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(Onze heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration est réunie ce matin, afin de procéder à
des consultations particulières sur le projet de loi 133, Loi modifiant
la Loi sur l'assurance automobile. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a
des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Joly
(Fabre) remplace M. Després (Limoilou).
Organisation des travaux
Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi de vous faire
lecture de l'ordre du jour, afin qu'il puisse être adopté.
À 12 heures, nous rencontrerons l'Association des consommateurs du
Québec. À 13 heures, il y aura suspension des travaux. Nous
reprendrons nos travaux à 15 heures, avec le Club automobile de
Québec, pour continuer, à 16 heures, avec le Bureau d'assurance
du Canada et le Groupement des assureurs automobiles, pour suspendre nos
travaux à 18 heures. Nous reprendrons nos travaux à 20 heures
avec la Commission d'accès à l'information du Québec, pour
entendre, à 21 heures, la Ligue de taxis de Montréal et, à
22 heures, M. Jean-Louis Gauvin, actuaire.
Est-ce que l'ordre du jour tel qu'établi, après entente
avec les groupes parlementaires, est adopté? M. le député
de Lévis, est-ce que l'ordre du jour est adopté?
Adopté?
M. Garon: Je regarde. C'est parce qu'il est différent du
projet que j'avais.
Le Président (M. Lemieux): II s'agit de l'entente qui a
été établie entre les deux groupes.
M. Garon: Oui.
Le Président (M. Lemieux): La seule différence, M.
le député de Lévis, est qu'on a reçu un fax en date
du 7 juin 1989 Groupe de recherche Informatique de droit et l'Université
du Québec à Montréal qui nous dit ceci: Comme je vous l'ai
expliqué au téléphone, je suis malheureusement
obligé de décliner cette invitation, compte tenu de certains
engagements antérieurs et du manque de disponibilité de nos
spécialistes pour effectuer dans un si bref délai une analyse de
ce dossier particulier qui permettrait de fournir une opinion
éclairée à la commission parlementaire.
Alors, le groupe de recherche a décliné l'invitation de la
commission. Je peux, d'ailleurs, autoriser... Est-ce que le dépôt
a été fait? Nous allons déposer ce document pour permettre
que les parlementaires puissent en avoir une copie. L'ordre du jour est-il
adopté, M. le député de Lévis?
M. Garon: Un instant.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Garon: Je vois deux groupements entre 16 heures et 18 heures:
le Bureau d'assurance du Canada et le Groupement des assureurs automobiles.
Est-ce qu'il s'agit d'une heure chacun ou de deux heures pour les deux?
À ce moment-là, est-ce qu'il y aura assez d'une heure? Parce que
tous les autres groupes vont avoir une heure, y compris...
Le Président (M. Lemieux): On m'informe ici que le Bureau
d'assurance du Canada et le Groupement des assureurs automobiles ont
insisté pour faire une présentation conjointe. C'est la raison
pour laquelle la durée totale de l'audition de tous les organismes qui
seront entendus aujourd'hui, à l'exception du Bureau d'assurance du
Canada et du Groupement des assureurs automobiles sera d'une heure, sauf pour
ces gens-là.
M. Fortier: II faut bien comprendre, M. le député
de Lévis, que c'est le groupement qui va administrer ce fichier et celui
qui va être le plus fortement impliqué. C'est lui qui a le plus de
données à nous fournir sur le plan technique, juridique ou autre.
Alors, quant à moi, j'ai pensé que c'était une bonne chose
de leur permettre d'avoir le temps de nous exposer en détail les
conventions, la façon qu'il administre la loi et les
responsabilités qu'il assume pour comprendre les détails
techniques.
Le Président (M. Lemieux): Ceci avait été
convenu entre les deux groupes. C'est la raison pour laquelle, lors de cette
présentation conjointe du BAC et du Groupement des assureurs
automobiles, leur exposé durera 40 minutes au plus et le reste de
l'enveloppe, soit 80 minutes, sera consacré aux discussions.
M. le secrétaire, est-ce que cela a été
effectivement convenu?
Le Secrétaire: Oui.
Le Président (M. Lemieux): Effectivement, ça avait
été convenu entre les groupes parlementaires en ce qui a trait au
BAC...
M. Garon: C'est parce que j'avais deux groupes
séparés.
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, c'est que,
eux-mêmes avaient...
M. Garon: Là, je vois ici la feuille que
j'avais où on indiquait deux groupes séparés: le
Bureau d'assurance du Canada et, après ça, le Groupement des
assureurs automobiles. Ce matin, je vois que la présentation, c'est deux
groupes ensemble.
Le Président (M. Lemieux): C'est deux groupes ensemble,
mais ils avaient effectivement demandé qu'iI y ait une
présentation qui soit conjointe. C'est bien exact, M. le
secrétaire? Oui. Est-ce que ça vous va, M. le
député de Lévis? L'ordre du jour est-il adopté?
M. Garon: Non, ce que je voulais simplement, c'est que
plutôt que d'avoir quelqu'un à 22 heures, si on demandait à
M. Gauvin... si on n'a pas besoin de deux heures à 16 heures.
M. Fortier: C'est parce que M. Gauvin ne peut malheureusement
pas... Je sais qu'il est au
Nouveau-Brunswick aujourd'hui et il va être ici seulement en
soirée.
M. Garon: Ah bon, d'accord.
Le Président (M. Lemieux): L'ordre du jour est donc
adopté.
M. Garon: Adopté.
Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi de vous rappeler
les règles de l'audition, telles que convenues entre les groupes
parlementaires. La période des déclarations d'ouverture durera 30
minutes, 15 minutes pour M. le ministre et 15 minutes pour le porte-parole de
l'Opposition. La durée totale de l'audition de tous les organismes
entendus aujourd'hui, comme je l'ai mentionné tout à l'heure,
à l'exception de l'audition du Bureau d'assurance du Canada et du
Groupement des assureurs automobiles, sera d'une heure chacun, soit 20 minutes
pour l'exposé du mémoire et 40 minutes pour les échanges
de vues avec les parlementaires, dont 20 minutes pour le groupe parlementaire
formant le gouvernement et 20 minutes pour l'Opposition.
Dans le cas de la présentation conjointe du BAC et du Groupement
des assureurs, l'exposé, comme je l'ai mentionné, durera 40
minutes au plus et le reste de l'enveloppe, soit 80 minutes, sera
consacré aux discussions. Le temps de parole des députés
est de 10 minutes, en respectant la règle de l'alternance dans les
interventions.
Maintenant, j'inviterais M. le ministre à faire une
déclaration d'ouverture dont la durée est de 15 minutes.
M. Fortier: M. le Président, est-ce qu'on peut
procéder?
Le Président (M. Lemieux): Ça va, d'accord! Nous
commençons notre audition. M. le ministre, votre déclaration
d'ouverture.
Remarques préliminaires
M. Pierre-C.
Fortier
M.
Fortier Mes commentaires seront assez brefs, M. le
Président. Rappelons que le régime d'assurance automobile en
vigueur au Québec depuis 1978 comporte plusieurs particularités.
En premier lieu, l'assurance pour les dommages corporels subis au cours d'un
accident de la route est assumée par un organisme d'État que l'on
connaît, la Régie de l'assurance automobile du Québec dont
le rôle est d'administrer ce régime d'assurance, de payer les
indemnités aux victimes et de percevoir les fonds auprès des
usagers de la route par le biais des permis de conduire et de l'immatriculation
des véhicules.
Ce système d'assurance des dommages corporels est qualifié
de sans égard à la responsabilité ou 'no fault", car les
victimes sont indemnisées par l'état Indépendamment de
leur responsabilité dans l'événement. Aujourd'hui, nous
allons discuter de l'autre volet de cette réforme qui fut faite en 1978,
puisque les assureurs offrant l'assurance automobile au Québec
appliquent la convention d'indemnisation directe pour le règlement des
sinistres d'automobiles pour tous les dommages matériels causés
par collision et prévus par la convention.
Cette convention imposée par la Loi sur l'assurance automobile
fait en sorte que chacun des assureurs Indemnise directement ses propres
assurés Impliqués dans un accident prévu dans la
convention, dans la mesure de la responsabilité des conducteurs des
autres véhicules. Alors, j'imagine qu'on aura l'occasion aujourd'hui
d'étudier les aspects juridiques et techniques de cette indemnisation
directe qui se base sur la responsabilité, contrairement aux dommages
corporels qui sont indemnisés par la Régie d'assurance automobile
du Québec et où il n'y a aucune responsabilité.
Comme vous le savez, depuis l'application de cette réforme, iI y
a eu des commentaires qui nous sont venus de toute part. C'est le but du projet
de loi 133 dont nous allons commencer l'étude aujourd'hui, du moins,
l'audition de personnes qui se sont manifestées comme étant
intéressées par le projet de loi et nous entendrons, au premier
chef, l'Association des consommateurs du Québec qui s'est dite en faveur
du projet de loi, mais qui s'inquiétait de certaines applications eu
égard à l'information qui sera disponible aux assureurs.
Nous aurons également l'occasion d'entendre ie Groupement
d'assurance automobile qui est directement impliqué et qui désire
cette réforme. On entendra également d'autres organismes, en
particulier la Commission d'accès à l'information, je pensais
surtout à la Ligue de taxis de Montréal qui nous a fait part,
dans une lettre du 9 mai dernier, qu'elle était tout à fait
d'accord avec le projet de loi parce que, dans un rapport auquel elle avait
participé, qu'on appelle le
rapport Bissonnet, en date de septembre 1988, ce rapport recommandait la
disposition qui est le sujet du projet de loi 133.
À ce moment-ci, avec votre permission. M. le Président,
j'aimerais distribuer un papillon, non pas pour... (11 h 45)
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le ministre.
M. Fortier:... en faire la proposition maintenant, mais à
titre d'information, puisque, dans les discussions que l'inspecteur
général des institutions financières a eues avec la
Commission d'accès à l'information, il restait un point en
suspens; ce point était la possibilité d'inclure dans la loi une
disposition qui pénaliserait ceux qui, parmi les assureurs,
obtiendraient une information et abuseraient de cette information pour la
disséminer dans le public. Avec votre autorisation...
Le Président (M. Lemieux): Merci.
M. Fortier:... je distribuerais ce papillon aux
parlementaires.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le
secrétaire, j'en autorise le dépôt.
M. Fortier: J'ai proposé ce papillon au Comité de
législation, il a été accepté. Donc, dès que
nous commencerons l'étude article par article, il sera ajouté au
projet de loi 133 et répond effectivement à la demande de la
Commission d'accès à l'information dans ce sens-là.
J'aurai l'occasion d'expliquer, lorsqu'on fera l'étude article par
article, les problèmes techniques que cela pouvait poser du fait que ce
sera, je crois, la première fois - c'est un précédent -
qu'une telle pénalité s'applique à un fichier qui est
administré par le secteur privé, alors que, jusqu'à
maintenant, les pénalités s'appliquaient uniquement à des
fichiers ou à des informations qui étaient contrôlés
par le secteur public.
Ce sont là mes quelques propos. Je crois que le but de la
commission est d'entendre les gens; alors, on devrait procéder dans les
meilleurs délais, après avoir entendu, bien sûr, le
député de Lévis.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lévis, porte-parole officiel de
l'Opposition.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, j'ai eu l'occasion de dire que
l'objectif visé par le projet de loi est louable, mais il n'y a rien
dans le projet de loi qui garantit que l'objectif visé sera atteint.
D'abord, le ministre présume beaucoup de choses. Mais rien ne
garantit, par exemple, que les bons conducteurs vont payer moins cher. Il est
peut-être sûr que ceux qui sont considérés comme des
mauvais conducteurs vont payer plus cher, mais nulle part on ne peut voir, dans
le projet de loi, des garanties comme quoi les bons conducteurs auront des
réductions. Il est possible, au fond, que tous les conducteurs paient le
même prix, mais qu'on fasse payer une prime aux mauvais conducteurs sans
que cela ne bénéficie d'aucune façon aux bons conducteurs.
Cela n'est pas évident dans le projet de loi.
Qui nous dit aussi que tout cela ne fera pas seulement qu'augmenter les
primes? Il est possible que tout le système mis en place fasse
uniquement augmenter les primes. Ci se rappelle que l'une des principales
raisons pour lesquelles c'était un système d'Indemnisation qui ne
tenait pas compte de la faute, c'est que, sur le plan administratif, cela
évitait des coûts considérables.
Si on veut que les gens paient des primes en fonction de leur
qualité de conducteur, ils vont devoir être reconnus fautifs. Si
on reconnaît des gens fautifs, il faut que les gens puissent se
défendre. Il faut que les gens puissent dire: Je ne suis pas en faute.
Ce n'est pas à une compagnie d'assurances de dire: Un tel est en faute,
un tel n'est pas en faute. Normalement, si l'on veut reconnaître que
quelqu'un est en faute, iI faut que la personne qu'on veut accuser au fond,
qu'on veut déclarer coupable de quelque chose puisse avoir la
possibilité de démontrer qu'elle ne l'est pas. Combien
d'accidents se produisent sans témoin? C'est-à-dire que ceux qui
se frappent sont présents, mais c'est tout. De quelle façon
va-t-on pouvoir déterminer qui est responsable de l'accident?
Pour ces raisons, je suis un peu surpris de voir ie projet de loi
piloté par le ministre délégué aux Finances et
à la Privatisation plutôt que par le ministre des Transports. Le
ministre responsable de la Loi sur l'assurance automobile, c'est le ministre
des Transports. Il me semble que le ministre des Transports aurait dû
avoir quelque chose à dire, ici, au fond, on ne traite pas tellement des
institutions financières. Il est évident que la compagnie
d'assurances est celle qui assure mais, au fond, ce dont on va traiter dans ce
projet de loi principalement, c'est d'accidents d'automobile, d'assurance
automobile, de primes pour l'assurance automobile et, normalement, ces
matières relèvent du ministre des Transports. Le ministre des
Transports doit normalement se préoccuper autant des victimes
d'accidents que des responsables des accidents, tandis que la
préoccupation du ministre responsable des institutions
financières, c'est le rapport entre les entreprises dans le domaine des
Institutions financières. Ceux qui risquent d'écoper dans tout
ça, ce sont beaucoup plus les citoyens qui sont assurés. Il me
semble que le ministre responsable de ces matières, c'est le ministre
des Transports.
Il va falloir se demander aussi... Je pense qu'il sera important de
pousser cette analyse
assez loin au cours de la journée. La compagnie va pouvoir
déterminer qui est responsable d'un accident et va pouvoir augmenter les
primes en conséquence. Rien ne dit qu'elle va les diminuer, mais elle va
pouvoir les augmenter. Quels seront les recours de l'assuré qui n'est
pas d'accord? La compagnie d'assurances, normalement, n'aura pas
été présente lors de l'accident. C'est assez rare que les
compagnies d'assurances sont présentes lors d'un accident, mais elles
vont trancher dans un débat dont le résultat peut être
connu par les deux parties mais où, dans la majorité des cas, les
deux personnes, c'est-à-dire les deux propriétaires des
automobiles, ne seront pas d'accord, n'auront pas la même opinion.
L'inspecteur ne pourra pas jouer le rôle d'un tribunal pour chacun
des assurés qui ne seront pas d'accord avec les décisions des
compagnies d'assurances. J'aimerais que l'Inspecteur général nous
dise s'il a l'Intention de jouer le rôle d'arbitre ou de tribunal; j'ai
l'impression qu'l va falloir il demande des postes et qu'il les obtienne, il va
s'agir de milliers de cas où des gens seront dans des matières
litigieuses, vont nier ou accuser l'autre partie d'être responsable, et
ça ne peut pas être une compagnie d'assurances qui va
déterminer par elle-même qui est responsable. Il va falloir qu'il
y ait une forme de tribunal, une forme d'arbitrage. Autrement, on ne peut pas
déterminer un système de responsabilité où iI y a
des conséquences. On va voir qu'il est question d'un fichier, qu'il est
question d'avoir un dossier qui va suivre le citoyen. Le citoyen ne sera pas
nécessairement intéressé à avoir ce dossier qui va
le suivre, à plus forte raison s'il n'est pas d'accord. S'il est
d'accord, il n'y aura pas de problème, mais s'il n'est pas d'accord, il
va vouloir avoir la possibilité de se défendre quelque part pour
démontrer qu'il n'est pas responsable pour ne pas encourir les
conséquences d'une responsabilité admise.
Un autre point. Le ministre dit qu'il vient de déposer un
amendement, mais I n'y a pas de garantie que l'utilisation de renseignements
sur les assurés par les compagnies d'assurances ne seront pas
utilisés à d'autres fins, surtout dans le cadre du
décloisonnement. On est dans le cadre du décloisonnement
où des listes de personnes vont pouvoir servir à d'autres fins.
Le président de la Commission d'accès à l'Information a
fait des représentations, nous devons l'entendre aujourd'hui. Je pense
que c'est une question très importante. Remarquez bien, c'est un dossier
qui va suivre la personne. Un dossier de mauvais conducteur, de conducteur
négligent, de conducteur insouciant...
Une voix: Aveugle.
M. Garon:... où on va laisser planer toutes sortes de
doutes sur la conduite de la personne, d'autant plus que, dans les accidents,
la plupart du temps, il y a deux perspectives. Les gens n'ont pas vu les faits
de la même façon, n'ont pas Interprété les faits de
la même façon, et celui qui va venir trancher ça, c'est
quelqu'un qui n'était pas là. Il déterminera
lui-même un coupable sans procès. Dans une société
civilisée, tout le monde est présumé de bonne foi et
personne n'est présumé coupable ou responsable avant qu'on ait
établi sa responsabilité. Il s'agit d'une matière
importante.
Le dernier point. On aurait aimé, nous, et ça a
été refusé, qu'un des intervenants de la Régie de
l'assurance automobile puisse venir nous rencontrer, puisque c'est l'organisme
qui a peut-être le plus grand nombre de dossiers concernant les
assurances au Québec.
M. Fortier: Pour les dommages matériels...
M. Garon: Non, pas pour les dommages, excepté
qu'habituellement, quand un dossier va à la Régie de l'assurance
automobile, il y a aussi des dommages. Quand des gens sont estropiés
dans des voitures, habituellement, on a commencé par briser la voiture.
C'est rare que quelqu'un à l'intérieur d'une voiture sera
blessé sans qu'il y ait de dommages à la voiture. Je comprends
que ce ne sont pas des dossiers sur les dommages corporels dont on traite ici,
excepté que par la nature des accidents, l'administration de
l'indemnisation pour dommages, qu'ils soient corporels ou matériels, iI
y a quand même des similitudes sur le plan de l'administration surtout
sur le plan de l'établissement des responsabilités. Ne nous
trompons pas. Quand le gouvernement commence à dire qu'il va
établir des responsabilités pour les dommages matériels,
il n'est pas dit qu'il ne met pas en place, tranquillement un système il
pourra utiliser pour les dommages corporels. On a vu que... Un instant. En
troisième lecture de la loi 92...
Une voix: Cela ne serait peut-être pas si mauvais que
ça.
M. Garon: Un instant. En troisième lecture de la loi 92,
le ministre a déjà tenté d'apporter un amendement à
une loi qui ne portait pas du tout là-dessus, comme si on pouvait, en
troisième lecture, apporter des amendements à une loi pour
établir des responsabilités sur le plan des dommages corporels,
alors qu'un des buts de la loi, c'est qu'il n'y ait pas de
responsabilité. En troisième lecture, on va venir
présenter un amendement pour changer la nature même de la loi?
Évidemment, c'est inacceptable. On voit quand même
déjà l'intention du gouvernement. C'est pourquoi, devant ces
faits, je suis content qu'on ait accepté qu'il y ait une commission
parlementaire pour recevoir les Intéressés, tel que nous l'avions
demandé. On est contents que...
M. Fortier: C'est l'Association des consommateurs qui l'a
demandé.
M. Garon: Non. On vous l'avait mentionné, on vous l'avait
aussi demandé pour la loi 134. Pour la loi 92, on a refusé qu'il
y ait un amendement en troisième lecture.
M. le Président, nous allons être très vigilants
dans l'étude des mémoires qui vont être
présentés aujourd'hui, parce qu'il y aura des conséquences
Importantes pour les citoyens qui vont être déclarés
coupables dans des dossiers, qui auront sans doute à payer des surprimes
importantes. Dans certains cas, il n'est pas sûr que les gens n'auront
pas de conséquences au point de vue de leur assurabilité, alors
qu'ils n'auront pas pu se défendre.
Comme président, vous avez une formation juridique, vous savez
qu'on ne peut pas accuser quelqu'un sans qu'il puisse se défendre. S'il
considère qu'il n'est pas responsable, il puisse en faire la
démonstration, il soit jugé par des gens impartiaux. Je suis
certain, M. le Président, que vous serez sensible aux mémoires
qui vont être présentés et aux questions débattues
aujourd'hui. Je vous remercie.
Le Président
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Lévis. Il nous reste 30 secondes, simplement
pour vous dire, M. le ministre, que je rejoins, peut-être pas en
totalité, mais en partie certaines préoccupations du
député de Lévis. Je pourrais tout simplement vous donner
l'exemple d'une voiture neuve garée ici, sur la rue Cartier, qui se fait
frapper par un automobiliste. L'automobiliste qui est frappé a plus de
dommages que celui qui a frappé, et celui qui a frappé voit sa
prime augmenter d'une manière moins forte que celui qui a
été frappé et qui n'était pas dans sa voiture. Cela
me semble aller à ('encontre de la logique. (12 heures)
Je comprends mal que nos compagnies d'assurances puissent avoir une
attitude de ce genre-là. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il ne
faudrait quand même pas que l'automobiliste qui n'a pas de
responsabilité soit perdant, que celui qui a une responsabilité
soit gagnant et que celles qui en bénéficient le plus soient les
compagnies d'assurances. Je vais vous avouer que cela m'inquiète que la
compagnie d'assurances profite à la fois de la personne qui n'a aucune
responsabilité et de la personne qui a une responsabilité pour
augmenter sa prime d'assurance. Je trouverais ça un peu illogique. Dans
ce sens, je rejoins peut-être un peu le...
M. Fortier: M. le Président, on ne peut répondre,
pour le moment, aux problèmes que vous soulevez parce qu'à peu
près la moitié de ce que dit le député de
Lévis n'est pas conforme à la loi que le Parti
québécois a voté en 1978. On aura l'occasion d'y
revenir.
Le Président (M. Lemieux): Je suis bien conscient de
ça, M. le ministre. Effectivement, il y aurait peut-être lieu de
revenir à ce qui s'est déjà fait par le Parti
québécois dans le passé. Mais, en ce moment, je fais
état d'une préoccupation que je comprends mal au niveau pratique
des choses. J'ai terminé, M. le ministre, il n'y a pas d'autres
intervenants?
Auditions
J'appelle maintenant l'Association des consommateurs du Québec.
Je demanderais aux gens de l'organisme de prendre place à la table des
témoins. Je demanderais également à la responsable de bien
vouloir s'identifier et d'identifier la personne qui l'accompagne. Avez-vous un
mémoire?
Association des consommateurs du Québec
Mme Guillot-Lemelin (Solange): Oui, je voulais justement vous
demander la permission de le distribuer.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, oui.
J'accepte le dépôt. On va pouvoir distribuer ce mémoire aux
formations politiques des deux groupes parlementaires.
Mme Guillot-Lemelin: M. le ministre, M. le Président, MM.
les députés, Je me présente. Mon nom est Solange
Guillot-Lemelin. Je suis présidente de l'Association des consommateurs
du Québec. L'Association des consommateurs du Québec a
demandé, effectivement, une commission parlementaire concernant le
projet de loi 133 pour permettre à tous ceux qui ont des interrogations,
des objections, des commentaires de pouvoir les exprimer avant l'adoption du
projet de loi. Quant à nous, on appuie le projet dans son ensemble. Nous
sommes heureux de constater qu'enfin certaines modifications à la loi
seront à l'avantage des consommateurs particulièrement en ce qui
concerne les propositions pour que les victimes ne soient plus responsables de
leur accident d'auto, une demande, maintes fois répétée,
je pourrais vous le dire, par plusieurs consommateurs.
Je comprends ce que vous mentionniez au début, M. le
Président, que ce sont sûrement les compagnies d'assurances qui en
ont profité pendant plusieurs années par l'augmentation des
primes des personnes qui n'étaient pas responsables de leur accident.
C'est la principale chose qui nous réconforte et, je peux vous
l'assurer, qui va sûrement faire plaisir à plusieurs consommateurs
qui ont eu à vivre ce problème et qui, souvent, ont appelé
à l'Association des consommateurs pour nous dénoncer le fait.
C'est à la suite de ça qu'on a fait des pressions pour que cette
situation change.
Toutefois, ce n'est pas parce qu'on veut améliorer unesituation il faut en profiter pour diminuer d'autres droits acquis. Mon
exposé
va être bref. Je vais surtout attirer votre attention sur les
points suivants. Comme je viens de le mentionner, l'Association des
consommateurs a fait connaître son appui au gouvernement concernant le
projet de loi 133 qui modifie la Loi sur l'assurance automobile en vertu duquel
les assureurs pourront, collectivement, constituer un fichier de renseignements
qui leur permettra de déterminer la compétence et la performance
réelle des conducteurs d'automobile, ce qui leur permettra ensuite
d'établir une tarification selon les risques que représente
chaque assuré.
Depuis plusieurs années, l'Association des consommateurs du
Québec exprime ses préoccupations à l'égard de la
protection des renseignements sur la vie privée. Ces
préoccupations se voient confirmer par plusieurs sondages
réalisés au Canada depuis le début des années
quatre-vingt et qui font ressortir que la principale inquiétude des gens
est avant tout leur ignorance de l'information détenue à leur
sujet et l'utilisation qui peut en résulter.
Dans ce contexte, nous suggérons que le projet de loi 133 soit
modifié pour inclure deux dispositions additionnelles visant à
informer les consommateurs des renseignements dont les assureurs disposeront
désormais à des fins de classification des tarifications lors de
l'émission ou du renouvellement d'une police d'assurance automobile.
Alors, nous suggérons que l'article 11 du projet de loi soit
modifié afin d'y ajouter l'article 179. 2, qui pourrait se lire comme
suit: "179. 2 Tout assureur doit, lors de l'émission ou du
renouvellement d'une police d'assurance automobile, Informer l'assuré
par écrit de tous les renseignements obtenus de l'inspecteur
général des Institutions financières en vertu de l'article
179. 1 de la loi, et sur la base desquels l'assureur a établi la
classification et la tarification auxquelles est assujetti l'assuré.
"
L'obligation qui serait ainsi faite à un assureur de communiquer
à son assuré des informations qu'il a lui-même obtenues de
l'Inspecteur général des institutions financières ne
devrait pas à toutes fins engendrer des coûts additionnels pour
l'assureur ou pour l'assuré, puisque l'assureur a besoin de ces
informations pour établir la classification et la tarification
auxquelles sera assujetti son assuré. De plus, nous suggérons
d'ajouter un article, l'article 179. 3, qui se lirait comme suit: "179. 3 Lors
d'un accident, l'assureur doit, dans les meilleurs délais et au plus
tard dans les 30 jours de la date de cet accident, informer par écrit
son assuré du pourcentage de responsabilité qui lui est
attribuée dans cet accident, conformément aux barèmes
prévus à la Convention d'indemnisation directe pour le
règlement des sinistres automobiles. "
Cet avis, donc, devrait mentionner le droit pour un assuré de
contester le pourcentage de responsabilité qui lui est Imputé
dans cet accident ainsi que les moyens et recours à sa disposition pour
obtenir une correction à son dossier à cet égard. C'est un
peu ce dont nous faisait part M. Garon lors de sa présentation.
L'obligation qui serait désormais faite à l'assureur d'informer
par écrit son assuré de ce pourcentage de responsabilité
qui lui est imputé lors d'un accident aura un double effet: d'abord,
sensibiliser le consommateur à son propre comportement comme conducteur
automobile et, d'autre part, s'assurer que le consommateur puisse contester, le
cas échéant, ce pourcentage de responsabilité qui lui est
attribué lors d'un accident.
Nous soulignons également que l'utilisation du constat à
l'amiable, combiné aux dispositions de la Convention d'indemnisation
directe, ont probablement entraîné un certain laxisme, tant chez
les assureurs que chez les assurés, en ce qui concerne l'attribution
d'un pourcentage de responsabilité à chacun des conducteurs lors
d'un accident, d'où la pertinence de cette obligation d'informer
l'assuré.
Par ailleurs, le projet de loi ne prévoit aucune mesure ou
sanction contre les détournements de finalité des informations
fournies aux assureurs pour des fins de tarification et de classification.
À l'instar du rapport de la commission de la culture, intitulé
'La vie privée, un droit sacré", qui recommandait en juin 1988
d'étendre aux compagnies d'assurances les principes de protection des
renseignements personnels de la Loi sur l'accès à l'information,
l'Association des consommateurs du Québec demande donc au gouvernement
du Québec de mettre en vigueur le chapitre du Code civil - d'ailleurs,
on le dit aujourd'hui et on le demande souvent, de mettre en vigueur ce fameux
chapitre du Code civil du Québec - relatif au respect de la
réputation et de la vie privée.
J'appuie aussi M. Garon par rapport aux primes des mauvais conducteurs:
c'est bien d'Imposer une prime aux mauvais conducteurs, mais il faut
effectivement que la réduction aille aux bons conducteurs, il n'y a pas
de doute.
Alors, c'est assez bref, ce sont les points sur lesquels on voulait
attirer votre attention aujourd'hui, M. le ministre, et nous espérons
que vous prendrez nos recommandations en considération.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme Lemelin. M. le
ministre.
M. Fortier: Oui, merci, Mme Lemelin. Quand j'ai reçu votre
lettre et que j'ai vu les points que vous avez soulevés, j'avais pris la
décision de demander au leader de la Chambre de convoquer cette
commission parlementaire, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici.
Peut-être pour commencer par le dernier point, je crois que la
commission de la culture avait publié un rapport à la suite d'une
étude qui avait été faite au sujet de la protection des
informations personnelles dans différents milieux
dans le secteur privé. Je suis au courant que le ministère
de la Justice a créé un comité spécial pour
étudier toute la question et il pourrait arriver à des
recommandations un peu plus tard cet automne, je crois.
En ce qui nous concerne, j'ai fait circuler tout à l'heure, pour
ce projet de loi, et sans attendre les conclusions de ce comité
d'étude qui va faire une étude assez exhaustive sur la question
pour l'ensemble des données existant dans tout le secteur privé
et dans le secteur des institutions financières en particulier, un
papillon qui sera ajouté à l'article 189. 1 et qui va dire que
l'assureur qui utilise ou tolère que soit utilisé autrement
qu'à des fins de classification ou de tarification un renseignement qui
lui a été transmis en vertu de l'article 179. 1 sera
pénalisé. Donc, il y a des pénalités qui sont
prévues, et c'est un précédent. C'est la première
fois qu'une telle disposition s'applique à un fichier administré
par le secteur privé. Donc, on devance les conclusions auxquelles le
ministère de la Justice pourrait arriver, le cas
échéant.
Le député de Lévis, tout à l'heure, se
demandait comment il se faisait que ce soit le ministre des Institutions
financières qui soit impliqué. C'est que, pour ainsi dire, je
réponds en Chambre des travaux de l'Inspecteur général des
institutions financières et celui-ci a des pouvoirs assez étendus
sur l'approbation de toutes les polices d'assurance, en particulier. Autrement
dit, lorsque les compagnies d'assurances automobiles proposent une nouvelle
police d'assurance ou un nouvel avenant, ce n'est pas le gouvernement qui les
approuve, c'est l'Inspecteur général des institutions
financières qui a autorité et la loi dit clairement que
l'Inspecteur assume une responsabilité importante indépendante du
pouvoir politique comme tel. Donc, il a ce pouvoir d'approuver des avenants qui
peuvent être proposés et d'approuver le contenu d'une police.
En ce qui concerne vos deux autres recommandations, j'y suis assez
favorable, même très favorable. On pourrait le faire lors de
l'approbation de la police qui est soumise par les différentes
compagnies d'assurances ou on pourrait le faire par un texte législatif.
Personnellement, je suis très favorable à un texte qui pourrait
ressembler à celui de l'article 179. 2 - on peut diverger d'opinion sur
la façon dont le texte est rédigé - mais l'idée est
que "tout assureur doit, lors de l'émission ou du renouvellement d'une
police d'assurance automobile, informer l'assuré par écrit de
tous les renseignements obtenus de l'Inspecteur général". Cela
devrait être dans la police d'assurance comme telle, et on pourrait donc
l'inclure.
En ce qui concerne la proposition que vous faites à la page 2 sur
la nécessité d'alerter le consommateur de ses droits, vous avez
peut-être raison, parce que je dois vous avouer bien humblement que
moi-même avant que je sois ministre des institutions financières,
je ne savais pas quel était le sens même de la réforme.
Contrairement à ce que le député de Lévis a dit, la
réforme qui a été faite en 1978 dit clairement que dans
les dommages corporels il n'y a aucune faute, donc aucune
responsabilité, mais qu'en ce qui concerne les dommages physiques I y a
responsabilité. Vous avez parlé d'un "no fault" en ce qui
concerne les dommages matériels, et la loi de 1978 dit clairement,
à l'article 108: "Le propriétaire de l'automobile est responsable
du dommage matériel causé par cette automobile". Le public est un
peu confus, parce qu'on parle toujours du "no fault", mais il ne vaut que pour
les dommages corporels. I! ne vaut pas pour les dommages matériels.
Donc, à l'article 108, on dit clairement que le propriétaire de
l'automobile - et un peu plus loin le conducteur - est responsable des dommages
matériels.
Aux articles 115 et 116 de la loi actuelle, on dit que "le recours du
propriétaire en raison du dommage subi par son automobile ne peut
être exercé que contre l'assureur avec lequel il a
contracté l'assurance". Il y a donc un recours légal. Cela existe
déjà dans la loi, il y a donc responsabilité du conducteur
et du propriétaire en ce qui concerne les dommages matériels. Ce
n'est donc pas un système sans faute, au contraire, c'est un
système avec responsabilité, mais il y a eu simplification du
système en 1978, par la loi qui a été adoptée
à ce moment, du fait que le seul recours possible de la part de celui
qui était assuré était contre sa propre compagnie
d'assurances. (12 h 15)
Par ailleurs, cet après-midi, j'imagine que les compagnies nous
feront part d'une entente dont elles ont convenu entre elles, parce que, selon
la loi, elles pourraient se poursuivre entre elles, mais elles ont
établi par une convention qu'elles ne le feraient pas, mais elles
pourraient le faire selon la loi. Donc, ce système a été
simplifié, mais il existe déjà un recours dans la loi et,
malheureusement, peut-être que vous avez raison de dire que trop peu de
gens sont au courant que, lorsqu'il y a un règlement provenant de leur
compagnie d'assurances, ils ont de toute façon un recours possible,
lequel peut porter également sur la responsabilité. C'est donc
dire que, à l'article 179. 3, ce que vous suggérez est que,
lorsqu'il y a un accident, la personne ou le conducteur, celui qui est
assuré, soit informé. Nous sommes tout à fait d'accord
avec cette suggestion de rappeler aux personnes qu'elles ont, comme la loi le
dit à l'article 116, un recours possible contre leur assureur. M.
l'Inspecteur, peut-être avez-vous des détails techniques sur
ça?
Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis.
M. Garon: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Madame, est-ce que vous voulez
intervenir à la suite des propos de M. le ministre?
Mme Guillot-Lemelin: Oui. J'aimerais obtenir la copie que vous
mentionnez en ce qui concerne l'article 189 que vous avez fait distribuer tout
à l'heure.
Le Président (M. Lemieux): Pourriez-vous parler plus
près du micro?
Mme Guillot-Lemeiin: Excusez-moi. Je demandais à M. le
ministre s'il pouvait me faire parvenir ta copie de l'article 189
présenté tout à l'heure. Quand vous dites qu'il y a un
recours à l'article 116, que le consommateur a la possibilité
d'avoir un recours, c'est un recours auprès de qui? Est-ce auprès
de sa compagnie d'assurances?
M. Fortier: Un recours contre quoi?
Mme Guillot-Lemelin: Pour contester sa responsabilité, il
peut le faire auprès de sa compagnie d'assurances, de la façon
que vous venez de le présenter.
M. Fortier: C'est exact. Oui. C'est la compagnie d'assurances,
à ce moment-là, par une convention signée, qui
établit la responsabilité à 0 %, 50 % ou 100 %. Dans un
premier temps, ça peut se faire par un dialogue. Dans un deuxième
temps, si l'on n'est pas satisfait, l'article 116 est là, et je parle
toujours de la loi qui existe dans le moment. A l'article 116, on dit qu'il y a
un recours possible.
Mme Guillot-Lemelin: Un des problèmes est que les
compagnies d'assurances ne mentionnent pas suffisamment cette
possibilité aux consommateurs. Cela va.
Le Président (M. Lemieux): Cela va. M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, je voudrais remercier les
personnes devant nous, Mme Lemelin et la personne qui l'accompagne, pour la
présentation de leur mémoire. Je pense qu'il y a des points de
divulgation qui sont corrects. Je pense que le centre de toute l'affaire, c'est
l'établissement de la responsabilité. Le ministre voudrait
souvent me servir d'exégète, mais je peux faire ça
moi-même. Il est évident que je sais que, dans le domaine des
dommages, ce n'est pas un système de responsabilité sans faute.
C'est un système de responsabilité avec faute, c'est
évident.
Ce que j'ai dit c'est que la Régie de l'assurance automobile
aurait dû venir ici parce que c'est elle qui administre le plus grand
nombre de dossiers d'accidents. Sur le plan de l'administration, on aurait pu
lui poser des questions. Maintenant, ne nous trompons pas.
Souvent, les deux personnes qui ont fait un accident sont
assurées par la même compagnie. La compagnie fait l'arbitre en
distribuant les responsabilités. Je trouve ça un peu facile, il y
aura des dossiers où quelqu'un aura déjà fait
peut-être deux ou trois accidents, en fera un quatrième sans
être responsable, mais on établira un dossier contre lui le
déclarant quasiment coupable avant qu'l ait ouvert la bouche.
Les compagnies d'assurances ne sont pas des tribunaux. J'ai la
convention, on dit à l'article 12, arbitrage: Tout différend
surgissant entre les parties liées par la convention - sur les assureurs
et naissant de celle-ci doit être soumis au conseil d'arbitrage du
Groupement des assureurs automobiles". Le conseil d'arbitrage est formé
de sept membres, désignés annuellement par le conseil
d'administration du Groupement des assureurs automobiles qui en nomme le
président et les deux vice-présidents. Ce conseil doit se
réunir dans les 30 jours de la réception d'une demande
écrite d'arbitrage. Le quorum du conseil d'arbitrage est fixé
à trois membres, dont le président ou l'un des
vice-présidents, dont la voix est prépondérante. La
décision du conseil d'arbitrage est sans appel.
Une voix: Sans appel. M. Garon: Sans appel.
M. Fortier: Ce sont les compagnies entre elles.
M. Garon: On évalue les accidents avec un système
d'arbitrage qui est un peu simple. Comme un dossier suivra la personne - ne
nous trompons pas, ce sera un dossier qui suivra la personne - bientôt on
demandera aux gens de produire leur dossier de conducteur d'automobile quand
ils font des demandes d'emploi. Ceux qui ne voudront pas les produire, on
écartera leur candidature. Il y a des conséquences à
établir des dossiers systématiques sur des personnes.
M. Fortier: C'est confidentiel.
M. Garon: Confidentiel, oui. sauf si la personne accepte de le
produire. Et on exigera qu'elle le produise pour une demande d'emploi à
certains endroits. De la même façon que, quand vous allez, par
exemple, postuler des fonctions, des postes, on va vous demander de produire
telle et telle choses qui sont, qui pourraient être confidentielles. Si
vous ne les produisez pas, on présume que vous avez quelque chose
à cacher.
Ce qu'on va établir, ne nous trompons pas, ce sont des dossiers
qui vont suivre la personne alors qu'on n'a pas de système
organisé où les gens vont pouvoir établir qu'ils ne sont
pas responsables, où ils pourraient contester la responsabilité
qu'on va leur attribuer. Dans ces dossiers, il va y avoir toutes sortes de
renseignements, toutes sortes de choses, et J'ai le
sentiment très net que, si on ne prend pas les
précautions, ce dossier va devenir un dossier majeur dans la
carrière d'une personne pour l'évaluer, évaluer son
caractère. Évidemment, s'il n'y a rien dedans, on va dire: Bon,
il n'y a rien dedans. Mais celui...
Une voix: II va être évalué quand
même.
M. Garon: Mais il va y avoir un dossier qui va le suivre. Vous
vous rappelez autrefois, quand les compagnies d'assurances disaient: On peut
avoir des accidents, n'être jamais responsable mais être un mauvais
risque, être quelqu'un qui est malchanceux. Quelqu'un peut n'être
jamais responsable, mais comment se fait-il que vous ayez toujours des
accidents dans lesquels vous n'êtes pas responsable? C'est parce que vous
n'êtes pas assez préventif? C'est parce que vous ne conduisez pas
de façon assez défensive?
Il y a des conséquences à établir des dossiers
comme ça sur des personnes. Quelqu'un que je connais, récemment,
a stationné son automobile, puis un objet est arrivé, une grosse
poubelle de restaurant, qui a commencé à glisser et qui a
frappé l'automobile. La première question qu'on a posée
à la personne est: Pourquoi vous êtes-vous stationné
là? Il a dit: Je ne pouvais pas penser que la poubelle descendrait. Mais
au départ, vous auriez pu prévenir, vous auriez dû y penser
d'avance.
C'est ça qui va arriver. À la minute où on va
établir un dossier, on va l'interpréter, on va le lire, on va
demander de le produire. Vous allez avoir maintenant dans votre curriculum
vitae, non seulement vos résultats scolaires, votre expérience de
travail, mais votre dossier de conducteur. Qu'est-ce qui va empêcher un
employeur de demander de produire ce dossier - j'aimerais que vous me
produisiez votre dossier parce que vous postulez un emploi - pour
évaluer la personne sous toutes ses facettes?
