par les différents rapports de jurisprudence. La majorité des cas sont en bas de 1000 $, et il s'agit d'un conflit sur la question de la franchise. La plupart du temps, les gens qui vont utiliser le recours permis à l'article 116 sont ceux qui ne sont pas satisfaits du partage 50-50, mais qui ont perdu la moitié de leur franchise. C'est valable pour eux d'aller devant la Cour des petites créances et d'essayer de faire changer le partage de responsabilité pour diminuer, surtout, la partie de franchise qu'ils ont dû assumer. Nous n'avons pas de statistiques comme telles, autres que les quelques cas qui ont été rapportés. C'est vraiment mineur. Si vous avez une douzaine de cas par année, je pense que c'est beau. Il n'y a pas d'autre moyen à part ça de les connaître parce qu'on n'a pas accès à un système de fichier, si vous voulez, central du palais de justice qui pourrait nous dire la source de toutes les réclamations qui se font devant la Cour des petites créances ou devant la Cour provinciale. C'est à ces niveaux que ça va se faire. Nous les suivons au fur et à mesure. Dès que quelqu'un a un jugement, on nous les fait parvenir. Parfois, c'est quand même intéressant pour nous d'avoir la tendance des tribunaux d'interprétation sur la convention. C'est souvent à la suite de ces quelques jugements que nous avons, en effet, modifié la convention pour répondre aux interprétations faites par les tribunaux.

M. Garon: Avez-vous fait l'évaluation de l'augmentation qu'il pourrait avoir des recours s'il y avait l'établissement d'un fichier systématique tel qu'envisagé dans la loi. Les gens diraient: On va avoir un fichier où j'aurai un historique comme conducteur et qui va être officiel. Est-ce que vous avez prévu quelle serait l'augmentation du nombre de personnes qui vont vouloir plaider pour ne pas être déclarées responsables?

Mme Gagné: Non, on n'a pas fait une prévision comme telle, quoiqu'il faille quand même se rendre compte que c'est certain que si, actuellement, un bon nombre de personnes, comme on l'a vu dans nos quelques analyses, se disent: Mon assureur ne sait pas qu'il a eu une réclamation, si, dorénavant, il a accès à ces informations, c'est certain qu'il va peut-être y avoir une augmentation, je ne le sais pas. Est-ce que ce seront 5 %, 10 % ou 15 % de plus qui vont aller devant le Cour des petites créances? C'est fort possible.

M. Brouillette (Yves): J'aimerais ajouter là-dessus que déjà, dans le contexte actuel, l'individu ou l'assuré a intérêt à ce que son dossier corresponde à sa perception de ce qui est vraiment survenu dans l'accident. Il ne faut pas penser que ça va être tout à fait nouveau.

Aujourd'hui, si vous êtes impliqué dans un accident, il y a des sommes d'argent en jeu pour vous, selon que vous êtes jugé responsable ou non de l'accident Vous comprenez bien qu'au minimum il y a le montant de votre franchise. Aujourd'hui, si vous êtes responsable de l'accident, vous devez supporter le montant de votre franchise: 250 $. Une proportion de l'ordre de 35 % des automobilistes n'ont pas d'assurance pour leurs propres dommages à la suite d'une collision. Donc, ces gens ont tout intérêt, s'ils croient que le jugement porté par les assureurs ne correspond pas à la réalité, à le contester. Il s'agit de savoir si le dommage à leur véhicule sera payé ou non. Ce n'est pas parce qu'on va ajouter une inscription dans un fichier que ça va changer cette situation de façon Importante. Déjà, les assurés ont tout Intérêt à ce que les assureurs tiennent compte de leur situation. On dit: II y en a très peu qui vont devant les tribunaux. C'est un fait, une très faible proportion va devant les tribunaux. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas beaucoup de discussions, en cours de route, entre les parties. C'est entendu que, dans un accident typique ou dans un bon nombre d'accidents, il y a deux automobilistes qui considèrent tous les deux être non responsables. On ne vous dit pas que c'est un petit nombre de cas. Il y a plein de cas où les deux automobilistes considèrent qu'ils sont non responsables, mais il y a un arbitrage qui se fait, il y a des témoins, il y a un système qui existe déjà et il y a plusieurs cas où les individus ont des intérêts en jeu. Ils ont leur franchise, au moins, et, bien souvent, la valeur de leurs dommages.

Je vais aller plus loin. Si vous interrogez les gens autour de vous, la grande majorité des gens ne sont pas conscients des changements qui sont survenus. Notre perception est que la grande majorité des automobilistes ont l'impression que toute cette information qu'on veut établir, nous la possédons déjà. Interrogez des gens dans votre entourage, tous vont vous dire que les assureurs ont, évidemment, accès à l'information. Pour eux, cela existe déjà, cette information. Je ne crois pas qu'il va y avoir une augmentation importante de contestation parce que, déjà, les automobilistes ne veulent pas être considérés responsables lorsqu'ils ne le sont pas. Personne n'accepte d'être considéré responsable lorsqu'il ne l'est pas. Il y a déjà beaucoup de discussions et de négociations qui ont lieu à l'heure actuelle.

Cela peut avoir une certaine influence, mais ce qui va devant les tribunaux aujourd'hui, c'est vraiment une très petite minorité. L'assureur n'a pas Intérêt, dans le fond, à comparaître devant le tribunal, devant la cour avec son propre assuré. Il ne faut pas oublier que c'est toujours par rapport à notre propre client. On fait affaire avec notre propre client alors qu'auparavant on faisait affaire avec les tiers. C'est une situation différente. Aujourd'hui, on fait affaire avec notre propre client. On a vu tellement de ces réclama- tions qu'on sait, de toute façon, quelle sorte de jugement le tribunal va rendre. Donc, on a simplement à s'inspirer de la décision qu'il prendrait. Même si, des fois, on est plus ou moins d'accord, on va dire: Cela ne me donne rien de contester, c'est ça qui va sortir devant le tribunal. Et on va le régler nous-mêmes, selon ce que le tribunal aurait accordé dans cette situation. Il y en a très peu qui vont devant les tribunaux et on ne voit pas que ça va changer parce que déjà, l'établissement de la faute...

C'est ça qu'il est franchement Important de comprendre: on a laissé entendre, dans bien des cas et même chez certains assureurs on a dit: On est dans un système 'no fault". On n'est pas dans un système "no fault" du tout en ce qui a trait aux dommages matériels, mais pas du tout. La faute demeure et elle joue déjà, aujourd'hui, un rôle très important. Elle demeure dans la loi et elle demeure aussi dans l'esprit des gens. Dans l'esprit de la population, quelqu'un qui a subi un accident est responsable de l'accident ou I ne l'est pas. Il est en tort ou il n'est pas en tort. C'est tout aussi Important aujourd'hui, dans la loi et dans les mentalités, que ce l'était il y a quinze ans.

Il y a quinze ans, je pensais qu'on irait peut-être vers un système de "no fault" dans les dommages matériels. Aujourd'hui, il m'apparaît évident qu'on n'ira jamais vers un système semblable parce que les mentalités n'ont pas vraiment changé en ce qui a trait à la notion d'être responsable d'un accident ou de ne pas être responsable d'un accident.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Fortier: Vous ne croyez pas que dans le passé, comme la norme... On s'aperçoit, au sujet des normes - vous le dites dans votre mémoire - que 90 % des conducteurs sont classés parmi ceux qui n'ont eu aucun accident depuis cinq ans. Alors, on sait bien que cela ne reflète pas la réalité. C'est soit l'assuré qui vous donne une mauvaise information, soit l'assureur qui est de connivence. Je ne le sais pas. mais les statistiques, en tout cas, les chiffres à l'appui sont tels que cela ne reflète pas la réalité. Alors, comme cela n'avait pas tellement d'importance, les gens ne contestaient pas et ils se disaient: Mon Dieu, si j'ai un montant déductible de 250 $, pourquoi contester pour 125 $, à supposer qu'on m'ait tenu responsable à 50 %? Pour ne pas perdre son temps pour 125 $, on laissait passer. (17 h 30)

Par ailleurs, ce matin, les représentants de l'Association des consommateurs du Québec nous le disaient, et je pense qu'ils avaient raison: II n'y a pas grand monde qui sait que l'article 116 existe. Comme de raison, une des recommandations - ça m'amène à vous poser la question - est de dire: Si, dans l'avenir, on voulait insister davantage là-dessus, j'imagine qu'on

aimerait que vos assurés soient mieux informés sur les recours possibles. Ne croyez-vous pas, s'ils étaient mieux Informés sur les recours possibles et que ça prenait plus d'importance, parce qu'à l'avenir - vous le dites vous-même - ça va devenir un élément plus prépondérant dans la tarification, qu'en fait les gens vont porter plus d'attention à leur classification et peut-être vous contesteront-ils un peu plus? Si vous réglez ces choses à l'amiable, tant mieux. Ne croyez-vous pas que, dans le moment, il y a une certaine ignorance des recours possibles qui existe? Les gens, comme vous le dites, croient que c'est un système "no fault". Ils reçoivent un chèque et se contentent de ça.

M. Brouillette (Yves): Ce n'est pas ma perception.

M. Fortier: Non?

M. Brouillette (Yves): On dit: Les gens croient que c'est un système "no fault". Je pense que cette perception du 'no fault", plus souvent, ce sont les gens autour du milieu de l'assurance ou impliqués de près ou de loin qui l'ont. Pour le grand public, bien souvent, c'est perçu que, si on a un accident, on est responsable de l'accident. La plupart des gens à qui on en parle ont l'impression que la subrogation va exister et que l'assureur qui paie son client va se faire rembourser par le tiers.

Selon nous, la majorité des gens pense que cet échange d'information qu'on propose existe déjà. On ne peut pas penser que du fait que ça va vraiment exister, II va en résulter une plus grande contestation. Déjà, aujourd'hui, les gens en général ne tiennent pas à être considérés responsables lorsqu'ils se croient non responsables. Je vous assure que, même si on dit que c'est seulement 125 $, je pense que ça va plus loin que ça. Il y a un désir d'obtenir justice et ça fait partie de la compréhension à savoir que je suis responsable ou que je ne suis pas responsable. Ce n'est pas parce que c'est seulement 125 $. Le partage de responsabilités, il faut bien comprendre que c'est un bien faible pourcentage de l'ensemble des accidents.

M. Fortier: Mais, au moment où on se...

M. Brouillette (Yves): 90 % des accidents sont réglés à 100 % d'un côté ou de l'autre. De la part de l'automobiliste impliqué dans un accident, aujourd'hui, il y a un intérêt très grand à obtenir justice et à dire: Je suis responsable ou je ne suis pas responsable de l'accident.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Fortier: Dans le système actuel, est-ce qu'il y a un échange entre deux... Disons que la personne A est assurée avec une compagnie d'assurances et la personne B avec une autre compagnie d'assurances. Est-ce que, dans le fond, les deux compagnies d'assurances se parient pour établir la responsabilité ou si c'est chaque compagnie qui dit: Moi, je crois que tu es responsable à 50%? L'autre peut dire: Tu es responsable à 25 %. Il n'y a pas nécessairement un dialogue qui se fait entre les deux compagnies, dans le moment. Cela peut s'additionner à 150 % comme ça peut s'additionner à 75 %. C'est chaque client qui fait affaire avec sa compagnie et il n'y a pas beaucoup de dialogue entre les compagnies pour discuter de la responsabilité. Cela se fait entre l'individu et la compagnie d'assurances?

M. Brouillette (Yves): Tout à fait. Il peut, dans certains cas, y avoir des discussions ou des échanges d'informations entre les assureurs, mais il reste que la responsabilité est propre à chaque assureur. Par rapport à mon assuré, c'est moi qui ai le dernier mot en négociation avec lui; l'autre assureur n'a pas à intervenir pour déterminer si mon assuré est responsable ou non.

M. Fortier: À quoi sert le comité d'arbitrage prévu dans la convention, à ce moment-là? Il ne sert à rien?

M. Brouillette (Yves): On peut retenir la question et essayer de compléter sur l'autre point, si vous voulez ajouter.

M. Medza: Oui. Il y a peut-être deux points que je vais faire. Sur la question des personnes qui contestent le pourcentage de responsabilité, au centre d'information du BAC, on reçoit, par année, quelque 35 000 appels. Je pourrai vous faire parvenir, M. le ministre, le nombre exact d'appels sur le partage de responsabilité et sur la convention, mais ce n'est même pas digne d'un pourcentage.

Deuxième point, quant à la question que vous posez sur le pourcentage des personnes où on dépasse 100 % où on est inférieurs à 100 % de responsabilité, on a fait une enquête sur les 554 dossiers, je pourrai également vous faire parvenir cela. Il y avait deux dossiers, je pense, sur les 550 où il y avait eu deux fois 100 % de responsabilité. Dans tous les autres, c'était à peu près 100 %.

M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Avez-vous terminé, M. le ministre?

M. Fortier: Cet après-midi, la CAA et, ce matin, l'Association des consommateurs du Québec nous ont fait oeux recommandations. La première, de faire en sorte ou d'exiger que les compagnies d'assurances informent les assurés d'une façon plus adéquate de la classification dans laquelle ils sont, expliquent leur système de classification et, s'il y a changement de clas-

sification, disent pourquoi. La deuxième recommandation: dans un cas où iI y a un sinistre, encore là, d'augmenter le genre et la qualité de l'Information qui est donnée à l'assuré. J'imagine que le Groupement n'a pas d'opposition à ce que les assurés soient mieux informés. Dans le moment, je sais bien qu'on peut en trouver sur la police d'assurance, dans une petite ligne en bas, une "footnote", comme on dit, mais ce n'est pas tellement clair, ce n'est pas tellement évident pour quelqu'un qui n'est pas habitué à lire tes polices d'assurance. Cela pourrait sûrement l'être davantage.

M. Broulllette (Yves): Oui et, encore une fois, il y a les règles du marché qui prévalent. C'est entendu que, s'il y a vraiment une attente pour davantage d'information, les assureurs vont donner davantage d'information selon les règles du marché. Maintenant, il peut y avoir des coûts attachés à fournir davantage d'information. Si un assureur offre davantage d'information et qu'un autre en offre moins, ce sont les automobilistes, au fond, qui, sur une longue période, vont choisir qui a raison.

M. Fortier: Si on mettait ça obligatoire pour tout le monde, tout le monde serait obligé de faire la même chose. Si on avait un libellé sur la police d'assurance... On ne parie pas de donner 25 pages d'information, on parle d'un libellé sur la police qui serait plus explicite.

M. Brouillette (Yves): Enfin, ce sont des formules qu'on peut envisager. Il y a déjà des choses qui ont été faites en ce sens. Ce n'est pas exclu.

J'aimerais revenir, si vous me le permettez, sur le conseil d'arbitrage. Je n'ai pas répondu à votre question, tantôt. Il y a un nombre extrêmement limité de cas qui vont devant le conseil d'arbitrage. Je pense qu'il y a eu des années où le conseil d'arbitrage n'a pas eu à se réunir une seule fois. Les cas qui vont devant le conseil d'arbitrage, ce sont des cas très rares où, la subrogation est maintenue. Si vous étudiez la convention, si vous examinez en détail la convention d'indemnisation directe, il y a quelques cas d'exception qui impliquent des remorques, etc. ou des polices de garage où la subrogation entre assureurs est maintenue. Ce sont ces cas où, de façon très occasionnelle, il y a débat entre deux assureurs qui se sont retrouvés devant le conseil d'arbitrage, mais c'est très minime comme utilisation. Il y a très peu de débats entre assureurs parce que le système qui prévaut - encore une fois, nous trouvons que ce système comporte de nombreux avantages - veut que l'assureur règle avec son propre client, sans faire intervenir l'assureur du tiers.

M. Fortier: MM. Brouillette et Bouchard, quant à moi, je vous remercie de la présentation et de l'information que vous nous avez données.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le président, ne pensez-vous pas, au fond, qu'un grand nombre de gens, quand ils ont de petits accrochages où 1 n'est pas clair que telle partie est responsable, même si quelqu'un pense qui ne l'est pas, de part et d'autre, même sans se le dire, ne font pas de réclamation parce qu'ils craignent, au fond, que l'avantage qu'ils pourraient y gagner soit perdu par l'augmentation des primes au cours des années qui vont venir? Il est possible que le système en place élimine un tas de petites réclamations, pas les grosses, où les gens disaient: Aussi bien partir avec mon biscuit et faire réparer mon automobile moi-même II attend la réaction de l'autre avant de faire sa propre réclamation, se disant que les primes vont augmenter pour un plus gros montant que l'argent qu'il va récupérer de ce petit accident.

M. Brouillette (Yves): Effectivement, c'est un phénomène qui existe. Cela existe non seulement ici, mais dans tous les pays où il y a des systèmes de tarification individuelle, style bonus-malus. En Europe, on a même trouvé un terme, on parle de 'soif de bonus*. Des études sont publiées qui démontrent qu'en Belgique, disons, la soif de bonus fait qu'une réclamation en bas de tant de francs ne sera pas rapportée, alors qu'en Scandinavie, c'était l'autre système. La soif de bonus est plus grande dans ce pays-là. L'existence d'un système de tarification individualisé, un bonus-malus, fait en sorte que les automobilistes prendront la décision de ne pas rapporter un accident en bas de tel ou tel seuil.

En fait, nous, comme assureurs, on ne dira pas à nos clients de ne pas nous rapporter des sinistres. On a un contrat. Si vous avez un sinistre de 40 $ que vous voulez nous rapporter, on ne peut pas faire autrement que dire: Oui, monsieur, on va vous le payer. Maintenant, si vous faites le calcul et que vous vous dites que 40 $, ce ne sera pas rentable, il n'y a rien qu'on puisse faire pour vous empêcher de faire ce jugement, pour empêcher l'automobiliste de juger quel comportement il doit adopter dans les circonstances. C'est un phénomène qui existe. Cela fait en sorte, au total, qu'il y a moins de réclamations qui sont rapportées. Si on le regarde d'un point de vue général, il faut bien reconnaître que rapporter à sa compagnie d'assurances un sinistre de 50 $, ce n'est pas ce qu'il y a de plus efficace pour l'ensemble du système. Cela nous coûte des sous pour régler ce sinistre-là. S'il y a un système en place qui fait que les sinistres de 50 $ sont absorbés et réglés par les gens entre eux, je pense que c'est bénéfique pour l'ensemble de la population, l'ensemble des automobilistes.

M. Garon: Quel est, selon vous, le pour-

centage des personnes qui ne sont pas assurées au Québec et en Ontario? Avez-vous des données sur le nombre de personnes que vous estimez non assurées qui circulent sur les routes au Québec? Y a-t-il des chiffres estimant ce nombre en Ontario?

