To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Commission permanente des communications

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Commission permanente des communications

Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Tuesday, May 29, 1979 - Vol. 21 N° 103

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 4 - Loi sur la programmation éducative et le projet de loi no 5 - Loi modifiant la Loi de l'Office de radio-télédiffusion du Québec


Journal des débats

 

Étude des projets de loi nos 4 et 5

(Vingt heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

La commission des communications est à nouveau réunie pour entendre les mémoires concernant les projets de loi nos 4 et 5.

Les membres de cette commission sont M. Beauséjour (Iberville), M. Bertrand (Vanier), M. Blank (Saint-Louis), remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Godin (Mercier), remplacé par M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Goldbloom (D'Arcy McGee) remplacé par M. Rivest (Jean-Talon); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Le Moignan (Gaspé), M. Michaud (Laprairie), M. O'Neill (Chauveau).

Les intervenants sont M. Ciaccia (Mont-Royal), remplacé par M. Forget (Saint-Laurent); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Fallu (Terrebonne), M. Goulet (Bellechasse), M. Laurin (Bourget) remplacé par M. Guay (Taschereau); M. Lazure (Chambly), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Au moment où nous nous sommes quittés hier soir lors de l'étude des mémoires, il y avait les groupes suivants qui n'avaient pas encore été entendus: l'Association des réalisateurs de Radio-Québec, l'Union des artistes; il y a un autre groupe parmi les convoqués, mais dont aucun mémoire n'avait été reçu, qui avait fait mention de son intention de se présenter devant la commission, l'Institut canadien d'éducation des adultes. Il y avait ces trois cas, ainsi que les noms indiqués hier soir comme groupes: Father O'Brien, Dennis Murphy, du département de communications de l'Université de Concordia, ainsi que Mme Michèle Jean, de l'éducation des adultes du cégep de Bois-de-Boulogne de Montréal. Ces groupes ont manifesté leur intention de ne pas se présenter devant la commission, de telle sorte qu'ils enverront les télégrammes nécessaires à l'organisme qui les a convoqués.

Entre-temps, les groupes qui restent à entendre, ce soir, sont l'Association des groupes ethniques du monde de la radio et de la télévision du Québec, qui sera le premier entendu, ainsi que le groupe de la télé-communautaire qui est connu sous le nom de Regroupement des organismes communautaires des communications, dont M. Gérard Lafleur sera le porte-parole, selon les indications que nous avons. Le document qu'ils ont préparé vous sera distribué aussitôt qu'on aura fini de faire les photocopies nécessaires. Donc, c'est le groupe appelé Regroupement des organismes communautaires des communications.

Le groupe que nous avons devant nous, qui nous a présenté un mémoire et qui va être le premier entendu ce soir, est l'Association des groupes ethniques du monde de la radio et de la télévision du Québec.

M. Laberge: M. le Président. Le Président (M. Jolivet): Oui?

M. Laberge: Attendu que nous espérions hier avoir le temps d'entendre l'Association des réalisateurs ainsi que l'Union des artistes qui s'étaient présentées, du moins l'Union des artistes avait fait part qu'elle serait ici à compter de 20 heures hier soir, serait-il possible de faire porter au journal des Débats le contenu de leurs mémoires pour qu'ils y soient inscrits. Ils ne sont pas très longs, l'un et l'autre, et je pense qu'ils contiennent des remarques intéressantes et ce serait leur faire honneur que de porter au journal, à la connaissance du public, leur contenu. J'en fais la proposition, est-ce accepté?

Le Président (M. Jolivet): S'il y a consentement de part et d'autre de la table, il n'y a pas de problème. Donc, les deux mémoires de l'Association des réalisateurs de Radio-Québec et de l'Union des artistes paraîtront intégralement au journal des Débats. (Voir annexes A et B)

Nous pouvons donc débuter avec le groupe. M. Winston et Mme Mary Griffith.

Association des groupes ethniques du monde de la radio et de la télévision

M. Winston (Milton): Mme Mary Griffith parlera la première. D'accord?

Le Président (M. Jolivet): Cela va.

Mme Griffith (Mary): Avant de commencer, excusez mon jouai, je ne suis jamais allée à l'école française, alors je parle le français que j'ai appris des voisins et des amis.

Nous sommes une association de quatorze groupes ethniques et nous sommes dans le domaine de la radio et de la télévision depuis plusieurs années dans la province de Québec. En tant qu'association, nous ne pouvons parler qu'au nom de nos membres. En principe, nous sommes d'accord avec le projet de loi no 4 et nous croyons qu'il est de la responsabilité du gouvernement provincial de négocier les programmes éducatifs. Nous n'avons pas l'intention de discuter des problèmes légaux ou constitutionnels dans le domaine des communications, mais nous parlerons en termes de principes et concepts.

Suite à la lecture du projet de loi no 4, nous désirons déclarer notre joie à constater enfin qu'un intérêt est porté envers la catégorie de programmation en laquelle sont impliqués plusieurs réalisateurs et animateurs, depuis plusieurs années, sans reconnaissance.

En principe, la loi proposée résume le besoin des citoyens québécois de préserver leur propre culture, qu'ils soient francophones ou autres. Mais il est regrettable que l'intention, bien qu'elle soit

très bonne, soit loin d'être accomplie. En d'autres mots, qui, à l'intérieur de la régie, jugerait si une émission de télévision ou de radio proposée est applicable comme étant éducative? Quelle sera l'attitude de ces membres de la régie qui prendront des décisions vis-à-vis des réalisateurs ethniques?

Ces membres seront-ils conscients des véritables besoins et problèmes des communautés ethniques ou se retourneront-ils vers les compagnies de câble pour déterminer quelles émissions éducatives seront présentées aux communautés ethniques sans consulter directement les réalisateurs et animateurs qui sont dans ce domaine depuis plusieurs années?

Si, par exemple, une compagnie de câble obtient une certification de la régie pour un poste éducatif, conformément à la loi, ceci ne l'oblige nullement à rendre disponibles aux groupes ethniques les services convenables.

Notre raisonnement, c'est qu'avant d'attribuer une telle certification à une compagnie de câble afin d'entreprendre de la programmation éducative, on devrait au préalable tenir une audience publique où serait rendu public un sommaire de ses intentions, en plus du budget et des services prévus. La régie devrait se réserver le pouvoir de retirer toute certification dans l'éventualité où ces engagements ne soient pas respectés.

L'assistance financière et technique mentionnée dans cette loi ne devrait pas être adjugée aux compagnies de câble, mais plutôt décernée aux groupes eux-mêmes qui élaboreront cette programmation.

Il est aussi primordial que le gouvernement prenne la responsabilité envers tous les citoyens du Québec de vérifier et d'assurer que le ou les groupes désignés soient choisis très attentivement en considérant les mérites suivants:

A) Depuis quand sont-ils réalisateurs et/ou animateurs de programmation communautaire?

B)Leurs réalisations passées peuvent-elles être considérées comme étant éducatives?

C) Est-il certain que plusieurs groupes n'aboutissent pas aux mêmes résultats?

D) Peut-on s'assurer que ces groupes n'utiliseront pas cette technologie à des fins personnelles ou politiques?

La loi no 5 modifiant la Loi de l'Office de radio-télédiffusion du Québec devrait, en principe, assurer l'accès des commaunautés ethniques à Radio-Québec sur une base professionnelle. Toutes les difficultés relatives à la programmation éducative mentionnées précédemment devraient être considérées lors de l'amendement de la loi no 5 afin de ne pas causer de frictions, de fragmentation ou d'aliénation à l'intérêt des communautés.

Il est important, pour une société telle que celle du Québec, de voir à ce que les divers citoyens qui la composent sentent qu'ils font partie intégrante de cette aventure dans les communications. Nous sommes tous partenaires dans l'édification de notre avenir. Ou nous réussissons ensemble, ou nous échouons individuellement. Soyons maîtres d'une maison unifiée, tous sous un même toit.

On doit encore souligner l'importance de fixer des objectifs constructifs lorsqu'on déterminera qui fera usage de ces facultés d'éducation, afin de ne pas perdre le but et les objectifs de cette aide que nous accorde le gouvernement du Québec.

Le domaine des communications est le plus influent, qu'il soit utilisé dans le but d'unir tous les Québécois et non de les diviser. Ce gouvernement est responsable de la tournure que prendra ce programme. Le résultat comptera grandement sur le choix des responsables de ce projet important de tous les membres qui représentent 14 différents pays de l'Association des groupes ethniques du monde de la radio et de la télévision du Québec.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. O'Neill: M. le Président, je serai bref, d'autant plus que j'ai eu le plaisir de passer aujourd'hui la journée avec l'Association des groupes ethniques et, déjà, nous avons échangé sur beaucoup de problèmes, incluant, par exemple, le rôle que jouera Radio-Québec à l'égard des groupes ethniques. Ce sont des points sur lesquels je n'insisterai pas. Cela va?

M. Bisaillon: C'est que j'avais cru que monsieur avait des choses à ajouter à la présentation.

Le Président (M. Jolivet): Oui. Si c'est cela, je pense...

M. Winston (Milton): Si vous me permettez de parler en anglais.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Winston: I am the President of the association and I am not going to go into the details of the Bill. I am President of 14 members and when we talk about 14 associations or groupings, we talk about Chinese, German, Asian, Pakistani, Indian, Jewish, Lebanese, Portuguese, Spanish, Egyptian, Mexican, Vietnamese, Italian groups. And we spent the day, today, feeling that we were an integral part of the Province of Québec. One of the reasons was that a minister of the Government was with us, an entire day, to learn about our problems.

We look upon the legislation as presented very favorably, because we fell that we will be an important parcel of that legislation. We look into it, naturally, our interests are to see that, as a community, an ethnic community, non French, non English, even if my language here, for historical reasons, is English, we look upon this as an exciting potential where it should be in this Legislature. II should be here where these things are discussed and we have to be, in a way we are, partners with you.

We want to again appreciate the effort in time you have taken as a government to bring us in. Now, there are many areas where we and ethnic associations may have a great deal to say which will not be in accord with the government, but in this

we would very much approve of bill 4 and following which we looked over and which we discussed that Mary so well put together. In this manner, I think together all of us can help each other and I want to thank you very much for letting us be here today.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. O'Neill: Merci beaucoup, M. Winston et Mme Griffith. Je voudrais d'abord vous rassurer concernant deux points du projet de loi. Vous avez soulevé une première interrogation concernant la compétence de la régie. Ce qu'il faut se dire, c'est que dans ce domaine-là comme dans tout autre domaine la régie, lorsqu'elle a à prendre une décision, doit évidemment s'appuyer sur une bonne expertise, c'est-à-dire avoir les conseils de gens qui connaissent le secteur.

De plus, dans ce cas-ci, si vous remarquez l'article 9, il est bien dit que "la Régie avise le ministre des Communications et le ministre de l'Éducation de toute requête qu'elle reçoit et de toute audience publique — vous vous étiez interrogés sur les audiences publiques — qu'elle tient en vertu de la présente loi. Ils peuvent — les deux ministres eux-mêmes par des représentants, c'est ce qui se fait de façon habituelle — participer à l'enquête et à l'audition et faire les représentations qu'ils jugent utiles."

C'est un devoir de la régie de faire appel à l'expertise nécessaire, tout comme la régie le fait, par exemple, actuellement pour les problèmes de téléphonie. Il y a eu un cas récemment où la régie a eu à juger du problème d'un passage de propriété d'une entreprise à d'autres. À ce moment-là, la régie a dû faire appel à des experts compétents pour l'aider à porter un bon jugement. Dans ce cas-ci, remarquez que dans l'éventualité d'une décision à prendre, vous avez l'intervention possible du ministère des Communications et du ministère de l'Éducation.

J'aimerais maintenant vous poser une question, avoir un éclaircissement concernant ce que vous dites à la page 2 du mémoire, au deuxième paragraphe. Vous dites: "Toutes les difficultés relatives à la programmation éducative mentionnées précédemment devraient être considérées, lors de l'amendement de la loi 5, afin de ne pas causer de friction, de fragmentation ou d'aliénation à l'intérieur des communautés." J'aimerais que vous précisiez cet énoncé, s'il vous plaît!

Mme Griffith: On a vu, depuis plusieurs années, différents groupes et organismes qui ont essayé ou qui ont tenté de faire de la radiotélévision pour des communautés ethniques. On a vu aussi parfois des résultats, et je vais vous donner des exemples, par des programmes ou d'autres moyens, comme des programmes de télévision ou de radio auxquels nous avons travaillé pendant des années. Tout ce qu'on veut dire, c'est que c'est quelque chose qu'on a vu souvent dans les communautés ethniques. On voudrait essayer de n'avoir jamais à y faire face ici, au Québec, avec une loi progressive du gouvernement. Les communications sont vraiment la plus grande influence qu'il y ait. Pour nous, les ethnies, qui ne sommes ni anglophones, ni francophones, les moyens de communication qui existent déjà pour nous, qui ne sont pas grands — on espère les élargir éventuellement — jouent un grand rôle. L'influence est peut-être plus grande que pour un francophone qui veut écouter un poste francophone.

Si ces moyens de communication tombent dans les mains d'une personne qui n'a peut-être pas trop bien vérifié ou qui a peut-être passé pardessus des choses — on fait tous des erreurs — et qu'elle se charge de ces moyens comme animateur... Parce que, comme animateurs ou comme responsables, nous, on travaille pour nos communautés. On fait et on sert les besoins de la communauté, pas ce qui est de nos propres besoins, parce que, parfois, ce serait bien différent, ce qu'on présenterait, si on regardait nos propres intérêts au lieu de servir le mieux qu'on peut notre propre communauté. Si ces moyens économiques et techniques ne sont pas donnés aux bons groupes, aux bonnes personnes, à la bonne compagnie — prenez-le comme vous voulez — et que quelqu'un se sert de ces moyens pour des raisons politiques personnelles ou pour des raisons simplement personnelles, sans penser à placer toujours en premier le bien-être de sa communauté et non pas son propre bien-être, cela peut causer de la friction et de la fragmentation.

Parce qu'on est dans un nouveau pays, nos communautés sont très sensibles. La personne qui les sert dans les communications, il faut vous assurer, comme gouvernement, que c'est une personne neutre. Parfois, c'est très difficile d'être neutre. Quand on sert une communauté dans les media électroniques, surtout la radio et la télévision qui, pour nous, sont un accès, c'est beaucoup de demander à un pays dont nous ne sommes pas originaires. Le Québec nous le permet maintenant. On dit merci. On veut les faire bien fonctionner, mais on croit que le plus gros danger, ce serait cela. Si cela commence, si cette erreur se produit, ce n'est pas facile de l'arrêter, parce que le gouvernement est toujours, d'après moi — c'est une opinion personnelle — mal placé pour l'arrêter après qu'il l'a permis à quelqu'un, parce qu'il y a toujours d'autres raisons. On dit que ce n'est pas démocratique, on n'a pas la libre expression de la parole. Ce n'est pas ce qu'on veut dire. La libre expression de parole des auditeurs n'est pas une expression de parole pour montrer un point de vue politique ou essayer d'influencer l'animateur ou le responsable, parce que l'influence, comme je l'ai dit, est très grande vis-à-vis d'un animateur ethnique et de sa communauté. On a vu dans le passé que cela a servi à ces moyens. Cela n'a pas duré longtemps, mais cela a causé de la friction dans nos communautés.

C'est le seul danger qu'on voit dans les lois de ce genre. Vous, vous êtes responsables à tout le monde, comme Québécois, de nous sauver vraiment de ce danger.

M. O'Neill: Remarquez que ce sera à la régie de veiller à cela. D'ailleurs, c'est la régie qui va porter un jugement, dans ce cas-ci du projet de loi no 4, sur une programmation éducative et qui, à un moment donné, aura à vérifier pour savoir si les gens se conforment au mandat qui leur a été accordé. Évidemment, c'est une instance quasi judiciaire, non politique, en qui, évidemment, nous avons confiance, parce que nous pensons que c'est une instance fiable et qui, à ce moment-là, devra procéder aux interventions nécessaires, s'il y a lieu.

Mme Griffith: Oui. Si vous permettez, je ne sais pas si je peux continuer une autre minute. Comme ethnie, ici, quand on voit une chance de ce genre, on forme des groupes et même les groupes qui existent déjà, on aimerait tous avoir les moyens. On sait que, dans les communications, c'est pareil pour les francophones et les anglophones. On ne peut pas donner à tout le monde qui veut avoir quelque chose. On prend des décisions de "oui" pour accorder des décisions de "non".

La raison pour laquelle on le mentionne, nous, c'est parce qu'on voit le danger. Il y a des choses dans nos communautés qui n'existent peut-être pas dans une communauté de millions, comme les francophones, disons, et on aimerait se sauver avant que ce soit donné et que cela arrive, parce que c'est très difficile d'enlever un moyen de communication à quelqu'un, même si la régie n'en est pas heureuse ensuite.

C'est pour ça qu'on pose la question à savoir qui va décider. Si ces communicateurs ne font pas ce qu'ils étaient censés faire, est-ce que la régie peut leur retirer... Si c'est un gros montant, par exemple, et qu'il y a dix groupes qui se présentent, vous êtes obligés d'en choisir un, peut-être deux; si ce ne sont pas les deux bons, les deux qui étaient dans les huit que vous n'avez pas choisis, ces huit, ensuite, s'ils ont des preuves, au moins, à qui peuvent-ils venir le dire: Écoutez, ils ne font pas ceci, ils ne font pas cela? Ils ne sont pas neutres. Ils ne donnent pas un service comme il faut, ils ne travaillent pas pour les communautés. Ils donnent trop d'opinions personnelles; ils penchent d'un côté, n'importe quel côté.

Je ne suis pas ici, comme on l'a dit, pour parler sur la constitution, ni la politique dans les communications, à savoir qui devrait avoir le pouvoir ou non. C'est parce que ça existe dans les communautés. Tout le monde va courir quand une occasion comme celle-là se présente. On aimerait simplement s'assurer qu'avant de les choisir, vous allez bien vérifier, non pas les choisir et attendre ensuite pour voir s'ils vont bien faire ou non. Pour nous, c'est très important.

M. O'Neill: Maintenant, j'ajoute simplement une autre remarque là-dessus. Elargissons un peu le débat, parce qu'en fait, ici, vous dites que votre préoccupation dépasse la programmation éducative et je pense que vous avez dans la tête toutes les expériences qui se font de ce qu'on appelle télévision communautaire ou les expériences mêmes que les groupes ethniques dans le moment mènent à Montréal, n'est-ce pas?

Mme Griffith: Oui.

M. O'Neill: Bon! Je vous signale que, dans le cas des programmes d'aide aux media communautaires, c'est un jury qui porte jugement pour savoir s'il y a lieu d'aider ou non ces media, mais ça demeure très large. Une fois que certains critères ont été vérifiés, c'est un fait que nous n'allons pas plus loin et ça fait partie, quand même, des risques de la liberté.

Il nous arrive, à l'occasion, des échos de la façon que tel ou tel TV ou radio se comporte. Mais ça fait partie des risques de la liberté. C'est normal dans un pays et admettez que ça deviendrait extrêmement délicat — je vous écoutais tout à l'heure — de mettre ça en pratique. Vous savez, il y a un risque encore plus grand que celui de gens qui ne s'expriment pas de la façon qu'on souhaiterait, c'est lorsque les gens ne s'expriment pas du tout.

Dans le principe général de ces media communautaires, c'est une façon de redonner une sorte de possession aux gens de la base, aux gens du milieu, avec des moyens de communication qui, en vertu de certaines de nos traditions, appartiennent souvent à des groupes économiquement forts. Là, on leur donne des moyens de s'exprimer. On ne va pas voir, après ça, une fois que le jury a regardé si ça répond à des critères généraux, s'il y a, par exemple, une sorte d'approbation collective, une participation du milieu, des critères comme ceux-là.

Pour le reste, on s'attend, comme dans toute société libre et pluraliste, qu'il y aura beaucoup de courants assez divers qui s'exprimeront. Mais ce serait une précaution excessive que de vouloir croire que ça puisse fonctionner selon des critères trop rigoureux ou rigides. Alors, je comprends un peu votre inquiétude, mais il va falloir que vous viviez avec votre inquiétude.

Mme Griffith: Ah oui, je vais vivre dans l'inquiétude. Je voudrais juste dire, pour terminer, que, si vous choisissez avec autant de sincérité et d'attention que ce gouvernement l'a fait avec les ethnies les animateurs qui font de la programmation communautaire, je pense que vous éliminerez vos risques d'erreurs. Je demande que vous continuiez à nous donner cette attention; c'est formidable. Pour nous, c'est une reconnaissance qui vaut plus que n'importe quoi d'autre. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Juste une précision de départ. Je comprends que votre association a une activité très précise. Est-ce que votre association a des rapports ou des liens, est-ce qu'elle fait partie de la Fédération des groupes ethniques?

Mme Griffith: Non, du tout. La Fédération des groupes ethniques est un groupe qui représente

comme groupe. Pour nous, comme vous le voyez dans le titre, ce sont des animateurs ethniques de radio et de télévision au Québec. Nous sommes quatorze pays différents; des animateurs font des émissions hebdomadaires et même quotidiennes à la radio en d'autres langues que l'anglais ou le français.

M. Rivest: En tant que telle, votre association ne fait pas partie de la grande fédération des groupes ethniques. C'est simplement une association spécialisée dans le sens que vous venez d'indiquer.

Mme Griffith: Du tout, ce sont des animateurs dans les media électroniques ethniques.

M. Rivest: Spontanément, dans vos propres mots, qu'est-ce qui vous intéresse dans la notion même de télédiffusion éducative, de programmation éducative, vis-à-vis de vos clientèles particulières? Quel genre d'information ou de contact vous vient spontanément et immédiatement à l'esprit? Pour vous, autrement dit, c'est quoi la programmation éducative?

Mme Griffith: Je suis une Grecque née en Grèce; j'ai été élevée ici et j'ai appris le français; même si ce n'est pas le bon français, si ce n'est pas le français de l'école, je me débrouille. Je suis venue à l'assemblée; je me débrouille. Malheureusement, c'est vrai que c'est malheureux, parce que je les vois souffrir tous les jours de ce problème. Le handicap de la langue, pour la majorité de nos communautés, est très grave. C'est le mur incassable ou le mur qu'il est impossible d'enlever dans une journée, parce que, pour apprendre une langue assez bien pour suivre, disons, un journal francophone ou pour prendre votre projet de loi, le lire et le comprendre...

On pourrait choisir vingt Grecs ou vingt Portugais et je suis sûre qu'il n'y en a pas deux qui seraient capables de le lire et de bien le comprendre. Donc, l'handicap de la langue, en premier lieu, c'est ce sur quoi notre groupe a du succès. Quand je parle de succès, je veux dire succès de reconnaissance par nos communautés mêmes. On commence à demander une reconnaissance des anglophones et des media francophones. Mais ça fait trois ans que notre groupe est formé, ça fait onze ans qu'on est animateurs pour nos communautés. Onze, huit, neuf, sept ans, ça fait longtemps qu'on existe et la reconnaissance de nos communautés, c'est le plus grand des cadeaux pour nous. Elles ont besoin de nos services. Qu'est-ce que nous voyons? Nous voyons une occasion formidable donnée par le projet de loi no 4 de les informer encore mieux. On parle encore d'information. Nous travaillons pour elles.