C'est pour ça qu'on ne peut pas traiter à la
légère cette question. Dans le passé, quand il
était question d'établir des dossiers... Aujourd'hui, quand vous
allez postuler un emploi, on vous demande toutes sortes de renseignements
concernant votre santé. On va vous demander encore des renseignements
additionnels concernant ces questions. Si le gouvernement choisit
d'établir un dossier qui établit, ' au fond, une forme de preuve
de caractère, de capacité à conduire, je trouve ça
inquiétant. Et je ne vois pas, au bout de la course, les
résultats. Je comprends que ce qu'on vise est bon, mais je ne vois pas
les résultats qu'on va obtenir. Est-ce qu'on va avoir des
réductions de coûts? Si on n'a pas de réduction de
coûts, qu'est-ce que va donner le résultat au bout? Le ministre
n'a donné aucune garantie.
Une voix: Oui, madame.
Mme Guillot-Lemelin: Là-dessus, j'aimerais intervenir, M.
Garon. C'est sûr qu'actuellement le consommateur se plaint du fait que,
s'il n'est pas responsable, sa prime augmente. Je pense que vous êtes
d'accord avec moi, si vous n'êtes pas responsable, vous ne voulez pas
voir votre prime augmenter. On pense établir un système qui
ferait qu'on aurait un dossier, justement pour, comme on l'a mentionné,
faire payer les mauvais conducteurs et ne pas faire payer ceux qui sont bons.
Inévitablement, la question du dossier entre en jeu, d'accumulation de
données, pour avoir une idée de la situation face à la
personne. Le principe n'est pas nécessairement mauvais en soi, sauf que
M. le ministre dit que cela va être confidentiel et vous dites que non,
l'employeur ne devrait pas le demander lorsque vous voulez être
embauché. Il y a moyen d'avoir ce dossier et de le contrôler.
Effectivement, cela devrait être selon la loi sur le travail, qu'aucun
employeur ne puisse avoir le droit de demander ce genre d'informations et cela
doit être effectivement prouvé et démontré par tout
le système que, oui, c'est confidentiel, comprenez-vous? Donc, il y a
vraiment des applications, d'après moi, qu'il est important de mettre en
place pour ne pas que ces choses arrivent. Je suis d'accord avec vous en disant
que cela peut être utilisé à des fins... Ce n'est pas parce
que le consommateur gagne aujourd'hui que ses primes n'augmentent plus parce
qu'il n'est pas responsable qu'ailleurs, comme je le mentionnais tout à
l'heure, il faut lui enlever des droits acquis et se mettre à utiliser
des données drôlement importantes qui iraient en sa
défaveur. D'après mol, il y a vraiment un mécanisme
à mettre en place pour, oui, gagner ce qu'on veut gagner et, d'un autre
côté, continuer a protéger nos renseignements
personnels.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Ce n'est pas comme ça que je vois la dynamique.
Il y a beaucoup d'emplois actuellement où les gens vous demandent
d'aller passer un examen médical et Us disent: Produisez-nous le
résultat de votre examen. Si on n'estime pas l'examen satisfaisant, on
ne vous engage pas. Comment le gouvernement pourra-t-il interdire à un
employeur... J'essaie de voir ça et je ne le vois pas facilement.
Mme Guillot-Lemelin: Moi aussi, j'essaie de le voir. Il faudrait
avoir...
M. Garon: Comment va-t-il pouvoir interdire à un employeur
de dire: Dans le concours que je fais, je vous demande de produire votre
dossier de conducteur d'automobile?
Mme Guillot-Lemelin: On est justement en train de parler d'un
avant-projet de loi. À ce moment, il faudrait l'ajouter, il faudrait
l'indiquer clairement. Si l'employeur se fait prendre à
faire ça, d'après moi, ce serait lui qui devrait
être pénalisé.
M. Garon: II va dire: Je ne l'exige pas. Si la personne ne veut
pas le produire, elle ne le produit pas.
Mme Guillot-Lemelin: Oui, indirectement, elle va être
pénalisée.
M. Garon: Excepté il y aura des conséquences pour
la personne qui refuse de le produire. C'est comme le dossier médical.
Si je postule un emploi et qu'on me demande mon dossier médical, si je
refuse de le produire, on ne dira rien, sauf que je postule ce poste pour rien.
Je sais bien que, si on me demande mon dossier médical et que je ne veux
pas le produire, on va mettre le dossier de côté et je ne serai
sûrement pas engagé. Parce que vous avez eu un accident, vous
allez devenir quelqu'un qui est considéré comme un risque, un
conducteur dangereux qui peut en avoir d'autres et on va interpréter vos
accidents.
Mme Guillot-Lemelin: II y a aussi le danger dont vous avez
parié tout à l'heure. Vous parliez de l'exemple d'un ami à
qui il est arrivé je ne sais trop quoi à sa voiture. Si,
malheureusement, il arrive à une personne, dans une année ou
pendant quelques années, plusieurs accidents dont elle n'est pas
responsable, qu'est-ce qu'on va faire avec cette personne? Est-ce
qu'après quatre ou cinq accidents dont elle n'est pas responsable on va
commencer à douter de cette personne? C'est Important aussi.
M. Garon: Dans le passé, dans les années soixante,
disons, un conducteur qui avait plusieurs accidents, même s'il
n'était responsable d'aucun, on considérait qu'il était un
certain risque après un certain nombre - je ne me rappelle pas le nombre
- d'accidents parce qu'on disait: II ne les évite pas. Il ne les
provoque pas, ce n'est pas lui qui les fait, mais il est dans des situations
où il y a des accidents. Alors, on présumait il
représentait un certain risque additionnel et l'Inspecteur
général des institutions financières, j'en suis
persuadé, pourrait me confirmer qu'à ce moment on augmentait la
prime d'une personne qu'on disait à risque parce qu'elle avait des
accidents dont elle n'était pas responsable mais on considérait
qu'elle en avait trop après, je ne me rappelle pas si c'est deux ou
trois. Peut-être que l'Inspecteur général, s'il se rappelle
ça, pourrait nous éclairer là-dessus.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, je m'excuse, j'avais posé une question à M.
l'Inspecteur général des institutions financières. J'aurai
une question à lui poser tout à l'heure mais en lui parlant, je
pense il n'a pas compris ce que vous lui demandiez. Pourriez-vous
répéter votre question?
M. Garon: Avez-vous compris? Je pense il a compris.
Le Président (M. Lemieux): Non. M. le député
de Lévis.
M. Garon: Je disais qu'autrefois - je ne le sais pas actuellement
- quand quelqu'un avait plusieurs accidents, même s'il n'y en avait aucun
dont il était responsable, on considérait qu'il
représentait un certain risque parce il n'évitait pas les
accidents et on augmentait la prime.
M. Bouchard (Jean-Marie): C'est ça, exactement.
M. Garon: C'est vrai?
M. Bouchard (Jean-Marie): C'est vrai et c'est encore vrai.
M. Garon: C'est encore comme ça.
Mme Guillot-Lemelin: C'est ça le problème. (12 h
30)
M. Garon: Imaginez-vous, si l'assureur le fait dans
l'évaluation du risque que représente une personne, s'il y a un
dossier de conduite d'une personne, on va demander de produire ce dossier.
À plusieurs endroits où cela n'existe pas actuellement, si c'est
fait de façon systématique, on va demander de le produire.
Après ça, la personne va être évaluée, on va
en tenir compte dans l'évaluation de ses qualités morales ou de
ses qualités de comportement. On va l'évaluer comme on va
évaluer son dossier médical.
Mme Guillot-Lemelin: Vous avez raison. C'est un point sur lequel
il faut être extrêmement prudent, d'après mol. Comment un
employeur... Vous disiez tantôt: Même s'il ne l'oblige pas, il peut
quand même le demander et indirectement donner une mauvaise cote à
la personne qui se présente chez lui. Mais il ne devrait même pas
avoir le droit de le demander, carrément. Enflnl
M. Fortier: M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Fortier: Si vous le permettez, Je comprends qu'on doive
s'inquiéter des abus possibles, mais iI ne faudrait pas oublier le
problème de fond. Le problème de fond, c'est que des gens qui ont
des accidents et qui sont responsables de ces accidents, pour éviter de
subir une hausse trop considérable, changent tout simplement de
compagnie d'assurances et la nouvelle compagnie d'assurances n'a aucune
information. Alors, dans le moment, il y a des individus qui passent leur
temps, chaque année, à changer de compagnie
d'assurances pour éviter que leur dossier soit connu. Lorsqu'ils
font une demande, la compagnie d'assurances ou le courtier demande: Quels sont
les accidents que vous avez eus depuis cinq ans, ils disent: On n'en a pas eu
ou on en a eu un petit.
C'est ça qu'on essaie de corriger et c'est pernicieux, parce que
ça fausse tout le système de l'évaluation des coûts
et de la responsabilité pour une compagnie d'assurances qui ignore que
le monsieur ou la dame en question a eu dix accidents depuis cinq ans et
était responsable à 100 % chaque fois. Alors, il y a
réellement un problème de fond et nous espérons qu'un
fichier qui dira la vérité, autant que faire se peut, sur le
portrait réel des accidents et de la responsabilité, cela
permettra de corriger cette situation.
En ce qui concerne le dossier qu'un employeur pourrait demander, je dois
vous avouer qu'il faut bien comprendre que les dossiers existent dans le moment
pour ceux qui s'assurent toujours avec la même compagnie d'assurances.
Personnellement, je pense que ça fait 20 ans que je suis avec le
même courtier et la même compagnie d'assurances. Donc, mon courtier
et ma compagnie d'assurances possèdent mon dossier à 100 %. Je
n'ai pas changé de courtier ni de compagnie d'assurances. Je dois vous
avouer que, depuis 25 ans, jamais un employeur ne m'a demandé:
Pourriez-vous me donner le dossier que votre compagnie d'assurances
possède depuis 20 ans? Ils ne m'ont jamais posé cette question.
Mais ça existe.
Donc, le problème, ce n'est pas pour les individus qui sont
toujours avec le même courtier et avec la même compagnie
d'assurances. Le problème de fond, c'est surtout pour ceux qui ont
tendance à fausser le système en changeant
systématiquement de compagnie d'assurances, ce qui fait que la nouvelle
compagnie d'assurances n'a aucune façon de connaître la
vérité étant donné la concurrence qui existe entre
les assureurs et que les compagnies d'assurances n'ont pas tendance à
s'échanger ce type d'information.
C'est pour ça que je voudrais vous demander, madame, puisque vous
nous avez dit au début que vous étiez plutôt favorable au
projet de loi... Quand vous dites que vous êtes plutôt favorable au
projet de loi, quels sont les commentaires que vous avez entendus de la part
des consommateurs qui faisaient qu'en somme les gens étaient
plutôt favorables à la constitution d'un dossier? Est-ce que
c'était justement pour pourvoir au problème que je viens
d'illustrer par le biais de gens qui faussaient le système en changeant
continuellement de compagnie d'assurances?
Mme Guillot-Lemelin: D'accord. Ce que je peux vous dire
là-dessus, en tant qu'association de consommateurs, à la suite de
demandes des consommateurs, de dénoncer le fait que les assureurs
augmentent leur prime lorsqu'ils ne sont pas responsables, nous trouvions que
cela avait bien du sens et on a voulu aller plus loin là-dedans, sauf
que lorsque les gens se sont plaints là-dessus, ils n'ont pas
pensé comment ça serait mis en application.
M. Fortier: Oui. D'accord.
Mme Guillot-Lemelin: Effectivement, on n'est pas contre le
fichier, parce que, si on veut instaurer le système pour arrêter
cette situation, il faut quand même un fichier. Ce n'est pas contre le
fichier, mais c'est la façon de gérer ces informations. Il va
falloir le fain. C'est une question complexe de vouloir gérer ça,
mais il ne faut pas l'ignorer, d'après nous.
M. Fortier: D'accord.
Mme Guillot-Lemelin: Pour revenir à ce que vous venez de
dire quand vous dites que vous êtes auprès de la même
compagnie d'assurances depuis plusieurs années et que ce n'est pas
là le problème, je pense que le problème peut aussi
être là, parce que la compagnie d'assurances doit, même si
je suis auprès d'elle depuis 20 ans, transmettre les données et
les informations qui me concernent à n'importe qui. Cela devrait
également être vérifié.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez
terminé, M. le ministre?
M. Fortier: Non, là-dessus, je suis d'accord sur la
transmission de l'information...
Mme Guillot-Lemelin: D'accord.
M. Fortier:... mais ce que je veux dire, c'est qu'on fait
allusion à un employeur qui demanderait cette information. Je dis que ma
compagnie d'assurances l'a depuis fort longtemps et, à ma connaissance,
jamais personne ne m'a demandé à moi d'utiliser cette
information. Ce que j'essaie de dire... En tout cas, je ne suis pas au courant
du fait que des employeurs aient demandé l'information, même quand
l'information existait. Est-ce que, par le fait qu'on va créer un
fichier central, on va demander aux individus de le produire? Remarquez bien
que certains individus pourraient faire ce qu'ils font lorsqu'ils remplissent
une demande pour obtenir une police d'assurance d'une autre compagnie
d'assurances, ils écrivent ce qu'ils veulent bien écrire.
L'information ne pourra pas venir du fichier central parce qu'avec l'amendement
que je viens de déposer il va y avoir une pénalité contre
les assureurs qui voudraient utiliser ou transmettre cette information. Donc,
nous croyons que l'abus sera enrayé de ce
côté-là.
Maintenant, si l'information vient de l'assuré lui-même,
vous savez, la qualité de l'information sera plutôt
aléatoire dans certains
cas.
Mme Guillot-Lemelin: Je pense que ce qui importe, c'est justement
de comprendre l'importance d'un contrôle très
sévère. Il ne s'agit pas de dire cela aujourd'hui et qu'on arrive
avec des problèmes comme ceux-là dans trois ou quatre ans, ou
même dès que ce sera en application.
M. Fortier: D'accord.
Le Président (M. Lemieux): Merci. J'aurais une question
pour l'Inspecteur général des institutions financières, M.
le ministre. Je reviens à l'exemple que je vous ai donné tout
à l'heure, que vous avez à l'esprit: Est-ce que vraiment la
tarification est établie par les assureurs selon la
responsabilité, même si l'on a, au Québec, un régime
de responsabilité quant aux dommages matériels? Je vous ai
donné un exemple tout à l'heure qui me semble assez frappant et
un peu incompréhensible sur le plan logique.
M. Bouchard (Jean-Marie): Oui. Le régime - et les
assureurs vont l'expliquer cet après-midi dans leurs termes - qui
prévaut dans le domaine des dommages matériels est
essentiellement basé sur la responsabilité, comme c'était
le cas autrefois. Ce qui est modifié, c'est que le droit de
l'assuré s'exerce dorénavant contre son assureur et non pas
contre la partie adverse.
Deuxièmement, pour faciliter les règlements, pour abaisser
les coûts, les assureurs ont établi, en conformité de ta
loi - et c'était une obligation de la loi - un système
d'indemnisation directe, c'est-à-dire une grille qui reflète
l'expérience de la jurisprudence et de la détermination des
droits et qui représente à peu près au-delà de 95 %
des cas d'accidents. Elle prévoit, dans ces cas-là, une
responsabilité nulle, une responsabilité de 50 % ou une
responsabilité de 100 %.
Sur la base des renseignements fournis par les assureurs, ceux-ci
classifient les assurés, ce qui Implique que les assurés doivent
dévoiler adéquatement à leurs assureurs les renseignements
requis pour leur permettre de les classifier au bon endroit et
adéquatement, parce qu'en assurance il y a un coût pour chaque
risque. Or, il y a une disposition dans la Loi sur les assurances qui est
communément ignorée, qui est l'article 7 des dispositions
particulières de la Loi sur les assurances, faisant obligation à
tous les assurés de dévoiler à leur assureur tout accident
dans lequel ils sont impliqués. Les assurés ne le font pas, d'une
part, pour ne pas avoir à subir des augmentations de prime et, d'autre
part, pour ne pas voir leur dossier modifié. Donc, l'assureur - je
reviendrai à votre question subséquemment, vous allez voir que
c'est lié - qui n'a pas ces renseignements de son assuré... Cela
fait en sorte que nous avons dans la province de Québec 90 % des
assurés qui sont dans la catégorie "cinq ans sans accident*. Je
dénonce cette situation...
Le Président (M. Lemieux): Cinq ans sans accident? C'est
énorme.
M. Bouchard (Jean-Marie): Cinq ans sans accident. 90 % des
assurés de la province de Québec sont dans la classe 5.
M. Fortier: Mais cela ne correspond pas à la
réalité.
M. Bouchard (Jean-Marie): Ce qui fait que Je dis tout le temps:
Je ne comprends pas que la Régie paie des indemnités parce que,
pour ma part, je n'ai pas d'accident.
Forts de cela et parce que les renseignements ne sont pas
colligés, les assureurs, par concurrence, ont établi un
système de rabais qui se greffe sur la tarification de base. Ainsi, moi,
individu donné, si, pour mon risque propre, mon automobile, l'endroit
où je travaille, le travail que j'exerce, tous les critères de
tarification...
M. Fortier: La profession que j'exerce.
M. Bouchard (Jean-Marie):... la profession, j'ai normalement une
prime à payer, je suppose, de 250 $, l'assureur dit: Très bien,
si vous êtes dans la catégorie trois ans, quatre ans, cinq ans
sans accident, vous êtes un très bon assuré pour moi parce
que je n'ai aucuns frais à encourir pour vous, sauf pour
l'émission de la police. Donc, je vous accorde un rabais qui peut varier
entre 10 %, 15 %, 20 % ou 30 %, mais moyennant quoi à la minute
où vous me faites une réclamation, avec ou sans
responsabilité, ça n'a pas d'Importance, vous perdez votre
rabais, c'est-à-dire que vous revenez dans la machine, et là on
va vous classifier selon ce que vous êtes véritablement.
L'exemple de l'individu qui se fait frapper sur la rue Cartier, c'est ce
cas. J'ai constamment des appels de ce genre et j'explique le système
à tous les ans dans mon rapport sur la tarification, en vain, depuis
cinq ans.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. l'inspecteur
général des institutions financières. Vous avez une
question, M. le député de Lévis?
M. Garon: On voit les conséquences, au fond. Qu'est-ce qui
arrive si on regarde cela concrètement? Dans beaucoup de cas, les gens
qui ont des accidents mineurs préfèrent ne pas faire de
réclamation, de part et d'autre, parce qu'ils craignent que la compagnie
dise: Responsabilité 50-50. À ce moment-là, les primes des
deux vont augmenter. Alors ils préfèrent assumer eux-mêmes
les dommages mineurs. Évidemment, s'il s'agit de gros dommages, c'est
une autre affaire Mais pour les dommages mineurs, plutôt que d'aller
devant la compagnie, parce que si la compagnie dans la difficulté... La
responsabilité, ce n'est pas nécessairement 100 % pour un et
0 % pour l'autre, ça peut être 60-40, 50-50. Une voix:
0-57. M. Garon: Pardon?
Le Président (M. Lemieux): 0-57, si je comprends bien.
M. Fortier: C'est ça.
M. Garon: 0-50, ça peut être 50-50.
M. Fortier: C'est sûr que, si c'est une "minoune* qui
frappe une Rolls-Royce, le propriétaire de la "minoune" ne
déclarera pas l'accident, mais le gars de la Rolls-Royce va
déclarer l'accident.
Le Président (M. Lemieux): Évidemment.
M. Dufour: Si c'est un libéral qui se fait frapper. Ha,
ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): Je ne suis pas certain,
maintenant, que ce soit un libéral. Je ne suis plus certain de
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: II y a des conséquences importantes à
ça, au fond. Maintenant, si on regarde l'article 116 de la loi, ce n'est
pas du tout la même chose. Ce qu'on dit ici, c'est quelqu'un qui n'est
pas content dans sa réclamation à l'assureur... C'est ça,
essentiellement, l'article 116. À l'article 116 de la Loi sur
l'assurance automobile, on dit: "Le recours du propriétaire en raison du
dommage subi par son automobile ne peut être exercé que contre
l'assureur avec lequel il a contracté l'assurance. " Il ne peut pas
aller contre la personne qui l'a frappé, il faut qu'il déclare
l'accident et, s'il n'est pas content de l'évaluation de la compagnie
qui l'a assuré, il doit aller contre son assureur devant le
comité d'arbitrage.
M. Fortier: Non, je crois que ce n'est pas ça. J'aimerais
que l'inspecteur l'explique. J'aimerais qu'on rétablisse les faits parce
que l'individu qui a un accident peut s'en prendre à sa compagnie
d'assurances. Disons que la responsabilité est établie à
50-50. Vous avez une police d'assurances, j'en ai une, ils disent: 50-50.
L'autre conducteur se contente de son 50 % et ne dit pas un mot. Moi, je ne
suis pas content de l'établissement de 50 % et je m'en prends à
mon assureur.
M. Garon: Oui.
M. Fortier: Mon assureur pourrait bien établir, qu'une
fois que j'ai plaidé, que ça tombe à zéro, mais
ça n'a aucun impact sur l'autre assureur et sur l'autre individu. Ce ne
sont pas des vases communicants.
M. Garon: Non, entre assureurs.
M. Fortier: L'inspecteur me disait que, dans certains cas,
finalement, ce qui est payé, ça peut être 150 %. Autrement
dit, le fait que vous contestiez votre responsabilité à 50 % n'a
aucun Impact sur l'autre compagnie d'assurances qui, elle, l'avait
établie à 0 %, à 50 % ou à 100 %. Tout simplement,
l'arbitrage dont vous pariez, ce n'est pas un arbitrage qui a un impact direct
sur l'assuré, c'est tout simplement un arbitrage pour les compagnies
d'assurances entre elles.
M. Garon: Je comprends, mais dans le système que vous
voulez mettre sur pied, il va y en avoir un.
M. Bouchard (Jean-Marie): Non, il n'y a rien de
changé.
M. Garon: Bien, voyons! Cela veut dire que la compagnie va
pouvoir établir son... Cela va être encore pire.
M. Bouchard (Jean-Marie): C'est exactement le même
système, sauf que les compagnies...
M. Fortier: On va terminer là-dessus. M. Garon: Ce
sera encore pire.
M. Bouchard (Jean-Marie): Non, ce ne sera pas pire, sauf que les
compagnies seront en mesure de faire le travail qu'elles ne pouvaient pas faire
depuis 1978 parce qu'elles n'avaient pas les renseignements.
Le Président (M. Lemieux): Parce qu'elles n'ont pas de
dossiers. C'est ça.
M. Bouchard (Jean-Marie): Elles n'ont pas de dossiers sur les
individus. Donc, ça ne changera pas le fait, sauf que maintenant, dans
mon cas, même si moi je ne voulais pas déclarer à mon
assureur un accident, l'autre partie va donner le renseignement à
l'assureur, de telle sorte que mon assureur va pouvoir consulter le fichier et
il va savoir que je ne lui ai pas donné le renseignement.
M. Garon: Les gens vont avoir le même intérêt
à ne pas déclarer un accident.
M. Fortier: II y en a un des deux qui va le déclarer.
M. Garon: Non, parce que les gens, quand ils ne le
déclarent pas, ils ne sont pas fous, 8s savent que la
responsabilité est difficile à déterminer et, plutôt
que de prendre le risque d'avoir une responsabilité dans leur dossier,
ils préfèrent ne pas le déclarer ni l'un ni l'autre.
Quand deux personnes ne le déclarent pas, c'est parce qu'elles
craignent toutes les deux d'être déclarées
responsables.
Le Président (M. Lemieux): Cela va être rare.
M. Fortier: En général, M. le député
de Lévis, quand j'ai eu des accidents, je ne me suis pas concerté
avec l'autre partie. Je fais mon affaire et l'autre fait son affaire. Vous avez
peut-être raison, dans certains cas, les deux vont faire ça, mais,
dans la majorité des cas, iI y a au moins un des assurés qui va
le déclarer, ce qui veut dire que le dossier de l'autre va
également être déclaré.
Le Président (M. Lemieux): Je suis malheureusement
obligé de suspendre nos travaux, puisque nous devons nous rendre en
Chambre pour un vote. Nous reprendrons nos travaux à 15 heures pour
entendre le Club automobile de Québec.
Je tiens à vous remercier, Mme Guillot-Lemelin, Mme Nadeau et Me
Beauchamp, membres de l'Association des consommateurs du Québec, pour le
dépôt de votre mémoire et pour votre intervention. Nous
suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à15 h 9)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux
relativement aux consultations particulières dans le cadre de
l'étude du projet de loi 133, Loi modifiant la Loi sur l'assurance
automobile.
Il est 15 h 9 et nous devons maintenant entendre le Club automobile du
Québec. Je demanderais à ses représentants de bien vouloir
se rendre à la place des témoins. S'il vous plaît, est-ce
que le porte-parole de l'organisme pourrait s'Identifier et identifier les
membres qui raccompagnent?
Club automobile du Québec
M. Desrosiers (Raymond): Je suis Raymond Desrosiers,
président du CAA-Québec; à ma gauche, M. Jean-Claude
Dufresne, vice-président exécutif de CAA-Québec, Mme Paula
Landry, directrice du service de protection du consommateur; à ma
droite, notre directeur général, M. Robert Darbelnet et, à
mon extrême droite, M. Richard Bélanger, directeur
général adjoint, service technique.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Les règles de
procédure concernant cette consultation particulière sont les
suivantes. Vous aurez 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire,
40 minutes pour discuter avec les parlementaires, dont 20 minutes pour le
groupe parlementaire formant le gouvernement et 20 minutes pour le groupe
parlementaire formant l'Opposition. La parole est a vous.
M. Desrosiers: Je vous remercie. M. le Président, M. le
ministre, messieurs, d'abord, permettez-moi de vous remercier au nom du
CAA-Québec de votre invitation à nous présenter ici pour
vous faire part de différents commentaires à l'égard du
sujet qui nous intéresse.
Le CAA-Québec, organisme sans but lucratif regroupant tout
près de 500 000 membres au Québec, a. tout au long de son
histoire, défendu les intérêts de ses
adhérents...
Le Président (M. Lemieux): Je pense que le texte, M. le
secrétaire, va être distribué à l'instant
même. C'est ça. S'il vous plaît, pour-riez-vous attendre une
fraction de seconde, afin que je permette le dépôt et la
distribution du texte?
M. Desrosiers: Certainement. M. Fortier: Allez-y.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lafontaine, ça va? Cela va. Vous pouvez continuer.
M. Desrosiers: CAA-Québec a, tout au long de son histoire,
défendu les intérêts de ses adhérents et, ce
faisant, les Intérêts du public en général.
Sécurité routière, assistance en cas d'urgence sur la
route, protection du consommateur-automobiliste, protection de l'environnement,
tourisme, services financiers, voilà quelques-unes des sphères
où le Club se veut présent et à l'écoute de ses
membres. Nous offrons actuellement plus de 25 services conçus pour
l'automobiliste et le voyageur-automobiliste.
Défendre les Intérêts de nos membres, c'est aussi
analyser et s'impliquer le plus activement possible dans toutes les
décisions qui ont des répercussions sur leur quotidien. Or, comme
nos membres sont aussi des consommateurs de produits d'assurance, le
dépôt du projet de loi 133 représente pour
CAA-Québec une autre occasion de faire entendre publiquement le point de
vue de ceux qu'il regroupe. Nous sommes, en général, optimistes
face à ce projet de loi qui devrait contribuer à faire respecter
le principe de la responsabilité dans la tarification en assurance
automobile privée. Nous accordons toutefois un Intérêt
particulier aux recommandations qui suivent, compte tenu du contexte actuel de
la pratique de l'assurance automobile.
Notre première recommandation: attribution de la
responsabilité. Déjà, depuis la présentation du
projet de loi, on a pu entendre certains
commentaires remettant en question l'attribution des
responsabilités telle qu'effectuée par les assureurs. Cette
attribution, laquelle doit être faite en toute conformité avec le
barème de responsabilité établi par le Groupement des
assureurs automobiles, conformément à l'article 173 de la Loi sur
l'assurance automobile, prend d'autant plus d'importance que cette
décision devrait faire hausser la prime de l'automobiliste jugé
fautif. En plus de bien s'entourer de toutes les informations pertinentes pour
établir correctement les faits en fonction du barème, il
s'avérera impératif que les assureurs fassent preuve d'un
même sens de l'équité dans tous les autres cas non
prévus dans le barème et qui sont alors traités selon les
règles du droit commun.
De même, nous ne sommes pas convaincus que tous les assureurs
appliquent de la même façon le principe d'exclusion de certaines
circonstances dont ne tient pas compte le barème dans son application.
En effet, si certains font immédiatement la juste part des choses,
d'autres pourraient avoir tendance à voir si l'assuré saura
trouver les mécanismes de recours prévus, s'en prévaudra
et se verra donner raison par un tribunal. Enfin, chaque assuré
possède un recours qu'il peut exercer s'il juge injuste la
décision rendue par son assureur. Cependant, ces mécanismes de
recours sont, à notre avis, trop peu connus du public. :
Les assureurs se trouvant, aux yeux du public, à fa fois juge et
partie, le CAA-Québec recommande que l'inspecteur général
continue d'exercer avec attention son rôle de surveillance des pratiques
des assureurs avec tous les moyens dont il dispose. Il s'avère aussi
important que l'inspecteur veille à ce que les assurés sachent,
non seulement qu'il leur est possible de contester si l'attribution
unilatérale de la responsabilité leur paraît Injuste, mais
aussi comment s'exercent ces recours. !
Quant à la deuxième recommandation que nous voulions
présenter et qui est comprise dans le document qui vous a
été remis, nous constatons que vous avez apporté un
amendement au présent projet de loi qui répond justement,
à ce que nous soulevions. Alors, je ne lirai pas cette deuxième
recommandation. Je passe à la troisième.
La troisième recommandation: connaissance de l'assuré de
son niveau de classement. À l'heure actuelle, la conséquence du
règlement de plusieurs sinistres d'automobilistes tenus non responsables
est que des assurés voient leur prime augmentée. Ceux-ci
s'expliquent mal que leur prime d'assurance augmente à la suite d'un
accident pour lequel aucune responsabilité n'a été retenue
à leur endroit. En fait, c'est plutôt le bénéfice
d'un rabais de non-sinistre qu'ils ont plutôt perdu. Nous comprenons que
les assureurs aient pu décider d'utiliser la politique du rabais afin de
bonifier l'absence de réclamation, mais, à notre avis, ce
système de rabais souffre d'une mauvaise compréhension
auprès du public en général, lequel manque d'ailleurs
d'information au sujet du dossier de conduite que lui attribue son assureur.
Dans le but de permettre à l'assuré de suivre les variations
enregistrées dans son dossier de conduite, nous pensons qu'il serait
souhaitable qu'il puisse y trouver une mention à ce sujet à
même son contrat d'assurance. En conséquence, le CAA-Québec
recommande à l'inspecteur général de faire en sorte que
toute police d'assurance automobile nouvelle ou renouvelée comporte une
description du niveau de classement attribué par l'assureur à
l'assuré en fonction de son dossier de conduite. Ce sont là les
deux aspects que nous tenions à vous présenter. Nous vous
remercions de votre attention.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre.
M. Fortier: Merci de votre présentation. Puisque votre
club est un club extrêmement important, peut-être que, dans un
premier temps, ma première question serait de vous demander si votre
club est affilié à d'autres clubs semblables en Amérique?
J'imagine que oui. Mais vos membres sont membres du club de Québec.
Combien en avez-vous au Québec?
M. Desrosiers: CAA-Québec, dans un premier temps, compte
tout près de 500 000 membres. Nous faisons partie de la
Fédération canadienne du CAA qui regroupe environ 17 clubs au
Canada. CAA-Québec, au moment où on se parle, est un des clubs
majeurs au Québec. Nous sommes parmi les clubs les plus importants du
Canada. De plus, CAA-Québec, comme la Fédération
canadienne, est affilié à d'autres fédérations
d'automobilistes, comme American Automobile Association, par exemple, qui
regroupe des clubs automobiles partout aux États-Unis. La
Fédération canadienne compte tout près de 3 000 000 de
membres automobilistes et, en tout et partout quand on compte le Canada et les
États-Unis, on totalise 30 000 000 de membres. Les organisations CAA ou
AAA regroupent, à toutes fins utiles, 30 000 000 de membres.
M. Fortier: Est-ce qu'il est juste d'affirmer que, si vous avez
500 000 membres au Québec, vous représentez à peu
près 25 % des conducteurs? C'est à peu près ça?
M. Desrosiers: Environ.
M. Fortier: C'est environ 25 % des conducteurs. C'est donc
important comme représentation. Bien sûr, en ce qui concerne la
première recommandation, vous dites que, les assureurs se trouvant aux
yeux du public à la fois juge et partie, le CAA recommande que
l'inspecteur continue d'exercer son rôle de surveillance. Il a bien
l'intention de le faire. Il s'avère aussi important que l'inspecteur
veille à ce que les assurés sachent, donc qu'ils soient
informés...
Comme vous le savez peut-être, ce matin, l'Association des
consommateurs du Québec nous a fait une recommandation similaire et nous
sommes tout à fait d'accord avec le fait qu'il doit y avoir une
information, lorsqu'il y a un accident, d'une part, de leur classification, du
degré de leur responsabilité dans l'accident et surtout leur
faire part, à ce moment-là, de leur recours. Étant
donné votre expérience et le nombre de conducteurs que vous
représentez, la loi est assez claire. Il y a un recours. C'est un
recours judiciaire. Tout à l'heure, nous allons entendre le Groupement
des assureurs et je pense qu'il va nous dire que, dans les faits, depuis 1978,
il y a très peu de gens qui ont exercé leur recours, d'une part,
peut-être, parce qu'ils ne le savaient pas et, d'autre part,
peut-être parce que ça n'en valait pas la peine.
La question que je veux vous poser est la suivante. même s'ils
étaient informés, parce que vous recommandez qu'ils soient
informés des recours... Disons qu'il y a un accident et qu'on informe
quelqu'un que sa responsabilité est à 50 %. Même s'il y a
eu discussion par l'entremise du courtier avec la compagnie d'assurances et
qu'a y a mésentente, à ce moment-là, le recours est de
prendre un avocat et de contester. Avez-vous des opinions là-dessus?
Avez-vous examiné cet aspect de la question? Croyez-vous que le recours
judiciaire serait trop lourd? Comme de raison, si c'est moins de 1000 $, la
personne pourra aller aux petites créances. Mais un accident de moins de
1000 $, de nos jours, on ne peut pas dire que c'est beaucoup. L'autre jour,
avec ma voiture, j'ai brisé un tout petit morceau, c'est-à-dire
un miroir ayant la particularité de pouvoir être chauffé et
contrôlé à distance et quand j'ai vu la facture, ça
m'a fort surpris. Je ne dirai pas le montant, c'était autour de 650 $.
Cela veut donc dire que ça ne prend pas un sinistre majeur pour
dépasser 1000 $. Mais il est vrai qu'en deçà de 1000 $ on
peut aller devant les petites créances. Ma question, c'est: Avez-vous
examiné cette question? En pratique, est-ce que le recours judiciaire
est une procédure relativement facile?
M. Desrosiers: Sur cet aspect, j'aimerais demander à Mme
Landry de vous répondre. Elle est beaucoup plus au fait de cette
étude.
Mme Landry (Paula): M. le Président, je répondrai
à cette question avec l'expérience que nous avons des demandes de
nos membres qui, à leur avis, ont un problème avec l'attribution
de la responsabilité dans les cas de litige avec leur assureur. En fait,
ce qu'on pense qu'il se produit le plus souvent, c'est surtout avec la
franchise. Les gens ont l'assurance qui leur convient, l'assurance-collision,
par exemple, en vertu de laquelle, s'ils sont responsables, on va les
indemniser pour leurs dommages, sauf qu'on va retenir une franchise. Comme une
franchise se situe entre 300 $ et 500 $, selon ce qu'on a choisi d'acheter, le
plus souvent on va indiquer à ces gens que c'est auprès de la
Cour des petites créances qu'ils peuvent tenter de
récupérer ce montant s) un juge reconnaît qu'effectivement
ils n'ont pas la responsabilité que l'assureur leur attribuait.
Il existe aussi un autre recours qui est le comité d'arbitrage,
je crois, du Groupement des assureurs automobies. C'est un recours qui,
à notre avis, n'est absolument pas connu, c'est vrai. Par exemple, dans
le cas d'un accident qu'un assuré subirait et pour lequel il n'aurait
pas la couverture collision, si son véhicule est une perte totale et que
l'assureur estime qu'il est responsable à 100 % de son accident, il n'a
aucune indemnisation. Donc, si son véhicule vaut 4000 $ ou 5000 $, il ne
peut pas aller à la Cour des petites créances. Peut-être
peut-il prendre un avocat. Mais peut-être, aussi, peut-il soumettre son
cas au conseil d'arbitrage du Groupement des assureurs automobiles. On a
vraiment peu d'information là-dessus. Comme vous l'avez mentionné
tout à l'heure, il n'y a pas encore tellement de gens qui y pensent.
Quand le fichier des sinistres pourra servir aux fins auxquelles il est
destiné, on devra probablement porter à la connaissance des gens
le fait que ce comité existe. Mais on n'a pas fait d'étude comme
telle, à savoir s'il est préférable que les gens engagent
un avocat. En fait, ce serait les petites créances ou le conseil
d'arbitrage.
M. Fortier: Vous avez fait allusion au fait que, quand on
achète une police d'assurance, il y a la partie a, qui est la partie
responsabilité et qui est obligatoire...
Mme Landry: C'est ça.
M. Fortier:... et la partie b, qui est optionnelle. Si quelqu'un
ne prend pas la partie b, soit l'assurance-collision, la partie b, iI n'a que
l'assurance-responsabilité. À ce moment-là, s'il a un
accident, il n'est payé que dans la mesure où il n'est pas
responsable. S'il n'est pas responsable, la compagnie va payer. Par ailleurs,
s'il a pris la peine de prendre la partie b...
Mme Landry: La protection de b.
M. Fortier:... l'assurance-collision, iI sera payé quand
même, mais s'il était responsable, la franchise ou le montant
déductible...
Mme Landry: Serait retenue.
M. Fortier:... de 250 $ va s'appliquer. J'Imagine que s'il
n'était pas responsable, il serait payé entièrement. Comme
de raison, le recours aux petites créances est quand même un
recours facile. Mais on s'entend pour dire que peu de gens étalent au
courant du fait qu'ils avaient un recours et qu'ils se contentaient
d'accepter le chèque qu'on leur envoyait ou de ne pas contester
le règlement qui leur était fait. C'est pour ça que
j'essayais de savoir quel est le pourcentage ou le nombre de cas où il y
avait des montants inférieurs à 1000 $.
L'inspecteur me disait qu'il avait obtenu une information. Je la donne
sous toute réserve. On dit: 40 % des indemnités payées
sont inférieures à 1000 $. C'est donc dire que dans 40 % des cas,
semble-t-il - sous réserve de vérification; on pourra demander au
groupement tout à l'heure - les gens qui ne sont pas satisfaits
pourraient aller aux petites créances et contester. Mais je ne crois pas
que cela a été fait sur une grande échelle, parce que les
gens se disent probablement: Mon Dieu, ça ne vaut pas la peine! On m'a
enlevé 200 $, 250 $ sur le paiement qu'on me doit, j'accepte le
règlement. Mais il est vrai, comme le disait le député de
Lévis, que, dorénavant, même si pour une personne le
montant n'est pas important, le dossier va indiquer qu'elle a accepté la
responsabilité et c'est là que ça pourrait avoir une
conséquence plus importante.
Sur la deuxième recommandation, comme vous l'avez dit, je pense
qu'on a apporté un amendement qui va satisfaire la Commission
d'accès à l'information.
Sur la troisième recommandation, la connaissance, encore
là, je pense bien que ce serait important que l'assuré soit au
courant de son dossier et que, soit par le biais d'une modification
législative ou d'un amendement à la police d'assurance
approuvé par l'inspecteur, on puisse clairement indiquer qu'il y a
divulgation dans les deux cas, recommandation 1 et recommandation 3:
information de l'assuré et divulgation du dossier. Je pense bien qu'on
n'a aucune difficulté à accepter cette recommandation.
Oui, allez-y, Mme Landry.
Mme Landry: En fait, la mention qu'on suggérait, qu'on
pourrait retrouver à même le contrat d'assurance, c'est le fait
que... Quand un assureur fixe une prime d'assurance, une tarification, nous, en
tant qu'assurés, on nous attribue un certain dossier de conduite selon
le risque qu'on représente. Alors, nous, c'est surtout à ce
chapitre... C'est que ce dossier-là, c'est sûr que, d'un assureur
à l'autre, les politiques peuvent changer. Aussi, si on passe d'un
assureur à l'autre au fil des ans, c'est-à-dire qu'on reste trois
ans chez un assureur et qu'on en change ensuite, le dossier de conduite que cet
assureur particulier va nous attribuer peut être différent de l'un
à l'autre, avec des termes ou des chiffres différents. Par
exemple, selon notre expérience, un assureur peut peut-être nous
attribuer un dossier 6 alors que chez un autre assureur - il y a
peut-être maintenant un dossier 7 - on me reconnaît sept ans sans
accident. Alors, le terme pourrait être différent: entre 2, 5, 2,
6 et 2, 7. C'est surtout à ce sujet: la classification que nous attribue
l'assureur lui-même devrait se retrouver sur le contrat d'assurance qu'il
veut nous faire signer.
M. Fortier: Cela ne peut pas être la classe 7, parce que la
classe 7 n'existe pas.
Mme Landry: Non, ce n'est pas encore ça. M. Fortier:
Ha, ha, ha!
Mme Landry: Mais je pense, de toute façon, que dans votre
projet de loi vous avez prévu qu'on va compiler dans la banque de
données des données qui seront ramassées pendant dix ans.