M. Broulllette (Yves): On n'a pas de données précises pour le Québec en ce qui a trait au pourcentage de non-assurés. Les seules sources que je peux citer, c'est, d'une part, notre expérience comme assureurs. On vérifie toujours, lorsqu'il y a un accident impliquant un tiers, si ce dernier est assuré. S'il s'avérait qu'il est non-assuré, dans ce cas, il ne bénéficie pas de la convention d'indemnisation directe. On a le droit de le poursuivre. S'il n'est pas assuré, sa protection contre le droit de poursuite n'existe plus, à partir du moment où il ne contribue pas au fonds d'assurance. Lorsqu'on régie un sinistre, on vérifie de façon systématique le fait que le tiers est assuré. On trouve un très faible pourcentage de non-assurés, quelque chose de l'ordre de1 %.

Cela peut être une façon un peu biaisée de mesurer cette réalité des non assurés par le phénomène que vous évoquiez vous-même tantôt qu'il y a des gens qui ne rapportent pas les sinistres. On peut facilement penser que, lorsqu'un non-assuré est responsable de l'accident, la probabilité qu'il règle le sinistre lui-même pour ne pas rapporter ça à qui que ce soit, est plus grande. Maintenant, ça s'applique dans les petits sinistres. Évidemment, lorsqu'il y a une perte de 1000 $ ou de 2000 $ et plus, le sinistre, forcément, est rapporté. Malgré ça, notre perception est que le pourcentage de non-assurés est très faible.

La Régie de l'assurance automobile fait aussi des vérifications à partir d'informations qu'on lui fournit. Chaque fois qu'un individu annule sa police d'assurance automobile en cours de durée, on informe la Régie de l'assurance automobile, laquelle, en collaboration avec la Sûreté du Québec, fait des vérifications. Les conclusions qu'elle tire correspondent à celle-là, à savoir qu'on a une proportion de non-assurés qui est très faible.

On ne peut pas vous donner de chiffres garantis là-dessus. Si vous trouviez une façon de mesurer qui démontrerait il en est autrement, il faut donner ces informations-là sous toute réserve parce qu'on n'a pas, comme assureurs, de moyens concrets de mesurer de façon précise le taux de non-assurés.

Pour ce qui est de l'Ontario, est-ce qu'il y a des études récentes? (17 h 45)

Mme Gagné: Pour l'Ontario et les autres provinces, les renseignements nous sont fournis surtout par les corps policiers et par le ministère des Transports des différentes provinces. Par exemple, récemment, la dernière province qui a fait une étude assez approfondie du sujet était l'Alberta. Ils s'inquiétaient parce qu'Us avaient noté une augmentation d'à peu près 5 % de non-assurés sur les routes. C'était surtout des motocyclistes qui n'étaient pas assurés. C'est un problème particulier. Pour l'Ontario, je dois dire que la situation s'est détériorée assez rapidement au cours des cinq dernières années. Nous avons fait des enquêtes avec les corps policiers, le Bureau d'assurance du Canada et les assureurs et nous avons constaté que si c'était normal, il y a cinq ans, pour l'Ontario d'avoir peut-être 7 % de non-assurés en raison des coûts assez élevés d'assurance et tout. Actuellement, on dit que c'est rendu jusqu'à 10 % et 12 % à cause de l'augmentation des primes. Mais, encore, il faut faire attention à cause du système de l'Ontario où il y a eu un gel de prix en 1987 et peut-être actuellement que c'est à la baisse. Ou moins, en 1987 on notait une augmentation assez importante de non-assurés sur les routes à la suite d'enquêtes particulières faites par les corps policiers. C'est évident qu'il y a une situation très différente entre l'Ontario et le Québec.

M. Garon: J'ai remarqué tantôt qu'on disait que le nombre de bons conducteurs - on le voit d'après les statistiques - avait augmenté considérablement depuis 1977. J'entendais le ministre qui niait ces chiffres. Il a dit: Moi, je pense que ce n'est pas exact. Pourquoi toujours penser que ce n'est pas exact? Au contraire, ça pourrait être exact. Je pense, par exemple, il y a eu beaucoup de campagnes de sécurité. Aujourd'hui, les gens sont obligés d'être assurés. Également, un gros facteur, on dit que les jeunes sont plus dangereux, mais le vieillissement de la population doit avoir un effet sur la conduite automobile. On dit qu'on a une population de plus en plus vieille, qu'on va avoir tantôt une personne sur trois qui aura plus de 65 ans. J'imagine que cela va avoir un effet sur la conduite automobile.

Aussi, le fait d'avoir rendu l'assurance obligatoire maintenant, d'avoir plus de contrôles par rapport aux conducteurs, rend les gens beaucoup plus conscients des conséquences d'avoir un mauvais dossier de conducteur.

M. Brouillette (Yves): Je pense que, malheureusement, ce n'est pas le cas. On aimerait bien pouvoir vous dire: Oui, c'est vrai, il y en a 88 % maintenant qu'on peut qualifier de bons conducteurs. Malheureusement, ça ne correspond pas à la réalité. On a des chiffres très précis là-dessus. On sait que la fréquence des accidents impliquant des dommages par collision est de l'ordre de 12 % par année. Cela signifie qu'il y a un conducteur sur huit, un automobiliste sur huit environ qui est impliqué dans un accident chaque année. Cela ne peut, d'aucune manière, faire en sorte qu'il y en ait 88 % qui n'ont pas eu d'accident. De toute manière, simplement à voir la réalité, penser qu'il y a 88 % des automobilistes qui n'ont pas eu de sinistres depuis cinq ans, ça dépasse la perception qu'on peut avoir des

choses.

Si vous me le permettez, je voudrais profiter de l'occasion pour souligner qu'effectivement, si on étudie les tendances sur une longue période, un peu pour les facteurs que vous avez mentionnés tantôt, le vieillissement de la population, etc., il y a eu une diminution de la fréquence des sinistres au cours des quinze dernières années. Il y a eu définitivement une diminution de la fréquence des sinistres particulièrement marquée au début des années quatre-vingt. De 1982 à 1984, il y a eu une amélioration très importante. Cela fait en sorte que, durant cette période, les primes d'assurance ont diminué parce que, malgré l'inflation, il y avait une diminution très importante de la fréquence des sinistres. Une façon d'illustrer ça: ça a été encore plus marqué en ce qui concerne les victimes décédées. On sait qu'il y a déjà eu 2000 décès sur les routes au Québec, je crois que c'est en 1973, alors qu'en 1987 ou 1988 il y en eu un peu moins que de 1000. Vous voyez l'amélioration considérable qui est survenue. Cette amélioration a été beaucoup plus marquée en ce qui concerne les victimes décédées qu'en ce qui concerne la fréquence des accidents en générai. En ce qui concerne la fréquence des accidents avec dommages matériels, iI y a eu une amélioration mais, malheureusement, cette amélioration a été beaucoup moins spectaculaire que celle qu'on a pu observer du côté des accidents avec dommages corporels. Cela a été beaucoup moins spectaculaire. Il y a eu une amélioration, mais pas au point de justifier les 88 %, malheureusement.

Là-dessus, j'aimerais ajouter un autre élément parce qu'un d'entre vous a mentionné tantôt que, s'il y avait une trop forte proportion de conducteurs avec de bons dossiers, c'est que les gens donnaient de fausses informations. Dans certains cas, oui, mais il faut bien voir que dans un plus grand nombre de cas, il n'y a pas de fausse information qui est fournie. Dans une compagnie d'assurances, il y a deux types: il y a les nouveaux risques et il y a les renouvellements. Pour les nouveaux risques, effectivement, il y a une déclaration qui est impliquée. Lorsque c'est un nouveau client, on lui demande s'il a eu des accidents ou s'il n'en a pas eu. Là, il y a une déclaration. Mais la majorité de nos clients, ce ne sont pas de nouveaux risques. Ce sont des clients qui sont déjà avec nous. Pour eux, à chaque année, on ne revient pas leur demander s'ils ont subi des accidents au cours de la dernière année. On ne le sait pas. À cause de l'indemnisation directe qui existe présentement, notre client a pu être responsable d'un accident et causer des dommages à un tiers, et ne jamais nous en informer. Il n'y a pas de fausse déclaration. Il n'y a pas de malhonnêteté de sa part. C'est tout simplement que, lui, il n'a pas subi de dommage ou il a subi un dommage inférieur à sa franchise. Alors, il ne nous a pas informés.

C'est la statistique qu'on citait tantôt. Une forte proportion de ces gens-là ne déclareront pas leur accident, ne nous Informeront pas de l'accident. Il n'y a pas de fraude, il n'y a pas de mauvaise volonté même de la part de notre assuré, sauf qu'il ne prendra pas le téléphone, c'est entendu, pour nous dire: Écoutez donc, j'ai eu un sinistre. On renouvelle les clients et c'est un très grand nombre à chaque mois. Alors, 1 n'y a pas de fausseté. C'est une table à trois pattes, à toutes fins utiles. Il manque un pilier pour faire en sorte que le système fonctionne de façon adéquate. Cette information ne nous est pas fournie sans qu'il y ait fraude ou mauvaise volonté de la part de qui que ce soit. On demande d'instaurer un mécanisme qui va nous permettre d'obtenir cette information.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Lévis, une dernière question.

M. Garon: J'aurais une dernière question. Dans votre esprit, qui va payer pour ce système de fichier? Comment voyez-vous ça? Il y a des coûts à ça. Est-ce que vous avez prévu quelque chose? Est-ce qu'il y a eu des discussions avec le ministre ou le gouvernement concernant les coûts du système?

M. Brouillette (Yves): Enfin, 1 y a des coûts rattachés à l'Implantation d'un fichier comme celui-là. On n'a pas Ici d'estimation précise à vous donner, mais il y a certainement des coûts qui y sont rattachés. Par contre, si on compare ces coûts avec le volume, vous savez que les primes d'assurance automobile représentent 1 500 000 000 $. Alors, si on parle de 1 000 000 $, 1 500 000 $ ou de 2 000 000 $ de coûts rattachés à l'implantation du fichier, ça ne représente pas une proportion très Importante du volume...

M. Garon: Non, non.

M. Brouillette (Yves):... total de primes. Mais 8 va certainement y avoir des coûts, surtout au moment de l'implantation. Par la suite, une fois que ça va être en place, avec l'utilisation des moyens technologiques qui sont à la portée des assureurs, on peut penser que les coûts vont être assez minimes. Mais, il y a des coûts qui existent et ces coûts vont être supportés par l'ensemble des automobilistes, de la même façon que les frais de fonctionnement à l'heure actuelle sont répartis dans les primes. En fait, il n'y a rien de différent dans ce cas-là.

M. Garon: Je voulais dire qui va payer, dans le sens que, s) vous demandez l'Information, est-ce que vous vous attendez de payer pour l'information ou si vous vous attendez qu'elle va être fournie gratuitement par le gouvernement?

M. Brouillette (Yves): En fait, le gouvernement n'aura pas, dans le scénario qui est con-

sidéré à l'heure actuelle, à dépenser d'argent pour établir le fichier. On demande que l'administration soit confiée au Groupement. Donc, le Groupement va se charger d'Investir les sommes et ces sommes devront être récupérées des assureurs, tout simplement.

M. Garon: On dit à l'article 177: "L'inspecteur général des institutions financières peut requérir de chaque assureur qu'il dépose, en la forme il prescrit, les données statistiques et les renseignements qu'il détermine concernant l'expérience en assurance automobile au Québec de cet assureur ainsi que l'expérience en conduite automobile, des personnes que ce dernier assure". Alors, il y aura sûrement des coûts pour compiler ces dossiers-là.

M. Brouillette (Yves): M. le Président, l'article que M. le député vient de lire existe déjà. En fait, les pouvoirs du surintendant ou de l'inspecteur général de compiler des statistiques existent déjà. Cette semaine, on a présenté publiquement les résultats des statistiques des dernières années. Elles sont compilées par l'Agence statistique du Groupement des assureurs, en vertu d'un mandat qui lui a été confié par l'inspecteur général, selon cet article qui est le même article qu'aujourd'hui. Il n'y a rien de nouveau. Il y a une base statistique qui existe sous l'autorité de l'Inspecteur général, mais celui-ci n'a pas à dépenser des sommes pour gérer cette base statistique, c'est fait par l'industrie. C'est le même processus dans le cas de cette nouvelle banque de données que ce qui existe déjà pour le plan statistique.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que ça va, M. le député de Lévis?

M. Garon: Cela veut dire qu'à ce moment-là il n'y a aucun coût pour l'inspecteur général pour avoir cette banque de données chez lui.

M. Fortier: On est très efficaces.

M. Bouchard (Jean): L'imagination. L'imagination, on a pensé à ça.

M. Garon: II y a combien de temps que ça marche comme ça?

M. Bouchard (Jean): Depuis rétablissement du régime...

M. Fortier: 1978.

M. Bouchard (Jean):... l'établissement de la réforme, 1978.

M. Fortier: II a voté pour ça au Conseil des ministres et il n'est même pas au courant.

M. Garon: Je ne suis pas au courant de tous les systèmes au gouvernement. Vous voyez que l'ancien gouvernement était efficace.

M. Brouilllette (Yves): M. le Président, ça va plus loin que ça.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Brouilllette (Yves): J'aimerais simplement ajouter, M. le Président, que ça va plus loin que ça. Même le service de l'Inspecteur général ne coûte rien au gouvernement puisqu'il est financé par les sommes qui sont perçues par des compagnies d'assurances.

M. Fortier: Ne commencez pas un débat, le député de Lévis aurait un autre débat là.

Le Président (M. Lemieux): Alors vous avez terminé, M. le député de Lévis.

M. Garon: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie de votre collaboration et de votre comparution.

J'autorise le dépôt des documents du Groupement des assureurs et du Bureau d'assurance du Canada.

Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 13)

Le Président (M. Bélisle): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration est réunie, en consultations particulières, pour continuer l'étude du projet de loi 133, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile. Nous en étions rendus à demander aux intervenants de la Commission d'accès à l'information du Québec de prendre place et de nous faire leur présentation, tout en nous indiquant le nom des intervenants. Bonjour.

Commission d'accès à l'information

M. O'Bready (Jacques): Alors, je vous remercie, M. le Président. Jacques O'Bready, président de la Commission d'accès à l'information. Je suis accompagné de Me André Ouimet, qui est le directeur des services juridiques.

Je pense que les membres de la commission ont reçu copie de l'avis que nous avons transmis à la commission. Cet avis est un peu laconique, évidemment. Je pense qu'il parte de lui-même. Nous soulignons dans l'avis, évidemment, que nous avons déjà fait au ministre responsable du projet de loi certaines recommandations dont la majorité a été respectée, quatre sur cinq, pour être plus précis.

Une voix: Une bonne moyenne.

M. O'Bready: II reste une disposition, évidemment, concernant la confidentialité et c'est l'essence de l'avis que nous vous avons transmis. Donc, à moins que les membres de la commission n'insistent pour que je lise cet avis, nous sommes à la disposition de la commission pour répondre aux questions sur la portée de ces commentaires.

Le Président (M. Bélisle): Je vous remercie, M. O'Bready. Est-ce que quelqu'un demande ou exige que la lecture soit faite? M. le député de Lévis?

M. Garon: Je n'exige rien; je l'ai reçu et je l'ai lu.

Le Président (M. Bélisle): Cela va. On peut engager tout de suite la discussion. Cela va nous laisser plus de temps pour la discussion.

M. Garon: Oui.

Le Président (M. Bélisle): M. le ministre

M. Fortier Oui. Merci, M. O'Bready. Comme vous l'indiquez dans votre avis, il y a eu, effectivement, discussion entre les fonctionnaires de l'inspecteur et la Commission d'accès à l'information et son personnel. De fait, le seul point qui est resté en suspens est la question de protéger la confidentialité de l'Information. La seule chose qui nous a fait hésiter, à un moment donné, au Comité de législation était le fait qu'il s'agissait de sanctionner, éventuellement, des gens du secteur privé qui utiliseraient cette information. Comme vous le savez, ce sujet est à l'étude au ministère de la Justice qui, éventuellement, à la suite du rapport de la commission de la culture, devra statuer là-dessus.

Néanmoins, je suis allé au Comité de législation cette semaine, nous avons adopté le papillon dont je viens de vous donner copie qui sera ajouté au projet de loi. Effectivement, ils seront pénalisés. 'L'assureur qui utilise ou tolère que soit utilisé autrement qu'à des fins de classification ou de tarification un renseignement qui lui a été transmis en vertu de l'article 179. 1 est passible d'une amende de 575 $ à 5750 $. " Et l'article 169. 2 qui dit: 'Quiconque, sciemment, donne accès à un renseignement transmis en vertu de l'article 179. 1, communique un tel renseignement ou en permet la communication sans avoir obtenu de la personne concernée l'autorisation de le divulguer à une personne déterminée ou sans avoir reçu l'ordre d'une personne ou d'un organisme ayant le pouvoir de contraindre à leur communication est passible d'une amende de 200 $ à 1000. "

Bien sûr, le but de cet article serait d'alerter les utilisateurs et de les informer à l'avance qu'il y aurait pénalité, poursuite éven- tuelle et sanction éventuellement et irait, je crois, dans le sens de votre demande. Bien sûr, vous indiquez dans votre avis qu'il s'agit là d'une certaine dérogation dans la mesure où, normalement je pense bien que la Commission d'accès à l'information ne désirerait pas qu'on utilise des dossiers privés de cette façon-là. Mais vous Indiquez que, dans la mesure où les parlementaires seraient d'avis que ce sera dans le meilleur intérêt des citoyens, si cela pouvait permettre, entre autres, des réductions de primes d'assurance, à la condition que le processus qui entourerait l'utilisation de ce fichier maître soit comme celui qui a été défini dans la loi et avec cette clause de pénalité, en conséquence, vous seriez plutôt d'accord à nous laisser procéder dans ce sens-là. J'ose espérer que ça rencontre vos désirs.

Le Président (M. Bélisle): M. O'Bready.

M. O'Bready: C'est exact, M. le Président. Évidemment, dans l'avis, on a dit que ce n'était peut-être pas notre boulot de nous prononcer sur l'opportunité, je ne sais pas, sur l'avantage des citoyens d'avoir ce genre de système là. Ce qu'on a souligné c'est que - et vous regarderez peut-être le dernier paragraphe de notre avis - c'est: 'Face à ces problèmes, la Commission suggère donc que les assureurs et toute personne ayant accès en leur nom à la banque de données soient spécifiquement et législativement assujettis à une règle de confidentialité des renseignements en cause et aussi à une règle limitant l'usage des renseignements aux fins prévues par la loi. " Le tout, évidemment, assorti d'une sanction.

Alors, je dois vous souligner, M. le Président, que la Commission comme telle n'a pas à se prononcer sur l'opportunité de cette décision sur le plan politique ou de ses avantages pour les citoyens, mais simplement sur le respect de la vie privée. Elle doit surtout s'assurer que les données qui sont compilées dans cette banque-là ne serviront pas à des fins autres que celles pour lesquelles cela a été déterminé. Alors, je pense que, pour autant que l'avis de la Commission est concerné, cela pourra satisfaire, du moins à première vue, nos exigences.

