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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, August 12, 1987 - Vol. 29 N° 31

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

Pendant que je procéderai aux affaires courantes en disant qu'on a quorum, en demandant si on a des remplaçants, etc., j'inviterais notre premier groupe d'invités, ta Maison internationale de Québec, à s'installer à la table en face de moi.

Constatant que nous avons quorum... Est-ce qu'on a des remplaçants, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui. M. Philibert (Trois-Rivières) remplace M. Gardner (Arthabaska) et Mme Bleau (Groulx) remplace M. Khelfa (Richelieu).

Le Président (M. Trudel): Merci. La commission de la culture poursuit sa consultation particulière sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989, en tenant compte des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec de même que de ses obligations à l'endroit de la communauté internationale et des familles à l'étranger des nouveaux résidents québécois.

Je pense qu'il est inutile de rappeler les ententes intervenues entre les partis. Cela a été fait hier matin et cela a été bien respecté tout au cours de la journée d'hier. Je rappellerai simplement pour nos invités, celui qui est déjà en face de nous et ceux qui le suivront et qui sont déjà installés à l'arrière de la salle, que la commission accorde 20 minutes aux différents organismes, à ses invités, pour résumer le mémoire quand il est plus long qu'un certain nombre de pages qui peuvent être lues en 20 minutes ou moins et qu'on a 40 minutes de discussions avec les invités réparties de façon égale entre les deux formations politiques. Quand les invités prennent moins de 20 minutes, la balance du temps est répartie également entre les deux partis politiques.

Sur ce, pour commencer la journée, comme je le disais hier, selon une tradition que nous maintenons de façon vaillante et constante, avec 10 minutes de retard, il me fait plaisir de saluer M. Russo, président de la Maison internationale de Québec, en le remerciant d'avoir acquiescé à un changement d'heure et de jour, même. Je pense qu'on devait vous entendre demain, M. Russo, et que, un groupe s'étant désisté, on a dû remanier, à la dernière minute, notre ordre du jour. Je vous remercie de vous être prêté de bonne grâce à ce chanqement. Je vous invite immédiatement, en vous souhaitant la bienvenue, peut-être pas à résumer votre mémoire parce qu'il est très court, mais à préciser des points si vous en sentez le besoin. Par la suite, nous procéderons à un échange de vues.

Maison internationale de Québec

M. Russo (José B.): Merci. M. le Président, Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, M. le député, Mme la députée, je vous remercie beaucoup pour ce moment qui m'est accordé de vous présenter notre point de vue sur le niveau d'immigration que 'le Québec est en train de définir pour l'année 1988-1989. Cela nous fait un très grand plaisir de pouvoir participer à cet exercice. C'est ainsi que, lors de l'assemblée de notre conseil d'administration du 20 mai dernier, nous avons réfléchi à cette question. Nous vous présentons nos conclusions principales dans le texte qui vous est soumis.

En résumé, nous partaqeons l'orientation que le gouvernement s'apprête à prendre dans ce domaine à l'effet d'établir un proqramme de hausse permanente et significative des niveaux d'immigration au cours des prochaines années. Cependant, le niveau auquel on veut limiter cette immigration, nous le percevons comme une limitation qui ne permettra probablement pas au Québec de maintenir son importance démoqraphique au même niveau que celui du Canada.

Nous avons discuté longuement de cette question. On a découvert, à l'analyse des données et des statistiques, que les provinces de l'Ouest qui ont une importance démographique beaucoup moindre que le Québec sont capables d'accueillir 30 % de l'immigration globale du Canada, alors que le Québec se limite à 25 %. Nous ne voyons pas le rapport qui existe dans ce domaine. L'Ontario, si on le remarque, est la province avec laquelle on se compare habituellement. Elle a l'habitude d'accueillir, bon an mal an, près de 48 % de l'immigration au Canada. Nous nous interrogeons à savoir dans quelle mesure le Québec pourra maintenir son

importance démographique, considérant que cette province a è peu près le même taux de croissance naturelle de population.

C'est le point qu'on voulait porter à votre attention. On dit: "La limite fixée à cette hausse, 25 % de l'immigration qlobale au Canada, risque d'être insuffisante - à notre avis - pour assurer au Québec le maintien de son importance démographique dans le contexte canadien."

Naturellement, on renforce cet élément: Cette limite devrait plutôt être définie à un niveau comparable à celui de l'Ontario, ou à celui des provinces de l'Ouest, si jamais l'on veut conserver l'importance démographique du Québec au sein de la Confédération canadienne*

Dans la perspective où le Québec annonce qu'il veut procéder à une hausse significative de son niveau d'immigration, il semble important d'améliorer certains services. Entre autres, nous signalons, c'est-à-dire que nous sommes conscients que, dans certains cas, le Québec est un partenaire du gouvernement fédéral quant au traitement rapide des demandes d'immigration. Les délais rapportés par les immigrants de la région sont de deux ans et demi, ou plus. Cela prend du temps pour immigrer au Canada» Dans la plupart des cas, ces délais qui interviennent placent les gens dans une situation où ils décident d'immigrer ailleurs. Ils ont plusieurs choix, ce n'est pas seulement au Canada qu'ils peuvent aller, mais ils peuvent aller également en Australie et aux États-Unis. Dans plusieurs cas, les immigrants qui sont ici découvrent que certains de leurs parents sont allés s'installer en Australie ou aux États-Unis puisque les délais, ici, ont été très longs.

Le traitement rapide des demandes de refuge: là aussi, c'est très long. On a l'impression que ces deux éléments - ce dernier et le retard dans le traitement des dossiers - contribuent pour beaucoup dans le phénomène que l'on voit actuellement, soit l'arrivée massive de gens qui revendiquent le statut de réfugié. C'est l'opinion qui a été émise par notre conseil.

Également, il y a le renforcement et l'amélioration des services rendus par les groupes et les associations ethniques. Si on regarde un peu l'importance accordée par les associations ethniques afin que les gens viennent ici et s'installent à un endroit donné, on dirait que ces groupes ont une importance stratégique très grande. Il faut dire aussi que ces gens se regroupent et tendent a se développer ou à attirer davantage les gens dans un endroit dans la mesure où les services qu'ils offrent, comme groupe ou comme association, sont raisonnables ou acceptables. Nous avons constaté que des groupes d'immigrants qui habitent à Montréal ou à Toronto à cause de la vie culturelle, la vie économique, la vie sociale sont beaucoup plus importants et attirent non seulement les immiqrants de l'extérieur, mais, en même temps, les immigrants qui sont installés ici.

Il y a beaucoup d'immigration interne. Il y a des gens qui immigrent de Québec. Une fois que les gens finissent le programme de formation au COFI, ils ont tendance à immigrer dans . les centres urbains plus grands, comme Montréal, où il y a des possibilités d'emploi et où les services de vie communautaire sont plus importants.

Nous voulons attirer votre attention sur ces points-là. Il faut, je crois, si l'on veut attirer des immiqrants et si l'on veut qu'ils s'installent dans une région... Il y a des communautés, des associations ou des qroupes qui peuvent jouer un rôle très important.

Et, troisièmement, il faut faciliter l'immigration des parents. D'après les données statistiques du Canada, près de 75 % des immigrants qui sont arrivés avant 1985 ont un lien parental avec quelqu'un. C'est peut-être un élément qui existe dans la perspective d'une hausse de l'immiqration. C'est important de tenir compte de cet élément-là. Les parents attirent leurs parents de leur pays d'origine dans la mesure où ils sont satisfaits ici. Cette situation-là, c'est important d'en tenir compte actuellement. Les lois canadiennes ne facilitent pas nécessairement l'arrivée d'un plus grand nombre de gens qui seraient intéressés à être ici.

Donc, cela résume les principaux points que nous avons retenus lors de notre assemblée du conseil d'administration à la Maison internationale de Québec. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Je m'excuse, M. le président, j'avais une conversation privée avec un membre de la commission. Je vous remercie de votre intervention et je reconnaîtrai Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme Robic: Oui, merci, M. le Président. M. Russo, je vous remercie d'être parmi nous, d'avoir accepté notre invitation de participer à cette commission. La Maison internationale de Québec est un groupe actif dans la région de Québec et je veux vous féliciter de l'ouvraqe qui est fait ici même.

Vous parlez de longs délais quand il s'agit de recevoir les immigrants. Est-ce que, ces délais, vous les voyez en ce qui a traft à I'immigration indépendante ou à celle des réfugiés? Est-ce que vous pourriez clarifier, s'il vous plaît?

M. Russo: Au niveau de l'immigration indépendante. Cela veut dire que l'immigration des...

Mme Robic: Le processus normal de

demande des immigrés.

M. Russo: C'est le processus normal, c'est ça.

Mme Robic: D'accord.

M. Russo: Cependant, il faut préciser que nous avons consulté les gens qui sont arrivés dernièrement ici. Pour les années précédentes, on a fait les mêmes constatations et on remarque qu'il n'y a pas eu d'amélioration sur ces points-là. Lors de la dernière consultation que le ministère a faite, nous avions déjà signalé cet élément et il n'y a pas eu d'amélioration depuis cette date, d'après les renseignements que nous donnent les gens qui sont arrivés ici.

Mme Robic: Est-ce que vous auriez remarqué, dans ces critiques, que c'étaient des gens... Est-ce qu'on pouvait identifier certains pays en particulier, sans nécessairement en nommer, où les gens se conformaient à ce genre de délais? Vous savez, quelquefois, il est compliqué d'obtenir du pays d'origine même les papiers nécessaires, donc il est plus difficile pour nous de faire des vérifications également. Est-ce que, encore une fois sans nommer le pays, vous avez remarqué que certains pays ont plus de difficultés que d'autres et que les délais sont plus longs?

M. Russo: On a remarqué que, pour les pays du Sud-Est asiatique, c'est beaucoup plus long. En même temps, le même phénomène survient en Amérique du Sud.

Mme Robic: Je pense que des fois, comme je vous l'explique, c'est compréhensible car ce n'est pas toujours facile d'avoir l'information, les documents nécessaires des différents pays.

Vous demandez un renforcement des services rendus par les groupes et les associations ethniques. Quels services d'accueil et d'adaptation croyez-vous du ressort gouvernemental et êtes-vous satisfait des programmes de subvention actuellement en vigueur, entre autres, nos nouveaux programmes tels notre programme interculturel, notre programme de francisation, etc., qu'on a ajoutés aux programmes réguliers?

M. Russo: Lors des discussions, il est surtout apparu que beaucoup d'immigrants arrivent ici, s'installent, travaillent et, à un moment donné, ils ont besoin d'entreprendre quelque chose. Généralement, ce sont de petits commerces, de petites entreprises et, naturellement, cela se fait selon les services financiers habituels. Comme ils n'arrivent pas à se justifier nécessairement, il faut qu'ils recourent aux amis ou aux membres de leur communauté. Actuellement, ce sont nos associations. Ici, à Québec, surtout sur ce plan, la communauté est très limitée. Les moyens de collaboration de la communauté sont très limités. Ainsi, au niveau de l'accueil, l'accueil qui est donné... Il y a des associations, mais en même temps, il y a tout le domaine social et sportif et des choses comme cela. Les services offerts à la personne pour s'adapter aux niveaux communautaire et municipal, généralement, cela prend beaucoup trop de temps. Il faudrait beaucoup plus soit une insertion et une collaboration plus active des organismes ou des associations pour que ces gens-là puissent accéder plus rapidement aux services qui sont déjà offerts par la communauté.

Quant au financement des associations, actuellement, avec les changements qu'il y a eu dernièrement, les gens s'interrogent. Ils n'ont pas vu encore de changement dans leur façon de fonctionner. Il y a un certain apprentissage de tout cela qui est en train de se faire. Les moyens sont généralement très limités aussi; il faut constater cela. Nos associations vivent avec très peu de moyens et le soutien que le gouvernement nous donne est aussi très limité.

Actuellement, dans la région de Québec, il y a eu des améliorations significatives des services, comme des locaux ou un service de secrétariat, etc. des endroits où les associations peuvent se réunir. Auparavant il n'y en avait pas. C'est disponible actuellement. Je dirais qu'on a vu une amélioration depuis un certain temps. C'est la réponse que...

Mme Robic: Vous mentionnez que plusieurs services étaient là, mais qu'ils n'étaient pas nécessairement toujours connus des immigrants ou accessibles aux immigrants. Donc, il y a une question d'éducation non seulement en ce qui concerne les immigrants, mais peut-être en ce qui concerne les élus municipaux ou les associations locales. Est-ce que c'est juste?

M. Russo: C'est ça mais, quand même, j'ai dit qu'en ce qui concerne des groupements et des associations je pense que, s'ils en avaient les moyens, ils pourraient jouer un rôle beaucoup plus important, pour créer des liens, pour orienter les gens vers ces services.

C'est dans ce sens-là... Il y a déjà des activités culturelles, sociales qui sont vivantes dans ces groupes. Mais, vu les limites de leurs ressources, naturellement, il y a beaucoup trop de choses à faire. Ils se limitent à des choses qui sont beaucoup plus urgentes et plus immédiates.

