Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente des Communications
Projet de loi no 35 Loi modifiant la loi de la
Régie des services publics
Projet de loi no 36 Loi modifiant la loi de
radio-télédiffusion du Québec
Projet de loi no 37 Loi modifiant
la loi du ministère des Communications
et
d'autres dispositions législatives
Séance du mardi 23 novembre 1971
(Dix heures vingt minutes)
M. CORNELLIER (président de la commission parlementaire des
Communications): A l'ordre, messieurs!
La commission parlementaire des Communications siège ce matin
pour l'étude des bills 35 et 36. J'en profite pour souhaiter la plus
cordiale bienvenue à nos visiteurs, en particulier ceux qui seront
invités ce matin à émettre leur opinion concernant les
bills à l'étude. Pour commencer, j'inviterais le ministre des
Communications à prendre la parole.
Remarques préliminaires
M. L'ALLIER: M. le Président, MM. les membres de la commission,
nous sommes réunis ce matin pour entendre toutes les parties qui ont
manifesté le désir d'être entendues au sujet des projets de
loi 35 et 36. Le projet de loi 37 qui est étudié actuellement en
deuxième lecture devant l'Assemblée nationale ne peut donc pas
faire l'objet, à ce stade-ci, d'étude devant cette commission,
n'ayant pas été déféré, et pour cause,
à l'attention des membres de la commission.
Le président de la commission nous indiquera ceux qui ont
manifesté le désir d'être entendus. C'est, pour ma part,
avec beaucoup d'attention que je prendrai connaissance des mémoires qui
nous sont présentés ce matin devant cette commission afin que les
projets de loi 35 et 36 atteignent véritablement les objectifs que nous
nous sommes fixés dans l'intérêt de la collectivité
québécoise. Ces objectifs, il n'est pas nécessaire de les
répéter ici, ont été énoncés au
moment de l'étude des projets de loi devant l'Assemblée
nationale. Ils ont alors été commentés, ils ont
été mis en cause par les partis d'Opposition, quels qu'ils soient
et c'est normal. Nous en sommes au stade de l'étude en commission
parlementaire. Ce stade a essentiellement pour but de permettre aux citoyens
intéressés de faire connaître leurs vues, leurs
commentaires, leurs approbations, leurs propositions et surtout de leur
permettre de participer d'une façon positive et constructive à
l'amélioration, si c'est nécessaire, de ces projets de loi.
Je ne voudrais pas prendre plus de temps de cette commission,
maintenant, M. le Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous sommes heureux d'accueillir les personnes
qui veulent bien nous faire des recommandations au sujet de certains projets de
loi soumis par le ministre des Communications. Comme on a pu le constater en
fin de semaine dernière, ces projets suscitent certains commentaires qui
vont inciter, je n'en doute pas, le ministre à se rallier à
l'opinion de sa majorité étant bien entendu que nous ne sommes
pas de ce nombre.
Pour des fins de procédures, le ministre a déclaré
que nous étudierions ce matin les projets de loi 35 et 36. Nous avons vu
en Chambre que le ministre des Communications a présenté une
sorte de triptyque, trois projets de loi portant sur l'ensemble des
communications mais l'un d'entre eux, le projet de loi 35 a un caractère
particulier, c'est la Loi modifiant la Loi de la Régie des services
publics. Il n'est donc pas question pour nous d'examiner en même temps
les projets de loi 35 et 36 puisque ces deux projets de loi ont des objets tout
à fait différents et, s'il y a un projet de loi 35, ce n'est que
parce qu'il était nécessaire de donner au gouvernement certains
instruments dont il a besoin pour mettre en application les projets de loi 36
et 37. Par conséquent, nous entendons bien suivre l'ordre logique de la
présentation qui a été faite en Chambre et, compte tenu de
l'objet particulier du projet de loi 35, nous sommes disposés, pour
notre part, à entendre les témoins qui voudront s'exprimer sur le
projet de loi 35 quitte, par la suite, à aborder le projet de loi 36
dont l'objet est complètement différent.
Je fais cette précision parce qu'il ne faudrait pas qu'il y ait
confusion et que l'on étudie en même temps deux projets de loi qui
sont dans leur esprit et dans leur objet très spécifiques. Nous
n'accepterons la procédure que le ministre suggère â la
commission parlementaire qu'à condition que l'on sépare
très nettement les deux projets de loi dont le ministre vient de
parler.
Ainsi donc, en ce qui nous concerne, nous sommes disposés
à entendre les témoins qui voudront bien nous faire des
représentations concernant le projet de loi 35.
M. L'ALLIER: M. le Président, je puis dire que je suis
entièrement d'accord sur cette précision de la procédure
que nous suivrons ce matin et je crois qu'il ne serait ni de
l'intérêt de la commission, ni des personnes qui y participent que
les mémoires portent indifféremment et sans ordre sur les projets
de loi 35 et 36.
Nous allons donc entendre, dans un premier temps, toutes les personnes
qui veulent s'exprimer et qui en ont manifesté le désir, suivant
les règles de la commission sur le projet de loi 35.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, en ce qui nous concerne, nous sommes
heureux ce matin de participer aux travaux de cette commission et
d'écouter les trois organismes qui ont déposé des
mémoires ou, du moins, qui vont nous entretenir.
J'aurais souhaité rencontrer ce matin, étant donné
que nous étudierons les projets de loi 35 et 36, des personnes qui ont
travaillé soit à la Régie des services publics, soit
à Radio-Québec. Je souhaite énormément rencontrer
ces personnes, soit les anciens présidents ou directeurs
généraux, soit les présidents actuels ou les membres,
à cette commission. J'aimerais bien pouvoir les rencontrer, s'ils
peuvent se déplacer et venir à notre prochaine réunion
pour que nous puissions, avec eux, éclaircir davantage certains points
qui nous paraissent encore assez obscurs dans les deux projets de loi qui ont
passé le stade de la deuxième lecture.
Je voudrais simplement ajouter, M. le Président, une question au
ministre: Etant donné que le ministre s'est réservé un
pouvoir de réglementation dans le cas du projet de loi 35, est-ce qu'il
entend faire comme son collègue qui a présenté le projet
de loi pour la protection du consommateur, le ministre des Institutions
financières, qui a réuni la commission pour présenter les
règlements? Est-ce que le ministre a l'intention de présenter ces
règlements à la commission, comme son collègue l'a
déjà fait?
M. L'ALLIER: C'est une question technique, M. le Président. Les
règlements qui pourront être faits peuvent l'être soit par
le gouvernement, par le lieutenant-gouverneur en conseil, soit par la
Régie des services publics. Vous avez noté également qu'en
plus d'accorder un pouvoir réglementaire général au
gouvernement, il est également possible au ministre de
référer toutes questions à la Régie des services
publics et de demander que soient tenues des audiences publiques sur ces
questions par la régie. Ou, si le ministre réfère une
question sans demander qu'il y ait d'audiences publiques, la loi permet
à la régie elle-même de décider s'il y aura ou non
audiences publiques.
C'est davantage la forme que pourrait prendre cette consultation
préalable à la préparation des règlements. Pour le
reste, l'élaboration des règlements se fait sur une base
technique et c'est la responsabilité du gouvernement de les adopter et
de choisir les mécanismes de consultation qui lui apparaissent les mieux
appropriés et les plus efficaces afin de permettre une participation
véritable de toutes les personnes intéressées par ces
questions.
Commission permanente
M. L'ALLIER: Par ailleurs, j'ai annoncé la formation d'une
commission parlementaire qui serait permanente et cette commission
parlementaire pourrait certainement mettre en cause l'un ou l'autre ou
l'ensemble des règlements qui pourraient être passés comme
toutes les opérations de communication, de publicité et d'infor-
mation qui seraient sous la responsabilité du ministère des
Communications.
M. LEGER: M. le ministre, est-ce que vous me permettrez une question?
Dans son esprit, cette commission parlementaire statutaire serait-elle une
commission qui serait convoquée d'une façon
régulière une fois par année ou à tous les mois ou
deux mois comme la commission des Institutions financières?
M. L'ALLIER: Le député de Lafontaine se souviendra
probablement de ce que j'avais dit à ce sujet-là. J'avais
proposé, quant à moi, qu'une commission parlementaire permanente
se réunisse à période fixe trois ou quatre fois par
année suivant la convenance de ses membres, mais pas moins que trois
fois par année et qu'elle se réunisse obligatoirement trois fois
par année à intervalles réguliers, permettant ainsi aux
partis de poser, à ces intervalles réguliers, toutes les
questions et de demander toutes les explications relatives aux politiques de
communication, enlevant de ce fait au gouvernement, à cause de la
règle de majorité qui joue dans le cas des autres commissions
parlementaires l'initiative unique de la convocation des commissions
parlementaires. C'est la caractéristique de cette commission
parlementaire qu'elle puisse ou qu'elle doive se réunir à
intervalles fixes ou réguliers trois ou quatre fois par année
suivant ce que les membres pourront en décider. A ce moment-là,
ce n'est pas sur demande ou avec l'accord du gouvernement qu'elle le fait, mais
parce qu'il en a été décidé ainsi par
l'Assemblée nationale.
M. PAUL: M. le Président, le ministre, jeudi soir, nous a
parlé justement de cette commission parlementaire qu'il voudrait voir
siéger à des dates fixes, trois ou quatre fois par année.
Est-ce que le ministre a consulté les officiers légistes du
gouvernement quant à l'opportunité d'insérer dans la loi
l'obligation de la tenue de séance de cette commission permanente des
Communications?
M. L'ALLIER: M. le Président, effectivement, en réponse
à la question du député de Maskinongé, j'ai
consulté les officiers légistes du gouvernement qui doivent me
remettre un avis sur cette question au cours des prochains jours. Je peux vous
assurer que cet avis sera communiqué à cette commission ou
à l'Assemblée nationale avant l'adoption, en troisième
lecture, de l'un ou de l'autre de ces projets de loi.
M. PAUL: Autrement, ce serait trop tard, on ne pourrait pas...
M. L'ALLIER: Une commission parlementaire peut toujours être
formée après l'adoption d'un projet de loi.
M. PAUL: Oui, excepté si on vous a demandé qu'elle soit
inscrite...
M. L'ALLIER: En fait, je ne fais, M. le Président...
M. PAUL: ... dans la loi. On vous a donné une
référence, on vous a cité le bill 50. Mon collègue,
le député de Chicoutimi, vous a référé
à l'article 33, je crois, pour vous signaler que la demande qu'il vous
faisait n'était pas un précédent. Le gouvernement, de
proprio motu, avait jugé bon d'insérer une telle clause dans ce
projet de loi, à la recommandation et à la suggestion du
député de Chicoutimi, à l'occasion du bill 50.
M. L'ALLIER: Le député de Maskinongé sait
très bien, à cause de son expérience parlementaire, qu'il
s'agit là, quand même, d'une façon de procéder
exceptionnelle; en ce sens que ce n'est pas de cette façon que,
régulièrement et d'une façon habituelle, les commissions
parlementaires existent ou fonctionnent. On a même la commission
parlementaire des engagements financiers qui a au moins autant d'importance sur
le plan du contrôle des actions du gouvernement dans la gérance
des fonds publics. Même cette commission n'est pas constituée par
la loi, les lois financières du gouvernement ou la loi du
ministère des Finances, ou quelque loi que ce soit, mais elle est bien,
quand même, une commission permanente. À ma connaissance, cette
formule n'a pas empêché les députés de l'Opposition
de participer à cette commission, aux moments qui y sont prévus,
qui ont été décidés par l'Assemblée
nationale et de faire valoir tous les points qu'ils peuvent vouloir souligner,
dans l'intérêt public. Donc, et je ne voudrais pas ici, sur une
question de forme et de procédure qui peut avoir son importance
et c'est ce que je veux voir, en demandant un rapport écrit des
légistes sur cette question que nous fassions une question de
principe. La position que j'adopte ici est pratique, pragmatique. Ce qui
m'intéresse, c'est que les membres de l'Assemblée nationale
puissent disposer d'un mécanisme de contrôle efficace, pour tous
les partis qui sont à l'Assemblée nationale. Efficace donc, de
l'information, de la publicité et de toutes les opérations de
communications du gouvernement. Ce mécanisme de contrôle ne doit
pas, évidemment, devenir quelque chose qui empêche absolument
toute action, en ce sens que ce n'est pas une commission qui pourrait se
réunir une fois ou deux par semaine, ce serait complètement
dilatoire et contraire à l'intérêt de ce qui est
recherché.
Compte tenu de l'importance des budgets et de l'importance des
opérations d'information etc., il m'apparaît exceptionnel qu'une
telle commission soit inscrite dans la loi, alors que la créer par
l'Assemblée nationale est conforme à la procédure
habituelle. Si on enlève au gouver- nement le droit de convoquer une
telle commission parlementaire à son bon plaisir, si on résume la
situation qui existe par rapport à toutes les autres commissions
parlementaires, et que l'on prévoit, soit par décision de
l'Assemblée nationale, soit dans une législation, que cette
commission se réunit à périodes fixes, à
intervalles réguliers, il m'apparaît que nous donnons ainsi aux
membres de cette assemblée, dans la mesure où ils auront dans
l'intervalle scruté et suivi attentivement les actions du gouvernement
et préparé comme tous les députés de
l'Assemblée nationale de tous les partis leurs dossiers, il m'apparait,
dis-je, qu'ils peuvent d'une façon efficace vérifier, analyser et
juger les actions du gouvernement en ces matières. Donc, j'attends une
note sur cette question des légistes du gouvernement et c'est un
pléonasme que de le dire elle nous sera communiquée soit
à l'Assemblée nationale, soit en commission parlementaire avant
l'adoption du projet de loi en troisième lecture pour que nous puissions
en débattre s'il y a lieu.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, au sujet de ce que
vient de dire le ministre, il y aurait quand même deux observations
à faire. 1- Il y a la question des règlements qui doit suivre
l'adoption du projet de loi 35. Le ministre vient de nous dire qu'il s'agit
d'une question technique on s'en doutait bien entendu mais le
ministre doit se rappeler les débats que nous avons eus en Chambre. Or,
l'un des reproches que l'on a faits à ce projet de loi, c'est justement
cette question de l'initiative du gouvernement en matière de
réglementation, de l'action de la Régie des services publics. Le
gouvernement va, par règlements, déterminer le cadre de l'action
de la Régie des services publics. Or, c'est là un danger que nous
lui avons signalé et j'ai été heureux d'entendre le
député de Lafontaine rappeler ce que j'avais demandé en
Chambre, à savoir que le gouvernement devrait, en même temps qu'il
nous présente le projet de loi 35, lors de l'étude en commission
parlementaire ou en comité plénier en Chambre, nous
présenter, sinon le détail complet, la réglementation, du
moins les principes généraux, les normes et les critères
qui régiront l'action de la Régie des services publics.
Il ne s'agit pas simplement d'une question technique, il s'agit d'une
question de principe, parce que, au terme du projet de loi 35, il
apparaît très nettement que cette Régie des services
publics n'aura pas d'autres pouvoirs que ceux que le gouvernement,
c'est-à-dire le lieutenant-gouverneur en conseil, voudra bien lui donner
par voie de réglementation.
M. L'ALLIER: M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il est donc important que nous soyons
informés des intentions du gouvernement en ce qui concerne cette
réglementation. Je sais que le ministre ne sera pas d'accord sur
la déclaration que je viens de faire; elle a d'ailleurs fait l'objet de
nos discussions en Chambre, mais j'y reviens ce matin pour le mettre en garde,
encore une fois, contre une initiative du gouvernement qui ferait que la
Régie des services publics ne régirait désormais plus
rien.
D'autre part, la seconde observation que je voulais faire concerne la
question de la convocation de la commission parlementaire. Le ministre nous a
dit à propos de l'article 33 de la loi 50, qu'il s'agit d'un fait
inusité. Inusité, M. le Président, et pour cause, c'est
que la Société de développement de la baie James aura
à s'occuper d'une exploitation d'un caractère particulier. On
peut en dire autant, par analogie, de l'activité du gouvernement en
matière de communication. Il serait donc extrêmement, non
seulement utile, mais nécessaire, que le gouvernement s'autorise de ce
précédent que l'Assemblée nationale a créé,
à ma demande d'ailleurs, en insérant dans le projet de loi 36,
une disposition, une prescription impérative de la loi permettant la
convocation de la commission parlementaire à des moments
déterminés ou à des moments qui seraient fixés
lorsque des députés, un nombre X de députés que la
loi pourrait prévoir, demanderaient la convocation de la commission
parlementaire pour étudier des problèmes pertinents à
l'information gouvernementale, toutes les fois que cela paraîtrait
nécessaire aux membres de l'Assemblée nationale.
Je comprends que le ministre puisse agir avec prudence, en demandant
l'avis de conseillers juridiques, mais je le prierais de référer
encore une fois à la loi 50 et à l'article 33 de cette loi et de
s'autoriser de ce précédent que nous avons créé
pour inscrire dans un texte législatif une garantie additionnelle sans
laquelle nous ne pourrons pas faire confiance au gouvernement et le laisser
libre d'agir à sa guise dans le domaine de l'information
gouvernementale. Surtout que, M. le Président et j'y ferai
allusion, sans entrer dans les détails les expressions d'opinions
qui ont été émises en fin de semaine nous indiquent
très clairement que, même si mauvais que soient les projets de loi
que présente le ministre, ils ne satisfont pas encore les
spécialistes de "walkie-talkie" de M. Paul Desrochers.
M. L'ALLIER: Quand on a des congrès où il y a seulement
200 personnes, on a pas besoin de ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand on a des congrès où il y a
200 personnes honnêtes, M. le Président, on n'a pas besoin de
"walkie-talkie", le ministre a raison.
M. L'ALLIER: Je n'ai pas dit "honnêtes", j'ai dit "200
personnes".
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais moi, j'ai complété votre
pensée.
M. L'ALLIER: C'est une exagération.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Etant un homme d'Unité-Québec,
vous me comprenez très bien. C'est d'ailleurs le reproche qu'on vous a
fait en fin de semaine.
Passons, M. le Président à l'audition des
mémoires.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre, est-ce que vous avez des commentaires
à faire?
M. L'ALLIER: Je n'ai pas de commentaires.
M. LE PRESIDENT: Nous allons procéder à l'audition des
mémoires. Nous avons trois mémoires inscrits à la liste.
Deux de ces mémoires ont été présentés par
écrit et un troisième, me dit-on, sera présenté
verbalement, seulement.
Nous allons donc procéder aux deux mémoires écrits
que nous avons en notre possession. J'inviterais le représentant de
Québec-Téléphone à venir faire les commentaires et
à s'identifier au préalable.
Vous pouvez rester assis.
Québec-Téléphone
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je suis Jean-Marc Tremblay,
vice-président et secrétaire de
Québec-Téléphone.
M. le Président, M. le ministre, messieurs, je dois d'abord
m'excuser auprès de cette commission de n'avoir pu remettre mon
mémoire écrit avant ce matin. Les délais étant
très courts, il nous a fallu travailler à la toute
dernière minute.
Il serait peut-être important, pour la bonne compréhension
de cette commission, de définir en quelques mots ce qu'est
Québec-Téléphone.
Québec-Téléphone est une compagnie
incorporée, suivant les lois du Québec depuis 1927. C'est la plus
importante entreprise de télécommunications sous la juridiction
du Québec, depuis cette date. Québec-Téléphone
fournit le service téléphonique à une population d'environ
530,000 âmes, vivant sur un territoire de 102,000 milles carrés.
C'est-à-dire, un territoire qui couvre 40 p.c. du territoire du
Québec.
Il n'est pas dans l'intention de Québec-Téléphone
de s'opposer à une politique des communications pour le Québec.
Cependant, même si l'importance des communications dans la vie
économique est très évidente, il ne faudrait pas, par une
loi trop libérale, mettre en tutelle l'organisme qui a pour but de les
régir, surtout si celui-ci a prouvé, dans le passé, sa
compétence et son efficacité dans son pouvoir de contrôle
et de surveillance.
En effet, le bill 35, en édictant que la Régie des
services publics devra se conformer à la
réglementation adoptée par le lieutenant-gouverneur en
conseil sur les recommandations du ministre des Communications, touche cette
régie dans ce qu'elle a de plus sacré, c'est-à-dire son
autonomie de tribunal administratif et sa liberté d'organisme de
contrôle et de surveillance.
Québec-Téléphone, étant sous la juridiction
de la régie depuis plus de quarante ans, croit que celle-ci est encore
la mieux placée pour assurer les responsabilités de l'Etat en
matière de réglementation et de normalisation de
l'équipement, et, dans une certaine mesure, de l'utilisation de moyens
de communications au Québec. Nous soumettons que ces
responsabilités doivent être exercées dans un cadre
flexible sans réglementation ou directives particulières et
précises venant de l'exécutif, car alors, la régie, nous
le répétons, se doit de garder son indépendance de
tribunal administratif qui ne décide des questions que sur les faits de
la cause ou de l'argumentation apportée par les parties.
Que le bill 35 attribue à la Régie des services publics
une compétence à l'égard de toutes les entreprises de
communications, cela est nécessaire et important; que le bill 35
augmente le pouvoir réglementaire de la régie, cela est
très souhaitable, mais que cette même loi augmente le pouvoir
réglementaire du ministère des Communications, cela créera
un pouvoir parallèle de contrôle et de surveillance, ce qui est
inutile en plus de risquer de semer la confusion.
Sur ce point, nous suggérons que l'article 3a) du bill 37 dont il
est question à l'article 25 de la Loi de la Régie des services
publics, bill 35, soit amendé en remplaçant les sous-paragraphes
a), b) et c) de l'article 3a) du bill 37 par la phrase suivante, "Afin
d'exercer les pouvoirs à lui conférés par l'article 3 de
cette loi."
L'article 3a) se lisant alors comme suit: "Le lieutenant-gouverneur en
conseil peut, sur la recommandation du ministre et dans le cadre de la
compétence du Québec, faire des règlements afin d'exercer
les pouvoirs à lui conférés par l'article 3 de cette loi."
En effet, les pouvoirs énoncés à ces sous-paragraphes sont
trop particularisés et ne laissent plus place à la
flexibilité dont nous parlions plus haut, alors que les pouvoirs
déjà accordés au ministère des Communications par
l'article 3 du bill 87 ou du chapitre 229, 1964, sont suffisamment larges pour
permettre au ministère des Communications d'énoncer la politique
du gouvernement en matière de communications.
Nous soumettons de ,plus que l'article 25a) du bill 35 créera des
situations qui placeront la régie dans une position intenable, tout en
forçant peut-être à l'occasion l'entreprise publique
à récuser comme tribunal, la régie, se privant ainsi d'un
organisme dont elle a besoin dans l'intérêt public.
Il ne faudrait pas, à notre avis, que la régie devienne un
forum public se suppléant ainsi au législatif. Aussi, le
deuxième paragraphe de l'article 25a) doit être abrogé pour
ne laisser que le premier paragraphe qui permet des enquêtes, mais tout
en sous-entendant qu'elles seront dans des domaines limités et bien
déterminés.
En terminant, nous nous déclarons en faveur du bill 35, pour
autant qu'il préserve les pouvoirs de la régie qui, ayant
juridiction sur tout le champ des communications, pourra librement
réglementer, en tenant compte des lignes générales de
pensée du gouvernement, contrôler et surveiller les entreprises
publiques, le tout dans l'intérêt général du public
québécois. Merci.
M. L'ALLIER: Je n'ai aucun commentaire à faire pour l'instant sur
l'exposé qui vient d'être fait. J'aurai certainement des questions
à poser tout à l'heure à l'intervenant.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il est assez étonnant que le ministre
n'ait point de commentaire à faire sur l'article litigieux ou
contentieux par excellence, soit le pouvoir de réglementation du
lieutenant-gouverneur et du ministre des Communications. Quant à nous,
nous avons déjà fait connaître notre attitude à ce
sujet et les arguments que nous trouvons dans le mémoire
présenté par la société
Québec-Téléphone sont exactement ceux que nous avions
présentés en Chambre, à savoir qu'il y aura une sorte
d'organisme parallèle, que la Régie des services publics se
trouve privée à toutes fins utiles des droits qu'elle avait,
qu'elle perd son caractère d'organisme quasi judiciaire. Par
conséquent, nous ne pouvons que faire nôtres les observations qui
ont été faites par le représentant de la
société Québec-Téléphone. Je sais que mon
collègue, le député de Maskinongé, a des
observations. Alors, je le laisse poursuivre.
M. PAUL: Ce qui nous frappe à la lecture de ce mémoire,
c'est le danger que Québec-Téléphone veut porter à
notre attention, spécialement à l'article 25 a). Nous nous
demandons pourquoi le gouvernement veut s'immiscer dans les opérations
normales de la Régie des services publics. Si nous lisons attentivement
le mémoire de Me Tremblay, nous constatons que la compagnie
Québec-Téléphone a été jusqu'ici
entièrement satisfaite des décisions, de la juridiction et des
initiatives prises par la Régie des services publics. Comme le signalait
mon collègue, le député de Chicoutimi, lorsque nous avons
étudié le principe du projet de loi 35, nous nous sommes
révoltés contre ce pouvoir discrétionnaire que voulait
s'accorder le ministre des Communications afin de faire entériner par le
Conseil exécutif des décisions dans le domaine de
l'administration de la Régie des services publics. J'ai même,
à l'occasion du discours de deuxième lecture, mis le ministre
en
garde contre cette intrusion du politique dans le quasi judiciaire ou le
judiciaire.
Personnellement et je suis sûr que je me fais
également l'interprète du député de Chicoutimi
nous félicitons la compagnie
Québec-Téléphone et son procureur pour avoir
réalisé comme nous le danger de cette loi qui nous est
imposée par le gouvernement, qui sera adoptée avec sa
majorité de 72, mais qui ne sera certainement pas dans le meilleur
intérêt de tous ceux qui doivent s'adresser à la
Régie des services publics pour voir leur conflit se régler
à l'entière satisfaction ou du moins, presque la plupart du
temps, des intéressés.
Je me demande pourquoi le ministre ne pose pas de question, ne fait pas
de commentaire. Est-ce qu'il est déjà assommé par les
remarques fort intelligentes de l'auteur du mémoire? Est-ce qu'il n'est
pas encore revenu du choc des événements de la fin de semaine?
A-t-il la voix de son maître pour faire des commentaires? Voilà ce
qui nous inquiète et j'espère que le ministre verra à
faire tout à l'heure des remarques dans le but, sans doute, de nous
donner une réplique. Mais, à ce compte-là, qu'il soit sans
inquiétude, nous le retrouverons à l'Assemblée
nationale.
M. L'ALLIER: Je voudrais tout de suite rassurer le député
de Maskinongé si je n'ai parlé le premier suite au mémoire
qui a été présenté par
Québec-Téléphone. Ce n'est pas que je n'avais rien
à dire mais je n'ai pas comme lui et son collègue la
facilité d'improviser sur n'importe quel sujet. Je
préfère...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Certainement, certainement.
M. L'ALLIER: Qu'est-ce que vous voulez?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est dommage.
M. PAUL: Voulez-vous dire que vous avez présenté une loi
par improvisation sans en connaître les principes?
M. L'ALLIER: On vous laisse parler quand vous parlez. Laissez-nous donc
parler aussi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous vous posons des questions.
M. L'ALLIER: Merci. Vous êtes gentils.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On peut même vous passer un
walkie-talkie.
M. L'ALLIER: Vous parlez assez fort sans ça. Je n'ai pas comme
vous l'habitude d'improviser sur ces questions. J'aurai quelques questions
à poser à l'intervenant tout à l'heure.
Je peux le faire maintenant mais je préfère que le
député de Lafontaine, qui a demandé la parole, obtienne ce
droit de parole.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, j'ai quelques questions à poser
à Me Tremblay. Dans votre mémoire, vous dites à la page 5
"que l'article 25 a) (du projet de loi 37) créera des situations qui
placeront la régie dans une position intenable tout en forçant
souvent l'entreprise publique à récuser la régie comme
tribunal." Est-ce que vous pourriez donner un exemple de situations qui
pourraient survenir, si la loi est adoptée telle quelle, pour prouver
les conséquences que vous amenez à la page 5 de votre
mémoire?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Par exemple, supposons qu'à la suite de
pressions populaires la régie soit amenée à siéger
dans la région de Rimouski sur le mauvais service
téléphonique qui pourrait être donné. Si le
ministre, bien sûr, juge à propos que cette audience doit avoir
lieu, en supposant qu'elle a lieu, toute personne pourra venir
déblatérer contre le service, contre la compagnie, plaçant
ainsi cette compagnie dans une situation telle que, par hasard, pour les
mêmes questions, lorsqu'elle devra revenir devant la régie,
celle-ci sera placée dans une position où elle ne pourra pas
l'entendre. C'est une question de récusation des juges. C'est ce que
j'avais à l'idée quand j'ai parlé des conséquences
néfastes de l'article 25 a), deuxième paragraphe.
M. LEGER: Est-ce que vous pourriez conclure que, du fait que le
ministère se réserve le pouvoir de réglementation, comme
la régie en possède aussi, ce serait une ingérence de
l'exécutif dans le judiciaire? Est-ce que vous iriez
jusque-là?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Il n'y a aucun doute dans mon esprit.
M. LEGER: M. le Président, je vois que
Québec-Téléphone est une compagnie qui a une charte
provinciale. Est-ce que le fait que Québec-Téléphone ait
une charte provinciale et que la compagnie Bell Canada ait une charte
fédérale et qu'il y ait même une loi spéciale pour
la Bell Canada, a pu créer à ce jour certains problèmes de
juridiction fédérale-provinciale étant donné que
vous êtes quand même en compétition dans certains endroits
avec la compagnie Bell Canada? Est-ce que le fait d'avoir une charte
provinciale par rapport à une autre compagnie à charte
fédérale a créé des problèmes et avez-vous
des exemples précis?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Dire non serait m'éloigner de la
vérité. Dire oui et citer des exemples, je pense que c'est assez
facile. Il reste que vous avez deux compagnies importantes au Québec et
vous avez une compagnie qui a, comme tribunal administratif et comme organisme
de contrôle, la Régie des services
publics et vous avez une autre compagnie qui a, comme organisme de
contrôle, la Commission des transports. Il est bien certain que c'est une
question de constitutionnalité que vous me posez. Ce n'est pas moi qui
peux la régler; je dois tout simplement vous dire qu'assez souvent c'est
très difficile parce qu'on ne trouve pas un organisme qui pourrait
entendre les deux parties sur des questions données. Je ne sais pas si
ça répond à votre question.
M. VEILLEUX: M. le Président...
M. LEGER: Je vais terminer ma question...
M. VEILLEUX: ...au sujet de la question que vous avez posée
à M. Tremblay au début, son exemple de récusation que
pourrait avoir quelqu'un vis-à-vis du tribunal, je ne l'ai pas tout
à fait compris. Est-ce à dire que vous n'êtes pas d'accord
que des gens non satisfaits d'un service public puissent aller s'exprimer en
public devant la Régie des services publics?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Il existe
présentement la possibilité pour les abonnés non
satisfaits du service public de porter une plainte à la régie et,
alors la cause s'instruit dans un cadre judiciaire où chacune des
parties fait valoir ses points et la régie tranche la question. Mais ce
n'est pas un forum public à ce moment-là. C'est un tribunal
administratif.
M. LEGER: M. le Président, je vais continuer. Dans un cas
précis comme dans la région de Port-Cartier, il est arrivé
que Québec-Téléphone était en train de construire
des lignes et que la Bell Canada aussi installait des lignes parce qu'elle
avait eu la permission d'un autre organisme. Est-ce que cette chose a
été réglée par la juridiction provinciale ou par
une juridiction fédérale?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Présentement, la situation est celle-ci:
les deux compagnies sont sur place et chacune administre son réseau.
M. LEGER: Dans la même ville?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Dans le même territoire.
M. LEGER: Et quelle solution verriez-vous à un tel
problème ? Est-ce un problème constitutionnel ou s'il y a
d'autres sources de solution?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je crois, remarquez bien que c'est une opinion
personnelle, que seuls les gouvernements pourront régler cette
question.
M. LEGER: M. le Président, concernant la baie James, est-ce
qu'actuellement la compagnie Québec-Téléphone a eu une
ouverture pour étudier les possibilités d'installer des lignes
dans le territoire de la baie James?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Absolument pas.
M. LEGER: Etes-vous au courant si...
M. LEDUC: Si le député de Lafontaine me le permet...
M. LEGER: Oui.
M. LEDUC: ...est-ce que Québec-Téléphone a fait une
demande ou une offre pour couvrir le territoire de la baie James?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Non plus.
M. LEDUC: Est-ce que Québec-Téléphone serait
intéressée à couvrir le territoire de la baie James?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je pense que c'est difficile pour moi d'engager
la compagnie. La question n'a pas été étudiée
à l'heure actuelle, au moment où je parle.
M. LEDUC: Merci.
M. LEGER: Est-ce que la compagnie Bell Canada est en train de faire des
études de ce côté là?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je l'ignore. M. LEGER: Je vous remercie.
M. L'ALLIER: M. le Président, j'aurais comme mes
prédécesseurs quelques questions à poser à M.
Tremblay. Lorsque, M. Tremblay, à la page 4 de votre mémoire,
vous suggérez un amendement à l'article 3 du projet de loi no 37,
je comprends que nous n'en sommes pas à cet article, à
l'étude de ce projet de loi ici, mais, comme vous en avez fait mention
dans votre mémoire, je voudrais tout simplement vous poser une question.
Vous suggérez de remplacer les sous-paragraphes a), b) et c), de
l'article 3 a) par ceci: Afin d'exercer des pouvoirs à lui
conférés par l'article 3 de cette loi. Vous dites, si j'ai bien
compris, qu'à ce moment-là, l'article 3 a) se lirait comme suit:
Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du ministre et
dans le cadre de la compétence du Québec, faire des
règlements afin d'exercer des pouvoirs à lui
conférés par l'article 3 de la loi. C'est cela?
Je vous demanderais de regarder l'article 3 de la loi. Cet article dit
ceci: La dite loi est modifiée en insérant après l'article
3 le suivant. Si vous l'avez fait, je vous demanderais de me dire de quelle
façon, en donnant un pouvoir de réglementation encore plus
général que celui qui est prévu dans les sous-articles a),
b) et c) de
quelle façon vous interprétez la nouvelle proposition que
vous faites comme étant restrictive du pouvoir réglementaire. En
d'autres mots, ce que je veux dire, si votre objectif est de faire en sorte que
le pouvoir réglementaire du gouvernement soit restreint par rapport
à la Régie des services publics, comment comptez-vous y arriver
en donnant, par ailleurs, au gouvernement un pouvoir réglementaire
général qui se lit comme suit: Faire des règlements afin
d'exercer les pouvoirs à lui conférés par l'article 3 de
cette loi, alors que l'article 3 a) précise les cas d'exercice de cette
réglementation?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Justement, M. le ministre, l'article 3 a)
particularise davantage en parlant de conditions d'établissement,
d'exploitation, d'administration, d'extension et de modification. A ce
moment-là, je vous garantis qu'il ne reste pas grand-chose.
M. L'ALLIER: Je suis d'accord, mais si vous regardez dans l'article 3,
vous voyez: "Le ministre doit dans le cadre de la compétence du
Québec surveiller les réseaux de communications établis au
Québec, favoriser l'établissement, le développement,
l'adaptation et l'efficacité de tels réseaux de communications."
Si vous me donnez, comme ministre des Communications, ou vous proposez que l'on
me donne un pouvoir réglementaire général, le seul
sous-paragraphe a) de l'article 3 me permet de faire tous les règlements
prévus dans a), b) et c), sous-paragraphes de 3 a).
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Il vous permet d'émettre, à mon
avis remarquez bien, je peux me tromper, je ne suis pas
législateur la politique générale du gouvernement
en matière de communications, et non pas d'émettre des
règlements qui, par exemple, donneraient le pouvoir au ministère
d'exiger le dépôt de certains plans d'implantation,
d'exploitation, que nous devons également déposer à la
Régie des services publics. C'est là, à ce
moment-là, que je parle d'organisme de contrôle parallèle
qui va créer la confusion.
M. L'ALLIER: Mais vous croyez que la proposition que vous faites
conformément à l'article 3 serait restrictive du pouvoir
réglementaire proposé dans la loi telle qu'elle existe?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): C'est l'opinion que j'ai émise. Le
gouvernement n'est pas obligé de la partager.
M. L'ALLIER: Non, je ne vous dis pas que nous allons oui ou non la
partager. Votre opinion a été, par la suite, partagée par
les députés de l'Opposition; mais si vous êtes d'avis et
que les députés sont d'accord avec vous, que la formulation que
vous proposez est restrictive du pouvoir réglementaire du gouvernement
en cette matière, par référence à l'article 3 a),
je vais l'étudier dans cette optique.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. LEGER: Sur ce point, justement, est-ce que vous croyez que la
conséquence de la réglementation qui sera émise en partie,
ou en grande partie par le ministère pourrait, à cause de
règlements dans ce sens, obliger des compagnies à déposer
des plans dans le but d'obtenir au préalable, avant même de se
présenter devant la régie, un permis ou, du moins, une
acceptation technique et, par la suite, passer en deuxième lieu à
la régie pour avoir le permis officiel? Autrement dit, un
dédoublement de permis pourrait avoir un contrôle de
l'exécutif sur l'appareil judiciaire.
M. TREMBLAY (Jean-Marc): C'est l'appréhension qu'a
Québec-Téléphone à la lecture de l'article 3 a) tel
que libellé.
M. L'ALLIER: Je voulais dire, M. Tremblay, si j'ai bien compris ce que
vous avez voulu dire, ce qui a été très clairement
accepté d'ailleurs comme valable par l'Opposition au moment de
l'étude du projet de loi no 37 en commission parlementaire; que je
tiendrai le plus grand compte des remarques que vous faites.
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Si j'en ai parlé à M. le
ministre, c'est parce que, dans le bill 35, quand même, à
l'article 25, on fait allusion à l'article 3 a) du bill 37.
M. L'ALLIER: Oui et, à ce moment-là, il faudrait modifier
éventuellement l'article du bill 35 pour faire uniquement allusion
à l'article 3. Voilà ce que ça voudrait dire.
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Oui.
M. LEGER: M. le Président, pour continuer, est-ce que...
M. L'ALLIER: M. le Président, je m'excuse, je n'ai pas fini. Vous
aviez tout à l'heure la parole. Je peux continuer, moi aussi?
M. LEGER: C'est que vous m'avez coupé la parole. Je l'avais mais
je n'ai pas d'objection.
M. L'ALLIER: Non, j'ai demandé au député du
Ralliement créditiste s'il avait quelque chose à dire et j'ai
commencé à poser une question en disant que j'en avais deux. J'en
ai posé une. Je vais poser la deuxième. Ensuite, vous pourrez
continuer.
La deuxième question que je voulais vous poser touche
précisément des audiences publiques. Vous avez dit que, si on
permettait de quelque façon à la Régie des services
publics de tenir des audiences, ça pourrait devenir une cause de
récusation valable de ce tribunal administratif ou de cette régie
parce que ce n'est pas un tribunal, mais bien une régie, par rapport
à ceux qui doivent présenter par la suite
des dossiers ou des demandes devant cette régie.
Avant de poser ma question, je voudrais préciser que le seul
moment où la Régie des services publics fonctionne comme un
tribunal actuellement, c'est en matière d'expropriation parce que, en
matière d'expropriation, la régie siège sur des
décisions prises par l'administration, plus particulièrement le
ministère de la Voirie, et c'est lorsqu'il y a contestation par un
exproprié d'une décision administrative que le dossier est
porté devant la régie qui se comporte alors et fonctionne
exactement comme un tribunal.
En matière de communications, la Régie des services
publics est une unité réglementaire et, si elle fonctionne
également comme un tribunal, il faut lui donner les attributs d'un
tribunal. C'est-à-dire qu'un tribunal ne peut, en même temps,
être réglementaire lui-même et être celui qui juge de
ses propres règlements. Il peut se fixer des règles de
procédure, des règles de fonctionnement et c'est ce qui est
prévu aux articles 20, 31, 42 et 21 plus particulièrement de la
Loi de la Régie des services publics.