J'ai donné des exemples aujourd'hui. Quand la Régie de l'assurance automobile a été fondée, c'est nous, les quatorze animateurs, qui avons informé quatorze ethnies. On a fait venir Mme Payette; comme elle ne pouvait pas venir, elle a envoyé des représentants. On a fait des lignes ouvertes, les gens appelaient et on avait des interprètes pour traduire les questions. On leur a tout expliqué la loi, qu'ils sont couverts en Ontario s'ils ont un accident... C'est un exemple. L'augmentation des allocations familiales: le montant du provincial a monté, le montant du fédéral a baissé, mais on a donné un crédit de $200 en impôt. C'est encore nous qui avons expliqué tout cela à nos communautés.

Nous faisons la programmation éducationnelle depuis 1955 au Québec. Nous sommes la première province au Canada à avoir eu quelqu'un qui se soit présenté à un poste francophone — dans le temps c'était CHLP — ce qui a permis, parce qu'on croyait qu'il y avait un besoin, même en 1955, de contacter notre nationalité, nos frères, nos soeurs, dans notre propre langue, pour les aider à mieux s'adapter et à s'intégrer, parce que le plus gros handicap, c'est la langue. C'est malheureux, mais c'est bien vrai.

M. Rivest: D'accord. Alors, vous exercez... Une des dimensions de votre activité peut être de communiquer par exemple les décisions de l'Assemblée nationale ou du gouvernement à vos communautés. Maintenant, sur les activités propres à chacune des communautés de votre association, ou, enfin, aux clientèles auxquelles vous vous adressez, j'imagine que vous vous faites les porte-parole ou les animateurs de vos propres activités. En dehors de l'explication des lois ou des actions du gouvernement... vous faites ça aussi? (20 h 45)

Mme Griffith: Oui. Je vais vous dire que, pour nos propres communautés, on travaille beaucoup suivant l'accès libre. Quand je parle d'accès libre, je prends un exemple chez la communauté hellénique de l'île de Montréal. Si elle veut faire un spécial, elle vient me voir. Dernièrement, on a eu justement un spécial qui a été accordé la semaine dernière. Il y a un problème avec la constitution de notre communauté hellénique, les gens veulent la changer. Ils demandent une espèce de souveraineté eux aussi de leur Eglise. Actuellement, il y a un problème avec les archevêques. On a eu une ligne ouverte sur ça. La communauté est venue nous voir, elle nous a dit: C'est un thème chaud chez la communauté grecque. Peut-on faire une ligne ouverte? Nous avons travaillé avec la compagnie du câble. On a le temps, on a l'équipement de production, on va faire une ligne ouverte sur ça. Il va y avoir deux archevêques et le président de la communauté avec son attaché. Les gens vont pouvoir leur poser des questions, ensuite j'aurai une entrevue de 20 minutes avec eux. Cela nous garde ensemble, ça nous aide.

M. Rivest: Bon, c'est ça. D'accord. Cela donne une idée aux membres de la commission de la nature exacte de vos activités. Quant aux remarques du ministre au sujet des garanties — au troisième paragraphe — je pense qu'au niveau de la régie vous pourrez recevoir, comme vous l'a dit le ministre, les expertises. Il a parfaitement raison

de ce côté-là. Vos inquiétudes... Évidemment, il peut y avoir des erreurs, comme vous l'avez vous-même signalé en cours de route...

Mme Griffith: Oui.

M. Rivest: ... mais je pense que globalement vous pouvez être rassurés de ce côté-là du moins.

Je voudrais vous demander également, dans le quatrième paragraphe, de façon précise, lorsque vous dites: "Si une compagnie de câble — au début du quatrième paragraphe — obtient une certification de la régie pour un poste éducatif conformément à la loi, ceci ne l'oblige nullement à rendre disponibles aux groupes ethniques les facilités convenables"... Je voudrais que vous parliez un peu plus de vos besoins, autrement dit les dispositifs, les appareils, tout ce qu'on peut mettre à votre service. Dites-nous de quoi exactement votre communauté ethnique manque le plus, sur ce plan. Est-ce de la technique, du personnel?

Mme Griffith: Je vais vous expliquer. Le groupe grec a été le premier à commencer les programmes de télévision en grec, dans une langue autre que le français au Québec, en 1965. En 1968, on était trois groupes, on avait une heure chaque semaine dans un grand studio avec trois caméras, on avait une équipe mobile pour sortir, si on voulait. On pouvait montrer des diapositives, des films. Quand le nombre de groupes a été rendu à huit, on nous a restreints à une demi-heure, mais avec toutes les accommodations techniques que j'ai mentionnées avec l'heure. Quand les groupes sont passés à douze, on a baissé notre demi-heure à vingt minutes, on nous a enlevé l'unité mobile, on nous a enlevé les diapositives, les films, et on nous a permis d'avoir l'animateur avec deux invités.

Quand les groupes sont passés, il y a deux ans, à quatorze, on nous a limités de 20 minutes à 15 minutes par semaine, plus de studio, une petite chambre comme une grande salle de bain, avec une petite caméra automatisée qu'on fait fonctionner nous-mêmes. Nous sommes réalisateurs, re-cherchistes, animateurs, cameramen, on fait le son, l'éclairage, on est très professionnels, on a appris bien des choses. On est là dans un petit studio automatisé, avec un invité, pas de diapositives, pas de lettres, on ne peut même pas présenter le nom de notre invité. Si notre invité fait la grave erreur de faire ça, il sort de l'écran. Ce qui nous inquiète, si on va au national...

Vous savez, je vais expliquer quelque chose. On n'est pas ici contre le national, parce qu'il ne faut jamais mordre la main qui vous donne à manger. C'est la seule compagnie qui nous ait acceptés, même si elle diminue notre temps. C'est notre maison jusqu'à maintenant, c'est la seule qui nous accepte. Mais au lieu de les améliorer on a diminué les services, c'est là où on a vu tout de suite la différence. Ce qui nous inquiète, c'est déjà arrivé, la compagnie de câble s'était présentée au secrétariat d'État et avait demandé une subvention en notre nom. C'est bien beau, je n'ai rien contre ça, je ne dis pas que ce sont des voleurs, mais on n'a pas vu la subvention.

Mais si cela a été donné, on aurait voulu savoir combien, à quoi cet argent va servir, peut-être que ces gens aimeraient avoir vingt employés, mais on sait qu'on peut s'arranger mieux avec une autre caméra et seulement neuf employés. Cela n'est jamais arrivé. Ce qu'on dit ici, c'est la même chose. Si ces gens se présentent et disent: D'accord, on veut toute une nouvelle équipe mobile, on veut que vous nous payiez quatre employés pour aider à la programmation communautaire éducative des groupes ethniques, on croit qu'on a le droit d'être entendus, sinon avant que vous l'accordiez, sinon lors de la présentation, au cours d'une audience publique où on peut être présents. Parce que si la régie leur donne une certification on aimerait savoir ce que vous leur donnez, pour qu'on puisse venir vous assurer ensuite que cette équipe sert pour la programmation éducationnelle, et non pas pour le hockey. Peut-être que le hockey est éducationnel pour d'autres, mais je pense qu'il y a des choses plus importantes. C'est ça qu'on a peur de voir arriver, peut-être par suite d'une erreur administrative, je ne dis pas que ce serait intentionnel. On ne le sait pas, ça n'a pas été fait encore, mais on veut éliminer les risques que quelque chose marche mal. C'est une loi qui peut marcher très bien, j'en suis sûre, parce que ça fait onze ans qu'on fait des programmes éducationnels, bénévolement.

C'est comme j'ai dit dans ma présentation, on nous reconnaît, c'est un des premiers pas et nous avons le plaisir d'avoir connu le succès après toutes ces années.

M. Rivest: Sur le plan de... je suis rendu à la deuxième... Juste une précision, en réponse à une question du ministre au sujet des frictions, etc. De quel ordre, d'une façon générale, sont les problèmes que vous avez connus? Est-ce que c'est avec les intercommunautés ethniques? Est-ce que c'est au niveau des personnes? Est-ce que c'est au niveau de la programmation, des initiatives que vous prenez? Dites-nous où il y a des critiques, où il y a des frictions.

Mme Griffith: II y a deux exemples qui m'étonnent. Encore une fois, la liberté de parler, c'est une démocratie, je suis bien d'accord, mais quand je vois un groupe qui est censé faire de la programmation éducationnelle ou communautaire, et quand je vois les besoins de ma communauté et que je vois quelqu'un prendre une demi-heure pour parler des partis politiques en Grèce, comment il faut s'organiser ici pour ramasser de l'argent pour l'envoyer là-bas, pour faire tomber l'autre gouvernement, et qu'on ne prend pas cette demi-heure pour expliquer notre propre gouvernement, pour expliquer le référendum avant que le monde vote, pour que les gens sachent quoi voter, pour ne pas voter comme des fous, quand je vois quelqu'un prendre un journal et que, dans le journal, on parle contre les

ministres qui ont donné les subventions, qu'on rit d'eux à leur face et qu'il n'y a rien qui arrive, cela me révolte. C'est avec votre aide technique et financière, mais avant que cela arrive avec la loi no 4, je voudrais vous en parler. Je ne dis pas que c'est votre faute. Peut-être que ce n'est pas arrivé à vos oreilles, mais j'étais très contente que cela commence et que vous vouliez nous attendre.

M. Rivest: Remarquez que parler pour un ministre, c'est exercer sans doute une liberté tout à fait légitime, ne pas parler d'un ministre personnellement, mais parler de ses politiques; parler contre aussi, c'est exercer...

M. Bisaillon: Prendre le double du temps contre...

M. Rivest: Absolument pas. La seule chose, c'est que... Vous répondrez à la suite de cela. Ils m'ont interrompu. Je suis pourtant très prudent, j'avance sur le terrain d'une façon remarquablement prudente.

Voici ce que je voulais vous demander. Qui, d'après vous, devrait décider de ces arbitrages entre vous? Le danger à cela, c'est que vous, vous pouvez avoir un point de vue tout à fait légitime, et d'autres membres de votre communauté peuvent également avoir un point de vue tout à fait légitime sur le partage du temps, de l'utilisation des équipements. Qui, d'après vous, spontanément, peut faire l'arbitrage de façon que le bon exercice de la liberté puisse présenter, dans votre programmation, pour vos communautés, les deux côtés d'un problème?

Mme Griffith: Avant de répondre à cela, je voudrais spécifier que ce n'est pas une opinion qu'on a donnée dans le journal. On a ouvertement traité un ministre de menteur. D'après moi, il y a beaucoup plus de choses qui peuvent aider la communauté, qu'on aurait pu mettre dans cette page.

M. Rivest: Est-ce que c'est un ministre fédéral?

Mme Griffith: Non, provincial. Pour moi, ce n'est pas de la programmation éducationnelle, cette page qui a été écrite.

M. Rivest: Je comprends votre point de vue, madame. La seule chose sur quoi je veux insister, c'est que je crains que ce que vous évoquez avec beaucoup de conviction — et je suis convaincu que vous avez des problèmes réels, vous n'avez pas inventé cela, je suis sûr que c'est réel — il faut faire attention...

Mme Griffith: Bien sûr.

M. Rivest: ... parce que vous exprimez un point de vue, et on l'accepte, en tant que tel. Vous le faites très bien, on vous en félicite. Mais il peut y avoir d'autres gens, dans les différentes communautés, qui peuvent avoir d'autres point de vue.

Mme Griffith: II y en a.

M. Rivest: Je vous demande comment vous allez faire l'arbitrage d'une façon sereine, de façon à rendre justice à tout le monde, à l'intérieur des moyens qui vont être mis à la disposition de vos gens?

Mme Griffith: Selon moi, cela fonctionne vraiment à trois niveaux. Premièrement, le premier niveau, le gouvernement. Il faut choisir quelqu'un à qui permettre cette aide-là. Si cette aide-là est accordée — on parle de plusieurs heures ou d'un temps qu'on ne limite pas — la personne à qui vous l'accordez doit être neutre, afin de permettre toutes les différentes opinions, comme vous venez de le dire.

Maintenant, on tombe au deuxième niveau. Cette personne que vous choisissez devra choisir après. Disons qu'il y en a vingt qui se présentent et qu'on a du temps seulement pour cinq. Sur les vingt, il faut choisir les cinq. Cette responsabilité-là revient à la personne que vous avez choisie. C'est pour cela que c'est important d'avoir une personne neutre, parce que, s'il faut en choisir cinq sur les vingt, on ne doit pas entendre cinq opinions semblables. Il faut essayer d'en choisir cinq avec des opinions assez différentes ou un point de vue assez intéressant. Après, il reste aussi les vingt qui se présentent. Qui les a choisies? Qui les a envoyées? Là, on retombe au troisième niveau, c'est la communauté même.

Peut-être que la première personne a été choisie par 30 000 personnes, peut-être que la vingtième, c'est 1000, mais la vingtième devrait être entendue autant que la première.

M. Rivest: En termes pratiques, par exemple, vous avez dit tantôt que vous aviez invité, je crois, un ministre pour le problème de l'assurance automobile...

Mme Griffith: Oui.

M. Rivest: ... disons les allocations familiales. Il y a eu un conflit entre Québec et Ottawa à ce sujet-là; entre autres, les allocations familiales. Est-ce que vous avez eu quelqu'un qui a représenté le gouvernement du Québec à une de vos émissions?

Mme Griffith: Pour les allocations familiales? M. Rivest: Oui.

Mme Griffith: Non, ce sont des programmes qu'on a faits nous-mêmes, on a fait des recherches. On a les informations et on les transmet à notre auditoire. On n'émet jamais d'opinions. Si les informations sont bien données, on est très fiers et je suis sûre que mon peuple, que les Grecs, même s'ils ne parlent pas la langue, si cela a été explicité honnêtement, peuvent décider eux autres mêmes ce qu'ils veulent faire, quel côté ils veulent prendre et qui ils veulent supporter.

M. Rivest: Je suppose qu'il y en a qui ne sont pas d'accord et, à ce moment-là, ils vous le disent.

Mme Griffith: II y en a qui ne sont pas d'accord, qui aimeraient qu'on soit révolutionnaire, très à droite, très au centre, très à gauche, mais cela ne se fait pas, parce que, dans ma cause, on est 80 000 Grecs. Je ne peux pas exclure ou courir le risque de limiter même une petite opinion de cette communauté-là; je n'ai pas le droit de le faire, d'après moi. Je pense qu'une qualité importante pour des animateurs de radio et de télévision... Pour nous, il n'y a pas de media qui aient une plus grande influence que les communications. Peut-être qu'on termine de manière un peu raide. Le gouvernement est responsable de la tournure que prendrait ce programme. On veut s'unir sur un toit, ce qui est très difficile. Il y a un temps où on nous a dit que c'était impossible de le faire, mais regardez, on est quatorze ethnies avec le sang chaud et cela pète vite... C'est mon jouai de la rue Bourbonnière!

M. Rivest: Non, le seul problème, c'est pour le journal des Débats.

Mme Griffith: On a réussi à le faire. On est quatorze ethnies. On prend nos décisions et on vote pour le respect de la majorité. On a la chance d'exprimer nos opinions, on fait nos programmes très neutres et on donne toutes nos informations. En politique, aux élections municipales, on a fait des lignes ouvertes, on a fait venir tous les partis. On a donné la chance aux Grecs, aux Allemands, aux Juifs, aux Vietnamiens de poser des questions dans leur langue maternelle. Ils ont compris après. Quand ils sont allés voter, ils ont cru qu'ils jouaient finalement un rôle comme vrais Québécois à 100%, parce qu'ils savaient, ils étaient informés et ils votaient pour ce qu'ils croyaient le meilleur pour Montréal.

M. Rivest: Est-ce qu'ils se sont trompés?

Mme Griffith: Je ne le sais pas, je n'ai pas le droit de le dire.

M. Rivest: Je vous remercie. Je ne veux pas abuser du temps de la commission. Merci, madame.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: M. le Président, quand madame a parlé au début de quatorze pays, je comprends que c'étaient quatorze groupes ethniques habitant la région de Montréal, par exemple...

Mme Griffith: Oui.

M. Le Moignan: ... que votre groupe, votre association représente de façon très particulière.

Quand vous mentionnez vos expériences du passé, pour ceux qui vous desservaient, vous avez fait certaines nuances, certaines réserves quant aux réalisateurs, quant aux animateurs, à leur compétence, à leur expérience. Vous n'étiez pas sur un réseau public, mais vous faisiez affaires avec une compagnie, comme vous l'appelez, de câble...

Mme Griffith: Câblodistribution, oui.

M. Le Moignan: À ce moment-là, quand on arrive ici avec le projet de loi 4 sur la programmation éducative, évidemment, au début, cela a commencé par une ou deux ou trois associations et on vous donnait peut-être une heure d'antenne. À ce moment-là, vous donniez de l'information, vous ne répondiez pas nécessairement aux normes de programmation éducative que le gouvernement aimerait voir s'implanter. (21 heures)

Quand vous parlez d'information, de politique et d'éducation, quelle différence faites-vous entre... Vous avez parlé tout à l'heure d'éducationnel et de communautaire. Quelle est votre expérience vécue au début qui vous a attiré des ennuis?

Mme Griffith: Les ennuis dont j'ai parlé tout à l'heure?

M. Le Moignan: Oui.

Mme Griffith: J'ai des exemples, mais je ne mentionnerai pas de noms ni de groupes. Si jamais vous faites une commission pour vérifier cela, je serai très heureuse de venir, mais en parlant de moi-même, cela fait huit ans que je fais de la radio et de la télévision à temps plein pour les communautés ethniques. J'ai eu du bon temps. Pour nous, le temps n'a pas de valeur quand on veut faire de la programmation de ce genre. Quand on voit une demi-heure, ou qu'on lit une page, ou qu'il y a une heure à la radio, d'après nous, gaspillée... parce qu'informer, éduquer, ce n'est pas donner ton opinion et dire à la communauté: Fais cela, crois cela, il faut supporter cela. Ce n'est pas cela. D'après moi, ce n'est pas seulement elles qui sont en charge de ces moyens de communication. Quand je vois qu'on va encore plus loin et qu'on commence à insulter... Ce n'est pas la manière d'aider notre peuple à s'adapter à ce nouveau pays que de montrer qu'on n'a pas de respect pour les gouvernements. Je pense qu'on peut consacrer ce temps... Vraiment, on a beaucoup de murs à franchir et, avant qu'on ne brise tous ces murs... Après, peut-être qu'on pourra se permettre des opinions personnelles et des choses que les médias francophones et anglophones se permettent aujourd'hui. Pour les ethnies, c'est quelque chose de nouveau, c'est un nouveau bébé, le média, sutout qu'on puisse s'en servir dans notre langue maternelle. Même si j'ai dit depuis 1955, c'est nouveau, parce que cela fait deux ans qu'on est reconnu. Avant cela...

M. Le Moignan: Quand vous avez commencé, vous étiez seuls, ensuite vous étiez trois. La com-

pagnie en question vous donnait une heure d'antenne. Maintenant, quand vous avez abordé six, huit, douze groupes, normalement, la cote d'écoute ou le nombre d'auditeurs a dû aller en s'élar-gissant...

Mme Griffith: Plus grande, naturellement.

M. Le Moignan: J'aimerais savoir pourquoi on a diminué, on a rétréci le nombre de minutes.

Mme Griffith: D'accord. La raison qu'on nous donne est que l'argent disponible pour les groupes ethniques est d'un tel montant. Les groupes ont grandi, mais le montant disponible reste le même. Avec le même montant d'argent, il faut accommoder huit groupes, puis douze, puis quatorze groupes. Les compagnies nous disent: On n'avait le choix que de diminuer le temps pour le consacrer à tous les groupes. C'est leur réponse.

M. Le Moignan: En somme, comment peut-on arriver à justifier une répartition du temps qui soit équitable pour les Grecs, les Italiens, les Polonais?

Mme Griffith: Je vais vous le dire. National cablevision, le canal 9, nous donne à tous quinze minutes. Maintenant, on a quinze minutes par semaine dans le studio automatisé, comme je l'ai dit tout à l'heure au début. Il y a un programme qui est entré il y a environ une couple de mois, qui a une heure et demie par semaine dans les grands studios parce qu'on paie pour. Nous, on est un groupe sans but lucratif, on n'a pas le droit de faire de la publicité. C'est un canal communautaire. Payer pour, cela coûte trop cher. Parfois, on demande l'équipe mobile les fins de semaine pour aller couvrir quelque chose d'important. On nous demande de payer les employés, les techniciens en double, mais on est endetté de $200, on n'a rien dans notre caisse. On n'est pas pour commencer à payer toutes les semaines $2000 ou $3000 à des équipes.

M. Le Moignan: Ceux qui profitent de ces moyens de communication, est-ce qu'ils versent une contribution ou est-ce qu'ils ne versent rien?

Mme Griffith: On ne verse absolument rien. La compagnie du câble y gagne, parce que, comme vous l'avez dit, elle a des abonnés qui viennent des communautés ethniques qui veulent suivre nos programmes. 10% de tout son argent est supposé être consacré, d'après la loi du CRTC, à la programmation communautaire. Je n'ai jamais vu son budget. Je ne sais pas combien elle fait par année. Je n'en suis pas sûre, mais on pense que les 10% ne vont pas aux quinze minutes par semaine, c'est impossible. Les compagnies de câble font un grand profit. Elles ont 200 000 abonnés, si je ne me trompe pas. 10% de tous ces abonnés par mois, on ne voit pas cet argent, ces 10% en facilités, on ne les voit pas du tout. On a commencé avec quelque chose de bon et cela a diminué. La raison qu'on nous donne, c'est que le montant est le même mais que les groupes ont augmenté. Naturellement, il faut couper quelque part. On coupe le temps des huit pour en permettre dix; on coupe le temps des dix pour en permettre douze; on coupe le temps des douze pour en permettre quatorze. On lui a posé la question, à savoir que, s'il y en a deux autres qui entrent, est-ce qu'on va nous couper nos quinze minutes à cinq? Après cela, s'il y en a deux autres qui entrent, qu'est-ce qu'elle va faire? On va se présenter une fois par six mois!

M. Le Moignan: Vous avez mentionné quelque part que vous aimeriez préparer votre programmation vous-mêmes. Est-ce qu'il y a eu des discussions, des pourparlers avec cette compagnie pour vous permettre de discuter et de faire une programmation qui soit éducative?

Mme Griffith: Oui, on a essayé depuis 1976, quand cette association s'est formée. La raison pour laquelle on s'est formé, comme le président peut vous le confirmer, et n'importe quel de nos quatorze membres, était le besoin qu'on avait, nous, de se donner premièrement le courage et la force l'un à l'autre pour endurer ce qui arrivait aux compagnies de câble. On s'est formé, on s'est présenté assez souvent et on avait toujours la même histoire, à savoir qu'ils sont très sympathiques, comme ils nous l'ont dit. Ils aimeraient nous aider. C'est bien dommage, nous disaient-ils, mais les moyens économiques ne permettent que ça.

M. Le Moignan: Mais, aujourd'hui, vous avez passé une belle journée avec le ministre, nous avez-vous dit.

Mme Griffith: Oui.

M. Le Moignan: Vous avez probablement parlé de Radio-Québec.

Mme Griffith: Un petit peu, oui.

M. Le Moignan: Radio-Québec, the head office is in Montréal.

Mme Griffith: Yes, I know.

M. Le Moignan: Maintenant, est-ce que, du côté du ministre, il y a des possibilités d'utiliser Radio-Québec?

Mme Griffith: Je pense que tout cela dépend de vous ici, à l'Assemblée nationale.