Mme Robic: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Russo, la présence de votre organisme à cette commission nous réjouit, parce que mes collègues et moi avons très souvent parlé, depuis le début, de "démontréalisation" ou de "démétropolisation" de l'immigration, parce que vous savez comme moi - je pense, que c'est ma collègue, la députée de Maisonneuve, qui citait la statistique - qu'il y a plus de 80 % des immigrants qui s'établissent dans la région métropolitaine. C'est un facteur qui est donc presque exclusivement montréalais et, à notre point de vue, l'immigration devrait être une entité québécoise autant que le pays.

J'ai remarqué dans votre mémoire, comme dans celui de tous les autres et, notamment, celui du Congrès juif canadien hier, des recommandations précises quant à l'immigration des parents. Après avoir écouté le Congrès juif canadien, hier soir, je fouillais - vous me permettrez l'expression -dans ce qu'on appelle un "clipping" de presse d'une revue internationale qui parlait justement d'un problème que vit un pays qu'on connaît bien, qui est Israël, quant à la rétention des immigrants.

Tout le monde sait que c'est la politique d'immigration d'Israël de favoriser la réunification des familles, mais il semble que ça ne joue pas à 100 % ou de façon très imperméable dans la rétention des immigrants. Je vois que, vous aussi, vous parlez de cette immigration des parents; par contre, vous ne précisez pas la recommandation relative à cette immigration des parents. Vous serait-il possible de développer un peu plus à fond? (10 h 30)

M. Russo: La réunification des -familles est limitée à la famille immédiate de l'individu. En réalité, dans les concepts de la famille qui prévalent en Asie ou en Amérique du Sud et même en Afrique, la famille est plus étendue qu'ici. Cela veut dire que les parents... Lorsque je donne l'exemple de plusieurs immigrants d'ici qui ont réussi et s'installent, la famille immédiate vient. Par la suite, les personnes se renseignent et, si les possibilités sont intéressantes ici, ce sont les frères, les soeurs et les cousins.

Actuellement, ces gens-là sont soumis aux dispositions réglementaires. Les critères de sélection de ces gens-là sont beaucoup plus reliés aux situations existantes sur le marché du travail qu'à d'autres critères indépendants. Dans ces cas-là, la plupart des gens voulaient que ces gens aient plus de . facilité à immigrer ici, parce que c'étaient des membres de leur famille. Premièrement, il y a une promotion du Québec faite auprès d'eux. Deuxièmement, du fait qu'ils arrivent ici, il y aura quelqu'un qui 'pourra les intégrer facilement dans la société, d'une certaine manière, et, en cas de besoin, les aider. C'est cette réalité qui répond... Dans le cas des Asiatiques, des Cambodgiens et des Laotiens, ils constatent que la notion de famille immédiate est très limitative comparativement à leur concept.

Je ne sais pas si j'ai répondu pleinement à votre question, mais la notion des parents que nous utilisons y fait référence. On veut que l'on facilite davantage la venue des gens qui ont une parenté établie.

M. Boulerice: Vous avez bien raison. Culturellement, la notion de famille est tout à fait différente. Divisons le monde en deux: l'hémisphère occidental et l'hémisphère oriental. Il est bien entendu que la conception de la famille dans les pays du Sud-Est asiatique est totalement différente de la conception de la famille dans le monde occidental. Même chez nous il y a des variantes dans la conception de la famille. Pour la France, la Belgique, la Suisse, elle est bien différente de celle qui peut exister ici. En Italie, elle a un sens beaucoup plus large que celle qui peut exister chez nous. Donc, vous êtes en train de nous suggérer que l'on donne effectivement pour les immigrants le concept de la notion de famille qui est culturellement en vigueur dans le pays d'où ils sont originaires.

M. Russo: C'est dans ce sens-là que je dis ceci: si on veut attirer des immigrants, si on s'oriente vers plus d'immigration, si on veut augmenter l'immigration ici et, en même temps, si on veut garder les gens ici au Québec, nous estimons qu'une façon raisonnable de faire cela, c'est de permettre à ces gens de venir plus facilement ici. C'est là le point d'attraction et de rétention des immigrants au Québec.

Ce n'est pas, non plus, tout le monde qui veut venir. Lorsqu'on choisit de venir, je pense que la façon dont on parlait de l'attraction, ce n'est pas simplement de dire: Tu peux venir ici, il y a de la place. Il y a un flot d'informations qui existent ou qui peuvent exister pendant plusieurs années entre un immigré et un parent de son pays d'origine et celle-ci est ainsi... La préparation académique, la préparation professionnelle de la personne qui vient ici, éventuellement, se fait un peu en fonction de ces renseignements.

En termes d'attraction, nous croyons que c'est un droit important à développer. Aussi, si on veut que ces personnes restent au Québec ou restent dans la communauté qu'elles choisissent - la ville de Québec, par exemple - dans le sens que vous disiez qu'on ne veut pas qu'elles aillent habiter en plus grand nombre dans les grandes métropoles, je pense que ces notions pourraient être utilisées. Nous sommes en faveur de cela et nous croyons que c'est très limitatif, actuellement. Dans plusieurs cas, les gens qui

immigrent ici cherchent à retrouver les gens qui ont quand même un lien très près d'eux.

M. Boulerice: Muchas gracias, Senor Russo.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. M. le député de Mercier, allez-y.

M. Godin: M. le Président, je suis préoccupé par le fait qu'à Québec il y a une communauté multiethnique assez importante, excepté que des groupes ethniques restent à Québec tandis que d'autres quittent Québec pour aller ailleurs. Pouvez-vous nous dire à quelles conditions des groupes restent dans la ville de Québec et qu'est-ce qui explique que d'autres quittent pour aller à Montréal, par exemple, ou à Toronto? Avez-vous dégagé, dans votre expérience de président ou de nouveau Québécois vous-même, les raisons ou les facteurs qui feraient que certaines personnes resteraient dans la ville de Québec tandis que d'autres y seraient moins attachées et s'en iraient? Est-ce que ce sont des raisons que vous avez pu identifier?

M. Russo: En général, notre expérience nous indique que, lorsqu'une famille s'installe ici, les liens familiaux font que les gens restent davantage. C'est plus difficile de décider d'aller ailleurs lorsque toute la famille est installée dans la région.

Deuxièmement, il y a l'emploi. Cela prend un emploi pour la personne. Cela veut dire que, dans une région comme Québec où le secteur secondaire est très important, la préparation de la personne entre en jeu.

Troisièmement, il y a la vie culturelle qui existe dans la région et, finalement, on regarde si les perspectives de s'installer sont favorables à moyen terme. Donc, les gens résistent à partir.

Ce sont là un peu les quatre éléments que nous voyons chez la plupart des gens qui s'installent ici en permanence.

M. Godin: Donc, il y a des facteurs où l'aide gouvernementale peut intervenir: ce sont le troisième et le quatrième. Quand les gouvernements vous aident à organiser des activités culturelles ou des organisations ethniques où les gens se retrouvent, il est possible que cela joue un rôle.

M. Russo: C'est cela.

M. Godin: Maintenant,' on dit souvent qu'il n'y a pas suffisamment de' nouveaux Québécois parmi les fonctionnaires du Québec. On allègue toujours que c'est parce qu'ils ne sont pas à Québec, qu'ils sont à Montréal ou ailleurs. Comme il n'y a pas de gouvernement à Montréal, il n'y a pas beaucoup d'emplois qui s'ouvrent pour eux.

Est-ce que votre expérience est que les nouveaux Québécois de Québec y trouvent facilement des emplois comme fonctionnaires?

M. Russo: La plupart de nos membres travaillent ailleurs que dans la fonction publique.

M. Godin: À votre connaissance... M. Russo: Et...

M. Godin: ...excusez-moi. J'ai une question accessoire. À votre connaissance, est-ce qu'un certain nombre d'entre eux ont déjà fait "application", comme on dit en anglais, c'est-à-dire une demande d'emploi? Est-ce qu'ils ont bénéficié des politiques gouvernementales d'accès à ces emplois, à votre connaissance, oui ou non?

M. Russo: Dernièrement, beaucoup de gens qui font partie de notre association ont fait des "applications". Il y a un groupe de gens qui ont bénéficié des mesures d'admission, surtout en ce qui concerne les emplois occasionnels.

M. Godin: En ce qui concerne les emplois permanents, est-ce que les mesures gouvernementales vous semblent suffisantes ou si on devrait les raffiner pour s'assurer que l'objectif visé par les deux gouvernements successifs, soit d'augmenter le nombre de fonctionnaires gouvernementaux du Québec, provenant d'ethnies, au même niveau que dans la population réelle, c'est-à-dire à environ 10 %, soit atteint? Estimez-vous que les mesures gouvernementales actuelles et anciennes sont suffisantes ou si on devrait aller encore plus loin dans cette direction?

M. Russo: Je pense qu'il y a eu des changements très positifs dans ce sens, dernièrement, et que des améliorations sont souhaitées par la plupart des gens.

M. Godin: Cela répond à mes deux questions, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Mercier. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. À l'écoute de M. Russo, je me disais qu'il y a deux niveaux de problème différents - ils ont d'ailleurs été identifiés au cours de la journée, hier - celui de la rétention au Québec et celui de la rétention dans les régions. Donc, c'est essentiellement le problème de l'immigration interprovinciale, une fois l'établissement fait au Québec. Le deuxième problème, c'est la "métropolisation" de presque 92 % des nouveaux arrivants établis.

II y a vraiment deux niveaux de problème qu'on ne peut pas éviter d'examiner quand on pense à l'immigration parce qu'ils ont des conséquences et ils en auront, en tout cas, sur la configuration de la société québécoise. Nos données, encore le, ce sont des données que nous possédons présentement, mais qui ne sont certainement pas satisfaisantes et qui pourraient être complétées par des études plus exhaustives faites auprès de ceux qui restent, pour bien -connaître les motifs pour lesquels ils restent, et non pas nécessairement "auprès de ceux qui quittent, parce qu'on se rend bien compte que c'est difficile de les identifier. De toute façon, les données que nous possédons, même si elles ne sont pas complètes, peuvent nous amener à croire que c'est souvent la langue d'expression qui les retient. C'est-à-dire que ceux d'entre eux qui vont faire l'usage du français avant leur établissement ou faire l'apprentissage du français une fois sur place vont plus facilement y rester, étant entendu qu'ils ont déjà leur langue maternelle, qui est la langue d'usage à la maison, et cette deuxième langue apprise. Je pense qu'il n'est quand même pas courant d'en apprendre une troisième dont on fait couramment usage; un adulte met au moins deux ou trois ans à faire l'apprentissage d'une langue, c'est quand même assez bien connu. Alors, pour la rétention au Québec, il semble qu'un des facteurs importants, ce soit le français langue d'usage chez les adultes.

L'autre aspect que vous traitez, c'est la rétention dans les régions. Vous nous dites - c'est la première fois qu'on l'entend devant cette commission - que s'il y avait élargissement de la catégorie de la famille, cela nous aiderait. Parce que, que ce soit, disons, à Québec, j'imagine que cela vaut pour Chicoutimi ou pour Rimouski, si on s'y installe, c'est-à-dire toute la famille au sens élargi, on aura plus tendance à y rester que de partir un après l'autre. Est-ce que je comprends que c'est votre point de vue?

Cela m'amène à vous demander ceci. Si, par exemple, présentement, on trouve un emploi pour son frère ou sa soeur, si on peut attester d'un emploi, il peut y avoir élargissement de la catégorie. Est-ce que vous pensez que l'élargissement de la catégorie doit être général? N'oubliez pas qu'il y a déjà 40 % de l'immigration du Québec qui relèvent de la catégorie famille, ce qui est presque la moitié de notre immigration. Alors, l'élargir à l'ensemble, cela voudrait peut-être dire passer à un chiffre vraiment considérable de cette catégorie par rapport à toutes les autres. Est-ce que vous pensez qu'il serait raisonnable, par exemple, lorsqu'il y a installation en région, qu'il puisse y avoir élargissement de la catégorie de la famille aux frères, aux soeurs?

M. Russo: On regardait... C'est évident qu'il y a beaucoup de gens qui vont s'installer à Montréal. Je ne sais pas jusqu'à quel point c'est vraiment un problème, ici au Québec, parce que toute la population du Québec s'en va vers Montréal. C'est peut-être un comportement général de la province. C'est un peu de cette façon qu'on le voit. On ne voit pas de problème à ce chapitre.

Les expériences que nous avons, c'est qu'il y a, à un moment donné, un membre d'une famille qui s'installe et qui vit ici pendant quelques années. Tout à coup, il s'en va dans l'Ouest. On a vu cela durant les années 1980, 1981 et 1982; il va s'installer en Colombie britannique, à Vancouver, normalement. Trois mois après, le reste de la famille suit. Un an après, ce sont les frères qui travaillaient dans tel secteur qui s'en vont. En cinq ans, toute la famille est rendue là-bas. Ce phénomène, nous le voyons surtout par rapport à Vancouver et à Toronto. Ce n'est pas un mouvement -comment dit-on cela? - Québec-Montréal, c'est Québec-Toronto-Vancouver. Il y a eu, dans les années 1983 et 1984, plusieurs départs pour Edmonton. Actuellement, le phénomène que nous voyons principalement, c'est Toronto-Vancouver. Ce n'est pas seulement une personne qui s'en va, mais c'est tout le noyau qui immigre et cet exemple nous indique que c'est ainsi. (10 h 45)

II y a des gens qui s'installent ici et les gens qui viennent individuellement sont beaucoup plus mobiles; par contre, l'immigration d'une famille prend beaucoup plus de temps, même si elle bouge. Nous demeurons quand même convaincus que cet élément familial est un élément important pour la rétention des gens et pour l'attraction. Si on veut attirer des candidats, ces gens-là auront de la facilité à s'installer ici s'ils ont des personnes qui peuvent les renseigner sur le milieu ou qui les ont renseignés depuis longtemps. Donc, cela répond un peu à ce point-là.

