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Version finale

29th Legislature, 2nd Session
(February 23, 1971 au December 24, 1971)

Tuesday, November 23, 1971 - Vol. 11 N° 103

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 35 - Loi modifiant la loi de la Régie des services publics, Projet de loi no 36 - Loi modifiant la loi de la Radio-télédiffusion du Québec et Projet de loi no 37 - Loi modifiant la loi du ministère des Communications et autres dispositions législatives


Journal des débats

 

Commission permanente des Communications

Projet de loi no 35 — Loi modifiant la loi de la Régie des services publics

Projet de loi no 36 — Loi modifiant la loi de radio-télédiffusion du Québec

Projet de loi no 37 — Loi modifiant

la loi du ministère des Communications et

d'autres dispositions législatives

Séance du mardi 23 novembre 1971

(Dix heures vingt minutes)

M. CORNELLIER (président de la commission parlementaire des Communications): A l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire des Communications siège ce matin pour l'étude des bills 35 et 36. J'en profite pour souhaiter la plus cordiale bienvenue à nos visiteurs, en particulier ceux qui seront invités ce matin à émettre leur opinion concernant les bills à l'étude. Pour commencer, j'inviterais le ministre des Communications à prendre la parole.

Remarques préliminaires

M. L'ALLIER: M. le Président, MM. les membres de la commission, nous sommes réunis ce matin pour entendre toutes les parties qui ont manifesté le désir d'être entendues au sujet des projets de loi 35 et 36. Le projet de loi 37 qui est étudié actuellement en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale ne peut donc pas faire l'objet, à ce stade-ci, d'étude devant cette commission, n'ayant pas été déféré, et pour cause, à l'attention des membres de la commission.

Le président de la commission nous indiquera ceux qui ont manifesté le désir d'être entendus. C'est, pour ma part, avec beaucoup d'attention que je prendrai connaissance des mémoires qui nous sont présentés ce matin devant cette commission afin que les projets de loi 35 et 36 atteignent véritablement les objectifs que nous nous sommes fixés dans l'intérêt de la collectivité québécoise. Ces objectifs, il n'est pas nécessaire de les répéter ici, ont été énoncés au moment de l'étude des projets de loi devant l'Assemblée nationale. Ils ont alors été commentés, ils ont été mis en cause par les partis d'Opposition, quels qu'ils soient et c'est normal. Nous en sommes au stade de l'étude en commission parlementaire. Ce stade a essentiellement pour but de permettre aux citoyens intéressés de faire connaître leurs vues, leurs commentaires, leurs approbations, leurs propositions et surtout de leur permettre de participer d'une façon positive et constructive à l'amélioration, si c'est nécessaire, de ces projets de loi.

Je ne voudrais pas prendre plus de temps de cette commission, maintenant, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous sommes heureux d'accueillir les personnes qui veulent bien nous faire des recommandations au sujet de certains projets de loi soumis par le ministre des Communications. Comme on a pu le constater en fin de semaine dernière, ces projets suscitent certains commentaires qui vont inciter, je n'en doute pas, le ministre à se rallier à l'opinion de sa majorité étant bien entendu que nous ne sommes pas de ce nombre.

Pour des fins de procédures, le ministre a déclaré que nous étudierions ce matin les projets de loi 35 et 36. Nous avons vu en Chambre que le ministre des Communications a présenté une sorte de triptyque, trois projets de loi portant sur l'ensemble des communications mais l'un d'entre eux, le projet de loi 35 a un caractère particulier, c'est la Loi modifiant la Loi de la Régie des services publics. Il n'est donc pas question pour nous d'examiner en même temps les projets de loi 35 et 36 puisque ces deux projets de loi ont des objets tout à fait différents et, s'il y a un projet de loi 35, ce n'est que parce qu'il était nécessaire de donner au gouvernement certains instruments dont il a besoin pour mettre en application les projets de loi 36 et 37. Par conséquent, nous entendons bien suivre l'ordre logique de la présentation qui a été faite en Chambre et, compte tenu de l'objet particulier du projet de loi 35, nous sommes disposés, pour notre part, à entendre les témoins qui voudront s'exprimer sur le projet de loi 35 quitte, par la suite, à aborder le projet de loi 36 dont l'objet est complètement différent.

Je fais cette précision parce qu'il ne faudrait pas qu'il y ait confusion et que l'on étudie en même temps deux projets de loi qui sont dans leur esprit et dans leur objet très spécifiques. Nous n'accepterons la procédure que le ministre suggère â la commission parlementaire qu'à condition que l'on sépare très nettement les deux projets de loi dont le ministre vient de parler.

Ainsi donc, en ce qui nous concerne, nous sommes disposés à entendre les témoins qui voudront bien nous faire des représentations concernant le projet de loi 35.

M. L'ALLIER: M. le Président, je puis dire que je suis entièrement d'accord sur cette précision de la procédure que nous suivrons ce matin et je crois qu'il ne serait ni de l'intérêt de la commission, ni des personnes qui y participent que les mémoires portent indifféremment et sans ordre sur les projets de loi 35 et 36.

Nous allons donc entendre, dans un premier temps, toutes les personnes qui veulent s'exprimer et qui en ont manifesté le désir, suivant les règles de la commission sur le projet de loi 35.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, en ce qui nous concerne, nous sommes heureux ce matin de participer aux travaux de cette commission et

d'écouter les trois organismes qui ont déposé des mémoires ou, du moins, qui vont nous entretenir.

J'aurais souhaité rencontrer ce matin, étant donné que nous étudierons les projets de loi 35 et 36, des personnes qui ont travaillé soit à la Régie des services publics, soit à Radio-Québec. Je souhaite énormément rencontrer ces personnes, soit les anciens présidents ou directeurs généraux, soit les présidents actuels ou les membres, à cette commission. J'aimerais bien pouvoir les rencontrer, s'ils peuvent se déplacer et venir à notre prochaine réunion pour que nous puissions, avec eux, éclaircir davantage certains points qui nous paraissent encore assez obscurs dans les deux projets de loi qui ont passé le stade de la deuxième lecture.

Je voudrais simplement ajouter, M. le Président, une question au ministre: Etant donné que le ministre s'est réservé un pouvoir de réglementation dans le cas du projet de loi 35, est-ce qu'il entend faire comme son collègue qui a présenté le projet de loi pour la protection du consommateur, le ministre des Institutions financières, qui a réuni la commission pour présenter les règlements? Est-ce que le ministre a l'intention de présenter ces règlements à la commission, comme son collègue l'a déjà fait?

M. L'ALLIER: C'est une question technique, M. le Président. Les règlements qui pourront être faits peuvent l'être soit par le gouvernement, par le lieutenant-gouverneur en conseil, soit par la Régie des services publics. Vous avez noté également qu'en plus d'accorder un pouvoir réglementaire général au gouvernement, il est également possible au ministre de référer toutes questions à la Régie des services publics et de demander que soient tenues des audiences publiques sur ces questions par la régie. Ou, si le ministre réfère une question sans demander qu'il y ait d'audiences publiques, la loi permet à la régie elle-même de décider s'il y aura ou non audiences publiques.

C'est davantage la forme que pourrait prendre cette consultation préalable à la préparation des règlements. Pour le reste, l'élaboration des règlements se fait sur une base technique et c'est la responsabilité du gouvernement de les adopter et de choisir les mécanismes de consultation qui lui apparaissent les mieux appropriés et les plus efficaces afin de permettre une participation véritable de toutes les personnes intéressées par ces questions.

Commission permanente

M. L'ALLIER: Par ailleurs, j'ai annoncé la formation d'une commission parlementaire qui serait permanente et cette commission parlementaire pourrait certainement mettre en cause l'un ou l'autre ou l'ensemble des règlements qui pourraient être passés comme toutes les opérations de communication, de publicité et d'infor- mation qui seraient sous la responsabilité du ministère des Communications.

M. LEGER: M. le ministre, est-ce que vous me permettrez une question? Dans son esprit, cette commission parlementaire statutaire serait-elle une commission qui serait convoquée d'une façon régulière une fois par année ou à tous les mois ou deux mois comme la commission des Institutions financières?

M. L'ALLIER: Le député de Lafontaine se souviendra probablement de ce que j'avais dit à ce sujet-là. J'avais proposé, quant à moi, qu'une commission parlementaire permanente se réunisse à période fixe trois ou quatre fois par année suivant la convenance de ses membres, mais pas moins que trois fois par année et qu'elle se réunisse obligatoirement trois fois par année à intervalles réguliers, permettant ainsi aux partis de poser, à ces intervalles réguliers, toutes les questions et de demander toutes les explications relatives aux politiques de communication, enlevant de ce fait au gouvernement, à cause de la règle de majorité qui joue dans le cas des autres commissions parlementaires l'initiative unique de la convocation des commissions parlementaires. C'est la caractéristique de cette commission parlementaire qu'elle puisse ou qu'elle doive se réunir à intervalles fixes ou réguliers trois ou quatre fois par année suivant ce que les membres pourront en décider. A ce moment-là, ce n'est pas sur demande ou avec l'accord du gouvernement qu'elle le fait, mais parce qu'il en a été décidé ainsi par l'Assemblée nationale.

M. PAUL: M. le Président, le ministre, jeudi soir, nous a parlé justement de cette commission parlementaire qu'il voudrait voir siéger à des dates fixes, trois ou quatre fois par année. Est-ce que le ministre a consulté les officiers légistes du gouvernement quant à l'opportunité d'insérer dans la loi l'obligation de la tenue de séance de cette commission permanente des Communications?

M. L'ALLIER: M. le Président, effectivement, en réponse à la question du député de Maskinongé, j'ai consulté les officiers légistes du gouvernement qui doivent me remettre un avis sur cette question au cours des prochains jours. Je peux vous assurer que cet avis sera communiqué à cette commission ou à l'Assemblée nationale avant l'adoption, en troisième lecture, de l'un ou de l'autre de ces projets de loi.

M. PAUL: Autrement, ce serait trop tard, on ne pourrait pas...

M. L'ALLIER: Une commission parlementaire peut toujours être formée après l'adoption d'un projet de loi.

M. PAUL: Oui, excepté si on vous a demandé qu'elle soit inscrite...

M. L'ALLIER: En fait, je ne fais, M. le Président...

M. PAUL: ... dans la loi. On vous a donné une référence, on vous a cité le bill 50. Mon collègue, le député de Chicoutimi, vous a référé à l'article 33, je crois, pour vous signaler que la demande qu'il vous faisait n'était pas un précédent. Le gouvernement, de proprio motu, avait jugé bon d'insérer une telle clause dans ce projet de loi, à la recommandation et à la suggestion du député de Chicoutimi, à l'occasion du bill 50.

M. L'ALLIER: Le député de Maskinongé sait très bien, à cause de son expérience parlementaire, qu'il s'agit là, quand même, d'une façon de procéder exceptionnelle; en ce sens que ce n'est pas de cette façon que, régulièrement et d'une façon habituelle, les commissions parlementaires existent ou fonctionnent. On a même la commission parlementaire des engagements financiers qui a au moins autant d'importance sur le plan du contrôle des actions du gouvernement dans la gérance des fonds publics. Même cette commission n'est pas constituée par la loi, les lois financières du gouvernement ou la loi du ministère des Finances, ou quelque loi que ce soit, mais elle est bien, quand même, une commission permanente. À ma connaissance, cette formule n'a pas empêché les députés de l'Opposition de participer à cette commission, aux moments qui y sont prévus, qui ont été décidés par l'Assemblée nationale et de faire valoir tous les points qu'ils peuvent vouloir souligner, dans l'intérêt public. Donc, et je ne voudrais pas ici, sur une question de forme et de procédure qui peut avoir son importance — et c'est ce que je veux voir, en demandant un rapport écrit des légistes sur cette question — que nous fassions une question de principe. La position que j'adopte ici est pratique, pragmatique. Ce qui m'intéresse, c'est que les membres de l'Assemblée nationale puissent disposer d'un mécanisme de contrôle efficace, pour tous les partis qui sont à l'Assemblée nationale. Efficace donc, de l'information, de la publicité et de toutes les opérations de communications du gouvernement. Ce mécanisme de contrôle ne doit pas, évidemment, devenir quelque chose qui empêche absolument toute action, en ce sens que ce n'est pas une commission qui pourrait se réunir une fois ou deux par semaine, ce serait complètement dilatoire et contraire à l'intérêt de ce qui est recherché.

Compte tenu de l'importance des budgets et de l'importance des opérations d'information etc., il m'apparaît exceptionnel qu'une telle commission soit inscrite dans la loi, alors que la créer par l'Assemblée nationale est conforme à la procédure habituelle. Si on enlève au gouver- nement le droit de convoquer une telle commission parlementaire à son bon plaisir, si on résume la situation qui existe par rapport à toutes les autres commissions parlementaires, et que l'on prévoit, soit par décision de l'Assemblée nationale, soit dans une législation, que cette commission se réunit à périodes fixes, à intervalles réguliers, il m'apparaît que nous donnons ainsi aux membres de cette assemblée, dans la mesure où ils auront dans l'intervalle scruté et suivi attentivement les actions du gouvernement et préparé comme tous les députés de l'Assemblée nationale de tous les partis leurs dossiers, il m'apparait, dis-je, qu'ils peuvent d'une façon efficace vérifier, analyser et juger les actions du gouvernement en ces matières. Donc, j'attends une note sur cette question des légistes du gouvernement et — c'est un pléonasme que de le dire — elle nous sera communiquée soit à l'Assemblée nationale, soit en commission parlementaire avant l'adoption du projet de loi en troisième lecture pour que nous puissions en débattre s'il y a lieu.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, au sujet de ce que vient de dire le ministre, il y aurait quand même deux observations à faire. 1- Il y a la question des règlements qui doit suivre l'adoption du projet de loi 35. Le ministre vient de nous dire qu'il s'agit d'une question technique — on s'en doutait bien entendu — mais le ministre doit se rappeler les débats que nous avons eus en Chambre. Or, l'un des reproches que l'on a faits à ce projet de loi, c'est justement cette question de l'initiative du gouvernement en matière de réglementation, de l'action de la Régie des services publics. Le gouvernement va, par règlements, déterminer le cadre de l'action de la Régie des services publics. Or, c'est là un danger que nous lui avons signalé et j'ai été heureux d'entendre le député de Lafontaine rappeler ce que j'avais demandé en Chambre, à savoir que le gouvernement devrait, en même temps qu'il nous présente le projet de loi 35, lors de l'étude en commission parlementaire ou en comité plénier en Chambre, nous présenter, sinon le détail complet, la réglementation, du moins les principes généraux, les normes et les critères qui régiront l'action de la Régie des services publics.

Il ne s'agit pas simplement d'une question technique, il s'agit d'une question de principe, parce que, au terme du projet de loi 35, il apparaît très nettement que cette Régie des services publics n'aura pas d'autres pouvoirs que ceux que le gouvernement, c'est-à-dire le lieutenant-gouverneur en conseil, voudra bien lui donner par voie de réglementation.

M. L'ALLIER: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il est donc important que nous soyons informés des intentions du gouvernement en ce qui concerne cette

réglementation. Je sais que le ministre ne sera pas d'accord sur la déclaration que je viens de faire; elle a d'ailleurs fait l'objet de nos discussions en Chambre, mais j'y reviens ce matin pour le mettre en garde, encore une fois, contre une initiative du gouvernement qui ferait que la Régie des services publics ne régirait désormais plus rien.

D'autre part, la seconde observation que je voulais faire concerne la question de la convocation de la commission parlementaire. Le ministre nous a dit à propos de l'article 33 de la loi 50, qu'il s'agit d'un fait inusité. Inusité, M. le Président, et pour cause, c'est que la Société de développement de la baie James aura à s'occuper d'une exploitation d'un caractère particulier. On peut en dire autant, par analogie, de l'activité du gouvernement en matière de communication. Il serait donc extrêmement, non seulement utile, mais nécessaire, que le gouvernement s'autorise de ce précédent que l'Assemblée nationale a créé, à ma demande d'ailleurs, en insérant dans le projet de loi 36, une disposition, une prescription impérative de la loi permettant la convocation de la commission parlementaire à des moments déterminés ou à des moments qui seraient fixés lorsque des députés, un nombre X de députés que la loi pourrait prévoir, demanderaient la convocation de la commission parlementaire pour étudier des problèmes pertinents à l'information gouvernementale, toutes les fois que cela paraîtrait nécessaire aux membres de l'Assemblée nationale.

Je comprends que le ministre puisse agir avec prudence, en demandant l'avis de conseillers juridiques, mais je le prierais de référer encore une fois à la loi 50 et à l'article 33 de cette loi et de s'autoriser de ce précédent que nous avons créé pour inscrire dans un texte législatif une garantie additionnelle sans laquelle nous ne pourrons pas faire confiance au gouvernement et le laisser libre d'agir à sa guise dans le domaine de l'information gouvernementale. Surtout que, M. le Président — et j'y ferai allusion, sans entrer dans les détails — les expressions d'opinions qui ont été émises en fin de semaine nous indiquent très clairement que, même si mauvais que soient les projets de loi que présente le ministre, ils ne satisfont pas encore les spécialistes de "walkie-talkie" de M. Paul Desrochers.

M. L'ALLIER: Quand on a des congrès où il y a seulement 200 personnes, on a pas besoin de ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand on a des congrès où il y a 200 personnes honnêtes, M. le Président, on n'a pas besoin de "walkie-talkie", le ministre a raison.

M. L'ALLIER: Je n'ai pas dit "honnêtes", j'ai dit "200 personnes".

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais moi, j'ai complété votre pensée.

M. L'ALLIER: C'est une exagération.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Etant un homme d'Unité-Québec, vous me comprenez très bien. C'est d'ailleurs le reproche qu'on vous a fait en fin de semaine.

Passons, M. le Président à l'audition des mémoires.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre, est-ce que vous avez des commentaires à faire?

M. L'ALLIER: Je n'ai pas de commentaires.

M. LE PRESIDENT: Nous allons procéder à l'audition des mémoires. Nous avons trois mémoires inscrits à la liste. Deux de ces mémoires ont été présentés par écrit et un troisième, me dit-on, sera présenté verbalement, seulement.

Nous allons donc procéder aux deux mémoires écrits que nous avons en notre possession. J'inviterais le représentant de Québec-Téléphone à venir faire les commentaires et à s'identifier au préalable.

Vous pouvez rester assis.

Québec-Téléphone

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je suis Jean-Marc Tremblay, vice-président et secrétaire de Québec-Téléphone.

M. le Président, M. le ministre, messieurs, je dois d'abord m'excuser auprès de cette commission de n'avoir pu remettre mon mémoire écrit avant ce matin. Les délais étant très courts, il nous a fallu travailler à la toute dernière minute.

Il serait peut-être important, pour la bonne compréhension de cette commission, de définir en quelques mots ce qu'est Québec-Téléphone.

Québec-Téléphone est une compagnie incorporée, suivant les lois du Québec depuis 1927. C'est la plus importante entreprise de télécommunications sous la juridiction du Québec, depuis cette date. Québec-Téléphone fournit le service téléphonique à une population d'environ 530,000 âmes, vivant sur un territoire de 102,000 milles carrés. C'est-à-dire, un territoire qui couvre 40 p.c. du territoire du Québec.

Il n'est pas dans l'intention de Québec-Téléphone de s'opposer à une politique des communications pour le Québec. Cependant, même si l'importance des communications dans la vie économique est très évidente, il ne faudrait pas, par une loi trop libérale, mettre en tutelle l'organisme qui a pour but de les régir, surtout si celui-ci a prouvé, dans le passé, sa compétence et son efficacité dans son pouvoir de contrôle et de surveillance.

En effet, le bill 35, en édictant que la Régie des services publics devra se conformer à la

réglementation adoptée par le lieutenant-gouverneur en conseil sur les recommandations du ministre des Communications, touche cette régie dans ce qu'elle a de plus sacré, c'est-à-dire son autonomie de tribunal administratif et sa liberté d'organisme de contrôle et de surveillance.

Québec-Téléphone, étant sous la juridiction de la régie depuis plus de quarante ans, croit que celle-ci est encore la mieux placée pour assurer les responsabilités de l'Etat en matière de réglementation et de normalisation de l'équipement, et, dans une certaine mesure, de l'utilisation de moyens de communications au Québec. Nous soumettons que ces responsabilités doivent être exercées dans un cadre flexible sans réglementation ou directives particulières et précises venant de l'exécutif, car alors, la régie, nous le répétons, se doit de garder son indépendance de tribunal administratif qui ne décide des questions que sur les faits de la cause ou de l'argumentation apportée par les parties.

Que le bill 35 attribue à la Régie des services publics une compétence à l'égard de toutes les entreprises de communications, cela est nécessaire et important; que le bill 35 augmente le pouvoir réglementaire de la régie, cela est très souhaitable, mais que cette même loi augmente le pouvoir réglementaire du ministère des Communications, cela créera un pouvoir parallèle de contrôle et de surveillance, ce qui est inutile en plus de risquer de semer la confusion.

Sur ce point, nous suggérons que l'article 3a) du bill 37 dont il est question à l'article 25 de la Loi de la Régie des services publics, bill 35, soit amendé en remplaçant les sous-paragraphes a), b) et c) de l'article 3a) du bill 37 par la phrase suivante, "Afin d'exercer les pouvoirs à lui conférés par l'article 3 de cette loi."

L'article 3a) se lisant alors comme suit: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du ministre et dans le cadre de la compétence du Québec, faire des règlements afin d'exercer les pouvoirs à lui conférés par l'article 3 de cette loi." En effet, les pouvoirs énoncés à ces sous-paragraphes sont trop particularisés et ne laissent plus place à la flexibilité dont nous parlions plus haut, alors que les pouvoirs déjà accordés au ministère des Communications par l'article 3 du bill 87 ou du chapitre 229, 1964, sont suffisamment larges pour permettre au ministère des Communications d'énoncer la politique du gouvernement en matière de communications.

Nous soumettons de ,plus que l'article 25a) du bill 35 créera des situations qui placeront la régie dans une position intenable, tout en forçant peut-être à l'occasion l'entreprise publique à récuser comme tribunal, la régie, se privant ainsi d'un organisme dont elle a besoin dans l'intérêt public.

Il ne faudrait pas, à notre avis, que la régie devienne un forum public se suppléant ainsi au législatif. Aussi, le deuxième paragraphe de l'article 25a) doit être abrogé pour ne laisser que le premier paragraphe qui permet des enquêtes, mais tout en sous-entendant qu'elles seront dans des domaines limités et bien déterminés.

En terminant, nous nous déclarons en faveur du bill 35, pour autant qu'il préserve les pouvoirs de la régie qui, ayant juridiction sur tout le champ des communications, pourra librement réglementer, en tenant compte des lignes générales de pensée du gouvernement, contrôler et surveiller les entreprises publiques, le tout dans l'intérêt général du public québécois. Merci.

M. L'ALLIER: Je n'ai aucun commentaire à faire pour l'instant sur l'exposé qui vient d'être fait. J'aurai certainement des questions à poser tout à l'heure à l'intervenant.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il est assez étonnant que le ministre n'ait point de commentaire à faire sur l'article litigieux ou contentieux par excellence, soit le pouvoir de réglementation du lieutenant-gouverneur et du ministre des Communications. Quant à nous, nous avons déjà fait connaître notre attitude à ce sujet et les arguments que nous trouvons dans le mémoire présenté par la société Québec-Téléphone sont exactement ceux que nous avions présentés en Chambre, à savoir qu'il y aura une sorte d'organisme parallèle, que la Régie des services publics se trouve privée à toutes fins utiles des droits qu'elle avait, qu'elle perd son caractère d'organisme quasi judiciaire. Par conséquent, nous ne pouvons que faire nôtres les observations qui ont été faites par le représentant de la société Québec-Téléphone. Je sais que mon collègue, le député de Maskinongé, a des observations. Alors, je le laisse poursuivre.

M. PAUL: Ce qui nous frappe à la lecture de ce mémoire, c'est le danger que Québec-Téléphone veut porter à notre attention, spécialement à l'article 25 a). Nous nous demandons pourquoi le gouvernement veut s'immiscer dans les opérations normales de la Régie des services publics. Si nous lisons attentivement le mémoire de Me Tremblay, nous constatons que la compagnie Québec-Téléphone a été jusqu'ici entièrement satisfaite des décisions, de la juridiction et des initiatives prises par la Régie des services publics. Comme le signalait mon collègue, le député de Chicoutimi, lorsque nous avons étudié le principe du projet de loi 35, nous nous sommes révoltés contre ce pouvoir discrétionnaire que voulait s'accorder le ministre des Communications afin de faire entériner par le Conseil exécutif des décisions dans le domaine de l'administration de la Régie des services publics. J'ai même, à l'occasion du discours de deuxième lecture, mis le ministre en

garde contre cette intrusion du politique dans le quasi judiciaire ou le judiciaire.

Personnellement — et je suis sûr que je me fais également l'interprète du député de Chicoutimi — nous félicitons la compagnie Québec-Téléphone et son procureur pour avoir réalisé comme nous le danger de cette loi qui nous est imposée par le gouvernement, qui sera adoptée avec sa majorité de 72, mais qui ne sera certainement pas dans le meilleur intérêt de tous ceux qui doivent s'adresser à la Régie des services publics pour voir leur conflit se régler à l'entière satisfaction ou du moins, presque la plupart du temps, des intéressés.

Je me demande pourquoi le ministre ne pose pas de question, ne fait pas de commentaire. Est-ce qu'il est déjà assommé par les remarques fort intelligentes de l'auteur du mémoire? Est-ce qu'il n'est pas encore revenu du choc des événements de la fin de semaine? A-t-il la voix de son maître pour faire des commentaires? Voilà ce qui nous inquiète et j'espère que le ministre verra à faire tout à l'heure des remarques dans le but, sans doute, de nous donner une réplique. Mais, à ce compte-là, qu'il soit sans inquiétude, nous le retrouverons à l'Assemblée nationale.

M. L'ALLIER: Je voudrais tout de suite rassurer le député de Maskinongé si je n'ai parlé le premier suite au mémoire qui a été présenté par Québec-Téléphone. Ce n'est pas que je n'avais rien à dire mais je n'ai pas comme lui et son collègue la facilité d'improviser sur n'importe quel sujet. Je préfère...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Certainement, certainement.

M. L'ALLIER: Qu'est-ce que vous voulez?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est dommage.

M. PAUL: Voulez-vous dire que vous avez présenté une loi par improvisation sans en connaître les principes?

M. L'ALLIER: On vous laisse parler quand vous parlez. Laissez-nous donc parler aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous vous posons des questions.

M. L'ALLIER: Merci. Vous êtes gentils.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On peut même vous passer un walkie-talkie.

M. L'ALLIER: Vous parlez assez fort sans ça. Je n'ai pas comme vous l'habitude d'improviser sur ces questions. J'aurai quelques questions à poser à l'intervenant tout à l'heure.

Je peux le faire maintenant mais je préfère que le député de Lafontaine, qui a demandé la parole, obtienne ce droit de parole.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, j'ai quelques questions à poser à Me Tremblay. Dans votre mémoire, vous dites à la page 5 "que l'article 25 a) (du projet de loi 37) créera des situations qui placeront la régie dans une position intenable tout en forçant souvent l'entreprise publique à récuser la régie comme tribunal." Est-ce que vous pourriez donner un exemple de situations qui pourraient survenir, si la loi est adoptée telle quelle, pour prouver les conséquences que vous amenez à la page 5 de votre mémoire?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Par exemple, supposons qu'à la suite de pressions populaires la régie soit amenée à siéger dans la région de Rimouski sur le mauvais service téléphonique qui pourrait être donné. Si le ministre, bien sûr, juge à propos que cette audience doit avoir lieu, en supposant qu'elle a lieu, toute personne pourra venir déblatérer contre le service, contre la compagnie, plaçant ainsi cette compagnie dans une situation telle que, par hasard, pour les mêmes questions, lorsqu'elle devra revenir devant la régie, celle-ci sera placée dans une position où elle ne pourra pas l'entendre. C'est une question de récusation des juges. C'est ce que j'avais à l'idée quand j'ai parlé des conséquences néfastes de l'article 25 a), deuxième paragraphe.

M. LEGER: Est-ce que vous pourriez conclure que, du fait que le ministère se réserve le pouvoir de réglementation, comme la régie en possède aussi, ce serait une ingérence de l'exécutif dans le judiciaire? Est-ce que vous iriez jusque-là?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Il n'y a aucun doute dans mon esprit.

M. LEGER: M. le Président, je vois que Québec-Téléphone est une compagnie qui a une charte provinciale. Est-ce que le fait que Québec-Téléphone ait une charte provinciale et que la compagnie Bell Canada ait une charte fédérale et qu'il y ait même une loi spéciale pour la Bell Canada, a pu créer à ce jour certains problèmes de juridiction fédérale-provinciale étant donné que vous êtes quand même en compétition dans certains endroits avec la compagnie Bell Canada? Est-ce que le fait d'avoir une charte provinciale par rapport à une autre compagnie à charte fédérale a créé des problèmes et avez-vous des exemples précis?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Dire non serait m'éloigner de la vérité. Dire oui et citer des exemples, je pense que c'est assez facile. Il reste que vous avez deux compagnies importantes au Québec et vous avez une compagnie qui a, comme tribunal administratif et comme organisme de contrôle, la Régie des services

publics et vous avez une autre compagnie qui a, comme organisme de contrôle, la Commission des transports. Il est bien certain que c'est une question de constitutionnalité que vous me posez. Ce n'est pas moi qui peux la régler; je dois tout simplement vous dire qu'assez souvent c'est très difficile parce qu'on ne trouve pas un organisme qui pourrait entendre les deux parties sur des questions données. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. VEILLEUX: M. le Président...

M. LEGER: Je vais terminer ma question...

M. VEILLEUX: ...au sujet de la question que vous avez posée à M. Tremblay au début, son exemple de récusation que pourrait avoir quelqu'un vis-à-vis du tribunal, je ne l'ai pas tout à fait compris. Est-ce à dire que vous n'êtes pas d'accord que des gens non satisfaits d'un service public puissent aller s'exprimer en public devant la Régie des services publics?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Il existe présentement la possibilité pour les abonnés non satisfaits du service public de porter une plainte à la régie et, alors la cause s'instruit dans un cadre judiciaire où chacune des parties fait valoir ses points et la régie tranche la question. Mais ce n'est pas un forum public à ce moment-là. C'est un tribunal administratif.

M. LEGER: M. le Président, je vais continuer. Dans un cas précis comme dans la région de Port-Cartier, il est arrivé que Québec-Téléphone était en train de construire des lignes et que la Bell Canada aussi installait des lignes parce qu'elle avait eu la permission d'un autre organisme. Est-ce que cette chose a été réglée par la juridiction provinciale ou par une juridiction fédérale?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Présentement, la situation est celle-ci: les deux compagnies sont sur place et chacune administre son réseau.

M. LEGER: Dans la même ville?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Dans le même territoire.

M. LEGER: Et quelle solution verriez-vous à un tel problème ? Est-ce un problème constitutionnel ou s'il y a d'autres sources de solution?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je crois, remarquez bien que c'est une opinion personnelle, que seuls les gouvernements pourront régler cette question.

M. LEGER: M. le Président, concernant la baie James, est-ce qu'actuellement la compagnie Québec-Téléphone a eu une ouverture pour étudier les possibilités d'installer des lignes dans le territoire de la baie James?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Absolument pas.

M. LEGER: Etes-vous au courant si...

M. LEDUC: Si le député de Lafontaine me le permet...

M. LEGER: Oui.

M. LEDUC: ...est-ce que Québec-Téléphone a fait une demande ou une offre pour couvrir le territoire de la baie James?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Non plus.

M. LEDUC: Est-ce que Québec-Téléphone serait intéressée à couvrir le territoire de la baie James?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je pense que c'est difficile pour moi d'engager la compagnie. La question n'a pas été étudiée à l'heure actuelle, au moment où je parle.

M. LEDUC: Merci.

M. LEGER: Est-ce que la compagnie Bell Canada est en train de faire des études de ce côté là?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je l'ignore. M. LEGER: Je vous remercie.

M. L'ALLIER: M. le Président, j'aurais comme mes prédécesseurs quelques questions à poser à M. Tremblay. Lorsque, M. Tremblay, à la page 4 de votre mémoire, vous suggérez un amendement à l'article 3 du projet de loi no 37, je comprends que nous n'en sommes pas à cet article, à l'étude de ce projet de loi ici, mais, comme vous en avez fait mention dans votre mémoire, je voudrais tout simplement vous poser une question. Vous suggérez de remplacer les sous-paragraphes a), b) et c), de l'article 3 a) par ceci: Afin d'exercer des pouvoirs à lui conférés par l'article 3 de cette loi. Vous dites, si j'ai bien compris, qu'à ce moment-là, l'article 3 a) se lirait comme suit: Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du ministre et dans le cadre de la compétence du Québec, faire des règlements afin d'exercer des pouvoirs à lui conférés par l'article 3 de la loi. C'est cela?

Je vous demanderais de regarder l'article 3 de la loi. Cet article dit ceci: La dite loi est modifiée en insérant après l'article 3 le suivant. Si vous l'avez fait, je vous demanderais de me dire de quelle façon, en donnant un pouvoir de réglementation encore plus général que celui qui est prévu dans les sous-articles a), b) et c) de

quelle façon vous interprétez la nouvelle proposition que vous faites comme étant restrictive du pouvoir réglementaire. En d'autres mots, ce que je veux dire, si votre objectif est de faire en sorte que le pouvoir réglementaire du gouvernement soit restreint par rapport à la Régie des services publics, comment comptez-vous y arriver en donnant, par ailleurs, au gouvernement un pouvoir réglementaire général qui se lit comme suit: Faire des règlements afin d'exercer les pouvoirs à lui conférés par l'article 3 de cette loi, alors que l'article 3 a) précise les cas d'exercice de cette réglementation?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Justement, M. le ministre, l'article 3 a) particularise davantage en parlant de conditions d'établissement, d'exploitation, d'administration, d'extension et de modification. A ce moment-là, je vous garantis qu'il ne reste pas grand-chose.

M. L'ALLIER: Je suis d'accord, mais si vous regardez dans l'article 3, vous voyez: "Le ministre doit dans le cadre de la compétence du Québec surveiller les réseaux de communications établis au Québec, favoriser l'établissement, le développement, l'adaptation et l'efficacité de tels réseaux de communications." Si vous me donnez, comme ministre des Communications, ou vous proposez que l'on me donne un pouvoir réglementaire général, le seul sous-paragraphe a) de l'article 3 me permet de faire tous les règlements prévus dans a), b) et c), sous-paragraphes de 3 a).

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Il vous permet d'émettre, à mon avis — remarquez bien, je peux me tromper, je ne suis pas législateur — la politique générale du gouvernement en matière de communications, et non pas d'émettre des règlements qui, par exemple, donneraient le pouvoir au ministère d'exiger le dépôt de certains plans d'implantation, d'exploitation, que nous devons également déposer à la Régie des services publics. C'est là, à ce moment-là, que je parle d'organisme de contrôle parallèle qui va créer la confusion.

M. L'ALLIER: Mais vous croyez que la proposition que vous faites conformément à l'article 3 serait restrictive du pouvoir réglementaire proposé dans la loi telle qu'elle existe?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): C'est l'opinion que j'ai émise. Le gouvernement n'est pas obligé de la partager.

M. L'ALLIER: Non, je ne vous dis pas que nous allons oui ou non la partager. Votre opinion a été, par la suite, partagée par les députés de l'Opposition; mais si vous êtes d'avis et que les députés sont d'accord avec vous, que la formulation que vous proposez est restrictive du pouvoir réglementaire du gouvernement en cette matière, par référence à l'article 3 a), je vais l'étudier dans cette optique.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Sur ce point, justement, est-ce que vous croyez que la conséquence de la réglementation qui sera émise en partie, ou en grande partie par le ministère pourrait, à cause de règlements dans ce sens, obliger des compagnies à déposer des plans dans le but d'obtenir au préalable, avant même de se présenter devant la régie, un permis ou, du moins, une acceptation technique et, par la suite, passer en deuxième lieu à la régie pour avoir le permis officiel? Autrement dit, un dédoublement de permis pourrait avoir un contrôle de l'exécutif sur l'appareil judiciaire.

M. TREMBLAY (Jean-Marc): C'est l'appréhension qu'a Québec-Téléphone à la lecture de l'article 3 a) tel que libellé.

M. L'ALLIER: Je voulais dire, M. Tremblay, si j'ai bien compris ce que vous avez voulu dire, ce qui a été très clairement accepté d'ailleurs comme valable par l'Opposition au moment de l'étude du projet de loi no 37 en commission parlementaire; que je tiendrai le plus grand compte des remarques que vous faites.

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Si j'en ai parlé à M. le ministre, c'est parce que, dans le bill 35, quand même, à l'article 25, on fait allusion à l'article 3 a) du bill 37.

M. L'ALLIER: Oui et, à ce moment-là, il faudrait modifier éventuellement l'article du bill 35 pour faire uniquement allusion à l'article 3. Voilà ce que ça voudrait dire.

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Oui.

M. LEGER: M. le Président, pour continuer, est-ce que...

M. L'ALLIER: M. le Président, je m'excuse, je n'ai pas fini. Vous aviez tout à l'heure la parole. Je peux continuer, moi aussi?

M. LEGER: C'est que vous m'avez coupé la parole. Je l'avais mais je n'ai pas d'objection.

M. L'ALLIER: Non, j'ai demandé au député du Ralliement créditiste s'il avait quelque chose à dire et j'ai commencé à poser une question en disant que j'en avais deux. J'en ai posé une. Je vais poser la deuxième. Ensuite, vous pourrez continuer.

La deuxième question que je voulais vous poser touche précisément des audiences publiques. Vous avez dit que, si on permettait de quelque façon à la Régie des services publics de tenir des audiences, ça pourrait devenir une cause de récusation valable de ce tribunal administratif ou de cette régie parce que ce n'est pas un tribunal, mais bien une régie, par rapport à ceux qui doivent présenter par la suite

des dossiers ou des demandes devant cette régie.

Avant de poser ma question, je voudrais préciser que le seul moment où la Régie des services publics fonctionne comme un tribunal actuellement, c'est en matière d'expropriation parce que, en matière d'expropriation, la régie siège sur des décisions prises par l'administration, plus particulièrement le ministère de la Voirie, et c'est lorsqu'il y a contestation par un exproprié d'une décision administrative que le dossier est porté devant la régie qui se comporte alors et fonctionne exactement comme un tribunal.

En matière de communications, la Régie des services publics est une unité réglementaire et, si elle fonctionne également comme un tribunal, il faut lui donner les attributs d'un tribunal. C'est-à-dire qu'un tribunal ne peut, en même temps, être réglementaire lui-même et être celui qui juge de ses propres règlements. Il peut se fixer des règles de procédure, des règles de fonctionnement et c'est ce qui est prévu aux articles 20, 31, 42 et 21 plus particulièrement de la Loi de la Régie des services publics.