M. Le Moignan: Mais est-ce que vous l'avez demandé?

Mme Griffith: Oui, on l'a demandé depuis longtemps.

M. Le Moignan: Est-ce que vous avez eu une réponse du ministre?

Mme Griffith: Très intéressée, et c'est à vous à décider, vous tous ensemble, je crois.

M. Le Moignan: Le ministre demeure intéressé.

Mme Griffith: J'espère.

M. Le Moignan: Mais vous n'avez pas de réponse concrète?

Mme Griffith: À l'automne. Ils sont censés consacrer, si possible, un peu de temps aux ethnies.

M. Le Moignan: On vous le souhaite.

Mme Griffith: J'espère.

M. Le Moignan: Be careful!

Mme Griffith: Merci.

M. Le Moignan: On vous le souhaite.

Mme Griffith: Merci.

M. O'Neill: M. le Président, j'ajoute que je leur ai transmis la réponse même que M. Barbin nous a donnée ici, à savoir que, dans une première étape, il prévoyait, dès l'automne, mettre à la disposition des groupes ethniques une heure et demie par semaine au départ.

M. Le Moignan: Cela, c'est...

M. O'Neill: Dans une première étape.

M. Le Moignan:... dans la région de Montréal, par exemple?

M. O'Neill: Oui, il y a déjà deux personnes de Radio-Québec qui s'occupent de ce dossier et prennent contact avec les groupes ethniques pour savoir ce qu'ils veulent, ce qu'ils désirent, quel genre de réalisation ils voudraient, quel genre d'objectifs ils voudraient atteindre avec eux.

M. Le Moignan: Oui, à ce moment-là, vous allez gagner du temps. Je suis content pour vous autres.

Mme Griffith: Merci.

M. Le Moignan: Mais est-ce que vous allez continuer de transiger avec votre compagnie quand même?

Mm* Griffith: Avec National Cablevision? Ce qu'on a décidé jusqu'à maintenant — je ne peux pas parler pour tous les membres et dire si ça va changer demain — on a décidé de rester. SI National Cablevision nous permet du temps, on va le garder. Comme je vous l'ai dit, le temps, pour nous, a une valeur... Si on gagne un peu de temps ici, on ne voudrait pas laisser l'autre. Mais si c'est dans les arrangements, on ne le sait pas, peut-être que ça changera plus tard. Mais, comme c'est maintenant, on aimerait garder ce qu'on a, même si c'est un petit peu, chez National Cablevision, oui.

M. Le Moignan: Oui, et si Radio-Québec vient à votre secours, je suis bien content pour vous. Merci.

Mme Griffith: Merci beaucoup!

Le Président (M. Jolivet): Avec la permission des membres de la commission, le ministre de l'Immigration voudrait prendre quelques instants.

M. Le Moignan: D'accord.

M. Couture: Ce n'est pas forcément pour parler sur le fond, M. le Président, c'est peut-être pour apporter une correction au niveau de l'information. Le député de Jean-Talon, au début de ses observations, demandait à l'association si elle faisait partie de la Fédération des groupes ethniques et il parlait de cette fédération en disant: Est-ce que vous faites partie de la grande fédération?

Au niveau de l'information, c'est peut-être utile de dire qu'au Québec, il y a près de 600 associations ethniques. Il y a plusieurs fédérations. La Fédération des groupes ethniques, je suis obligé de le dire, n'est pas une grande fédération. C'est une des fédérations des groupes ethniques. Pour donner un exemple, le Congrès italo-canadien, qui couvre énormément d'associations italiennes, ne fait pas partie de la fédération et aussi le Rassemblement des Africains, le Rassemblement des groupes d'Amérique latine, etc.

Je pense que c'était utile de le dire, parce que ça donnait l'impression que le fait de ne pas faire partie de la Fédération des groupes ethniques lui donnait moins d'importance. Je pense que la Fédération des groupes ethniques regroupe un certain nombre d'associations, peut-être au-delà de 20 à 25, mais elle a une importance assez réduite, je crois, actuellement.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Les groupes ethniques peuvent utiliser le câble 9, vous l'appelez le...

Mme Griffith: Cablevision?

Mme Lavoie-Roux: Oui, National Cablevision. Est-ce que le seul temps mis à votre disposition, c'est, disons, quinze minutes multipliées par quatorze groupes présentement, par semaine?

Mme Griffith: Cela, c'est ce qu'on a de régulier.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Griffith: On peut se présenter chaque semaine, la journée qu'on enregistre.

Mme Lavoie-Roux: Chacun des groupes?

Mme Griffith: On sait qu'on a nos quinze petites minutes, chaque groupe. Mais on a droit aussi à plus si on a une fête très spéciale. Tout à l'heure, j'ai mentionné que j'ai demandé le grand studio pour faire un spécial d'une heure de ligne ouverte, concernant un problème de la communauté grecque, pour permettre aux gens de poser leurs questions aux deux parties et entendre les opinions. Cela nous a été accordé.

Mais quand c'est quelque chose comme le programme de PELO, quand M. Morin l'a présenté à l'école Barthélemy-Vimont, le spectacle n'était pas assez long. On voulait l'équipe mobile pour aller le couvrir. Cela a été un programme juste pour les ethnies, couvert par les media anglophones et francophones. Les Anglais savaient ce que c'était PELO, les Français le savaient naturellement, mais les ethnies, quand c'était pour nous, on n'avait pas l'équipement ni les services pour s'en servir.

On a su plus tard qu'ils auraient pu facilement nous donner l'équipe. Peut-être que ce n'était pas vrai, quelqu'un voulait nous dire ça ou peut-être... les fins de semaine. Chez nous, on fête les fêtes nationales. C'est comme pour la Saint-Jean-Baptiste, les fins de semaine, c'est le meilleur temps. On ne peut l'avoir les fins de semaine. Ils nous permettent des spéciaux si on le demande dans le bon temps, si l'équipe est prête. Parfois, elle ne marche pas, parfois il manque une pièce, parfois, les techniciens sont malades, le samedi et le dimanche. Je ne sors pas. Cela dépend.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Est-ce qu'il y a des groupes ou d'autres groupes à l'extérieur de l'Association des groupes ethniques du monde de la radio et de la télévision du Québec qui utilisent le Câble national?

Mme Griffith: D'autres groupes qu'anglais ou français? Juste des ethnies?

Mme Lavoie-Roux: Oui, à l'extérieur de votre association.

Mme Griffith: Sur le Câble national, il y a un groupe arménien qui fait un programme. Il l'avait laissé un certain temps, mais il a recommencé. Il y a un autre groupe qui est entré: deux Juifs. Le groupe juif est représenté, mais ce sont des Juifs qui parlent français. Cela s'appelle les Séfarades, qui deviennent la semaine prochaine membres de notre association. Je leur ai parlé encore aujourd'hui. Il reste un groupe sur seize qui n'est pas membre de notre association et qui se sert des services du canal 9, de National Cablevision.

Mme Lavoie-Roux: C'est le groupe arménien. Mme Griffith: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y a d'autres groupes qui utilisent la télévision? Par exemple, est-ce qu'il n'y a pas le canal 12, à un moment donné, qui...

Mme Griffith: Oui, le canal 12, CFCF, comme on l'appelle. Il y a le programme italien et le programme grec. Mais ici on tombe dans un problème, parce que nous avons pensé également d'aller acheter du temps, peut-être, d'une station privée.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'ils achètent ce temps ou...

Mme Griffith: Ils l'achètent et c'est ça qui le rend rentable. Par exemple, le groupe grec achète une demi-heure. Déjà, il commerce avec un autre commerce, d'accord? Il a une agence de voyages. Il faut qu'il y consacre la plupart de son temps. La première chose qu'il fait, c'est de passer assez d'annonces pour refaire l'argent que ça lui a coûté pour la demi-heure. C'est possible d'en faire un peu d'autre aussi pour le temps que ça lui prend. S'il reste du temps, il faut qu'il montre des choses culturelles. D'habitude, il y a un petit film de la Grèce qu'on montre, un chanteur ou des danseurs, des fois, de petites pièces de théâtre qu'on montre, de cinq à huit minutes, parce qu'il y a juste une demi-heure. Le reste du temps, c'est s'il a le temps de faire de petites nouvelles et de la publicité, parce qu'il faut donner son attention à la publicité pour refaire l'argent que ça lui a coûté d'acheter l'heure. C'est ça, les problèmes avec les institutions privées de media.

M. Guay: Si le député de L'Acadie me le permet, je voudrais élucider cette question. Si je comprends bien, dans le cas de CFCF, le canal 12, à l'intérieur d'un bloc d'une demi-heure, un commerçant ou des commerçants achètent la période totale de la demi-heure...

Mme Griffith: Non, le monsieur qui fait le programme, qui est responsable du programme, achète la demi-heure et, après, avec deux employés, il fait une tournée dans la communauté pour chercher des annonces. Les magasins paient juste sur le "spot" de 30 secondes ou de 60 secondes.

M. Guay: À ce moment, si je m'y comprends bien, le résultat du compte, c'est qu'il y a beaucoup plus d'annonces commerciales au cours de la demi-heure qu'il n'y en a normalement, pendant une émission du soir.

Mme Lavoie-Roux: C'est communautaire.

M. Guay: Restons à CFCF, parce qu'il y a des règlements du CRTC au sujet du nombre de minutes de publicité qu'on peut diffuser à l'intérieur d'une période d'un quart d'heure, d'une demi-heure, d'une heure, si je comprends bien ce que vous dites, sous réserve de vérifier ces

règlements, qu'on ne respecterait pas ces règlements, c'est-à-dire qu'on aurait une plus grande quantité de publicité que celle que l'on retrouve normalement dans des émissions en anglais de CFCF à 19 heures le soir.

Mme Griffith: Premièrement, non seulement je ne me permets pas, mais je ne suis pas en mesure de vous répondre, parce que je ne connais pas du tout les règlements du CRTC. Peut-être que ce n'est rien du tout, concernant les règlements, mais, pour moi, ça a l'air de beaucoup. Je vois plus d'annonces dans cette demi-heure, comme vous l'avez dit, qu'à un programme régulier. Mais le problème, c'est qu'il y a beaucoup de différentes annonces de 15 secondes et 30 secondes, parce que ça coûte cher. C'est difficile pour un petit commerçant comme Costas' Grocery de payer $300 pour faire 60 secondes à un gros canal comme le 12. Alors, ils vendent beaucoup de courtes annonces de 10, 15, 20, 30 secondes. Quand on regarde ça, peut-être pour ça que ça me semble long, toutes ces minutes accumulées, comme les lois le disent. (21 h 15)

Mme Lavoie-Roux: En dehors du canal 12 — je vais peut-être apprendre le nom —...

Mme Griffith: Ce sont les compagnies de câble seulement...

Mme Lavoie-Roux: National Cable...

M. Guay: Câblevision Nationale, depuis quelques années, parce que ces gens ont dû se franciser.

Mme Lavoie-Roux: Tout ce que je sais, c'est que c'est le canal 9. Je vais l'appeler le canal 9, je vais avoir moins de problèmes.

Mme Griffith: C'est ça, le 9, c'est parfait.

Mme Lavoie-Roux: ... qui offre du temps d'antenne aux quatorze groupes; il y en aura quinze, il y a le groupe arménien qui est encore à l'extérieur...

Mme Griffith: Si vous permettez, j'aurais peut-être dû le dire — le président l'a mentionné — les compagnies de câble, comme vous le savez, sont licenciées par territoire et c'est complètement séparé l'une de l'autre, comme entreprise privée, disons. Câble TV est aussi une compagnie de câble, pas aussi puissante, mais aussi une des classes A, comme on appelle les compagnies de câble. Câble TV, à un moment donné, prenait nos programmes, les montrait, comme National Cablevision les montrait et les donnait ensuite à Câble TV pour les montrer sur son territoire. Quand on a changé pour se servir des studios automatisés, Câble TV elle-même a répondu que la qualité de ces programmes dans les studios automatisés était tellement pauvre qu'elle n'acceptait plus de les montrer. Maintenant, douze groupes ne passent plus au Câble TV qui est l'autre canal 9 d'un autre district. Il ne reste que deux groupes qui peuvent se servir des studios de Câble TV, parce que chaque compagnie a ses propres studios pour faire de la production.

Il y a aussi un groupe sur Câble TV qui n'est pas National Cablevision, qui s'appelle les "Black Is"; ce sont les Noirs africains de Québec. Eux aussi deviennent membres de l'association — ils ont été acceptés — la semaine prochaine, à la même rencontre que pour les Sefaraddim. Maintenant, il y a Télécâble Vidéotron qui couvre la rive sud. Elle aussi est assez puissante. Télécâble Vidéotron ne nous a jamais refusé accès à ses studios automatisés. Ce gens possèdent eux aussi des studios automatisés. Ils sont même allés plus loin, ils sont prêts à montrer à deux techniciens ou à deux types que nous trouverons comment fonctionnent les "portapacks" qui sont noir et blanc, très difficiles à faire fonctionner. La seule raison pour laquelle les quatorze groupes ne se sont pas encore rendus à Télécâble Vidéotron, c'est parce que ça dessert la rive sud et c'est trop difficile pour nous actuellement de nous rendre sur la rive sud — parce que notre travail est bénévole, après avoir fini notre travail régulier chaque jour — de traverser le pont, d'aller à Saint-Hubert pour préparer du travail pour Télécâble Vidéotron. On pourrait faire des copies de nos programmes. Je l'avais fait en 1977, cela a duré six mois, parce que chaque copie coûte $47; c'était impossible de continuer. Les autres groupes voulaient faire la même chose quand ils ont vu que National ne donnait pas les programmes pour qu'on les garde, pour qu'on puisse les passer sur les autres câbles. Il fallait faire des copies, c'était trop cher; alors, on a arrêté ce système-là.

Quand on doit faire les copies des programmes qu'on prépare pour National et qu'il faut les payer — c'est $47 par copie de vidéo; $47 multiplié par quatorze, à toutes les semaines, si je ne me trompe pas, ça fait environ $600; on ne les a pas, cela a éliminé ça.

Si on peut s'organiser avec l'aide du projet de loi no 4, on aimerait couvrir tous les territoires de toutes les compagnies de câble, si on ne progresse pas comme à Radio-Québec, comme monsieur a dit tout à l'heure.

Mme Lavoie-Roux: Si je comprends bien, il y a votre fédération ou votre association de groupes ethniques du monde de la radio qui est un groupe intéressé à la télévision ou à la production d'émissions pour les groupes ethniques, mais il y a, en dehors de cette association, d'autres groupes qui vont utiliser CFCF ou les autres câbles dont vous parliez, mais ceux-là n'ont pas été invités, si je comprends bien, M. le ministre...

M. O'Neill: Vous parlez de quels groupes?

Mme Lavoie-Roux: D'autres groupes, ce ne sont pas les seuls groupes ethniques qui s'intéressent à la télévision pour les groupes ethniques.

Mme Griffith: II y en a deux qui ne sont pas représentés par nous, ce sont les "Black Is" et les

Sefaraddim qui sont acceptés, qui vont devenir membres. Le seul groupe qui n'est pas représenté par nous, ce sont les Arméniens, c'est M. Baghdjian.

Une voix: C'est le groupe le plus important.

Mme La voie-Roux: Bon! Il reste qu'on a fait un choix bien précis. Je ne mets pas en doute votre représentativité, vous représentez quatorze groupes, mais il reste que l'on revient quand même au point de départ. Dans une commission comme celle-ci, il aurait été intéressant d'entendre le plus grand nombre de groupes possible.

M. O'Neill: Madame, on a proposé un compromis, vous l'avez accepté; alors, marchez donc suivant ce compromis.

Mme Lavoie-Roux: Si on ne l'avait pas accepté, il n'y aurait pas eu de commission parlementaire du tout.

M. O'Neill: Cela fait quatre ans qu'on consulte le monde. On a fait une autre consultation.

Mme Lavoie-Roux: Quand avez-vous commencé?

M. O'Neill: C'est vous qui avez commencé.

Le Président (M. Jolivet): Si vous voulez faire cette dispute lors de... s'il vous plaît!

M. O'Neill: En plus de consulter, on veut décider à un moment donné. C'est le groupe le plus représentatif, aucun problème.

Mme Lavoie-Roux: Je ne pensais pas que vous vous offusquiez, M. le ministre.

M. O'Neill: Je le précise, parce que, excusez-moi, vous radotez. Cela fait à peu près cinq fois que vous dites la même chose là-dessus. Nous avons accepté ensemble un compromis, mettons-le en pratique et continuons.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie de votre langage, M. le ministre. Je pourrais vous retourner le compliment...

M. O'Neill: Retournez-le, si vous voulez.

Mme Griffith: Si vous permettez, madame, excusez-moi, le groupe qui n'est pas présent, l'arménien, se trouve sur le même réseau que nous, avec le même temps, il n'y a rien de différent de ce qu'on vous expliquait du tout.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Tout à l'heure, mon collègue de Jean-Talon vous a posé une question, à savoir quelles étaient vos priorités ou vos objectifs en regard d'une télévision éducative. Si j'ai bien compris, le problème, que vous avez identifié comme en étant un majeur, a été celui de la langue ou de la communication, à cause de la barrière de la langue.

Mme Griffith: C'est ça.

Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, vos efforts ont porté sur l'interprétation, et je crois que vous parliez surtout pour la communauté grecque, à l'intention de votre communauté de certaines mesures gouvernementales...

Mme Griffith: Les ministères, les services, tout ça.

Mme Lavoie-Roux: ... des ministères et des services. À part cette dimension, comment voyez-vous les services que la télévision éducative pourrait rendre à votre communauté, parce que c'est elle que vous connaissez le mieux?

Mme Griffith: Je peux prendre l'exemple de la langue tout de suite, parce qu'on a déjà offert le projet. On a un rêve, peut-être qu'on rêve très grand, mais avec votre coopération, je suis sûre qu'on peut tous ensemble, en travaillant, le réaliser. Il faut apprendre le français. On trouve que par l'entremise de la télévision, avec l'image et un bon professeur, on pourrait faire apprendre le français aux 14 communautés ethniques avec un succès que personne d'autre ne peut réussir. Le plus grand problème quand il y a des groupes subventionnés, on a fait beaucoup de recherche durant ces années, c'est qu'un groupe qui est subventionné pour apprendre le français, il faut qu'il se déplace. On est fatigué, on travaille tous les deux dans la famille, et quand on arrive chez soi, ça ne vous tente pas, quand on a des enfants surtout, de les laisser pour aller suivre un cours d'une heure ou deux.

Avec la technologie qu'on a ici dans cette formidable province, surtout avec la câblodistri-bution, si on veut rester sur ça, si on peut amener tout ça dans les foyers, ce serait un rêve. À part le français, il y a notre propre culture, notre propre héritage. Nous faisons présentement un effort auprès des jeunes qui sont nés ici ou qui sont venus très jeunes comme moi. Je suis arrivé ici venant de la Grèce à l'âge de deux ans. Grâce à ma grand-mère, qui me parlait toujours en grec, qui me montrait un peu notre héritage, notre culture... mes parents travaillaient toujours, ils avaient deux emplois, je ne les ai presque jamais vus jusqu'à l'âge de 7 ou 8 ans. C'est l'histoire de presque tous les immigrants qui arrivent. C'est un autre moyen d'aider nos jeunes à garder cette richesse qu'on ne voudrait jamais qu'ils perdent. C'est notre héritage.

Ensuite, il y a la vie quotidienne, les ministères, les lois, les changements. Il faut informer sur les cultures, sur les différents partis et leurs programmes quand c'est le temps des élections pour qu'on sache comment décider. Si on est allés

faire le marché et que le gars qui coupe la viande nous a chanté une grande chanson concernant les libéraux, les péquistes ou les unionistes, on croit ça ou on ne sait pas quoi croire. Si on l'apprend dans notre propre langue, on est sûrs. Comme ça, on peut participer, on peut décider, on se sent des citoyens qui ont joué un rôle dans l'adoption de telle loi ou dans l'appui de telle personne.

À part ça, au point de vue culturel, il y a notre théâtre, nos pièces. Il y a aussi un autre aspect que je n'ai pas mentionné, celui d'informer les francophones à notre sujet et d'informer nous-mêmes les groupes les uns des autres. J'ai appris des affaires sur les Libanais, justement la dernière semaine, quand on préparait l'historique pour notre colloque. J'ai appris des affaires sur les Libanais, qu'un des plus grands policiers de la police provinciale du Québec, en 1904, je crois, était le Sherlock Holmes du Québec. Il est très connu. Il y a un livre écrit sur cet homme, la presse a fait tout un article l'an passé sur ce type. Il fait partie d'un groupe ethnique, c'est un Libanais. Des hommes connus viennent des groupes ethniques, comme le juge Malouf, c'est un autre Libanais. J'ai lu beaucoup sur les Libanais. On trouve des choses de ce genre dans toutes les cultures ethniques. Juste les savoir, ça nous aide à mieux se comprendre. Mieux que ça, on aimerait le faire en français directement à la population québécoise pour qu'elle nous comprenne mieux.

Un bon exemple, notre Pâques a lieu deux semaines plus tard que la fête de Pâques catholique. Quand quelqu'un en auto arrive près d'une église grecque et qu'il y a six ou huit rues bloquées par la police et qu'il voit cela, ces gens-là, avec leurs petits mouchoirs noirs et les grosses chandelles dans la rue, il se demande ce qui arrive. Mais si c'est présenté dans une émission en français, pour la valeur que cela a vraiment, et qu'on expliquait l'histoire derrière ces 8000 personnes qui sont dehors, devant leur église, et pourquoi on voit huit prêtres porter une espèce de mort sur leurs épaules — on rit de cela et il y a des préjugés qui se forment.

Je crois qu'on peut jouer un grand rôle non seulement à limiter les préjugés, mais les effacer complètement par l'entremise des media électroniques.

Mme Lavoie-Roux: Qui décide des sujets qui vont être apportés, qui vont être retenus pour la télévision?

Mme Griffith: Présentement, depuis un an et demi, nous sommes limités à cause du peu de facilité de production. On ne peut pas présenter une troupe de danse culturelle, c'est impossible, parce qu'il faut qu'elle se place en entier sur une chaise à côté de moi. C'est difficile de danser! Dans le studio automatisé... Ce n'est pas drôle! Vous devriez venir nous visiter. Vous allez pleurer.

Mme Lavoie-Roux: Je le connais, je suis allée.

Mme Griffith: Nous sommes limités dans ce que nous pouvons présenter. Notre recherche n'a pas été trop difficile, la dernière année et demie. Sur les spéciaux, on choisit nos propres thèmes, comme la fête nationale.

Mme Lavoie-Roux: Mais qui décide?

Mme Griffith: Nous sommes trois de même nationalité par groupe. Pour le groupe grec, il y a trois Grecs, pour le groupe allemand, il y a trois Allemands, qui travaillent à ces émissions. Et, encore une fois, chacun d'eux, des bénévoles qui consacrent et qui donnent ce temps, est heureux de le donner. C'est pourquoi on croit qu'on a eu du succès toutes ces années. Il n'y a personne qui le faisait pour l'argent et il n'y a personne qui le faisait parce que cela lui donnait de la renommée, parce que nous avons passé dix ans sans être reconnus du tout. On le faisait parce qu'on était fiers d'aider notre communauté, nous qui parlions un peu la langue, qui pouvions être leur intermédiaire dans cette nouvelle province qu'ils ont choisie.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y a des groupes ou des associations, et même des groupes ou des associations à l'extérieur de votre propre communauté, qui vous suggèrent des thèmes ou des programmes?