Alors, comment peut-on demander que la Régie des services publics
conserve un pouvoir réglementaire d'orientation dans les contenus,
au-delà, donc, de la simple procédure, et en même temps,
demander que cette régie soit, à tout point de vue, un
tribunal?
Depuis quand la cour Supérieure ou la cour Provinciale, ou la
cour d'Appel détermine-t-elle que, en matière d'expropriation ou
en matière civile, par exemple, quelles sont les règles du code
civil pour ensuite changer de chapeau et s'asseoir derrière le
même banc et décider si, effectivement, on a suivi ces
règlements?
C'est en fait cette ambiguïté qui existe à la
Régie des services publics, en ce sens que c'est d'abord un organisme
administratif qui est responsable de l'application de certaines règles
et de certains règlements qui, pour les fins des expropriations,
fonctionne comme un tribunal et qui, d'une façon générale,
fonctionne comme un tribunal.
Il faut en effet que cette régie, si vous voulez, ait quand
même toutes les garanties d'efficacité, et qu'on lui donne le
schéma extérieur d'un tribunal. Il faudra davantage la comparer
en matière de communications, à ce qui existe dans d'autres pays
ou à ce qui existe dans d'autres secteurs ici au Québec. La
Régie des alcools, par exemple, ou d'autres régies qui sont des
organismes d'attribution, ne font pas de règlements. Ce n'est pas la
Régie des alcools qui décide si oui ou non on va vendre du cidre
au Québec et quel cidre l'on vendra. La régie est là pour
faire respecter une loi ou une réglementation qui indique les corridors
généraux de ce que le gouvernement décide de faire dans
tel ou tel domaine. C'est donc cela qu'est la Régie des services publics
avant tout. On ne peut pas lui demander d'être à la fois
l'organisme de décision dans le secteur des communications et ensuite
l'organisme régulateur et l'organisme de contrôle dans les
secteurs des communications. Si on veut le faire, il faudrait le
préciser.
Je reviens donc à la question que je voulais vous poser, quand
vous dites que la Régie des services publics ne pourrait sans danger
tenir des audiences publiques. J'aimerais que vous me répétiez
les arguments que vous avez invoqués. En effet, quelles
procédures pourrait-on adopter pour que les parties qui ne sont pas
nécessairement impliquées dans un dossier qui est devant la
régie puissent se faire entendre sur une question plus
générale? Lorsque quelqu'un demande un permis d'exploitation pour
un débit de boissons, il est loisible à toutes les parties,
à toute personne intéressée, sur avis, de venir devant ce
tribunal, devant cette régie, faire valoir leur point de vue. Il est
aussi loisible à la régie, dans le cas de la loi actuelle, de
convoquer des parties pour entendre un point de vue, mais il n'est pas loisible
à toute personne intéressée de venir devant la
régie.
M. PAUL: Ils peuvent toujours prendre une intervention, une partie
intéressée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre interprète d'une
façon...
M. L'ALLIER: M. le Président, voulez-vous...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... exceptionnellement naive les pouvoirs de
la régie.
M. L'ALLIER: Voulez-vous rappeler au député de Chicoutimi
de ne pas m'interrompre?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je n'ai pas interrompu
le ministre, j'ai tout simplement eu une exclamation de surprise de voir la
grande...
M. L'ALLIER: Vous êtes plein d'exclamations, M. le
Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... naiveté avec laquelle il
interprète les pouvoirs de la régie. Grand Dieu! qu'il relise
tous les pouvoirs de la régie, qui sont...
M. L'ALLIER: Vous êtes pétant d'exclamations
quotidiennement et cela devient assez fatigant pour les membres de
l'Assemblée nationale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vois que le ministre est irrité, ce
serait un mauvais signe de commencer la journée de mauvaise humeur.
M. PAUL: Vous n'auriez pas dû passer la fin de semaine où
vous êtes allé.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, à l'ordre! La parole est au ministre
des Communications.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Redonnons la bonne humeur au ministre.
M. L'ALLIER: Cela ne viendra certainement pas de vous.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je m'en rends compte. Nos objections sont trop
sérieuses.
M. L'ALLIER: Assurément, M. le Président, on a, à
toutes fins pratiques, tout le parti de l'Unité-Québec devant
nous.
M. PAUL: M. le Président, j'en appelle au règlement, en
vertu de la constitution des commissions, nous avons droit à deux
membres à cette commission. Mais, où sont-ils, comme d'habitude,
les représentants ministériels sur les 72?
M. L'ALLIER: La majorité silencieuse. Le même câble
les touchera. Un de chaque côté.
M. PAUL: Non. Alors, M. le Président, je crois que les remarques
du ministre sont farfelues sur ce point-là comme sur l'objet du
présent bill.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et procèdent de son
irritabilité.
M. LEGER: On n'a pas droit à plus d'un.
M. PAUL: Je ne vous ai pas regardé, tout à l'heure, non
plus.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, revenons à l'ordre.
M. L'ALLIER: Je ne voulais pas dire qu'Unité-Québec
n'était pas ici au complet. Je voulais dire que, ces deux personnages
importants étant ici, il n'y avait plus personne ailleurs.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est excellent, cela! C'est excellent.
M. PAUL: C'est là que vous vous ramasserez, un jour, avec des
surprises! D'ailleurs, vous serez peut-être un de nos convertis, un
jour!
M. L'ALLIER: L'amertume qui perce! L'amertume du lundi matin!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est son premier ministre qui lui demandait,
un jour, de faire partie de l'Union Nationale.
M. L'ALLIER: Cela n'existe déjà plus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, c'est que vous seriez
d'Unité-Québec.
M. L'ALLIER: Nullité-Québec, dites-vous?
M. PAUL: Humilité-Québec, pour le moment.
M. LEGER: Oh, cela n'est pas sa qualité première.
UNE VOIX: Walkie-Talkie Québec.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, à l'ordre!
M. L'ALLIER: Je voulais que vous précisiez, en fait, les
objections que vous avez à ce que la Régie des services publics
puisse tenir des audiences publiques. Est-ce que ces objections portent
essentiellement sur le secteur qui vous intéresse, à savoir le
téléphone, ou si vous les étendez à toute autre
question de communications, comme l'attribution, éventuellement, de
permis pour la câblodistribution, comme la question de la
publicité dans la câblodistribution, etc.? Parce que vous
n'ignorez pas que le but premier du projet de loi 35, c'est de donner à
la régie une extension de précision de sa juridiction, pour
qu'elle puisse réglementer tout le secteur de la
câblodistribution. Est-ce que, dans ce secteur particulier vous verriez
les mêmes inconvénients?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je pense, M. le ministre, qu'on ne s'entend
peut-être pas sur ce que vous entendez par audiences publiques. Parce que
je crois que, présentement, dans le domaine des
télécommunications, la régie a des audiences publiques sur
des points donnés où toute partie intéressée peut
se faire entendre.
M. L'ALLIER: Quand vous dites sur des points donnés, vous voulez
dire sur un dossier. Sur quel dossier?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Sur un dossier donné. Ce que j'ai vu,
là-dedans, moi...
M. L'ALLIER: C'est-à-dire que je m'excuse de vous
interrompre si vous demandez une modification de tarifs par exemple, la
régie tient des audiences; mais si vous ne demandez pas de modification
de tarifs, la régie ne peut pas d'elle-même étudier et
demander l'avis général des intéressés sur la
tarification du téléphone au Québec, par exemple.
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Alors, si je comprends bien le ministre, dans
ce paragraphe, et c'est ce que j'y ai vu, moi de l'avis du
ministre, la régie va faire le tour de la province pour savoir si les
taux de Québec-Téléphone, par exemple, sont trop
élevés. Si les taux de telle autre compagnie...
M. L'ALLIER: On se comprend mal, il ne s'agit pas d'enquête. Il
s'agit de questions
importantes. Il s'agit, par exemple, à un moment donné, de
savoir si, avant de faire un règlement qui touche la
câblodistribution, qui porterait sur la publicité, il doit ou non
y avoir de la publicité et de quelle nature, en matière de
câblodiffusion, compte tenu de l'intérêt des
radiodiffuseurs, des télédiffuseurs, de la population, des
consommateurs, etc. Une question comme celle-là, moi je crois que le
ministre comme le gouvernement ne peut en décider, à moins de
procéder à des audiences qui permettent à toute personne
intéressée de comparaître pour une question qui n'est pas
soumise par une personne intéressée. Je n'attendrais pas que les
câblodiffuseurs viennent demander si oui ou non on aura de la
publicité. En d'autres mots, c'est un droit; le gouvernement demande de
pouvoir référer à la Régie des services publics des
questions et, sur ces questions, si elles sont jugées de telle
importance, le ministre peut demander des audiences publiques. Cela ne veut pas
dire que la régie part en roulotte et se promène. Elle fera comme
elle le voudra; elle pourra décider que cela dure deux jours à
Québec. C'est à elle de déterminer, par règle de
procédure, la façon dont elle tiendra ses audiences. Elle pourra
décider que cela dure six heures et que cela se fasse à
Québec et que les parties doivent se conformer à telle ou telle
procédure, soumettre des mémoires écrits ou non
écrits, soumettre des mémoires de cent pages ou de deux pages. Ce
sera à elle de déterminer la façon dont elle tiendra des
audiences publiques. La régie pourra, par ailleurs, sur toute question
qui lui est soumise et qui pourrait être contraire, si vous voulez,
qu'elle pourrait juger incompatible avec sa fonction réglementaire, dire
que sur telle question, elle ne peut donner d'avis. Rien ne l'empêche de
faire cela.
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Alors, si je comprends bien le ministre, ce
serait seulement dans le but d'une réglementation éventuelle par
le ministère que ces audiences publiques seraient tenues.
M. L'ALLIER: C'est dans le but, au niveau réglementaire,
d'éviter au gouvernement, par improvisation ou autrement, de se lancer
dans des règlements qui ne soient pas conformes à
l'intérêt de la plus grande majorité des personnes
intéressées. C'est le but que nous recherchons. Cette
procédure d'audiences publiques par la Régie des services publics
n'est pas une procédure originale et nouvelle, elle se retrouve ailleurs
dans d'autres juridictions. Et, encore une fois, si la régie de son
côté peut décider que, sur telle question, parce que c'est
un avis que le ministre lui demande, elle n'a pas d'avis à donner au
ministre ou elle est incompétente, ou que, pour toute autre raison, elle
n'a pas à donner son avis ou elle ne peut pas donner son avis, cela
s'arrêterait là. Je trouverais un autre mécanisme de
consultation.
M. LEGER: Est-ce que je pourrais poser quelques questions au
ministre?
Le ministre disait tantôt: Il est assez inusité qu'un
organisme fasse ses règlements et par la suite soit le tribunal pour les
juger. Voulez-vous dire par là que jusqu'à maintenant la
régie n'aurait pas fait de règlements sur lesquels elle aurait
été appelée à juger?
M. L'ALLIER: Il faudrait que je fasse un relevé statistique de
toutes les décisions de la régie. C'est disponible, c'est public.
Je n'ai pas dit qu'un organisme ne pouvait pas faire de règlements,
ensuite les faire appliquer. J'ai dit qu'un organisme comme
celui-là...
M. LEGER: Les juger, j'ai dit.
M. L'ALLIER: Oui. Un organisme comme celui-là doit faire des
règlements de fonctionnement, des règles de procédure,
doit déterminer à l'intérieur d'une loi plus
générale comment ça va fonctionner, comment on va
proèéder devant...
M. PAUL: Les règles de pratique.
M. L'ALLIER: ... des règles de pratique effectivement. Mais, la
régie en matière d'expropriation doit s'en tenir aux lois et aux
règlements qui existent par ailleurs; elle ne peut pas appliquer autre
chose que cela.
M. LEGER: Prenons la question autrement. Si on enlevait la
responsabilité du domaine de l'expropriation à la régie et
qu'on lui donnait exclusivement le domaine des communications, voulez-vous dire
par là qu'étant donné que la régie pourrait faire
des règlements, elle ne pourrait en aucun temps par la suite devenir un
tribunal? Autrement dit, il n'y aurait pas besoin de juge. Vous dites
qu'actuellement elle est un tribunal dans le domaine de l'expropriation, mais
étant donné qu'elle peut faire des règlements dans le
domaine des communications, elle ne pourra pas être juge pour
autant...
M. L'ALLIER: On n'a pas besoin de juge à la Régie des
services publics. Il y a un président qui est juge parce que la loi
prévoit que le président doit être un juge, mais ce n'est
pas une fonction détachée de la cour Provinciale ou de la cour
Supérieure, c'est la fonction de la régie.
M. LEGER: D'accord.
M. L'ALLIER: On détermine que le statut du président est
celui d'un juge de la cour Provinciale. Actuellement, le vice-président
est également un membre du tribunal de la cour Provinciale. Il n'est pas
essentiel que le président et le vice-président soient des juges,
sauf dans le cas du président, parce que c'est prévu par la
loi.
M. LEGER: Parfait. Maintenant, une autre question au ministre.
Tantôt, le représentant du Québec-Téléphone
disait justement qu'un des problèmes majeurs auxquels sa compagnie
faisaient face quand elle était en compétition avec la compagnie
Bell Canada était que les deux répondaient devant des instances
différentes. Est-ce que le ministre a l'intention de prendre tous les
moyens nécessaires pour que le compagnie Bell Canada devienne de
juridiction provinciale?
M. L'ALLIER: Quels sont tous les moyens nécessaires, selon
vous?
M. LEGER: Il y en a plusieurs, je vous en ai donné dans mon
discours, j'ai parlé de plusieurs solutions. Mais pensez-vous que vous
pouvez réellement régir le domaine du câble et des
communications au Québec, s'il y a des organismes à
l'intérieur du câble qui ne sont pas sous contrôle
québécois?
M. L'ALLIER: Quand j'ai pour la première fois
énoncé quelle était la position du Québec, en
matière de câblodistribution, au mois d'avril ou de mai l'an
dernier...
M. PAUL: En dehors de la Chambre.
M. L'ALLIER: En dehors de la Chambre, oui, M. le Président.
Est-ce que la Chambre siégeait à ce moment-là?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui justement, c'est que vous faites toujours
les déclarations en dehors. Ce n'est pas dans le livre vert.
M. L'ALLIER: Est-ce que M. Paul a autorisé le
député de Chicoutimi à parler?
M. PAUL: Oui, oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si le ministre veut
faire de la petite "procédurite" qu'il aille donc se faire soigner! Il a
encore la migraine...
M. L'ALLIER: Tiens, la mauvaise humeur change de côté!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A la suite de son congrès de la fin de
semaine, il a l'air de fort mauvaise humeur.
M. L'ALLIER: Il est mieux placé que moi pour parler de
migraine.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que c'est dans le livre vert?
M. L'ALLIER: Vous êtes mieux placé que moi pour parler de
migraine.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que c'est dans le livre vert, votre
déclaration?
M. L'ALLIER: Ma déclaration est dans le livre vert. A la fin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A la toute fin.
M. L'ALLIER: A l'annexe et au long, intégralement...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Après que vous eussiez fait ces
déclarations-là.
M. L'ALLIER: Intégralement. Est-ce que vous avez lu le livre
vert, M. le député?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je l'ai malheureusement lu.
M. L'ALLIER: Vous l'avez lu. Cela vous a fait grand bien.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, ça m'a fait grand bien.
M. LEGER: A la suite de ce dialogue, est-ce que je pourrais avoir une
réponse du ministre?
M. PAUL: Ne demandez pas des choses...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est pour le réchauffer.
M. L'ALLIER: Pour la question où j'ai été
interrompu malencontreusement par nos deux membres de l'Opposition officielle,
la question de juridiction provinciale et fédérale en
matière de compagnies de téléphone complique et je
suis entièrement d'accord avec M. Tremblay sur cette question les
choses lorsqu'il s'agit d'essayer de concevoir et d'organiser par des
régies, par des lois une politique de communications au Québec.
En ce sens que si l'on peut dire, sur le plan statistique, que la très
grande majorité des sociétés de téléphone au
Québec sont sous la juridiction québécoise, on peut aussi
dire que la très grande majorité des abonnés du
téléphone au Québec est sous la juridiction
fédérale.
Des deux compagnies qui ne sont pas sous la juridiction provinciale,
l'une d'elles est la société Bell Canada.
J'ai dit, dans mon exposé sur la câblodistribution, qu'il
deviendrait nécessaire d'en arriver à avoir une juridiction
québécoise sur l'ensemble des sociétés de
téléphone au Québec. Comment pourrait-on le faire? Vous
avez dit vous-même qu'il y avait plusieurs moyens. Dans un premier temps,
je crois que les sociétés de téléphone, à ce
stade-ci en tout cas, disent que c'est la question des gouvernements. Nous,
nous ne voulons pas trop nous mêler de ça. Je n'ai pas
d'indications à l'effet que la Société Bell Canada
refuserait d'être régie par le gouvernement
québécois ou la Régie des services publics du
Québec.
Cependant, je sais et c'est normal et je crois que M. Tremblay me
le confirmera que
ça leur poserait un certain nombre de problèmes techniques
sur le plan des actifs, des équités, des investissements, de tout
ce que vous voudrez, de ce qui est garanti actuellement. Cela leur poserait un
certain nombre de problèmes assez complexes.
J'ai déjà eu des conversations sur ce point avec un ou
deux des vice-présidents et même avec le président de Bell
Canada qui a eu la même réaction que le représentant de
Québec-Téléphone en disant: Débrouillez-vous au
niveau des gouvernements et ensuite on verra. Sur ce plan-là donc, c'est
la question, c'est sûr, de savoir comment on doit procéder avec le
gouvernement fédéral pour en arriver à régler cette
question. Est-ce que c'est prioritaire d'abord? Attendez. Par rapport à
d'autres secteurs de communications, compte tenu des effectifs dont on dispose
et tout ça, est-ce que c'est une chose qui est prioritaire? Je ne parle
pas sur une période de dix ans, sur une période de deux ans.
C'est la question qu'on doit se poser nous aussi.
Moi, je souhaite que la société Bell Canada puisse
éventuellement être sous juridiction québécoise,
parce que ce serait plus "facile de planifier le développement des
communications téléphoniques au Québec. On peut penser,
par exemple, au développement des communications dans le Nord-Ouest
québécois. On peut penser au développement des
communications dans d'autres parties du Québec. Le fait que la
société Québec-Téléphone ait
été sous la juridiction de la Régie des services publics a
peut-être permis le développement du téléphone dans
des régions où, si la société avait
été laissée à sa seule motivation commerciale, elle
n'aurait pas étendu son service.
Et cela est sur la foi de ce que m'en a dit le président, un
jour; je vous rapporte ses paroles. Il considère comme normal, si vous
voulez, que la Régie des services publics ait un rôle
d'orientation, d'incitation et même de coercition au niveau de
l'ouverture de certains territoires au téléphone. Si la
principale société de téléphone au Québec
est soumise à la juridiction fédérale au moment de
l'obtention de permis d'installation, évidemment, on ne peut pas dire
que l'on contrôle à ce moment-là le développement de
ce secteur de communications. Contrôler au sens de planifier,
d'ordonnancer et de rendre cohérent.
Par ailleurs, le projet de loi 35 permet au gouvernement de
contrôler les implantations physiques. C'est un des points qui est
prévu dans le projet de loi 35: les implantations physiques
nécessaires au réseau de communications.
M. PAUL: Ils n'existent pas dans le code civil, ces
pouvoirs-là.
M. L'ALLIER: Ils existaient au niveau des municipalités, ils sont
regroupés ici, au niveau du code civil.
M. PAUL: Même du code civil.
M. L'ALLIER: Oui. Le fait qu'ils n'aient pas ëté
exercés auparavant, c'est une chose qui... En fait, ce qui
m'intéresse, c'est que, dans l'avenir, on puisse, au niveau de la
régie, exercer ce pouvoir au niveau des équipements. C'est quand
même une forme de contrôle, s'il est exercé par la
régie et la régie devra l'exercer qui est
importante et c'est dans ce sens-là que je parlais de
priorité.
Est-ce qu'il est urgent d'aller discuter de...
M. LEGER: Est-ce que le ministre veut dire que les équipements ou
les implantations physiques de Bell Canada seraient soumise à la
juridiction, par le bill 35?
M. L'ALLIER: C'est ça, l'implantation physique des
équipements non seulement de Bell Canada mais de toute
société, de tout réseau de communications au Québec
est soumise à la juridiction de la régie.
M. LEGER: Le ministre disait tantôt: Est-ce que c'est
prioritaire?
M. L'ALLIER: C'est prioritaire que ce soit exercé. Est-ce qu'il
est prioritaire, compte tenu des autres dossiers comme la
télévision scolaire, comme la réglementation qui pourra
être double, qui le sera sur le câble, compte tenu des moyens dont
je dispose...
M. LEGER: Dans le domaine de l'informatique.
M. L'ALLIER: ... de l'informatique et compte tenu du fait qu'on pourra
exercer une réglementation sur les équipements, de mettre ces
dossiers de côté pour essayer d'obtenir tout de suite une
juridiction sur l'ensemble...
M. LEGER: Est-ce que le ministre me permet de dire que la solution au
problème de juridiction de Bell Canada est une des priorités qui
ne peuvent peut-être pas se régler demain. Il faut
immédiatement procéder à une solution par étapes
qui amènera Bell Canada sous une juridiction provinciale. Actuellement,
on voit que Bell Canada non seulement a une charte fédérale mais
comment cela se fait-il que c'est si compliqué que ça? En plus
d'avoir une charte fédérale, la compagnie fonctionne en vertu
d'une loi fédérale et, troisièmement, il y a une
disposition fédérale qui permet de déclarer Bell Canada
comme une chose qui doit être essentiellement contrôlée par
le fédéral du fait aussi que cette compagnie se retrouve dans
deux provinces comme le Québec et l'Ontario et un peu aussi en dehors,
dans les Territoires du Nord-Ouest. Mais parce qu'elle se trouve dans ces deux
provinces-là, c'est une autre raison pour laquelle elle a pris une
charte fédérale, étant donné qu'elle a pris
tellement de précau-
tions pour avoir une charte fédérale non seulement comme
toute autre compagnie qui prend une charte fédérale mais avec
quatre dispositions bien précises. Quand on dit: Est-ce que c'est
prioritaire? C'est une des autres occasions de voir un émiettement des
pouvoirs du Québec, la division pour régner par le
fédéralisme sur le Québec.
Je dois quand même réaliser que le ministre doit mettre
immédiatement quelque chose en oeuvre. Je lui ai soumis quelques
suggestions l'autre fois. Entre autres, est-ce qu'il y a des pourparlers avec
le gouvernement de l'Ontario qui voudrait lui-même obtenir aussi un
contrôle de Bell Canada? Vous savez que, quand deux gouvernements de la
stature de l'Ontario et du Québec ensemble font pression sur le
fédéral, il y a possibilité d'obtenir de ce dernier qu'il
demande à Bell Canada d'avoir une charte provinciale.
Je pense que c'est une des solutions. Il y en a d'autres aussi plus
draconiennes.
M. L'ALLIER: Je peux vous dire de façon générale
que nous avons rétabli les contacts avec le gouvernement de l'Ontario
maintenant que la phase postélectorale est terminée chez eux.
Nous avons établi les contacts que nous avions avec le gouvernement au
niveau de plusieurs secteurs des communications et nous essayons, avec le
gouvernement de l'Ontario, de faire en sorte que les positions du Québec
et de l'Ontario soient à la fois cohérentes. On ne s'entend pas
sur tout évidemment. Mais à chaque fois qu'on peut s'entendre sur
un point, il nous apparaît que pour le Québec c'est
extrêmement avantageux de pouvoir, conjointement, d'une façon
analogue, présenter un dossier au gouvernement fédéral.
C'est l'amendement à l'article 29 a) qui donne à la Régie
des services publics un pouvoir de réglementation sur son territoire
quant à l'emplacement, aux conditions de raccordement et aux
installations nécessaires à l'exploitation d'une entreprise
publique au Québec. C'est cet article qui permet la
réglementation désirée.
M. LEGER: J'ai une dernière question à poser à Me
Tremblay. Est-ce que Québec-Téléphone actuellement
organise, installe ou utilise un système de câbles autrement que
pour le téléphone? Autrement dit, au niveau de la
câblodiffusion, est-ce que Québec-Téléphone est
engagée dans le domaine du câble en plus du domaine
téléphonique?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Si on parle de câble au point de vue de
câblodiffusion, je dois dire non. Québec-Téléphone
emploie le câble pour ses facilités
téléphoniques.
M. LEGER: Uniquement pour le téléphone? M. TREMBLAY
(Jean-Marc): Oui.
M. L'ALLIER: Pour compléter certains points d'information, est-ce
que les sociétés de télédistribution par
câble peuvent louer des équipements chez vous? Est-ce que le
câble peut être installé par vous, être votre
propriété et que ceux qui ont en fait un poste de distribution de
l'image par la compagnie de câble, ne sont que locataires de vos
équipements soit chez vous ou soit chez d'autres compagnies de
téléphone? Est-ce que ce n'est pas la procédure
habituelle?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): C'est ce que nous offrons à ceux qui
détiennent des permis de CATV quoiqu'à l'heure actuelle, sur
notre territoire, il y a des compagnies indépendantes qui ont leur
propre câble mais qui sont à loyer sur les poteaux de
Québec-Téléphone.
M. L'ALLIER: C'est ça.
M. LEGER: J'ai une question à poser au ministre. Est-ce
qu'actuellement, une autre façon de pouvoir obtenir un certain
contrôle réglementaire sur Bell Canada...
Est-ce que le ministre m'écoute? C'est une question pas mal
importante.
M. L'ALLIER: Oui.
M. LEGER: Est-ce qu'une autre façon de pouvoir o.btenir un
certain contrôle de Bell Canada... Est-ce que, puisque le sol
québécois sur lequel sont installés des poteaux
téléphoniques appartient au Québec, il n'y a pas quand
même une permission que Bell Canada doit demander au gouvernement du
Québec pour installer ces poteaux téléphoniques sur le
bord des routes, etc.?
M. L'ALLIER: Je ne pourrais pas répondre d'une façon
certaine sur la question: A qui est-ce demandé? L'autorisation est
demandée aux municipalités.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est dans les pouvoirs de la régie,
ils doivent demander la permission.
M. L'ALLIER: Je n'ai pas l'impression, ce matin, que je suis ici pour
passer un examen sur un texte de loi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, mais ce sont des choses
élémentaires que vous devriez savoir.
M. L'ALLIER: Vous avez le temps, vous, d'apprendre tout cela.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai le temps et je l'ai pris.
M. L'ALLIER: C'est excellent, M. le Prési-
dent, quand nous travaillons en commission parlementaire...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand j'étais ministre, je savais de
quoi je parlais.
M. L'ALLIER: Parce que vous n'avez rien fait.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On vous pose une question
élémentaire, au sujet des pouvoirs de la régie, et vous ne
savez pas répondre.
M. L'ALLIER: Vous n'avez jamais rien fait quand vous étiez
ministre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est moi qui donnais les...
M. LEGER: C'est le ministre qui ne sait pas mais qui fait...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...réponses habituelles mais, si je
n'ai rien fait, M. le Président vous en prenez note c'est
qu'il était mon fonctionnaire.
M. L'ALLIER: Oui, j'ai essayé de faire des choses... Pendant deux
ans, j'ai demandé à démissionner de chez vous. Voulez-vous
qu'on en parle un peu de ce dossier-là?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour aller faire du trafic en France,
d'accord?
M. L'ALLIER: Sous l'autorité de votre premier ministre à
l'époque.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, monsieur. Je vous dirais de quoi il
retourne en dehors de la commission parlementaire, en Chambre. D'accord?
M. L'ALLIER: Vous êtes un spécialiste pour laisser planer
des accusations sur tout le monde...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Que je prouve en temps utile.
M. L'ALLIER: Oui, mais le temps utile ne vient jamais.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il vient très vite, il vous
concerne.
M. L'ALLIER: Vous vous souvenez des mêmes politiques dont vous
avez parlé l'an dernier?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je vous prierais de
rappeler le ministre à l'ordre. Il est d'une irritabilité
incompréhensible; compréhensible, nous le savons, nous, mais
incompréhensible pour les gens qui nous écoutent. Alors, que le
ministre procède. J'avais une question à poser au ministre.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je demande au ministre
ceci: Sur le plan pratique et concret, quelles sont les dispositions qu'il a
prises, les gestes qu'il a posés en ce qui concerne le problème
de Bell Canada, pour permettre au gouvernement du Québec d'assumer
comme il est dit dans le livre vert ses responsabilités en
matière de cablodiffusion? Où en sont rendus les pourparlers?
Cela a été le problème d'ailleurs fondamental qui a fait
l'objet de notre examen en Chambre.
M. L'ALLIER: Je répondrai, M. le Président, à cette
question en temps utile.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le ministre a
déclaré dans son livre vert, dans les notes qui portent sur ces
problèmes de cablodiffusion, ce qui suit, à la page 16: "C'est
là une proposition capitale qui illustre la flagrante contradiction
où se situe l'Etat fédéral à vouloir consacrer sur
les plans législatif, administratif, institutionnel et international le
bien-fondé de la distinction fondamentale et universellement reconnu
entre la diffusion et les communications, tout en rejetant la
légitimité de cette distinction sur le plan constitutionnel et
à l'égard des Etats membres."
Est-ce que le ministre peut nous faire un topo sur cette distinction
entre diffusion et communication?
M. L'ALLIER: Ce qui est dit dans le livre vert, M. le Président,
est parfaitement clair. Je remercie le député de Chicoutimi de
l'avoir lu publiquement et je n'ai pas de commentaire à faire à
ce stade-ci sur ces questions.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voici, M. le Président, le ministre
poursuivait: "Nous nous donnerons les instruments de cette politique on
parlait de la juridiction sur les câbles communautaires nous avons
d'ailleurs tout ce qu'il faut chez nous pour apporter notre contribution
originale au monde moderne des communications."
Le ministre ne voulant pas me répondre, à moi, peut-il
informer le témoin qui est devant nous, Me Tremblay, des intentions de
son ministère en ce qui concerne ce problème extrêmement
délicat et complexe des conflits de compétence entre le
gouvernement central et le gouvernement du Québec?
M. L'ALLIER: J'ai dit, M. le Président, pendant l'étude de
chacun des projets de loi en deuxième lecture, que je ferais le point
sur les
relations fédérales-provinciales entre Ottawa et
Québec, en matière de communications, à la commission
parlementaire. Nous allons terminer l'étude en deuxième lecture
du projet de loi 37; la commission parlementaire sera convoquée sur le
projet de loi 37 et...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pas trop vite.
M. L'ALLIER: ...nous allons demander la convocation de la commission
parlementaire...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah! peut-être bien.
M. L'ALLIER: ...sur le projet de loi 37. A ce moment-là, si
l'Opposition est d'accord je pourrai faire le point sur les relations
fédérales-provinciales.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais voici...
M. L'ALLIER: J'ai dit, M. le Président, que je ferais rapport en
commission parlementaire. Nous en sommes à deux heures de séance,
je ferai rapport à la commission parlementaire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je devrais faire
observer au ministre que, déjà ce matin, se pose ce
problème. Par conséquent, le député de Lafontaine,
le témoin, Me Tremblay qui est devant nous... Dans le mémoire qui
nous sera lu bientôt, il en sera question. Alors, nous devançons
peut-être le ministre, mais nous lui faisons observer que cela va
être un sujet capital. Que le ministre ne se mette pas martel en
tête et ne pense pas que l'on veuille le martyriser, mais il va devoir
constamment référer à ce problème: qui est
compétent et dans quel domaine? Quel est l'état actuel des
relations entre le Québec et le gouvernement central en une
matière aussi délicate et qui peut paralyser nous l'avons
dit à plusieurs reprises le ministre qui est peut-être
doté des meilleurs intentions. Je comprends très bien l'objectif
du ministre, il l'a exprimé dans son livre vert. Mais nous achoppons
à cette difficulté majeure et qui revient sans cesse: qui a le
pouvoir et dans quel domaine? Et quand le député de Lafontaine
parlait de la société Bell Canada, il posait le problème
dans ces termes-là. Comme nous allons devoir le poser pour l'ORTQ et
comme nous allons devoir le poser pour le cas du projet de loi 37, que le
ministre ne veuille pas répondre à cela tout de suite, je le
conçois, cela peut être une mesure de prudence. Mais il reste que
les témoins qui viennent devant nous ce matin posent le problème.
Que le ministre...
M. L'ALLIER: Je souhaite, M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ne s'étonne pas que nous nous
étionnions de ne pas le voir répondre à ces
questions-là.
M. L'ALLIER: Je souhaite aussi, M. le Président, que nous posions
d'abord les problèmes. Et les problèmes, effectivement, se posent
à l'occasion des projets de loi 35, 36 et aussi, probablement, 37. C'est
pourquoi, lorsque les problèmes seront posés, nous pourrons,
parce que c'est le rôle d'une commission parlementaire non pas de
procéder à des querelles de quelque nature que ce soit, mais bien
de travailler d'une façon positive...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le
Président...
M. L'ALLIER: ... à l'amélioration...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement. Ce n'est pas une question de querelle, ce n'est pas une
question...
M. L'ALLIER: Je n'ai pas dit qu'il y avait une querelle!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... d'être positif ou de ne pas
être positif! Nous avons été très positifs
jusqu'à présent. Je veux bien taquiner le ministre...
M. L'ALLIER: J'ai répondu, M. le Président, à la
question du député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais je vais la lui reposer, la question.
Quand le ministre dit, à la page 8 de ses notes sur la politique de la
câblodiffusion, etc., dans son livre vert, que la câblodiffusion
devra donc être assujettie à l'autorité de l'Etat
québécois par sa Régie des services publics nous
sommes à examiner la loi qui modifie la Loi de la Régie des
services publics nous sommes donc justifiés de lui demander
quelles sont les intentions du gouvernement et quel est l'état du
dossier, puisque Me Tremblay, tout à l'heure, a fait état des
difficultés que cela pose. Le député de Lafontaine en a
parlé, tout le monde en a parlé en Chambre. A ce stade-ci, il me
paraît normal de poser la question au ministre. Je comprends que le
ministre ne puisse pas ou ne veuille pas répondre immédiatement;
mais il pourrait quand même nous donner des indications, parce que les
témoins qui viennent ce matin ne reviendront pas nécessairement
à toutes les auditions de la commission. Est-ce que le ministre a une
réponse? Quand il dit que la câblodiffusion devra donc être
assujettie à l'autorité de l'Etat québécois par sa
Régie des services publics, où, quand, comment?
M. L'ALLIER: J'ai compris, M. le Président, comme la
majorité des membres de l'Assemblée nationale, que le projet de
loi 35 était lui-même une réponse.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comment cela?
M. L'ALLIER: Nous sommes disposés, M. le Président,
à votre accord, soit à continuer à interroger...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, nous sommes
disposés, nous, à obtenir des réponses.
M. L'ALLIER: J'ai dit, M. le Président, que j'avais
répondu à la question du député de Chicoutimi. Je
souhaiterais que nous passions à l'audition d'un autre
témoin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre n'a pas répondu à ma
question. Que le ministre sache bien ceci et que les gens qui sont ici le
sachent. En commission parlementaire, M. le Président, un ministre ne
peut pas se dérober, comme il le fait en Chambre lorsqu'on lui pose des
questions à la période des questions, là où il est
libre de répondre ou de ne pas répondre. Mais, en commission
parlementaire, il doit fournir tous les renseignements.
M. L'ALLIER: M. le Président, j'ai répondu, en ce sens que
le projet de loi 35 donne à la Régie des services publics tous
les pouvoirs pour réglementer intégralement la
câblodistribution au Québec.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord!
M. L'ALLIER: Que ceci se traduise par une double réglementation
avec celle du CRTC, c'est possible, c'est probable et ce sera probablement le
cas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est là le problème.
M. L'ALLIER: Laissez-moi terminer si vous voulez que je vous
réponde.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Permettez que je vous pose une question
additionnelle. Vous dites, d'accord: Le projet de loi 35 règle ce
problème en donnant à la Régie des services publics tel
pouvoir. Mais il y a cet obstacle que l'on a évoqué tout à
l'heure et nous voudrions savoir, à ce stade-ci des débats, de
quelle façon vous allez le surmonter, s'il est possible de le faire.
M. L'ALLIER: L'obstacle...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'obstacle de la compétence ou de la
juridiction.
M. L'ALLIER: L'obstacle de la juridiction ou de la compétence, si
c'est là la question du député de Chicoutimi ne nous
apparaît pas un obstacle majeur, en ce sens que rien dans la Constitution
canadienne, dans quelque loi ou dans quelque décision judiciaire, ne
nous permet actuellement de croire, comme on dit en droit, hors de tout doute,
qu'il s'agit là d'une juridiction fédérale.
Au contraire, et je l'ai expliqué lorsque j'ai
présenté la position du Québec en matière de
câblodiffusion, nous avons par ailleurs tous les éléments
pour prétendre, non pas à l'exercice d'une juridiction pour une
juridiction, mais à l'exercice d'un devoir par le gouvernement du
Québec, celui de réglementer ce secteur d'activité dans le
domaine des communications.
Nous croyons, en nous appuyant sur ce qui est dit, notamment dans le
livre vert, que la câblodistribution est d'abord un moyen de
communication et qu'elle doit être soumise à une juridiction
provinciale. C'est pourquoi...
M. LEGER: C'est pourquoi les décisions d'implantation prises par
le CRTC jusqu'ici dès que le bill 35 est adopté, sont nulles et
non avenues et que...
M. L'ALLIER: Non, mais c'est-à-dire que...
M. LEGER: La Régie des services publics est la seule
compétente pour donner des permis au Québec.
M. L'ALLIER: C'est trop simplifier les choses. Une décision n'est
nulle que lorsqu'elle est déclarée nulle par une autorité
compétente.
M. LEGER: Oui, mais...
M. L'ALLIER: Alors, le fait de voter une loi à Québec ne
rend pas automatiquement nulles les décisions prises par le CRTC, en ce
sens que nous n'avons pas, quant à nous, l'intention de porter cette
question devant les tribunaux.
M. LEGER: Ce n'est pas ce que je voulais dire, M. le ministre...
M. L'ALLIER: Deuxièmement, si aucune des parties, qui devra subir
une double réglementation, ne porte cette question devant les tribunaux,
il y aura double réglementation.
M. LEGER: Oui, mais ce n'est pas là la question.
M. L'ALLIER: Je comprends que le problème politique demeure
intact.
M. LEGER: Ce n'est pas dans ce sens-là, M. le ministre. La
question que je signalais est celle-ci: Si vous dites que la
câblodiffusion est de juridiction provinciale et que vous posez des
règlements là-dessus et que les règlements posés
par le CRTC, en ce qui concerne le Québec, ne sont pas suffisants, que
toute entreprise devrait avoir un permis provincial, il n'est pas
nécessaire d'aller dans une autre instance.
Vous pouvez poursuivre, devant les tribunaux québécois,
ces organismes-là qui n'auraient pas eu le permis de la Régie des
services
publics qui devrait être, en dernière instance, l'organisme
qui permet à ces compagnies de se prévaloir du service du
câble.
M. L'ALLIER: C'est-à-dire que la régie devra
prévoir, en même temps que sa réglementation, les moyens de
faire respecter sa réglementation. C'est à elle qu'il
appartiendra de le faire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, vous dites que la régie
va pouvoir agir en vertu de la loi 35. Est-ce que cela veut dire, sans
présumer des intentions du gouvernement et sans nous en donner le
détail, qu'il est de l'intention du gouvernement de permettre à
la régie d'occuper, par exemple, ce champ de la
câblodiffusion?
M. L'ALLIER: Absolument.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Absolument, Maintenant, étant
donné le double palier de compétence ou de juridiction, est-ce
que le ministre a prévu les difficultés que cela pourrait
entraîner, à supposer que la société Bell, par
exemple, ne veuille point se soumettre à ces dispositions-là et
que, par ailleurs, ce soit contesté parce que ça le sera de toute
façon par un tribunal, par une instance fédérale ou par
des citoyens en dehors du Québec?
Est-ce que le ministre a examiné toutes les
éventualités d'un geste qui permettrait de donner au gouvernement
du Québec des pouvoirs qui seraient ensuite immédiatement
contestés en raison de l'existence d'un double palier de
compétence?