Alors, comment peut-on demander que la Régie des services publics conserve un pouvoir réglementaire d'orientation dans les contenus, au-delà, donc, de la simple procédure, et en même temps, demander que cette régie soit, à tout point de vue, un tribunal?

Depuis quand la cour Supérieure ou la cour Provinciale, ou la cour d'Appel détermine-t-elle que, en matière d'expropriation ou en matière civile, par exemple, quelles sont les règles du code civil pour ensuite changer de chapeau et s'asseoir derrière le même banc et décider si, effectivement, on a suivi ces règlements?

C'est en fait cette ambiguïté qui existe à la Régie des services publics, en ce sens que c'est d'abord un organisme administratif qui est responsable de l'application de certaines règles et de certains règlements qui, pour les fins des expropriations, fonctionne comme un tribunal et qui, d'une façon générale, fonctionne comme un tribunal.

Il faut en effet que cette régie, si vous voulez, ait quand même toutes les garanties d'efficacité, et qu'on lui donne le schéma extérieur d'un tribunal. Il faudra davantage la comparer en matière de communications, à ce qui existe dans d'autres pays ou à ce qui existe dans d'autres secteurs ici au Québec. La Régie des alcools, par exemple, ou d'autres régies qui sont des organismes d'attribution, ne font pas de règlements. Ce n'est pas la Régie des alcools qui décide si oui ou non on va vendre du cidre au Québec et quel cidre l'on vendra. La régie est là pour faire respecter une loi ou une réglementation qui indique les corridors généraux de ce que le gouvernement décide de faire dans tel ou tel domaine. C'est donc cela qu'est la Régie des services publics avant tout. On ne peut pas lui demander d'être à la fois l'organisme de décision dans le secteur des communications et ensuite l'organisme régulateur et l'organisme de contrôle dans les secteurs des communications. Si on veut le faire, il faudrait le préciser.

Je reviens donc à la question que je voulais vous poser, quand vous dites que la Régie des services publics ne pourrait sans danger tenir des audiences publiques. J'aimerais que vous me répétiez les arguments que vous avez invoqués. En effet, quelles procédures pourrait-on adopter pour que les parties qui ne sont pas nécessairement impliquées dans un dossier qui est devant la régie puissent se faire entendre sur une question plus générale? Lorsque quelqu'un demande un permis d'exploitation pour un débit de boissons, il est loisible à toutes les parties, à toute personne intéressée, sur avis, de venir devant ce tribunal, devant cette régie, faire valoir leur point de vue. Il est aussi loisible à la régie, dans le cas de la loi actuelle, de convoquer des parties pour entendre un point de vue, mais il n'est pas loisible à toute personne intéressée de venir devant la régie.

M. PAUL: Ils peuvent toujours prendre une intervention, une partie intéressée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre interprète d'une façon...

M. L'ALLIER: M. le Président, voulez-vous...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... exceptionnellement naive les pouvoirs de la régie.

M. L'ALLIER: Voulez-vous rappeler au député de Chicoutimi de ne pas m'interrompre?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je n'ai pas interrompu le ministre, j'ai tout simplement eu une exclamation de surprise de voir la grande...

M. L'ALLIER: Vous êtes plein d'exclamations, M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... naiveté avec laquelle il interprète les pouvoirs de la régie. Grand Dieu! qu'il relise tous les pouvoirs de la régie, qui sont...

M. L'ALLIER: Vous êtes pétant d'exclamations quotidiennement et cela devient assez fatigant pour les membres de l'Assemblée nationale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vois que le ministre est irrité, ce serait un mauvais signe de commencer la journée de mauvaise humeur.

M. PAUL: Vous n'auriez pas dû passer la fin de semaine où vous êtes allé.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, à l'ordre! La parole est au ministre des Communications.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Redonnons la bonne humeur au ministre.

M. L'ALLIER: Cela ne viendra certainement pas de vous.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je m'en rends compte. Nos objections sont trop sérieuses.

M. L'ALLIER: Assurément, M. le Président, on a, à toutes fins pratiques, tout le parti de l'Unité-Québec devant nous.

M. PAUL: M. le Président, j'en appelle au règlement, en vertu de la constitution des commissions, nous avons droit à deux membres à cette commission. Mais, où sont-ils, comme d'habitude, les représentants ministériels sur les 72?

M. L'ALLIER: La majorité silencieuse. Le même câble les touchera. Un de chaque côté.

M. PAUL: Non. Alors, M. le Président, je crois que les remarques du ministre sont farfelues sur ce point-là comme sur l'objet du présent bill.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et procèdent de son irritabilité.

M. LEGER: On n'a pas droit à plus d'un.

M. PAUL: Je ne vous ai pas regardé, tout à l'heure, non plus.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, revenons à l'ordre.

M. L'ALLIER: Je ne voulais pas dire qu'Unité-Québec n'était pas ici au complet. Je voulais dire que, ces deux personnages importants étant ici, il n'y avait plus personne ailleurs.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est excellent, cela! C'est excellent.

M. PAUL: C'est là que vous vous ramasserez, un jour, avec des surprises! D'ailleurs, vous serez peut-être un de nos convertis, un jour!

M. L'ALLIER: L'amertume qui perce! L'amertume du lundi matin!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est son premier ministre qui lui demandait, un jour, de faire partie de l'Union Nationale.

M. L'ALLIER: Cela n'existe déjà plus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, c'est que vous seriez d'Unité-Québec.

M. L'ALLIER: Nullité-Québec, dites-vous?

M. PAUL: Humilité-Québec, pour le moment.

M. LEGER: Oh, cela n'est pas sa qualité première.

UNE VOIX: Walkie-Talkie Québec.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, à l'ordre!

M. L'ALLIER: Je voulais que vous précisiez, en fait, les objections que vous avez à ce que la Régie des services publics puisse tenir des audiences publiques. Est-ce que ces objections portent essentiellement sur le secteur qui vous intéresse, à savoir le téléphone, ou si vous les étendez à toute autre question de communications, comme l'attribution, éventuellement, de permis pour la câblodistribution, comme la question de la publicité dans la câblodistribution, etc.? Parce que vous n'ignorez pas que le but premier du projet de loi 35, c'est de donner à la régie une extension de précision de sa juridiction, pour qu'elle puisse réglementer tout le secteur de la câblodistribution. Est-ce que, dans ce secteur particulier vous verriez les mêmes inconvénients?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je pense, M. le ministre, qu'on ne s'entend peut-être pas sur ce que vous entendez par audiences publiques. Parce que je crois que, présentement, dans le domaine des télécommunications, la régie a des audiences publiques sur des points donnés où toute partie intéressée peut se faire entendre.

M. L'ALLIER: Quand vous dites sur des points donnés, vous voulez dire sur un dossier. Sur quel dossier?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Sur un dossier donné. Ce que j'ai vu, là-dedans, moi...

M. L'ALLIER: C'est-à-dire que — je m'excuse de vous interrompre — si vous demandez une modification de tarifs par exemple, la régie tient des audiences; mais si vous ne demandez pas de modification de tarifs, la régie ne peut pas d'elle-même étudier et demander l'avis général des intéressés sur la tarification du téléphone au Québec, par exemple.

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Alors, si je comprends bien le ministre, dans ce paragraphe, — et c'est ce que j'y ai vu, moi— de l'avis du ministre, la régie va faire le tour de la province pour savoir si les taux de Québec-Téléphone, par exemple, sont trop élevés. Si les taux de telle autre compagnie...

M. L'ALLIER: On se comprend mal, il ne s'agit pas d'enquête. Il s'agit de questions

importantes. Il s'agit, par exemple, à un moment donné, de savoir si, avant de faire un règlement qui touche la câblodistribution, qui porterait sur la publicité, il doit ou non y avoir de la publicité et de quelle nature, en matière de câblodiffusion, compte tenu de l'intérêt des radiodiffuseurs, des télédiffuseurs, de la population, des consommateurs, etc. Une question comme celle-là, moi je crois que le ministre comme le gouvernement ne peut en décider, à moins de procéder à des audiences qui permettent à toute personne intéressée de comparaître pour une question qui n'est pas soumise par une personne intéressée. Je n'attendrais pas que les câblodiffuseurs viennent demander si oui ou non on aura de la publicité. En d'autres mots, c'est un droit; le gouvernement demande de pouvoir référer à la Régie des services publics des questions et, sur ces questions, si elles sont jugées de telle importance, le ministre peut demander des audiences publiques. Cela ne veut pas dire que la régie part en roulotte et se promène. Elle fera comme elle le voudra; elle pourra décider que cela dure deux jours à Québec. C'est à elle de déterminer, par règle de procédure, la façon dont elle tiendra ses audiences. Elle pourra décider que cela dure six heures et que cela se fasse à Québec et que les parties doivent se conformer à telle ou telle procédure, soumettre des mémoires écrits ou non écrits, soumettre des mémoires de cent pages ou de deux pages. Ce sera à elle de déterminer la façon dont elle tiendra des audiences publiques. La régie pourra, par ailleurs, sur toute question qui lui est soumise et qui pourrait être contraire, si vous voulez, qu'elle pourrait juger incompatible avec sa fonction réglementaire, dire que sur telle question, elle ne peut donner d'avis. Rien ne l'empêche de faire cela.

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Alors, si je comprends bien le ministre, ce serait seulement dans le but d'une réglementation éventuelle par le ministère que ces audiences publiques seraient tenues.

M. L'ALLIER: C'est dans le but, au niveau réglementaire, d'éviter au gouvernement, par improvisation ou autrement, de se lancer dans des règlements qui ne soient pas conformes à l'intérêt de la plus grande majorité des personnes intéressées. C'est le but que nous recherchons. Cette procédure d'audiences publiques par la Régie des services publics n'est pas une procédure originale et nouvelle, elle se retrouve ailleurs dans d'autres juridictions. Et, encore une fois, si la régie de son côté peut décider que, sur telle question, parce que c'est un avis que le ministre lui demande, elle n'a pas d'avis à donner au ministre ou elle est incompétente, ou que, pour toute autre raison, elle n'a pas à donner son avis ou elle ne peut pas donner son avis, cela s'arrêterait là. Je trouverais un autre mécanisme de consultation.

M. LEGER: Est-ce que je pourrais poser quelques questions au ministre?

Le ministre disait tantôt: Il est assez inusité qu'un organisme fasse ses règlements et par la suite soit le tribunal pour les juger. Voulez-vous dire par là que jusqu'à maintenant la régie n'aurait pas fait de règlements sur lesquels elle aurait été appelée à juger?

M. L'ALLIER: Il faudrait que je fasse un relevé statistique de toutes les décisions de la régie. C'est disponible, c'est public. Je n'ai pas dit qu'un organisme ne pouvait pas faire de règlements, ensuite les faire appliquer. J'ai dit qu'un organisme comme celui-là...

M. LEGER: Les juger, j'ai dit.

M. L'ALLIER: Oui. Un organisme comme celui-là doit faire des règlements de fonctionnement, des règles de procédure, doit déterminer à l'intérieur d'une loi plus générale comment ça va fonctionner, comment on va proèéder devant...

M. PAUL: Les règles de pratique.

M. L'ALLIER: ... des règles de pratique effectivement. Mais, la régie en matière d'expropriation doit s'en tenir aux lois et aux règlements qui existent par ailleurs; elle ne peut pas appliquer autre chose que cela.

M. LEGER: Prenons la question autrement. Si on enlevait la responsabilité du domaine de l'expropriation à la régie et qu'on lui donnait exclusivement le domaine des communications, voulez-vous dire par là qu'étant donné que la régie pourrait faire des règlements, elle ne pourrait en aucun temps par la suite devenir un tribunal? Autrement dit, il n'y aurait pas besoin de juge. Vous dites qu'actuellement elle est un tribunal dans le domaine de l'expropriation, mais étant donné qu'elle peut faire des règlements dans le domaine des communications, elle ne pourra pas être juge pour autant...

M. L'ALLIER: On n'a pas besoin de juge à la Régie des services publics. Il y a un président qui est juge parce que la loi prévoit que le président doit être un juge, mais ce n'est pas une fonction détachée de la cour Provinciale ou de la cour Supérieure, c'est la fonction de la régie.

M. LEGER: D'accord.

M. L'ALLIER: On détermine que le statut du président est celui d'un juge de la cour Provinciale. Actuellement, le vice-président est également un membre du tribunal de la cour Provinciale. Il n'est pas essentiel que le président et le vice-président soient des juges, sauf dans le cas du président, parce que c'est prévu par la loi.

M. LEGER: Parfait. Maintenant, une autre question au ministre. Tantôt, le représentant du Québec-Téléphone disait justement qu'un des problèmes majeurs auxquels sa compagnie faisaient face quand elle était en compétition avec la compagnie Bell Canada était que les deux répondaient devant des instances différentes. Est-ce que le ministre a l'intention de prendre tous les moyens nécessaires pour que le compagnie Bell Canada devienne de juridiction provinciale?

M. L'ALLIER: Quels sont tous les moyens nécessaires, selon vous?

M. LEGER: Il y en a plusieurs, je vous en ai donné dans mon discours, j'ai parlé de plusieurs solutions. Mais pensez-vous que vous pouvez réellement régir le domaine du câble et des communications au Québec, s'il y a des organismes à l'intérieur du câble qui ne sont pas sous contrôle québécois?

M. L'ALLIER: Quand j'ai pour la première fois énoncé quelle était la position du Québec, en matière de câblodistribution, au mois d'avril ou de mai l'an dernier...

M. PAUL: En dehors de la Chambre.

M. L'ALLIER: En dehors de la Chambre, oui, M. le Président. Est-ce que la Chambre siégeait à ce moment-là?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui justement, c'est que vous faites toujours les déclarations en dehors. Ce n'est pas dans le livre vert.

M. L'ALLIER: Est-ce que M. Paul a autorisé le député de Chicoutimi à parler?

M. PAUL: Oui, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si le ministre veut faire de la petite "procédurite" qu'il aille donc se faire soigner! Il a encore la migraine...

M. L'ALLIER: Tiens, la mauvaise humeur change de côté!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A la suite de son congrès de la fin de semaine, il a l'air de fort mauvaise humeur.

M. L'ALLIER: Il est mieux placé que moi pour parler de migraine.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que c'est dans le livre vert?

M. L'ALLIER: Vous êtes mieux placé que moi pour parler de migraine.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que c'est dans le livre vert, votre déclaration?

M. L'ALLIER: Ma déclaration est dans le livre vert. A la fin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A la toute fin.

M. L'ALLIER: A l'annexe et au long, intégralement...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Après que vous eussiez fait ces déclarations-là.

M. L'ALLIER: Intégralement. Est-ce que vous avez lu le livre vert, M. le député?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je l'ai malheureusement lu.

M. L'ALLIER: Vous l'avez lu. Cela vous a fait grand bien.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, ça m'a fait grand bien.

M. LEGER: A la suite de ce dialogue, est-ce que je pourrais avoir une réponse du ministre?

M. PAUL: Ne demandez pas des choses...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est pour le réchauffer.

M. L'ALLIER: Pour la question où j'ai été interrompu malencontreusement par nos deux membres de l'Opposition officielle, la question de juridiction provinciale et fédérale en matière de compagnies de téléphone complique — et je suis entièrement d'accord avec M. Tremblay sur cette question — les choses lorsqu'il s'agit d'essayer de concevoir et d'organiser par des régies, par des lois une politique de communications au Québec. En ce sens que si l'on peut dire, sur le plan statistique, que la très grande majorité des sociétés de téléphone au Québec sont sous la juridiction québécoise, on peut aussi dire que la très grande majorité des abonnés du téléphone au Québec est sous la juridiction fédérale.

Des deux compagnies qui ne sont pas sous la juridiction provinciale, l'une d'elles est la société Bell Canada.

J'ai dit, dans mon exposé sur la câblodistribution, qu'il deviendrait nécessaire d'en arriver à avoir une juridiction québécoise sur l'ensemble des sociétés de téléphone au Québec. Comment pourrait-on le faire? Vous avez dit vous-même qu'il y avait plusieurs moyens. Dans un premier temps, je crois que les sociétés de téléphone, à ce stade-ci en tout cas, disent que c'est la question des gouvernements. Nous, nous ne voulons pas trop nous mêler de ça. Je n'ai pas d'indications à l'effet que la Société Bell Canada refuserait d'être régie par le gouvernement québécois ou la Régie des services publics du Québec.

Cependant, je sais — et c'est normal et je crois que M. Tremblay me le confirmera — que

ça leur poserait un certain nombre de problèmes techniques sur le plan des actifs, des équités, des investissements, de tout ce que vous voudrez, de ce qui est garanti actuellement. Cela leur poserait un certain nombre de problèmes assez complexes.

J'ai déjà eu des conversations sur ce point avec un ou deux des vice-présidents et même avec le président de Bell Canada qui a eu la même réaction que le représentant de Québec-Téléphone en disant: Débrouillez-vous au niveau des gouvernements et ensuite on verra. Sur ce plan-là donc, c'est la question, c'est sûr, de savoir comment on doit procéder avec le gouvernement fédéral pour en arriver à régler cette question. Est-ce que c'est prioritaire d'abord? Attendez. Par rapport à d'autres secteurs de communications, compte tenu des effectifs dont on dispose et tout ça, est-ce que c'est une chose qui est prioritaire? Je ne parle pas sur une période de dix ans, sur une période de deux ans. C'est la question qu'on doit se poser nous aussi.

Moi, je souhaite que la société Bell Canada puisse éventuellement être sous juridiction québécoise, parce que ce serait plus "facile de planifier le développement des communications téléphoniques au Québec. On peut penser, par exemple, au développement des communications dans le Nord-Ouest québécois. On peut penser au développement des communications dans d'autres parties du Québec. Le fait que la société Québec-Téléphone ait été sous la juridiction de la Régie des services publics a peut-être permis le développement du téléphone dans des régions où, si la société avait été laissée à sa seule motivation commerciale, elle n'aurait pas étendu son service.

Et cela est sur la foi de ce que m'en a dit le président, un jour; je vous rapporte ses paroles. Il considère comme normal, si vous voulez, que la Régie des services publics ait un rôle d'orientation, d'incitation et même de coercition au niveau de l'ouverture de certains territoires au téléphone. Si la principale société de téléphone au Québec est soumise à la juridiction fédérale au moment de l'obtention de permis d'installation, évidemment, on ne peut pas dire que l'on contrôle à ce moment-là le développement de ce secteur de communications. Contrôler au sens de planifier, d'ordonnancer et de rendre cohérent.

Par ailleurs, le projet de loi 35 permet au gouvernement de contrôler les implantations physiques. C'est un des points qui est prévu dans le projet de loi 35: les implantations physiques nécessaires au réseau de communications.

M. PAUL: Ils n'existent pas dans le code civil, ces pouvoirs-là.

M. L'ALLIER: Ils existaient au niveau des municipalités, ils sont regroupés ici, au niveau du code civil.

M. PAUL: Même du code civil.

M. L'ALLIER: Oui. Le fait qu'ils n'aient pas ëté exercés auparavant, c'est une chose qui... En fait, ce qui m'intéresse, c'est que, dans l'avenir, on puisse, au niveau de la régie, exercer ce pouvoir au niveau des équipements. C'est quand même une forme de contrôle, s'il est exercé par la régie — et la régie devra l'exercer — qui est importante et c'est dans ce sens-là que je parlais de priorité.

Est-ce qu'il est urgent d'aller discuter de...

M. LEGER: Est-ce que le ministre veut dire que les équipements ou les implantations physiques de Bell Canada seraient soumise à la juridiction, par le bill 35?

M. L'ALLIER: C'est ça, l'implantation physique des équipements non seulement de Bell Canada mais de toute société, de tout réseau de communications au Québec est soumise à la juridiction de la régie.

M. LEGER: Le ministre disait tantôt: Est-ce que c'est prioritaire?

M. L'ALLIER: C'est prioritaire que ce soit exercé. Est-ce qu'il est prioritaire, compte tenu des autres dossiers comme la télévision scolaire, comme la réglementation qui pourra être double, qui le sera sur le câble, compte tenu des moyens dont je dispose...

M. LEGER: Dans le domaine de l'informatique.

M. L'ALLIER: ... de l'informatique et compte tenu du fait qu'on pourra exercer une réglementation sur les équipements, de mettre ces dossiers de côté pour essayer d'obtenir tout de suite une juridiction sur l'ensemble...

M. LEGER: Est-ce que le ministre me permet de dire que la solution au problème de juridiction de Bell Canada est une des priorités qui ne peuvent peut-être pas se régler demain. Il faut immédiatement procéder à une solution par étapes qui amènera Bell Canada sous une juridiction provinciale. Actuellement, on voit que Bell Canada non seulement a une charte fédérale mais comment cela se fait-il que c'est si compliqué que ça? En plus d'avoir une charte fédérale, la compagnie fonctionne en vertu d'une loi fédérale et, troisièmement, il y a une disposition fédérale qui permet de déclarer Bell Canada comme une chose qui doit être essentiellement contrôlée par le fédéral du fait aussi que cette compagnie se retrouve dans deux provinces comme le Québec et l'Ontario et un peu aussi en dehors, dans les Territoires du Nord-Ouest. Mais parce qu'elle se trouve dans ces deux provinces-là, c'est une autre raison pour laquelle elle a pris une charte fédérale, étant donné qu'elle a pris tellement de précau-

tions pour avoir une charte fédérale non seulement comme toute autre compagnie qui prend une charte fédérale mais avec quatre dispositions bien précises. Quand on dit: Est-ce que c'est prioritaire? C'est une des autres occasions de voir un émiettement des pouvoirs du Québec, la division pour régner par le fédéralisme sur le Québec.

Je dois quand même réaliser que le ministre doit mettre immédiatement quelque chose en oeuvre. Je lui ai soumis quelques suggestions l'autre fois. Entre autres, est-ce qu'il y a des pourparlers avec le gouvernement de l'Ontario qui voudrait lui-même obtenir aussi un contrôle de Bell Canada? Vous savez que, quand deux gouvernements de la stature de l'Ontario et du Québec ensemble font pression sur le fédéral, il y a possibilité d'obtenir de ce dernier qu'il demande à Bell Canada d'avoir une charte provinciale.

Je pense que c'est une des solutions. Il y en a d'autres aussi plus draconiennes.

M. L'ALLIER: Je peux vous dire de façon générale que nous avons rétabli les contacts avec le gouvernement de l'Ontario maintenant que la phase postélectorale est terminée chez eux. Nous avons établi les contacts que nous avions avec le gouvernement au niveau de plusieurs secteurs des communications et nous essayons, avec le gouvernement de l'Ontario, de faire en sorte que les positions du Québec et de l'Ontario soient à la fois cohérentes. On ne s'entend pas sur tout évidemment. Mais à chaque fois qu'on peut s'entendre sur un point, il nous apparaît que pour le Québec c'est extrêmement avantageux de pouvoir, conjointement, d'une façon analogue, présenter un dossier au gouvernement fédéral. C'est l'amendement à l'article 29 a) qui donne à la Régie des services publics un pouvoir de réglementation sur son territoire quant à l'emplacement, aux conditions de raccordement et aux installations nécessaires à l'exploitation d'une entreprise publique au Québec. C'est cet article qui permet la réglementation désirée.

M. LEGER: J'ai une dernière question à poser à Me Tremblay. Est-ce que Québec-Téléphone actuellement organise, installe ou utilise un système de câbles autrement que pour le téléphone? Autrement dit, au niveau de la câblodiffusion, est-ce que Québec-Téléphone est engagée dans le domaine du câble en plus du domaine téléphonique?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Si on parle de câble au point de vue de câblodiffusion, je dois dire non. Québec-Téléphone emploie le câble pour ses facilités téléphoniques.

M. LEGER: Uniquement pour le téléphone? M. TREMBLAY (Jean-Marc): Oui.

M. L'ALLIER: Pour compléter certains points d'information, est-ce que les sociétés de télédistribution par câble peuvent louer des équipements chez vous? Est-ce que le câble peut être installé par vous, être votre propriété et que ceux qui ont en fait un poste de distribution de l'image par la compagnie de câble, ne sont que locataires de vos équipements soit chez vous ou soit chez d'autres compagnies de téléphone? Est-ce que ce n'est pas la procédure habituelle?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): C'est ce que nous offrons à ceux qui détiennent des permis de CATV quoiqu'à l'heure actuelle, sur notre territoire, il y a des compagnies indépendantes qui ont leur propre câble mais qui sont à loyer sur les poteaux de Québec-Téléphone.

M. L'ALLIER: C'est ça.

M. LEGER: J'ai une question à poser au ministre. Est-ce qu'actuellement, une autre façon de pouvoir obtenir un certain contrôle réglementaire sur Bell Canada...

Est-ce que le ministre m'écoute? C'est une question pas mal importante.

M. L'ALLIER: Oui.

M. LEGER: Est-ce qu'une autre façon de pouvoir o.btenir un certain contrôle de Bell Canada... Est-ce que, puisque le sol québécois sur lequel sont installés des poteaux téléphoniques appartient au Québec, il n'y a pas quand même une permission que Bell Canada doit demander au gouvernement du Québec pour installer ces poteaux téléphoniques sur le bord des routes, etc.?

M. L'ALLIER: Je ne pourrais pas répondre d'une façon certaine sur la question: A qui est-ce demandé? L'autorisation est demandée aux municipalités.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est dans les pouvoirs de la régie, ils doivent demander la permission.

M. L'ALLIER: Je n'ai pas l'impression, ce matin, que je suis ici pour passer un examen sur un texte de loi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, mais ce sont des choses élémentaires que vous devriez savoir.

M. L'ALLIER: Vous avez le temps, vous, d'apprendre tout cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai le temps et je l'ai pris.

M. L'ALLIER: C'est excellent, M. le Prési-

dent, quand nous travaillons en commission parlementaire...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand j'étais ministre, je savais de quoi je parlais.

M. L'ALLIER: Parce que vous n'avez rien fait.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On vous pose une question élémentaire, au sujet des pouvoirs de la régie, et vous ne savez pas répondre.

M. L'ALLIER: Vous n'avez jamais rien fait quand vous étiez ministre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est moi qui donnais les...

M. LEGER: C'est le ministre qui ne sait pas mais qui fait...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...réponses habituelles mais, si je n'ai rien fait, M. le Président — vous en prenez note — c'est qu'il était mon fonctionnaire.

M. L'ALLIER: Oui, j'ai essayé de faire des choses... Pendant deux ans, j'ai demandé à démissionner de chez vous. Voulez-vous qu'on en parle un peu de ce dossier-là?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour aller faire du trafic en France, d'accord?

M. L'ALLIER: Sous l'autorité de votre premier ministre à l'époque.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, monsieur. Je vous dirais de quoi il retourne en dehors de la commission parlementaire, en Chambre. D'accord?

M. L'ALLIER: Vous êtes un spécialiste pour laisser planer des accusations sur tout le monde...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Que je prouve en temps utile.

M. L'ALLIER: Oui, mais le temps utile ne vient jamais.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il vient très vite, il vous concerne.

M. L'ALLIER: Vous vous souvenez des mêmes politiques dont vous avez parlé l'an dernier?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je vous prierais de rappeler le ministre à l'ordre. Il est d'une irritabilité incompréhensible; compréhensible, nous le savons, nous, mais incompréhensible pour les gens qui nous écoutent. Alors, que le ministre procède. J'avais une question à poser au ministre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je demande au ministre ceci: Sur le plan pratique et concret, quelles sont les dispositions qu'il a prises, les gestes qu'il a posés en ce qui concerne le problème de Bell Canada, pour permettre au gouvernement du Québec d'assumer — comme il est dit dans le livre vert — ses responsabilités en matière de cablodiffusion? Où en sont rendus les pourparlers? Cela a été le problème d'ailleurs fondamental qui a fait l'objet de notre examen en Chambre.

M. L'ALLIER: Je répondrai, M. le Président, à cette question en temps utile.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le ministre a déclaré dans son livre vert, dans les notes qui portent sur ces problèmes de cablodiffusion, ce qui suit, à la page 16: "C'est là une proposition capitale qui illustre la flagrante contradiction où se situe l'Etat fédéral à vouloir consacrer sur les plans législatif, administratif, institutionnel et international le bien-fondé de la distinction fondamentale et universellement reconnu entre la diffusion et les communications, tout en rejetant la légitimité de cette distinction sur le plan constitutionnel et à l'égard des Etats membres."

Est-ce que le ministre peut nous faire un topo sur cette distinction entre diffusion et communication?

M. L'ALLIER: Ce qui est dit dans le livre vert, M. le Président, est parfaitement clair. Je remercie le député de Chicoutimi de l'avoir lu publiquement et je n'ai pas de commentaire à faire à ce stade-ci sur ces questions.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voici, M. le Président, le ministre poursuivait: "Nous nous donnerons les instruments de cette politique — on parlait de la juridiction sur les câbles communautaires — nous avons d'ailleurs tout ce qu'il faut chez nous pour apporter notre contribution originale au monde moderne des communications."

Le ministre ne voulant pas me répondre, à moi, peut-il informer le témoin qui est devant nous, Me Tremblay, des intentions de son ministère en ce qui concerne ce problème extrêmement délicat et complexe des conflits de compétence entre le gouvernement central et le gouvernement du Québec?

M. L'ALLIER: J'ai dit, M. le Président, pendant l'étude de chacun des projets de loi en deuxième lecture, que je ferais le point sur les

relations fédérales-provinciales entre Ottawa et Québec, en matière de communications, à la commission parlementaire. Nous allons terminer l'étude en deuxième lecture du projet de loi 37; la commission parlementaire sera convoquée sur le projet de loi 37 et...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pas trop vite.

M. L'ALLIER: ...nous allons demander la convocation de la commission parlementaire...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah! peut-être bien.

M. L'ALLIER: ...sur le projet de loi 37. A ce moment-là, si l'Opposition est d'accord je pourrai faire le point sur les relations fédérales-provinciales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais voici...

M. L'ALLIER: J'ai dit, M. le Président, que je ferais rapport en commission parlementaire. Nous en sommes à deux heures de séance, je ferai rapport à la commission parlementaire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je devrais faire observer au ministre que, déjà ce matin, se pose ce problème. Par conséquent, le député de Lafontaine, le témoin, Me Tremblay qui est devant nous... Dans le mémoire qui nous sera lu bientôt, il en sera question. Alors, nous devançons peut-être le ministre, mais nous lui faisons observer que cela va être un sujet capital. Que le ministre ne se mette pas martel en tête et ne pense pas que l'on veuille le martyriser, mais il va devoir constamment référer à ce problème: qui est compétent et dans quel domaine? Quel est l'état actuel des relations entre le Québec et le gouvernement central en une matière aussi délicate et qui peut paralyser — nous l'avons dit à plusieurs reprises — le ministre qui est peut-être doté des meilleurs intentions. Je comprends très bien l'objectif du ministre, il l'a exprimé dans son livre vert. Mais nous achoppons à cette difficulté majeure et qui revient sans cesse: qui a le pouvoir et dans quel domaine? Et quand le député de Lafontaine parlait de la société Bell Canada, il posait le problème dans ces termes-là. Comme nous allons devoir le poser pour l'ORTQ et comme nous allons devoir le poser pour le cas du projet de loi 37, que le ministre ne veuille pas répondre à cela tout de suite, je le conçois, cela peut être une mesure de prudence. Mais il reste que les témoins qui viennent devant nous ce matin posent le problème. Que le ministre...

M. L'ALLIER: Je souhaite, M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ne s'étonne pas que nous nous étionnions de ne pas le voir répondre à ces questions-là.

M. L'ALLIER: Je souhaite aussi, M. le Président, que nous posions d'abord les problèmes. Et les problèmes, effectivement, se posent à l'occasion des projets de loi 35, 36 et aussi, probablement, 37. C'est pourquoi, lorsque les problèmes seront posés, nous pourrons, parce que c'est le rôle d'une commission parlementaire non pas de procéder à des querelles de quelque nature que ce soit, mais bien de travailler d'une façon positive...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le Président...

M. L'ALLIER: ... à l'amélioration...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement. Ce n'est pas une question de querelle, ce n'est pas une question...

M. L'ALLIER: Je n'ai pas dit qu'il y avait une querelle!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... d'être positif ou de ne pas être positif! Nous avons été très positifs jusqu'à présent. Je veux bien taquiner le ministre...

M. L'ALLIER: J'ai répondu, M. le Président, à la question du député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais je vais la lui reposer, la question. Quand le ministre dit, à la page 8 de ses notes sur la politique de la câblodiffusion, etc., dans son livre vert, que la câblodiffusion devra donc être assujettie à l'autorité de l'Etat québécois par sa Régie des services publics — nous sommes à examiner la loi qui modifie la Loi de la Régie des services publics — nous sommes donc justifiés de lui demander quelles sont les intentions du gouvernement et quel est l'état du dossier, puisque Me Tremblay, tout à l'heure, a fait état des difficultés que cela pose. Le député de Lafontaine en a parlé, tout le monde en a parlé en Chambre. A ce stade-ci, il me paraît normal de poser la question au ministre. Je comprends que le ministre ne puisse pas ou ne veuille pas répondre immédiatement; mais il pourrait quand même nous donner des indications, parce que les témoins qui viennent ce matin ne reviendront pas nécessairement à toutes les auditions de la commission. Est-ce que le ministre a une réponse? Quand il dit que la câblodiffusion devra donc être assujettie à l'autorité de l'Etat québécois par sa Régie des services publics, où, quand, comment?

M. L'ALLIER: J'ai compris, M. le Président, comme la majorité des membres de l'Assemblée nationale, que le projet de loi 35 était lui-même une réponse.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comment cela?

M. L'ALLIER: Nous sommes disposés, M. le Président, à votre accord, soit à continuer à interroger...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, nous sommes disposés, nous, à obtenir des réponses.

M. L'ALLIER: J'ai dit, M. le Président, que j'avais répondu à la question du député de Chicoutimi. Je souhaiterais que nous passions à l'audition d'un autre témoin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre n'a pas répondu à ma question. Que le ministre sache bien ceci et que les gens qui sont ici le sachent. En commission parlementaire, M. le Président, un ministre ne peut pas se dérober, comme il le fait en Chambre lorsqu'on lui pose des questions à la période des questions, là où il est libre de répondre ou de ne pas répondre. Mais, en commission parlementaire, il doit fournir tous les renseignements.

M. L'ALLIER: M. le Président, j'ai répondu, en ce sens que le projet de loi 35 donne à la Régie des services publics tous les pouvoirs pour réglementer intégralement la câblodistribution au Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord!

M. L'ALLIER: Que ceci se traduise par une double réglementation avec celle du CRTC, c'est possible, c'est probable et ce sera probablement le cas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est là le problème.

M. L'ALLIER: Laissez-moi terminer si vous voulez que je vous réponde.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Permettez que je vous pose une question additionnelle. Vous dites, d'accord: Le projet de loi 35 règle ce problème en donnant à la Régie des services publics tel pouvoir. Mais il y a cet obstacle que l'on a évoqué tout à l'heure et nous voudrions savoir, à ce stade-ci des débats, de quelle façon vous allez le surmonter, s'il est possible de le faire.

M. L'ALLIER: L'obstacle...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'obstacle de la compétence ou de la juridiction.

M. L'ALLIER: L'obstacle de la juridiction ou de la compétence, si c'est là la question du député de Chicoutimi ne nous apparaît pas un obstacle majeur, en ce sens que rien dans la Constitution canadienne, dans quelque loi ou dans quelque décision judiciaire, ne nous permet actuellement de croire, comme on dit en droit, hors de tout doute, qu'il s'agit là d'une juridiction fédérale.

Au contraire, et je l'ai expliqué lorsque j'ai présenté la position du Québec en matière de câblodiffusion, nous avons par ailleurs tous les éléments pour prétendre, non pas à l'exercice d'une juridiction pour une juridiction, mais à l'exercice d'un devoir par le gouvernement du Québec, celui de réglementer ce secteur d'activité dans le domaine des communications.

Nous croyons, en nous appuyant sur ce qui est dit, notamment dans le livre vert, que la câblodistribution est d'abord un moyen de communication et qu'elle doit être soumise à une juridiction provinciale. C'est pourquoi...

M. LEGER: C'est pourquoi les décisions d'implantation prises par le CRTC jusqu'ici dès que le bill 35 est adopté, sont nulles et non avenues et que...

M. L'ALLIER: Non, mais c'est-à-dire que...

M. LEGER: La Régie des services publics est la seule compétente pour donner des permis au Québec.

M. L'ALLIER: C'est trop simplifier les choses. Une décision n'est nulle que lorsqu'elle est déclarée nulle par une autorité compétente.

M. LEGER: Oui, mais...

M. L'ALLIER: Alors, le fait de voter une loi à Québec ne rend pas automatiquement nulles les décisions prises par le CRTC, en ce sens que nous n'avons pas, quant à nous, l'intention de porter cette question devant les tribunaux.

M. LEGER: Ce n'est pas ce que je voulais dire, M. le ministre...

M. L'ALLIER: Deuxièmement, si aucune des parties, qui devra subir une double réglementation, ne porte cette question devant les tribunaux, il y aura double réglementation.

M. LEGER: Oui, mais ce n'est pas là la question.

M. L'ALLIER: Je comprends que le problème politique demeure intact.

M. LEGER: Ce n'est pas dans ce sens-là, M. le ministre. La question que je signalais est celle-ci: Si vous dites que la câblodiffusion est de juridiction provinciale et que vous posez des règlements là-dessus et que les règlements posés par le CRTC, en ce qui concerne le Québec, ne sont pas suffisants, que toute entreprise devrait avoir un permis provincial, il n'est pas nécessaire d'aller dans une autre instance.

Vous pouvez poursuivre, devant les tribunaux québécois, ces organismes-là qui n'auraient pas eu le permis de la Régie des services

publics qui devrait être, en dernière instance, l'organisme qui permet à ces compagnies de se prévaloir du service du câble.

M. L'ALLIER: C'est-à-dire que la régie devra prévoir, en même temps que sa réglementation, les moyens de faire respecter sa réglementation. C'est à elle qu'il appartiendra de le faire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, vous dites que la régie va pouvoir agir en vertu de la loi 35. Est-ce que cela veut dire, sans présumer des intentions du gouvernement et sans nous en donner le détail, qu'il est de l'intention du gouvernement de permettre à la régie d'occuper, par exemple, ce champ de la câblodiffusion?