Mme Griffith: Oui, souvent. J'ai eu l'école de Saint-Laurent, avec la directrice, Mme Saint-Denis, qui faisait un programme spécial concernant les petits enfants québécois de nouvelle souche. Elle est venue nous demander d'informer la communauté. Elle a non seulement eu deux programmes, mais elle a fait une ligne ouverte par l'entremise de la radio aussi. On a d'autres exemples. Tout le monde qui vient nous voir... Un autre exemple: aux dernières élections, le Parti marxiste-léniniste, le Parti libéral et le Parti conservateur nous ont demandé du temps. On a donné le même temps à tous. On a donné de dix à quinze minutes à chaque groupe qui voulait se servir de nos moyens pour communiquer aux groupes ethniques.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y a des gouvernements qui vous suggèrent des thèmes aussi?

Mme Griffith: Je n'ai jamais eu de gouvernement qui, officiellement, m'ait dit: II faut faire cela, ou: Dites à vos groupes de faire cela. Jamais.

Mme Lavoie-Roux: Officieusement?

Mme Griffith: Jamais. C'est moi qui les ai invités, souvent les libéraux, avant 1976. Ils sont toujours venus, comme le gouvernement d'aujourd'hui. Quand on les a invités, ils n'ont jamais dit non. On a travaillé avec eux, parce que c'est du monde — et c'est pour cela que vous êtes ici aujourd'hui — qui comprend ce besoin; chaque fois qu'on a demandé quelqu'un des différents ministères ou des responsables de la Régie des loyers... En ce qui concerne la Régie des loyers, en janvier et février, chaque groupe fait deux pro-

grammes, avant la fin de la limite de 90 jours pour signifier la fin du bail, qui est la fin de mars, pour aider les gens, pour leur expliquer encore leurs droits, s'ils veulent partir, s'ils veulent sous-louer. On fait cela régulièrement, en janvier et février, et on n'a jamais eu de problème. Les dames qui sont venues de la Régie des loyers ont toujours été très coopératives, de même que tous les ministères, l'Éducation, etc.; il n'y a jamais eu de problème, ni du municipal, ni du fédéral.

Mme Lavoie-Roux: S'il y avait un projet de loi qui était discuté à l'Assemblée nationale, c'est toujours d'intérêt général pour la population, mais qui serait d'un intérêt plus particulier, disons qui toucherait la population de plus près et que ce serait un projet de loi très controversé, est-ce que, à ce moment-là, vous demanderiez à des représentants des différents partis d'aller faire valoir leur point de vue?

Mme Griffith: Cela dépend. Je ne pourrais pas répondre pour les autres membres. Mais si c'est quelque chose qui touche différents points de vue et que cela serait d'intérêt pour les communautés de le savoir, on couvrirait tous les points de vue avec le même temps alloué à tous.

Mme Lavoie-Roux: Mais cela ne s'est jamais présenté sur des projets de loi antérieurs?

Mme Griffith: Sur des projets de loi, non. La seule fois, c'est avec la nouvelle loi de l'immigration que le fédéral a adoptée, avant l'entente Couture-Cullen, puisqu'on a couvert cela très bien aussi. On a parlé avec M. Couture et M. Cullen. (21 h 30)

Avant cela, avant que le projet de loi ne soit présenté, parce que les Grecs, les Italiens et les Portugais ne comprenaient pas très bien le système de points, on a fait venir quelqu'un du ministère fédéral de l'immigration. Il n'y a jamais eu de problème. Il a simplement expliqué la loi. Nous l'avons dit dans la langue d'origine. Il y a eu une couple de questions sur la ligne ouverte. S'il y avait eu une opposition de l'autre partie qui aurait dit: Non, il n'a pas bien expliqué. Bravo, monsieur! Venez au programme de ligne ouverte, le même soir, si vous voulez, et expliquez-le mieux. Corrigez, si vous pensez qu'il y a eu des erreurs. Mais cela n'est jamais arrivé.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Mme Griffith: Merci beaucoup, madame!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Seulement une dernière question. Est-ce qu'au niveau du ministère de l'Immigration ou du ministère des Communications, quand vous faites une émission sur un projet de loi ou une décision gouvernementale, on vous fournit la documentation dont vous pouvez avoir besoin ou est-ce qu'on vous en offre?

Mme Griffith: Je vais vous dire qu'elle est envoyée. On avait eu une rencontre et on avait parlé...

M. Rivest: Sur tous les projets de loi?

Mme Griffith: Presque tous, ceux qui sont les plus graves, ceux qui intéressent le plus.

M. Rivest: C'est cela.

Mme Griffith: Mais, encore une fois, cela nous prend de l'aide technique. Un bon exemple serait d'être relié au Telbec, d'avoir les téléscripteurs qu'on n'a pas, d'avoir un bureau central qu'on n'a pas. Cela ne me gêne pas de le dire. On se rencontre chez moi. Ma mère est rendue folle. Ma mère est rendue folle, quatorze différentes ethnies dans son salon tous les dimanches...

M. Rivest: Elle n'a pas le temps de regarder vos émissions. Est-ce qu'elle regarde vos émissions?

Mme Griffith: Pardon?

M. Rivest: Votre mère, est-ce qu'elle regarde vos émissions?

Mme Griffith: Ah oui! elle les regarde, sans faute.

M. Rivest: Non, ce que je veux dire — vous pouvez le demander, si on ne le fait pas — Si vous dites: On n'est pas abonné à Telbec, etc. Est-ce que les cabinets de ministres peuvent vous envoyer des communiqués? Est-ce qu'ils vous les envoient?

Mme Griffith: Ah oui! on apprécierait cela. M.Rivest: Ils ne vous les envoient pas.

Mme Griffith: La plupart, on les a, surtout les ministères majeurs. On les a.

M. Rivest: Oui.

Mme Griffith: J'ai même ceux du ministère des Terres et Forêts et ceux des Richesses naturelles. J'ai tout cela.

M. Rivest: Comme par exemple, tantôt, vous parliez de l'assurance automobile. On vous a envoyé le projet de loi, vous avez tout reçu?

Mme Griffith: J'ai reçu tout cela, ah oui.

M. Bisaillon: Qu'est-ce que vous cherchez? Ce sont des bibites, ce sont des bebelles?

M. Rivest: Non, je les ai reçus et je ne m'en plains pas, je voudrais que vous lui donniez de l'aide.

M. Bisaillon: Elle les reçoit elle aussi, comme tous les citoyens.

M. Rivest: C'est cela.

M. Bisaillon: Pourquoi voudriez-vous qu'elle ne les reçoive pas?

M. Rivest: Ce que vous êtes venue demander, c'est de l'aide?

M. Griffith: De l'aide, oui.

M. Rivest: Répondez à cette demande-là! De quoi se mêle-t-il, lui?

M. Bisaillon: Comment, de quoi je me mêle? Ce n'est pas à vous à venir me dire de quoi il faut que je me mêle et de quoi il faut que je ne me mêle pas. Vous arrivez, vous, prenez votre temps. Vous arrivez, vous, vous arrivez de loin à part cela.

M. Rivest: Vous êtes suffisamment mêlé. Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. O'Neill: M. le Président, je remercie M. Winston et Mme Griffith. Ils nous ont présenté un très bon mémoire. Je veux simplement dire qu'aujourd'hui, ce qui m'a particulièrement plu, c'est le fait que, d'une part, les groupes qu'ils représentent ici ce soir étaient tous très intéressés non seulement à faciliter l'expression culturelle de chacune des communautés concernées, mais aussi à leur transmettre l'information — vous avez insisté beaucoup là-dessus — et, en même temps aussi, il y a une préoccupation évidente chez vous aussi de travailler à ce que ces groupes se sentent membres à part entière de la communauté québécoise. Je pense que, là-dessus, c'est excellent, et je veux vous dire simplement que, de notre part, nous ferons tout ce qui est possible, à la mesure de nos moyens, pour vous aider à réaliser vos objectifs. Encore une fois, merci d'être venus et merci de votre collaboration.

Mme Griffith: Merci. Vous serez fiers de nous, donnez-nous la chance, vous allez voir.

M. Rivest: J'espère que le gouvernement va vous aider davantage qu'il vous aide, c'est cela que je voulais prouver.

Le Président (M. Jolivet): Merci. J'inviterais maintenant M. Gérard Lafleur, comme porte-parole pour présenter le mémoire du Regroupement des organismes communautaires de communications du Québec. Mme le député, je vous demanderais de présenter les membres.

Regroupement des organismes

communautaires de communications

du Québec

Mme Roy (Lynda): Lynda Roy. Je suis...

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant.

Mme Roy: Lynda Roy, directrice à l'exécutif du Regroupement des organismes communautaires de communications du Québec.

Mme Rheault: Je suis Françoise Rheault, secrétaire du regroupement.

M. Lafleur (Gérard): Gérald Lafleur, permanent au regroupement également.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas compris votre nom.

Mme Rheault: Françoise Rheault. Nous nous excusons du contretemps.

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, pour les besoins... Vous pouvez approcher votre micro pour qu'on puisse mieux vous entendre.

Mme Rheault: Nous voulons intervenir dans le cadre de cette commission parlementaire sur les projets de loi nos 4 et 5, en tant que regroupement des organismes communautaires de communication, qui sont aussi communément appelés les télévisions communautaires du Québec. Nous représentons 14 groupes de télévision communautaire qui oeuvrent dans leur milieu respectif depuis de nombreuses années. C'est au début des années 70 que les premières expériences de media communautaires voient le jour, principalement par l'entremise des télévisions communautaires. Il s'agit, en fait, de donner véritablement un droit d'expression aux citoyens sur les questions qui influencent leur quotidien et de créer, par le fait même, une alternative aux entreprises traditionnelles de télévision. Les premières expériences sont très positives en particulier sur le plan de la participation populaire. Elles provoquent la création d'autres groupes de télévision communautaire au Québec.

En 1973, devant l'intérêt manifesté des citoyens québécois et également pour des raisons politiques liées à la bataille sur la juridiction en matière de câblodistribution, le ministère des Communications du Québec crée le programme d'aide au développement des media communautaires et permet ainsi aux réseaux de télévision communautaire de se développer au fil des ans. De plus, les télévisions communautaires se donnent en 1978 un organisme de regroupement, de représentations et de services, le ROCC, qui devient rapidement un interlocuteur priviligié dans le domaine des communications communautaires. Parallèlement, d'autres formes de media communautaires apparaissent et mettent de l'avant des objectifs similaires, mais liés à un media différent: radio communautaire, presse écrite, groupes de vidéo-animation.

Et malgré les batailles que nous avons dû livrer pour survivre, nous croyons que les media communautaires et spécialement les OCC utilisateurs du vidéo sur câble ont une entité et une spécificité que plus personne ne peut nier.

Nous pouvons donc affirmer qu'en dix ans, malgré le peu d'ampleur des moyens financiers mis à leur disposition, les media communautaires, par leurs structures démocratiques et la qualité de leurs productions, ont su s'implanter et participer véritablement au développement de leur milieu respectif sur les plans social, culturel et politique.

Une expertise à reconnaître. On va parler de nous un petit peu. L'existence...

M. Rivest: Si vous saviez comme le gouvernement n'hésite pas à parler de lui. C'est bien légitime, on va vous entendre.

Mme Rheault: L'existence des télévisions communautaires au Québec qui, depuis près de dix ans, travaillent étroitement avec leur communauté a su prouver la viabilité d'un projet social où le citoyen devient un acteur véritable dans un processus d'accessibilité d'un medium de communication.

Cette expérience nouvelle vécue dans presque toutes les régions du Québec s'est construite grâce aux énergies de groupes de citoyens et a suscité l'espoir d'organisations gérées par une communauté et travaillant au bénéfice de cette même communauté. Un travail énorme s'est accompli. Il a fallu d'abord sensibiliser une population consommatrice de programmes télévisés, l'amener à prendre place sur cet écran qu'elle mystifiait au bénéfice d'une minorité qui voulait accaparer l'unidirectionnalité de l'information. Puis, il a fallu se doter d'une structure organisa-tionnelle qui verrait à la sauvegarde des intérêts de cette majorité de citoyens, qui commençait à trouver place dans ce secteur réservé des communications.

Il a fallu ensuite travailler à doter ces organismes d'une infrastructure technique adéquate, former des gens tant au niveau de la production que de l'animation et décupler des efforts pour entrouvrir les portes d'institutions locales qui pouvaient mettre des ressources à la disposition de ces organismes.

Les débuts de ces tentatives nouvelles peuvent être qualifiés de tâtonnement, mais les groupes en sont arrivés à dépasser maintenant l'expérimentation pour maîtriser un fonctionnement rationnel et efficace au niveau organisationnel. Les exigences se sont spécifiées. Des animateurs et des réalisateurs sont au service de ces groupes. Des dossiers de fonds tant nationaux que locaux ont pu être traités, des programmations régulières et de plus en plus diversifiées font l'objet de critiques pour tendre de plus en plus vers une qualité recherchée et une amélioration quantitative et qualitative des équipements techniques qui assurent un support nécessaire aux productions générées par les organismes.

Les télévisions communautaires sont des participants actifs dans les débats publics, politiques et sociaux qui concernent leur localité. Elles représentent l'opinion de nombreux citoyens qui ont enfin un moyen accessible pour exprimer leurs idées et faire entendre leurs revendications.

Par une structure démocratique de participation, les organismes communautaires de communication permettent à une large couche de la population de prendre part aux décisions qui les concernent. Chaque télévision communautaire locale est identifiée auprès des citoyens et ceux-ci la reconnaissent comme un outil de sensibilisation et de conscientisation sociale qui offre une alternative différente comme media d'information.

Les organismes communautaires de communication, en plus de leur travail interne, ont également accompli des tâches de relations publiques et de représentation auprès des différentes autorités relativement à l'élaboration, par le ministère des Communications du Québec, des programmes d'aide aux media communautaires et relativement à l'avant-projet de réglementation relatif aux entreprises publiques de câblodistribu-tion et au financement des organismes communautaires de communication du Québec en octobre 1977.

De plus, des cours de formation technique ont été créés par des gens impliqués dans ces organismes communautaires, afin de répondre à des besoins spécifiquement définis pour une clientèle et le personnel directement attaché aux productions des organismes.

Il va sans dire que l'expérience de ces organisations constitue une expertise incontestable en matière de communications communautaires et c'est à ce titre que nous nous présentons en commission parlementaire relativement aux lois no 4 et 5 concernant la programmation éducative et la nouvelle loi régissant Radio-Québec.

Concernant la loi no 4, la programmation éducative: Notre principale préoccupation porte sur les rôles dévolus aux différentes entreprises en communication. Nous sommes heureux de constater que les entreprises devront dorénavant se présenter annuellement devant la Régie des services publics pour approbation de la partie éducative des productions distribuées via le media qui leur convient. Où nous achoppons, et cela, depuis de nombreuses représentations, soit à titre individuel, local ou sectoriel, c'est sur le support et, plus globalement, sur la volonté gouvernementale d'assister non pas les efforts de production, mais plutôt les volontés de support à la diffusion de documents éducatifs. De plus, il est dit que la câblodistribution pourrait avoir droit à ce support de l'État pour une programmation éducative.

Vous n'êtes pas sans connaître la réalité de la situation financière des câblodistributeurs pour savoir les profits qu'ils obtiennent chaque année et le peu de ressources, tant financières, matérielles et humaines qu'ils mettent localement à la disposition des populations qu'ils desservent.

Nous avons connu, comme vous, l'époque où l'on admettait, reconnaissait et même favorisait le rôle social du câblodistributeur dans sa localité. L'expérience des dix dernières années nous démontre clairement le manque d'intérêt et le refus catégorique de cette câblodistribution à investir dans ce service à la collectivité. Il aura fallu connaître les déboires de plus de la moitié des

télévisions communautaires au Québec qui sont disparues, pour faire la preuve du manque de support et de simple collaboration locale et pour confirmer cette fin de non-recevoir de la câblodis-tribution.

Nous nous opposons donc sérieusement au fait que la câblodistribution bénéficie en cette loi d'un support quelconque de l'État pour daigner simplement inscrire dans sa programmation quelques documents éducatifs.

Un autre aspect fait l'objet de notre position, conséquemment à ce qui a été dit plus haut. La loi porte sur la programmation éducative. Il devient impératif, à notre avis, que l'État québécois se penche sérieusement — si ce n'est déjà fait et que la loi le confirme — sur le fait que de diffuser une programmation de quelque nature que ce soit entraîne des coûts minimaux contrairement à la production plus spécifiquement de type éducatif qui coûte une fortune. Est-ce par choix réfléchi que l'État affirme son refus, ou pour le moins sa contribution minime, par le biais du cinéma, entre autres, de soutenir adéquatement les entreprises de production éducative, mis à part Radio-Québec? (21 h 45)

II nous apparaît quelque peu invraisemblable que l'État, d'une part, fasse autant de place à la diffusion et la câblodistribution et si peu explicitement à la production originale québécoise et que, d'autre part, il mette en place une politique de développement des média communautaires.

Les caractères principaux de cette nouvelle politique qui doit être rendue publique sous peu sont que les média communautaires contribuent au développement de l'identité culturelle et de la culture québécoise, qu'ils développent une programmation qui favorise l'analyse publique des décisions qui concernent les enjeux collectifs et qu'ils amplifient les concertations et les échanges entre les agents de développement à l'intérieur des localités et des régions, etc.

Malheureusement, ce projet de politique est accompagné d'un programme d'aide dont voici les principales caractéristiques: des budgets absolument dérisoires en regard d'un fonctionnement minimal des média communautaires et de l'atteinte des objectifs proposés dans la politique, un refus d'affirmer sans ambages la nécessité de consolider les organismes qui existent déjà en sachant fort pertinemment que de ce fait on maintient les média communautaires dans un état de vivotement. On fait disparaître un à un les plus faibles, donc les plus jeunes, et on empêche les plus forts de se développer.

C'est donc à partir de ces considérations que nous demandons à l'État québécois d'inscrire dans la loi no 4 cette volonté explicite de soutenir la production originale québécoise éducative, d'inscrire également la possibilité pour les média communautaires de faire appel à l'État pour soutenir leurs efforts de production de documents éducatifs et enfin de retirer radicalement à l'industrie de câblodistribution quelques droits dans le cadre de cette loi, puisque le ROCC a toujours refusé que soit reconnu le rôle de producteur au câ-blodistributeur.

Concernant la loi no 5 de Radio-Québec, loi modifiant la structure de Radio-Québec, nous voudrions retenir deux principes fondamentaux: d'abord, une véritable régionalisation de Radio-Québec et, d'autre part, une expérimentation progressive de cette opération. Même si la loi modifie substantiellement la structure de Radio-Québec en incluant les comités régionaux et une représentation régionale au sein du conseil d'administration national, il n'en demeure pas moins que le processus de régionalisation comporte des failles certaines, à savoir qu'il répète des formules de participation connues qui, jusqu'à maintenant, ont donné des résultats plus que médiocres en termes de participation populaire, soit en amenant une élite régionale à exercer véritablement le pouvoir ou en laissant au conseil d'administration des pouvoirs suffisamment ténus pour qu'ils deviennent insignifiants dans l'ensemble du processus de gestion ou, même, en chassant des conseils d'administration des citoyens ou des représentants de groupes de citoyens et que ce même processus n'est aucunement orienté par des objectifs clairement définis.

Faire une expérimentation en des milieux restreints et différents de formules de complémentarité des ressources mises en disponibilité dont on pourrait tirer par la suite des formules plus générales et applicables à l'ensemble des régions du Québec.

Nous croyons donc fermement que ces recommandations devraient être acceptées d'emblée par le gouvernement du Québec, parce qu'elles relèvent, à notre humble avis, d'une démarche cohérente. Dans l'éventualité d'une non-considération de sa part, le gouvernement devra envisager de trouver réponses aux questions qui suivent:

Comment le gouvernement entend-il, à travers ses lois, en venir à distinguer les notions de producteur et de diffuseur?

Comment le gouvernement entend-il reconnaître la valeur et assurer la viabilité des media communautaires?

Quel statut le gouvernement entend-il donner aux câblodistributeurs, particulièrement en ce qui a trait à ce qu'il est convenu d'appeler les "nouveaux services"?

Comment le gouvernement du Québec entend-il éviter les erreurs passées en termes de participation régionale plus ou moins effective?

Comment le gouvernement entend-il éviter la disparition des organismes communautaires de communications que se sont donnés des citoyens d'une localité, compte tenu des expériences passées dans d'autres secteurs?

Comment le gouvernement du Québec entend-il éviter également les erreurs du passé lors d'une implantation complète d'un réseau de télévision et de radio éducatives alors que telle implantation de ces systèmes s'est avérée particulièrement difficile, voire néfaste dans des domaines comme l'éducation et les affaires sociales?

Et, enfin, comment le gouvernement du Québec entend-il, par cette régionalisation de Radio-Québec, assurer l'explosion de l'identité québécoi-

se et favoriser l'expression de cette culture québécoise tant chérie?

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure et avant même que débutent les questions, je demanderais le consentement pour qu'on puisse dépasser l'heure limite de 22 heures, en considérant qu'on révisera nos positions en cours de route?

M. Rivest: Est-ce que je comprends que c'est le dernier groupe?

Le Président (M. Jolivet): C'est le dernier groupe.

M. Rivest: Est-ce que vous êtes de la région de Québec ou de Montréal?

Mme Rheault: Pardon?

M. Rivest: Est-ce que vous êtes de la région de Québec ou de Montréal?

M. Lafleur: Nous travaillons chacun dans des régions différentes.

Mme Rheault: Je suis de Sherbrooke, Gérald est permanent, il a donc son bureau à Québec, et Linda vient de Lévis.

M. Lafleur: Nous représentons en fait un groupement national qui a...

M. Rivest: Je sais, mais, normalement, on doit terminer à dix heures et...

Mme Rheault: II n'y a pas de problème pour nous.

M. Rivest: Pour revenir, vous n'avez pas de problème.

Mme Rheault: Pour revenir en commission, on aimerait mieux que ça se termine ce soir.

M. Rivest: Bon, c'est ça que je voulais vous entendre dire, et le député de Taschereau également, j'en ai l'impression.

Le Président (M. Jolivet): Ce que je vous pose comme question c'est: Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on dépasse l'heure limite? Il y a consentement, d'après ce que je peux voir?

M. Le Moignan: Jusqu'à dix heures et demie.

Le Président (M. Jolivet): Donc, on peut donner comme heure limite dix heures trente comme maximum. M. le ministre.

M. O'Neill: M. le Président, mes questions porteront sur les points qui touchent plus directement les lois 4 et 5. Il y a certaines remarques qui concernent plus directement le programme d'aide aux media communautaires qui n'est pas encore rendu public, et, de toute façon, sur lequel je retiendrais certaines remarques. J'aurais même des commentaires à faire là-dessus, mais je m'en priverai, si vous voulez.

Le seul que je ferai, c'est qu'à la page 6, quand vous parlez de la question de la consolidation, je vous signale simplement qu'une formule que nous essayons de trouver, c'est une formule de consolidation, mais pas une formule qui favoriserait nécessairement les régions déjà les mieux équipées par rapport à d'autres. À un moment donné, en prenant simplement le critère de consolidation, on risque de donner aux plus favorisés et d'enlever définitivement aux plus pauvres.