Le Président (M. Bélisle): Merci. M. O'Bready. M. le ministre.

M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je voudrais poser une question à M. O'Bready. Du fait que le fichier existe et que des données y soient inscrites, un employeur pourra toujours demander à quelqu'un qui pose sa candidature à un poste: Je vous demande de produire votre dossier de conduite tel qu'enregistré au fichier, de la même façon qu'une demande, par exemple, de dossier médical. La personne qui refusera, quels que soient les motifs, pourra voir l'employeur ou la

personne susceptible de l'embaucher dire: S'il ne veut pas produire ce dossier, j'écarte sa candidature. Dès que quelqu'un est fiché ou classé, qu'il y a des rapports sur lui depuis un certain nombre d'années et un historique de son dossier de conducteur, il est susceptible de se faire demander de produire son dossier. C'est évident qu'on ne pourra pas aller là soi-même, mais on pourra exiger que la personne produise ce dossier elle-même. Il peut y avoir des conséquences sur ce plan parce que certains renseignements peuvent amener à induire un comportement de la personne, même si ce n'est pas vrai. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. O'Bready: M. le député, c'est là le sens des représentations de la commission lorsqu'on dit que les renseignements ne doivent servir que pour les fins pour lesquelles ils ont été colligés. Si vous regardez la loi d'accès dans sa teneur actuelle on dit qu'on peut coiliger des renseignements et constituer un fichier pour des fins tout à fait précises. On dit également que les personnes qui peuvent consulter ce fichier-là sont tout de même limitées. Alors, les représentations que nous faisons sont, évidemment, dans le même sens. Nous sommes fort conscients que les assureurs sont du domaine privé et que le domaine privé n'est pas actuellement assujetti à la loi. On dit quand même que, comme c'est constitué par le pouvoir public, les renseignements de ce fichier ne doivent servir qu'aux fins pour lesquelles Us ont été colligés ou ramassés. On pourrait prendre quelques minutes pour l'examiner - à première vue, je suis porté à dire que cela pourrait atteindre nos objectifs. Par exemple, on dit: "Quiconque, sciemment, donne accès à un renseignement transmis en vertu de l'article 179, communique un tel renseignement ou en permet la communication sans avoir obtenu de la personne concernée l'autorisation...". Cela me semble, à première vue du moins, atteindre nos objectifs.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Lévis.

M. Garon: Dans votre mémoire, les pages ne sont pas numérotées, mais dans le paragraphe relatif à l'atteinte au respect de la vie privée, vous dites: "Ce qui surprend à première vue, c'est que cette circulation d'information résulterait d'une intervention de l'État pour répondre à un besoin du secteur privé, celui de l'assurance automobile".

M. O'Bready: Oui.

M. Garon: Le Bureau d'assurance du Canada qui est venu cet après-midi nous a dit que ce serait le seul endroit en Amérique du Nord qui aurait un tel fichier constitué, à toutes fins utiles, par un organisme d'État qui fournirait des renseignements sur les individus. Si personne en

Amérique du Nord n'a jugé bon de faire un te) fichier... Vous, je vois que vous commencez votre phrase par "Ce qui surprend à première vue... J'ai demandé, par exemple, aux gens de l'assurance: Pourquoi ne faites-vous. pas le fichier si vous dites que c'est bon? Pourquoi ne faites-vous pas une entente entre vous? On nous a dit: II y a la concurrence et tout ça. Ce que je crains, ce n'est pas tellement qu'on dise que cela ne servira pas à d'autres fins, c'est le fait qu'l existe. Des gens pourront dire: On veut le voir. Si vous ne nous le produisez pas, vous assumerez les conséquences de quelqu'un qui ne le produit pas.

Je remarque que, dans votre texte, vous dites: "Ce qui surprend à première vue, c'est que cette circulation d'information résulterait d'une intervention de l'État pour répondre à un besoin du secteur privé, celui de l'assurance automobile." J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. O'Bready: Écoutez, mon seul commentaire, M. le député, c'est que ce qui est écrit là est écrit, mais je pense qu'on nuance quand même. Si vous lisez le deuxième paragraphe, on dit: "Néanmoins, du point de vue des citoyens, l'effet escompté de cette législation est une réduction des primes d'assurance pour la majorité d'entre eux. N'ayant pas l'expertise nécessaire pour évaluer si l'intervention proposée aurait cet effet, la Commission a déjà avisé le ministre qu'elle laisse aux parlementaires le soin d'en juger et s'en tient, dans le présent avis, à signaler au législateur que le projet affecte la vie privée de la plupart des citoyens, puisqu'un assureur pourra désormais avoir accès, auprès de l'Inspecteur général des Institutions financières ou d'une agence sous son autorité, à des renseignements concernant l'expérience de conduite d'un conducteur."

La Commission étant un organisme qui voit non seulement au respect de la loi, mais à la protection de la vie privée des citoyens et des citoyennes du Québec, évidemment, je pense que nous n'avons pas à nous prononcer comme tel sur l'opportunité politique, entre guillemets, de ce genre d'intervention. Je crois qu'il appartient aux parlementaires de le faire.

Nous attirons votre attention sur certains dangers quant à la protection de la vie privée. Un de ces dangers, c'est que la banque qui est constituée pour les assureurs, à laquelle les assureurs ont donc accès, pourrait servir à des fins autres que celles définies dans la loi. Ce dont nous voulions nous assurer, c'est, justement, qu'il y ait certaines précautions et même certaines sanctions.

C'est tout ce que je peux vraiment ajouter. Je pense que nous avons été assez explicites à la deuxième page de notre avis en parlant de "l'atteinte au respect de la vie privée." Alors, on fait un peu le bilan des avantages et des inconvénients.

M. Garon: Concernant les avantages escomptés de réduction de prime, jusqu'à maintenant, personne parmi ceux qui sont venus nous rencontrer ne nous a confirmé ça. Personne n'a dit que les gens pouvaient compter sur ça. J'ai cru comprendre, au contraire, qu'il y aurait peut-être une prime additionnelle à payer de la part de ceux qui auraient un mauvais dossier, mais personne n'a été capable de nous garantir qu'il y aurait une réduction de prime pour ceux qui auraient un bon dossier.

Indépendamment de ça, comme Commission d'accès à l'information, considérez-vous utile, souhaitable, que l'on constitue des dossiers sur les citoyens dans des domaines où la nécessité n'est pas démontrée? On nous dit qu'on a actuellement le meilleur système en Amérique du Nord. C'est ce qu'on nous a dit cet après-midi. Par ailleurs, nulle part en Amérique du Nord il n'y a de tels fichiers montés de la façon dont on parie dans le projet de loi. Las compagnies d'assurances fonctionnent sans de tels fichiers.

Dès qu'il y a un fichier sur quelqu'un, officiellement - je comprends que vous voulez protéger la vie privée des gens - n'importe qui peut vous demander de le produire, en disant. Si vous ne voulez pas le produire, c'est parce que vous en avez honte. Il peut arriver n'importe quoi avec ces fichiers. Par exemple, si on démontre qu'habituellement vous avez des accidents à 2 heures du matin, on va supposer des choses. À partir d'un fichier, avec un paquet de renseignements, on peut supposer toutes sortes de choses sur la vie privée des gens. Comme Commission d'accès à l'information, trouvez-vous normal ou sain qu'on monte un fichier alors que toute l'industrie de l'assurance dans le reste de l'Amérique du Nord ne sent pas le besoin d'en avoir un?

M. O'Bready: M. le Président, évidemment, je ne suis pas un spécialiste en matière d'assurance. C'est bien évident que comme Commission non seulement d'accès à l'information, mais de protection des renseignements nominatifs, on se pose des questions chaque fois qu'on veut constituer un fichier sur la vie privée des personnes. Il est évident que la majorité de ces fichiers est présentement créée ou constituée par le secteur privé, lequel, au moment où on se parle, n'est pas régi par notre loi. Un comité interministériel chapeauté par le ministère de la Justice étudie présentement cette question. La Commission d'accès à l'information comme telle est membre de ce comité, a des représentants à ce comité et se préoccupe, bien sûr, de la protection de la vie privée.

Maintenant, je pense que notre avis parle de lui-même. Si on n'était pas préoccupés d'intrusion possible dans la vie des Québécois et des Québécoises, c'est bien sûr qu'on ne serait pas ici, ce soir, pour dire: On est un peu inquiets de savoir à quelles fins serviront les renseignements qui seront compilés ou colligés dans ce genre de banque dont l'Inspecteur général des Institutions financières aura la responsabilité. Ce qui est Important pour nous, c'est d'attirer votre attention sur la nécessité d'avoir des mesures qui, d'une part, garantissent que les Informations qui sont dans ce fichier ne serviront pas à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été ramassées ou colligées; d'autre part, si, évidemment, il y a des infractions à cette règle, que ce sera sanctionné par certaines mesures. (20h30)

Mais, pour répondre à la question du député, c'est évident que nous sommes préoccupés. Je pense que ce n'est pas à nous de déterminer les avantages - je répète ce que j'ai dit au début de mon intervention - et s'il y a vraiment des épargnes pour les citoyens du Québec en termes de prime, de tarification ou de classification. La Commission d'accès n'a pas d'actuaires à son service. Elle ne peut pas déterminer cela. J'imagine que d'autres intervenants plus qualifiés que moi peuvent se prononcer sur cet aspect.

M. Garon: Une dernière question: Trouvez-vous normal que la responsabilité de cette question soit confiée à l'Inspecteur général des institutions financières, dont la principale préoccupation est la solvabilité des institutions financières et qui n'a pas de responsabilité particulière par rapport aux individus? On dit bien: L'inspecteur général des Institutions financières alors que l'assurance automobile, d'une façon générale, relève beaucoup plus de la Régie de l'assurance automobile que du gardien des institutions financières. L'inspecteur général des institutions financières étant, par fonction, préoccupé de la bonne santé financière des Institutions financières, ça fait curieux que le dossier des assurés relève de l'Inspecteur générai des institutions financières plutôt que de la Régie de l'assurance automobile.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Lévis, voulez-vous nous répéter ça?

M. Fortier:... On est à la veille de rendre la tôle responsable.

Le Président (M. Bélisle): M. le ministre.

M. Garon: L'article 179. 1 le dit bien: "L'inspecteur général des institutions financières peut, à des fins de classification et de tarification, communiquer, à tout assureur agréé qui en fait la demande, en vue de l'émission ou du renouvellement d'une police d'assurance automobile, les renseignements suivants... " Suit la liste des renseignements.

Par sa fonction, l'inspecteur général des institutions financières est quelqu'un qui surveille les institutions financières. Ce n'est pas un protecteur du consommateur qu'est l'assuré.

L'inspecteur général des institutions financières est responsable de surveiller les institutions financières, alors que dans sa fonction d'assuré, l'assuré est un consommateur.

M. Fortier: Vous dites ça sans rire.

M. Garon: Non, c'est certain. Les personnes humaines dans le système dans lequel on vit actuellement... On a l'impression d'arriver de plus en plus à un système policier. Tout le monde sait ça. Actuellement, la protection de la vie privée, c'est de faire en sorte qu'on arrête de monter des dossiers sur tout le monde et de faire circuler les dossiers. C'est la réalité. En Allemagne nazie, tout le monde était fiché. Je pense qu'il n'est pas sain de ficher tout le monde sous différentes coutures et que les dossiers puissent... Je comprends qu'il y aura des amendes, mais il y aura des renseignements qui circuleront sur des gens. Ce sera à tel bureau de crédit, à tel bureau, ce sera son dossier médical; ailleurs, ce sera le dossier de conduite et, après ça, on fera des concours et on dira: Produisez donc, s'il vous plaît - si vous ne voulez pas, il n'y a pas de problème, sauf que, votre candidature, on va la mettre de côté - votre dossier médical, votre dossier de conducteur, tel dossier, tel dossier et après on évaluera ça. C'est quoi si ce n'est pas un système policier?

Une voix: Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est un système policé, si ce n'est pas policier.

M. Garon: Une fois que ces dossiers sont là, les gens les interprètent. Je parlais tantôt d'une compagnie d'assurances, par exemple; vous pouvez faire un certain nombre d'accidents, vous n'êtes responsable dans aucun cas. La compagnie d'assurances dit: Oui, vous n'êtes jamais responsable, sauf que vous n'êtes pas bien bons dans la prévention. Si vous aviez une conduite plus défensive, vous n'auriez pas autant d'accidents. On supposera que vous vous mettez dans des cas d'accident parce que vous n'êtes pas assez prévoyant. C'est cela qu'ils font actuellement. Et cela contribue à faire augmenter les primes. Quand on a un dossier et qu'on le fait circuler... Je ne le dis pas d'une façon méchante.

L'autre jour, je donnais l'exemple de quelqu'un qui avait stationné son automobile. Une boîte à déchets en métal de restaurant a roulé sur l'automobile. J'ai remarqué les questions qu'on a posées à cette personne. On a dit: Pourquoi as-tu mis ton automobile là? La personne a répondu. Je ne pouvais pas imaginer que la poubelle roulerait. On a dit: Oui, mais si tu l'avais mise ailleurs, peut-être... Tout de suite, on a pensé que la personne était un peu coupable d'avoir été frappée par un objet qui s'est mis à rouler sur le trottoir alors qu'elle n'était pas dans son automobile. Par exemple, quelqu'un met son automobile à côté du Parlement. La glace tombe sur son toit. On lui dit: Oui, mais tu la voyais, la glace. Elle dit: Oui, mais c'est le stationnement qu'on m'a affecté.

À partir d'une série d'accidents qui peuvent arriver où une personne n'est pas en cause, on va établir qu'elle a peut-être un mauvais jugement. Pourquoi? Parce que le dossier va être interprété, évalué. Je ne parle pas seulement pour les fins d'assurances, mais parce qu'il existe, on va demander de le produire. Ensuite, parce qu'on l'aura produit, on va le regarder. Et, à partir de renseignements soi-disant neutres, on va commencer à évaluer la personne, son comportement, sa façon de faire les choses. Si l'industrie de l'assurance automobile, dans tout le reste de l'Amérique du Nord, n'a pas besoin d'un tel fichier, pourquoi l'industrie de l'assurance automobile du Québec en aurait-elle besoin?

Le Président (M. Bélisle): M. O'Bready, à vous la parole.

M. O'Bready: M. le Président, je ne voudrais pas intervenir sur le fond du dossier en ce qui concerne les assurances ou la responsabilité des assurés. Je voudrais simplement indiquer aux membres de la commission que la Commission d'accès à l'information, à un moment donné, a fait des représentations où on disait: "Que soient législativement mieux définis et circonscrits les renseignements personnels qui seront colligés et diffusés; que soient prévues des normes particulières quant à la conservation des renseignements personnels en cause afin que le dossier de conduite d'un conducteur porte sur une période de temps raisonnable, etc. "

M. le Président, je l'ai dit de façon assez claire tantôt: Je pense que la Commission ne s'attribue pas l'expertise de déterminer si l'effet escompté de la loi pour les citoyens est vraiment un plus ou un moins. Nous n'avons pas les personnes-ressources pour évaluer, par exemple, en termes de classification ou de tarification, si le dossier, au mérite ou au démérite, va profiter aux citoyens du Québec, aux conducteurs ou aux conductrices du Québec. Je pense que c'est le boulot d'autres personnes.

Ce qui nous préoccupe, comme Commission - et c'est peut-être le deuxième volet de notre mission de protection de la vie privée - c'est si cette banque qui est constituée, qui comprend toute une série de renseignements, sera accessible à des personnes autres que celles qui ont l'autorité pour le faire et, deuxièmement, si les renseignements qui sont dans cette banque serviront à des fins autres. Alors, pour assurer cette espèce de confidentialité dont j'ai parlé au début de mon intervention, nous avons suggéré certaines mesures, certaines règles du jeu. Honnêtement, je ne peux vraiment pas vous répondre autre chose que de vous dire que notre préoccupation, comme Commission, c'est de nous assurer que les renseignements qui sont contenus

là ne seront pas divulgués pour des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été compilés. Deuxièmement, que les personnes qui se rendraient coupables d'Infraction à cette règle, évidemment, seraient sujettes à des sanctions.

Pour répondre à M. le député, je lui dirai que la Commission est toujours préoccupée de la constitution ou de la construction de ces banques de données qui existent à la fois dans le secteur public et, bien évidemment, dans le secteur privé et peut-être plus dans le secteur privé. C'est peut-être le défi des prochains mois ou des prochaines années que de s'assurer que la protection de la vie privée ne regarde pas uniquement les organismes qui sont assujettis à la loi actuellement, mais également peut-être certains organismes du secteur privé. Je répète, M. le Président, qu'il y a déjà un comité interministériel, sous le chapeau de la Justice, qui se préoccupe de cette question. On est prêts à apporter notre contribution, mais je pense que ce n'est pas notre rôle, comme Commission, de prendre les décisions. Voilà, c'est une question d'opportunité politique qui appartient aux parlementaires.

Le Président (M. Bélisle): Très bien, M. O'Bready. M. le député de Lévis, d'autres questions?

M. Garon: Merci.

Le Président (M. Bélisle): Pas pour le moment. M. le ministre.

M. Fortier: Juste deux commentaires. Le premier, c'est que le député de Lévis revient toujours avec la même phrase: "C'est le seul endroit en Amérique du Nord. * Je pense que, cet après-midi, on a expliqué qu'effectivement il y avait peu d'endroits en Amérique du Nord où il y avait un système comme celui qui existe au Québec, le "no fault" pour les blessures corporelles et l'indemnisation directe pour les accidents et pour les sinistres matériels. En conséquence, du fait de cette spécificité de la loi, on fait face à des problèmes spéciaux.

Le deuxième point, le député de Lévis a fait état des responsabilités de l'inspecteur dans le secteur de l'assurance automobile. Je sais qu'il existe un décret qui fait en sorte que la loi... Il est vrai que la loi générale sur l'assurance automobile relève du ministre des Transports, mais j'aimerais, M. l'inspecteur, que vous disiez à la commission, à titre d'information, quelles sont vos responsabilités dans le secteur plus spécifique de l'assurance automobile et quels sont les titres de la loi qui sont sous votre juridiction ou sous la juridiction du ministre qui répond de vos actions en Chambre.

M. Bouchard (Jean-Marie): Effectivement, la Loi sur l'assurance automobile, au tout début, était confiée à un seul ministre, ce qui faisait que les titres VI et VII de cette loi ne créaient pas de difficulté. Mais par suite de la division des responsabilités ministérielles, le ministre des Transports est responsable de la loi, sauf pour les deux dispositions qui traitent, entre autres, au titre VII, des pouvoirs de l'Inspecteur général et, au titre VI, du Groupement des assureurs automobiles et de l'établissement de l'Office des statistiques. Donc, toute la responsabilité de l'administration de cette partie de la loi qui concerne les dommages matériels ne relève pas du ministre des Transports, elle relève du ministre des institutions financières pour les responsabilités qui sont données à l'Inspecteur général. Le Groupement des assureurs automobiles, qui est créé par la Loi sur l'assurance automobile, tombe sous la responsabilité du ministre des Institutions financières.