M. L'ALLIER: Absolument.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Absolument, Maintenant, étant donné le double palier de compétence ou de juridiction, est-ce que le ministre a prévu les difficultés que cela pourrait entraîner, à supposer que la société Bell, par exemple, ne veuille point se soumettre à ces dispositions-là et que, par ailleurs, ce soit contesté parce que ça le sera de toute façon par un tribunal, par une instance fédérale ou par des citoyens en dehors du Québec?

Est-ce que le ministre a examiné toutes les éventualités d'un geste qui permettrait de donner au gouvernement du Québec des pouvoirs qui seraient ensuite immédiatement contestés en raison de l'existence d'un double palier de compétence?

M. L'ALLIER: Le double palier de compétence, M. le Président, ici, se situe au niveau, à notre avis — là où nous avons conscience d'avoir un dossier juridique impeccable — de la câblodistribution, du câble.

La question des équipements est prévue par l'article 29 a). Cette question aussi est d'une juridiction, non équivoque, provinciale. Pour tout le reste, radiodiffusion, télédiffusion, je crois que ce serait prématuré, à moins que nous en venions à une clarification ou à une négociation avec le gouvernement fédéral que nous souhaitons.

Cela remet en cause l'ensemble du secteur des communications, renversant, si vous voulez, ce qui semble se dessiner maintenant, à savoir une priorité législative fédérale pour avoir, en fait, une priorité législative provinciale. Nous ne pourrions, de façon sérieuse, compte tenu de l'existence des décisions du Conseil privé, de la cour Suprême, compte tenu des articles actuels de la Constitution, du pouvoir résiduaire du gouvernement fédéral, songer à réglementer la télévision, la radiodiffusion; actuellement, cela n'est pas possible. On pourrait toujours faire des règlements, mais l'avis technique que nous avons — et je le partage entièrement — est que ces règlements seraient inutiles, ultra vires et qu'ils ne serviraient à rien. Dans le domaine de câblodistribution, le problème se pose d'une façon complètement différente. C'est un domaine où, à mon avis, si quelqu'un décidait de porter cette cause devant les tribunaux, c'est l'intervention fédérale qui serait, elle, ultra vires et c'est cela qui est le dossier.

Le problème politique fédéral-provincial — j'en parlerai plus tard et avec des documents, correspondance échangée, tout cela à l'appui — demeure intact: ou il se réglera ou il ne se réglera pas avec les conséquences que cela pourra avoir tant pour les gouvernements que pour les individus, que pour les citoyens, que pour la collectivité. Le problème politique est intact et ce que nous demandons, c'est de pouvoir avec le gouvernement fédéral, le plus rapidement possible, ouvrir tout le dossier des communications. C'est un secteur neuf, c'est un secteur nouveau, c'est un secteur qui est en grande partie résiduaire dans le contexte de la Constitution; c'est un secteur où il n'est pas réaliste de référer à une Constitution écrite il y a plus de cent ans, alors que c'est un secteur qui est complètement moderne et qui devient de plus en plus complexe.

Nous demandons de rouvrir ce dossier, de revoir une répartition de pouvoirs qui correspond à la réalité; nous demandons que les provinces, que le Québec en ce qui nous concerne, aient la priorité législative, soient les maîtres d'oeuvre d'une politique de communications sur son territoire. Nous sommes prêts à reconnaître qu'il y a des objectifs nationaux qui peuvent exister d'un océan à l'autre. Nous sommes prêts à reconnaître que certains aspects des communications seront mieux régis, coordonnés, réglementés, s'ils le sont d'une façon uniforme par un seul organisme canadien. Nous sommes prêts à considérer toutes ces choses-là.

Ce que nous souhaitons, c'est que, sur notre territoire, les communications se développent conformément à une planification, à une organisation qui, elle, est celle que nous avons déterminée. Et cela aussi, conformément aux objectifs et aux besoins de notre collectivité qui ne sont pas les mêmes, parce que communication est absolument indissociable de culture, d'éducation, de tout ce qui est attribut d'une personnalité différente au Québec.

D'ailleurs, à chaque fois que l'on parle de communication, il faut parler de la personnalité québécoise et, quand on parle de la personnalité québécoise, on est toujours taxé dans certains milieux, de vouloir faire du nationalisme de mauvaise qualité et facile. Je m'excuse si c'est cela que ça veut dire, ce n'est pas en fait le but recherché. Le but recherché, c'est que nous ayons au Québec, comme Québécois, comme collectivité, des moyens de communications qui servent à notre collectivité, ce qui n'est pas incompatible avec une série d'objectifs nationaux canadiens; c'est cela le problème politique, c'est cela que nous souhaitons discuter avec le gouvernement fédéral.

Pourtant, il y a certains aspects des communications où le gouvernement fédéral agit actuellement, notamment la câblodistribution. Dans ces secteurs, et indépendamment de la discussion globale que nous souhaitons en permanence, nous croyons que le gouvernement fédéral va au-delà de sa juridiction et de ses pouvoirs et nous avons le devoir de réglementer nous-mêmes la câblodistribution, parce que c'est notre responsabilité. Ce n'est même pas un choix politique que l'on peut faire; le choix politique que l'on ferait, ce serait de redonner cette juridiction, de reconnaître qu'elle ne nous appartient plus. Or, de fait, elle doit nous appartenir et elle nous appartient. On pourra contester devant les tribunaux, je suis confiant que même les tribunaux, en se référant à ce qui existe actuellement comme point de repère pour porter un jugement, devront nous faire confiance. C'est ce qui existe actuellement comme point de repère et c'est cela qui est le fond de la question. Ce qui existe comme point de repère, c'est très insatisfaisant, parce que les points de repère sont des points de repère qui ont été établis soit il y a plus d'un siècle, soit par des décisions judiciaires se référant elles-mêmes à la constitution, dans un secteur qui, il y a cent ans, ne se manifestait d'aucune espèce de façon.

Comment pouvait-on à ce moment-là imaginer les communications, le câble et tout cela? C'est là où se trouve le problème politique. Cela, c'est ce que nous souhaitons atteindre. Est-ce que nous réussirons à être fidèles à un mandat que donnent tous les citoyens à n'importe quel gouvernement du Québec sur ce point-là? C'est la responsabilité de l'ensemble de notre gouvernement. Nous réussirons ou nous ne réussirons pas. Dans le cas particulier de la câblodistribution, cela devient la responsabilité, ici, du ministre des Communications de conseiller le gouvernement dans l'occupation de ce champ de juridiction parce qu'il lui appartient, non pas parce qu'il veut l'enlever à quelqu'un mais parce que c'est à lui de le faire.

M. LEGER: En ce qui nous concerne, M. le Président, je pense que notre collectivité québécoise au niveau des communications étouffe actuellement, elle a besoin d'air, elle a besoin de contrôle et de compétence. La volonté du gouvernement ne sera jamais assez forte et il faut nécessairement qu'au niveau des communications, le Québec passe ou que cela casse. Parce que c'est impossible de pouvoir contrôler un peuple si lui-même, le peuple, ne peut pas contrôler ses communications.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac a demandé la parole.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... c'était sur le même sujet.

M. LE PRESIDENT: ... c'était sur le même sujet...

M. LATULIPPE: J'aimerais reprendre un point. Le ministre a dit tout à l'heure qu'au domaine des implantations techniques, il aimait fournir la priorité au Québec et la priorité indiscutable. Mais même au domaine des implantations techniques, au fédéral actuellement, on a énormément de réglementation, on va jusqu'à régir que dans tel poteau il faut mettre telle force de transmetteur et autre. On a aussi des règlements municipaux, on a aussi des règlements d'urbanisme. Il va falloir certainement prévoir des mesures transitoires entre une situation actuelle, même au domaine de la câblodiffusion et cela...

M. L'ALLIER: Sûrement.

M. LATULIPPE: ... c'est absent actuellement du bill. Je m'interroge et j'ai tendance à croire que notre industrie va passer certainement une période d'instabilité au domaine des communications par suite de l'adoption du bill 35, si on ne rend pas publiques ces mesures à prendre.

M. L'ALLIER: Je voudrais rassurer le député de Frontenac sur cette question, parce que, effectivement, le regroupement de cette juridiction, quant aux équipements ou à l'implantation des équipements au sein de la Régie des services publics, pourra peut-être créer des problèmes. Cela créera surtout des problèmes techniques entre la régie et les municipalités. Il faudra que la régie soit bien équipée en personnel pour procéder à ce regroupement. Il est dit, par exemple, que dans "les cas où la décision est susceptible de déroger à un règlement de zonage, la régie doit, avant de prendre sa décision, convoquer la municipalité ou toute autre personne intéressée à faire des représentations." C'est bien dit à l'article 29 a). Si on accorde à la régie un minimum de crédibilité, en ce qui me concerne, je suis tout à fait convaincu de la compétence des régisseurs actuellement et du fonctionnement de sa structure. Il n'y a pas à craindre véritablement que, par des actions réglementaires, par des actions de contrôle en matière d'équipement, on mette sérieusement en danger le développement ou l'épanouissement des entreprises. Je ne crois pas que ce soit tellement grave. Actuellement, les municipalités le font, cela se fait au mieux, mais sans trop de cohérence. Les grandes municipalités comme Montréal, Québec, Trois-Rivières et même Chicoutimi ont certainement à faire face à ces problèmes à l'occasion mais, d'une façon générale, elles ne sont pas équipées pour appliquer quelque forme de réglementation et cette balkanisation risque même d'être plus néfaste aux entreprises de câble qui sont soumises, je ne dirais pas à l'arbitraire, mais au pouvoir de décision municipal qui peut être différent d'une municipalité à l'autre. Alors il est possible que

des entreprises de communications, et c'est même la plupart du temps le cas, couvrent plusieurs municipalités et cela peut devenir compliqué que d'avoir plusieurs réglementations, des réglementations quelque peu différentes suivant qu'on est dans l'une ou l'autre des municipalités. C'était en fait le but recherché. Nous avons, au moment de faire cet article, consulté le ministère des Affaires municipales qui a lui-même consulté la commission municipale qui n'a vu aucune objection à la rédaction de cet article dans la loi de la régie.

M. LATULIPPE: Mais, M. le Président, il n'y a pas seulement le domaine municipal qui est affecté, il y a aussi... Le CRTC est très exigeant relativement aux implantations techniques, aux normes techniques d'implantation surtout en matière de câblodiffusion et je m'interroge fortement là-dessus. Je pense même que le ministre aurait certainement intérêt à s'arranger, en quelque sorte, pour que sa réglementation cadre un peu avec celle du CRTC dans ce domaine-là. Je croirais, je ne suis pas en mesure d'apprécier cela à sa juste valeur, mais je suis intransigeant sur le CRTC asctuellement.

M. L'ALLIER: Je suis convaincu que la très grande majorité des règlements qui seront éventuellement édictés par la régie ne seront pas différents de ceux du CRTC. Lorsqu'il s'agit de normes techniques évidemment, la majorité des règlements seront sinon identiques, peut-être des améliorations dans certains cas, mais, ils ne seront pas contradictoires avec ceux du CRTC. Il est possible sur certains points particuliers comme par exemple — je l'ai souligné cet été — la contribution qui serait obligatoire, la contribution des entreprises de câble, la contribution financière sur la base de leurs revenus à la production canadienne qui est véhiculée par ces entreprises de câble. Donc si les entreprises de câble diffusent Radio-Canada et le réseau TVA, elles devraient payer une somme à Radio-Canada et au réseau TVA. Ces questions-là, nous les remettrons en cause au niveau de l'analyse que nous faisons du dossier. Nous les remettrons en cause, pourquoi? Parce que le câble sert actuellement à prolonger le service de diffusion. Or, la production canadienne c'est soit celle de Radio-Canada ou soit celle des stations privées.

En tout état de cause, la production canadienne est payée et financée par les citoyens, soit via les taxes, si c'est Radio-Canada, soit via la contribution de chaque citoyen à la consommation, parce que c'est la publicité qui est la deuxième source de financement. Donc à Radio-Canada vous avez une source qui vient, qui est l'Etat, la taxe, et vous avez ensuite une source qui est la publicité. Sur les réseaux privés vous avez la publicité. Donc, chaque citoyen participe directement et il est le seul à participer; il participe exclusivement à la programmation, au coût de la programmation canadienne.

Si du fait que vous habitiez hors des grands centres et que pour avoir accès à Radio-Canada vous devez passer par le câble qu'on vous donne, vous payez un abonnement et l'on prélève sur cet abonnement une somme, un pourcentage qui va s'ajouter aux bénéfices des producteurs, donc, vous payez trois fois pour la même production canadienne. Vous payez par vos taxes, vous payez par votre contribution à la publicité et vous payez parce que vous avez le câble. Que vous soyez dans un centre éloigné ou que vous soyez à Montréal, c'est la même chose. Si vous êtes à Montréal et que vous avez le câble, en fait, vous améliorez votre réception; alors ce sont ces questions qui se posent.

Du côté du gouvernement fédéral, on dit qu'il faut absolument que le câble devienne un instrument auxiliaire de l'ensemble du système de télédiffusion au Canada, parce qu'on dit: Le câble, c'est d'abord ça et ça doit être un accessoire en gros, si j'ai compris ce qu'on a voulu dire.

Nous ne sommes pas nécessairement d'accord sur cela, parce qu'au Québec, parce que c'est en français, parce que la concurrence de la production américaine n'est pas aussi forte à cause du facteur de la langue, ce n'est pas tout à fait la même chose. Ce sont ces questions que nous voulons étudier, ce sont ces questions qui feraient l'objet d'audiences publiques éventuellement de la part de la régie et qui permettraient des règlements conformes à l'intérêt de la collectivité.

M. LATULIPPE: Quand vous avez parlé tout à l'heure de concurrence américaine, est-ce à dire que vous entendez un peu libéraliser, que vous trouvez les politiques du CRTC trop restrictives à ce moment-là et que vous entendez un peu libéraliser?

M. L'ALLIER: Non, je ne voulais pas faire de commentaires là-dessus, je voulais tout simplement dire que, lorsqu'on veut encourager la production canadienne, c'est en fait en contrepoids de la masse assez considérable de production américaine qui nous arrive. Cette production américaine qui nous est transmise par le câble, notamment à Montréal, elle est à 90 p.c., je crois, sinon plus en anglais. Donc ce n'est pas la production française qui se trouve à être encouragée. Du fait que le Québécois qui a le câble contribue à la production, il ne contribue pas nécessairement à la production française qui, elle, est sans concurrence du côté américain, sur le plan du français. Elle est en concurrence en ce sens que, si vous avez le choix entre un programme français et cinq programmes en anglais, et que vous connaissez l'anglais, à ce moment-là, il y a un danger. C'est une mesure protectionniste culturelle qu'il faudrait prendre et non pas une mesure qui encourage la production. Alors, ces questions sont assez complexes et il faudrait, lorsque nous en serons au point de réglementer tout ce

secteur-là, qu'il y ait des audiences publiques pour que chacun puisse faire valoir, devant la régie, son point de vue. Autrement, nous risquons, avec les meilleures intentions du monde, de dévier des objectifs qui sont poursuivis et qui sont surtout souhaités par la population.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, lorsque le ministre parle d'audiences publiques, à quel moment situe-t-il ces audiences publiques?

S'agit-il d'audiences publiques de la commission ou de la régie, concernant la réglementation?

M. L'ALLIER: Non, je fais référence ici, M. le Président, essentiellement aux audiences publiques de la régie.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): De la régie. Est-ce que le ministre ne croit pas qu'il devrait y avoir également des audiences publiques pour la réglementation qui doit affecter les pouvoirs de la régie tels qu'ils apparaissent au projet de loi 35? Je reviens à une question qui a été soulevée par le représentant de la société Québec-Téléphone. A la page 2, premier paragraphe, M. Tremblay, au nom de sa société, dit ceci: En effet, le bill 35, en édictant que la Régie des services publics devra se conformer à la réglementation adoptée par le lieutenant-gouverneur en conseil sur les recommandations du ministre des Communications, touche cette régie dans ce qu'elle a de plus sacré, c'est-à-dire son autonomie de tribunal administratif et sa liberté d'organisme de contrôle et de surveillance.

Le ministre, tout à l'heure, a disposé à mon avis un peu rapidement de cet argument qu'est repris d'ailleurs un peu plus loin, à la page 4, au paragraphe 2, quand on dit: Que cette loi augmente le pouvoir réglementaire du ministère des Communications, cela créera un pouvoir parallèle de contrôle et de surveillance qui est inutile, en plus de risquer de semer la confusion.

Ce sont les deux objections que nous avions faites au ministre, qui sont reprises ici par un mémoire et qui reviendront sans doute dans d'autres mémoires. Quelles assurances le ministre peut-il nous donner à cet égard?

M. L'ALLIER: Vous avez posé une question qui était longue et vous me demandez à la fin quelles sont les assurances que je peux vous donner à cet égard.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. L'ALLIER: A l'égard de la réglementation?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vais préciser ma question, je vais spécifier en vous demandant ceci: Est-ce que vous maintenez l'expression d'opinion que vous avez émise au départ à l'effet que cette réglementation est une chose technique et que vous n'avez pas l'intention de nous la soumettre avant l'adoption du projet de loi 35 en troisième lecture?

M. L'ALLIER: Si vous faites allusion à la réglementation qui sera faite par le lieutenant-gouverneur, il va de soi qu'il ne s'agit pas d'une réglementation qui est d'abord technique. La réglementation de la régie, les règles de pratique, voilà une réglementation qui est technique. Mais pour ce qui est de la réglementation qui sera faite par le gouvernement, c'est essentiellement dans cette réglementation que l'on retrouve l'application des principes contenus dans le bill 35 et dans la politique de communication énoncée.

Donc, la réglementation du gouvernement est une réglementation qui est essentiellement la construction ou l'élaboration de la politique de communications et ce n'est pas la responsabilité d'un tribunal ou d'une régie que d'élaborer des politiques, que de tracer des corridors. Ce n'est pas la responsabilité d'un tribunal. Peut-être que, lorsque la régie sera scindée entre communications et expropriations il faudrait y voir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si le ministre me permet, je crois qu'il n'a pas saisi exactement ma question. Se référant aux notes explicatives, on dit qu'il y aura réglementation et que la réglementation sera adoptée par le gouvernement et le gouverneur en conseil. Je demande donc au ministre s'il maintient ce qu'il a dit au départ, au début de cette séance, à savoir que cette réglementation ne nous sera pas soumise avant son adoption. Est-ce qu'il est de l'intention du ministre de nous en faire connaître au moins les grandes lignes comme ce fut le cas pour la loi 45 par exemple, la Loi de protection du consommateur ou d'autres lois que nous avons examinées?

M. L'ALLIER: M. le Président, tout ce que je pourrais faire connaître à cette commission, ce sont effectivement des grandes lignes. Je ne pourrais pas faire connaître à cette commission les textes réglementaires précis qui seraient discutés à cette commission parce que je crois que c'est la responsabilité du gouvernement de faire cette réglementation et de choisir les mécanismes de consultation qui lui apparaissent les plus appropriés.

A ce stade-ci, je préfère continuer à entendre les témoins, les personnes qui veulent se faire entendre sur le projet de loi 35 pour voir les objections ou les commentaires qui seront faits, et pour voir s'il n'y a pas lieu, à partir de là, d'améliorer le projet de loi tel qu'il est présenté.

Mais je n'ai pas l'intention de soumettre à cette commission parlementaire la réglementation précise que le gouvernement entend adop-

ter, pour la bonne raison qu'elle est encore en voie d'élaboration, que cette commission parlementaire siège aujourd'hui et demain et qu'elle siégera peut-être plus tard.

Il va de soi, par ailleurs, que la commission parlementaire permanente pourra, elle, les scruter, les analyser.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si je pose la question au ministre, c'est précisément parce qu'au début de ces audiences une des premières objections qui nous est faite, c'est cette question du pouvoir de réglementation du lieutenant-gouverneur. Je demande au ministre — je lui répète ma question, enfin, je n'ai pas besoin de la lui répéter — mais je réfère à ce que nous avons fait dans le cas de la loi 45. On nous a présenté disons un format, une espèce de format de réglementation nous donnant les grands critères, les principes, les normes générales et depuis lors, nous avons eu une séance où nous avons été appelés à examiner, à critiquer, à analyser et finalement à adopter la première partie de la réglementation afférente à la Loi de protection du consommateur. Par conséquent, je demande au ministre devant les premières objections qui nous sont faites s'il pourrait procéder de la même façon.

M. L'ALLIER: Je croyais m'être exprimé clairement sur ce point. Je m'en excuse si tel n'est pas le cas. J'ai dit tout à l'heure au député de Chicoutimi ou à quelqu'un de cette commission que les règlements qui seraient faits par le gouvernement sont essentiellement des règlements d'orientation à l'intérieur desquels la régie fera, elle, ses propres règlements. J'ai également dit que le gouvernement ne pouvait pas se lancer dans une élaboration entre quatre murs de bureaux juridiques et que nous souhaitions, là-dessus, consulter l'ensemble de la population par le mécanisme des audiences publiques de la régie. Il m'est impossible de donner au député de Chicoutimi une réglementation. Je peux cependant lui donner, en cours de commission, les points qui m'apparaissent actuellement être ceux qui feraient l'objet de cette consultation.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est-ce que le ministre entend par consultation au moment des audiences publiques de la régie? Si la régie est déjà recréée et qu'elle est soumise à une réglementation, comment pourrons-nous tenir des audiences publiques où la régie se plaindrait elle-même du carcan qu'on lui aura imposé? Les citoyens...

M. L'ALLIER: Je ne comprends plus rien. Ou je me suis très mal exprimé — ce qui est tout à fait possible — ou le député de Chicoutimi me fait marcher.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, il faut être bien honnête.

M. L'ALLIER: Il est prévu dans le projet de loi 35 que la régie pourra ou devra tenir des audiences publiques. Ce sont à ces audiences que je réfère actuellement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. Je comprends tout ça. Mais au départ, il y a ceci — et c'est le ministre qui l'a mis dans les notes explicatives: qu'en prévoyant que la régie devra se conformer à la réglementation adoptée par le lieutenant-gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre des Communications... C'est à propos de cette réglementation que j'interroge le ministre en lui demandant s'il est de son intention — comme l'a fait son collègue au sujet de la loi 45 — de nous présenter le cadre général de cette réglementation que le ministre va recommander au lieutenant-gouverneur et qui comporterait des principes, des normes, etc., qui nous indiquerait dans quel sens s'infléchira la politique du gouvernement et dans quel cadre devra désormais travailler la Régie des services publics. Il me semble que ce n'est pas sorcier de demander ça. D'autant plus que le ministre des Institutions financières, au sujet de la Loi de protection du consommateur, nous avait donné les règles générales de la réglementation et nous a depuis lors soumis une première partie de cette réglementation que nous avons approuvée en commission parlementaire.

J'imagine qu'on pourrait faire la même chose dans le cas de la Régie des services publics, étant donné le champ très important qu'on veut lui faire couvrir. Et ma question est d'autant plus impérieuse à la suite des explications que nous a données le ministre sur les intentions du gouvernement dans le domaine des communications.

M. L'ALLIER: Afin de ne pas prolonger cette discussion, est-ce que le député de Chicoutimi me permet — Je dois dire qu'il y a des éléments de sa question qui ne m'apparaissent pas claires, je m'en excuse — de l'analyser et de lui répondre à la prochaine séance de la commission?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense que le ministre peut fort bien se permettre cela et réfléchir sur la profondeur de mes observations. C'est ça.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Le ministre, en tentant de répondre au député de Chicoutimi, a dit que le pouvoir de réglementation que le gouvernement se réserve est une réglementation d'orientation. Si c'était le cas, nous serions d'accord. Mais ce n'est pas le cas puisque l'article 3 a) du projet de loi 37, qui n'est pas terminé, qui n'est pas encore voté en deuxième lecture, et dont on fait mention dans le projet de loi 35, dit bien:

Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre et dans le cadre de sa compétence, faire des règlements sur les conditions d'établissement, d'exploitation, d'administration... et un peu plus loin, au paragraphe b ) pour déterminer les normes de production, d'acquisition et de diffusion d'émissions... Ce sont tellement des choses techniques. Si c'était juste une question d'orientation, c'est ce qu'on a proposé, mais ce n'est pas le cas.

M. L'ALLIER: M. le Président, je m'excuse. Nous n'allons pas passer, parce que nous n'en sortirons jamais, du projet de loi 37 aux projets de loi 35 et 36. Quand je parlais ici d'orientation générale, je parlais du secteur de la câblodistribution. C'est essentiellement dans ce secteur qu'il s'agit de donner des orientations.

M. LEGER: ... sur un droit de réglementation?

M. L'ALLIER: Ce que l'on retrouve, par ailleurs, dans le projet de loi 37 qui porte d'une façon précise sur les équipements et tout ce que vous voulez de cette nature et qui est très précis, c'est un droit de réglementation que pourra exercer le gouvernement, droit de réglementation qui était, dans la plupart des cas, déjà celui de Radio-Québec. Or, le droit de réglementation qu'avait Raido-Québec de conseiller, de réglementer et de rendre cohérent, etc., c'est un droit qui était dans la Loi de Radio-Québec. Nous l'avons fait passer au ministère des Communications parce que ce ministère a une responsabilité plus large que celle qu'avait Radio-Québec et nous nous serions retrouvés devant deux jeux possibles de réglementation qui n'auraient pas pu être contradictoires parce que, de toute façon, les règlements généraux à Radio-Québec sont approuvés par le conseil des ministres. Ce sont des règlements d'ensemble.

Il nous est apparu normal de faire passer de l'un à l'autre le pouvoir de réglementation. Je pense ici à tous les investissements qui sont faits en matière de communications dans le système scolaire, dans le système hospitatlier et autrement.

Vous voyez, si vous analysez bien le projet de loi 37 — et vous le ferez avant qu'on l'étudie en commission parlementaire — que, au fur et à meusure que nous nous éloignons de l'institution qui est subventionnée par le gouvernement à 100 p.c, le rôle du gouvernement n'est qu'un rôle de conseil et de coordination, qu'il n'a plus de rôle coercitif. C'est ce qui est prévu dans la loi. Il y a une espèce de gradation, si vous voulez, dans l'influence possible du gouvernement pour tout ce qui est des aspects techniques.

Actuellement, des dépenses considérables sont faites dans les secteurs de l'éducation, quelquefois elles sont faites à bon escient et quelquefois mal faites, soit en ce sens qu'elles ne correspondent pas au besoin réel, soit qu'elles sont faites à un moment donné en correspondant à un besoin et que l'infrastructure humaine se désagrège autour de ça, et que les équipements restent inutiles.

On en a des dizaines d'exemples. Quelque chose doit être fait. Le Québec a le pouvoir de le faire actuellement comme le ministère des Communications doit, par ailleurs, le faire en dehors aussi du système scolaire. Nous avons regroupé ces deux secteurs de réglementation.

M. LEGER: Je vais maintenant poser une question au représentant de Québec-Téléphone qui nous a écouté si longtemps. Dans votre mémoire, à un moment donné, vous avez parlé d'une chose qui est un peu notre voeu aussi, ce que nous avons proposé en deuxième lecture. Vous préfériez que le pouvoir de réglementation soit entre les mains de la régie mais que le gouvernement établisse des principes généraux d'orientation qui guideraient à l'intérieur de ces orientations la réglementation de la régie. Exemple: admettons que ce soit de contrôle québécois, des compagnies avec contrôle québécois, une participation locale quant au contenu, une participation locale quant à la propriété privée, une répartition entre la publicité, les règlements et les programmes tels quels.

Le gouvernement prenant la part de la réglementation détaillée plutôt que la partie d'une réglementation générale sur une orientation générale de sa politique, quelles sont les conséquences directes au niveau des relations de la Régie des services publics avec les organismes sur lesquels elle a juridiction?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je pense, M. le Président, que dans mon mémoire, à la page 4, je réponds à cette question lorsque je parle de pouvoirs parallèles de contrôle et de surveillance.

M. LEGER: Quelles conséquences pratiques, des exemples, peut-il y avoir?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Il pourrait y avoir qu'on ne sache pas devant quel organisme se présenter pour obtenir tel permis ou pour faire telle chose. Doit-on satisfaire aux exigences du ministère ou doit-on satisfaire aux exigences de la régie? Quand même, la régie a un pouvoir de réglementation dont elle s'est prévalue dans le passé quand on pense à l'ordonnance générale no 5 qui est quand même une ordonnance qui régit le téléphone dans le Québec. C'est sur cette ordonnance qu'elle juge.

C'est le dilemme que je vois, devant quelle partie devons-nous aller? Si, bien sûr, comme dit le ministre, il s'agit de réglementation d'ordre général, à ce moment-là, cela peut aller mais si c'est de la réglementation telle que stipulée à l'article 3 a), à ce moment-là, je m'inscris en faux, j'ai peur.

M. L'ALLIER: Vous avez peur pour tout le monde ou pour les compagnies de téléphone?

M. TREMBLAY (Jean-Marc): J'ai peur pour tout le monde. Parce que les abonnés, quand même, la compagnie de téléphone est une compagnie de service...

M. L'ALLIER: Ce que je veux dire, c'est que...

M. TREMBLAY (Jean-Marc): ...alors cela appartient aux abonnés.

M. L'ALLIER: D'accord, mais je ne parle pas de la compagnie par rapport aux abonnés, je parle du secteur du téléphone par rapport aux secteurs, par exemple, des équipements scolaires, des équipements hospitaliers en matière de communications, par rapport à tout cela. Il faut que vous compreniez qu'il n'y a pas uniquement le secteur du téléphone dans les communications, vous le savez très bien.

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Non, je comprends.

M. L'ALLIER: Il y a aussi tout le reste. A ce moment-là, on peut procéder en bon latin, si vous voulez, s'asseoir et faire des lois de 400 ou 500 pages et essayer de prévoir un code de communications. On aura fini dans quinze ans. On n'aura plus rien à faire dans le secteur...

M. TREMBLAY (Jean-Marc): Non. M. le ministre doit admettre que, quand on parle de pouvoirs parallèles, la régie est quand même un organisme qui était autonome et qui avait à répondre de ses actes.

Mais, si un pouvoir de réglementation permet à des personnes, à l'intérieur du ministère, de se prévaloir de ces règlements qui permettraient que, eux, reçoivent des personnes pour octroyer un permis ou étudier leur cas avant de se présenter à la régie parce qu'ils auraient le pouvoir de présenter des plans avant que la régie ne les voit, est-ce que vous voyez toutes ces possibilités de contrôle...

M. L'ALLIER: Je peux vous dire dès maintenant...

M. LEGER: ... à l'intérieur du ministère?

M. L'ALLIER: Je peux vous dire dès maintenant qu'on travaille actuellement avec la régie à l'établissement d'une procédure qui, précisément, prévoira quelle pourra être l'intervention du ministère et quelle pourra être l'intervention de la régie.

Je peux vous dire dès maintenant qu'à aucun moment, lorsqu'il s'agira de l'application des ordonnances de la régie, le ministère ne pourra s'inscrire de quelque façon en faux contre ça. La régie aura son pouvoir de réglementation.

C'est elle qui réglemente les communications.

M. LEGER: Oui, mais il se peut fort bien que la réglementation...

M. L'ALLIER: Je vais vous donner un exemple. Si la régie dit que les sociétés de téléphone doivent se conformer à telles et telles normes techniques — et ça devient hautement technique lorsqu'il s'agit de téléphone, de câble, de transmission des données, tout ça — est-ce que vous voyez, vous, que la régie ait, à côté d'elle, tout un bloc permanent d'ingénieurs qui procèdent à l'élaboration de ces ordonnances? Ou est-ce que vous ne pensez pas qu'il pourrait exister une collaboration entre le groupe technique du ministère des Communications et la régie?

Si la régie n'est pas satisfaite des rapports techniques que le ministère lui fait, elle n'a qu'à ne pas les traduire en ordonnances. C'est elle qui sera responsable de ces ordonnances. Par la suite, lorsque la Régie des services publics aura rendu une ordonnance, elle sera responsable d'en vérifier et d'en contrôler l'exécution. Ce ne sera pas le ministère des Communications. Là je sais exactement à quoi vous faites allusion.

M. LEGER: Vous ne me l'avez pas dit, en tout cas.

M. L'ALLIER: Je sais exactement à quoi vous faites allusion et tout le contexte de cette histoire-là. Vous faites allusion à la possibilité, pour le ministère des Communications, de pouvoir émettre ou ne pas émettre un visa technique qui empêcherait quelqu'un d'aller devant la régie.

M. LEGER: Exactement ça. Vous avez très bien compris. J'attends la réponse.

M. L'ALLIER: C'est exactement ça et la question a été posée aussi au ministère et nous sommes, à la satisfaction de la régie, à établir une procédure qui fera que c'est uniquement sur ordonnance de la régie que le ministère des Communications pourra intervenir.

En d'autres mots, si la régie pose telle ordonnance avec telle exigence technique à l'intérieur de cette ordonnance, la régie pourra demander aux services techniques du ministère de vérifier — c'est ça la possibilité que nous étudions — si l'infrastructure technique du demandeur est conforme ou non à telle ordonnance. Donc, le ministère agira à l'intérieur d'un cadre défini par la régie.

Si le ministère émet un certificat, par exemple, disant: L'ordonnance X est respectée par l'entreprise ou par M. Untel, c'est tout ce qu'on fait, cela veut dire que c'est une pièce au dossier qui permet à la régie, si elle juge que c'est une pièce essentielle, d'étudier le dossier.

Si quelqu'un s'oppose à ce certificat technique émis par le ministère à la demande de la

régie, conformément à une ordonnance de la régie, il peut, devant la régie, contester la validité du certificat en disant l'une de ces deux choses, par exemple: Le ministère n'a pas tenu compte de tous les éléments existants, ou le demandeur n'a pas fait état de la situation réelle. En d'autres mots, le certificat a été émis, il n'est pas justifié, ou il a été émis par erreur, c'est la régie qui va décider si oui ou non le certificat a été émis par erreur.

M. LEGER: Mais ne se peut-il pas, parfois, que ça ne vienne jamais â la régie parce que cela aurait été arrêté avant?

M. L'ALLIER: Absolument pas, parce que c'est à l'occasion de l'inscription d'un dossier devant la régie que cela se produit. Alors si une personne à qui nous refusons un certificat technique, à qui nous disons que ses installations ne sont pas conformes à l'ordonnance 8 de la régie, si cette personne-là va devant la régie et dit: On m'a refusé un certificat technique, la régie met en cause, fait comparaître des témoins pour savoir si le ministère avait, oui ou non, raison sur le plan technique de refuser ce certificat.

M. LEGER: La régie a le pouvoir de renverser une décision...

M. L'ALLIER: C'est évident, parce que ce n'est pas une décision du ministère des Communications, c'est un service technique qui est rendu, les normes techniques sont établies par la régie, elles pourront l'être sur recommandation du ministère des Communications. La régie fera ce qu'elle voudra avec nos recommandations, elles sont établies par la régie. Et plutôt que d'avoir avec elle tout un groupe de techniciens spécialisés qui verront à savoir si le dossier de 200 pages soumis par telle société avec tous les devis techniques correspond à l'ordonnance numéro X, elle demandera au ministère des Communications: Vous avez des spécialistes, est-ce que le document technique qui nous est déposé est conforme à notre ordonnance numéro X? Nous disons oui ou non. Quelle que soit notre décision, elle est portée devant la régie qui, à ce moment-là, si cela n'est pas contesté, si tout le monde est d'accord pour que le certificat soit valable, le certificat est valable. Si une personne s'oppose à la validité du certificat, il est remis en cause. Vous voyez, c'est cela qui sera établi comme procédure. Mais il n'y aura pas possibilité, d'aucune façon, pour le ministère, de bloquer quelque demande que ce soit avant que cela aille à la régie. Cela équivaudrait à constituer, à faire du ministère un tribunal rendant une décision sans appel, ce qui est absolument impensable, c'est contraire à toute l'économie de la régie. M. le Président il est...

M. LE PRESIDENT: Messieurs, est-ce qu'il y a d'autres questions ou d'autres remarques relativement au bill? Alors il est maintenant 12 h 30.

L'Assemblée nationale devant continuer l'étude du bill 37, cet après-midi la commission des Communications pourrait reprendre ses activités demain à 10 heures.

M. LEDUC: M. le Président, si vous me le permettez, par courtoisie pour ceux qui se sont présentés ici ce matin et qu'on n'a pas pu entendre, je pense qu'on devrait d'abord, demain, entendre les deux groupes qui sont venus ce matin et ensuite les autres aussi, si la commission est d'accord.

M. LE PRESIDENT: Certainement. Je remercie Me Tremblay, de Québec-Telephone, de la présentation de son mémoire.

(Fin de la séance à 12 h 29)

Séance du mercredi 24 novembre 1971(Dix heures dix-sept minutes)

M. CORNELLIER (président de la commission permanente des Communications): A l'ordre, messieurs! La séance est maintenant ouverte. J'aimerais faire une remarque concernant l'heure de la séance. La séance se poursuivra jusqu'à midi trente. A ce moment nous déciderons si la commission reprendra sa séance au cours de l'après-midi après la période de questions.

Hier, nous avons entendu le mémoire de Québec-Téléphone. Ce matin nous allons commencer avec l'Association canadienne de radio et de télévision de langue française du Québec. J'inviterais donc le représentant de cet organisme à prendre la parole.

M. L'ALLIER: M. le Président, avant d'entendre le représentant de l'association, nous pourrions probablement convenir de maintenir la règle que nous avions adoptée. Nous avions convenu hier que même si le mémoire porte sur les trois projets de loi, nous puissions, s'il y a lieu, poser des questions et discuter du mémoire d'abord sur le bill 35 et ensuite sur le bill 36 et ensuite sur le bill 37. Dans le mémoire présenté, en fait, l'association fait des commentaires sur les trois projets de loi. Plutôt que de recevoir l'ensemble du mémoire pour ensuite poser des questions, si les membres de cette commission étaient d'accord, lorsque nous aurons entendu les opinants sur le projet de loi 35, nous pourrions poser alors les questions et discuter, s'il y a lieu, pour ensuite passer aux autres projets de loi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour des questions d'ordre, la proposition du ministre nous est agréable. Les trois projets évidemment se chevauchent et nous avons convenu hier de procéder dans l'ordre, soit le projet de loi 35 puis le 36 et finalement le 37 qui a été adopté hier soir en seconde lecture. Je suis d'accord avec le ministre des Communications sur cette procédure.

M. DUMONT: Nous avons tout de même eu le loisir de discuter en deuxième lecture les projets de loi nos 35, 36, 37. J'ai regardé brièvement le rapport qui nous est remis ce matin par l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française et on parle des trois projets de loi. Même si nous nous écartons de quelques questions par rapport aux bills 36 et 37, nous aurons la même largeur d'esprit que nous avons eue à l'Assemblée nationale pour nous permettre d'en discuter afin de pouvoir éclairer tout le monde.