M. L'ALLIER: Le double palier de compétence, M. le
Président, ici, se situe au niveau, à notre avis là
où nous avons conscience d'avoir un dossier juridique impeccable
de la câblodistribution, du câble.
La question des équipements est prévue par l'article 29
a). Cette question aussi est d'une juridiction, non équivoque,
provinciale. Pour tout le reste, radiodiffusion, télédiffusion,
je crois que ce serait prématuré, à moins que nous en
venions à une clarification ou à une négociation avec le
gouvernement fédéral que nous souhaitons.
Cela remet en cause l'ensemble du secteur des communications,
renversant, si vous voulez, ce qui semble se dessiner maintenant, à
savoir une priorité législative fédérale pour
avoir, en fait, une priorité législative provinciale. Nous ne
pourrions, de façon sérieuse, compte tenu de l'existence des
décisions du Conseil privé, de la cour Suprême, compte tenu
des articles actuels de la Constitution, du pouvoir résiduaire du
gouvernement fédéral, songer à réglementer la
télévision, la radiodiffusion; actuellement, cela n'est pas
possible. On pourrait toujours faire des règlements, mais l'avis
technique que nous avons et je le partage entièrement est
que ces règlements seraient inutiles, ultra vires et qu'ils ne
serviraient à rien. Dans le domaine de câblodistribution, le
problème se pose d'une façon complètement
différente. C'est un domaine où, à mon avis, si quelqu'un
décidait de porter cette cause devant les tribunaux, c'est
l'intervention fédérale qui serait, elle, ultra vires et c'est
cela qui est le dossier.
Le problème politique fédéral-provincial
j'en parlerai plus tard et avec des documents, correspondance
échangée, tout cela à l'appui demeure intact: ou il
se réglera ou il ne se réglera pas avec les conséquences
que cela pourra avoir tant pour les gouvernements que pour les individus, que
pour les citoyens, que pour la collectivité. Le problème
politique est intact et ce que nous demandons, c'est de pouvoir avec le
gouvernement fédéral, le plus rapidement possible, ouvrir tout le
dossier des communications. C'est un secteur neuf, c'est un secteur nouveau,
c'est un secteur qui est en grande partie résiduaire dans le contexte de
la Constitution; c'est un secteur où il n'est pas réaliste de
référer à une Constitution écrite il y a plus de
cent ans, alors que c'est un secteur qui est complètement moderne et qui
devient de plus en plus complexe.
Nous demandons de rouvrir ce dossier, de revoir une répartition
de pouvoirs qui correspond à la réalité; nous demandons
que les provinces, que le Québec en ce qui nous concerne, aient la
priorité législative, soient les maîtres d'oeuvre d'une
politique de communications sur son territoire. Nous sommes prêts
à reconnaître qu'il y a des objectifs nationaux qui peuvent
exister d'un océan à l'autre. Nous sommes prêts à
reconnaître que certains aspects des communications seront mieux
régis, coordonnés, réglementés, s'ils le sont d'une
façon uniforme par un seul organisme canadien. Nous sommes prêts
à considérer toutes ces choses-là.
Ce que nous souhaitons, c'est que, sur notre territoire, les
communications se développent conformément à une
planification, à une organisation qui, elle, est celle que nous avons
déterminée. Et cela aussi, conformément aux objectifs et
aux besoins de notre collectivité qui ne sont pas les mêmes, parce
que communication est absolument indissociable de culture, d'éducation,
de tout ce qui est attribut d'une personnalité différente au
Québec.
D'ailleurs, à chaque fois que l'on parle de communication, il
faut parler de la personnalité québécoise et, quand on
parle de la personnalité québécoise, on est toujours
taxé dans certains milieux, de vouloir faire du nationalisme de mauvaise
qualité et facile. Je m'excuse si c'est cela que ça veut dire, ce
n'est pas en fait le but recherché. Le but recherché, c'est que
nous ayons au Québec, comme Québécois, comme
collectivité, des moyens de communications qui servent à notre
collectivité, ce qui n'est pas incompatible avec une série
d'objectifs nationaux canadiens; c'est cela le problème politique, c'est
cela que nous souhaitons discuter avec le gouvernement
fédéral.
Pourtant, il y a certains aspects des communications où le
gouvernement fédéral agit actuellement, notamment la
câblodistribution. Dans ces secteurs, et indépendamment de la
discussion globale que nous souhaitons en permanence, nous croyons que le
gouvernement fédéral va au-delà de sa juridiction et de
ses pouvoirs et nous avons le devoir de réglementer nous-mêmes la
câblodistribution, parce que c'est notre responsabilité. Ce n'est
même pas un choix politique que l'on peut faire; le choix politique que
l'on ferait, ce serait de redonner cette juridiction, de reconnaître
qu'elle ne nous appartient plus. Or, de fait, elle doit nous appartenir et elle
nous appartient. On pourra contester devant les tribunaux, je suis confiant que
même les tribunaux, en se référant à ce qui existe
actuellement comme point de repère pour porter un jugement, devront nous
faire confiance. C'est ce qui existe actuellement comme point de repère
et c'est cela qui est le fond de la question. Ce qui existe comme point de
repère, c'est très insatisfaisant, parce que les points de
repère sont des points de repère qui ont été
établis soit il y a plus d'un siècle, soit par des
décisions judiciaires se référant elles-mêmes
à la constitution, dans un secteur qui, il y a cent ans, ne se
manifestait d'aucune espèce de façon.
Comment pouvait-on à ce moment-là imaginer les
communications, le câble et tout cela? C'est là où se
trouve le problème politique. Cela, c'est ce que nous souhaitons
atteindre. Est-ce que nous réussirons à être fidèles
à un mandat que donnent tous les citoyens à n'importe quel
gouvernement du Québec sur ce point-là? C'est la
responsabilité de l'ensemble de notre gouvernement. Nous
réussirons ou nous ne réussirons pas. Dans le cas particulier de
la câblodistribution, cela devient la responsabilité, ici, du
ministre des Communications de conseiller le gouvernement dans l'occupation de
ce champ de juridiction parce qu'il lui appartient, non pas parce qu'il veut
l'enlever à quelqu'un mais parce que c'est à lui de le faire.
M. LEGER: En ce qui nous concerne, M. le Président, je pense que
notre collectivité québécoise au niveau des communications
étouffe actuellement, elle a besoin d'air, elle a besoin de
contrôle et de compétence. La volonté du gouvernement ne
sera jamais assez forte et il faut nécessairement qu'au niveau des
communications, le Québec passe ou que cela casse. Parce que c'est
impossible de pouvoir contrôler un peuple si lui-même, le peuple,
ne peut pas contrôler ses communications.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le Président,...
M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac a demandé
la parole.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... c'était sur le même
sujet.
M. LE PRESIDENT: ... c'était sur le même sujet...
M. LATULIPPE: J'aimerais reprendre un point. Le ministre a dit tout
à l'heure qu'au domaine des implantations techniques, il aimait fournir
la priorité au Québec et la priorité indiscutable. Mais
même au domaine des implantations techniques, au fédéral
actuellement, on a énormément de réglementation, on va
jusqu'à régir que dans tel poteau il faut mettre telle force de
transmetteur et autre. On a aussi des règlements municipaux, on a aussi
des règlements d'urbanisme. Il va falloir certainement prévoir
des mesures transitoires entre une situation actuelle, même au domaine de
la câblodiffusion et cela...
M. L'ALLIER: Sûrement.
M. LATULIPPE: ... c'est absent actuellement du bill. Je m'interroge et
j'ai tendance à croire que notre industrie va passer certainement une
période d'instabilité au domaine des communications par suite de
l'adoption du bill 35, si on ne rend pas publiques ces mesures à
prendre.
M. L'ALLIER: Je voudrais rassurer le député de Frontenac
sur cette question, parce que, effectivement, le regroupement de cette
juridiction, quant aux équipements ou à l'implantation des
équipements au sein de la Régie des services publics, pourra
peut-être créer des problèmes. Cela créera surtout
des problèmes techniques entre la régie et les
municipalités. Il faudra que la régie soit bien
équipée en personnel pour procéder à ce
regroupement. Il est dit, par exemple, que dans "les cas où la
décision est susceptible de déroger à un règlement
de zonage, la régie doit, avant de prendre sa décision, convoquer
la municipalité ou toute autre personne intéressée
à faire des représentations." C'est bien dit à l'article
29 a). Si on accorde à la régie un minimum de
crédibilité, en ce qui me concerne, je suis tout à fait
convaincu de la compétence des régisseurs actuellement et du
fonctionnement de sa structure. Il n'y a pas à craindre
véritablement que, par des actions réglementaires, par des
actions de contrôle en matière d'équipement, on mette
sérieusement en danger le développement ou
l'épanouissement des entreprises. Je ne crois pas que ce soit tellement
grave. Actuellement, les municipalités le font, cela se fait au mieux,
mais sans trop de cohérence. Les grandes municipalités comme
Montréal, Québec, Trois-Rivières et même Chicoutimi
ont certainement à faire face à ces problèmes à
l'occasion mais, d'une façon générale, elles ne sont pas
équipées pour appliquer quelque forme de réglementation et
cette balkanisation risque même d'être plus néfaste aux
entreprises de câble qui sont soumises, je ne dirais pas à
l'arbitraire, mais au pouvoir de décision municipal qui peut être
différent d'une municipalité à l'autre. Alors il est
possible que
des entreprises de communications, et c'est même la plupart du
temps le cas, couvrent plusieurs municipalités et cela peut devenir
compliqué que d'avoir plusieurs réglementations, des
réglementations quelque peu différentes suivant qu'on est dans
l'une ou l'autre des municipalités. C'était en fait le but
recherché. Nous avons, au moment de faire cet article, consulté
le ministère des Affaires municipales qui a lui-même
consulté la commission municipale qui n'a vu aucune objection à
la rédaction de cet article dans la loi de la régie.
M. LATULIPPE: Mais, M. le Président, il n'y a pas seulement le
domaine municipal qui est affecté, il y a aussi... Le CRTC est
très exigeant relativement aux implantations techniques, aux normes
techniques d'implantation surtout en matière de câblodiffusion et
je m'interroge fortement là-dessus. Je pense même que le ministre
aurait certainement intérêt à s'arranger, en quelque sorte,
pour que sa réglementation cadre un peu avec celle du CRTC dans ce
domaine-là. Je croirais, je ne suis pas en mesure d'apprécier
cela à sa juste valeur, mais je suis intransigeant sur le CRTC
asctuellement.
M. L'ALLIER: Je suis convaincu que la très grande majorité
des règlements qui seront éventuellement édictés
par la régie ne seront pas différents de ceux du CRTC. Lorsqu'il
s'agit de normes techniques évidemment, la majorité des
règlements seront sinon identiques, peut-être des
améliorations dans certains cas, mais, ils ne seront pas contradictoires
avec ceux du CRTC. Il est possible sur certains points particuliers comme par
exemple je l'ai souligné cet été la
contribution qui serait obligatoire, la contribution des entreprises de
câble, la contribution financière sur la base de leurs revenus
à la production canadienne qui est véhiculée par ces
entreprises de câble. Donc si les entreprises de câble diffusent
Radio-Canada et le réseau TVA, elles devraient payer une somme à
Radio-Canada et au réseau TVA. Ces questions-là, nous les
remettrons en cause au niveau de l'analyse que nous faisons du dossier. Nous
les remettrons en cause, pourquoi? Parce que le câble sert actuellement
à prolonger le service de diffusion. Or, la production canadienne c'est
soit celle de Radio-Canada ou soit celle des stations privées.
En tout état de cause, la production canadienne est payée
et financée par les citoyens, soit via les taxes, si c'est Radio-Canada,
soit via la contribution de chaque citoyen à la consommation, parce que
c'est la publicité qui est la deuxième source de financement.
Donc à Radio-Canada vous avez une source qui vient, qui est l'Etat, la
taxe, et vous avez ensuite une source qui est la publicité. Sur les
réseaux privés vous avez la publicité. Donc, chaque
citoyen participe directement et il est le seul à participer; il
participe exclusivement à la programmation, au coût de la
programmation canadienne.
Si du fait que vous habitiez hors des grands centres et que pour avoir
accès à Radio-Canada vous devez passer par le câble qu'on
vous donne, vous payez un abonnement et l'on prélève sur cet
abonnement une somme, un pourcentage qui va s'ajouter aux
bénéfices des producteurs, donc, vous payez trois fois pour la
même production canadienne. Vous payez par vos taxes, vous payez par
votre contribution à la publicité et vous payez parce que vous
avez le câble. Que vous soyez dans un centre éloigné ou que
vous soyez à Montréal, c'est la même chose. Si vous
êtes à Montréal et que vous avez le câble, en fait,
vous améliorez votre réception; alors ce sont ces questions qui
se posent.
Du côté du gouvernement fédéral, on dit qu'il
faut absolument que le câble devienne un instrument auxiliaire de
l'ensemble du système de télédiffusion au Canada, parce
qu'on dit: Le câble, c'est d'abord ça et ça doit être
un accessoire en gros, si j'ai compris ce qu'on a voulu dire.
Nous ne sommes pas nécessairement d'accord sur cela, parce qu'au
Québec, parce que c'est en français, parce que la concurrence de
la production américaine n'est pas aussi forte à cause du facteur
de la langue, ce n'est pas tout à fait la même chose. Ce sont ces
questions que nous voulons étudier, ce sont ces questions qui feraient
l'objet d'audiences publiques éventuellement de la part de la
régie et qui permettraient des règlements conformes à
l'intérêt de la collectivité.
M. LATULIPPE: Quand vous avez parlé tout à l'heure de
concurrence américaine, est-ce à dire que vous entendez un peu
libéraliser, que vous trouvez les politiques du CRTC trop restrictives
à ce moment-là et que vous entendez un peu
libéraliser?
M. L'ALLIER: Non, je ne voulais pas faire de commentaires
là-dessus, je voulais tout simplement dire que, lorsqu'on veut
encourager la production canadienne, c'est en fait en contrepoids de la masse
assez considérable de production américaine qui nous arrive.
Cette production américaine qui nous est transmise par le câble,
notamment à Montréal, elle est à 90 p.c., je crois, sinon
plus en anglais. Donc ce n'est pas la production française qui se trouve
à être encouragée. Du fait que le Québécois
qui a le câble contribue à la production, il ne contribue pas
nécessairement à la production française qui, elle, est
sans concurrence du côté américain, sur le plan du
français. Elle est en concurrence en ce sens que, si vous avez le choix
entre un programme français et cinq programmes en anglais, et que vous
connaissez l'anglais, à ce moment-là, il y a un danger. C'est une
mesure protectionniste culturelle qu'il faudrait prendre et non pas une mesure
qui encourage la production. Alors, ces questions sont assez complexes et il
faudrait, lorsque nous en serons au point de réglementer tout ce
secteur-là, qu'il y ait des audiences publiques pour que chacun
puisse faire valoir, devant la régie, son point de vue. Autrement, nous
risquons, avec les meilleures intentions du monde, de dévier des
objectifs qui sont poursuivis et qui sont surtout souhaités par la
population.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, lorsque le ministre
parle d'audiences publiques, à quel moment situe-t-il ces audiences
publiques?
S'agit-il d'audiences publiques de la commission ou de la régie,
concernant la réglementation?
M. L'ALLIER: Non, je fais référence ici, M. le
Président, essentiellement aux audiences publiques de la
régie.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): De la régie. Est-ce que le ministre ne
croit pas qu'il devrait y avoir également des audiences publiques pour
la réglementation qui doit affecter les pouvoirs de la régie tels
qu'ils apparaissent au projet de loi 35? Je reviens à une question qui a
été soulevée par le représentant de la
société Québec-Téléphone. A la page 2,
premier paragraphe, M. Tremblay, au nom de sa société, dit ceci:
En effet, le bill 35, en édictant que la Régie des services
publics devra se conformer à la réglementation adoptée par
le lieutenant-gouverneur en conseil sur les recommandations du ministre des
Communications, touche cette régie dans ce qu'elle a de plus
sacré, c'est-à-dire son autonomie de tribunal administratif et sa
liberté d'organisme de contrôle et de surveillance.
Le ministre, tout à l'heure, a disposé à mon avis
un peu rapidement de cet argument qu'est repris d'ailleurs un peu plus loin,
à la page 4, au paragraphe 2, quand on dit: Que cette loi augmente le
pouvoir réglementaire du ministère des Communications, cela
créera un pouvoir parallèle de contrôle et de surveillance
qui est inutile, en plus de risquer de semer la confusion.
Ce sont les deux objections que nous avions faites au ministre, qui sont
reprises ici par un mémoire et qui reviendront sans doute dans d'autres
mémoires. Quelles assurances le ministre peut-il nous donner à
cet égard?
M. L'ALLIER: Vous avez posé une question qui était longue
et vous me demandez à la fin quelles sont les assurances que je peux
vous donner à cet égard.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.
M. L'ALLIER: A l'égard de la réglementation?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vais préciser ma question, je vais
spécifier en vous demandant ceci: Est-ce que vous maintenez l'expression
d'opinion que vous avez émise au départ à l'effet que
cette réglementation est une chose technique et que vous n'avez pas
l'intention de nous la soumettre avant l'adoption du projet de loi 35 en
troisième lecture?
M. L'ALLIER: Si vous faites allusion à la réglementation
qui sera faite par le lieutenant-gouverneur, il va de soi qu'il ne s'agit pas
d'une réglementation qui est d'abord technique. La réglementation
de la régie, les règles de pratique, voilà une
réglementation qui est technique. Mais pour ce qui est de la
réglementation qui sera faite par le gouvernement, c'est essentiellement
dans cette réglementation que l'on retrouve l'application des principes
contenus dans le bill 35 et dans la politique de communication
énoncée.
Donc, la réglementation du gouvernement est une
réglementation qui est essentiellement la construction ou
l'élaboration de la politique de communications et ce n'est pas la
responsabilité d'un tribunal ou d'une régie que d'élaborer
des politiques, que de tracer des corridors. Ce n'est pas la
responsabilité d'un tribunal. Peut-être que, lorsque la
régie sera scindée entre communications et expropriations il
faudrait y voir.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si le ministre me permet, je crois qu'il n'a
pas saisi exactement ma question. Se référant aux notes
explicatives, on dit qu'il y aura réglementation et que la
réglementation sera adoptée par le gouvernement et le gouverneur
en conseil. Je demande donc au ministre s'il maintient ce qu'il a dit au
départ, au début de cette séance, à savoir que
cette réglementation ne nous sera pas soumise avant son adoption. Est-ce
qu'il est de l'intention du ministre de nous en faire connaître au moins
les grandes lignes comme ce fut le cas pour la loi 45 par exemple, la Loi de
protection du consommateur ou d'autres lois que nous avons
examinées?
M. L'ALLIER: M. le Président, tout ce que je pourrais faire
connaître à cette commission, ce sont effectivement des grandes
lignes. Je ne pourrais pas faire connaître à cette commission les
textes réglementaires précis qui seraient discutés
à cette commission parce que je crois que c'est la responsabilité
du gouvernement de faire cette réglementation et de choisir les
mécanismes de consultation qui lui apparaissent les plus
appropriés.
A ce stade-ci, je préfère continuer à entendre les
témoins, les personnes qui veulent se faire entendre sur le projet de
loi 35 pour voir les objections ou les commentaires qui seront faits, et pour
voir s'il n'y a pas lieu, à partir de là, d'améliorer le
projet de loi tel qu'il est présenté.
Mais je n'ai pas l'intention de soumettre à cette commission
parlementaire la réglementation précise que le gouvernement
entend adop-
ter, pour la bonne raison qu'elle est encore en voie
d'élaboration, que cette commission parlementaire siège
aujourd'hui et demain et qu'elle siégera peut-être plus tard.
Il va de soi, par ailleurs, que la commission parlementaire permanente
pourra, elle, les scruter, les analyser.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si je pose la question au ministre, c'est
précisément parce qu'au début de ces audiences une des
premières objections qui nous est faite, c'est cette question du pouvoir
de réglementation du lieutenant-gouverneur. Je demande au ministre
je lui répète ma question, enfin, je n'ai pas besoin de la
lui répéter mais je réfère à ce que
nous avons fait dans le cas de la loi 45. On nous a présenté
disons un format, une espèce de format de réglementation nous
donnant les grands critères, les principes, les normes
générales et depuis lors, nous avons eu une séance
où nous avons été appelés à examiner,
à critiquer, à analyser et finalement à adopter la
première partie de la réglementation afférente à la
Loi de protection du consommateur. Par conséquent, je demande au
ministre devant les premières objections qui nous sont faites s'il
pourrait procéder de la même façon.
M. L'ALLIER: Je croyais m'être exprimé clairement sur ce
point. Je m'en excuse si tel n'est pas le cas. J'ai dit tout à l'heure
au député de Chicoutimi ou à quelqu'un de cette commission
que les règlements qui seraient faits par le gouvernement sont
essentiellement des règlements d'orientation à l'intérieur
desquels la régie fera, elle, ses propres règlements. J'ai
également dit que le gouvernement ne pouvait pas se lancer dans une
élaboration entre quatre murs de bureaux juridiques et que nous
souhaitions, là-dessus, consulter l'ensemble de la population par le
mécanisme des audiences publiques de la régie. Il m'est
impossible de donner au député de Chicoutimi une
réglementation. Je peux cependant lui donner, en cours de commission,
les points qui m'apparaissent actuellement être ceux qui feraient l'objet
de cette consultation.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est-ce que le ministre entend par
consultation au moment des audiences publiques de la régie? Si la
régie est déjà recréée et qu'elle est
soumise à une réglementation, comment pourrons-nous tenir des
audiences publiques où la régie se plaindrait elle-même du
carcan qu'on lui aura imposé? Les citoyens...
M. L'ALLIER: Je ne comprends plus rien. Ou je me suis très mal
exprimé ce qui est tout à fait possible ou le
député de Chicoutimi me fait marcher.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, il faut être bien
honnête.
M. L'ALLIER: Il est prévu dans le projet de loi 35 que la
régie pourra ou devra tenir des audiences publiques. Ce sont à
ces audiences que je réfère actuellement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. Je comprends tout ça. Mais au
départ, il y a ceci et c'est le ministre qui l'a mis dans les
notes explicatives: qu'en prévoyant que la régie devra se
conformer à la réglementation adoptée par le
lieutenant-gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre des
Communications... C'est à propos de cette réglementation que
j'interroge le ministre en lui demandant s'il est de son intention comme
l'a fait son collègue au sujet de la loi 45 de nous
présenter le cadre général de cette réglementation
que le ministre va recommander au lieutenant-gouverneur et qui comporterait des
principes, des normes, etc., qui nous indiquerait dans quel sens
s'infléchira la politique du gouvernement et dans quel cadre devra
désormais travailler la Régie des services publics. Il me semble
que ce n'est pas sorcier de demander ça. D'autant plus que le ministre
des Institutions financières, au sujet de la Loi de protection du
consommateur, nous avait donné les règles générales
de la réglementation et nous a depuis lors soumis une première
partie de cette réglementation que nous avons approuvée en
commission parlementaire.
J'imagine qu'on pourrait faire la même chose dans le cas de la
Régie des services publics, étant donné le champ
très important qu'on veut lui faire couvrir. Et ma question est d'autant
plus impérieuse à la suite des explications que nous a
données le ministre sur les intentions du gouvernement dans le domaine
des communications.
M. L'ALLIER: Afin de ne pas prolonger cette discussion, est-ce que le
député de Chicoutimi me permet Je dois dire qu'il y a des
éléments de sa question qui ne m'apparaissent pas claires, je
m'en excuse de l'analyser et de lui répondre à la
prochaine séance de la commission?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense que le ministre peut fort bien se
permettre cela et réfléchir sur la profondeur de mes
observations. C'est ça.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. LEGER: Le ministre, en tentant de répondre au
député de Chicoutimi, a dit que le pouvoir de
réglementation que le gouvernement se réserve est une
réglementation d'orientation. Si c'était le cas, nous serions
d'accord. Mais ce n'est pas le cas puisque l'article 3 a) du projet de loi 37,
qui n'est pas terminé, qui n'est pas encore voté en
deuxième lecture, et dont on fait mention dans le projet de loi 35, dit
bien:
Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre
et dans le cadre de sa compétence, faire des règlements sur les
conditions d'établissement, d'exploitation, d'administration... et un
peu plus loin, au paragraphe b ) pour déterminer les normes de
production, d'acquisition et de diffusion d'émissions... Ce sont
tellement des choses techniques. Si c'était juste une question
d'orientation, c'est ce qu'on a proposé, mais ce n'est pas le cas.
M. L'ALLIER: M. le Président, je m'excuse. Nous n'allons pas
passer, parce que nous n'en sortirons jamais, du projet de loi 37 aux projets
de loi 35 et 36. Quand je parlais ici d'orientation générale, je
parlais du secteur de la câblodistribution. C'est essentiellement dans ce
secteur qu'il s'agit de donner des orientations.
M. LEGER: ... sur un droit de réglementation?
M. L'ALLIER: Ce que l'on retrouve, par ailleurs, dans le projet de loi
37 qui porte d'une façon précise sur les équipements et
tout ce que vous voulez de cette nature et qui est très précis,
c'est un droit de réglementation que pourra exercer le gouvernement,
droit de réglementation qui était, dans la plupart des cas,
déjà celui de Radio-Québec. Or, le droit de
réglementation qu'avait Raido-Québec de conseiller, de
réglementer et de rendre cohérent, etc., c'est un droit qui
était dans la Loi de Radio-Québec. Nous l'avons fait passer au
ministère des Communications parce que ce ministère a une
responsabilité plus large que celle qu'avait Radio-Québec et nous
nous serions retrouvés devant deux jeux possibles de
réglementation qui n'auraient pas pu être contradictoires parce
que, de toute façon, les règlements généraux
à Radio-Québec sont approuvés par le conseil des
ministres. Ce sont des règlements d'ensemble.
Il nous est apparu normal de faire passer de l'un à l'autre le
pouvoir de réglementation. Je pense ici à tous les
investissements qui sont faits en matière de communications dans le
système scolaire, dans le système hospitatlier et autrement.
Vous voyez, si vous analysez bien le projet de loi 37 et vous le
ferez avant qu'on l'étudie en commission parlementaire que, au
fur et à meusure que nous nous éloignons de l'institution qui est
subventionnée par le gouvernement à 100 p.c, le rôle du
gouvernement n'est qu'un rôle de conseil et de coordination, qu'il n'a
plus de rôle coercitif. C'est ce qui est prévu dans la loi. Il y a
une espèce de gradation, si vous voulez, dans l'influence possible du
gouvernement pour tout ce qui est des aspects techniques.
Actuellement, des dépenses considérables sont faites dans
les secteurs de l'éducation, quelquefois elles sont faites à bon
escient et quelquefois mal faites, soit en ce sens qu'elles ne correspondent
pas au besoin réel, soit qu'elles sont faites à un moment
donné en correspondant à un besoin et que l'infrastructure
humaine se désagrège autour de ça, et que les
équipements restent inutiles.
On en a des dizaines d'exemples. Quelque chose doit être fait. Le
Québec a le pouvoir de le faire actuellement comme le ministère
des Communications doit, par ailleurs, le faire en dehors aussi du
système scolaire. Nous avons regroupé ces deux secteurs de
réglementation.
M. LEGER: Je vais maintenant poser une question au représentant
de Québec-Téléphone qui nous a écouté si
longtemps. Dans votre mémoire, à un moment donné, vous
avez parlé d'une chose qui est un peu notre voeu aussi, ce que nous
avons proposé en deuxième lecture. Vous préfériez
que le pouvoir de réglementation soit entre les mains de la régie
mais que le gouvernement établisse des principes généraux
d'orientation qui guideraient à l'intérieur de ces orientations
la réglementation de la régie. Exemple: admettons que ce soit de
contrôle québécois, des compagnies avec contrôle
québécois, une participation locale quant au contenu, une
participation locale quant à la propriété privée,
une répartition entre la publicité, les règlements et les
programmes tels quels.
Le gouvernement prenant la part de la réglementation
détaillée plutôt que la partie d'une réglementation
générale sur une orientation générale de sa
politique, quelles sont les conséquences directes au niveau des
relations de la Régie des services publics avec les organismes sur
lesquels elle a juridiction?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Je pense, M. le Président, que dans mon
mémoire, à la page 4, je réponds à cette question
lorsque je parle de pouvoirs parallèles de contrôle et de
surveillance.
M. LEGER: Quelles conséquences pratiques, des exemples, peut-il y
avoir?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Il pourrait y avoir qu'on ne sache pas devant
quel organisme se présenter pour obtenir tel permis ou pour faire telle
chose. Doit-on satisfaire aux exigences du ministère ou doit-on
satisfaire aux exigences de la régie? Quand même, la régie
a un pouvoir de réglementation dont elle s'est prévalue dans le
passé quand on pense à l'ordonnance générale no 5
qui est quand même une ordonnance qui régit le
téléphone dans le Québec. C'est sur cette ordonnance
qu'elle juge.
C'est le dilemme que je vois, devant quelle partie devons-nous aller?
Si, bien sûr, comme dit le ministre, il s'agit de réglementation
d'ordre général, à ce moment-là, cela peut aller
mais si c'est de la réglementation telle que stipulée à
l'article 3 a), à ce moment-là, je m'inscris en faux, j'ai
peur.
M. L'ALLIER: Vous avez peur pour tout le monde ou pour les compagnies de
téléphone?
M. TREMBLAY (Jean-Marc): J'ai peur pour tout le monde. Parce que les
abonnés, quand même, la compagnie de téléphone est
une compagnie de service...
M. L'ALLIER: Ce que je veux dire, c'est que...
M. TREMBLAY (Jean-Marc): ...alors cela appartient aux
abonnés.
M. L'ALLIER: D'accord, mais je ne parle pas de la compagnie par rapport
aux abonnés, je parle du secteur du téléphone par rapport
aux secteurs, par exemple, des équipements scolaires, des
équipements hospitaliers en matière de communications, par
rapport à tout cela. Il faut que vous compreniez qu'il n'y a pas
uniquement le secteur du téléphone dans les communications, vous
le savez très bien.
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Non, je comprends.
M. L'ALLIER: Il y a aussi tout le reste. A ce moment-là, on peut
procéder en bon latin, si vous voulez, s'asseoir et faire des lois de
400 ou 500 pages et essayer de prévoir un code de communications. On
aura fini dans quinze ans. On n'aura plus rien à faire dans le
secteur...
M. TREMBLAY (Jean-Marc): Non. M. le ministre doit admettre que, quand on
parle de pouvoirs parallèles, la régie est quand même un
organisme qui était autonome et qui avait à répondre de
ses actes.
Mais, si un pouvoir de réglementation permet à des
personnes, à l'intérieur du ministère, de se
prévaloir de ces règlements qui permettraient que, eux,
reçoivent des personnes pour octroyer un permis ou étudier leur
cas avant de se présenter à la régie parce qu'ils auraient
le pouvoir de présenter des plans avant que la régie ne les voit,
est-ce que vous voyez toutes ces possibilités de contrôle...
M. L'ALLIER: Je peux vous dire dès maintenant...
M. LEGER: ... à l'intérieur du ministère?
M. L'ALLIER: Je peux vous dire dès maintenant qu'on travaille
actuellement avec la régie à l'établissement d'une
procédure qui, précisément, prévoira quelle pourra
être l'intervention du ministère et quelle pourra être
l'intervention de la régie.
Je peux vous dire dès maintenant qu'à aucun moment,
lorsqu'il s'agira de l'application des ordonnances de la régie, le
ministère ne pourra s'inscrire de quelque façon en faux contre
ça. La régie aura son pouvoir de réglementation.
C'est elle qui réglemente les communications.
M. LEGER: Oui, mais il se peut fort bien que la
réglementation...
M. L'ALLIER: Je vais vous donner un exemple. Si la régie dit que
les sociétés de téléphone doivent se conformer
à telles et telles normes techniques et ça devient
hautement technique lorsqu'il s'agit de téléphone, de
câble, de transmission des données, tout ça est-ce
que vous voyez, vous, que la régie ait, à côté
d'elle, tout un bloc permanent d'ingénieurs qui procèdent
à l'élaboration de ces ordonnances? Ou est-ce que vous ne pensez
pas qu'il pourrait exister une collaboration entre le groupe technique du
ministère des Communications et la régie?
Si la régie n'est pas satisfaite des rapports techniques que le
ministère lui fait, elle n'a qu'à ne pas les traduire en
ordonnances. C'est elle qui sera responsable de ces ordonnances. Par la suite,
lorsque la Régie des services publics aura rendu une ordonnance, elle
sera responsable d'en vérifier et d'en contrôler
l'exécution. Ce ne sera pas le ministère des Communications.
Là je sais exactement à quoi vous faites allusion.
M. LEGER: Vous ne me l'avez pas dit, en tout cas.
M. L'ALLIER: Je sais exactement à quoi vous faites allusion et
tout le contexte de cette histoire-là. Vous faites allusion à la
possibilité, pour le ministère des Communications, de pouvoir
émettre ou ne pas émettre un visa technique qui empêcherait
quelqu'un d'aller devant la régie.
M. LEGER: Exactement ça. Vous avez très bien compris.
J'attends la réponse.
M. L'ALLIER: C'est exactement ça et la question a
été posée aussi au ministère et nous sommes,
à la satisfaction de la régie, à établir une
procédure qui fera que c'est uniquement sur ordonnance de la
régie que le ministère des Communications pourra intervenir.
En d'autres mots, si la régie pose telle ordonnance avec telle
exigence technique à l'intérieur de cette ordonnance, la
régie pourra demander aux services techniques du ministère de
vérifier c'est ça la possibilité que nous
étudions si l'infrastructure technique du demandeur est conforme
ou non à telle ordonnance. Donc, le ministère agira à
l'intérieur d'un cadre défini par la régie.
Si le ministère émet un certificat, par exemple, disant:
L'ordonnance X est respectée par l'entreprise ou par M. Untel, c'est
tout ce qu'on fait, cela veut dire que c'est une pièce au dossier qui
permet à la régie, si elle juge que c'est une pièce
essentielle, d'étudier le dossier.
Si quelqu'un s'oppose à ce certificat technique émis par
le ministère à la demande de la
régie, conformément à une ordonnance de la
régie, il peut, devant la régie, contester la validité du
certificat en disant l'une de ces deux choses, par exemple: Le ministère
n'a pas tenu compte de tous les éléments existants, ou le
demandeur n'a pas fait état de la situation réelle. En d'autres
mots, le certificat a été émis, il n'est pas
justifié, ou il a été émis par erreur, c'est la
régie qui va décider si oui ou non le certificat a
été émis par erreur.
M. LEGER: Mais ne se peut-il pas, parfois, que ça ne vienne
jamais â la régie parce que cela aurait été
arrêté avant?
M. L'ALLIER: Absolument pas, parce que c'est à l'occasion de
l'inscription d'un dossier devant la régie que cela se produit. Alors si
une personne à qui nous refusons un certificat technique, à qui
nous disons que ses installations ne sont pas conformes à l'ordonnance 8
de la régie, si cette personne-là va devant la régie et
dit: On m'a refusé un certificat technique, la régie met en
cause, fait comparaître des témoins pour savoir si le
ministère avait, oui ou non, raison sur le plan technique de refuser ce
certificat.
M. LEGER: La régie a le pouvoir de renverser une
décision...
M. L'ALLIER: C'est évident, parce que ce n'est pas une
décision du ministère des Communications, c'est un service
technique qui est rendu, les normes techniques sont établies par la
régie, elles pourront l'être sur recommandation du
ministère des Communications. La régie fera ce qu'elle voudra
avec nos recommandations, elles sont établies par la régie. Et
plutôt que d'avoir avec elle tout un groupe de techniciens
spécialisés qui verront à savoir si le dossier de 200
pages soumis par telle société avec tous les devis techniques
correspond à l'ordonnance numéro X, elle demandera au
ministère des Communications: Vous avez des spécialistes, est-ce
que le document technique qui nous est déposé est conforme
à notre ordonnance numéro X? Nous disons oui ou non. Quelle que
soit notre décision, elle est portée devant la régie qui,
à ce moment-là, si cela n'est pas contesté, si tout le
monde est d'accord pour que le certificat soit valable, le certificat est
valable. Si une personne s'oppose à la validité du certificat, il
est remis en cause. Vous voyez, c'est cela qui sera établi comme
procédure. Mais il n'y aura pas possibilité, d'aucune
façon, pour le ministère, de bloquer quelque demande que ce soit
avant que cela aille à la régie. Cela équivaudrait
à constituer, à faire du ministère un tribunal rendant une
décision sans appel, ce qui est absolument impensable, c'est contraire
à toute l'économie de la régie. M. le Président il
est...
M. LE PRESIDENT: Messieurs, est-ce qu'il y a d'autres questions ou
d'autres remarques relativement au bill? Alors il est maintenant 12 h 30.
L'Assemblée nationale devant continuer l'étude du bill 37,
cet après-midi la commission des Communications pourrait reprendre ses
activités demain à 10 heures.
M. LEDUC: M. le Président, si vous me le permettez, par
courtoisie pour ceux qui se sont présentés ici ce matin et qu'on
n'a pas pu entendre, je pense qu'on devrait d'abord, demain, entendre les deux
groupes qui sont venus ce matin et ensuite les autres aussi, si la commission
est d'accord.
M. LE PRESIDENT: Certainement. Je remercie Me Tremblay, de
Québec-Telephone, de la présentation de son mémoire.
(Fin de la séance à 12 h 29)
Séance du mercredi 24 novembre 1971(Dix heures dix-sept
minutes)
M. CORNELLIER (président de la commission permanente des
Communications): A l'ordre, messieurs! La séance est maintenant ouverte.
J'aimerais faire une remarque concernant l'heure de la séance. La
séance se poursuivra jusqu'à midi trente. A ce moment nous
déciderons si la commission reprendra sa séance au cours de
l'après-midi après la période de questions.
Hier, nous avons entendu le mémoire de
Québec-Téléphone. Ce matin nous allons commencer avec
l'Association canadienne de radio et de télévision de langue
française du Québec. J'inviterais donc le représentant de
cet organisme à prendre la parole.
M. L'ALLIER: M. le Président, avant d'entendre le
représentant de l'association, nous pourrions probablement convenir de
maintenir la règle que nous avions adoptée. Nous avions convenu
hier que même si le mémoire porte sur les trois projets de loi,
nous puissions, s'il y a lieu, poser des questions et discuter du
mémoire d'abord sur le bill 35 et ensuite sur le bill 36 et ensuite sur
le bill 37. Dans le mémoire présenté, en fait,
l'association fait des commentaires sur les trois projets de loi. Plutôt
que de recevoir l'ensemble du mémoire pour ensuite poser des questions,
si les membres de cette commission étaient d'accord, lorsque nous aurons
entendu les opinants sur le projet de loi 35, nous pourrions poser alors les
questions et discuter, s'il y a lieu, pour ensuite passer aux autres projets de
loi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour des questions d'ordre, la proposition du
ministre nous est agréable. Les trois projets évidemment se
chevauchent et nous avons convenu hier de procéder dans l'ordre, soit le
projet de loi 35 puis le 36 et finalement le 37 qui a été
adopté hier soir en seconde lecture. Je suis d'accord avec le ministre
des Communications sur cette procédure.
M. DUMONT: Nous avons tout de même eu le loisir de discuter en
deuxième lecture les projets de loi nos 35, 36, 37. J'ai regardé
brièvement le rapport qui nous est remis ce matin par l'Association
canadienne de la radio et de la télévision de langue
française et on parle des trois projets de loi. Même si nous nous
écartons de quelques questions par rapport aux bills 36 et 37, nous
aurons la même largeur d'esprit que nous avons eue à
l'Assemblée nationale pour nous permettre d'en discuter afin de pouvoir
éclairer tout le monde.
M. LEGER: En ce qui nous concerne, nous allons essayer de poser les
questions qui ont rapport à 35 avant 36. Si par hasard il y a une
relation, je pense que nous serons assez ouverts d'esprit. Nous sommes
d'accord, M. le Président.