Mme Harel: Mais, vous savez, vos propos ne viennent pas me rassurer parce que, dans le fond, vous nous dites que la mobilité, qu'elle soit le fait d'une personne seule ou d'une famille, aura lieu de toute façon parce que, si un quitte, les autres, petit à petit, vont le rejoindre. Alors, ce n'est pas un facteur de rétention à ce moment-là. J'avais cru comprendre, dans vos propos du début, que la famille n'était pas seulement un facteur d'attraction. Vous savez, les facteurs d'attraction, on n'a pas besoin tellement d'en chercher car, en fait, l'attraction, elle est là. On n'a pas vraiment besoin de trouver, ici, on ne cherche pas vraiment, vous savez, les conditions qui vont créer l'attraction pour l'immigration

internationale, on cherche surtout les conditions de rétention.

M. Russo: II y a une question d'état. Lorsque nous faisons immigrer une famille immédiate, si une personne déménage à Vancouver, en trois mois, toute la famille est rendue là-bas. Mais, lorsque c'est sur le conseil de parents au sens plus large, la décision de partir est plus difficile. Mais ce n'est pas une solution, ce n'est pas une panacée. Mais ce que nous voyons, c'est que les gens qui sont arrivés ici seuls ont beaucoup plus de mobilité et vont beaucoup plus facilement ailleurs. Naturellement, ils s'en vont là où les services communautaires sont plus importants.

Il y a la notion suivante aussi. On n'a pas d'étude là-dessus, mais ce sont des impressions que nous avons, à savoir que lorsque le noyau communautaire est plus grand l'attraction, par exemple, est plus grande. À Vancouver et à Toronto, c'est justement le phénomène que l'on perçoit et il y a un phénomène aussi qui est relié à cela, c'est que les gens vont là parce qu'ils ont des liens avec d'autres gens, ils se lient d'amitié et la perspective... Donc, c'est dans ce sens-là que nous disions, dans notre recommandation, qu'il faut renforcer les services rendus par les groupes et les associations. Nous croyons que c'est un élément qui doit être renforcé un peu dans une perspective d'immigration et nous croyons que ces groupes-là jouent un rôle important dans l'attraction et dans le maintien de ces personnes à un endroit donné.

Le Président (M. Trudel): Mme la ministre.

Mme Robic: Merci, M. le Président.

M. Russo, vous avez mentionné qu'en 1981-1982 il y a eu un exode vers l'Ouest, entre autres, vers Toronto et Vancouver. Est-ce que vous rattachez cela à la langue ou plutôt à l'économie, aux emplois? Si l'économie va bien et qu'il y a des emplois, que ce soient des Québécois ou des Québécois d'origines autres, qui sont bien prêts à apprendre la langue, si les conditions économiques favorables sont là, les gens auront tendance à rester chez nous.

M. Russo: C'était principalement relié à des questions économiques. En général, l'expérience qu'on a, c'est que les gens qui viennent ici sont prêts à apprendre la langue. Ils font l'effort d'apprendre la langue et, si c'est nécessaire, ils sont prêts aussi à refaire la même chose ailleurs. C'étaient, je dirais, dans les années 1981, 1982, 1983, principalement, des phénomènes beaucoup plus reliés à des questions économiques, mais ces phénomènes-là continuent à exister aujourd'hui et ce n'est pas nécessairement dans le sens que ces gens ne travaillent pas ici, c'est dans le sens qu'ils estiment que, peut-être, les perspectives d'amélioration économique sont plus grandes là-bas, vu qu'il y a un certain nombre de services qu'ils n'ont pas ici.

Mme Robic: Un certain nombre de services qui n'existent pas ici.

M. Russo: C'est cela. Ou qu'ils pensent résoudre certaines difficultés, qu'ils vivent ici, en s'installant là-bas. On catégoriserait davantage dans ce sens-là les mouvements récents. Mais je dirais que même en 1981, 1982, 1983, ce n'était pas un exode. Il y a eu des gens qui sont partis, beaucoup de gens, des membres de la communauté, mais cela n'a pas été un départ dramatique.

Mme Robic: Des départs, c'est toujours dramatique pour l'endroit qui les perd. Mais je vais vous réjouir puisque, cette année, nous avons un solde migratoire positif de plus de 10 000 personnes. Alors, les gens ont tendance à vouloir demeurer au Québec. C'est très rassurant. On espère que cela sera mieux en améliorant l'économie et on va faire tout en notre possible pour que ces gens apprennent le français le plus rapidement possible et s'intègrent à la majorité francophone. C'est beau, n'est-ce pas?

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Merci, M. le Président. Vous faites une recommandation à l'effet d'augmenter ou d'atteindre un objectif pour augmenter notre niveau d'immigration ou le rendre comparable à celui de l'Ontario; est-ce que cet objectif-là vous le voyez, compte tenu de la situation démographique du Québec, dans un contexte... dans le temps, cela se situe où pour vous? Est-ce que c'est à court terme, à moyen terme ou à long terme?

M. Russo: L'objectif général qui est énoncé par le gouvernement, c'est de tendre vers 25 % de l'immigration globale du Canada. Nous disons que, peut-être, c'est un objectif qui pourrait s'échelonner d'ici à l'an 2000. Immédiatement, nous estimons que le niveau devrait être supérieur à celui qu'on a, de 22 000 immigrants. Le niveau devrait tendre vers une proportion plus grande des immigrants qui arrivent ici, au Canada.

La question fondamentale qu'on regardait, c'est qu'on disait que les provinces de l'Ontario et de l'Ouest admettent près de 30 % de l'immigration globale. Les trois provinces de l'Ouest, l'Alberta, la Saskatchewan et la Colombie britannique, ensemble, reçoivent 30 % de l'immigration globale du Canada, selon les statistiques de

l'année dernière. En Ontario, c'est 48 %. On sait que ces provinces ont à peu près le même taux de croissance démographique naturelle que le Québec.

Donc, si on se reporte, dès aujourd'hui, c'est-à-dire si on regarde un peu cela dans la perspective de l'an 2000, ces provinces-là, en admettant plus d'immigrants que ce qu'elles devraient avoir accroissent leur importance démographique et elles vont continuer à l'accroître continuellement.

Nous disons que l'importance démographique du Québec, si la croissance démographique naturelle demeure ce qu'elle est, est compromise déjà et elle se verra compromise davantage. Il ne faut pas oublier qu'en 1980 le Québec représentait 27 % de la population canadienne. Aujourd'hui, d'après les dernières statistiques, c'est 24 %. C'est une donnée qu'il nous semble important de retenir dans cette perspective-là.

M. Audet: Maintenant, étant donné que c'est réparti à long terme ce que vous dites, est-ce qu'il y a des moyens que vous avez à l'esprit ou des propositions que vous seriez tenté de faire pour augmenter ce niveau d'immigration ou si, selon vous, c'est une chose qui va se faire graduellement, parce qu'on sait que ce n'est pas facile?

M. Russo: La réflexion qu'on faisait quant aux moyens, c'était qu'il faudrait favoriser l'accès à un nombre plus grand de gens. Entre autres, c'est en élargissant la notion de parents que l'attraction ou plutôt la venue des immigrants ici serait... Ce serait une façon de les attirer davantage. Aussi, on regardait la question du flux migratoire et, effectivement, il y a une baisse de ce flux migratoire, mais nous pensons qu'en améliorant les services ici, à Québec, et, en particulier, en mettant l'accent sur certaines choses, sur certaines institutions, sur lesquelles on ne mettait pas nécessairement beaucoup d'accent, comme les groupes et les associations ethniques ainsi qu'en résolvant certains problèmes d'accès qu'on a comme, par exemple, les délais dans le traitement des dossiers et tout cela, on pourrait faciliter l'arrivée des immigrants en plus grand nombre ici, à Québec. En même temps, on pourrait rejoindre l'autre élément: retenir ces immigrants ici, à Québec, et dans les communautés où ils vont s'installer en premier lieu.

M. Audet: Tantôt, ma collègue de Maisonneuve, lorsque vous avez parlé... Vous parlez encore d'un moyen auquel on pourrait recourir, soit la famille, par exemple, selon vous. À moins que je n'aie mal compris, vous mentionniez que ce n'était pas un facteur de rétention, si on veut. C'est bien ce que vous avez dit! Cela pouvait être difficile, si un membre de la famille, par exemple, quittait celle-ci pour Vancouver - c'est l'exemple que vous avez donné - après trois mois, on pouvait voir les autres membres de la famille le suivre. Au point de vue démographique, cela n'a pas... Du point de vue de l'entrée des immigrants, ce sont peut-être des choses intéressantes qui sont à envisager, cela se fait déjà, sauf que, pour ce qui est de la rétention, après cela, lorsqu'ils sont arrivés ici, s'ils quittent le Québec pour d'autres provinces ou un pays voisin, par exemple, au point de vue démographique, on est encore avec le même problème.

M. Russo: Je disais tantôt que ce n'était pas une panacée comme outil de...

M. Audet: Oui.

M. Russo: ...mais il y a une chose que l'on perçoit, c'est qu'une seule personne part plus facilement.

M. Audet: D'accord.

M. Russo: Mais une personne qui a un intérêt dans un groupe a moins de motifs pour partir. Comment dit-on cela? Les conditions de satisfaction étant là, cette question se pose moins. Mais, quand même, il y a cet élément. Lorsqu'un membre de la famille bouge, il est fort probable que d'autres bougent aussi.

M. Audet: D'accord, cela va.

M. Russo: C'est cela. Mais dans ce sens-là...

M. Audet: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Beauce-Nord. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Je regardais avec mon collègue de Mercier les chiffres de Statistique Canada sur l'immigration du Québec, en 1986. On se rend compte que, finalement, s'il y a eu une plus grande rétention, ce n'est pas parce qu'il en est sorti moins; en définitive, les sorties interprovinciales, c'est-à-dire le nombre de personnes qui, du Québec, sont parties vers d'autres provinces a, au contraire, augmenté considérablement de 1985 à 1986, où presque 3000 personnes de plus ont quitté le Québec, c'est-à-dire un total de 34 263. Ce qui a fait la différence, l'an dernier, c'est que plusieurs sont revenues; il y a eu des entrées d'autres provinces. Cela a augmenté de presque 6000 ou 7000 le nombre de personnes qui, d'une autre province, sont revenues. C'est sans doute ce phénomène, la fin du phénomène de

l'exode vers l'Ouest et le retour, d'une certaine façon, de l'enfant prodigue. La situation économique dans l'Ouest n'est pas celle qui avait été espérée. Finalement, c'est l'immigration internationale qui a fait la différence parce que, avec l'accueil aux réfugiés, il y a finalement eu, pour 1986, un nombre plus grand, avec toutes les mesures administratives qui avaient été mises en place. Alors, en définitive, ce n'est que dans quelques années que l'on saura si le mouvement de rétention est satisfaisant ou non.

Pour tout de suite, je pense que ce serait vraiment prématuré, comme l'a dit la ministre, de conclure que c'est satisfaisant. Cela ne l'est que parce que les gens sont revenus, mais le mouvement de ceux qui ont quitté et qui reviennent va se tarir, évidemment. Vous savez, ce n'est pas perpétuel, ce mouvement de retour de l'Ouest. Il y aura un moment où cela va se tarir. (11 heures)

La source importante, c'est ceux qui partent que l'on veut retenir, parce que les faire revenir, vous savez, à un moment donné, il n'y en aura plus beaucoup à faire revenir. Cela va se solder, tout à coup, par le retour du nombre de personnes qui ont quitté.

Alors, de façon certaine, c'est la conclusion que je tire. Je ne tire pas la conclusion que les gens partent plus; mais je ne tire pas non plus la conclusion qu'ils restent plus. Je tire seulement la conclusion qu'il y a un problème de rétention et qu'il faut certainement, avec lucidité, faire face à ce problème.

Le Président (M. Trudel): Est-ce que vous voulez commenter, M. Russo?

M. Russo: Oui. En ce qui concerne la rétention, nous, ici, à Québec, sommes très préoccupés dans ce sens et c'est un élément important pour nous comme communauté ethnique ou groupe ethnique. Si le mouvement s'amplifie, naturellement, les activités... L'entité en tant que telle est compromise. Je pense que l'opinion de chez nous... C'est pour ces raisons que nous avons souligné ces deux choses: attraction et rétention. On voulait attirer l'attention sur ces points.