M. LEGER: En ce qui nous concerne, nous allons essayer de poser les questions qui ont rapport à 35 avant 36. Si par hasard il y a une relation, je pense que nous serons assez ouverts d'esprit. Nous sommes d'accord, M. le Président.

Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française

M. STEIN (Charles): M. le Président, mon nom est Charles Stein, je suis l'avocat de l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française, c'est-à-dire l'ACRTF. Je suis accompagné du président de cette association, Pierre Stein; de M. Paul Audet, directeur général de CJPM de Chicoutimi et vice-président de l'association; de M. France Fortin, vice-président de la Télévision de Québec et l'un des administrateurs de l'association; de M. Aurèle Pelletier, directeur général de CHRC à Québec et aussi un des administrateurs; de M. Jean Pouliot, il n'est pas arrivé mais il doit venir, président et directeur général de la Télévision de Québec et un autre administrateur de l'ACRTF.

Nous avons aussi M. Gérard Fortin qui est ingénieur à la Télévision de Québec et M. Sidney Margies qui est représentant de CJAD, The Standard Broadcasting et représentant de langue anglaise. Si cela vous agrée, nous nous proposions de procéder comme suit: Le président de l'association ferait la lecture du mémoire, à l'exception de la partie qui traite de la question constitutionnelle dont je me chargerais.

M. LE PRESIDENT: Certainement.

M. STEIN (Charles): Alors il pourrait peut-être interrompre quand il sera rendu là, je traiterai de cette question et il terminera.

M. STEIN (Pierre): M. le Président, MM. les membres de la commission, je vous présente le mémoire de l'ACRTF, l'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française Inc., au sujet des projets de loi 35, 36 et 37 de 1971. L'Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française Inc., que nous appellerons l'ACRTF est un organisme à charte québécoise qui groupe la majorité des postes privés de radio et de télévision qui diffusent en langue française au Canada. Elle compte 55 postes de radio et dix de télévision.

Cinquante-sept de ces 65 postes sont situés au Québec et huit sont répartis entre cinq autres provinces, trois en Ontario, deux en Saskatchewan et un chacun au Nouveau-Brunswick, au Manitoba et en Alberta. Les membres de l'ACRTF font également partie de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, l'ACR, ou Canadian Association of Broadcasters, CAB, qui groupe la majorité des postes privés canadiens de radio et de télévision.

Enfin, l'ACRTF est elle-même affiliée à l'ACR et délègue chaque année quatre de ses membres au conseil d'administration de cette dernière.

Dans le moment, pour la troisième fois, c'est un membre de l'ACRTF, M. Henri Audet, président du poste CKTM-TV de Trois-Rivières, qui est le président de l'ACR. Les autres délégués de l'ACRTF au conseil canadien de l'ACR sont actuellement moi-même ainsi que M. Philippe de Gaspé-Beaubien et M. Jean Pouliot.

La fondation de l'ACRTF remonte au 1er juin 1944, mais l'existence de quelques-unes des entreprises qui en sont membres remonte à plus de quarante-cinq ans. Ses buts comprennent les mesures favorisant le progrès de la radio et de la télévision, l'échange d'informations et connaissances techniques, administratives, de programmation et autres, entre les radiodiffuseurs et télédiffuseurs d'expression française au Canada.

Quelques remarques préliminaires. Nous nous présentons devant cette commission parlementaire aujourd'hui avec le sentiment que cette consultation à la vapeur n'en est pas une à proprement parler. Parce que la substance des bills 35, 36 et 37 constitue une menace virtuelle contre les assises mêmes de nos libertés démocratiques, l'ACRTF croit que les diffuseurs auraient dû être consultés avant même que les intentions législatives du gouvernement soient rendues publiques.

Nous croyons que, dans ce cas, la philosophie qui se retrouve à la base desdits projets de loi et que nous jugeons, pour une bonne part, inacceptable aurait pu subir une certaine réorientation. Les quelques heures qu'on nous a concédées pour la préparation d'un mémoire ne nous permettent pas, au demeurant, de penser qu'on souhaite une véritable consultation avec nous. Quoi qu'il en soit, l'ACRTF désire vous faire part de quelques réflexions et interrogations graves suggérées par les projets de loi 35, 36 et 37, dans l'espoir que ce que nous considérons comme l'intérêt public et, par extension celui des diffuseurs, trouve une meilleure part dans les objectifs du gouvernement provincial.

Même si, au moment de la rédaction du présent mémoire, la commission permanente sur les Communications n'a été saisie par l'Assemblée nationale que du projet de loi 35, nous prenons la liberté de traiter non seulement de ce dernier, mais aussi d'une ou deux dispositions des projets nos 36 et 37 qui y sont reliés et dont l'étude sera sans doute également confiée à la commission sous peu.

Précisons que seules les dispositions du projet 35, Loi modifiant la Loi de la Régie des services publics, qui nous intéressent sont: 1) le nouveau texte du sous-paragraphe a) du paragraphe 3 de l'article 2 de la Loi de la régie, proposé à l'article 1 du projet, qui remplacerait la définition d'une entreprise télégraphique ou téléphonique par celle d'une entreprise de transmission ou de diffusion de sons, d'images, de signes, de signaux, de données ou de messages par fil, câble, ondes ou tout moyen électrique, électronique, magnétique, électromagnétique ou optique; 2)le nouveau texte de l'article 25 de la Loi de la régie proposé à l'article 6 du projet et qui obligerait la régie à se conformer aux règlements prévus à l'article 3 a) de la Loi du ministère des Communications, qui serait ajouté à cette loi par l'article 3 du projet 37; 3) l'article 29 a) de la Loi de la régie que l'article 8 du projet 35 propose d'ajouter à cette loi et qui conférerait à la régie compétence exclusive au Québec sur l'emplacement et les conditions de raccordement des installations nécessaires à l'exploitation d'une entreprise publique; 4) le nouveau texte de l'article 30 de la Loi de la régie proposé à l'article 9 du projet 35 qui permettrait, aux conditions posées par la régie, à une entreprise tombant sous le coup du sous-paragraphe a) du paragraphe 3 de l'article 2, (nouveau texte), d'utiliser les installations d'une autre entreprise, tandis que le dernier alinéa actuel de l'article 30 ne prévoit la chose que pour les poteaux d'une ligne téléphonique, télégraphique ou de signalisation; 5) l'article 33 de la Loi de la régie, tel qu'il serait modifié par l'article 10 du projet 35, qui permet à la régie de prescrire les conditions d'un échange de services entre deux entreprises similaires; 6) l'article 15 du projet no 35, qui conférerait un certain effet rétroactif aux nouvelles dispositions, pour ce qui est des radiodiffuseurs et des télédiffuseurs, puisqu'il leur faudrait obtenir la permission de la régie pour poursuivre l'exploitation de leurs entreprises, comme si l'implantation et l'exploitation de ces dernières étaient actuellement illicites et comme s'ils n'avaient pas de droits acquis.

Dans le projet no 36, seul nous intéresse le nouveau texte de l'article 25 de la loi de l'Office de radio-télédiffusion du Québec proposé à l'article 9. Le premier alinéa du texte proposé de l'article 25 se réfère aux règlements prévus à l'article 3 a ) de la Loi du ministère des Communications, qu'ajouterait l'article 3 du projet no 37.

Le deuxième alinéa du texte proposé de l'article 25 subordonne à l'autorisation de l'Assemblée nationale l'exercice du pouvoir d'expropriation de l'office. Cette disposition est contenue à l'article 25 actuel, sauf que ce dernier exige l'autorisation préalable de l'Assemblée nationale, ce que ne fait pas le texte proposé.

Les dispositions du projet no 37 qui touchent les radiodiffuseurs et les télédiffuseurs sont: 1 ) l'article 1, qui remplace le deuxième alinéa de l'article 2 de la Loi du ministère des Communications en étendant le sens du terme "communications" à "tous les moyens de diffusion et d'information" et à la transmission de sons, d'images, etc. "par tout moyen électrique,

électronique, magnétique, électromagnétique ou optique", alors que les moyens énumérés dans le texte actuel sont les fils, les câbles et les ondes; 2 ) le paragraphe a ) de l'article 3 a ) que l'article 3 du projet ajouterait à la Loi du ministère des Communications et qui permettrait au conseil des ministres, sur la recommandation du ministre des Communications, de réglementer les conditions d'établissement, d'exploitation, d'administration, d'extension ou de modification d'une entreprise publique au sens du paragraphe 3 de l'article 2 de la Loi de la Régie des services publics, de même que "la cession, la vente, l'achat ou la fusion d'une telle entreprise en tout ou en partie", "la création, la vente ou l'achat en totalité ou d'une partie d'un réseau ou d'installations qui y sont reliées".

Nous reconnaissons d'emblée la nécessité d'une réglementation de l'industrie, de la radiodiffusion et de la télévision, du moins en ce qui concerne certains aspects ou sujets. Par exemple, il va de soi que la répartition des longueurs d'ondes et canaux, ainsi que des emplacements des tours et antennes de transmission doit être réglementée. A noter que, d'ailleurs, des accords et règlements internationaux sont nécessaires, en plus de nos propres lois et règlements.

Dans une déclaration rapportée dans l'édition du Soleil, du 18 septembre 1971, le ministre des Communications, M. L'Allier, admettait que l'objectif du gouvernement était d'éviter le plus possible qu'il y ait double réglementation.

En plus de nous inviter à penser qu'il y aurait effectivement double réglementation, la déclaration du ministre ajoute du poids à notre conviction qu'un excès de réglementation et des conflits de juridiction et de lois pourraient être causes d'anarchie ou de fouillis, tout comme le serait l'abstention complète de l'autorité législative et administrative. C'est plus particulièrement le cas quand la législation et la réglementation provinciales font double emploi avec celles du fédéral et quand, par-dessus le marché, le tout est agrémenté d'un problème constitutionnel qui rend fort douteuse la validité de l'intervention provinciale.

Enfin, la législation projetée dont nous parlons, en plus de placer les radio-diffuseurs et les télédiffuseurs du Québec dans une situation technique et juridique quasi impossible, parce qu'elle ferait double emploi avec la législation fédérale et à cause de sa constitutionnalité contestable, mettrait leur autonomie et leur situation économique à la merci de pouvoirs de réglementation très étendus et passablement arbitraires, qu'on ne retrouve pas dans la législation fédérale.

Examinons le conflit entre la législation et la réglementation proposées et celles du fédéral.

M. L'ALLIER: M. le Président, je crois que, conformément à ce que nous avons convenu au départ, nous pourrions à ce stade-ci arrêter la lecture du mémoire et poser des questions à l'opinant sur ses interventions concernant directement les projets de loi no 35, 36 ou 37.

En fait, nous aurions pu le faire immédiatement après le projet de loi no 35.

Si cette commission est d'avis que nous puissions continuer jusqu'à la fin pour recommencer ensuite l'étude paragraphe par paragraphe, ça m'est égal quant à moi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La situation est un peu délicate, il y a dans le mémoire dont on vient de nous lire une partie, un ensemble de considérations sur les projets de loi nos 35,36 et 37, par le biais, dans le cas de ces deux derniers.

Il arrive toutefois que l'argument de base, je crois, de la CRTF est un argument d'ordre juridique, et même d'ordre constitutionnel. L'on fait grand état de ce conflit de compétences qui provoquerait des situations assez délicates, assez difficiles.

L'on note en particulier que la réglementation fédérale est plus libérale que ne le seraient la réglementation et même les projets de loi qui sont soumis à notre examen. Je sais que le ministre — il nous l'a dit hier et j'ai eu l'occasion d'en causer avec lui ce matin — a l'intention de faire un examen complet de la question constitutionnelle au moment opportun, c'est-à-dire quand nous aurons fait une étude un peu plus globale des mémoires qui nous auront été présentés. Je suis, pour ma part, un peu embarrassé, parce que je me demande où se trouve la charrue et où se trouvent les boeufs et comme on ne veut pas mettre la charrue devant les boeufs, il faudrait que le ministre nous dise ce qui, dans son esprit, est prioritaire. Est-ce que c'est le problème constitutionnel, le problème juridique ou si ce sont les observations qui ont été faites spécifiquement sur les articles des projets de loi 35, 36 et 37? Je ne veux pas embarrasser le ministre avec cela, d'ailleurs cela a fait l'objet de nos interventions en Chambre, mais nous lui avons dit et répété que le problème de base restait quand même le problème constitutionnel, ce problème juridique d'envergure. Or, je me rends compte, à la lecture du mémoire de l'ACRTF, que c'est quand même la base de leur argumentation. Alors, je demande au ministre s'il maintient sa position en ce sens qu'il fera l'examen de la situation juridique et constitutionnelle après ou s'il sera disposé à l'aborder immédiatement.

M. L'ALLIER: M. le Président, sur ce point, je crois que nous ne pourrons pas, si nous voulons étudier d'une façon positive le mémoire qui est devant nous, éviter, à l'occasion de ce mémoire, de préciser le sens et l'étendue possible des dispositions des projets de loi qui sont devant nous. Ce que je voudrais cependant traiter à la fin et pour le bénéfice des membres de cette commission, c'est l'état actuel du dossier ou du "contentieux" fédéral-provincial

en matière de communications. Cependant, il est important, je crois, compte tenu de ce que vous avez dit et qui est exact, de savoir que les préoccupations et les craintes énoncées par l'association qui est devant nous reposent essentiellement sur le droit ou la négation du droit du Québec d'intervenir dans ces domaines de radio et de télévision, de même que de câblodistribution. Alors, afin de bien cerner quelle est l'opinion des intervenants ce matin, je crois qu'il y aurait avantage à leur demander, sur une loi présentée, un certain nombre de précisions.

Pour ma part, j'aimerais savoir quels sont les points précis de cette loi. J'aimerais poser des questions, ce qui les amènerait à croire qu'il y a pour eux tel ou tel danger et qui me permettrait par la suite de préciser l'extension qui nous semble possible et réaliste de donner à l'application de ce projet de loi dans le cadre de la juridiction du Québec. C'est en fait un article auquel personne n'a référé dans le mémoire. C'est le premier article de la Loi de la Régie des services publics telle qu'elle existe maintenant et qui se lit comme suit: "La présente loi s'applique aux matières énumérées dans l'article 2, lequel est modifié, qui relève de la juridiction de la province." C'est un article essentiel à la compréhension de toutes les dispositions contenues dans ce projet de loi. Il y a donc, d'une part, un certain nombre de secteurs de communication que nous considérons, à bon droit, comme étant de juridiction provinciale. Il y en a d'autres qui sont actuellement sous juridiction fédérale et pour lesquels nous souhaitons avoir des conversations ou des négociations avec le gouvernement fédéral, dans l'optique d'une politique globale de communication. Je ne voudrais pas que l'on croit ici, comme on l'a laissé sous-entendre à une ou deux reprises dans le mémoire, qu'il s'agisse là d'une législation ayant pour but de devenir un moyen de pression sur le gouvernement fédéral. Cela serait absolument contraire à ce que nous voulons faire.

Nous ne voulons cependant, pas par la restriction volontaire de telle ou telle définition, admettre implicitement ou même directement dans un texte de loi que la situation actuelle, en matière de juridiction dans les domaines de communications, doive se poursuivre et que nous en soyons satisfaits. En fait, j'aurai l'occasion de le préciser, suite aux questions que je pourrai poser aux intervenants.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, si vous me le permettez, le problème que pose l'ACRTF, je le disais tout à l'heure, est un problème juridique, un problème constitutionnel. Vous avez apporté une précision au sujet des champs de compétence du Québec dans ce domaine. J'imagine qu'en posant des questions aux représentants de l'ACRTF, sans nécessairement les engager dans des conflits constitutionnels, vous entendez bien les associer à ce travail de revendication des droits du

Québec ou à l'élargissement d'un champ de compétence que le gouvernement central a rétréci. Il est bien entendu que la position de l'ACRTF, si on l'examine dans l'optique des lois actuelles du gouvernement central par rapport aux lois du gouvernement du Québec, est certainement commode. Elle permettra à l'ACRTF de nous faire des représentations indiquant que le projet de loi a telle ou telle faiblesse. Je fais un appel ce matin à nos amis de l'ACRTF pour qu'ils nous aident à élargir le champ que le Québec entend couvrir dans ce domaine de la radio et de la télédiffusion. Le ministre actuel, comme ceux qui l'ont précédé, avait entrepris dans ce domaine un travail.

Même si cela doit déranger certaines habitudes acquises et consacrées par des textes fédéraux, il ne m'apparaît pas que cela doive être sacré. On peut ensemble considérer la situation actuelle mais dans l'optique d'un changement et d'une amélioration qui irait dans le sens des intérêts du Québec des droits revendiqués par le Québec dans le domaine des ondes.

M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, si j'ai bien compris, l'intervention du ministre tantôt était surtout pour savoir si nous devions continuer à écouter l'ACRTF ou poser immédiatement certaines questions. Evidemment, j'ai cru comprendre hier soir, lorsqu'une motion a été présentée, à la suite du vote sur le bill 37, que le ministre avait l'intention de donner à tous ceux qui voulaient venir devant cette commission la possibilité d'avoir suffisamment de temps pour s'expliquer. Si j'ai bien compris, et si tel est l'esprit dans lequel nous devons entreprendre ces travaux, nous devrions à ce moment-ci laisser les représentants de l'ACRTF continuer la lecture de leur mémoire jusqu'au bout. Cela permettra aux députés de prendre des notes et par la suite de poser toutes les questions. Je remarque qu'à la page 9 qui n'a pas encore été lue, on y discute encore du bill 35. L'ensemble du mémoire pourrait peut-être permettre de répondre à certaines questions avant même que nous aycns à les poser, si nous les laissons lire jusqu'au bout. Quant à nous, nous sommes parfaitement disposés à entendre tout le mémoire et par la suite poser les questions qui nous sembleront propices à la discussion.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je vais poser quand même quelques questions à M. Stein. A la page 8, au sujet des représentations faites dans ce mémoire, ce qu'on redoute le plus, est qu'il y ait deux réglementations, l'une sur l'autre, et qu'on ne sache pas laquelle a priorité. Autrement dit, est-ce que je résumerais votre pensée en disant que vous préféreriez n'avoir qu'une réglementation et non deux?

M. SAMSON: M. le Président, nous devons d'abord nous entendre sur le fait que nous posons immédiatement les questions ou nous attendons à la fin avant de poser des questions. Parce que, là, l'honorable député semble poser des questions.

M. LEGER: C'est ce que nous avions dit, M. le Président.

M. L'ALLIER: Comme le mémoire n'est pas tellement long, nous pouvons, pour avoir une vue d'ensemble — je m'excuse de l'intervention que j'ai pu faire qui a pu être interprétée — écouter la présentation du mémoire d'une façon intégrale et reprendre ensuite l'étude du mémoire plutôt que de naviguer d'un bout à l'autre...

M. LEGER: D'accord. Je n'ai pas d'objection. Mais j'avais cru comprendre que vous aviez arrêté la lecture pour que nous posions des questions sur cette première partie.

M. L'ALLIER: C'est-à-dire que j'ai demandé... Comme nous avions convenu au début, pour faciliter et rationaliser notre étude, que nous allions la faire loi par loi, 35, 36 et 37, comme il m'apparaissait qu'à la page 8 on terminait en fait les remarques précises sur chacun des projets de loi, je voulais simplement demander aux membres de cette commission si à ce stade-ci ils voulaient étudier les questions qui se rapportent directement aux projets de loi, compte tenu aussi du fait que M. Stein avait dit que, quant à lui, il traiterait de la question constitutionnelle. Alors il m'apparaissait qu'il y avait là une ligne de démarcation facile.

Le mémoire n'étant pas tellement long, laissons poursuivre les opinants jusqu'à la fin et nous reprendrons, comme je le suggérais et comme vous étiez d'accord, l'étude de ce mémoire partie par partie.

M. LE PRESIDENT: Si les membres de la commission sont d'accord, nous allons permettre de continuer.

M. STEIN (Pierre): D'accord. Merci, M. le Président, MM. les membres de la commission. Donc, examinons maintenant le conflit entre la législation et la réglementation proposées et celles du fédéral. En vertu de la Loi sur la radiodiffusion, de la Loi sur la radio et des règlements établis sous leur empire, le Conseil de la radio-télévision canadienne et deux ministères fédéraux, celui des Communications et celui des Transports, réglementent déjà l'emplacement, la construction, l'exploitation et l'aliénation des entreprises de radiodiffusion et de télévision.

L'annexe du présent mémoire résume très brièvement les exigences, facteurs et circonstances que doit respecter ou dont doit tenir compte quiconque se propose d'établir une station de radio ou de télévision. A la lecture de cette annexe d'une page, on pourra peut-être se faire une meilleure idée des inconvénients sérieux que pourraient susciter à notre industrie la confusion et l'incertitude résultant du chevauchement d'une réglementation fédérale et d'une réglementation provinciale.

Les divergences de vues et d'exigences entre les autorités chargées de la mise à exécution de l'une ou de l'autre respectivement seraient susceptibles d'entraver la réalisation des projets d'implantation ou de développement les mieux conçus et les plus dignes de confiance.

N'importe-t-il pas d'éviter de nuire indûment à une industrie québécoise dont la fonction est l'information, le divertissement et la culture? Or, les nouvelles dispositions proposées dans les trois projets ou celles de la Loi de la Régie des services publics que le projet de loi no 35 rendrait applicables à la radiodiffusion et à la télédiffusion portent entre autres, sur les sujets sus-mentionnés, déjà réglementés par le fédéral: emplacement, construction, exploitation et aliénation des postes.

Mentionnons de nouveau le paragraphe a ) de l'article 3 a ) de la Loi du ministère des Communications, proposé à l'article 3 du projet 37, les articles 23 à 25 et 29 a ) à 33 de la Loi de la Régie des services publics, (l'article 25 tel que remplacé par l'article 6 du projet 35, l'article 29 a ) tel qu'ajouté par l'article 8 du même projet et les articles 30 et 33 tels que modifiés par les articles 9 et 10 de ce projet).

Certains des pouvoirs attribués par ces dispositions au Conseil des ministres du Québec et à la Régie des services publics sont substantiellement plus exorbitants et arbitraires que ceux que le Parlement fédéral a conférés à ses ministères et organismes. Ainsi, le droit que posséderait la Régie des services publics de prescrire les conditions d'un échange de programmes ou autres services entre deux radiodif-fuseurs ou télédiffuseurs, article 33 de la Loi de la régie modifié par l'article 10 du projet 35, n'existe pas au fédéral.

Autre exemple: le pouvoir de la régie de permettre à un radiodiffuseur ou à un télédiffuseur, l'Office de radio-télédiffusion du Québec ou Radio-Québec, de réquisitionner les installations d'une autre (article 30 de la Loi de la régie, modifié par l'article 9 du projet de loi no 35).

Le pouvoir de réquisition, dont l'exercice serait permis avec la seule autorisation de la régie, alors que celle de l'Assemblée nationale serait nécessaire pour l'expropriation, constituerait une épée de Damoclès dont la menace entraverait la planification et les projets à long terme. Pour tout dire, il nous semble assez difficile de concilier un pouvoir aussi exorbitant avec les principes et coutumes d'un régime démocratique et de liberté d'entreprise et d'information.

Par comparaison, la Loi fédérale sur la radiodiffusion ne confère un pouvoir de ce

genre au comité de direction du Conseil de la radio-télévision canadienne, sur instructions du gouverneur en conseil, que pour les cas d'urgence et ne lui permet de l'exercer que sur avis, qui doit être publié immédiatement dans la Gazette officielle. Plus précisément, en vertu de cet article, on peut imposer "toute émission que le comité de direction ou le gouverneur en conseil, selon le cas, estime être d'une importante urgence pour l'ensemble des Canadiens ou pour les personnes qui résident dans la région à laquelle l'avis se rapporte."

Enfin, le fédéral ne s'est pas arrogé non plus le droit de regard sur les taux, prix et loyers et sur la qualité du service des radiodiffuseurs et télédiffuseurs privés que la régie posséderait en vertu de l'article 30 de sa loi, si le projet de loi no 35 était adopté.

Pour ce qui est du contrôle de la qualité du service, que l'article 30 de la Loi de la régie attribue à cette dernière, qui ne verra le danger qu'on ne s'avise de l'étendre au contenu des émissions de radio et de télévision, au lieu de le faire porter seulement sur la technique de la transmission du son et de l'image? On nous permettra de nous référer une fois de plus à une déclaration du ministre des Communications, M. L'Allier, comme le rapporte le Devoir du 20 août 1970: "Ayant juridiction sur les câbles, l'Etat interviendra dans la réglementation, par exemple, en déterminant avec les prorpiétaires de câbles qu'un certain nombre de canaux seront réservés à des fins éducatives. C'est donc l'entreprise privée qui assure la mise en place des réseaux de câbles. Et c'est le Québec qui exerce son contrôle sur les canaux réservés exclusivement aux fins éducatives. L'Etat exercera en même temps un contrôle sur le contenu des autres canaux commerciaux pour s'assurer que ce qui est diffusé par les canaux réservés à l'éducation ne soit pas détruit, par exemple, par l'ensemble des autres canaux qui nous présentent parfois des films où dominent la violence et les combats de mitraillettes". Fin de la citation.

Cette déclaration n'implique-t-elle pas l'intention présumée du ministre de contrôler directement ou indirectement le contenu de la programmation privée de télévision?

Est-il superflu de souligner l'inadmissibilité d'un pouvoir d'intervention arbitraire dans le choix et le contenu de nos programmes — d'information ou autres — surtout quand les autres media de communication, qui sont nos concurrents, ne sont pas assujettis à semblable ingérence? Nos auditeurs et téléspectateurs sont pleinement en mesure de juger eux-mêmes de la qualité de nos émissions et n'ont jamais, que nous sachions, manifesté aucun désir d'une censure morale, politique ou autre.

Le très ample pouvoir de réglementation du conseil des ministres, qu'il exercerait sur la recommandation du ministre des Communications à l'égard de l'établissement, de l'exploitation, de l'administration, de l'extension, de la modification et de l'aliénation de nos entrepri- ses, n'est pas de nature à nous rassurer, il va sans dire. Voilà d'autres attributions dont un gouvernement, un jour, pourrait être trop fortement tenté d'abuser.

Enfin, toutes ces exigences, ces entraves, ces incertitudes, ces menaces auraient assurément des répercussions sur le crédit, sur le pouvoir d'emprunt et sur le financement de nos entreprises.

Par ailleurs, s'il est concevable que la régie puisse exercer un droit de regard sur les taux, prix et loyers, à l'égard d'entreprises publiques qui détiennent un monopole géographique ou de distribution d'un service, il en est tout autrement lorsqu'il s'agit des entreprises privées de diffusion. Ajoutons, en passant, messieurs, la considération suivante, qui se trouve absente de notre mémoire.

Dans le cas du téléphone ou de certains transports publics, c'est l'usager qui paie pour les services qu'il reçoit. Toutefois, ces services sont monopolistes alors que la diffusion privée n'a pas cet attribut. En fait, c'est le commanditaire qui paie pour les services distribués ensuite gratuitement au public usager. Et ce commanditaire a le choix entre plusieurs moyens publicitaires et il n'a d'obligation envers l'un ou l'autre de ces moyens. On comprend que l'usager d'un service essentiel et monopoliste doive être protégé pour les abus possibles de ceux qui distribuent ledit service. Et, à cet égard, il est convevable qu'il y ait fixation des taux par une régie.

La radio-télédiffusion est différente en ce sens que le public usager, de même que le commanditaire, ont le choix entre nos services et ceux d'autres groupes, qu'il s'agisse de diffusion ou bien de publication. Il ne faut pas oublier que les entreprises privées de diffusion se concurrencent entre elles. Non seulement pour obtenir la tranche la plus substantielle de l'auditoire mais aussi pour élargir le plus possible leur part du dollar publicitaire disponible.

Les taux s'établissent donc à partir de l'équation suivante: d'une part, le jeu de l'offre et de la demande et, d'autre part, l'habilité de la station à donner à une fraction plus ou moins large du public un service qu'il est disposé à accepter. Dans ces conditions, on ne voit pas comment une régie peut exercer un droit de regard sur la détermination des taux tout en respectant les conditions normales du marché auxquelles les diffuseurs sont naturellement astreints et, ultimement, les besoins du public.

A ces considérations peut se greffer le fait qu'on placera ainsi des diffuseurs dans une situation intenable face à la concurrence des autres media qui continueront de jouir des avantages d'un marché libre.

M. le Président, MM. les membres de la commission, je vais demander à notre conseiller juridique de traiter de l'aspect constitutionnel de notre mémoire.

M. STEIN (Charles): M. le Président, la question qu'il faut se poser ici est tout simple-

ment celle-ci: Est-ce que les entreprises dont il s'agit débordent les limites d'une province, en l'espèce, la province de Québec? En effet, la Constitution l'article 92, paragraphe 10, attribue au Parlement fédéral compétence exclusive sur toutes les entreprises, quelles qu'elles soient, qui débordent les limites d'une seule province. Plus particulièrement, il y en a certaines qui sont nommées mais enfin, ça se termine par des termes généraux et je lis ce sous-paragraphe a) du paragraphe 10 de l'article 92: "Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et entreprises reliant une province à une autre ou à d'autres provinces, ou d'étendant au-delà les limites de la province." Et la jurisprudence, bien établie, veut que la portée, l'effet de cet article, de ce paragraphe, est d'attribuer compétence législative comme si les sujets ou les matières énumérés à l'article 92, paragraphe 10, étaient compris dans l'article 91 qui, comme vous le savez, énumère les catégories de sujets réservés entièrement à la compétence législative fédérale.

Nous citons au mémoire la décision bien connue du Conseil privé qui confirmait celle de la cour Suprême du Canada, au sujet de la radiodiffusion et de la télédiffusion.

On a décidé là, en d'autres termes, que la radiodiffusion et la télédiffusion tombaient sous le coup du sous-paragraphe a) du paragraphe 10 — que je viens de vous lire — de l'article 92, à la fois comme entreprise télégraphique et comme entreprise reliant une province à une ou plusieurs autres ou s'étendant au-delà des limites d'une province.

Aux pages 16 et 17, je cite un passage de la décision du Conseil privé. "Does broadcasting fall within the excepted matters? Their Lordships are of opinion that it does, falling in a) within both the word "telegraphs" and the general words "undertakings connecting the Province with any other or others of the Provinces or extending beyond the limits of the Province". Their Lordships have therefore no doubt that the undertaking of broadcasting is an undertaking "connecting the Province with other Provinces and extending beyond the limits of the Province". Puis ils ajoutent que plus particulièrement: "As already said, they think broadcasting falls within the description of telegraphs".

On voit par la citation que nous faisons à la page 17, d'un passage du renvoi du gouvernement à la cour Suprême dans cette affaire que la télévision, en particulier, était bien comprise : "Has the Parliament of Canada jurisdiction to regulate and control radio communication, including the transmission and reception of signs, signals, pictures and sounds of all kinds means of Hertzian waves, and including the right to determine the character, use and location of apparatus employed? "

Le jugement se réfère à la décision du même tribunal dans l'affaire de la compagnie Bell

Canada et Toronto où l'on avait prétendu qu'on pouvait sectionner, séparer une entreprise en plusieurs divisions, sections puis prétendre, par exemple, que la partie située dans la province de Québec était assujettie à la compétence provinciale du Québec et ainsi de suite. On a rejeté cette prétention. On l'a répété dans cette affaire visant la radio et la télévision.

Je me permets, M. le Président, j'espère ne déroger aucunement à la décision qui vient d'être prise au sujet de la procédure, peut-être que cela vous conviendra, de répondre tout de suite à la question que le ministre a posée au sujet de l'article 1) de la loi. A mon humble avis, le fait que la loi à l'article 1) dise: "La présente loi s'applique aux matières énumérées dans l'article 2 qui relève de la juridiction de la province ou dans un autre article que l'on dise, "je pense qu'on l'a dans le bill 35 ici, ou plutôt dans 36, on dit dans les limites de la compétence de la province... ou 37, en tout cas, cela revient à un autre endroit.

M. L'ALLIER: ...M. le Président, la référence est à l'article 3 amendé par l'article 3a) du projet de loi no 37.

M. STEIN (Charles): Oui. A mon humble avis, cela ne change absolument rien à la question constitutionnelle. Nous avons raison de prétendre que le Québec ou une autre province n'a aucune juridiction sur la radio et la télévision. C'est comme si l'on incluait dans une loi du Québec. Nous légiférons ici sur les banques, sur le service postal, sur la défense nationale et je pourrais ajouter bien d'autres exemples, mais seulement dans les limites de la compétence du Québec. Qu'est-ce que cela change? Si le Québec n'a aucune juridiction! Des clauses comme cela n'ajoutent absolument rien. Il est entendu que, lorsque la province légifère, elle ne peut que légiférer dans son domaine, dans les limites de ses attributions. Qu'elle le dise ou non, c'est comme cela que les tribunaux l'ont toujours interprété et doivent l'interpréter. Je ne vois pas que l'on puisse invoquer...

M. LAURIN: Monsieur, vous ne pensez pas que c'est précisément comme cela que l'autre ordre de gouvernement procède. Il légifère d'ailleurs, d'abord, dans le sens qu'il croit opportun et, si le Québec n'est pas content, il fait appel à la cour Suprême.

M. STEIN (Charles): Evidemment, c'est tout à fait ce que je dis. Si on légifère ici...

M. LAURIN: Est-ce que l'on va attendre que les deux gouvernements s'entendent dans un champ où les zones grises sont plus importantes que les zones claires?

M. STEIN (Charles): Si on me permet ici, la question touche, je crois, un autre point ou

porte sur un autre point. Il y a deux questions. Premièrement, celle que le ministre a soulevée, qui se rapporte à des clauses de la loi disant: Nous légiférons ici seulement dans les limites de la compétence du Québec.

Votre question, je pense, se rapporte plutôt à ceci. Même s'il n'y avait pas cette clause-là, vous dites: Est-ce qu'on va attendre, soit l'autre Législature ou l'autre gouvernement ou que les tribunaux se prononcent? Evidemment, c'est arrivé souvent et ça arrivera encore qu'une Législature adoptera des lois qui dépassent sa compétence et les tribunaux se prononceront ensuite. C'est évident, mais ici, il nous paraît, à tout le moins, qu'il y ait un doute sérieux sur la question constitutionnelle, sur la compétence du Québec à légiférer dans le sens proposé et qu'il serait sage de demander l'opinion des tribunaux avant, plutôt que de nous créer toutes sortes d'embêtements.

Mais pour revenir à la question du ministre, je dis que ça ne change rien que la loi dise: Nous prétendons, nous avons l'intention de nous en tenir à notre compétence. Qu'elle dise ça dans la loi ne change rien. Elle a la compétence ou elle ne l'a pas. Elle ne peut pas se l'attribuer si elle ne l'a pas.

M. LEGER: Quelle est, selon vous, la compétence que le Québec aurait dans...

M. L'ALLIER: Sur un point d'ordre, M. le Président, je m'excuse, je crois que nous devrions nous en tenir à la procédure établie au début, savoir, poursuivre la lecture du mémoire et, par la suite, aborder chacune de ces questions. Autrement, nous risquons de nous lancer tout de suite dans des discussions fort intéressantes, sans nous permettre de voir l'ensemble de la question.

M. STEIN (Charles): Alors, tout ce que j'ai à ajouter, M. le Président, à la question constitutionnelle, c'est, comme je viens de le dire, que nous suggérons qu'il n'est pas sage ou opportun de légiférer sur des sujets sur lesquels la compétence de la Législature est en doute.

Il faut bien, évidemment, et je termine ici — c'est dans notre mémoire d'ailleurs — distinguer la question juridique constitutionnelle de la question de la politique législative ou des relations entre le fédéral et le provincial. Il ne s'agit pas de savoir si la Constitution devrait être autre que ce qu'elle est, si elle devrait être modifiée ou si elle peut l'être à brève échéance, ce qui semble pour le moins douteux. Il s'agit tout simplement de savoir, de façon réaliste, quelles sont les attributions, quelle est la compétence actuelle du Québec et du fédéral. Quelle est celle du fédéral là-dedans, qu'on aime la Constitution ou qu'on ne l'aime pas, qu'on espère la modifier ou pas?

Ayant dit ça, avec votre permission, je cède la parole au président.

M. L'ALLIER: M. le Président, je comprends parfaitement les préoccupations de M. Stein comme juriste, même excellent juriste, et je n'ai pas l'intention, à ce moment-ci du débat, de constituer cette commission en tribunal constitutionnel.

Les actions que nous prenons par ces lois apparaissent, quant à nous, réalisables dans le cadre de la juridiction du Québec. Et s'il est redondant de l'indiquer dans chacune des lois, c'est une vieille règle de droit parlementaire et de droit au Québec que l'on retrouve dans des lois très anciennes et depuis, en fait, le début de la législation québécoise. C'est donc une chose qui pourrait être changée, bien sûr.

Mais on retrouve aussi des redondances comme celle-là dans plusieurs textes de loi et même dans plusieurs mémoires. J'en souligne une, par exemple, dans votre mémoire qui a un peu le même effet lorsqu'on parle d'autorisation préalable pour les expropriations. Une autorisation pour faire quelque chose, c'est habituellement préalable. Autrement, ce n'est plus une autorisation, mais c'est une confirmation de fait.

Je voudrais cependant, ici, faire part d'un certain nombre de remarques. Une remarque qu'il m'apparaît utile de faire, est mentionnée dans les notes préliminaires que vous présentez, à savoir qu'il s'agit là d'une consultation à la vapeur et qui n'en est pas une à proprement parler.

On peut le prendre ainsi, mais on peut aussi se souvenir que ces projets de loi ont été déposés devant l'Assemblée nationale en mai 1971 et que, dès ce moment-là, le gouvernement, en accord avec les partis de l'Opposition avait manifesté son intention de convoquer une commission parlementaire pour les étudier.

Je présume que ces projets de loi, qui ne sont pas tellement volumineux, ont pu être étudiés par vous, depuis ce temps-là.

Il s'est, en fait, passé presque six mois, sinon plus, depuis le dépôt de ces projets de loi devant l'Assemblée nationale. Sachant qu'il y aurait commission parlementaire, vous auriez peut-être pu préparer, depuis ce moment-là, une intervention qui vous aurait satisfait davantage. Quoiqu'il en soit, la commission se réunira de nouveau, et il vous sera toujours loisible, soit devant cette commission, soit devant la Régie des services publics, de faire valoir les points d'intérêt général, dans l'intérêt de la collectivité québécoise, que vous pourriez souhaiter apporter.

Quelle est, en fait, l'étendue — parce que c'est votre principale préoccupation — possible, immédiatement réalisable par le gouvernement québécois, de cette législation? Je vais essayer, en cinq minutes, de résumer de nouveau cette position, pour éviter toute ambiguité par la suite dans l'étude que nous pourrons faire de ces projets de loi.