Le Président (M. Bélisle): D'autres questions, M. le député de Lévis? M. le ministre, des commentaires?

M. Fortier: Merci, M. O'Bready d'avoir pris la peine de vous déplacer. Je vous remercie.

M. O'Bready: C'est moi, M. le Président, qui remercie les membres de la commission de nous avoir reçus et d'avoir considéré notre avis. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Lévis. Merci d'avoir été présents devant nous.

Je vois M. Léveillée qui est là-bas. Nous allons suspendre quelques secondes pour permettre à notre prochain intervenant de s'approcher de la table des témoins.

(Suspension de la séance à 20 h 43)

(Reprise à 20 h 45)

Le Président (M. Bélisle): Nous avons devant nous M. Léveillée, président de la Ligue de taxis de Montréal. Bienvenue, M. Léveillée. c'est à votre tour.

Ligue de taxis de Montréal

M. Léveillée (Gilles): Bonjour, M. le Président, bonjour, M. le ministre. Je parle ici au nom des membres du conseil d'administration de la ligue de taxis de Montréal. Nous n'avons pas eu le temps de consulter toutes les ligues de la province de Québec. Il y en a 44. Vous comprendrez qu'avant de réunir un nombre de personnes et d'avoir leur opinion c'est très difficile. Nous tenons à remercier tous les membres de la commission parlementaire qui nous permettent de donner notre appréciation sur le projet de loi 133.

Au début de l'année 1988, l'honorable Marc-Yvan Côté mandatait le député de Jeanne-Mance.

Me Michel Bissonnet, pour former un comité qui ferait le point sur la question des assurances dans l'industrie du taxi. À la suite de sa nomination, le député de Jeanne-Mance, Me Michel Bissonnet nous invitait à participer activement aux réunions de ce comité. Ayant accepté cette invitation nous avons pris part à toutes les réunions dudit comité.

Après avoir étudié des renseignements et des statistiques de toutes sortes, plusieurs conclusions en sont ressorties. Nous aimerions attirer votre attention sur celle dont il est fait mention en page 18 du rapport Bissonnet que nous nous permettons de citer: "Au-delà de ces considérations statistiques prises dans leur ensemble, on constate cependant, avec l'expérience, que le régime d'indemnisation directe et la non-subrogation ont introduit un biais dans le cas de certains dossiers. "Auparavant, on n'augmentait pas la prime d'un conducteur principal ou d'un propriétaire impliqué dans un accident dont il n'était pas responsable. Avec l'entrée en vigueur de la convention d'indemnisation directe et l'élimination de la subrogation entre assureurs, l'Information touchant des conducteurs a fait place à une information confirmant seulement "l'implication dans un sinistre". Les accidents où l'on n'est pas responsable portent donc plus à conséquence qu'auparavant, de telle sorte que certains individus malchanceux doivent payer des primes d'assurance automobile très élevées, même s'ils ne sont pas responsables des accidents dans lesquels leur véhicule est impliqué.

Pour corriger ce biais, le Groupement des assureurs automobiles et le Bureau d'assurance du Canada recommandaient en juillet 1987 à l'Inspecteur général des institutions financières et devant la commission sur la Loi sur l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels, en février 1988, la mise sur pied d'un fichier central des sinistres dans lequel seraient consignées toutes les réclamations des conducteurs. Ces données indiqueraient la responsabilité des conducteurs dans chaque accident permettant ainsi de tarifer de façon plus équitable chacun des assurés. "Ce biais que nous avons décrit n'affecte évidemment pas uniquement l'industrie du taxi mais l'ensemble des conducteurs automobiles. " Excusez, est-ce que vous voulez en avoir d'autres copies?

Le Président (M. Bélisle): II semble que le député de Jonquière et d'autres députés ici n'ont pas eu de copie. Peut-être qu'on pourrait juste faire une petite distribution de cadeaux amicalement là.

M. Fortier: Ils en ont distribué une dizaine de copies cet après-midi, je ne sais pas où elles sont.

M. Dufour:... prendre des notes.

Le Président (M. Bélisle): Vous avez raison, M. le député de Jonquière.

M. Dufour:... tout ce qu'il faut... M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Bélisle): Au nom de la commission, J'accepte, M. Léveillée, le dépôt du document pour faciliter notre bonne compréhension à tous. Allez-y, M. Léveillée.

M. Léveillée: Ces données indiqueraient la responsabilité des conducteurs dans chaque accident permettant ainsi de tarifer de façon plus équitable chacun des assurés.

Ce biais que nous avons décrit n'affecte évidemment pas uniquement l'industrie du taxi mais l'ensemble des conducteurs automobiles du Québec. Néanmoins, après un examen attentif de la proposition du Groupement des assureurs automobiles, le Comité de travail sur les assurances dans l'industrie du taxi recommande la mise sur pied d'un fichier central des sinistres dans lequel serait consigné notamment le degré de responsabilité, selon la convention d'indemnisation directe, de chacun des conducteurs impliqués dans chacun des sinistres automobiles au Québec, permettant ainsi une tarification individuelle plus équitable liée au risque et au dossier d'accidents dont la personne est responsable. "

Le projet de loi 133 apporte une correction qui, effectivement, permettra aux assureurs de modifier cette situation d'eux-mêmes car, advenant le cas où certains assureurs ne se serviraient pas de l'article 179. 1 pour déterminer leur tarification, le législateur n'aurait d'autre choix que de l'imposer.

Nous citons un passage du rapport sur la tarification en l'assurance automobile produit par l'Inspecteur générai des institutions financières en 1987: L'analyse des manuels de tarifs déposés auprès de l'Inspecteur général démontre la justesse de la critique très répandue selon laquelle les assureurs exigent des surprimes de leurs assurés qui subissent des accidents non responsables. Bien sûr, les assureurs ne fonctionnent pas tous de cette façon et certains ne haussent pas la prime de leurs assurés dès la survenance d'un premier sinistre sans responsabilité. Il reste néanmoins que la majorité des assureurs imposent une surprime à leurs assurés pour des sinistres dont ils ne sont pas responsables. Des plaintes déposées auprès de l'Inspecteur général démontrent dans certains cas des surprimes astronomiques ou même le refus d'assurer. "Mais ce qui ressort avec le plus d'acuité de cette brève étude sur les rabais, c'est l'ampleur que prennent les rabais basés sur l'expérience de réclamations. C'est le rabais qui a le plus d'impact sur le niveau des primes et, comme on l'a vu, la majorité des assureurs considèrent les sinistres sans responsabilité parmi

les critères régissant l'accès à ces rabais. Une réclamation sans responsabilité de la part de l'assuré est traitée de façon équivalant à une réclamation pour laquelle l'assuré est responsable en totalité ou en partie. "Le consommateur québécois a de la difficulté à comprendre que, dans un régime à base de responsabilité en matière de dommages matériels, ce qui est le cas au Québec, ii ait à subir des hausses de la prime parce qu'il a été impliqué dans un accident dont il n'est pas la cause. Il a raison de ne pas comprendre parce que, imperceptiblement, mais véritablement, on introduit un régime sans faute. Si tel doit être le système, encore faudrait-il que le public en soit informé et surtout que les règles de base soient transformées. Les assureurs devraient en être conscients et prendre les mesures appropriées, au moins dans les cas flagrants d'absence de responsabilité, s'ils veulent éviter l'intervention de l'autorité publique. "

Le projet de loi prévoit que la résiliation d'un contrat pour un assureur, en cas d'aggravation au risque prendra effet quinze jours après la réception de l'avis de résiliation. À notre avis, cette période de quinze jours est trop courte pour toutes sortes de raisons et elle devrait être portée à 30 jours.

Quant à l'article 183. 1, nous sommes d'accord que sa mise en application est d'intérêt public. L'article 177 prévoit que les renseignements concernant l'expérience en conduite automobile des assurés couvriront les dix dernières années. Cette période de dix ans nous fait craindre que les assureurs puissent éventuellement profiter de cette longue expérience pour augmenter indûment les primes des assurés. Dans la conjoncture actuelle, du moins en ce qui concerne les taxis, les assureurs demandent à tout nouvel assuré son expérience d'assuré des cinq dernières années pour établir une prime initiale. Nous croyons qu'une période de dix ans est beaucoup trop longue et qu'elle devrait être réduite à cinq ans. Nous croyons fermement que la réduction de cette période à cinq ans aura comme conséquence de permettre aux assureurs une action beaucoup plus punitive et dissuasive envers les conducteurs négligents nu imprudents. En effet, une augmentation de primes amortie sur une période de cinq ans, à la suite d'un accident responsable, a beaucoup plus d'impact dissuasif qu'une augmentation amortie sur une période de dix ans. L'aspect économique de cette situation risque de provoquer auprès de ce type de conducteur une prise de conscience quant à sa façon de conduire et, par ricochet, l'inciter à une plus grande prudence sur la route s'il aspire un jour revenir à sa prime initiale.

De toute évidence, le projet de loi 133 permettra de corriger une situation qui se devait d'être changée. La modification du deuxième alinéa de l'article 177 que nous proposons vient renforcer davantage le but recherché par ce projet de loi. En effet, les conducteurs automo- biles devront prendre conscience de l'importance d'une conduite plus prudente, sinon ils en subiront eux-mêmes les conséquences économiques et ils devront redoubler de prudence s'ils aspirent revenir à une prime initiale, d'où une plus grande sécurité sur nos routes.

Nous demandons à M. le ministre, Pierre Fortier, de s'assurer que cette loi profitera aussi aux bons conducteurs par des rabais substantiels de primes, sinon elle n'aura plus aucune portée valable pour le public.

Nous terminons en vous offrant nos félicitations pour ce projet de loi. Nos membres l'ont très bien reçu et ils sont d'avis qu'il aura pour effet, s'il est bien appliqué, de rendre la tarification plus équitable pour tous. Merci.

Le Président (M. Bélisle): Merci, M. Léveillée. M. le ministre.

M. Fortier: Merci, M. Léveillée. Vous faites allusion au rapport Bissonnet dont j'ai copie ici. D'ailleurs, en le lisant, on s'aperçoit que les motifs qui ont poussé le ministre des Transports à demander à notre collègue, Michel Bissonnet, d'organiser et de présider ce comité étaient que beaucoup des chauffeurs de taxi, à Montréal surtout, se plaignaient de l'importance des primes, d'une certaine inéquité et de la difficulté quelquefois d'obtenir de l'assurance. Vous pourriez peut-être nous dire, dans un premier temps, quel est le problème de base du chauffeur de taxi de Montréal. D'une part, il est toujours sur la route, vous le dites, et il peut être impliqué... Le rapport dit qu'il est plus souvent que d'autres Impliqué dans des accidents, mais vous dites que, très souvent, même quand il est impliqué, ce n'est pas lui qui est responsable et c'est ce que voudriez voir corriger.

Le Président (M. Bélisle): M. Léveillée.

M. Léveillée: La raison, c'est que nos primes d'assurance pour un taxi sont beaucoup plus élevées que pour le véhicule d'un particulier comme tel. Disons qu'une prime d'assurance pour un taxi se situe aux alentours de 2000 $ par année. Lorsque vous avez un accident et que vous n'êtes pas responsable, la compagnie d'assurances va vous augmenter selon un pourcentage préétabli face à une non-responsabilité si vous avez deux, trois ou quatre accidents mon responsables.

Si vous augmentez de 10 % sur une prime de 2000 $, ça fait une augmentation immédiate de 200 $ comparativement au particulier qui, lui, a peut-être une prime de 400 $ ou 500 $, ce qui fait une augmentation de 40 S. Cela fait une échelle qui s'agrandit tout le temps. En établissant la responsabilité dans l'accident, au moins ce serait plus équitable face à ces accidents.

Il y a une autre chose, c'est le problème des assurances. Quand les primes augmentent,

nous, en tant que ligue, sommes obligés de demander des hausses de tarifs. On établit une moyenne de coût d'assurances et on est obligés de se présenter devant la Commission des transports pour augmenter nos tarifs en fonction de nos dépenses. Si les dépenses d'assurances deviennent un coût énorme dans l'administration d'un taxi, ça veut dire que les tarifs en subiront les contrecoups et c'est le public qui en paiera la note en fin de compte.

C'est pour ça qu'on dit que, pour nous, la non-responsabilité n'était pas valable parce que, de toute façon, à chaque fois qu'on avait un accident non responsable, la prime augmentait.

M. Fortier: Cela avait un impact plus direct sur vous.

M. Léveillée: Pardon?

M. Fortier: Cela avait un impact plus immédiat sur vous.

M. Léveillée: Cela avait un impact direct sur les propriétaires de taxis. Je peux vous nommer des cas où les primes, même avec la non-responsabilité, ont augmenté jusqu'à 4000 $ ou 5000 $ par année pour un taxi. Cela devient assez coûteux d'exploiter un taxi dans ces conditions.

M. Fortier: Vous êtes d'accord avec l'esprit, le but du projet de loi, mais vous parlez du délai trop long de dix ans. Il est vrai qu'au début, quand on avait préparé le projet de loi, il n'y avait pas de limite. Ensuite, en discutant avec la Commission d'accès à l'information, on a dit: Oui, on va mettre une limite, on va mettre dix ans. J'aimerais que vous nous explicitiez davantage pourquoi vous croyez que ça ne devrait pas être dix ans mais seulement cinq ans.

M. Léveillée: La raison est simple. Dans notre cas, nous avons seulement quelques assureurs qui font de l'assurance sur les taxis. Réellement, il y a seulement trois compagnies à Montréal qui assurent les taxis. Dans le moment, il existe déjà entre ces trois assureurs une politique selon laquelle ils vont aller à cinq ans puis ils vont s'informer de votre expérience de conduite sur les cinq dernières années pour établir votre prime.

Premièrement, dans l'industrie du taxi comme telle, si elle est portée à dix ans, nous appréhendons que, si vous avez un accident responsable en étant continuellement sur la route, votre dossier, en étant porté à dix ans, si vous avez un accident responsable durant ces dix ans, ça va faire une marque à votre dossier d'expérience de conduite automobile. À partir de ce moment, vous allez payer une prime élevée sur une période de dix ans. Nous croyons que dans l'industrie du taxi ça devrait être... De toute façon, dans le moment, (es assureurs s'accommodent d'une période de cinq ans et peuvent tarifer en fonction de cette période.

C'est pour ça qu'on dit que, si l'assureur peut avoir l'information que rendu à la neuvième année, par exemple, vous avez eu un accident responsable, ça fera automatiquement augmenter votre prime pour une période de dix ans. Les chances d'être dix ans sans faire d'accident responsable dans le taxi sont rares. Cela prend un bon conducteur pour en venir à bout et ne pas avoir un moment d'inattention sur une période de dix ans. C'est pratiquement impossible.

Notre appréhension est que ça augmenterait la prime pour une période de dix ans et on se retrouverait avec des primes toujours surchargées.

M. Fortier: En fait, vous dites que le taxi c'est un cas particulier. On disait cet après-midi qu'il y avait jusqu'à 100, 150 compagnies d'assurances en concurrence les unes avec les autres et, quand on tombe dans le cas spécifique du chauffeur de taxi, vous dites qu'il y en a trois à Montréal?

M. Léveillée: Oui.

M. Fortier: Combien y a-t-il de chauffeurs de taxi? Combien y a-t-il de personnes affectées par ça?

M. Léveillée: Combien de personnes?

M. Fortier: Disons dans la région de Montréal.

M. Léveillée: En tant que propriétaire, à Montréal, il y a 3200 propriétaires qui détiennent 4200 voitures.

M. Fortier: À peu près 4000 personnes. (21 heures)

M. Léveillée: Ces propriétaires peuvent engager des chauffeurs. Si les primes d'assurance sont élevées, le chauffeur va en subir le contrecoup sur sa location de voiture. C'est pour ça que la prime, nous autres, on calcule qu'elle est déjà assez élevée. S'ils peuvent augmenter d'une autre façon la prime d'assurance comme telle, I va falloir que les tarifs soient augmentés, il va falloir que les locations soient augmentées et cela va avoir une portée, des implications beaucoup plus profondes dans l'industrie du taxi que pour le particulier. il y a l'autre situation aussi. C'est que dans la région A-11 que je représente dans le moment, il y a 90 % de propriétaires qui sont artisans. Ces propriétaires ont aussi des enfants et, dans la majorité des cas, la voiture du père va servir pour le travail de l'étudiant qui est à l'université ou au cégep. Il va pouvoir travailler avec la voiture de son père, ce qui est plus facile, plus accessible que de se trouver un emploi ailleurs. À partir de ce moment, la personne, le jeune qui

aura un dossier à établir sur une période de dix ans, il faudrait que le père paie une surprime parce que justement son garçon, qui a 18 ou 19 ans, n'a pas eu le temps de s'établir une expérience de conduite et s'établir une crédibilité sur son dossier de conduite. Cela pourrait peut-être entraîner une surprime de la part des assureurs si cette personne engage son fils, et fait conduire son fils sur le taxi.

Il y a aussi le particulier qui a l'impact. Dans le moment, les jeunes vont payer une prime plus élevée jusqu'à l'âge de 25 ans ou jusqu'au moment où ils se marieront, à 23 ou 24 ans. La prime va alors baisser de façon draconienne. La prime va faire une chute. Tandis que dans le moment le jeune qui commence, disons qu'il a son permis de conduire à l'âge de 16 ans - ce qui est légal aujourd'hui à 16 ans - pourrait se retrouver, s'il est incité à conduire comme il faut, après 5 ans, il pourrait se retrouver à 21 ans avec une prime qui serait égale à tout le monde, même aux personnes de 30 ou 35 ans. Cela Inciterait le jeune à être plus prudent. Celui qui ne serait pas prudent paierait lui-même la note de ses imprudences et ses folles de conduite.

Dans le fond, cela les inciterait On dit toujours que les jeunes font des folies de jeunesse. Mais, dans le fond, il y a des jeunes qui sont réellement sérieux. Présentement, mol, dans mon optique, ils paient la note pour ceux qui ne le sont pas. Automatiquement, ils sont obligés d'établir une catégorie pour les jeunes et, en établissant une catégorie pour les personnes de cet âge, même s'ils ont un bon record de conduite, ils vont payer une prime beaucoup plus élevée que le particulier qui a 30 ou 35 ans.

M. Fortier: Je vous remercie, M. Léveillée.

Le Président (M. Bélisle): Merci. M. le député de Lévis.

M. Garon: Dans votre mémoire, vous faites une affirmation à la page 9, en bas, en demandant à M. le ministre Fortier de s'assurer que cette loi profitera aussi aux bons conducteurs par des rabais substantiels de primes, sinon cette loi n'aura plus aucune portée valable pour le public. Le Groupement des assureurs automobiles est venu cet après-midi, avec le Bureau d'assurance du Canada. Ils ont bien mentionné qu'il n'y aurait pas de baisse de primes substantielle. Il pourrait y avoir une baisse relative, en voulant dire que, possiblement, cela pourrait augmenter moins que cela devrait augmenter, mais personne n'a parlé jusqu'à maintenant de baisse substantielle de prime.