Mais je reviens maintenant à ce qui touche directement les deux projets de loi. Je pose la question suivante. Disons le cas d'un câblodistributeur qui serait prêt à couvrir une région qui n'est pas rejointe par Radio-Québec et qui diffuserait des émissions éducatives de Radio-Québec. Cette diffusion entraînerait un certain nombre de frais techniques, parce qu'il n'a pas l'équipement complet qu'il faut, etc. Est-ce que vous trouveriez acceptable l'idée que, pour cette part qu'il remplit, il puisse avoir une subvention? Vous vous en prenez à la subvention à la diffusion, c'est celle qui est inscrite dans la loi. Quant à la subvention à la production, je vous signale qu'elle s'exerce déjà. Celle que vous recevez à titre d'organe de diffusion communautaire est une subvention à la production.

Le problème porte sur la partie qui n'est pas couverte, la subvention à la diffusion. Je vous donne cet exemple de câblodistributeur qui serait prêt à donner un coup de main dans une région pour rejoindre des gens que ne rejoint pas actuellement Radio-Québec. Est-ce que vous vous opposeriez, à ce moment-là, à toute aide à ce câblodistributeur?

Remarquez qu'il s'agirait, de toute façon, d'une aide assez minime.

M. Lafleur: Pas nécessairement, il s'agit de savoir de quoi on parle. Je pense que le câblodistributeur, en soi, a un rôle, essentiellement, selon notre optique, de transporteur public. À ce titre, il doit, le plus possible, dans l'optique également du gouvernement du Québec, assumer le transport dans une majorité de régions. On le désigne précisément comme transporteur public dans la mesure où, faisant des profits dans une région qui est assez rentable comme Montréal ou Québec, on lui dit: À partir de là, étendez votre réseau dans des zones qui sont moins rentables, de sorte qu'on arrive, à un moment donné, à couvrir l'ensemble du territoire québécois.

Si on s'en tient à ce principe, on en reste au phénomène de transport public. Je pense qu'il faut se maintenir à ce niveau pour comprendre votre question. Maintenant, si vous me dites qu'un transporteur québécois, appelé câblodistributeur, veut transporter des programmes éducatifs dans des régions très éloignées, à ce moment-là, je distingue deux choses: Est-ce qu'il veut installer un câble dans ces régions ou s'il veut faire de la pro-

grammation éducative? C'est très différent. S'il veut établir un système de câblodistribution dans des régions très éloignées, très bien, c'est son rôle, personne ne l'en empêche. S'il veut faire de la programmation éducative, c'est complètement autre chose et, à ce moment-là, on lui dit: Non, ce n'est pas le rôle d'un transporteur public de faire tel type d'entreprise.

M. O'Neill: Je vais poser ma question autrement. Il existe à un endroit, votre câblodistribu-teur; on veut avoir, dans une région, en différé, des émissions qui ont déjà été produites par Radio-Québec. Il peut rendre ce service. Est-ce que cela vous paraît absolument inacceptable qu'à ce moment-là, il puisse avoir quelque appui? Parce qu'au fond, il rend service. C'est simplement ça, ma question. Est-ce que cela paraît, en principe, d'après vous, absolument inacceptable?

Mme Rheault: On peut s'en tenir au principe et on peut vite s'entendre aussi. Mais en pratique, la câblodistribution est une entreprise très rentable et pour nous, dans ce cas-là, il s'agit d'un transporteur public et, au même titre que les autres, il n'y a pas droit.

M. O'Neill: Alors, s'il décide qu'il ne transmet pas, à ce moment-là?

Mme Rheault: Ce sont de ses affaires. Vous pouvez...

M. O'Neill: La population s'en passera. Le principe sera sauf, mais les gens n'auront pas le programme.

Mme Rheault: C'est rentable pour lui de l'installer, M. O'Neill, il a des abonnés en plus. Ce sont toujours les règles du jeu qui se passent quand on parle de la câblodistribution.

M. O'Neill: Sans vouloir défendre les câblodistributeurs, je voudrais quand même être juste et ne pas les mettre tous au même niveau. Vous en avez aussi de petites entreprises de câblodistribution, et vous en avez des plus considérables. Tout le monde n'a pas la dimension de Câblevi-sion national.

Mme Rheault: C'est vrai.

M. O'Neill: C'est cela. Vous voyez, concrètement, si on pousse un principe jusqu'au bout, dans un cas comme celui-là, la réponse serait non.

Mme Rheault: Si la porte est ouverte pour le Nord-Ouest québécois, le national va entrer aussi.

M. O'Neill: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

Mme Rheault: Si la porte est ouverte, dans le projet de loi, pour un financement en regard de la programmation éducative, le national va trouver une faille quelque part pour entrer.

M. O'Neill: Cela suppose une réglementation. Ce n'est pas tiré en l'air au hasard. Vous vous imaginez bien, vous qui déjà, constatez... Vous parlez d'un budget que vous appelez dérisoire — c'est quand même $1 million — pour le fonctionnement des media communautaires, cela suppose évidemment qu'il ne s'agira pas. au départ du moins, de budget pléthorique. C'est évident.

Il s'agit simplement de prévoir les cas... Je vais vous en donner un autre. Le cas où vous avez les postes privés de radio qui, à un moment donné, pourraient être appelés à contribuer à la diffusion d'une programmation éducative — c'est exactement la même question — ce qui aurait pour effet de mieux servir la population et en même temps d'accroître la qualité de ce qui est diffusé par ces postes de radio. C'est simplement cela.

De dire qu'une loi permet une chose, ne veut pas dire qu'on s'en va tous azimuts ou que, sous prétexte que c'est dans la loi, il va falloir nécessairement l'appliquer telle quelle, immédiatement. C'est tout à fait différent. Il s'agit de savoir si on se donne le pouvoir de le faire. Se donner le pouvoir de faire une chose n'entraîne pas le fait que, peu importent les raisons, peu importent les conditions, on décide tout à coup de la mettre en application. C'est surtout de la mettre en ordre. C'est pour cela que je vous demandais si vous poussez le principe jusque-là, de façon absolue, si on se tient la porte entièrement fermée, parce que c'est simplement une porte ouverte que vous avez ici, dans le projet de loi. Ce n'est pas plus que cela.

Il est sûr qu'actuellement, pour ce qui est de l'intérêt premier du ministère, du côté de l'aide, elle va du côté de la production, elle va du côté du travail des media communautaires, même si, comme vous le signalez, ce n'est pas aussi vaste que ce que l'on veut, que ce que l'on souhaiterait, tout le monde.

Je vais maintenant poser une question. Je reviendrai plus tard, pour donner la parole à d'autres, et pour ne pas prendre trop de temps. Sur le projet de loi 5, je vous avoue que j'ai une certaine difficulté à saisir le contenu des remarques qu'il y a à la page 8, entre autres... Je laisse passer les questions de la fin. Lorsque vous dites: "que ce même processus n'est aucunement orienté par des objectifs clairement définis vers une expérimentation des milieux restreints et différents, de former des complémentarités des ressources mises en disponibilité dont on pourrait tirer, par la suite, des formules plus générales et applicables à l'ensemble des régions du Québec", pourriez-vous m'illustrer ce paragraphe par un exemple, une description plus concrète? Page huit, dernier paragraphe. (22 heures)

M. Lafleur: Au fond, je vous répondrai plus globalement en reprenant peut-être les deux premiers paragraphes, peut-être en prenant le deuxième comme premier élément de discussion. Ce qu'on veut signifier fondamentalement c'est qu'il a existé au Québec un certain nombre d'expériences qui ont commencé dans les années soixante dans le domaine de l'éducation, par exemple, dans les années soixante-dix dans le domaine des affai-

res sociales, où on a voulu d'emblée établir un certain nombre de réseaux. Dans un cas, c'était le réseau éducationnel, dans l'autre, le réseau des affaires sociales. Au lieu de procéder par une certaine forme de sagesse qui allait dans le sens de l'expérimentation, on a voulu d'emblée créer un certain nombre d'institutions tout à coup qui sont nées quasi d'une génération spontanée et qu'on a vu apparaître de-ci de-là rapidement au Québec. Je prends pour exemple les CLSC, dès les années soixante-dix, à la suite du rapport Castonguay-Nepveu.

Beaucoup de spécialistes et de gens avertis en matière de santé on dit: Comment se fait-il que le gouvernement du Québec dans les années soixante-dix n'a pas procédé dans le domaine des CLSC à des expériences? Comment se fait-il que tout à coup, en cinq, ou six ans, ou sept ans, on en arrive à créer 80 CLSC sans jamais avoir tiré des leçons de ces expériences à court ou moyen termes?

Ce que nous disons fondamentalement, c'est la même chose pour Radio-Québec. Est-ce que nous allons reproduire ces erreurs-là? Est-ce que nous allons reproduire les erreurs des polyvalentes? Est-ce que nous allons reproduire les erreurs des cégeps? Est-ce que nous allons reproduire les erreurs des CLSC? Est-ce que nous allons continuer constamment d'établir des réseaux qui, implantés du jour au lendemain, vont devenir tout à coup des éléphants blancs dont on ne saura plus quoi faire et dont on devra se retirer tant bien que mal sans avoir l'air de le faire véritablement?

Le sens du paragraphe 2, c'est un peu cela. C'est Radio-Québec régional, très bien, mais est-ce qu'on n'a pas suffisamment de difficultés actuellement à gérer, à "gestionner" de façon, je dirais, correcte — pour employer un euphémisme — Radio-Québec à Montréal et à Québec? Est-ce qu'on n'a pas suffisamment de problèmes de programmation, de participation des citoyens, pour au moins se poser la question et se dire: Quels vont être véritablement les étapes d'implantation et comment va-t-on véritablement les évaluer ces étapes? Le danger que nous voyons, ce n'est pas un danger qui s'impose à nous de façon imminente, évidemment, mais le danger que nous voyons, c'est que, peu à peu s'installe un réseau dont finalement on évalue plus ou moins le fonctionnement et qui tout à coup devient, comme pour les polyvalentes, comme pour les cégeps, comme pour les CLSC, des réseaux dont on ne sait plus quoi faire, dont on a énormément de difficulté à gérer le fonctionnement.

Ce que nous disons, c'est: Y a-t-il des mécanismes actuels d'évaluation pour le fonctionnement de Radio-Québec à Montréal et à Québec, mais principalement à Montréal, puisque c'est là que la production a lieu principalement? Y a-t-il mécanismes d'évaluation tels qu'actuellement, on puisse dire: Oui, cette expérience est tellement positive que nous allons en faire une expérience à régionaliser, ou inversement: Est-ce que l'expérience régionale est garante, de telle façon qu'elle va éviter tous les maux qui sont dévolus actuel- lement à Radio-Québec à Montréal? C'est ce danger qu'on a voulu illustrer par le paragraphe 2.

M. O'Neill: J'ai un peu de difficulté à vous suivre surtout quand vous me dites qu'on ne sait pas quoi faire des cégeps, des polyvalentes et des CLSC. Enfin, on n'entrera pas dans ce débat. Remarquez qu'on pourrait faire la preuve que, dans tel ou tel cas, cela n'a pas été un succès, mais de là à dire qu'on ne sait pas quoi faire ou que cela a mal tourné, c'est une autre question. Iriez-vous jusqu'à dire que vous préféreriez, à l'étape où nous sommes rendus, qu'on retarde la régionalisation de Radio-Québec afin de faire cette vérification dont vous parlez? Iriez-vous jusque là?

M. Lafleur: Non, je n'irais pas jusque là. J'irais jusqu'à une démarche que j'appellerais prudente, c'est-à-dire d'installer Radio-Québec dans des régions, une ou deux, une démarche qu'on qualifie, à ma gauche — c'est paradoxal que ce soit à ma gauche, d'ailleurs — d'étapiste, c'est-à-dire...

Une voix: Une prudence de droite ou une prudence de gauche?

M. Lafleur: M. O'Neill, c'est-à-dire que, selon notre optique, il serait convenable et peut-être intéressant d'établir la régionalisation de Radio-Québec dans une ou deux régions — je termine — et non pas de dire: Très bien, dans une région ou deux, on va établir Radio-Québec; dans trois ans, ce sera telle autre, dans quatre ans, ce sera telle autre, etc., et de faire un plan à très long terme. Ce n'est pas cela. Établissons Radio-Québec dans une ou deux régions et donnons-nous des critères d'évaluation de ce phénomène de régionalisation, de telle sorte que, dans deux ou trois ans, on puisse véritablement évaluer l'expérience et l'évaluer aussi en fonction des critères qui sont: Comment le milieu a-t-il participé à la régionalisation? Vous me parliez du succès plus ou moins véritable ou plus ou moins réel des polyvalentes, des cégeps, etc., mais je reprends seulement le thème de la participation...

M. O'Neill: J'ai dit que peut-être on pourrait dire... Un instant!

M. Lafleur: Je reprends simplement le thème de la participation. Je ne sais pas si vous avez déjà assisté à ce qu'on appelle la participation aux conseils d'administration des hôpitaux, des CLSC, des polyvalentes, des comités d'école, etc. Dans les hôpitaux, par exemple, il y a 100, 150 ou 200 personnes. Est-ce qu'on a déjà évalué la participation véritable à l'intérieur de ce type d'institution? Je crois qu'elle est nulle. Est-ce qu'on ne pourrait pas se donner des mécanismes d'évaluation?

M. O'Neill: Est-ce qu'il aurait fallu retarder l'implantation des hôpitaux tant qu'on n'aurait pas été assuré que cette dite participation n'eût été un succès?

Mme Lavoie-Roux: Cela a été implanté et la participation est venue ensuite.

M. O'Neill: Bon! Alors...

M. Lafleur: Exactement, madame l'a dit. Les hôpitaux étant implantés, on a voulu y accoler un processus de participation. C'est très différent. Maintenant, on suit le processus inverse. Radio-Québec existe et maintenant, on veut régionaliser. Si on veut régionaliser, il faut absolument se donner des conditions ou plutôt des mécanismes d'évaluation de cette participation, de telle sorte qu'on puisse dire, au bout de deux ou trois ans, dans telle ou telle région, Bas-du-Fleuve, Abitibi: Oui, cela a fonctionné avec les ressources du milieu, mais il y a eu telle faille et comment est-ce qu'on va réévaluer? Ensuite, on enclenchera un deuxième processus de régionalisation qui ira plus loin. Cela nous semble une démarche relativement plus prudente que de dire: Oui, c'est un instrument intéressant et on va régionaliser à tout vent parce que le processus, en soi, est excellent.

M. O'Neill: Écoutez, j'ajoute simplement ceci là-dessus. Il va de soi que nous supposons que la direction de Radio-Quebec verra à une implantation prudente et progressive, mais je pense que, jusqu'ici, vous êtes les seuls à nous dire qu'il y a un danger que ça se fasse, au fond, trop vite, parce que l'inquiétude est inverse. Il y a des gens qui disent: On a hâte de voir si ça va être vrai, et ça ne se fera pas à la course, c'est sûr. Mais, enfin, que ça se fasse, comme vous dites, de façon progressive, de façon prudente, je suis tout à fait d'accord là-dessus.

Maintenant, si j'ai bien compris, c'est le problème de votre critère de participation. De quelle façon...

M. Lafleur: Cela me semble être la base de la régionalisation, M. O'Neill.

M. O'Neill: Oui, mais de quelle façon cela va-t-il se réaliser? Moi, je pense qu'il va falloir que Radio-Québec fasse des vérifications étape par étape, mais je ne peux pas vous dire d'avance que ce sera nécessairement aussi parfaitement réussi que vous le souhaiteriez. Je me permets aussi d'ajouter qu'on peut donner à ce mot "participation" quand même des significations qui peuvent être assez variées. Il y a du plus ou du moins, selon les opinions...

M. Lafleur: Oui, mais si...

M. O'Neill: ... quand on utilise un mot comme celui-là.

M. Lafleur: D'accord. Mais s'il y a du plus et du moins et qu'on parle de participation, il faudra donc convenir qu'à un moment donné de l'expérience, on devra en faire une évaluation et ce qu'on dit finalement, c'est: Quels sont les mécanismes actuels que le gouvernement se donne pour arriver après quelques années d'expérimentation, comme on le disait auparavant, dans une ou deux régions, qui vont permettre d'évaluer... Si on ne sait même pas à partir de quoi évaluer, parce que la participation est tellement floue qu'on n'arrive pas à la définir, à ce moment, on n'a qu'à le dire. Mais si la participation est quelque chose de précis, on devra trouver des mécanismes pour l'évaluer.

M. O'Neill: Radio-Québec peut avoir une idée très précise de ce qu'est la participation, mais cette idée très précise peut ne pas correspondre à l'idée très précise que vous avez. Cela peut arriver.

M. Lafleur: Mais c'est fausser le problème, à mon humble avis.

M. O'Neill: Je vous dis ça, ça peut...

M. Lafleur: C'est fausser le problème dans le sens qu'on dit si Radio-Québec est régional, est-ce que c'est Radio-Québec qui existe dans une région ou est-ce que c'est la région qui fait Radio-Québec? Tout est là. Si vous voulez que Radio-Québec existe dans une région comme une entité propre, et qu'il est parachuté par le national, c'est très bien. Mais si vous me dites: Radio-Québec doit être le reflet de sa région, à ce moment, le problème ne se pose plus, puisque Radio-Québec — il ne s'agit pas de se demander si c'est Radio-Québec qui a une vision de la participation ou si c'est la région — c'est régional, donc la région qui fait Radio-Québec.

M. O'Neill: Si vous lisez le projet de loi sur la partie des comités régionaux... Vous avez peut-être lu ce qui a été rendu public au moment de la décision du Conseil des ministres et de la régionalisation. Je ne sais pas si vous avez entendu ce qu'a dit ici le président directeur général de Radio-Québec. Ce qui est projeté actuellement, c'est quelque chose qui est très loin d'un parachutage.

D'ailleurs, je ne vous oblige pas de partager cette opinion, mais c'est vraiment de cette façon que beaucoup de gens qui sont ici ont réagi devant le projet. Ils ont dit, à plusieurs reprises, qu'il s'agit d'un effort réel et sérieux de régionalisation. C'est simplement ça.

M. Lafleur: Mais, M. O'Neill, je n'ai jamais affirmé ça. Je n'ai jamais affirmé qu'il s'agissait d'un parachutage. Je dis simplement que si l'intention gouvernementale est de faire de Radio-Québec un instrument véritable à l'intérieur d'une région, il faudra se poser la question: Quels sont les critères d'évaluation qui vont faire qu'au bout d'un an, deux ans ou trois ans, on peut vérifier que Radio-Québec est le reflet de cette région. Une fois que ces critères vont avoir été mis de l'avant, à ce moment, on pourra dire: Oui, agrandissons notre réseau, parce qu'on a atteint les objectifs poursuivis. C'est simplement ce que je veux vous dire.

M. O'Neill: Est-ce que je vous interprète bien en disant que finalement vous êtes d'accord avec

l'idée de régionalisation telle qu'affirmée dans le projet de loi, mais que vous nous mettez en garde sur la façon dont ça pourrait être réalisé; c'est bien ça?

M. Lafleur: Absolument, mais plus que ça. On vous dit: Est-ce qu'il serait possible d'établir des critères précis d'évaluation de la participation et du fait que Radio-Québec appartient véritablement à la région?

M. O'Neill: 30 secondes pour une dernière question très rapide. Vous avez insisté beaucoup sur les budgets dérisoires qui sont accordés à des groupes comme les vôtres. Quel est, à votre avis, le pourcentage que peut se permettre, par rapport à un budget global de media communautaires, le pourcentage de subventions que l'État peut se permettre sans donner l'impression de porter atteinte à la liberté de ce media?

M. Lafleur: Porter atteinte à la liberté...

M. O'Neill: Oui. Croyez-vous qu'il doit y avoir un plafond quelque part qui fait que ce media, pour bien manifester son autonomie, doit aussi puiser à d'autres sources qu'une source de subventions gouvernementales? Jusqu'où iriez-vous dans ce domaine-là? Vous vous plaignez beaucoup, vous dites que ce sont des budgets dérisoires, mais je voudrais savoir jusqu'où vous iriez.

Mme Rheault: Pour le regroupement, nous sommes quatorze groupes. Il faut dire qu'il y a 75 demandes qui sont parvenues au ministère pour les $550 000 l'année dernière. Cette année on nous dit $1 million à peu près, et il y aura sûrement autant de groupes qui achemineront des demandes. Le plafond à l'automne 1977... Le ROCC a mené une enquête pour connaître les besoins effectifs des groupes des media communautaires et particulièrement des télévisions communautaires et pour cerner la réalité des media communautaires. On évaluait à 90% la contribution de l'État, sans porter atteinte à l'autonomie. Je pense que vous l'avez souligné aux personnes qui nous ont précédés, qu'il n'y a pas vraiment d'insertion qui oriente au niveau des objectifs ou de la vocation spécifique des media communautaires. On l'apprécie. Il faut dire que nous avons toujours préconisé un financement direct de la part de la câbiodistribution locale où on mentionnait 10% alloué pour leur production locale, que ce soit donné directement aux media communautaires ou partagé entre les efforts du câblodistributeur et le media communautaire.

On se rend compte dans plusieurs localités, combien l'argent ne sert pas à la production locale, d'une part, et, d'autre part, combien même il y a des réductions importantes. Les équipements, en ce qui concerne Sherbrooke, sont finis, inutilisables pour permettre la simple diffusion de documents. On s'en sert de toute façon parce qu'on n'a pas d'autres moyens et c'est vraiment au gré de la câbiodistribution. (22 h 15)

Donc, quand on affirme que l'État devrait financer, même jusqu'à 90% du budget annuel d'un media communautaire comme une télévision communautaire, c'est compte tenu que, dans un avenir court, moyen ou long, la juridiction sur la câbiodistribution va être obtenue pour le Québec et qu'il y aura une réglementation ou un mécanisme qui prévoira ces 10% rétribués aux media communautaires locaux.

C'est dans cette optique. Je fais le lien avec la politique, le projet de politique de développement des media communautaires où on a endossé globalement, parce qu'on le fait déjà, les grands principes directeurs de cette politique, d'être des agents de concertation régionaux, de favoriser l'expression et la participation des citoyens aux décisions concernant les enjeux collectifs, de favoriser l'expression de la culture québécoise et de l'identité québécoise, on endosse ça, on le fait déjà, et même de contribuer à la formation des citoyens pour leur permettre de participer davantage à leurs moyens de communication locaux.

On le fait déjà, mais avec des moyens du bord, comme on dit. Quand on appelle ça dérisoire, c'est un budget, un financement de $50 000 par rapport à un budget annuel qui nous semblerait normal, minimal, juste pour maintenir un organisme pour Sherbrooke, un budget annuel de $150 000 qui est une base. Or, on a un financement de $50 000. Ce sont les moyens réels du programme d'aide. Peut-être que ça montera parce qu'il y a eu des augmentations de budget. Mais quand on regarde ce qui est accordé à Radio-Québec, je comprends que c'est un réseau d'État. Quand je pense aussi qu'on vit au-dessus de nos moyens, je sais ça aussi. Mais j'estime qu'à un moment donné, il y a des ajustements, il y a des indexations, il y a des montants qui ne sont pas versés, qui devraient simplement traduire la reconnaissance officielle de l'existence de ce secteur, qu'on appelle le troisième secteur des communications.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Merci, M. le Président...