Lorsque ces projets de loi précisent, même si

ce n'est pas nécessaire de le faire, qu'il s'agit de réglementation et de législation dans le cadre de la juridiction du Québec, il est important de souligner quelle est, quant à nous, aujourd'hui, cette juridiction du Québec. Je ne pourrai pas vous donner la fin de cette position, parce que, comme vous l'avez souligné, Me Stein, il existe des zones grises. Il est cependant un secteur, compte tenu de la jurisprudence que vous avez citée, compte tenu de la Constitution qui n'a pas été écrite dans l'esprit des communications — bien sûr, tout le monde le reconnaîtra — il est cependant un secteur qui nous apparaît être exclusivement de juridiction québécoise, c'est celui de la câblodistribution. Ce secteur nous apparaît nettement de juridiction québécoise et je crois que, les membres de cette commission seront d'accord sur ce principe, non seulement eux, mais toutes les personnes que nous avons pu consulter.

La législation ou la jurisprudence actuelle, que ce soit celle de la cour Suprême, du Conseil privé ou du gouvernement fédéral — je fais référence ici davantage à la législation et surtout à la décision du Conseil privé — donne, par une extension que je ne voudrais pas interpréter ni qualifier ici, au gouvernement central, juridiction en matière de radiodiffusion en faisant, comme vous l'avez dit, une analogie entre la radiodiffusion et le télégraphe et en disant, par ailleurs, qu'il y a d'autres moyens, lorsqu'ils sont interprovinciaux ou qu'ils dépassent les frontières d'une province, qui sont de juridiction fédérale. Nous ne croyons pas qu'il soit réaliste, dans l'état actuel des compétences fédérales et provinciales, pour le gouvernement du Québec ou pour la Régie des services publics, d'occuper le champ législatif ou réglementaire qui touche la radiodiffusion ou la télédiffusion, en dehors de ce qui est déjà reconnu comme étant dans ce secteur de juridiction provinciale, notamment les implantations physiques. Il s'agissait là, en fait, d'une responsabilité des municipalités et, même Radio-Canada à Montréal devait avoir l'autorisation de la ville de Montréal pour implanter sur le mont Royal une tour de diffusion. Ce que nous faisons maintenant, c'est cette coordination des autorisations municipales pour fins d'implantation d'équipement. Nous le faisons par le projet de loi no 35 et nous le faisons également en indiquant, c'est à l'article 29 a), que "dans tous les cas où la décision de la régie est susceptible de déroger à un règlement de zonage, la régie doit, avant de prendre sa décision, convoquer la municipalité ou toute autre personne intéressée à lui faire des représentations." Vous soulignez qu'il y aurait là conflit entre deux niveaux de gouvernement au niveau de la réglementation des implantations.

Il est exact que pour procéder à l'attribution des ondes, et à l'émission de licences, le gouvernement fédéral a par la CRTC et aussi par deux ministères réglementaires: celui des Communications et celui des Transports, donc règlement du CRTC conformément à la Loi de la radiodiffusion fédérale, et le ministère des Communications et dans certains cas aussi le ministère des Transports, trois jeux de réglementation, trois sources de réglementation. Ceux-ci peuvent et doivent déterminer un lieu physique d'implantation pour que le permis s'exerce conformément aux exigences posées. Cette exigence ne me paraît pas incompatible avec celle de l'organisation des équipements physiques sur un territoire pour d'autres motifs que ceux de la distribution des ondes. Quoiqu'il en soit, ce sont des questions techniques qui pourraient être débattues fort longuement. Je veux dire ici que, dans un premier temps et aussi longtemps que les juridictions n'auront pas été modifiées et précisées entre les deux niveaux de gouvernement, il ne serait pas réaliste, dans l'optique d'une politique de communications, qui est une politique de services, de réglementer pour le Québec, conformément aux articles 3 et suivants, autre chose que la câblodistribution.

Pourquoi alors avons-nous inscrit une définition aussi large des communications? Parce que toute autre définition s'éloigne de la définition internationale des communications. Nous cherchons une normalisation de ce côté. Egalement l'utilisation, sous toutes ses formes, de la réglementation de la câblodistribution doit prévoir une définition de cette ampleur. Et surtout restreindre, dans un projet de loi, cette définition serait, à mon avis, tenir pour acquis que la situation actuelle, en matière de partage de juridiction entre les deux niveaux de gouvernement, est une situation satisfaisante. C'est une situation que nous voulons entériner pour le futur. C'est une situation, en fait, que nous voulons consacrer tout simplement quant à nous. Nous ne voulons pas, par cette définition large, créer un moyen de pression sur les autorités fédérales. Nous voulons cependant, avec une telle définition dans la loi québécoise, pouvoir exercer, non pas un contrôle, non pas une police, mais bien un pouvoir de planification, un pouvoir de cohérence, essentiellement sur la câblodistribution. Nous voulons également pouvoir avoir la marge de manoeuvre suffisante, à l'intérieur des négociations avec le gouvernement fédéral, pour que quel que soit l'équilibre qui devra s'établir entre les deux niveaux de gouvernement, que cet équilibre ne soit pas mis en danger par l'existence de lois provinciales inadéquates.

Il est bien sûr que le pouvoir réglementaire prévu au projet de loi no 37, prévoit qu'il y aura des contrôles, qu'il y aura normalisation, qu'il y aura réglementation. Il est évident aussi que la cohérence recherchée doit s'exercer et doit comporter des contrôles. C'est en fait la position générale que je voulais établir à ce stade-ci. Il sera possible de la préciser en cours de discussion. Elle devra de toute façon se préciser au fur et à mesure des travaux de cette commission.

Je voudrais maintenant reprendre, M. le

Président, quelques-uns des points qui me paraissent devoir être précisés dans le mémoire qui nous est présenté ce matin.

M. STEIN (Charles): M. le Président, est-ce que je pourrais faire remarquer que la lecture du mémoire n'était pas terminée.

M. LE PRESIDENT: J'avais permis au ministre d'apporter certaines explications. J'allais justement lui signaler que M. Stein devait terminer la présentation.

M. L'ALLIER: D'accord, cela ajoutera une question...

M. BERTRAND: Elle est importante. M. L'ALLIER: D'accord.

M. LE PRESIDENT: M. Stein, si vous voulez continuer...

M. STEIN (Pierre): M. le Président, bien entendu, l'ACRTF veut écarter l'hypothèse de l'intention du gouvernement d'utiliser une législation fédérale, une législation inconstitutionnelle comme moyen de faciliter l'assentiment du fédéral et des autres provinces à un amendement constitutionnel. Outre que l'efficacité du moyen serait fort douteuse, nous nous refusons à croire que le gouvernement et la Législature du Québec se prêteraient à un jeu de ce genre sur le dos de leurs administrés, contribuables et mandants. Par contre, si on admet la fragilité de la législation proposée en regard de la Constitution, pourquoi persisterait-on à assujettir toute une industrie d'une importance primordiale telle que la radiodiffusion et la télédiffusion québécoises à un réseau de dispositions législatives et réglementaires et de formalités administratives qui serait constamment exposé à des contestations judiciaires pour le motif constitutionnel? Que gagnerait-on à faire supporter ainsi à des entreprises de radio et de télévision, pour la plupart bien de chez nous, une grande partie des frais et des ennuis d'un différend dont elles ne sont aucunement responsables?

Le gouvernement peut fort bien retarder l'entrée en vigueur de la législation proposée jusqu'à ce qu'il ait obtenu une consultation judiciaire au moyen d'un renvoi à la cour d'Appel dont il y aurait appel à la cour Suprême.

Considérons ce qui menace l'autonomie de l'industrie et la liberté de la presse parlée. Les membres de la commission auront remarqué que certaines des dispositions projetées porteraient une atteinte grave à la liberté de cette presse parlée que représentent la radiodiffusion et la télédiffusion de l'information ainsi qu'à l'indépendance économique des entreprises en cause.

Rappelons à titre d'exemple le pouvoir général d'ingérence dans la programmation au moyen du contrôle de la régie sur la qualité du service et de son droit de prescrire les conditions des échanges de services et le pouvoir d'expropriation de l'Office de radio-télédiffusion du Québec, y compris celui de réquisitionner l'usage des installations d'une entreprise existante, que l'office pourrait exercer sans l'autorisation de l'Assemblée nationale, avec la seule permission de la régie, en vertu du dernier alinéa de l'article 30 de la loi de cette dernière tel que modifié par l'article 9 du projet no 35. Voici nos conclusions et recommandations: 1.— L'ACRTF insiste, avec toutes les énergies dont elle est capable, auprès de votre commission pour qu'elle se prononce contre l'adoption des dispositions projetées qui présupposent ou revendiquent la compétence du Québec sur la radiodiffusion et la télédiffusion, du moins contre l'entrée en vigueur de ces dispositions avant que le gouvernement n'ait obtenu une décision judiciaire favorable quant à leur constitutionnalité. 2.— Au cas contraire, l'ACRTF n'aura d'autre ressource que d'engager ou faire engager, comme elle le pourra, un litige sur la question constitutionnelle. 3.— De toute façon, les diffuseurs jugent que les principes en cause sont d'une extrême importance et qu'il est de leur devoir d'alerter l'opinion publique par tous les moyens dont ils disposent sur la légitimité, l'opportunité et la sagesse du régime de contrôle, de censure et de mainmise étatique que ces trois projets prévoient ou rendent possible à l'égard de la radio et de la télévision du Québec.

Nous recommandons que le gouvernement cherche à atteindre ses objectifs d'éducation et d'information par le truchement des moyens de diffusion et en particulier la radio et la télévision, en utilisant des méthodes qui s'avèrent efficaces, économiques et ne puisse en aucune façon interférer avec les conditions actuellement existantes qui permettent le maintien des droits démocratiques de tous les Québécois.

A cet égard, les diffuseurs seraient disposés à suggérer au gouvernement certains moyens pour ce faire, si celui-ci en manifeste le désir.

M. le Président, si vous permettez, je désire maintenant vous livrer l'annexe A technique de notre mémoire. Toute personne qui envisage l'installation d'une station émettrice de radio AM ou FM et de télévision doit satisfaire à de nombreux critères techniques qui lui sont imposés par des ententes internationales sur l'utilisation des ondes, par des règlements de plusieurs ministères fédéraux et par les normes de zonage local.

Avec l'utilisation très intensive qui est faite des ondes, le choix de la fréquence et de l'emplacement de l'émetteur fait souvent l'objet de travaux de recherches qui peuvent durer des mois. Toute nouvelle installation doit émettre un signal qui, en plus de donner un service adéquat dans la région désirée, ne doit pas causer d'interférences à aucune autre station déjà en opération.

L'étude technique qui accompagne une de-

mande doit satisfaire aux exigences: a) Du ministère fédéral des Communications en ce qui a trait à la fréquence d'opération, la qualité et la force du signal, au choix d'équipement et à l'absence d'interférence aux stations déjà en opération. b) Du ministère fédéral des Transports pour l'emplacement et la hauteur de l'antenne qui ne doit causer aucune obstruction à la navigation aérienne. c) Des règlements de zonage locaux pour le choix de l'emplacement et des structures à ériger.

Dans le choix de l'emplacement de l'antenne, par exemple, on doit tenir compte de l'espace disponible, de la conductivité du sol, de la distance de la région à desservir, des obstructions qui pourraient affecter la transmission des ondes, ainsi que de la disponibilité des circuits téléphoniques et de l'énergie électrique.

Tout refus ou changement dans l'un des paramètres choisis par l'un ou l'autre des organismes de contrôle peut rendre la demande inacceptable et obliger une nouvelle étude ou même l'abandon complet du projet. Le futur radiodiffuseur a de nombreux critères techniques légaux et administratifs auxquels il doit se conformer avant de pouvoir obtenir son permis et commencer la construction de sa station émettrice.

La complexité des règlements rend nécessaire l'engagement d'un ingénieur-conseil d'expérience. Messieurs, les radiodiffuseurs anglophones du Québec et l'Association canadienne des radiodiffuseurs sont d'accord sur les grandes lignes de ce mémoire. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Communications.

M. L'ALLIER: M. le Président, je m'excuse pour tout à l'heure, j'avais l'impression que la lecture du mémoire était terminée, c'est pourquoi je suis intervenu. Je ne répéterai donc pas ici les remarques générales que j'ai faites. Je voudrais tout simplement m'en tenir, pour le bénéfice des membres de cette commission, à tenter de préciser quelques points qui m'appa-raissent, soit mal expliqués ou soit plutôt ambigus.

Lorsque, par exemple, on parle — et j'en ai dit un mot tout à l'heure — de la double juridiction qui pourrait exister entre un niveau d e gouvernement et un autre niveau de gouvernement quant à la détermination des emplacements, cette double juridiction existe de fait. Elle existe entre le niveau du gouvernement fédéral, d'une part et les gouvernements municipaux, d'autre part.

Il faut bien, je crois, qu'on analyse ces textes de loi dans cette optique. Par ailleurs, à la page 5 ou 6 du mémoire, on souligne, et d'une façon cyclique à la suite, le pouvoir exagéré de réquisitionner qui existe et qui est donné par la loi. Et pour indiquer que ce pouvoir est exagéré, on fait un rapprochement avec la loi fédérale qui dit que ce n'est que dans des cas d'urgence que ça peut se faire.

Je veux tout simplement porter à l'attention des membres de cette commission que le pouvoir qu'on dit ici exorbitant est, en fait, exercé par la régie, que la régie est obligée d'entendre les parties et que chaque personne intéressée au moment d'une demande ou d'une attribution d'un tel pouvoir peut plaider, de toutes les façons contre l'attribution d'un tel pouvoir.

C'est donc la régie, comme tribunal administratif, qui a le pouvoir d'accorder à tel ou tel organisme l'utilisation... C'est en fait à l'article 9 de la Loi de la régie qu'on retrouve ceci: "Lorsqu'il existe déjà à un endroit des installations susceptibles de servir aux fins d'une entreprise dont l'objet principal ou accessoire est celui qui est défini au sous-paragraphe a) du paragraphe 3 de l'article 2, la régie peut ordonner, aux conditions qu'elle détermine..." Par ailleurs, lorsque la régie statue sur un point, elle doit entendre toutes les parties intéressées, alors qu'au niveau du gouvernement fédéral même si c'est seulement dans des cas exceptionnels, c'est le seul gouvernement fédéral, à sa discrétion, qui détermine quand il y a nécessité de réquisition. Au Québec, en fait — et je le répète — c'est la régie qui exerce ce pouvoir de façon autonome à l'égard du gouvernement provincial et elle le fait de la façon normale, en entendant les parties. S'il y a un abus de droit commis par la régie, tout justiciable peut se présenter immédiatement en cour Supérieure avec une demande d'injonction contre cette action. C'est, à mon avis le cours normal des choses, pour atténuer quelque peu ce pouvoir que l'on dit exorbitant ou l'interprétation qu'on en fait.

Quant à l'expropriation qui me paraît plus grave ici, on dit à la page 6: "Le deuxième alinéa du texte proposé de l'article 25 subordonne à l'autorisation de l'Assemblée nationale l'exercice du pouvoir d'expropriation de l'office." Cette disposition est contenue à l'article 25 actuel, sauf que ce dernier exige l'autorisation préalable de l'Assemblée nationale, ce que ne fait pas le texte proposé.

Je voudrais poser sur ce point, avant de donner mon opinion, une question. Est-ce que l'on veut dire que la législation présente permet l'expropriation, donc la réalisation d'un acte d'expropriation complet, sans l'autorisation de l'Assemblée nationale? Est-ce que c'est ce qu'on veut dire dans les paragraphes 2 et 3 de la page 6 du mémoire, lorsqu'on dit "ce que ne fait pas le texte proposé"? Cette disposition est contenue à l'article 25, à savoir références à l'Assemblée nationale, "ce que ne fait pas le texte proposé."

UNE VOIX: Ils le font.

M. L'ALLIER: Ils le font, mais ce que je

demande aux opinants, c'est: Est-ce qu'eux ont compris que, par nos modifications, nous enlevions à l'Assemblée nationale le droit de sanctionner ou d'autoriser toute expropriation? Parce que si tel est le cas, il faudrait relire attentivement ledit article et le nouvel article 25, en fait, qui se retrouve à l'article 9 du projet de loi 36 qui se lit comme suit: "L'Office exerce les pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 21 à 24 conformément aux règlements adoptés en vertu de l'article 3 a) de la Loi du ministère des Communications.

Le pouvoir d'expropriation conféré à l'office par l'article 23 ne peut être exercé qu'avec l'autorisation de l'Assemblée nationale.

C'est une précision qu'il faut, je crois, apporter ici; c'est une clarification tout au moins. Il est inexact de prétendre que, de par les nouvelles dispositions législatives proposées, l'Assemblée nationale perd son droit d'autorisation des expropriations dans ces matières.

M. STEIN (Pierre): Notre conseiller juridique va répondre à cette question.

M. STEIN (Charles): Je crois que vous avez raison. C'est une erreur à la page 6.

M. L'ALLIER: Je comprends, comme vous le dites, que le mémoire a dû être préparé rapidement et j'accepte aussi qu'il y ait des erreurs de cette nature. Parce qu'en fait, nous ne sommes pas actuellement dans une polémique. Il suffit de bien savoir, de bien comprendre quelles sont vos positions. Enfin, il y a un dernier point où il m'apparaît que des précisions doivent être apportées et qui comporte davantage d'interprétation ici. C'est quand, à la page 12, vous dites: "Le fédéral ne s'est pas arrogé non plus le droit de regard sur les taux, prix et loyers et la qualité du service des radio diffuseurs et des télédiffuseurs privés que la régie posséderait en vertu de l'article 30 de sa loi, si le projet de loi 35 était adopté."

En fait, si le gouvernement fédéral réglemente actuellement la câblodistribution, c'est en partant de la prémisse que la câblodistribution est, à toutes fins utiles, assimilée à la radiodiffusion et à la télédiffusion. C'est l'argument invoqué par le gouvernement central pour dire qu'il a le devoir de réglementer la câblodistribution, en disant que c'est un instrument assimilable à la radiodiffusion et à la télédiffusion.

Or, tout le monde sait qu'il y a — hier et aujourd'hui — à Ottawa des audiences qui ont précisément pour but la tarification des prix en matière de câblodistribution. Il faut aussi préciser, en ce qui concerne le loyer, que les tarifications — et on pourra me corriger là-dessus — par exemple, qui sont autorisées par le gouvernement fédéral et qui peuvent être pratiquées par les sociétés de téléphone dans la location d'équipement de câbles, font l'objet de l'autorisation fédérale. Lorsqu'une société de câblodistribution loue d'une société de téléphone des équipements aux fins de télédistribution, de câbles en particulier, les tarifs que peut exiger une société de téléphone sont eux-mêmes contrôlés ou autorisés tout au moins.

M. STEIN (Charles): Il s'agit justement d'un service qui a un monopole. C'est la distinction que nous faisons dans le mémoire. La compagnie de téléphone a un monopole.

M. L'ALLIER: La compagnie de téléphone a un monopole mais rien n'empêcherait une autre société de passer des câbles dans les mêmes rues. La compagnie de téléphone a un monopole de fait comme plusieurs sociétés ont des monopoles de fait.

M. STEIN (Charles): Il s'agit des prix de la compagnie de téléphone.

M. L'ALLIER: Quant à la qualité, M. le Président, tout ce que je peux faire c'est de référer à l'article 2 de la Loi fédérale sur la radiodiffusion, qui dit, au paragraphe b), que "le système de la radiodiffusion canadienne devrait être possédé et contrôlé effectivement par des Canadiens, de façon à sauvegarder, enrichir et raffermir la structure culturelle, politique, économique et sociale". On donne une finalité mais pas tellement à cet article d), dans les dernières lignes, "que la programmation offerte par le système de la radiodiffusion canadienne devrait être variée et compréhensive et qu'elle devrait fournir la possibilité raisonnable et équilibrée d'exprimer des vues différentes sur des sujets qui préoccupent le public et que la programmation de chaque radiodiffuseur devrait être de haute qualité et utiliser principalement des ressources canadiennes, créatrices et autres".

Si on met dans une loi une disposition qui dit que la programmation devrait être de haute qualité, on se donne à mon avis en même temps le pouvoir de contrôler ou de vérifier cette qualité, à savoir si elle est haute, moyenne ou basse.

M. LEGER: Pour clarifier votre pensée, M. le ministre, quand vous avez dit il y a quelques instants que le fédéral, dans son argumentation pour le contrôle du câble, disait qu'il assimilait la câblodistribution à la radiodiffusion et à la télédiffusion, est-ce que c'est ça que vous avez expliqué tantôt, dans l'argumentation du fédéral pour le contrôle du câble?

M. L'ALLIER: C'est effectivement — je veux dire que je ne suis pas d'accord évidemment sur cette interprétation du gouvernement fédéral — l'argument principal invoqué par les autorités fédérales pour justifier son intrusion dans la réglementation de la câblodiffusion. On dit: Il s'agit d'un accessoire, il s'agit d'un module, il s'agit d'un sous-produit, en fait, ou d'un véhi-

cule secondaire. Donc, c'est assimilable à la radio et à la télévision. Donc on réglemente comme la radio et la télévision.

M. LEGER: C'est facilement démolissable.

M. L'ALLIER: Voilà, c'étaient les précisions que je voulais apporter au mémoire à ce stade-ci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je voudrais d'abord dire aux représentants de l'ACRTF que, bien que préparé avec hâte, leur mémoire est quand même assez substantiel, je dirais même assez complet. Il appelle cependant certaines observations d'ordre général, trois observations. On pose d'abord, et je crois que c'est en fait le problème capital, celui qui a fait l'objet de nos discussions, le problème constitutionnel.

C'est un problème, on le sait, qui n'est pas facile à résoudre. Et nous avons fait reproche au ministre d'avoir, dans ce domaine, fait des déclarations sans s'assurer des réponses positives qu'il pourrait obtenir avant que de présenter les projets de loi qu'il nous a présentés. C'est là, un des griefs que vous avez formulés et nous sommes de votre avis à ce sujet. Le ministre aurait peut-être dû s'enquérir des possibilités d'obtenir lesdits droits avant que de relancer un débat constitutionnel qui, jusqu'à présent, a été à peu près sans issue.

Il reste que, dans les divers projets de loi, particulièrement dans le projet 37, il y a une prescription de la loi qui indique l'intention formelle du gouvernement d'entrer dans le domaine de la radio et de la télévision. Je sais que cela est de nature à vous inquiéter et, nonobstant la distinction que l'on peut faire entre câblodistribution, radiodiffusion, télédiffusion, etc., il appert, des gestes du gouvernement central, qu'il n'a pas du tout l'intention de laisser le gouvernement du Québec, ou quelque gouvernement des autres Etats membres de la fédération, entrer dans un domaine qu'il considère comme le sien eu égard aux divers jugements que l'on invoque à tour de rôle et que vous avez invoqués vous-mêmes à l'appui de votre thèse. Encore que, personnellement, je ne partage pas votre avis là-dessus mais disons que l'on peut appeler de tout jugement et que l'interprétation que l'on a donnée autrefois au mot "communication" peut être revue et doit être revue dans l'optique de cette sémantique nouvelle, ce contenu sémantique nouveau que recouvre le terme "communication".

Vous avez quand même posé le problème de base, le problème constitutionnel et je ne puis pas vous faire grief de l'avoir évoqué. Cependant, je voudrais, messieurs de l'ACRTF, vous dire ceci: Même s'il n'est pas dans l'intention des législateurs, du gouvernement ou des mem- bres de cette commission de vous faire entrer de force dans une querelle, de vous faire participer à une querelle, à des différends et d'engager une dispute dont vous feriez les frais, je me permettrai de vous rappeler que vous avez, à titre de citoyens du Québec, des devoirs et particulièrement celui d'aider votre gouvernement dans une entreprise de revendication de droits que nous considérons comme nôtres eu égard à l'expansion que le sens des communications a pris dans les domaines particuliers de l'éducation et de la culture.

Nous ne voulons pas que vous fassiez les frais de ces disputes, vous pourriez nous dire que c'est à nous de régler cela. Bien entendu, ce sont les législateurs qui ont la première responsabilité, mais vous êtes quand même associés aux législateurs et, par les mandats que vous nous donnez, vous vous rendez, en quelque façon, responsables vous aussi des négociations que nous avons menées et votre devoir en l'instance est de nous aider à réclamer ce que nous croyons être notre bien.

Je comprends que cela puisse vous déranger. C'est exact que cela pourrait compromettre, à certains égards, la rentabilité de votre exploitation mais je me permets de vous rappeler, encore une fois, que vous avez des devoirs à cet égard et que, sans avoir nécessairement partie liée à toutes les disputes constitutionnelles des gouvernements à quelque palier que ce soit, vous ne pouvez rester indifférents à ces initiatives que nous prenons.

Ce problème constitutionnel que vous avez évoqué et qui me paraît être le problème majeur, n'est pas le seul. Vous avez évoqué également le problème qu'une philosophie économique et politique, en parlant du contrôle des entreprises de radio et de télédiffusion par l'Etat, de cette sorte d'immixtion de l'Etat dans la programmation, dans l'exploitation, etc.

Il y a là, évidemment, une question de philosophie économique ou politique. Je suis, pour ma part, partisan de l'entreprise privée sous toute réserve que l'entreprise privée manifeste qu'elle correspond exactement aux exigences de la société moderne de l'Etat contemporain. Mais je serais évidemment assez mal à l'aise, si l'Etat s'avisait d'intervenir à tous les paliers de l'administration de l'entreprise privée et de s'ingérer, par voie de contrôle administratif ou par voie de contrôle réglementaire, dans la programmation que vous soumettez à vos auditeurs et téléspectateurs.

Le ministre des Communications a fait, à cet égard, parlant de la câblodiffusion, une déclaration qui évidemment, lui revient aujourd'hui, laquelle était assez violente. Il parlait de la juridiction du Québec sur les câbles: L'Etat interviendra dans la réglementation, déterminant que les propriétaires de câbles, qu'un certain nombre de canaux, etc.. C'est le Québec qui exerce son contrôle sur les canaux réservés exclusivement aux fins éducatives et le ministre poursuivait — c'est le texte que vous

avez cité —: "L'Etat exercera en même temps un contrôle sur le contenu des autres canaux commerciaux pour s'assurer que ce qui est diffusé par les canaux réservés à l'éducation ne soit pas détruit par l'ensemble des autres canaux, qui nous présentent parfois des films où dominent la violence et des combats de mitraillettes."

Evidemment, cette déclaration avait, si vous voulez, un air un peu cocardier. Elle pouvait enfin émouvoir des auditoires plus émotifs que ceux que le ministre trouve ici à la Chambre en commission parlementaire. Il faudrait que le ministre, à votre demande et pour apaiser les doutes, les soupçons et les craintes que vous pouvez avoir, s'explique sur la signification de ce terme de contrôle dont il parlait dans la déclaration que vous avez rapportée dans votre mémoire.

La troisième considération que je voudrais faire, et plus brièvement celle-là, c'est sur les effets et les dangers de la loi ou des trois lois qui sont présentées.

Vous comprendrez qu'il y aurait fort à dire, on pourrait parler longuement sur les dangers que vous avez évoqués de divers contrôles. Je crois que le texte de votre mémoire, la façon dont vous avez référé aux articles précis, nous indique suffisamment quelles sont les difficultés que vous prévoyez dans l'application de cette loi.

Vos arguments se basent sur les faits suivants — je l'ai dit un peu auparavant — que les lois fédérales vous donnent plus de liberté que vous en donneraient les nouvelles lois que présente le ministre des Communications. Vous le dites de façon assez précise dans chacun des paragraphes de votre mémoire. Je voudrais demander à M. Stein, le président — d'abord, en ce qui concerne les contrôles et l'ingérence dont on parle dans votre mémoire (page 20): Menaces à l'autonomie de l'industrie et à la liberté de la presse parlée — quels sont les articles qui lui paraissent les plus pernicieux à cet égard.

M. STEIN (Charles): C'est certainement le pouvoir de réquisition.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le pouvoir de réquisition. Par l'Etat?

M. STEIN (Charles): Pouvoir d'expropriation et de réquisition par l'Etat. Ils pourraient l'accorder, je pense bien, à n'importe qui. La régie pourrait l'accorder.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Stein, dans la loi 37, il est fait mention de cette volonté du gouvernement d'entrer dans le domaine de la radio et de la télévision. On nous dit à l'article 3c) que le lieutenant-gouverneur en conseil peut faire des règlements: pour déterminer les normes d'implantation et d'exploitation de stations de radiodiffusion et de télédiffusion par l'Office de radio-télédiffusion du Québec de même que les conditions selon lesquelles cet organisme peut acquérir, détenir ou aliéner des actions du capital-actions d'une autre corporation. Est-ce que c'est cet article précis qui vous inquiète plus que d'autres?

M. STEIN (Charles): Non, ce serait le paragraphe a)...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le paragraphe a)...

M. STEIN (Charles): ... de ce même article.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... du projet de loi no 37.

M. STEIN (Charles): Pour répondre un peu plus complètement à votre question, je dirais qu'il y a justement tous ces pouvoirs de réglementation qui vont très loin, comme nous l'avons signalé dans le mémoire, et qui menacent évidemment l'autonomie des postes privés, des stations privées.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Stein, M. le président de l'ACRTF, est-ce qu'il vous est possible de nous dire si le gouvernement, par l'un ou l'autre de ses ministères ou de ses organismes, a déjà pris des contacts avec les stations privées de radio et de télévision afin de mettre en application des programmes éducatifs et afin de lancer sur les réseaux des programmes éducatifs et culturels?

M. STEIN (Pierre): M. le Président, je crois que oui, cela a été fait dans le passé, par exemple avec TEVEC...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): TEVEC, oui.

M. STEIN (Pierre): ... dans Chicoutimi et dans Lac-Saint-Jean.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais c'était avec la radio d'Etat, à ce moment-là.

M. AUDET: Pardon, c'était avec les stations privées.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non, c'était avec les deux stations, c'est juste, vous avez raison, M. Audet, je devrais le savoir, je suis de Chicoutimi. C'est que je ne suivais pas les cours de TEVEC malheureusement. Est-ce que vous êtes toujours disposés à engager des pourparlers avec le ministère des Communications pour mettre enfin vos réseaux à la disposition du gouvernement pour des fins éducatives et culturelles?

M. STEIN (Pierre): En effet, nous le sommes.

M. L'ALLIER: M. le Président, je voudrais

poser une question supplémentaire sur ce point. Est-ce que vous pouvez me dire si parmi vos membres qui sont de la région métropolitaine de Montréal ces postes de radio et de télévision pourraient disposer du nombre d'heures qui pourraient être requises — deux ou trois heures par jour — soit à la radio, soit à la télévision, aux heures d'écoute, pour atteindre l'auditoire recherché par le ministère de l'Education après 5 heures le soir, jusqu'à 9 heures, par exemple, et pour fins de télévision éducative? Est-ce qu'il n'y a pas déjà une demande telle de la part de la clientèle régulière de ces postes que le temps disponible, aux heures où il est valable, n'existe pas ou qu'il existe à un coût tel qu'il est inabordable? C'est en fait le problème que nous avons eu lorsque nous avons négocié pour le ministère de l'Education en particulier, soit avec Radio-Canada ou avec les radiodiffuseurs privés. On peut bien nous donner quelque 15 ou 20 minutes avant 9 heures le matin, ou après 2 heures la nuit, mais aux heures où les travailleurs, par exemple, à qui s'adresse la télévision éducative ou les émissions de formation de recyclage pourraient et devraient être atteints à la télévision — et c'est normal — la télévision privée et même la télévision d'Etat sont disponibles d'abord pour fins d'information générale et de divertissement. Est-ce que c'est exact?

M. STEIN (Pierre): C'est exact dans les grandes lignes, de votre déclaration, M. le ministre. Je crois que des négociations pourraient certainement s'amorcer afin d'en venir à une entente.

M. L'ALLIER: A quel coût, croyez-vous? Est-ce que, à ce moment-là — je ne veux pas de chiffres précis bien sûr — une entente ne pourrait se faire qu'au coût régulier de l'utilisation des meilleures heures de pointe sur une station de télévision privée, n'est-ce-pas?

M. STEIN (Pierre): Sans vouloir impliquer directement un secteur précis de votre association, M. le Président, il va sans dire également, puisque vous soulevez la question des coûts, que ces coûts seraient l'objet de négociations à ce moment-là, devant des projets précis.

M. L'ALLIER: Là, vous nous donnez un élément nouveau que nous n'avons perçu dans aucune de nos négociations, à savoir qu'il ne serait pas contraire à l'économie générale de la radio ou de la télédiffusion privée, qu'on se serve des heures d'écoute, par exemple entre 5 heures de l'après-midi et 10 heures du soir, à raison d'une ou deux heures, pour fins de télévision éducative. Vous me dites que c'est un principe qui n'est pas contraire à l'économie générale de la télévision ou de la radio. C'est ce que je comprends de ce que vous me dites, quand vous dites que c'est négociable, que c'est discutable.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Stein, est-ce que par ce que vient de dire le ministre comporterait que le gouvernement devrait payer ce qu'il doit payer pour pareille utilisation des ondes, à des heures qui seraient conformes aux exigences du ministère de l'Education, par exemple la Culture?

M. STEIN (Pierre): J'avoue que je n'ai pas très bien saisi, M. le Président, je m'excuse, la fin de votre question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Evidemment, vous ne pouvez pas parler individuellement pour chacune des stations, mais est-ce que vous exigeriez, afin de mettre à la disposition du gouvernement des heures convenables pour des fins de télédiffusion ou de radiodiffusion, que le gouvernement paie ce que cela doit coûter, ce qui correspond en fait au profit ou au coût que vous chargez aux commanditaires qui vous aident à diffuser à telle ou telle heure du jour? Est-ce qu'on a déjà engagé les négociations avec le gouvernement là-dessus, sur une base comme celle-là? Prenons un exemple, in absracto. Supposons que je veuille, étant ministre de l'Education, que des émissions éducatives passent à l'heure où passerait normalement une partie de football qui coûte tant et tant d'argent. Est-ce que vous seriez disposé à négocier sur une base de coûts et de rapports financiers?

M. STEIN (Pierre): M. le Président, M. Paul-J. Audet aimerait répondre à cette question.

M. AUDET: Je crois, M. Tremblay, que je suis en bonne position pour répondre à cette question. Déjà, dans le passé, nous avons transigé avec le gouvernement du Québec, précisément dans le cas de TEVEC. Nous avons eu des négociations avec les représentants du gouvernement; à la suite de ces négociations, nous avons eu des ententes et nous avons eu des brevets qui ont duré deux ans. Maintenant, je me permets de relever une remarque de M. le ministre, qui disait tout à l'heure: Est-ce que vous consentiriez à rendre disponibles des heures d'écoute entre 7 heures et 9 heures le soir — et je répète les paroles du ministre — pour rejoindre le public que nous voulons atteindre? Il faudrait quand même, à un moment donné, prendre en considération, le fait de savoir si le public veut être atteint par cela. Cela peut devenir...

M. L'ALLIER: Je ne voudrais pas lancer un débat là-dessus, parce qu'on pourrait à ce moment-là s'engager sur toute la question à savoir qui détermine ce que le public veut, à quel moment le public est consulté sur ce qu'on lui sert. Il y a une commission parlementaire sur la liberté de presse qui aura tout le loisir d'aborder cette question. Ce que je voudrais dire ici, c'est une précision qui est de taille à

mon avis, M. Stein pourra pondérer ce que je dirai, c'est que le problème que j'ai posé tout à l'heure, je l'ai posé dans un contexte urbain, celui de Montréal. Il est évident que, dans les régions plus éloignées, où la demande est moins forte pour l'utilisation totale des heures disponibles, il est plus facile d'avoir du temps. Le problème de la télévision éducative, de Multimédia en particulier, c'est le problème de 2,000,000 de population dans une zone intensément peuplée comme Montréal. Est-ce que, dans une zone urbaine, le problème se pose de la même façon qu'il peut se poser chez M. Audet, ou si cela est une chose complètement différente?

M. AUDET: Pour répondre au député de Chicoutimi, à savoir si le gouvernement devrait payer pour ces services, je le crois.

Si on peut citer un autre exemple, prenez les transporteurs publics qui ont des chartes et qui fonctionnent avec une charte, qui ont des permis pour fonctionner, disons à Montréal et Québec. Si vous décidez demain matin que vous voulez faire transporter 200 personnes, pour des fins gouvernementales, je ne pense pas qu'il vous vienne l'idée, à aucun instant, que vous puissiez appeler le terminus d'autobus et dire: On veut avoir 14 autobus à la porte demain matin, et que ça nous coûte rien.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Audet, je n'avais pas du tout à l'idée que vous donneriez du temps gratuit. Je posais la question pour que le ministre réponde et qu'il me dise que le gouvernement est prêt à payer pour occuper les ondes à telles heures du jour. Vous comprenez que, sachant très bien ce qu'est l'organisation d'une station privée de radio ou de télévision, nous n'allons pas vous demander de donner gratuitement du temps au gouvernement, quand Radio-Canada ne le fait même pas, alors que c'est nous qui payons Radio-Canada.

M. AUDET: Alors, tout ceci est négociable.

M. LEGER: J'ai une courte question sur le même sujet. Concernant les heures d'écoute, étant donné que les entreprises de télévision et de radio, même si elles sont privées sont quand même un service public essentiel pour l'éducation des membres de la collectivité québécoise, est-ce que vos entreprises n'auraient pas aussi quand même, je pense, une responsabilité sociale? Il y a un critère premier d'efficacité et de rendement qui est nécessaire pour réaliser votre entreprise, et il y a quand même aussi un autre critère, celui d'une population qui a un service public et qu'elle ne peut pas s'en servir aux heures de pointe. Au point de vue pratique, je sais qu'il y a des difficultés, je comprends le problème de l'entreprise, mais au point de vue du principe, est-ce qu'il ne serait pas normal qu'il puisse y avoir, aux heures de pointe, quelque temps disponible à un coût qui pour- rait être le prix coûtant de votre entreprise, de façon que ce soit facilement réalisable, acceptable par le gouvernement et que l'entreprise ne perde pas d'argent? Est-ce qu'il n'y aurait pas quelque chose qui pourrait se faire de ce côté-là, du moins, au niveau du principe? Au point de vue pratique, il y aurait peut-être moyen de trouver une façon de compenser l'argent que vous perdriez pour ça, mais juste au point de vue d'une population nous avons une collectivité qui voit un service public sur lequel elle n'a aucun contrôle.