Cela peut sembler un terme peut-être assez long, et on prévoyait
qu'il était possible qu'au fil des ans certains assureurs reconnaissent
même un nombre d'années supérieur pendant lequel on
n'aurait pas eu d'accident, ce qui permettrait d'établir
différents types de prime.
M. Fortier: Merci. Je vais passer la parole à mes
collègues qui voudraient peut-être poser des questions. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Cela va, M. le ministre? M. le
député de Lévis.
M. Garon: Madame, messieurs les représentants du Club
automobile du Québec, concernant la dernière recommandation
où vous dites: "Recommande à l'inspecteur général
de faire en sorte que toute police d'assurance automobile nouvelle ou
renouvelée comporte une description du niveau de classement
attribué par l'assureur à l'assuré en fonction de son
dossier de conduite", estimez-vous, à ce moment-là, que toutes
les règles d'évaluation devraient être uniformes? Si on dit
qu'il y aura une description du niveau de classement attribué par
l'assureur à l'assuré en fonction de son dossier de conduite,
pour que ça puisse vouloir dire quelque chose, il faudrait que les
normes d'évaluation soient les mêmes pour tout le monde en
fonction des dossiers. Autrement, quelqu'un pourrait dire: Tel type d'accident
ou tel incident survenu classe ou déclasse quelqu'un dans une proportion
différente d'une compagnie à l'autre. Alors, ça ne serait
pas vraiment comparable. Voulez-vous dire que l'Inspecteur
général devrait administrer un certain nombre de normes ou fixer
des normes qui seraient les mêmes pour toutes les compagnies. Autrement,
ce ne serait pas comparable; chacun aurait un système de normes par
compagnie. (15 h 30)
M. Desrosiers: Mme Landry.
Mme Landry: Je ne pense pas qu'il soit obligatoire que les normes
soient absolument identiques pour tous les assureurs automobiles au
Québec, pour autant que l'assuré, lui...
Le Président (M. Lemieux): Si vous voulez
bien vous approcher de votre micro, pour qu'on vous entende mieux
Mme Landry: Oui. Je ne pense pas qu'il serait nécessaire
que tous les assureurs aient des normes absolument identiques, pour autant que
l'assuré les connaisse bien et que ça lui soit expliqué au
moment où il choisit de faire affaire avec un assureur précis.
Lorsqu'il signe son contrat, s'il peut voir sur ce contrat exactement où
on le situe, si on apporte des modifications à son classement lors d'un
renouvellement de prime éventuel, l'assuré sera tout de suite en
mesure de voir qu'il y a eu modification à son dossier. On ne pense pas
que ce soit nécessaire que les normes soient identiques pour tous les
assureurs.
M. Garon: Alors vous voulez dire qu'il y aurait autant de
dossiers qu'il y a de compagnies. Il n'y aura pas nécessairement un
dossier d'automobiliste, il pourrait y avoir autant de dossiers que...
Mme Landry: Vous voulez dire pour l'assureur de façon
à répartir...
M. Garon: Pour l'assuré.
Mme Landry:... les assurés en différents dossiers
de conduite?
M. Garon: Non. Si quelqu'un, par exemple, s'est assuré
avec une compagnie une année, une autre compagnie une année et
qu'il y a des renseignements qui sont accessibles - parce qu'actuellement on ne
sait pas comment ça va être accessible - chaque compagnie pourrait
faire l'évaluation de l'automobiliste. Vous voulez dire qu'à ce
moment-là l'évaluation pourrait être différente
d'une compagnie à l'autre.
M. Fortier: Les frais seraient les mêmes, mais le
classement pourrait différer.
Le Président (M. Lemieux): Madame, est-ce que c'est
exact?
Mme Landry: Pardon? Voulez-vous répéter?
M. Garon: Dans votre esprit, est-ce qu'il s'agit d'un classement
par assureur, qui peut varier d'un assureur à l'autre, ou si le
classement pourrait être comparable, devrait être le même?
Serait-ce un système de classement uniforme ou plutôt un
classement par compagnie?
Mme Landry: Chaque compagnie va devoir, d'abord, vérifier
au fichier ce qu'il y a exactement dans le dossier de l'assuré. C'est
sûr que ça va aider à déterminer exactement quel
niveau de risque représente cet assuré en fonction des accidents
dont il a été tenu responsable. Par la suite, à
l'intérieur de ça, je pense que chaque compagnie d'assurances
peut très bien établir, comment dire, différentes
catégories de dossiers de conduite. Certaines peuvent diviser leurs
assurés en quatre, cinq, six ou sept dossiers de conduite
différents. Disons que c'est ce qui se fait à l'heure actuelle.
Peut-être que quand le fichier deviendra opérationnel on aura de
plus en plus tendance à retrouver le même genre de classification
d'un assureur à l'autre. Je l'ignore. Peut-être que l'Inspecteur
général pourrait vous en dire plus long à ce sujet. Je ne
pense pas que tous les assureurs doivent obligatoirement avoir des normes
identiques de classement de leurs assurés, pour autant qu'à la
base on soit allé vérifier s'ils ont été tenus
responsables ou non d'accident et, si tel est le cas, qu'on en tienne compte
pour bien établir la prime.
M. Garon: Vous avez dit des accidents, dont le conducteur aurait
été responsable. Mais les assureurs tiennent compte aussi des
accidents dont la personne n'a pas été responsable.
Mme Landry: À l'heure actuelle, oui, puisque, même
si on n'est pas responsable d'un accident, il y a bien des chances que la prime
augmente quand même. C'est pour résoudre ce problème que ce
projet de loi a été présenté. Le fichier des
sinistres, en principe, va régler ce problème. C'est sûr
qu'il va toujours y avoir des gens non responsables d'accidents, ou on va
peut-être constater, chez un même assuré, trois ou quatre
accidents en deux ans dont 8s n'auront pas été responsables.
C'est possible. J'ignore comment, à ce moment-là, les assureurs
vont faire pour travailler avec ça, mais c'est sûr que ce qu'on
veut, c'est que ce soient les gens responsables des accidents qu'ils ont
causés qui paient pour les augmentations de primes, et que les gens qui
ne sont pas responsables ne voient pas leur prime augmenter à la suite
de réclamations.
M. Garon: Voulez-vous dire qu'il devrait être interdit aux
assureurs de considérer que quelqu'un qui a eu tant d'accidents pour
lesquels il n'a pas de responsabilité représente quand même
un mauvais risque? On a souvent dit dans le passé que quelqu'un qui
n'est pas responsable, mais qui a eu tant d'accidents, c'est parce qu'il
n'utilise pas assez la prévention, il n'est pas assez défensif.
Il se met dans des situations où des accidents surviennent, alors que
d'autres les préviennent. Il n'est pas coupable, il n'est pas
responsable, mais on dit qu'il ne les évite pas assez. Comment va-ton
être capable de déterminer la façon dont les assureurs
évaluent le dossier d'une personne si, en plus d'une évaluation
différente, les critères sont différents, ou qu'encore on
considère comme des risques à assumer des comportements, des
Incidents ou des accidents dans lesquels a été impliqué
quelqu'un malgré lui?
M. Darbelnet (Robert): Je pense que c'est clair qu'il faut
laisser aux assureurs une certaine latitude quant à
l'établissement des normes de tarification qu'ils veulent utiliser.
Notre préoccupation est davantage une Information plus complète
à l'intention de l'assuré. Je ne crois pas qu'on aurait raison
d'imposer à l'ensemble des assureurs une même approche, une
même tarification, une même structure de classification de risque.
Si on peut faire en sorte que les assurés comprennent bien quelle est la
classification que leur assureur a choisie pour eux, et si l'assuré peut
voir évoluer cette classification, lors du renouvellement de sa police
d'assurance, en présumant que, dans plusieurs cas, il ne change pas
d'assureur, il sera déjà, par le fait même, mieux
renseigné sur l'interprétation que son assureur fait de la
situation. Je ne crois pas qu'à ce stade-ci ce soit dans
l'intérêt de l'industrie ni des assurés d'imposer à
tous les assureurs un système unique de classification, mais
plutôt de faire en sorte que l'assuré soit bien renseigné
sur la classification telle qu'elle est faite par son assureur.
Le Président (M. Lemieux): M. le député
de
Lévis.
M. Garon: Pas seulement renseigner, il va falloir qu'il puisse la
contester.
M. Darbelnet: Aussi, et c'est un autre volet de notre
dernière recommandation, la troisième, dont on discutait à
l'instant, celle concernant la nécessité de bien renseigner
l'assuré sur la classification.
Notre première recommandation est celle qui traite de la
nécessité que l'assuré connaisse bien les
mécanismes qui s'offrent à lui pour contester, s'il le juge
à propos, sa classification, laquelle découle, en fait, de
l'attribution d'une responsabilité. À cet égard, pour
revenir à une question qui a été discutée plus
tôt, II est exact que, pour plusieurs assurés qui
bénéficient de la protection collision, le montant en cause, si
une responsabilité leur est attribuée à tort, pour eux, va
être le montant déductible ou une partie du montant
déductible. Mais, à moyen terme, comme vous l'avez
souligné, je crois, quand viendra le renouvellement de la police
d'assurance, le montant en cause risque d'être pas mal plus
élevé, parce qu'ils vont changer de catégorie de risque
et, conséquemment, leur prime va augmenter. Vous avez une petite
réclamation ou une partie d'une réclamation qui vous est
refusée, on vous tient à 50 % responsable d'un accident
important, mais ça ne vous touche, au moment du règlement, que
pour la moitié du montant déductible, peut-être 150 $. Cela
vous paraît peu, mais dans six mois, à l'échéance de
votre police, quand elle sera renouvelée, votre assureur va vous
considérer comme responsable de cet accident et il va vous
pénaliser. Si vous bénéficiez en ce moment d'un dossier
impeccable ou presque, et que vous le perdez par le fait de cet accident, laconséquence financière de la non-contestation de cette
décision de votre assureur à l'époque peut
représenter plusieurs centaines de dollars additionnelles d'augmentation
de la prime.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Votre temps de parole
est écoulé, M. le député de Lévis.
Mme Landry, j'aimerais résumer un peu. Cela me fatigue un petit
peu ce que vous avez dit. Si je comprends bien...
M. Garon: Est-ce que c'est sur le temps du ministre?
Le Président (M. Lemieux): Je parle sur le temps du parti
ministériel, M. le député de Lévis, votre temps
étant terminé.
M. Garon: Je comprends, mais...
Le Président (M. Lemieux): C'est l'alternance, M. le
député de Lévis.
M. Fortier: C'est l'alternance, mais il est au milieu, lui.
Le Président (M. Lemieux): Je suis au milieu, alors
j'essaie de...
M. Garon: II parle sur le temps de qui?
Le Président (M. Lemieux): Je ne renonce pas à mon
droit du parole du fait que j'assume la présidence, M. le
député de Lévis.
Mme Landry, ça me fatigue un petit peu et je voudrais bien
comprendre. Il me semble que M. Darbelnet a corroboré ce que vous avez
dit. À partir de mon dossier de conducteur à moi, pour des faits
identiques, êtes-vous en train de nous dire que je pourrais avoir une
classification différente, eu égard à certaines
compagnies? Et si, effectivement, j'ai une classification différente, eu
égard à certaines compagnies, c'est donc dire que ma prime
pourrait varier. Est-ce que c'est ça que vous êtes en train de me
dire?
Mme Landry: Votre prime pourrait varier si, par exemple, vous
délaissez votre compagnie actuelle pour en choisir une autre lors de
votre renouvellement.
Le Président (M. Lemieux): Ce serait ma
responsabilité d'aller faire un peu de magasinage parmi les compagnies.
J'aimerais entendre, peut-être, l'inspecteur général des
institutions financières sur ce sujet.
M. Bouchard (Jean-Marie): C'est difficile de répondre. En
général, sans connaître les faits, c'est sûr que la
prime peut varier mais dans le système qui existe au Québec
toutes les compa-
gnies d'assurances respectent les quatre variables d'un système
de classification qui sont: le territoire, la classe du conducteur, le dossier
de conduite et l'automobile que vous avez. La même Chevrolet ou la
même Honda, que ce soit un modèle 1987 ou 1988, la compagnie
d'assurances, quelle qu'elle soit, va en tenir compte.
Dans la question des territoires, la province de Québec est
divisée en 20 zones, comme vous le savez. Certaines compagnies vont les
diviser, surtout dans la région de Montréal, en plus que dix
sous-zones, ce qui est la règle générale respectée
par les compagnies d'assurances. Mais, pour répondre à la
question du président, c'est que, de façon
générale, les compagnies d'assurances ont toutes le même
système de classification. Les quatre variables de base sont les
mêmes. On ne change pas. Par exemple, dans le dossier de la classe du
conducteur, on va tenir compte de l'état matrimonial, de l'âge et
du sexe. Dans le dossier de conduite, il y a des variables également.
Que vous soyez un an, deux ans, trois ans sans accident, les compagnies
d'assurances, dans la mesure où elles le savent, vont tarifer en
fonction du dossier qui a été dévoilé. Mais il peut
arriver et cela arrive que certaines compagnies ont ce qu'on appelle le pardon
facile. Une compagnie d'assurances va pardonner un accident. Elle peut aller
jusqu'à pardonner deux accidents lorsque les montants ne sont pas
exagérés pour conserver sa clientèle parce qu'il faut bien
se rendre compte...
M. Fortier: II y a de la compétition.
M. Bouchard (Jean-Marie):... qu'il y a 150 compagnies
d'assurances qui font des affaires dans la province de Québec. Il y a
beaucoup trop de compagnies pour les risques que nous avons au Québec.
Il y a une surcapitalisation du marché, ce qui explique la politique de
rabais qui existe pour la concurrence.
Lorsque les prix varient d'une compagnie à l'autre, c'est que la
nouvelle compagnie ne connaît pas exactement le dossier de l'ancien
assureur de telle sorte qu'avec cette compagnie, lorsque vous déclarez
que vous n'avez pas eu d'accident, vous tombez dans la classe cinq ans sans
accident et vous n'avez pas la même prime que votre assureur qui vous
connaît et qui sait qu'il vous a payé deux ou trois
réclamations, selon le dossier de conduite, évidemment.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez des
commentaires, Mme Landry?
Mme Landry: II est possible que mon assureur m'ait
pardonné facilement un accident que je viens d'avoir, mais l'autre
assureur auprès de qui j'irais magasiner mon prochain contrat
d'assurance, même si je lui disais que j'ai eu un accident, lui ne me le
pardonnerait pas. À ce moment, on ne m'Inscrirait pas dans la même
classe, finalement.
M. Fortier: Les compagnies sont libres.
Le Président (M. Lemieux): J'espère que vous allez
nous donner le nom de celui qui vous pardonne.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Dans votre esprit, si le projet de loi est
adopté, étant donné qu'on va avoir un dossier par
individu, l'historique de la personne, considérez-vous qu'on devrait
continuer à discriminer, à ce moment, en fonction du sexe et de
l'âge? On fonctionne avec des moyennes. On va dire, par exemple, qu'une
femme a moins d'accidents qu'un homme, une personne plus âgée
moins qu'un plus jeune, etc. Mais, par ailleurs, si on fournit à la
compagnie d'assurances dans un dossier l'historique de cette personne, est-ce
que la personne, à ce moment, doit subir en même temps tous les
avatars qui sont consécutifs à l'appartenance à un sexe ou
à une state d'âge alors que la compagnie ne peut plus invoquer
ça, ayant l'historique parfait de cette personne qui n'est
peut-être pas représentative de son sexe ou de son âge? (15
h 45)
M. Desrosiers: Dans l'étude que nous avons faite au Club,
nous n'avons pas considéré cet aspect comme tel. À ce
sujet, par contre, il faut se rappeler qu'en assurance - je ne suis pas un
expert en assurance générale mais il reste quand même qu'en
assurance il y a des principes de base qui sont classiques - on travaille sur
des populations. Si je comprends bien M. le député, un jeune
homme ou une jeune fille qui n'a jamais eu d'accident et qui conduit depuis x
années, peut se retrouver dans une certaine catégorie, à
cause de son âge, qui le pénalise. À ce moment-là,
ça veut dire que, si J'étais dans une compagnie d'assurance
générale celui qui fait la tarification et si j'oubliais les
catégories d'âge et que je commençais à traiter cas
par cas, je me retrouverais avec des problèmes parce que, chez les
jeunes - je le sais, mes enfants conduisent depuis six à sept ans et
n'ont jamais eu d'accident, je touche du bois, mais...
M. Fortier: Vous êtes chanceux! Ha, ha, ha!
M. Desrosiers: C'est pour ça que je touche du bois. Il
reste quand même qu'ils paient la catégorie de leur âge et
je le comprends, parce qu'autrement on se retrouverait avec un éventail
- je ne sais pas à quel âge Ils commencent à conduire
aujourd'hui, si c'est 16 ou 17 ans - de 16 à 77 ans, des hommes, des
femmes, et tout ça. Une chatte ne retrouverait plus ses chats. Cela
deviendrait certainement une difficulté administrative qui, je pense,
n'est pas envisagea-
ble. ll faut toujours se rappeler qu'en assurance c'est le principe de
la population et, en assurance générale, on marche par tranche de
la population. En assurance-vie, on marche par tranches de population aux
âges donnés, mais pour une population d'âge, 20 ans, 21 ans,
22 ans. En assurance générale, on fait des catégories
d'âge de 18 à 25 ans, marié ou non. Il reste quand
même que l'expérience appliquée à des populations
déterminées démontre, semble-t-il, que pour une personne
célibataire de 24 ans ou une personne de 24 ans, mariée, le
risque n'est pas le même. Les statistiques démontrent
qu'effectivement il y a une différence. Heureusement qu'à
l'intérieur de ces catégories, il y en a qui sont de bons
risques. Cela permet à l'ensemble de la catégorie de conserver
une prime plus acceptable parce qu'autrement vous vous retrouveriez, à
l'intérieur d'une catégorie avec des mauvais risques et les
primes ne seraient plus abordables.
M. Garon: Vous êtes en train de m'expliquer, de nous faire
la démonstration qu'un bon conducteur n'aura pas de prime moins forte,
mais que seulement les mauvais conducteurs auront une prime plus forte. Tous
les avantages sont du côté de la compagnie. C'est ça que
vous m'expliquez? C'est justement ce dont je me doutais...
M. Fortier: Une combinaison des deux.
M. Desrosiers: C'est-à-dire que... C'est ça,
oui.
M. Garon: Au fond, on va marcher sur la moyenne. Après
ça, ceux qui ont des accidents seront mis au-dessus de la moyenne.
M. Desrosiers: C'est-à-dire qu'à l'intérieur
d'une même catégorie, et je pense que c'est ce qui se passe dans
le moment - M. l'inspecteur général le sait sûrement mieux
que moi - vous avez une bonne classification et, selon l'expérience que
vous avez développée, vous avez une prime qui se
détériore avec les mauvaises expériences de risque. Vous
pouvez avoir des jeunes qui vont payer 700 $ pour assurer leur voiture, et un
autre jeune qui, lui, a développé un mauvais dossier, paiera 2000
$. Il reste quand même qu'à l'intérieur de la
catégorie il y a déjà une reconnaissance pour le bon
conducteur et une reconnaissance pour le moins bon ou le mauvais conducteur.
Cela se fait déjà.
M. Garon: Comment?
M. Desrosiers: Les jeunes d'une catégorie donnée -
on parie des jeunes - les gens d'une catégorie donnée ont
démontré qu'ils avaient un risque de telle portée. C'est
pour ça que les primes tiennent compte de cette portée.
M. Garon: Mais comment? Si on me met dans une catégorie de
risques à tel niveau, je pale la moyenne de ce niveau-là.
Ensuite, par rapport à mon dossier personnel, j'ai des surprimes. Je ne
vois pas de quelle façon je suis avantagé d'être un bon
conducteur. Je ne suis pas pénalisé, mais je ne suis pas
avantagé.
M. Desrosiers: Vous êtes avantagé si vous
bénéficiez de la meilleure classe de votre catégorie.
M. Fortier: M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le ministre.
M. Fortier: Je pense que cette discussion est très
intéressante parce qu'en définitive, ce que vous essayez de nous
expliquer, c'est que ce sera probablement une combinaison des deux. Les
compagnies d'assurances, pour des fins... C'est basé sur la statistique;
elles prendront donc en considération les catégories, les
classes. Je voyais dans l'information qu'on m'a fait parvenir à la suite
de la conférence de presse du Groupement, et probablement qu'ils vont
nous en parier tout à l'heure, qu'ils tiennent compte des
régions. C'est sûr que la même personne avec la même
voiture qui est dans un endroit où, par définition, il y a moins
d'accidents, comme en région, si elle déménage à
Montréal, sa prime augmentera automatiquement.
Donc, c'est une combinaison des deux. Comme l'inspecteur vient de le
dire, il y a 150 compagnies d'assurances et il se fait une compétition
féroce. Comme de raison, si on veut chercher des garanties absolues - on
va demander au Groupement tout à l'heure - on n'aura pas des garanties
absolues que celui qui est bon conducteur ou qui a des accidents desquels il
n'est pas responsable, cela sera pris en considération par la compagnie
d'assurances d'automobile. Sans ça, on va s'en aller dans un
système comme celui de l'Ontario. J'aimerais que vous fassiez des
commentaires étant donné que vous participez à des
travaux, j'imagine que vous êtes associés à des
fédérations d'autres provinces, vous devez suivre un peu ce qui
se fait en Ontario. Et j'en parie d'autant plus librement, que ceux qui nous
ont dotés du système que nous avons dans le moment, ce n'est pas
notre gouvernement, c'est le gouvernement du Parti québécois.
Mais je pense qu'on peut dire que le système que nous avons au
Québec est un des meilleurs. Quand on compare à ce qu'ils ont en
Ontario dans le moment, c'est complètement farfelu.
Je pense que c'est important, M. le député de
Lévis, parce que si on s'en va dans une direction où on va
imposer aux compagnies quoi faire dans tous les cas comme en Ontario, ils sont
rendus qu'ils disent... Dans le moment, c'est
rendu de la folie pure en Ontario, ils ne savent pas dans quelle
direction s'en aller. Là, c'est rendu qu'ils disent aux compagnies:
Cette année, vous ne pouvez pas augmenter de plus de 16, 5 %. Ils ne
savent plus comment s'en sortir. Ils disaient au début: Vous ne pouvez
pas faire de discrimination. Les personnes âgées ont
contesté, elles ont dit: Cela n'a pas de sacré bon sens, on va
être pénalisées parce qu'avant on avait des escomptes. En
définitive, je crois que les amendements qu'on propose ici. c'est
plutôt du "fine tuning" d'un système qui, d'une façon
générale, donne assez satisfaction à l'ensemble de la
population. Est-ce que vous avez des commentaires à faire
là-dessus par rapport à la situation de l'Ontario, par rapport au
contribuable ou à l'assuré?
Le Président (M. Lemieux): Mme Landry ou M.
Desrosiers.
Une voix: Est-ce que quelqu'un parmi nous autres...
M. Desrosier»: Avez-vous étudié la situation
de l'Ontario?
Le Président (M. Lemieux): Mme Landry?
Mme Landry: Je vous avouerais qu'on n'a pas étudié
de très près la situation de l'Ontario, mais effectivement je ne
pense pas qu'on soit à la veille d'en arriver au même point. Je ne
pense pas non plus que l'Inspecteur général ait un rôle
d'ingérence administrative au sein même de la gestion des
compagnies d'assurances automobile. En fait, nous, ce qu'on tenait à
exprimer, c'est qu'on est satisfaits de voir qu'au moins le gouvernement fait
en sorte qu'on donne un outil de travail aux assureurs, à ces
compagnies-là, pour leur permettre, justement d'exercer une meilleure
tarification. C'est d'un outil de travail qu'on avait besoin d'abord et avant
tout, et non pas, je pense, d'entrer dans un système où, en fait,
les assureurs n'ont plus grand-chose à faire ou à décider,
comme ce qui se passe en Ontario présentement. Alors, c'est surtout
à ce niveau-là, donc c'était la question du fichier qui
était importante. Il va rester à savoir maintenant, parce que je
pense qu'il y a encore beaucoup de détails à mettre au point pour
que ce fichier puisse être opérationnel, ce sera dans la gestion
des détails qu'on va voir de quelle façon cela fonctionnera. Cela
ne va pas encore fonctionner, même si cela commence à être
opérationnel à partir du mois de janvier, c'est-à-dire que
c'est à partir de janvier, probablement, qu'on va entrer les
données dont les assureurs auront besoin dans leur fichier. Cela va
quand même prendre un certain nombre d'années, peut-être
quelque deux ou trois ans avant que les assureurs soient vraiment en mesure de
bien l'utiliser. On va voir, à ce moment-là, comment les choses
vont aller, finalement.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme Landry. Cela va.
Nous vous remercions d'être venus ici en commission parlementaire.
J'aimerais peut-être ajouter un petit commentaire. M. le
député de Lévis, vice-président de la commission,
est heureux d'avoir le siège social des Caisses Desjardins dans son
comté. Je crois maintenant que le siège social du nouveau Club
automobile sera dans Lebourgneuf. Est-ce exact?
M. Desrosiers: Comté de Vanier.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. Vous avez
rétabli l'équilibre. Merci.
Nous allons suspendre maintenant environ une minute pour permettre au
Bureau d'assurance du Canada et au Groupement des assureurs automobiles de
prendre place à la table des témoins.
(Suspension à 15 h 55)
(Reprise à 15 h 58)
Le Président (M. Lemieux): A l'ordre. s'il vous plait!
Je demanderais aux gens du Bureau d'assurance du Canada ' et au
Groupement des assureurs automobiles de bien vouloir prendre place à la
table des témoins. Que le responsable du groupe ou des groupes
s'identifie et identifie, s'il vous plaît, les gens qui
l'accompagnent.
M. Brouillette (Yves): M. le Président, M. le ministre
Fortier, M. l'inspecteur général, MM. les membres de la
commission, mon nom est Yves Brouillette. Je suis président du
Groupement des assureurs automobiles. À ma droite, M. Raymond Medza qui
est directeur générai pour le Québec du Bureau d'assurance
du Canada et aussi directeur générai du Groupement des assureurs
automobiles; à ma gauche, M. Daniel Demers, qui est président du
comité de la statistique pour le Groupement des assureurs automobiles et
qui est aussi vice-président assurance des particuliers, pour la
Laurentienne générale; à ma gauche, Hélène
Gagné qui est conseiller principal pour le Bureau d'assurance du
Canada.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. La
procédure sera la suivante. Exceptionnellement, vous aurez 40 minutes
pour faire votre exposé. Suivra une période de questions de 80
minutes où il y aura 40 minutes pour le groupe parlementaire et 40
minutes pour l'Opposition officielle. La parole est maintenant à vous
pour l'exposé de votre mémoire.
GAA et BAC
M. Brouillette (Yves): Merci beaucoup. Le Groupement des
assureurs automobiles (GAA) est un organisme qui regroupe tous les
assureurs
autorisés à pratiquer l'assurance automobile au
Québec. Le GAA est responsable du mécanisme qui permet
l'accessibilité à l'assurance automobile pour tous les
Québécois. Le GAA a aussi établi une convention
d'indemnisation directe pour les victimes d'accidents d'automobiles, un constat
amiable pour déclarer les accidents et a mis sur pied un réseau
de centres pour l'estimation des dommages. Enfin, le GÀA agit comme
Agence statistique pour le compte de l'Inspecteur général des
institutions financières en matière d'assurance automobile.
Le Bureau d'assurance du Canada, que nous représentons aussi, est
une association dont fait partie la presque totalité des compagnies
pratiquant au Québec l'assurance IARD, tant pour les particuliers que
pour les entreprises. Le rôle du Bureau d'assurance du Canada est de
faciliter les échanges entre les compagnies membres et de maintenir un
contact direct entre l'industrie des assurances IARD, les consommateurs et les
pouvoirs publics. Le BAC a à Montréal un centre d'information qui
répond aux questions des assurés de l'ensemble du
Québec.
Le Groupement et le Bureau d'assurance du Canada remercient les membres
de la commission du budget et de l'administration de leur permettre de
commenter le projet de loi 133 qui modifie la Loi sur l'assurance automobile.
Ce projet autorise l'Inspecteur général à établir
un fichier central. Nous croyons donc approprié, en raison de
l'importance de ce dossier, de venir expliquer aux membres de la commission,
premièrement, pourquoi les assureurs ont recommandé
l'établissement d'un tel fichier; deuxièmement, comment l'Agence
statistique entend s'acquitter du mandat que devrait lui confier l'Inspecteur
général des institutions financières. Afin de
répondre à ces deux questions, nous proposons
premièrement, de faire un bref rappel du fonctionnement du régime
avant 1978; deuxièmement, d'expliquer le régime d'après
1978; troisièmement, d'informer les membres de la commission sur les
constatations des assureurs depuis 1981 et, finalement, d'expliquer le
fonctionnement du fichier des sinistres que nous prévoyons
établir.
Quelques mots concernant le régime d'assurance automobile avant
1978. Avant le 1er mars, au moment de l'adoption de la loi 67, les sinistres
automobiles étaient réglés en vertu du principe de la
responsabilité civile. L'assureur devait payer pour les dommages
causés aux tiers. Ainsi, la personne impliquée dans un accident
devait traiter avec l'assureur de l'autre automobiliste en plus de son propre
assureur. Comme il nous apparaît particulièrement important
d'expliquer les différences qui existent entre l'ancien régime
d'assurance automobile et le régime actuel, on a même prévu
ici un tableau et je vais demander à M. Medza de vous donner la
procédure qui se déroulait dans le cas d'un accident sous
l'ancien régime.
M. Fortier: Vous parlez toujours de dom- mages
matériels?
M. Brouillette (Yves): Toujours de dommages matériels. M.
Medza.
M. Medza (Raymond): M. le Président, vous remarquerez dans
le premier graphique que nous avons remis le fonctionnement de...
Le Président (M. Lemieux): C'est pour informer les
parlementaires qu'ils ont une photocopie de ces tableaux.
M. Medza: Cela va. Nous avons remis une copie à chacun
montrant comment on procédait avant 1978. On va prendre, d'abord, le cas
de la personne qui était non responsable de l'accident. Alors, voici un
cas qui est fréquent: la voiture A est emboutie par la voiture B. Dans
ces cas-là, la pratique normale voulait que la personne écrive,
d'abord, à la partie présumément responsable;
deuxièmement, qu'elle informe son assureur qui, lui, faisait
enquête. On va poursuivre. Si cette personne était assurée
pour les dommages à son propre véhicule, c'est-à-dire
l'assurance-collision - on disait, à l'époque, être
assuré sur les deux bords - si elle était assurée pour la
responsabilité, les dommages à son propre véhicule,
l'assureur faisait évaluer les dommages, il autorisait les
réparations et il indemnisait son assuré contractuellement,
c'est-à-dire moins la franchise que cette personne-là devait
avoir, et il prenait subrogation contre l'assureur de la partie responsable. Il
offrait aussi très souvent à l'assuré de se joindre
à lui pour aller récupérer aussi la somme de
déductible ou de franchise qu'il avait dû supporter. C'est dans le
cas d'un assuré avant 1978, qui avait de l'assurance des deux bords,
comme je l'expliquais avant.
Maintenant, s'il n'avait pas d'assurance-collision, s'il était
assuré strictement pour les dommages aux tiers, pour les dommages
causés à d'autres, dès qu'il avait procédé
aux premières étapes de mettre l'autre en demeure, d'informer son
assureur et de procéder à l'enquête, il attendait afin
d'être indemnisé non pas par son assureur, mais par l'assureur de
l'autre partie, c'est-à-dire de la partie responsable. C'est ce qui a
entraîné une quantité de délais.
Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui? Pour la partie non responsable,
aujourd'hui, l'assuré fait la déclaration d'accident à
l'aide du constat amiable. Déjà là, on vient de gagner du
temps. C'est plus rapide. L'assureur enquête Immédiatement. S'il
est assuré pour collision, l'assureur enverra son assuré
immédiatement au centre pour obtenir l'évaluation des dommages.
Une fois l'enquête terminée, l'assureur va rembourser la franchise
et va transférer le paiement de la collision et de
l'assurance-responsabilité. Voyez-vous, le paiement se fait
immédiatement. On ne pose pas de questions et c'est l'assureur qui
traite de tout.
L'assureur indemnise donc son assuré
moins
la franchise seulement dans les cas où l'assuré est
responsable. Dans le cas de non-collision, il indemnise son assuré et
une fois l'enquête terminée, il procède à
l'indemnisation. Cela vous donne ce qui se passait pour l'assuré non
responsable.
Pour l'assuré responsable, avant 1978, il recevait l'avis de
l'autre partie, celle qui, présumément, n'était pas
responsable de l'accident, la victime. Il transmettait cette Information
à son assureur qui devait traiter en son nom avec la personne innocente.
L'assureur faisait l'enquête. Il allait voir son assureur et il disait:
Je suis assuré en collision. C'est parfait. Évaluons les
dommages, autorisons les réparations, je vous Indemnise moins la
franchise et, comme vous êtes responsable, je vais rembourser la partie
qui ne l'est pas. S'il n'était pas assuré en collision,
l'assuré, malheureusement, devait supporter ses propres dommages parce
qu'il était déclaré responsable. Avec la venue de la
convention d'indemnisation directe, depuis 1978, la partie responsable fait son
rapport à son assureur, à l'aide du constat, l'assureur
complète son enquête. Si elle est assurée pour collision,
l'assureur l'envoie au centre d'estimation. Il fait le paiement moins la
franchise et, dès qu'il a terminé l'enquête, il applique la
franchise parce que, je regrette, vous êtes responsable de l'accident.
S'il n'est pas assuré pour collision, il lui dit: Les dommages de votre
véhicule sont à votre charge, vous êtes responsable de
l'accident. On voit donc, dans les deux cas aujourd'hui, que l'assuré
transige directement avec son assureur et qu'il est informé presque
immédiatement de sa responsabilité ou non dans un accident.
L'assuré sait alors s'il est, oui ou non, responsable de l'accident.
M. Brouillette (Yves): Merci, M. Medza. Essentiellement, ces
changements au régime d'assurances qui sont survenus en 1978, en ce qui
concerne les dommages matériels, proviennent de l'article 116. En fait,
l'article 116 prévoit que le recours du propriétaire en raison du
dommage subi par son automobile ne peut être exercé que contre
l'assureur avec lequel il a contracté l'assurance visée dans
l'article 84. C'est l'essentiel de l'article 116. Cela fait en sorte que
l'assuré doit s'adresser à son propre assureur. Cette
façon de procéder, tel qu'on l'a mentionné, est plus
rapide et moins coûteuse que celle qui existait avant la loi 67.
De plus, le propriétaire peut, s'il n'est pas satisfait du
règlement qui est effectué en vertu de la convention, exercer un
recours contre son assureur suivant les règles du droit commun. Enfin,
il peut toujours revenir contre son propre assureur en vertu des règles
du droit commun et prouver qu'il n'est pas responsable de l'accident s'il n'est
pas d'accord avec l'application de la convention.
Toutefois, il y a très peu de contestations parce que la
convention d'indemnisation directe a été créée en
se basant sur l'expérience des assureurs, le Code de la
sécurité routière et la jurisprudence. En fait, nous avons
modifié la convention à sept reprises afin de la rendre conforme
soit à la jurisprudence, soit au Code de la sécurité
routière.
On va parler maintenant de la subrogation. La Loi sur
l'assurance-automoblle de 1978 prévoyait que les assureurs devaient
indemniser leurs propres assurés. Elle permettait aux assureurs de
maintenir ou de renoncer à la subrogation entre eux. Pourquoi avoir
choisi d'y renoncer? Trois raisons principales: premièrement,
éviter les lourdeurs administratives; deuxièmement,
contrôler les coûts des sinistres; troisièmement, favoriser
une tarification plus équitable. Ce sont les trois raisons pour
lesquelles l'ensemble des membres du Groupement des assureurs automobiles a
décidé, en 1978, de ne pas maintenir la subrogation entre les
assureurs.
Avant de vous donner plus de détails sur ces trois raisons,
j'aimerais vous présenter mon collègue, M. Jean Bouchard, qui
vient de se joindre à nous. M. Bouchard est président du
comité BAC Québec et aussi président et chef de la
direction de La Laurentlenne générale.
La première raison pour laquelle on a choisi de ne pas maintenir
le droit de subrogation, c'est pour éviter les lourdeurs
administratives. Il faut comprendre que l'indemnisation de son propre
assuré implique pour l'assureur qu'il y aurait subrogation dans
pratiquement tous les cas où on Indemnise un de nos assurés qui
est non responsable. Contrairement à ce qui se passait auparavant
où une bonne partie des sinistres étaient réglés
directement par le tiers, avec la venue de l'indemnisation directe, il y aurait
eu subrogation dans la grande majorité des dossiers. Il aurait donc
fallu maintenir un bordereau pour chacun des quelque 180 assureurs et traiter
de chaque cas pour se rendre compte, finalement, qu'il y aurait autant de
dossiers où il aurait fallu rembourser que de dossiers où on
aurait pu récupérer. En effet, dans tous les accidents où
il y a deux automobiles, II y a un responsable et un non-responsable, ou encore
un partage de la responsabilité. Ce serait donc là un exercice
Inutile, lourd et coûteux. Donc, une première raison pour enlever
la subrogation est de réduire les frais de fonctionnement.
De plus, une utilisation aussi générale du droit de
subrogation aurait eu des conséquences négatives au plan du
contrôle du coût des sinistres. En effet, la majorité des
sommes versées par un assureur lui aurait été
remboursée par les autres compagnies. Il n'y aurait donc eu pratiquement
aucune incitation à contrôler les coûts des sinistres.
Si on avait eu l'indemnisation directe, qui est prévue à
l'article 116 de la loi comme on l'a vu tantôt, avec le droit de
subrogation, cela veut dire que la majorité des sinistres que, moi comme
assureur, j'aurais payée, m'aurait été remboursée
par mes concurrents. Je n'aurais eu
aucune incitation à contrôler les coûts des
sinistres, puisque c'est l'argent des concurrents que j'aurais
dépensé. Alors que, dans le système qu'on a aujourd'hui,
sans subrogation, je supporte les coûts des sinistres que je paie
moi-même. Il y a une incitation pour chacun des assureurs à
améliorer les contrôles en ce qui concerne le règlement des
sinistres. C'est la deuxième raison.
Enfin, l'élimination de la subrogation a permis à
l'assureur de tarifer toutes les garanties en fonction de la valeur et de la
"dommageabilité" du véhicule qu'il assure. Ce changement a permis
de réduire sensiblement les primes pour les modèles moins
récents et a, par conséquent, favorisé l'acceptation de
l'assurance obligatoire. On peut le mentionner ici: L'assurance obligatoire,
qui a été imposée aussi par la loi 67, a été
un succès au Québec. Le pourcentage de non-assurés est
plus faible au Québec que dans pratiquement toutes les autres
juridictions en Amérique du Nord. Il y a même des endroits
où l'assurance est obligatoire depuis beaucoup plus longtemps et
où le pourcentage de non-assurés est plus élevé
qu'ici. (16 h 15)
L'une des raisons, non la seule, pour lesquelles on a eu un tel
succès, c'est que les primes ici sont toujours en fonction de la valeur
et de la "dommageabilité" des voitures. Cela signifie que le bonhomme
qui est propriétaire d'une voiture de dix ans ou de quinze ans - il y en
a sur les routes - va payer une prime de beaucoup inférieure à
celle de celui qui est propriétaire d'une voiture neuve, voyez-vous,
parce qu'il pale pour le risque de dommages physiques qu'il représente.
Si on avait maintenu la subrogation dans la prime de tout automobiliste, il y
aurait le risque moyen: en fait, tout automobiliste a une probabilité
d'aller emboutir n'importe quelle voiture qui circule sur la route. Alors, si
on avait maintenu la subrogation, les primes auraient été
sensiblement plus élevées pour les propriétaires de
vieilles voitures et cela aurait été, en conséquence,
beaucoup plus difficile d'appliquer l'assurance obligatoire. Si on exige
aujourd'hui du propriétaire d'une voiture de 1976, disons, 150 $ pour
assurer sa voiture et si on devait lui en exiger 400 $ alors que sa voiture
vaut 500 $ ou 1000 $, il y aurait beaucoup plus de difficultés à
appliquer l'assurance obligatoire dans ce cas-là. Donc, c'est l'un des
avantages de l'élimination de la subrogation; ça a permis
d'adapter les primes en fonction de la valeur et de la "dommageabilité"
des véhicules et ça a favorisé l'implantation de
l'assurance obligatoire au Québec.
Cela a aussi favorisé l'évolution de la tarification. Cela
fait en sorte qu'aujourd'hui les primes sont beaucoup plus fonction des
différentes catégories de voitures. On a pu constater qu'il y a
certains modèles de voitures qui représentent des risques plus
grands, non seulement à cause de leur valeur, mais à cause de la
façon dont elles sont construites. Alors, avec l'indemnisation directe,
sans subrogation, on a une prime modulée selon la valeur et selon la
"dommageabilité" des véhicules. Alors, c'est un facteur
très positif, parce que ça fait en sorte que les gens peuvent
être conscients, lors de l'achat d'une voiture, du risque que
représente cette voiture. Ce sont eux qui vont devoir en payer les
conséquences alors que, si on maintenait la subrogation, dans une bonne
mesure, ce risque, introduit par l'achat d'une voiture plutôt qu'une
autre serait réparti sur l'ensemble des automobilistes.
Donc, c'étaient là les trois raisons pour lesquelles on
avait choisi d'éliminer la subrogation, soit pour réduire les
frais, permettre un meilleur contrôle des coûts et favoriser une
tarification plus équitable. C'étaient les avantages. Il y avait
cependant un Inconvénient ou un désavantage important. Avec
l'avènement de la convention d'Indemnisation directe, nous avions
prévu qu'il y aurait une hausse dans le pourcentage d'assurés
responsables qui ne rapporteraient pas leur accident, surtout s'ils
n'étaient pas assurés pour les dommages à leur automobile
ou si les dommages étaient mineurs. Quelques mois après
l'entrée en vigueur du nouveau régime, nous avons
vérifié cette hypothèse. Pour vérifier cette
hypothèse, nous avons analysé 554 dossiers de sinistres pour
lesquels l'assureur avait déclaré son assuré non
responsable. Pour chacun de ceux-ci, nous sommes allés vérifier
auprès de l'assureur de l'autre partie impliquée dans l'accident.