M. Bisaillon: C'est une question du ministre, il se préparait à la poser.

M. Rivest: Le ministre est capable de poser ses propres questions.

M. Bisaillon: M. le Président, question de règlement. Et-ce qu'il n'y a pas possibilité pour un député de demander à celui qui parle, qui interroge, la possibilité de poser une question? Le ministre a posé une question, il se préparait à poser une question additionnelle. Je veux juste lui demander s'il voulait me laisser son tour, pour poser cette question additionnelle.

M. Rivest: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon, vous avez la parole.

M. Bisaillon: Vous avez peur.

M. Rivest: Je pense que c'est faire injure au ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon, vous avez la parole pour poser la question. Quant à l'autre, ce n'est même pas une question.

M. Rivest: Est-ce que vous croyez que c'est faire injure au ministre? C'est une question, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): C'est une question d'opinion à laquelle nous ne sommes pas obligés de répondre.

M. Rivest: Je ne veux pas être désagréable envers mon collègue. Je pense que je vais vous donner la permission de poser votre question.

M. Bisaillon: Pardon?

M. Rivest: Je vais vous donner la permission de poser votre question.

M. Bisaillon: Je ne voudrais pas vous faire injure. Je vous remercie.

M. Rivest: Bienvenue.

M. Bisaillon: La seule précision que je voudrais vous entendre dire, c'est que, dans la question du ministre, c'était de savoir si vous ne vous sentiriez pas un peu moins d'autonomie dans vos réalisations, si l'État finançait, avec un pourcentage plus élevé. C'est dans ce sens-là que j'avais compris à quel plafond...

Dans votre réponse, vous avez mentionné un budget de $50 000 alors que l'analyse des besoins financiers que vous pouvez déterminer serait de l'ordre de $150 000. Dans cette différence de $100 000 entre le montant dont vous disposez et le montant que vous jugeriez nécessaire pour faire l'ensemble de vos activités, vous avez donné une possibilité de revenu, c'est-à-dire...

Mme Lavoie-Roux: C'est long, votre question.

M. Rivest: Fournissez la réponse en même temps.

M. Bisaillon: J'ai écouté le député de Jean-Talon et le député de L'Acadie et j'ai appris à poser des questions qui donnaient en même temps la réponse. Je continue dans le même sens.

M. Rivest: Qui s'instruit s'enrichit.

M. Bisaillon: II y a une différence de $100 000. Vous avez donné une possibilité d'utilisation, de façon d'aller chercher cet argent, en utilisant les 10% que les câblodistributeurs devraient normalement utiliser à de la production locale. Est-ce que, pour vous, il y a d'autres possibilités d'aller chercher des fonds? Et ces autres possibilités sont-elles dans le cadre actuel du fonctionnement des télévisions communautaires? Est-ce que ces autres moyens sont possibles? Et si ces autres moyens n'étaient pas possibles, est-ce que le fait que l'État comble la différence ne vous lierait pas davantage les mains que vous les avez actuellement?

Mme Rheault: Nous avons des structures de participation qui s'appellent des assemblées générales.

Une voix: C'est cela, je n'étais pas au courant.

Mme Rheault: Elles sont décisionnelles quant aux budgets acceptés chaque année, quant aux programmes d'activités. Il faut se mettre cela dans la tête en partant. L'ingérence gouvernementale peut toujours devenir possible, mais il y aurait des débats longs et pénibles de part et d'autre.

M. Bisaillon: Est-ce que je pourrais vous indiquer qu'il y a des précédents? Est-ce que je pourrais vous indiquer, par exemple, qu'il y a des groupes qui étaient totalement financés par l'État? Prenons par exemple les ACEF, on a contrôlé ou tenté de contrôler ces organisations en coupant leurs subventions. Est-ce que ce n'est pas un moyen, à un moment donné, de faire prendre des orientations à un organisme sans nécessairement les imposer?

M. Lafleur: Évidemment, mais oui, sauf qu'il y a deux types de gouvernement et il s'agit de savoir de quel type vous êtes. Il y a un type de gouvernement qui dit: Nous allons donner des subventions à ceux qui obéissent aux principes qui correspondent à nos visions...

Mme Lavoie-Roux: Le gouvernement actuel.

M. Lafleur: Je n'ai rien dit de tel, je n'ai rien contredit de tel non plus, mais enfin, il y a un type de gouvernement qui pourrait dire — pour éviter ce type d'intervention — Voici, nous allons donner les subventions à tel type d'organisme, un organisme qui a, par exemple, une assemblée générale où les gens décident entre eux de défendre tel type d'intérêt, par exemple, pas nécessairement des intérêts partisans, évidemment, mais la défense des consommateurs, comme vous le souligniez, la défense de moyens de communication qui appartiennent aux citoyens, etc. Nous allons donner à ces regroupements des montants dans la mesure où ils vont correspondre à des principes que nous allons leur imposer. Cela, c'est un type de gouvernement.

L'autre type de gouvernement, c'est de dire: Nous faisons confiance, fondamentalement, aux citoyens dans la défense d'intérêts. Évidemment, il

ne s'agit pas de financer des partis politiques, il ne s'agit pas de financer sa propre destruction, il s'agit de financer des mécanismes de participation à l'intérieur de domaines tels que la consommation, les télévisions communautaires ou les media communautaires en général, l'éducation populaire, etc., et nous allons faire suffisamment confiance aux citoyens pour leur dire que leur assemblée générale va décider de l'utilisation effective des fonds qui seront attribués.

Cela dépend. Est-ce qu'on fait partie d'un gouvernement qui veut contrôler les montants qu'il donne par rapport à des décisions d'une assemblée générale de citoyens qui, normalement, doivent savoir, compte tenu d'objectifs généraux évidemment, quoi en faire, ou est-ce qu'on va tellement contrôler une situation qu'on va en arriver à donner des fonds uniquement à ceux qui vont travailler dans un sens partisan ou non, mais quasi dans le sens explicite de nos intérêts? Jusqu'à maintenant, il ne semble pas évident...

Mme Rheault: Qu'il y a une volonté dans ce sens-là.

M. Lafleur: ... qu'on ait des programmes pour les media communautaires qui veulent véritablement orienter les media communautaires dans des voies très précises, dans le sens — on le dit — d'amener les enjeux collectifs sur la place publique, de développer des problématiques au niveau des acteurs dans une société donnée, comment ils interviennent les uns les autres. Faites-les parler l'un après l'autre, l'un avec l'autre, etc., et, essayez de montrer à la population quels sont véritablement ces enjeux collectifs. À ce moment, cela ne semble pas de l'intervention, de l'interventionnisme, mais l'assemblée générale demeure quand même souveraine en disant: C'est tel domaine qui nous intéresse, c'est tel autre, etc. Cela nous semblait sain comme processus démocratique.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon. Oui?

Mme Roy: Je voudrais seulement ajouter quelque chose à une autre partie de la question, qui était la différence entre les $50 000 et les $150 000. C'est bien sûr qu'on n'atteint pas les $150 000. Dans le cas du centre vidéo populaire sur la rive sud à Lévis, on a peut-être des besoins de $100 000. Quand on évalue cela, on se dit: On va aller chercher le plus de places possible où il existe des subventions. Bien sûr qu'on va aux programmes d'aide, c'est notre plus grosse source de subventions pour l'année. Ensuite, on va voir à l'éducation populaire, l'éducation des adultes. Ensuite, on va voir au fédéral, on va voir au Conseil des arts, on va voir où on peut avoir la possibilité de survivre pendant l'année. On a des projets. C'était d'ailleurs inscrit dans le projet de politique de faire des media communautaires un troisième secteur des communications. C'est possible quand on a l'argent pour le faire et quand un CA, des membres bénévoles et des permanents ne passent pas leur temps et ne dépensent pas leurs énergies à courir des subventions. Pendant ce temps, il n'y a pas de production qui se fait. Il y a un développement qui doit se faire aussi. On n'a pas le temps ni l'énergie pour aller aussi loin qu'on le voudrait et atteindre les objectifs qu'on voudrait atteindre, parce qu'on perd notre temps à demander des subventions. Je pense que c'est une étape qu'il faudrait... C'est quelque chose qu'il faudrait arrêter de faire pour se pencher vraiment sur le travail qu'on a à faire pour notre communauté.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Le ministre a passé, pour des raisons évidentes, assez rapidement sur les éléments que vous portez à notre connaissance, les éléments du programme de développement des media communautaires. Est-ce que vous avez été consultés comme tel dans l'élaboration de ce programme? Oui?

Mme Rheault: Oui.

M. Lafleur: On peut dire qu'il y a deux types de réponses. Vous nous demandez: Est-ce que vous avez été consultés? Nous ne saurions répondre que oui.

M. Rivest: L'autre type, c'est: Est-ce que vous êtes d'accord sur les orientations présentes du ministère?

M. Lafleur: Les orientations doivent venir sous peu à l'intérieur d'une politique générale de développement des media communautaires et d'un programme d'aide au développement des media communautaires, les deux documents n'étant pas, que je sache, encore parus. Par ailleurs, cette consultation, un peu comme la consultation de ce soir, nous semble un peu, je dirais, difficile pour des groupes...

M. Rivest: Dirigée.

M. Lafleur: ... communautaires, au sens où nous sommes très heureux d'être consultés et nous en remercions le gouvernement. Je pense que c'est un effort de démocratie qui est essentiel. Par ailleurs, on l'a déjà souligné pour le programme d'aide et la politique, il nous semble que les délais dans lesquels on semble, à certains moments, nous enfermer, nous font penser, nous font croire que le gouvernement considère que nous avons l'organisation sous-jacente qui nous permet de produire en quelques jours ou en quelques semaines des documents de fond qui peuvent facilement être produits par des fonctionnaires, par exemple, la politique de développement des media communautaires qu'on n'a pas pris de temps à mettre sur pied. Cela a pris six ou sept mois.

Par ailleurs, nous, on nous demande en deux semaines de venir produire un document sur la

régionalisation de Radio-Québec en disant: De toute façon, vous êtes prêts. Il n'y a pas de problème. Allez-y, on attend votre document. C'est ça qui va nous influencer.

Une voix: Oui.

M. Lafleur: II y a un danger à ce niveau-là, mais je reviens avec le principe que nous sommes heureux d'être consultés, mais, sur la manière, peut-être qu'il y aurait lieu d'inventer des processus qui soient un peu plus démocratiques... Non, je retire le mot, je dirais qui soient un peu plus près...

M. Rivest: Raisonnables...

M. Lafleur: ... de la dynamique des groupes communautaires.

M. Rivest: On va vous aider d'ailleurs aux projets de loi 4 et 5 et vous verrez qu'il n'y aura pas de précipitation.

M. Lafleur: Si je peux conclure rapidement, parce qu'il reste deux minutes, une conclusion générale, si je peux me permettre, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui. M. Lafleur: Ce sera très rapide.

Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une autre, à 22 h 30, je vais demander...

Mme Lavoie-Roux: On peut continuer jusqu'à minuit.

Le Président (M. Jolivet): ... s'il y a poursuite...

M. Lafleur: Enfin, moi, je voudrais faire simplement une conclusion selon laquelle je ne voudrais absolument pas que l'intervention qui a été faite ce soir par le regroupement apparaisse comme une intervention négative. Il me semble évident qu'en commission parlementaire — et, encore là, c'est un peu le jeu de la démocratie — ce n'est pas l'occasion, ni le lieu pour glorifier un gouvernement de ses projets de loi, de ses réalisations passées, ni de dire que ses réalisations futures seront extraordinaires. Cela ne me semble pas être le lieu.

M. Rivest: Non, à qui le dites-vous! Mme Rheault: À tout le monde.

M. Lafleur: Je le dis à tout le monde, évidemment.

Mme Rheault: À qui veut l'entendre.

M. Lafleur: Ce que je veux dire, c'est que, globalement, je pense bien que nous n'avons pas à porter et nous ne portons pas de jugements globaux sur l'ensemble du gouvernement actuel, de ses interventions législatives, etc., ce n'est pas notre rôle.

D'autre part, il y a certains éléments positifs dans les projets de loi 4 et 5 que nous n'avons peut-être pas soulignés, soit parce qu'il nous semblait que ces éléments devraient être approuvés généralement par les partis d'Opposition et par le parti ministériel, de sorte que nous avons... (22 h 30)

M. Bisaillon: Je ne le connaissais pas.

M. Lafleur: ... voulu insister principalement sur les éléments qui nous semblaient un peu différents de ce que nous souhaitions voir dans la réglementation. Donc, quand on dit que le gouvernement a amené une programmation éducative, une définition de la programmation éducative, nous disons: Très bien. Lorsqu'on parle, par exemple, d'une représentation des régions à l'intérieur de Radio-Québec au niveau national, nous disons: Très bien. Lorsqu'on parle, par exemple, d'une certaine représentation à l'intérieur des conseils d'administration dans les régions pour Radio-Québec, une représentation régionale, nous disons: Très bien. Là où nous accrochons, c'est sur les points qu'on a essayé de souligner dans notre mémoire dans la perspective précisément où une commission parlementaire devrait, à notre humble avis, être le lieu de discussion des points qui sont un peu plus litigieux et qui méritent d'être discutés par les députés de l'Opposition et par les députés ministériels.

M. Rivest: Oui.

Mme Lavoie-Roux: C'est dans ces conditions, ce sera de cette façon...

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de l'Acadie...

M. Rivest: C'est dans ce sens que, globalement, ce que vous dites, en tant que media communautaires, c'est que certains des objectifs sont évidemment... tout le monde peut les endosser selon ses propres convictions et quand elles sont exprimées de façon très générale, c'est très difficile de les critiquer, mais, au fond, vous laissez entendre globalement, surtout par cet aspect et cette insistance que vous avez mise au niveau des moyens qu'on accorde pour votre production proprement dite, par rapport au fait de vous considérer simplement comme un élément de diffusion, que sur les objectifs, en regard des objectifs, quels que soient leur mérite ou leur démérite, c'est que le gouvernement n'a pas vis-à-vis de media tels que vous les moyens de sa politique, c'est ça que vous voulez indiquer, les moyens financiers.

Mme Rheault: Mais le gouvernement, quel qu'il soit, au pouvoir n'aurait pas plus le moyen.

M. Rivest: Mais, ce que vous voulez, c'est que vous avez signifié de façon très concrète les diffi-

cultés pratiques dans lesquelles vous allez vous situer, continuer, au fond, de vous situer, quelles que soient les orientations de base que la législation que l'Assemblée nationale ou que le gouvernement ou peu importe, et, comme vous le dites, n'importe quel gouvernement peut vous donner, c'est ça, quand vous insistez tellement sur le caractère dérisoire des budgets de production.

M. Lafleur: Ce qu'il est important de voir, c'est évidemment... on peut se situer dans une optique partisane, avoir un certain point de vue, comme vous pouvez en avoir un, comme les ministériels peuvent en avoir un, nous, nous ne nous situons pas dans cette optique-là. Ce que nous disons, c'est que, quels que soient les gouvernements qui ont été en place depuis une dizaine d'années, il y a toujours eu des politiques qui ont favorisé jusqu'à un certain point les groupes communautaires et les regroupements de citoyens et d'autres qui les ont fondamentalement défavorisés. Notre position actuellement est de dire que nous allons toujours appuyer les gouvernements qui vont favoriser cette autonomie des groupes de citoyens qui défendent des intérêts, comme on le mentionnait tout à l'heure. Pas des intérêts partisans, c'est évident, des intérêts de l'ordre de la défense du consommateur, de l'ordre des média communautaires, de l'ordre de l'éducation populaire. Notre rôle à nous — chacun à son rôle, je ne conteste pas le vôtre et j'espère que vous ne contestez pas le mien — est de défendre ce point de vue selon lequel un gouvernement, s'il ne veut pas arriver à bâtir un État où les citoyens deviendront de simples machines où, finalement, ils n'auront plus rien à faire, si ce n'est obéir aux lois et se laisser bercer par le ronronnement de la machine gouvernementale. Si nous voulons aller au-delà de ça, nous serons obligés d'encourager — les gouvernements seront obligés d'encourager — les organisations de citoyens. Pour notre part, nous ne pouvons dire autre chose que: Vive les gouvernements qui encouragent ce type d'initiatives. Plus un gouvernement va favoriser la prise en charge du citoyen, des citoyens et de leur devenir, plus nous allons être près de ces gouvernements-là; plus on va les décourager, plus nous allons en être loin. C'est notre perspective de base.

M. Rivest: Oui, c'est ce que...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: J'admire la façon et la vivacité que vous employez à défendre une cause qui vous est chère. Je ne veux pas faire de répétition et poser de questions, d'ailleurs vous en avez souligné dans votre mémoire. Vous représentez quatorze groupes; j'aimerais savoir combien il y a d'organismes communautaires de communications au Québec. Êtes-vous au courant? En dehors des quatorze, combien y a-t-il de groupes comme le vôtre?

Mme Roy: Je peux répondre pour les radios. Je sais qu'il existe actuellement quatre ou cinq groupes officiels de radios communautaires qui fonctionnent. Pour ce qui est des journaux, je suis moins au courant. Mais je sais qu'il en existe quelques-uns, à peine le même nombre. Pour ce qui est des groupes vidéos, il y a en ce moment trois groupes dans la région de Québec, un dans la région de Shawinigan et un autre dans la région de Montréal. C'est tout ce que je sais. Il y a bien sûr aussi des groupes qui sont en formation et qui n'ont pas d'existence légale comme telle, mais dont l'existence va devenir légale dans un certain temps.

M. Le Moignan: Est-ce que vous parlez des groupes de télévision communautaire en même temps?

Mme Roy: Les groupes de télévision communautaire, c'est nous autres, les 14 groupes qu'on représente.

M. Le Moignan: Je suis curieux, est-ce que vous représentez... quand vous allez vers l'est, vous avez Montréal, Québec...

Mme Roy: On représente Matane, Mont-Joli, Rivière-du-Loup...

M. Le Moignan: Grande Rivière, non, télévision communautaire de Grande Rivière?

Mme Roy: Grande Rivière, il n'y a pas de groupe de télévision.

Mme Rheault: ... démarré à Grande-Rivière, il y a eu un groupe à Grande Rivière, mais...

M. Le Moignan: Un groupe qui fonctionne toujours très bien, mais qui n'a pas d'aide du gouvernement, par exemple?

Mme Rheault: Oui, c'est ça et qui ne fait pas partie de notre groupement.

M. Le Moignan: Ils ne font pas partie de votre groupement.

J'ai cru comprendre que d'après un examen fait par un jury — je ne conteste pas du tout — on a dit qu'on ne répondait pas aux normes d'une véritable télévision communautaire, éducative. Je crois que...

M. O'Neill: II y a plusieurs groupes à qui c'est arrivé, peut-être ce groupe. De mémoire, je ne peux pas dire s'il fait partie des groupes qui auraient fait des demandes et à qui on aurait refusé la subvention, mais c'est arrivé, oui. Le jury fait un choix...

M. Le Moignan: J'ai vu les conditions.

M. O'Neill: ... et, lorsqu'il y a des groupes qui correspondent bien aux critères, évidemment ils

sont préférés à d'autres. C'est pour ça qu'il y a un jury d'ailleurs.

M. Le Moignan: Je ne conteste pas la décision du jury. Il y a un groupe qui fonctionne et qui fait appel, dans le moment, à la générosité du public pour l'aider.

Mme Rheault: Le ROCC a été l'un des premiers regroupements au niveau provincial, d'un type de media communautaire que sont les télévisions. Actuellement, les radios sont en train de se structurer. À la presse écrite, il n'y a aucun regroupement qui existe. Au niveau de la vidéo-animation, il y a un regroupement régional qui est la région de Québec, mais tous les media communautaires ne sont pas tenus de faire partie de regroupements provinciaux qui offrent des avantages et qui offrent aussi des inconvénients.

M. Le Moignan: Mais vous avez invité ces télévisions communautaires...

Mme Rheault: Oui, tous les groupes de télévision communautaire sont invités à nous contacter et à se joindre à nous.

M. Lafleur: Pour compléter la réponse, si vous permettez, dans le document de politique de développement des media communautaires qui nous a été soumis par le ministère des Communications en janvier dernier, on nous disait qu'il y avait eu effectivement 75 demandes de groupes de media communautaires qui avaient été acheminées au ministère des Communications l'an dernier. Évidemment, il s'agit de groupes qui, d'une part, sont en implantation, donc qui ne sont pas nécessairement en fonctionnement actuellement, mais il reste que, potentiellement, il y a à peu près 75 groupes dont à peu près 14 groupes de radios communautaires qui sont à la phase d'implantation et qui pourraient voir le jour sous peu, ainsi qu'un certain nombre de groupes de télévisions communautaires.

En termes de demandes adressées au ministère des Communications par le biais du programme d'aide au développement des media communautaires, il s'agit d'une demande de l'ordre de 75 groupes l'an dernier.

M. Le Moignan: C'est donc dire que, si le gouvernement devait subventionner les 75 groupes, cela pourrait représenter une somme assez importante.

M. Lafleur: Si on en vient à la question du financement, l'expression que vous employez "somme importante", comme vous le savez, demeure toujours assez relative. Si on faisait simplement suivre deux courbes parallèles entre le développement de Radio-Québec et le développement des media communautaires et si on les maintenait parallèlement, je pense que ce serait relativement intéressant pour les media communautaires, parce que, en dix ans, et j'en suis convaincu, vous le savez, en dollars 1979, on dépensera, selon le rapport Rocher, à moins d'avis contraire du ministre, $84 millions pour Radio-Québec.

Si on permettait simplement la courbe des media communautaires, faisons le parallèle, $22 millions cette année pour Radio-Québec, à peine $1 million pour les media communautaires. Maintenons ce parallèle pendant dix ans, à ce moment-là, on pourra peut-être parler des sommes considérables, mais elles seront considérables davantage pour Radio-Québec qu'elles le seront pour les media communautaires.

M. Le Moignan: Dans vos programmes, quand il s'agit de programmation éducative, est-ce que vous contribuez, est-ce que vous avez des ententes ou est-ce que vous prévoyez avoir des ententes avec le gouvernement pour établir un véritable moyen de programmation éducative, au véritable sens du mot, tel que la loi l'entend et tel que vous le comprenez?

Mme Rheault: Dans la plupart des cas de télévision communautaire, il existe différents types d'émissions et la majorité de la programmation est de type éducatif, au sens entendu généralement.

Il y a des collaborations avec les maisons d'enseignement. Il y a aussi des contributions. Linda, tantôt, faisait l'énumération des autres sources de financement aux portes desquelles six mois par année on frappe pour avoir du financement. On a omis de dire qu'on allait aussi au ministère de l'Éducation pour toute la partie éducation populaire, qui est, dans plusieurs media communautaires, une partie importante des activités, soit la préparation de la production et les retombées de cette production-là.

Il y a toute une activité entourant une émission comme telle que nous caractérisons d'éducative parce qu'elle voit à ce que le message ou l'objectif visé par cette émission-là soit reçu, discuté, et qu'il porte un "feedback" qui peut générer dans une autre émission à l'occasion d'une autre émission, etc. C'est un roulis continuel de sorte que les coûts de production dans les media communautaires ne sont pas élevés par rapport à d'autres secteurs de production, d'autres entreprises de production à cause des budgets, mais on ne fonctionne pas douze mois par année et on n'a pas des gens payés comme au niveau professionnel non plus.

M. Le Moignan: Une dernière question. Vous avez parlé des éléphants blancs. Vous avez fait des comparaisons avec les hôpitaux, avec les CLSC où on avait établi tout un réseau. Maintenant, vous suggérez au gouvernement d'être très prudent dans l'implantation de Radio-Québec dans les régions. Vous parlez d'une ou deux stations d'ici deux ou trois ans. Avez-vous des préférences? Non.