M. AUDET: Quand on parle de principe évidemment, on parle de généralités. Je crois que dans le moment — on l'a prouvé dans le passé à maintes occasions — les ondes peuvent être disponibles pour certaines choses d'intérêt national, même aux heures de pointe, mais je crois que tout ceci devient une question de négociation.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'avais pas terminé, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Même si le député de Chicoutimi n'avait pas terminé son intervention, je permettrais une question au député de Rouyn-Noranda sur le même sujet.

M .TREMBLAY (Chicoutimi): C'est pour enchaîner...Est-ce que c'est sur le même sujet?

M. SAMSON: M. le Président, je trouve quand même qu'on devrait avoir le droit de parole, c'est toujours le député de Chicoutimi qui parle depuis que nous sommes ici.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement...

M. SAMSON: Invoquez ce que vous voudrez, c'est ce que vous faites depuis le commencement. On a le droit de parler comme le député de Chicoutimi a droit de le faire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. SAMSON: Et je vais me servir de ce droit de parole, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement pour avoir le droit de parole immédiatement. M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'est pas dans mon intention d'empêcher le député de Rouyn-Noranda de s'exprimer. Il est d'usage à ces commissions de faire un tour de table pour ainsi dire où chaque parti pose une série de questions, sans abuser, nous faisons quelques considérations générales, nous posons une série de questions et à tour de rôle...

M. LEGER: Mais sans aucune priorité particulière...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ordinairement on suit l'ordre des partis.

M. LEGER: Non, pas nécessairement, M. le Président, et c'est là-dessus que...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On l'a toujours suivi.

M. LEGER: ... nous ne sommes pas d'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai invoqué le règlement et j'ai été interrompu.

M. LEGER: Ce n'est pas celui qui a demandé la parole le premier qui a le droit de parole et non pas nécessairement dans le même ordre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

M. LEGER: Je ne suis pas d'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai été interrompu. Nous avons suivi cette pratique depuis toujours aux commissions parlementaires. Si les députés qui ont été jusqu'à présent muets dans diverses commissions s'avisent de parler, je suis bien prêt à leur laisser le droit de parole immédiatement.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement. Il est assez difficile de parler lorsque le député de Chicoutimi parle tout le temps. Or, le député de Chicoutimi n'a pas à juger ses collègues lorsqu'ils sont présents aux commissions. Nous ne parlons pas pour ne rien dire lorsque nous avons des questions à poser, c'est parce que nous avons des questions intelligentes à poser.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai invoqué le règlement.

M. SAMSON: M. le Président, ce n'est pas parce que le député de Chicoutimi a invoqué le règlement que ça lui permet de parler tout le temps. Nous aussi, nous avons le droit d'invoquer le règlement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement.

M. SAMSON: Je vous réfère à l'article 7, M. le Président, qui a été adopté à l'Assemblée nationale dernièrement et voici ce qui est dit: "Les étapes de l'étude d'un projet de loi en commission sont, premièrement... L'exposé du ministre et les commentaires d'un représentant de chaque parti reconnu.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous auriez eu le temps de poser dix questions?

M. SAMSON: Deuxièmement, l'audition des personnes intéressées, troisièmement les délibérations de la commission, quatrièmement, le rapport. La durée limite, article 8, M. le Président, allouée à chaque personne, ou groupe, pour un exposé sommaire de son mémoire, est de vingt minutes. Le temps alloué aux membres de la commission pour la période des questions est de 30 minutes. Ces périodes peuvent être prolongées si la commission le juge à propos. Cela fait à peu près 30 minutes que le député de Chicoutimi a la parole, alors qu'on ne nous permet pas, à nous, de poser des questions, ni de faire ce qu'il a fait, de donner son opinion concernant le mémoire que nous avons devant nous. Je veux que vous sachiez, M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement.

M. SAMSON: ... qu'on a aussi l'intention de dire quelque chose à propos de ce mémoire. On a aussi le droit de le faire. Nous sommes élus au même titre que le député de Chicoutimi l'a été. Ce n'est pas parce qu'il est le premier à votre gauche, M. le Président, qu'on va se laisser piler les pieds par un député qui n'a pas d'autre chose à faire que de broder depuis le commencement. Il est assis sur une clôture. Il ne sait pas s'il doit être pour l'entreprise privée ou contre l'entreprise privée. Quant à nous, nous le savons et nous avons l'intention de dire ce que nous pensons à propos des bills 35, 36 et 37.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement.

M. SAMSON: M. le Président, je vous demande le privilège de pouvoir parler à ce moment-ci. Il a eu son tour et je pense qu'il l'a eu suffisamment.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le Président.

M. SAMSON: Il n'y a pas de règlement à invoquer, vous ne savez pas...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement. Toutes les observations du député de Rouyn-Noranda sont inutiles. Personne ne l'a privé de son droit de parole. Je dirais d'ailleurs...

M. SAMSON: Si vous ne me privez pas de mon droit de parole, taisez-vous donc que je parle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, voulez-vous le rappeler à l'ordre, s'il vous plaît? Il aurait d'ailleurs eu dix minutes pour poser des questions s'il ne s'était pas livré à ces exercices démagogiques dans un français que personne ne comprend. Je lui donne la parole, M. le Président, pour qu'on mesure...

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement !

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... l'importance de la valeur de ses interventions.

M. SAMSON: En vertu de l'article 285, le député n'a pas le droit de me prêter d'intention.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne vous prête rien non plus parce que...

M. SAMSON: Il n'a pas le droit non plus d'attaquer qui que ce soit.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ce ne serait pas retourné.

M. SAMSON: M. le Président, je vous demande la permission de prendre la parole à ce moment-ci. Est-ce que je l'ai ou pas?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En français, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda a maintenant la parole.

M. SAMSON: M. le Président, le jargon du député de Chicoutimi...

M. LE PRESIDENT: ... pour reprendre le débat...

M. SAMSON: Même si le député de Chicoutimi est allé se promener à Paris aux frais du gouvernement, ça ne me dérange pas du tout...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. SAMSON: Je parlerai de la façon que je veux. Ce n'est pas lui qui va me juger.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Rouyn-Noranda a la parole pour discuter du sujet qui doit nous intéresser à la commission.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En français ou en anglais, M. le Président?

M. SAMSON : De toute façon, si le député de Chicoutimi ne comprend pas ce que j'ai à dire, il pourra toujours se retirer et aller se promener au ministère des Affaires culturelles. Il semble que sa place est là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bien oui. Dites ça au premier ministre. Il vient de me donner un certificat de compétence.

M. SAMSON: De toute façon, si on calculait ce que ça coûte au gouvernement pour l'écouter parler quand il parle inutilement, ça coûterait pas mal cher par année. Je pense que ça coûte encore moins cher que de l'avoir comme ministre des Affaires culturelles, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il a perdu un quart d'heure, le pauvre homme.

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que vous permettrez au député de Chicoutimi de me laisser parler?

M. LE PRESIDENT: Je vous ai demandé tout de même, M. le député de Rouyn-Noranda, de bien vouloir...

M. SAMSON: Bon.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On ne le laisse pas parler, on le souhaite, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: ... parler sur le sujet qui doit nous intéresser.

M. SAMSON: M. le Président, nous avons, concernant les questions que le ministre a posées tantôt aux membres de l'association représentée ici, on demande à ces personnes "s'ils seraient prêts" à donner à...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si elles seraient prêtes.

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que vous voulez que je le sorte moi-même ou si vous allez le sortir vous-même?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Vous pouvez continuer.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Allez chercher votre voiture.

M. SAMSON: Non, mais est-ce que ça vous intéresse que je le sorte?

M. LE PRESIDENT: Non, j'aimerais mieux que vous continuiez votre intervention.

M. SAMSON: Alors, demandez-lui donc de me laisser parler et de se "boucher" pendant ce temps-là, sinon je vais m'en occuper moi-même. Vous vous apercevrez que j'ai été élu au même titre que lui. Dans mon comté, le représentant de son UQ — comment dites-vous ça? — a perdu son dépôt. Alors, ce n'est sûrement pas

lui qui va venir me donner, M. le Président, des leçons à la commission parlementaire. Alors, ce que je disais...

M. L'ALLIER: M. le Président, sur un point de règlement, est-ce que les parties accepteraient, après les heures de la séance, ma médiation pour permettre...

M. SAMSON: M. le Président, j'ai demandé la parole et je la prends.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Donnez-lui la parole, ça va le satisfaire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! La parole est au député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Alors, on demande à ces personnes si elles sont intéressées à fournir du temps entre cinq heures et dix heures le soir, par exemple, pour des questions de télévision éducative. Quelqu'un a soulevé tantôt qu'il serait peut-être bon de demander aux intéressés, c'est-à-dire aux téléspectateurs, si eux voudraient des émissions de genre éducatif à ces heures. Je pense qu'ils ont parfaitement raison de poser cette question.

Qui va déterminer si la population en veut à ces heures-là? On a dit tantôt qui le déterminera.

Je demande au ministre s'il est prêt à faire un sondage lui-même, à le faire faire par son ministère, à savoir si la population veut des émissions d'ordre éducatif entre 5 heures, 9 heures ou 10 heures le soir par exemple. Vous verrez sûrement — même si les intentions du ministère sont très bonnes — qu'à ces heures-là les téléspectateurs sont sûrement beaucoup plus intéressés par le genre de programmation qu'ils ont actuellement. Quant à savoir s'il serait possible pour votre ministère de vous servir de l'entreprise privée pour vos émissions d'ordre éducatif, on pourrait peut-être faire un parallèle entre l'entreprise d'Etat, qui est Radio-Canada, et l'entreprise privée qui existe et qui fonctionne actuellement au Québec.

Ce n'est un secret pour personne qu'à Radio-Canada on impose quelquefois certains genres d'émissions, même commanditées. Radio-Canada fonctionne avec déficit alors que, dans l'entreprise privée, on réussit une programmation qui intéresse la population et qu'on réussit à faire des profits avec tout ça.

Cela pose, je pense, le grand problème, qui est le suivant: en étatisant ou en tentant de plus en plus la mainmise de l'Etat sur les opérations, sur la diffusion d'abord, si l'Etat le faisait, ça coûterait plus cher pour donner un service sûrement pas supérieur — peut-être même inférieur — si on compare Radio-Canada avec l'entreprise privée actuellement. Ceci dit, quant au mémoire qui nous a été présenté, évidemment on affirme que ce mémoire pourrait relancer le débat constitutionnel. C'est sûrement possible.

C'est évidemment un sujet très délicat. Nous comprenons qu'avec les bills 35, 36 et 37 le ministère veut affirmer certains droits du Québec. Nous le comprenons. Je pense que, de ce côté-là, il a sûrement raison de vouloir affirmer ses droits.

Quand même, si on se réfère aux décisions du Conseil privé en 1932, on verra — c'est d'ailleurs aussi dans le mémoire — que la compétence dans un jugement de 1932 "Regulation and Control of Radio Communications in Canada", la compétence a été reconnue au gouvernement fédéral à ce moment-là. Cela ne veut pas dire que ces compétences doivent demeurer strictement de juridiction fédérale. Il y aurait sûrement possibilité de négocier et de voir à partager ces juridictions mais qu'elles soient partagées de façon très claire et très nette. Ce dont l'ACRTF s'inquiète, c'est du fait qu'une juridiction provinciale et une juridiction fédérale pourraient être contradictoires et amener certains problèmes d'ordre administratif et même juridique.

Evidemment, lorsqu'on dit dans le mémoire que ces projets de loi donnent au ministère des pouvoirs exagérés, ça pourrait permettre le contrôle de l'information, même la censure de l'information. Cela ne veut pas dire que le ministre a l'intention de le faire, au contraire. On ne voudrait pas prêter d'intentions au ministre. Mais nous sommes d'accord quand le mémoire dit que ça pourrait aller jusqu'à contrôler l'information et censurer l'information et voire même, troisièmement, la possession de l'industrie de l'information par les dispositions législatives qu'on retrouve aux projets de loi nos 35, 36 et 37. Cela par le fait que le gouvernement pourrait s'approprier des actions dans les différentes entreprises existantes et même se donner des pouvoirs d'expropriation.

En résumé, M. le Président, c'est l'étatisation possible de l'information, de l'industrie de l'information au Québec. Cela ne veut pas dire que le ministre actuel a ces intentions. Au contraire, je ne crois pas que le ministre actuel ait ces intentions. Mais le mémoire le souligne. Je pense que c'est avec raison qu'il démontre que ces projets de loi peuvent permettre jusqu'à l'étatisation de l'information. Evidemment, là est le grand danger.

Si on ne laisse pas l'entreprise privée se concurrencer, puisque l'entreprise privée est en concurrence, et si on en arrive un jour — je pense qu'il y a un danger à ce qu'on en arrive là avec les projets de loi présentés — à l'information unique, c'est-à-dire à une information dirigée par le ministère ou par le gouvernement en place, quel qu'il soit — aujourd'hui, c'est le Parti libéral, l'Union Nationale, précédemment —...D'ailleurs on remarque à l'OIPQ un changement de directeur depuis quelques années, ce qui nous prouve qu'à chaque fois qu'on change de gouvernement, on a changé de directeur.

M. L'ALLIER: ...tant que ça?

M. SAMSON: Assez souvent. On a changé plus souvent que ça. En 1954, M. Hubert Potvin; en 1965, M. Claude Paulette; en 1965, encore, M. Lorenzo Pare; en 1966, M. Roger Cyr; en 1969-70, M. Laurent Laplante; en 1971, M. Guy Rondeau. Or, M. le Président, c'est peut-être un indice...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...rapporte au mémoire...

M. SAMSON: ...du moins que les gouvernements, quels qu'ils soient, et l'Union nationale qui vous a précédé n'a pas été mieux que vous là-dessus, sont tentés ou peuvent être tentés de changer les directeurs, le personnel-cadre afin de contrôler et de diriger l'information d'une façon partisane.

M. LE PRESIDENT: Si le député de Rouyn-Noranda le permet, le ministre aimerait lui poser une question.

M. L'ALLIER: Est-ce que je pourrais poser une question au député de Rouyn-Noranda?

M. SAMSON: Oui, allez-y.

M. L'ALLIER: C'est tout simplement pour voir dans quelle optique se situent les interventions présentes. Si nous faisons abstraction du danger d'étatisation que peuvent comporter ces projets de loi — à mon avis, il n'y en a aucun — et si nous faisons abstraction aussi des questions d'information et de publicité qui seront traitées davantage au projet de loi no 37, est-ce que j'interprète bien le député de Rouyn-Noranda dans sa position présente et dans ses positions antérieures à savoir que lui-même et son parti sont d'accord sur le principe de développement des communications, pour que la politique des communications, comme on pourrait parler d'une politique de transport, de voirie, d'une politique sociale, soit d'abord une politique québécoise des communications?

En d'autres mots, est-ce que c'est le gouvernement du Québec, sur le territoire du Québec, d'après lui, qui devrait avoir la première responsabilité de veiller à l'organisation, non pas pour lui-même, par lui-même, et surtout à la planification et au développement de l'ensemble des secteurs de communications? Non dans l'optique de l'étatisation, mais dans la même optique où c'est le gouvernement du Québec qui est le premier responsable de son réseau routier, de son réseau d'universités?

M. SAMSON: M. le Président, évidemment, nous serions d'accord que le Québec s'affirme davantage, si vous le voulez, dans certains secteurs. Mais il faut quand même prendre en considération qu'il y a des secteurs qui ne sont pas uniquement des secteurs de juridiction provinciale. Il y a, par exemple, dans le domaine de la télédiffusion...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'a rien compris.

M. L'ALLIER: Je suis d'accord.

M. SAMSON: ... il y a des domaines qui peuvent outrepasser les frontières du Québec.

M. L'ALLIER: Je suis d'accord, M. le Président. Ce que je veux dire, c'est qu'une juridiction première du Québec, cela ne veut pas dire une juridiction totale et exclusive. Il y a certainement des secteurs qui, pour l'intérêt national, l'attribution des ondes, peuvent être nationaux. Mais est-ce que le premier contremaître, le premier architecte d'une politique des communications au Québec, doit être le Québec, le gouvernement et ses institutions et les associations, les individus? Est-ce que ce doit être d'abord chez nous? Est-ce que c'est ici que doit reposer, au Québec, l'autorité nécessaire à l'ordonnancement des communications, à leur développement, conformément à nos priorités? Ou si c'est une chose qui est, en fait, indifférente?

M. SAMSON: Non, Evidemment, M. le ministre, si cela ne concerne que le territoire du Québec, par exemple, je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas priorité! Je pense que je partage vos opinions là-dessus. Ce qui a été suggéré dans le mémoire — et je pense que ce n'est pas la première fois que cela est suggéré d'ailleurs — c'est que pour la politique des communications, il peut y avoir une politique canadienne et il peut y avoir une politique québécoise. Mais, ce qui est important, c'est que les deux politiques ne viennent pas à l'encontre l'une de l'autre, que cela ne chevauche pas. Il y a un risque présentement et d'ailleurs, dans les bills qui sont présentés, à un certain article, on affirme les droits du Québec et, au dernier article je crois, on prévoit que l'article 8 du bill 35 ou 36, ne sera pas mis en vigueur en même temps que le reste du bill.

M. L'ALLIER: Précision technique: il y a eu un amendement d'apporté.

M. LEGER: Cela a été amendé.

M. L'ALLIER: Cela a été amendé pour dire que tout le projet de loi entre en vigueur dès sa sanction.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Exactement. Faites donc déposer le projet de loi.

M. LEGER: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda me permettrait, étant donné qu'il reste cinq minutes, d'avoir la dernière portion? Il en a pris une petite partie.

M. SAMSON: Avec plaisir, ce n'est pas contre vous que j'en avais.

M. LEGER: Parfait. Je voulais simplement, étant donné qu'il reste cinq minutes avant qu'on ajourne, donner un aspect général d'une situation. Je pense qu'en nous présentant les bills 35, 36 et 37, il y avait deux paliers de problèmes. D'abord, le problème constitutionnel de juridiction fédérale-provinciale et le palier d'une mainmise de l'Etat, partiellement, sur les moyens de communications.

Alors, au niveau du premier palier, cette bataille de juridiction fédérale-provinciale... Le ministre disait tantôt que la raison pour laquelle — et je finirai par une question à M. Stein — il avait mis une définition plus large dans le bill 35, c'était pour ne pas, immédiatement, restreindre la portée de ce qu'il croyait être de juridiction provinciale et fédérale, quitte à ce que, par des négociations futures, une augmentation du champ de juridiction provinciale serait déjà prévue dans la loi actuelle.

Sur ce point-là, nous sommes complètement d'accord avec lui parce que nous allons même plus loin que le ministre peut aller, en ce sens que nous voulons rapatrier, dans un avenir le plus proche possible, tous les pouvoirs de juridiction dans ce domaine-là et dans d'autres au niveau provincial.

Sur le deuxième palier, cependant, celui d'une possibilité d'intervention directe de l'Etat dans le domaine des communications, de l'information, je dirais peut-être au ministre que le bill 35, au sujet duquel nous avons voté avec le gouvernement sur le principe — nous avons voté contre les bills 36 et 37 — et je tiens à lui dire aujourd'hui que s'il avait pu redonner, dans le bill 37, une autonomie à l'OIPQ plutôt que de le faire disparaître avec une possibilité de contrôle par le Parlement, et non pas le gouvernement, et redonner à l'ORTQ une autonomie et une possibilité d'action, nous aurions voté pour les trois bills, avec lui, parce que nous pensons même qu'il ne va pas encore assez loin de ce côté-là.

Quand le député de Rouyn-Noranda craignait l'étatisation, je ne pense pas qu'on veuille parler d'étatisation quand on pense que le gouvernement, dans sa responsabilité, doit, je pense, intervenir dans un domaine aussi vital et public que l'information, que la communication qui est un service public et il doit être un régulateur et un surveillant de ce domaine-là.

Alors, M. le Président, j'adresse ma question, avant de terminer, à M. Stein. En regardant l'annexe de votre mémoire, il semble que vous avez fait un choix, en ce sens qu'il vous faut une réglementation, et non deux, pour être capable de fonctionner d'une façon plus facile, mais il semble que cette réglementation, selon les pages 24 et 25, à moins que je me trompe, est une réglementation fédérale et que vous ne voyez aucune responsabilité provinciale dans ce domaine-là. Est-ce que je me trompe, M. Stein?

M. STEIN (Charles): Si je vous ai bien compris, ma réponse est qu'évidemment, dans le moment, nous prétendons que c'est de juridiction fédérale exclusive. C'est ce que j'ai essayé d'expliquer.

M. LEGER: Maintenant, tout à l'heure, le député de Chicoutimi a affirmé que vous êtes non seulement une entreprise qui a une responsabilité envers ses actionnaires, mais que vous êtes aussi des Québécois, que vous n'êtes certainement pas insensibles aux problèmes que le peuple québécois vit actuellement et que dans sa lutte et le cheminement pour rapatrier des pouvoirs pour une meilleure administration, selon la vocation du Québec, il est normal que vous allez certainement être dérangés dans vos habitudes de fonctionnement. Est-ce que vous ne croyez pas que le Québec a une responsabilité d'aller récupérer des pouvoirs dans ce domaine-là et même de s'installer dans des endroits à zones grises comme on dit, où il n'y a rien de clair, où l'on pense même que c'est le provincial qui a la juridiction prioritaire? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il serait peut-être normal, durant cette période d'adaptation et de recherches entre le fédéral et le provincial, et possible et acceptable même que vos entreprises puissent avoir certains problèmes et que, si vous êtes d'abord Québécois, il serait peut-être préférable qu'il y ait deux juridictions un certain temps plutôt que de n'en avoir aucune pour les Québécois?

M. STEIN (Charles): M. le Président, ma réponse, encore là, est toute simple et je crois d'ailleurs l'avoir déjà faite: Il n'y aura pas de juridiction, il n'y en a pas, il ne peut pas y en avoir, c'est une juridiction exclusive. L'une des deux lois est valable, seulement une, mais pas l'autre. Si vous avez raison de prétendre que c'est de juridiction provinciale, tout ce que le fédéral a fait jusqu'à maintenant c'est nul ab initio. C'est tout aussi simple que cela, et aussi compliqué en même temps. Il faut séparer — je l'ai dit, du moins je le prétends respectueusement — la question de droit de la question politique au sens large, la question des négociations avec le fédéral, l'opportunité ou la nécessité de modifier la constitution. Tant qu'elle est là, que voulez-vous? C'est comme n'importe quelle loi. Même si je n'aime pas une loi, il faut que je m'y conforme ou vous allez me tramer devant les tribunaux, ce n'est pas en la violant que je vais la changer.

M. LEGER: Mais, est-ce que vous pensez que l'on va attendre que la Constitution soit complètement changée avant que l'on établisse des étapes, entre autres, celles que le gouvernement actuellement du Québec essaie d'établir? Est-ce que vous ne pensez pas que c'est normal que nous n'attendions pas que la Constitution soit complètement changée avant de dire: C'est très bien, nous allons être d'accord? Parce que je vois à la page 21 que vous affirmez quelque

chose qui, à première vue, me paraît une certaine menace: "De toute façon, les diffuseurs jugent que les principes en cause sont d'une extrême importance et qu'il est de leur devoir d'alerter l'opinion publique, par tous les moyens dont ils disposent sur la légitimité, l'opportunité et la sagesse du régime de contrôle, de censure et de maimmise étatique que ces trois projets de loi prévoient ou rendent possibles à l'égard de la radio et de la télévision du Québec."

Est-ce que cela n'est pas un peu une affirmation précise? Vous croyez que c'est le domaine fédéral, point, et que vous n'avez aucune action dans le sens d'une responsabilité sociale des entreprises, de voir à participer à cette solution devant les conflits de juridiction entre les deux gouvernements.

M. STEIN (Charles): Justement, je voulais répondre là-dessus au ministre, et je le fais en répondant à votre question, qui a parlé d'intention de s'en tenir au câble, à la câblodiffusion. Encore respectueusement, je prétends que ce ne sont pas les déclarations d'intention, d'où qu'elles émanent, du ministre, du gouvernement ou même de la Législature, qui changeront un iota à l'issue d'un litige constitutionnel. Les tribunaux l'ont dit et répété à satiété, ce ne sont pas les intentions, ce n'est pas ce qu'on avait l'intention de dire ou d'édicter qui compte, mais ce qui se dégage du texte. "What was intented by what was said". C'est aussi simple que cela. Alors, encore une fois c'est simple et c'est compliqué, mais ai la Constitution refuse à la province telle juridiction, quand bien même la province se l'arrogerait, vous n'êtes pas plus avancés, vous avez un texte qui ne vaut rien. Si on nous demande ou si on demande à l'ACRTF ou aux postes privés de prendre part à une campagne pour convaincre le fédéral d'accepter une modification de la Constitution et toutes les autres provinces, cela est une autre histoire.

M. L'ALLIER: M. le Président, j'aurais une question supplémentaire à poser à M. Stein en sa qualité de juriste. J'ai bien vu qu'il a fait bien attention de parler de radiodiffusion et de télédiffusion et de ne pas parler de câblodiffusion, tout en disant que la loi globalement était anticonstitutionnelle ou qu'elle dépassait ce que la Constitution prévoyait. M. Stein, dans votre esprit, comme juriste ou comme président de l'association, est-ce que radiodiffusion, télédiffusion et câblodistribution, sont une seule et même chose, sur le plan de la Constitution et du droit tel qu'il existe, notamment de la décision de 1932?

M. STEIN (Charles): Je pourrais peut-être me dérober en disant que, pour ce qui est de la câblodiffusion, elle n'est pas en cause ici pour ce qui est de l'ACRTF.

M. L'ALLIER: Mais à ce moment-là...

M. STEIN (Charles): Quant à l'ACRTF, pour répondre à votre question, il ne s'agit que de diffusion sur les ondes. Et pour ce qui est de la diffusion sur les ondes, à mon humble avis, c'est de compétence fédérale exclusive. Puisque vous parlez de câblodiffusion, j'attire votre attention sur une décision récente, de la Colombie-Britannique que vous connaissez sans doute. A la cour d'Appel, où on a essayé justement de scinder une entreprise de câblodiffusion en disant: Cela, c'est la câblodiffusion et le reste, c'est la diffusion sur ondes. On a dit: Non, cela ne marche pas...

M. L'ALLIER: Il faudrait...

M. STEIN (Charles): Cela c'est une entreprise intégrée de compétence fédérale exclusive.

M. L'ALLIER: Je n'aurais pas d'objection à ce qu'on réfère à cette décision, à la condition qu'on en étudie les documents pertinents. D'abord, c'est une décision de la cour Suprême de la Colombie-Britannique.

M. STEIN (Charles): Cour d'Appel.

M. L'ALLIER: Cour d'Appel, l'équivalent de la cour du Banc de la Reine ici. Enfin, on peut en discuter assez longtemps, ça n'a pas été tranché par la cour Suprême du Canada. Mais, sur ce point-là, d'accord. Vous dites: Nous ne représentons pas ici les télédistributeurs par câble, ils parleront pour eux-mêmes. Donc, vous ne parlez des projets de loi no 35, 36 et 37 que dans l'optique de la radio et de la télédiffusion. En d'autres mots, ces projets de loi pourraient être tout à fait valables s'il s'agissait de câblodistribution. Vous ne vous prononcez pas sur ce point.

M. STEIN (Charles): Justement. Avec le texte que vous avez là, vous englobez clairement — ça ne peut pas être plus clair — la diffusion par ondes. Et, dès que vous faites cela, vous entrez dans le domaine fédéral exclusif.

M. L'ALLIER: C'est-à-dire que nous englobons la diffusion par ondes, parce qu'il faut précisément prévoir la câblodistribution. Comment pourrions-nous faire des textes de loi qui excluent automatiquement tout ce qui est radio télédistribution pour ne nous attacher ensuite qu'à la câblodistribution, si ce n'était que reconnaître, d'une façon permanente, que nous sommes satisfaits de ce qui existe maintenant dans l'optique d'une politique de communications? Est-ce que c'est possible? On pourrait dire: A l'exclusion de la radio et de la télédiffusion, pour tout le projet de loi. Puis à ce moment-là, vous dites: Bien voici, on est régi comme ça. Mais comme gouvernement, à ce moment-là. C'est un jugement que nous portons.

Or, la télédistribution, la télévision éducative qui est un sujet en discussion avec le gouverne-

ment fédéral, ça déborde la cadre de la câblodistribution. Dans la mesure où des dispositions de cette loi sont de trop dans l'optique de la radio et de la télédiffusion en disant qu'elles sont inégales — de toute façon elles sont inutiles — elles ne peuvent nuire à la radio et à la télédiffusion. Vous pourrez prendre demain matin la première action et faire déclarer, pour ce qui est de la radiodiffusion et de la télédiffusion, ultra vires tel ou tel article. Dans la mesure cependant où les mêmes articles s'adressent, touchent à la câblodistribution, on pourra suivre la même procédure. Je suis convaincu que c'est la responsabilité du Québec et c'est pour ça. En ce qui vous concerne, vous pouvez dire: C'est de trop. Mais ce sont les mêmes articles qui servent à réglementer le secteur que nous voulons réglementer. Je comprends comme vous et je suis tout à fait d'accord que ce ne sont pas des déclarations qui font que nous avons ou non une juridiction; ce n'est même pas un texte de loi, et ça vaut à tous les paliers du gouvernement. C'est pourquoi nous croyons que, si quelqu'un doit trancher cette question devant les tribunaux, les tribunaux tranchent la question. Nous n'avons pas, quant à nous, l'intention de reporter l'exercice de nos responsabilités comme gouvernement à la cour Suprême du Canada.

M. STEIN (Charles): M. le Président, M. le ministre, je trouve qu'au contraire, avec cette formule-là, dans l'hypothèse où le Québec aurait une juridiction quelconque sur la câblodiffusion, si vous utilisez les textes que vous avez ici et qui englobent tout ça, la câblodiffusion, la diffusion par ondes, vous mettez en danger la validité de toute disposition portant seulement sur la câblodiffusion, toujours dans l'hypothèse où le Québec aurait une juridiction, une compétence quelconque sur la câblodiffusion.

Parce que là, on vous opposera, vous le savez — il en a été question je ne sais pas combien de fois dans les litiges constitutionnels — la question de savoir si on peut séparer, scinder une loi en deux, si on peut en sortir telle disposition, par exemple ici dans l'hypothèse de la câblodiffusion, et dire: ceci est valide et tout le reste est anticonstitutionnel.

M. L'ALLIER: Ce serait possible à la condition qu'il n'existe pas l'article 1 au début.

M. STEIN (Charles): L'article 1.

M. L'ALLIER: L'article 1 permet de trancher d'abord sur cette question.

M. STEIN (Charles): L'article 1 est un jugement que la Législature essaie de porter à la place des tribunaux et que les tribunaux...

M. L'ALLIER: C'est ça.

M. STEIN (Charles): ... vont balayer du revers de la main.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, c'est ça.

M. STEIN (Charles): Si le ministre me permet, je voudrais en profiter seulement une seconde pour faire une mise au point. J'ai commis l'erreur d'admettre une erreur que je n'avais pas commise quand il m'a posé la question au sujet de l'article 25 de la loi de l'office. C'est que le mot "préalable" a disparu.

M. L'ALLIER: Oui.

M. STEIN (Charles): Et c'est ce que nous faisons valoir dans notre mémoire. C'est le mot "préalable" pour l'autorisation de la Législature, de l'Assemblée nationale, pour l'expropriation. C'est la réponse que j'aurais dû faire.

M. L'ALLIER: Je peux demander l'aide de mon collègue, le député de Chicoutimi, à l'article 25 de la loi de l'office.

M. STEIN (Charles): C'est l'article 9 du bill 36.

M. L'ALLIER: Ce n'est pas postérieur.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pas toujours.

M. L'ALLIER: C'est un entérinement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais elle peut venir par d'autres voies.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean a une courte question qui entraînera, paraît-il, une réponse très brève.

M. VEILLEUX: Aucun débat, M. le Président. A la page 20 de votre mémoire, vous mentionnez que les bills 35, 36 et 37 constituent une menace à l'autonomie de l'industrie et à la liberté de la presse parlée. Vous ne faites ici qu'effleurer quelque peu ces trois sujets, vous ne faites que porter un jugement d'ensemble sur ces trois choses-là.

Je sais, de bonne part, que vous avez demandé à produire un mémoire à la commission parlementaire sur la Liberté de la presse d'ici le 31 décembre. Est-ce l'intention de votre groupe d'élaborer sur ce qu'est pour vous la liberté de la presse parlée et de quellle manière elle devrait s'appliquer dans le secteur de la radiodiffusion et de la télédiffusion?

M. STEIN (Pierre): M. le Président, un de nos directeurs, M. France Fortin, va répondre à cela.

M. FORTIN: C'est très simple. La réponse c'est oui, M. le député. M. le Président, me

permettriez-vous de revenir sur un point de détail et de répondre davantage à une question du ministre? Il se demandait si l'utilisation d'une période de pointe de 5 heures à 9 heures constituait seulement, pour nous, une question de coût pour des fins éducationnelles. C'est évident que la réponse est non. Il y a d'autres considérations, c'est toute l'économie.

M. L'ALLIER: C'est ça.

M. FORTIN: ... en fait de la radiodiffusion privée est en cause. Nous n'avons pas, nous, en tant qu'association, le mandat de discuter cette question avec vous et nous n'avons pas non plus le mandat de répondre à votre question en ce qui a trait au poste de Montréal. Si M. le ministre désire que nous nous intéressions à cette question et que nous fassions des propositions qui soient un peu plus concrètes, en accord avec nos membres de Montréal, bien sûr, nous le ferons.

M. L'ALLIER: Sur ce point, 30 secondes. Je suis entièrement d'accord sur ce qui vient d'être dit. Si je suis intervenu, c'était pour éviter qu'on généralise une affirmation ou une situation qui puisse être vraie dans des zones qui sont plus éloignées des centres à forte population urbaine. Vous avez parfaitement raison. Si quelqu'un répondait que c'est une question de coût d'émission, le fait que le gouvernement loue une heure, de 8 heures à 9 heures, à la télévision, au même prix que la brasserie une telle qui commandite telle émission sportive, le fait de payer le même prix au poste de radio n'a pas du tout les mêmes conséquences, parce que la cote d'écoute n'est pas du tout la même. C'est toute l'économie.

M. FORTIN: C'est ça qu'est la question.

M. LE PRESIDENT: La commission suspend ses travaux jusqu'après la période des questions cet après-midi, vers 4 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

Reprise de la séance à 16 h 20

M. CORNELLIER (président de la commission permanente des Communications): A l'ordre, messieurs!

Avant de reprendre les discussions que nous avons suspendues à 12 h 30, j'aimerais signaler que la commission va siéger cet après-midi jusqu'à 18 heures et elle ajournera sine die. Demain, malheureusement, plusieurs commissions doivent siéger. Il ne sera donc pas possible aux membres de la commission des Communications de se réunir. Vu les travaux assez volumineux de l'Assemblée nationale, il ne m'a pas été possible, cet après-midi, de pouvoir déterminer la date de la prochaine réunion. Nous espérons cependant que cette prochaine réunion pourra se tenir dans deux semaines environ. Dès que la date en sera déterminée, elle apparaîtra au feuilleton de l'Assemblée nationale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre là-dessus, à propos d'une observation qui avait été faite. Est-il exact que c'est seulement mercredi dernier que les propriétaires de câble et de radio ont été avertis qu'ils devaient comparaître devant la commission? Est-ce que le ministre va prendre des dispositions pour que, quand la commission reprendra ses travaux, ces gens aient un délai suffisant pour préparer les mémoires?

M. L'ALLIER: M. le Président, je crois qu'il appartient au secrétariat des commissions, à moins que je ne me trompe, d'avertir les gens qui ont fait demande de comparution devant une commission, du moment et de l'heure de cette commission. En ce qui me concerne, je ne pourrais pas répondre dans un sens ou dans un autre à votre question et je n'ai demandé la convocation de personne à cette commission, me contentant de faire vérifier par mon cabinet, auprès du secrétariat des commissions, que ceux qui avaient demandé à comparaître depuis déjà quelques semaines soient avisés dès que possible. La question pourrait être posée au secrétariat des commissions.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'espère que le ministre va prendre l'initiative d'en avertir le secrétariat des commissions...

M. L'ALLIER: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...afin que les avis soient envoyés dans les délais utiles.

M. L'ALLIER: M. le Président, on m'informe ici que nous avons fait mercredi un rappel auprès du secrétariat des commissions à ce sujet. Quoi qu'il en soit, dès que la date et l'heure de la prochaine séance de la commission seront fixées, je prendrai moi-même les disposi-

tions auprès du secrétariat de la commission pour que des télégrammes soient envoyés à toutes les personnes qui auraient manifesté l'intention de venir se présenter devant la commission.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez...

M. LEGER: M. le Président, j'avais demandé la parole. Ce matin, je n'ai pas eu l'occasion de parler tellement longtemps, j'ai eu à peu près cinq minutes pour discuter. Alors j'aimerais bien, certains de ces messieurs devant partir, leur poser quelques questions.

A la lecture du mémoire de votre association, il découle deux paliers de problèmes. Du premier palier, c'est une question de la qualité même de la loi telle que présentée par le ministère des Communications du Québec sur laquelle vous avez des réserves. Du deuxième palier ressort, — c'est votre préoccupation — le fait qu'il y aurait une double juridiction à la suite de cette loi.

Si on prenait le premier palier du problème que vous soulevez, nous avons fait témoigner au cours des discours en deuxième lecture sur les bills 35, 36 et 37, qu'il y avait peut-être — et non seulement peut-être mais sûrement — un pouvoir discrétionnaire donné au ministre. Si des corrections étaient faites à cette loi pour corriger certaines choses que vous dénoncez dans votre mémoire: entre autres le fait qu'on semble donner carte blanche au ministre sur différents points entre autres, le fait qu'il y a danger d'une manque de participation de votre part parce que les pouvoirs seraient trop grands au ministère; et aussi d'un autre côté, le fait qu'on aimerait avoir des audiences publiques, est-ce que vous pensez qu'une audience publique, systématique, et non pas seulement tenue à la demande du ministre et toutes ces corrections seraient des choses acceptables? Je vous demande, en posant cette question, de faire abstraction d'une juridiction fédérale-provinciale.

C'est un autre palier. Les deux paliers ne doivent pas être mêlés actuellement. On est à étudier une loi. Avant de déterminer la conséquence au point de vue de juridiction fédérale-provinciale, essayons donc d'examiner la loi telle qu'elle, pour voir si elle vous convient. Alors, est-ce que vous êtes d'accord sur ce point? Est-ce que c'est une critique précise que vous reprochez dans ce projet de loi qu'il y a un pouvoir trop grand au ministre au niveau de la réglementation, par exemple?