Résultat: 302 accidents furent rapportés à la compagnie
par les deux parties et 252 furent rapportés seulement par la partie non
responsable. Dès lors, les assureurs ont conclu que le maintien d'une
tarification au mérite pour les assurés exigerait la constitution
d'un fichier obligatoire des sinistres.
La réforme de 1978 a, on le voit, entraîné de
profonds changements dans la souscription et le règlement des sinistres.
Notamment concernant les dossiers d'accident, l'information est devenue de
moins en moins disponible, comme nous venons de l'expliquer et comme le tableau
suivant le démontre. Depuis l'entrée en vigueur du nouveau
régime, on note qu'année après année une proportion
de plus en plus grande des assurés se volt attribuer le meilleur
dossier, c'est-à-dire un dossier sans accident avec
responsabilité pour les cinq dernières années. Comme vous
le voyez, on avait 58, 9 % de bons dossiers et on en a maintenant 88, 2 %.
Alors, je pense que ça ne demande pas de commentaire
supplémentaire. On voit que l'information est de moins en moins
disponible et les statistiques qu'on voit là sont le résultat
d'un manque d'information.
À la page suivante, on vous donne des statistiques plus
détaillées qui montrent l'évolution du pourcentage dans
les différents dossiers au cours des années.
Il est généralement admis que le dossier de
conduite est un Indice valable pour identifier la qualité d'un
risque et que la détérioration de son importance dans la
tarification est causée essentiellement par l'incapacité
d'établir le dossier réel de chaque risque. Il nous
apparaît important que le dossier de conduite redevienne un
critère de tarification prépondérante et ce, pour deux
raisons: premièrement, le concept de l'attribution de la faute au
responsable d'un sinistre est généralement accepté et,
deuxièmement, plus le poids relatif du dossier de conduite sur la
tarification est grand, plus il peut agir comme incitatif à la prudence
et à la prévention.
Si on veut utiliser le dossier de conduite efficacement, iI faut que
chaque assureur soit. informé de la véritable expérience
d'accident de chacun de ses assurés et qu'il puisse la vérifier.
L'accès à cette information, pour les nouveaux contrats
d'assurés, a présenté des difficultés bien avant
1978, présente des difficultés même dans les autres
régions, les autres juridictions, même s'il n'y a pas
d'indemnisation directe, et elle présente des difficultés pour
les nouveaux assurés. Depuis le nouveau régime qu'on a au
Québec, toutefois, le problème s'étend non seulement aux
nouveaux assurés, mais aussi aux renouvellements pour nos assurés
qu'on a déjà dans nos livres.
C'est pourquoi le Groupement des assureurs automobiles a proposé
un mécanisme qui permettra à un assureur de connaître
l'expérience de sinistres de chacun des conducteurs en faveur de qui il
a émis un contrat d'assurance ou doit en émettre un et de
vérifier si les déclarations faites à l'article 7 des
déclarations du contrat d'assurance automobile sont exactes. Toutefois,
le mécanisme ne peut fonctionner que si tous les assureurs rapportent au
fichier tous les sinistres de tous les conducteurs impliqués. C'est
pourquoi nous avons proposé de l'ajouter au Plan statistique automobile
du Québec.
Voyons maintenant quelle serait la constitution du fichier des sinistres
qui est proposé. Le numéro de permis de conduire a
été retenu comme identificateur. Ce numéro est
assigné à une personne lorsqu'elle obtient son permis de conduire
et elle le conserve tant qu'elle le détient. Cette information est
facile à obtenir et est donc déjà transmise aux assureurs.
Le Code de la sécurité routière prévoit que les
numéros de permis de conduire de toutes les parties impliquées
dans un accident doivent être fournis lors d'un accident. L'assuré
remet à l'assureur une copie du constat amiable ou du rapport de police
lors de sa demande d'indemnité. Les coûts relatifs à la
codification de cette Information ne seront donc pas prohibitifs. Il faudra une
période de cinq ans avant d'obtenir une Information vraiment
complète. Pendant cette période, toutefois, il y aura une
augmentation rapide et progressive de la qualité des données. Il
faut rappeler ici que tous les assureurs qui sont autorisés à
pratiquer l'assurance automobile au Québec sont obligatoirement membres
du GAA et doivent donc rapporter leurs données à l'Agence
statistique.
L'accès au fichier des sinistres. Les personnes qui auront un
accès à la banque de données seront les
représentants autorisés de l'Inspecteur généra) ou
d'autres organismes de l'État, les assureurs agréés et
leurs représentants autorisés, ainsi que le personnel de
contrôle du Groupement des assureurs automobiles et du BAC. Ces personnes
pourront interroger la banque de données et obtenir l'information
désirée par les moyens couramment en usage, soit, par exemple, un
écran relié à la banque de données, un ruban
envoyé au Groupement contenant une liste de numéros de permis de
conduire. Afin d'assurer le meilleur contrôle possible des accès
à la banque de données, aucune demande de renseignements par
téléphone ne sera acceptée. L'interrogation se fera
uniquement à partir du numéro de permis de conduire, cet
Identificateur étant le seul à assurer une confidentialité
complète. Toute personne pourra, sur demande écrite au
groupement, obtenir les informations relatives à son expérience.
Dans les cas où l'information contenue au fichier est erronée,
sur dépôt de pièces justificatives, les corrections
nécessaires seront apportées.
Le contrôle du fichier des sinistres s'exerce à trois
niveaux: la collecte, le traitement et la consultation. Afin de garantir
l'intégralité et l'intégrité du fichier, les
données seront recueillies à même le Plan statistique
automobile du Québec. Ainsi, toutes les données relatives
à toutes les indemnités versées par les assureurs à
un assuré québécois doivent être rapportées
selon les directives de l'agence statistique qui s'assure que toutes les
données sont rapportées et procède à des tests de
validation tant au niveau de la qualité des données que de leur
intégralité.
Les données accessibles aux assureurs dans le fichier des
sinistres se limiteront aux suivantes: le numéro de permis de conduire,
la date du sinistre, la nature du sinistre et la garantie affectée, le
genre d'utilisation du véhicule, le code de véhicule et
l'année du modèle, le montant des indemnités et le
pourcentage de responsabilité. Les assureurs ne pourront interroger le
fichier qu'à partir d'un numéro de permis de conduire. Ils auront
donc ainsi un accès limité aux données ci-dessus.
Seule l'Agence statistique pourra accéder aux autres
données pour les besoins de correction ou pour fins d'analyse
statistique. L'agence enregistrera toutes les demandes de renseignements en
exigeant les données suivantes: le numéro de l'assureur ou de son
représentant interrogeant la banque, le numéro de police ou de
renouvellement, le numéro de permis obtenu et la date de la
consultation. Annuellement, l'Agence statistique déposera au conseil
d'administration du Groupement un rapport sur l'utilisation du fichier faisant
état des demandes faites, des raisons des demandes, du nombre de
corrections et des résultats d'analyse particulière.
Voilà donc les grandes lignes du fonctionnement du fichier.
Pour conclure, avant de répondre à vos questions, la
convention d'Indemnisation directe créée par la Loi sur
l'assurance automobile de 1978 comporte plusieurs avantages importants au plan
de la rapidité des règlements, du contrôle des coûts
et de l'équité de la tarification. Elle comporte aussi un
désavantage majeur, soit la plus grande difficulté à
contrôler le dossier de sinistres des conducteurs. Afin
d'améliorer le système de classification actuel, le Groupement a
proposé rétablissement d'un fichier des sinistres. Ce fichier,
constitué à même le Plan statistique automobile du
Québec, permettra aux assureurs de connaître le dossier des
sinistres des assurés. Cet accès à une information
privilégiée et confidentielle sera sujet à des
contrôles stricts. Il en résultera alors une plus grande
équité pour les assurés, ce qui se reflétera dans
tout le système de tarification des risques automobiles.
M. le Président, merci beaucoup de votre attention. Il nous fera
plaisir de répondre aux questions que peut susciter notre mémoire
ou à d'autres questions sur le projet de fichier des sinistres.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Fortier: Merci, M. Brouillette. Je salue, au passage, M.
Bouchard, le président du BAC, qui nous arrive d'un peu plus loin. Je
pense que la première question sur laquelle nous nous sommes
interrogés ce matin et qui revient constamment dans nos conversations,
c'est le point que vous souligniez à la page 10, alors que vous dites:
"II est important que le dossier de conduite redevienne un critère de
tarification prépondérant. " C'est votre texte,
"prépondérant". (16 h 30)
En fait, on se rend bien compte que la constitution d'un fichier
pourrait être une information utile. Mais l'inspecteur nous expliquait ce
matin le fait que, présentement, les assureurs fonctionnent sur une base
d'escompte, de rabais. Une compagnie d'assurances va dire: Si, pendant cinq
ans, un détenteur de police d'assurance n'a pas fait rapport et n'a pas
demandé aucune compensation, donc, il se voit accorder un rabais
important. Si elle a un accident, la personne peut perdre son rabais.
Alors, on peut concevoir un cas où une personne n'a pas subi
d'accident, pour lequel elle était responsable ou non responsable. Si un
individu ne subit pas d'accident pendant cinq ans, la compagnie d'assurances va
être très heureuse parce qu'elle va dire: Cet individu paie ses
primes annuellement, mais ne me réclame aucune indemnité et,
donc, c'est le client parfait. C'est le client qui paie sa prime annuellement.
C'est comme dans le cas de l'assurance-feu. Je paie mes primes depuis 30 ans et
je n'ai jamais réclamé pour un feu. Alors, c'est le client
parfait. C'est la même chose dans le domaine de l'assurance automobile.
Dans ce domaine, le client parfait est celui qui pale sa prime, mais qui ne
demande absolument rien. Dans ces cas, présentement, les compagnies
d'assurances disent: Nous allons vous donner un rabais de 20 %. Alors, on peut
prendre le cas d'une personne qui paierait normalement une prime de 250 $
à qui vous donnez un rabais de 20 %, donc elle paie 200 $. Là, si
elle a un accident ou si elle fait une réclamation, même si elle
n'est pas responsable, vous dites: Vous perdez votre rabais. Alors, elle
remonte à 250 $.
Dans un cas comme ça, s! les rabais continuent à exister,
dans quelle mesure le dossier de conduite va-t-il redevenir "un critère
de tarification prépondérant", pour reprendre votre texte de la
page 10? Est-ce que, dans un premier temps, s'il y a réclamation,
ça va être le rabais qui va disparaître et c'est seulement
après que le rabais sera disparu que le dossier de conduite va devenir
un élément de tarification? Est-ce que ça va être un
élément plutôt mineur? C'est la question fondamentale, je
pense.
M. Brouillette (Yves): II y a plusieurs volets dans votre
question. Je vais essayer d'y répondre et je vais demander à mes
collègues de compléter sur un point ou sur l'autre parce que je
pense que vous avez raison, c'est la question centrale qui est sous-jacente
à tout ce dossier. Il faut peut-être apporter certaines
précisions. Premièrement, la tarification et la classification
des risques est une responsabilité qui relève de chacun des
assureurs pris individuellement. Il n'y a pas un seul système de
tarification uniforme pour l'ensemble des assureurs. Cela relève de la
responsabilité de chacun des assureurs. Par conséquent, II existe
des différences importantes entre les structures de tarification des
différents membres du Groupement. Donc, on ne peut pas dire
qu'automatiquement le fait d'avoir eu un sinistre entraîne une perte de
rabais. Cela peut être vrai dans une société et ne pas
être vrai dans l'autre société. Il y a une liberté
au plan de la tarification qui existe présentement. Voilà.
Si on essaie de voir maintenant comment cette pratique des rabais qui
sont accordés pour non-sinistre s'est développée, je pense
qu'on peut y voir deux sources. La premiere source, c'est cette attente qu'il y
a dans la population, de la part des gens qui n'ont pas eu de sinistre. Vous
l'évoquiez vous-même. Vous disiez: Cela fait 30 ans que je n'ai
pas eu de sinistre en assurance-habitation et, vous et moi, on connaît
beaucoup de gens qui vont nous dire: C'est toujours les mêmes qui
réclament, c'est toujours les mêmes qui ont des sinistres et ce
sont les autres qui paient pour ces clients. Alors, il y a assurément
une attente dans la population qui dit: Faites payer ceux qui ont davantage de
sinistres et facturez moins cher ceux qui n'en ont pas. Je n'ai pas eu de
sinistre depuis cinq ans, je n'ai pas eu de sinistre depuis dix ans. Comme
client,
je demande, je m'attends à avoir une réduction ou un
rabais sur ma prime. Alors, iI y a assurément une attente à ce
niveau. C'est la première source, je crois, de ces rabais.
La deuxième source, c'est le fait qu'on a aujourd'hui des outils
statistiques beaucoup plus raffinés que ce qui existait il y a dix ans
ou quinze ans. Ces statistiques nous ont permis de mesurer de façon
très précise que les clients qui ont subi, par exemple, deux
sinistres et plus au cours des trois dernières années ont une
fréquence de sinistres pour l'avenir sensiblement plus
élevée que ceux qui n'ont subi aucun sinistre au cours de la
même période. Dans un marché libre, dans un marché
concurrentiel, il y a là une incitation très importante pour un
assureur à ajuster sa tarification selon la catégorie de risques.
Il faut bien comprendre que les rabais ne représentent en aucune
façon un moyen de pénaliser qui que ce soit parce que celui qui a
un contrat d'assurance, c'est entendu qu'il a le droit de réclamer. Cela
fait partie de son droit que de présenter une réclamation. Il a
convenu un contrat d'assurance. Donc, ce n'est pas une façon de
pénaliser qui que ce soit. Mais les rabais qui sont accordés sont
une façon, pour les assureurs, de reconnaître l'existence de
risques différents, de reconnaître qu'un client qui n'a pas eu de
sinistre depuis trois ans ou cinq ans, cela représente un meilleur
risque que le client qui a eu trois réclamations ou trois sinistres au
cours des dernières années. C'est une réalité au
plan de la statistique qui a été traduite dans la tarification.
Ce sont les deux raisons, je pense, qui expliquent l'apparition de ce
phénomène de rabais.
Si on examine ce qui se passe un peu dans les autres juridictions, que
ce soit en Amérique du Nord, que ce soit en Europe, il y a des
systèmes, qu'on appelle en Europe bonus-malus et qui existent un peu
partout, par lesquels les assureurs ont des primes qui fluctuent selon la
fréquence des accidents qui sont survenus dans le passé. En fait,
ce n'est rien de particulier au Québec, ce sont des systèmes qui
existent dans la plupart des pays. Ce qui est particulier ici, c'est qu'on a
dû donner plus d'Importance qu'on ne l'aurait fait autrement au facteur
nombre d'accidents parce qu'on n'avait pas l'information sur le facteur nombre
de sinistres responsables.
Comme on l'explique dans notre mémoire, à cause de la
convention d'Indemnisation directe, dans bon nombre de cas, nous n'avons pas
l'information lorsque notre client frappe une autre voiture ou est responsable
du dommage à un autre véhicule. Cette information ne nous est pas
fournie. C'est la raison pour laquelle les dossiers de conduite proprement dits
se sont affaiblis dans la tarification alors que d'autres facteurs, dont le
nombre de réclamations ou le nombre de sinistres subis ont pris plus
d'importance. Ce que l'on dit, c'est que le fichier va permettre aux dossiers
de conduite de prendre une plus grande place. C'est dans ce sens qu'on a
employé l'expression "facteur ou critère
prépondérant".
Cela ne signifie pas - c'est très important de le souligner ici -
que toute la tarification va se faire uniquement en fonction du dossier de
conduite parce que, si on regarde les discussions qui ont eu lieu dans
différents États américains et au Canada, c'est souvent
venu un peu comme une trouvaille de dire: On va faire un système
bonus-malus et ça va remplacer tout le reste de la tarification. Je
pense qu'il faut éviter cette solution facile. Il n'y a pas de moyen
dans un système d'assurances de tarifer des risques individuels sur la
base unique de leur propre expérience. La crédibilité
qu'on peut accorder à un individu, la crédibilité qu'on
peut accorder à son expérience, c'est établi
scientifiquement, varie entre, 5 % et 10 %. On ne peut pas accorder à
l'expérience d'un Individu sur une période, disons, de trois ans
une crédibilité de plus que 5 % ou 10 %. Donc, il sera toujours
impossible de tarifer un individu strictement sur la base de sa propre
expérience. Il va toujours falloir, si on veut avoir une tarification
précise, tenir compte d'autres facteurs, par exemple, la valeur de sa
voiture, la "dommageabillté". L'utilisation de la voiture est un autre
facteur qui va demeurer dans la tarification. L'âge de l'assuré,
on l'espère, est un autre facteur qui demeurera dans la tarification
aussi parce que ce sont des facteurs qui nous permettent de mesurer le
risque.
Une grande corporation qui aurait une flotte de 1000 voitures, on peut
mesurer son risque à partir de sa seule expérience. Mais un
Individu qui a une, deux ou trois voitures, c'est impossible de mesurer son
risque à partir de sa seule expérience. Il faut faire appel
à d'autres facteurs pour établir sa prime, pour mesurer son
risque. C'est dans ce sens qu'on parle de facteur prépondérant.
Cela ne veut certainement pas dire que ce sera un facteur unique. Il y aura
encore d'autres facteurs dans la tarification.
M. Fortier: Merci.
M. Brouillette (Yves): Je demanderais à mes
collègues, si l'un ou l'autre veut ajouter...
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, je voudrais remercier les gens
du Bureau d'assurance du Canada et le Groupement des assureurs automobiles de
venir nous rencontrer et d'avoir préparé des documents en
prévision de cette commission parlementaire.
La question que je voudrais leur poser, c'est: Qu'est-ce qui
empêcherait les assureurs de se constituer un fichier de renseignements
ses conducteurs entre eux et de le gérer? Pourquoi l'intervention du
gouvernement est-elle nécessaire? S'il y a des avantages, pourquoi
les
assureurs n'ont-ils pas fait ce fichier-là entre eux, sans le
gouvernement? On parle souvent de l'entreprise privée, M me semble que
cela pourrait être une initiative de l'entreprise privée.
Le Président (M. Lemieux): M. Bouchard va répondre
à cette question.
M. Bouchard (Jean): D'abord, M. le Président, je veux
m'excuser pour le retard, quoique j'étais à Toronto cet
avant-midi. Les avions ont fait ce qu'ils ont pu pour m'amener ici à
temps. Malheureusement, cela ne l'a pas été tout à fait
assez.
M. Garon: C'est ça, la privatisation!
M. Bouchard (Jean): Pour revenir à la question de M.
Garon, l'industrie de l'assurance au Québec comme au Canada, vous le
savez, est effectivement morcelée. Il y a un nombre considérable
d'assureurs qui font partie de ce marché. Il y a eu des
expériences qui ont été tentées dans d'autres
provinces quant à la création de fichiers ou à
l'accès à des fichiers. Ceci demande, en général,
le consentement de chacun des assureurs. Jusqu'à maintenant, on a
vécu certaines expériences, par exemple, en Ontario, où le
Bureau d'assurance du Canada est l'Agence statistique officielle pour les
différents gouvernements. D'ailleurs, ils ont un ensemble de
données.
Dans plusieurs provinces, particulièrement en Ontario,
jusqu'à maintenant du moins, le système d'assurance automobile
qui existe est celui que nous avions ici antérieurement en 1978. Donc,
les assureurs ont peut-être des données plus considérables
que ce que nous possédons et ils ont essayé de faire des choses
dans le sens d'avoir accès à ces données. Cela
présente plusieurs inconvénients dont celui qu'il n'y a aucun
organisme présentement, autre qu'un gouvernement, qui peut forcer les
assureurs à rapporter, d'abord, et à accepter l'utilisation des
données. Donc, pour avoir l'unanimité, c'est pratiquement
impossible dans un domaine de marché libre comme celui qui existe
présentement à cause des forces concurrentielles. Je pense que
c'est la grande barrière que nous aurions à
l'établissement d'un fichier sur une base volontaire.
Théoriquement, ce serait possible, mais, en pratique, les forces du
marché font qu'on ne peut pas avoir l'unanimité.
Ici, au Québec, on aurait peut-être pu essayer de le faire
également sur une base volontaire, mais nous avons toujours
refusé de le faire parce que nous croyons, comme c'est dit, d'ailleurs,
dans notre mémoire, que l'utilité d'un tel fichier n'est
réelle que si l'ensemble des données peut être là et
si l'ensemble des assureurs peut y avoir accès. C'est pourquoi nous
profitons d'une situation peut-être un peu
prévilégiée avec l'existence du Groupement des assureurs
automobiles auquel tous les assureurs sont obligés d'adhérer pour
faire affaire ici au Québec, depuis la réforme de 1978. De ce
fait, agissant comme Agence statistique officielle pour l'Inspecteur
général, nous avons l'opportunité de créer ce
fichier qui n'existe pas nécessairement dans d'autres provinces.
M. Garon: Cela n'existe pas ailleurs?
M. Bouchard (Jean): Non. Dans les provinces qui ont un
marché de l'assurance automobile comme le nôtre, ça
n'existe pas. Il y a des provinces où c'est entièrement
étatisé, c'est totalement différent. C'est l'assurance
d'État, tout simplement. (16 h 45)
M. Garon: Pensez-vous vraiment qu'un tel fichier fera diminuer
les primes des bons conducteurs? Si je regarde les statistiques de la page 8,
quand je lis les pages 8 et 9, j'ai le sentiment que vous trouvez qu'il y en a
trop de bons. Vous aimeriez mieux qu'il y en ait moins. Pensez-vous vraiment
que ça va faire diminuer les primes de ceux qui seront
considérés comme de bons conducteurs ou si, dans le fond, vous ne
vous dites pas: On en aura moins de bons, on en aura plus de moyens et plus de
risques élevés, on pourra faire payer plus de surprimes pour les
moins bons conducteurs, tout en n'ayant pas de meilleure prime pour les bons
conducteurs?
M. Brouillette (Yves): Je pense qu'encore là II faut
apporter certaines nuances. Quand on dit faire diminuer des primes, c'est en
termes relatifs. Si le fichier est établi sur une période
d'années, si ça prend trois ans ou cinq ans, comme on l'a
mentionné, avant que le fichier soit complet, ça ne signifie pas
que, dans cinq ans, la prime de celui qu'on peut qualifier de bon conducteur
sera inférieure à la prime d'aujourd'hui. Il faut tenir compte de
la hausse normale des coûts qui surviendra dans cette période. Ce
qu'on dit, c'est qu'en termes relatifs ça fera diminuer la prime pour
les bons conducteurs parce que, comme vous l'avez mentionné, iI y en
aura moins qui se qualifieront pour la catégorie de bons conducteurs
pour avoir une moyenne, disons, de 300 $, comme il y en aura moins qui seront
à une prime Inférieure à la moyenne. Cela nous permettra
d'avoir des écarts plus importants entre les différentes
catégories qui peuvent exister aujourd'hui. En termes relatifs, je pense
qu'on peut conclure qu'il y aura des primes plus faibles pour les bons
conducteurs à l'avenir. C'est en termes relatifs, cela ne signifie pas
que la prime, dans trois ou cinq ans, sera inférieure à celle
d'aujourd'hui. Il faut bien comprendre cette notion.
M. Garon: Est-ce que ce sera mesurable? Comment?
M. Brouillette (Yves): Oui. Ce sera mesurable. En fait, la
façon d'établir la tarification,
c'est d'établir le niveau général des prix. Si on
procède à établir une tarification pour une compagnie
d'assurances, il faut établir le niveau général des prix.
L'assureur détermine qu'il a besoin, disons, de 350 $ ou de 400 $ de
prime moyenne. C'est la première étape. Cela n'est pas
changé. Supposons que le fichier est en place et qu'il est complet,
cette première opération, qui consiste à déterminer
ce qu'est la prime moyenne requise, elle n'est pas changée. On dira:
Ça nous prenait 400 $, ça nous prend encore 400 $, sauf qu'on
répartit la prime autrement.
Admettons qu'on aurait Juste deux catégories, pour vous faire un
exemple simple, soit les bons conducteurs et les mauvais conducteurs. Supposons
qu'on veut avoir une prime de 400 $ et qu'aujourd'hui on en a 90 bons et 10
mauvais. Pour faire une moyenne de 400 $, avec 90 et 10, il faudra demander
quelque chose comme 480 $ ou 490 $ et 390 $. Cela fera une moyenne de 400 $. Si
on en a 50 % dans la catégorie des bons - ce sont des chiffres
hypothétiques, pour faire la même moyenne de 400 $, on pourrait
facturer 350 $ et 450 $. Voyez-vous? Si on a 350 $ au lieu de 390 $ pour le bon
conducteur, c'est là qu'il y a une réduction. Il faudrait
peut-être vérifier l'arithmétique, mais je pense qu'on peut
démontrer facilement que la prime moyenne ne serait pas affectée,
mais, comme la répartition entre les catégories le sera,
ça entraînera une réduction pour les meilleurs
conducteurs.
M. Demers (Daniel): Autrement dit, il est vrai que les assureurs
iront chercher de l'argent supplémentaire avec les assurés
identifiés comme mauvais et qui, maintenant, se dissimulent parmi les 88
% de bons. C'est la concurrence qui existe et qui continuera
présumément d'exister qui fera que les assureurs redonneront ces
primes, qu'ils sont allés chercher auprès des mauvais
assurés, des mauvais conducteurs, aux bons assurés pour se les
attirer parce qu'on va savoir maintenant que ce sont vraiment de bons
conducteurs, alors qu'actuellement les 88 %, c'est un mélange de bons et
de mauvais conducteurs. L'argent va retourner aux bons conducteurs dans la
mesure où iI va y avoir de la concurrence.
M. Garon: Je ne vois pas comment ça va retourner. Si on
dit que c'est relatif, je vais m'en apercevoir si je n'ai pas d'accident et que
je paie moins cher. Si je ne paie pas moins cher comme bon conducteur, en
supposant que je suis un bon conducteur... Je ne parle pas à titre
personnel, je donne l'exemple de quelqu'un qui est un bon conducteur.
M. Fortier: II est toujours en retard aux réunions,
alors...
M. Garon: Je n'accroche pas mon miroir. Le ministre s'est
acheté un miroir à 650 $, un miroir chauffant.
Le Président (M. Lemieux): C'est faux. Il ne l'a pas
acheté, il l'a fait réparer et cela a coûté
650$.
M. Garon: 650 $ pour faire réparer son miroir! Il faut que
quelqu'un se trouve de son goût! Ha, ha, ha!
M. Fortier: Ça coûte cher, c'est une BMW.
Le Président (M. Lemieux): Si le ministre a une BMW, moi,
j'ai une Porsche.
M. Garon: Je ne vois pas du tout ce que ça va donner aux
gens. J'ai plutôt le sentiment que c'est une contrepartie pour que vous
ne parliez pas trop contre la loi 92. Je ne vois pas du tout ce que ça
va donner aux assurés. Je ne suis pas capable de le voir. Ce ne sont pas
des baisses relatives qu'ont les assurés. Si les comptes ne sont pas
moins chers, ça veut dire qui n'y a rien pour le bon conducteur. On va
réussir à en classer un moins grand nombre - monsieur vient de le
dire franchement - comme bons conducteurs, ce qui va vous permettre de faire
des surprimes à des gens qui vont être considérés
comme moins bons conducteurs et le pot va être plus gros.
M. Demers: II y a des rabais actuellement dont on dispose pour
les donner aux bons conducteurs qui sont confondus dans 88 % des
assurés, alors que, là-dedans, il y en a peut-être 50 %. Il
faudrait faire des analyses. On va vraiment voir, avec le fichier, combien iI y
en a, mais il n'y en a pas 88 % de bons là-dedans, alors qu'en 1977 on
disait qu'il y en avait 60 % de bons. On va retourner aux 60 % de bons et les
rabais qu'on peut consentir aux bons assurés vont être
partagés entre beaucoup moins d'assurés. C'est toujours par
rapport à une moyenne.
M. Garon: Le ministre des Transports passe son temps à
dire qu'il y a moins d'accidents mortels au Québec. Cela doit signifier
qu'il y a de meilleurs conducteurs, surtout que tout le monde sait que nos
routes sont mauvaises, pires qu'avant. S'il y a moins d'accidents avec des
routes mauvaises, ça veut dire que les conducteurs sont meilleurs.
M. Medza: Je vais vous expliquer un peu comment la prime va
coûter moins cher. On va prendre une tarte. Si on prenait une tarte et
qu'on divisait les primes entre les bons et les mauvais conducteurs,
aujourd'hui, ceux qui sont considérés comme de bons conducteurs
représentent tellement de la tarte qu'il faut leur demander plus qu'on
devrait normalement leur demander parce que ceux qui devraient payer ne paient
pas leur part. C'est le problème. Vous avez, par exemple, des bonbons et
des cornets de crème glacée à vendre et que la
façon dont vous devez les vendre est de faire trois cents de
profit sur vos cornets et deux cents sur vos bonbons. Or, vous vendez
tellement peu de crème glacée que vous devez aller chercher trois
cents sur les bonbons. Vous débalancez votre marge de profit. C'est ce
que vous faites. Et en ayant 88 % des assurés dans la tarte qui paient
un montant plus élevé qu'ils ne le devraient, vous avez trop de
primes. Ce sont vos mauvais conducteurs qui ne paient pas assez. Cela nous
force à demander plus aux autres.
M. Garon: Ce que je ne comprends pas, c'est ceci. Vous me dites
que c'est seulement ici qu'il y aura un système comme celui-là.
Il n'y a aucun autre endroit en Amérique du Nord où il va y avoir
un système d'État comme celui-là, réglementé
comme celui-là, avec un fichier comme un fichier de police sur les
conducteurs. Tout le monde va être fiché. Ailleurs, dans tout le
reste de l'Amérique du Nord, l'Industrie de l'assurance peut fonctionner
sans avoir un tel fichier d'État.
M. Fortier: En Californie, on peut payer pas mal plus.
M. Garon: Pourquoi notre industrie, au Québec, a-t-elle
besoin d'un tel fichier d'État...
M. Fortier: On fait des comparaisons.
M. Garon:... administré par le gouvernement, qui va
dénoncer les citoyens aux entreprises, alors que l'entreprise
privée n'a besoin de ça nulle part en Amérique du Nord? Je
ne comprends pas.
Le Président (M. Lemieux): Pouvez-vous nous donner vos
commentaires?
M. Brouillette (Yves): II faut dire, au Québec, qu'on a un
système d'assurances qui est différent de ce qui existe ailleurs,
en Amérique du Nord. Ce n'est pas nous qui avons fait ça. C'est
la loi 67, votée par le gouvernement précédent, qui a fait
un système d'assurance différent au Québec de tout ce qui
existe en Amérique du Nord et il est meilleur. Ce n'est pas qu'il
fonctionne plus mal; il fonctionne mieux que ce qui fonctionne ailleurs en
Amérique du Nord. On n'a qu'à comparer la situation de
l'assurance automobile au Québec, présentement, avec ce qui se
passe chez nos voisins immédiats en Ontario. On pourrait parler de la
Californie, on pourrait parler du Massachusetts, du New Jersey, mais parlons
seulement de l'Ontario et on peut être très brefs.
Cela va beaucoup mieux au Québec. Pourquoi ça va beaucoup
mieux au Québec? La principale raison est la loi 67 qui a
été votée en 1978. Il y avait beaucoup
d'éléments très favorables dans cette loi. Il y avait le
"no fault" mis en place pour les dommages corporels. De fait, on l'avait
proposé, nous, de l'industrie, à partir de 1974 et on le propose
à l'heure actuelle pour l'Ontario. Alors, on est tout à fait
fiers de dire que ça a bien réussi. On est tout à fait du
même avis qu'on l'était à ce moment, qu'il n'était
pas nécessaire d'étatiser, de créer une régie
d'État, mais le changement pour un régime "no fault" a
été profitable pour les Québécois. Cela ne change
rien. En réalité, les compagnies d'assurances peuvent fonctionner
dans un régime ou dans un autre, mais de façon
générale, c'est plus agréable quand on sent une
satisfaction chez nos clients et chez le public en général. Je
vous parlais des dommages corporels.
Si j'arrive sur les dommages matériels, là aussi, on a un
système différent au Québec. Vous demandez: Pourquoi
ça va être différent de partout ailleurs? Parce que la loi
67 est unique. Il n'y a pas de loi 67 ailleurs. C'est la raison pour laquelle
on a un système différent. On ne vous dit pas que c'est un
mauvais système, on vous dit que c'est, selon nous, un meilleur
système. Avec le temps, d'autres juridictions vont probablement
s'inspirer du système qu'on a ici pour les dommages corporels et pour
les dommages matériels. Sauf qu'il nous apparaît qu'il y a
certains ajustements à apporter. Pour les dommages matériels, ce
n'est pas nouveau.
L'histoire du fichier, c'est depuis 1981 qu'on en parle. Il faut bien
comprendre, M. le Président, que pour les assureurs, le fait qu'il y ait
un fichier ou qu'il n'y en ait pas ne changera rien à notre
rentabilité. Pour ça, il n'y a pas beaucoup de
démonstrations qu'on peut faire pour dire que ça ne changera
rien. Ceux d'entre vous qui lisent le rapport de l'Inspecteur
général déposé chaque année n'auront pas
besoin d'autres démonstrations, en fait, pour dire qu'une concurrence
très vive existe dans cette industrie. Je défierais des gens de
nous montrer une industrie plus concurrentielle que la nôtre. Bon Dieu,
on la vit, la concurrence, et on est au-delà d'une centaine de groupes.
Le groupe le plus Important, en termes de volume dans l'assurance automobile, a
12 %. Si on prend les cinq principaux, ça fait autour de 30 % du
marché. En termes de fragmentation, du point de vue économique -
on pourrait calculer la fragmentation du marché - vous allez avoir de la
difficulté à trouver des industries plus concurrentielles que la
nôtre. Le rapport de l'inspecteur générai témoigne,
chaque année, du degré de concurrence qui existe et qui fait que
les assureurs déboursent davantage en sinistres qu'ils ne
perçoivent en primes. On n'est pas venus Ici pour raconter ça,
mais je pense qu'il faut avoir confiance qu'il existe de la concurrence. S'il
n'existait pas de concurrence, ah, on pourrait dire: II n'y a pas de
concurrence; donc, il va y avoir davantage de risques classés comme
moins bons conducteurs et ça va faire davantage de primes. Si on ne
croit pas qu'il y a de la concurrence, je pense qu'on peut avoir des doutes.
C'est là, peut-être, qu'il y a une question ouverte, mais il
m'apparaît qu'on en a témoigné à plusieurs reprises
et II y a des
preuves tangibles qu'il existe une concurrence très vive dans
l'industrie de l'assurance, particulièrement en assurance automobile. A
partir du moment où iI y a de la concurrence, les forces du
marché vont jouer. Qu'est-ce que ça va faire? Cela ne changera
pas la rentabilité ou la non-rentabilité de l'industrie de
l'assurance automobile, pour nous.
Notre préoccupation. Pourquoi a-t-on fait ces demandes
répétées, depuis le début des années
quatre-vingt? C'est qu'on croit qu'aujourd'hui la tarification qu'on fait ne
répond pas aux attentes de la population. C'est confirmé, encore
là, par des échos qui sortent de temps à autre dans les
Journaux. À un moment donné, c'est à une émission
pour les consommateurs, à la radio, qu'on fait ressortir ce
phénomène qu'on facture des primes pour les gens non
responsables. (17 heures)
On le voit dans le rapport de l'Inspecteur général, encore
une fois. Des critiques sont faites contre l'industrie et, même sans le
lire dans les journaux, en en parlant avec nos employés, avec nos
courtiers d'assurances, on constate que la manière dont on travaille
présentement ne répond pas vraiment à l'attente de la
population. On pense qu'il y a une déficience. On ne dit pas que le
système est mauvais. Plusieurs d'entre nous travaillent dans d'autres
juridictions, de comparer avec ce qui se passe ailleurs. On trouve que, au
total, c'est mieux ici, qu'il y a des avantages, comme on l'a mentionné.
Mais il y a une déficience et on a demandé, dans le passé,
aux autorités de nous permettre de corriger cette déficience.
Maintenant, si l'Assemblée nationale décidait de ne pas la
corriger, bien, on peut continuer à fonctionner sur la base sur laquelle
on a fonctionné dans le passé, sauf qu'on va continuer à
se faire reprocher certains comportements au chapitre de la tarification,
ça, c'est entendu, mais ça ne changera pas en tant que telle la
rentabilité des assureurs dans un sens ou dans l'autre. Ce projet est
là pour nous permettre d'améliorer le service, et on n'est pas
tout à fait désintéressés dans ça,
d'améliorer notre Image dans la population, parce qu'on est conscients
des problèmes d'image qui existent ici et qui existent dans d'autres
juridictions. On pense que, si on veut prospérer sur une période
de temps, c'est en donnant satisfaction à la population, pas d'autre
chose que ça.
M. Garon: Ce qui me surprend...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, je m'excuse. M. le ministre.
M. Fortier: M. Bouchard, je crois, voulait parler.
Le Président (M. Lemieux): Oui?
M. Bouchard (Jean): En complément à ce qu'a dit M.
Brouillette, la province voisine, l'Ontario, considère également
l'établissement d'un fichier maître comme celui que nous avions
envisagé nous-mêmes, et elle voulait l'administrer
elle-même, directement. Maintenant, c'est certain, disons, avec les
modifications du système qu'ils sont en train d'examiner
présentement, qu'ils vont avoir exactement le même problème
à solutionner que celui que nous avons ici. C'était, d'ailleurs,
dans le plan de l'Ontario Insurance Board d'établir également un
fichier maître pour contrôler les sinistres. Dès qu'ils vont
changer leur système, ils vont arriver exactement aux mêmes
conclusions que celles auxquelles on arrive présentement.
Le Président (M. Lemieux): Votre petit commentaire, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Ce qui m'étonne...
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre vous le
permet.
M. Garon:... je vais vous le dire, c'est ceci. En 1987, le
ministre a présenté le projet de loi 54 sur le registre des
entreprises. Cela devait donner des renseignements au public sur les
entreprises. Il a reculé sur ce projet. Le projet est resté au
feuilleton, on a entendu des gens. Là il s'agit d'un registre, au fond,
pour donner des renseignements sur les consommateurs et il semble qu'il soit
prêt à avancer. Il me semble qu'il y a un
déséquilibre. Quand il s'est agi de donner des renseignements sur
les entreprises, où c'est bien plus difficile de les avoir, au fond,
avec les entreprises incorporées et tout ça, là, le
gouvernement a reculé, mais là il semble vouloir avancer pour
donner des renseignements aux entreprises sur les consommateurs, les Individus,
les personnes. Je ne comprends pas.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, la parole est
à vous.
M.
Fortier Comme je l'exprimais ce matin, il s'agit d'un
"fine tuning" dans ce qui existe présentement. Il est évident
que, si vous n'avez pas l'information, vous ne pouvez pas prendre en
considération ce type d'information. La question que le
député de Lévis pose, c'est la deuxième question,
à savoir: Si on vous donne l'information ou si on vous permet d'avoir
l'information, est-ce que vous allez l'utiliser dans le sens de favoriser ceux
qui devraient être favorisés? Il est vrai qu'il y a une
très grande compétition au Québec. Pour ma part, je pense
bien qu'on peut assez facilement conclure que peut-être une, deux ou
trois compagnies vont tenter de maximiser leurs profits en n'avantageant pas
les bons conducteurs, mais, s'il y en a deux trois ou quatre qui ne le font
pas. Une centaine d'autres vont le faire et la concurrence va jouer à
plein.
La question technique que j'aurais, c'est que j'ai reçu une
lettre de la part de l'Associa-
tion des camionneurs et je voulais juste m'as-surer que je comprenais
bien le problème. Bien sûr, quand on pense à un fichier, on
pense en termes des individus, autour de la table ici, qui conduisent leur
propre automobile, mais le fichier va couvrir également les conducteurs
de taxis, de motocyclettes, de camions; en fait, ça va être tous
les conducteurs qui conduisent un véhicule au Québec, pas
uniquement ceux qui conduisent leur automobile privée.
Je ne sais pas si vous pouvez répondre à la question. Je
pense que j'ai la réponse, mais je vais vous la poser pour que je l'aie
de source autorisée. L'Association des camionneurs nous disait: Nous
quand on conduit notre camion, on peut accrocher des cordes à linge en
passant dans les ruelles, on peut accrocher des clôtures et ce n'est pas
toujours notre responsabilité. Mais, ces accidents ou ces sinistres,
à supposer qu'ils soient assez considérables pour être
rapportés, vont être dans le fichier et, lorsque nous, comme
conducteurs d'un camion, on va vouloir obtenir une assurance pour notre
automobile, ce sera pris en considération. Je pense que j'ai la
réponse, mais je me demandais si vous aviez un commentaire a faire
là-dessus. Des fois, quand jo prends la route 20 pour aller à
Montréal, il y a de gros camions qui nous tassent. Je vous le dis, que
ce soit une voiture conduite pas un garde du corps ou un individu, ils nous
tassent et, bien souvent, on pourrait quasiment aller sur le terre-plein. Je
vous dis que les camionneurs ne font pas tellement attention aux automobiles.
On se demande s'il n'y a pas des conducteurs de camion qui, lorsqu'ils sont au
volant d'un camion, deviennent imperturbables face aux petits véhicules
qui sont autour d'eux. Lorsque eux-mêmes prennent leur véhicule,
ils deviennent tout gentils. Ils font une démarcation très
critique entre le moment où ils conduisent un gros camion et celui
où ils conduisent leur propre véhicule. Mais il est vrai, je
crois - et j'aimerais que vous le confirmiez - que, si un chauffeur de camion
se trouve Impliqué dans des accidents avec son camion, ce sera pris en
considération lorsqu'il fera une demande pour avoir une assurance
automobile. Est-ce bien ce qui va se produire?