Association canadienne de la radio et de la
télévision de langue française
M. STEIN (Charles): M. le Président, mon nom est Charles Stein,
je suis l'avocat de l'Association canadienne de la radio et de la
télévision de langue française, c'est-à-dire
l'ACRTF. Je suis accompagné du président de cette association,
Pierre Stein; de M. Paul Audet, directeur général de CJPM de
Chicoutimi et vice-président de l'association; de M. France Fortin,
vice-président de la Télévision de Québec et l'un
des administrateurs de l'association; de M. Aurèle Pelletier, directeur
général de CHRC à Québec et aussi un des
administrateurs; de M. Jean Pouliot, il n'est pas arrivé mais il doit
venir, président et directeur général de la
Télévision de Québec et un autre administrateur de
l'ACRTF.
Nous avons aussi M. Gérard Fortin qui est ingénieur
à la Télévision de Québec et M. Sidney Margies qui
est représentant de CJAD, The Standard Broadcasting et
représentant de langue anglaise. Si cela vous agrée, nous nous
proposions de procéder comme suit: Le président de l'association
ferait la lecture du mémoire, à l'exception de la partie qui
traite de la question constitutionnelle dont je me chargerais.
M. LE PRESIDENT: Certainement.
M. STEIN (Charles): Alors il pourrait peut-être interrompre quand
il sera rendu là, je traiterai de cette question et il terminera.
M. STEIN (Pierre): M. le Président, MM. les membres de la
commission, je vous présente le mémoire de l'ACRTF, l'Association
canadienne de la radio et de la télévision de langue
française Inc., au sujet des projets de loi 35, 36 et 37 de 1971.
L'Association canadienne de la radio et de la télévision de
langue française Inc., que nous appellerons l'ACRTF est un organisme
à charte québécoise qui groupe la majorité des
postes privés de radio et de télévision qui diffusent en
langue française au Canada. Elle compte 55 postes de radio et dix de
télévision.
Cinquante-sept de ces 65 postes sont situés au Québec et
huit sont répartis entre cinq autres provinces, trois en Ontario, deux
en Saskatchewan et un chacun au Nouveau-Brunswick, au Manitoba et en Alberta.
Les membres de l'ACRTF font également partie de l'Association canadienne
des radiodiffuseurs, l'ACR, ou Canadian Association of Broadcasters, CAB, qui
groupe la majorité des postes privés canadiens de radio et de
télévision.
Enfin, l'ACRTF est elle-même affiliée à l'ACR et
délègue chaque année quatre de ses membres au conseil
d'administration de cette dernière.
Dans le moment, pour la troisième fois, c'est un membre de
l'ACRTF, M. Henri Audet, président du poste CKTM-TV de
Trois-Rivières, qui est le président de l'ACR. Les autres
délégués de l'ACRTF au conseil canadien de l'ACR sont
actuellement moi-même ainsi que M. Philippe de Gaspé-Beaubien et
M. Jean Pouliot.
La fondation de l'ACRTF remonte au 1er juin 1944, mais l'existence de
quelques-unes des entreprises qui en sont membres remonte à plus de
quarante-cinq ans. Ses buts comprennent les mesures favorisant le
progrès de la radio et de la télévision, l'échange
d'informations et connaissances techniques, administratives, de programmation
et autres, entre les radiodiffuseurs et télédiffuseurs
d'expression française au Canada.
Quelques remarques préliminaires. Nous nous présentons
devant cette commission parlementaire aujourd'hui avec le sentiment que cette
consultation à la vapeur n'en est pas une à proprement parler.
Parce que la substance des bills 35, 36 et 37 constitue une menace virtuelle
contre les assises mêmes de nos libertés démocratiques,
l'ACRTF croit que les diffuseurs auraient dû être consultés
avant même que les intentions législatives du gouvernement soient
rendues publiques.
Nous croyons que, dans ce cas, la philosophie qui se retrouve à
la base desdits projets de loi et que nous jugeons, pour une bonne part,
inacceptable aurait pu subir une certaine réorientation. Les quelques
heures qu'on nous a concédées pour la préparation d'un
mémoire ne nous permettent pas, au demeurant, de penser qu'on souhaite
une véritable consultation avec nous. Quoi qu'il en soit, l'ACRTF
désire vous faire part de quelques réflexions et interrogations
graves suggérées par les projets de loi 35, 36 et 37, dans
l'espoir que ce que nous considérons comme l'intérêt public
et, par extension celui des diffuseurs, trouve une meilleure part dans les
objectifs du gouvernement provincial.
Même si, au moment de la rédaction du présent
mémoire, la commission permanente sur les Communications n'a
été saisie par l'Assemblée nationale que du projet de loi
35, nous prenons la liberté de traiter non seulement de ce dernier, mais
aussi d'une ou deux dispositions des projets nos 36 et 37 qui y sont
reliés et dont l'étude sera sans doute également
confiée à la commission sous peu.
Précisons que seules les dispositions du projet 35, Loi modifiant
la Loi de la Régie des services publics, qui nous intéressent
sont: 1) le nouveau texte du sous-paragraphe a) du paragraphe 3 de l'article 2
de la Loi de la régie, proposé à l'article 1 du projet,
qui remplacerait la définition d'une entreprise
télégraphique ou téléphonique par celle d'une
entreprise de transmission ou de diffusion de sons, d'images, de signes, de
signaux, de données ou de messages par fil, câble, ondes ou tout
moyen électrique, électronique, magnétique,
électromagnétique ou optique; 2)le nouveau texte de l'article 25
de la Loi de la régie proposé à l'article 6 du projet et
qui obligerait la régie à se conformer aux règlements
prévus à l'article 3 a) de la Loi du ministère des
Communications, qui serait ajouté à cette loi par l'article 3 du
projet 37; 3) l'article 29 a) de la Loi de la régie que l'article 8 du
projet 35 propose d'ajouter à cette loi et qui conférerait
à la régie compétence exclusive au Québec sur
l'emplacement et les conditions de raccordement des installations
nécessaires à l'exploitation d'une entreprise publique; 4) le
nouveau texte de l'article 30 de la Loi de la régie proposé
à l'article 9 du projet 35 qui permettrait, aux conditions posées
par la régie, à une entreprise tombant sous le coup du
sous-paragraphe a) du paragraphe 3 de l'article 2, (nouveau texte), d'utiliser
les installations d'une autre entreprise, tandis que le dernier alinéa
actuel de l'article 30 ne prévoit la chose que pour les poteaux d'une
ligne téléphonique, télégraphique ou de
signalisation; 5) l'article 33 de la Loi de la régie, tel qu'il serait
modifié par l'article 10 du projet 35, qui permet à la
régie de prescrire les conditions d'un échange de services entre
deux entreprises similaires; 6) l'article 15 du projet no 35, qui
conférerait un certain effet rétroactif aux nouvelles
dispositions, pour ce qui est des radiodiffuseurs et des
télédiffuseurs, puisqu'il leur faudrait obtenir la permission de
la régie pour poursuivre l'exploitation de leurs entreprises, comme si
l'implantation et l'exploitation de ces dernières étaient
actuellement illicites et comme s'ils n'avaient pas de droits acquis.
Dans le projet no 36, seul nous intéresse le nouveau texte de
l'article 25 de la loi de l'Office de radio-télédiffusion du
Québec proposé à l'article 9. Le premier alinéa du
texte proposé de l'article 25 se réfère aux
règlements prévus à l'article 3 a ) de la Loi du
ministère des Communications, qu'ajouterait l'article 3 du projet no
37.
Le deuxième alinéa du texte proposé de l'article 25
subordonne à l'autorisation de l'Assemblée nationale l'exercice
du pouvoir d'expropriation de l'office. Cette disposition est contenue à
l'article 25 actuel, sauf que ce dernier exige l'autorisation préalable
de l'Assemblée nationale, ce que ne fait pas le texte
proposé.
Les dispositions du projet no 37 qui touchent les radiodiffuseurs et les
télédiffuseurs sont: 1 ) l'article 1, qui remplace le
deuxième alinéa de l'article 2 de la Loi du ministère des
Communications en étendant le sens du terme "communications" à
"tous les moyens de diffusion et d'information" et à la transmission de
sons, d'images, etc. "par tout moyen électrique,
électronique, magnétique, électromagnétique
ou optique", alors que les moyens énumérés dans le texte
actuel sont les fils, les câbles et les ondes; 2 ) le paragraphe a ) de
l'article 3 a ) que l'article 3 du projet ajouterait à la Loi du
ministère des Communications et qui permettrait au conseil des
ministres, sur la recommandation du ministre des Communications, de
réglementer les conditions d'établissement, d'exploitation,
d'administration, d'extension ou de modification d'une entreprise publique au
sens du paragraphe 3 de l'article 2 de la Loi de la Régie des services
publics, de même que "la cession, la vente, l'achat ou la fusion d'une
telle entreprise en tout ou en partie", "la création, la vente ou
l'achat en totalité ou d'une partie d'un réseau ou
d'installations qui y sont reliées".
Nous reconnaissons d'emblée la nécessité d'une
réglementation de l'industrie, de la radiodiffusion et de la
télévision, du moins en ce qui concerne certains aspects ou
sujets. Par exemple, il va de soi que la répartition des longueurs
d'ondes et canaux, ainsi que des emplacements des tours et antennes de
transmission doit être réglementée. A noter que,
d'ailleurs, des accords et règlements internationaux sont
nécessaires, en plus de nos propres lois et règlements.
Dans une déclaration rapportée dans l'édition du
Soleil, du 18 septembre 1971, le ministre des Communications, M. L'Allier,
admettait que l'objectif du gouvernement était d'éviter le plus
possible qu'il y ait double réglementation.
En plus de nous inviter à penser qu'il y aurait effectivement
double réglementation, la déclaration du ministre ajoute du poids
à notre conviction qu'un excès de réglementation et des
conflits de juridiction et de lois pourraient être causes d'anarchie ou
de fouillis, tout comme le serait l'abstention complète de
l'autorité législative et administrative. C'est plus
particulièrement le cas quand la législation et la
réglementation provinciales font double emploi avec celles du
fédéral et quand, par-dessus le marché, le tout est
agrémenté d'un problème constitutionnel qui rend fort
douteuse la validité de l'intervention provinciale.
Enfin, la législation projetée dont nous parlons, en plus
de placer les radio-diffuseurs et les télédiffuseurs du
Québec dans une situation technique et juridique quasi impossible, parce
qu'elle ferait double emploi avec la législation fédérale
et à cause de sa constitutionnalité contestable, mettrait leur
autonomie et leur situation économique à la merci de pouvoirs de
réglementation très étendus et passablement arbitraires,
qu'on ne retrouve pas dans la législation fédérale.
Examinons le conflit entre la législation et la
réglementation proposées et celles du fédéral.
M. L'ALLIER: M. le Président, je crois que, conformément
à ce que nous avons convenu au départ, nous pourrions à ce
stade-ci arrêter la lecture du mémoire et poser des questions
à l'opinant sur ses interventions concernant directement les projets de
loi no 35, 36 ou 37.
En fait, nous aurions pu le faire immédiatement après le
projet de loi no 35.
Si cette commission est d'avis que nous puissions continuer
jusqu'à la fin pour recommencer ensuite l'étude paragraphe par
paragraphe, ça m'est égal quant à moi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La situation est un peu délicate, il y
a dans le mémoire dont on vient de nous lire une partie, un ensemble de
considérations sur les projets de loi nos 35,36 et 37, par le biais,
dans le cas de ces deux derniers.
Il arrive toutefois que l'argument de base, je crois, de la CRTF est un
argument d'ordre juridique, et même d'ordre constitutionnel. L'on fait
grand état de ce conflit de compétences qui provoquerait des
situations assez délicates, assez difficiles.
L'on note en particulier que la réglementation
fédérale est plus libérale que ne le seraient la
réglementation et même les projets de loi qui sont soumis à
notre examen. Je sais que le ministre il nous l'a dit hier et j'ai eu
l'occasion d'en causer avec lui ce matin a l'intention de faire un
examen complet de la question constitutionnelle au moment opportun,
c'est-à-dire quand nous aurons fait une étude un peu plus globale
des mémoires qui nous auront été présentés.
Je suis, pour ma part, un peu embarrassé, parce que je me demande
où se trouve la charrue et où se trouvent les boeufs et comme on
ne veut pas mettre la charrue devant les boeufs, il faudrait que le ministre
nous dise ce qui, dans son esprit, est prioritaire. Est-ce que c'est le
problème constitutionnel, le problème juridique ou si ce sont les
observations qui ont été faites spécifiquement sur les
articles des projets de loi 35, 36 et 37? Je ne veux pas embarrasser le
ministre avec cela, d'ailleurs cela a fait l'objet de nos interventions en
Chambre, mais nous lui avons dit et répété que le
problème de base restait quand même le problème
constitutionnel, ce problème juridique d'envergure. Or, je me rends
compte, à la lecture du mémoire de l'ACRTF, que c'est quand
même la base de leur argumentation. Alors, je demande au ministre s'il
maintient sa position en ce sens qu'il fera l'examen de la situation juridique
et constitutionnelle après ou s'il sera disposé à
l'aborder immédiatement.
M. L'ALLIER: M. le Président, sur ce point, je crois que nous ne
pourrons pas, si nous voulons étudier d'une façon positive le
mémoire qui est devant nous, éviter, à l'occasion de ce
mémoire, de préciser le sens et l'étendue possible des
dispositions des projets de loi qui sont devant nous. Ce que je voudrais
cependant traiter à la fin et pour le bénéfice des membres
de cette commission, c'est l'état actuel du dossier ou du "contentieux"
fédéral-provincial
en matière de communications. Cependant, il est important, je
crois, compte tenu de ce que vous avez dit et qui est exact, de savoir que les
préoccupations et les craintes énoncées par l'association
qui est devant nous reposent essentiellement sur le droit ou la négation
du droit du Québec d'intervenir dans ces domaines de radio et de
télévision, de même que de câblodistribution. Alors,
afin de bien cerner quelle est l'opinion des intervenants ce matin, je crois
qu'il y aurait avantage à leur demander, sur une loi
présentée, un certain nombre de précisions.
Pour ma part, j'aimerais savoir quels sont les points précis de
cette loi. J'aimerais poser des questions, ce qui les amènerait à
croire qu'il y a pour eux tel ou tel danger et qui me permettrait par la suite
de préciser l'extension qui nous semble possible et réaliste de
donner à l'application de ce projet de loi dans le cadre de la
juridiction du Québec. C'est en fait un article auquel personne n'a
référé dans le mémoire. C'est le premier article de
la Loi de la Régie des services publics telle qu'elle existe maintenant
et qui se lit comme suit: "La présente loi s'applique aux
matières énumérées dans l'article 2, lequel est
modifié, qui relève de la juridiction de la province." C'est un
article essentiel à la compréhension de toutes les dispositions
contenues dans ce projet de loi. Il y a donc, d'une part, un certain nombre de
secteurs de communication que nous considérons, à bon droit,
comme étant de juridiction provinciale. Il y en a d'autres qui sont
actuellement sous juridiction fédérale et pour lesquels nous
souhaitons avoir des conversations ou des négociations avec le
gouvernement fédéral, dans l'optique d'une politique globale de
communication. Je ne voudrais pas que l'on croit ici, comme on l'a
laissé sous-entendre à une ou deux reprises dans le
mémoire, qu'il s'agisse là d'une législation ayant pour
but de devenir un moyen de pression sur le gouvernement fédéral.
Cela serait absolument contraire à ce que nous voulons faire.
Nous ne voulons cependant, pas par la restriction volontaire de telle ou
telle définition, admettre implicitement ou même directement dans
un texte de loi que la situation actuelle, en matière de juridiction
dans les domaines de communications, doive se poursuivre et que nous en soyons
satisfaits. En fait, j'aurai l'occasion de le préciser, suite aux
questions que je pourrai poser aux intervenants.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, si vous me le permettez, le
problème que pose l'ACRTF, je le disais tout à l'heure, est un
problème juridique, un problème constitutionnel. Vous avez
apporté une précision au sujet des champs de compétence du
Québec dans ce domaine. J'imagine qu'en posant des questions aux
représentants de l'ACRTF, sans nécessairement les engager dans
des conflits constitutionnels, vous entendez bien les associer à ce
travail de revendication des droits du
Québec ou à l'élargissement d'un champ de
compétence que le gouvernement central a rétréci. Il est
bien entendu que la position de l'ACRTF, si on l'examine dans l'optique des
lois actuelles du gouvernement central par rapport aux lois du gouvernement du
Québec, est certainement commode. Elle permettra à l'ACRTF de
nous faire des représentations indiquant que le projet de loi a telle ou
telle faiblesse. Je fais un appel ce matin à nos amis de l'ACRTF pour
qu'ils nous aident à élargir le champ que le Québec entend
couvrir dans ce domaine de la radio et de la télédiffusion. Le
ministre actuel, comme ceux qui l'ont précédé, avait
entrepris dans ce domaine un travail.
Même si cela doit déranger certaines habitudes acquises et
consacrées par des textes fédéraux, il ne m'apparaît
pas que cela doive être sacré. On peut ensemble considérer
la situation actuelle mais dans l'optique d'un changement et d'une
amélioration qui irait dans le sens des intérêts du
Québec des droits revendiqués par le Québec dans le
domaine des ondes.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, si j'ai bien compris, l'intervention
du ministre tantôt était surtout pour savoir si nous devions
continuer à écouter l'ACRTF ou poser immédiatement
certaines questions. Evidemment, j'ai cru comprendre hier soir, lorsqu'une
motion a été présentée, à la suite du vote
sur le bill 37, que le ministre avait l'intention de donner à tous ceux
qui voulaient venir devant cette commission la possibilité d'avoir
suffisamment de temps pour s'expliquer. Si j'ai bien compris, et si tel est
l'esprit dans lequel nous devons entreprendre ces travaux, nous devrions
à ce moment-ci laisser les représentants de l'ACRTF continuer la
lecture de leur mémoire jusqu'au bout. Cela permettra aux
députés de prendre des notes et par la suite de poser toutes les
questions. Je remarque qu'à la page 9 qui n'a pas encore
été lue, on y discute encore du bill 35. L'ensemble du
mémoire pourrait peut-être permettre de répondre à
certaines questions avant même que nous aycns à les poser, si nous
les laissons lire jusqu'au bout. Quant à nous, nous sommes parfaitement
disposés à entendre tout le mémoire et par la suite poser
les questions qui nous sembleront propices à la discussion.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je vais poser quand même
quelques questions à M. Stein. A la page 8, au sujet des
représentations faites dans ce mémoire, ce qu'on redoute le plus,
est qu'il y ait deux réglementations, l'une sur l'autre, et qu'on ne
sache pas laquelle a priorité. Autrement dit, est-ce que je
résumerais votre pensée en disant que vous
préféreriez n'avoir qu'une réglementation et non deux?
M. SAMSON: M. le Président, nous devons d'abord nous entendre sur
le fait que nous posons immédiatement les questions ou nous attendons
à la fin avant de poser des questions. Parce que, là, l'honorable
député semble poser des questions.
M. LEGER: C'est ce que nous avions dit, M. le Président.
M. L'ALLIER: Comme le mémoire n'est pas tellement long, nous
pouvons, pour avoir une vue d'ensemble je m'excuse de l'intervention que
j'ai pu faire qui a pu être interprétée
écouter la présentation du mémoire d'une façon
intégrale et reprendre ensuite l'étude du mémoire
plutôt que de naviguer d'un bout à l'autre...
M. LEGER: D'accord. Je n'ai pas d'objection. Mais j'avais cru comprendre
que vous aviez arrêté la lecture pour que nous posions des
questions sur cette première partie.
M. L'ALLIER: C'est-à-dire que j'ai demandé... Comme nous
avions convenu au début, pour faciliter et rationaliser notre
étude, que nous allions la faire loi par loi, 35, 36 et 37, comme il
m'apparaissait qu'à la page 8 on terminait en fait les remarques
précises sur chacun des projets de loi, je voulais simplement demander
aux membres de cette commission si à ce stade-ci ils voulaient
étudier les questions qui se rapportent directement aux projets de loi,
compte tenu aussi du fait que M. Stein avait dit que, quant à lui, il
traiterait de la question constitutionnelle. Alors il m'apparaissait qu'il y
avait là une ligne de démarcation facile.
Le mémoire n'étant pas tellement long, laissons poursuivre
les opinants jusqu'à la fin et nous reprendrons, comme je le
suggérais et comme vous étiez d'accord, l'étude de ce
mémoire partie par partie.
M. LE PRESIDENT: Si les membres de la commission sont d'accord, nous
allons permettre de continuer.
M. STEIN (Pierre): D'accord. Merci, M. le Président, MM. les
membres de la commission. Donc, examinons maintenant le conflit entre la
législation et la réglementation proposées et celles du
fédéral. En vertu de la Loi sur la radiodiffusion, de la Loi sur
la radio et des règlements établis sous leur empire, le Conseil
de la radio-télévision canadienne et deux ministères
fédéraux, celui des Communications et celui des Transports,
réglementent déjà l'emplacement, la construction,
l'exploitation et l'aliénation des entreprises de radiodiffusion et de
télévision.
L'annexe du présent mémoire résume très
brièvement les exigences, facteurs et circonstances que doit respecter
ou dont doit tenir compte quiconque se propose d'établir une station de
radio ou de télévision. A la lecture de cette annexe d'une page,
on pourra peut-être se faire une meilleure idée des
inconvénients sérieux que pourraient susciter à notre
industrie la confusion et l'incertitude résultant du chevauchement d'une
réglementation fédérale et d'une réglementation
provinciale.
Les divergences de vues et d'exigences entre les autorités
chargées de la mise à exécution de l'une ou de l'autre
respectivement seraient susceptibles d'entraver la réalisation des
projets d'implantation ou de développement les mieux conçus et
les plus dignes de confiance.
N'importe-t-il pas d'éviter de nuire indûment à une
industrie québécoise dont la fonction est l'information, le
divertissement et la culture? Or, les nouvelles dispositions proposées
dans les trois projets ou celles de la Loi de la Régie des services
publics que le projet de loi no 35 rendrait applicables à la
radiodiffusion et à la télédiffusion portent entre autres,
sur les sujets sus-mentionnés, déjà
réglementés par le fédéral: emplacement,
construction, exploitation et aliénation des postes.
Mentionnons de nouveau le paragraphe a ) de l'article 3 a ) de la Loi du
ministère des Communications, proposé à l'article 3 du
projet 37, les articles 23 à 25 et 29 a ) à 33 de la Loi de la
Régie des services publics, (l'article 25 tel que remplacé par
l'article 6 du projet 35, l'article 29 a ) tel qu'ajouté par l'article 8
du même projet et les articles 30 et 33 tels que modifiés par les
articles 9 et 10 de ce projet).
Certains des pouvoirs attribués par ces dispositions au Conseil
des ministres du Québec et à la Régie des services publics
sont substantiellement plus exorbitants et arbitraires que ceux que le
Parlement fédéral a conférés à ses
ministères et organismes. Ainsi, le droit que posséderait la
Régie des services publics de prescrire les conditions d'un
échange de programmes ou autres services entre deux radiodif-fuseurs ou
télédiffuseurs, article 33 de la Loi de la régie
modifié par l'article 10 du projet 35, n'existe pas au
fédéral.
Autre exemple: le pouvoir de la régie de permettre à un
radiodiffuseur ou à un télédiffuseur, l'Office de
radio-télédiffusion du Québec ou Radio-Québec, de
réquisitionner les installations d'une autre (article 30 de la Loi de la
régie, modifié par l'article 9 du projet de loi no 35).
Le pouvoir de réquisition, dont l'exercice serait permis avec la
seule autorisation de la régie, alors que celle de l'Assemblée
nationale serait nécessaire pour l'expropriation, constituerait une
épée de Damoclès dont la menace entraverait la
planification et les projets à long terme. Pour tout dire, il nous
semble assez difficile de concilier un pouvoir aussi exorbitant avec les
principes et coutumes d'un régime démocratique et de
liberté d'entreprise et d'information.
Par comparaison, la Loi fédérale sur la radiodiffusion ne
confère un pouvoir de ce
genre au comité de direction du Conseil de la
radio-télévision canadienne, sur instructions du gouverneur en
conseil, que pour les cas d'urgence et ne lui permet de l'exercer que sur avis,
qui doit être publié immédiatement dans la Gazette
officielle. Plus précisément, en vertu de cet article, on peut
imposer "toute émission que le comité de direction ou le
gouverneur en conseil, selon le cas, estime être d'une importante urgence
pour l'ensemble des Canadiens ou pour les personnes qui résident dans la
région à laquelle l'avis se rapporte."
Enfin, le fédéral ne s'est pas arrogé non plus le
droit de regard sur les taux, prix et loyers et sur la qualité du
service des radiodiffuseurs et télédiffuseurs privés que
la régie posséderait en vertu de l'article 30 de sa loi, si le
projet de loi no 35 était adopté.
Pour ce qui est du contrôle de la qualité du service, que
l'article 30 de la Loi de la régie attribue à cette
dernière, qui ne verra le danger qu'on ne s'avise de l'étendre au
contenu des émissions de radio et de télévision, au lieu
de le faire porter seulement sur la technique de la transmission du son et de
l'image? On nous permettra de nous référer une fois de plus
à une déclaration du ministre des Communications, M. L'Allier,
comme le rapporte le Devoir du 20 août 1970: "Ayant juridiction sur les
câbles, l'Etat interviendra dans la réglementation, par exemple,
en déterminant avec les prorpiétaires de câbles qu'un
certain nombre de canaux seront réservés à des fins
éducatives. C'est donc l'entreprise privée qui assure la mise en
place des réseaux de câbles. Et c'est le Québec qui exerce
son contrôle sur les canaux réservés exclusivement aux fins
éducatives. L'Etat exercera en même temps un contrôle sur le
contenu des autres canaux commerciaux pour s'assurer que ce qui est
diffusé par les canaux réservés à
l'éducation ne soit pas détruit, par exemple, par l'ensemble des
autres canaux qui nous présentent parfois des films où dominent
la violence et les combats de mitraillettes". Fin de la citation.
Cette déclaration n'implique-t-elle pas l'intention
présumée du ministre de contrôler directement ou
indirectement le contenu de la programmation privée de
télévision?
Est-il superflu de souligner l'inadmissibilité d'un pouvoir
d'intervention arbitraire dans le choix et le contenu de nos programmes
d'information ou autres surtout quand les autres media de communication,
qui sont nos concurrents, ne sont pas assujettis à semblable
ingérence? Nos auditeurs et téléspectateurs sont
pleinement en mesure de juger eux-mêmes de la qualité de nos
émissions et n'ont jamais, que nous sachions, manifesté aucun
désir d'une censure morale, politique ou autre.
Le très ample pouvoir de réglementation du conseil des
ministres, qu'il exercerait sur la recommandation du ministre des
Communications à l'égard de l'établissement, de
l'exploitation, de l'administration, de l'extension, de la modification et de
l'aliénation de nos entrepri- ses, n'est pas de nature à nous
rassurer, il va sans dire. Voilà d'autres attributions dont un
gouvernement, un jour, pourrait être trop fortement tenté
d'abuser.
Enfin, toutes ces exigences, ces entraves, ces incertitudes, ces menaces
auraient assurément des répercussions sur le crédit, sur
le pouvoir d'emprunt et sur le financement de nos entreprises.
Par ailleurs, s'il est concevable que la régie puisse exercer un
droit de regard sur les taux, prix et loyers, à l'égard
d'entreprises publiques qui détiennent un monopole géographique
ou de distribution d'un service, il en est tout autrement lorsqu'il s'agit des
entreprises privées de diffusion. Ajoutons, en passant, messieurs, la
considération suivante, qui se trouve absente de notre
mémoire.
Dans le cas du téléphone ou de certains transports
publics, c'est l'usager qui paie pour les services qu'il reçoit.
Toutefois, ces services sont monopolistes alors que la diffusion privée
n'a pas cet attribut. En fait, c'est le commanditaire qui paie pour les
services distribués ensuite gratuitement au public usager. Et ce
commanditaire a le choix entre plusieurs moyens publicitaires et il n'a
d'obligation envers l'un ou l'autre de ces moyens. On comprend que l'usager
d'un service essentiel et monopoliste doive être protégé
pour les abus possibles de ceux qui distribuent ledit service. Et, à cet
égard, il est convevable qu'il y ait fixation des taux par une
régie.
La radio-télédiffusion est différente en ce sens
que le public usager, de même que le commanditaire, ont le choix entre
nos services et ceux d'autres groupes, qu'il s'agisse de diffusion ou bien de
publication. Il ne faut pas oublier que les entreprises privées de
diffusion se concurrencent entre elles. Non seulement pour obtenir la tranche
la plus substantielle de l'auditoire mais aussi pour élargir le plus
possible leur part du dollar publicitaire disponible.
Les taux s'établissent donc à partir de l'équation
suivante: d'une part, le jeu de l'offre et de la demande et, d'autre part,
l'habilité de la station à donner à une fraction plus ou
moins large du public un service qu'il est disposé à accepter.
Dans ces conditions, on ne voit pas comment une régie peut exercer un
droit de regard sur la détermination des taux tout en respectant les
conditions normales du marché auxquelles les diffuseurs sont
naturellement astreints et, ultimement, les besoins du public.
A ces considérations peut se greffer le fait qu'on placera ainsi
des diffuseurs dans une situation intenable face à la concurrence des
autres media qui continueront de jouir des avantages d'un marché
libre.
M. le Président, MM. les membres de la commission, je vais
demander à notre conseiller juridique de traiter de l'aspect
constitutionnel de notre mémoire.
M. STEIN (Charles): M. le Président, la question qu'il faut se
poser ici est tout simple-
ment celle-ci: Est-ce que les entreprises dont il s'agit
débordent les limites d'une province, en l'espèce, la province de
Québec? En effet, la Constitution l'article 92, paragraphe 10, attribue
au Parlement fédéral compétence exclusive sur toutes les
entreprises, quelles qu'elles soient, qui débordent les limites d'une
seule province. Plus particulièrement, il y en a certaines qui sont
nommées mais enfin, ça se termine par des termes
généraux et je lis ce sous-paragraphe a) du paragraphe 10 de
l'article 92: "Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments,
chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et
entreprises reliant une province à une autre ou à d'autres
provinces, ou d'étendant au-delà les limites de la province." Et
la jurisprudence, bien établie, veut que la portée, l'effet de
cet article, de ce paragraphe, est d'attribuer compétence
législative comme si les sujets ou les matières
énumérés à l'article 92, paragraphe 10,
étaient compris dans l'article 91 qui, comme vous le savez,
énumère les catégories de sujets réservés
entièrement à la compétence législative
fédérale.
Nous citons au mémoire la décision bien connue du Conseil
privé qui confirmait celle de la cour Suprême du Canada, au sujet
de la radiodiffusion et de la télédiffusion.
On a décidé là, en d'autres termes, que la
radiodiffusion et la télédiffusion tombaient sous le coup du
sous-paragraphe a) du paragraphe 10 que je viens de vous lire de
l'article 92, à la fois comme entreprise télégraphique et
comme entreprise reliant une province à une ou plusieurs autres ou
s'étendant au-delà des limites d'une province.
Aux pages 16 et 17, je cite un passage de la décision du Conseil
privé. "Does broadcasting fall within the excepted matters? Their
Lordships are of opinion that it does, falling in a) within both the word
"telegraphs" and the general words "undertakings connecting the Province with
any other or others of the Provinces or extending beyond the limits of the
Province". Their Lordships have therefore no doubt that the undertaking of
broadcasting is an undertaking "connecting the Province with other Provinces
and extending beyond the limits of the Province". Puis ils ajoutent que plus
particulièrement: "As already said, they think broadcasting falls within
the description of telegraphs".
On voit par la citation que nous faisons à la page 17, d'un
passage du renvoi du gouvernement à la cour Suprême dans cette
affaire que la télévision, en particulier, était bien
comprise : "Has the Parliament of Canada jurisdiction to regulate and control
radio communication, including the transmission and reception of signs,
signals, pictures and sounds of all kinds means of Hertzian waves, and
including the right to determine the character, use and location of apparatus
employed? "
Le jugement se réfère à la décision du
même tribunal dans l'affaire de la compagnie Bell
Canada et Toronto où l'on avait prétendu qu'on pouvait
sectionner, séparer une entreprise en plusieurs divisions, sections puis
prétendre, par exemple, que la partie située dans la province de
Québec était assujettie à la compétence provinciale
du Québec et ainsi de suite. On a rejeté cette prétention.
On l'a répété dans cette affaire visant la radio et la
télévision.
Je me permets, M. le Président, j'espère ne déroger
aucunement à la décision qui vient d'être prise au sujet de
la procédure, peut-être que cela vous conviendra, de
répondre tout de suite à la question que le ministre a
posée au sujet de l'article 1) de la loi. A mon humble avis, le fait que
la loi à l'article 1) dise: "La présente loi s'applique aux
matières énumérées dans l'article 2 qui
relève de la juridiction de la province ou dans un autre article que
l'on dise, "je pense qu'on l'a dans le bill 35 ici, ou plutôt dans 36, on
dit dans les limites de la compétence de la province... ou 37, en tout
cas, cela revient à un autre endroit.
M. L'ALLIER: ...M. le Président, la référence est
à l'article 3 amendé par l'article 3a) du projet de loi no
37.
M. STEIN (Charles): Oui. A mon humble avis, cela ne change absolument
rien à la question constitutionnelle. Nous avons raison de
prétendre que le Québec ou une autre province n'a aucune
juridiction sur la radio et la télévision. C'est comme si l'on
incluait dans une loi du Québec. Nous légiférons ici sur
les banques, sur le service postal, sur la défense nationale et je
pourrais ajouter bien d'autres exemples, mais seulement dans les limites de la
compétence du Québec. Qu'est-ce que cela change? Si le
Québec n'a aucune juridiction! Des clauses comme cela n'ajoutent
absolument rien. Il est entendu que, lorsque la province
légifère, elle ne peut que légiférer dans son
domaine, dans les limites de ses attributions. Qu'elle le dise ou non, c'est
comme cela que les tribunaux l'ont toujours interprété et doivent
l'interpréter. Je ne vois pas que l'on puisse invoquer...
M. LAURIN: Monsieur, vous ne pensez pas que c'est
précisément comme cela que l'autre ordre de gouvernement
procède. Il légifère d'ailleurs, d'abord, dans le sens
qu'il croit opportun et, si le Québec n'est pas content, il fait appel
à la cour Suprême.
M. STEIN (Charles): Evidemment, c'est tout à fait ce que je dis.
Si on légifère ici...
M. LAURIN: Est-ce que l'on va attendre que les deux gouvernements
s'entendent dans un champ où les zones grises sont plus importantes que
les zones claires?
M. STEIN (Charles): Si on me permet ici, la question touche, je crois,
un autre point ou
porte sur un autre point. Il y a deux questions. Premièrement,
celle que le ministre a soulevée, qui se rapporte à des clauses
de la loi disant: Nous légiférons ici seulement dans les limites
de la compétence du Québec.
Votre question, je pense, se rapporte plutôt à ceci.
Même s'il n'y avait pas cette clause-là, vous dites: Est-ce qu'on
va attendre, soit l'autre Législature ou l'autre gouvernement ou que les
tribunaux se prononcent? Evidemment, c'est arrivé souvent et ça
arrivera encore qu'une Législature adoptera des lois qui
dépassent sa compétence et les tribunaux se prononceront ensuite.
C'est évident, mais ici, il nous paraît, à tout le moins,
qu'il y ait un doute sérieux sur la question constitutionnelle, sur la
compétence du Québec à légiférer dans le
sens proposé et qu'il serait sage de demander l'opinion des tribunaux
avant, plutôt que de nous créer toutes sortes
d'embêtements.
Mais pour revenir à la question du ministre, je dis que ça
ne change rien que la loi dise: Nous prétendons, nous avons l'intention
de nous en tenir à notre compétence. Qu'elle dise ça dans
la loi ne change rien. Elle a la compétence ou elle ne l'a pas. Elle ne
peut pas se l'attribuer si elle ne l'a pas.
M. LEGER: Quelle est, selon vous, la compétence que le
Québec aurait dans...
M. L'ALLIER: Sur un point d'ordre, M. le Président, je m'excuse,
je crois que nous devrions nous en tenir à la procédure
établie au début, savoir, poursuivre la lecture du mémoire
et, par la suite, aborder chacune de ces questions. Autrement, nous risquons de
nous lancer tout de suite dans des discussions fort intéressantes, sans
nous permettre de voir l'ensemble de la question.
M. STEIN (Charles): Alors, tout ce que j'ai à ajouter, M. le
Président, à la question constitutionnelle, c'est, comme je viens
de le dire, que nous suggérons qu'il n'est pas sage ou opportun de
légiférer sur des sujets sur lesquels la compétence de la
Législature est en doute.
Il faut bien, évidemment, et je termine ici c'est dans
notre mémoire d'ailleurs distinguer la question juridique
constitutionnelle de la question de la politique législative ou des
relations entre le fédéral et le provincial. Il ne s'agit pas de
savoir si la Constitution devrait être autre que ce qu'elle est, si elle
devrait être modifiée ou si elle peut l'être à
brève échéance, ce qui semble pour le moins douteux. Il
s'agit tout simplement de savoir, de façon réaliste, quelles sont
les attributions, quelle est la compétence actuelle du Québec et
du fédéral. Quelle est celle du fédéral
là-dedans, qu'on aime la Constitution ou qu'on ne l'aime pas, qu'on
espère la modifier ou pas?
Ayant dit ça, avec votre permission, je cède la parole au
président.
M. L'ALLIER: M. le Président, je comprends parfaitement les
préoccupations de M. Stein comme juriste, même excellent juriste,
et je n'ai pas l'intention, à ce moment-ci du débat, de
constituer cette commission en tribunal constitutionnel.
Les actions que nous prenons par ces lois apparaissent, quant à
nous, réalisables dans le cadre de la juridiction du Québec. Et
s'il est redondant de l'indiquer dans chacune des lois, c'est une vieille
règle de droit parlementaire et de droit au Québec que l'on
retrouve dans des lois très anciennes et depuis, en fait, le
début de la législation québécoise. C'est donc une
chose qui pourrait être changée, bien sûr.
Mais on retrouve aussi des redondances comme celle-là dans
plusieurs textes de loi et même dans plusieurs mémoires. J'en
souligne une, par exemple, dans votre mémoire qui a un peu le même
effet lorsqu'on parle d'autorisation préalable pour les expropriations.
Une autorisation pour faire quelque chose, c'est habituellement
préalable. Autrement, ce n'est plus une autorisation, mais c'est une
confirmation de fait.
Je voudrais cependant, ici, faire part d'un certain nombre de remarques.
Une remarque qu'il m'apparaît utile de faire, est mentionnée dans
les notes préliminaires que vous présentez, à savoir qu'il
s'agit là d'une consultation à la vapeur et qui n'en est pas une
à proprement parler.
On peut le prendre ainsi, mais on peut aussi se souvenir que ces projets
de loi ont été déposés devant l'Assemblée
nationale en mai 1971 et que, dès ce moment-là, le gouvernement,
en accord avec les partis de l'Opposition avait manifesté son intention
de convoquer une commission parlementaire pour les étudier.
Je présume que ces projets de loi, qui ne sont pas tellement
volumineux, ont pu être étudiés par vous, depuis ce
temps-là.
Il s'est, en fait, passé presque six mois, sinon plus, depuis le
dépôt de ces projets de loi devant l'Assemblée nationale.
Sachant qu'il y aurait commission parlementaire, vous auriez peut-être pu
préparer, depuis ce moment-là, une intervention qui vous aurait
satisfait davantage. Quoiqu'il en soit, la commission se réunira de
nouveau, et il vous sera toujours loisible, soit devant cette commission, soit
devant la Régie des services publics, de faire valoir les points
d'intérêt général, dans l'intérêt de la
collectivité québécoise, que vous pourriez souhaiter
apporter.
Quelle est, en fait, l'étendue parce que c'est votre
principale préoccupation possible, immédiatement
réalisable par le gouvernement québécois, de cette
législation? Je vais essayer, en cinq minutes, de résumer de
nouveau cette position, pour éviter toute ambiguité par la suite
dans l'étude que nous pourrons faire de ces projets de loi.