M. STEIN (Charles): M. le Président, je vais essayer de répondre au moins en partie à cette question en faisant d'abord observer qu'il est très difficile sinon impossible de séparer les autres problèmes, ceux auxquels M. Léger vient de faire allusion, de celui de la constitutionnalité ou de l'inconstitutionnalité de la loi.

Nous-mêmes, dans notre mémoire, nous disons, par exemple, que nous nous opposons au double emploi, que ça n'a pas de sens d'avoir sur le même sujet deux régimes différents: un fédéral et un provincial ou, enfin, s'ils n'étaient pas différents, sur le même sujet de la législation et de la réglementation à laquelle nous serions assujettis.

C'est un faux problème parce que, comme je l'ai dit et souligné, il est impossible que les deux soient valables en même temps.

M. LEGER: Je m'excuse, mais vous n'avez peut-être pas tout à fait saisi ma question. Je voulais justement que vous fassiez cette distinction pour qu'on puisse discuter du mérite de la loi telle quelle. Après cela, si vous voulez, je vous reposerai des questions sur l'aspect constitutionnel et des problèmes ou des imbroglios que vous pourriez trouver à la suite de la loi provinciale devant faire face à une loi fédérale.

C'est pour ça que je vous demande précisément de ne pas prendre les deux problèmes de front parce qu'on n'en sortira pas. Je vous demande, si c'est possible, de regarder la loi telle qu'elle est présentée, pour y trouver les difficultés, les améliorations ou les corrections à y apporter; par la suite, on pourra discuter le problème constitutionnel. Autrement, on ne s'en sortira pas.

M. STEIN (Charles): C'était seulement une entrée en matière.

M. LEGER: Oui, d'accord.

M. STEIN (Charles): J'allais justement vous dire que, ayant fait cette mise au point, si je puis dire, évidemment, vous le voyez dans notre mémoire, nous trouvons que la législation et la réglementation proposées vont trop loin, beaucoup trop loin sur bien des points. Nous faisons la comparaison avec celle que nous connaissons et dont nous faisons l'expérience pour le moment et depuis, pour ainsi dire, toujours, depuis qu'il y a de la législation sur le sujet, celle du fédéral.

Nous disons que les pouvoirs attribués ici à la Régie des services publics, au ministère des Communications et au conseil des ministres vont beaucoup trop loin. Ils brimeraient la liberté d'information, la liberté de la presse parlée, ainsi de suite.

M. LEGER: Est-ce que vous seriez d'accord, en ce cas-là, s'il y avait des amendements apportés, hypothétiquement, pour qu'on inscrive dans la loi les prinicpes généraux qui pourraient guider une réglementation faite ensuite par la régie, si autrement dit, on incluait dans la loi des principes de base qui demanderaient, disons que — un exemple — les entreprises soient québécoises ou à majorité québécoise

comme ça l'est, je pense bien, pour la CRTC, qui exige qu'elles soient en majorité canadiennes. Il serait aussi à prévoir que les entreprises aussi devraient avoir une participation locale au point de vue du contenu, qu'il pourrait y avoir aussi une participation même à la propriété dans les régions locales, non seulement québécoises, mais locales, des lois générales sur la qualité même, la distribution entre la quantité de publicité et la quantité de contenu précis d'information ou d'éducation ou dans le domaine de l'amusement.

S'il y avait dans la loi les principes généraux précisément inclus et que, par la suite, les règlements pouvaient être faits par la régie avec des audiences publiques obligatoires pour qu'il y ait une participation de vos organismes à cela, est-ce que vous pensez que cela pourrait améliorer la loi et que vous seriez plus intéressés, à ce moment-là, à concevoir une loi qui conviendrait disons à votre style d'opérations?

M. STEIN (Charles): Sous réserve de ce que mes clients voudront ou croiront à propos d'ajouter, moi, je dirais oui. Evidemment, si l'on supprime certaines choses dont nous avons parlé: contrôle des prix, droit de réquisition, des choses comme celles-là. Je pourrais répondre aussi de cette façon-ci. De façon générale, si on avait le régime que nous connaissons, le régime fédéral qui comporte ce que vous venez de dire d'audiences publiques où tout le monde le sait etc. — ce n'est pas parce que c'est le régime fédéral; que l'on comprenne, on fait une comparaison — pour répondre à votre question, ce serait certainement plus satisfaisant que ce qui est proposé.

M. LEGER: Alors, est-ce qu'il y a d'autres personnes qui voudraient ajouter quelque chose sur ce point-là au niveau de la loi provinciale? S'il y avait des corrections au niveau de la réglementation, du contrôle que vous trouvez peut-être indu du ministre ou du ministère ou du gouvernement, s'il y avait des corrections en ce sens-là en faisant abstraction du domaine fédéral, est-ce que c'est une loi à laquelle vous accepteriez de participer?

M. STEIN (Charles): Je pense que M. Pouliot pourrait ajouter quelque chose.

M. POULIOT: Il me semble, M. le Président, qu'il y a deux idées maîtresses dans le mémoire que nous avons présenté aujourd'hui. Premièrement, la question de juridiction. Nous ne prenons pas position quant à savoir si ce devrait être une juridiction fédérale ou provinciale, mais nous prenons position en ce sens que nous ne voudrions pas avoir deux juridictions simultanément. L'autre point est de savoir si tous les organismes de communications, si je comprends bien, sont définis dans la loi comme étant des services publics. Je présume que tous les organismes de communications comprennent aussi bien la presse associée, la presse canadienne, Broadcast News, les deux enfants qui ont des "walkie-talkies", parce que la définition est extrêmement générale et définit tous ces groupes-là comme étant des services publics.

M. BERTRAND: M. Pouliot, ne soulevez pas le problème des "walkie-talkies" !

M. LEGER: Pour revenir...

M. POULIOT: Je regrette, j'ai dû manquer quelque chose, je suis revenu de voyage hier.

UNE VOIX: Le congrès libéral de la fin de semaine.

M. POULIOT: Je vais me renseigner ce soir. Dans mon idée, un service public est un monopole normalement accordé par le gouvernement à une compagnie ou à un organisme quelconque. Il doit y avoir une régie qui contrôle les prix, entre autres, parce que l'organisme fait affaires directement avec le public et il faut protéger le public de façon que les prix ne soient pas trop élevés, étant donné qu'il n'y a pas de concurrence. Je crois que l'exemple de Bell Canada, de l'Hydro-Québec, etc., représente très bien ce qui, dans mon esprit, est un service public. Dans notre cas, nous ne vendons pas de services au public, nous vendons de la publicité à des clients nationaux ou locaux. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire que le gouvernement ait une régie pour protéger les clients, les organismes nationaux ou les organismes locaux contre des prix trop élevés chargés par les postes de radio ou de télévision. Dans le moment, nous assumons que nous tombons sous la juridiction fédérale, notre licence nous est accordée par le gouvernement fédéral et nous ne sommes pas considérés, au fédéral, comme un service public. Je comprends que nous rendons d'énormes services au public, nous sommes un service essentiel, d'après les statistiques, les gens passent plus de temps à regarder la télévision même qu'à travailler. C'est évident que nous sommes un service extrêmement important, essentiel, mais est-ce que nous tombons sous la définition ou sous le sens usuel de services publics? J'en doute fort.

M. LEGER: Est-ce que je peux me permettre de vous répondre là-dessus? Vous me direz ce que vous en pensez. Il est sûr qu'une entreprise qui veut vendre un produit et qui peut entrer sur le marché et en sortir à son gré, c'est une entreprise privée, où il y a des lois différentes, je ne parle pas des "lois" législatives, mais des façons d'opérer différentes. Mais le domaine de la télévision et de la radio, ne peut quand même pas, je pense — c'est mon opinion et vous me répondrez si vous ne croyez pas cela — être considéré sur le même pied ou presque sur le même pied qu'une compagnie de téléphone. La radiodiffusion est quand même un monopole

par le fait qu'il y a très peu de canaux disponibles et en réalité, ce n'est pas n'importe qui qui peut entrer sur les canaux. Quand vous avez un permis, cela devient pratiquement un privilège, puisqu'il y a douze ou treize canaux en réalité, vous ne pouvez pas en permettre l'accès à d'autres. Il peut y avoir une certaine petite concurrence d'un canal à l'autre mais vous avez quand même la barrière de la langue entre le six et le douze, le dix et le quatre pour la télévision, vous avez la même chose au point de vue de la radio. Il y a quand même très peu de jeu, ce n'est pas n'importe qui qui peut entrer, cela prend un permis, une loi pour permettre à un poste d'émettre et d'avoir telle longueur d'ondes.

Je pense que ce n'est pas loin d'un monopole, en ce sens que vous êtes peu nombreux, il y a une petite concurrence entre vous, mais il n'y a pas une concurrence comme dans un libre marché. Dans ce sens-là, c'est un service public, et c'est même un privilège d'avoir un poste. D'accord, je comprends qu'il ne faut pas qu'il y ait un contrôle au point de vous empêcher de fonctionner. De là à dire que ce n'est pas un monopole comme celui de Bell Canada, je pense qu'on s'approche très près de là, puisqu'il y a très peu de chance pour d'autres personnes d'avoir des postes et des longueurs d'onde.

M. POULIOT: Evidemment il y a encore des canaux disponibles à Québec, mais le fait est que le client qui veut avoir le téléphone n'a pas le choix entre Bell Canada et les compagnies X, Y, Z. Il doit prendre le téléphone de Bell Canada, s'il veut le téléphone; et la compagnie de téléphone pourrait lui charger le prix qu'elle voudrait s'il n'y avait pas un contrôle, étant donné que le contrôle de la concurrence n'existe pas. Ce qui ne s'applique certainement pas à la radio et à la télévision dans le moment.

M. MARGLES: M. le Président, si je peux répondre à M. Léger qui voulait savoir à qui appartiennent les actions d'un poste radiophonique et de télévision. Il y a dans les Bourses canadiennes des compagnies publiques qui administrent des postes de radio et de télévision. Je pense qu'il serait extrêmement difficile de dire que ça doit être seulement des Québécois qui détiennent les actions. En fait, il y a une loi qui indique que ça doit être à 80 p.c. canadien. Faire une restriction afin que ce soit de l'argent québécois seulement, vous allez voir que peut-être il y aurait une fuite de capitaux au lieu d'attirer des investissements dans l'entreprise privée.

M. LEGER: Pour la fuite des capitaux, il ne faudrait pas se...

M. LE PRESIDENT: Pour le journal des Débats, est-ce que le dernier opinant pourrait s'identifier s'il vous plaît?

M. MARGLES: Ici Margies, station CJAD et Standard Broadcasting.

M. LE PRESIDENT: Très bien, je vous remercie.

M. LEGER: M. le Président, à la suite des questions que j'ai posées, il m'a semblé que la réponse, en faisant abstraction de l'aspect constitutionnel, si la loi était améliorée et qu'on corrigeait, selon l'optique... Nous avons prôné nous-mêmes dans notre discours de deuxième lecture moins de pouvoir au ministre et plutôt une loi dans laquelle il y aurait des principes généraux et que les règlements pourraient être faits par la régie avec des audiences publiques systématiques et non pas uniquement à la demande du ministre. Je pense qu'à ce moment-là, si la loi était acceptable... J'arrive avec la deuxième question. Je parle de votre mémoire, à la page 19, où vous affirmez, au milieu du deuxième paragraphe: "Que gagnerait-on à faire supporter ainsi à des entreprises de radio et de télévision, pour la plupart bien de chez nous, une grande partie des frais et des ennuis d'un différend dont elles ne sont aucunement responsables?

Le gouvernement peut fort bien retarder l'entrée en vigueur de la législation proposée jusqu'à ce qu'il ait connu une consultation judiciaire au moyen d'un renvoi de la cour d'Appel, etc. Quand on est Québécois et Canadien, il ne faut pas se laver les mains devant un problème. C'est pour ça que ce matin, je disais que vous avez des obligations envers vos actionnaires, vos sociétaires mais que vous êtes aussi des Québécois et que vous avez une responsabilité sociale. Il ne faut pas se laver les mains et dire: Quand vous aurez réglé votre problème, nous serons prêts à accepter une des deux législations. Nous ne sommes pas là pour régler ce problème-là, c'est votre problème.

Je pense que ça appartient à tous les Québécois et que, de votre côté, il faut que vous vous sentiez solidaires du conflit et que même, vous pourriez participer au cheminement de la réalisation d'une solution à ce différend. Justement, ça peut causer peut-être des difficultés, des ennuis et peut-être un certain coût financier, du fait qu'il pourrait y avoir temporairement double juridiction mais si vous avez à prendre une décision, je pense qu'il faut décider à un moment donné dans un conflit. Nous sommes Québécois et Canadiens en même temps, mais quand il y a un conflit, nous ne pouvons pas rester en dehors du conflit, il faut le prendre.

Est-ce que dans votre esprit, s'il y a un conflit qui se fait au niveau du Québec, vous récusez définitivement le contrôle du Québec là-dedans? Si oui, à ce moment-là, vous récusez toutes les doubles juridictions qu'il peut y avoir dans tous les autres domaines. Et si vous acceptez de dire: Dans un domaine particulier

du Québec, nous serions d'accord pour épauler le gouvernement du Québec, pour l'aider à trouver une solution en dedans, et que même si ça cause un peu d'ennuis, le fait qu'il y aurait une juridiction provinciale, serait peut-être une de plus, mais au moins le Québec serait présent.

Je pense qu'il y a une question de choix et on ne peut pas l'éviter ni se laver les mains et dire: Quand vous aurez réglé le problème, nous embarquerons. Je pense à votre position, et votre façon d'entrevoir le problème aiderait le gouvernement du Québec à résoudre son problème et là vous pourriez réellement montrer votre choix dans un conflit.

Je ne dis pas qu'il faut nécessairement dire le Québec et qu'on renvoie le Canada. Il y en aura d'autres qui feront ce choix-là, mais pour ceux qui sont Canadiens d'esprit et de coeur mais qui sont Québécois aussi, à un moment donné, quand il y a un différend entre les deux, il faut se rendre compte qu'il y a une décision et un choix à faire. Ce matin, en écoutant la lecture de votre mémoire, j'avais l'impression que votre choix était fait. Je pose peut-être la question brutalement. Votre choix est peut-être tout simplement que, comme c'est le fédéral qui est installé là, ça nous causerait beaucoup moins d'ennuis si le provincial ne s'ingérait pas là-dedans Si la loi provinciale était corrigée dans les domaines qui vous satisfont et qui nous satisfont nous aussi, parce que c'est ce que nous avons proposé, est-ce que vous accepteriez de ne pas faire une petite menace voilée que je voyais à un certain article posé ce matin à la page 21, mais tout simplement de dire: On va épauler le gouvernement et on va essayer d'accepter les lois du provincial puisqu'elles nous conviennent et que quand la solution sera apportée, nous serons les premiers à l'avoir épaulé...?

Autrement dit, ne pas être derrière le fédéral mais derrière le provincial, c'est un choix que vous avez à faire.

M. STEIN (Charles): Je ne comprends pas. J'ai dit qu'il était impossible d'oublier la question constitutionnelle. C'est absolument impossible. Même si nous voulions faire l'autruche, si la loi est nulle, elle est nulle. Que pouvons-nous y faire? La seule façon de participer aux règlements, comme vous nous y invitez, c'est de plaider et de soulever la question constitutionnelle et de la faire décider. Si vous ne le faites pas, nous allons être obligés de le faire à nos frais. C'est dans ce sens-là que nous disons: Vous allez nous causer des frais et des ennuis.

M. LEGER: Vous voulez dire que cela va vous occasionner des frais parce que vous allez essayer de rendre ultra vires ou de prouver par des poursuites que la loi qui serait québécoise serait ultra vires. C'est ce que vous voulez dire?

M. STEIN (Charles): On ne la rend pas. Elle l'est ou elle ne l'est pas. Que voulez-vous?

Même si nous voulions nous y soumettre, n'importe qui, n'importe quand, pourra soulever la question et faire décider qu'elle est nulle.

M. LEGER: Dans la juridiction il y a une partie actuellement que l'on doit admettre qui peut être de juridiction fédérale pour le moment. Il y à une partie — comme le disait le ministre tantôt — qui était de juridiction provinciale. Il parlait du domaine des équipements, du domaine de la câblodistribution. Il y a peut-être des questions d'interprétation. Chacun peut dire, selon qu'il est juriste ou selon les façons de voir le problème, que cela appartient à l'un ou à l'autre et il y a les zones grises. La question que je vous pose est simplement ceci: Est-ce que vous aurez à faire un choix dans la partie où on est certain que c'est du domaine provincial, dans la partie des zones grises, est-ce que vous ne pourriez pas coopérer avec le gouvernement provincial de ce côté-là? Dans la partie de la juridiction fédérale, je ne pense pas que, dans cette loi-là, actuellement, il y aurait des endroits qui seront directement en conflit avec le fédéral. Le ministre disait bien ce matin, et j'ai bien noté ses paroles, qu'il a élargi la loi en disant et en se référant à un petit paragraphe qui disait que sous la compétence du provincial, en élargissant la loi, c'était pour permettre de ne pas accepter dans sa lutte, pour la juridiction avec le fédéral, ce que le fédéral accepte de façon que, quand il y aura eu des négociations et qu'on aura ramené la partie de juridiction que l'on veut avoir la loi telle qu'elle est faite aujourd'hui serait quand même applicable. C'est dans ce sens-là que je demande: Est-ce que, pour la partie où on est en conflit et pour la partie où on est sûr que nous avons la juridiction, vous ne pourriez pas coopérer avec le gouvernement provincial?

M. STEIN (Charles): Pour ça, il faudrait que quelqu'un décide. Quelle est ce que vous appelez, vous, la zone grise? Quelle est la partie qui est clairement et sans aucun doute de compétence provinciale et quelle est la partie qui est clairement et sans aucun doute de compétence fédérale? C'est là qu'est tout le problème. Enfin, le problème, en partie. Quant à moi, je pense qu'il n'y a aucun doute au moins pour les zones.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aimerais poser une question au ministre là-dessus. On parle d'un avis, de l'avis d'un tribunal sur cette question. Est-ce que le ministre aurait l'intention de requérir un avis d'un tribunal comme nous l'avons déjà fait pour certains problèmes, notamment, dans le cas de la loterie à Montréal, par exemple? Est-ce que le ministre pourrait soumettre cela à un tribunal afin de demander un avis?

Si le ministre me le permet, comme vient de le dire M. Stein, le problème est là, il est dans son entier et même si on trouve dans le texte de

la loi "dans le cadre de la compétence du Québec" il reste que le gouvernement central ne reconnaît pas telle compétence en matière de radio et de télédiffusion. Par conséquent, il faut que quelqu'un tranche le débat à moins que le gouvernement du Québec prenne des initiatives qui soient à ce point violentes qu'on se trouve en quelque sorte en conflit armé juridiquement.

M. L'ALLIER: M. le Président, il y a évidemment, sur ce point, divergence d'opinions entre M. Stein et moi-même. Je crois que, pour ma part, si nous faisons ce que nous avons annoncé que nous ferions à savoir que ce projet de loi nous permettrait essentiellement, compte tenu de l'article 1 qui parle de la juridiction du Québec, de réglementer en matière de câblodistribution, il se peut qu'à partir de cette réglementation sur la câblodistribution, la radiodiffusion et la télédiffusion se sentant indirectement impliquées contestent la loi. Cependant, si nous ne réglementons pas la radio et la télédiffusion, effectivement, à partir de ce projet de loi, je ne crois pas que nous ayons à référer nous-mêmes à la cour Suprême.

De toute façon, vous me posez une question précise et je peux vous dire qu'à ce stade-ci ce n'est pas l'intention du gouvernement — je l'ai déjà dit auparavant — de confier à la cour Suprême du Canada ou à tout tribunal où on pourrait en faire la référence, le soin de décider dans l'abstrait si le gouvernement du Québec a juridiction en matière de câblodistribution.

Les avis juridiques dont nous disposons nous permettent d'être suffisamment certains de nos positions pour n'avoir pas à faire ce test.

M. BERTRAND: Sur le même problème, M. le Président. Lorsque le projet de loi a été examiné par le conseil des ministres, ce problème a dû sans doute se poser. Est-ce que le ministre a obtenu certains conseils du service juridique du ministère des Communications ou du ministère de la Justice au sujet de la portée exacte du projet de loi en regard de la législation fédérale, à l'heure actuelle. Puis, a-t-il fait préciser que, dans le domaine de la distribution par câble, le Québec pourrait agir et que, si une réglementation était adoptée, cette réglementation dans le domaine de la distribution par câble au départ, ne pourrait pas — j'entends en tenant compte des éléments de prudence habituels — être attaquée victorieusement devant les tribunaux?

Si le ministre a une documentation comme celle-là, vu que le problème est fondamental — on en parle depuis le matin — au moins pour éclairer tous les députés, membres de cette commission, est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité que cette documentation juridique soit mise à la disposition des membres de la commission?

M. L'ALLIER: Sur ce point, M. le Président, je rappelle que cette commission n'est pas un tribunal qui va trancher...

M. BERTRAND: Non, au contraire. Mais pour éclairer, de même que, M. le Président...

M. L'ALLIER: Nous avons suivi...

M. BERTRAND: ... Bien entendu, au sujet de toute cette dispute qui existe et à laquelle a touché ce matin M. Stein par son mémoire, il est sûr que nous ne sommes pas un tribunal. Quand M. Stein cite des opinions, des jugements de la cour Suprême du Canada, c'est une opinion qui est exprimée par le tribunal suprême du Canada. On pourrait répondre à M. Stein qui dit d'aller devant les tribunaux, ce que nous avons déjà dit: Dans l'ordre politique, l'homme politique — et je vais le dire très clairement — n'a pas confiance dans la cour Suprême du Canada telle qu'elle est constituée dans un régime fédéral. C'est un problème politique. M. Stein, au point de vue juridique, je sais que ce problème ne vous intéresse pas parce que vous reconnaissez le tribunal comme étant la dernière autorité judiciaire du pays. Mais ce qui nous intéresse, nous, même si ce n'est pas pour porter un jugement, est que lorsqu'on s'adonne à l'examen d'un projet de loi... Le ministre nous déclare que, dans le domaine de la distribution par câble, il y a pour les uns une zone grise, pour d'autres ce n'est pas une zone grise, c'est une zone québécoise. Et il y en a d'autres qui vont dire que c'est une zone accessoire à la juridiction fédérale. Le ministre a des études dans ce domaine. Pourquoi ne pas les communiquer aux membres de la commission? Cela permettrait aux gens, non pas de porter un jugement, mais d'être mieux éclairés. De même que dans un domaine technique, par exemple, vous pourriez nous produire un rapport d'experts. Faites-le donc pour les opinions que vous avez reçues des conseillers juridiques, soit de votre ministère ou du gouvernement.

M. L'ALLIER: M. le Président, je suis content que la question soit posée. Effectivement, au moment de la préparation de ce projet de loi et de son adoption en principe par le cabinet, la question — vous vous en doutez bien — a été posée.

La question a été posée et nous avons obtenu l'avis des légistes du gouvernement qui nous ont dit qu'en matière de câblodistribution, la juridiction québécoise ne faisait aucun doute. Nous avons fait vérifier, comme cela se fait sur toutes ces questions importantes, par un avis juridique extérieur et nous avons obtenu cet avis au niveau du comité de législation. Je ne sais pas si tous ces avis sont sous forme écrite ou sous forme de notes, je peux certainement les faire établir et les déposer avant la fin des séances de cette commission au bénéfice des membres de la commission parlementaire, étant entendu que, je le présume, ceux qui nous ont donné ces avis, notamment au comité de législation, ne changeront pas d'idée si on leur demande de les préciser par écrit.

C'est donc sur la base d'avis juridiques extrêment sérieux et complémentaires et non contradictoires que nous en sommes arrivés à avoir, quant à nous, la garantie qu'en matière de câblodistribution et de câblovision, sur toute l'étendue de ce secteur, il s'agissait d'une juridiction provinciale, quels que soient par ailleurs les gestes posés jusqu'ici par le gouvernement fédéral, et qu'en conséquence de quoi, c'est au gouvernement qu'il appartenait de prendre une décision et non pas de la référer — je suis d'accord sur les arguments que vous invoquez — à la cour Suprême.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce, sur le même sujet.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne veux pas poser en expert dans ce domaine, parce que je vais avouer mon incapacité, mais il nous vient tout de même plusieurs questions à l'esprit, après avoir lu le mémoire, après avoir lu les projets de loi et entendu les déclarations de part et d'autre. Il semble que plus on avance, plus cela se complique. Le ministre revient toujours avec la câblodiffusion, alors que ces projets de loi vont beaucoup plus loin. Je me demande, si le ministre voulait se limiter à la câblodiffusion, pourquoi présenter des projets de loi aussi complexes et qui s'étendent dans autant de domaines.

M. L'ALLIER: Achevez de relire le journal des Débats de ce matin.

M. ROY (Beauce): Je n'ai pas besoin de relire le journal des Débats, c'est de toute évidence. Il y a autre chose qui se cache derrière tout cela. On constate à l'heure actuelle, du moins c'est l'impression que j'en ai, que le gouvernement présente un projet de loi, va soumettre les entreprises, les postes de radio, les postes de télévision et tous les autres qui sont dans ce domaine devant la possiblité de choisir entre une réglementation fédérale et une réglementation provinciale. A ce moment-là, quelle réglementation va prédominer? A ce moment-là, on va peut-être obliger les entreprises propriétaires à faire les frais de combats constitutionnels alors que le gouvernement lui-même aurait dû faire des ententes avec le gouvernement fédéral et préciser sa politique, ce qu'il veut, la discuter à Ottawa et, une fois que cela sera clairement défini, établir des règlements que pourront observer et suivre les entreprises provinciales, les entreprises que nous avons dans le Québec.

Il semble, M. le Président, à moins que je ne sois dans l'erreur, que, de toute façon, on ne puisse pas déboucher autrement que dans un conflit constitutionnel. L'on a l'impression que le gouvernement a mis la charrue devant les boeufs, pour employer une expression très française du député de Chicoutimi. Il semble que c'est cela...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Devant les boeufs.

M. ROY (Beauce): Les boeufs, les boeufs. Très française.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un boeuf, des boeufs.

M. ROY (Beauce): J'aimerais que l'honorable ministre nous dise exactement s'il a l'intention, une fois ses projets de loi adoptés, de préciser, c'est-à-dire élaborer toute sa réglementation et laisser les entreprises que nous avons se débattre elles-mêmes, à leurs frais, dans un conflit constitutionnel.

M. L'ALLIER: M. le Président, sur un point technique, à moins que les membres de cette commission n'aient d'autres questions à poser à M. Stein, M. Stein m'a indiqué qu'il devait nous quitter — il est déjà 4 h 45 effectivement — afin de se rendre présenter un avis ou un document. Il s'agit d'une occupation professionnelle.

M. STEIN (Charles): C'est pour présider un comité du Barreau.

M. L'ALLIER: Est-ce que les membres de cette commission sont d'avis...

M. BERTRAND: Par hasard, M. Stein, étant donné que les séances vont se poursuivre, si nous avions besoin de vous à une autre séance, en étant averti deux ou trois jours à l'avance, pourriez-vous venir?

M. STEIN (Charles): Avec plaisir. Merci beaucoup, M. le Président, M. le ministre.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à poser. Suite au mémoire qui nous a été présenté par M. Stein, concernant, par exemple, le conflit de juridictions possible, est-ce que, d'après vous, si les projets de loi sont adoptés tels quels, vous serez dans l'obligation d'en attaquer la constitutionnalité du fait que vous allez être soumis à certaines réglementations, certaines dispositions qui iraient en contradiction avec certaines exigences des lois fédérales?

M. STEIN (Pierre): M. le Président, pas nécessairement. S'il y a double juridiction.

M. ROY (Beauce): C'est ça que je veux dire.

M. STEIN (Pierre): Il faudra aller à la recherche d'une seule juridiction.

M. ROY (Beauce): Maintenant, quelle juridiction aurait préséance à ce moment-là?

M. STEIN (Pierre): Si vous permettez, j'aurais dû compléter ma réponse. Vous suggérez,

dans votre question: Y aurait-il une réglementation à laquelle nous ne voudrions pas nous soumettre? Ce n'est pas là qu'est le point. C'est de savoir quelle juridiction aura préséance et cela devra être déterminé par les tribunaux.

M. ROY (Beauce): Autrement dit, si j'ai bien compris, vous ne voulez pas être dans l'obligation d'en assumer les frais.

M. STEIN (Pierre): Nous le préférerions, mais nous prendrons les dispositions qui seront nécessaires.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aurais une ou deux questions à poser avant que ces témoins ne se retirent, à moins que mes collègues, naturellement, aient d'autres questions à leur poser.

Le problème, tel qu'il a été posé dans le mémoire que nous avons devant nous, est bien clair. C'est un problème constitutionnel, n'y revenons pas. Il y a un problème juridique aussi. Cette question d'une double compétence, soit l'obligation que vous avez de vous en tenir aux règles fédérales qui vous régissent actuellement et l'obligation que vous auriez de vous en tenir aux règles que vous imposerait la législation présentée par le ministre des Communications.

Notre attitude est bien claire. Nous l'avons exposée longuement en Chambre. Nous vous l'avons fait savoir ce matin. Je vous ai dit clairement que vous n'étiez certainement pas insensibles à ces problèmes constitutionnels, que vous seriez certainement intéressés à y prendre part si nous devions porter la question devant des instances supérieures ou devant le peuple. Mais notre attitude est la suivante: c'est que vous représentez quand même, dans le Québec, à la fois un service social et une industrie extrêmement importante. Ce que nous voudrions savoir du ministre est ceci:

Est-ce que le ministre peut nous donner l'assurance qu'en aucune façon, compte tenu naturellement du bien commun et de l'économie générale de nos lois, il n'a l'intention, par le biais des trois projets de loi que nous étudions actuellement, d'imposer à l'ACRTF des charges, des règles, des taux, des tarifs qui pourraient compromettre l'entreprise de ses membres et les mettre dans une position concurrentielle encore plus difficile que celle dans laquelle ils se trouvent actuellement par rapport à la radio et à la télévision d'Etat?

Parce que l'un des arguments que nous avons fait valoir, lors de la discussion de la seconde lecture, est que le ministre semblait s'arroger des droits et qu'il semblait vouloir s'immiscer dans les affaires internes des entreprises de radio et de télévision privées. Le ministre nous a dit: Très bien, nous pourrons convoquer une commission parlementaire, faire examiner la situation. Mais cela ne nous satisfait pas si, entre-temps, le ministre bâtit une sorte de carcan qui va étouffer progressivement les entreprises de radio et de télévision.

Ces gens-là occupent un domaine qui est celui des ondes. Mon collègue, le député de Lafontaine, parlait d'un service public. Il parlait à cet égard de privilèges. Appelons ça comme ça, comme hypothèse de travail; c'est un privilège que de pouvoir obtenir un permis pour émettre sur telle ou telle longueur d'ondes, parce qu'elles sont limitées, encore que cette acception du terme "limité" est assez large. Il reste que ces gens-là, dès lors qu'ils ont obtenu ce privilège, ce droit ou ce permis, ont fait des investissements; ils ont un équipement. Il faudrait que le ministre nous rassure sur la situation financière qui pourrait être celle de ces organismes qui, tout à coup, se trouveraient, en somme, sous la tutelle de l'Etat. C'est le danger contre lequel nous avons prévenu le ministre, de donner au gouvernement et de se donner, comme ministre, des pouvoirs exagérés.

Le ministre lui-même est animé d'excellentes intentions, mais il sait très bien qu'un ministre n'est pas éternel et que, d'autre part, toutes les fois que l'on examine un projet de loi qui comporte des restrictions ou qui a des incidences un petit peu coercitives, il faut toujours imaginer que ladite loi sera appliquée par le pire des hommes. Il faut prévoir les coups et les prévoir de la façon la plus large possible. Alors, j'aimerais que le ministre nous dise s'il a l'intention de préciser sa pensée en ce qui concerne les contrôles que son ministère, ou le gouvernement par réglementation, pourrait exercer sur les entreprises privées de radio et de télévision. Je crois que c'est une des inquiétudes majeures des témoins qui sont devant nous et, étant personnellement partisan de l'entreprise privée, j'estime que nous devrions avoir à l'endroit de l'entreprise privée de la radio et de la télévision l'attitude que nous avons eue à l'endroit des maisons d'éducation privées par rapport aux maisons d'éducation publiques. Alors, quelles sont les assurances que peut nous donner, à ce stade-ci du débat, le ministre?

M. L'ALLIER: M. le Président, je veux commencer par rassurer, si c'est encore nécessaire, nos amis du Ralliement créditiste en leur disant qu'il n'est pas dans nos intentions d'étatiser quoi que ce soit en matière de communications.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ne me mettez parmi vos amis créditistes?

M. L'ALLIER: Non, non.

M. ROY (Beauce): Vous avez prévu dans la loi la possibilité de le faire, par exemple. Tout est prévu dans la loi pour le faire. Alors, si vous n'avez pas l'intention de le faire, comme disait le député de Chicoutimi, le ministre qui vous

remplacera, s'il a l'intention de le faire, a tous les outils en main pour le faire.

M. L'ALLIER: Je ne crois pas, M. le Président, parce que l'étatisation de ces mécanismes se fait soit par la révolution, nous les prenons puis nous ne les payons pas et, à ce moment-là, vous avez autant de pouvoir que moi de le faire; deuxièmement, l'autre façon, c'est une façon qui est plus civilisée, c'est par l'expropriation, le seul cas qui est prévu requiert l'approbation de l'Assemblée nationale dont vous faites partie encore pendant quelque temps.

M. ROY (Beauce): Mais, il y a une autre façon que vous avez oubliée, c'est de s'ingérer à l'intérieur de l'administration des entreprises, puis de leur rendre les conditions telles, à un moment donné, qu'elles ne puissent fonctionner. Alors, c'est une étatisation par voie de conséquence. Celle-là, vous ne l'avez pas mentionnée.

M. L'ALLIER: C'est une nouvelle forme juridique d'étatisation. Disons que je ne voudrais pas m'étendre sur ce débat pour ne pas retenir inutilement ici les témoins que nous avons intérêt à consulter. Je vais répondre cependant à la question du député de Chicoutimi. Je voudrais répéter ici que notre intention, c'est effectivement d'établir au Québec par la plus grande consultation, mais en prenant aussi, comme gouvernement, nos responsabilités, une politique d'ensemble des communications. On peut me reprocher que cette politique ne soit pas suffisamment précise, qu'elle ne comporte pas suffisamment de détails quant à son application. Ces précisions seront apportées au fur et à mesure précisément des consultations et je ne parle pas là de consultations personnelles auprès de groupes que l'on pourrait choisir soi-même, mais bien du fonctionnement tel que prévu de la Régie des services publics, de la commission parlementaire et de tous les moyens techniques légaux prévus pour cette consultation. C'est l'objectif premier que nous cherchons à atteindre. Pour en arriver à cette politique des communications qui serait, non pas sous le "contrôle", pris dans le sens de "police", des communications, mais bien pour assumer cette responsabilité du gouvernement du Québec face à sa collectivité, responsabilité du développement cohérent, compte tenu de ses intérêts économiques, sociaux et culturels, de tous les moyens de communication sur son territoire. Nous considérons qu'il est essentiel et, le plus rapidement possible, de revoir l'ensemble de ce dossier avec le gouvernement central. Cela, c'est le problème politique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si M. le ministre me le permettait, j'ai une question sur le mot "politique d'ensemble". Quel est exactement le contenu sémantique de cette expression? Parce que, si l'on parle de politique d'ensemble et que, par analogie, on réfère par exemple à la politique d'ensemble en matière d'éducation, on pourrait en arriver à penser que cette politique d'ensemble exigera du gouvernement qu'il exerce des contrôles qui établiront une certaine uniformité dans le domaine de l'information.

M. L'ALLIER: Ce n'est pas en ce sens qu'il faut parler de politique d'ensemble. Il faut parler de politique d'ensemble au sens de la cohérence du développement de différentes manifestations de communications publiques ou privées.

C'est en ce sens-là que je dis que nous n'avons pas l'intention de, systématiquement, envahir le champ des communications au bénéfice, que ce soit du gouvernement ou de l'Etat, mais c'est plutôt au sens du rôle que le Québec doit assumer en matière culturelle. Il a comme gouvernement, la responsabilité de faire que la culture se développe sur son territoire, conformément à la personnalité et aux attributs de la personnalité québécoise. Donc le gouvernement a la responsabilité d'une politique culturelle au Québec. C'est dans ce même sens que j'emploie politique d'ensemble, politique globale des communications, au sens où précisément c'est la responsabilité du gouvernement de voir à ce que l'entreprise privée des communications se développe suivant son rythme commercial, suivant son rythme industriel normal. Mais, dans ce secteur-là, elle doit se développer d'une façon cohérente par rapport à d'autres secteurs de l'entreprise privée et par rapport, également, à des priorités régionales, à des priorités culturelles, à des priorités éducatives mais d'une façon...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre me permettrait une autre question ici de précision? Cela va répondre à certaines objections qui nous ont été faites. Lorsqu'il parle de préoccupations éducatives et culturelles, il en parle j'imagine en termes de qualité et de quantité.

M. L'ALLIER: Exactement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, qu'est-ce que cela veut dire, législativement parlant et administrativement parlant, en termes de réglementation?

M. L'ALLIER: Législativement parlant, disons d'abord que c'est un fait que le gouvernement, dans l'évolution de son système et de ses moyens d'éducation et la collectivité comme telle auront à avoir de plus en plus recours aux moyens électroniques, les techniques de communication, en matière d'éducation. C'est déjà de plus en plus avancé dans le domaine culturel en général. Cela est une chose. Par ailleurs, je crois que c'est la responsabilité, pour employer des termes qui paraissent extrêmement abs-

traits, mais qui, j'espère, vous feront comprendre le sens de ce que je veux dire, à la fois de chaque citoyen mais d'abord du gouvernement, comme responsable du bien-être d'ensemble du développement de la collectivité, de voir à ce que le développement des communications dans les contenus, ne soit pas contraire, si vous voulez, au bien-être individuel et collectif des Québécois. On faisait allusion dans le mémoire de l'Association des radiodiffuseurs à ce que j'avais dit à un journal. Je voudrais reprendre ici ces remarques. Si la collectivité, par le ministère de l'Education, investit des sommes considérables à un moment donné pour faire de la télévision éducative, que ce soit l'éducation du consommateur, que ce soit l'éducation de personnes qui doivent faire un certain recyclage pour retourner sur le marché du travail, etc., nous avons quand même une responsabilité quant à la qualité de ce qui est servi à la population par les mêmes media, soit au même moment, soit à des moments où la population y a accès, en termes de contenus. Il ne s'agit pas pour l'Etat de dire: Il n'y aura pas de films policiers à la télévision ou il n'y aura pas de films américains. Il y a des films policiers et je crois qu'il y a, pour la production, des standards de qualité qui peuvent être, non pas établis a priori et implantés par un organisme réglementaire, aussi compétent soit-il. Je crois qu'il existe des mécanismes permettant au consommateur, d'une part, et à tous ceux qui ont un rôle à jouer dans le développement de la collectivité, d'intervenir pour critiquer, pour demander des changements dans l'environnement qu'on leur fournit d'une façon obligatoire. Parce que les ondes, c'est là et ça existe.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre irait jusqu'à dire que le gouvernement, par lesdits mécanismes dont il parle, définirait lui-même ou par le truchement d'une régie ou quelque chose comme cela, ou même par le truchement de l'Assemblée nationale, des critères de qualité.