M. Brouillette (Yves): On va avoir les différentes
informations qu'on a mentionnées sur le genre d'utilisation du
véhicule conduit lors de l'accident. On va savoir si l'accident est
survenu avec une voiture de tourisme, avec un camion, une motocyclette, un
taxi, le cas échéant. On va connaître le genre de
véhicule utilisé. Donc, l'assureur pourra faire la part des
choses. C'est entendu que le chauffeur de camion, comme vous le dites, qui est
sur la route tous les jours, plusieurs heures par jour, la probabilité
qu'il a d'être impliqué dans un accident est plus grande que
l'automobiliste qui ne fait pas cette utilisation. Donc, cette information sera
disponible dans le fichier et les assureurs seront en mesure de tarifer les
risques en fonction de la conduite que l'individu fait d'un véhicule
utilitaire d'une voiture de tourisme, d'une motocyclette ou d'un taxi. C'est
susceptible d'être utile aussi pour la tarification des véhicules
utilitaires. Mais je vois mal comment on pourrait, pour celui dont la fonction
est d'être camionneur, tenir compte de sa fréquence d'accidents
comme camionneur pour sa voiture privée. Je pense qu'on va être en
mesure de faire la part des choses et de tenir compte de ses accidents comme
camionneur pour tarifer le risque de son camion, puis de tenir compte de son
dossier comme automobiliste pour tarifer sa voiture privée.
M. Fortier: Vous avez évoqué, tout à
l'heure, l'indemnisation directe, la non-subrogation dans le cas de
non-responsabilité, qui est la différence maintenant. Vous avez
dit: Dans notre convention, on a convenu ensemble de ne pas exercer cette
subrogation. Vous en supportez les coûts. J'imagine que cela amène
les compagnies, dans la plus grande mesure possible, à choisir les bons
clients, c'est-à-dire à choisir ceux qui sont de bons
conducteurs. À ce moment-là - voyons, quelle était la
question que je voulais poser? -bien sûr, votre tarification est faite en
fonction de ça. Enfin, j'imagine que chaque compagnie d'assurances tente
d'avoir une clientèle dont, si possible, le pourcentage de bons clients
ou de ceux qui réclament le - moins soit le plus considérable
possible. Autrement dit, cela vous amène à refuser des clients,
à l'occasion, à mettre une prime tellement plus
élevée qu'il va aller chez un concurrent, à un moment
donné. Alors, vous ajustez votre tarification en fonction d'une
stratégie de pénétration des marchés ou des couches
de marché que vous voulez pénétrer.
M. Brouillette (Yves): Vous avez raison de dire que chacun des
assureurs surveille la qualité des risques qu'il assure. C'est entendu,
ça fait partie du défi d'un assureur de chercher à avoir
une qualité de risque meilleure que la moyenne.
Cela étant dit, il faut aussi souligner que l'assurance est
obligatoire. Il est obligatoire pour les automobilistes de s'assurer et il est
obligatoire pour l'ensemble des assureurs d'assurer tous les automobilistes qui
désirent l'être, il ne faut pas exagérer le degré de
sélection que les assureurs peuvent faire. Il y a quand même des
contraintes qu'il faut respecter. On ne peut pas se permettre de refuser 20 %
ou même 10 % des clients qui se présentent. Comme Industrie, et je
pense que notre dossier là-dessus est très bon, on peut
être fiers de notre dossier sur l'accessibilité à
l'assurance automobile.
Encore là, tantôt, on évoquait ce qui se passe dans
les autres régions en Amérique du Nord. Je vous assure qu'il y a
des provinces au Canada, mais, surtout, des États du côté
des États-Unis, où l'accessibilité à l'assurance
automobile, à l'heure actuelle, est un grave
problème. Il y a des États où jusqu'à 25 %,
30 % et même plus des automobilistes doivent être mis dans un
"pool" parce qu'il n'y a aucun assureur qui veut les assurer. Il y a vraiment
des problèmes d'accessibilité à l'assurance. Au
Québec, iI y a eu très peu de problèmes dans les dix
dernières années. On peut remonter un peu plus loin, en 1975, il
y avait eu effectivement des problèmes d'accessibilité à
l'assurance. Si on regarde depuis 1978, iI n'y a eu pratiquement pas de
problèmes d'accessibilité à l'assurance. C'est pour
ça que, quand on parle de sélectivité, il faut bien
comprendre que, en ce qui touche le consommateur, ça n'a qu'une
portée très limitée.
Pour ce qui est de l'autre volet, vous dites: Vous allez tenter d'avoir
un meilleur portefeuille. Évidemment, on tente d'avoir un meilleur
portefeuille, surtout par la tarification, c'est-à-dire en ajustant nos
tarifs pour attirer les risques qui nous semblent les meilleurs. C'est ce qui a
fait en sorte, par exemple, que depuis sept ou huit ans des réductions
sont accordées aux conducteurs âgés de 50 ans et plus. On a
observé que les automobilistes de 50 ans et plus - ça varie selon
les compagnies, certaines compagnies c'est 55 ans, d'autres c'est 45 ans,
d'autres c'est 50 ans - représentaient des meilleurs risques que les
automobilistes plus jeunes. Alors, certaines compagnies ont commencé
à accorder des réductions aux automobilistes âgés de
50 ans et plus. Aujourd'hui, c'est très répandu dans le
marché du Québec.
C'est ce segment de la population qui en profite, c'est l'un des fruits
de la libre concurrence. Je vous mentionne cet exemple tout simplement pour
illustrer les mesures que les assureurs prennent pour améliorer la
qualité de leur portefeuille. On a observé que les clients, par
exemple de 50 ans et plus sont de meilleurs risques. Donc, un certain nombre de
compagnies et, par la suite, un plus grand nombre ont commencé à
accorder des tarifs réduits ou des rabais aux conducteurs de 50 ans et
plus. Cela a fait en sorte qu'elles ont pu augmenter la proportion des 50 ans
et plus dans leur portefeuille et, de cette façon, améliorer la
qualité de leur portefeuille de risques.
Si on examine ce qui se passe maintenant avec ce qui se passait ou ce
qui se serait passé s'il n'y avait pas eu de convention d'indemnisation
directe, on doit conclure que la convention d'indemnisation directe a eu
très peu d'influence sur ce qui représente un bon risque en
assurance automobile par rapport à ce qui représente un mauvais
risque. Les catégories qu'on pourrait qualifier "à risque
élevé", disons, les jeunes conducteurs, c'étaient des
risques élevés dans l'ancien système; lls sont
restés des risques élevés et cela, pratiquement dans les
mêmes proportions. (17 h 15)
Techniquement, la convention d'indemnisation directe a eu très
peu d'influence sur la définition de ce qu'est un bon risque et de ce
qu'est un moins bon risque. Ces catégories sont très peu
changées par rapport à ce que c'était auparavant. La
dynamique du marché de l'assurance fait que, comme assureur, vous devez
chercher à attirer davantage de meilleurs risques, à
améliorer la qualité de votre portefeuille. Mais cela existerait
tout autant si on n'avait pas de convention d'indemnisation, si on avait un
régime traditionnel, que ça existe dans le régime qu'on a
ici, au Québec.
M. Fortier: Sur un autre sujet en dehors de l'indemnisation, iI y
a d'autres dispositions dans le projet de loi 133. Je ne sais pas si vous aviez
un commentaire à faire sur les autres dispositions. Je pense, entre
autres, aux modifications sur le montant d'assurance-responsabilité pour
tenir compte de ce qui se fait dans les autres provinces et tout ça.
Avez-vous des commentaires sur ces autres dispositions du projet de loi?
M. Brouillette (Yves): Un commentaire très bref pour
souligner qu'il y a un changement Important dans la question des limites de
responsabilité à l'extérieur. Il y avait, encore
là, une lacune dans la loi précédente, lacune qui faisait
en sorte que les polices d'assurance automobile émises au Québec
auraient pu, dans certains cas, avoir à répondre à des
exigences très élevées dans certains États
américains. Vous savez que toutes les polices d'assurance automobile
comportent la mention que la limite d'assurance dans le contrat, si vous allez
à l'extérieur... Supposons que vous auriez 100 000 $ de limite
d'assurance automobile et que vous iriez dans un État où la
limite minimale est de 200 000 $, automatiquement, votre limite d'assurance,
qui était de 100 000 $, est haussée à 200 000 $. Si vous
allez n'importe où aux États-Unis ou au Canada et que la limite
minimale d'assurance automobile est de 200 000 $, votre limite est
haussée automatiquement.
Ce n'est pas d'hier. Cela fait déjà un bon nombre
d'années que ça existe et ça nous semble tout à
fait approprié, sauf que la manière dont l'article - j'oublie le
numéro, c'est l'article 88 - était rédigé faisait
en sorte que notre limite de responsabilité ici devait répondre
non seulement à la loi sur l'assurance automobile, mais aussi à
un règlement. Supposons qu'il y aurait un règlement dans un
État ou même une ville... Une ville pourrait décider
d'avoir un règlement disant que, pour un camion qui transporte tel ou
tel produit dans sa ville, dorénavant, ça prend 5 000 000 $ ou 10
000 000 $ de limite de responsabilité. Or, de la manière dont
notre contrat était rédigé, iI y avait un risque qu'on
doive répondre à cette exigence. C'était tout simplement
une lacune. Pour ça aussi, ça fait plusieurs années qu'on
a... Cela créait certains problèmes en ce qui concerne la
réassurance parce que les réassureurs étaient un peu mal
à l'aise face à un tel piège.
Cela créait certains problèmes.
On est bien satisfaits de voir que, par le projet de loi 133, ce sera
corrigé. Encore là, ça va nous permettre de continuer
à offrir à nos assurés la meilleure protection,
c'est-à-dire de répondre aux demandes qui peuvent être
faites sous n'importe quelle juridiction des États-Unis et du Canada
pour que les limites de responsabilité répondent aux limites qui
peuvent être en vigueur. Mais, on ne veut pas que nos polices aient
à répondre à n'importe quel règlement en
particulier qui pourrait exister dans un État ou dans une ville
donnée. Sur cet élément, on désire souligner que,
après avoir fait des représentations pendant plusieurs
années, c'est un point qui va faciliter le fonctionnement de l'assurance
automobile au Québec, lorsque cet élément aura
été adopté et que le contrat aura été
modifié en conséquence. C'est peut-être un peu technique,
mais II me fait plaisir de souligner que c'est un point très
positif.
M. Fortier: J'imagine que, pour vous, sur le plan financier,
c'est une modulation qui est importante.
M. Brouillette (Yves): En fait, ça ne touche pas la grande
majorité des automobilistes et ça ne change rien. Aucun de ces
règlements ne va toucher l'automobiliste privé. C'est surtout
pour les assureurs impliqués dans le camionnage, dans les gros
camions.
M. Fortier: Oui, d'accord.
M. Brouillette (Yves): C'est un secteur spécialisé,
mais, en fait, c'est un secteur où, lorsqu'on pense au
libre-échange, il faut que l'assurance soit disponible. Il faut que les
compagnies d'assurances du Québec et du Canada soient en mesure d'offrir
les protections requises. Cela venait compliquer un peu l'opération
parce que, au plan de la réassurance, ça représentait
vraiment un inconvénient.
M. Fortier: II me fait plaisir de répondre à vos
attentes. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lévis, vous avez quelques questions.
M. Garon: Avez-vous des données concernant le nombre
d'assurés qui se prévalent du recours prévu à
l'article 116 de la Loi sur l'assurance automobile? Si oui, parmi ceux qui
utilisent ce recours, combien d'assurés gagnent leur cause?
M. Brouillette (Yves): Me Gagné peut répondre
à cette question.
Mme Gagné (Hélène): Ici, il s'agirait de
savoir combien il y a eu de poursuites. Oh n'a pas de données qui
pourraient être crédibles, en ce sens que les quelques cas que
nous allons connaître sont ceux rapportés par les
différents rapports de jurisprudence. La majorité des cas sont en
bas de 1000 $, et il s'agit d'un conflit sur la question de la franchise. La
plupart du temps, les gens qui vont utiliser le recours permis à
l'article 116 sont ceux qui ne sont pas satisfaits du partage 50-50, mais qui
ont perdu la moitié de leur franchise. C'est valable pour eux d'aller
devant la Cour des petites créances et d'essayer de faire changer le
partage de responsabilité pour diminuer, surtout, la partie de franchise
qu'ils ont dû assumer. Nous n'avons pas de statistiques comme telles,
autres que les quelques cas qui ont été rapportés. C'est
vraiment mineur. Si vous avez une douzaine de cas par année, je pense
que c'est beau. Il n'y a pas d'autre moyen à part ça de les
connaître parce qu'on n'a pas accès à un système de
fichier, si vous voulez, central du palais de justice qui pourrait nous dire la
source de toutes les réclamations qui se font devant la Cour des petites
créances ou devant la Cour provinciale. C'est à ces niveaux que
ça va se faire. Nous les suivons au fur et à mesure. Dès
que quelqu'un a un jugement, on nous les fait parvenir. Parfois, c'est quand
même intéressant pour nous d'avoir la tendance des tribunaux
d'interprétation sur la convention. C'est souvent à la suite de
ces quelques jugements que nous avons, en effet, modifié la convention
pour répondre aux interprétations faites par les tribunaux.
M. Garon: Avez-vous fait l'évaluation de l'augmentation
qu'il pourrait avoir des recours s'il y avait l'établissement d'un
fichier systématique tel qu'envisagé dans la loi. Les gens
diraient: On va avoir un fichier où j'aurai un historique comme
conducteur et qui va être officiel. Est-ce que vous avez prévu
quelle serait l'augmentation du nombre de personnes qui vont vouloir plaider
pour ne pas être déclarées responsables?
Mme Gagné: Non, on n'a pas fait une prévision comme
telle, quoiqu'il faille quand même se rendre compte que c'est certain que
si, actuellement, un bon nombre de personnes, comme on l'a vu dans nos quelques
analyses, se disent: Mon assureur ne sait pas qu'il a eu une
réclamation, si, dorénavant, il a accès à ces
informations, c'est certain qu'il va peut-être y avoir une augmentation,
je ne le sais pas. Est-ce que ce seront 5 %, 10 % ou 15 % de plus qui vont
aller devant le Cour des petites créances? C'est fort possible.
M. Brouillette (Yves): J'aimerais ajouter là-dessus que
déjà, dans le contexte actuel, l'individu ou l'assuré a
intérêt à ce que son dossier corresponde à sa
perception de ce qui est vraiment survenu dans l'accident. Il ne faut pas
penser que ça va être tout à fait nouveau.
Aujourd'hui, si vous êtes impliqué dans un accident, il y a
des sommes d'argent en jeu pour vous, selon que vous êtes jugé
responsable ou non de l'accident Vous comprenez bien qu'au minimum il y a le
montant de votre franchise. Aujourd'hui, si vous êtes responsable de
l'accident, vous devez supporter le montant de votre franchise: 250 $. Une
proportion de l'ordre de 35 % des automobilistes n'ont pas d'assurance pour
leurs propres dommages à la suite d'une collision. Donc, ces gens ont
tout intérêt, s'ils croient que le jugement porté par les
assureurs ne correspond pas à la réalité, à le
contester. Il s'agit de savoir si le dommage à leur véhicule sera
payé ou non. Ce n'est pas parce qu'on va ajouter une inscription dans un
fichier que ça va changer cette situation de façon Importante.
Déjà, les assurés ont tout Intérêt à
ce que les assureurs tiennent compte de leur situation. On dit: II y en a
très peu qui vont devant les tribunaux. C'est un fait, une très
faible proportion va devant les tribunaux. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas
beaucoup de discussions, en cours de route, entre les parties. C'est entendu
que, dans un accident typique ou dans un bon nombre d'accidents, il y a deux
automobilistes qui considèrent tous les deux être non
responsables. On ne vous dit pas que c'est un petit nombre de cas. Il y a plein
de cas où les deux automobilistes considèrent qu'ils sont non
responsables, mais il y a un arbitrage qui se fait, il y a des témoins,
il y a un système qui existe déjà et il y a plusieurs cas
où les individus ont des intérêts en jeu. Ils ont leur
franchise, au moins, et, bien souvent, la valeur de leurs dommages.
Je vais aller plus loin. Si vous interrogez les gens autour de vous, la
grande majorité des gens ne sont pas conscients des changements qui sont
survenus. Notre perception est que la grande majorité des automobilistes
ont l'impression que toute cette information qu'on veut établir, nous la
possédons déjà. Interrogez des gens dans votre entourage,
tous vont vous dire que les assureurs ont, évidemment, accès
à l'information. Pour eux, cela existe déjà, cette
information. Je ne crois pas qu'il va y avoir une augmentation importante de
contestation parce que, déjà, les automobilistes ne veulent pas
être considérés responsables lorsqu'ils ne le sont pas.
Personne n'accepte d'être considéré responsable lorsqu'il
ne l'est pas. Il y a déjà beaucoup de discussions et de
négociations qui ont lieu à l'heure actuelle.
Cela peut avoir une certaine influence, mais ce qui va devant les
tribunaux aujourd'hui, c'est vraiment une très petite minorité.
L'assureur n'a pas Intérêt, dans le fond, à
comparaître devant le tribunal, devant la cour avec son propre
assuré. Il ne faut pas oublier que c'est toujours par rapport à
notre propre client. On fait affaire avec notre propre client alors
qu'auparavant on faisait affaire avec les tiers. C'est une situation
différente. Aujourd'hui, on fait affaire avec notre propre client. On a
vu tellement de ces réclama- tions qu'on sait, de toute façon,
quelle sorte de jugement le tribunal va rendre. Donc, on a simplement à
s'inspirer de la décision qu'il prendrait. Même si, des fois, on
est plus ou moins d'accord, on va dire: Cela ne me donne rien de contester,
c'est ça qui va sortir devant le tribunal. Et on va le régler
nous-mêmes, selon ce que le tribunal aurait accordé dans cette
situation. Il y en a très peu qui vont devant les tribunaux et on ne
voit pas que ça va changer parce que déjà,
l'établissement de la faute...
C'est ça qu'il est franchement Important de comprendre: on a
laissé entendre, dans bien des cas et même chez certains assureurs
on a dit: On est dans un système 'no fault". On n'est pas dans un
système "no fault" du tout en ce qui a trait aux dommages
matériels, mais pas du tout. La faute demeure et elle joue
déjà, aujourd'hui, un rôle très important. Elle
demeure dans la loi et elle demeure aussi dans l'esprit des gens. Dans l'esprit
de la population, quelqu'un qui a subi un accident est responsable de
l'accident ou I ne l'est pas. Il est en tort ou il n'est pas en tort. C'est
tout aussi Important aujourd'hui, dans la loi et dans les mentalités,
que ce l'était il y a quinze ans.
Il y a quinze ans, je pensais qu'on irait peut-être vers un
système de "no fault" dans les dommages matériels. Aujourd'hui,
il m'apparaît évident qu'on n'ira jamais vers un système
semblable parce que les mentalités n'ont pas vraiment changé en
ce qui a trait à la notion d'être responsable d'un accident ou de
ne pas être responsable d'un accident.
Le Président (M. Lemieux):
M. le ministre.
M. Fortier: Vous ne croyez pas que dans le passé, comme la
norme... On s'aperçoit, au sujet des normes - vous le dites dans votre
mémoire - que 90 % des conducteurs sont classés parmi ceux qui
n'ont eu aucun accident depuis cinq ans. Alors, on sait bien que cela ne
reflète pas la réalité. C'est soit l'assuré qui
vous donne une mauvaise information, soit l'assureur qui est de connivence. Je
ne le sais pas. mais les statistiques, en tout cas, les chiffres à
l'appui sont tels que cela ne reflète pas la réalité.
Alors, comme cela n'avait pas tellement d'importance, les gens ne contestaient
pas et ils se disaient: Mon Dieu, si j'ai un montant déductible de 250
$, pourquoi contester pour 125 $, à supposer qu'on m'ait tenu
responsable à 50 %? Pour ne pas perdre son temps pour 125 $, on laissait
passer. (17 h 30)
Par ailleurs, ce matin, les représentants de l'Association des
consommateurs du Québec nous le disaient, et je pense qu'ils avaient
raison: II n'y a pas grand monde qui sait que l'article 116 existe. Comme de
raison, une des recommandations - ça m'amène à vous poser
la question - est de dire: Si, dans l'avenir, on voulait insister davantage
là-dessus, j'imagine qu'on
aimerait que vos assurés soient mieux informés sur les
recours possibles. Ne croyez-vous pas, s'ils étaient mieux
Informés sur les recours possibles et que ça prenait plus
d'importance, parce qu'à l'avenir - vous le dites vous-même -
ça va devenir un élément plus prépondérant
dans la tarification, qu'en fait les gens vont porter plus d'attention à
leur classification et peut-être vous contesteront-ils un peu plus? Si
vous réglez ces choses à l'amiable, tant mieux. Ne croyez-vous
pas que, dans le moment, il y a une certaine ignorance des recours possibles
qui existe? Les gens, comme vous le dites, croient que c'est un système
"no fault". Ils reçoivent un chèque et se contentent de
ça.
M. Brouillette (Yves): Ce n'est pas ma perception.
M. Fortier: Non?
M. Brouillette (Yves): On dit: Les gens croient que c'est un
système "no fault". Je pense que cette perception du 'no fault", plus
souvent, ce sont les gens autour du milieu de l'assurance ou impliqués
de près ou de loin qui l'ont. Pour le grand public, bien souvent, c'est
perçu que, si on a un accident, on est responsable de l'accident. La
plupart des gens à qui on en parle ont l'impression que la subrogation
va exister et que l'assureur qui paie son client va se faire rembourser par le
tiers.
Selon nous, la majorité des gens pense que cet échange
d'information qu'on propose existe déjà. On ne peut pas penser
que du fait que ça va vraiment exister, II va en résulter une
plus grande contestation. Déjà, aujourd'hui, les gens en
général ne tiennent pas à être
considérés responsables lorsqu'ils se croient non responsables.
Je vous assure que, même si on dit que c'est seulement 125 $, je pense
que ça va plus loin que ça. Il y a un désir d'obtenir
justice et ça fait partie de la compréhension à savoir que
je suis responsable ou que je ne suis pas responsable. Ce n'est pas parce que
c'est seulement 125 $. Le partage de responsabilités, il faut bien
comprendre que c'est un bien faible pourcentage de l'ensemble des
accidents.
M. Fortier: Mais, au moment où on se...
M. Brouillette (Yves): 90 % des accidents sont
réglés à 100 % d'un côté ou de l'autre. De la
part de l'automobiliste impliqué dans un accident, aujourd'hui, il y a
un intérêt très grand à obtenir justice et à
dire: Je suis responsable ou je ne suis pas responsable de l'accident.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Fortier: Dans le système actuel, est-ce qu'il y a un
échange entre deux... Disons que la personne A est assurée avec
une compagnie d'assurances et la personne B avec une autre compagnie
d'assurances. Est-ce que, dans le fond, les deux compagnies d'assurances se
parient pour établir la responsabilité ou si c'est chaque
compagnie qui dit: Moi, je crois que tu es responsable à 50%? L'autre
peut dire: Tu es responsable à 25 %. Il n'y a pas nécessairement
un dialogue qui se fait entre les deux compagnies, dans le moment. Cela peut
s'additionner à 150 % comme ça peut s'additionner à 75 %.
C'est chaque client qui fait affaire avec sa compagnie et il n'y a pas beaucoup
de dialogue entre les compagnies pour discuter de la responsabilité.
Cela se fait entre l'individu et la compagnie d'assurances?
M. Brouillette (Yves): Tout à fait. Il peut, dans certains
cas, y avoir des discussions ou des échanges d'informations entre les
assureurs, mais il reste que la responsabilité est propre à
chaque assureur. Par rapport à mon assuré, c'est moi qui ai le
dernier mot en négociation avec lui; l'autre assureur n'a pas à
intervenir pour déterminer si mon assuré est responsable ou
non.
M. Fortier: À quoi sert le comité d'arbitrage
prévu dans la convention, à ce moment-là? Il ne sert
à rien?
M. Brouillette (Yves): On peut retenir la question et essayer de
compléter sur l'autre point, si vous voulez ajouter.
M. Medza: Oui. Il y a peut-être deux points que je vais
faire. Sur la question des personnes qui contestent le pourcentage de
responsabilité, au centre d'information du BAC, on reçoit, par
année, quelque 35 000 appels. Je pourrai vous faire parvenir, M. le
ministre, le nombre exact d'appels sur le partage de responsabilité et
sur la convention, mais ce n'est même pas digne d'un pourcentage.
Deuxième point, quant à la question que vous posez sur le
pourcentage des personnes où on dépasse 100 % où on est
inférieurs à 100 % de responsabilité, on a fait une
enquête sur les 554 dossiers, je pourrai également vous faire
parvenir cela. Il y avait deux dossiers, je pense, sur les 550 où il y
avait eu deux fois 100 % de responsabilité. Dans tous les autres,
c'était à peu près 100 %.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Avez-vous terminé, M. le
ministre?
M. Fortier: Cet après-midi, la CAA et, ce matin,
l'Association des consommateurs du Québec nous ont fait oeux
recommandations. La première, de faire en sorte ou d'exiger que les
compagnies d'assurances informent les assurés d'une façon plus
adéquate de la classification dans laquelle ils sont, expliquent leur
système de classification et, s'il y a changement de clas-
sification, disent pourquoi. La deuxième recommandation: dans un
cas où iI y a un sinistre, encore là, d'augmenter le genre et la
qualité de l'Information qui est donnée à l'assuré.
J'imagine que le Groupement n'a pas d'opposition à ce que les
assurés soient mieux informés. Dans le moment, je sais bien qu'on
peut en trouver sur la police d'assurance, dans une petite ligne en bas, une
"footnote", comme on dit, mais ce n'est pas tellement clair, ce n'est pas
tellement évident pour quelqu'un qui n'est pas habitué à
lire tes polices d'assurance. Cela pourrait sûrement l'être
davantage.
M. Broulllette (Yves): Oui et, encore une fois, il y a les
règles du marché qui prévalent. C'est entendu que, s'il y
a vraiment une attente pour davantage d'information, les assureurs vont donner
davantage d'information selon les règles du marché. Maintenant,
il peut y avoir des coûts attachés à fournir davantage
d'information. Si un assureur offre davantage d'information et qu'un autre en
offre moins, ce sont les automobilistes, au fond, qui, sur une longue
période, vont choisir qui a raison.
M. Fortier: Si on mettait ça obligatoire pour tout le
monde, tout le monde serait obligé de faire la même chose. Si on
avait un libellé sur la police d'assurance... On ne parie pas de donner
25 pages d'information, on parle d'un libellé sur la police qui serait
plus explicite.
M. Brouillette (Yves): Enfin, ce sont des formules qu'on peut
envisager. Il y a déjà des choses qui ont été
faites en ce sens. Ce n'est pas exclu.
J'aimerais revenir, si vous me le permettez, sur le conseil d'arbitrage.
Je n'ai pas répondu à votre question, tantôt. Il y a un
nombre extrêmement limité de cas qui vont devant le conseil
d'arbitrage. Je pense qu'il y a eu des années où le conseil
d'arbitrage n'a pas eu à se réunir une seule fois. Les cas qui
vont devant le conseil d'arbitrage, ce sont des cas très rares
où, la subrogation est maintenue. Si vous étudiez la convention,
si vous examinez en détail la convention d'indemnisation directe, il y a
quelques cas d'exception qui impliquent des remorques, etc. ou des polices de
garage où la subrogation entre assureurs est maintenue. Ce sont ces cas
où, de façon très occasionnelle, il y a débat entre
deux assureurs qui se sont retrouvés devant le conseil d'arbitrage, mais
c'est très minime comme utilisation. Il y a très peu de
débats entre assureurs parce que le système qui prévaut -
encore une fois, nous trouvons que ce système comporte de nombreux
avantages - veut que l'assureur règle avec son propre client, sans faire
intervenir l'assureur du tiers.
M. Fortier: MM. Brouillette et Bouchard, quant à moi, je
vous remercie de la présentation et de l'information que vous nous avez
données.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le président, ne pensez-vous pas, au fond,
qu'un grand nombre de gens, quand ils ont de petits accrochages où 1
n'est pas clair que telle partie est responsable, même si quelqu'un pense
qui ne l'est pas, de part et d'autre, même sans se le dire, ne font pas
de réclamation parce qu'ils craignent, au fond, que l'avantage qu'ils
pourraient y gagner soit perdu par l'augmentation des primes au cours des
années qui vont venir? Il est possible que le système en place
élimine un tas de petites réclamations, pas les grosses,
où les gens disaient: Aussi bien partir avec mon biscuit et faire
réparer mon automobile moi-même II attend la réaction de
l'autre avant de faire sa propre réclamation, se disant que les primes
vont augmenter pour un plus gros montant que l'argent qu'il va
récupérer de ce petit accident.
M. Brouillette (Yves): Effectivement, c'est un
phénomène qui existe. Cela existe non seulement ici, mais dans
tous les pays où il y a des systèmes de tarification
individuelle, style bonus-malus. En Europe, on a même trouvé un
terme, on parle de 'soif de bonus*. Des études sont publiées qui
démontrent qu'en Belgique, disons, la soif de bonus fait qu'une
réclamation en bas de tant de francs ne sera pas rapportée, alors
qu'en Scandinavie, c'était l'autre système. La soif de bonus est
plus grande dans ce pays-là. L'existence d'un système de
tarification individualisé, un bonus-malus, fait en sorte que les
automobilistes prendront la décision de ne pas rapporter un accident en
bas de tel ou tel seuil.
En fait, nous, comme assureurs, on ne dira pas à nos clients de
ne pas nous rapporter des sinistres. On a un contrat. Si vous avez un sinistre
de 40 $ que vous voulez nous rapporter, on ne peut pas faire autrement que
dire: Oui, monsieur, on va vous le payer. Maintenant, si vous faites le calcul
et que vous vous dites que 40 $, ce ne sera pas rentable, il n'y a rien qu'on
puisse faire pour vous empêcher de faire ce jugement, pour empêcher
l'automobiliste de juger quel comportement il doit adopter dans les
circonstances. C'est un phénomène qui existe. Cela fait en sorte,
au total, qu'il y a moins de réclamations qui sont rapportées. Si
on le regarde d'un point de vue général, il faut bien
reconnaître que rapporter à sa compagnie d'assurances un sinistre
de 50 $, ce n'est pas ce qu'il y a de plus efficace pour l'ensemble du
système. Cela nous coûte des sous pour régler ce
sinistre-là. S'il y a un système en place qui fait que les
sinistres de 50 $ sont absorbés et réglés par les gens
entre eux, je pense que c'est bénéfique pour l'ensemble de la
population, l'ensemble des automobilistes.
M. Garon: Quel est, selon vous, le pour-
centage des personnes qui ne sont pas assurées au Québec
et en Ontario? Avez-vous des données sur le nombre de personnes que vous
estimez non assurées qui circulent sur les routes au Québec? Y
a-t-il des chiffres estimant ce nombre en Ontario?
M. Broulllette (Yves): On n'a pas de données
précises pour le Québec en ce qui a trait au pourcentage de
non-assurés. Les seules sources que je peux citer, c'est, d'une part,
notre expérience comme assureurs. On vérifie toujours, lorsqu'il
y a un accident impliquant un tiers, si ce dernier est assuré. S'il
s'avérait qu'il est non-assuré, dans ce cas, il ne
bénéficie pas de la convention d'indemnisation directe. On a le
droit de le poursuivre. S'il n'est pas assuré, sa protection contre le
droit de poursuite n'existe plus, à partir du moment où il ne
contribue pas au fonds d'assurance. Lorsqu'on régie un sinistre, on
vérifie de façon systématique le fait que le tiers est
assuré. On trouve un très faible pourcentage de
non-assurés, quelque chose de l'ordre de1 %.
Cela peut être une façon un peu biaisée de mesurer
cette réalité des non assurés par le
phénomène que vous évoquiez vous-même tantôt
qu'il y a des gens qui ne rapportent pas les sinistres. On peut facilement
penser que, lorsqu'un non-assuré est responsable de l'accident, la
probabilité qu'il règle le sinistre lui-même pour ne pas
rapporter ça à qui que ce soit, est plus grande. Maintenant,
ça s'applique dans les petits sinistres. Évidemment, lorsqu'il y
a une perte de 1000 $ ou de 2000 $ et plus, le sinistre, forcément, est
rapporté. Malgré ça, notre perception est que le
pourcentage de non-assurés est très faible.
La Régie de l'assurance automobile fait aussi des
vérifications à partir d'informations qu'on lui fournit. Chaque
fois qu'un individu annule sa police d'assurance automobile en cours de
durée, on informe la Régie de l'assurance automobile, laquelle,
en collaboration avec la Sûreté du Québec, fait des
vérifications. Les conclusions qu'elle tire correspondent à
celle-là, à savoir qu'on a une proportion de non-assurés
qui est très faible.
On ne peut pas vous donner de chiffres garantis là-dessus. Si
vous trouviez une façon de mesurer qui démontrerait il en est
autrement, il faut donner ces informations-là sous toute réserve
parce qu'on n'a pas, comme assureurs, de moyens concrets de mesurer de
façon précise le taux de non-assurés.
Pour ce qui est de l'Ontario, est-ce qu'il y a des études
récentes? (17 h 45)
Mme Gagné: Pour l'Ontario et les autres provinces, les
renseignements nous sont fournis surtout par les corps policiers et par le
ministère des Transports des différentes provinces. Par exemple,
récemment, la dernière province qui a fait une étude assez
approfondie du sujet était l'Alberta. Ils s'inquiétaient parce
qu'Us avaient noté une augmentation d'à peu près 5 % de
non-assurés sur les routes. C'était surtout des motocyclistes qui
n'étaient pas assurés. C'est un problème particulier. Pour
l'Ontario, je dois dire que la situation s'est détériorée
assez rapidement au cours des cinq dernières années. Nous avons
fait des enquêtes avec les corps policiers, le Bureau d'assurance du
Canada et les assureurs et nous avons constaté que si c'était
normal, il y a cinq ans, pour l'Ontario d'avoir peut-être 7 % de
non-assurés en raison des coûts assez élevés
d'assurance et tout. Actuellement, on dit que c'est rendu jusqu'à 10 %
et 12 % à cause de l'augmentation des primes. Mais, encore, il faut
faire attention à cause du système de l'Ontario où il y a
eu un gel de prix en 1987 et peut-être actuellement que c'est à la
baisse. Ou moins, en 1987 on notait une augmentation assez importante de
non-assurés sur les routes à la suite d'enquêtes
particulières faites par les corps policiers. C'est évident qu'il
y a une situation très différente entre l'Ontario et le
Québec.
M. Garon: J'ai remarqué tantôt qu'on disait que le
nombre de bons conducteurs - on le voit d'après les statistiques - avait
augmenté considérablement depuis 1977. J'entendais le ministre
qui niait ces chiffres. Il a dit: Moi, je pense que ce n'est pas exact.
Pourquoi toujours penser que ce n'est pas exact? Au contraire, ça
pourrait être exact. Je pense, par exemple, il y a eu beaucoup de
campagnes de sécurité. Aujourd'hui, les gens sont obligés
d'être assurés. Également, un gros facteur, on dit que les
jeunes sont plus dangereux, mais le vieillissement de la population doit avoir
un effet sur la conduite automobile. On dit qu'on a une population de plus en
plus vieille, qu'on va avoir tantôt une personne sur trois qui aura plus
de 65 ans. J'imagine que cela va avoir un effet sur la conduite automobile.
Aussi, le fait d'avoir rendu l'assurance obligatoire maintenant, d'avoir
plus de contrôles par rapport aux conducteurs, rend les gens beaucoup
plus conscients des conséquences d'avoir un mauvais dossier de
conducteur.
M. Brouillette (Yves): Je pense que, malheureusement, ce n'est
pas le cas. On aimerait bien pouvoir vous dire: Oui, c'est vrai, il y en a 88 %
maintenant qu'on peut qualifier de bons conducteurs. Malheureusement, ça
ne correspond pas à la réalité. On a des chiffres
très précis là-dessus. On sait que la fréquence des
accidents impliquant des dommages par collision est de l'ordre de 12 % par
année. Cela signifie qu'il y a un conducteur sur huit, un automobiliste
sur huit environ qui est impliqué dans un accident chaque année.
Cela ne peut, d'aucune manière, faire en sorte qu'il y en ait 88 % qui
n'ont pas eu d'accident. De toute manière, simplement à voir la
réalité, penser qu'il y a 88 % des automobilistes qui n'ont pas
eu de sinistres depuis cinq ans, ça dépasse la perception qu'on
peut avoir des
choses.
Si vous me le permettez, je voudrais profiter de l'occasion pour
souligner qu'effectivement, si on étudie les tendances sur une longue
période, un peu pour les facteurs que vous avez mentionnés
tantôt, le vieillissement de la population, etc., il y a eu une
diminution de la fréquence des sinistres au cours des quinze
dernières années. Il y a eu définitivement une diminution
de la fréquence des sinistres particulièrement marquée au
début des années quatre-vingt. De 1982 à 1984, il y a eu
une amélioration très importante. Cela fait en sorte que, durant
cette période, les primes d'assurance ont diminué parce que,
malgré l'inflation, il y avait une diminution très importante de
la fréquence des sinistres. Une façon d'illustrer ça:
ça a été encore plus marqué en ce qui concerne les
victimes décédées. On sait qu'il y a déjà eu
2000 décès sur les routes au Québec, je crois que c'est en
1973, alors qu'en 1987 ou 1988 il y en eu un peu moins que de 1000. Vous voyez
l'amélioration considérable qui est survenue. Cette
amélioration a été beaucoup plus marquée en ce qui
concerne les victimes décédées qu'en ce qui concerne la
fréquence des accidents en générai. En ce qui concerne la
fréquence des accidents avec dommages matériels, iI y a eu une
amélioration mais, malheureusement, cette amélioration a
été beaucoup moins spectaculaire que celle qu'on a pu observer du
côté des accidents avec dommages corporels. Cela a
été beaucoup moins spectaculaire. Il y a eu une
amélioration, mais pas au point de justifier les 88 %,
malheureusement.
Là-dessus, j'aimerais ajouter un autre élément
parce qu'un d'entre vous a mentionné tantôt que, s'il y avait une
trop forte proportion de conducteurs avec de bons dossiers, c'est que les gens
donnaient de fausses informations. Dans certains cas, oui, mais il faut bien
voir que dans un plus grand nombre de cas, il n'y a pas de fausse information
qui est fournie. Dans une compagnie d'assurances, il y a deux types: il y a les
nouveaux risques et il y a les renouvellements. Pour les nouveaux risques,
effectivement, il y a une déclaration qui est impliquée. Lorsque
c'est un nouveau client, on lui demande s'il a eu des accidents ou s'il n'en a
pas eu. Là, il y a une déclaration. Mais la majorité de
nos clients, ce ne sont pas de nouveaux risques. Ce sont des clients qui sont
déjà avec nous. Pour eux, à chaque année, on ne
revient pas leur demander s'ils ont subi des accidents au cours de la
dernière année. On ne le sait pas. À cause de
l'indemnisation directe qui existe présentement, notre client a pu
être responsable d'un accident et causer des dommages à un tiers,
et ne jamais nous en informer. Il n'y a pas de fausse déclaration. Il
n'y a pas de malhonnêteté de sa part. C'est tout simplement que,
lui, il n'a pas subi de dommage ou il a subi un dommage inférieur
à sa franchise. Alors, il ne nous a pas informés.
C'est la statistique qu'on citait tantôt. Une forte proportion de
ces gens-là ne déclareront pas leur accident, ne nous Informeront
pas de l'accident. Il n'y a pas de fraude, il n'y a pas de mauvaise
volonté même de la part de notre assuré, sauf qu'il ne
prendra pas le téléphone, c'est entendu, pour nous dire:
Écoutez donc, j'ai eu un sinistre. On renouvelle les clients et c'est un
très grand nombre à chaque mois. Alors, 1 n'y a pas de
fausseté. C'est une table à trois pattes, à toutes fins
utiles. Il manque un pilier pour faire en sorte que le système
fonctionne de façon adéquate. Cette information ne nous est pas
fournie sans qu'il y ait fraude ou mauvaise volonté de la part de qui
que ce soit. On demande d'instaurer un mécanisme qui va nous permettre
d'obtenir cette information.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Lévis, une dernière question.
M. Garon: J'aurais une dernière question. Dans votre
esprit, qui va payer pour ce système de fichier? Comment voyez-vous
ça? Il y a des coûts à ça. Est-ce que vous avez
prévu quelque chose? Est-ce qu'il y a eu des discussions avec le
ministre ou le gouvernement concernant les coûts du système?
M. Brouillette (Yves): Enfin, 1 y a des coûts
rattachés à l'Implantation d'un fichier comme celui-là. On
n'a pas Ici d'estimation précise à vous donner, mais il y a
certainement des coûts qui y sont rattachés. Par contre, si on
compare ces coûts avec le volume, vous savez que les primes d'assurance
automobile représentent 1 500 000 000 $. Alors, si on parle de 1 000 000
$, 1 500 000 $ ou de 2 000 000 $ de coûts rattachés à
l'implantation du fichier, ça ne représente pas une proportion
très Importante du volume...
M. Garon: Non, non.
M. Brouillette (Yves):... total de primes. Mais 8 va certainement
y avoir des coûts, surtout au moment de l'implantation. Par la suite, une
fois que ça va être en place, avec l'utilisation des moyens
technologiques qui sont à la portée des assureurs, on peut penser
que les coûts vont être assez minimes. Mais, il y a des coûts
qui existent et ces coûts vont être supportés par l'ensemble
des automobilistes, de la même façon que les frais de
fonctionnement à l'heure actuelle sont répartis dans les primes.
En fait, il n'y a rien de différent dans ce cas-là.