Lorsque ces projets de loi précisent, même si
ce n'est pas nécessaire de le faire, qu'il s'agit de
réglementation et de législation dans le cadre de la juridiction
du Québec, il est important de souligner quelle est, quant à
nous, aujourd'hui, cette juridiction du Québec. Je ne pourrai pas vous
donner la fin de cette position, parce que, comme vous l'avez souligné,
Me Stein, il existe des zones grises. Il est cependant un secteur, compte tenu
de la jurisprudence que vous avez citée, compte tenu de la Constitution
qui n'a pas été écrite dans l'esprit des communications
bien sûr, tout le monde le reconnaîtra il est
cependant un secteur qui nous apparaît être exclusivement de
juridiction québécoise, c'est celui de la
câblodistribution. Ce secteur nous apparaît nettement de
juridiction québécoise et je crois que, les membres de cette
commission seront d'accord sur ce principe, non seulement eux, mais toutes les
personnes que nous avons pu consulter.
La législation ou la jurisprudence actuelle, que ce soit celle de
la cour Suprême, du Conseil privé ou du gouvernement
fédéral je fais référence ici davantage
à la législation et surtout à la décision du
Conseil privé donne, par une extension que je ne voudrais pas
interpréter ni qualifier ici, au gouvernement central, juridiction en
matière de radiodiffusion en faisant, comme vous l'avez dit, une
analogie entre la radiodiffusion et le télégraphe et en disant,
par ailleurs, qu'il y a d'autres moyens, lorsqu'ils sont interprovinciaux ou
qu'ils dépassent les frontières d'une province, qui sont de
juridiction fédérale. Nous ne croyons pas qu'il soit
réaliste, dans l'état actuel des compétences
fédérales et provinciales, pour le gouvernement du Québec
ou pour la Régie des services publics, d'occuper le champ
législatif ou réglementaire qui touche la radiodiffusion ou la
télédiffusion, en dehors de ce qui est déjà reconnu
comme étant dans ce secteur de juridiction provinciale, notamment les
implantations physiques. Il s'agissait là, en fait, d'une
responsabilité des municipalités et, même Radio-Canada
à Montréal devait avoir l'autorisation de la ville de
Montréal pour implanter sur le mont Royal une tour de diffusion. Ce que
nous faisons maintenant, c'est cette coordination des autorisations municipales
pour fins d'implantation d'équipement. Nous le faisons par le projet de
loi no 35 et nous le faisons également en indiquant, c'est à
l'article 29 a), que "dans tous les cas où la décision de la
régie est susceptible de déroger à un règlement de
zonage, la régie doit, avant de prendre sa décision, convoquer la
municipalité ou toute autre personne intéressée à
lui faire des représentations." Vous soulignez qu'il y aurait là
conflit entre deux niveaux de gouvernement au niveau de la
réglementation des implantations.
Il est exact que pour procéder à l'attribution des ondes,
et à l'émission de licences, le gouvernement
fédéral a par la CRTC et aussi par deux ministères
réglementaires: celui des Communications et celui des Transports, donc
règlement du CRTC conformément à la Loi de la
radiodiffusion fédérale, et le ministère des
Communications et dans certains cas aussi le ministère des Transports,
trois jeux de réglementation, trois sources de réglementation.
Ceux-ci peuvent et doivent déterminer un lieu physique d'implantation
pour que le permis s'exerce conformément aux exigences posées.
Cette exigence ne me paraît pas incompatible avec celle de l'organisation
des équipements physiques sur un territoire pour d'autres motifs que
ceux de la distribution des ondes. Quoiqu'il en soit, ce sont des questions
techniques qui pourraient être débattues fort longuement. Je veux
dire ici que, dans un premier temps et aussi longtemps que les juridictions
n'auront pas été modifiées et précisées
entre les deux niveaux de gouvernement, il ne serait pas réaliste, dans
l'optique d'une politique de communications, qui est une politique de services,
de réglementer pour le Québec, conformément aux articles 3
et suivants, autre chose que la câblodistribution.
Pourquoi alors avons-nous inscrit une définition aussi large des
communications? Parce que toute autre définition s'éloigne de la
définition internationale des communications. Nous cherchons une
normalisation de ce côté. Egalement l'utilisation, sous toutes ses
formes, de la réglementation de la câblodistribution doit
prévoir une définition de cette ampleur. Et surtout restreindre,
dans un projet de loi, cette définition serait, à mon avis, tenir
pour acquis que la situation actuelle, en matière de partage de
juridiction entre les deux niveaux de gouvernement, est une situation
satisfaisante. C'est une situation que nous voulons entériner pour le
futur. C'est une situation, en fait, que nous voulons consacrer tout simplement
quant à nous. Nous ne voulons pas, par cette définition large,
créer un moyen de pression sur les autorités
fédérales. Nous voulons cependant, avec une telle
définition dans la loi québécoise, pouvoir exercer, non
pas un contrôle, non pas une police, mais bien un pouvoir de
planification, un pouvoir de cohérence, essentiellement sur la
câblodistribution. Nous voulons également pouvoir avoir la marge
de manoeuvre suffisante, à l'intérieur des négociations
avec le gouvernement fédéral, pour que quel que soit
l'équilibre qui devra s'établir entre les deux niveaux de
gouvernement, que cet équilibre ne soit pas mis en danger par
l'existence de lois provinciales inadéquates.
Il est bien sûr que le pouvoir réglementaire prévu
au projet de loi no 37, prévoit qu'il y aura des contrôles, qu'il
y aura normalisation, qu'il y aura réglementation. Il est évident
aussi que la cohérence recherchée doit s'exercer et doit
comporter des contrôles. C'est en fait la position générale
que je voulais établir à ce stade-ci. Il sera possible de la
préciser en cours de discussion. Elle devra de toute façon se
préciser au fur et à mesure des travaux de cette commission.
Je voudrais maintenant reprendre, M. le
Président, quelques-uns des points qui me paraissent devoir
être précisés dans le mémoire qui nous est
présenté ce matin.
M. STEIN (Charles): M. le Président, est-ce que je pourrais faire
remarquer que la lecture du mémoire n'était pas
terminée.
M. LE PRESIDENT: J'avais permis au ministre d'apporter certaines
explications. J'allais justement lui signaler que M. Stein devait terminer la
présentation.
M. L'ALLIER: D'accord, cela ajoutera une question...
M. BERTRAND: Elle est importante. M. L'ALLIER: D'accord.
M. LE PRESIDENT: M. Stein, si vous voulez continuer...
M. STEIN (Pierre): M. le Président, bien entendu, l'ACRTF veut
écarter l'hypothèse de l'intention du gouvernement d'utiliser une
législation fédérale, une législation
inconstitutionnelle comme moyen de faciliter l'assentiment du
fédéral et des autres provinces à un amendement
constitutionnel. Outre que l'efficacité du moyen serait fort douteuse,
nous nous refusons à croire que le gouvernement et la Législature
du Québec se prêteraient à un jeu de ce genre sur le dos de
leurs administrés, contribuables et mandants. Par contre, si on admet la
fragilité de la législation proposée en regard de la
Constitution, pourquoi persisterait-on à assujettir toute une industrie
d'une importance primordiale telle que la radiodiffusion et la
télédiffusion québécoises à un réseau
de dispositions législatives et réglementaires et de
formalités administratives qui serait constamment exposé à
des contestations judiciaires pour le motif constitutionnel? Que gagnerait-on
à faire supporter ainsi à des entreprises de radio et de
télévision, pour la plupart bien de chez nous, une grande partie
des frais et des ennuis d'un différend dont elles ne sont aucunement
responsables?
Le gouvernement peut fort bien retarder l'entrée en vigueur de la
législation proposée jusqu'à ce qu'il ait obtenu une
consultation judiciaire au moyen d'un renvoi à la cour d'Appel dont il y
aurait appel à la cour Suprême.
Considérons ce qui menace l'autonomie de l'industrie et la
liberté de la presse parlée. Les membres de la commission auront
remarqué que certaines des dispositions projetées porteraient une
atteinte grave à la liberté de cette presse parlée que
représentent la radiodiffusion et la télédiffusion de
l'information ainsi qu'à l'indépendance économique des
entreprises en cause.
Rappelons à titre d'exemple le pouvoir général
d'ingérence dans la programmation au moyen du contrôle de la
régie sur la qualité du service et de son droit de prescrire les
conditions des échanges de services et le pouvoir d'expropriation de
l'Office de radio-télédiffusion du Québec, y compris celui
de réquisitionner l'usage des installations d'une entreprise existante,
que l'office pourrait exercer sans l'autorisation de l'Assemblée
nationale, avec la seule permission de la régie, en vertu du dernier
alinéa de l'article 30 de la loi de cette dernière tel que
modifié par l'article 9 du projet no 35. Voici nos conclusions et
recommandations: 1. L'ACRTF insiste, avec toutes les énergies dont
elle est capable, auprès de votre commission pour qu'elle se prononce
contre l'adoption des dispositions projetées qui présupposent ou
revendiquent la compétence du Québec sur la radiodiffusion et la
télédiffusion, du moins contre l'entrée en vigueur de ces
dispositions avant que le gouvernement n'ait obtenu une décision
judiciaire favorable quant à leur constitutionnalité. 2. Au
cas contraire, l'ACRTF n'aura d'autre ressource que d'engager ou faire engager,
comme elle le pourra, un litige sur la question constitutionnelle. 3. De
toute façon, les diffuseurs jugent que les principes en cause sont d'une
extrême importance et qu'il est de leur devoir d'alerter l'opinion
publique par tous les moyens dont ils disposent sur la
légitimité, l'opportunité et la sagesse du régime
de contrôle, de censure et de mainmise étatique que ces trois
projets prévoient ou rendent possible à l'égard de la
radio et de la télévision du Québec.
Nous recommandons que le gouvernement cherche à atteindre ses
objectifs d'éducation et d'information par le truchement des moyens de
diffusion et en particulier la radio et la télévision, en
utilisant des méthodes qui s'avèrent efficaces,
économiques et ne puisse en aucune façon interférer avec
les conditions actuellement existantes qui permettent le maintien des droits
démocratiques de tous les Québécois.
A cet égard, les diffuseurs seraient disposés à
suggérer au gouvernement certains moyens pour ce faire, si celui-ci en
manifeste le désir.
M. le Président, si vous permettez, je désire maintenant
vous livrer l'annexe A technique de notre mémoire. Toute personne qui
envisage l'installation d'une station émettrice de radio AM ou FM et de
télévision doit satisfaire à de nombreux critères
techniques qui lui sont imposés par des ententes internationales sur
l'utilisation des ondes, par des règlements de plusieurs
ministères fédéraux et par les normes de zonage local.
Avec l'utilisation très intensive qui est faite des ondes, le
choix de la fréquence et de l'emplacement de l'émetteur fait
souvent l'objet de travaux de recherches qui peuvent durer des mois. Toute
nouvelle installation doit émettre un signal qui, en plus de donner un
service adéquat dans la région désirée, ne doit pas
causer d'interférences à aucune autre station déjà
en opération.
L'étude technique qui accompagne une de-
mande doit satisfaire aux exigences: a) Du ministère
fédéral des Communications en ce qui a trait à la
fréquence d'opération, la qualité et la force du signal,
au choix d'équipement et à l'absence d'interférence aux
stations déjà en opération. b) Du ministère
fédéral des Transports pour l'emplacement et la hauteur de
l'antenne qui ne doit causer aucune obstruction à la navigation
aérienne. c) Des règlements de zonage locaux pour le choix de
l'emplacement et des structures à ériger.
Dans le choix de l'emplacement de l'antenne, par exemple, on doit tenir
compte de l'espace disponible, de la conductivité du sol, de la distance
de la région à desservir, des obstructions qui pourraient
affecter la transmission des ondes, ainsi que de la disponibilité des
circuits téléphoniques et de l'énergie
électrique.
Tout refus ou changement dans l'un des paramètres choisis par
l'un ou l'autre des organismes de contrôle peut rendre la demande
inacceptable et obliger une nouvelle étude ou même l'abandon
complet du projet. Le futur radiodiffuseur a de nombreux critères
techniques légaux et administratifs auxquels il doit se conformer avant
de pouvoir obtenir son permis et commencer la construction de sa station
émettrice.
La complexité des règlements rend nécessaire
l'engagement d'un ingénieur-conseil d'expérience. Messieurs, les
radiodiffuseurs anglophones du Québec et l'Association canadienne des
radiodiffuseurs sont d'accord sur les grandes lignes de ce mémoire.
Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le ministre des Communications.
M. L'ALLIER: M. le Président, je m'excuse pour tout à
l'heure, j'avais l'impression que la lecture du mémoire était
terminée, c'est pourquoi je suis intervenu. Je ne
répéterai donc pas ici les remarques générales que
j'ai faites. Je voudrais tout simplement m'en tenir, pour le
bénéfice des membres de cette commission, à tenter de
préciser quelques points qui m'appa-raissent, soit mal expliqués
ou soit plutôt ambigus.
Lorsque, par exemple, on parle et j'en ai dit un mot tout
à l'heure de la double juridiction qui pourrait exister entre un
niveau d e gouvernement et un autre niveau de gouvernement quant à la
détermination des emplacements, cette double juridiction existe de fait.
Elle existe entre le niveau du gouvernement fédéral, d'une part
et les gouvernements municipaux, d'autre part.
Il faut bien, je crois, qu'on analyse ces textes de loi dans cette
optique. Par ailleurs, à la page 5 ou 6 du mémoire, on souligne,
et d'une façon cyclique à la suite, le pouvoir
exagéré de réquisitionner qui existe et qui est
donné par la loi. Et pour indiquer que ce pouvoir est
exagéré, on fait un rapprochement avec la loi
fédérale qui dit que ce n'est que dans des cas d'urgence que
ça peut se faire.
Je veux tout simplement porter à l'attention des membres de cette
commission que le pouvoir qu'on dit ici exorbitant est, en fait, exercé
par la régie, que la régie est obligée d'entendre les
parties et que chaque personne intéressée au moment d'une demande
ou d'une attribution d'un tel pouvoir peut plaider, de toutes les façons
contre l'attribution d'un tel pouvoir.
C'est donc la régie, comme tribunal administratif, qui a le
pouvoir d'accorder à tel ou tel organisme l'utilisation... C'est en fait
à l'article 9 de la Loi de la régie qu'on retrouve ceci:
"Lorsqu'il existe déjà à un endroit des installations
susceptibles de servir aux fins d'une entreprise dont l'objet principal ou
accessoire est celui qui est défini au sous-paragraphe a) du paragraphe
3 de l'article 2, la régie peut ordonner, aux conditions qu'elle
détermine..." Par ailleurs, lorsque la régie statue sur un point,
elle doit entendre toutes les parties intéressées, alors qu'au
niveau du gouvernement fédéral même si c'est seulement dans
des cas exceptionnels, c'est le seul gouvernement fédéral,
à sa discrétion, qui détermine quand il y a
nécessité de réquisition. Au Québec, en fait
et je le répète c'est la régie qui exerce ce
pouvoir de façon autonome à l'égard du gouvernement
provincial et elle le fait de la façon normale, en entendant les
parties. S'il y a un abus de droit commis par la régie, tout justiciable
peut se présenter immédiatement en cour Supérieure avec
une demande d'injonction contre cette action. C'est, à mon avis le cours
normal des choses, pour atténuer quelque peu ce pouvoir que l'on dit
exorbitant ou l'interprétation qu'on en fait.
Quant à l'expropriation qui me paraît plus grave ici, on
dit à la page 6: "Le deuxième alinéa du texte
proposé de l'article 25 subordonne à l'autorisation de
l'Assemblée nationale l'exercice du pouvoir d'expropriation de
l'office." Cette disposition est contenue à l'article 25 actuel, sauf
que ce dernier exige l'autorisation préalable de l'Assemblée
nationale, ce que ne fait pas le texte proposé.
Je voudrais poser sur ce point, avant de donner mon opinion, une
question. Est-ce que l'on veut dire que la législation présente
permet l'expropriation, donc la réalisation d'un acte d'expropriation
complet, sans l'autorisation de l'Assemblée nationale? Est-ce que c'est
ce qu'on veut dire dans les paragraphes 2 et 3 de la page 6 du mémoire,
lorsqu'on dit "ce que ne fait pas le texte proposé"? Cette disposition
est contenue à l'article 25, à savoir références
à l'Assemblée nationale, "ce que ne fait pas le texte
proposé."
UNE VOIX: Ils le font.
M. L'ALLIER: Ils le font, mais ce que je
demande aux opinants, c'est: Est-ce qu'eux ont compris que, par nos
modifications, nous enlevions à l'Assemblée nationale le droit de
sanctionner ou d'autoriser toute expropriation? Parce que si tel est le cas, il
faudrait relire attentivement ledit article et le nouvel article 25, en fait,
qui se retrouve à l'article 9 du projet de loi 36 qui se lit comme suit:
"L'Office exerce les pouvoirs qui lui sont conférés par les
articles 21 à 24 conformément aux règlements
adoptés en vertu de l'article 3 a) de la Loi du ministère des
Communications.
Le pouvoir d'expropriation conféré à l'office par
l'article 23 ne peut être exercé qu'avec l'autorisation de
l'Assemblée nationale.
C'est une précision qu'il faut, je crois, apporter ici; c'est une
clarification tout au moins. Il est inexact de prétendre que, de par les
nouvelles dispositions législatives proposées, l'Assemblée
nationale perd son droit d'autorisation des expropriations dans ces
matières.
M. STEIN (Pierre): Notre conseiller juridique va répondre
à cette question.
M. STEIN (Charles): Je crois que vous avez raison. C'est une erreur
à la page 6.
M. L'ALLIER: Je comprends, comme vous le dites, que le mémoire a
dû être préparé rapidement et j'accepte aussi qu'il y
ait des erreurs de cette nature. Parce qu'en fait, nous ne sommes pas
actuellement dans une polémique. Il suffit de bien savoir, de bien
comprendre quelles sont vos positions. Enfin, il y a un dernier point où
il m'apparaît que des précisions doivent être
apportées et qui comporte davantage d'interprétation ici. C'est
quand, à la page 12, vous dites: "Le fédéral ne s'est pas
arrogé non plus le droit de regard sur les taux, prix et loyers et la
qualité du service des radio diffuseurs et des
télédiffuseurs privés que la régie
posséderait en vertu de l'article 30 de sa loi, si le projet de loi 35
était adopté."
En fait, si le gouvernement fédéral réglemente
actuellement la câblodistribution, c'est en partant de la prémisse
que la câblodistribution est, à toutes fins utiles,
assimilée à la radiodiffusion et à la
télédiffusion. C'est l'argument invoqué par le
gouvernement central pour dire qu'il a le devoir de réglementer la
câblodistribution, en disant que c'est un instrument assimilable à
la radiodiffusion et à la télédiffusion.
Or, tout le monde sait qu'il y a hier et aujourd'hui
à Ottawa des audiences qui ont précisément pour but la
tarification des prix en matière de câblodistribution. Il faut
aussi préciser, en ce qui concerne le loyer, que les tarifications
et on pourra me corriger là-dessus par exemple, qui sont
autorisées par le gouvernement fédéral et qui peuvent
être pratiquées par les sociétés de
téléphone dans la location d'équipement de câbles,
font l'objet de l'autorisation fédérale. Lorsqu'une
société de câblodistribution loue d'une
société de téléphone des équipements aux
fins de télédistribution, de câbles en particulier, les
tarifs que peut exiger une société de téléphone
sont eux-mêmes contrôlés ou autorisés tout au
moins.
M. STEIN (Charles): Il s'agit justement d'un service qui a un monopole.
C'est la distinction que nous faisons dans le mémoire. La compagnie de
téléphone a un monopole.
M. L'ALLIER: La compagnie de téléphone a un monopole mais
rien n'empêcherait une autre société de passer des
câbles dans les mêmes rues. La compagnie de téléphone
a un monopole de fait comme plusieurs sociétés ont des monopoles
de fait.
M. STEIN (Charles): Il s'agit des prix de la compagnie de
téléphone.
M. L'ALLIER: Quant à la qualité, M. le Président,
tout ce que je peux faire c'est de référer à l'article 2
de la Loi fédérale sur la radiodiffusion, qui dit, au paragraphe
b), que "le système de la radiodiffusion canadienne devrait être
possédé et contrôlé effectivement par des Canadiens,
de façon à sauvegarder, enrichir et raffermir la structure
culturelle, politique, économique et sociale". On donne une
finalité mais pas tellement à cet article d), dans les
dernières lignes, "que la programmation offerte par le système de
la radiodiffusion canadienne devrait être variée et
compréhensive et qu'elle devrait fournir la possibilité
raisonnable et équilibrée d'exprimer des vues différentes
sur des sujets qui préoccupent le public et que la programmation de
chaque radiodiffuseur devrait être de haute qualité et utiliser
principalement des ressources canadiennes, créatrices et autres".
Si on met dans une loi une disposition qui dit que la programmation
devrait être de haute qualité, on se donne à mon avis en
même temps le pouvoir de contrôler ou de vérifier cette
qualité, à savoir si elle est haute, moyenne ou basse.
M. LEGER: Pour clarifier votre pensée, M. le ministre, quand vous
avez dit il y a quelques instants que le fédéral, dans son
argumentation pour le contrôle du câble, disait qu'il assimilait la
câblodistribution à la radiodiffusion et à la
télédiffusion, est-ce que c'est ça que vous avez
expliqué tantôt, dans l'argumentation du fédéral
pour le contrôle du câble?
M. L'ALLIER: C'est effectivement je veux dire que je ne suis pas
d'accord évidemment sur cette interprétation du gouvernement
fédéral l'argument principal invoqué par les
autorités fédérales pour justifier son intrusion dans la
réglementation de la câblodiffusion. On dit: Il s'agit d'un
accessoire, il s'agit d'un module, il s'agit d'un sous-produit, en fait, ou
d'un véhi-
cule secondaire. Donc, c'est assimilable à la radio et à
la télévision. Donc on réglemente comme la radio et la
télévision.
M. LEGER: C'est facilement démolissable.
M. L'ALLIER: Voilà, c'étaient les précisions que je
voulais apporter au mémoire à ce stade-ci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je voudrais d'abord dire aux
représentants de l'ACRTF que, bien que préparé avec
hâte, leur mémoire est quand même assez substantiel, je
dirais même assez complet. Il appelle cependant certaines observations
d'ordre général, trois observations. On pose d'abord, et je crois
que c'est en fait le problème capital, celui qui a fait l'objet de nos
discussions, le problème constitutionnel.
C'est un problème, on le sait, qui n'est pas facile à
résoudre. Et nous avons fait reproche au ministre d'avoir, dans ce
domaine, fait des déclarations sans s'assurer des réponses
positives qu'il pourrait obtenir avant que de présenter les projets de
loi qu'il nous a présentés. C'est là, un des griefs que
vous avez formulés et nous sommes de votre avis à ce sujet. Le
ministre aurait peut-être dû s'enquérir des
possibilités d'obtenir lesdits droits avant que de relancer un
débat constitutionnel qui, jusqu'à présent, a
été à peu près sans issue.
Il reste que, dans les divers projets de loi, particulièrement
dans le projet 37, il y a une prescription de la loi qui indique l'intention
formelle du gouvernement d'entrer dans le domaine de la radio et de la
télévision. Je sais que cela est de nature à vous
inquiéter et, nonobstant la distinction que l'on peut faire entre
câblodistribution, radiodiffusion, télédiffusion, etc., il
appert, des gestes du gouvernement central, qu'il n'a pas du tout l'intention
de laisser le gouvernement du Québec, ou quelque gouvernement des autres
Etats membres de la fédération, entrer dans un domaine qu'il
considère comme le sien eu égard aux divers jugements que l'on
invoque à tour de rôle et que vous avez invoqués
vous-mêmes à l'appui de votre thèse. Encore que,
personnellement, je ne partage pas votre avis là-dessus mais disons que
l'on peut appeler de tout jugement et que l'interprétation que l'on a
donnée autrefois au mot "communication" peut être revue et doit
être revue dans l'optique de cette sémantique nouvelle, ce contenu
sémantique nouveau que recouvre le terme "communication".
Vous avez quand même posé le problème de base, le
problème constitutionnel et je ne puis pas vous faire grief de l'avoir
évoqué. Cependant, je voudrais, messieurs de l'ACRTF, vous dire
ceci: Même s'il n'est pas dans l'intention des législateurs, du
gouvernement ou des mem- bres de cette commission de vous faire entrer de force
dans une querelle, de vous faire participer à une querelle, à des
différends et d'engager une dispute dont vous feriez les frais, je me
permettrai de vous rappeler que vous avez, à titre de citoyens du
Québec, des devoirs et particulièrement celui d'aider votre
gouvernement dans une entreprise de revendication de droits que nous
considérons comme nôtres eu égard à l'expansion que
le sens des communications a pris dans les domaines particuliers de
l'éducation et de la culture.
Nous ne voulons pas que vous fassiez les frais de ces disputes, vous
pourriez nous dire que c'est à nous de régler cela. Bien entendu,
ce sont les législateurs qui ont la première
responsabilité, mais vous êtes quand même associés
aux législateurs et, par les mandats que vous nous donnez, vous vous
rendez, en quelque façon, responsables vous aussi des
négociations que nous avons menées et votre devoir en l'instance
est de nous aider à réclamer ce que nous croyons être notre
bien.
Je comprends que cela puisse vous déranger. C'est exact que cela
pourrait compromettre, à certains égards, la rentabilité
de votre exploitation mais je me permets de vous rappeler, encore une fois, que
vous avez des devoirs à cet égard et que, sans avoir
nécessairement partie liée à toutes les disputes
constitutionnelles des gouvernements à quelque palier que ce soit, vous
ne pouvez rester indifférents à ces initiatives que nous
prenons.
Ce problème constitutionnel que vous avez évoqué et
qui me paraît être le problème majeur, n'est pas le seul.
Vous avez évoqué également le problème qu'une
philosophie économique et politique, en parlant du contrôle des
entreprises de radio et de télédiffusion par l'Etat, de cette
sorte d'immixtion de l'Etat dans la programmation, dans l'exploitation,
etc.
Il y a là, évidemment, une question de philosophie
économique ou politique. Je suis, pour ma part, partisan de l'entreprise
privée sous toute réserve que l'entreprise privée
manifeste qu'elle correspond exactement aux exigences de la
société moderne de l'Etat contemporain. Mais je serais
évidemment assez mal à l'aise, si l'Etat s'avisait d'intervenir
à tous les paliers de l'administration de l'entreprise privée et
de s'ingérer, par voie de contrôle administratif ou par voie de
contrôle réglementaire, dans la programmation que vous soumettez
à vos auditeurs et téléspectateurs.
Le ministre des Communications a fait, à cet égard,
parlant de la câblodiffusion, une déclaration qui
évidemment, lui revient aujourd'hui, laquelle était assez
violente. Il parlait de la juridiction du Québec sur les câbles:
L'Etat interviendra dans la réglementation, déterminant que les
propriétaires de câbles, qu'un certain nombre de canaux, etc..
C'est le Québec qui exerce son contrôle sur les canaux
réservés exclusivement aux fins éducatives et le ministre
poursuivait c'est le texte que vous
avez cité : "L'Etat exercera en même temps un
contrôle sur le contenu des autres canaux commerciaux pour s'assurer que
ce qui est diffusé par les canaux réservés à
l'éducation ne soit pas détruit par l'ensemble des autres canaux,
qui nous présentent parfois des films où dominent la violence et
des combats de mitraillettes."
Evidemment, cette déclaration avait, si vous voulez, un air un
peu cocardier. Elle pouvait enfin émouvoir des auditoires plus
émotifs que ceux que le ministre trouve ici à la Chambre en
commission parlementaire. Il faudrait que le ministre, à votre demande
et pour apaiser les doutes, les soupçons et les craintes que vous pouvez
avoir, s'explique sur la signification de ce terme de contrôle dont il
parlait dans la déclaration que vous avez rapportée dans votre
mémoire.
La troisième considération que je voudrais faire, et plus
brièvement celle-là, c'est sur les effets et les dangers de la
loi ou des trois lois qui sont présentées.
Vous comprendrez qu'il y aurait fort à dire, on pourrait parler
longuement sur les dangers que vous avez évoqués de divers
contrôles. Je crois que le texte de votre mémoire, la façon
dont vous avez référé aux articles précis, nous
indique suffisamment quelles sont les difficultés que vous
prévoyez dans l'application de cette loi.
Vos arguments se basent sur les faits suivants je l'ai dit un peu
auparavant que les lois fédérales vous donnent plus de
liberté que vous en donneraient les nouvelles lois que présente
le ministre des Communications. Vous le dites de façon assez
précise dans chacun des paragraphes de votre mémoire. Je voudrais
demander à M. Stein, le président d'abord, en ce qui
concerne les contrôles et l'ingérence dont on parle dans votre
mémoire (page 20): Menaces à l'autonomie de l'industrie et
à la liberté de la presse parlée quels sont les
articles qui lui paraissent les plus pernicieux à cet égard.
M. STEIN (Charles): C'est certainement le pouvoir de
réquisition.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le pouvoir de réquisition. Par
l'Etat?
M. STEIN (Charles): Pouvoir d'expropriation et de réquisition par
l'Etat. Ils pourraient l'accorder, je pense bien, à n'importe qui. La
régie pourrait l'accorder.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Stein, dans la loi 37, il est
fait mention de cette volonté du gouvernement d'entrer dans le domaine
de la radio et de la télévision. On nous dit à l'article
3c) que le lieutenant-gouverneur en conseil peut faire des règlements:
pour déterminer les normes d'implantation et d'exploitation de stations
de radiodiffusion et de télédiffusion par l'Office de
radio-télédiffusion du Québec de même que les
conditions selon lesquelles cet organisme peut acquérir, détenir
ou aliéner des actions du capital-actions d'une autre corporation.
Est-ce que c'est cet article précis qui vous inquiète plus que
d'autres?
M. STEIN (Charles): Non, ce serait le paragraphe a)...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le paragraphe a)...
M. STEIN (Charles): ... de ce même article.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... du projet de loi no 37.
M. STEIN (Charles): Pour répondre un peu plus complètement
à votre question, je dirais qu'il y a justement tous ces pouvoirs de
réglementation qui vont très loin, comme nous l'avons
signalé dans le mémoire, et qui menacent évidemment
l'autonomie des postes privés, des stations privées.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Stein, M. le président de l'ACRTF,
est-ce qu'il vous est possible de nous dire si le gouvernement, par l'un ou
l'autre de ses ministères ou de ses organismes, a déjà
pris des contacts avec les stations privées de radio et de
télévision afin de mettre en application des programmes
éducatifs et afin de lancer sur les réseaux des programmes
éducatifs et culturels?
M. STEIN (Pierre): M. le Président, je crois que oui, cela a
été fait dans le passé, par exemple avec TEVEC...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): TEVEC, oui.
M. STEIN (Pierre): ... dans Chicoutimi et dans Lac-Saint-Jean.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais c'était avec la radio d'Etat,
à ce moment-là.
M. AUDET: Pardon, c'était avec les stations privées.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non, c'était avec les deux
stations, c'est juste, vous avez raison, M. Audet, je devrais le savoir, je
suis de Chicoutimi. C'est que je ne suivais pas les cours de TEVEC
malheureusement. Est-ce que vous êtes toujours disposés à
engager des pourparlers avec le ministère des Communications pour mettre
enfin vos réseaux à la disposition du gouvernement pour des fins
éducatives et culturelles?
M. STEIN (Pierre): En effet, nous le sommes.
M. L'ALLIER: M. le Président, je voudrais
poser une question supplémentaire sur ce point. Est-ce que vous
pouvez me dire si parmi vos membres qui sont de la région
métropolitaine de Montréal ces postes de radio et de
télévision pourraient disposer du nombre d'heures qui pourraient
être requises deux ou trois heures par jour soit à
la radio, soit à la télévision, aux heures
d'écoute, pour atteindre l'auditoire recherché par le
ministère de l'Education après 5 heures le soir, jusqu'à 9
heures, par exemple, et pour fins de télévision éducative?
Est-ce qu'il n'y a pas déjà une demande telle de la part de la
clientèle régulière de ces postes que le temps disponible,
aux heures où il est valable, n'existe pas ou qu'il existe à un
coût tel qu'il est inabordable? C'est en fait le problème que nous
avons eu lorsque nous avons négocié pour le ministère de
l'Education en particulier, soit avec Radio-Canada ou avec les radiodiffuseurs
privés. On peut bien nous donner quelque 15 ou 20 minutes avant 9 heures
le matin, ou après 2 heures la nuit, mais aux heures où les
travailleurs, par exemple, à qui s'adresse la télévision
éducative ou les émissions de formation de recyclage pourraient
et devraient être atteints à la télévision et
c'est normal la télévision privée et même la
télévision d'Etat sont disponibles d'abord pour fins
d'information générale et de divertissement. Est-ce que c'est
exact?
M. STEIN (Pierre): C'est exact dans les grandes lignes, de votre
déclaration, M. le ministre. Je crois que des négociations
pourraient certainement s'amorcer afin d'en venir à une entente.
M. L'ALLIER: A quel coût, croyez-vous? Est-ce que, à ce
moment-là je ne veux pas de chiffres précis bien sûr
une entente ne pourrait se faire qu'au coût régulier de
l'utilisation des meilleures heures de pointe sur une station de
télévision privée, n'est-ce-pas?
M. STEIN (Pierre): Sans vouloir impliquer directement un secteur
précis de votre association, M. le Président, il va sans dire
également, puisque vous soulevez la question des coûts, que ces
coûts seraient l'objet de négociations à ce
moment-là, devant des projets précis.
M. L'ALLIER: Là, vous nous donnez un élément
nouveau que nous n'avons perçu dans aucune de nos négociations,
à savoir qu'il ne serait pas contraire à l'économie
générale de la radio ou de la télédiffusion
privée, qu'on se serve des heures d'écoute, par exemple entre 5
heures de l'après-midi et 10 heures du soir, à raison d'une ou
deux heures, pour fins de télévision éducative. Vous me
dites que c'est un principe qui n'est pas contraire à l'économie
générale de la télévision ou de la radio. C'est ce
que je comprends de ce que vous me dites, quand vous dites que c'est
négociable, que c'est discutable.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Stein, est-ce que par ce que vient de dire
le ministre comporterait que le gouvernement devrait payer ce qu'il doit payer
pour pareille utilisation des ondes, à des heures qui seraient conformes
aux exigences du ministère de l'Education, par exemple la Culture?
M. STEIN (Pierre): J'avoue que je n'ai pas très bien saisi, M. le
Président, je m'excuse, la fin de votre question.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Evidemment, vous ne pouvez pas parler
individuellement pour chacune des stations, mais est-ce que vous exigeriez,
afin de mettre à la disposition du gouvernement des heures convenables
pour des fins de télédiffusion ou de radiodiffusion, que le
gouvernement paie ce que cela doit coûter, ce qui correspond en fait au
profit ou au coût que vous chargez aux commanditaires qui vous aident
à diffuser à telle ou telle heure du jour? Est-ce qu'on a
déjà engagé les négociations avec le gouvernement
là-dessus, sur une base comme celle-là? Prenons un exemple, in
absracto. Supposons que je veuille, étant ministre de l'Education, que
des émissions éducatives passent à l'heure où
passerait normalement une partie de football qui coûte tant et tant
d'argent. Est-ce que vous seriez disposé à négocier sur
une base de coûts et de rapports financiers?
M. STEIN (Pierre): M. le Président, M. Paul-J. Audet aimerait
répondre à cette question.
M. AUDET: Je crois, M. Tremblay, que je suis en bonne position pour
répondre à cette question. Déjà, dans le
passé, nous avons transigé avec le gouvernement du Québec,
précisément dans le cas de TEVEC. Nous avons eu des
négociations avec les représentants du gouvernement; à la
suite de ces négociations, nous avons eu des ententes et nous avons eu
des brevets qui ont duré deux ans. Maintenant, je me permets de relever
une remarque de M. le ministre, qui disait tout à l'heure: Est-ce que
vous consentiriez à rendre disponibles des heures d'écoute entre
7 heures et 9 heures le soir et je répète les paroles du
ministre pour rejoindre le public que nous voulons atteindre? Il
faudrait quand même, à un moment donné, prendre en
considération, le fait de savoir si le public veut être atteint
par cela. Cela peut devenir...
M. L'ALLIER: Je ne voudrais pas lancer un débat là-dessus,
parce qu'on pourrait à ce moment-là s'engager sur toute la
question à savoir qui détermine ce que le public veut, à
quel moment le public est consulté sur ce qu'on lui sert. Il y a une
commission parlementaire sur la liberté de presse qui aura tout le
loisir d'aborder cette question. Ce que je voudrais dire ici, c'est une
précision qui est de taille à
mon avis, M. Stein pourra pondérer ce que je dirai, c'est que le
problème que j'ai posé tout à l'heure, je l'ai posé
dans un contexte urbain, celui de Montréal. Il est évident que,
dans les régions plus éloignées, où la demande est
moins forte pour l'utilisation totale des heures disponibles, il est plus
facile d'avoir du temps. Le problème de la télévision
éducative, de Multimédia en particulier, c'est le problème
de 2,000,000 de population dans une zone intensément peuplée
comme Montréal. Est-ce que, dans une zone urbaine, le problème se
pose de la même façon qu'il peut se poser chez M. Audet, ou si
cela est une chose complètement différente?
M. AUDET: Pour répondre au député de Chicoutimi,
à savoir si le gouvernement devrait payer pour ces services, je le
crois.
Si on peut citer un autre exemple, prenez les transporteurs publics qui
ont des chartes et qui fonctionnent avec une charte, qui ont des permis pour
fonctionner, disons à Montréal et Québec. Si vous
décidez demain matin que vous voulez faire transporter 200 personnes,
pour des fins gouvernementales, je ne pense pas qu'il vous vienne
l'idée, à aucun instant, que vous puissiez appeler le terminus
d'autobus et dire: On veut avoir 14 autobus à la porte demain matin, et
que ça nous coûte rien.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Audet, je n'avais pas du tout à
l'idée que vous donneriez du temps gratuit. Je posais la question pour
que le ministre réponde et qu'il me dise que le gouvernement est
prêt à payer pour occuper les ondes à telles heures du
jour. Vous comprenez que, sachant très bien ce qu'est l'organisation
d'une station privée de radio ou de télévision, nous
n'allons pas vous demander de donner gratuitement du temps au gouvernement,
quand Radio-Canada ne le fait même pas, alors que c'est nous qui payons
Radio-Canada.
M. AUDET: Alors, tout ceci est négociable.
M. LEGER: J'ai une courte question sur le même sujet. Concernant
les heures d'écoute, étant donné que les entreprises de
télévision et de radio, même si elles sont privées
sont quand même un service public essentiel pour l'éducation des
membres de la collectivité québécoise, est-ce que vos
entreprises n'auraient pas aussi quand même, je pense, une
responsabilité sociale? Il y a un critère premier
d'efficacité et de rendement qui est nécessaire pour
réaliser votre entreprise, et il y a quand même aussi un autre
critère, celui d'une population qui a un service public et qu'elle ne
peut pas s'en servir aux heures de pointe. Au point de vue pratique, je sais
qu'il y a des difficultés, je comprends le problème de
l'entreprise, mais au point de vue du principe, est-ce qu'il ne serait pas
normal qu'il puisse y avoir, aux heures de pointe, quelque temps disponible
à un coût qui pour- rait être le prix coûtant de votre
entreprise, de façon que ce soit facilement réalisable,
acceptable par le gouvernement et que l'entreprise ne perde pas d'argent?
Est-ce qu'il n'y aurait pas quelque chose qui pourrait se faire de ce
côté-là, du moins, au niveau du principe? Au point de vue
pratique, il y aurait peut-être moyen de trouver une façon de
compenser l'argent que vous perdriez pour ça, mais juste au point de vue
d'une population nous avons une collectivité qui voit un service public
sur lequel elle n'a aucun contrôle.