Une voix: Oui.

M. Lafleur: Vous parlez concernant les régions ou la région?

M. Le Moignan: Non, vous avez parlé de peut-être une ou deux régions d'ici deux ou trois ans pour ne pas procéder de façon trop rapide.

M. Lafleur: Vous nous demandez une préférence sur une région?

M. Le Moignan: Non, je ne vous demande pas de répondre à cela de façon...

M. Lafleur: D'accord.

M. Le Moignan: Mais, avec votre raisonnement, que j'approuve évidemment jusqu'à un certain point de vue, si Radio-Québec veut s'implanter et, comme le ministre nous a dit que l'opinion contraire aussi c'est que la plupart des régions demandent l'implantation rapide de Radio-Québec, beaucoup de groupes sont venus l'an dernier et veulent son implantation dans les régions, avoir Radio-Québec, être desservis par Radio-Québec, si on suit votre ligne de pensée, cela pourrait prendre peut-être dix ans avant que Radio-Québec soit implanté...

M. Lafleur: Absolument mais à partir du moment où on instaure un processus de régionalisation, à mon sens, nécessairement, chacun va vouloir être le premier à avoir la régionalisation chez lui, évidemment. Le réflexe gouvernemental, donc politique, c'est de dire: Implantons partout en même temps pour satisfaire chacun.

M. Le Moignan: Mais le gouvernement n'a pas l'habitude de gâter toutes les régions le même jour, la même année non plus. (22 h 45)

M. Rivest: Non, vous faites erreur, il ne fait jamais cela. Je ne pense pas que le gouvernement...

M. Lafleur: Non, ce que je veux dire, c'est qu'il y a un danger, lorsqu'on dit que nous allons régionaliser, que chaque région dise: C'est chez nous que vous devriez venir en premier lieu. Il peut y avoir un réflexe gouvernemental qui dise...

M. Rivest: Un réflexe.

M. Lafleur: ... une attitude ou une volonté gouvernementale qui fasse en sorte qu'on veuille implanter partout à la fois pour satisfaire chacun et ne pas créer d'insatisfaction, mais il s'agit de voir si on demeure prudents ou bien si on est davantage politiques dans la mesure où il y a une opposition entre les deux — quelquefois, cela arrive. Si on veut être davantage prudents que politiques, à ce moment, on se dit: On n'accédera pas au voeu de l'ensemble des régions en même temps, compte tenu de tout ce qui s'est passé auparavant, de toutes les erreurs qu'on a connues et qui ont créé tant d'éléphants blancs, comme M. le député de soulignait. Je crois que tout le monde le demande sans doute. Maintenant, parce que tout le monde le demande, est-ce qu'on va répon- dre à tout le monde en même temps, en disant oui à tout le monde. J'espère que non. On dit: Non, surtout pas. Répondons lentement. Disons oui à certains et disons oui dans quelques années à d'autres.

M. Le Moignan: Le mot de la fin. Vous avez mentionné, je crois, $84 millions que cela pourrait coûter pour l'implantation de la radio, pour la régionalisation.

M. Lafleur: Ce sont les chiffres du rapport Rocher, oui.

M. Le Moignan: Oui. À ce moment, supposons qu'on atteigne les quelque $80 millions, de votre côté, quel pourcentage cela va-t-il représenter en même temps que ces quelque $80 millions vont augmenter. Qu'est-ce que vous allez recevoir? Vous ne le savez pas.

M. Lafleur: Je pense qu'on a déjà répondu relativement à cette question, au sens où il y a deux types de gouvernement, comme on l'a dit. Ou bien, il y a un type de gouvernement qui favorise effectivement les entreprises populaires et les regroupements de citoyens. À ce moment, on peut imaginer que la courbe d'augmentation des coûts de Radio-Québec va être parallèle à celle de l'augmentation des coûts des groupes de media communautaires, ou bien, on va avoir affaire à des gouvernements parce qu'on se reporte dans dix ans — je dis des gouvernements, mais on ne sait jamais, je le dis au cas où, mais enfin, on pourrait dire un gouvernement, je ne sais pas — de toute façon, à un ou à des gouvernements, qui vont au contraire faire en sorte que ces courbes ne soient pas parallèles. Ce que nous disons, c'est: Si véritablement, les gouvernements ou le gouvernement actuel et les gouvernements futurs veulent maintenir véritablement les organisations de citoyens, ils devront maintenir également les deux courbes de façon relativement parallèle, de sorte que si on se reporte à un rapport... Actuellement, c'est $20 000 000 contre $1 000 000. Si on maintenait ces courbes de façon parallèle, on en arriverait à des chiffres qui pourraient être, pour les media communautaires, relativement intéressants. Sinon on aura eu affaire à des gouvernements qui auront favorisé les entreprises d'État par rapport aux entreprises ou aux groupes de citoyens.

M. Le Moignan: Merci.

Le Président (M. Jolivet): Toujours sur le même consentement quant au dépassement de l'heure, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Moi, je voudrais remercier d'une façon toute particulière les porte-parole du Regroupement des organismes communautaires de communication du Québec. Je suis plus habituée de vous reconnaître comme la télévision communautaire. C'est un grand titre auquel...

Je pense que dans votre mémoire vous soulevez des questions intéressantes et, lors de la discussion, je pense aussi que vous apportez des points de vue qui n'ont pas été soulevés jusqu'ici.

Je ne sais pas si vous étiez ici, hier, lors de la présentation des autres mémoires?

Une voix: Non.

Mme Lavoie-Roux: Non. Plusieurs de vos réflexions correspondent à certaines inquiétudes que j'avais et que j'ai exprimées hier. Le rôle d'un organisme quand il se présente en commission parlementaire, est de faire valoir ce qui lui paraît être des lacunes ou des préoccupations, et vous êtes un des quelques groupes qui l'aient fait. Il y en a d'autres qui ont encensé le gouvernement et je pense que ce n'est pas le rôle d'une commission parlementaire. Je trouve ça très bon.

Il y a également cette préoccupation que vous avez à l'égard des groupes communautaires et de leur rôle dans chacune des régions. Hier a été soulevée la question de la composition des conseils d'administration, je pense, qu'on appelle, des conseils régionaux. Un groupe — peut-être deux, mais un, en tout cas — a soulevé cette inquiétude qu'il avait que, dans la composition de ce conseil d'administration, peut-être pas de mauvaise foi du tout — je ne veux imputer aucun mauvais motif au gouvernement — mais que, suivant les circonstances, on puisse justement enlever la voix des représentants des groupes de citoyens ou des groupes... on les désigne sous le nom de populaire, des groupes populaires. Pour ma part, je rejoins votre inquiétude selon laquelle on va se retrouver avec des conseils régionaux... Il ne faut pas oublier que de ces conseils régionaux, toutes les nominations devront être approuvées par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Alors, je pense que c'est très différent, par exemple, du fonctionnement des télévisions communautaires qui existent à travers tout le Québec. Je peux vous assurer que là-dessus, du côté de l'Opposition officielle, quoique j'aie remarqué que le ministre s'était montré assez sympathique aux revendications qui avaient été faites dans ce sens, en tout cas, nous, de l'Opposition officielle, ça nous semble extrêmement important. Il ne faudrait pas récupérer la population à partir de conseils d'administration qui, finalement, auront été formés sous l'égide très formelle du gouvernement.

Il y a une inquiétude que je sens de votre part. Enfin, c'est peut-être une mauvaise perception, alors, je voudrais que vous me corrigiez, mais elle m'apparaît exprimée en page 9. Je voudrais revenir sur les points de votre conclusion, parce que, dans le fond, ils reprennent sous une autre forme plusieurs des préoccupations exprimées antérieurement. Normalement, c'est le rôle d'une conclusion. Alors, ça va peut-être permettre de cerner davantage les points que je veux soulever avec vous.

Comment le gouvernement entend-il reconnaître la valeur et assurer la viabilité des media communautaires? Vous l'avez exprimé de différen- tes façons. Est-ce que je me trompe en disant que vous attendez avec une certaine impatience le dépôt de la politique de développement des media communautaires?

Deuxièmement, vous dites dans votre question ici: Comment va-t-il assurer la viabilité des média communautaires. Vous avez établi ce parallèle ou, enfin, ces deux courbes parallèles de développement qui assuraient que le développement ou la régionalisation de Radio-Québec ne se faisait pas au détriment de la télévision communautaire. Vous ne l'avez pas exprimé. Est-ce qu'il existe également chez vous la préoccupation que, selon le hasard de circonstances ou la façon dont les choses se présenteront, dans certaines régions vous soyez avalés par Radio-Québec? C'est peut-être votre façon de l'exprimer quand vous parlez de la viabilité des media communautaires. Est-ce qu'il y a chez vous cette inquiétude?

Vous êtes venus nous porter un message. Vous dites: On veut bien que Radio-Québec se développe au plan régional, mais on ne veut pas qu'il se développe au détriment de la télévision communautaire qui elle, a une vocation ou un rôle qui nous apparaît essentiel dans une communauté, du point de vue d'une véritable démocratisation, du point de vue d'une non récupération des citoyens par l'État. Quel que soit l'État ou le gouvernement, cela m'importe peu, je le pose vraiment au niveau des principes.

Mme Roy: C'est exactement ça. Je pense que lorsqu'on parle dans le document d'une expertise à reconnaître, c'est tout un travail d'animation dans nos localités, de collaboration, d'avoir construit les documents, d'avoir fait des comités, d'avoir bâti une télévision en collaboration avec des citoyens qui sont impliqués concrètement à bâtir cette télévision-là. On a une existence propre, spécifique, qui est différente de celle de Radio-Québec. On se considère comme près des citoyens, on considère avoir mis des mécanismes en place pour que la participation des citoyens soit effective à travers des media communautaires qu'on représente. Je pense qu'on veut maintenir et développer cela. C'est en ces termes-là qu'on a peur que les budgets qui seront alloués à Radio-Québec rendent moins importants les budgets à des media communautaires qui veulent se développer, non pas simplement survivre.

Il y a des choses qui sont faites, mais il y en a encore plus qui pourraient se faire. C'est sûr que quand on reste ouvert sept ou huit mois par année plutôt que douze, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de chose à faire, ce n'est pas que les citoyens n'ont plus de sujets, de documents, de dossiers à développer, c'est parce qu'il n'y a plus de sommes pour payer des personnes qui puissent les aider à faire ces documents-là. Il n'y a pas de personne ressource, il n'y a plus d'animateur en place pour ça. C'est ça qu'on voulait dire.

M. Lafleur: Je voudrais ajouter un complément. Quand vous nous dites: Est-ce que vous avez des craintes par rapport à la politique qui va

être déposée et par rapport au nouveau programme d'aide au développement des media communautaires, je répondrais, encore là, sous deux aspects. Le premier aspect, oui, mais c'est un aspect purement égoïste au sens où on a un peu peur que les sommes consacrées aux media communautaires soient, on a employé le mot "dérisoires" et ça nous semble être une crainte qui risque de se matérialiser très bientôt, mais je voudrais aller un peu plus loin que ça. Souvent, j'ai l'impression qu'on se présente en commission parlementaire soit pour encenser le gouvernement, d'une part, comme vous l'avez si bien mentionné, soit pour revendiquer des choses.

Je voudrais tenter d'aller un peu plus loin. Je dis le premier aspect, oui, nous avons peur et oui, il est possible qu'il y ait des coupures d'argent. Ce serait un peu catastrophique pour nous, mais, au-delà de ça, nous avons suggéré, à l'intérieur d'un mémoire que nous avons fait parvenir au ministère des Communications, au mois de mars dernier — qui a été discuté d'ailleurs entre des fonctionnaires du ministère et le regroupement lui-même — nous avons suggéré un comité d'étude qui regrouperait précisément les media communautaires et le ministère des Communications pour essayer d'établir ce qu'on appelle un plan de développement. Or, ce plan de développement, entre autres, devrait normalement étudier les relations possibles, potentielles entre l'ORTQ et les media communautaires. Je le dis d'autant plus librement que ça nous semble être une initiative gratuite de notre part, au sens où encore là, on pourrait fonctionner plus ou moins à côté, en essayant de gruger les sommes d'argent de l'ORTQ et vice versa.

Je pense que c'est une initiative qui vise essentiellement à regarder les liens potentiels entre l'ORTQ et les media communautaires et à établir les meilleures collaborations possibles, de sorte que, précisément, ces sommes d'argent qui viennent de la poche des contribuables soient utilisées de la meilleure façon possible.

Donc, il y a un danger que même si on établit une courbe parallèle de dépenses entre l'ORTQ et les media communautaires, cette courbe se traduise au niveau des activités, ce qui, à notre avis, ne serait pas idéal, parce qu'il existe à certains moments des possibilités de collaboration qui sont extrêmement intéressantes et qui ont déjà été expérimentées dans certaines régions du Québec, dont à Sherbrooke particulièrement.

On se dit, oui la politique est un danger au niveau de la dépense, au niveau des sommes d'argent, mais oui, la politique est aussi un danger dans la mesure où elle ne reconnaîtra pas le principe de ces comités d'étude qui devront, à court terme, d'ici six, huit ou dix mois, aboutir à des recommandations spécifiques par rapport à des modes de collaboration potentielle entre l'ORTQ et les media communautaires. Ce qui est dangereux, dans le fond, c'est qu'on peut nous dire facilement, on ne nous le dit pas encore, mais on peut nous le dire facilement: Oui, mais on est des fonctionnaires du ministère des Communications et on n'a pas de communications directes — je veux di- re au niveau des media communautaires, les fonctionnaires responsables — avec les gens de l'ORTQ. À l'ORTQ, on va nous dire la même chose. On n'a pas nécessairement de liens avec les gens des media communautaires, alors, on ne se parlera pas.

Comme on nous dit à l'éducation: Écoutez, le programme d'éducation populaire regarde les télévisions communautaires, mais les liens sont plus ou moins flous. Finalement, si on veut véritablement arriver à utiliser de façon maximale l'argent du public, il faut fondamentalement en arriver à une concertation de l'ensemble de cet argent, à savoir d'une part l'argent qui va à l'éducation populaire, l'argent qui va à l'ORTQ, l'argent qui va aux media communautaires pour faire la meilleure utilisation possible de ce qui nous vient des fonds publics. (23 heures)

Notre crainte fondamentale, c'est que ce comité avorte. Jusqu'à maintenant, on se dit que cela va fonctionner, espérons-le. Mais il faudrait véritablement qu'il y ait un effort de fait pour réunir à une même table tous ces intervenants et qu'on en arrive à développer une amorce de politique des communications au Québec, ne serait-ce qu'au niveau éducatif, une politique de communication au niveau éducatif et au niveau communautaire. Ce serait déjà une amorce qui serait extrêmement intéressante.

Le Président (M. Jolivet): Avant de continuer, compte tenu qu'il est 23 heures, j'aimerais savoir s'il y a toujours consentement pour qu'on continue. Est-ce qu'on se limite encore dans le temps ou continue-t-on jusqu'à l'épuisement des questions de Mme le député?

M. Rivest: Je pense que le député de Sainte-Marie a également des questions. Avez-vous encore des questions, M. le député?

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Je veux juste savoir si on a le consentement pour continuer. Vers 23 h 15?

Mme Lavoie-Roux: J'en aurais pour plus longtemps que cela, sans cela, je vais continuer seule avec eux.

M. Bisaillon: Vous n'avez droit qu'à 20 minutes. Prenez-les. Continuez.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Je comprends, Mme le député, que vous avez beaucoup de questions. Je tiens...

Mme Lavoie-Roux: Je trouve cela intéressant.

Le Président (M. Jolivet): Je conçois aussi la même chose, mais, comme président...

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez qu'à vous conformer à la volonté de la commission.

Le Président (M. Jolivet): C'est cela. On me demande de considérer 23 h 15, avec réévaluation vers 23 h 15.

M. Rivest: Qui vous le demande?

M. O'Neill: Moi, je propose 23 h 15, mais enfin...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Rivest: II n'est pas tout seul à la commission.

Le Président (M. Jolivet): Cela me prend le consentement pour continuer plus tard que 23 heures. En conséquence, je dois simplement vous dire que cela fait deux jours que nous siégeons à cette commission et je ne pense pas avoir, à aucun moment, brimé qui que ce soit. On a continué un peu plus tard que prévu hier soir également. Comme vous en faisiez mention, Mme le député, hier, c'est la même chose pour d'autres ainsi que pour moi-même, nous avons des réunions demain matin à huit heures, alors, nous aimerions en arriver à une conclusion le plus rapidement possible.

Mme Lavoie-Roux: Je vais faire ce que je peux en commission parlementaire et pour le reste j'irai vous parler.

Pouvez-vous me dire, si je vous comprends bien, s'il y a eu un comité de formé pour étudier une politique de collaboration entre l'ORTQ et la télévision communautaire ou est-ce un souhait que vous exprimez?

Mme Rheault: C'est une des recommandations que nous avons faites dans notre mémoire en mars, que soit créé un comité conjoint sur...

Mme Lavoie-Roux: Cela n'existe pas dans le moment.

Mme Rheault: Actuellement, non, la politique n'est même pas lancée.

Mme Lavoie-Roux: Je me demande si M. le ministre consentirait, sans nous donner une date précise, à nous dire dans quel délai il pense que cette politique de développement de la télévision communautaire pourra être rendue publique?

M. O'Neill: Cela ne devrait pas tarder...

Mme Lavoie-Roux: Je pourrais attendre l'étude article par article, mais, comme ils sont ici, cela peut les intéresser.

M. O'Neill: ... M. le Président, il y a déjà eu la révision d'un premier texte qui nous a été proposé. On l'a retourné au comité avec des corrections...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. O'Neill: ... parce qu'il y avait des choses sur lesquelles on n'était pas d'accord. Nous avons corrigé certaines choses, par exemple, la place qu'on voulait accorder, entre autres, aux media des représentants des groupes ethniques et certains autres points et également les barèmes de répartition de subventions. Il y avait des points où, quant à moi, de toute façon, je n'étais pas convaincu que ce qui était proposé était nécessairement ce qu'il y avait de meilleur et on est en train de vous préparer une autre version qui doit vous parvenir très bientôt. J'attends le texte. Ce n'est pas... J'ose dire que c'est une question de quelques semaines, s'il n'y a pas de retard à l'intérieur de l'appareil.

Mme Rheault: On nous l'a annoncé pour le 4 ou le 11 juin.

Mme Lavoie-Roux: Vous pensez que non?

M. O'Neill: Pour ce que est du comité, cela n'a pas été refusé. Cela n'a pas été refusé, le comité, mais dans mon idée c'est qu'il fallait d'abord régler le cas de Radio-Québec et, ensuite, qu'on se pose la question parce que la question que vous nous avez posée tout à l'heure elle nous est aussi posée partout en région à savoir ce qui arrive de la télé communautaire par rapport à Radio-Québec, quel genre de collaboration pourrait s'établir entre les deux. Maintenant, je vous signale aussi que dans un comité comme celui-là il y a également d'autres voix qu'il faudrait entendre, parce qu'en région... Je pense par exemple aux conseils régionaux de la culture, des groupes comme ceux-là qui auraient sûrement des choses à nous dire là-dessus.

Mme Rheault: Oui, nous avons proposé trois types de comités.

Mme Lavoie-Roux: Si je comprends bien la réponse du ministre c'est que cette politique pourrait être rendue publique au cours de l'été. Est-ce que je m'abuse?

M. O'Neill: Oui. Pour se donner un délai suffisant et pour ne pas se faire dire que c'est venu plus tard que prévu, au cours de l'été, oui.

Mme Lavoie-Roux: II pourrait y avoir une...

M. O'Neill: J'aurais même voulu que ce soit avant.

Mme Lavoie-Roux: Oui, tout le monde le souhaite. Mais, on pourrait espérer que cette politique soit déposée au cours de l'été.

M. O'Neill: Oui, je dois dire, M. le Président, que c'est d'autant plus nécesaire qu'il y a des gens qui attendent, qui veulent savoir exactement quels sont les critères qui inspireront, par exemple, le jury dans ses décisions. Eux sont drôlement

intéressés parce qu'il y a des questions d'argent. Pour eux, c'est leur budget, finalement, une partie de leur budget qui est en jeu. Alors nous, nous essayons de procéder le plus vite possible. Je dirais que c'est déjà tard un peu, actuellement, mais, enfin, je vous avoue qu'on a fait le plus vite.

Mme Lavoie-Roux: Ils ne connaissent pas encore leur budget.

M. O'Neill: Dans le moment, non.

Mme Lavoie-Roux: Ce que je demandais, c'était la politique de développement dans le sens d'une période de deux ans, trois ans.

M. O'Neill: II y a deux parties. Il y a la politique générale, le développement, le principe de consultation et il y a une partie, dans le texte, qui porte précisément sur les critères relatifs à l'attribution des subventions.

Mme Lavoie-Roux: Cela, c'est peut-être mieux de ne pas attendre à la fin de l'été, M. le ministre. Ce n'était pas dans ce contexte-là. Je pensais qu'ils savaient quels étaient les montants qui leur seraient alloués pour les années à venir.

Je voudrais revenir aux participants à la commission. Vous avez exprimé des inquiétudes — et je les partage — quant à la nécessité qu'il y ait des critères d'évaluation sérieux au fur et à mesure de l'implantation de Radio-Québec dans les différentes régions et qu'on ne parte pas dans une aventure qu'il faille généraliser avant qu'on ait examiné exactement ce qui se passe, les objectifs qu'on s'était fixés, dans quelle mesure on les a atteints.

J'aimerais vous poser une question : Quels sont vos critères propres d'évaluation pour votre télévision communautaire? Je pense que nécessairement, cela varie d'une région à l'autre. Est-ce qu'ils existent pour chacune des télévisions communautaires des diverses régions de la province?

Mme Roy: Je peux répondre que cela fonctionne démocratiquement en assemblée générale. Chaque année, il y a des mandats qui sont donnés précisément par les membres au conseil d'administration élu. Je peux vous donner des exemples de mandat. Par exemple, une année, la priorité peut être mise sur la participation des gens à des comités de programmation, à un comité de programmation. Il y a souvent aussi des priorités mises sur la formation des citoyens. Il y a toujours des priorités à la recherche de financement stable et adéquat par rapport aux objectifs. Cela revient toujours. Chaque année, aussi, est une étape de développement parce que les télévisions communautaires fonctionnent depuis un certain nombre d'années, selon le nombre d'années où la télévision communautaire est rendue dans son développement, il y a des années d'implantation et des années de consolidation. Suivant le développement de la télévision communautaire, ils se donnent les mandats précis qu'ils vont faire pour cette année-là, et qui vont rencontrer les objectifs visés. Je ne sais pas si cela répond assez.

M. Lavoie-Roux: Oui. Est-ce que ce serait possible, j'imagine que ces évaluations, enfin, il y a des procès-verbaux, est-ce que ces évaluations sont écrites à partir de certains...

Mme Roy: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ... peut-être pas pour l'ensemble des télévisions communautaires, mais je serais intéressée, personnellement à recevoir...

Mme Roy: Vous voulez dire pour l'année?

Mme Lavoie-Roux: Pour l'année ou pour l'année dernière, à recevoir un modèle du genre d'évaluation que vous faites dans une télévision communautaire.

Mme Rheault: À chaque année, à l'occasion de la présentation de la demande d'aide au programme d'aide des media communautaires, on fournit un rapport d'évaluation et cela doit être dans les dossiers au ministère.