M. Garon: Je voulais dire qui va payer, dans le sens que, s) vous
demandez l'Information, est-ce que vous vous attendez de payer pour
l'information ou si vous vous attendez qu'elle va être fournie
gratuitement par le gouvernement?
M. Brouillette (Yves): En fait, le gouvernement n'aura pas, dans
le scénario qui est con-
sidéré à l'heure actuelle, à dépenser
d'argent pour établir le fichier. On demande que l'administration soit
confiée au Groupement. Donc, le Groupement va se charger d'Investir les
sommes et ces sommes devront être récupérées des
assureurs, tout simplement.
M. Garon: On dit à l'article 177: "L'inspecteur
général des institutions financières peut requérir
de chaque assureur qu'il dépose, en la forme il prescrit, les
données statistiques et les renseignements qu'il détermine
concernant l'expérience en assurance automobile au Québec de cet
assureur ainsi que l'expérience en conduite automobile, des personnes
que ce dernier assure". Alors, il y aura sûrement des coûts pour
compiler ces dossiers-là.
M. Brouillette (Yves): M. le Président, l'article que M.
le député vient de lire existe déjà. En fait, les
pouvoirs du surintendant ou de l'inspecteur général de compiler
des statistiques existent déjà. Cette semaine, on a
présenté publiquement les résultats des statistiques des
dernières années. Elles sont compilées par l'Agence
statistique du Groupement des assureurs, en vertu d'un mandat qui lui a
été confié par l'inspecteur général, selon
cet article qui est le même article qu'aujourd'hui. Il n'y a rien de
nouveau. Il y a une base statistique qui existe sous l'autorité de
l'Inspecteur général, mais celui-ci n'a pas à
dépenser des sommes pour gérer cette base statistique, c'est fait
par l'industrie. C'est le même processus dans le cas de cette nouvelle
banque de données que ce qui existe déjà pour le plan
statistique.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que ça va, M. le
député de Lévis?
M. Garon: Cela veut dire qu'à ce moment-là il n'y a
aucun coût pour l'inspecteur général pour avoir cette
banque de données chez lui.
M. Fortier: On est très efficaces.
M. Bouchard (Jean): L'imagination. L'imagination, on a
pensé à ça.
M. Garon: II y a combien de temps que ça marche comme
ça?
M. Bouchard (Jean): Depuis rétablissement du
régime...
M. Fortier: 1978.
M. Bouchard (Jean):... l'établissement de la
réforme, 1978.
M. Fortier: II a voté pour ça au Conseil des
ministres et il n'est même pas au courant.
M. Garon: Je ne suis pas au courant de tous les systèmes
au gouvernement. Vous voyez que l'ancien gouvernement était
efficace.
M. Brouilllette (Yves): M. le Président, ça va plus
loin que ça.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Brouilllette (Yves): J'aimerais simplement ajouter, M. le
Président, que ça va plus loin que ça. Même le
service de l'Inspecteur général ne coûte rien au
gouvernement puisqu'il est financé par les sommes qui sont
perçues par des compagnies d'assurances.
M. Fortier: Ne commencez pas un débat, le
député de Lévis aurait un autre débat
là.
Le Président (M. Lemieux): Alors vous avez terminé,
M. le député de Lévis.
M. Garon: Oui.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie de votre
collaboration et de votre comparution.
J'autorise le dépôt des documents du Groupement des
assureurs et du Bureau d'assurance du Canada.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise à 20 h 13)
Le Président (M. Bélisle): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission du budget et de l'administration est réunie, en
consultations particulières, pour continuer l'étude du projet de
loi 133, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile. Nous en étions
rendus à demander aux intervenants de la Commission d'accès
à l'information du Québec de prendre place et de nous faire leur
présentation, tout en nous indiquant le nom des intervenants.
Bonjour.
Commission d'accès à
l'information
M. O'Bready (Jacques): Alors, je vous remercie, M. le
Président. Jacques O'Bready, président de la Commission
d'accès à l'information. Je suis accompagné de Me
André Ouimet, qui est le directeur des services juridiques.
Je pense que les membres de la commission ont reçu copie de
l'avis que nous avons transmis à la commission. Cet avis est un peu
laconique, évidemment. Je pense qu'il parte de lui-même. Nous
soulignons dans l'avis, évidemment, que nous avons déjà
fait au ministre responsable du projet de loi certaines recommandations dont la
majorité a été respectée, quatre sur cinq, pour
être plus précis.
Une voix: Une bonne moyenne.
M. O'Bready: II reste une disposition, évidemment,
concernant la confidentialité et c'est l'essence de l'avis que nous vous
avons transmis. Donc, à moins que les membres de la commission
n'insistent pour que je lise cet avis, nous sommes à la disposition de
la commission pour répondre aux questions sur la portée de ces
commentaires.
Le Président (M. Bélisle): Je vous remercie, M.
O'Bready. Est-ce que quelqu'un demande ou exige que la lecture soit faite? M.
le député de Lévis?
M. Garon: Je n'exige rien; je l'ai reçu et je l'ai lu.
Le Président (M. Bélisle): Cela va. On peut engager
tout de suite la discussion. Cela va nous laisser plus de temps pour la
discussion.
M. Garon: Oui.
Le Président (M. Bélisle): M. le ministre
M. Fortier Oui. Merci, M. O'Bready. Comme vous l'indiquez dans
votre avis, il y a eu, effectivement, discussion entre les fonctionnaires de
l'inspecteur et la Commission d'accès à l'information et son
personnel. De fait, le seul point qui est resté en suspens est la
question de protéger la confidentialité de l'Information. La
seule chose qui nous a fait hésiter, à un moment donné, au
Comité de législation était le fait qu'il s'agissait de
sanctionner, éventuellement, des gens du secteur privé qui
utiliseraient cette information. Comme vous le savez, ce sujet est à
l'étude au ministère de la Justice qui, éventuellement,
à la suite du rapport de la commission de la culture, devra statuer
là-dessus.
Néanmoins, je suis allé au Comité de
législation cette semaine, nous avons adopté le papillon dont je
viens de vous donner copie qui sera ajouté au projet de loi.
Effectivement, ils seront pénalisés. 'L'assureur qui utilise ou
tolère que soit utilisé autrement qu'à des fins de
classification ou de tarification un renseignement qui lui a été
transmis en vertu de l'article 179. 1 est passible d'une amende de 575 $
à 5750 $. " Et l'article 169. 2 qui dit: 'Quiconque, sciemment, donne
accès à un renseignement transmis en vertu de l'article 179. 1,
communique un tel renseignement ou en permet la communication sans avoir obtenu
de la personne concernée l'autorisation de le divulguer à une
personne déterminée ou sans avoir reçu l'ordre d'une
personne ou d'un organisme ayant le pouvoir de contraindre à leur
communication est passible d'une amende de 200 $ à 1000. "
Bien sûr, le but de cet article serait d'alerter les utilisateurs
et de les informer à l'avance qu'il y aurait pénalité,
poursuite éven- tuelle et sanction éventuellement et irait, je
crois, dans le sens de votre demande. Bien sûr, vous indiquez dans votre
avis qu'il s'agit là d'une certaine dérogation dans la mesure
où, normalement je pense bien que la Commission d'accès à
l'information ne désirerait pas qu'on utilise des dossiers privés
de cette façon-là. Mais vous Indiquez que, dans la mesure
où les parlementaires seraient d'avis que ce sera dans le meilleur
intérêt des citoyens, si cela pouvait permettre, entre autres, des
réductions de primes d'assurance, à la condition que le processus
qui entourerait l'utilisation de ce fichier maître soit comme celui qui a
été défini dans la loi et avec cette clause de
pénalité, en conséquence, vous seriez plutôt
d'accord à nous laisser procéder dans ce sens-là. J'ose
espérer que ça rencontre vos désirs.
Le Président (M. Bélisle): M. O'Bready.
M. O'Bready: C'est exact, M. le Président.
Évidemment, dans l'avis, on a dit que ce n'était peut-être
pas notre boulot de nous prononcer sur l'opportunité, je ne sais pas,
sur l'avantage des citoyens d'avoir ce genre de système là. Ce
qu'on a souligné c'est que - et vous regarderez peut-être le
dernier paragraphe de notre avis - c'est: 'Face à ces problèmes,
la Commission suggère donc que les assureurs et toute personne ayant
accès en leur nom à la banque de données soient
spécifiquement et législativement assujettis à une
règle de confidentialité des renseignements en cause et aussi
à une règle limitant l'usage des renseignements aux fins
prévues par la loi. " Le tout, évidemment, assorti d'une
sanction.
Alors, je dois vous souligner, M. le Président, que la Commission
comme telle n'a pas à se prononcer sur l'opportunité de cette
décision sur le plan politique ou de ses avantages pour les citoyens,
mais simplement sur le respect de la vie privée. Elle doit surtout
s'assurer que les données qui sont compilées dans cette
banque-là ne serviront pas à des fins autres que celles pour
lesquelles cela a été déterminé. Alors, je pense
que, pour autant que l'avis de la Commission est concerné, cela pourra
satisfaire, du moins à première vue, nos exigences.
Le Président (M. Bélisle): Merci. M. O'Bready. M.
le ministre.
M. le député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, je voudrais poser une question
à M. O'Bready. Du fait que le fichier existe et que des données y
soient inscrites, un employeur pourra toujours demander à quelqu'un qui
pose sa candidature à un poste: Je vous demande de produire votre
dossier de conduite tel qu'enregistré au fichier, de la même
façon qu'une demande, par exemple, de dossier médical. La
personne qui refusera, quels que soient les motifs, pourra voir l'employeur ou
la
personne susceptible de l'embaucher dire: S'il ne veut pas produire ce
dossier, j'écarte sa candidature. Dès que quelqu'un est
fiché ou classé, qu'il y a des rapports sur lui depuis un certain
nombre d'années et un historique de son dossier de conducteur, il est
susceptible de se faire demander de produire son dossier. C'est évident
qu'on ne pourra pas aller là soi-même, mais on pourra exiger que
la personne produise ce dossier elle-même. Il peut y avoir des
conséquences sur ce plan parce que certains renseignements peuvent
amener à induire un comportement de la personne, même si ce n'est
pas vrai. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. O'Bready: M. le député, c'est là le sens
des représentations de la commission lorsqu'on dit que les
renseignements ne doivent servir que pour les fins pour lesquelles ils ont
été colligés. Si vous regardez la loi d'accès dans
sa teneur actuelle on dit qu'on peut coiliger des renseignements et constituer
un fichier pour des fins tout à fait précises. On dit
également que les personnes qui peuvent consulter ce fichier-là
sont tout de même limitées. Alors, les représentations que
nous faisons sont, évidemment, dans le même sens. Nous sommes fort
conscients que les assureurs sont du domaine privé et que le domaine
privé n'est pas actuellement assujetti à la loi. On dit quand
même que, comme c'est constitué par le pouvoir public, les
renseignements de ce fichier ne doivent servir qu'aux fins pour lesquelles Us
ont été colligés ou ramassés. On pourrait prendre
quelques minutes pour l'examiner - à première vue, je suis
porté à dire que cela pourrait atteindre nos objectifs. Par
exemple, on dit: "Quiconque, sciemment, donne accès à un
renseignement transmis en vertu de l'article 179, communique un tel
renseignement ou en permet la communication sans avoir obtenu de la personne
concernée l'autorisation...". Cela me semble, à première
vue du moins, atteindre nos objectifs.
Le Président (M. Bélisle): M. le
député de Lévis.
M. Garon: Dans votre mémoire, les pages ne sont pas
numérotées, mais dans le paragraphe relatif à l'atteinte
au respect de la vie privée, vous dites: "Ce qui surprend à
première vue, c'est que cette circulation d'information
résulterait d'une intervention de l'État pour répondre
à un besoin du secteur privé, celui de l'assurance
automobile".
M. O'Bready: Oui.
M. Garon: Le Bureau d'assurance du Canada qui est venu cet
après-midi nous a dit que ce serait le seul endroit en Amérique
du Nord qui aurait un tel fichier constitué, à toutes fins
utiles, par un organisme d'État qui fournirait des renseignements sur
les individus. Si personne en
Amérique du Nord n'a jugé bon de faire un te) fichier...
Vous, je vois que vous commencez votre phrase par "Ce qui surprend à
première vue... J'ai demandé, par exemple, aux gens de
l'assurance: Pourquoi ne faites-vous. pas le fichier si vous dites que c'est
bon? Pourquoi ne faites-vous pas une entente entre vous? On nous a dit: II y a
la concurrence et tout ça. Ce que je crains, ce n'est pas tellement
qu'on dise que cela ne servira pas à d'autres fins, c'est le fait qu'l
existe. Des gens pourront dire: On veut le voir. Si vous ne nous le produisez
pas, vous assumerez les conséquences de quelqu'un qui ne le produit
pas.
Je remarque que, dans votre texte, vous dites: "Ce qui surprend à
première vue, c'est que cette circulation d'information
résulterait d'une intervention de l'État pour répondre
à un besoin du secteur privé, celui de l'assurance automobile."
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
M. O'Bready: Écoutez, mon seul commentaire, M. le
député, c'est que ce qui est écrit là est
écrit, mais je pense qu'on nuance quand même. Si vous lisez le
deuxième paragraphe, on dit: "Néanmoins, du point de vue des
citoyens, l'effet escompté de cette législation est une
réduction des primes d'assurance pour la majorité d'entre eux.
N'ayant pas l'expertise nécessaire pour évaluer si l'intervention
proposée aurait cet effet, la Commission a déjà
avisé le ministre qu'elle laisse aux parlementaires le soin d'en juger
et s'en tient, dans le présent avis, à signaler au
législateur que le projet affecte la vie privée de la plupart des
citoyens, puisqu'un assureur pourra désormais avoir accès,
auprès de l'Inspecteur général des Institutions
financières ou d'une agence sous son autorité, à des
renseignements concernant l'expérience de conduite d'un conducteur."
La Commission étant un organisme qui voit non seulement au
respect de la loi, mais à la protection de la vie privée des
citoyens et des citoyennes du Québec, évidemment, je pense que
nous n'avons pas à nous prononcer comme tel sur l'opportunité
politique, entre guillemets, de ce genre d'intervention. Je crois qu'il
appartient aux parlementaires de le faire.
Nous attirons votre attention sur certains dangers quant à la
protection de la vie privée. Un de ces dangers, c'est que la banque qui
est constituée pour les assureurs, à laquelle les assureurs ont
donc accès, pourrait servir à des fins autres que celles
définies dans la loi. Ce dont nous voulions nous assurer, c'est,
justement, qu'il y ait certaines précautions et même certaines
sanctions.
C'est tout ce que je peux vraiment ajouter. Je pense que nous avons
été assez explicites à la deuxième page de notre
avis en parlant de "l'atteinte au respect de la vie privée." Alors, on
fait un peu le bilan des avantages et des inconvénients.
M. Garon: Concernant les avantages escomptés de
réduction de prime, jusqu'à maintenant, personne parmi ceux qui
sont venus nous rencontrer ne nous a confirmé ça. Personne n'a
dit que les gens pouvaient compter sur ça. J'ai cru comprendre, au
contraire, qu'il y aurait peut-être une prime additionnelle à
payer de la part de ceux qui auraient un mauvais dossier, mais personne n'a
été capable de nous garantir qu'il y aurait une réduction
de prime pour ceux qui auraient un bon dossier.
Indépendamment de ça, comme Commission d'accès
à l'information, considérez-vous utile, souhaitable, que l'on
constitue des dossiers sur les citoyens dans des domaines où la
nécessité n'est pas démontrée? On nous dit qu'on a
actuellement le meilleur système en Amérique du Nord. C'est ce
qu'on nous a dit cet après-midi. Par ailleurs, nulle part en
Amérique du Nord il n'y a de tels fichiers montés de la
façon dont on parie dans le projet de loi. Las compagnies d'assurances
fonctionnent sans de tels fichiers.
Dès qu'il y a un fichier sur quelqu'un, officiellement - je
comprends que vous voulez protéger la vie privée des gens -
n'importe qui peut vous demander de le produire, en disant. Si vous ne voulez
pas le produire, c'est parce que vous en avez honte. Il peut arriver n'importe
quoi avec ces fichiers. Par exemple, si on démontre qu'habituellement
vous avez des accidents à 2 heures du matin, on va supposer des choses.
À partir d'un fichier, avec un paquet de renseignements, on peut
supposer toutes sortes de choses sur la vie privée des gens. Comme
Commission d'accès à l'information, trouvez-vous normal ou sain
qu'on monte un fichier alors que toute l'industrie de l'assurance dans le reste
de l'Amérique du Nord ne sent pas le besoin d'en avoir un?
M. O'Bready: M. le Président, évidemment, je ne
suis pas un spécialiste en matière d'assurance. C'est bien
évident que comme Commission non seulement d'accès à
l'information, mais de protection des renseignements nominatifs, on se pose des
questions chaque fois qu'on veut constituer un fichier sur la vie privée
des personnes. Il est évident que la majorité de ces fichiers est
présentement créée ou constituée par le secteur
privé, lequel, au moment où on se parle, n'est pas régi
par notre loi. Un comité interministériel chapeauté par le
ministère de la Justice étudie présentement cette
question. La Commission d'accès à l'information comme telle est
membre de ce comité, a des représentants à ce
comité et se préoccupe, bien sûr, de la protection de la
vie privée.
Maintenant, je pense que notre avis parle de lui-même. Si on
n'était pas préoccupés d'intrusion possible dans la vie
des Québécois et des Québécoises, c'est bien
sûr qu'on ne serait pas ici, ce soir, pour dire: On est un peu inquiets
de savoir à quelles fins serviront les renseignements qui seront
compilés ou colligés dans ce genre de banque dont l'Inspecteur
général des Institutions financières aura la
responsabilité. Ce qui est Important pour nous, c'est d'attirer votre
attention sur la nécessité d'avoir des mesures qui, d'une part,
garantissent que les Informations qui sont dans ce fichier ne serviront pas
à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été
ramassées ou colligées; d'autre part, si, évidemment, il y
a des infractions à cette règle, que ce sera sanctionné
par certaines mesures. (20h30)
Mais, pour répondre à la question du député,
c'est évident que nous sommes préoccupés. Je pense que ce
n'est pas à nous de déterminer les avantages - je
répète ce que j'ai dit au début de mon intervention - et
s'il y a vraiment des épargnes pour les citoyens du Québec en
termes de prime, de tarification ou de classification. La Commission
d'accès n'a pas d'actuaires à son service. Elle ne peut pas
déterminer cela. J'imagine que d'autres intervenants plus
qualifiés que moi peuvent se prononcer sur cet aspect.
M. Garon: Une dernière question: Trouvez-vous normal que
la responsabilité de cette question soit confiée à
l'Inspecteur général des institutions financières, dont la
principale préoccupation est la solvabilité des institutions
financières et qui n'a pas de responsabilité particulière
par rapport aux individus? On dit bien: L'inspecteur général des
Institutions financières alors que l'assurance automobile, d'une
façon générale, relève beaucoup plus de la
Régie de l'assurance automobile que du gardien des institutions
financières. L'inspecteur général des institutions
financières étant, par fonction, préoccupé de la
bonne santé financière des Institutions financières,
ça fait curieux que le dossier des assurés relève de
l'Inspecteur générai des institutions financières
plutôt que de la Régie de l'assurance automobile.
Le Président (M. Bélisle): M. le
député de Lévis, voulez-vous nous répéter
ça?
M. Fortier:... On est à la veille de rendre la tôle
responsable.
Le Président (M. Bélisle): M. le ministre.
M. Garon: L'article 179. 1 le dit bien: "L'inspecteur
général des institutions financières peut, à des
fins de classification et de tarification, communiquer, à tout assureur
agréé qui en fait la demande, en vue de l'émission ou du
renouvellement d'une police d'assurance automobile, les renseignements
suivants... " Suit la liste des renseignements.
Par sa fonction, l'inspecteur général des institutions
financières est quelqu'un qui surveille les institutions
financières. Ce n'est pas un protecteur du consommateur qu'est
l'assuré.
L'inspecteur général des institutions financières
est responsable de surveiller les institutions financières, alors que
dans sa fonction d'assuré, l'assuré est un consommateur.
M. Fortier: Vous dites ça sans rire.
M. Garon: Non, c'est certain. Les personnes humaines dans le
système dans lequel on vit actuellement... On a l'impression d'arriver
de plus en plus à un système policier. Tout le monde sait
ça. Actuellement, la protection de la vie privée, c'est de faire
en sorte qu'on arrête de monter des dossiers sur tout le monde et de
faire circuler les dossiers. C'est la réalité. En Allemagne
nazie, tout le monde était fiché. Je pense qu'il n'est pas sain
de ficher tout le monde sous différentes coutures et que les dossiers
puissent... Je comprends qu'il y aura des amendes, mais il y aura des
renseignements qui circuleront sur des gens. Ce sera à tel bureau de
crédit, à tel bureau, ce sera son dossier médical;
ailleurs, ce sera le dossier de conduite et, après ça, on fera
des concours et on dira: Produisez donc, s'il vous plaît - si vous ne
voulez pas, il n'y a pas de problème, sauf que, votre candidature, on va
la mettre de côté - votre dossier médical, votre dossier de
conducteur, tel dossier, tel dossier et après on évaluera
ça. C'est quoi si ce n'est pas un système policier?
Une voix: Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est un
système policé, si ce n'est pas policier.
M. Garon: Une fois que ces dossiers sont là, les gens les
interprètent. Je parlais tantôt d'une compagnie d'assurances, par
exemple; vous pouvez faire un certain nombre d'accidents, vous n'êtes
responsable dans aucun cas. La compagnie d'assurances dit: Oui, vous
n'êtes jamais responsable, sauf que vous n'êtes pas bien bons dans
la prévention. Si vous aviez une conduite plus défensive, vous
n'auriez pas autant d'accidents. On supposera que vous vous mettez dans des cas
d'accident parce que vous n'êtes pas assez prévoyant. C'est cela
qu'ils font actuellement. Et cela contribue à faire augmenter les
primes. Quand on a un dossier et qu'on le fait circuler... Je ne le dis pas
d'une façon méchante.
L'autre jour, je donnais l'exemple de quelqu'un qui avait
stationné son automobile. Une boîte à déchets en
métal de restaurant a roulé sur l'automobile. J'ai
remarqué les questions qu'on a posées à cette personne. On
a dit: Pourquoi as-tu mis ton automobile là? La personne a
répondu. Je ne pouvais pas imaginer que la poubelle roulerait. On a dit:
Oui, mais si tu l'avais mise ailleurs, peut-être... Tout de suite, on a
pensé que la personne était un peu coupable d'avoir
été frappée par un objet qui s'est mis à rouler sur
le trottoir alors qu'elle n'était pas dans son automobile. Par exemple,
quelqu'un met son automobile à côté du Parlement. La glace
tombe sur son toit. On lui dit: Oui, mais tu la voyais, la glace. Elle dit:
Oui, mais c'est le stationnement qu'on m'a affecté.
À partir d'une série d'accidents qui peuvent arriver
où une personne n'est pas en cause, on va établir qu'elle a
peut-être un mauvais jugement. Pourquoi? Parce que le dossier va
être interprété, évalué. Je ne parle pas
seulement pour les fins d'assurances, mais parce qu'il existe, on va demander
de le produire. Ensuite, parce qu'on l'aura produit, on va le regarder. Et,
à partir de renseignements soi-disant neutres, on va commencer à
évaluer la personne, son comportement, sa façon de faire les
choses. Si l'industrie de l'assurance automobile, dans tout le reste de
l'Amérique du Nord, n'a pas besoin d'un tel fichier, pourquoi
l'industrie de l'assurance automobile du Québec en aurait-elle
besoin?
Le Président (M. Bélisle): M. O'Bready, à
vous la parole.
M. O'Bready: M. le Président, je ne voudrais pas
intervenir sur le fond du dossier en ce qui concerne les assurances ou la
responsabilité des assurés. Je voudrais simplement indiquer aux
membres de la commission que la Commission d'accès à
l'information, à un moment donné, a fait des
représentations où on disait: "Que soient législativement
mieux définis et circonscrits les renseignements personnels qui seront
colligés et diffusés; que soient prévues des normes
particulières quant à la conservation des renseignements
personnels en cause afin que le dossier de conduite d'un conducteur porte sur
une période de temps raisonnable, etc. "
M. le Président, je l'ai dit de façon assez claire
tantôt: Je pense que la Commission ne s'attribue pas l'expertise de
déterminer si l'effet escompté de la loi pour les citoyens est
vraiment un plus ou un moins. Nous n'avons pas les personnes-ressources pour
évaluer, par exemple, en termes de classification ou de tarification, si
le dossier, au mérite ou au démérite, va profiter aux
citoyens du Québec, aux conducteurs ou aux conductrices du
Québec. Je pense que c'est le boulot d'autres personnes.
Ce qui nous préoccupe, comme Commission - et c'est
peut-être le deuxième volet de notre mission de protection de la
vie privée - c'est si cette banque qui est constituée, qui
comprend toute une série de renseignements, sera accessible à des
personnes autres que celles qui ont l'autorité pour le faire et,
deuxièmement, si les renseignements qui sont dans cette banque serviront
à des fins autres. Alors, pour assurer cette espèce de
confidentialité dont j'ai parlé au début de mon
intervention, nous avons suggéré certaines mesures, certaines
règles du jeu. Honnêtement, je ne peux vraiment pas vous
répondre autre chose que de vous dire que notre préoccupation,
comme Commission, c'est de nous assurer que les renseignements qui sont
contenus
là ne seront pas divulgués pour des fins autres que celles
pour lesquelles ils ont été compilés. Deuxièmement,
que les personnes qui se rendraient coupables d'Infraction à cette
règle, évidemment, seraient sujettes à des sanctions.
Pour répondre à M. le député, je lui dirai
que la Commission est toujours préoccupée de la constitution ou
de la construction de ces banques de données qui existent à la
fois dans le secteur public et, bien évidemment, dans le secteur
privé et peut-être plus dans le secteur privé. C'est
peut-être le défi des prochains mois ou des prochaines
années que de s'assurer que la protection de la vie privée ne
regarde pas uniquement les organismes qui sont assujettis à la loi
actuellement, mais également peut-être certains organismes du
secteur privé. Je répète, M. le Président, qu'il y
a déjà un comité interministériel, sous le chapeau
de la Justice, qui se préoccupe de cette question. On est prêts
à apporter notre contribution, mais je pense que ce n'est pas notre
rôle, comme Commission, de prendre les décisions. Voilà,
c'est une question d'opportunité politique qui appartient aux
parlementaires.
Le Président (M. Bélisle): Très bien, M.
O'Bready. M. le député de Lévis, d'autres questions?
M. Garon: Merci.
Le Président (M. Bélisle): Pas pour le moment. M.
le ministre.
M. Fortier: Juste deux commentaires. Le premier, c'est que le
député de Lévis revient toujours avec la même
phrase: "C'est le seul endroit en Amérique du Nord. * Je pense que, cet
après-midi, on a expliqué qu'effectivement il y avait peu
d'endroits en Amérique du Nord où il y avait un système
comme celui qui existe au Québec, le "no fault" pour les blessures
corporelles et l'indemnisation directe pour les accidents et pour les sinistres
matériels. En conséquence, du fait de cette
spécificité de la loi, on fait face à des problèmes
spéciaux.
Le deuxième point, le député de Lévis a fait
état des responsabilités de l'inspecteur dans le secteur de
l'assurance automobile. Je sais qu'il existe un décret qui fait en sorte
que la loi... Il est vrai que la loi générale sur l'assurance
automobile relève du ministre des Transports, mais j'aimerais, M.
l'inspecteur, que vous disiez à la commission, à titre
d'information, quelles sont vos responsabilités dans le secteur plus
spécifique de l'assurance automobile et quels sont les titres de la loi
qui sont sous votre juridiction ou sous la juridiction du ministre qui
répond de vos actions en Chambre.
M. Bouchard (Jean-Marie): Effectivement, la Loi sur l'assurance
automobile, au tout début, était confiée à un seul
ministre, ce qui faisait que les titres VI et VII de cette loi ne
créaient pas de difficulté. Mais par suite de la division des
responsabilités ministérielles, le ministre des Transports est
responsable de la loi, sauf pour les deux dispositions qui traitent, entre
autres, au titre VII, des pouvoirs de l'Inspecteur général et, au
titre VI, du Groupement des assureurs automobiles et de l'établissement
de l'Office des statistiques. Donc, toute la responsabilité de
l'administration de cette partie de la loi qui concerne les dommages
matériels ne relève pas du ministre des Transports, elle
relève du ministre des institutions financières pour les
responsabilités qui sont données à l'Inspecteur
général. Le Groupement des assureurs automobiles, qui est
créé par la Loi sur l'assurance automobile, tombe sous la
responsabilité du ministre des Institutions financières.
Le Président (M. Bélisle): D'autres questions, M.
le député de Lévis? M. le ministre, des commentaires?
M. Fortier: Merci, M. O'Bready d'avoir pris la peine de vous
déplacer. Je vous remercie.
M. O'Bready: C'est moi, M. le Président, qui remercie les
membres de la commission de nous avoir reçus et d'avoir
considéré notre avis. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélisle): M. le
député de Lévis. Merci d'avoir été
présents devant nous.
Je vois M. Léveillée qui est là-bas. Nous allons
suspendre quelques secondes pour permettre à notre prochain intervenant
de s'approcher de la table des témoins.
(Suspension de la séance à 20 h 43)
(Reprise à 20 h 45)
Le Président (M. Bélisle): Nous avons devant nous
M. Léveillée, président de la Ligue de taxis de
Montréal. Bienvenue, M. Léveillée. c'est à votre
tour.
Ligue de taxis de Montréal
M. Léveillée (Gilles): Bonjour, M. le
Président, bonjour, M. le ministre. Je parle ici au nom des membres du
conseil d'administration de la ligue de taxis de Montréal. Nous n'avons
pas eu le temps de consulter toutes les ligues de la province de Québec.
Il y en a 44. Vous comprendrez qu'avant de réunir un nombre de personnes
et d'avoir leur opinion c'est très difficile. Nous tenons à
remercier tous les membres de la commission parlementaire qui nous permettent
de donner notre appréciation sur le projet de loi 133.
Au début de l'année 1988, l'honorable Marc-Yvan
Côté mandatait le député de Jeanne-Mance.
Me Michel Bissonnet, pour former un comité qui ferait le point
sur la question des assurances dans l'industrie du taxi. À la suite de
sa nomination, le député de Jeanne-Mance, Me Michel Bissonnet
nous invitait à participer activement aux réunions de ce
comité. Ayant accepté cette invitation nous avons pris part
à toutes les réunions dudit comité.
Après avoir étudié des renseignements et des
statistiques de toutes sortes, plusieurs conclusions en sont ressorties. Nous
aimerions attirer votre attention sur celle dont il est fait mention en page 18
du rapport Bissonnet que nous nous permettons de citer: "Au-delà de ces
considérations statistiques prises dans leur ensemble, on constate
cependant, avec l'expérience, que le régime d'indemnisation
directe et la non-subrogation ont introduit un biais dans le cas de certains
dossiers. "Auparavant, on n'augmentait pas la prime d'un conducteur principal
ou d'un propriétaire impliqué dans un accident dont il
n'était pas responsable. Avec l'entrée en vigueur de la
convention d'indemnisation directe et l'élimination de la subrogation
entre assureurs, l'Information touchant des conducteurs a fait place à
une information confirmant seulement "l'implication dans un sinistre". Les
accidents où l'on n'est pas responsable portent donc plus à
conséquence qu'auparavant, de telle sorte que certains individus
malchanceux doivent payer des primes d'assurance automobile très
élevées, même s'ils ne sont pas responsables des accidents
dans lesquels leur véhicule est impliqué.
Pour corriger ce biais, le Groupement des assureurs automobiles et le
Bureau d'assurance du Canada recommandaient en juillet 1987 à
l'Inspecteur général des institutions financières et
devant la commission sur la Loi sur l'accès à l'information et
à la protection des renseignements personnels, en février 1988,
la mise sur pied d'un fichier central des sinistres dans lequel seraient
consignées toutes les réclamations des conducteurs. Ces
données indiqueraient la responsabilité des conducteurs dans
chaque accident permettant ainsi de tarifer de façon plus
équitable chacun des assurés. "Ce biais que nous avons
décrit n'affecte évidemment pas uniquement l'industrie du taxi
mais l'ensemble des conducteurs automobiles. " Excusez, est-ce que vous voulez
en avoir d'autres copies?
Le Président (M. Bélisle): II semble que le
député de Jonquière et d'autres députés ici
n'ont pas eu de copie. Peut-être qu'on pourrait juste faire une petite
distribution de cadeaux amicalement là.
M. Fortier: Ils en ont distribué une dizaine de copies cet
après-midi, je ne sais pas où elles sont.
M. Dufour:... prendre des notes.
Le Président (M. Bélisle): Vous avez raison, M. le
député de Jonquière.
M. Dufour:... tout ce qu'il faut... M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Bélisle): Au nom de la commission,
J'accepte, M. Léveillée, le dépôt du document pour
faciliter notre bonne compréhension à tous. Allez-y, M.
Léveillée.
M. Léveillée: Ces données indiqueraient la
responsabilité des conducteurs dans chaque accident permettant ainsi de
tarifer de façon plus équitable chacun des assurés.
Ce biais que nous avons décrit n'affecte évidemment pas
uniquement l'industrie du taxi mais l'ensemble des conducteurs automobiles du
Québec. Néanmoins, après un examen attentif de la
proposition du Groupement des assureurs automobiles, le Comité de
travail sur les assurances dans l'industrie du taxi recommande la mise sur pied
d'un fichier central des sinistres dans lequel serait consigné notamment
le degré de responsabilité, selon la convention d'indemnisation
directe, de chacun des conducteurs impliqués dans chacun des sinistres
automobiles au Québec, permettant ainsi une tarification individuelle
plus équitable liée au risque et au dossier d'accidents dont la
personne est responsable. "
Le projet de loi 133 apporte une correction qui, effectivement,
permettra aux assureurs de modifier cette situation d'eux-mêmes car,
advenant le cas où certains assureurs ne se serviraient pas de l'article
179. 1 pour déterminer leur tarification, le législateur n'aurait
d'autre choix que de l'imposer.
Nous citons un passage du rapport sur la tarification en l'assurance
automobile produit par l'Inspecteur générai des institutions
financières en 1987: L'analyse des manuels de tarifs
déposés auprès de l'Inspecteur général
démontre la justesse de la critique très répandue selon
laquelle les assureurs exigent des surprimes de leurs assurés qui
subissent des accidents non responsables. Bien sûr, les assureurs ne
fonctionnent pas tous de cette façon et certains ne haussent pas la
prime de leurs assurés dès la survenance d'un premier sinistre
sans responsabilité. Il reste néanmoins que la majorité
des assureurs imposent une surprime à leurs assurés pour des
sinistres dont ils ne sont pas responsables. Des plaintes
déposées auprès de l'Inspecteur général
démontrent dans certains cas des surprimes astronomiques ou même
le refus d'assurer. "Mais ce qui ressort avec le plus d'acuité de cette
brève étude sur les rabais, c'est l'ampleur que prennent les
rabais basés sur l'expérience de réclamations. C'est le
rabais qui a le plus d'impact sur le niveau des primes et, comme on l'a vu, la
majorité des assureurs considèrent les sinistres sans
responsabilité parmi
les critères régissant l'accès à ces rabais.
Une réclamation sans responsabilité de la part de l'assuré
est traitée de façon équivalant à une
réclamation pour laquelle l'assuré est responsable en
totalité ou en partie. "Le consommateur québécois a de la
difficulté à comprendre que, dans un régime à base
de responsabilité en matière de dommages matériels, ce qui
est le cas au Québec, ii ait à subir des hausses de la prime
parce qu'il a été impliqué dans un accident dont il n'est
pas la cause. Il a raison de ne pas comprendre parce que, imperceptiblement,
mais véritablement, on introduit un régime sans faute. Si tel
doit être le système, encore faudrait-il que le public en soit
informé et surtout que les règles de base soient
transformées. Les assureurs devraient en être conscients et
prendre les mesures appropriées, au moins dans les cas flagrants
d'absence de responsabilité, s'ils veulent éviter l'intervention
de l'autorité publique. "
Le projet de loi prévoit que la résiliation d'un contrat
pour un assureur, en cas d'aggravation au risque prendra effet quinze jours
après la réception de l'avis de résiliation. À
notre avis, cette période de quinze jours est trop courte pour toutes
sortes de raisons et elle devrait être portée à 30
jours.
Quant à l'article 183. 1, nous sommes d'accord que sa mise en
application est d'intérêt public. L'article 177 prévoit que
les renseignements concernant l'expérience en conduite automobile des
assurés couvriront les dix dernières années. Cette
période de dix ans nous fait craindre que les assureurs puissent
éventuellement profiter de cette longue expérience pour augmenter
indûment les primes des assurés. Dans la conjoncture actuelle, du
moins en ce qui concerne les taxis, les assureurs demandent à tout
nouvel assuré son expérience d'assuré des cinq
dernières années pour établir une prime initiale. Nous
croyons qu'une période de dix ans est beaucoup trop longue et qu'elle
devrait être réduite à cinq ans. Nous croyons fermement que
la réduction de cette période à cinq ans aura comme
conséquence de permettre aux assureurs une action beaucoup plus punitive
et dissuasive envers les conducteurs négligents nu imprudents. En effet,
une augmentation de primes amortie sur une période de cinq ans, à
la suite d'un accident responsable, a beaucoup plus d'impact dissuasif qu'une
augmentation amortie sur une période de dix ans. L'aspect
économique de cette situation risque de provoquer auprès de ce
type de conducteur une prise de conscience quant à sa façon de
conduire et, par ricochet, l'inciter à une plus grande prudence sur la
route s'il aspire un jour revenir à sa prime initiale.
De toute évidence, le projet de loi 133 permettra de corriger une
situation qui se devait d'être changée. La modification du
deuxième alinéa de l'article 177 que nous proposons vient
renforcer davantage le but recherché par ce projet de loi. En effet, les
conducteurs automo- biles devront prendre conscience de l'importance d'une
conduite plus prudente, sinon ils en subiront eux-mêmes les
conséquences économiques et ils devront redoubler de prudence
s'ils aspirent revenir à une prime initiale, d'où une plus grande
sécurité sur nos routes.
Nous demandons à M. le ministre, Pierre Fortier, de s'assurer que
cette loi profitera aussi aux bons conducteurs par des rabais substantiels de
primes, sinon elle n'aura plus aucune portée valable pour le public.
Nous terminons en vous offrant nos félicitations pour ce projet
de loi. Nos membres l'ont très bien reçu et ils sont d'avis qu'il
aura pour effet, s'il est bien appliqué, de rendre la tarification plus
équitable pour tous. Merci.
Le Président (M. Bélisle): Merci, M.
Léveillée. M. le ministre.
M. Fortier: Merci, M. Léveillée. Vous faites
allusion au rapport Bissonnet dont j'ai copie ici. D'ailleurs, en le lisant, on
s'aperçoit que les motifs qui ont poussé le ministre des
Transports à demander à notre collègue, Michel Bissonnet,
d'organiser et de présider ce comité étaient que beaucoup
des chauffeurs de taxi, à Montréal surtout, se plaignaient de
l'importance des primes, d'une certaine inéquité et de la
difficulté quelquefois d'obtenir de l'assurance. Vous pourriez
peut-être nous dire, dans un premier temps, quel est le problème
de base du chauffeur de taxi de Montréal. D'une part, il est toujours
sur la route, vous le dites, et il peut être impliqué... Le
rapport dit qu'il est plus souvent que d'autres Impliqué dans des
accidents, mais vous dites que, très souvent, même quand il est
impliqué, ce n'est pas lui qui est responsable et c'est ce que voudriez
voir corriger.
Le Président (M. Bélisle): M.
Léveillée.
M. Léveillée: La raison, c'est que nos primes
d'assurance pour un taxi sont beaucoup plus élevées que pour le
véhicule d'un particulier comme tel. Disons qu'une prime d'assurance
pour un taxi se situe aux alentours de 2000 $ par année. Lorsque vous
avez un accident et que vous n'êtes pas responsable, la compagnie
d'assurances va vous augmenter selon un pourcentage préétabli
face à une non-responsabilité si vous avez deux, trois ou quatre
accidents mon responsables.
Si vous augmentez de 10 % sur une prime de 2000 $, ça fait une
augmentation immédiate de 200 $ comparativement au particulier qui, lui,
a peut-être une prime de 400 $ ou 500 $, ce qui fait une augmentation de
40 S. Cela fait une échelle qui s'agrandit tout le temps. En
établissant la responsabilité dans l'accident, au moins ce serait
plus équitable face à ces accidents.
Il y a une autre chose, c'est le problème des assurances. Quand
les primes augmentent,
nous, en tant que ligue, sommes obligés de demander des hausses
de tarifs. On établit une moyenne de coût d'assurances et on est
obligés de se présenter devant la Commission des transports pour
augmenter nos tarifs en fonction de nos dépenses. Si les dépenses
d'assurances deviennent un coût énorme dans l'administration d'un
taxi, ça veut dire que les tarifs en subiront les contrecoups et c'est
le public qui en paiera la note en fin de compte.
C'est pour ça qu'on dit que, pour nous, la
non-responsabilité n'était pas valable parce que, de toute
façon, à chaque fois qu'on avait un accident non responsable, la
prime augmentait.
M. Fortier: Cela avait un impact plus direct sur vous.
M. Léveillée: Pardon?
M. Fortier: Cela avait un impact plus immédiat sur
vous.
M. Léveillée: Cela avait un impact direct sur les
propriétaires de taxis. Je peux vous nommer des cas où les
primes, même avec la non-responsabilité, ont augmenté
jusqu'à 4000 $ ou 5000 $ par année pour un taxi. Cela devient
assez coûteux d'exploiter un taxi dans ces conditions.