M. AUDET: Quand on parle de principe évidemment, on parle de
généralités. Je crois que dans le moment on l'a
prouvé dans le passé à maintes occasions les ondes
peuvent être disponibles pour certaines choses d'intérêt
national, même aux heures de pointe, mais je crois que tout ceci devient
une question de négociation.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'avais pas terminé, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Même si le député de Chicoutimi
n'avait pas terminé son intervention, je permettrais une question au
député de Rouyn-Noranda sur le même sujet.
M .TREMBLAY (Chicoutimi): C'est pour enchaîner...Est-ce que c'est
sur le même sujet?
M. SAMSON: M. le Président, je trouve quand même qu'on
devrait avoir le droit de parole, c'est toujours le député de
Chicoutimi qui parle depuis que nous sommes ici.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement...
M. SAMSON: Invoquez ce que vous voudrez, c'est ce que vous faites depuis
le commencement. On a le droit de parler comme le député de
Chicoutimi a droit de le faire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. SAMSON: Et je vais me servir de ce droit de parole, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement pour avoir le
droit de parole immédiatement. M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'est pas dans mon intention
d'empêcher le député de Rouyn-Noranda de s'exprimer. Il est
d'usage à ces commissions de faire un tour de table pour ainsi dire
où chaque parti pose une série de questions, sans abuser, nous
faisons quelques considérations générales, nous posons une
série de questions et à tour de rôle...
M. LEGER: Mais sans aucune priorité particulière...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ordinairement on suit l'ordre des partis.
M. LEGER: Non, pas nécessairement, M. le Président, et
c'est là-dessus que...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On l'a toujours suivi.
M. LEGER: ... nous ne sommes pas d'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai invoqué le
règlement et j'ai été interrompu.
M. LEGER: Ce n'est pas celui qui a demandé la parole le premier
qui a le droit de parole et non pas nécessairement dans le même
ordre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!
M. LEGER: Je ne suis pas d'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai été
interrompu. Nous avons suivi cette pratique depuis toujours aux commissions
parlementaires. Si les députés qui ont été
jusqu'à présent muets dans diverses commissions s'avisent de
parler, je suis bien prêt à leur laisser le droit de parole
immédiatement.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement.
Il est assez difficile de parler lorsque le député de Chicoutimi
parle tout le temps. Or, le député de Chicoutimi n'a pas à
juger ses collègues lorsqu'ils sont présents aux commissions.
Nous ne parlons pas pour ne rien dire lorsque nous avons des questions à
poser, c'est parce que nous avons des questions intelligentes à
poser.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai invoqué le
règlement.
M. SAMSON: M. le Président, ce n'est pas parce que le
député de Chicoutimi a invoqué le règlement que
ça lui permet de parler tout le temps. Nous aussi, nous avons le droit
d'invoquer le règlement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. SAMSON: Je vous réfère à l'article 7, M. le
Président, qui a été adopté à
l'Assemblée nationale dernièrement et voici ce qui est dit: "Les
étapes de l'étude d'un projet de loi en commission sont,
premièrement... L'exposé du ministre et les commentaires d'un
représentant de chaque parti reconnu.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous auriez eu le temps de poser dix
questions?
M. SAMSON: Deuxièmement, l'audition des personnes
intéressées, troisièmement les délibérations
de la commission, quatrièmement, le rapport. La durée limite,
article 8, M. le Président, allouée à chaque personne, ou
groupe, pour un exposé sommaire de son mémoire, est de vingt
minutes. Le temps alloué aux membres de la commission pour la
période des questions est de 30 minutes. Ces périodes peuvent
être prolongées si la commission le juge à propos. Cela
fait à peu près 30 minutes que le député de
Chicoutimi a la parole, alors qu'on ne nous permet pas, à nous, de poser
des questions, ni de faire ce qu'il a fait, de donner son opinion concernant le
mémoire que nous avons devant nous. Je veux que vous sachiez, M. le
Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. SAMSON: ... qu'on a aussi l'intention de dire quelque chose à
propos de ce mémoire. On a aussi le droit de le faire. Nous sommes
élus au même titre que le député de Chicoutimi l'a
été. Ce n'est pas parce qu'il est le premier à votre
gauche, M. le Président, qu'on va se laisser piler les pieds par un
député qui n'a pas d'autre chose à faire que de broder
depuis le commencement. Il est assis sur une clôture. Il ne sait pas s'il
doit être pour l'entreprise privée ou contre l'entreprise
privée. Quant à nous, nous le savons et nous avons l'intention de
dire ce que nous pensons à propos des bills 35, 36 et 37.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. SAMSON: M. le Président, je vous demande le privilège
de pouvoir parler à ce moment-ci. Il a eu son tour et je pense qu'il l'a
eu suffisamment.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le
Président.
M. SAMSON: Il n'y a pas de règlement à invoquer, vous ne
savez pas...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement. Toutes les observations du député de
Rouyn-Noranda sont inutiles. Personne ne l'a privé de son droit de
parole. Je dirais d'ailleurs...
M. SAMSON: Si vous ne me privez pas de mon droit de parole, taisez-vous
donc que je parle.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, voulez-vous le
rappeler à l'ordre, s'il vous plaît? Il aurait d'ailleurs eu dix
minutes pour poser des questions s'il ne s'était pas livré
à ces exercices démagogiques dans un français que personne
ne comprend. Je lui donne la parole, M. le Président, pour qu'on
mesure...
M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement !
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... l'importance de la valeur de ses
interventions.
M. SAMSON: En vertu de l'article 285, le député n'a pas le
droit de me prêter d'intention.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne vous prête rien non plus parce
que...
M. SAMSON: Il n'a pas le droit non plus d'attaquer qui que ce soit.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ce ne serait pas retourné.
M. SAMSON: M. le Président, je vous demande la permission de
prendre la parole à ce moment-ci. Est-ce que je l'ai ou pas?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En français, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda a maintenant
la parole.
M. SAMSON: M. le Président, le jargon du député de
Chicoutimi...
M. LE PRESIDENT: ... pour reprendre le débat...
M. SAMSON: Même si le député de Chicoutimi est
allé se promener à Paris aux frais du gouvernement, ça ne
me dérange pas du tout...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. SAMSON: Je parlerai de la façon que je veux. Ce n'est pas lui
qui va me juger.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Rouyn-Noranda a
la parole pour discuter du sujet qui doit nous intéresser à la
commission.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En français ou en anglais, M. le
Président?
M. SAMSON : De toute façon, si le député de
Chicoutimi ne comprend pas ce que j'ai à dire, il pourra toujours se
retirer et aller se promener au ministère des Affaires culturelles. Il
semble que sa place est là.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bien oui. Dites ça au premier ministre.
Il vient de me donner un certificat de compétence.
M. SAMSON: De toute façon, si on calculait ce que ça
coûte au gouvernement pour l'écouter parler quand il parle
inutilement, ça coûterait pas mal cher par année. Je pense
que ça coûte encore moins cher que de l'avoir comme ministre des
Affaires culturelles, M. le Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il a perdu un quart d'heure, le pauvre
homme.
M. SAMSON: M. le Président, est-ce que vous permettrez au
député de Chicoutimi de me laisser parler?
M. LE PRESIDENT: Je vous ai demandé tout de même, M. le
député de Rouyn-Noranda, de bien vouloir...
M. SAMSON: Bon.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On ne le laisse pas parler, on le souhaite, M.
le Président.
M. LE PRESIDENT: ... parler sur le sujet qui doit nous
intéresser.
M. SAMSON: M. le Président, nous avons, concernant les questions
que le ministre a posées tantôt aux membres de l'association
représentée ici, on demande à ces personnes "s'ils
seraient prêts" à donner à...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si elles seraient prêtes.
M. SAMSON: M. le Président, est-ce que vous voulez que je le
sorte moi-même ou si vous allez le sortir vous-même?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Vous pouvez continuer.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Allez chercher votre voiture.
M. SAMSON: Non, mais est-ce que ça vous intéresse que je
le sorte?
M. LE PRESIDENT: Non, j'aimerais mieux que vous continuiez votre
intervention.
M. SAMSON: Alors, demandez-lui donc de me laisser parler et de se
"boucher" pendant ce temps-là, sinon je vais m'en occuper
moi-même. Vous vous apercevrez que j'ai été élu au
même titre que lui. Dans mon comté, le représentant de son
UQ comment dites-vous ça? a perdu son dépôt.
Alors, ce n'est sûrement pas
lui qui va venir me donner, M. le Président, des leçons
à la commission parlementaire. Alors, ce que je disais...
M. L'ALLIER: M. le Président, sur un point de règlement,
est-ce que les parties accepteraient, après les heures de la
séance, ma médiation pour permettre...
M. SAMSON: M. le Président, j'ai demandé la parole et je
la prends.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Donnez-lui la parole, ça va le
satisfaire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! La parole est au
député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Alors, on demande à ces personnes si elles sont
intéressées à fournir du temps entre cinq heures et dix
heures le soir, par exemple, pour des questions de télévision
éducative. Quelqu'un a soulevé tantôt qu'il serait
peut-être bon de demander aux intéressés,
c'est-à-dire aux téléspectateurs, si eux voudraient des
émissions de genre éducatif à ces heures. Je pense qu'ils
ont parfaitement raison de poser cette question.
Qui va déterminer si la population en veut à ces
heures-là? On a dit tantôt qui le déterminera.
Je demande au ministre s'il est prêt à faire un sondage
lui-même, à le faire faire par son ministère, à
savoir si la population veut des émissions d'ordre éducatif entre
5 heures, 9 heures ou 10 heures le soir par exemple. Vous verrez sûrement
même si les intentions du ministère sont très bonnes
qu'à ces heures-là les téléspectateurs sont
sûrement beaucoup plus intéressés par le genre de
programmation qu'ils ont actuellement. Quant à savoir s'il serait
possible pour votre ministère de vous servir de l'entreprise
privée pour vos émissions d'ordre éducatif, on pourrait
peut-être faire un parallèle entre l'entreprise d'Etat, qui est
Radio-Canada, et l'entreprise privée qui existe et qui fonctionne
actuellement au Québec.
Ce n'est un secret pour personne qu'à Radio-Canada on impose
quelquefois certains genres d'émissions, même commanditées.
Radio-Canada fonctionne avec déficit alors que, dans l'entreprise
privée, on réussit une programmation qui intéresse la
population et qu'on réussit à faire des profits avec tout
ça.
Cela pose, je pense, le grand problème, qui est le suivant: en
étatisant ou en tentant de plus en plus la mainmise de l'Etat sur les
opérations, sur la diffusion d'abord, si l'Etat le faisait, ça
coûterait plus cher pour donner un service sûrement pas
supérieur peut-être même inférieur si
on compare Radio-Canada avec l'entreprise privée actuellement. Ceci dit,
quant au mémoire qui nous a été présenté,
évidemment on affirme que ce mémoire pourrait relancer le
débat constitutionnel. C'est sûrement possible.
C'est évidemment un sujet très délicat. Nous
comprenons qu'avec les bills 35, 36 et 37 le ministère veut affirmer
certains droits du Québec. Nous le comprenons. Je pense que, de ce
côté-là, il a sûrement raison de vouloir affirmer ses
droits.
Quand même, si on se réfère aux décisions du
Conseil privé en 1932, on verra c'est d'ailleurs aussi dans le
mémoire que la compétence dans un jugement de 1932
"Regulation and Control of Radio Communications in Canada", la
compétence a été reconnue au gouvernement
fédéral à ce moment-là. Cela ne veut pas dire que
ces compétences doivent demeurer strictement de juridiction
fédérale. Il y aurait sûrement possibilité de
négocier et de voir à partager ces juridictions mais qu'elles
soient partagées de façon très claire et très
nette. Ce dont l'ACRTF s'inquiète, c'est du fait qu'une juridiction
provinciale et une juridiction fédérale pourraient être
contradictoires et amener certains problèmes d'ordre administratif et
même juridique.
Evidemment, lorsqu'on dit dans le mémoire que ces projets de loi
donnent au ministère des pouvoirs exagérés, ça
pourrait permettre le contrôle de l'information, même la censure de
l'information. Cela ne veut pas dire que le ministre a l'intention de le faire,
au contraire. On ne voudrait pas prêter d'intentions au ministre. Mais
nous sommes d'accord quand le mémoire dit que ça pourrait aller
jusqu'à contrôler l'information et censurer l'information et voire
même, troisièmement, la possession de l'industrie de l'information
par les dispositions législatives qu'on retrouve aux projets de loi nos
35, 36 et 37. Cela par le fait que le gouvernement pourrait s'approprier des
actions dans les différentes entreprises existantes et même se
donner des pouvoirs d'expropriation.
En résumé, M. le Président, c'est
l'étatisation possible de l'information, de l'industrie de l'information
au Québec. Cela ne veut pas dire que le ministre actuel a ces
intentions. Au contraire, je ne crois pas que le ministre actuel ait ces
intentions. Mais le mémoire le souligne. Je pense que c'est avec raison
qu'il démontre que ces projets de loi peuvent permettre jusqu'à
l'étatisation de l'information. Evidemment, là est le grand
danger.
Si on ne laisse pas l'entreprise privée se concurrencer, puisque
l'entreprise privée est en concurrence, et si on en arrive un jour
je pense qu'il y a un danger à ce qu'on en arrive là avec
les projets de loi présentés à l'information
unique, c'est-à-dire à une information dirigée par le
ministère ou par le gouvernement en place, quel qu'il soit
aujourd'hui, c'est le Parti libéral, l'Union Nationale,
précédemment ...D'ailleurs on remarque à l'OIPQ un
changement de directeur depuis quelques années, ce qui nous prouve
qu'à chaque fois qu'on change de gouvernement, on a changé de
directeur.
M. L'ALLIER: ...tant que ça?
M. SAMSON: Assez souvent. On a changé plus souvent que ça.
En 1954, M. Hubert Potvin; en 1965, M. Claude Paulette; en 1965, encore, M.
Lorenzo Pare; en 1966, M. Roger Cyr; en 1969-70, M. Laurent Laplante; en 1971,
M. Guy Rondeau. Or, M. le Président, c'est peut-être un
indice...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...rapporte au mémoire...
M. SAMSON: ...du moins que les gouvernements, quels qu'ils soient, et
l'Union nationale qui vous a précédé n'a pas
été mieux que vous là-dessus, sont tentés ou
peuvent être tentés de changer les directeurs, le personnel-cadre
afin de contrôler et de diriger l'information d'une façon
partisane.
M. LE PRESIDENT: Si le député de Rouyn-Noranda le permet,
le ministre aimerait lui poser une question.
M. L'ALLIER: Est-ce que je pourrais poser une question au
député de Rouyn-Noranda?
M. SAMSON: Oui, allez-y.
M. L'ALLIER: C'est tout simplement pour voir dans quelle optique se
situent les interventions présentes. Si nous faisons abstraction du
danger d'étatisation que peuvent comporter ces projets de loi
à mon avis, il n'y en a aucun et si nous faisons abstraction
aussi des questions d'information et de publicité qui seront
traitées davantage au projet de loi no 37, est-ce que
j'interprète bien le député de Rouyn-Noranda dans sa
position présente et dans ses positions antérieures à
savoir que lui-même et son parti sont d'accord sur le principe de
développement des communications, pour que la politique des
communications, comme on pourrait parler d'une politique de transport, de
voirie, d'une politique sociale, soit d'abord une politique
québécoise des communications?
En d'autres mots, est-ce que c'est le gouvernement du Québec, sur
le territoire du Québec, d'après lui, qui devrait avoir la
première responsabilité de veiller à l'organisation, non
pas pour lui-même, par lui-même, et surtout à la
planification et au développement de l'ensemble des secteurs de
communications? Non dans l'optique de l'étatisation, mais dans la
même optique où c'est le gouvernement du Québec qui est le
premier responsable de son réseau routier, de son réseau
d'universités?
M. SAMSON: M. le Président, évidemment, nous serions
d'accord que le Québec s'affirme davantage, si vous le voulez, dans
certains secteurs. Mais il faut quand même prendre en
considération qu'il y a des secteurs qui ne sont pas uniquement des
secteurs de juridiction provinciale. Il y a, par exemple, dans le domaine de la
télédiffusion...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'a rien compris.
M. L'ALLIER: Je suis d'accord.
M. SAMSON: ... il y a des domaines qui peuvent outrepasser les
frontières du Québec.
M. L'ALLIER: Je suis d'accord, M. le Président. Ce que je veux
dire, c'est qu'une juridiction première du Québec, cela ne veut
pas dire une juridiction totale et exclusive. Il y a certainement des secteurs
qui, pour l'intérêt national, l'attribution des ondes, peuvent
être nationaux. Mais est-ce que le premier contremaître, le premier
architecte d'une politique des communications au Québec, doit être
le Québec, le gouvernement et ses institutions et les associations, les
individus? Est-ce que ce doit être d'abord chez nous? Est-ce que c'est
ici que doit reposer, au Québec, l'autorité nécessaire
à l'ordonnancement des communications, à leur
développement, conformément à nos priorités? Ou si
c'est une chose qui est, en fait, indifférente?
M. SAMSON: Non, Evidemment, M. le ministre, si cela ne concerne que le
territoire du Québec, par exemple, je ne vois pas pourquoi on n'aurait
pas priorité! Je pense que je partage vos opinions là-dessus. Ce
qui a été suggéré dans le mémoire et
je pense que ce n'est pas la première fois que cela est
suggéré d'ailleurs c'est que pour la politique des
communications, il peut y avoir une politique canadienne et il peut y avoir une
politique québécoise. Mais, ce qui est important, c'est que les
deux politiques ne viennent pas à l'encontre l'une de l'autre, que cela
ne chevauche pas. Il y a un risque présentement et d'ailleurs, dans les
bills qui sont présentés, à un certain article, on affirme
les droits du Québec et, au dernier article je crois, on prévoit
que l'article 8 du bill 35 ou 36, ne sera pas mis en vigueur en même
temps que le reste du bill.
M. L'ALLIER: Précision technique: il y a eu un amendement
d'apporté.
M. LEGER: Cela a été amendé.
M. L'ALLIER: Cela a été amendé pour dire que tout
le projet de loi entre en vigueur dès sa sanction.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Exactement. Faites donc déposer le
projet de loi.
M. LEGER: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda me
permettrait, étant donné qu'il reste cinq minutes, d'avoir la
dernière portion? Il en a pris une petite partie.
M. SAMSON: Avec plaisir, ce n'est pas contre vous que j'en avais.
M. LEGER: Parfait. Je voulais simplement, étant donné
qu'il reste cinq minutes avant qu'on ajourne, donner un aspect
général d'une situation. Je pense qu'en nous présentant
les bills 35, 36 et 37, il y avait deux paliers de problèmes. D'abord,
le problème constitutionnel de juridiction
fédérale-provinciale et le palier d'une mainmise de l'Etat,
partiellement, sur les moyens de communications.
Alors, au niveau du premier palier, cette bataille de juridiction
fédérale-provinciale... Le ministre disait tantôt que la
raison pour laquelle et je finirai par une question à M. Stein
il avait mis une définition plus large dans le bill 35,
c'était pour ne pas, immédiatement, restreindre la portée
de ce qu'il croyait être de juridiction provinciale et
fédérale, quitte à ce que, par des négociations
futures, une augmentation du champ de juridiction provinciale serait
déjà prévue dans la loi actuelle.
Sur ce point-là, nous sommes complètement d'accord avec
lui parce que nous allons même plus loin que le ministre peut aller, en
ce sens que nous voulons rapatrier, dans un avenir le plus proche possible,
tous les pouvoirs de juridiction dans ce domaine-là et dans d'autres au
niveau provincial.
Sur le deuxième palier, cependant, celui d'une possibilité
d'intervention directe de l'Etat dans le domaine des communications, de
l'information, je dirais peut-être au ministre que le bill 35, au sujet
duquel nous avons voté avec le gouvernement sur le principe nous
avons voté contre les bills 36 et 37 et je tiens à lui
dire aujourd'hui que s'il avait pu redonner, dans le bill 37, une autonomie
à l'OIPQ plutôt que de le faire disparaître avec une
possibilité de contrôle par le Parlement, et non pas le
gouvernement, et redonner à l'ORTQ une autonomie et une
possibilité d'action, nous aurions voté pour les trois bills,
avec lui, parce que nous pensons même qu'il ne va pas encore assez loin
de ce côté-là.
Quand le député de Rouyn-Noranda craignait
l'étatisation, je ne pense pas qu'on veuille parler d'étatisation
quand on pense que le gouvernement, dans sa responsabilité, doit, je
pense, intervenir dans un domaine aussi vital et public que l'information, que
la communication qui est un service public et il doit être un
régulateur et un surveillant de ce domaine-là.
Alors, M. le Président, j'adresse ma question, avant de terminer,
à M. Stein. En regardant l'annexe de votre mémoire, il semble que
vous avez fait un choix, en ce sens qu'il vous faut une réglementation,
et non deux, pour être capable de fonctionner d'une façon plus
facile, mais il semble que cette réglementation, selon les pages 24 et
25, à moins que je me trompe, est une réglementation
fédérale et que vous ne voyez aucune responsabilité
provinciale dans ce domaine-là. Est-ce que je me trompe, M. Stein?
M. STEIN (Charles): Si je vous ai bien compris, ma réponse est
qu'évidemment, dans le moment, nous prétendons que c'est de
juridiction fédérale exclusive. C'est ce que j'ai essayé
d'expliquer.
M. LEGER: Maintenant, tout à l'heure, le député de
Chicoutimi a affirmé que vous êtes non seulement une entreprise
qui a une responsabilité envers ses actionnaires, mais que vous
êtes aussi des Québécois, que vous n'êtes
certainement pas insensibles aux problèmes que le peuple
québécois vit actuellement et que dans sa lutte et le cheminement
pour rapatrier des pouvoirs pour une meilleure administration, selon la
vocation du Québec, il est normal que vous allez certainement être
dérangés dans vos habitudes de fonctionnement. Est-ce que vous ne
croyez pas que le Québec a une responsabilité d'aller
récupérer des pouvoirs dans ce domaine-là et même de
s'installer dans des endroits à zones grises comme on dit, où il
n'y a rien de clair, où l'on pense même que c'est le provincial
qui a la juridiction prioritaire? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il serait
peut-être normal, durant cette période d'adaptation et de
recherches entre le fédéral et le provincial, et possible et
acceptable même que vos entreprises puissent avoir certains
problèmes et que, si vous êtes d'abord Québécois, il
serait peut-être préférable qu'il y ait deux juridictions
un certain temps plutôt que de n'en avoir aucune pour les
Québécois?
M. STEIN (Charles): M. le Président, ma réponse, encore
là, est toute simple et je crois d'ailleurs l'avoir déjà
faite: Il n'y aura pas de juridiction, il n'y en a pas, il ne peut pas y en
avoir, c'est une juridiction exclusive. L'une des deux lois est valable,
seulement une, mais pas l'autre. Si vous avez raison de prétendre que
c'est de juridiction provinciale, tout ce que le fédéral a fait
jusqu'à maintenant c'est nul ab initio. C'est tout aussi simple que
cela, et aussi compliqué en même temps. Il faut séparer
je l'ai dit, du moins je le prétends respectueusement la
question de droit de la question politique au sens large, la question des
négociations avec le fédéral, l'opportunité ou la
nécessité de modifier la constitution. Tant qu'elle est
là, que voulez-vous? C'est comme n'importe quelle loi. Même si je
n'aime pas une loi, il faut que je m'y conforme ou vous allez me tramer devant
les tribunaux, ce n'est pas en la violant que je vais la changer.
M. LEGER: Mais, est-ce que vous pensez que l'on va attendre que la
Constitution soit complètement changée avant que l'on
établisse des étapes, entre autres, celles que le gouvernement
actuellement du Québec essaie d'établir? Est-ce que vous ne
pensez pas que c'est normal que nous n'attendions pas que la Constitution soit
complètement changée avant de dire: C'est très bien, nous
allons être d'accord? Parce que je vois à la page 21 que vous
affirmez quelque
chose qui, à première vue, me paraît une certaine
menace: "De toute façon, les diffuseurs jugent que les principes en
cause sont d'une extrême importance et qu'il est de leur devoir d'alerter
l'opinion publique, par tous les moyens dont ils disposent sur la
légitimité, l'opportunité et la sagesse du régime
de contrôle, de censure et de maimmise étatique que ces trois
projets de loi prévoient ou rendent possibles à l'égard de
la radio et de la télévision du Québec."
Est-ce que cela n'est pas un peu une affirmation précise? Vous
croyez que c'est le domaine fédéral, point, et que vous n'avez
aucune action dans le sens d'une responsabilité sociale des entreprises,
de voir à participer à cette solution devant les conflits de
juridiction entre les deux gouvernements.
M. STEIN (Charles): Justement, je voulais répondre
là-dessus au ministre, et je le fais en répondant à votre
question, qui a parlé d'intention de s'en tenir au câble, à
la câblodiffusion. Encore respectueusement, je prétends que ce ne
sont pas les déclarations d'intention, d'où qu'elles
émanent, du ministre, du gouvernement ou même de la
Législature, qui changeront un iota à l'issue d'un litige
constitutionnel. Les tribunaux l'ont dit et répété
à satiété, ce ne sont pas les intentions, ce n'est pas ce
qu'on avait l'intention de dire ou d'édicter qui compte, mais ce qui se
dégage du texte. "What was intented by what was said". C'est aussi
simple que cela. Alors, encore une fois c'est simple et c'est compliqué,
mais ai la Constitution refuse à la province telle juridiction, quand
bien même la province se l'arrogerait, vous n'êtes pas plus
avancés, vous avez un texte qui ne vaut rien. Si on nous demande ou si
on demande à l'ACRTF ou aux postes privés de prendre part
à une campagne pour convaincre le fédéral d'accepter une
modification de la Constitution et toutes les autres provinces, cela est une
autre histoire.
M. L'ALLIER: M. le Président, j'aurais une question
supplémentaire à poser à M. Stein en sa qualité de
juriste. J'ai bien vu qu'il a fait bien attention de parler de radiodiffusion
et de télédiffusion et de ne pas parler de câblodiffusion,
tout en disant que la loi globalement était anticonstitutionnelle ou
qu'elle dépassait ce que la Constitution prévoyait. M. Stein,
dans votre esprit, comme juriste ou comme président de l'association,
est-ce que radiodiffusion, télédiffusion et
câblodistribution, sont une seule et même chose, sur le plan de la
Constitution et du droit tel qu'il existe, notamment de la décision de
1932?
M. STEIN (Charles): Je pourrais peut-être me dérober en
disant que, pour ce qui est de la câblodiffusion, elle n'est pas en cause
ici pour ce qui est de l'ACRTF.
M. L'ALLIER: Mais à ce moment-là...
M. STEIN (Charles): Quant à l'ACRTF, pour répondre
à votre question, il ne s'agit que de diffusion sur les ondes. Et pour
ce qui est de la diffusion sur les ondes, à mon humble avis, c'est de
compétence fédérale exclusive. Puisque vous parlez de
câblodiffusion, j'attire votre attention sur une décision
récente, de la Colombie-Britannique que vous connaissez sans doute. A la
cour d'Appel, où on a essayé justement de scinder une entreprise
de câblodiffusion en disant: Cela, c'est la câblodiffusion et le
reste, c'est la diffusion sur ondes. On a dit: Non, cela ne marche pas...
M. L'ALLIER: Il faudrait...
M. STEIN (Charles): Cela c'est une entreprise intégrée de
compétence fédérale exclusive.
M. L'ALLIER: Je n'aurais pas d'objection à ce qu'on
réfère à cette décision, à la condition
qu'on en étudie les documents pertinents. D'abord, c'est une
décision de la cour Suprême de la Colombie-Britannique.
M. STEIN (Charles): Cour d'Appel.
M. L'ALLIER: Cour d'Appel, l'équivalent de la cour du Banc de la
Reine ici. Enfin, on peut en discuter assez longtemps, ça n'a pas
été tranché par la cour Suprême du Canada. Mais, sur
ce point-là, d'accord. Vous dites: Nous ne représentons pas ici
les télédistributeurs par câble, ils parleront pour
eux-mêmes. Donc, vous ne parlez des projets de loi no 35, 36 et 37 que
dans l'optique de la radio et de la télédiffusion. En d'autres
mots, ces projets de loi pourraient être tout à fait valables s'il
s'agissait de câblodistribution. Vous ne vous prononcez pas sur ce
point.
M. STEIN (Charles): Justement. Avec le texte que vous avez là,
vous englobez clairement ça ne peut pas être plus clair
la diffusion par ondes. Et, dès que vous faites cela, vous entrez
dans le domaine fédéral exclusif.
M. L'ALLIER: C'est-à-dire que nous englobons la diffusion par
ondes, parce qu'il faut précisément prévoir la
câblodistribution. Comment pourrions-nous faire des textes de loi qui
excluent automatiquement tout ce qui est radio télédistribution
pour ne nous attacher ensuite qu'à la câblodistribution, si ce
n'était que reconnaître, d'une façon permanente, que nous
sommes satisfaits de ce qui existe maintenant dans l'optique d'une politique de
communications? Est-ce que c'est possible? On pourrait dire: A l'exclusion de
la radio et de la télédiffusion, pour tout le projet de loi. Puis
à ce moment-là, vous dites: Bien voici, on est régi comme
ça. Mais comme gouvernement, à ce moment-là. C'est un
jugement que nous portons.
Or, la télédistribution, la télévision
éducative qui est un sujet en discussion avec le gouverne-
ment fédéral, ça déborde la cadre de la
câblodistribution. Dans la mesure où des dispositions de cette loi
sont de trop dans l'optique de la radio et de la télédiffusion en
disant qu'elles sont inégales de toute façon elles sont
inutiles elles ne peuvent nuire à la radio et à la
télédiffusion. Vous pourrez prendre demain matin la
première action et faire déclarer, pour ce qui est de la
radiodiffusion et de la télédiffusion, ultra vires tel ou tel
article. Dans la mesure cependant où les mêmes articles
s'adressent, touchent à la câblodistribution, on pourra suivre la
même procédure. Je suis convaincu que c'est la
responsabilité du Québec et c'est pour ça. En ce qui vous
concerne, vous pouvez dire: C'est de trop. Mais ce sont les mêmes
articles qui servent à réglementer le secteur que nous voulons
réglementer. Je comprends comme vous et je suis tout à fait
d'accord que ce ne sont pas des déclarations qui font que nous avons ou
non une juridiction; ce n'est même pas un texte de loi, et ça vaut
à tous les paliers du gouvernement. C'est pourquoi nous croyons que, si
quelqu'un doit trancher cette question devant les tribunaux, les tribunaux
tranchent la question. Nous n'avons pas, quant à nous, l'intention de
reporter l'exercice de nos responsabilités comme gouvernement à
la cour Suprême du Canada.
M. STEIN (Charles): M. le Président, M. le ministre, je trouve
qu'au contraire, avec cette formule-là, dans l'hypothèse
où le Québec aurait une juridiction quelconque sur la
câblodiffusion, si vous utilisez les textes que vous avez ici et qui
englobent tout ça, la câblodiffusion, la diffusion par ondes, vous
mettez en danger la validité de toute disposition portant seulement sur
la câblodiffusion, toujours dans l'hypothèse où le
Québec aurait une juridiction, une compétence quelconque sur la
câblodiffusion.
Parce que là, on vous opposera, vous le savez il en a
été question je ne sais pas combien de fois dans les litiges
constitutionnels la question de savoir si on peut séparer,
scinder une loi en deux, si on peut en sortir telle disposition, par exemple
ici dans l'hypothèse de la câblodiffusion, et dire: ceci est
valide et tout le reste est anticonstitutionnel.
M. L'ALLIER: Ce serait possible à la condition qu'il n'existe pas
l'article 1 au début.
M. STEIN (Charles): L'article 1.
M. L'ALLIER: L'article 1 permet de trancher d'abord sur cette
question.
M. STEIN (Charles): L'article 1 est un jugement que la
Législature essaie de porter à la place des tribunaux et que les
tribunaux...
M. L'ALLIER: C'est ça.
M. STEIN (Charles): ... vont balayer du revers de la main.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, c'est ça.
M. STEIN (Charles): Si le ministre me permet, je voudrais en profiter
seulement une seconde pour faire une mise au point. J'ai commis l'erreur
d'admettre une erreur que je n'avais pas commise quand il m'a posé la
question au sujet de l'article 25 de la loi de l'office. C'est que le mot
"préalable" a disparu.
M. L'ALLIER: Oui.
M. STEIN (Charles): Et c'est ce que nous faisons valoir dans notre
mémoire. C'est le mot "préalable" pour l'autorisation de la
Législature, de l'Assemblée nationale, pour l'expropriation.
C'est la réponse que j'aurais dû faire.
M. L'ALLIER: Je peux demander l'aide de mon collègue, le
député de Chicoutimi, à l'article 25 de la loi de
l'office.
M. STEIN (Charles): C'est l'article 9 du bill 36.
M. L'ALLIER: Ce n'est pas postérieur.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pas toujours.
M. L'ALLIER: C'est un entérinement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais elle peut venir par d'autres
voies.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean a une courte
question qui entraînera, paraît-il, une réponse très
brève.
M. VEILLEUX: Aucun débat, M. le Président. A la page 20 de
votre mémoire, vous mentionnez que les bills 35, 36 et 37 constituent
une menace à l'autonomie de l'industrie et à la liberté de
la presse parlée. Vous ne faites ici qu'effleurer quelque peu ces trois
sujets, vous ne faites que porter un jugement d'ensemble sur ces trois
choses-là.
Je sais, de bonne part, que vous avez demandé à produire
un mémoire à la commission parlementaire sur la Liberté de
la presse d'ici le 31 décembre. Est-ce l'intention de votre groupe
d'élaborer sur ce qu'est pour vous la liberté de la presse
parlée et de quellle manière elle devrait s'appliquer dans le
secteur de la radiodiffusion et de la télédiffusion?
M. STEIN (Pierre): M. le Président, un de nos directeurs, M.
France Fortin, va répondre à cela.
M. FORTIN: C'est très simple. La réponse c'est oui, M. le
député. M. le Président, me
permettriez-vous de revenir sur un point de détail et de
répondre davantage à une question du ministre? Il se demandait si
l'utilisation d'une période de pointe de 5 heures à 9 heures
constituait seulement, pour nous, une question de coût pour des fins
éducationnelles. C'est évident que la réponse est non. Il
y a d'autres considérations, c'est toute l'économie.
M. L'ALLIER: C'est ça.
M. FORTIN: ... en fait de la radiodiffusion privée est en cause.
Nous n'avons pas, nous, en tant qu'association, le mandat de discuter cette
question avec vous et nous n'avons pas non plus le mandat de répondre
à votre question en ce qui a trait au poste de Montréal. Si M. le
ministre désire que nous nous intéressions à cette
question et que nous fassions des propositions qui soient un peu plus
concrètes, en accord avec nos membres de Montréal, bien
sûr, nous le ferons.
M. L'ALLIER: Sur ce point, 30 secondes. Je suis entièrement
d'accord sur ce qui vient d'être dit. Si je suis intervenu,
c'était pour éviter qu'on généralise une
affirmation ou une situation qui puisse être vraie dans des zones qui
sont plus éloignées des centres à forte population
urbaine. Vous avez parfaitement raison. Si quelqu'un répondait que c'est
une question de coût d'émission, le fait que le gouvernement loue
une heure, de 8 heures à 9 heures, à la télévision,
au même prix que la brasserie une telle qui commandite telle
émission sportive, le fait de payer le même prix au poste de radio
n'a pas du tout les mêmes conséquences, parce que la cote
d'écoute n'est pas du tout la même. C'est toute
l'économie.
M. FORTIN: C'est ça qu'est la question.
M. LE PRESIDENT: La commission suspend ses travaux jusqu'après la
période des questions cet après-midi, vers 4 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 37)
Reprise de la séance à 16 h 20
M. CORNELLIER (président de la commission permanente des
Communications): A l'ordre, messieurs!
Avant de reprendre les discussions que nous avons suspendues à 12
h 30, j'aimerais signaler que la commission va siéger cet
après-midi jusqu'à 18 heures et elle ajournera sine die. Demain,
malheureusement, plusieurs commissions doivent siéger. Il ne sera donc
pas possible aux membres de la commission des Communications de se
réunir. Vu les travaux assez volumineux de l'Assemblée nationale,
il ne m'a pas été possible, cet après-midi, de pouvoir
déterminer la date de la prochaine réunion. Nous espérons
cependant que cette prochaine réunion pourra se tenir dans deux semaines
environ. Dès que la date en sera déterminée, elle
apparaîtra au feuilleton de l'Assemblée nationale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aurais une question
à poser au ministre là-dessus, à propos d'une observation
qui avait été faite. Est-il exact que c'est seulement mercredi
dernier que les propriétaires de câble et de radio ont
été avertis qu'ils devaient comparaître devant la
commission? Est-ce que le ministre va prendre des dispositions pour que, quand
la commission reprendra ses travaux, ces gens aient un délai suffisant
pour préparer les mémoires?
M. L'ALLIER: M. le Président, je crois qu'il appartient au
secrétariat des commissions, à moins que je ne me trompe,
d'avertir les gens qui ont fait demande de comparution devant une commission,
du moment et de l'heure de cette commission. En ce qui me concerne, je ne
pourrais pas répondre dans un sens ou dans un autre à votre
question et je n'ai demandé la convocation de personne à cette
commission, me contentant de faire vérifier par mon cabinet,
auprès du secrétariat des commissions, que ceux qui avaient
demandé à comparaître depuis déjà quelques
semaines soient avisés dès que possible. La question pourrait
être posée au secrétariat des commissions.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'espère que le ministre va prendre
l'initiative d'en avertir le secrétariat des commissions...
M. L'ALLIER: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...afin que les avis soient envoyés
dans les délais utiles.
M. L'ALLIER: M. le Président, on m'informe ici que nous avons
fait mercredi un rappel auprès du secrétariat des commissions
à ce sujet. Quoi qu'il en soit, dès que la date et l'heure de la
prochaine séance de la commission seront fixées, je prendrai
moi-même les disposi-
tions auprès du secrétariat de la commission pour que des
télégrammes soient envoyés à toutes les personnes
qui auraient manifesté l'intention de venir se présenter devant
la commission.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.
M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez...
M. LEGER: M. le Président, j'avais demandé la parole. Ce
matin, je n'ai pas eu l'occasion de parler tellement longtemps, j'ai eu
à peu près cinq minutes pour discuter. Alors j'aimerais bien,
certains de ces messieurs devant partir, leur poser quelques questions.
A la lecture du mémoire de votre association, il découle
deux paliers de problèmes. Du premier palier, c'est une question de la
qualité même de la loi telle que présentée par le
ministère des Communications du Québec sur laquelle vous avez des
réserves. Du deuxième palier ressort, c'est votre
préoccupation le fait qu'il y aurait une double juridiction
à la suite de cette loi.
Si on prenait le premier palier du problème que vous soulevez,
nous avons fait témoigner au cours des discours en deuxième
lecture sur les bills 35, 36 et 37, qu'il y avait peut-être et non
seulement peut-être mais sûrement un pouvoir
discrétionnaire donné au ministre. Si des corrections
étaient faites à cette loi pour corriger certaines choses que
vous dénoncez dans votre mémoire: entre autres le fait qu'on
semble donner carte blanche au ministre sur différents points entre
autres, le fait qu'il y a danger d'une manque de participation de votre part
parce que les pouvoirs seraient trop grands au ministère; et aussi d'un
autre côté, le fait qu'on aimerait avoir des audiences publiques,
est-ce que vous pensez qu'une audience publique, systématique, et non
pas seulement tenue à la demande du ministre et toutes ces corrections
seraient des choses acceptables? Je vous demande, en posant cette question, de
faire abstraction d'une juridiction fédérale-provinciale.
C'est un autre palier. Les deux paliers ne doivent pas être
mêlés actuellement. On est à étudier une loi. Avant
de déterminer la conséquence au point de vue de juridiction
fédérale-provinciale, essayons donc d'examiner la loi telle
qu'elle, pour voir si elle vous convient. Alors, est-ce que vous êtes
d'accord sur ce point? Est-ce que c'est une critique précise que vous
reprochez dans ce projet de loi qu'il y a un pouvoir trop grand au ministre au
niveau de la réglementation, par exemple?