Regardons ces deux choses parce que c'est important et il doit y avoir des moyens. Nous avons énoncé quelques moyens là-dedans et cela vient peut-être enrichir votre rélexion. Mais nous avons l'impression qu'on doit tenir compte de ces deux éléments, principalement, dans les régions autres que Montréal. Je dirais peut-être à Montréal aussi mais, en particulier, dans les régions excentriques de Montréal. 11 y a une problématique qu'on n'avait peut-être pas fait ressortir de manière suffisante: c'est l'arrivée des nouveaux groupes ethniques, qu'il vient des nouveaux groupes ethniques.

Nous avons vu l'arrivée des Laotiens à Québec, cela fait environ six ans. Ils sont arrivés; ils se sont installés dans la région et ils sont restés. Il y a des conditions qui ont été remplies, a ce moment-là, lorsqu'ils sont arrivés, qui ont facilité leur installation ici. Actuellement, les services qui leur sont rendus sont satisfaisants pour eux. Ce qui collabore à ce que ces groupes restent ici et, même, à la campagne. Donc, je conviens avec Mme la députée que la question de la rétention est peut-être un élément dont on devrait tenir compte.

Le Président (M. Trudel): Mme la ministre.

Mme Robic: Vous comprendrez que, quand on entre dans des guerres de chiffres, cela peut devenir fort intéressant et j'aimerais faire remarquer à la députée de Maisonneuve que les sorties interprovinciales ont diminué de beaucoup. Si on regarde les années 1980, 1981, 1982 et 1983, on parlait de 46 000 sorties interprovinciales. On a tout de même réduit ces sorties d'une façon importante et nous avons également des entrées.

Alors, je pense que c'est, encore une fois, passé. Il faut toujours être vigilant et améliorer nos conditions. Mais c'est évident que le Québec devient plus attractif et c'est une note positive, mais il faut continuer à travailler dans le sens d'attirer et de garder nos gens chez nous.

On parle ici à plusieurs reprises de "démétropoliser" l'immigration. J'ai hâte d'écouter d'ailleurs un groupe qui vient de la région de Trois-Rivières et qui a à nous suggérer des choses. Vous savez, c'est sous un gouvernement libéral que nous avons ouvert des COFI en régions, par exemple à Chicoutimi, à Trois-Rivières, à Sherbrooke, à Hull. Malheureusement, le gouvernement du Parti québécois qui nous a suivis a cru bon de fermer ces COFI en régions. J'espère que nous, nous pourrons trouver des solutions et que nous serons plus dynamiques que ne l'ont été peut-être nos prédécesseurs. Tant pis pour eux.

Le Président (M. Trudel): Avez-vous terminé, Mme la ministre? M. Russo, voulez-vous commenter?

M. Russo: Merci beaucoup.

M. Godin: Pour fins d'archives historiques, il faut peut-être rappeler...

Le Président (M. Trudel): Très rapidement, parce que j'ai été très libéral à votre endroit, M. le député de Mercier.

M. Godin: Oui, d'accord. Je vous reconnais bien là. Je vais être très conservateur et rappeler tout simplement les faits. Les COR furent ouverts par le gouvernement libéral fédéral à l'époque et, à un moment donné, par ce même gouvernement quelques années plus tard et récupérés par l'actuel M. Couture qui a assumé les frais totalement. C'était donc non pas simplement péquiste mais libéral. Ils sont maintenus maintenant par le gouvernement libéral, mais ils furent créés et mis au monde par les libéraux fédéraux, abandonnés par eux et repris en tutelle, comme des orphelins abandonnés par leur père, par un parrain qui était québécois et qui était péquiste, lequel était M. Couture.

Mme Robic: Mais il a fermé tout de même deux postes.

M. Godin: Fermé à Trois-Rivières par nous parce qu'il n'y avait plus de candidat.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Trois-Rivières.

M. Philibert: Mais ouvert pour les fins des archives historiques et donner bon droit à la vérité la plus entière... J'ai assisté à la conférence de presse en 1972 ou 1973 lorsque le gouvernement libéral d'alors...

Une voix: Fédéral.

M. Philibert: ...avec le porte-parole, Normand Toupin, faisait l'annonce de l'ouverture du COFI à Trois-Rivières. J'officiais à ce moment-là en tant que président de la régionale des Vieilles-Forges. Alors, j'étais impliqué au dossier. Ce sont des faits historiques que j'ai vécus.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Trois-Rivières. Cela devrait mettre fin, je crois, à la première escarmouche de caractère un peu partisan de nos délibérations..

M. Boulerice: La vérité n'est jamais partisane, M. le Président.

M. Godin: La vérité est plus prosaïque.

Le Président (M. Trudel): La vérité semble être partagée selon le côté de la table où on se trouve pour le moment, à tout le moins. Mme la ministre, est-ce que vous avez une remarque finale à faire, s'il vous plaît?

Mme Robic: Je voudrais tout simplement remercier M. Russo de sa présence ici et, encore une fois, je le remercie de l'ouvrage que son groupe fait ici même à Québec.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Moi de même, M. Russo, je veux vous remercier de votre participation. Il était intéressant d'avoir le point de vue d'un organisme de Québec, de la ville de Québec, qui, ne l'oublions pas, est notre capitale nationale ou, pour certains, la capitale provinciale, mais enfin, il n'en demeure pas moins que c'est une ville importante.

Le Président (M. Trudel): M. Russo, je vous remercie de votre présence et de l'échange de vues que vous avez eu avec les membres de la commission et je vous souhaite Bon succès dans le travail que vous accomplissez. Merci beaucoup.

M. Russo: Merci.

Le Président (M. Trudel): Nous allons maintenant accueillir... Est-ce que le député de Saint-Jacques veut une très courte suspension pour fumer?

M. Boulerice: Vous êtes ignoble, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Je pense que votre terme est un peu fort. On suspend les travaux pour cinq minutes, de façon à accueillir le Centre justice et foi à 11 h 15.

(Suspension de la séance à 11 h 10)

(Reprise à 11 h 16)

Centre justice et foi

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaîtï Mesdames et messieurs les députés, si vous voulez reprendre vos places, s'il vous plaît.

Alors, nous accueillons notre deuxième groupe d'invités de cet avant-midi, le Centre justice et foi. Le père Julien Harvey est le directeur et Mme Thérèse Benguerel est responsable du secteur des communautés culturelles.

En accueillant le père Harvey, j'ai l'impression, par personne interposée, de rencontrer des gens que j'ai bien connus, ayant eu le plaisir, l'honneur et même le bonheur de connaître le père Arès pendant une trentaine d'années. J'ai même été apparenté par la belle-famille pendant plus de dix ans avec le père Arès. Donc, je connais bien l'oeuvre accomplie. Je connais aussi très bien la revue Relations que nous lisons tous, je pense, depuis presque des générations. On peut dire cela à mon âge; on commence à parier des générations qui nous suivent.

Père Harvey, bienvenue parmi nous. Vous connaissez les règles du jeu. Je vous cède immédiatement la parole pour des remarques préliminaires qui seront suivies par un échange de vues avec vous.

M. Harvey (Julien): Merci, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs. Je remercie M. le Président, d'abord, de me dispenser de présenter le Centre justice et foi en rappelant que nous sommes liés depuis très longtemps à des choses comme la revue Relations et une maison d'édition qui est Les Éditions Beilarman. Je rappelle que nous avons un secteur des communautés culturelles qui est dirigé par ma collègue, Thérèse Benguerel. Je rappelle également que nous ne sommes pas des intellectuels purs. Nous sommes des intellectuels avec une base sur le terrain. Ma collègue a été directrice d'un centre d'accueil des réfugiés immigrants pendant quatorze ans. Elle a été membre du comité consultatif du ministère et également je suis moi-même membre du comité du ministère le ceci.

Notre intervention a un but simple et précis. Nous voulons appuyer la politique proposée par le gouvernement à l'heure actuelle qui est d'augmenter notre niveau d'immigration au Québec, à partir de l'an prochain, d'au moins 5000 personnes par année et, éventuellement, de 10 000 pour arriver aussi rapidement que possible à avoir notre part de 26 % de l'immigration comme nous avons 26 % de la population du Canada alors qu'actuellement, depuis une dizaine d'années, notre moyenne est de 18 %.

Nous n'avons pas de matériaux secrets à apporter. Nous utilisons les documents du gouvernement. Nous acceptons dans son ensemble la commission French qui est produite par votre commission. Nous acceptons le rapport actuel sur les taux d'immigration de l'année prochaine et dans deux ans qui a été produit par le conseil du ministère dont je fais partie et qui propose à peu près la même chose. Mais la raison pour laquelle nous sommes venus vous rencontrer, et nous vous remercions de nous accueillir, c'est que nous voulons insister sur une certaine quantité de points qui nous apparaissent essentiels pour que cette opération, qui est une opération risquée, ne soit pas un désastre. Elle peut l'être. Par conséquent, il y a des choses qui se jouent et qui ne peuvent pas être réglées par de la simple publicité. Je pense que c'est là notre premier point.

D'abord, nous nous partageons la présentation rapidement. Je prends les points 1, 2, 3, 5 et 9 du mémoire que vous avez sous les yeux; ma collègue prendra les points 4, 6, 7 et 8.

La population est divisée sur la question de l'immigration. Cela est un fait banal, tout le monde le sait. Consultez CREATEC, consultez SORECOM. Chez nous, nous nous sommes demandé pourquoi. Je pense qu'il y a là du neuf. Nous nous en sommes aperçus et nous pouvons le démontrer. Nous avons d'ailleurs un article, dans le dernier numéro de Relations, de notre économiste Henri Sader qui montre que tous ceux qui ont quelque chose à vendre sont en faveur de l'immigration et ceux qui sont contre l'immigration sont ceux qui ont quelque chose à perdre financièrement. C'est aussi simple que cela. Le Québec a plus besoin de consommateurs que de citoyens. Lorsque nous regardons les faits, tous les organismes qui sont liés au commerce sont intéressés à avoir plus de consommateurs.

Prenez comme exemple comment les professions au Québec ont réagi. Je pourrai le préciser dans les questions, si vous le désirez. Les professions qui sont en compétition avec les immigrants sont contre l'immigration et contre l'augmentation du quota, du taux. Ceux qui, au contraire, en profitent sont pour. Les jeunes sont contre l'immigration parce qu'ils savent très bien que cela augmente leur chômage et ainsi de suite.

La deuxième réflexion qui est importante, c'est que nous croyons avoir démontré que la fameuse courbe qui traîne depuis des années dans tous les rapports du gouvernement fédéral et qui montre que le chômage n'augmente pas quand l'immigration augmente est une erreur technique. On prend l'effet pour la cause et la cause pour l'effet. Quand le chômage baisse, nous augmentons nos quotas. C'est tout ce que cette courbe qui a paru encore dans la revue Force, il y a quelques mois, prouve.

La troisième réflexion est que c'est vrai que les immigrants sont des voleurs de jobs. C'est vrai et, en même temps, c'est faux. C'est-à-dire qu'à long terme, en macro-économie desaisonnalisée et dérégionalisée l'immigration est payante. On l'a prouvé et le travail de M. Polese l'a assez bien prouvé au moins pour il y a jusqu'à huit ou neuf ans. Mais, quand on est du côté de ceux qui sont moins riches, moins spécialisés, on y perd à l'immigration. Par conséquent, les ouvriers ordinaires ont raison d'être hostiles à l'immigration parce qu'à long terme le pays va en profiter, mais "on the long range, we are all dead" comme disait Keynes.

Alors, dans le quartier où je travaille, Pointe-Saint-Charles, c'est sûr qu'on est hostile à l'immigration parce qu'elle entretient le chômage, et le chômage des jeunes en particulier. Par conséquent, nous allons recommander que si nous augmentons l'immigration il y ait une politique du haut emploi, sinon du plein emploi. Mais je ne veux pas détailler davantage.

Maintenant, la question des immigrants

investisseurs et entrepreneurs. Nous avons essayé de fouiller dans ce domaine avec la documentation que vous connaissez. Il y a une étude de COJPEL, jusqu'à 1984, qui est assez bien faite. Elle montre qu'il y a trois problèmes. Le premier, c'est une question d'éthique sociale sur laquelle je ne voudrais pas m'étendre mais qui fait que nous faisons de la sollicitation d'exportation de capitaux même dans des pays où l'exportation de capitaux est un désastre et même où elle est interdite par la loi.

Deuxième point, c'est sûr que les investisseurs apportent de l'argent précieux. C'est 176 000 000 $ en deux ans, les deux années dont je vous parle. Maintenant, ils l'investissent pratiquement toujours en compétition avec les entreprises québécoises, soit 98,4 %, et surtout en commerce, en agriculture et industrie, en restauration, à Montréal, dans les textiles et dans le plastique. Donc, la moitié de ces investisseurs ont investi en achetant une entreprise québécoise au lieu d'en créer une, soit 50,7 %. Donc, il y a déjà des problèmes.

Nous recommandons d'insister pour que nos agents à l'étranger soient plus sélectifs, qu'ils cherchent des candidats à projets spécifiques et non pas seulement génériques. C'est le vocabulaire qu'on emploie là-bas, je crois. Prévoyez, par exemple, que Hong Kong, d'ici à quelques années, va nous amener abondamment de projets génériques, mais qu'ils vont être en compétition avec l'entreprise d'ici.

Par conséquent, on a des problèmes et celui qui vient d'être discuté auparavant, nous le traitons rapidement, soit la double immigration, c'est-à-dire venir au Québec pour ensuite passer en Ontario ou aux États-Unis, va continuer d'être un problème à moins que nous ne le résolvions.