M. Fortier: Vous êtes d'accord avec l'esprit, le but du
projet de loi, mais vous parlez du délai trop long de dix ans. Il est
vrai qu'au début, quand on avait préparé le projet de loi,
il n'y avait pas de limite. Ensuite, en discutant avec la Commission
d'accès à l'information, on a dit: Oui, on va mettre une limite,
on va mettre dix ans. J'aimerais que vous nous explicitiez davantage pourquoi
vous croyez que ça ne devrait pas être dix ans mais seulement cinq
ans.
M. Léveillée: La raison est simple. Dans notre cas,
nous avons seulement quelques assureurs qui font de l'assurance sur les taxis.
Réellement, il y a seulement trois compagnies à Montréal
qui assurent les taxis. Dans le moment, il existe déjà entre ces
trois assureurs une politique selon laquelle ils vont aller à cinq ans
puis ils vont s'informer de votre expérience de conduite sur les cinq
dernières années pour établir votre prime.
Premièrement, dans l'industrie du taxi comme telle, si elle est
portée à dix ans, nous appréhendons que, si vous avez un
accident responsable en étant continuellement sur la route, votre
dossier, en étant porté à dix ans, si vous avez un
accident responsable durant ces dix ans, ça va faire une marque à
votre dossier d'expérience de conduite automobile. À partir de ce
moment, vous allez payer une prime élevée sur une période
de dix ans. Nous croyons que dans l'industrie du taxi ça devrait
être... De toute façon, dans le moment, (es assureurs
s'accommodent d'une période de cinq ans et peuvent tarifer en fonction
de cette période.
C'est pour ça qu'on dit que, si l'assureur peut avoir
l'information que rendu à la neuvième année, par exemple,
vous avez eu un accident responsable, ça fera automatiquement augmenter
votre prime pour une période de dix ans. Les chances d'être dix
ans sans faire d'accident responsable dans le taxi sont rares. Cela prend un
bon conducteur pour en venir à bout et ne pas avoir un moment
d'inattention sur une période de dix ans. C'est pratiquement
impossible.
Notre appréhension est que ça augmenterait la prime pour
une période de dix ans et on se retrouverait avec des primes toujours
surchargées.
M. Fortier: En fait, vous dites que le taxi c'est un cas
particulier. On disait cet après-midi qu'il y avait jusqu'à 100,
150 compagnies d'assurances en concurrence les unes avec les autres et, quand
on tombe dans le cas spécifique du chauffeur de taxi, vous dites qu'il y
en a trois à Montréal?
M. Léveillée: Oui.
M. Fortier: Combien y a-t-il de chauffeurs de taxi? Combien y
a-t-il de personnes affectées par ça?
M. Léveillée: Combien de personnes?
M. Fortier: Disons dans la région de Montréal.
M. Léveillée: En tant que propriétaire,
à Montréal, il y a 3200 propriétaires qui
détiennent 4200 voitures.
M. Fortier: À peu près 4000 personnes. (21
heures)
M. Léveillée: Ces propriétaires peuvent
engager des chauffeurs. Si les primes d'assurance sont élevées,
le chauffeur va en subir le contrecoup sur sa location de voiture. C'est pour
ça que la prime, nous autres, on calcule qu'elle est déjà
assez élevée. S'ils peuvent augmenter d'une autre façon la
prime d'assurance comme telle, I va falloir que les tarifs soient
augmentés, il va falloir que les locations soient augmentées et
cela va avoir une portée, des implications beaucoup plus profondes dans
l'industrie du taxi que pour le particulier. il y a l'autre situation aussi.
C'est que dans la région A-11 que je représente dans le moment,
il y a 90 % de propriétaires qui sont artisans. Ces propriétaires
ont aussi des enfants et, dans la majorité des cas, la voiture du
père va servir pour le travail de l'étudiant qui est à
l'université ou au cégep. Il va pouvoir travailler avec la
voiture de son père, ce qui est plus facile, plus accessible que de se
trouver un emploi ailleurs. À partir de ce moment, la personne, le jeune
qui
aura un dossier à établir sur une période de dix
ans, il faudrait que le père paie une surprime parce que justement son
garçon, qui a 18 ou 19 ans, n'a pas eu le temps de s'établir une
expérience de conduite et s'établir une crédibilité
sur son dossier de conduite. Cela pourrait peut-être entraîner une
surprime de la part des assureurs si cette personne engage son fils, et fait
conduire son fils sur le taxi.
Il y a aussi le particulier qui a l'impact. Dans le moment, les jeunes
vont payer une prime plus élevée jusqu'à l'âge de 25
ans ou jusqu'au moment où ils se marieront, à 23 ou 24 ans. La
prime va alors baisser de façon draconienne. La prime va faire une
chute. Tandis que dans le moment le jeune qui commence, disons qu'il a son
permis de conduire à l'âge de 16 ans - ce qui est légal
aujourd'hui à 16 ans - pourrait se retrouver, s'il est incité
à conduire comme il faut, après 5 ans, il pourrait se retrouver
à 21 ans avec une prime qui serait égale à tout le monde,
même aux personnes de 30 ou 35 ans. Cela Inciterait le jeune à
être plus prudent. Celui qui ne serait pas prudent paierait
lui-même la note de ses imprudences et ses folles de conduite.
Dans le fond, cela les inciterait On dit toujours que les jeunes font
des folies de jeunesse. Mais, dans le fond, il y a des jeunes qui sont
réellement sérieux. Présentement, mol, dans mon optique,
ils paient la note pour ceux qui ne le sont pas. Automatiquement, ils sont
obligés d'établir une catégorie pour les jeunes et, en
établissant une catégorie pour les personnes de cet âge,
même s'ils ont un bon record de conduite, ils vont payer une prime
beaucoup plus élevée que le particulier qui a 30 ou 35 ans.
M. Fortier: Je vous remercie, M. Léveillée.
Le Président (M. Bélisle): Merci. M. le
député de Lévis.
M. Garon: Dans votre mémoire, vous faites une affirmation
à la page 9, en bas, en demandant à M. le ministre Fortier de
s'assurer que cette loi profitera aussi aux bons conducteurs par des rabais
substantiels de primes, sinon cette loi n'aura plus aucune portée
valable pour le public. Le Groupement des assureurs automobiles est venu cet
après-midi, avec le Bureau d'assurance du Canada. Ils ont bien
mentionné qu'il n'y aurait pas de baisse de primes substantielle. Il
pourrait y avoir une baisse relative, en voulant dire que, possiblement, cela
pourrait augmenter moins que cela devrait augmenter, mais personne n'a
parlé jusqu'à maintenant de baisse substantielle de prime.
On voit que le régime n'est pas établi. Les assureurs
disent clairement qu'il n'y aura pas de baisse substantielle par
l'établissement d'un tel système. Dans la perspective qu'il n'y
ait pas de baisse de prime substantielle, c'est bien votre conclusion que
ça ne vaut pas la peine d'avoir un tel système. C'est ce que Je
comprends de votre mémoire.
M. Léveillée: Non, ce n'est pas que ça ne
vaille pas la peine d'établir un système, le système en
vaut la peine réellement. La raison, c'est que si les assureurs, tel que
l'Inspecteur général l'a mentionné, ce que j'ai lu
à un autre paragraphe... Il dit que l'autorité publique devrait
intervenir si les assureurs ne modifient pas leurs primes comme telles. Les
assureurs, eux, auront peut-être à subir une mise en application
plus draconienne de la part du législateur. C'est ce qu'on dit un peu
plus loin aussi.
En ce qui nous concerne, si ça ne sert qu'à augmenter les
primes - parce il ne faut pas se le cacher, les assureurs sont là pour
faire de l'argent, ils ne sont pas là pour en perdre; de toute
façon, s'ils en perdaient, ils ne seraient plus là - à
partir de ce moment-là, on dit que si les assureurs ne se conforment pas
à ça - par exemple, Bell Canada est obligée de faire
approuver ses tarifs - si les assureurs ne veulent pas se discipliner
eux-mêmes et l'appliquer eux-mêmes, peut-être que le
législateur devra penser de l'imposer. C'est ce qu'on dit.
M. Garon: Je n'ai vu personne parler de baisse substantielle.
Chaque fois que je demandais à quelqu'un: Est-ce que ce sera le
même taux pour tous les bons ou y aura-t-il des primes additionnelles
pour les mauvais conducteurs? j'ai eu le sentiment que ce serait ça,
personne n'a voulu se compromettre en disant qu'il y aurait des baisses de
primes substantielles.
M. Léveillée: C'est ce qu'on demande au ministre de
surveiller. Cette loi-là, dans l'esprit du gouvernement et dans notre
optique, est justement pour améliorer une situation qui n'est pas bonne
en fait. Il doit surveiller, par le Surintendant des assurances, si
effectivement il y a eu baisse. J'imagine que les assureurs ont des rapports
à produire là-dessus et on peut vérifier si,
effectivement, il y a eu des baisses de primes ou non. S'il y a eu seulement
des augmentations. ça n'aura pas été valable, ça
aura tout simplement donné une autre arme aux assureurs et l'esprit de
la loi, dans notre optique, n'est pas de donner une arme aux assureurs pour
augmenter leurs primes, mais de tout simplement régler une situation
qui, à notre point de vue. n'aurait pas dû exister.
M. Garon: M. le Président, je poserais une question au
ministre: Est-il prêt à répondre à la question de M.
Léveillée? Il vous demande, comme ministre, de vous assurer que
cette loi profitera aussi aux bons conducteurs par des rabais substantiels de
primes. Êtes-vous prêt à vous engager dans ce sens-là
et à le mettre dans la loi?
Le Président (M. Bélisle): M. le ministre, si
je comprends, le député de Lévis vous demande une
assurance.
M. Garon: Non, je pose la question.
M. Fortier: M. le député de Lévis joue sur
les mots. Je vais répondre à la question, mais il joue sur les
mots. Cet après-midi, il interprète les réponses à
sa façon et c'est sa responsabilité. Ce que le Groupement des
assureurs automobiles nous a dit, c'est qu'une fois le fichier en place
ça va prendre trois ou quatre ans avant que le fichier soit
réellement opérationnel. Si vous regardez les statistiques, vous
voyez que chaque année ça coûte plus cher pour les
sinistres et c'est normal qu'il y ait une augmentation chaque année,
comme ils ont dit que ça augmenterait cette année en moyenne de 5
% à 10 %. On ne peut pas dire que c'est une augmentation excessive.
Alors si ça prend trois, quatre ou cinq ans pour faire en sorte que le
système soit en place, durant ce temps-là les prix vont
augmenter, c'est tout à fait normal, en moyenne et donc ce qu'ils ont
dit: Eh bien, ne vous attendez pas quand on parle de rabais que ce sera un
rabais par rapport à 1989. Ce sera un rabais par rapport a 1994. Si le
député de Lévis ne peut pas comprendre ça, il n'a
pas compris grand-chose.
Donc, on ne parle pas de rabais par rapport à 1989, s'il est
opérationnel dans toute sa dimension en 1994, on pariera de rabais par
rapport aux prix de 1994. Là-dessus, il ne faudrait pas faire dire au
Groupement ce qu'il n'a pas dit cet après-midi. Il a dit que le rabais
devrait se mesurer par rapport aux prix durant l'année où le
système serait en fonction.
Cela dit, iI est vrai que la loi ne dit pas... Nous ne contrôlons
pas les prix des compagnies. On pourrait s'aventurer, comme l'Ontario essaie de
le faire, à contrôler la tarification. L'Ontario s'est
embarqué dans un système et il ne sait pas comment s'en sortir
parce que, s'il fallait approuver la tarification cas par cas, classe par
classe, compagnie par compagnie, ce serait à peu près impossible,
mais je crois qu'en analysant la situation... Les affirmations du Groupement et
du BAC nous permettent de conclure que les gens qui conduisent mieux auront des
tarifs plus bas que ceux qui conduisent mal, parce que les assureurs auront les
outils en main pour proposer des tarifs plus généreux pour ceux
qui ont moins d'accidents.
Cependant, et je crois que M. Léveillée peut nous le
confirmer, cela est plus vrai dans le cas du conducteur moyen qui peut
s'assurer auprès de 100 ou 150 compagnies d'assurances. Mais j'admets
qu'il y a un problème particulier pour les chauffeurs de taxi. M.
Léveillée nous a dit que la concurrence n'est pas terrible et que
c'est un problème additionnel. La concurrence n'est pas terrible, dans
le domaine du taxi, à Montréal, il y a seulement trois compagnies
qui assurent les chauffeurs de taxi. Donc, l'argument qu'utilisait le
Groupement cet après-midi à savoir qu'il y avait une grande
concurrence et qu'il y avait de 100 à 150 compagnies d'assurances qui
nous permettraient, à nous, autour de la table, de nous assurer ne vaut
pas dans le cas du taxi. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Michel
Bissonnet, le député de Jeanne-Mance, s'était vu donner le
mandat d'étudier le problème par le ministre des Transports.
C'était l'une de ses recommandations.
Maintenant, quand il dit: Le ministre devra s'assurer, je dis: Oui, mais
ce ne sera pas par des méthodes coercitives. Le ministre a une
façon de surveiller. La loi me permet de demander à l'inspecteur
de surveiller d'une façon plus attentive cet aspect de la loi. Quand la
loi sera sanctionnée, je pourrais même demander qu'on ajoute au
rapport de l'inspecteur pour nous dire de quelle façon la loi va se
répercuter en pratique sur la tarification des compagnies d'assurances
automobiles. De ce fait, chaque année, quand l'inspecteur transmettra
son rapport à l'Assemblée nationale, on sera en mesure de
constater l'évolution des choses. Autrement, il s'agirait d'adopter une
mesure coercitive qui irait dans le sens d'approuver la tarification de chacune
des compagnies d'assurances. Et, quant à moi, ce n'est pas la direction
dans laquelle j'aimerais m'aventurer. D'autres provinces l'ont essayé,
c'est loin d'être facile et cela ne nous amènerait pas dans la
bonne direction.
Le Président (M. Bélisle): M. le
député de Lafontaine.
M. Gobé: M. le Président, quelques brèves
questions à M. le président de la Ligue de taxis de
Montréal. Tout à l'heure, vous mentionniez qu'il y avait à
peu près 4200 taxis. Il y a combien d'accidents par année pour
ces 4200 taxis? Il faut dire que c'est long, dix ans, pour avoir un dossier
vierge. Cinq ans, ce n'est pas si mal. Qu'est-ce que cela représente
comme accidents où les gens seraient responsables ou pas responsables?
Est-ce que vous avez des chiffres?
M. Léveillée: Disons que, dans le moment, pour
nous, les chiffres ne sont pas accessibles face aux assureurs. Dans le rapport
Bissonnet, il est mentionné que le ratio d'accidents dans l'industrie du
taxi, comparativement aux particuliers, est de trois pour un. C'est normal, une
voiture taxi va circuler beaucoup plus longtemps et travailler quasiment jour
et nuit. La moyenne d'accidents est de trois comparativement à un chez
les particuliers. C'est pourquoi on dit que, pour nous, dix ans c'est long. Au
fond, même cinq ans, c'est comme si cela équivalait à un
particulier qui aurait un dossier de quinze ans.
M. Gobé: Maintenant, les taux d'assurance sont
fixés en fonction de l'expérience totale de la flotte de taxis ou
de chaque individu en particulier?
M. Léveillée: De chaque individu en particulier.
Les flottes ont tendance à s'assurer elles-mêmes. Disons qu'un
propriétaire de flotte qui a 100 voitures, à 2000 $ la voiture,
il ne pourrait pas arriver à fonctionner à ce prix.
M. Gobé: Donc, chaque chauffeur est assuré selon
son expérience de risque?
M. Léveillée: Non, dans le moment, c'est tout
simplement une tarification. Ce n'est pas la même tarification dans le
domaine du taxi que pour le particulier. Que vous ayez une voiture 1989 ou
1980, le taux sera le même pour un taxi.
M. Gobé: Vous êtes propriétaire de taxis.
M. Léveillée: Oui.
M. Gobé: Vous avez un chauffeur qui travaille la nuit?
M. Léveillée: Oui.
M. Gobé: Est-ce que vous payez le même tarif pour
votre chauffeur et pour vous?
M. Léveillée: Oui, le même tarif.
M. Gobé: Si votre chauffeur vient d'une petite ville,
quelque part, où il n'a jamais conduit de voiture ou s'il n'a pas
d'expérience, est-ce que cela a une influence sur le prix de
l'assurance?
M. Léveillée: Pas d'expérience,
premièrement, il ne peut pas avoir un permis de la Régie de
l'assurance automobile. Aujourd'hui, il doit détenir ce qu'on appelle
une classe 4-C, autrefois la classe 31. Pour conduire un taxi, il faut qu'il
passe un examen spécial. Il ne peut pas conduire un taxi comme
ça. À partir de ce moment-là, l'expérience d'une
personne... Ensuite, la loi est restrictive pour ce qui est de l'obtention d'un
permis de classe 31. Vous devez avoir au minimum un an d'expérience de
conduite. Vous ne pouvez pas conduire un taxi du jour au lendemain. La
loi...
M. Gobé: Donc, le tarif est uniforme. Un chauffeur de taxi
de 20 ans d'expérience dans une municipalité quelconque ou un
chauffeur de taxi qui a un an ou deux ans d'expérience, c'est la
même chose.
M. Léveillée: En ce qui me concerne
personnellement, si une personne ne sait pas conduire une voiture après
un an, elle ne le saura jamais après 20 ans.
M. Gobé: Si vous êtes artisan ou un chauffeur
occasionnel qui travaillez trois, quatre jours par semaine, vous payez le
même tarif.
M. Léveillée: On pale le même tarif. (21 h
15)
M. Gobé: Et parmi les accidents qui surviennent, est-ce
qu'on remarque qu'il y a un plus grand nombre d'accidents chez les chauffeurs
que vous engagez que chez les artisans?
M. Léveillée: C'est sûr que le chauffeur va
être peut-être plus "bravard", si on peut appeler ça de
cette façon, face à la conduite parce qu'il n'a pas la
responsabilité, justement, dont on discute dans le moment. Pour lui,
s'il endommage la voiture lors d'un accident, cela ne lui fait absolument rien,
c'est tout simplement le propriétaire qui va en subir les contrecoups.
C'est pour ça qu'on est en accord avec le projet de loi. Si le
chauffeur, par son permis de conduire, est enregistré dans une centrale
quelque part, au moment où il va aller pour se trouver un emploi
auprès d'un propriétaire, si ce chauffeur n'a pas une bonne
expérience de conduite, le propriétaire va voir sa prime
augmenter, donc il va dire à ce chauffeur: C'est bien de valeur, je ne
peux pas t'engager parce que ta prime va augmenter ou, sinon, je suis
obligé de te louer la voiture plus cher.
M. Gobé: Donc, une autodiscipline. Vous mentionniez
précédemment que l'augmentation des taux d'intérêt
avait une incidence sur le coût que les propriétaires pouvaient
louer leur voiture à un chauffeur.
M. Léveillée: C'est ça.
M. Gobé: Par contre, il y a une correction automatique qui
se fait...
M. Léveillée: II y a une correction... M.Gobé: au niveau du marché. M.
Léveillée: Oui, c'est ça.
M. Gobé: Une dernière question. Vos primes
d'assurance, pour un taxi...
M. Léveillée: Oui.
M. Gobé:... vous êtes un entrepreneur, est-ce
qu'elles sont déductibles de vos revenus?
M. Léveillée: Oui.
M. Gobé: De vos revenus totaux de l'année? M.
Léveillée: Elles sont déductibles d'impôt. M.
Gobé: D'accord, merci.
M. Léveillée: Elles sont déductibles. Tous
les frais d'exploitation sont déductibles pour un taxi.
M. Gobé: Merci.
Le Président (M. Bélisle): Merci. Messieurs,
d'autres questions? M. le député de Lévis? Non.
M. Fortier: On va remercier M. Lévelllée...
Le Président (M. Bélisle): M. le ministre.
M. Fortier:... de s'être déplacé pour venir
nous parler du taxi, cela nous intéresse beaucoup.
Le Président (M. Bélisle): M. le
député de
Lévis.
M. Garon: J'aimerais savoir si, actuellement, chez l'Inspecteur
général, il y a déjà un fichier. Est-ce qu'il
existe, actuellement, un fichier, pas de statistiques, mais de dossiers
d'automobilistes?
M. Bouchard (Jean-Marie): Un fichier au sens qu'on l'entend?
M. Garon: Oui.
M. Bouchard (Jean-Marie): Non, c'est pour ça qu'on le
crée. Actuellement...
M. Garon: il n'y en a pas, actuellement.
M. Bouchard (Jean-Marie): L'Agence statistique, actuellement, ne
donne que des statistiques sur une base mensuelle, ce qui ne permet pas,
justement, aux assureurs de s'en servir pour tarifer. C'était le
défaut de l'Agence statistique qui n'était qu'une agence de
renseignements pour fins du rapport que l'on produit...
M. Garon: De statistiques.
M. Bouchard (Jean-Marie): Oui.
Une voix:... les tarifs...
M. Bouchard (Jean-Marie): Là, on reçoit
mensuellement...
M. Garon: Là, vous dites...
M. Bouchard (Jean-Marie):... dans l'Agence statistique les primes
perçues, les frais d'administration des assureurs, le montant des
indemnités qu'ils paient. Ce qui fait que si vous lisez le rapport de
l'inspecteur à tous les ans, d'ailleurs, c'est toujours
intéressant de le lire, ce n'est pas un roman, mais, en tout cas, il
donne des chiffres...
Le Président (M. Bélisle): C'est bon.
M. Bouchard (Jean-Marie):... c'est passionnant.
Le Président (M. Bélisle): Très bien. M.
Bouchard (Jean-Marie): Mais oui.
M. Garon: Vous avez dit, cet après-midi, que ça ne
coûterait pas un sou.
M. Bouchard (Jean-Marie): Pardon?
M. Garon: Cet après-midi, vous avez dit - j'ai compris
ça, en tout cas - que ça ne coûterait rien. Je pensais que
ça existait.
M. Bouchard (Jean-Marie): Non. M. Garon: J'ai relu les
documents. M. Fortier: L'ordinateur existe.
M. Bouchard (Jean-Marie): L'Agence statistique existe.
M. Garon: Je comprends, l'ordinateur existe. Mais là j'ai
relu les lois, les dispositions autour des articles 170 et suivants,
j'étais surpris parce que la loi ne demandait pas ça, elle
demandait des statistiques. Alors, comment allez-vous mettre sur pied un tel
dossier concernant je ne sais pas combien de millions d'automobilistes et que
ça ne coûte rien? Vous avez dit que ça ne coûterait
rien.
M. Bouchard (Jean-Marie): Si vous lisez la Loi sur l'assurance
automobile, vous voyez que le Groupement des assureurs automobiles est
constitué de tous les assureurs qui obtiennent un permis d'exploitation
dans la province de Québec...
M. Garon: Oui.
M. Bouchard (Jean-Marie):... et que les frais d'exploitation de
ce Groupement sont en proportion des primes brutes qu'ils perçoivent au
Québec. Donc, le Groupement est responsable, est mandaté pour
administrer le plan statistique. Les assureurs, au lieu de se contenter de
dire: On a versé, ce mois-ci, 250 000 $ de réclamations, ils vont
dire en plus: à M. Untel, avec tant de degré de
responsabilité. Ils vont donner son numéro matricule et des
renseignements additionnels à l'informatique qui va gober ces
renseignements et les centraliser pour permettre aux assureurs d'y avoir
accès.
M. Garon: Et ça va coûter quelque chose.
M. Bouchard (Jean-Marie): Bien oui.
M. Fortier: Cela ne coûte rien au gouvernement, mais
ça va coûter quelque chose aux compagnies.
M. Garon: Mais l'ordinateur chez vous, qui va le payer?
M. Bouchard (Jean-Marie): II n'est pas chez nous,
l'ordinateur...
M. Fortier: II est chez le Groupement Les statistiques sont
générées chez le Groupement.
M. Bouchard (Jean-Marie): C'est ça. M. Garon: Je
comprends ça, mais...
M. Fortier: Les statistiques, dans le moment, sont
générées chez le Groupement, alors ils vont augmenter les
données dans l'informatique pour pouvoir donner ce genre d'information,
mais c'est le même ordinateur. J'imagine que ça va prendre plus de
bits dans le système.
M. Garon: Mais si l'ordinateur est chez le Groupement, pourquoi
est-ce vous qui en aurez la responsabilité?
M. Bouchard (Jean-Marie): Parce que la Loi sur l'assurance
automobile prévoit, originairement, que l'Agence statistique est
établie par l'Inspecteur général, mais il peut en
déléguer l'administration à d'autres organismes et elle a
été déléguée au GAA. C'est lui qui
l'administre. C'est la raison pour laquelle ils nous font constamment des
rapports dont nous nous servons pour le rapport sur la tarification. Parce que
le but c'est justement, au lieu d'établir un système
étatique dans l'assurance de dommages... Si vous lisez le rapport qu'on
a écrit en 1974 qui s'appelle le rapport Gauvin, on prévoyait
qu'au lieu d'établir un système étatique dans l'assurance
de dommages on laissait l'entreprise privée, la concurrence jouer, mais
en donnant au public les renseignements requis sous forme d'un rapport annuel
de l'autorité publique. Et les assureurs, en plus, doivent soumettre
tous leurs tarifs, les amendements de tarifs à l'inspecteur
général pour fins de consultation du public.
M. Garon: Alors ça veut dire que le secret de toute
l'affaire est dans la dernière phrase de l'article 179. 1. Parce
qu'à l'article 179. 1 on dit: "L'Inspecteur général des
institutions financières peut, à des fins de classification et de
tarification, communiquer à tout assureur agréé qui en
fait la demande, en vue de l'émission et du renouvellement d'une police
d'assurance automobile, les renseignements suivants. "Suit la liste des
renseignements" mais la dernière phrase: "L'inspecteur
général peut également, aux conditions qu'il
détermine, autoriser l'agence désignée à l'article
178 à faire pour lui de telles communications. " Donc, vous n'allez rien
contrôler, au fond.
Une voix: On peut.
M. Garon: Vous ne contrôlez rien. C'est une fiction. On dit
que c'est vous qui fournissez alors qu'en réalité ça va
être fourni par d'autres.
M. Bouchard (Jean-Marie): Bien non, c'est par
délégation...
M. Garon: Bien oui. Si on lit l'article 179. 1 c'est seulement
à la fin qu'on voit: "L'inspecteur général peut
également, aux conditions qu'il détermine, autoriser l'agence
désignée à l'article 178 à faire pour lui de telles
communications. "
M. Bouchard (Jean-Marie): Aux conditions il détermine.
M. Garon: Je comprends ça.
M. Bouchard (Jean-Marie): Bien oui, mais...
M. Garon: Alors...
M. Bouchard (Jean-Marie): C'est ça.
M. Fortier: C'est une sous-traitance.
M. Bouchard (Jean-Marie): Ce n'est pas une
délégation qui le libère: "... aux conditions qu'il
détermine. "
M. Garon: Je comprends, mais, si on ne fait pas attention quand
on lit tout ça, on pense que les renseignements sont là. Alors
pourquoi faire double emploi? Il y a déjà beaucoup de
renseignements à la Régie de l'assurance automobile. Pourquoi
créer une deuxième banque?
M. Fortier: À la Régie de l'assurance automobile,
ce sont les blessures corporelles. Ici, on parle de la tôle.
Là-bas à la Régie, Ils n'ont pas ça. Ils ne
s'occupent pas de la tôle. Ils ne s'occupent pas de la tôle, ils
s'en contrefoutent
M. Garon: Je comprends ça. Mais le dossier de conduite...
Si vous frappez de la tôle c'est une affaire et si vous frappez une
personne c'est une autre affaire. Donc, on fait deux dossiers.
M. Fortier: Qu'est-ce que vous voulez, c'est ça.
M. Garon: Sauf que c'est un dossier de conduite pareil.
M. Fortier: C'est la loi de 1978. On a séparé la
santé de la tôle. Là on parle de la tôle.
M. Garon: Non, mais là vous mettez le dossier de
renseignements en sous-traitance directement chez les assureurs alors que la
Régie de l'assurance automobile va continuer à avoir un
dossier pour les accidents dans lesquels il y a eu des blessures
corporelles.
M. Bouchard (Jean-Marie): Oui, mais elle n'a pas le degré
de responsabilité. Elle paye sans faute, elle. Elle paye suivant un
barème. Alors, vous avez un accident et vous faites votre
réclamation et ça finit là. C'est tout.
M. Garon: Non, mais le ministre voudrait proposer des amendements
à la loi 92 qui est déjà... La commission parlementaire
est terminée concernant la Loi sur l'assurance automobile, concernant
les blessures corporelles.
Le Président (M. Bélisle): Est-ce que c'est une
question?
M. Garon: Vous êtes au courant des amendements qu'il veut
proposer en troisième lecture.
Une voix: Non.
M. Fortier: Augmenter les montants d'Indemnisation?
M. Garon: Non, non. Ça c'est un article de la loi 92. Ce
n'est pas ça. Il veut faire varier la prime en fonction du dossier du
conducteur pour le corporel. Alors ça veut dire qu'il y aurait deux
banques de données: une chez les assureurs pour les dommages
matériels et une autre à la Régie de l'assurance
automobile pour les dommages corporels.
M. Fortier: Vous avez raison de dire, M. le député
de Lévis, qu'il s'agit de deux dossiers séparés. Et c'est
comme ça que le législateur l'a voulu en 1978. Parce qu'il y a
une autre formule - et le Groupement l'avait suggéré en 1978 et
ça n'a pas été retenu par votre gouvernement à ce
moment-là - cela aurait été de laisser l'administration
des dommages corporels au secteur privé tout en ayant une formule "no
fault". Parce que le "no fault" on pourrait l'avoir administré par le
secteur privé. À ce moment-là, les compagnies d'assurances
auraient constitué un fichier pour les blessures corporelles avec le "no
fault" et pour l'indemnisation directe dans le cas des dommages
matériels mais ça aurait été une seule
organisation. Mais ce n'est pas comme ça que cela a été
constitué. Il y a deux organisations. On ne peut pas refaire la loi de
1978 à moins de défaire la Régie et de dire: À
l'avenir... Remarquez que le Groupement ne se ferait pas tordre le bras. Mais
on pourrait aller dans cette direction-là. À ce moment-là,
II y aurait un seul ordinateur avec toute l'Information dedans. Mais là
il est vrai, vous avez raison, qu'il y a deux organismes parce que les
objectifs ne sont pas les mêmes. La Régie de l'assurance
automobile paie automatiquement sans même démontrer si vous
êtes responsable ou non. Dans les dommages matériels la
responsabilité continue à jouer. C'est un ensemble de
données qui est complètement différent.
M. Garon: On s'en va vers trois systèmes de fichiers
là. Un fichier chez les assureurs pour les dommages matériels, un
fichier à la Régie de l'assurance automobile pour les dommages
corporels et un troisième fichier sur les points de
démérite ou sur les infractions à la
sécurité routière.
M. Fortier: C'est le ministère des Transports.
M. Garon: Je comprends, mais c'est cela pareil. Si je comprends
bien, là on est en train de mettre en place trois systèmes de
fichiers.
M. Fortier: Oui. M. Garon: Pardon?
M. Bouchard (Jean-Marie): L'augmentation de tarifs dont vous
faisiez mention tantôt justement était reliée...
M. Garon: Non, je ne parle pas, quelles que soient les
fins...
M. Bouchard (Jean-Marie): Elle était reliée
justement aux points de démérite. C'est pour cela qu'il y a une
augmentation de prime pour votre assurance. Ce n'est pas pour l'assurance pour
votre permis.
M. Fortier: Là, on est en train de faire le débat
d'un autre projet de loi.
Le Président (M. Bélisle): Mon problème ici
c'est tout simplement que je vois M. Léveillée qui est là
à l'autre bout de la table...
M. Fortier: II est en train de nous réveiller.
M. Garon: A ce moment-là, pour les chauffeurs de taxi,
puisqu'il va y avoir un fichier sur les dommages, est-ce qu'on va commencer
à établir des catégories dans le fichier comme, par
exemple, pour les chauffeurs de taxi?
M. Fortier: Non, l'accès va se faire uniquement sur le
permis...
M. Garon: Pardon?
M. Bouchard (Jean-Marie): Ce sont les mêmes renseignements.
Il faut faire la distinction.
M. Garon: Ce n'est pas cela que je veux dire. Vous comprenez ce
que c'est, vous avez des ordinateurs. Allez-vous pouvoir nous faire une classe?
Supposons, 222, chauffeurs de taxi, et après cela vous allez pouvoir
établir combien
nous coûtent les chauffeurs de taxi pour que les gens disent: Un
chauffeur de taxi ça coûte tant.
M. Fortier: La loi dit clairement que l'appel pour aller chercher
une information doit se faire par le numéro de permis de conduire de
l'individu. Alors, il va falloir dire: M. Pierre Fortier, tel numéro de
permis. Ils vont pltonner et c'est à ce moment-là qu'on va aller
chercher l' information.
M. Garon: Attendez un peu! Regardez bien dans les renseignements
que vous allez demander. À l'article 179. 1, au paragraphe 4, on dit les
renseignements suivants: le numéro de permis de conduire, cela en est
un; la date de l'accident; la description de l'accident; la classe
d'utilisation du véhicule dont elles avaient la garde au moment de
l'accident. Si ]e comprends bien, la classe d'utilisation du véhicule
c'est qu'un taxi c'est une classe d'utilisation d'un véhicule. Ai-je
raison?
M. Bouchard (Jean-Marie): Oui. M.Garon: Merci.
Le Président (M. Bélisle): M.
Léveillée, nous vous remercions d'avoir été
très patient, d'avoir permis de bifurquer longuement pour finalement
revenir plus pertinemment à vous. Oh, oh, alors on revient
définitivement à vous, là.
M. Garon: Est-ce que les assureurs pourront tenir compte du
dossier du chauffeur de taxi comme conducteur de taxi pour établir,
éventuellement, sa prime d'assurance pour sa voiture personnelle?
M. Fortier: C'est moi qui ai posé la question cet
après-midi.
Le Président (M. Bélisle): Adressée à
M. Léveillée, je suppose.
M. Fortier: C'est moi qui ai posé la question cet
après-midi pour les chauffeurs de camion.
M. Garon: Pardon?
M. Fortier: C'est moi qui ai posé cette question-là
cet après-midi.
M. Garon: Je demande cela, je veux le savoir.
M. Fortier: Non, non, je vais vous donner la réponse que
le Groupement m'a donnée. C'est moi qui ai posé la question. La
réponse du président du Groupement, a été: Pas
nécessairement. Le président du Groupement m'a dit: On est
capable de faire la distinction pour quelqu'un qui conduit un camion ou un taxi
18 heures par jour. Si le gars prend sa voiture personnelle en fin de semaine,
on sait fort bien que lorsqu'on conduit un taxi 12 heures par jour c'est normal
qu'il y ait un peu plus d'accidents que le gars qui prend comme moi sa voiture
personnelle, et je ne m'en sers pas souvent de ce temps-là. C'est
sûr que la réponse du Groupement, je n'ai pas le verbatim devant
moi, j'avais posé la question pour les chauffeurs de camion, il m'avait
répondu que cela ne serait pas automatique et que plusieurs compagnies
d'assurances prendraient en considération le fait qu'il s'agit d'une
expérience tout à fait différente.
Le Président (M. Bélisle): M.
Léveillée, merci.
M. Léveillée: Merci, M. le Président.
M. Dufour: Ce n'est pas...
Le Président (M. Bélisle): Non. cela va.
M. Dufour: La question que je voulais poser...
Le Président (M. Bélisle): Si vous me permettez, M.
le député de Jonquière, avant de recevoir... On est en
consultation avec des gens, juste un instant, M. le député...
M. Dufour: Oui, mais cela a rapport...
Le Président (M. Bélisle): Je m'en viens tout de
suite. Est-ce que vous donnez le consentement au député de
Jonquière de...
Une voix:...
Le Président (M. Bélisle): Oui, allez-y maintenant,
M. le député.
M. Dufour: On a parlé d'une banque de données, en
fait, que vous confiez à une agence. Est-ce que vous êtes
propriétaire des programmes qu'elle va mettre sur pied? Supposons que
pendant qu'elle gère cette banque - je sais que cela peut vous faire
sourire mais ce n'est pas si drôle que cela dans le fond, vous allez voir
jusqu'où je peux aller. (21 h 30)
Le Président (M. Bélisle): Je pense que c'est
naturel chez lui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour: Ah! d'accord, il est souriant de nature. Mais mon
expérience me prouve qu'on peut donner un travail à une agence;
cela coûte un certain montant pour monter ce programme-là et si,
par hasard, un jour, le responsable des institutions financières
décide de confier à une autre agence - c'est peut-être
impossible à première vue, mais s'il le faisait - est-ce que
vous êtes propriétaire de cette banque de données ou
des programmes? Je ne le vols pas dans la loi, mais est-ce que vous êtes
propriétaire?
M. Bouchard (Jean-Marie): Les renseignements ne lui appartiennent
pas comme tels, ce sont des statistiques qui sont colligées. C'est une
délégation qui est accordée à l'agence pour
l'administrer pour l'inspecteur, donc à titre de mandataire de
l'inspecteur. C'est une délégation. Ils ne peuvent pas partir
avec la banque.
M. Dufour: Non, mais, si vous changiez d'intermédiaire,
est-ce que vous pourriez exiger que les renseignements de la banque de
données soient transférés à une autre agence?
M. Bouchard (Jean-Marie): Oui, parce que, étant notre
mandataire, on dit: Maintenant votre mandat est terminé. Donnez-nous ce
qui nous appartient et on va en confier l'administration à une autre
personne ou à un autre organisme.
M. Dufour: Mais est-ce que la loi est suffisamment claire par
rapport à cela ou si cela prend des... Je faisais juste allusion, par
exemple, à une municipalité qui confie un travail
d'évaluation à une firme privée. C'est clairement
indiqué dans la loi que la municipalité est propriétaire
de toutes les données et de tout le programme.
M. Fortier: Oui.
M. Dufour: Si elle veut le changer, les personnes qui le font
sont obligées de les transférer à la municipalité
qui, elle, peut les distribuer à un autre.
M. Fortier: Non, mais il faut bien comprendre ici, M. le
député de Jonquière, que le Groupement - la
délégation est donnée au regroupement - est
constitué des 150 compagnies d'assurances. Alors, ce serait difficile
d'en imaginer un autre. Tous les assureurs du Québec se retrouvent
là et les 150 assureurs du Québec paient pour les dépenses
encourues pour bâtir les statistiques. De toute façon,
l'inspecteur, aux conditions qu'il détermine, peut donner des
instructions en disant: Faites ça comme ci ou faites comme ça.
Depuis que le gouvernement précédent a adopté la loi, cela
fait dix ans que ça marche, et ça marche bien. Dans le fond, tout
le monde est heureux au Québec, le Groupement l'a dit. Ils auraient
préféré que le "no-fault" soit administré par le
secteur privé, mais je peux vous dire, ayant des échos de
l'Ontario, que les gens considèrent qu'au Québec on a
réglé notre problème. Vous savez, en Californie, les
primes d'assurances sont rendues à 4000 $, 5000 $ et même à
10 000 $ par année. Ce n'est pas un cadeau. Alors, on est parmi les
États nord-américains dont le système fonctionne bien et
n'est pas trop cher pour l'assuré. Il fonctionne bien, le Groupement
fait une bonne job et l'inspecteur aussi.
M. Garon: Avez-vous remarqué, dans le hockey, quand Dick
Irvin était gérant du Canadien...
Le Président (M. Bélisle): Oh là
à!
M. Garon:... quand il a eu une ligne qui marchait, avec Toe
Blake, Elmer Lach et Maurice Richard, il l'a gardée. S'il avait
géré ça comme les Nordiques, la ligne n'aurait pas
duré trois mois.
Le Président (M. Bélisle): Je pense qu'il ne
faudrait pas s'en prendre présentement au président des
Nordiques.
M. Fortier: Est-ce qu'on peut faire venir M. Gauvin?
Le Président (M. Bélisle): M. Gauvin, s'il vous
plaît!
M. Fortier: Le père de tout ça, avec M.
Bouchard.
Le Président (M. Bélisle): Bienvenue, M.
Gauvln.
M. Fortier: Vous êtes venu avec la mère. Ha, ha,
ha!
M. Bouchard (Jean-Marie): Elle était jeune.
M. Fortier: Elle était jeune.
Le Président (M. Bélisle): À vous la
parole.
M. Jean-Louis Gauvin et Mme Gaétane
Lafontaine
M. Gauvin (Jean-Louis): M. le Président, mon nom est
Jean-Louis Gauvin, actuaire. Je suis accompagnée de Mme Gaétane
Lafontaine, une actuaire d'assurance automobile. Lorsqu'on m'a demandé
si je viendrais vous adresser la parole, ma première réaction a
été: Pourquoi? Et la deuxième: Pourquoi pas? Je me suis
dit: Après tout, il y a exactement quinze ans, presque jour pour jour,
que le gouvernement du Québec déposait, je pense, de l'autre
côté ou plus bas, le rapport du comité d'étude sur
l'assurance automobile. D'ailleurs, des gens qui sont ici aujourd'hui ont
participé à la commission d'étude sur l'assurance
automobile dont M. Jean-Marie Bouchard, qui était l'un des membres, et
M. Yves Brouillette qui était un des employés de la commission
d'enquête. M. Brouillette est maintenant président du GAA.
Le projet de loi 133 modifiant la Loi sur l'assurance automobile
implique des modifications relativement mineures au contrat d'assurance
automobile et je n'ai pas l'Intention de vous entretenir de ce sujet. Un
changement assez important à mon sens concerne la création d'un
fichier d'expérience pour les conducteurs d'automobiles du
Québec. Les quelques propos que j'ai à vous donner visent
à essayer de situer la problématique et, pour ce faire - on vous
l'a problement dit - dans le mémoire du GAA, de faire un rappel des
objectifs du changement du mode d'indemnisation pour les dommages
matériels qui ont été faits en 1978.