M. STEIN (Charles): M. le Président, je vais essayer de
répondre au moins en partie à cette question en faisant d'abord
observer qu'il est très difficile sinon impossible de séparer les
autres problèmes, ceux auxquels M. Léger vient de faire allusion,
de celui de la constitutionnalité ou de l'inconstitutionnalité de
la loi.
Nous-mêmes, dans notre mémoire, nous disons, par exemple,
que nous nous opposons au double emploi, que ça n'a pas de sens d'avoir
sur le même sujet deux régimes différents: un
fédéral et un provincial ou, enfin, s'ils n'étaient pas
différents, sur le même sujet de la législation et de la
réglementation à laquelle nous serions assujettis.
C'est un faux problème parce que, comme je l'ai dit et
souligné, il est impossible que les deux soient valables en même
temps.
M. LEGER: Je m'excuse, mais vous n'avez peut-être pas tout
à fait saisi ma question. Je voulais justement que vous fassiez cette
distinction pour qu'on puisse discuter du mérite de la loi telle quelle.
Après cela, si vous voulez, je vous reposerai des questions sur l'aspect
constitutionnel et des problèmes ou des imbroglios que vous pourriez
trouver à la suite de la loi provinciale devant faire face à une
loi fédérale.
C'est pour ça que je vous demande précisément de ne
pas prendre les deux problèmes de front parce qu'on n'en sortira pas. Je
vous demande, si c'est possible, de regarder la loi telle qu'elle est
présentée, pour y trouver les difficultés, les
améliorations ou les corrections à y apporter; par la suite, on
pourra discuter le problème constitutionnel. Autrement, on ne s'en
sortira pas.
M. STEIN (Charles): C'était seulement une entrée en
matière.
M. LEGER: Oui, d'accord.
M. STEIN (Charles): J'allais justement vous dire que, ayant fait cette
mise au point, si je puis dire, évidemment, vous le voyez dans notre
mémoire, nous trouvons que la législation et la
réglementation proposées vont trop loin, beaucoup trop loin sur
bien des points. Nous faisons la comparaison avec celle que nous connaissons et
dont nous faisons l'expérience pour le moment et depuis, pour ainsi
dire, toujours, depuis qu'il y a de la législation sur le sujet, celle
du fédéral.
Nous disons que les pouvoirs attribués ici à la
Régie des services publics, au ministère des Communications et au
conseil des ministres vont beaucoup trop loin. Ils brimeraient la
liberté d'information, la liberté de la presse parlée,
ainsi de suite.
M. LEGER: Est-ce que vous seriez d'accord, en ce cas-là, s'il y
avait des amendements apportés, hypothétiquement, pour qu'on
inscrive dans la loi les prinicpes généraux qui pourraient guider
une réglementation faite ensuite par la régie, si autrement dit,
on incluait dans la loi des principes de base qui demanderaient, disons que
un exemple les entreprises soient québécoises ou
à majorité québécoise
comme ça l'est, je pense bien, pour la CRTC, qui exige qu'elles
soient en majorité canadiennes. Il serait aussi à prévoir
que les entreprises aussi devraient avoir une participation locale au point de
vue du contenu, qu'il pourrait y avoir aussi une participation même
à la propriété dans les régions locales, non
seulement québécoises, mais locales, des lois
générales sur la qualité même, la distribution entre
la quantité de publicité et la quantité de contenu
précis d'information ou d'éducation ou dans le domaine de
l'amusement.
S'il y avait dans la loi les principes généraux
précisément inclus et que, par la suite, les règlements
pouvaient être faits par la régie avec des audiences publiques
obligatoires pour qu'il y ait une participation de vos organismes à
cela, est-ce que vous pensez que cela pourrait améliorer la loi et que
vous seriez plus intéressés, à ce moment-là,
à concevoir une loi qui conviendrait disons à votre style
d'opérations?
M. STEIN (Charles): Sous réserve de ce que mes clients voudront
ou croiront à propos d'ajouter, moi, je dirais oui. Evidemment, si l'on
supprime certaines choses dont nous avons parlé: contrôle des
prix, droit de réquisition, des choses comme celles-là. Je
pourrais répondre aussi de cette façon-ci. De façon
générale, si on avait le régime que nous connaissons, le
régime fédéral qui comporte ce que vous venez de dire
d'audiences publiques où tout le monde le sait etc. ce n'est pas
parce que c'est le régime fédéral; que l'on comprenne, on
fait une comparaison pour répondre à votre question, ce
serait certainement plus satisfaisant que ce qui est proposé.
M. LEGER: Alors, est-ce qu'il y a d'autres personnes qui voudraient
ajouter quelque chose sur ce point-là au niveau de la loi provinciale?
S'il y avait des corrections au niveau de la réglementation, du
contrôle que vous trouvez peut-être indu du ministre ou du
ministère ou du gouvernement, s'il y avait des corrections en ce
sens-là en faisant abstraction du domaine fédéral, est-ce
que c'est une loi à laquelle vous accepteriez de participer?
M. STEIN (Charles): Je pense que M. Pouliot pourrait ajouter quelque
chose.
M. POULIOT: Il me semble, M. le Président, qu'il y a deux
idées maîtresses dans le mémoire que nous avons
présenté aujourd'hui. Premièrement, la question de
juridiction. Nous ne prenons pas position quant à savoir si ce devrait
être une juridiction fédérale ou provinciale, mais nous
prenons position en ce sens que nous ne voudrions pas avoir deux juridictions
simultanément. L'autre point est de savoir si tous les organismes de
communications, si je comprends bien, sont définis dans la loi comme
étant des services publics. Je présume que tous les organismes de
communications comprennent aussi bien la presse associée, la presse
canadienne, Broadcast News, les deux enfants qui ont des "walkie-talkies",
parce que la définition est extrêmement générale et
définit tous ces groupes-là comme étant des services
publics.
M. BERTRAND: M. Pouliot, ne soulevez pas le problème des
"walkie-talkies" !
M. LEGER: Pour revenir...
M. POULIOT: Je regrette, j'ai dû manquer quelque chose, je suis
revenu de voyage hier.
UNE VOIX: Le congrès libéral de la fin de semaine.
M. POULIOT: Je vais me renseigner ce soir. Dans mon idée, un
service public est un monopole normalement accordé par le gouvernement
à une compagnie ou à un organisme quelconque. Il doit y avoir une
régie qui contrôle les prix, entre autres, parce que l'organisme
fait affaires directement avec le public et il faut protéger le public
de façon que les prix ne soient pas trop élevés,
étant donné qu'il n'y a pas de concurrence. Je crois que
l'exemple de Bell Canada, de l'Hydro-Québec, etc., représente
très bien ce qui, dans mon esprit, est un service public. Dans notre
cas, nous ne vendons pas de services au public, nous vendons de la
publicité à des clients nationaux ou locaux. Je ne crois pas
qu'il soit nécessaire que le gouvernement ait une régie pour
protéger les clients, les organismes nationaux ou les organismes locaux
contre des prix trop élevés chargés par les postes de
radio ou de télévision. Dans le moment, nous assumons que nous
tombons sous la juridiction fédérale, notre licence nous est
accordée par le gouvernement fédéral et nous ne sommes pas
considérés, au fédéral, comme un service public. Je
comprends que nous rendons d'énormes services au public, nous sommes un
service essentiel, d'après les statistiques, les gens passent plus de
temps à regarder la télévision même qu'à
travailler. C'est évident que nous sommes un service extrêmement
important, essentiel, mais est-ce que nous tombons sous la définition ou
sous le sens usuel de services publics? J'en doute fort.
M. LEGER: Est-ce que je peux me permettre de vous répondre
là-dessus? Vous me direz ce que vous en pensez. Il est sûr qu'une
entreprise qui veut vendre un produit et qui peut entrer sur le marché
et en sortir à son gré, c'est une entreprise privée,
où il y a des lois différentes, je ne parle pas des "lois"
législatives, mais des façons d'opérer différentes.
Mais le domaine de la télévision et de la radio, ne peut quand
même pas, je pense c'est mon opinion et vous me répondrez
si vous ne croyez pas cela être considéré sur le
même pied ou presque sur le même pied qu'une compagnie de
téléphone. La radiodiffusion est quand même un monopole
par le fait qu'il y a très peu de canaux disponibles et en
réalité, ce n'est pas n'importe qui qui peut entrer sur les
canaux. Quand vous avez un permis, cela devient pratiquement un
privilège, puisqu'il y a douze ou treize canaux en
réalité, vous ne pouvez pas en permettre l'accès à
d'autres. Il peut y avoir une certaine petite concurrence d'un canal à
l'autre mais vous avez quand même la barrière de la langue entre
le six et le douze, le dix et le quatre pour la télévision, vous
avez la même chose au point de vue de la radio. Il y a quand même
très peu de jeu, ce n'est pas n'importe qui qui peut entrer, cela prend
un permis, une loi pour permettre à un poste d'émettre et d'avoir
telle longueur d'ondes.
Je pense que ce n'est pas loin d'un monopole, en ce sens que vous
êtes peu nombreux, il y a une petite concurrence entre vous, mais il n'y
a pas une concurrence comme dans un libre marché. Dans ce
sens-là, c'est un service public, et c'est même un
privilège d'avoir un poste. D'accord, je comprends qu'il ne faut pas
qu'il y ait un contrôle au point de vous empêcher de fonctionner.
De là à dire que ce n'est pas un monopole comme celui de Bell
Canada, je pense qu'on s'approche très près de là,
puisqu'il y a très peu de chance pour d'autres personnes d'avoir des
postes et des longueurs d'onde.
M. POULIOT: Evidemment il y a encore des canaux disponibles à
Québec, mais le fait est que le client qui veut avoir le
téléphone n'a pas le choix entre Bell Canada et les compagnies X,
Y, Z. Il doit prendre le téléphone de Bell Canada, s'il veut le
téléphone; et la compagnie de téléphone pourrait
lui charger le prix qu'elle voudrait s'il n'y avait pas un contrôle,
étant donné que le contrôle de la concurrence n'existe pas.
Ce qui ne s'applique certainement pas à la radio et à la
télévision dans le moment.
M. MARGLES: M. le Président, si je peux répondre à
M. Léger qui voulait savoir à qui appartiennent les actions d'un
poste radiophonique et de télévision. Il y a dans les Bourses
canadiennes des compagnies publiques qui administrent des postes de radio et de
télévision. Je pense qu'il serait extrêmement difficile de
dire que ça doit être seulement des Québécois qui
détiennent les actions. En fait, il y a une loi qui indique que
ça doit être à 80 p.c. canadien. Faire une restriction afin
que ce soit de l'argent québécois seulement, vous allez voir que
peut-être il y aurait une fuite de capitaux au lieu d'attirer des
investissements dans l'entreprise privée.
M. LEGER: Pour la fuite des capitaux, il ne faudrait pas se...
M. LE PRESIDENT: Pour le journal des Débats, est-ce que le
dernier opinant pourrait s'identifier s'il vous plaît?
M. MARGLES: Ici Margies, station CJAD et Standard Broadcasting.
M. LE PRESIDENT: Très bien, je vous remercie.
M. LEGER: M. le Président, à la suite des questions que
j'ai posées, il m'a semblé que la réponse, en faisant
abstraction de l'aspect constitutionnel, si la loi était
améliorée et qu'on corrigeait, selon l'optique... Nous avons
prôné nous-mêmes dans notre discours de deuxième
lecture moins de pouvoir au ministre et plutôt une loi dans laquelle il y
aurait des principes généraux et que les règlements
pourraient être faits par la régie avec des audiences publiques
systématiques et non pas uniquement à la demande du ministre. Je
pense qu'à ce moment-là, si la loi était acceptable...
J'arrive avec la deuxième question. Je parle de votre mémoire,
à la page 19, où vous affirmez, au milieu du deuxième
paragraphe: "Que gagnerait-on à faire supporter ainsi à des
entreprises de radio et de télévision, pour la plupart bien de
chez nous, une grande partie des frais et des ennuis d'un différend dont
elles ne sont aucunement responsables?
Le gouvernement peut fort bien retarder l'entrée en vigueur de la
législation proposée jusqu'à ce qu'il ait connu une
consultation judiciaire au moyen d'un renvoi de la cour d'Appel, etc. Quand on
est Québécois et Canadien, il ne faut pas se laver les mains
devant un problème. C'est pour ça que ce matin, je disais que
vous avez des obligations envers vos actionnaires, vos sociétaires mais
que vous êtes aussi des Québécois et que vous avez une
responsabilité sociale. Il ne faut pas se laver les mains et dire: Quand
vous aurez réglé votre problème, nous serons prêts
à accepter une des deux législations. Nous ne sommes pas
là pour régler ce problème-là, c'est votre
problème.
Je pense que ça appartient à tous les
Québécois et que, de votre côté, il faut que vous
vous sentiez solidaires du conflit et que même, vous pourriez participer
au cheminement de la réalisation d'une solution à ce
différend. Justement, ça peut causer peut-être des
difficultés, des ennuis et peut-être un certain coût
financier, du fait qu'il pourrait y avoir temporairement double juridiction
mais si vous avez à prendre une décision, je pense qu'il faut
décider à un moment donné dans un conflit. Nous sommes
Québécois et Canadiens en même temps, mais quand il y a un
conflit, nous ne pouvons pas rester en dehors du conflit, il faut le
prendre.
Est-ce que dans votre esprit, s'il y a un conflit qui se fait au niveau
du Québec, vous récusez définitivement le contrôle
du Québec là-dedans? Si oui, à ce moment-là, vous
récusez toutes les doubles juridictions qu'il peut y avoir dans tous les
autres domaines. Et si vous acceptez de dire: Dans un domaine particulier
du Québec, nous serions d'accord pour épauler le
gouvernement du Québec, pour l'aider à trouver une solution en
dedans, et que même si ça cause un peu d'ennuis, le fait qu'il y
aurait une juridiction provinciale, serait peut-être une de plus, mais au
moins le Québec serait présent.
Je pense qu'il y a une question de choix et on ne peut pas
l'éviter ni se laver les mains et dire: Quand vous aurez
réglé le problème, nous embarquerons. Je pense à
votre position, et votre façon d'entrevoir le problème aiderait
le gouvernement du Québec à résoudre son problème
et là vous pourriez réellement montrer votre choix dans un
conflit.
Je ne dis pas qu'il faut nécessairement dire le Québec et
qu'on renvoie le Canada. Il y en aura d'autres qui feront ce choix-là,
mais pour ceux qui sont Canadiens d'esprit et de coeur mais qui sont
Québécois aussi, à un moment donné, quand il y a un
différend entre les deux, il faut se rendre compte qu'il y a une
décision et un choix à faire. Ce matin, en écoutant la
lecture de votre mémoire, j'avais l'impression que votre choix
était fait. Je pose peut-être la question brutalement. Votre choix
est peut-être tout simplement que, comme c'est le fédéral
qui est installé là, ça nous causerait beaucoup moins
d'ennuis si le provincial ne s'ingérait pas là-dedans Si la loi
provinciale était corrigée dans les domaines qui vous satisfont
et qui nous satisfont nous aussi, parce que c'est ce que nous avons
proposé, est-ce que vous accepteriez de ne pas faire une petite menace
voilée que je voyais à un certain article posé ce matin
à la page 21, mais tout simplement de dire: On va épauler le
gouvernement et on va essayer d'accepter les lois du provincial puisqu'elles
nous conviennent et que quand la solution sera apportée, nous serons les
premiers à l'avoir épaulé...?
Autrement dit, ne pas être derrière le
fédéral mais derrière le provincial, c'est un choix que
vous avez à faire.
M. STEIN (Charles): Je ne comprends pas. J'ai dit qu'il était
impossible d'oublier la question constitutionnelle. C'est absolument
impossible. Même si nous voulions faire l'autruche, si la loi est nulle,
elle est nulle. Que pouvons-nous y faire? La seule façon de participer
aux règlements, comme vous nous y invitez, c'est de plaider et de
soulever la question constitutionnelle et de la faire décider. Si vous
ne le faites pas, nous allons être obligés de le faire à
nos frais. C'est dans ce sens-là que nous disons: Vous allez nous causer
des frais et des ennuis.
M. LEGER: Vous voulez dire que cela va vous occasionner des frais parce
que vous allez essayer de rendre ultra vires ou de prouver par des poursuites
que la loi qui serait québécoise serait ultra vires. C'est ce que
vous voulez dire?
M. STEIN (Charles): On ne la rend pas. Elle l'est ou elle ne l'est pas.
Que voulez-vous?
Même si nous voulions nous y soumettre, n'importe qui, n'importe
quand, pourra soulever la question et faire décider qu'elle est
nulle.
M. LEGER: Dans la juridiction il y a une partie actuellement que l'on
doit admettre qui peut être de juridiction fédérale pour le
moment. Il y à une partie comme le disait le ministre
tantôt qui était de juridiction provinciale. Il parlait du
domaine des équipements, du domaine de la câblodistribution. Il y
a peut-être des questions d'interprétation. Chacun peut dire,
selon qu'il est juriste ou selon les façons de voir le problème,
que cela appartient à l'un ou à l'autre et il y a les zones
grises. La question que je vous pose est simplement ceci: Est-ce que vous aurez
à faire un choix dans la partie où on est certain que c'est du
domaine provincial, dans la partie des zones grises, est-ce que vous ne
pourriez pas coopérer avec le gouvernement provincial de ce
côté-là? Dans la partie de la juridiction
fédérale, je ne pense pas que, dans cette loi-là,
actuellement, il y aurait des endroits qui seront directement en conflit avec
le fédéral. Le ministre disait bien ce matin, et j'ai bien
noté ses paroles, qu'il a élargi la loi en disant et en se
référant à un petit paragraphe qui disait que sous la
compétence du provincial, en élargissant la loi, c'était
pour permettre de ne pas accepter dans sa lutte, pour la juridiction avec le
fédéral, ce que le fédéral accepte de façon
que, quand il y aura eu des négociations et qu'on aura ramené la
partie de juridiction que l'on veut avoir la loi telle qu'elle est faite
aujourd'hui serait quand même applicable. C'est dans ce sens-là
que je demande: Est-ce que, pour la partie où on est en conflit et pour
la partie où on est sûr que nous avons la juridiction, vous ne
pourriez pas coopérer avec le gouvernement provincial?
M. STEIN (Charles): Pour ça, il faudrait que quelqu'un
décide. Quelle est ce que vous appelez, vous, la zone grise? Quelle est
la partie qui est clairement et sans aucun doute de compétence
provinciale et quelle est la partie qui est clairement et sans aucun doute de
compétence fédérale? C'est là qu'est tout le
problème. Enfin, le problème, en partie. Quant à moi, je
pense qu'il n'y a aucun doute au moins pour les zones.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aimerais poser une
question au ministre là-dessus. On parle d'un avis, de l'avis d'un
tribunal sur cette question. Est-ce que le ministre aurait l'intention de
requérir un avis d'un tribunal comme nous l'avons déjà
fait pour certains problèmes, notamment, dans le cas de la loterie
à Montréal, par exemple? Est-ce que le ministre pourrait
soumettre cela à un tribunal afin de demander un avis?
Si le ministre me le permet, comme vient de le dire M. Stein, le
problème est là, il est dans son entier et même si on
trouve dans le texte de
la loi "dans le cadre de la compétence du Québec" il reste
que le gouvernement central ne reconnaît pas telle compétence en
matière de radio et de télédiffusion. Par
conséquent, il faut que quelqu'un tranche le débat à moins
que le gouvernement du Québec prenne des initiatives qui soient à
ce point violentes qu'on se trouve en quelque sorte en conflit armé
juridiquement.
M. L'ALLIER: M. le Président, il y a évidemment, sur ce
point, divergence d'opinions entre M. Stein et moi-même. Je crois que,
pour ma part, si nous faisons ce que nous avons annoncé que nous ferions
à savoir que ce projet de loi nous permettrait essentiellement, compte
tenu de l'article 1 qui parle de la juridiction du Québec, de
réglementer en matière de câblodistribution, il se peut
qu'à partir de cette réglementation sur la
câblodistribution, la radiodiffusion et la télédiffusion se
sentant indirectement impliquées contestent la loi. Cependant, si nous
ne réglementons pas la radio et la télédiffusion,
effectivement, à partir de ce projet de loi, je ne crois pas que nous
ayons à référer nous-mêmes à la cour
Suprême.
De toute façon, vous me posez une question précise et je
peux vous dire qu'à ce stade-ci ce n'est pas l'intention du gouvernement
je l'ai déjà dit auparavant de confier à la
cour Suprême du Canada ou à tout tribunal où on pourrait en
faire la référence, le soin de décider dans l'abstrait si
le gouvernement du Québec a juridiction en matière de
câblodistribution.
Les avis juridiques dont nous disposons nous permettent d'être
suffisamment certains de nos positions pour n'avoir pas à faire ce
test.
M. BERTRAND: Sur le même problème, M. le Président.
Lorsque le projet de loi a été examiné par le conseil des
ministres, ce problème a dû sans doute se poser. Est-ce que le
ministre a obtenu certains conseils du service juridique du ministère
des Communications ou du ministère de la Justice au sujet de la
portée exacte du projet de loi en regard de la législation
fédérale, à l'heure actuelle. Puis, a-t-il fait
préciser que, dans le domaine de la distribution par câble, le
Québec pourrait agir et que, si une réglementation était
adoptée, cette réglementation dans le domaine de la distribution
par câble au départ, ne pourrait pas j'entends en tenant
compte des éléments de prudence habituels être
attaquée victorieusement devant les tribunaux?
Si le ministre a une documentation comme celle-là, vu que le
problème est fondamental on en parle depuis le matin au
moins pour éclairer tous les députés, membres de cette
commission, est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité que cette
documentation juridique soit mise à la disposition des membres de la
commission?
M. L'ALLIER: Sur ce point, M. le Président, je rappelle que cette
commission n'est pas un tribunal qui va trancher...
M. BERTRAND: Non, au contraire. Mais pour éclairer, de même
que, M. le Président...
M. L'ALLIER: Nous avons suivi...
M. BERTRAND: ... Bien entendu, au sujet de toute cette dispute qui
existe et à laquelle a touché ce matin M. Stein par son
mémoire, il est sûr que nous ne sommes pas un tribunal. Quand M.
Stein cite des opinions, des jugements de la cour Suprême du Canada,
c'est une opinion qui est exprimée par le tribunal suprême du
Canada. On pourrait répondre à M. Stein qui dit d'aller devant
les tribunaux, ce que nous avons déjà dit: Dans l'ordre
politique, l'homme politique et je vais le dire très clairement
n'a pas confiance dans la cour Suprême du Canada telle qu'elle est
constituée dans un régime fédéral. C'est un
problème politique. M. Stein, au point de vue juridique, je sais que ce
problème ne vous intéresse pas parce que vous reconnaissez le
tribunal comme étant la dernière autorité judiciaire du
pays. Mais ce qui nous intéresse, nous, même si ce n'est pas pour
porter un jugement, est que lorsqu'on s'adonne à l'examen d'un projet de
loi... Le ministre nous déclare que, dans le domaine de la distribution
par câble, il y a pour les uns une zone grise, pour d'autres ce n'est pas
une zone grise, c'est une zone québécoise. Et il y en a d'autres
qui vont dire que c'est une zone accessoire à la juridiction
fédérale. Le ministre a des études dans ce domaine.
Pourquoi ne pas les communiquer aux membres de la commission? Cela permettrait
aux gens, non pas de porter un jugement, mais d'être mieux
éclairés. De même que dans un domaine technique, par
exemple, vous pourriez nous produire un rapport d'experts. Faites-le donc pour
les opinions que vous avez reçues des conseillers juridiques, soit de
votre ministère ou du gouvernement.
M. L'ALLIER: M. le Président, je suis content que la question
soit posée. Effectivement, au moment de la préparation de ce
projet de loi et de son adoption en principe par le cabinet, la question
vous vous en doutez bien a été posée.
La question a été posée et nous avons obtenu l'avis
des légistes du gouvernement qui nous ont dit qu'en matière de
câblodistribution, la juridiction québécoise ne faisait
aucun doute. Nous avons fait vérifier, comme cela se fait sur toutes ces
questions importantes, par un avis juridique extérieur et nous avons
obtenu cet avis au niveau du comité de législation. Je ne sais
pas si tous ces avis sont sous forme écrite ou sous forme de notes, je
peux certainement les faire établir et les déposer avant la fin
des séances de cette commission au bénéfice des membres de
la commission parlementaire, étant entendu que, je le présume,
ceux qui nous ont donné ces avis, notamment au comité de
législation, ne changeront pas d'idée si on leur demande de les
préciser par écrit.
C'est donc sur la base d'avis juridiques extrêment sérieux
et complémentaires et non contradictoires que nous en sommes
arrivés à avoir, quant à nous, la garantie qu'en
matière de câblodistribution et de câblovision, sur toute
l'étendue de ce secteur, il s'agissait d'une juridiction provinciale,
quels que soient par ailleurs les gestes posés jusqu'ici par le
gouvernement fédéral, et qu'en conséquence de quoi, c'est
au gouvernement qu'il appartenait de prendre une décision et non pas de
la référer je suis d'accord sur les arguments que vous
invoquez à la cour Suprême.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce, sur le même
sujet.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne veux pas poser en expert
dans ce domaine, parce que je vais avouer mon incapacité, mais il nous
vient tout de même plusieurs questions à l'esprit, après
avoir lu le mémoire, après avoir lu les projets de loi et entendu
les déclarations de part et d'autre. Il semble que plus on avance, plus
cela se complique. Le ministre revient toujours avec la câblodiffusion,
alors que ces projets de loi vont beaucoup plus loin. Je me demande, si le
ministre voulait se limiter à la câblodiffusion, pourquoi
présenter des projets de loi aussi complexes et qui s'étendent
dans autant de domaines.
M. L'ALLIER: Achevez de relire le journal des Débats de ce
matin.
M. ROY (Beauce): Je n'ai pas besoin de relire le journal des
Débats, c'est de toute évidence. Il y a autre chose qui se cache
derrière tout cela. On constate à l'heure actuelle, du moins
c'est l'impression que j'en ai, que le gouvernement présente un projet
de loi, va soumettre les entreprises, les postes de radio, les postes de
télévision et tous les autres qui sont dans ce domaine devant la
possiblité de choisir entre une réglementation
fédérale et une réglementation provinciale. A ce
moment-là, quelle réglementation va prédominer? A ce
moment-là, on va peut-être obliger les entreprises
propriétaires à faire les frais de combats constitutionnels alors
que le gouvernement lui-même aurait dû faire des ententes avec le
gouvernement fédéral et préciser sa politique, ce qu'il
veut, la discuter à Ottawa et, une fois que cela sera clairement
défini, établir des règlements que pourront observer et
suivre les entreprises provinciales, les entreprises que nous avons dans le
Québec.
Il semble, M. le Président, à moins que je ne sois dans
l'erreur, que, de toute façon, on ne puisse pas déboucher
autrement que dans un conflit constitutionnel. L'on a l'impression que le
gouvernement a mis la charrue devant les boeufs, pour employer une expression
très française du député de Chicoutimi. Il semble
que c'est cela...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Devant les boeufs.
M. ROY (Beauce): Les boeufs, les boeufs. Très
française.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un boeuf, des boeufs.
M. ROY (Beauce): J'aimerais que l'honorable ministre nous dise
exactement s'il a l'intention, une fois ses projets de loi adoptés, de
préciser, c'est-à-dire élaborer toute sa
réglementation et laisser les entreprises que nous avons se
débattre elles-mêmes, à leurs frais, dans un conflit
constitutionnel.
M. L'ALLIER: M. le Président, sur un point technique, à
moins que les membres de cette commission n'aient d'autres questions à
poser à M. Stein, M. Stein m'a indiqué qu'il devait nous quitter
il est déjà 4 h 45 effectivement afin de se rendre
présenter un avis ou un document. Il s'agit d'une occupation
professionnelle.
M. STEIN (Charles): C'est pour présider un comité du
Barreau.
M. L'ALLIER: Est-ce que les membres de cette commission sont
d'avis...
M. BERTRAND: Par hasard, M. Stein, étant donné que les
séances vont se poursuivre, si nous avions besoin de vous à une
autre séance, en étant averti deux ou trois jours à
l'avance, pourriez-vous venir?
M. STEIN (Charles): Avec plaisir. Merci beaucoup, M. le
Président, M. le ministre.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à
poser. Suite au mémoire qui nous a été
présenté par M. Stein, concernant, par exemple, le conflit de
juridictions possible, est-ce que, d'après vous, si les projets de loi
sont adoptés tels quels, vous serez dans l'obligation d'en attaquer la
constitutionnalité du fait que vous allez être soumis à
certaines réglementations, certaines dispositions qui iraient en
contradiction avec certaines exigences des lois fédérales?
M. STEIN (Pierre): M. le Président, pas nécessairement.
S'il y a double juridiction.
M. ROY (Beauce): C'est ça que je veux dire.
M. STEIN (Pierre): Il faudra aller à la recherche d'une seule
juridiction.
M. ROY (Beauce): Maintenant, quelle juridiction aurait
préséance à ce moment-là?
M. STEIN (Pierre): Si vous permettez, j'aurais dû compléter
ma réponse. Vous suggérez,
dans votre question: Y aurait-il une réglementation à
laquelle nous ne voudrions pas nous soumettre? Ce n'est pas là qu'est le
point. C'est de savoir quelle juridiction aura préséance et cela
devra être déterminé par les tribunaux.
M. ROY (Beauce): Autrement dit, si j'ai bien compris, vous ne voulez pas
être dans l'obligation d'en assumer les frais.
M. STEIN (Pierre): Nous le préférerions, mais nous
prendrons les dispositions qui seront nécessaires.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aurais une ou deux
questions à poser avant que ces témoins ne se retirent, à
moins que mes collègues, naturellement, aient d'autres questions
à leur poser.
Le problème, tel qu'il a été posé dans le
mémoire que nous avons devant nous, est bien clair. C'est un
problème constitutionnel, n'y revenons pas. Il y a un problème
juridique aussi. Cette question d'une double compétence, soit
l'obligation que vous avez de vous en tenir aux règles
fédérales qui vous régissent actuellement et l'obligation
que vous auriez de vous en tenir aux règles que vous imposerait la
législation présentée par le ministre des
Communications.
Notre attitude est bien claire. Nous l'avons exposée longuement
en Chambre. Nous vous l'avons fait savoir ce matin. Je vous ai dit clairement
que vous n'étiez certainement pas insensibles à ces
problèmes constitutionnels, que vous seriez certainement
intéressés à y prendre part si nous devions porter la
question devant des instances supérieures ou devant le peuple. Mais
notre attitude est la suivante: c'est que vous représentez quand
même, dans le Québec, à la fois un service social et une
industrie extrêmement importante. Ce que nous voudrions savoir du
ministre est ceci:
Est-ce que le ministre peut nous donner l'assurance qu'en aucune
façon, compte tenu naturellement du bien commun et de l'économie
générale de nos lois, il n'a l'intention, par le biais des trois
projets de loi que nous étudions actuellement, d'imposer à
l'ACRTF des charges, des règles, des taux, des tarifs qui pourraient
compromettre l'entreprise de ses membres et les mettre dans une position
concurrentielle encore plus difficile que celle dans laquelle ils se trouvent
actuellement par rapport à la radio et à la
télévision d'Etat?
Parce que l'un des arguments que nous avons fait valoir, lors de la
discussion de la seconde lecture, est que le ministre semblait s'arroger des
droits et qu'il semblait vouloir s'immiscer dans les affaires internes des
entreprises de radio et de télévision privées. Le ministre
nous a dit: Très bien, nous pourrons convoquer une commission
parlementaire, faire examiner la situation. Mais cela ne nous satisfait pas si,
entre-temps, le ministre bâtit une sorte de carcan qui va étouffer
progressivement les entreprises de radio et de télévision.
Ces gens-là occupent un domaine qui est celui des ondes. Mon
collègue, le député de Lafontaine, parlait d'un service
public. Il parlait à cet égard de privilèges. Appelons
ça comme ça, comme hypothèse de travail; c'est un
privilège que de pouvoir obtenir un permis pour émettre sur telle
ou telle longueur d'ondes, parce qu'elles sont limitées, encore que
cette acception du terme "limité" est assez large. Il reste que ces
gens-là, dès lors qu'ils ont obtenu ce privilège, ce droit
ou ce permis, ont fait des investissements; ils ont un équipement. Il
faudrait que le ministre nous rassure sur la situation financière qui
pourrait être celle de ces organismes qui, tout à coup, se
trouveraient, en somme, sous la tutelle de l'Etat. C'est le danger contre
lequel nous avons prévenu le ministre, de donner au gouvernement et de
se donner, comme ministre, des pouvoirs exagérés.
Le ministre lui-même est animé d'excellentes intentions,
mais il sait très bien qu'un ministre n'est pas éternel et que,
d'autre part, toutes les fois que l'on examine un projet de loi qui comporte
des restrictions ou qui a des incidences un petit peu coercitives, il faut
toujours imaginer que ladite loi sera appliquée par le pire des hommes.
Il faut prévoir les coups et les prévoir de la façon la
plus large possible. Alors, j'aimerais que le ministre nous dise s'il a
l'intention de préciser sa pensée en ce qui concerne les
contrôles que son ministère, ou le gouvernement par
réglementation, pourrait exercer sur les entreprises privées de
radio et de télévision. Je crois que c'est une des
inquiétudes majeures des témoins qui sont devant nous et,
étant personnellement partisan de l'entreprise privée, j'estime
que nous devrions avoir à l'endroit de l'entreprise privée de la
radio et de la télévision l'attitude que nous avons eue à
l'endroit des maisons d'éducation privées par rapport aux maisons
d'éducation publiques. Alors, quelles sont les assurances que peut nous
donner, à ce stade-ci du débat, le ministre?
M. L'ALLIER: M. le Président, je veux commencer par rassurer, si
c'est encore nécessaire, nos amis du Ralliement créditiste en
leur disant qu'il n'est pas dans nos intentions d'étatiser quoi que ce
soit en matière de communications.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ne me mettez parmi vos amis
créditistes?
M. L'ALLIER: Non, non.
M. ROY (Beauce): Vous avez prévu dans la loi la
possibilité de le faire, par exemple. Tout est prévu dans la loi
pour le faire. Alors, si vous n'avez pas l'intention de le faire, comme disait
le député de Chicoutimi, le ministre qui vous
remplacera, s'il a l'intention de le faire, a tous les outils en main
pour le faire.
M. L'ALLIER: Je ne crois pas, M. le Président, parce que
l'étatisation de ces mécanismes se fait soit par la
révolution, nous les prenons puis nous ne les payons pas et, à ce
moment-là, vous avez autant de pouvoir que moi de le faire;
deuxièmement, l'autre façon, c'est une façon qui est plus
civilisée, c'est par l'expropriation, le seul cas qui est prévu
requiert l'approbation de l'Assemblée nationale dont vous faites partie
encore pendant quelque temps.
M. ROY (Beauce): Mais, il y a une autre façon que vous avez
oubliée, c'est de s'ingérer à l'intérieur de
l'administration des entreprises, puis de leur rendre les conditions telles,
à un moment donné, qu'elles ne puissent fonctionner. Alors, c'est
une étatisation par voie de conséquence. Celle-là, vous ne
l'avez pas mentionnée.
M. L'ALLIER: C'est une nouvelle forme juridique d'étatisation.
Disons que je ne voudrais pas m'étendre sur ce débat pour ne pas
retenir inutilement ici les témoins que nous avons intérêt
à consulter. Je vais répondre cependant à la question du
député de Chicoutimi. Je voudrais répéter ici que
notre intention, c'est effectivement d'établir au Québec par la
plus grande consultation, mais en prenant aussi, comme gouvernement, nos
responsabilités, une politique d'ensemble des communications. On peut me
reprocher que cette politique ne soit pas suffisamment précise, qu'elle
ne comporte pas suffisamment de détails quant à son application.
Ces précisions seront apportées au fur et à mesure
précisément des consultations et je ne parle pas là de
consultations personnelles auprès de groupes que l'on pourrait choisir
soi-même, mais bien du fonctionnement tel que prévu de la
Régie des services publics, de la commission parlementaire et de tous
les moyens techniques légaux prévus pour cette consultation.
C'est l'objectif premier que nous cherchons à atteindre. Pour en arriver
à cette politique des communications qui serait, non pas sous le
"contrôle", pris dans le sens de "police", des communications, mais bien
pour assumer cette responsabilité du gouvernement du Québec face
à sa collectivité, responsabilité du développement
cohérent, compte tenu de ses intérêts économiques,
sociaux et culturels, de tous les moyens de communication sur son territoire.
Nous considérons qu'il est essentiel et, le plus rapidement possible, de
revoir l'ensemble de ce dossier avec le gouvernement central. Cela, c'est le
problème politique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si M. le ministre me le permettait, j'ai une
question sur le mot "politique d'ensemble". Quel est exactement le contenu
sémantique de cette expression? Parce que, si l'on parle de politique
d'ensemble et que, par analogie, on réfère par exemple à
la politique d'ensemble en matière d'éducation, on pourrait en
arriver à penser que cette politique d'ensemble exigera du gouvernement
qu'il exerce des contrôles qui établiront une certaine
uniformité dans le domaine de l'information.
M. L'ALLIER: Ce n'est pas en ce sens qu'il faut parler de politique
d'ensemble. Il faut parler de politique d'ensemble au sens de la
cohérence du développement de différentes manifestations
de communications publiques ou privées.
C'est en ce sens-là que je dis que nous n'avons pas l'intention
de, systématiquement, envahir le champ des communications au
bénéfice, que ce soit du gouvernement ou de l'Etat, mais c'est
plutôt au sens du rôle que le Québec doit assumer en
matière culturelle. Il a comme gouvernement, la responsabilité de
faire que la culture se développe sur son territoire,
conformément à la personnalité et aux attributs de la
personnalité québécoise. Donc le gouvernement a la
responsabilité d'une politique culturelle au Québec. C'est dans
ce même sens que j'emploie politique d'ensemble, politique globale des
communications, au sens où précisément c'est la
responsabilité du gouvernement de voir à ce que l'entreprise
privée des communications se développe suivant son rythme
commercial, suivant son rythme industriel normal. Mais, dans ce
secteur-là, elle doit se développer d'une façon
cohérente par rapport à d'autres secteurs de l'entreprise
privée et par rapport, également, à des priorités
régionales, à des priorités culturelles, à des
priorités éducatives mais d'une façon...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre me permettrait une
autre question ici de précision? Cela va répondre à
certaines objections qui nous ont été faites. Lorsqu'il parle de
préoccupations éducatives et culturelles, il en parle j'imagine
en termes de qualité et de quantité.
M. L'ALLIER: Exactement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, qu'est-ce que cela veut dire,
législativement parlant et administrativement parlant, en termes de
réglementation?
M. L'ALLIER: Législativement parlant, disons d'abord que c'est un
fait que le gouvernement, dans l'évolution de son système et de
ses moyens d'éducation et la collectivité comme telle auront
à avoir de plus en plus recours aux moyens électroniques, les
techniques de communication, en matière d'éducation. C'est
déjà de plus en plus avancé dans le domaine culturel en
général. Cela est une chose. Par ailleurs, je crois que c'est la
responsabilité, pour employer des termes qui paraissent
extrêmement abs-
traits, mais qui, j'espère, vous feront comprendre le sens de ce
que je veux dire, à la fois de chaque citoyen mais d'abord du
gouvernement, comme responsable du bien-être d'ensemble du
développement de la collectivité, de voir à ce que le
développement des communications dans les contenus, ne soit pas
contraire, si vous voulez, au bien-être individuel et collectif des
Québécois. On faisait allusion dans le mémoire de
l'Association des radiodiffuseurs à ce que j'avais dit à un
journal. Je voudrais reprendre ici ces remarques. Si la collectivité,
par le ministère de l'Education, investit des sommes
considérables à un moment donné pour faire de la
télévision éducative, que ce soit l'éducation du
consommateur, que ce soit l'éducation de personnes qui doivent faire un
certain recyclage pour retourner sur le marché du travail, etc., nous
avons quand même une responsabilité quant à la
qualité de ce qui est servi à la population par les mêmes
media, soit au même moment, soit à des moments où la
population y a accès, en termes de contenus. Il ne s'agit pas pour
l'Etat de dire: Il n'y aura pas de films policiers à la
télévision ou il n'y aura pas de films américains. Il y a
des films policiers et je crois qu'il y a, pour la production, des standards de
qualité qui peuvent être, non pas établis a priori et
implantés par un organisme réglementaire, aussi compétent
soit-il. Je crois qu'il existe des mécanismes permettant au
consommateur, d'une part, et à tous ceux qui ont un rôle à
jouer dans le développement de la collectivité, d'intervenir pour
critiquer, pour demander des changements dans l'environnement qu'on leur
fournit d'une façon obligatoire. Parce que les ondes, c'est là et
ça existe.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre irait jusqu'à
dire que le gouvernement, par lesdits mécanismes dont il parle,
définirait lui-même ou par le truchement d'une régie ou
quelque chose comme cela, ou même par le truchement de l'Assemblée
nationale, des critères de qualité.