Enfin - je me risque ici sur un terrain périlleux, mais cela me semble indispensable nous avons une certaine quantité de documents que vous avez probablement vous autres aussi et qui viennent des revues ethniques, qui viennent de certains sondages comme la commission Abella, qui montrent que certains groupes s'intègrent très difficilement sur le marché du travail. Récemment encore, le dernier rapport que le gouvernement vient de publier, il y a quelques semaines, qui étudie malheureusement seulement le recensement de 1981, donc les caractéristiques socio-économiques de la population immigrée au Québec, constate que certains groupes ont un chômage double et, quand il s'agit des jeunes, triple et même quadruple de celui de la population de base. Trois documents que j'ai vérifiés récemment montrent que chez les jeunes Noirs, ceux qui sont à l'âge du travail, vous avez 70 % d'inoccupation; les Haïtiens ont 20,6 % de chômage à Montréal, à l'heure actuelle, les Kampuchéens, 18,9 %, les Vietnamiens, 14,3 %, alors que la moyenne est tout de même en bas de 11 %.

Alors, qu'est-ce qu'il faut en tirer? Je pense que, tout en ayant le souci entier des réfugiés et de l'accueil humanitaire, nous devons nous pencher assez vite sur cette question et trouver les moyens d'aider les pays en question autrement qu'en acceptant de forts quotas d'immigration chez nous, surtout si nous devons augmenter nos quotas.

Finalement, il faut être réaliste, nous sommes des spécialistes de l'éthique sociale et, par conséquent, nous essayons d'avoir un coeur. Mais accepter des gens que nous n'intégrerons pas est une erreur à tous points de vue; par conséquent, s'il y a une augmentation générale de 5000 et même de 10 000 personnes par année, nous n'osons pas recommander d'élever simultanément tous les quotas actuels.

Je pense que c'est l'essentiel que j'ai à dire, pour ma part. Voici ma collègue.

Mme Benguerel (Thérèse): Pour ma part, je voudrais souligner quelques conditions pour que, dans notre milieu, se développe une réelle cohésion sociale, alors que nous sommes confrontés à des cultures très diverses et que, par ailleurs, notre société cherche encore à affermir sa propre identité.

Nous croyons qu'il faut plus que maintenir la population, il faut l'accroître mais par des forces conjuguées, conjointes de la natalité, de l'immigration contrôlée et aussi de l'économie des pertes migratoires. L'immigration peut compenser la dénatalité à la condition d'être continue, comme nous l'avons montré dans notre mémoire. Il semble bien que les nouvelles populations acceptent facilement nos modes de vive et que les natalités, rapidement, ne soient pas plus nombreuses que pour le groupe d'accueil. Il semble aussi que ces groupes s'intègrent à notre milieu, à la population d'accueil.

Si nous gardons le statu quo, M. Henripin a établi que, dans 25 ans, la province n'aura alors que l'équivalent d'un sixième des Québécois qui soient de véritables descendants des Québécois d'aujourd'hui. Nous serons donc en face d'une société multi-ethnique très diversifiée et sans référence possible à un noyau culturel de base solide.

L'immigration doit être contrôlée, c'est certain, suivant les réalités sociales, économiques et politiques, mais aussi, le croyons-nou3, suivant les chances d'a'dap-tabilité au groupe d'accueil. Il nous semble aussi qu'elle doive être planifiée sur une plus longue période, au moins trois ans, ce qui permettrait, au fond, de réfléchir plus largement à cette question très importante des conséquences pour notre peuple. Cela permettrait aussi une concertation avec les

ministères et les institutions qui sont concernés par les immigrants et de s'assurer les budgets et combien d'autres choses. Les consultations annuelles ne peuvent concerner, à notre avis, que les réfugiés qui font face à des situations d'urgence.

La natalité est le moyen normal, bien sûr, d'assurer la durée d'un groupe. Nous croyons que des moyens fermes de soutien financier aux familles devront être assurés. La commission de la culture avait produit, en 1985, des recommandations fort pertinentes sur ce point. La population québécoise s'est prononcée aussi à 63 % pour une politique nataliste comme facteur d'accroissement démographique. Nous pensons qu'il faut maintenir cette espérance d'une hausse de la natalité chez nous, même si elle ne se fera probablement pas très rapidement. Il reste que dans d'autres pays, comme en RDA, une assistance financière substantielle aux familles a permis d'accroître le volume des naissances de façon significative. (11 h 30)

II y a le solde migratoire que nous voulions aussi souligner, ce solde migratoire négatif depuis 20 ans à l'exception peut-être des deux dernières années. Le Québec est toujours une terre de passage vers les provinces anglophones et les Etats-Unis. Il faudrait vraiment que des études soient faites sur les causes de ces départs, elles ne sont peut-être pas seulement d'ordre économique.

L'acceptation des immigrants dans les milieux où ils sont compte pour beaucoup. Aussi, du fait que nous ne sachions peut-être pas assez bien reconnaître leur compétence sur le plan professionnel ailleurs, on trouvera à utiliser ces compétences plus facilement.

Il nous semble aussi pensable de prévoir que les nouveaux arrivants qui choisiront de vivre au Québec pourraient s'engager à y demeurer au moins cinq ans; j'allais dire plutôt, jusqu'à l'obtention de leur citoyenneté. Nous voulons que les citoyens canadiens aient plus de mobilité et je pense qu'une période de cinq ans pour obtenir la citoyenneté serait souhaitable. Cela pourrait permettre aux gens de prendre goût, de prendre racine davantage au Québec que d'être tenus d'y demeurer, d'apprendre la langue et d'y vivre un temps.

Au niveau des relations entre les groupes ethniques et avec la communauté d'accueil, il est difficile d'en traiter. L'immigration a changé au Québec. Elle est davantage visible et nous met en présence de peuples aux cultures, aux politiques et aux croyances religieuses fort éloignées de la communauté d'accueil.

De plus en plus, dans les journaux, dans les revues, on peut lire des articles où an prendra position pour que la cohésion et la paix sociale soient passibles par la compatibilité. Il ne s'agit surtout pas d'établir des seuils de tolérance, mais de développer beaucoup d'information auprès de la population d'accueil et d'avoir aussi certaines attentes claires face aux nouveaux arrivants quant à l'apprentissage, à la vie française ici, à nos modes de vie, nos coutumes, nos pratiques face à la loi, face au commerce, de manière qu'une acceptation, une estime mutuelle se développe.

Je reviens à cette idée de compatibilité qui est difficile à traiter, mais on sent de plus en plus que la population souhaite que les nouveaux arrivants s'intègrent à la vie culturelle, à la vie linguistique, à la langue française qui est celle de notre province. Ils ont le droit aussi, les Québécois, de pouvoir compter sur les institutions pour la défense même de ces réalités.

Cette intégration linguistique culturelle des réfugiés, des immigrants, elle est soutenue par les structures d'accueil mises en place. Il faudrait aussi, je pense, développer des programmes d'éducation interculturelle, d'éducation aussi sur la culture québécoise proprement dite, nos valeurs, faire connaître davantage ce que nous sommes aux gens qui viennent vivre ici, soutenir aussi financièrement des organismes qui s'occupent d'éducation interculturelle, qui luttent contre le racisme, qui font la promotion des droits humains, de leur respect.

Je pense que si nous demandions aux communautés ethniques de fournir elles-mêmes les montants nécessaires, par exemple, à l'enseignement des langues étrangères au lieu de soutenir nous-mêmes des programmes par des subventions à des écoles à forte densité ethnique pour plutôt investir encore une fois dans la population, plus largement, dans un but d'éducation à ces autres civilisations qui viennent vivre chez nous et d'ouverture sur le plan international... Bien sûr, nous aussi, nous sommes très conscients de ces deux pays qui sont à se constituer au Québec avec cette forte concentration de nouveaux arrivants à Montréal. Il faudrait certainement étudier encore une fois les causes de tous ces départs et développer des conditions familiales, économiques, sociales où les nouveaux arrivants pourraient vivre dans des villes sans doute un peu moins importantes, mais où il y aurait des universités, où il y aurait des industries en nombre suffisant.

Il me semble - je n'ai pas de chiffres -qu'à Sherbrooke, à Québec, même à Drummondville, on peut voir qu'il y a là des groupes ethniques qui ont pris racine. Ce sont des villes un peu plus grandes, un peu plus populeuses.

La situation des réfugiés est particulière. Nous ne l'avons pas distinguée, dans notre communiqué, bien qu'il soit bien évident que les critères de sélection à leur endroit ne doivent pas être les mêmes que

pour les immigrants, vu leur situation de détresse. Nous voulons insister sur des programmes de sensibilisation, d'éducation de notre public, de notre population sur l'apport positif des immigrants et des réfugiés à notre communauté.

Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci. Est-ce que ça va, père Harvey? Je vous remercie et je vais reconnaître Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme Robic: Alors, père Harvey, Mme Benguerel, je vous souhaite la bienvenue à notre commission et vous remercie d'avoir accepté d'y participer. Vous nous dites que vous seriez d'accord pour voir le gouvernement développer une politique de population et qu'il serait impartant également d'avoir des études sur les phénomènes migratoires, surtout en ce qui concerne l'immigration. Je suis absolument d'accord avec vous: nous devons faire ce genre d'études.

Je vous avoue, père Harvey, que vous me surprenez un peu. Vous avez raison. Dans l'étude que nous venons de publier, vous regrettez que nous ayons employé des statistiques de 1981, mais vous comprendrez que nous n'avons pas encore les chiffres du recensement de 1986; ça prend toujours quelques années avant de pouvoir avoir les chiffres pour faire ce genre d'études. Vous pouvez être assuré que nous continuerons, que nous ferons la même étude quand nous aurons les chiffres disponibles pour le recensement de 1986.

Vous mentionnez qu'un certain nombre de personnes venant d'un certain groupe de pays ont plus de difficulté à s'intégrer, à trouver de l'emploi. Vous nous suggérez que la solution, c'est peut-être de ne pas les recevoir chez nous. Je voudrais vous faire remarquer que les pays dont on parle, ce sont des pays de réfugiés. Ce sont des réfugiés qui nous viennent de ces pays-là, pour la plupart. Il y en a un, en particulier, en ce moment, où l'on fait de la réunification de familles. Je me demande si vous croyez qu'il est mieux de laisser ces réfugiés dans des camps, par exemple, dans des camps en Thaïlande? Je crois que votre consoeur, soeur Denise Laine, ne serait pas tout à fait d'accord avec vous. Elle arrive d'une tournée, elle a été assez éloquente hier. Est-ce que vous ne croyez pas - je ne suis pas contre les programmes de rétablissement et, d'ailleurs, le gouvernement du Québec subventionne ce genre de programmes pour les personnes qui le veulent - que celles qui demandent de venir chez nous ne devraient pas être accueillies et qu'elles aient les structures nécessaires en place pour les aider? On sait qu'elles ont des problèmes d'intégration qui sont plus grands que d'autres. Ce sont de nouvelles communautés, elles sont petites, elles ne sont pas établies, elles n'ont pas le support des plus anciennes communautés. Ce sont souvent des minorités visibles - il faut être honnête - et cela cause un problème additionnel pour ces personnes. Ne croyez-vous pas qu'il serait plus opportun de les traiter comme un groupe prioritaire qui a besoin de plus d'aide et qu'on devrait mettre en place des programmes justement pour leur permettre de s'intégrer, de travailler et de devenir des Québécois à part entière?

M. Harvey: Mme la ministre, je suis d'accord avec une partie de votre observation en ce sens que nous avons un devoir humanitaire sérieux à l'égard des pays qui produisent ces réfugiés. Là, il n'y a pas le moindre doute. Deuxièmement, il faut, je pense, distinguer entre les réfugiés et les immigrants qui viennent de ces pays. En particulier, il y a quand même un bon nombre de personnes qui ne sont pas des réfugiés, qui viennent des trois pays que j'ai nommés. A ce moment-là, mon observation porte sur ceux qui viennent autrement que comme réfugié d'abord. Il est sûr qu'il faut avoir le même respect de la situation authentique de réfugié, selon la définition de la Convention de Genève, pour quelque personne que ce soit, de quelque milieu que ce soit; pour cela, il n'y a pas de doute. À ce moment-là, on fera l'effort qu'il faut après pour l'intégration.

Mais l'observation que je fais porte sur l'autre côté, celui qui est plus près de l'immigration ordinaire et qui nous apparaît un problème réel qu'on peut résoudre autrement, en aidant ces pays à aider leurs gens chez eux plutôt que de les amener chez nous pour que nous arrivions à des difficultés réelles. Par exemple, il faut être bien francs, une série de vieilles idées sont en train de passer, comme vous le savez, à propos de la criminalité, par exemple. Il y a des études parallèles en Europe, très bien faites, sur la criminalité de la deuxième génération dans les familles de chômeurs perpétuels. Si on a un refus par les Québécois d'intégrer les gens, on fait un moindre mal en restreignant l'arrivée de ces mêmes personnes. Les Québécois ne sont pas des anges, n'est-ce pas? Il faut... Cela ne sert à rien. Il ne faut pas introduire la question du racisme ou de la discrimination là-dedans. Si on prend les décisions au sommet ou dans certains milieux intéressés davantage à l'immigration comme les milieux économiques, à ce moment-là, on joue un mauvais tour à la population. Je crois qu'il faut absolument en tenir compte même s'il y a quelque chose de désagréable là-dedans et qui peut peut-être même paraître immoral. Une fois qu'on a satisfait à notre devoir à l'égard des réfugiés authentiques et des cas humanitaires, il faut restreindre le quota des

personnes qui ne s'intègrent que très difficilement.