On voit que le régime n'est pas établi. Les assureurs disent clairement qu'il n'y aura pas de baisse substantielle par l'établissement d'un tel système. Dans la perspective qu'il n'y ait pas de baisse de prime substantielle, c'est bien votre conclusion que ça ne vaut pas la peine d'avoir un tel système. C'est ce que Je comprends de votre mémoire.

M. Léveillée: Non, ce n'est pas que ça ne vaille pas la peine d'établir un système, le système en vaut la peine réellement. La raison, c'est que si les assureurs, tel que l'Inspecteur général l'a mentionné, ce que j'ai lu à un autre paragraphe... Il dit que l'autorité publique devrait intervenir si les assureurs ne modifient pas leurs primes comme telles. Les assureurs, eux, auront peut-être à subir une mise en application plus draconienne de la part du législateur. C'est ce qu'on dit un peu plus loin aussi.

En ce qui nous concerne, si ça ne sert qu'à augmenter les primes - parce il ne faut pas se le cacher, les assureurs sont là pour faire de l'argent, ils ne sont pas là pour en perdre; de toute façon, s'ils en perdaient, ils ne seraient plus là - à partir de ce moment-là, on dit que si les assureurs ne se conforment pas à ça - par exemple, Bell Canada est obligée de faire approuver ses tarifs - si les assureurs ne veulent pas se discipliner eux-mêmes et l'appliquer eux-mêmes, peut-être que le législateur devra penser de l'imposer. C'est ce qu'on dit.

M. Garon: Je n'ai vu personne parler de baisse substantielle. Chaque fois que je demandais à quelqu'un: Est-ce que ce sera le même taux pour tous les bons ou y aura-t-il des primes additionnelles pour les mauvais conducteurs? j'ai eu le sentiment que ce serait ça, personne n'a voulu se compromettre en disant qu'il y aurait des baisses de primes substantielles.

M. Léveillée: C'est ce qu'on demande au ministre de surveiller. Cette loi-là, dans l'esprit du gouvernement et dans notre optique, est justement pour améliorer une situation qui n'est pas bonne en fait. Il doit surveiller, par le Surintendant des assurances, si effectivement il y a eu baisse. J'imagine que les assureurs ont des rapports à produire là-dessus et on peut vérifier si, effectivement, il y a eu des baisses de primes ou non. S'il y a eu seulement des augmentations. ça n'aura pas été valable, ça aura tout simplement donné une autre arme aux assureurs et l'esprit de la loi, dans notre optique, n'est pas de donner une arme aux assureurs pour augmenter leurs primes, mais de tout simplement régler une situation qui, à notre point de vue. n'aurait pas dû exister.

M. Garon: M. le Président, je poserais une question au ministre: Est-il prêt à répondre à la question de M. Léveillée? Il vous demande, comme ministre, de vous assurer que cette loi profitera aussi aux bons conducteurs par des rabais substantiels de primes. Êtes-vous prêt à vous engager dans ce sens-là et à le mettre dans la loi?

Le Président (M. Bélisle): M. le ministre, si

je comprends, le député de Lévis vous demande une assurance.

M. Garon: Non, je pose la question.

M. Fortier: M. le député de Lévis joue sur les mots. Je vais répondre à la question, mais il joue sur les mots. Cet après-midi, il interprète les réponses à sa façon et c'est sa responsabilité. Ce que le Groupement des assureurs automobiles nous a dit, c'est qu'une fois le fichier en place ça va prendre trois ou quatre ans avant que le fichier soit réellement opérationnel. Si vous regardez les statistiques, vous voyez que chaque année ça coûte plus cher pour les sinistres et c'est normal qu'il y ait une augmentation chaque année, comme ils ont dit que ça augmenterait cette année en moyenne de 5 % à 10 %. On ne peut pas dire que c'est une augmentation excessive. Alors si ça prend trois, quatre ou cinq ans pour faire en sorte que le système soit en place, durant ce temps-là les prix vont augmenter, c'est tout à fait normal, en moyenne et donc ce qu'ils ont dit: Eh bien, ne vous attendez pas quand on parle de rabais que ce sera un rabais par rapport à 1989. Ce sera un rabais par rapport a 1994. Si le député de Lévis ne peut pas comprendre ça, il n'a pas compris grand-chose.

Donc, on ne parle pas de rabais par rapport à 1989, s'il est opérationnel dans toute sa dimension en 1994, on pariera de rabais par rapport aux prix de 1994. Là-dessus, il ne faudrait pas faire dire au Groupement ce qu'il n'a pas dit cet après-midi. Il a dit que le rabais devrait se mesurer par rapport aux prix durant l'année où le système serait en fonction.

Cela dit, iI est vrai que la loi ne dit pas... Nous ne contrôlons pas les prix des compagnies. On pourrait s'aventurer, comme l'Ontario essaie de le faire, à contrôler la tarification. L'Ontario s'est embarqué dans un système et il ne sait pas comment s'en sortir parce que, s'il fallait approuver la tarification cas par cas, classe par classe, compagnie par compagnie, ce serait à peu près impossible, mais je crois qu'en analysant la situation... Les affirmations du Groupement et du BAC nous permettent de conclure que les gens qui conduisent mieux auront des tarifs plus bas que ceux qui conduisent mal, parce que les assureurs auront les outils en main pour proposer des tarifs plus généreux pour ceux qui ont moins d'accidents.

Cependant, et je crois que M. Léveillée peut nous le confirmer, cela est plus vrai dans le cas du conducteur moyen qui peut s'assurer auprès de 100 ou 150 compagnies d'assurances. Mais j'admets qu'il y a un problème particulier pour les chauffeurs de taxi. M. Léveillée nous a dit que la concurrence n'est pas terrible et que c'est un problème additionnel. La concurrence n'est pas terrible, dans le domaine du taxi, à Montréal, il y a seulement trois compagnies qui assurent les chauffeurs de taxi. Donc, l'argument qu'utilisait le Groupement cet après-midi à savoir qu'il y avait une grande concurrence et qu'il y avait de 100 à 150 compagnies d'assurances qui nous permettraient, à nous, autour de la table, de nous assurer ne vaut pas dans le cas du taxi. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Michel Bissonnet, le député de Jeanne-Mance, s'était vu donner le mandat d'étudier le problème par le ministre des Transports. C'était l'une de ses recommandations.

Maintenant, quand il dit: Le ministre devra s'assurer, je dis: Oui, mais ce ne sera pas par des méthodes coercitives. Le ministre a une façon de surveiller. La loi me permet de demander à l'inspecteur de surveiller d'une façon plus attentive cet aspect de la loi. Quand la loi sera sanctionnée, je pourrais même demander qu'on ajoute au rapport de l'inspecteur pour nous dire de quelle façon la loi va se répercuter en pratique sur la tarification des compagnies d'assurances automobiles. De ce fait, chaque année, quand l'inspecteur transmettra son rapport à l'Assemblée nationale, on sera en mesure de constater l'évolution des choses. Autrement, il s'agirait d'adopter une mesure coercitive qui irait dans le sens d'approuver la tarification de chacune des compagnies d'assurances. Et, quant à moi, ce n'est pas la direction dans laquelle j'aimerais m'aventurer. D'autres provinces l'ont essayé, c'est loin d'être facile et cela ne nous amènerait pas dans la bonne direction.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Lafontaine.

M. Gobé: M. le Président, quelques brèves questions à M. le président de la Ligue de taxis de Montréal. Tout à l'heure, vous mentionniez qu'il y avait à peu près 4200 taxis. Il y a combien d'accidents par année pour ces 4200 taxis? Il faut dire que c'est long, dix ans, pour avoir un dossier vierge. Cinq ans, ce n'est pas si mal. Qu'est-ce que cela représente comme accidents où les gens seraient responsables ou pas responsables? Est-ce que vous avez des chiffres?

M. Léveillée: Disons que, dans le moment, pour nous, les chiffres ne sont pas accessibles face aux assureurs. Dans le rapport Bissonnet, il est mentionné que le ratio d'accidents dans l'industrie du taxi, comparativement aux particuliers, est de trois pour un. C'est normal, une voiture taxi va circuler beaucoup plus longtemps et travailler quasiment jour et nuit. La moyenne d'accidents est de trois comparativement à un chez les particuliers. C'est pourquoi on dit que, pour nous, dix ans c'est long. Au fond, même cinq ans, c'est comme si cela équivalait à un particulier qui aurait un dossier de quinze ans.

M. Gobé: Maintenant, les taux d'assurance sont fixés en fonction de l'expérience totale de la flotte de taxis ou de chaque individu en particulier?

M. Léveillée: De chaque individu en particulier. Les flottes ont tendance à s'assurer elles-mêmes. Disons qu'un propriétaire de flotte qui a 100 voitures, à 2000 $ la voiture, il ne pourrait pas arriver à fonctionner à ce prix.

M. Gobé: Donc, chaque chauffeur est assuré selon son expérience de risque?

M. Léveillée: Non, dans le moment, c'est tout simplement une tarification. Ce n'est pas la même tarification dans le domaine du taxi que pour le particulier. Que vous ayez une voiture 1989 ou 1980, le taux sera le même pour un taxi.

M. Gobé: Vous êtes propriétaire de taxis. M. Léveillée: Oui.

M. Gobé: Vous avez un chauffeur qui travaille la nuit?

M. Léveillée: Oui.

M. Gobé: Est-ce que vous payez le même tarif pour votre chauffeur et pour vous?

M. Léveillée: Oui, le même tarif.

M. Gobé: Si votre chauffeur vient d'une petite ville, quelque part, où il n'a jamais conduit de voiture ou s'il n'a pas d'expérience, est-ce que cela a une influence sur le prix de l'assurance?

M. Léveillée: Pas d'expérience, premièrement, il ne peut pas avoir un permis de la Régie de l'assurance automobile. Aujourd'hui, il doit détenir ce qu'on appelle une classe 4-C, autrefois la classe 31. Pour conduire un taxi, il faut qu'il passe un examen spécial. Il ne peut pas conduire un taxi comme ça. À partir de ce moment-là, l'expérience d'une personne... Ensuite, la loi est restrictive pour ce qui est de l'obtention d'un permis de classe 31. Vous devez avoir au minimum un an d'expérience de conduite. Vous ne pouvez pas conduire un taxi du jour au lendemain. La loi...

M. Gobé: Donc, le tarif est uniforme. Un chauffeur de taxi de 20 ans d'expérience dans une municipalité quelconque ou un chauffeur de taxi qui a un an ou deux ans d'expérience, c'est la même chose.

M. Léveillée: En ce qui me concerne personnellement, si une personne ne sait pas conduire une voiture après un an, elle ne le saura jamais après 20 ans.

M. Gobé: Si vous êtes artisan ou un chauffeur occasionnel qui travaillez trois, quatre jours par semaine, vous payez le même tarif.

M. Léveillée: On pale le même tarif. (21 h 15)

M. Gobé: Et parmi les accidents qui surviennent, est-ce qu'on remarque qu'il y a un plus grand nombre d'accidents chez les chauffeurs que vous engagez que chez les artisans?

M. Léveillée: C'est sûr que le chauffeur va être peut-être plus "bravard", si on peut appeler ça de cette façon, face à la conduite parce qu'il n'a pas la responsabilité, justement, dont on discute dans le moment. Pour lui, s'il endommage la voiture lors d'un accident, cela ne lui fait absolument rien, c'est tout simplement le propriétaire qui va en subir les contrecoups. C'est pour ça qu'on est en accord avec le projet de loi. Si le chauffeur, par son permis de conduire, est enregistré dans une centrale quelque part, au moment où il va aller pour se trouver un emploi auprès d'un propriétaire, si ce chauffeur n'a pas une bonne expérience de conduite, le propriétaire va voir sa prime augmenter, donc il va dire à ce chauffeur: C'est bien de valeur, je ne peux pas t'engager parce que ta prime va augmenter ou, sinon, je suis obligé de te louer la voiture plus cher.

M. Gobé: Donc, une autodiscipline. Vous mentionniez précédemment que l'augmentation des taux d'intérêt avait une incidence sur le coût que les propriétaires pouvaient louer leur voiture à un chauffeur.

M. Léveillée: C'est ça.

M. Gobé: Par contre, il y a une correction automatique qui se fait...

M. Léveillée: II y a une correction... M.Gobé: au niveau du marché. M. Léveillée: Oui, c'est ça.

M. Gobé: Une dernière question. Vos primes d'assurance, pour un taxi...

M. Léveillée: Oui.

M. Gobé:... vous êtes un entrepreneur, est-ce qu'elles sont déductibles de vos revenus?

M. Léveillée: Oui.

M. Gobé: De vos revenus totaux de l'année? M. Léveillée: Elles sont déductibles d'impôt. M. Gobé: D'accord, merci.

M. Léveillée: Elles sont déductibles. Tous les frais d'exploitation sont déductibles pour un taxi.

M. Gobé: Merci.

Le Président (M. Bélisle): Merci. Messieurs, d'autres questions? M. le député de Lévis? Non.

M. Fortier: On va remercier M. Lévelllée... Le Président (M. Bélisle): M. le ministre.

M. Fortier:... de s'être déplacé pour venir nous parler du taxi, cela nous intéresse beaucoup.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de

Lévis.

M. Garon: J'aimerais savoir si, actuellement, chez l'Inspecteur général, il y a déjà un fichier. Est-ce qu'il existe, actuellement, un fichier, pas de statistiques, mais de dossiers d'automobilistes?

M. Bouchard (Jean-Marie): Un fichier au sens qu'on l'entend?

M. Garon: Oui.

M. Bouchard (Jean-Marie): Non, c'est pour ça qu'on le crée. Actuellement...

M. Garon: il n'y en a pas, actuellement.

M. Bouchard (Jean-Marie): L'Agence statistique, actuellement, ne donne que des statistiques sur une base mensuelle, ce qui ne permet pas, justement, aux assureurs de s'en servir pour tarifer. C'était le défaut de l'Agence statistique qui n'était qu'une agence de renseignements pour fins du rapport que l'on produit...

M. Garon: De statistiques.

M. Bouchard (Jean-Marie): Oui.

Une voix:... les tarifs...

M. Bouchard (Jean-Marie): Là, on reçoit mensuellement...

M. Garon: Là, vous dites...

M. Bouchard (Jean-Marie):... dans l'Agence statistique les primes perçues, les frais d'administration des assureurs, le montant des indemnités qu'ils paient. Ce qui fait que si vous lisez le rapport de l'inspecteur à tous les ans, d'ailleurs, c'est toujours intéressant de le lire, ce n'est pas un roman, mais, en tout cas, il donne des chiffres...

Le Président (M. Bélisle): C'est bon.

M. Bouchard (Jean-Marie):... c'est passionnant.

Le Président (M. Bélisle): Très bien. M. Bouchard (Jean-Marie): Mais oui.

M. Garon: Vous avez dit, cet après-midi, que ça ne coûterait pas un sou.

M. Bouchard (Jean-Marie): Pardon?

M. Garon: Cet après-midi, vous avez dit - j'ai compris ça, en tout cas - que ça ne coûterait rien. Je pensais que ça existait.

M. Bouchard (Jean-Marie): Non. M. Garon: J'ai relu les documents. M. Fortier: L'ordinateur existe.

M. Bouchard (Jean-Marie): L'Agence statistique existe.

M. Garon: Je comprends, l'ordinateur existe. Mais là j'ai relu les lois, les dispositions autour des articles 170 et suivants, j'étais surpris parce que la loi ne demandait pas ça, elle demandait des statistiques. Alors, comment allez-vous mettre sur pied un tel dossier concernant je ne sais pas combien de millions d'automobilistes et que ça ne coûte rien? Vous avez dit que ça ne coûterait rien.

M. Bouchard (Jean-Marie): Si vous lisez la Loi sur l'assurance automobile, vous voyez que le Groupement des assureurs automobiles est constitué de tous les assureurs qui obtiennent un permis d'exploitation dans la province de Québec...

M. Garon: Oui.

M. Bouchard (Jean-Marie):... et que les frais d'exploitation de ce Groupement sont en proportion des primes brutes qu'ils perçoivent au Québec. Donc, le Groupement est responsable, est mandaté pour administrer le plan statistique. Les assureurs, au lieu de se contenter de dire: On a versé, ce mois-ci, 250 000 $ de réclamations, ils vont dire en plus: à M. Untel, avec tant de degré de responsabilité. Ils vont donner son numéro matricule et des renseignements additionnels à l'informatique qui va gober ces renseignements et les centraliser pour permettre aux assureurs d'y avoir accès.

M. Garon: Et ça va coûter quelque chose.

M. Bouchard (Jean-Marie): Bien oui.

M. Fortier: Cela ne coûte rien au gouvernement, mais ça va coûter quelque chose aux compagnies.

M. Garon: Mais l'ordinateur chez vous, qui va le payer?

M. Bouchard (Jean-Marie): II n'est pas chez nous, l'ordinateur...

M. Fortier: II est chez le Groupement Les statistiques sont générées chez le Groupement.

M. Bouchard (Jean-Marie): C'est ça. M. Garon: Je comprends ça, mais...

M. Fortier: Les statistiques, dans le moment, sont générées chez le Groupement, alors ils vont augmenter les données dans l'informatique pour pouvoir donner ce genre d'information, mais c'est le même ordinateur. J'imagine que ça va prendre plus de bits dans le système.

M. Garon: Mais si l'ordinateur est chez le Groupement, pourquoi est-ce vous qui en aurez la responsabilité?

M. Bouchard (Jean-Marie): Parce que la Loi sur l'assurance automobile prévoit, originairement, que l'Agence statistique est établie par l'Inspecteur général, mais il peut en déléguer l'administration à d'autres organismes et elle a été déléguée au GAA. C'est lui qui l'administre. C'est la raison pour laquelle ils nous font constamment des rapports dont nous nous servons pour le rapport sur la tarification. Parce que le but c'est justement, au lieu d'établir un système étatique dans l'assurance de dommages... Si vous lisez le rapport qu'on a écrit en 1974 qui s'appelle le rapport Gauvin, on prévoyait qu'au lieu d'établir un système étatique dans l'assurance de dommages on laissait l'entreprise privée, la concurrence jouer, mais en donnant au public les renseignements requis sous forme d'un rapport annuel de l'autorité publique. Et les assureurs, en plus, doivent soumettre tous leurs tarifs, les amendements de tarifs à l'inspecteur général pour fins de consultation du public.

M. Garon: Alors ça veut dire que le secret de toute l'affaire est dans la dernière phrase de l'article 179. 1. Parce qu'à l'article 179. 1 on dit: "L'Inspecteur général des institutions financières peut, à des fins de classification et de tarification, communiquer à tout assureur agréé qui en fait la demande, en vue de l'émission et du renouvellement d'une police d'assurance automobile, les renseignements suivants. "Suit la liste des renseignements" mais la dernière phrase: "L'inspecteur général peut également, aux conditions qu'il détermine, autoriser l'agence désignée à l'article 178 à faire pour lui de telles communications. " Donc, vous n'allez rien contrôler, au fond.