Cette réforme de l'assurance automobile accorde un traitement
différent aux dommages matériels par rapport aux blessures
corporelles. Il est peut-être utile de rappeler les raisons de cette
différence, tel qu'on le retrouve dans le rapport du Comité
d'étude sur l'assurance automobile, daté de 1974 - on peut bien
citer des choses qu'on a écrites, avec d'autres d'ailleurs. Alors on y
disait ceci: "Si les dommages matériels reçoivent un traitement
quelque peu différent de celui accordé aux blessures corporelles,
c'est pour des raisons multiples, au nombre desquelles M faut mentionner le
fait que les conséquences pour les victimes sont
généralement moins désastreuses. Le comité - et
c'est le comité d'étude qui parle - a déjà
affirmé sa conviction que la faute, comme principe juridique qui donne
droit à une compensation, devrait être abandonnée dans le
cas des accidents d'automobile. Il faut reconnaître toutefois que cet
abandon représente une modification à ce point profonde dans les
habitudes des gens que le nouveau régime ne saurait Ignorer cet aspect -
on disait ça M y a quinze ans - II est loin d'être certain que la
population soit prête à accepter immédiatement, avec toutes
ses conséquences, un régime d'assurance obligatoire sans
égard à la faute en matière de dommages matériels.
" Il n'y a rien de nouveau. Quinze ans après, c'est encore vrai.
Je continue la citation: "Lorsque l'assurance des dommages aux
véhicules est obligatoire pour tous les événements, comme
au Manitoba et en Saskatchewan - à ce moment, on ne pouvait pas citer la
Colombie britannique puisque c'est venu par après - les victimes sont
assurées de recevoir des indemnités dans tous les cas, sauf pour
le montant de la franchise. Dans un régime de franchise pure, ces
montants ne sont pas récupérés, même dans les cas
où il semblerait pourtant évident que l'assuré n'a commis
aucune faute. Pour la population, il y aurait là une injustice et cette
croyance toute entière fondée sur une incompréhension
fondamentale d'un régime d'assurance sans égard à la
faute, pourrait devenir à ce point importante qu'elle paralyse sinon
compromette le régime nouveau. Aussi, afin de résoudre ce
problème et d'assurer l'implantation définitive d'un
système adéquat, le comité suggère de
procéder par étapes dans le cas des dommages matériels.
"
La description du régime qui était proposé pour les
dommages matériels se lisait comme suit: Dommages aux véhicules -
je pense que c'est important pour comprendre la problématique du fichier
- II n'y a aucun recours pour les dommages matériels causés au
véhicule automobile, son contenu ou sa perte d'usage, sauf dans les deux
cas suivants: 1° contre la personne qui aurait intentionnellement
causé ce dommage; 2° contre le garagiste ou le propriétaire
d'un terrain de stationnement qui a la garde temporaire du véhicule
contre rémunération* C'est une citation du rapport du
comité mais ce n'est pas nécessairement ce qui a
été fait par la suite. "La seule façon pour un
automobiliste d'être remboursé des dommages causés à
son véhicule, son contenu ou sa perte d'usage est de s'adresser à
son assureur. Il s'agit donc ici encore, comme pour les dommages corporels,
d'une assurance directe entre l'assureur et l'assuré. "Le régime
idéal de compensation des dommages matériels serait l'assurance
obligatoire sans égard à la faute, comportant une franchise non
récupérable et dont le montant varierait selon le choix
individuel. Tel que mentionné précédemment, cet
idéal ne pourra être atteint que par étapes. " Pour le
réaliser, on voulait procéder par plusieurs étapes. "Cette
proposition a comme avantage de tenir compte de la mentalité des gens et
de permettre au public de faire un choix en accord avec ses conceptions. "
Pour les dommages à la propriété - ce sont toujours
les recommandations du comité d'étude, on dit: "Quelle que soit
l'option choisie, tous les dommages causés à des biens autres que
le véhicule et son contenu sont couverts de façon obligatoire. Le
coût de la réparation de ces biens est à la charge de
l'assureur du véhicule impliqué. " S'il y avait plusieurs
véhicules, il fallait établir un prorata des
indemnités.
Le régime adopté par les autorités
gouvernementales, en 1978, pour les dommages matériels comporte
certaines différences avec les recommandations du comité, mais
n'en respecte pas moins les objectifs recherchés par les changements,
soit: 1° l'abolition du droit d'action contre un tiers malgré
l'utilisation de la notion de faute pour les dommages aux véhicules, le
droit de poursuite étant conservé contre une personne qui a
causé intentionnellement des dommages et contre une personne qui a la
garde temporaire d'un véhicule contre rémunération; 2°
la réduction des délais de règlement et des frais des
assureurs car les automobilistes dont les véhicules sont
accidentés ne transigent qu'avec un seul assureur, soit le leur; 3°
effectuer le paiement de la réparation des véhicules au lieu de
payer au propriétaire du bien la valeur des dommages, sauf en cas de
perte totale, afin d'établir un contrôle sur les
réparations et d'éviter tout dédoublement dans le paiement
des réparations; 4° réduire les délais de
règlement avec des économies pour le consommateur.
Le régime qui a été mis en place depuis
1978, même s'iI n'est pas en tout point identique à celui
que le comité avait élaboré, comme je vous l'ai dit,
n'atteint pas moins les grands objectifs. L'élément majeur du
projet de loi 133 concerne l'établissement d'un fichier central
d'accidents et les commentaires qui nous semblent appropriés à
cet égard peuvent se résumer comme suit. D'abord, un bref rappel
du but de l'assurance qui est de répartir sur l'ensemble des
assurés le coût des pertes que subiront certains d'entre eux.
L'assurance est donc un moyen de transférer à un tiers, en
l'occurrence un assureur, la probabilité de pertes pécuniaires en
échange d'une prime certaine.
Quant à l'assureur, il répartit sur l'ensemble des
assurés le coût des pertes et des frais d'administration qu'ils
engendrent. Cette répartition peut se faire de façon uniforme en
ne tenant pas compte du risque que représente chacun des assurés,
alors qu'à l'autre extrême on peut exiger de chaque assuré
le coût des pertes qu'il subira. Ce raffinement n'est pas souhaitable
puisqu'il est une négation du principe de base de l'assurance, qui est
de répartir le risque, donc les coûts d'assurance, sur un ensemble
d'assurés. Un système d'assurance équitable justifie la
mise en place d'une structure de classification des assurés. Ces classes
sont créées en tenant compte des caractéristiques des
assurés reliées aux risques qu'ils représentent.
Pour qu'un système de classification soit efficace, il doit
remplir certaines conditions, notamment: a) il doit être possible de
justifier actuariellement qu'il y a une différence de coût entre
des groupes d'assurés; b) les classes doivent être
homogènes. Les assurés d'une même classe doivent
posséder certaines caractéristiques communes et leur
probabilité de pertes doit être semblable avec un faible
coefficient de variation; c) les critères de classification doivent
être reliés directement au risque. d) le système de
classification doit être bien défini et sans
ambiguïté. Il doit être simple à appliquer ainsi
qu'à contrôler de la part de l'assureur; e) les assurés ne
doivent pas être en mesure de manipuler leur classification sans raison
valable; f) les critères de classification doivent être choisis
pour inciter les assurés à adopter des programmes de
prévention; g) un dernier critère, la dernière condition
pour un système de classification, c'est que les critères qu'on
retient pour classifier les assurés doivent être acceptés
socialement. Il y en a qui peuvent être justifiés, mais qui,
socialement, ne sont pas acceptables.
On ne s'attend pas que tous les critères de classification
remplissent totalement les conditions précédentes. Cependant, on
peut examiner un critère en examinant dans quelle mesure il se conforme
aux normes énoncées. En assurance automobile, les assureurs ont
adopté plusieurs critères de classification des assurés.
Depuis quelques années, ces critères se sont multipliés
à la suite de la vive concurrence que se sont livrée les
assureurs pour accaparer un portefeuille d'assurances, qu'on peut appeler
sélect, c'est-à-dire préférable à celles des
autres assureurs. Également, depuis l'introduction de l'indemnisation
directe aux assurés, les caractéristiques du véhicule
assuré sont prédominantes dans le système de
classification, étant donné qu'un assureur indemnise son propre
assuré dans la mesure où celui-ci est non responsable, la
majorité des pertes qui affectent la garantie "responsabilité
civile" est donc directement reliée au type de véhicule que
possède l'assuré.
Cependant, l'indemnisation directe aux assurés, sans subrogation
entre assureurs, a eu pour conséquence de rendre plus difficile pour
l'assureur l'accès à certaines informations touchant
l'assuré, notamment son implication dans un accident. Plusieurs
études ont démontré la validité du critère
basée sur le nombre d'accidents subis par un assuré pour
prédire les coûts futurs reliés aux accidents d'automobile.
Si on examine les conditions requises pour qu'un système de
classification basé sur le dossier de conduite des assurés soit
efficace, on s'aperçoit qu'un certain nombre de conditions ne sont plus
remplies dans le système actuel.
En effet, l'assuré a la possibilité de manipuler son
dossier de conduite puisque plusieurs accidents ne sont pas
déclarés a l'assureur. Lorsque l'assuré ne possède
pas la garantie "dommages à son véhicule par collision lorsque
responsable", il est possible que cet assuré soit impliqué dans
un accident où il est tenu responsable sans que son assureur le sache.
Cet assuré n'a aucun avantage à communiquer cette information
à son assureur, puisque, étant responsable de l'accident, il
n'aura pas le droit d'être indemnisé par son assureur. De plus,
cette Information additionnelle lui vaudrait probablement une surcharge lors de
son prochain renouvellement, puisque son dossier de conduite serait
modifié.
Certains assurés, même en possédant la garantie
"collision", ont également profité du fait que les assureurs
n'ont pas échangé les renseignements qu'ils possédaient
sur leurs anciens assurés. En effet, le changement d'assureur a souvent
été le théâtre d'amnésie soudaine de certains
assurés concernant leurs accidents passés. C'est ainsi que
quelque 90 % des assurés se sont retrouvés dans le meilleur
dossier, soit celui de cinq ans sans accident. (21 h 45)
L'homogénéité des classes basée sur le
dossier de conduite a donc été affectée. Dans le meilleur
dossier se trouve un très grand éventail de risques. Les bons
risques et ceux qui n'ont pas déclaré leurs accidents s'y
côtoient. Si on examinait la variabilité des probabilités
d'accident, on conclurait sûrement que l'homogénéité
est très variable dans le meilleur dossier. Les bons risques
subventionnent donc, dans le système actuel, les mauvais risques.
Quant au contrôle que l'assureur a sur ce critère, il s'est
détérioré au cours des ans. L'échange
d'informations entre assureurs sur les accidents subis par leurs anciens
assurés s'est estompé à mesure que la concurrence est
devenue plus féroce. Les Intermédiaires ont probablement
joué le même jeu pour conserver leurs assurés et leur
offrir les primes les plus basses La seule situation où un assureur peut
connaître le dossier d'accident réel de l'assuré est
lorsque celui-ci possède une couverture complète et qu'il
renouvelle avec lui.
L'introduction d'un fichier central permettra donc de rétablir
les règles du jeu et de mieux contrôler l'information que les
assureurs reçoivent des assurés. Les assurés pourront
désormais être identifiés quant à leur propension
à avoir des accidents. Ceci permettra aux critères de
classification, basés sur le nombre d'années sans accident, de
jouer pleinement leur rôle pour faire payer aux assurés
représentant un risque accru la proportion des sinistres qu'ils
engendreront.
En écoutant certaines des remarques, j'aimerais passer deux
autres commentaires qui n'apparaissent pas dans le petit mémoire que
j'avais préparé. Il est important de rappeler que, lorsqu'on
parle d'indemnisation directe, c'est de l'indemnisation directe sans
subrogation, c'est-à-dire que les assureurs payent leurs assurés
mais ne réclament pas des autres les montants qu'ils ont
payés.
Quant au fichier des conducteurs, à mon sens, il aurait pu
être institué par les assureurs IARD eux-mêmes sans
l'intervention de l'État si les assureurs s'étaient entendus
entre eux. Il est quand même curieux d'entendre les gens qui ne veulent
pas l'intervention de l'État la demander quand ça fait leur
affaire. D'ailleurs, dans un autre secteur, celui des compagnies d'assurances
de personnes, ils possèdent déjà depuis plusieurs
décennies un dossier de risques tarés qui fonctionne sans
l'intervention de l'État. Finalement, si on regarde tout le dossier de
la classification des risques et de la non-discrimination, il me semble que
l'État ne devrait pas intervenir en fixant les critères de
classification, mais laisser place à la concurrence pour qu'un
système de classification le plus efficace et le plus juste possible
résulte de l'évolution des choses, soit de la concurrence entre
assureurs pour trouver les meilleurs critères.
Il ne faudrait pas, à mon sens, tomber dans le chaos de l'Ontario
parce qu'on ne sait pas comment il va s'en sortir. Merci.
Le Président (M. Bélisle): Merci, M. Gauvin. M. le
ministre.
M. Fortier: Merci, M. Gauvin. C'est avec plaisir que j'ai pris
connaissance du fait que vous avez accepté de venir ici, en commission
parlementaire, parce que, même si on bénéficie des conseils
de l'Inspecteur, certains pourraient dire qu'il est tellement impliqué
dans ce dossier que ça valait la peine d'avoir une personne comme vous,
qui avez été impliqué, comme lui d'ailleurs, en 1974, pour
voir les choses un peu en perspective et pour nous dire, dans le fond, que le
système qui existe au Québec a, dans une très grande
mesure, respecté les recommandations du rapport de 1974. Comme je le
disais, d'après mon expérience comme ministre, les échos
que j'en ai et surtout lorsqu'on se compare à l'Ontario, au
Québec, on a un système qui fonctionne assez bien.
J'avais plutôt tendance, cet après-midi, à dire
qu'il s'agissait d'une modification mineure, mais M. Gauvin semble dire qu'il
s'agit plutôt d'une modification majeure enfin, peut-être pas
majeure mais importante.
M. Gauvin (Jean-Louis): C'est une modification qui nous permettra
d'avoir un système de classification des risques plus équitable.
Il ne faut pas oublier qu'en classification des risques rien ne se perd, rien
ne se crée. C'est une masse totale qu'on divise entre les 2 000 000 ou
les 3 000 000 d'assurés québécois. Quel que soit le
système de classification qu'on veut, normalement, on va aller chercher
le même argent. On veut être plus justes et plus équitables
et c'est cela que ça va faire. Là où je considère
que c'est important, c'est qu'en réalité, présentement,
les gens qui trichent et qui mentent en ne déclarant pas leurs accidents
sont favorisés au détriment de ceux qui disent la
vérité ou qui ont une couverture totale. Ceux qui ne
déclarent pas leurs accidents ne peuvent être
pénalisés pour les accidents dont ils sont responsables s'ils
n'ont que la couverture de base, s'ils sont simplement assurés pour la
'responsabilité civile*. De la façon dont cela fonctionne,
à ce moment-là, ils sont indemnisés uniquement lorsqu'ils
ne sont pas responsables. Mais, quand ils sont responsables, Us ne le
déclarent pas, alors ils n'ont pas d'ajustement de leur prime, tandis
que ceux qui ont l'honnêteté de les déclarer ont un
ajustement. Alors, le système actuel punit l'honnêteté pour
récompenser ceux qui sont un peu moins honnêtes. En fait, c'est
peut-être de l'amnésie collective, comme je l'ai dit dans mon
texte.
M. Fortier: M. Gauvin, ma question serait celle-ci. Par ailleurs,
je salue Mme Lafontaine qui vous a aidé à rédiger ce court
mémoire. À la page 5, vous dites: "Plusieurs études ont
démontré la validité du critère basé sur le
nombre d'accidents subis par un assuré pour prédire les
coûts futurs reliés aux accidents d'automobile. " Avec raison, le
député de Lévis disait: il peut arriver qu'une personne
soit malchanceuse et subisse plusieurs accidents dont elle n'est nullement
responsable. Ici, vous ne faites pas cette distinction, à savoir que,
quand on établit
la tarification, on devrait sûrement prendre en
considération le tait que la personne qui a été victime de
nombreux accidents a été responsable ou non des accidents qui lui
sont imputés. La première question, c'est celle-là.
J'enchaîne tout de suite avec la deuxième. En supposant que,
théoriquement - enfin, selon votre expérience - ce serait une
bonne chose d'établir le fichier, quelle est la probabilité que
ce sera vraiment utilisé et que cela va bénéficier,
justement, aux conducteurs? Autrement dit, selon la façon de travailler
des compagnies d'assurances, est-ce que vous croyez sincèrement que les
compagnies d'assurances vont prendre avantage du fichier justement pour en
faire bénéficier certaines personnes et pour pénaliser
celles qui conduisent mal?
M. Gauvin (Jean-Louis): Vous avez posé deux questions. En
ce qui concerne la première, j'aimerais peut-être que Mme
Lafontaine donne également son point de vue. Je trouve qu'il y a une
certaine anomalie. Quand on ajuste les primes à la suite d'un accident,
il y a bien des gens qui regardent ça comme une punition pour l'accident
passé, mais ce n'est pas ça l'objectif. Quand on regarde les
statistiques, on se rend compte que, ceux qui ont eu un accident, leur
propension à avoir un deuxième accident est plus
élevée. Il faut regarder ça plutôt sur une base
prospective. Quand on regarde les gens qui ont eu un accident dans les douze
derniers mois, on se rend compte que leur propension ou leur probabilité
d'avoir un autre accident dans les douze mois qui suivent est plus forte que
pour ceux qui n'ont pas eu d'accident. Je ne sais pas si vous aimeriez... Il y
a plusieurs études qui ont démontré exactement ça.
Je vais donner la parole à Mme Lafontaine là-dessus. C'est un peu
le même problème. Quand les gens ont un ajustement de prime, ils
se disent: C'est parce que j'ai été fautif. Mais ce n'est pas le
rôle de l'assureur... Premièrement, à mon avis, ce n'est
jamais le rôle d'un assureur privé de punir le monde; cela ne lui
appartient pas. On doit regarder ça de l'autre bord. Quand les assureurs
se rendent compte que, pour les assurés qui ont eu un accident, la
probabilité d'en avoir un autre est plus grande, ils doivent ajuster la
prime à la hausse, à ce moment-là. Aimeriez-vous...
Le Président (M. Bélisle): Mme Lafontaine.
Mme Lafontaine (Gaétane): Justemont. Quand on
établit une tarification, c'est toujours pour l'année suivante.
On exige une prime qui est payée au début de la période,
mais qui concerne les sinistres de la période qui suit. On se base sur
le passé pour prédire les accidents qui vont arriver dans
l'avenir. On prend des groupes d'assurés et, comme le disait M. Gauvin,
on examine leur probabilité d'avoir un accident l'année suivante.
Des études qui ont été faites aux États-Unis ont
démontré que ces gens, qu'ils soient responsables ou non, avaient
une probabilité plus grande d'avoir un accident l'année suivante,
comme groupe d'assurés qui avaient déjà eu un tel
accident. Mais le poids à donner aux accidents non responsables est
peut-être plus petit que le poids à donner aux accidents
responsables. Effectivement, il y avait eu certaines études qui
démontraient ceci: que ce soit un accident responsable ou non
responsable, il y avait un effet sur les accidents de l'année
d'après, mais toujours comme groupe d'assurés. C'est sûr
qu'on ne peut pas dire: Tel assuré, qui a eu un accident, va avoir aussi
un accident l'année prochaine, mais si on prend le groupe
d'assurés, la probabilité est plus élevée
l'année d'après.
Le Président (M. Bélisle): Une question par
curiosité personnelle: De combien la probabilité est-elle
augmentée?
M. Gauvin (Jean-Louis): Cela dépend du groupe
d'âge.
Le Président (M. Bélisle): En moyenne.
Mme Lafontaine: En moyenne, je ne peux pas vous le dire, mais
ça dépend de plusieurs facteurs.
Le Président (M. Bélisle): Oui, je le sais: ia
localité, les environs, la ville, etc.
Mme Lafontaine: Oui.
Le Président (M. Bélisle):... l'état...
M. Gauvin (Jean-Louis): C'est substantiel, en fait.
Le Président (M. Bélisle): C'est substantiel.
M. Gauvin (Jean-Louis): Ce n'est pas non négligeable.
C'est parce qu'il faudrait regarder les gens qui ont eu un accident dans les
douze derniers mois...
Le Président (M. Bélisle): Oui, oui.
M. Gauvin (Jean-Louis):... et dans les vingt-quatre derniers
mois.
Le Président (M. Bélisle): Quand vous me dites
"substantiel", est ce 50 % ou 60 %?
M. Gauvin (Jean-Louis): Non, mais à 50 %, ce serait
très substantiel.
Mme Lafontaine: Oui.
Le Président (M. Bélisle): Alors, ce serait 25
%.
M. Gauvin (Jean-Louis): Même les augmen-
talions de 15 %, c'est quand même subtantiel. Le
Président (M. Bélisle): Oui.
M. Gauvin (Jean-Louis): Ce qu'on a dit, c'est que dans une
classification de risques, on doit mettre des gens qui ont à peu
près le même risque. Si vous mettez là-dedans des gens qui
ont un risque de 1 et des gens qui ont un risque de 1, 15, vous n'avez plus le
même monde. Alors, il faut couper quelque pan". Pour moi, 15 %
d'augmentation, c'est substantiel. Cela nous permettait de répondre
à la question de M. le ministre Fortier qui était
rattachée à cela. Vous avez demandé si les assureurs
étaient pour en...
M. Fortier: Prendre avantage.
M. Gauvin (Jean-Louis):... prendre avantage. Entre nous deux, que
les assureurs en prennent avantage, ce n'est peut-être pas ça qui
est important, c'est que le public ait quelque chose. Los assureurs sont
là pour prendre soin d'eux, effectivement. La concurrence étant
ce qu'elle est, d'après moi, les assureurs vont refléter
ça. Dans le moment, le problème, c'est que c'est rendu qu'il y a
90 % des gens qui ont cinq ans sans accident. Continuons le système et
on va arriver à un moment où on va avoir 99, 9 % des gens qui ont
cinq ans sans accident, si tout le monde est menteur plus que ceux qui le sont
dans le moment. À ce moment-là, il n'y aurait pas d'escompte. Le
taux de la classe en question, ce serait le même taux parce qu'il n'y
aurait pas de différenciation entre ceux qui ont des accidents et ceux
qui n'en ont pas, parce que tout le monde se ramasserait là-dedans.
Quand on donne un escompte à tout le monde, on ne donne un escompte
à personne.
Le Président (M. Bélisle): Mme Lafontaine.
Mme Lafontaine: Oui. Effectivement, je crois que les assureurs
recherchent une clientèle qui n'aura pas d'accidents dans l'avenir. Avec
le dossier de conduite réel, ils vont justement, pouvoir choisir ces
assurés. Alors, je crois qu'ils vont donner un poids plus grand au
dossier de conduite réel qui est basé sur le nombre d'accidents
responsables.
Le Président (M. Bélisle): Merci, Mme Lafontaine.
M. le député de Lévis.
M. Garon: Le nombre d'accidents dont le conducteur est
responsable, ce n'est pas le nombre d'accidents, point.
Mme Lafontaine: Non.
M. Gauvin (Jean-Louis): Cela peut être les deux.
Mme Lafontaine: Cela peut être les deux, mais, avec le
fichier. lls vont pouvoir trouver le nombre d'accidents responsables.
M. Gauvin (Jean-Louis): Ce que Mme
Lafontaine dit, c'est qu'on pourrait tenir compte du nombre d'accidents
responsables et du nombre d'accidents non responsables, mais en mettant un
poids différent. Parce que, vous l'avez dit vous-même, si vous
vous mettez à la place d'un assureur, c'est une moyenne. Si vous avez un
gars qui est votre assuré depuis dix ans et que, quatre fois par
année, la glace lui tombe dessus, parce qu'il est stationné
à la mauvaise place, pour prendre vos exemples, à un moment
donné, on va dire: C'est bien beau d'être malchanceux, mais tu
n'es pas un risque bien diable parce que la malchance te court après
aller retour. Alors, même pour les accidents non responsables, à
un moment donné, on va dire: Écoute, est-ce que c'est parce que
tu conduis mal? Le gars, ça fait huit fois qu'il se fait rentrer
derrière. Il arrête au coin des rues tellement vite que, je ne
sais pas... À un moment donné, iI y a un point d'inflexion
où on dit: II y en a assez que, maintenant, on va en tenir compte.
Le Président (M. Bélisle): M. le
député de Lévis.
M. Garon: Pensez-vous qu'un système de tarification
basé sur un système de point de démérite serait un
bon système?
M. Gauvin (Jean-Louis): C'est le genre de question à
laquelle on peut répondre oui et non. Là, vous me replongez
pratiquement dans les discussions qu'on avait eues lors de la commission
d'enquête sur l'assurance automobile avec Me Bouchard. Le problème
des points de démérite, malgré ce que va vous dire la
police, c'est qu'ils ne sont pas appliqués uniformément dans tous
les territoires. Cela varie... (22 heures)
Enfin, les études ont démontré que ça
variait et ça dépendait également de l'endroit où
les gens conduisaient. Un gars qui conduit sur l'autoroute, évidemment,
s'il a un chauffeur parce qu'il est ministre, c'est son chauffeur qui se fait
arrêter. Mais, la surveillance n'étant pas mal faite, mais pas
identique sur le territoire, vous n'avez pas un système qui est
homogène à ce moment-là. Cela ne veut pas dire de ne pas
en tenir compte, mais à quel point en tenez-vous compte? C'est
ça.
Je ne sais pas comment est le système de mérite. Je me
souviens que. quand on l'a installé au Québec, Ils ont perdu les
fichiers deux ou trois fois. Ils l'ont abandonné. Ils l'ont
recommencé. Il y a le problème des délais aussi. Votre
réponse, c'est que: Oui, ça pourrait être un bon
système si la surveillance policière était uniforme. Pour
les accidents, c'est uniforme, on les rapporte tous. On les rapporte tous ou on
ne les rapporte pas. Mais la surveillance n'est pas
uniforme et varie également selon l'endroit où les gens se
promènent. Des fois, les gens vont se promener à des endroits
où ils sont plus susceptibles de se faire attraper parce que la police
aime bien le coin. Alors, ce n'est pas uniforme.
Le Président (M. Bélisle): Ce qu'on peut dire, M.
Gauvin, c'est que les accidents, eux, sont appliqués de façon
uniforme sur le territoire.
M. Gauvin (Jean-Louis): Les rapports d'accidents sont
supposés être appliqués uniformément.
M. Garon: Mais, selon vous, est-ce que les points de
démérite représentent un bon indice du risque d'accidents
que représente un conducteur? Parce que, là-dedans, les points de
démérite, c'est parce qu'on a dépassé la vitesse,
quelque choso comme ça.
M. Gauvin (Jean-Louis): Mais, enfin, il y a le problème du
poids. Il y a le problème de chance, effectivement. Il y a des gens qui
vont vous dire qu'ils se promènent à 25 milles au-dessus de la
limite et qu'ils ne se sont jamais fait prendre et il y en a d'autres qui se
promènent à 19 et qui se font accrocher. Il y a la question de
chance.
Ce que je dis, c'est que le système de
mérite-démérite, n'étant pas appliqué
uniformément, étant sujet à la chance, d'après moi,
ça ne serait pas un système aussi bon que ça. Et il y a
les problèmes des délais à insérer les dossiers
dans le système qui semblent relativement longs. Je ne dis pas qu'il
faut le rejeter, parce qu'à certains endroits on en tient compte, mais
il faudrait voir. Est-ce qu'il est meilleur que simplement les accidents?
Le Président (M. Bélisle): M. le
député de
Lévis.
M. Garon: Vous avez parlé des options et de tout
ça. Selon vous, quel est le meilleur système? Vous êtes un
spécialiste de ces questions-là. On voit qu'une bonne partie des
études que vous avez faites ont été appliquées en
1978. On a dit aujourd'hui qu'on avait le meilleur système en
Amérique du nord. Si on regarde l'avenir...
M. Gauvin (Jean-Louis): Bien, écoutez...
M. Garon:... étant donné les intentions
manifestées par le gouvernement, selon vous...
M. Gauvin (Jean-Louis): Je pense qu'un rapport comme celui du
Comité d'étude sur l'assurance automobile, c'est un peu comme un
enfant, on est un peu biaisé quand on parle de lui. Mais je pense que le
Québec s'est doté d'un système qui était
probablement très avant-gardlste en 1978. Cela a pris certainement
beaucoup de temps aux gens pour le réaliser. Il y en a qui ne le
réalisent peut-être pas encore. Les blessures corporelles sont
toutes indemnisées. On peut chialer sur le niveau, mais tout le monde a
droit à une certaine forme d'indemnisation.
Quant aux dommages corporels, parce que c'est plutôt de ça
qu'on parle, je pense que notre système d'indemnisation directe, sans
subrogation, a des avantages marqués. Il a réduit les
délais, par exemple. Je ne sais pas si le GAA vous en a parlé.
Malheureusement, je suis arrivé un peu plus tard, j'étais
à l'extérieur du Québec. Mais les délais de
règlement ont été réduits. Donc, ça favorise
le consommateur. Et on est également plus en mesure, dans ce
système-là, de tarifer selon le genre de véhicule. Parce
que, dans un système de responsabilité, le type qui a une
Corvette, qui coûte cher à réparer, quand il payait sa
prime dans l'ancien système. II payait la prime de responsabilité
pour le parc moyen au Québec, qui n'était certainement pas une
Corvette, qui était peut-être, je ne sais pas, une Chevrolet assez
ordinaire. Donc, II était subventionné parce que quand il avait
un accident dont il n'était pas responsable, on le payait sur la base
d'une Corvette, mais il mettait de l'argent dans le "pool" sur la base d'une
petite Chevrolet bien ordinaire. Le système qui a été
établi ici a permis d'équilibrer ça de telle sorte que les
gens payent en fonction du véhicule qu'ils ont. Donc, s'ils ont un
véhicule qui coûte plus cher à réparer, ce ne sont
pas les autres qui payent pour ça. Cela a favorisé, je pense, les
petites gens au détriment des gens qui se promènent aujourd'hui
en BMW ou en d'autres voitures. Également, le système
d'indemnisation directe, qui n'a pas été inventé au
Québec par le Groupement des assureurs ou par le BAC, qui existait en
France, avant, permet de mieux contrôler les réparations. L'un des
principes qui ont été mis de l'avant, c'est que ce n'est pas un
système de paiement d'indemnités, c'est un système de
réparations. On s'assure que les autos soient réparées
pour que les gens n'encaissent pas deux fois. D'ailleurs, le Groupement des
assureurs a fait un bon travail en Instaurant des centres d'estimation. En
somme, selon mol, on a un système qui est certainement meilleur
qu'ailleurs. Il y en a d'autres qui sont aussi bons, la perfection
n'étant pas de ce monde, mais le Québec s'est doté d'un
bon système. Il y en a qui le réalisent de plus en plus.
Même l'Ontario commence à le réaliser. Avec les deux
solitudes, cela leur a pris bien du temps pour voir ce qui se passe au
Québec. Il y en a là-bas qui se prennent pour le nombril du
monde. et qui regardent juste ce qui se passe chez eux. Mais, aujourd'hui, je
pense qu'ils admettent qu'ils seraient bien contents d'avoir ce que nous avons
au Québec. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de défauts.
M. Garon: À ce moment-là, le système de
fichier proposé, vous le verriez fonctionner comment?
M. Gauvin (Jean-Louis): Le problème dans le moment, c'est
que le système de fichier...
M. Garon: Est-ce que vous pensiv que c'est bon qu'il y en ait
un?
M. Gauvin (Jean-Louis): Je crois que oui, il en faut un.
M. Garon: Administré par qui?
M. Gauvin (Jean-Louis): Sûrement pas par la Régie de
l'assurance automobile. En fait, l'idéal, c'est de le faire payer par
les assureurs. Ils sont supposés être efficaces, eux autres. Ils
disent qu'ils sont plus efficaces que les fonctionnaires. Cela devrait donc
coûter moins cher au consommateur. En fin de compte, ce ne sont pas les
assureurs qui vont le payer - et ils t'ont dit d'ailleurs, M. Brouillette l'a
très bien dit - c'est le consommateur qui va payer, ce
système-là. Si j'ai bien compris le sens de votre question - non
pas de votre question, excusez-moi, je n'ai pas la mémoire des noms - la
question de votre collègue qui demandait...
Une voix: Le député de Jonquière.
M. Gauvin (Jean-Louis):... M. le député de
Jonquière demandait à qui appartiennent les logiciels. Moi,
j'écoutais en arrière parce que j'aime ça, les logiciels.
J'ai compris qu'ils appartenaient à l'inspecteur. Donc, un jour ou
l'autre, si l'inspecteur le veut, il peut le rattraper. Ce n'est pas si mal en
fait comme approche. On le fait monter par les gens qui se disent les plus
efficaces et, à la limite, si on veut le reprendre, on le reprend.
Le Président (M. Bélisle): M. le
député de Lévis.
M, Garon: Par rapport au système de
responsabilité?
M. Gauvin (Jean-Louis): Excusez-moi, je ne saisis pas votre
question. Le système de responsabilité, dans le fichier, Hs vont
rapporter si l'assuré était ou non responsable, selon ce que j'ai
compris.
M. Garon: Oui.
M. Gauvin (Jean-Louis): Ce n'est pas très volumineux comme
données qu'ils vont mettre dans cela, te numéro du permis de
conduire, la date de l'accident, le montant payé, le type de
véhicule - vous avez cela à l'article 179 - et le pourcentage de
responsabilité. S'il n'est pas responsable, cela va être
écrit. Ce qu'il faut réaliser, c'est que cela va permettre aux
assureurs de tenir compte à la fois des accidents responsables et non
responsables pour déterminer dans quelle classe on va mettre l'individu
en question.
M. Garon: Quels recours voyez-vous pour celui qui n'admet pas
être responsable?
M. Gauvin (Jean-Louis): D'après moi. cela ne change rien.
Il y a un gros document, la Convention d'indemnisation directe qui a
découlé de la réforme de 1978 et qui était une
recommandation qui avait été faite en 1974. Là-dedans,
d'après ce que je comprends, il y a 90 % des cas où c'est clair
et il y a les autres 10 %. Si les gens ne sont pas satisfaits, Us peuvent
toujours s'adresser à la cour et dire: Moi. l'assureur a dit que je
n'étais pas responsable, que j'étais responsable pardon, et je ne
le suis pas... Si le gars est heureux, il n'en appellera pas. À ce
moment-là, il y a un recours. Cela existe. Vous ne changez rien à
cela. On ne change pas la convention.
D'ailleurs, il ne faut pas se faire d'illusions. Vous savez
qu'aujourd'hui, si on faisait la somme, si on prenait la responsabilité
moyenne des accidents, elle dépasserait peut-être 100 % II y a des
cas où les assureurs... C'est un autre avantage du système
québécois: chaque assuré traite avec son assureur.
L'assureur va donner le bénéfice du doute à son
assuré qu'il veut conserver. Il y a probablement des circonstances
où ils disent à chacun des deux: Vous n'êtes pas
responsable. Ils ne font pas le partage. Je ne sais pas, moi. pour un accident,
ils s'obstinent: Est-ce que le feu était rouge ou vert? Il peut arriver
que l'assureur de chacun des deux va croire leur version, alors qu'il y en a
seulement une des deux qui est bonne.
Mais je pense que votre fichier ne change rien à cela. Votre
fichier, dans ce sens-là, c'est un "tuning* si on peut employer un
anglicisme. On est à l'intérieur, on peut l'employer. C'est juste
un fine tuning" du système effectivement; cela ne change pas le droit
des assurés. Cela ne fait qu'améliorer la classification des
risques. C'est donc plus efficace et plus juste pour la population.
Le Président (M. Bélisle): M. te
député de Lévis.
M. Garon: Je n'ai pas d'autre question pour le moment.
Le Président (M. Bélisle): Alors. M. le
ministre.
M. Fortier: Je voudrais simplement remercier M. Gauvin qui nous a
apporté un éclairage qui en valait la peine. Parce qu'on a
entendu des gens qui étaient objectifs, comme l'Association des
consommateurs dans la mesure où ils ne sont
pas eux-mêmes impliqués dans le commerce de l'assurance
automobile. Le Groupement nous a donné des réponses. Sans
remettre en doute son degré d'équité et son
professionnalisme, je crois que c'était bien d'entendre M. Gauvin, qui
était présent on 1974, et qui a tait son rapport, nous dire que,
dans le fond, il s'agit d'une mesure positive qui bénéficiera au
consommateur ou au conducteur selon certaines modalités. Par ailleurs,
on a tenu compte de la recommandation de la Commission d'accès à
l'information. Je pense qu'en définitive Je vais conclure
là-dessus pour dire que, personnellement en tout cas, je me suis
convaincu que, sous réserve d'une ou deux modalités qui nous ont
été recommandées par l'Association des consommateurs, on a
une mesure qui se défend et qui devrait être dans le meilleur
intérêt du consommateur québécois.
Le Président (M. Bélisle): Avant que vous nous
quittiez, M. Gauvin, je vais accepter le dépôt do votre documont.
M. le député de Lévis.
M. Garon: J'ai remarqué ce qu'on a laissé entendre
que les gens qui n'ont pas d'accidents ou qui ne sont pas responsables
d'accidents pourraient avoir une baisse de leur prime d'assurance. On vous a
posé la question, je ne sais pas si c'est le ministre ou le
député de Mille-Iles, et vous n'avez pas trop répondu
là-dessus. Dans votre mémoire, vous ne répondez pas
beaucoup non plus. Vous dites: Cela permettra au critère de
classification basé sur le nombre d'années sans accident de jouer
pleinement son rôle pour faire payer aux assurés
représentant un risque accru la proportion des sinistres qu'ils
engendreront, laissant entendre que ceux qui sont responsables d'accidents
paieront plus cher, mais, ne laissant pas entendre que ceux qui n'en ont pas
paieront moins cher.
M. Gauvin (Jean-Louis): C'est implicite. Comme je l'ai dit, rien
ne se perd et rien ne se crée là-dedans. J'hésite à
donner des chiffres parce qu'on m'en a demandé, il n'y a pas très
longtemps, et on n'a pas fait une étude très poussée
là-dessus, je n'ai pas les données. Mais on dit que, dans le
moment, 90 % des assurés sont dans la classe cinq ans et plus sans
accident. Supposons qu'il y en a 10 % de trop là-dedans, ces 10 %, il va
falloir les enlever. Eux, ils vont payer plus cher. Le montant total le plus
élevé qu'ils paient - pas juste théoriquement, la
compétition va y voir - sera disponible pour réduire la prime des
80 % qui resteront des purs là dedans.
Tantôt, je me suis amusé on écoutant les
réponses qu'on vous a données. J'hésite beaucoup à
donner des chiffres. C'est 80 % des primes qui vont baisser. Dans mon exemple,
il y en a juste 10 % qui vont monter. On ne parle pas d'une baisse de prime de
50 $ par personne. La prime moyenne au Québec est de 400 $ dans le
dossier qu'on vous a donné, de sorte que ce sont pas ces ordres de
grandeur. Mais, pour les individus, on aura un système plus juste.
Excusez-moi. J'aimerais bien, M. Garon, vous dire combien exactement.
J'aurais aimé que le GAA fasse les calculs. Après tout, il a des
données. Les assureurs n'ont pas été capables de
s'entendre entre eux pour faire le fichier dont on parle sans votre
intervention. Alors, quand ils s'assoient ensemble pour calculer la baisse de
primes, ils se considèrent tous comme compétiteurs au lieu de se
considérer comme des collaborateurs. C'est peut-être pour
ça qu'ils n'ont pas trouvé le moyen de vous donner la
réponse.
M. Garon: Dans votre esprit, quand les gens parlent d'un dossier
de dix ans, d'un dossier de cinq ans sans accident, ou avec accident sans
responsabilité, à quoi pensez-vous dans ce sens-là?
M. Gauvin (Jean-Louis): Je regrette, je n'ai pas
véritablement do réponse. Le fait de garder dos données
pendant dix ans ne veut pas nécessairement dire qu'on s'en sert.
L'important, c'est de les conserver. Après ça, il faut savoir
quelle utilisation on en fait. Si vous les conservez juste pendant cinq ans et
qu'après vous réalisez que vous devriez pour certains groupes en
avoir de plus vieilles, si vous ne les avez pas conservées, toflok! Il
va falloir que vous remettiez la machine en marche et ça va prendre cinq
ans avant de les avoir. Tandis que, si vous les conservez... C'est pour
ça que, idéalement, les actuaires aiment en avoir plus que moins,
mais le fait qu'on en a plus ne veut pas dire qu'on s'en sert
nécessairement. Dans certains cas pour de très jeunes
conducteurs, ce qui est arrivé il y a dix ans, ça vient que
ça n'a plus de signification, mais pour des vieux comme moi, c'est
peut-être plus significatif.
La réponse, c'est tout simplement que je
préférerais conserver les données pendant une dizaine
d'années mais ça ne veut pas dire qu'elles vont être
utilisées pour autant. Cela veut dire qu'elles vont être
là, qu'il y a des gens qui vont les analyser et qu'ils vont voir si
c'est significatif ou non. Dans un système de libre concurrence, si un
assureur ambitionne, il va avoir des primes plus élevées. Un
autre assureur va se rendre compte qu'il ambitionne et il va avoir des primes
plus basses. Si les intermédiaires de marché font leur job comme
ils le devraient, les consommateurs vont en bénéficier. S'ils ne
font pas leur job, c'est un autre problème que vous tenterez de
régler avec un autre projet de loi.
Le Président (M. Bélisle): M. le
député de Lévis.
M. Garon: Merci.
Le Président (M. Bélisle): Alors, M.
Gauvin.
Mme Lafontaine, merci infiniment d'être venus devant nous.
La commission du budget et de l'administration ayant rempli son mandat,
nous allons ajourner nos travaux sine die. Merci de votre collaboration,
à tous.
(Fin de la séance à 22 h 16)