Mme Robic: Vous nous dites qu'il faudrait que l'on mette un X sur certains pays parce que les gens qui entrent ici comme immigrants doivent répondre à une grille de sélection; donc, qu'ils viennent de n'importe quel pays au monde, qu'ils demandent de venir comme immigrants reçus, ils doivent répondre à une grille. Donc, ces personnes... Vous nous dites qu'il faudrait faire une certaine discrimination et vous prétendez que nous ne devrions pas leur permettre, malgré qu'ils répondent à une grille, de venir s'installer ici. Les difficultés...

M. Harvey: II est évident que les Québécois n'intègrent pas les gens à partir d'une grille, alors...

Mme Robic: Bien...

M. Harvey: Et le processus de l'éducation m'apparaît déjà assez long pour montrer qu'il ne changera pas si facilement qu'on le croit. L'introduction de cultures profondément étrangères, comme l'a dit ma collègue il y a un moment, nous apparaît un problème réel. Nous sommes l'un des premiers pays du monde à essayer cela, à introduire 50 % de personnes qui ne sont pas de culture indo-européenne, par exemple, dans les dernières années. Il n'y a pas d'autres pays qui ont fait cela sauf, évidemment, si l'on considère - ce que je n'accepte pas - que nous sommes tous des immigrants. Quand on dit: Voilà, il est bien sûr que lorsque les francophones sont arrivés ici ou les Anglais et la même chose en Australie ou en Nouvelle-Zélande... Mats ce ne sont pas des phénomènes analogues au nôtre. Nous ne sommes pas tous des immigrants.

Mme Robic: Alors, ce serait... Je pense que vous avez raison, ce n'est pas une grille que l'on choisit, c'est une personne, mais la personne qui répond à une grille a été préparée en rapport avec la facilité que cette personne aura à être employée, à travailler, ses compétences et ses capacités d'adaptation. Je vous avoue que vous me surprenez un tout petit peu.

Vous parlez... (11 h 45)

M. Harvey: Est-ce que je puis ajouter une chose, Mme la ministre? Une bonne partie des personnes qui me semblent causer des problèmes, d'après l'expérience que j'en ai, n'ont pas été sélectionnées avec la grille, mais elles sont venues à travers la famille et, à partir de deux personnes sélectionnées ou une personne sélectionnée avec la grille, dix, onze, douze, treize ou quinze autres sont venues qui n'y correspondent pas.

Par exemple, sur la question de l'analphabétisme à Montréal, vous allez vous apercevoir qu'une grande partie de l'analphabétisme croissant de Montréal provient de ça, du fait que les parents, les grand-parents, les oncles, les tantes et les enfants mineurs sont des analphabètes, alors que les autres avaient un haut niveau d'éducation. C'est comme ça que le problème est causé.

Mme Robic: Alors, vous n'êtes pas d'accord, comme tous les groupes qui ont passé avant vous, pour élargir la catégorie famille?

M. Harvey: Non, je le regrette beaucoup, mais je ne le suis pas et pour une raison très précise. C'est que l'arrivée au Canada suppose une convergence culturelle et, dans la convergence culturelle, il y a la notion de la famille. Nous avons dépassé ou nous avons changé, enfin... Nous ne vivons pas en clan et nous ne vivons pas non plus avec la grande famille de beaucoup de traditions d'autres continents.

Mais, en arrivant chez nous, il faut accepter la famille canadienne ou québécoise comme on accepte le droit civil et le droit criminel et les lois sur le port d'armes et ainsi de suite. C'est un minimum de convergence culturelle. À ce moment, non. C'est notre notion de la famille appliquée de façon souple, je dirais, mais qui ne comprend pas toute la famille d'autres cultures.

Mme Robic: Soeur Benguerel, vous avez parlé tout à l'heure de la nécessité de sensibiliser la société d'accueil à la venue d'immigrants et de réfugiés. Dans vos recommandations et, d'ailleurs, dans un article qu'écrivait le père Harvey dans Le Devoir au mois de mars dernier, vous parlez de publicité unilatérale et intéressée. Vous parlez du projet récent d'une grande campagne commercialisée. Je ne sais pas exactement ce que vous vouliez dire par ça, parce qu'on n'a jamais eu l'intention de faire ce genre de campagne, alors je ne sais pas où vous aviez pris votre information.

Le Conseil des ministres m'avait cependant donné le mandat, justement, de sensibiliser la population à l'apport de l'immigration. Je vous avoue qu'on espère que ce genre de commission aidera à sensibiliser la population. Mais je vous avoue que j'aimerais avoir vos idées là-dessus parce que je me pose encore la question. Comment peut-on faire des campagnes efficaces? Appelez ça "campagne", "sensibilisation", "publicité" ou "éducation", mais j'aimerais vous entendre sur les façons de sensibiliser et d'éduquer la population.

Vous savez, nous avons ajouté à nos programmes un volet interculturel. Mais

comment peut-on peut faire ce joint entre la communauté, la société d'accueil francophone et les nouveaux arrivants?

Mme Benguerel: C'est une question qui est difficile, en fait, mais, je pense, à laquelle s'attaquent déjà plusieurs groupes. Je suis en contact, par exemple, avec une association pour l'éducation interculturelle qui regroupe des gens des universités, très souvent, qui font des recherches dans ce domaine, les relations interethniques. Ils ont, c'est certain, pour le moment, comme objectif premier - on le sent - de travailler auprès des jeunes dans les écoles, même aux niveaux secondaire et collégial.

Il y a déjà, d'ailleurs, au ministère de l'Éducation du Québec, un programme d'éducation interculturelle qui est assez avancé mais pas encore appliqué dans nos écoles.

À partir de l'expérience qui se vit surtout en milieu scolaire, je crois qu'il y a beaucoup de recherches et de travaux qui se font. Mais, sur le plan communautaire, c'est moins avancé; on le sent.

Il reste qu'il y a des groupes qui, soit par des conférences ou des écrits, éveilleront les gens à cette réalité et feront entendre des groupes qui ont déjà une expérience assez grande - je pense à des groupes comme Monchanin - et d'autres qui sont peut-être plus proches des communautés de quartier pour développer des relations qui soient correctes et eompréhensives entre voisins. Mais je pense que c'est beaucoup au niveau du quartier que des choses peuvent se développer. C'est important que dans les premiers services d'accueil il y ait une présence québécoise. Je sais combien c'est important, dans les groupes ethniques, qu'il y ait des gens de leur propre pays pour vraiment les bien comprendre et leur présenter notre milieu, mais en même temps il faudrait, à mon avis, qu'il y ait aussi des Québécois d'origine française, d'ici, pour vraiment représenter nos valeurs, ce que l'on est et le reste. À ce moment-là c'est très important que les gens ne soient pas reçus uniquement, à mon sens, par leur ethnie.

Dans un deuxième temps, que l'on développe certains services pour qu'au plan interculturel il y ait des échanges. C'est sans doute encore dans ces mêmes centres communautaires ou groupes et quartiers que les choses se développent. On commence à faire des choses, c'est vrai. Souvent, c'est sous forme de conférence et, donc, de façon peut-être moins immédiatement pratique que le bon voisinage, ou des fêtes de quartier et le reste. Mais, pour tout de suite, la population doit prendre conscience de ce fait, mais d'une façon positive, comme un enrichissement. Et on doit mettre en valeur tout ce que nous apportent les communautés ethniques au plan du commerce, de l'industrie, de la création d'emplois et de la culture. À Montréal, on peut voir que déjà il y a quand même une ouverture d'esprit plus grande, une tolérance qui s'est développée. On ne peut pas parler de racisme à Montréal. On a toujours un peu peur des gens nouveaux, des étrangers, mais ce n'est pas vraiment du racisme. Il y a Montréal où on a quand même amélioré les relations qui ne sont pas encore gaspillées, je pense, et le reste de la province où il faudrait que l'on évolue un peu au même rythme.

Le Président (M. Trudel): M. Harvey.

M. Harvey: J'aimerais ajouter un mot à ce que ma collègue vient de dire et qui m'apparaît une position très ferme du groupe que nous représentons ici. Le premier point qui nous apparaît très clair, c'est que le niveau scolaire est fondamental et surtout le niveau scolaire jeune: élémentaire et secondaire. Si on touche d'un peu plus près la CECM, on s'aperçoit que les tensions raciales augmentent à mesure que l'âge avance. Ce sont les petits qui s'entendent le mieux. Les batailles d'école qu'on a déjà eues dans plusieurs quartiers ont été à partir du secondaire V surtout et ensuite plus tard.

Deuxièmement, nous croyons aussi, comme Thérèse vient de le dire, que l'aide aux groupes d'intégration avec la population d'accueil au point de vue financier, au point de vue appui gouvernemental, est certainement aussi importante que l'appui aux groupes ethniques pour qu'ils conservent leur culture et leur langue, etc. Cela nous apparaît vraiment essentiel.

Troisièmement, il y a en arrière de cela - et je regrette de citer M. Trudeau -le fait que le multiculturalisme fédéral tel qu'il est présenté depuis 1971, à la suite de l'échec partiel de la commission B et B et de la résistance à l'acceptation des deux langues officielles et des résultats du tome IV de la commission Laurendeau-Dunton, a amené le gouvernement fédéral à capituler devant les provinces de l'Ouest. Il faut être très clair, c'est démontré, c'est accepté par des commissions fédérales. Je pense à celle sur "L'égalité, ça presse!". Seulement à lire les cinq premières pages, c'est clair. À ce moment-là, essayer de réaliser au Québec le multiculturalisme défini par le gouvernement Trudeau m'apparaît quelque chose de terriblement dangereux et l'affirmation d'une convergence culturelle, l'affirmation de la culture québécoise ouverte mais traditionnelle m'apparaît indispensable. Autrement, je suis d'accord avec le vieux Henripin quand il dit qu'aucun pays n'a jamais vécu un multiculturalisme nulle part. Il y a toujours eu une culture de base, souple, accueillante, mais une culture de base.

Le Président (M. Trudel): M. le député

de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Père Harvey, Mme Benguerel, je pense que votre mémoire a le courage de dire des choses qu'on préfère peut-être garder sous silence actuellement. Vous avez dit: Les Québécois ne sont pas des anges. Je pense qu'on aimerait bien être des anges avec les qualités que cela donne sauf que, lorsque nous avons réclamé cette commission parlementaire, on était bien au courant des enjeux, des choses qui étaient dites officiellement mais, par contre, des conversations, comme on dit en bon québécois, de snack-bar ou de taverne qu'on peut facilement entendre quand on se promène à Montréal et qu'on écoute mais qui sont très souvent liées sans aucun doute à l'ignorance et à la peur d'autrui.

Quand on recommandait cette commission, quand on l'exigeait, je pense qu'on était tous - et on l'est encore - très convaincus que l'immigration est bénéfique au Québec dans le contexte qu'on connaît. Sauf qu'il faut réussir l'immigration. Si, par l'immigration, on se contente de relever un nombre, l'élément quantitatif de la population au Québec, si on se contente de régler uniquement ce problème mais que, par inadvertance, parce qu'on ne l'a pas bien planifiée, on" ne l'a pas bien pensée, on se retrouve avec d'autres problèmes qui pourraient être engendrés, à ce moment, on risque peut-être d'arriver à ce krach que certains connaissent. Si on n'est pas des anges, cela veut dire qu'il peut peut-être se réveiller de vieux démons. Je ne souhaiterais pas qu'une politique de l'immigration au Québec - à laquelle je crois - mais mal faite, mal planifiée, mal sentie, mal ressentie par l'ensemble de la population fasse en sorte qu'on se retrouve avec un phénomène aussi désolant, aussi triste que le phénomène Le Pen qui est vécu en France actuellement et qui est épouvantable à mes yeux. Je pense que c'est une cicatrice à la face de la France que d'avoir actuellement un tel personnage avec un tel discours qui est véhiculé et qui trouve malheureusement un écho.

Je pense que vous nous faites en définitive certaines mises en garde. Il faut éviter l'impression que laisse votre mémoire. À la première lecture, on peut peut-être être tenté de dire que vous avez des réticences, que vous êtes contre, etc. Mais je pense bien que c'est faux. Je pense qu'il faut faire une lecture très attentive. Je pense qu'au contraire vous êtes très favorables sauf que vous nous mettez en garde, effectivement: la chose est trop sérieuse pour qu'elle soit faite de façon précipitée, de façon bâclée et qu'après on se retrouve avec de nouveaux problèmes qui auront été créés par un premier problème qu'on voulait résoudre.

C'est pour cela que j'ai parlé du courage de dire des choses qu'on préfère peut-être garder sous silence.