Une voix: On peut.

M. Garon: Vous ne contrôlez rien. C'est une fiction. On dit que c'est vous qui fournissez alors qu'en réalité ça va être fourni par d'autres.

M. Bouchard (Jean-Marie): Bien non, c'est par délégation...

M. Garon: Bien oui. Si on lit l'article 179. 1 c'est seulement à la fin qu'on voit: "L'inspecteur général peut également, aux conditions qu'il détermine, autoriser l'agence désignée à l'article 178 à faire pour lui de telles communications. "

M. Bouchard (Jean-Marie): Aux conditions il détermine.

M. Garon: Je comprends ça.

M. Bouchard (Jean-Marie): Bien oui, mais...

M. Garon: Alors...

M. Bouchard (Jean-Marie): C'est ça.

M. Fortier: C'est une sous-traitance.

M. Bouchard (Jean-Marie): Ce n'est pas une délégation qui le libère: "... aux conditions qu'il détermine. "

M. Garon: Je comprends, mais, si on ne fait pas attention quand on lit tout ça, on pense que les renseignements sont là. Alors pourquoi faire double emploi? Il y a déjà beaucoup de renseignements à la Régie de l'assurance automobile. Pourquoi créer une deuxième banque?

M. Fortier: À la Régie de l'assurance automobile, ce sont les blessures corporelles. Ici, on parle de la tôle. Là-bas à la Régie, Ils n'ont pas ça. Ils ne s'occupent pas de la tôle. Ils ne s'occupent pas de la tôle, ils s'en contrefoutent

M. Garon: Je comprends ça. Mais le dossier de conduite... Si vous frappez de la tôle c'est une affaire et si vous frappez une personne c'est une autre affaire. Donc, on fait deux dossiers.

M. Fortier: Qu'est-ce que vous voulez, c'est ça.

M. Garon: Sauf que c'est un dossier de conduite pareil.

M. Fortier: C'est la loi de 1978. On a séparé la santé de la tôle. Là on parle de la tôle.

M. Garon: Non, mais là vous mettez le dossier de renseignements en sous-traitance directement chez les assureurs alors que la Régie de l'assurance automobile va continuer à avoir un

dossier pour les accidents dans lesquels il y a eu des blessures corporelles.

M. Bouchard (Jean-Marie): Oui, mais elle n'a pas le degré de responsabilité. Elle paye sans faute, elle. Elle paye suivant un barème. Alors, vous avez un accident et vous faites votre réclamation et ça finit là. C'est tout.

M. Garon: Non, mais le ministre voudrait proposer des amendements à la loi 92 qui est déjà... La commission parlementaire est terminée concernant la Loi sur l'assurance automobile, concernant les blessures corporelles.

Le Président (M. Bélisle): Est-ce que c'est une question?

M. Garon: Vous êtes au courant des amendements qu'il veut proposer en troisième lecture.

Une voix: Non.

M. Fortier: Augmenter les montants d'Indemnisation?

M. Garon: Non, non. Ça c'est un article de la loi 92. Ce n'est pas ça. Il veut faire varier la prime en fonction du dossier du conducteur pour le corporel. Alors ça veut dire qu'il y aurait deux banques de données: une chez les assureurs pour les dommages matériels et une autre à la Régie de l'assurance automobile pour les dommages corporels.

M. Fortier: Vous avez raison de dire, M. le député de Lévis, qu'il s'agit de deux dossiers séparés. Et c'est comme ça que le législateur l'a voulu en 1978. Parce qu'il y a une autre formule - et le Groupement l'avait suggéré en 1978 et ça n'a pas été retenu par votre gouvernement à ce moment-là - cela aurait été de laisser l'administration des dommages corporels au secteur privé tout en ayant une formule "no fault". Parce que le "no fault" on pourrait l'avoir administré par le secteur privé. À ce moment-là, les compagnies d'assurances auraient constitué un fichier pour les blessures corporelles avec le "no fault" et pour l'indemnisation directe dans le cas des dommages matériels mais ça aurait été une seule organisation. Mais ce n'est pas comme ça que cela a été constitué. Il y a deux organisations. On ne peut pas refaire la loi de 1978 à moins de défaire la Régie et de dire: À l'avenir... Remarquez que le Groupement ne se ferait pas tordre le bras. Mais on pourrait aller dans cette direction-là. À ce moment-là, II y aurait un seul ordinateur avec toute l'Information dedans. Mais là il est vrai, vous avez raison, qu'il y a deux organismes parce que les objectifs ne sont pas les mêmes. La Régie de l'assurance automobile paie automatiquement sans même démontrer si vous êtes responsable ou non. Dans les dommages matériels la responsabilité continue à jouer. C'est un ensemble de données qui est complètement différent.

M. Garon: On s'en va vers trois systèmes de fichiers là. Un fichier chez les assureurs pour les dommages matériels, un fichier à la Régie de l'assurance automobile pour les dommages corporels et un troisième fichier sur les points de démérite ou sur les infractions à la sécurité routière.

M. Fortier: C'est le ministère des Transports.

M. Garon: Je comprends, mais c'est cela pareil. Si je comprends bien, là on est en train de mettre en place trois systèmes de fichiers.

M. Fortier: Oui. M. Garon: Pardon?

M. Bouchard (Jean-Marie): L'augmentation de tarifs dont vous faisiez mention tantôt justement était reliée...

M. Garon: Non, je ne parle pas, quelles que soient les fins...

M. Bouchard (Jean-Marie): Elle était reliée justement aux points de démérite. C'est pour cela qu'il y a une augmentation de prime pour votre assurance. Ce n'est pas pour l'assurance pour votre permis.

M. Fortier: Là, on est en train de faire le débat d'un autre projet de loi.

Le Président (M. Bélisle): Mon problème ici c'est tout simplement que je vois M. Léveillée qui est là à l'autre bout de la table...

M. Fortier: II est en train de nous réveiller.

M. Garon: A ce moment-là, pour les chauffeurs de taxi, puisqu'il va y avoir un fichier sur les dommages, est-ce qu'on va commencer à établir des catégories dans le fichier comme, par exemple, pour les chauffeurs de taxi?

M. Fortier: Non, l'accès va se faire uniquement sur le permis...

M. Garon: Pardon?

M. Bouchard (Jean-Marie): Ce sont les mêmes renseignements. Il faut faire la distinction.

M. Garon: Ce n'est pas cela que je veux dire. Vous comprenez ce que c'est, vous avez des ordinateurs. Allez-vous pouvoir nous faire une classe? Supposons, 222, chauffeurs de taxi, et après cela vous allez pouvoir établir combien

nous coûtent les chauffeurs de taxi pour que les gens disent: Un chauffeur de taxi ça coûte tant.

M. Fortier: La loi dit clairement que l'appel pour aller chercher une information doit se faire par le numéro de permis de conduire de l'individu. Alors, il va falloir dire: M. Pierre Fortier, tel numéro de permis. Ils vont pltonner et c'est à ce moment-là qu'on va aller chercher l' information.

M. Garon: Attendez un peu! Regardez bien dans les renseignements que vous allez demander. À l'article 179. 1, au paragraphe 4, on dit les renseignements suivants: le numéro de permis de conduire, cela en est un; la date de l'accident; la description de l'accident; la classe d'utilisation du véhicule dont elles avaient la garde au moment de l'accident. Si ]e comprends bien, la classe d'utilisation du véhicule c'est qu'un taxi c'est une classe d'utilisation d'un véhicule. Ai-je raison?

M. Bouchard (Jean-Marie): Oui. M.Garon: Merci.

Le Président (M. Bélisle): M. Léveillée, nous vous remercions d'avoir été très patient, d'avoir permis de bifurquer longuement pour finalement revenir plus pertinemment à vous. Oh, oh, alors on revient définitivement à vous, là.

M. Garon: Est-ce que les assureurs pourront tenir compte du dossier du chauffeur de taxi comme conducteur de taxi pour établir, éventuellement, sa prime d'assurance pour sa voiture personnelle?

M. Fortier: C'est moi qui ai posé la question cet après-midi.

Le Président (M. Bélisle): Adressée à M. Léveillée, je suppose.

M. Fortier: C'est moi qui ai posé la question cet après-midi pour les chauffeurs de camion.

M. Garon: Pardon?

M. Fortier: C'est moi qui ai posé cette question-là cet après-midi.

M. Garon: Je demande cela, je veux le savoir.

M. Fortier: Non, non, je vais vous donner la réponse que le Groupement m'a donnée. C'est moi qui ai posé la question. La réponse du président du Groupement, a été: Pas nécessairement. Le président du Groupement m'a dit: On est capable de faire la distinction pour quelqu'un qui conduit un camion ou un taxi 18 heures par jour. Si le gars prend sa voiture personnelle en fin de semaine, on sait fort bien que lorsqu'on conduit un taxi 12 heures par jour c'est normal qu'il y ait un peu plus d'accidents que le gars qui prend comme moi sa voiture personnelle, et je ne m'en sers pas souvent de ce temps-là. C'est sûr que la réponse du Groupement, je n'ai pas le verbatim devant moi, j'avais posé la question pour les chauffeurs de camion, il m'avait répondu que cela ne serait pas automatique et que plusieurs compagnies d'assurances prendraient en considération le fait qu'il s'agit d'une expérience tout à fait différente.

Le Président (M. Bélisle): M. Léveillée, merci.

M. Léveillée: Merci, M. le Président.

M. Dufour: Ce n'est pas...

Le Président (M. Bélisle): Non. cela va.

M. Dufour: La question que je voulais poser...

Le Président (M. Bélisle): Si vous me permettez, M. le député de Jonquière, avant de recevoir... On est en consultation avec des gens, juste un instant, M. le député...

M. Dufour: Oui, mais cela a rapport...

Le Président (M. Bélisle): Je m'en viens tout de suite. Est-ce que vous donnez le consentement au député de Jonquière de...

Une voix:...

Le Président (M. Bélisle): Oui, allez-y maintenant, M. le député.

M. Dufour: On a parlé d'une banque de données, en fait, que vous confiez à une agence. Est-ce que vous êtes propriétaire des programmes qu'elle va mettre sur pied? Supposons que pendant qu'elle gère cette banque - je sais que cela peut vous faire sourire mais ce n'est pas si drôle que cela dans le fond, vous allez voir jusqu'où je peux aller. (21 h 30)

Le Président (M. Bélisle): Je pense que c'est naturel chez lui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour: Ah! d'accord, il est souriant de nature. Mais mon expérience me prouve qu'on peut donner un travail à une agence; cela coûte un certain montant pour monter ce programme-là et si, par hasard, un jour, le responsable des institutions financières décide de confier à une autre agence - c'est peut-être impossible à première vue, mais s'il le faisait - est-ce que

vous êtes propriétaire de cette banque de données ou des programmes? Je ne le vols pas dans la loi, mais est-ce que vous êtes propriétaire?

M. Bouchard (Jean-Marie): Les renseignements ne lui appartiennent pas comme tels, ce sont des statistiques qui sont colligées. C'est une délégation qui est accordée à l'agence pour l'administrer pour l'inspecteur, donc à titre de mandataire de l'inspecteur. C'est une délégation. Ils ne peuvent pas partir avec la banque.

M. Dufour: Non, mais, si vous changiez d'intermédiaire, est-ce que vous pourriez exiger que les renseignements de la banque de données soient transférés à une autre agence?

M. Bouchard (Jean-Marie): Oui, parce que, étant notre mandataire, on dit: Maintenant votre mandat est terminé. Donnez-nous ce qui nous appartient et on va en confier l'administration à une autre personne ou à un autre organisme.

M. Dufour: Mais est-ce que la loi est suffisamment claire par rapport à cela ou si cela prend des... Je faisais juste allusion, par exemple, à une municipalité qui confie un travail d'évaluation à une firme privée. C'est clairement indiqué dans la loi que la municipalité est propriétaire de toutes les données et de tout le programme.

M. Fortier: Oui.

M. Dufour: Si elle veut le changer, les personnes qui le font sont obligées de les transférer à la municipalité qui, elle, peut les distribuer à un autre.

M. Fortier: Non, mais il faut bien comprendre ici, M. le député de Jonquière, que le Groupement - la délégation est donnée au regroupement - est constitué des 150 compagnies d'assurances. Alors, ce serait difficile d'en imaginer un autre. Tous les assureurs du Québec se retrouvent là et les 150 assureurs du Québec paient pour les dépenses encourues pour bâtir les statistiques. De toute façon, l'inspecteur, aux conditions qu'il détermine, peut donner des instructions en disant: Faites ça comme ci ou faites comme ça. Depuis que le gouvernement précédent a adopté la loi, cela fait dix ans que ça marche, et ça marche bien. Dans le fond, tout le monde est heureux au Québec, le Groupement l'a dit. Ils auraient préféré que le "no-fault" soit administré par le secteur privé, mais je peux vous dire, ayant des échos de l'Ontario, que les gens considèrent qu'au Québec on a réglé notre problème. Vous savez, en Californie, les primes d'assurances sont rendues à 4000 $, 5000 $ et même à 10 000 $ par année. Ce n'est pas un cadeau. Alors, on est parmi les États nord-américains dont le système fonctionne bien et n'est pas trop cher pour l'assuré. Il fonctionne bien, le Groupement fait une bonne job et l'inspecteur aussi.

M. Garon: Avez-vous remarqué, dans le hockey, quand Dick Irvin était gérant du Canadien...

Le Président (M. Bélisle): Oh là à!

M. Garon:... quand il a eu une ligne qui marchait, avec Toe Blake, Elmer Lach et Maurice Richard, il l'a gardée. S'il avait géré ça comme les Nordiques, la ligne n'aurait pas duré trois mois.

Le Président (M. Bélisle): Je pense qu'il ne faudrait pas s'en prendre présentement au président des Nordiques.

M. Fortier: Est-ce qu'on peut faire venir M. Gauvin?

Le Président (M. Bélisle): M. Gauvin, s'il vous plaît!

M. Fortier: Le père de tout ça, avec M. Bouchard.

Le Président (M. Bélisle): Bienvenue, M. Gauvln.

M. Fortier: Vous êtes venu avec la mère. Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Jean-Marie): Elle était jeune.

M. Fortier: Elle était jeune.

Le Président (M. Bélisle): À vous la parole.

M. Jean-Louis Gauvin et Mme Gaétane Lafontaine

M. Gauvin (Jean-Louis): M. le Président, mon nom est Jean-Louis Gauvin, actuaire. Je suis accompagnée de Mme Gaétane Lafontaine, une actuaire d'assurance automobile. Lorsqu'on m'a demandé si je viendrais vous adresser la parole, ma première réaction a été: Pourquoi? Et la deuxième: Pourquoi pas? Je me suis dit: Après tout, il y a exactement quinze ans, presque jour pour jour, que le gouvernement du Québec déposait, je pense, de l'autre côté ou plus bas, le rapport du comité d'étude sur l'assurance automobile. D'ailleurs, des gens qui sont ici aujourd'hui ont participé à la commission d'étude sur l'assurance automobile dont M. Jean-Marie Bouchard, qui était l'un des membres, et M. Yves Brouillette qui était un des employés de la commission d'enquête. M. Brouillette est maintenant président du GAA.

Le projet de loi 133 modifiant la Loi sur l'assurance automobile implique des modifications relativement mineures au contrat d'assurance

automobile et je n'ai pas l'Intention de vous entretenir de ce sujet. Un changement assez important à mon sens concerne la création d'un fichier d'expérience pour les conducteurs d'automobiles du Québec. Les quelques propos que j'ai à vous donner visent à essayer de situer la problématique et, pour ce faire - on vous l'a problement dit - dans le mémoire du GAA, de faire un rappel des objectifs du changement du mode d'indemnisation pour les dommages matériels qui ont été faits en 1978.

Cette réforme de l'assurance automobile accorde un traitement différent aux dommages matériels par rapport aux blessures corporelles. Il est peut-être utile de rappeler les raisons de cette différence, tel qu'on le retrouve dans le rapport du Comité d'étude sur l'assurance automobile, daté de 1974 - on peut bien citer des choses qu'on a écrites, avec d'autres d'ailleurs. Alors on y disait ceci: "Si les dommages matériels reçoivent un traitement quelque peu différent de celui accordé aux blessures corporelles, c'est pour des raisons multiples, au nombre desquelles M faut mentionner le fait que les conséquences pour les victimes sont généralement moins désastreuses. Le comité - et c'est le comité d'étude qui parle - a déjà affirmé sa conviction que la faute, comme principe juridique qui donne droit à une compensation, devrait être abandonnée dans le cas des accidents d'automobile. Il faut reconnaître toutefois que cet abandon représente une modification à ce point profonde dans les habitudes des gens que le nouveau régime ne saurait Ignorer cet aspect - on disait ça M y a quinze ans - II est loin d'être certain que la population soit prête à accepter immédiatement, avec toutes ses conséquences, un régime d'assurance obligatoire sans égard à la faute en matière de dommages matériels. " Il n'y a rien de nouveau. Quinze ans après, c'est encore vrai.

Je continue la citation: "Lorsque l'assurance des dommages aux véhicules est obligatoire pour tous les événements, comme au Manitoba et en Saskatchewan - à ce moment, on ne pouvait pas citer la Colombie britannique puisque c'est venu par après - les victimes sont assurées de recevoir des indemnités dans tous les cas, sauf pour le montant de la franchise. Dans un régime de franchise pure, ces montants ne sont pas récupérés, même dans les cas où il semblerait pourtant évident que l'assuré n'a commis aucune faute. Pour la population, il y aurait là une injustice et cette croyance toute entière fondée sur une incompréhension fondamentale d'un régime d'assurance sans égard à la faute, pourrait devenir à ce point importante qu'elle paralyse sinon compromette le régime nouveau. Aussi, afin de résoudre ce problème et d'assurer l'implantation définitive d'un système adéquat, le comité suggère de procéder par étapes dans le cas des dommages matériels. "

La description du régime qui était proposé pour les dommages matériels se lisait comme suit: Dommages aux véhicules - je pense que c'est important pour comprendre la problématique du fichier - II n'y a aucun recours pour les dommages matériels causés au véhicule automobile, son contenu ou sa perte d'usage, sauf dans les deux cas suivants: 1° contre la personne qui aurait intentionnellement causé ce dommage; 2° contre le garagiste ou le propriétaire d'un terrain de stationnement qui a la garde temporaire du véhicule contre rémunération* C'est une citation du rapport du comité mais ce n'est pas nécessairement ce qui a été fait par la suite. "La seule façon pour un automobiliste d'être remboursé des dommages causés à son véhicule, son contenu ou sa perte d'usage est de s'adresser à son assureur. Il s'agit donc ici encore, comme pour les dommages corporels, d'une assurance directe entre l'assureur et l'assuré. "Le régime idéal de compensation des dommages matériels serait l'assurance obligatoire sans égard à la faute, comportant une franchise non récupérable et dont le montant varierait selon le choix individuel. Tel que mentionné précédemment, cet idéal ne pourra être atteint que par étapes. " Pour le réaliser, on voulait procéder par plusieurs étapes. "Cette proposition a comme avantage de tenir compte de la mentalité des gens et de permettre au public de faire un choix en accord avec ses conceptions. "

Pour les dommages à la propriété - ce sont toujours les recommandations du comité d'étude, on dit: "Quelle que soit l'option choisie, tous les dommages causés à des biens autres que le véhicule et son contenu sont couverts de façon obligatoire. Le coût de la réparation de ces biens est à la charge de l'assureur du véhicule impliqué. " S'il y avait plusieurs véhicules, il fallait établir un prorata des indemnités.