Mme Lavoie-Roux: Bon! Je vais m'informer.

M. Rivest: Ce serait plus simple que vous nous l'envoyiez!

Mme Rheault: Allez faire un tour.

Mme Lavoie-Roux: Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Lafleur: Pour compléter, rapidement. Dans le fond, la question que vous posez, je la trouve extrêmement intéressante dans la mesure où elle soulève un point qui peut nous permettre, je crois, de mettre le doigt sur une des différences fondamentales qui existent entre un organisme comme Radio-Québec, par exemple, et les media communautaires au sens où, évidemment, la programmation d'un organisme comme l'ORTQ, qu'il soit régionalisé ou non, mais à supposer qu'il ne le soit pas, prenons l'ORTQ, Radio-Québec à Moniréal, sa programmation étant même déterminée par un nombre très limité de personnes qui sont des spécialistes de la programmation.

Les sujets qui sont traités sont des sujets qui sont également déterminés par un nombre restreint de personnes qui, encore là, sont spécialistes de la programmation qui les transmettent à des spécialistes de la production, etc., mais sans que l'intervention véritable du public n'entre en cause. La différence fondamentale avec les media communautaires, enfin pas la différence fondamentale mais je dirais l'une des différences fondamentales, c'est précisément le fait qu'à partir d'une localité donnée...

Mme Lavoie-Roux: Ils ont leur mot à dire dans l'évaluation?

M. Lafleur: Non seulement ils ont leur mot à dire, mais ce sont eux fondamentalement qui, à l'intérieur d'une assemblée générale vont déterminer des orientations générales et qui vont avoir un comité de programmation qui, lui, de façon plus précise, va déterminer au jour le jour, chaque semaine, ou chaque mois, une programmation qui va véritablement correspondre le plus possible aux intérêts du milieu. Ces gens sont redevables devant l'assemblée générale composée des citoyens de cette localité.

Vous saisissez sans cloute la nuance fondamentale qui existe et même si on pense à Radio-Québec régional de la façon dont c'est conçu dans le projet de loi — c'est pour cela qu'on insiste tant sur l'aspect expérimentation — on a des risques, on court des risques que le processus Radio-Canada ou Radio-Québec Montréal se reproduise, à savoir que ce ne soit pas véritablement les gens de la région qui soient décisionnels dans le sens de la programmation et de la production, alors que nous, jusqu'à maintenant, avons vécu un ensemble d'expériences qui vont véritablement dans le sens d'une prise en charge de la programmation et de la production par les citoyens. Cela va jusqu'à la production effective par des citoyens de leurs émissions, au sens de cameramen, preneurs de son, intervieweurs et j'en passe.

Mme Rheault: À Radio-Québec, il existe une formule "feedback" des émissions, après l'émission, il y a un "feedback"; on peut téléphoner, donner nos impressions, alors que nous c'est avant même de commencer à faire une émission, qu'on va consulter des gens, qu'on associe des gens avec des comités de ressources sur les sujets traités. Il y a aussi un comité de programmation...

Mme Lavoie-Roux: Une autre question, parce que je vais quand même être obligée de me conformer au règlement. Vous vous êtes dits d'accord en page 6 avec les objectifs qu'on vous a soumis, au moins pour discussion du contenu de la programmation.

Je reviens au deuxième: "Qu'il développe une programmation qui favorise l'analyse publique des décisions qui concernent les enjeux collectifs." Je vous ai entendu dire tout à l'heure, j'ai été fort intéressée de vous entendre dire que dans vos programmations, même quand vous abordez des sujets d'ordre politique ou d'ordre économique, vous ne le faisiez pas d'une façon partisane et c'était extrêmement important pour vous. Vous n'étiez pas là pour faire la promotion d'un parti politique. C'est formulé de cette façon: Qu'il développe une programmation qui favorise l'analyse publique des décisions qui concernent les enjeux collectifs. Les décisions à ce moment-ci... On ne se racontera pas d'histoire. Quand on parle des enjeux collectifs, on parle évidemment... Vous avez fait allusion tout à l'heure au référendum, etc. Est-ce que dans le moment, les décisions ne sont pas prises par un gouvernement, qui — c'est le gouvernement qui est là, demain ça pourra être un autre, hier c'était un autre...

Une voix: ...

Mme Lavoie-Roux: Enfin, on pourrait entrer dans un autre sujet. Je trouve que ce n'est pas tellement qu'il y a discussion sur les enjeux collectifs, mais il y a analyse publique des décisions, alors que les décisions sont prises à l'heure actuelle par un gouvernement ou par un parti qui forme le gouvernement.

M. Lafleur: D'une part, vous avez sûrement noté que ce texte n'est pas de nous. On l'a puisé dans la politique de développement des media communautaires. D'autre part, il est clairement expliqué dans la politique, à moins d'avis contraire, mais je crois qu'il est clairement explicité que, précisément quant à l'analyse publique des décisions qui concernent les enjeux collectifs, il y a lieu, pour les media communautaires, de donner droit de parole aux parties intéressées, donc aux différentes parties qui seraient intéressées au débat et qui auraient quelque chose à dire pour, contre, qui seraient neutres, etc. Donc, il y a une espèce d'honnêteté de base, je pense, dans les intentions gouvernementales à ce niveau. On nous dit que véritablement vous devez donner le droit de parole à l'ensemble des intervenants sur une question donnée.

Votre question précise est: Pourquoi cela porte-t-il sur les décisions plutôt que sur les enjeux comme tels? J'avoue que cette question, personnellement, je ne me la suis jamais posée. À mon sens, effectivement, il s'agit de donner la parole aux gens sur les enjeux collectifs et non pas sur les décisions — en fait, ce qui nous intéresse, ce sont les enjeux — de leur donner un droit de parole équivalent selon les options et de permettre à chaque partie de s'exprimer. Je pense que c'est l'orientation générale des télévisions communautaires. Donc, que chacun s'exprime sur les enjeux collectifs. Pourquoi avons-nous inséré à l'intérieur de ce texte-là "décisions sûres"? Là, je vais vous référer à l'auteur du texte ou à celui qui a accepté que ce texte soit produit. Je ne sais pas. (23 h 15)

Mme Rheault:... qu'on en a c'est au niveau du processus décisionnel et c'est ce que nous endossons. C'est l'interprétation que nous en faisons.

Mme Lavoie-Roux: Je poserai la question au ministre à l'occasion de l'étude article par article. Une dernière question. D'abord, il faudrait que vous m'informiez. Quand il y avait les programmes de Multi-Media dans certaines régions du Québec, est-ce qu'ils étaient retransmis par la câblodistribution ou par la télévision communautaire?

Mme Roy: Je n'ai pas connu l'expérience de Multi-Media, mais je pense qu'il y a peut-être une chose que vous avez mal comprise. La télévision communautaire diffuse sur câble. Il y a aussi une autre chose que les télévisions communautaires font — je ne dirais pas pour toutes, parce que dans certaines régions, par exemple, la région est câblée à 85%, c'est une autre situation, mais dans

beaucoup de régions où le câblodistributeur a des abonnés câblés à environ 40%, 50%, 60%, il y a aussi un travail d'animation qui se fait, un travail de diffusion en circuit fermé, c'est-à-dire que les gens assistent, dans leur salon ou ailleurs, à la production. Pour ce qui est de Multi-Media...

Mme Rheault: On m'informe que les moyens de diffusion étaient multiples.

M. Lafleur: Y compris, à certains moments, TVA, au minimum le canal 10.

Mme Lavoie-Roux: Mais à l'occasion, la télévision communautaire a pu être utilisée à cette fin.

Mme Rheault: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Mais vous n'avez pas eu d'expérience...

Mme Roy: Cela s'est passé pour Laval. Il y a eu des expériences avec Multi-Media et ils ont diffusé, à l'occasion, sur le câble. Ils ont sûrement fait aussi de la vidéo-animation — qu'on appelle en circuit fermé — mais pour les autres moyens, je ne connais pas.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Sur la télévision éducative, vous vous préoccupez des besoins des citoyens en regard de la consommation, par exemple, en regard peut-être de l'interprétation de certains services gouvernementaux, etc. Est-ce que, à l'extérieur de ceci, vous avez été capable d'identifier, pour vos régions — il y a une dame qui vient de la région de Sherbrooke, une de Lévis, je pense — un programme d'éducation plus formel qui correspond à un besoin précis de vos régions ou si vous n'entrez jamais dans des programmes d'éducation plus formels pour répondre à un besoin?

L'exemple qui me vient toujours à l'esprit, parce qu'il me préoccupe beaucoup, ce sont les analphabètes. Il doit y en avoir dans la région de Sherbrooke, comme dans la région de Montréal ou la région de Québec. À ce moment-là, il s'agirait probablement d'une télévision éducative plus formelle ou dans le sens plus traditionnel du mot. Est-ce qu'il y a des expériences dans ce sens qui sont faites par vos télévisions communautaires respectives? Soit sur ce sujet ou sur d'autres, ayant pour cible un groupe particulier, une clientèle particulière?

Mme Rheault: À ma connaissance, non pas de façon formelle comme vous l'explicitez avec les analphabètes ou d'autres groupes. Par ailleurs, il y a des...

Mme Lavoie-Roux: II y a 200 000 analphabètes au Québec.

Mme Rheault: Oui, et j'ai déjà aussi participé à des programmes formels de formation d'analphabètes, mais il existe des collaborations comme les media communautaires, la télévision communautaire à l'occasion de formation de citoyens, l'utilisation des communications peut faire une demande dans une régionale pour donner cela dans le cadre de l'éducation des adultes. Cela s'inscrit dans un programme formel, mais c'est de l'initiative populaire, si je peux dire.

Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question... Oui. Touchant l'éducation en milieu défavorisé, il y en a aussi dans chaque région. Je suis sûre qu'il y en a dans la région de Lévis, Sherbrooke et Québec. Une des initiatives qui a été prise, ce sont les maternelles maison. Est-ce que vous n'avez jamais transposé dans vos télévisions communautaires respectives, cette expérience de la maternelle maison en y amenant les acteurs qui, au lieu d'être dans leur cuisine seraient dans votre studio? Est-ce que vous avez pensé à ce type d'expérience ou à d'autres plus spécifiques s'adressant aux milieux défavorisés?

Mme Roy: Pour ce qui est du centre vidéo populaire, on n'a pas touché ces problèmes précis, on n'a quand même pas couvert tous les dossiers. Les genres de dossiers qu'on fait, on les fait avec la collaboration des groupes concernés. Ce groupe, s'il existe, dans ma région il n'en existe pas, à ma connaissance, peut-être individuellement mais pas en groupe. On a fait des dossiers, par exemple, avec les familles monoparentales qui ont un problème spécifique au niveau économique, qui sont économiquement défavorisées. Elles nous ont demandé de montrer à la population le moyen d'organisation qu'elles se sont donné. Elles se sont donné un jardin communautaire durant l'été. Ce moyen, économiquement, est très important pour elles. Elles nous ont demandé de montrer à la population comment elles s'étaient organisées et comment c'est possible pour des gens défavorisés de s'organiser par leurs propres moyens.

Il y a d'autres expériences aussi, d'autres témoignages comme ceux-là qui peuvent être illustrés dans une télévision communautaire, mais c'est toujours en collaboration avec les groupes qu'on le fait.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je m'excuse de m'être éloignée du sujet qui nous préoccupait ce soir, mais ce n'est pas souvent qu'on a l'occasion de rencontrer des représentants de la télévision communautaire. Je peux vous assurer que, pour ma part, je pense avoir saisi le message que vous êtes venus porter ici. Non seulement à l'occasion des projets de loi 4 et 5, mais à l'occasion d'études ultérieures de budget, etc., nous essaierons, du côté de l'Opposition officielle en tous les cas, de nous rappeler la mission toute particulière que vous accomplissez dans vos milieux respectifs. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Avez-vous quelque chose pour conclure?

M. O'Neill: Je veux tout simplement souligner, M. le Président, que j'apprécie le mémoire qui

nous a été présenté. J'en retiens autant les critiques que les approbations, parce qu'il faut être très attentif aux critiques que l'on formule. Je me réjouis aussi du fait que sur beaucoup de points, comme vous l'avez souligné vous-même, vous êtes d'accord, tout comme j'apprécie le fait que dans le cas de mémoires antérieurs des gens aient exprimé leur accord. Tout cela peut s'expliquer d'ailleurs de deux façons: Premièrement, il y a eu tellement d'études et de consultations qui ont précédé qu'on a fini par trouver la formule. Surtout dans le cas de Radio-Québec, de la programmation éducative, il semble bien que la formule sans être parfaite soit celle qui a beaucoup de chance de connaître du succès.

Je retiens l'inquiétude que vous avez exprimée concernant le lien entre les organismes communautaires et Radio-Québec. Vous vous êtes inquiétés aussi concernant le climat dans lequel s'effectuera la régionalisation. Je dirais que c'est un message que je transmets à Radio-Québec. Là-dessus, je dois vous dire que je fais énormément confiance à la direction actuelle de Radio-Québec et à l'esprit qui l'inspire dans cette opération de régionalisation.

Vous nous avez demandé aussi de réévaluer la politique d'aide à la diffusion, surtout concernant les câblpdistributeurs. Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous nous demandez qu'au moins il y ait des normes suffisamment rigides qui soient formulées dans l'application de cette politique d'aide. Que ce soit quelque chose qui ne soit pas trop flou, qui soit, au contraire, suffisamment précis pour que cela atteigne les objectifs que nous voulons atteindre.

Je tiens à vous remercier encore une fois, compte tenu du bref laps de temps dont vous disposiez pour faire ce travail. C'est vrai que vous n'aviez pas tout ce soutien technique de toutes sortes dont disposent les fonctionnaires au sein d'un ministère. Dans ce bref laps de temps, je pense qu'on peut dire que vous avez fait un excellent travail. Je tiens à vous remercier pour votre collaboration.

M. Lafleur: Je veux simplement conclure en disant, au nom de mes collègues, que cela nous a fait plaisir de rencontrer la commission parlementaire. Évidemment, l'essentiel du message que nous avions à communiquer, il ne s'agirait pas de le résumer ici, cela a été une discussion assez longue. L'essence de notre message est contenu dans les documents que nous avons produits et dans les discussions que nous avons eues avec vous. Je pense qu'on peut conclure que de notre part cela a été un grand plaisir de vous rencontrer.

Le Président (M. Jolivet): Le travail de la commission est terminé. Avant d'ajourner sine die, je rappellerai au rapporteur de la commission qu'il aura à faire rapport à l'Assemblée nationale demain. Merci.

Fin de la séance à 23 h 25

ANNEXE A

L'ASSOCIATION DES RÉALISATEURS de Radio-Québec

— Mémoire — à la commission parlementaire touchant les projets de loi no 4 et no 5, présentés par M. Louis O'Neill, ministre des Communications

Monsieur le ministre,

Lors de la dernière commission parlementaire en mai 1978, l'Association des réalisateurs de Radio-Québec avait manifesté qu'une volonté politique de la part du présent gouvernement puisse être amorcée à partir des recommandations du rapport Rocher et des interventions de la direction de Radio-Québec, suivies de celles des syndicats des employés.

Nous sommes aujourd'hui en présence du projet de loi no 4, loi sur la programmation éducative et du projet de loi no 5, loi modifiant la Loi de l'Office de Radio-Télédiffusion du Québec.

Nous aimerions attirer votre attention, en premier lieu, sur le projet de loi no 4:

Sans en contester l'intention, nous croyons qu'il est de notre devoir, à titre de représentants de l'Association des Réalisateurs, de vous mettre en garde quant aux demandes éventuelles des diffuseurs privés. Ces derniers, sous prétexte de vouloir inscrire à leur programmation commerciale un certain pourcentage d'émissions, dites éducatives, risqueraient d'entrer en contradiction avec les objectifs et le contenu des émissions éducatives.

Quant à la loi no 5, nous sommes heureux d'y voir un changement de nom; il répond légalement à une entreprise autonome qui se veut être aussi à l'abri de toute partisanerie politique.

Nous souhaitons que la Société de Radio-Télévision du Québec puisse voir le jour où nous aurons un réseau de radio et de télévision dont la programmation sera conjuguée de façon à permettre la retransmission d'émissions simultanées dans le domaine des affaires publiques, des arts et des lettres.

Nous nous permettons de vous signaler un danger quant à la volonté d'installer dans les régions des centres de production de télévision éducative. Avant même d'y consentir, ne faudrait-il pas s'assurer des valeurs professionnelles régionales? Il est souhaitable que les régions s'expriment librement, nous en convenons; mais il faut éviter l'amateurisme technique et avoir les mêmes exigences normatives que nous nous imposons ici à la maison-mère.

Nous savons aussi que les stations de câblodiffuseurs ouvrent toutes grandes leurs portes à divers organismes ethniques, à des mouvements socio-culturels, aux syndicats et à une multitude de gens qui se donnent comme mission de vouloir instruire la population. Ce genre de télévision qui présente à la fois un aspect commercial et communautaire a sa raison d'être et trouve bien sa place pour s'exprimer librement; le danger serait de voir ces organismes envahir les centres régionaux de production de la Société de Radio-Télévision éducative du Québec, poussés par l'appât des subventions du gouvernement, et de ce fait le risque de tomber dans la facilité.

Nous demandons donc au gouvernement du Québec de bien vouloir faire respecter dans les régions les normes professionnelles des artisans de la création visuelle et technique reconnue au sein de Radio-Québec.

Les aventures audio-visuelles et l'apprentissage des métiers devraient se faire dans nos écoles reconnues par le ministère de l'Education.

La radio et la télévision éducative du Québec se doit d'être professionnelle et concurrentielle, même si elle se veut alternative sur le plan de la cote d'écoute. Elle devra de plus en plus tenter de se surpasser sur le plan de la créativité. Ne sommes-nous pas à l'époque des échanges sur le plan national et international? Est-ce que la commandite de prestige frappera à notre porte pour épouser nos valeurs culturelles et y contribuer?

Nous vous remercions de votre obligeante attention et espérons que nos remarques seront prises en considération. De notre côté, nous veillerons à faire respecter notre code d'éthique.

Le Conseil exécutif de l'Association des Réalisateurs de Radio-Québec représenté par Guy Leduc, président et Jean-Louis Béland, administrateur

ANNEXE B

Mémoire de l'Union des Artistes relativement à l'étude du projet

de loi no 4 "Loi sur la programmation éducative"

et du projet de loi no 5 "Loi modifiant la Loi de l'Office

de Radio-Télédiffusion du Québec".

Il est désormais admis que la télévision nous influence tous, individuellement et collectivement. La preuve n'est plus à faire et les querelles qu'on lui cherche depuis ses débuts en témoignent.

Nous ne pouvons que nous réjouir du fait que la télévision éducative puisse bientôt prendre un nouvel essor grâce à la loi présentement à l'étude. Une télévision franche, curieuse et qui s'attarde en profondeur à nous présenter les différents aspects de notre culture et de celle des autres peuples, sans avoir pour but premier une rentabilité commerciale qui tenterait pour des motifs cupides et aveugles, de flatter notre paresse intellectuelle, une télévision véritablement éducative ne peut dès lors que soulever l'appui et l'enthousiasme de tous puisqu'elle utiliserait à ses fins les plus élevées, un médium qui pour important qu'il soit, se fait souvent porteur de médiocrité, nivellant son contenu par le bas pour mieux se prétendre accessible à tous.

Autant il est souhaitable que dans les années à venir, la télévision privée prenne conscience de ses responsabilités publiques, en s'éloignant d'une commercialisation souvent outrée; autant il importe à une télévision éducative d'être au dessus de toute démagogie, de toute complaisance. La mission éducative se doit d'être attrayante plus qu'inutilement austère et rébarbative. Elle doit, il nous semble, tout en revalorisant les caractéristiques d'une région, s'inscrire dans un courant culturel global et faire en sorte qu'une émission dite régionale qui porterait par exemple sur les peintres naïfs du Saguenay, Lac-St-Jean, devienne par la qualité du traitement d'intérêt égal pour tous les Québécois et, pourquoi pas, intéressante pour les pays étrangers.

Plusieurs expériences antérieures, à Radio-Québec même, nous ont démontré qu'il ne suffit pas de braquer les caméras sur une "compétence" quelconque faisant étalage comme en salle de cours, de son érudition personnelle, pour que cette forme d'éducation soit valable et efficace.

Nous en arrivons donc à vouloir parler de certains critères de qualité. On ne peut légiférer sur la qualité sans risquer mille aberrations. Notre but n'est pas non plus de vous y encourager, mais plutôt de vous inciter à tenir compte dans l'établissement de vos priorités d'une certaine logique inhérente aux politiques antérieures.

Depuis le rapport Parent, nous avons vu se multiplier les écoles d'art dramatique, les spécialisations universitaires en animation culturelle, en loisirs, en techniques audio-visuelles sans pour autant voir le marché du travail correspondant, grandir au même rythme.

Ainsi nombre de jeunes qui ont maintenant la trentaine ont quitté leurs régions (Cantons de l'Est, Mauricie, Gaspésie, Saguenay) pour Montréal afin d'y gagner leur vie. Ils y ont acquis pour plusieurs, à coups d'expérience multiples, une compétence éprouvée.

Il nous apparaît donc normal que dans l'éventualité d'une loi qui permettrait aux régions de produire des émissions, les différents postes ainsi créés soient accessibles à tous les Québécois et que la compétence seule soit le critère d'appoint. Cette ouverture serait donc conforme et conséquente aux politiques gouvernementales en matière d'éducation depuis au moins une décennie et le moyen idéal d'assurer aux productions régionales, une qualité valable.

Notre but n'est pas non plus d'écarter les compétences régionales de débouchés intéressants, nous voulons plutôt encourager un heureux mariage des deux, afin de rapprocher les régions les unes des autres, de créer par ces échanges, un flux culturel, un véritable réseau. Si chacune des régions se replie sur elle-même, nous ne verrons alors que des tentatives malhabiles d'apprentissage, ce sera donc répéter pour chacune des régions, les débuts de Radio-Québec, recommencer l'expérience aux dépens des spectateurs. Et ce chauvinisme "régionaliste" ne pourra que desservir les régions et le Québec tout entier.

Gardons en mémoire que le Québécois moyen a l'oeil averti et qu'il en a vu des émissions! Pour l'intéresser aux produits régionaux, il faudra lui faire la preuve de l'intérêt.

Evitons que les postes régionaux deviennent les châteaux-forts d'un chauvinisme de mauvais aloi, mais plutôt les premiers jalons dans l'établissement d'un réseau qui nous unisse, tout au moins nous rapproche.

Dans la mesure où il sera possible pour un artiste québécois d'exercer partout au Québec son métier, nous ferons en sorte que bien des initiatives culturelles en découlent. Il n'est pas utopique de croire, que le fait de retrouver à Chicoutimi, Matane, Trois-Rivières des groupes d'artistes travaillant dans des productions télévisuelles locales, qu'ils soient tentés de monter des productions théâtrales, des ateliers, des cours.

Pour l'instant, nous avons voulu attirer votre attention sur un des aspects les plus ambigus de la régionalisation.

Soyez assurés, messieurs, que nous sommes à l'entière disposition des membres directement concernés par ce projet et qu'il nous serait d'un vif plaisir de pouvoir nous entretenir plus longuement et en détail sur les points que nous n'avons fait que soulever aujourd'hui.

Bonfield Marcoux, 1er vice-président.

Document(s) related to the sitting