Vous en avez parlé, et je le vois dans la série de vos recommandations, vous avez commencé à en donner un élément, mais j'aimerais vous voir l'expliquer davantage un peu, père Harvey. Vous dites à la recommandation 2: "Nous recommandons une réaffirmation de la politique de convergence culturelle...". Quelle notion très précise donnez-vous à cette convergence culturelle? (12 heures)

M. Harvey: Je ne sais pas si je vais aussi dire une autre chose qu'on ne doit pas dire mais c'est la définition qu'en donnait le ministre Camille Laurin. C'est très simple. C'est qu'un pays a une âme, un pays a une façon de vivre, il a un art de vivre. À ce moment-là, c'est cela qui dirige son aventure dans l'histoire. Essentiellement, si vous voulez plus... Je n'ai pas le temps d'expliquer ce que vous me demandez là, mais à un congrès sur le multiculturalisme en Ontario nord, l'année dernière, j'ai essayé de définir ce qu'était une convergence culturelle en montrant qu'il y a au moins neuf éléments fondamentaux dans une culture, et non pas seulement une langue, et qu'on ne peut pas séparer une langue d'une culture sauf pour des raisons purement mathématiques ou quelque chose du genre.

À ce moment-là, la convergence culturelle, c'est le fait que nous ayons une conception démocratique de la vie alors qu'une grande partie de nos immigrants n'en ont pas. Ils viennent de pays totalitaires qui les ont formés et qui les ont formés de façon très souvent à peu près irrémédiable. Ils vont demeurer totalitaires le reste de leurs jours. Regardez comment les choses se passent à l'intérieur de certains groupes ethniques. Je suis payé pour le savoir moi-même, ayant été dans des questions comme les médias. Dans les groupes ethniques, il n'y en a à peu près aucun venant de pays totalitaires qui n'est pas totalitaire lui-même et qui se fractionne. Par conséquent, il n'accepte pas d'opposition, etc.

Deuxièmement, nous sommes un pays où nous avons défini une façon d'être entre nous qui n'est pas des ghettos superposés, mais qui a une certaine communication. Alors, dans la mesure où on vient ici en pensant qu'on peut demeurer dans un ghetto, continuer de parler une langue étrangère, continuer de n'avoir des relations qu'avec ses anciens compatriotes et ne considérer comme son vrai pays que celui dont on vient, ceci est aussi une chose qui est contre la convergence culturelle. Évidemment, je prendrai des exemples dans beaucoup de détails par la suite. Nous avons une promotion féminine qui est en cours ici. Nous ne pouvons pas accepter qu'un groupe ethnique aille contre cela et considère les

femmes de son groupe selon les catégories d'autres cultures que nous n'acceptons pas et où la femme est une esclave ou, enfin, une personne inférieure. Ceci est essentiel pour moi. Nous avons toute une série de choses plus en détail sur certains points. Nous avons un respect de l'ordre, nous avons un respect de l'hygiène. Ces choses doivent être acceptées. On ne peut pas créer un ghetto de malpropreté dans un pays qui fait un effort pour être raisonnablement propre. C'est ce que j'appelle une convergence culturelle. Il y a une priorité de la culture d'accueil qui fait qu'il faut au moins avoir une certaine estime.

Nous avons commencé un travail - ce sera pour votre prochaine commission - sur le racisme antiquébécois dans un certain nombre de groupes ethniques. Il est très fort. Il y a quelques études de faites. Il y en a une sur la communauté libanaise qui date malheureusement de dix ans. Il y en a une sur la communauté italienne, de M. Bergevin, qui date d'à peu près quinze ou seize ans. Mais ce phénomène du racisme antiquébécois est un problème réel dont on ne parle pas aussi et qu'il va falloir aborder. Il y a des gens qui considèrent qu'il n'y a pas de culture québécoise.

Pensez simplement à La Presse de la semaine dernière où M. Foglia, qui est un chroniqueur estimé et qui m'amuse beaucoup, répète régulièrement qu'il n'y a pas de culture québécoise. Il l'a dit à la fin de son article intitulé "Nice people". C'est un phénomène qui est courant. La revue Vice-Versa pose le problème régulièrement: il n'y a pas de culture québécoise, il va y en avoir une par "transculturation" lorsque toutes les cultures qui agissent autour de nous se seront mélangées et auront créé un nouveau type d'homme. Je trouve cela inacceptable. Il y a une culture québécoise avec, sans doute, ses défauts comme toutes les cultures, mais nous devons l'affirmer et l'affirmer de façon ouverte, pas de façon totalitaire pour que d'autres cultures puissent s'y intégrer de façon convergente. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Boulerice: Oui. Je vous remercie, père Harvey. J'aurais bien d'autres questions à vous poser, mais mes collègues me font signe qu'ils aimeraient bien participer au débat. Je pense qu'ils y ont bien droit. Alors, je vais...

Le Président (M. Trudel): Est-ce que c'est M. le député de Mercier ou Mme la députée de Maisonneuve?

M. Boulerice: Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous m'indiquerez à quel moment je dois cesser pour que mon collègue, le député de Mercier...

Le Président (M. Trudel): Alors, vous allez me dire de combien de temps votre collègue, le député de Mercier, a besoin.

Mme Harel: De combien de temps disposons-nous maintenant?

Le Président (M. Trudel): Celle qu'on appelle Mme Big Ben en arrière...

Mme Harel: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Trudel): ...pas sur le plan physique mais parce qu'elle tient le temps...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Trudel): ...va vous dire cela. Il vous reste douze minutes et quelques secondes.

Mme Harel: Alors le député de Mercier aura certainement l'occasion d'intervenir.

D'abord, je veux vous remercier de votre franchise. Je pense qu'on a intérêt ici à aller, d'une certaine façon, lucidement, sereinement au fond des choses. C'est évident que, parfois, les bons sentiments provoquent l'effet inverse de celui qui est recherché. En d'autres termes, il est souvent communément dit que les bons sentiments ne font pas de bonnes politiques. Dans votre domaine, étant entendu que vous connaissez la question, semble-t-il que l'enfer est aussi pavé de bonnes intentions. Donc, de là à penser que le ciel serait peut-être autrement, il n'y a pas un pas à franchir. Tout cela pour vous dire rapidement que la réalité qui est décrite par les sondages est vraie, mais celle que vous nous transmettez l'est aussi. Je pense bien que pour tout Montréalais, quel qu'il soit, c'est à tous les jours des manifestations que l'on entend et qui ne viennent pas que des Québécois de souche ou d'origine canadienne-française. Avant-hier, j'étais dans un taxi conduit par un Noir haïtien; on parlait beaucoup de son métier. Il me disait: Vous savez, madame, je ne prends jamais un Noir jamaïquain, parce que, me dit-il, ils sont violents, etc. Vous voyez, l'éducation interculturelle, cela ne doit pas se faire seulement avec les Québécois de souche. Je vous assure avoir vécu vraiment une expérience personnelle lorsque ma jeune fille, qui est en deuxième année d'école primaire, est rentrée en me disant... Elle est dans une école multiethnique, je l'ai voulu comme tel pour

lui donner cette dimension que je n'avais pas connue. Elle était très malheureuse parce qu'elle avait été mise en demeure par ses petites amies d'origine méditéranéenne de choisir entre elles ou ses amies haïtiennes. C'est elle qui se trouvait en situation de choix; donc, c'est là que j'ai compris que l'éducation interculturelle ne doit pas se faire qu'avec les Québécois de souche, elle doit se faire avec l'ensemble des communautés culturelles.

Pendant le peu de temps où j'ai été ministre de l'Immigration, certains groupes de communautés culturelles me faisaient des représentations pour limiter l'accès d'autres groupes de communautés culturelles. Là, j'ai bien compris qu'on était tous appelés à une sorte d'éducation interculturelle et qu'il n'y avait pas d'état de grâce pour personne, d'une certaine façon, dans notre société.

Évidemment, les exemples, à Montréal, peuvent se multiplier. Je suis dans le comté, je vous le disais, le plus francophone de l'île de Montréal et le plus ouvrier, c'est-à-dire celui qui comprend le plus grand nombre de chômeurs. Je dis souvent que c'est la Gaspésie de Montréal. C'est une perception qui est de l'ordre de la réalité quand les ouvrières viennent me voir en disant: La seule façon de se faire engager dans des manufactures du comté, c'est de se mettre à la porte en disant: No hablo inglés, no hablo francés. C'est de cette seule façon que l'employeur va s'assurer que c'est une immigrée qu'il peut engager et qu'à ce moment-là, c'est quelqu'un qui est moins susceptible de faire valoir les droits que nos lois devraient amener à faire valoir.

Alors, ce n'est pas simple, évidemment, et je ne veux pas multiplier les exemples. C'est évident que chacun d'entre nous pourrait, avec une suite indéfinie, le faire. La question, c'est: Quelle sorte de plan d'action faut-il avoir? Vous nous dites: II y a, par exemple, des difficultés d'accès à l'emploi pour des jeunes de minorités visibles. Comme parlementaire, je dois vous dire que c'est la première fois... Peut-être aurais-je dû lire des rapports auxquels je n'ai pas eu accès. Je sais que chez les jeunes, c'est déjà difficile d'avoir des emplois au Québec, donc, c'est doublé, triplé et quadruplé pour eux. Alors, est-ce qu'il y a un plan d'action à mettre en oeuvre pour que l'on puisse faire face à cette réalité particulière? C'est évident que pour un jeune d'une minorité visible qui est sans emploi, c'est mal commencer sa vie active dans notre société avec les conséquences qui s'ensuivent.

C'est une question de mesures de redressement. Est-ce qu'il y a de ces mesures? Est-ce qu'il y a un plan d'action? On a intérêt à ne pas cacher les choses parce qu'on dit souvent que les problèmes qui ne sont pas réglés par les visions généreuses des personnes dites de gauche passent souvent au profit du contrôle d'idées de droite, d'une certaine façon. Alors, on a intérêt à se poser les vrais problèmes. La question: Est-ce que vous pensez qu'il y a des plans d'action qui peuvent être mis en place? Est-ce que c'est limiter l'accès avant même que les personnes viennent s'installer ici?

Comme vous le savez, la catégorie des réfugiés, qui est une catégorie importante, et celle de la réunification des familles représentent 60 %, c'est le total à peu près des deux - de notre immigration. Donc, le total de notre immigration, au-delà de la majorité de ceux que nous recevons, ce sont des gens qui ne passent pas par la grille de sélection. Alors, quels sont les...

M. Harvey: Je n'ai pas beaucoup d'autres choses à offrir que le projet nord-américain de la discrimination positive. Qu'est-ce qu'il vaut au Québec? Là, je ne parle pas d'entrer dans les secrets du conseil du ministère en disant que nous sommes entrés dans cette veine-là, mais avec un petit peu de réticence. Ce n'est pas une idée latine, cette idée de la discrimination positive.

Je suis allé en Europe, il y a deux mois, pour rencontrer des gens du conseil de l'Europe qui travaillent à l'immigration, le projet 7, et ils ont été très amusés rien qu'à l'exposé de la discrimination positive, que les méthodes d'emploi du gouvernement font une discrimination, à compétence égale, en faveur d'une femme par rapport à un homme, d'une personne jaune ou noire par rapport à une personne blanche, d'une personne de Terre-Neuve par rapport à une personne du Québec, d'un handicapé par rapport à quelqu'un qui ne l'est pas. Ils ont dit: Ce sont des idées bien étranges. Chez nous, on est beaucoup plus compétitifs que cela et on ne croit pas à ces choses-là parce qu'on croît que cela crée plus de tension que cela n'en résout. Bon, maintenant, je leur laisse cela.

Chez nous, je suis porté à penser que cela a un peu de chance de réussir à condition que ce soit appliqué de façon très honnête, d'abord, parce que vous savez que cela peut causer de drôles d'ennuis. Quand vous avez un concours gouvernemental et qu'une personne qui correspond à une des quatre données de discrimination positive se présente pour un poste sur la Côte-Nord où tout le monde est francophone et qu'on découvre, à l'autre bout, qu'elle ne sait pas écrire le français, ce qui n'est pas un objet de discrimination positive, on va avoir un problème sur les bras plus grave que celui qu'on a résolu.

Donc, si on applique la discrimination positive de façon intelligente, moi, je pense que c'est valable. Ce serait ma réponse, je

n'ai pas d'autres panacées que celle-là. En même temps, je vous rappelle que mon idée de convergence culturelle appliquée à l'école est très proche de la commission Berque, française, qui dit que la 'meilleure façon d'assurer l'égalité des chances, pour un jeune immigrant ou une jeune immigrante, c'est de lui donner la culture du pays d'accueil le mieux possible. Ce n'est pas en continuant d'en faire quelqu'un de très cultivé en grec ou en chinois ou en vietnamien qu'on va l'aider le plus, c'est en en faisant quelqu'un d'impeccablement québécois, en termes de ressources, de connaissance de la langue, de connaissance des compétences de base. C'est mieux d'être très fort sur un ordinateur que de savoir beaucoup de choses sur sa culture d'origine, surtout dans l'hypothèse où le retour est de moins en moins fréquent. L'idée du retour au pays natal est en baisse, d'après les statistiques que nous avons.

Mme Harel: Père Harvey, pour terminer...

Le Président (M. Trudel): II vous reste moins de quatre minutes pour votre collègue et vous.