Le régime adopté par les autorités gouvernementales, en 1978, pour les dommages matériels comporte certaines différences avec les recommandations du comité, mais n'en respecte pas moins les objectifs recherchés par les changements, soit: 1° l'abolition du droit d'action contre un tiers malgré l'utilisation de la notion de faute pour les dommages aux véhicules, le droit de poursuite étant conservé contre une personne qui a causé intentionnellement des dommages et contre une personne qui a la garde temporaire d'un véhicule contre rémunération; 2° la réduction des délais de règlement et des frais des assureurs car les automobilistes dont les véhicules sont accidentés ne transigent qu'avec un seul assureur, soit le leur; 3° effectuer le paiement de la réparation des véhicules au lieu de payer au propriétaire du bien la valeur des dommages, sauf en cas de perte totale, afin d'établir un contrôle sur les réparations et d'éviter tout dédoublement dans le paiement des réparations; 4° réduire les délais de règlement avec des économies pour le consommateur.

Le régime qui a été mis en place depuis

1978, même s'iI n'est pas en tout point identique à celui que le comité avait élaboré, comme je vous l'ai dit, n'atteint pas moins les grands objectifs. L'élément majeur du projet de loi 133 concerne l'établissement d'un fichier central d'accidents et les commentaires qui nous semblent appropriés à cet égard peuvent se résumer comme suit. D'abord, un bref rappel du but de l'assurance qui est de répartir sur l'ensemble des assurés le coût des pertes que subiront certains d'entre eux. L'assurance est donc un moyen de transférer à un tiers, en l'occurrence un assureur, la probabilité de pertes pécuniaires en échange d'une prime certaine.

Quant à l'assureur, il répartit sur l'ensemble des assurés le coût des pertes et des frais d'administration qu'ils engendrent. Cette répartition peut se faire de façon uniforme en ne tenant pas compte du risque que représente chacun des assurés, alors qu'à l'autre extrême on peut exiger de chaque assuré le coût des pertes qu'il subira. Ce raffinement n'est pas souhaitable puisqu'il est une négation du principe de base de l'assurance, qui est de répartir le risque, donc les coûts d'assurance, sur un ensemble d'assurés. Un système d'assurance équitable justifie la mise en place d'une structure de classification des assurés. Ces classes sont créées en tenant compte des caractéristiques des assurés reliées aux risques qu'ils représentent.

Pour qu'un système de classification soit efficace, il doit remplir certaines conditions, notamment: a) il doit être possible de justifier actuariellement qu'il y a une différence de coût entre des groupes d'assurés; b) les classes doivent être homogènes. Les assurés d'une même classe doivent posséder certaines caractéristiques communes et leur probabilité de pertes doit être semblable avec un faible coefficient de variation; c) les critères de classification doivent être reliés directement au risque. d) le système de classification doit être bien défini et sans ambiguïté. Il doit être simple à appliquer ainsi qu'à contrôler de la part de l'assureur; e) les assurés ne doivent pas être en mesure de manipuler leur classification sans raison valable; f) les critères de classification doivent être choisis pour inciter les assurés à adopter des programmes de prévention; g) un dernier critère, la dernière condition pour un système de classification, c'est que les critères qu'on retient pour classifier les assurés doivent être acceptés socialement. Il y en a qui peuvent être justifiés, mais qui, socialement, ne sont pas acceptables.

On ne s'attend pas que tous les critères de classification remplissent totalement les conditions précédentes. Cependant, on peut examiner un critère en examinant dans quelle mesure il se conforme aux normes énoncées. En assurance automobile, les assureurs ont adopté plusieurs critères de classification des assurés. Depuis quelques années, ces critères se sont multipliés à la suite de la vive concurrence que se sont livrée les assureurs pour accaparer un portefeuille d'assurances, qu'on peut appeler sélect, c'est-à-dire préférable à celles des autres assureurs. Également, depuis l'introduction de l'indemnisation directe aux assurés, les caractéristiques du véhicule assuré sont prédominantes dans le système de classification, étant donné qu'un assureur indemnise son propre assuré dans la mesure où celui-ci est non responsable, la majorité des pertes qui affectent la garantie "responsabilité civile" est donc directement reliée au type de véhicule que possède l'assuré.

Cependant, l'indemnisation directe aux assurés, sans subrogation entre assureurs, a eu pour conséquence de rendre plus difficile pour l'assureur l'accès à certaines informations touchant l'assuré, notamment son implication dans un accident. Plusieurs études ont démontré la validité du critère basée sur le nombre d'accidents subis par un assuré pour prédire les coûts futurs reliés aux accidents d'automobile. Si on examine les conditions requises pour qu'un système de classification basé sur le dossier de conduite des assurés soit efficace, on s'aperçoit qu'un certain nombre de conditions ne sont plus remplies dans le système actuel.

En effet, l'assuré a la possibilité de manipuler son dossier de conduite puisque plusieurs accidents ne sont pas déclarés a l'assureur. Lorsque l'assuré ne possède pas la garantie "dommages à son véhicule par collision lorsque responsable", il est possible que cet assuré soit impliqué dans un accident où il est tenu responsable sans que son assureur le sache. Cet assuré n'a aucun avantage à communiquer cette information à son assureur, puisque, étant responsable de l'accident, il n'aura pas le droit d'être indemnisé par son assureur. De plus, cette Information additionnelle lui vaudrait probablement une surcharge lors de son prochain renouvellement, puisque son dossier de conduite serait modifié.

Certains assurés, même en possédant la garantie "collision", ont également profité du fait que les assureurs n'ont pas échangé les renseignements qu'ils possédaient sur leurs anciens assurés. En effet, le changement d'assureur a souvent été le théâtre d'amnésie soudaine de certains assurés concernant leurs accidents passés. C'est ainsi que quelque 90 % des assurés se sont retrouvés dans le meilleur dossier, soit celui de cinq ans sans accident. (21 h 45)

L'homogénéité des classes basée sur le dossier de conduite a donc été affectée. Dans le meilleur dossier se trouve un très grand éventail de risques. Les bons risques et ceux qui n'ont pas déclaré leurs accidents s'y côtoient. Si on examinait la variabilité des probabilités d'accident, on conclurait sûrement que l'homogénéité

est très variable dans le meilleur dossier. Les bons risques subventionnent donc, dans le système actuel, les mauvais risques.

Quant au contrôle que l'assureur a sur ce critère, il s'est détérioré au cours des ans. L'échange d'informations entre assureurs sur les accidents subis par leurs anciens assurés s'est estompé à mesure que la concurrence est devenue plus féroce. Les Intermédiaires ont probablement joué le même jeu pour conserver leurs assurés et leur offrir les primes les plus basses La seule situation où un assureur peut connaître le dossier d'accident réel de l'assuré est lorsque celui-ci possède une couverture complète et qu'il renouvelle avec lui.

L'introduction d'un fichier central permettra donc de rétablir les règles du jeu et de mieux contrôler l'information que les assureurs reçoivent des assurés. Les assurés pourront désormais être identifiés quant à leur propension à avoir des accidents. Ceci permettra aux critères de classification, basés sur le nombre d'années sans accident, de jouer pleinement leur rôle pour faire payer aux assurés représentant un risque accru la proportion des sinistres qu'ils engendreront.

En écoutant certaines des remarques, j'aimerais passer deux autres commentaires qui n'apparaissent pas dans le petit mémoire que j'avais préparé. Il est important de rappeler que, lorsqu'on parle d'indemnisation directe, c'est de l'indemnisation directe sans subrogation, c'est-à-dire que les assureurs payent leurs assurés mais ne réclament pas des autres les montants qu'ils ont payés.

Quant au fichier des conducteurs, à mon sens, il aurait pu être institué par les assureurs IARD eux-mêmes sans l'intervention de l'État si les assureurs s'étaient entendus entre eux. Il est quand même curieux d'entendre les gens qui ne veulent pas l'intervention de l'État la demander quand ça fait leur affaire. D'ailleurs, dans un autre secteur, celui des compagnies d'assurances de personnes, ils possèdent déjà depuis plusieurs décennies un dossier de risques tarés qui fonctionne sans l'intervention de l'État. Finalement, si on regarde tout le dossier de la classification des risques et de la non-discrimination, il me semble que l'État ne devrait pas intervenir en fixant les critères de classification, mais laisser place à la concurrence pour qu'un système de classification le plus efficace et le plus juste possible résulte de l'évolution des choses, soit de la concurrence entre assureurs pour trouver les meilleurs critères.

Il ne faudrait pas, à mon sens, tomber dans le chaos de l'Ontario parce qu'on ne sait pas comment il va s'en sortir. Merci.

Le Président (M. Bélisle): Merci, M. Gauvin. M. le ministre.

M. Fortier: Merci, M. Gauvin. C'est avec plaisir que j'ai pris connaissance du fait que vous avez accepté de venir ici, en commission parlementaire, parce que, même si on bénéficie des conseils de l'Inspecteur, certains pourraient dire qu'il est tellement impliqué dans ce dossier que ça valait la peine d'avoir une personne comme vous, qui avez été impliqué, comme lui d'ailleurs, en 1974, pour voir les choses un peu en perspective et pour nous dire, dans le fond, que le système qui existe au Québec a, dans une très grande mesure, respecté les recommandations du rapport de 1974. Comme je le disais, d'après mon expérience comme ministre, les échos que j'en ai et surtout lorsqu'on se compare à l'Ontario, au Québec, on a un système qui fonctionne assez bien.

J'avais plutôt tendance, cet après-midi, à dire qu'il s'agissait d'une modification mineure, mais M. Gauvin semble dire qu'il s'agit plutôt d'une modification majeure enfin, peut-être pas majeure mais importante.

M. Gauvin (Jean-Louis): C'est une modification qui nous permettra d'avoir un système de classification des risques plus équitable. Il ne faut pas oublier qu'en classification des risques rien ne se perd, rien ne se crée. C'est une masse totale qu'on divise entre les 2 000 000 ou les 3 000 000 d'assurés québécois. Quel que soit le système de classification qu'on veut, normalement, on va aller chercher le même argent. On veut être plus justes et plus équitables et c'est cela que ça va faire. Là où je considère que c'est important, c'est qu'en réalité, présentement, les gens qui trichent et qui mentent en ne déclarant pas leurs accidents sont favorisés au détriment de ceux qui disent la vérité ou qui ont une couverture totale. Ceux qui ne déclarent pas leurs accidents ne peuvent être pénalisés pour les accidents dont ils sont responsables s'ils n'ont que la couverture de base, s'ils sont simplement assurés pour la 'responsabilité civile*. De la façon dont cela fonctionne, à ce moment-là, ils sont indemnisés uniquement lorsqu'ils ne sont pas responsables. Mais, quand ils sont responsables, Us ne le déclarent pas, alors ils n'ont pas d'ajustement de leur prime, tandis que ceux qui ont l'honnêteté de les déclarer ont un ajustement. Alors, le système actuel punit l'honnêteté pour récompenser ceux qui sont un peu moins honnêtes. En fait, c'est peut-être de l'amnésie collective, comme je l'ai dit dans mon texte.

M. Fortier: M. Gauvin, ma question serait celle-ci. Par ailleurs, je salue Mme Lafontaine qui vous a aidé à rédiger ce court mémoire. À la page 5, vous dites: "Plusieurs études ont démontré la validité du critère basé sur le nombre d'accidents subis par un assuré pour prédire les coûts futurs reliés aux accidents d'automobile. " Avec raison, le député de Lévis disait: il peut arriver qu'une personne soit malchanceuse et subisse plusieurs accidents dont elle n'est nullement responsable. Ici, vous ne faites pas cette distinction, à savoir que, quand on établit

la tarification, on devrait sûrement prendre en considération le tait que la personne qui a été victime de nombreux accidents a été responsable ou non des accidents qui lui sont imputés. La première question, c'est celle-là. J'enchaîne tout de suite avec la deuxième. En supposant que, théoriquement - enfin, selon votre expérience - ce serait une bonne chose d'établir le fichier, quelle est la probabilité que ce sera vraiment utilisé et que cela va bénéficier, justement, aux conducteurs? Autrement dit, selon la façon de travailler des compagnies d'assurances, est-ce que vous croyez sincèrement que les compagnies d'assurances vont prendre avantage du fichier justement pour en faire bénéficier certaines personnes et pour pénaliser celles qui conduisent mal?

M. Gauvin (Jean-Louis): Vous avez posé deux questions. En ce qui concerne la première, j'aimerais peut-être que Mme Lafontaine donne également son point de vue. Je trouve qu'il y a une certaine anomalie. Quand on ajuste les primes à la suite d'un accident, il y a bien des gens qui regardent ça comme une punition pour l'accident passé, mais ce n'est pas ça l'objectif. Quand on regarde les statistiques, on se rend compte que, ceux qui ont eu un accident, leur propension à avoir un deuxième accident est plus élevée. Il faut regarder ça plutôt sur une base prospective. Quand on regarde les gens qui ont eu un accident dans les douze derniers mois, on se rend compte que leur propension ou leur probabilité d'avoir un autre accident dans les douze mois qui suivent est plus forte que pour ceux qui n'ont pas eu d'accident. Je ne sais pas si vous aimeriez... Il y a plusieurs études qui ont démontré exactement ça. Je vais donner la parole à Mme Lafontaine là-dessus. C'est un peu le même problème. Quand les gens ont un ajustement de prime, ils se disent: C'est parce que j'ai été fautif. Mais ce n'est pas le rôle de l'assureur... Premièrement, à mon avis, ce n'est jamais le rôle d'un assureur privé de punir le monde; cela ne lui appartient pas. On doit regarder ça de l'autre bord. Quand les assureurs se rendent compte que, pour les assurés qui ont eu un accident, la probabilité d'en avoir un autre est plus grande, ils doivent ajuster la prime à la hausse, à ce moment-là. Aimeriez-vous...

Le Président (M. Bélisle): Mme Lafontaine.

Mme Lafontaine (Gaétane): Justemont. Quand on établit une tarification, c'est toujours pour l'année suivante. On exige une prime qui est payée au début de la période, mais qui concerne les sinistres de la période qui suit. On se base sur le passé pour prédire les accidents qui vont arriver dans l'avenir. On prend des groupes d'assurés et, comme le disait M. Gauvin, on examine leur probabilité d'avoir un accident l'année suivante. Des études qui ont été faites aux États-Unis ont démontré que ces gens, qu'ils soient responsables ou non, avaient une probabilité plus grande d'avoir un accident l'année suivante, comme groupe d'assurés qui avaient déjà eu un tel accident. Mais le poids à donner aux accidents non responsables est peut-être plus petit que le poids à donner aux accidents responsables. Effectivement, il y avait eu certaines études qui démontraient ceci: que ce soit un accident responsable ou non responsable, il y avait un effet sur les accidents de l'année d'après, mais toujours comme groupe d'assurés. C'est sûr qu'on ne peut pas dire: Tel assuré, qui a eu un accident, va avoir aussi un accident l'année prochaine, mais si on prend le groupe d'assurés, la probabilité est plus élevée l'année d'après.

Le Président (M. Bélisle): Une question par curiosité personnelle: De combien la probabilité est-elle augmentée?

M. Gauvin (Jean-Louis): Cela dépend du groupe d'âge.

Le Président (M. Bélisle): En moyenne.

Mme Lafontaine: En moyenne, je ne peux pas vous le dire, mais ça dépend de plusieurs facteurs.

Le Président (M. Bélisle): Oui, je le sais: ia localité, les environs, la ville, etc.

Mme Lafontaine: Oui.

Le Président (M. Bélisle):... l'état...

M. Gauvin (Jean-Louis): C'est substantiel, en fait.

Le Président (M. Bélisle): C'est substantiel.

M. Gauvin (Jean-Louis): Ce n'est pas non négligeable. C'est parce qu'il faudrait regarder les gens qui ont eu un accident dans les douze derniers mois...

Le Président (M. Bélisle): Oui, oui.

M. Gauvin (Jean-Louis):... et dans les vingt-quatre derniers mois.

Le Président (M. Bélisle): Quand vous me dites "substantiel", est ce 50 % ou 60 %?

M. Gauvin (Jean-Louis): Non, mais à 50 %, ce serait très substantiel.

Mme Lafontaine: Oui.

Le Président (M. Bélisle): Alors, ce serait 25 %.

M. Gauvin (Jean-Louis): Même les augmen-

talions de 15 %, c'est quand même subtantiel. Le Président (M. Bélisle): Oui.

M. Gauvin (Jean-Louis): Ce qu'on a dit, c'est que dans une classification de risques, on doit mettre des gens qui ont à peu près le même risque. Si vous mettez là-dedans des gens qui ont un risque de 1 et des gens qui ont un risque de 1, 15, vous n'avez plus le même monde. Alors, il faut couper quelque pan". Pour moi, 15 % d'augmentation, c'est substantiel. Cela nous permettait de répondre à la question de M. le ministre Fortier qui était rattachée à cela. Vous avez demandé si les assureurs étaient pour en...

M. Fortier: Prendre avantage.

M. Gauvin (Jean-Louis):... prendre avantage. Entre nous deux, que les assureurs en prennent avantage, ce n'est peut-être pas ça qui est important, c'est que le public ait quelque chose. Los assureurs sont là pour prendre soin d'eux, effectivement. La concurrence étant ce qu'elle est, d'après moi, les assureurs vont refléter ça. Dans le moment, le problème, c'est que c'est rendu qu'il y a 90 % des gens qui ont cinq ans sans accident. Continuons le système et on va arriver à un moment où on va avoir 99, 9 % des gens qui ont cinq ans sans accident, si tout le monde est menteur plus que ceux qui le sont dans le moment. À ce moment-là, il n'y aurait pas d'escompte. Le taux de la classe en question, ce serait le même taux parce qu'il n'y aurait pas de différenciation entre ceux qui ont des accidents et ceux qui n'en ont pas, parce que tout le monde se ramasserait là-dedans. Quand on donne un escompte à tout le monde, on ne donne un escompte à personne.

Le Président (M. Bélisle): Mme Lafontaine.