M. L'ALLIER: Je ne pourrais pas, M. le Président, m'avancer tellement loin sur ce champ. C'est précisément ce qui devrait faire l'objet de toutes les consultations très soutenues qui devaient avoir lieu sur ces questions. A première vue, je crois cependant que la première et la seule responsabilité du gouvernement serait de permettre aux citoyens, de leur donner des moyens de communication ou des tribunes où ils pourront aller et contester la qualité de ce qu'on leur présente.

M. L'ALLIER: On a dit ce matin: Les gens ne se sont jamais plaints de ce qu'on leur sert à la télévision, c'est peut-être vrai. Mais je connais des gens qui se plaignent de ce qu'on leur sert à la télévision, qui ne peuvent le dire à personne et qui ne peuvent s'organiser pour contester la qualité, le sens, le contenu ou les priorités qu'on suit dans la programmation qui leur est donnée.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais seulement à dire une chose...

M. LE PRESIDENT: Pour ne pas retarder, on nous avise qu'il y a un vote à l'Assemblée nationale...

M. ROY (Beauce): M. le Président, si vous me permettez, pour ne pas retarder indéfiniment les personnes qui sont ici...

M. LE PRESIDENT: Oui, je l'apprécierais...

M. ROY (Beauce): Une recommandation mentionnée à la page 21, à la troisième ligne, dit à cet effet...

M. LEGER: Non, non, mais vous avez une question à poser?

M. ROY (Beauce): Est-ce que le député me permettrait, j'aurais aussi une question à poser.

M. LEGER: Non, un instant, il n'y a pas seulement celle-là. Moi aussi j'en ai alors, il faut revenir...

M. ROY (Beauce): J'aurais une question à poser à ces messieurs.

M. LEGER: Oui, oui. Comme il faut aller voter, on va revenir dans dix minutes et on va continuer à poser des questions. Le député pensait que c'était la dernière question avant que ces messieurs s'en aillent. J'avais d'autres questions à poser. C'est pour ça que je dis qu'il faut aller voter et revenir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un sujet extrêmement difficile, parce que ça pose tout le problème de la censure.

M. LEGER: Si vous voulez ajourner pour dix minutes, on va revenir.

M. LE PRESIDENT: J'aimerais rappeler tout de même qu'il y a d'autres mémoires. Est-ce que nous aurons le temps d'entendre le prochain mémoire, celui présenté par la Corporation des évaluateurs agréés du Québec? Est-ce qu'il serait possible de réduire peut-être les questions sans priver aucun des membres de son droit de parole afin de permettre à l'autre...

M. LEGER: Il y a actuellement deux commissions en réunion, je ne vois pas pourquoi on se hâterait. C'est un domaine essentiel.

M. LE PRESIDENT: Oui, je le comprends. M. LEGER: Je veux dire ceci...

M. LE PRESIDENT: Je n'en fais pas une objection, je demande si l'autre organisme ici présent aura le temps de présenter son mémoire avant l'ajournement de ce soir.

Alors, nous suspendons pour quelques minutes, le temps du vote à l'Assemblée nationale.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

(Reprise de la séance à 17 h 35)

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

Au moment de la courte suspension que nous avons eue, le député de Chicoutimi posait une question au ministre des Communications. Par la suite, le député de Beauce aura la parole.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'avais demandé...

M. LEGER: Voulez-vous reprendre votre question?

Problème de la censure

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. J'avais demandé au ministre — parce qu'il a parlé de contenus éducatifs, culturels — si le gouvernement, ou le ministère des Communications en viendrait à définir des critères. Et je raccroche maintenant à ça la dernière question que j'avais posée au ministre et que vous avez perdue au moment où nous avons ajourné, à savoir: Est-ce qu'au fond, cette question de définir des critères relatifs au contenu ne revient pas à poser très nettement, et il faut bien le dire, franchement, le problème de la censure, par un organisme quelconque qui serait le gouvernement ou une commission? Et quand le ministre dit, par exemple, que le public a le droit d'exprimer son avis là-dessus, je suis d'accord. Mais par quel mécanisme le public, si on me permet l'expression anglaise "at large", pourrait-il exprimer son avis périodiquement sur des contenus éducatifs, culturels véhiculés par les entreprises de radio et de télévision privées?

M. L'ALLIER: Je vais tenter de répondre brièvement à la question du député de Chicoutimi afin de permettre, si possible, à d'autres intervenants de présenter les mémoires pour lesquels ils sont venus nous rencontrer. Il n'est pas dans l'intention du gouvernement ou de la Régie des services publics, ni dans la loi, ni dans la réglementation, d'établir a priori des critères ou des normes de contrôle de contenus.

Ce que nous souhaitons faire, à ce stade-ci — ce qui ne préjuge pas des conclusions d'une importante commission parlementaire, celle qui siège sur la liberté de presse — c'est effectivement de tenter de donner des moyens qui n'existent pas maintenant à la population, lui permettant de s'exprimer sur les contenus qui lui sont servis. Le moyen qui nous apparaît, non pas le meilleur, mais, enfin, le plus évident actuellement est celui de la Régie des services publics par ses audiences publiques.

C'est un premier pas mais c'est un premier pas — là-dessus, je m'y engage au nom du gouvernement, parce que ça me paraît extrêmement important — qui ne doit pas donner au gouvernement de contrôle à priori sur les contenus. C'est là qu'on entre effectivement dans toutes les questions de censure. Pour ma part, comme membre du gouvernement, je me verrais dans l'impossibilité de faire quelque geste que ce soit face au contrôle des contenus s'il n'y a pas, d'une part, les moyens très facilement accessibles par la population pour exprimer elle-même son contentement, son mécontentement, bref, son opinion face à ce qui lui est servi d'une façon, sinon "monopolistique", du moins dans des cadres très bien définis.

Je serais dans l'impossibilité de recommander au gouvernement quelque action que ce soit avant d'avoir pu prendre connaissance des conclusions de la commission parlementaire sur la liberté de presse, parce que c'est en fait un des problèmes essentiels abordés à cette commission.

Tant que cette commission n'aura pas fait son rapport à la satisfaction des membres de l'Assemblée nationale, je ne crois pas qu'il soit possible — et le gouvernement ne le ferait pas, — de prendre des actions prématurées et unilatérales de contrôle quelconque sur quelque contenu que ce soit. Si, par contrôle du contenu, on entend quelque chose comme un pourcentage donné d'émissions ou de productions locales par opposition à de la retransmission d'émissions extérieures à la région, au Québec ou au Canada, c'est une chose qui devrait faire l'objet de consultations auprès de la Régie des services publics et l'objet d'audiences publiques. En d'autres mots, le contrôle du contenu peut être considéré fonction du contenu de chaque produit, de chaque émission, il peut être aussi considéré dans l'optique du pourcentage de productions locales par opposition à de la retransmission de productions dites nationales.

Sur ces questions de pourcentage, ce sujet pourrait, dans le domaine de la câblodistribution, faire éventuellement l'objet de réglementations; mais uniquement après une très large consultation par le moyen des audiences publiques de la régie. Pour ce qui est, par ailleurs, du contrôle ou d'une surveillance ou d'une forme de réglementation de contenu comme tel, il serait prématuré de tenter quelque action que ce soit dans quelque sens que ce soit avant les résultats de la commission parlementaire sur cette question.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce avait demandé la parole.

M. ROY (Beauce): Je reviendrai à ma question tout à l'heure.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine et par la suite le député de Missisquoi.

Double juridiction

M. LEGER: J'aurais bien voulu élaborer sur la question du député de Chicoutimi, sur le problème de la censure possible, mais, étant donné qu'il ne nous reste pas plus que quinze minutes, j'aurais quelques questions à poser à nos invités avant qu'ils ne repartent. Tout à l'heure, le député de Beauce posait une question à M. Stein. Il lui demandait, s'il y avait une double juridiction — je voyais même une loi au Québec acceptable par eux — s'il serait obligé de recourir aux tribunaux pour voir à clarifier la situation pour savoir avec qui ils doivent coopérer ou à qui ils doivent se soumettre. Je voulais lui demander la définition de la double juridiction. Actuellement, nous vivons dans la plupart des ministères du Québec une double juridiction. Est-ce que vous auriez la même optique d'une double juridiction si les règlements n'étaient pas nécessairement opposés l'un à l'autre: les règlements fédéraux et provinciaux, mais qu'il y ait une réglementation qui pourrait dans un sens aller plus loin, dans une direction complémentaire? Est-ce que c'est simplement le principe de la double juridiction qui fait que vous voulez vous opposer ou si c'est seulement parce qu'il y aurait réellement des règlements qui seraient nettement opposés l'un à l'autre et que vous ne sauriez pas lequel des deux vous devez accepter?

M. STEIN (Pierre): Ce sont peut-être deux choses, soit deux règlements divergents ou bien encore, 'même si une réglementation complète l'autre, il faut admettre qu'il y aurait à ce moment-là double emploi, donc de notre part un travail additionnel pour satisfaire à un autre organisme, pour fournir à un autre organisme d'autres détails que nous fournissons déjà à un organisme fédéral.

M. LEGER: On revient à la question de tantôt. Si c'est seulement parce qu'il y a une double juridiction que ça vous cause des ennuis, des difficultés, peut-être un certain coût de fonctionnement, vous avez un choix à faire à ce moment-là et ce choix, il semble bien que ce soit le choix de la juridiction fédérale.

M. STEIN (Pierre): Encore une fois, M. le Président, ça nous ramène à ce que nous avons discuté cet après-midi. Ce n'est pas à nous qu'il demeure de faire un choix. Il existe présentement une loi fédérale à laquelle nous sommes soumis.

M. LEGER: Mais ma question est la suivante: Si la loi provinciale n'est pas directement opposée à des règlements fédéraux — et je vous ai posé la question — s'il n'était question que de règlements complémentaires ou de règlements qui vont plus ou moins loin que l'autre palier de juridiction, à ce moment-là, il y aurait encore double juridiction. Mais vous venez de me répondre que, seulement du fait que ça vous causerait des ennuis supplémentaires, un coût supplémentaire, vous verriez à ce moment-là à vous opposer devant les tribunaux.

M. STEIN (Pierre): Pardon, M. le Président...

M. LEGER: Est-ce que j'ai mal compris votre réponse?

M. STEIN (Pierre): ... j'aurais dû peut-être clarifier ce point. Ce que j'ai voulu dire, c'est ceci: Si, devant une double juridiction, si une complète l'autre — c'est un aspect de la question, je crois que vous m'avez demandé tantôt si une allait plus loin que l'autre...

M. LEGER: Un permis plus sévère ou des critères plus sévères.

M. STEIN (Pierre): S'il y avait un autre aspect — nous le faisons déjà pour un organisme fédéral — cela représenterait donc un travail additionnel d'avoir à le faire pour un autre organisme, pour compléter d'autres renseignements ou remplir d'autres obligations envers un autre organisme de forme provinciale.

M. LEGER: Vous n'accepteriez pas cette situation?

M. STEIN (Pierre): Non.

M. LEGER: C'est la réponse que je voulais avoir.

M. LE PRESIDENT: Le député de Missisquoi.

M. BERTRAND: M. le Président, dans le même domaine, je me base sur l'article 3 a) du projet de loi 37 et aussi sur un autre article auquel on doit aussi référer, l'article 6 du projet de loi 35, qui concerne l'article 25 de la Loi de la régie et qui dit: Dans l'exercice de sa juridiction, la régie se conforme aux règlements adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil, en vertu de l'article 3 a) de la Loi du ministère des communications. Quant à l'article 3 a) il dit: Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du ministre, et dans le cadre de la compétence du Québec, faire des règlements. Je pose ma première question au ministre: De l'aveu de ses conseillers juridiques et suivant les propos qu'il a tenus tantôt, dois-je conclure qu'à l'heure actuelle la compétence du Québec, d'après lui, s'arrêterait à la distribution par câble?

M. L'ALLIER: C'est ce que j'ai voulu dire le plus clairement possible ce matin, M. le Président, à savoir que la juridiction dans ce domaine, que nous pourrions exercer sans risques inutiles de contestation et sans engager de frais, serait celle de la câblodistribution, effectivement.

M. BERTRAND: Deuxième question, accessoire à la première, étant donné ce qu'il vient de dire, étant donné l'article 3 a) qui permettrait au lieutenant-gouverneur de faire des règlements: a ) sur les conditions d'établissement, d'exploitation, d'administration, d'extension ou de modification d'une entreprise publique au sens indiqué dans la loi; b) pour déterminer les normes de production, d'acquisition et de diffusion d'émissions et de radiodiffusion... A ce moment-là, dois-je comprendre que sa réglementation ne s'appliquerait que dans le domaine de la distribution par câble au sujet des conditions d'établissement, d'exploitation, d'administration?

M. L'ALLIER: La réponse à cette question est également affirmative. J'ajoute cependant qu'il y a eu un sous-amendement ou un amendement de proposé à cette loi...

M. BERTRAND: Oui.

M. L'ALLIER: ... qui touche la Loi de Radio-Québec.

M. BERTRAND: Oui.

M. L'ALLIER: D'accord. En d'autres mots...

M. BERTRAND: Troisième question: Est-ce que l'idée du ministre depuis le départ quant à la portée de son projet de loi, quant à son rayonnement est bien établie, est-ce que ses règlements sont prêts?

M. L'ALLIER: Ses règlements ne sont pas prêts, M. le Président. Nous sommes à y travailler actuellement et vous comprendrez que c'est extrêmement complexe que de les rédiger conformément à ce que nous avons dit tout à l'heure. Nous y travaillons et c'est pourquoi nous n'avons pas pu les soumettre ici, à cette commission parlementaire. J'ai pris connaissance, par ailleurs, du mémoire qui est présenté par le Barreau du Québec, qui reconnaît, parce que c'est un point technique sur lequel vous serez d'accord, l'existence et le bien-fondé de ce que l'on appelle la législation déléguée qui est en fait la réglementation. Je m'attacherai avec beaucoup d'attention aux propositions qui sont faites dans ce mémoire afin de permettre que la réglementation générale puisse, de quelque façon, faire l'objet soit d'une consultation précise, soit qu'elle soit portée à la connaissance préalable des membres de l'Assemblée nationale.

Je dois toutefois souligner que, dans le domaine de la législation déléguée, c'est la responsabilité du gouvernement que de décider de cette législation par règlements. En d'autres mots, les règlements sont faits par le gouvernement, c'est lui qui doit les faire, mais s'il est possible de trouver des mécanismes par lesquels il y aurait, une fois ces règlements adoptés, et peut-être même avant leur entrée en vigueur, une façon d'en informer préalablement l'Assemblée nationale, soit par le biais d'une commission parlementaire ou autrement, c'est une question que je vais étudier avec le plus grand sérieux et conformément aux suggestions qui sont faites dans le mémoire du Barreau du Québec.

M. BERTRAND: Est-ce que tout cela s'appliquerait également — il y a tout un vocabulaire au sujet de ces problèmes-là — à la câblodiffusion ou à la diffusion par câble?

M. L'ALLIER: C'est-à-dire que cela s'appliquerait à tous les règlements du lieutenant-gouverneur en conseil, à l'intérieur desquels la Régie des services publics, elle, pourrait faire ensuite ses propres règlements.

M. BERTRAND: Sur le même problème, étant donné la bonne volonté manifestée par le ministre qui réalise qu'une partie de la loi est dans les règlements et que nous ne les avons pas, serait-il prêt à ce que la loi entre en vigueur seulement sur proclamation, mais qu'elle ne soit pas proclamée avant que les règlements aient été soumis à la commission parlementaire?

M. L'ALLIER: C'est une question, M. le Président, que je peux étudier. Pour ma part, je crois qu'il est important que la loi entre en vigueur le plus rapidement possible. Elle ne doit pas être une loi qui, comme une épée de Domaclès, pèse sur la tête des gens, mais bien une loi effective. C'est pourquoi nous avons proposé un amendement pour la faire entrer en vigueur le jour de sa sanction. Je reconnais cependant qu'il faut étudier de plus près les mécanismes d'information au sujet de la réglementation.

Je n'accepte pas le principe, si c'était celui-là qui était mis de l'avant, qui consiste à faire de cette réglementation un objet de décision par une commission parlementaire ou par l'Assemblée nationale. Précisément, l'Assemblée nationale prend des décisions quant aux lois, le gouvernement, le lieutenant-gouverneur en conseil prennent des décisions quant aux règlements et c'est à lui qu'appartiennent ces décisions.

Lorsqu'on parle d'un pouvoir exorbitant du gouvernement lorsqu'il procède par décision réglementaire, il faut se rappeler que nous avons, au Québec, plus de 6000 pages de règlements de toutes sortes qui régissent les aspects les plus divers de notre activité.

C'est une formule qui est répandue, que ce

soit aux Etats-Unis, en France ou dans d'autres provinces, en Angleterre et partout. C'est une formule qui s'applique plus particulièrement à des champs d'activité qui évoluent rapidement ou qui sont d'une mobilité ou d'une complexité telle que les régimes parlementaires, tel qu'ils fonctionnent au niveau de la législation, rendraient passablement inefficaces les normes.

M. BERTRAND: Le ministre me permettra de lui dire que, même si j'admets en principe que le gouvernement s'est en fait autorisé à adopter des règlements, il s'agit de son pouvoir de décision. J'admets d'une manière générale le principe.

D'autre part, il ne faut pas oublier que tous les gouvernements... Un exemple récent nous a été fourni par la Loi de la protection des consommateurs. La loi étant adoptée, avant sa mise en vigueur, on a soumis la réglementation à la commission parlementaire. Je dois souligner que même s'il s'agissait d'un domaine très important, il s'agissait peut-être d'un domaine moins important sous certains aspects que celui-ci.

On en voit tout le rayonnement à la suite, surtout, des propos tenus par mon collègue, le député de Chicoutimi, des réponses du ministre, de ce problème de la censure, de la qualité. Alors, je pense que le ministre ferait bien d'y penser. D'abord, dans cette réglementation, il y aura sans doute des principes qui seront affirmés. Si, au départ, dans les règlements, même si on n'avait pas toute la réglementation, toutes les modalités de la réglementation, on avait au moins la partie substantielle des principes qui y seront affirmés, on aurait une meilleure idée, à ce moment-là, des modalités qui peuvent être appliquées pour mettre ces principes-là en vigueur.

M. L'ALLIER: C'est en fait, M. le Président, —je ne voudrais pas anticiper — une des recommandations qui est faite dans le mémoire soumis par le Barreau du Québec, que les arrêtés en conseil, aux règlements prévus à l'article 6 du bill 35 qui réfère à l'article 3 du bill 37, soient déposés devant l'Assemblée nationale en même temps que ces projets de loi, afin que les élus du peuple, les corps intermédiaires et les autres intéressés puissent apprécier les conséquences de ces textes et faire valoir leurs représentations. Je ne suis pas prêt à accepter d'emblée cette proposition telle qu'elle est faite. Je vous dis tout simplement que je vais étudier de façon très sérieuse, avec mes collaborateurs, la façon qui nous apparaîtrait la plus efficace et qui, tout en sauvegardant le droit du gouvernement à procéder par législation déléguée, suite à une loi qui en fait est une loi cadre — qu'elle soit trop générale ou trop précise, cela n'a pas tellement d'importance — fera en sorte que cette réglementation traduise la volonté du gouvernement dans le domaine des communications, mais qu'elle ne se fasse pas, bien évidem- ment, sur le dos des citoyens. Je suis ouvert à toute forme de consultation et de participation pour que nous en arrivions à l'élaboration de cette politique de communications qui me tient à coeur, non pas comme membre du gouvernement, mais comme membre d'une collectivité qui en a besoin à mon avis.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

Convocation de témoins

M. LEGER: Etant donné que, à la suite des paroles que le ministre vient de dire, nous avons fait une proposition hier à l'Assemblée nationale et qu'on avait dit que la commission parlementaire avait le pouvoir elle-même de convoquer les membres, je veux proposer ceci au ministre: Est-ce qu'il accepterait de convoquer personnellement à une prochaine réunion de la commission parlementaire, les anciens présidents ou directeurs de l'OIPQ?

J'ajouterais à cela le président actuel de l'ORTQ et peut-être le président ou les vice-présidents de la régie. Aujourd'hui on touche au dangereux problème de la possibilité de censure. On pourrait demander à ces personnes qui ont vécu une expérience durant les huit, dix ou douze dernières années, de venir à la commission parlementaire à la suite d'une invitation personnelle pour qu'il n'y ait pas de problème de gêne, qu'ils pourraient peut être mal interpréter. Vous savez, M. le Président, qu'une invitation à tout le monde, c'est une invitation à personne. Une personne se sent nécessairement intéressée...

M. L'ALLIER: M. le Président, si le député me le permet, une invitation à tout le monde, ce n'est une invitation à personne.

M. LEGER: Non, à moins d'être nécessairement impliqué personnellement avec quelque chose à perdre ou à gagner, c'est alors une invitation personnelle à cet individu-là...

M. L'ALLIER: Si on s'accorde, M. le Président... Non, je crois que cette question a été abordée effectivement hier soir...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... a été réglée hier soir.

M. L'ALLIER: ... a été réglée hier soir. Je peux répéter ici ma position: Je suis opposé à ce que nous fassions ici quelque procès que ce soit. Nous ne sommes pas ici pour faire l'analyse ou l'autopsie, appelez cela comme vous voudrez, de ce qui a pu se passer dans le passé. Nous sommes ici pour essayer de déterminer, pour l'avenir, des mécanismes efficaces pour l'ensemble du secteur des communications. Par ailleurs, vous faites allusion à deux catégories de personnes, ceux qui étaient fonctionnaires et

ceux qui sont fonctionnaires. Ceux qui sont fonctionnaires ont une fonction à l'intérieur de l'administration. Les ministres sont jusqu'à révocation, responsables et solidaires des actes et des gestes qui sont posés par leurs fonctionnaires. Ils sont même censés, suivant la loi, en connaître tous les détails. Donc, si on veut poser des questions à des personnes, sur des agissements de personnes qui sont fonctionnaires, qu'on s'adresse au ministre. Il m'apparaîtrait mauvais de faire comparaître devant les commissions parlementaires d'une façon quelconque et par coercition des fonctionnaires. Le député de Chicoutimi a déjà donné une argumentation extrêmement valable sur ce point. Pour ceux qui ne le sont pas, ils sont, comme tout citoyen, libres de venir. S'ils croient pouvoir apporter un élément positif ou négatif à ces débats et dans l'intérêt de la collectivité, ils sont libres de venir s'y exprimer. Je ne crois pas que nous ayons à procéder, non plus, par coercition pour les y amener. Il s'agit ici d'un débat qui est dans l'intérêt de toute la collectivité.

Ceux qui ont à coeur l'intérêt de cette collectivité et qui veulent participer à l'élaboration de ces politiques ou empêcher que ces gestes ne soient posés peuvent le faire librement.

M. LEGER: M. le Président, je ne voudrais pas invoquer le règlement, mais je pense que le ministre a mal interprété ma proposition. Je ne lui ai pas dit de les assigner. Hier, il était question de les assigner.

M. L'ALLIER: Les invitations sont lancées...

M. LEGER: Aujourd'hui, si le ministre me permet de terminer, le ministre a dit qu'on ne peut pas les amener d'une façon coercitive, ce n'est pas ce que j'ai demandé. J'ai demandé premièrement qu'ils reçoivent personnellement une invitation à venir ici. Deuxièmement, ce que j'ai dit, ce n'était pas dans le but de faire un procès quelconque. Mais, ce sont des personnes qui ont eu durant de nombreuses années, chacune d'entre elles du moins en partie, des postes clefs au niveau de l'OIPQ, de l'ORTQ et de la Régie des services publics. Nous avons à prendre une décision et à collaborer à l'occasion de cette commission parlementaire. C'est tout simplement pour obtenir des renseignements sur le fonctionnement, les difficultés internes que souvent le ministre ne connaît pas. Et il n'est pas du tout question d'essayer de trouver des poux quelque part. Il s'agit de savoir simplement dans le projet de loi, quels seront les problèmes auxquels il aura à faire face pour...

M. L'ALLIER: Dans ce contexte, M. le Président, je suis d'accord pour inviter tous les Québécois qui ont quelque chose à dire...

M. LEGER: Vous ne voulez pas faire d'invitation personnelle?

M. L'ALLIER: ... devant cette commission à venir le faire, mais je n'ai pas l'intention de faire d'invitation personnelle. Si vous voulez en faire, vous êtes parfaitement libre de le faire; moi, je n'ai pas l'intention de le faire.

M. LEGER: Cela répond à ma question. L'argumentation des représentants d'Unité-Québec, hier, était que c'était la commission qui avait le pouvoir de le faire...

M. L'ALLIER: L'assigner.

M. LEGER: ... et que ce n'était pas nécessaire d'aller à l'Assemblée nationale. Et l'argumentation du parti du Ralliement créditiste, c'était qu'on ne voulait pas faire de précédent dans le cas et qu'on serait intéressé à le faire à la commission parlementaire. C'est la raison pour laquelle j'ai adouci la demande, en demandant seulement une lettre personnelle d'invitation, avec une date précise, pour que les personnes de cette commission puissent elles-mêmes déterminer si elles sont intéressées à les entendre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, d'abord disons que j'ai compris la nouvelle proposition du député de Lafontaine. Maintenant, il admettra avec moi qu'il serait assez difficile d'envoyer une lettre d'invitation à tous les citoyens du Québec qui pourraient être intéressés. Je crois que le député de Lafontaine serait peut-être bien avisé d'informer lui-même les personnes qu'il désire entendre ici de la possibilité qu'ils ont de se faire entendre. Ce n'est pas la responsabilité du ministre de convoquer individuellement tout le monde. C'est l'initiative des citoyens de se présenter devant les commissions où ils croient devoir faire des représentations qui seraient utiles à la société ou à des groupes qu'ils représenteraient.

Par la voie normale et conformément à vos règlements qui sont les nôtres, dès qu'une commission a publié des avis publics, a publié des avis dans des journaux officiels, les citoyens intéressés ont la possibilité de venir se faire entendre. Pour ma part, je ne vois pas l'utilité de demander qu'un tel, un tel, un tel soient assignés parce qu'à ce compte-là il va falloir envoyer des avis à tous les citoyens inscrits à tout le moins sur les listes électorales du Québec. On n'en sortirait pas...

M. LEGER: Je pense que le député pousse un peu loin. Je comprends les craintes qu'il peut avoir. Si nous étions des personnes qui veulent aller chercher des choses dans le passé...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, M. le Président, un instant...

M. LEGER: Mais ce n'est absolument pas ça, le député a mal compris ou essaye de mal comprendre...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LEGER: C'est pour l'avenir que je le demande et non pour le passé. Vous laverez votre linge sale plus tard et autrement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce qu'a dit le député est une insinuation assez subtile mais je l'ai saisie quand même et je tiens à la relever. Il n'est pas question de crainte, pas du tout. Qu'on amène ici n'importe qui, le député de Lafontaine comprendra que, dans le cadre actuel, même si la proposition qu'il a faite hier soir et qui était antiparlementaire et antiréglementaire lui a valu quelque publicité dans les journaux et même dans les postes de radio privés, il admettra avec nous que la proposition qu'il fait est un peu farfelue parce que...

M. LEGER: Je n'admettrai absolument pas cela...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... tous les citoyens peuvent venir ici...

M. LEGER: Vous avez des raisons de ne pas les convoquer, nous avions des raisons de les convoquer. Je ne verrais pas pourquoi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous n'avons pas refusé quant à nous de les convoquer. Nous avons simplement dit qu'en vertu d'une décision que l'Assemblée nationale a prise le 23 février 1971 en créant les commissions, toutes les commissions avaient le droit de convoquer qui que ce soit à comparaître devant nous. Est-ce que vous faites la proposition que ces personnes comparaissent?

M. LEGER: J'ai voulu l'atténuer en demandant qu'elles soient invitées personnellement.

M. BERTRAND: M. le Président, il y a des gens qui liront le journal des Débats. Je demanderais à M. Lorenzo Paré, à M. Laurent Laplante et à tous les anciens directeurs qui liront le journal des Débats de bien vouloir se présenter quand ils le voudront devant la commission, et de venir nous dire comment ils ont conçu l'information gouvernementale, comment ils ont appliqué la loi qui existait, quelles étaient les failles, quelles ont été les erreurs, quel a été le bilan, l'actif ou le passif. J'invite donc tous les anciens directeurs s'ils le veulent bien, à venir se faire entendre pour nous suggérer de meilleurs moyens d'améliorer l'information gouvernementale. Tout le monde peut venir. S'il y en a d'autres à part de cela...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez toute la presse.

M. BERTRAND: Si M. Léger peut nous suggérer un moyen de corriger la situation, quant à moi, je l'écouterai avec plaisir. Je l'invite à lire un rapport qui m'a déjà été remis quand j'étais premier ministre, il a deux ou trois volumes. Je pense qu'ils sont encore au ministère. Je ne sais pas si M. Léger en a reçu des copies.

Je demanderais au ministre de s'en procurer. C'était le rapport Loiselle-Gros d'Aillon. Vous pourriez peut-être en transmettre des copies à M. Léger. Avec tout ça, avec tout ce que M. Léger dira, tout ce que nous dirons, on va essayer d'améliorer le domaine de l'information.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'irai beaucoup plus loin que M. Léger. Je suis beaucoup plus libéral que lui. J'invite tous les membres de la presse à venir se faire entendre ici devant nous comme ils auront le loisir d'ailleurs de le faire devant la commission sur la liberté de la presse. A ce moment-là on aura l'opinion de tout le monde.

M. LEGER: Le député joue sur les mots. De toute façon, les gens comprendront les raisons pour lesquelles vous ne voulez pas directement les écouter.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quelles sont ces raisons? Est-ce que le député...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! La parole est au député de Rouyn-Noranda.

Temps de diffusion

M. SAMSON: M. le Président, dans un autre ordre d'idées, j'aurais aimé poser quelques questions aux représentants de l'ACRTF. Ce matin, le ministre a posé certaines questions à savoir s'il serait possible à l'entreprise privée que vous représentez de mettre à la disposition du ministère des Communications ou du gouvernement certaines heures de pointe. J'ai cru déceler certaines inquiétudes. Ces heures de pointe sont sûrement très populaires et déjà vendues ce qui rendrait peut-être difficile pour les radiodiffuseurs de mettre à la disposition du gouvernement certaines heures, ce dont il a été fait mention ce matin. Je pense que c'est M. Fortin qui a fait des commentaires là-dessus. S'il était nécessaire pour le ministère des Communications ou pour le gouvernement, d'avoir ces heures à sa disposition et si ce n'était pas possible par les mécanismes actuels de diffusion, est-ce que l'entreprise privée que vous représentez serait disposée à accepter sinon à étudier au moins la possibilité de mettre à la disposition des services gouvernementaux un autre genre de mécanisme, soit par d'autres canaux ou par la câblodiffusion, etc.? Voilà où je veux en venir. Quant à moi, je ne partage pas tout à fait l'opinion du ministre à savoir que le gouvernement doit tout contrôler et faire sa

propre information par ses propres moyens. Je conçois cependant que le gouvernement a besoin de faire la promotion de certaines lois et de certaines choses qu'il peut mettre à la disposition de la population.

Dans cette éventualité, si le gouvernement acceptait d'utiliser les services de l'entreprise privée et qui ne sont pas disponibles, ou qu'il ne serait pas possible pour vous de les mettre à sa disposition par les voies actuelles, est-ce qu'il serait possible d'envisager de mettre à la disposition d'autres mécanismes? Je posais la question surtout à M. Fortin parce que je pense que c'est lui, ce matin, qui a commenté le sujet.

M. FORTIN (France): Je pourrais peut-être rappeler ce que j'ai dit ce matin, que cette considération précise n'a pas fait l'objet de discussions chez les membres de l'association. Les points que nous avons discutés sont répétés dans le mémoire. Il est sûr qu'il y aurait des mécanismes ou des solutions qui pourraient éventuellement aider le ministère des Communications, le gouvernement, à faire connaître davantage ses politiques et, enfin, toutes ces choses.

L'association n'a pas présentement de mécanismes précis à proposer et, si vous nous demandez ou si vous nous suggérez de le faire, peut-être pourrions-nous, dans les mois à venir, étudier la question et présenter quelque chose qui pourrait être acceptable au gouvernement.

M. SAMSON: M. le Président, si je posais la question, c'est qu'en feuilletant le mémoire, à la page 21, recommandation suggérée, à la fin, c'est bien écrit: "A cet égard, les diffuseurs seraient disposés à suggérer au gouvernement certains moyens pour ce faire, si celui-ci en manifeste le désir." Alors, votre réponse évidemment correspond à ce qui est écrit dans votre mémoire. Je demanderai au ministre à ce moment-ci: Est-ce que le ministre accepterait, avant qu'on en arrive à la troisième lecture de tous ces projets de loi, de rencontrer l'ACRTF et peut-être discuter avec elle de ces nouveaux moyens possibles dont il est fait mention à la page 21 de son mémoire?

M. L'ALLIER: M. le Président, je suis disposé à tout moment, avant ou après l'adoption des projets de loi, à collaborer entièrement et à recevoir toutes suggestions nous permettant d'atteindre les objectifs fixés dans les meilleures conditions possible.

M. SAMSON: Dans l'optique qui était discutée ce matin, est-ce que le ministre prévoit la possibilité, dans son optique à lui, toujours visant à faire l'information, que cette information se fasse de préférence par les entreprises déjà existantes plutôt qu'en modifiant certaines dispositions.

M. L'ALLIER: M. le Président, il est 6 heures. Vous me permettrez, avec le consentement de tous, de terminer cette réponse. Il ne s'agit pas d'abord d'information, il ne s'agit pas pour le gouvernement d'avoir des media à lui pour faire de l'information. Il s'agit de communications, l'information en étant un des aspects, et l'information devra continuer de se faire comme elle se fait maintenant. Il y a une place pour les journalistes, il y a peut-être une place pour une agence de presse au Québec, nous ne le savons pas; des études contradictoires existent en ce sens-là. Il y a une commission parlementaire sur la liberté de presse qui a aussi à se pencher sur cette question.

Pour l'instant, il s'agit de communications. Lorsque nous parlons de moyens qui pourraient être mis à la disposition de l'Etat par les postes privés de radio et de télévision, il s'agit, à mon avis, d'abord et avant tout, de diffusion, parce que Radio-Québec existe en grande partie pour la production. Toute la production que Radio-Québec peut faire, Radio-Québec doit la faire, en matière notamment éducative. A partir de là, nous avons régulièrement des négociations parce que nous ne disposons d'aucun moyen de diffusion propre au gouvernement, ou dans ses organismes. Nous avons régulièrement des négociations pour obtenir du temps sur les ondes de la télévision et de la radio pour fins de diffusion éducative.

M. SAMSON: Est-ce que l'on pourrait traduire, en conclusion, M. le Président, que le ministre est parfaitement disposé à rencontrer les membres de l'ACRTF et à discuter avec eux de ce nouveau genre de mécanismes suggérés dont il est fait mention à la page 21 du mémoire?

M. L'ALLIER: Je n'ai aucune objection à rencontrer...

M. SAMSON: ... Est-il prêt à discuter également de ce nouveau genre de mécanismes que j'ai suggéré en questionnant M. Fortin? C'est-à-dire s'il n'y a pas possibilité de le faire par les lois actuelles, peut-être que les entreprises représentées ici par l'ACRTF pourraient discuter avec vous d'un nouveau genre de mécanismes qui pourraient être mis à la disposition de votre ministère?

M. L'ALLIER: Mon bureau a toujours été ouvert à quiconque a voulu collaborer à l'élaboration de ces politiques. Il l'est particulièrement pour les membres de l'ACRTF comme il l'est pour l'association des sociétés de téléphone comme il l'est pour l'association des propriétaires de câbles, comme il l'est pour tout citoyen qui a quelque chose de positif à suggérer dans ce domaine.

Corporation des évaluateurs agréés du Québec

M. L'ALLIER: M. le Président, avant de

demander l'ajournement des travaux, nous avons reçu un mémoire de la Corporation des évaluateurs agréés du Québec. Ce mémoire porte essentiellement sur les questions d'expropriations.

Je peux vous dire, quant à moi, que j'en ai pris connaissance et que les suggestions qui sont faites seront prises en considération. Je ferai part, à la fin des travaux de cette commission, des propositions concrètes qu'éventuellement nous pourrions prendre pour donner suite à ce mémoire ou des motifs qui font que nous ne pouvons y donner suite.

Je n'ai pas de question à poser à la corporation ou à un représentant de la corporation des évaluateurs. Si tel était le consensus, nous pourrions, dès ce soir, les libérer ou leur demander de revenir à une prochaine séance.

Il s'agit d'un mémoire qui porte sur une des fonctions de la Régie des services publics, à savoir l'évaluation.

M. LE PRESIDENT: D'accord. Avant l'ajournement, j'aimerais remercier le président et ses collègues de l'ACRTF d'avoir bien voulu passer la journée avec nous. Je les félicite de la qualité de leur mémoire même si, comme Me Stein l'a dit ce matin, il a dû être rédigé un peu à la hâte. Je remercie aussi tous les représen- tants de l'ACRTF d'avoir bien voulu collaborer avec la commission et se prêter à toutes les questions qui ont pu leur être posées.

Comme je l'ai mentionné précédemment cet après-midi, la commission ajourne ses travaux sine die. Nous croyons être en mesure de déterminer la date de la reprise des travaux de la commission dans les prochains jours. L'avis en sera publié au feuilleton de la Chambre et le secrétaire des commissions verra à en avertir tous les groupes ou organismes qui ont déjà manifesté le désir de se faire entendre devant cette commission. Alors, messieurs,...

M. L'ALLIER: Y compris les individus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Y compris les invités de M. Léger.

M. LE PRESIDENT: Y compris les individus et les invités du député de Lafontaine.

M. LEDUC: Qui auront manifesté le désir de se faire entendre à la commission.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça! M. LE PRESIDENT: Précisons.

(Fin de la séance à 18 h 18)

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