M. L'ALLIER: Je ne pourrais pas, M. le Président, m'avancer
tellement loin sur ce champ. C'est précisément ce qui devrait
faire l'objet de toutes les consultations très soutenues qui devaient
avoir lieu sur ces questions. A première vue, je crois cependant que la
première et la seule responsabilité du gouvernement serait de
permettre aux citoyens, de leur donner des moyens de communication ou des
tribunes où ils pourront aller et contester la qualité de ce
qu'on leur présente.
M. L'ALLIER: On a dit ce matin: Les gens ne se sont jamais plaints de ce
qu'on leur sert à la télévision, c'est peut-être
vrai. Mais je connais des gens qui se plaignent de ce qu'on leur sert à
la télévision, qui ne peuvent le dire à personne et qui ne
peuvent s'organiser pour contester la qualité, le sens, le contenu ou
les priorités qu'on suit dans la programmation qui leur est
donnée.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais seulement à
dire une chose...
M. LE PRESIDENT: Pour ne pas retarder, on nous avise qu'il y a un vote
à l'Assemblée nationale...
M. ROY (Beauce): M. le Président, si vous me permettez, pour ne
pas retarder indéfiniment les personnes qui sont ici...
M. LE PRESIDENT: Oui, je l'apprécierais...
M. ROY (Beauce): Une recommandation mentionnée à la page
21, à la troisième ligne, dit à cet effet...
M. LEGER: Non, non, mais vous avez une question à poser?
M. ROY (Beauce): Est-ce que le député me permettrait,
j'aurais aussi une question à poser.
M. LEGER: Non, un instant, il n'y a pas seulement celle-là. Moi
aussi j'en ai alors, il faut revenir...
M. ROY (Beauce): J'aurais une question à poser à ces
messieurs.
M. LEGER: Oui, oui. Comme il faut aller voter, on va revenir dans dix
minutes et on va continuer à poser des questions. Le
député pensait que c'était la dernière question
avant que ces messieurs s'en aillent. J'avais d'autres questions à
poser. C'est pour ça que je dis qu'il faut aller voter et revenir.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un sujet extrêmement difficile,
parce que ça pose tout le problème de la censure.
M. LEGER: Si vous voulez ajourner pour dix minutes, on va revenir.
M. LE PRESIDENT: J'aimerais rappeler tout de même qu'il y a
d'autres mémoires. Est-ce que nous aurons le temps d'entendre le
prochain mémoire, celui présenté par la Corporation des
évaluateurs agréés du Québec? Est-ce qu'il serait
possible de réduire peut-être les questions sans priver aucun des
membres de son droit de parole afin de permettre à l'autre...
M. LEGER: Il y a actuellement deux commissions en réunion, je ne
vois pas pourquoi on se hâterait. C'est un domaine essentiel.
M. LE PRESIDENT: Oui, je le comprends. M. LEGER: Je veux dire
ceci...
M. LE PRESIDENT: Je n'en fais pas une objection, je demande si l'autre
organisme ici présent aura le temps de présenter son
mémoire avant l'ajournement de ce soir.
Alors, nous suspendons pour quelques minutes, le temps du vote à
l'Assemblée nationale.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise de la séance à 17 h 35)
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
Au moment de la courte suspension que nous avons eue, le
député de Chicoutimi posait une question au ministre des
Communications. Par la suite, le député de Beauce aura la
parole.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'avais demandé...
M. LEGER: Voulez-vous reprendre votre question?
Problème de la censure
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. J'avais demandé au ministre
parce qu'il a parlé de contenus éducatifs, culturels si le
gouvernement, ou le ministère des Communications en viendrait à
définir des critères. Et je raccroche maintenant à
ça la dernière question que j'avais posée au ministre et
que vous avez perdue au moment où nous avons ajourné, à
savoir: Est-ce qu'au fond, cette question de définir des critères
relatifs au contenu ne revient pas à poser très nettement, et il
faut bien le dire, franchement, le problème de la censure, par un
organisme quelconque qui serait le gouvernement ou une commission? Et quand le
ministre dit, par exemple, que le public a le droit d'exprimer son avis
là-dessus, je suis d'accord. Mais par quel mécanisme le public,
si on me permet l'expression anglaise "at large", pourrait-il exprimer son avis
périodiquement sur des contenus éducatifs, culturels
véhiculés par les entreprises de radio et de
télévision privées?
M. L'ALLIER: Je vais tenter de répondre brièvement
à la question du député de Chicoutimi afin de permettre,
si possible, à d'autres intervenants de présenter les
mémoires pour lesquels ils sont venus nous rencontrer. Il n'est pas dans
l'intention du gouvernement ou de la Régie des services publics, ni dans
la loi, ni dans la réglementation, d'établir a priori des
critères ou des normes de contrôle de contenus.
Ce que nous souhaitons faire, à ce stade-ci ce qui ne
préjuge pas des conclusions d'une importante commission parlementaire,
celle qui siège sur la liberté de presse c'est
effectivement de tenter de donner des moyens qui n'existent pas maintenant
à la population, lui permettant de s'exprimer sur les contenus qui lui
sont servis. Le moyen qui nous apparaît, non pas le meilleur, mais,
enfin, le plus évident actuellement est celui de la Régie des
services publics par ses audiences publiques.
C'est un premier pas mais c'est un premier pas là-dessus,
je m'y engage au nom du gouvernement, parce que ça me paraît
extrêmement important qui ne doit pas donner au gouvernement de
contrôle à priori sur les contenus. C'est là qu'on entre
effectivement dans toutes les questions de censure. Pour ma part, comme membre
du gouvernement, je me verrais dans l'impossibilité de faire quelque
geste que ce soit face au contrôle des contenus s'il n'y a pas, d'une
part, les moyens très facilement accessibles par la population pour
exprimer elle-même son contentement, son mécontentement, bref, son
opinion face à ce qui lui est servi d'une façon, sinon
"monopolistique", du moins dans des cadres très bien définis.
Je serais dans l'impossibilité de recommander au gouvernement
quelque action que ce soit avant d'avoir pu prendre connaissance des
conclusions de la commission parlementaire sur la liberté de presse,
parce que c'est en fait un des problèmes essentiels abordés
à cette commission.
Tant que cette commission n'aura pas fait son rapport à la
satisfaction des membres de l'Assemblée nationale, je ne crois pas qu'il
soit possible et le gouvernement ne le ferait pas, de prendre des
actions prématurées et unilatérales de contrôle
quelconque sur quelque contenu que ce soit. Si, par contrôle du contenu,
on entend quelque chose comme un pourcentage donné d'émissions ou
de productions locales par opposition à de la retransmission
d'émissions extérieures à la région, au
Québec ou au Canada, c'est une chose qui devrait faire l'objet de
consultations auprès de la Régie des services publics et l'objet
d'audiences publiques. En d'autres mots, le contrôle du contenu peut
être considéré fonction du contenu de chaque produit, de
chaque émission, il peut être aussi considéré dans
l'optique du pourcentage de productions locales par opposition à de la
retransmission de productions dites nationales.
Sur ces questions de pourcentage, ce sujet pourrait, dans le domaine de
la câblodistribution, faire éventuellement l'objet de
réglementations; mais uniquement après une très large
consultation par le moyen des audiences publiques de la régie. Pour ce
qui est, par ailleurs, du contrôle ou d'une surveillance ou d'une forme
de réglementation de contenu comme tel, il serait
prématuré de tenter quelque action que ce soit dans quelque sens
que ce soit avant les résultats de la commission parlementaire sur cette
question.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce avait demandé
la parole.
M. ROY (Beauce): Je reviendrai à ma question tout à
l'heure.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine et par la suite
le député de Missisquoi.
Double juridiction
M. LEGER: J'aurais bien voulu élaborer sur la question du
député de Chicoutimi, sur le problème de la censure
possible, mais, étant donné qu'il ne nous reste pas plus que
quinze minutes, j'aurais quelques questions à poser à nos
invités avant qu'ils ne repartent. Tout à l'heure, le
député de Beauce posait une question à M. Stein. Il lui
demandait, s'il y avait une double juridiction je voyais même une
loi au Québec acceptable par eux s'il serait obligé de
recourir aux tribunaux pour voir à clarifier la situation pour savoir
avec qui ils doivent coopérer ou à qui ils doivent se soumettre.
Je voulais lui demander la définition de la double juridiction.
Actuellement, nous vivons dans la plupart des ministères du
Québec une double juridiction. Est-ce que vous auriez la même
optique d'une double juridiction si les règlements n'étaient pas
nécessairement opposés l'un à l'autre: les
règlements fédéraux et provinciaux, mais qu'il y ait une
réglementation qui pourrait dans un sens aller plus loin, dans une
direction complémentaire? Est-ce que c'est simplement le principe de la
double juridiction qui fait que vous voulez vous opposer ou si c'est seulement
parce qu'il y aurait réellement des règlements qui seraient
nettement opposés l'un à l'autre et que vous ne sauriez pas
lequel des deux vous devez accepter?
M. STEIN (Pierre): Ce sont peut-être deux choses, soit deux
règlements divergents ou bien encore, 'même si une
réglementation complète l'autre, il faut admettre qu'il y aurait
à ce moment-là double emploi, donc de notre part un travail
additionnel pour satisfaire à un autre organisme, pour fournir à
un autre organisme d'autres détails que nous fournissons
déjà à un organisme fédéral.
M. LEGER: On revient à la question de tantôt. Si c'est
seulement parce qu'il y a une double juridiction que ça vous cause des
ennuis, des difficultés, peut-être un certain coût de
fonctionnement, vous avez un choix à faire à ce moment-là
et ce choix, il semble bien que ce soit le choix de la juridiction
fédérale.
M. STEIN (Pierre): Encore une fois, M. le Président, ça
nous ramène à ce que nous avons discuté cet
après-midi. Ce n'est pas à nous qu'il demeure de faire un choix.
Il existe présentement une loi fédérale à laquelle
nous sommes soumis.
M. LEGER: Mais ma question est la suivante: Si la loi provinciale n'est
pas directement opposée à des règlements
fédéraux et je vous ai posé la question s'il
n'était question que de règlements complémentaires ou de
règlements qui vont plus ou moins loin que l'autre palier de
juridiction, à ce moment-là, il y aurait encore double
juridiction. Mais vous venez de me répondre que, seulement du fait que
ça vous causerait des ennuis supplémentaires, un coût
supplémentaire, vous verriez à ce moment-là à vous
opposer devant les tribunaux.
M. STEIN (Pierre): Pardon, M. le Président...
M. LEGER: Est-ce que j'ai mal compris votre réponse?
M. STEIN (Pierre): ... j'aurais dû peut-être clarifier ce
point. Ce que j'ai voulu dire, c'est ceci: Si, devant une double juridiction,
si une complète l'autre c'est un aspect de la question, je crois
que vous m'avez demandé tantôt si une allait plus loin que
l'autre...
M. LEGER: Un permis plus sévère ou des critères
plus sévères.
M. STEIN (Pierre): S'il y avait un autre aspect nous le faisons
déjà pour un organisme fédéral cela
représenterait donc un travail additionnel d'avoir à le faire
pour un autre organisme, pour compléter d'autres renseignements ou
remplir d'autres obligations envers un autre organisme de forme
provinciale.
M. LEGER: Vous n'accepteriez pas cette situation?
M. STEIN (Pierre): Non.
M. LEGER: C'est la réponse que je voulais avoir.
M. LE PRESIDENT: Le député de Missisquoi.
M. BERTRAND: M. le Président, dans le même domaine, je me
base sur l'article 3 a) du projet de loi 37 et aussi sur un autre article
auquel on doit aussi référer, l'article 6 du projet de loi 35,
qui concerne l'article 25 de la Loi de la régie et qui dit: Dans
l'exercice de sa juridiction, la régie se conforme aux règlements
adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil, en vertu de l'article 3
a) de la Loi du ministère des communications. Quant à l'article 3
a) il dit: Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du
ministre, et dans le cadre de la compétence du Québec, faire des
règlements. Je pose ma première question au ministre: De l'aveu
de ses conseillers juridiques et suivant les propos qu'il a tenus tantôt,
dois-je conclure qu'à l'heure actuelle la compétence du
Québec, d'après lui, s'arrêterait à la distribution
par câble?
M. L'ALLIER: C'est ce que j'ai voulu dire le plus clairement possible ce
matin, M. le Président, à savoir que la juridiction dans ce
domaine, que nous pourrions exercer sans risques inutiles de contestation et
sans engager de frais, serait celle de la câblodistribution,
effectivement.
M. BERTRAND: Deuxième question, accessoire à la
première, étant donné ce qu'il vient de dire, étant
donné l'article 3 a) qui permettrait au lieutenant-gouverneur de faire
des règlements: a ) sur les conditions d'établissement,
d'exploitation, d'administration, d'extension ou de modification d'une
entreprise publique au sens indiqué dans la loi; b) pour
déterminer les normes de production, d'acquisition et de diffusion
d'émissions et de radiodiffusion... A ce moment-là, dois-je
comprendre que sa réglementation ne s'appliquerait que dans le domaine
de la distribution par câble au sujet des conditions
d'établissement, d'exploitation, d'administration?
M. L'ALLIER: La réponse à cette question est
également affirmative. J'ajoute cependant qu'il y a eu un
sous-amendement ou un amendement de proposé à cette loi...
M. BERTRAND: Oui.
M. L'ALLIER: ... qui touche la Loi de Radio-Québec.
M. BERTRAND: Oui.
M. L'ALLIER: D'accord. En d'autres mots...
M. BERTRAND: Troisième question: Est-ce que l'idée du
ministre depuis le départ quant à la portée de son projet
de loi, quant à son rayonnement est bien établie, est-ce que ses
règlements sont prêts?
M. L'ALLIER: Ses règlements ne sont pas prêts, M. le
Président. Nous sommes à y travailler actuellement et vous
comprendrez que c'est extrêmement complexe que de les rédiger
conformément à ce que nous avons dit tout à l'heure. Nous
y travaillons et c'est pourquoi nous n'avons pas pu les soumettre ici, à
cette commission parlementaire. J'ai pris connaissance, par ailleurs, du
mémoire qui est présenté par le Barreau du Québec,
qui reconnaît, parce que c'est un point technique sur lequel vous serez
d'accord, l'existence et le bien-fondé de ce que l'on appelle la
législation déléguée qui est en fait la
réglementation. Je m'attacherai avec beaucoup d'attention aux
propositions qui sont faites dans ce mémoire afin de permettre que la
réglementation générale puisse, de quelque façon,
faire l'objet soit d'une consultation précise, soit qu'elle soit
portée à la connaissance préalable des membres de
l'Assemblée nationale.
Je dois toutefois souligner que, dans le domaine de la
législation déléguée, c'est la
responsabilité du gouvernement que de décider de cette
législation par règlements. En d'autres mots, les
règlements sont faits par le gouvernement, c'est lui qui doit les faire,
mais s'il est possible de trouver des mécanismes par lesquels il y
aurait, une fois ces règlements adoptés, et peut-être
même avant leur entrée en vigueur, une façon d'en informer
préalablement l'Assemblée nationale, soit par le biais d'une
commission parlementaire ou autrement, c'est une question que je vais
étudier avec le plus grand sérieux et conformément aux
suggestions qui sont faites dans le mémoire du Barreau du
Québec.
M. BERTRAND: Est-ce que tout cela s'appliquerait également
il y a tout un vocabulaire au sujet de ces problèmes-là
à la câblodiffusion ou à la diffusion par câble?
M. L'ALLIER: C'est-à-dire que cela s'appliquerait à tous
les règlements du lieutenant-gouverneur en conseil, à
l'intérieur desquels la Régie des services publics, elle,
pourrait faire ensuite ses propres règlements.
M. BERTRAND: Sur le même problème, étant
donné la bonne volonté manifestée par le ministre qui
réalise qu'une partie de la loi est dans les règlements et que
nous ne les avons pas, serait-il prêt à ce que la loi entre en
vigueur seulement sur proclamation, mais qu'elle ne soit pas proclamée
avant que les règlements aient été soumis à la
commission parlementaire?
M. L'ALLIER: C'est une question, M. le Président, que je peux
étudier. Pour ma part, je crois qu'il est important que la loi entre en
vigueur le plus rapidement possible. Elle ne doit pas être une loi qui,
comme une épée de Domaclès, pèse sur la tête
des gens, mais bien une loi effective. C'est pourquoi nous avons proposé
un amendement pour la faire entrer en vigueur le jour de sa sanction. Je
reconnais cependant qu'il faut étudier de plus près les
mécanismes d'information au sujet de la réglementation.
Je n'accepte pas le principe, si c'était celui-là qui
était mis de l'avant, qui consiste à faire de cette
réglementation un objet de décision par une commission
parlementaire ou par l'Assemblée nationale. Précisément,
l'Assemblée nationale prend des décisions quant aux lois, le
gouvernement, le lieutenant-gouverneur en conseil prennent des décisions
quant aux règlements et c'est à lui qu'appartiennent ces
décisions.
Lorsqu'on parle d'un pouvoir exorbitant du gouvernement lorsqu'il
procède par décision réglementaire, il faut se rappeler
que nous avons, au Québec, plus de 6000 pages de règlements de
toutes sortes qui régissent les aspects les plus divers de notre
activité.
C'est une formule qui est répandue, que ce
soit aux Etats-Unis, en France ou dans d'autres provinces, en Angleterre
et partout. C'est une formule qui s'applique plus particulièrement
à des champs d'activité qui évoluent rapidement ou qui
sont d'une mobilité ou d'une complexité telle que les
régimes parlementaires, tel qu'ils fonctionnent au niveau de la
législation, rendraient passablement inefficaces les normes.
M. BERTRAND: Le ministre me permettra de lui dire que, même si
j'admets en principe que le gouvernement s'est en fait autorisé à
adopter des règlements, il s'agit de son pouvoir de décision.
J'admets d'une manière générale le principe.
D'autre part, il ne faut pas oublier que tous les gouvernements... Un
exemple récent nous a été fourni par la Loi de la
protection des consommateurs. La loi étant adoptée, avant sa mise
en vigueur, on a soumis la réglementation à la commission
parlementaire. Je dois souligner que même s'il s'agissait d'un domaine
très important, il s'agissait peut-être d'un domaine moins
important sous certains aspects que celui-ci.
On en voit tout le rayonnement à la suite, surtout, des propos
tenus par mon collègue, le député de Chicoutimi, des
réponses du ministre, de ce problème de la censure, de la
qualité. Alors, je pense que le ministre ferait bien d'y penser.
D'abord, dans cette réglementation, il y aura sans doute des principes
qui seront affirmés. Si, au départ, dans les règlements,
même si on n'avait pas toute la réglementation, toutes les
modalités de la réglementation, on avait au moins la partie
substantielle des principes qui y seront affirmés, on aurait une
meilleure idée, à ce moment-là, des modalités qui
peuvent être appliquées pour mettre ces principes-là en
vigueur.
M. L'ALLIER: C'est en fait, M. le Président, je ne voudrais
pas anticiper une des recommandations qui est faite dans le
mémoire soumis par le Barreau du Québec, que les
arrêtés en conseil, aux règlements prévus à
l'article 6 du bill 35 qui réfère à l'article 3 du bill
37, soient déposés devant l'Assemblée nationale en
même temps que ces projets de loi, afin que les élus du peuple,
les corps intermédiaires et les autres intéressés puissent
apprécier les conséquences de ces textes et faire valoir leurs
représentations. Je ne suis pas prêt à accepter
d'emblée cette proposition telle qu'elle est faite. Je vous dis tout
simplement que je vais étudier de façon très
sérieuse, avec mes collaborateurs, la façon qui nous
apparaîtrait la plus efficace et qui, tout en sauvegardant le droit du
gouvernement à procéder par législation
déléguée, suite à une loi qui en fait est une loi
cadre qu'elle soit trop générale ou trop précise,
cela n'a pas tellement d'importance fera en sorte que cette
réglementation traduise la volonté du gouvernement dans le
domaine des communications, mais qu'elle ne se fasse pas, bien évidem-
ment, sur le dos des citoyens. Je suis ouvert à toute forme de
consultation et de participation pour que nous en arrivions à
l'élaboration de cette politique de communications qui me tient à
coeur, non pas comme membre du gouvernement, mais comme membre d'une
collectivité qui en a besoin à mon avis.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
Convocation de témoins
M. LEGER: Etant donné que, à la suite des paroles que le
ministre vient de dire, nous avons fait une proposition hier à
l'Assemblée nationale et qu'on avait dit que la commission parlementaire
avait le pouvoir elle-même de convoquer les membres, je veux proposer
ceci au ministre: Est-ce qu'il accepterait de convoquer personnellement
à une prochaine réunion de la commission parlementaire, les
anciens présidents ou directeurs de l'OIPQ?
J'ajouterais à cela le président actuel de l'ORTQ et
peut-être le président ou les vice-présidents de la
régie. Aujourd'hui on touche au dangereux problème de la
possibilité de censure. On pourrait demander à ces personnes qui
ont vécu une expérience durant les huit, dix ou douze
dernières années, de venir à la commission parlementaire
à la suite d'une invitation personnelle pour qu'il n'y ait pas de
problème de gêne, qu'ils pourraient peut être mal
interpréter. Vous savez, M. le Président, qu'une invitation
à tout le monde, c'est une invitation à personne. Une personne se
sent nécessairement intéressée...
M. L'ALLIER: M. le Président, si le député me le
permet, une invitation à tout le monde, ce n'est une invitation à
personne.
M. LEGER: Non, à moins d'être nécessairement
impliqué personnellement avec quelque chose à perdre ou à
gagner, c'est alors une invitation personnelle à cet
individu-là...
M. L'ALLIER: Si on s'accorde, M. le Président... Non, je crois
que cette question a été abordée effectivement hier
soir...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... a été réglée
hier soir.
M. L'ALLIER: ... a été réglée hier soir. Je
peux répéter ici ma position: Je suis opposé à ce
que nous fassions ici quelque procès que ce soit. Nous ne sommes pas ici
pour faire l'analyse ou l'autopsie, appelez cela comme vous voudrez, de ce qui
a pu se passer dans le passé. Nous sommes ici pour essayer de
déterminer, pour l'avenir, des mécanismes efficaces pour
l'ensemble du secteur des communications. Par ailleurs, vous faites allusion
à deux catégories de personnes, ceux qui étaient
fonctionnaires et
ceux qui sont fonctionnaires. Ceux qui sont fonctionnaires ont une
fonction à l'intérieur de l'administration. Les ministres sont
jusqu'à révocation, responsables et solidaires des actes et des
gestes qui sont posés par leurs fonctionnaires. Ils sont même
censés, suivant la loi, en connaître tous les détails.
Donc, si on veut poser des questions à des personnes, sur des
agissements de personnes qui sont fonctionnaires, qu'on s'adresse au ministre.
Il m'apparaîtrait mauvais de faire comparaître devant les
commissions parlementaires d'une façon quelconque et par coercition des
fonctionnaires. Le député de Chicoutimi a déjà
donné une argumentation extrêmement valable sur ce point. Pour
ceux qui ne le sont pas, ils sont, comme tout citoyen, libres de venir. S'ils
croient pouvoir apporter un élément positif ou négatif
à ces débats et dans l'intérêt de la
collectivité, ils sont libres de venir s'y exprimer. Je ne crois pas que
nous ayons à procéder, non plus, par coercition pour les y
amener. Il s'agit ici d'un débat qui est dans l'intérêt de
toute la collectivité.
Ceux qui ont à coeur l'intérêt de cette
collectivité et qui veulent participer à l'élaboration de
ces politiques ou empêcher que ces gestes ne soient posés peuvent
le faire librement.
M. LEGER: M. le Président, je ne voudrais pas invoquer le
règlement, mais je pense que le ministre a mal interprété
ma proposition. Je ne lui ai pas dit de les assigner. Hier, il était
question de les assigner.
M. L'ALLIER: Les invitations sont lancées...
M. LEGER: Aujourd'hui, si le ministre me permet de terminer, le ministre
a dit qu'on ne peut pas les amener d'une façon coercitive, ce n'est pas
ce que j'ai demandé. J'ai demandé premièrement qu'ils
reçoivent personnellement une invitation à venir ici.
Deuxièmement, ce que j'ai dit, ce n'était pas dans le but de
faire un procès quelconque. Mais, ce sont des personnes qui ont eu
durant de nombreuses années, chacune d'entre elles du moins en partie,
des postes clefs au niveau de l'OIPQ, de l'ORTQ et de la Régie des
services publics. Nous avons à prendre une décision et à
collaborer à l'occasion de cette commission parlementaire. C'est tout
simplement pour obtenir des renseignements sur le fonctionnement, les
difficultés internes que souvent le ministre ne connaît pas. Et il
n'est pas du tout question d'essayer de trouver des poux quelque part. Il
s'agit de savoir simplement dans le projet de loi, quels seront les
problèmes auxquels il aura à faire face pour...
M. L'ALLIER: Dans ce contexte, M. le Président, je suis d'accord
pour inviter tous les Québécois qui ont quelque chose à
dire...
M. LEGER: Vous ne voulez pas faire d'invitation personnelle?
M. L'ALLIER: ... devant cette commission à venir le faire, mais
je n'ai pas l'intention de faire d'invitation personnelle. Si vous voulez en
faire, vous êtes parfaitement libre de le faire; moi, je n'ai pas
l'intention de le faire.
M. LEGER: Cela répond à ma question. L'argumentation des
représentants d'Unité-Québec, hier, était que
c'était la commission qui avait le pouvoir de le faire...
M. L'ALLIER: L'assigner.
M. LEGER: ... et que ce n'était pas nécessaire d'aller
à l'Assemblée nationale. Et l'argumentation du parti du
Ralliement créditiste, c'était qu'on ne voulait pas faire de
précédent dans le cas et qu'on serait intéressé
à le faire à la commission parlementaire. C'est la raison pour
laquelle j'ai adouci la demande, en demandant seulement une lettre personnelle
d'invitation, avec une date précise, pour que les personnes de cette
commission puissent elles-mêmes déterminer si elles sont
intéressées à les entendre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, d'abord disons que
j'ai compris la nouvelle proposition du député de Lafontaine.
Maintenant, il admettra avec moi qu'il serait assez difficile d'envoyer une
lettre d'invitation à tous les citoyens du Québec qui pourraient
être intéressés. Je crois que le député de
Lafontaine serait peut-être bien avisé d'informer lui-même
les personnes qu'il désire entendre ici de la possibilité qu'ils
ont de se faire entendre. Ce n'est pas la responsabilité du ministre de
convoquer individuellement tout le monde. C'est l'initiative des citoyens de se
présenter devant les commissions où ils croient devoir faire des
représentations qui seraient utiles à la société ou
à des groupes qu'ils représenteraient.
Par la voie normale et conformément à vos
règlements qui sont les nôtres, dès qu'une commission a
publié des avis publics, a publié des avis dans des journaux
officiels, les citoyens intéressés ont la possibilité de
venir se faire entendre. Pour ma part, je ne vois pas l'utilité de
demander qu'un tel, un tel, un tel soient assignés parce qu'à ce
compte-là il va falloir envoyer des avis à tous les citoyens
inscrits à tout le moins sur les listes électorales du
Québec. On n'en sortirait pas...
M. LEGER: Je pense que le député pousse un peu loin. Je
comprends les craintes qu'il peut avoir. Si nous étions des personnes
qui veulent aller chercher des choses dans le passé...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, M. le Président, un
instant...
M. LEGER: Mais ce n'est absolument pas ça, le
député a mal compris ou essaye de mal comprendre...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. LEGER: C'est pour l'avenir que je le demande et non pour le
passé. Vous laverez votre linge sale plus tard et autrement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce qu'a dit le député est une
insinuation assez subtile mais je l'ai saisie quand même et je tiens
à la relever. Il n'est pas question de crainte, pas du tout. Qu'on
amène ici n'importe qui, le député de Lafontaine
comprendra que, dans le cadre actuel, même si la proposition qu'il a
faite hier soir et qui était antiparlementaire et
antiréglementaire lui a valu quelque publicité dans les journaux
et même dans les postes de radio privés, il admettra avec nous que
la proposition qu'il fait est un peu farfelue parce que...
M. LEGER: Je n'admettrai absolument pas cela...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... tous les citoyens peuvent venir ici...
M. LEGER: Vous avez des raisons de ne pas les convoquer, nous avions des
raisons de les convoquer. Je ne verrais pas pourquoi...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous n'avons pas refusé quant à
nous de les convoquer. Nous avons simplement dit qu'en vertu d'une
décision que l'Assemblée nationale a prise le 23 février
1971 en créant les commissions, toutes les commissions avaient le droit
de convoquer qui que ce soit à comparaître devant nous. Est-ce que
vous faites la proposition que ces personnes comparaissent?
M. LEGER: J'ai voulu l'atténuer en demandant qu'elles soient
invitées personnellement.
M. BERTRAND: M. le Président, il y a des gens qui liront le
journal des Débats. Je demanderais à M. Lorenzo Paré,
à M. Laurent Laplante et à tous les anciens directeurs qui liront
le journal des Débats de bien vouloir se présenter quand ils le
voudront devant la commission, et de venir nous dire comment ils ont
conçu l'information gouvernementale, comment ils ont appliqué la
loi qui existait, quelles étaient les failles, quelles ont
été les erreurs, quel a été le bilan, l'actif ou le
passif. J'invite donc tous les anciens directeurs s'ils le veulent bien,
à venir se faire entendre pour nous suggérer de meilleurs moyens
d'améliorer l'information gouvernementale. Tout le monde peut venir.
S'il y en a d'autres à part de cela...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez toute la presse.
M. BERTRAND: Si M. Léger peut nous suggérer un moyen de
corriger la situation, quant à moi, je l'écouterai avec plaisir.
Je l'invite à lire un rapport qui m'a déjà
été remis quand j'étais premier ministre, il a deux ou
trois volumes. Je pense qu'ils sont encore au ministère. Je ne sais pas
si M. Léger en a reçu des copies.
Je demanderais au ministre de s'en procurer. C'était le rapport
Loiselle-Gros d'Aillon. Vous pourriez peut-être en transmettre des copies
à M. Léger. Avec tout ça, avec tout ce que M. Léger
dira, tout ce que nous dirons, on va essayer d'améliorer le domaine de
l'information.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'irai beaucoup plus loin que M. Léger.
Je suis beaucoup plus libéral que lui. J'invite tous les membres de la
presse à venir se faire entendre ici devant nous comme ils auront le
loisir d'ailleurs de le faire devant la commission sur la liberté de la
presse. A ce moment-là on aura l'opinion de tout le monde.
M. LEGER: Le député joue sur les mots. De toute
façon, les gens comprendront les raisons pour lesquelles vous ne voulez
pas directement les écouter.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quelles sont ces raisons? Est-ce que le
député...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! La parole est au
député de Rouyn-Noranda.
Temps de diffusion
M. SAMSON: M. le Président, dans un autre ordre d'idées,
j'aurais aimé poser quelques questions aux représentants de
l'ACRTF. Ce matin, le ministre a posé certaines questions à
savoir s'il serait possible à l'entreprise privée que vous
représentez de mettre à la disposition du ministère des
Communications ou du gouvernement certaines heures de pointe. J'ai cru
déceler certaines inquiétudes. Ces heures de pointe sont
sûrement très populaires et déjà vendues ce qui
rendrait peut-être difficile pour les radiodiffuseurs de mettre à
la disposition du gouvernement certaines heures, ce dont il a été
fait mention ce matin. Je pense que c'est M. Fortin qui a fait des commentaires
là-dessus. S'il était nécessaire pour le ministère
des Communications ou pour le gouvernement, d'avoir ces heures à sa
disposition et si ce n'était pas possible par les mécanismes
actuels de diffusion, est-ce que l'entreprise privée que vous
représentez serait disposée à accepter sinon à
étudier au moins la possibilité de mettre à la disposition
des services gouvernementaux un autre genre de mécanisme, soit par
d'autres canaux ou par la câblodiffusion, etc.? Voilà où je
veux en venir. Quant à moi, je ne partage pas tout à fait
l'opinion du ministre à savoir que le gouvernement doit tout
contrôler et faire sa
propre information par ses propres moyens. Je conçois cependant
que le gouvernement a besoin de faire la promotion de certaines lois et de
certaines choses qu'il peut mettre à la disposition de la
population.
Dans cette éventualité, si le gouvernement acceptait
d'utiliser les services de l'entreprise privée et qui ne sont pas
disponibles, ou qu'il ne serait pas possible pour vous de les mettre à
sa disposition par les voies actuelles, est-ce qu'il serait possible
d'envisager de mettre à la disposition d'autres mécanismes? Je
posais la question surtout à M. Fortin parce que je pense que c'est lui,
ce matin, qui a commenté le sujet.
M. FORTIN (France): Je pourrais peut-être rappeler ce que j'ai dit
ce matin, que cette considération précise n'a pas fait l'objet de
discussions chez les membres de l'association. Les points que nous avons
discutés sont répétés dans le mémoire. Il
est sûr qu'il y aurait des mécanismes ou des solutions qui
pourraient éventuellement aider le ministère des Communications,
le gouvernement, à faire connaître davantage ses politiques et,
enfin, toutes ces choses.
L'association n'a pas présentement de mécanismes
précis à proposer et, si vous nous demandez ou si vous nous
suggérez de le faire, peut-être pourrions-nous, dans les mois
à venir, étudier la question et présenter quelque chose
qui pourrait être acceptable au gouvernement.
M. SAMSON: M. le Président, si je posais la question, c'est qu'en
feuilletant le mémoire, à la page 21, recommandation
suggérée, à la fin, c'est bien écrit: "A cet
égard, les diffuseurs seraient disposés à suggérer
au gouvernement certains moyens pour ce faire, si celui-ci en manifeste le
désir." Alors, votre réponse évidemment correspond
à ce qui est écrit dans votre mémoire. Je demanderai au
ministre à ce moment-ci: Est-ce que le ministre accepterait, avant qu'on
en arrive à la troisième lecture de tous ces projets de loi, de
rencontrer l'ACRTF et peut-être discuter avec elle de ces nouveaux moyens
possibles dont il est fait mention à la page 21 de son
mémoire?
M. L'ALLIER: M. le Président, je suis disposé à
tout moment, avant ou après l'adoption des projets de loi, à
collaborer entièrement et à recevoir toutes suggestions nous
permettant d'atteindre les objectifs fixés dans les meilleures
conditions possible.
M. SAMSON: Dans l'optique qui était discutée ce matin,
est-ce que le ministre prévoit la possibilité, dans son optique
à lui, toujours visant à faire l'information, que cette
information se fasse de préférence par les entreprises
déjà existantes plutôt qu'en modifiant certaines
dispositions.
M. L'ALLIER: M. le Président, il est 6 heures. Vous me
permettrez, avec le consentement de tous, de terminer cette réponse. Il
ne s'agit pas d'abord d'information, il ne s'agit pas pour le gouvernement
d'avoir des media à lui pour faire de l'information. Il s'agit de
communications, l'information en étant un des aspects, et l'information
devra continuer de se faire comme elle se fait maintenant. Il y a une place
pour les journalistes, il y a peut-être une place pour une agence de
presse au Québec, nous ne le savons pas; des études
contradictoires existent en ce sens-là. Il y a une commission
parlementaire sur la liberté de presse qui a aussi à se pencher
sur cette question.
Pour l'instant, il s'agit de communications. Lorsque nous parlons de
moyens qui pourraient être mis à la disposition de l'Etat par les
postes privés de radio et de télévision, il s'agit,
à mon avis, d'abord et avant tout, de diffusion, parce que
Radio-Québec existe en grande partie pour la production. Toute la
production que Radio-Québec peut faire, Radio-Québec doit la
faire, en matière notamment éducative. A partir de là,
nous avons régulièrement des négociations parce que nous
ne disposons d'aucun moyen de diffusion propre au gouvernement, ou dans ses
organismes. Nous avons régulièrement des négociations pour
obtenir du temps sur les ondes de la télévision et de la radio
pour fins de diffusion éducative.
M. SAMSON: Est-ce que l'on pourrait traduire, en conclusion, M. le
Président, que le ministre est parfaitement disposé à
rencontrer les membres de l'ACRTF et à discuter avec eux de ce nouveau
genre de mécanismes suggérés dont il est fait mention
à la page 21 du mémoire?
M. L'ALLIER: Je n'ai aucune objection à rencontrer...
M. SAMSON: ... Est-il prêt à discuter également de
ce nouveau genre de mécanismes que j'ai suggéré en
questionnant M. Fortin? C'est-à-dire s'il n'y a pas possibilité
de le faire par les lois actuelles, peut-être que les entreprises
représentées ici par l'ACRTF pourraient discuter avec vous d'un
nouveau genre de mécanismes qui pourraient être mis à la
disposition de votre ministère?
M. L'ALLIER: Mon bureau a toujours été ouvert à
quiconque a voulu collaborer à l'élaboration de ces politiques.
Il l'est particulièrement pour les membres de l'ACRTF comme il l'est
pour l'association des sociétés de téléphone comme
il l'est pour l'association des propriétaires de câbles, comme il
l'est pour tout citoyen qui a quelque chose de positif à suggérer
dans ce domaine.
Corporation des évaluateurs
agréés du Québec
M. L'ALLIER: M. le Président, avant de
demander l'ajournement des travaux, nous avons reçu un
mémoire de la Corporation des évaluateurs agréés du
Québec. Ce mémoire porte essentiellement sur les questions
d'expropriations.
Je peux vous dire, quant à moi, que j'en ai pris connaissance et
que les suggestions qui sont faites seront prises en considération. Je
ferai part, à la fin des travaux de cette commission, des propositions
concrètes qu'éventuellement nous pourrions prendre pour donner
suite à ce mémoire ou des motifs qui font que nous ne pouvons y
donner suite.
Je n'ai pas de question à poser à la corporation ou
à un représentant de la corporation des évaluateurs. Si
tel était le consensus, nous pourrions, dès ce soir, les
libérer ou leur demander de revenir à une prochaine
séance.
Il s'agit d'un mémoire qui porte sur une des fonctions de la
Régie des services publics, à savoir l'évaluation.
M. LE PRESIDENT: D'accord. Avant l'ajournement, j'aimerais remercier le
président et ses collègues de l'ACRTF d'avoir bien voulu passer
la journée avec nous. Je les félicite de la qualité de
leur mémoire même si, comme Me Stein l'a dit ce matin, il a
dû être rédigé un peu à la hâte. Je
remercie aussi tous les représen- tants de l'ACRTF d'avoir bien voulu
collaborer avec la commission et se prêter à toutes les questions
qui ont pu leur être posées.
Comme je l'ai mentionné précédemment cet
après-midi, la commission ajourne ses travaux sine die. Nous croyons
être en mesure de déterminer la date de la reprise des travaux de
la commission dans les prochains jours. L'avis en sera publié au
feuilleton de la Chambre et le secrétaire des commissions verra à
en avertir tous les groupes ou organismes qui ont déjà
manifesté le désir de se faire entendre devant cette commission.
Alors, messieurs,...
M. L'ALLIER: Y compris les individus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Y compris les invités de M.
Léger.
M. LE PRESIDENT: Y compris les individus et les invités du
député de Lafontaine.
M. LEDUC: Qui auront manifesté le désir de se faire
entendre à la commission.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça! M. LE PRESIDENT:
Précisons.
(Fin de la séance à 18 h 18)