Mme Lafontaine: Oui. Effectivement, je crois que les assureurs recherchent une clientèle qui n'aura pas d'accidents dans l'avenir. Avec le dossier de conduite réel, ils vont justement, pouvoir choisir ces assurés. Alors, je crois qu'ils vont donner un poids plus grand au dossier de conduite réel qui est basé sur le nombre d'accidents responsables.

Le Président (M. Bélisle): Merci, Mme Lafontaine. M. le député de Lévis.

M. Garon: Le nombre d'accidents dont le conducteur est responsable, ce n'est pas le nombre d'accidents, point.

Mme Lafontaine: Non.

M. Gauvin (Jean-Louis): Cela peut être les deux.

Mme Lafontaine: Cela peut être les deux, mais, avec le fichier. lls vont pouvoir trouver le nombre d'accidents responsables.

M. Gauvin (Jean-Louis): Ce que Mme

Lafontaine dit, c'est qu'on pourrait tenir compte du nombre d'accidents responsables et du nombre d'accidents non responsables, mais en mettant un poids différent. Parce que, vous l'avez dit vous-même, si vous vous mettez à la place d'un assureur, c'est une moyenne. Si vous avez un gars qui est votre assuré depuis dix ans et que, quatre fois par année, la glace lui tombe dessus, parce qu'il est stationné à la mauvaise place, pour prendre vos exemples, à un moment donné, on va dire: C'est bien beau d'être malchanceux, mais tu n'es pas un risque bien diable parce que la malchance te court après aller retour. Alors, même pour les accidents non responsables, à un moment donné, on va dire: Écoute, est-ce que c'est parce que tu conduis mal? Le gars, ça fait huit fois qu'il se fait rentrer derrière. Il arrête au coin des rues tellement vite que, je ne sais pas... À un moment donné, iI y a un point d'inflexion où on dit: II y en a assez que, maintenant, on va en tenir compte.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Lévis.

M. Garon: Pensez-vous qu'un système de tarification basé sur un système de point de démérite serait un bon système?

M. Gauvin (Jean-Louis): C'est le genre de question à laquelle on peut répondre oui et non. Là, vous me replongez pratiquement dans les discussions qu'on avait eues lors de la commission d'enquête sur l'assurance automobile avec Me Bouchard. Le problème des points de démérite, malgré ce que va vous dire la police, c'est qu'ils ne sont pas appliqués uniformément dans tous les territoires. Cela varie... (22 heures)

Enfin, les études ont démontré que ça variait et ça dépendait également de l'endroit où les gens conduisaient. Un gars qui conduit sur l'autoroute, évidemment, s'il a un chauffeur parce qu'il est ministre, c'est son chauffeur qui se fait arrêter. Mais, la surveillance n'étant pas mal faite, mais pas identique sur le territoire, vous n'avez pas un système qui est homogène à ce moment-là. Cela ne veut pas dire de ne pas en tenir compte, mais à quel point en tenez-vous compte? C'est ça.

Je ne sais pas comment est le système de mérite. Je me souviens que. quand on l'a installé au Québec, Ils ont perdu les fichiers deux ou trois fois. Ils l'ont abandonné. Ils l'ont recommencé. Il y a le problème des délais aussi. Votre réponse, c'est que: Oui, ça pourrait être un bon système si la surveillance policière était uniforme. Pour les accidents, c'est uniforme, on les rapporte tous. On les rapporte tous ou on ne les rapporte pas. Mais la surveillance n'est pas

uniforme et varie également selon l'endroit où les gens se promènent. Des fois, les gens vont se promener à des endroits où ils sont plus susceptibles de se faire attraper parce que la police aime bien le coin. Alors, ce n'est pas uniforme.

Le Président (M. Bélisle): Ce qu'on peut dire, M. Gauvin, c'est que les accidents, eux, sont appliqués de façon uniforme sur le territoire.

M. Gauvin (Jean-Louis): Les rapports d'accidents sont supposés être appliqués uniformément.

M. Garon: Mais, selon vous, est-ce que les points de démérite représentent un bon indice du risque d'accidents que représente un conducteur? Parce que, là-dedans, les points de démérite, c'est parce qu'on a dépassé la vitesse, quelque choso comme ça.

M. Gauvin (Jean-Louis): Mais, enfin, il y a le problème du poids. Il y a le problème de chance, effectivement. Il y a des gens qui vont vous dire qu'ils se promènent à 25 milles au-dessus de la limite et qu'ils ne se sont jamais fait prendre et il y en a d'autres qui se promènent à 19 et qui se font accrocher. Il y a la question de chance.

Ce que je dis, c'est que le système de mérite-démérite, n'étant pas appliqué uniformément, étant sujet à la chance, d'après moi, ça ne serait pas un système aussi bon que ça. Et il y a les problèmes des délais à insérer les dossiers dans le système qui semblent relativement longs. Je ne dis pas qu'il faut le rejeter, parce qu'à certains endroits on en tient compte, mais il faudrait voir. Est-ce qu'il est meilleur que simplement les accidents?

Le Président (M. Bélisle): M. le député de

Lévis.

M. Garon: Vous avez parlé des options et de tout ça. Selon vous, quel est le meilleur système? Vous êtes un spécialiste de ces questions-là. On voit qu'une bonne partie des études que vous avez faites ont été appliquées en 1978. On a dit aujourd'hui qu'on avait le meilleur système en Amérique du nord. Si on regarde l'avenir...

M. Gauvin (Jean-Louis): Bien, écoutez...

M. Garon:... étant donné les intentions manifestées par le gouvernement, selon vous...

M. Gauvin (Jean-Louis): Je pense qu'un rapport comme celui du Comité d'étude sur l'assurance automobile, c'est un peu comme un enfant, on est un peu biaisé quand on parle de lui. Mais je pense que le Québec s'est doté d'un système qui était probablement très avant-gardlste en 1978. Cela a pris certainement beaucoup de temps aux gens pour le réaliser. Il y en a qui ne le réalisent peut-être pas encore. Les blessures corporelles sont toutes indemnisées. On peut chialer sur le niveau, mais tout le monde a droit à une certaine forme d'indemnisation.

Quant aux dommages corporels, parce que c'est plutôt de ça qu'on parle, je pense que notre système d'indemnisation directe, sans subrogation, a des avantages marqués. Il a réduit les délais, par exemple. Je ne sais pas si le GAA vous en a parlé. Malheureusement, je suis arrivé un peu plus tard, j'étais à l'extérieur du Québec. Mais les délais de règlement ont été réduits. Donc, ça favorise le consommateur. Et on est également plus en mesure, dans ce système-là, de tarifer selon le genre de véhicule. Parce que, dans un système de responsabilité, le type qui a une Corvette, qui coûte cher à réparer, quand il payait sa prime dans l'ancien système. II payait la prime de responsabilité pour le parc moyen au Québec, qui n'était certainement pas une Corvette, qui était peut-être, je ne sais pas, une Chevrolet assez ordinaire. Donc, II était subventionné parce que quand il avait un accident dont il n'était pas responsable, on le payait sur la base d'une Corvette, mais il mettait de l'argent dans le "pool" sur la base d'une petite Chevrolet bien ordinaire. Le système qui a été établi ici a permis d'équilibrer ça de telle sorte que les gens payent en fonction du véhicule qu'ils ont. Donc, s'ils ont un véhicule qui coûte plus cher à réparer, ce ne sont pas les autres qui payent pour ça. Cela a favorisé, je pense, les petites gens au détriment des gens qui se promènent aujourd'hui en BMW ou en d'autres voitures. Également, le système d'indemnisation directe, qui n'a pas été inventé au Québec par le Groupement des assureurs ou par le BAC, qui existait en France, avant, permet de mieux contrôler les réparations. L'un des principes qui ont été mis de l'avant, c'est que ce n'est pas un système de paiement d'indemnités, c'est un système de réparations. On s'assure que les autos soient réparées pour que les gens n'encaissent pas deux fois. D'ailleurs, le Groupement des assureurs a fait un bon travail en Instaurant des centres d'estimation. En somme, selon mol, on a un système qui est certainement meilleur qu'ailleurs. Il y en a d'autres qui sont aussi bons, la perfection n'étant pas de ce monde, mais le Québec s'est doté d'un bon système. Il y en a qui le réalisent de plus en plus. Même l'Ontario commence à le réaliser. Avec les deux solitudes, cela leur a pris bien du temps pour voir ce qui se passe au Québec. Il y en a là-bas qui se prennent pour le nombril du monde. et qui regardent juste ce qui se passe chez eux. Mais, aujourd'hui, je pense qu'ils admettent qu'ils seraient bien contents d'avoir ce que nous avons au Québec. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de défauts.

M. Garon: À ce moment-là, le système de fichier proposé, vous le verriez fonctionner comment?

M. Gauvin (Jean-Louis): Le problème dans le moment, c'est que le système de fichier...

M. Garon: Est-ce que vous pensiv que c'est bon qu'il y en ait un?

M. Gauvin (Jean-Louis): Je crois que oui, il en faut un.

M. Garon: Administré par qui?

M. Gauvin (Jean-Louis): Sûrement pas par la Régie de l'assurance automobile. En fait, l'idéal, c'est de le faire payer par les assureurs. Ils sont supposés être efficaces, eux autres. Ils disent qu'ils sont plus efficaces que les fonctionnaires. Cela devrait donc coûter moins cher au consommateur. En fin de compte, ce ne sont pas les assureurs qui vont le payer - et ils t'ont dit d'ailleurs, M. Brouillette l'a très bien dit - c'est le consommateur qui va payer, ce système-là. Si j'ai bien compris le sens de votre question - non pas de votre question, excusez-moi, je n'ai pas la mémoire des noms - la question de votre collègue qui demandait...

Une voix: Le député de Jonquière.

M. Gauvin (Jean-Louis):... M. le député de Jonquière demandait à qui appartiennent les logiciels. Moi, j'écoutais en arrière parce que j'aime ça, les logiciels. J'ai compris qu'ils appartenaient à l'inspecteur. Donc, un jour ou l'autre, si l'inspecteur le veut, il peut le rattraper. Ce n'est pas si mal en fait comme approche. On le fait monter par les gens qui se disent les plus efficaces et, à la limite, si on veut le reprendre, on le reprend.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Lévis.

M, Garon: Par rapport au système de responsabilité?

M. Gauvin (Jean-Louis): Excusez-moi, je ne saisis pas votre question. Le système de responsabilité, dans le fichier, Hs vont rapporter si l'assuré était ou non responsable, selon ce que j'ai compris.

M. Garon: Oui.

M. Gauvin (Jean-Louis): Ce n'est pas très volumineux comme données qu'ils vont mettre dans cela, te numéro du permis de conduire, la date de l'accident, le montant payé, le type de véhicule - vous avez cela à l'article 179 - et le pourcentage de responsabilité. S'il n'est pas responsable, cela va être écrit. Ce qu'il faut réaliser, c'est que cela va permettre aux assureurs de tenir compte à la fois des accidents responsables et non responsables pour déterminer dans quelle classe on va mettre l'individu en question.

M. Garon: Quels recours voyez-vous pour celui qui n'admet pas être responsable?

M. Gauvin (Jean-Louis): D'après moi. cela ne change rien. Il y a un gros document, la Convention d'indemnisation directe qui a découlé de la réforme de 1978 et qui était une recommandation qui avait été faite en 1974. Là-dedans, d'après ce que je comprends, il y a 90 % des cas où c'est clair et il y a les autres 10 %. Si les gens ne sont pas satisfaits, Us peuvent toujours s'adresser à la cour et dire: Moi. l'assureur a dit que je n'étais pas responsable, que j'étais responsable pardon, et je ne le suis pas... Si le gars est heureux, il n'en appellera pas. À ce moment-là, il y a un recours. Cela existe. Vous ne changez rien à cela. On ne change pas la convention.

D'ailleurs, il ne faut pas se faire d'illusions. Vous savez qu'aujourd'hui, si on faisait la somme, si on prenait la responsabilité moyenne des accidents, elle dépasserait peut-être 100 % II y a des cas où les assureurs... C'est un autre avantage du système québécois: chaque assuré traite avec son assureur. L'assureur va donner le bénéfice du doute à son assuré qu'il veut conserver. Il y a probablement des circonstances où ils disent à chacun des deux: Vous n'êtes pas responsable. Ils ne font pas le partage. Je ne sais pas, moi. pour un accident, ils s'obstinent: Est-ce que le feu était rouge ou vert? Il peut arriver que l'assureur de chacun des deux va croire leur version, alors qu'il y en a seulement une des deux qui est bonne.

Mais je pense que votre fichier ne change rien à cela. Votre fichier, dans ce sens-là, c'est un "tuning* si on peut employer un anglicisme. On est à l'intérieur, on peut l'employer. C'est juste un fine tuning" du système effectivement; cela ne change pas le droit des assurés. Cela ne fait qu'améliorer la classification des risques. C'est donc plus efficace et plus juste pour la population.

Le Président (M. Bélisle): M. te député de Lévis.

M. Garon: Je n'ai pas d'autre question pour le moment.

Le Président (M. Bélisle): Alors. M. le ministre.

M. Fortier: Je voudrais simplement remercier M. Gauvin qui nous a apporté un éclairage qui en valait la peine. Parce qu'on a entendu des gens qui étaient objectifs, comme l'Association des consommateurs dans la mesure où ils ne sont

pas eux-mêmes impliqués dans le commerce de l'assurance automobile. Le Groupement nous a donné des réponses. Sans remettre en doute son degré d'équité et son professionnalisme, je crois que c'était bien d'entendre M. Gauvin, qui était présent on 1974, et qui a tait son rapport, nous dire que, dans le fond, il s'agit d'une mesure positive qui bénéficiera au consommateur ou au conducteur selon certaines modalités. Par ailleurs, on a tenu compte de la recommandation de la Commission d'accès à l'information. Je pense qu'en définitive Je vais conclure là-dessus pour dire que, personnellement en tout cas, je me suis convaincu que, sous réserve d'une ou deux modalités qui nous ont été recommandées par l'Association des consommateurs, on a une mesure qui se défend et qui devrait être dans le meilleur intérêt du consommateur québécois.

Le Président (M. Bélisle): Avant que vous nous quittiez, M. Gauvin, je vais accepter le dépôt do votre documont. M. le député de Lévis.

M. Garon: J'ai remarqué ce qu'on a laissé entendre que les gens qui n'ont pas d'accidents ou qui ne sont pas responsables d'accidents pourraient avoir une baisse de leur prime d'assurance. On vous a posé la question, je ne sais pas si c'est le ministre ou le député de Mille-Iles, et vous n'avez pas trop répondu là-dessus. Dans votre mémoire, vous ne répondez pas beaucoup non plus. Vous dites: Cela permettra au critère de classification basé sur le nombre d'années sans accident de jouer pleinement son rôle pour faire payer aux assurés représentant un risque accru la proportion des sinistres qu'ils engendreront, laissant entendre que ceux qui sont responsables d'accidents paieront plus cher, mais, ne laissant pas entendre que ceux qui n'en ont pas paieront moins cher.

M. Gauvin (Jean-Louis): C'est implicite. Comme je l'ai dit, rien ne se perd et rien ne se crée là-dedans. J'hésite à donner des chiffres parce qu'on m'en a demandé, il n'y a pas très longtemps, et on n'a pas fait une étude très poussée là-dessus, je n'ai pas les données. Mais on dit que, dans le moment, 90 % des assurés sont dans la classe cinq ans et plus sans accident. Supposons qu'il y en a 10 % de trop là-dedans, ces 10 %, il va falloir les enlever. Eux, ils vont payer plus cher. Le montant total le plus élevé qu'ils paient - pas juste théoriquement, la compétition va y voir - sera disponible pour réduire la prime des 80 % qui resteront des purs là dedans.

Tantôt, je me suis amusé on écoutant les réponses qu'on vous a données. J'hésite beaucoup à donner des chiffres. C'est 80 % des primes qui vont baisser. Dans mon exemple, il y en a juste 10 % qui vont monter. On ne parle pas d'une baisse de prime de 50 $ par personne. La prime moyenne au Québec est de 400 $ dans le dossier qu'on vous a donné, de sorte que ce sont pas ces ordres de grandeur. Mais, pour les individus, on aura un système plus juste.

Excusez-moi. J'aimerais bien, M. Garon, vous dire combien exactement. J'aurais aimé que le GAA fasse les calculs. Après tout, il a des données. Les assureurs n'ont pas été capables de s'entendre entre eux pour faire le fichier dont on parle sans votre intervention. Alors, quand ils s'assoient ensemble pour calculer la baisse de primes, ils se considèrent tous comme compétiteurs au lieu de se considérer comme des collaborateurs. C'est peut-être pour ça qu'ils n'ont pas trouvé le moyen de vous donner la réponse.

M. Garon: Dans votre esprit, quand les gens parlent d'un dossier de dix ans, d'un dossier de cinq ans sans accident, ou avec accident sans responsabilité, à quoi pensez-vous dans ce sens-là?

M. Gauvin (Jean-Louis): Je regrette, je n'ai pas véritablement do réponse. Le fait de garder dos données pendant dix ans ne veut pas nécessairement dire qu'on s'en sert. L'important, c'est de les conserver. Après ça, il faut savoir quelle utilisation on en fait. Si vous les conservez juste pendant cinq ans et qu'après vous réalisez que vous devriez pour certains groupes en avoir de plus vieilles, si vous ne les avez pas conservées, toflok! Il va falloir que vous remettiez la machine en marche et ça va prendre cinq ans avant de les avoir. Tandis que, si vous les conservez... C'est pour ça que, idéalement, les actuaires aiment en avoir plus que moins, mais le fait qu'on en a plus ne veut pas dire qu'on s'en sert nécessairement. Dans certains cas pour de très jeunes conducteurs, ce qui est arrivé il y a dix ans, ça vient que ça n'a plus de signification, mais pour des vieux comme moi, c'est peut-être plus significatif.

La réponse, c'est tout simplement que je préférerais conserver les données pendant une dizaine d'années mais ça ne veut pas dire qu'elles vont être utilisées pour autant. Cela veut dire qu'elles vont être là, qu'il y a des gens qui vont les analyser et qu'ils vont voir si c'est significatif ou non. Dans un système de libre concurrence, si un assureur ambitionne, il va avoir des primes plus élevées. Un autre assureur va se rendre compte qu'il ambitionne et il va avoir des primes plus basses. Si les intermédiaires de marché font leur job comme ils le devraient, les consommateurs vont en bénéficier. S'ils ne font pas leur job, c'est un autre problème que vous tenterez de régler avec un autre projet de loi.

Le Président (M. Bélisle): M. le député de Lévis.

M. Garon: Merci.

Le Président (M. Bélisle): Alors, M. Gauvin.

Mme Lafontaine, merci infiniment d'être venus devant nous.

La commission du budget et de l'administration ayant rempli son mandat, nous allons ajourner nos travaux sine die. Merci de votre collaboration, à tous.

(Fin de la séance à 22 h 16)

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