Mme Harel: Oui, moins de quatre? Alors, à peine peut-être pour, en peu de temps, aborder cette question du multiculturalisme. Vous nous dites de toute façon, contrairement au rapport Laurendeau-Dunton qui prônait le bilinguisme et le biculturalisme, que le gouvernement fédéral a retenu le bilinguisme, mais a capitulé devant le biculturalisme et a préféré la notion de multiculturalisme de manière à noyer - en tout cas, je pense qu'on peut en conclure ainsi certainement - cette question du biculturalisme. Et vous nous proposez cette notion de convergence.

Vous pensez qu'il y a comme un marché des cultures et que c'est toujours la plus forte qui va l'emporter s'il n'y en a pas une qui se donne comme projet, dès le départ, d'y parvenir. J'imagine un peu...

M. Harvey: Remarquez bien qu'on pourrait envisager cela. Pensez à l'équipe de la revue Vice-Versa que j'ai citée, c'est clairement leur attitude: c'est le marché ouvert des cultures et que le meilleur l'emporte. Si la culture québécoise est bonne, il ne s'agit pas de la défendre ni de la promouvoir, il s'agit de la laisser faire. Moi, je ne crois pas à cela. C'est curieux, mais je ne crois pas à cela, je suis plus volontariste que cela, c'est peut-être dans ma tradition. Je pense qu'un groupe culturel a le droit, comme un être vivant, d'organiser sa promotion, sa défense. Je crois que c'est nécessaire et, à ce moment-là, l'angoisse de l'existence de la culture québécoise m'apparaît une chose malsaine.

(12 h 15)

Ma collègue a fait allusion aussi à un fait redoutable qui va en croissant, c'est ce que Fernand Dumont appelle la théorie des deux pays. Par exemple, on s'est occupé de travailler sérieusement, l'année dernière, au conseil du ministère, sur la question des médias, mais quand vous allez à Roberval ou à Rimouski, ou à Amos, ou à Cabano, l'idée qu'il doit y avoir une forte représentation de cultures étrangères à Radio-Canada les frappe beaucoup moins parce qu'il n'y a que 0,2 % ou 0,4 %, l'année passée, de gens qui ont immigré au Lac Saint-Jean. Là, on va véritablement avoir deux pays et c'est assez unique au monde.

Les Belges ont toute leur immigration à Bruxelles ou à peu près, à ce qu'on m'a dit récemment, mais cela ne pose pas le même problème que chez nous, je pense, parce qu'eux ne laissent à peu près aucune place dans les médias à leurs groupes d'immigrants qui ne sont pas des citoyens.

Le Président (M. Trudel): Merci. M. le député de Mercier, assez rapidement parce que l'enveloppe est vide.

M. Godin: II reste 24 secondes, je présume.

Le Président (M. Trudel): Oui, 37.

M. Godin: Alors, vous avez lancé, père Harvey et Mme Benguerel, beaucoup de pavés dans la mare. Le problème avec vos idées audacieuses, c'est que ce n'est pas applicable. Aucun gouvernement, ni ici, ni à Ottawa, ne pourra appliquer une politique même d'affirmation positive qui irait à l'encontre de quelque pays que ce soit sous prétexte que sa culture est peu assimilable à celle d'ici. Ce n'est pas applicable, à mon avis, ou on aurait alors sur le dos les mêmes groupes qui protestent contre la loi Bouchard à Ottawa depuis hier. Tant qu'on n'aura pas une réflexion, c'est-à-dire des moyens concrets d'appliquer ce principe, cette idée-là, je pense que cela reste du domaine des figures de Platon, c'est-à-dire des choses insaisissables et inapplicables dans la réalité.

Pour avoir été ministre, je pense qu'il y aurait un tel tollé de protestations contre le gouvernement, s'il voulait appliquer vos idées, qu'il n'oserait pas le faire pour ne pas être battu au nom d'une forme de racisme ou de xénophobie quelconque.

M Harvey: Est-ce que je peux répondre tout de suite à cela. Je vous soumets quand même, M. Godin, qu'il se fait des choses dans le sens contraire qui ont l'air de réussir. Les Québécois ne sont pas des anges, comme je l'ai dit tantôt, mais ils ont la colonne vertébrale drôlement souple. Prenez, par exemple, la CTCUM, la commission des

transports de Montréal, qui est en train d'appliquer une discrimination positive à l'égard des femmes, premièrement, dans le personnel - et il y a une forte discrimination, positive, deux sur cinq, je, crois,' dans l'emploi - et, deuxièmement, qui est en train de se faire une politique contre celle de la ville de Montréal, sous le régime Drapeau, en acceptant des gens des minorités visibles dans tous ses services. Cela a l'air de marcher. Du moins les grèves ne se font pas à ce sujet. Alors, je vous dis qu'il s'agit d'essayer. Le problème, c'est d'essayer dans le sens de ce qui est faisable, autrement... En tout cas, je vous soumets cela.

M. Godin: Je pense qu'il faudrait qu'on ait une autre réunion sur les règlements et les grilles de sélection du ministère uniquement parce que, là, on touche des... Je ne pense pas qu'on puisse, au plan administratif, réussir à trouver une solution à ce problème en mettant, comme dit la ministre, un X sur tel pays ou telle culture, ou telle religion, ou telle couleur. À mon avis, on entre dans des notions que le Canada, comme pays, a refusées depuis longtemps et on en arriverait, rapidement, à l'équivalent de l'arrêt Bakke contre la discrimination positive aux États-Unis. C'est-à-dire qu'il y aurait une protestation des gens qui s'estimeraient lésés du fait qu'ils sont éliminés du processus à cause de la même discrimination positive.

Là, on retombe au point du statu quo ante, donc, il faudrait faire une réflexion sur la réglementation même du ministère, sur sa propre grille de sélection et les lois canadiennes et québécoises de l'immigration. Malheureusement, ce n'est ni le lieu ni l'heure, mais on pourrait peut-être envisager cela, dans la revue Relations, de faire un colloque sur cette question. Si vous avez d'autres tribunes, M. Harvey. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): M. Harvey, est-ce que vous voulez répondre aux commentaires du député de Mercier?

M. Harvey: Non. Je pense qu'on va les laisser se développer.

Le Président (M. Trudel): Alors, écoutez, je vais me servir du peu de temps qu'il reste dans l'enveloppe gouvernementale, en essayant de la respecter le plus possible puisque je suis - comment est-ce qu'on dit cela - le "teneur de temps", "keeper of the time", et je ne veux pas en abuser. J'aurais souhaité avoir plus de temps, père Harvey, pour discuter avec vous de plusieurs points de votre mémoire. Un peu comme l'ont dit les porte-parole de l'Opposition, le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est un mémoire stimulant qui a produit chez moi une bonne dose d'adrénaline la première fois que je l'ai lu, une dose un peu moins forte la deuxième fois, et une dose d'adrénaline, quand même, la troisième fois. J'aurais souhaité discuter avec vous de la question de... Vous dites: "La question de l'immigration est une question qui divise la population". Je n'ai pas la même interprétation que vous du dernier sondage. C'est normal, les sondages, on les interprète un peu comme on veut, mais je pense que celui-là était tout à fait clair sur la position des Québécois.

J'aurais souhaité également discuter avec vous des immigrants investisseurs parce que je ne partage pas du tout ce que vous dites. Les chiffres que j'ai sont différents des vôtres. Je vais vous poser une seule question, cependant; j'en avais préparé environ une dizaine pensant avoir plus de temps. Je vais vous en poser une sur le paragraphe 3 que vous avez développé tantôt et où vous avez dit que "le Québec a davantage besoin de consommateurs que de citoyens." Vous dites: Ce n'est pas aussi simple que cela. En effet, ce n'est pas aussi simple que cela et je pense qu'on manque de temps pour en discuter. Vous parliez de l'immigration qui maintient inévitablement le chômage en disant, en début de phrase: "On devra également démontrer que..." Je pense que le contraire est démontré, notamment dans le document que vous avez cité tantôt, qui est tout à fait récent, qui a été rendu public par la ministre, par son ministère, jeudi dernier, surtout avec les chiffres que vous avez sûrement en votre possession puisque vous êtes membre du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Les chiffres qu'on a sont, pour le moins, contradictoires avec votre affirmation dans la mesure où, par exemple, en Ontario, la population d'origine étrangère - entre guillemets, pour ne choquer personne - est de 16 %, l'Ontario reçoit, en moyenne, 48 % des immigrants et le taux de chômage se situe autour de 4 %. Nous, pourtant, en 1981, avions 8,3 % environ de notre population qui était constituée de Québécois non de souche. Nous recevions en moyenne, autour de ces années, 18 % des immigrants et, actuellement, le taux de chômage se situe à 9 %. Évidemment, ce sont des chiffres et on peut en faire ce qu'on veut. Cela peut donner lieu à beaucoup de discussions. J'aimerais entendre vos commentaires rapidement là-dessus, s'il vous plaît.

M. Harvey: Je n'en aurais qu'un, M. le Président. C'est que, dans l'état actuel de ce que je connais et surtout avec l'aide de mon collègue économiste, Henri Sader, que j'ai cité il y a un moment et qui a publié, dans le dernier numéro de "Relations", un article assez général et assez technique aussi,

"Voleurs de jobs?", l'Ontario et le Québec ont un niveau de chômage différent pour d'autres raisons que l'immigration ou le manque ou l'absence d'immigration. Ce ne sont pas des effets, ce sont des "présupposés". L'Ontario a un système économique plus vigoureux que le nôtre, il a plus de production tertiaire que nous et c'est ce qui fait qu'il a moins de chômage, immigrants ou pas.

Là, justement, vous arrivez à un problème qui serait très long à débattre. Mes collègues européens, que j'ai rencontrés à Grenoble, il y a deux ans, m'ont posé cette question: Comment se fait-il que tout ce qui est mauvais chez nous est bon chez vous? Ils ont dit: Nous avons fermé nos frontières partout pour pouvoir garder notre PNB montrable et notre emploi bon. Et vous dites que si vous n'aviez pas d'immigration, vous auriez plus de chômage, etc. Ils m'ont dit: Nous autres, au contraire, on bloque l'immigration pour avoir moins de chômage. On m'a donné l'exemple de la Suède qui a un PNB très élevé, une immigration nulle et qui n'a pas de chômage. Évidemment, elle est plus socialiste que nous, mais enfin... Il y a certainement là un problème. Je pense que les analyses ne sont pas encore convaincantes et, au Québec, la deuxième réponse que je vous donnerais, c'est que celles que je connais et qui sont plus poussées sont déjà anciennes, comme celles de M. Polese que j'ai citées au début. Vous connaissez l'étude de Mme Josée Lamoureux qui a fait l'inventaire des études québécoises, canadiennes et américaines; elle arrive à une espèce d'incertitude, elle aussi.

Le Président (M. Trudel): C'est pourquoi - je me permets de conclure là-dessus, car le temps est largement dépassé - je reviens à ce que je disais tantôt - on devra démontrer que ce que vous affirmez de façon assez ferme, à mon avis, devrait être démontré. Je pense qu'on aurait intérêt à faire les études. Ce ne sont pas des questions faciles quand on est rendu à ce niveau-là, c'est toujours extrêmement difficile. Je suis un peu d'accord avec vous que les économies sont différentes d'où, à mon avis - très nuancé toujours l'importance de nuancer les affirmations.

M. Harvey: Si vous me permettez, un dernier mot, M. le Président...

Le Président (M. Trudel): Oui, allez-y.

M. Harvey: ...qui serait un souhait. Ma collègue a parlé, au début, de cette question de la double immigration du solde migratoire. Est-ce qu'on sait vraiment qui émigre du Québec? Est-ce qu'on connaît l'apport des emigrants, vers les États-Unis et vers les autres provinces du Canada, qui provient de l'immigration récente et qui provient de la vieille population?

Le Président (M. Trudel): D'ailleurs, la commission French, du nom de mon prédécesseur à la tête de cette commission, a recommandé qu'on fasse une étude du phénomène de l'émigration au Québec. Le Conseil du patronat nous en a longuement parlé hier et je pense que c'est une des recommandations fort intéressantes qui aient été adressées à cette commission.

C'est sûrement - à mon avis, à tout le moins - une étude à faire. Quant à moi, père Harvey, madame, je vous remercie de votre présence ici et de l'échange de vues que vous avez eu avec les membres de la commission. Mme la ministre, avez-vous des remarques finales?

Mme Robic: Oui. Je vous remercie encore une fois de votre présence parmi nous. Cela a été un échange honnête et intéressant.

M. Boulerice: Je vous remercie, père Harvey, madame. Je vais conclure très brièvement en vous disant ma position quant aux sondages. Je les regarde toujours, parce qu'ils peuvent être, dans une certaine mesure, indicatifs de choses à corriger, mais ils ne guident pas entièrement et complètement ma pensée et mes agissements, sinon, j'aurais voté pour la diminution du nombre de députés. Si j'avais été député fédéral, selon les sondages, j'aurais dû voter pour le rétablissement de la peine de mort, et je suis contre la barbarie d'avance.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Père Harvey, madame, merci beaucoup.

Étant donné l'heure qui passe, sans suspendre nos travaux, nous allons, dès maintenant, accueillir notre troisième invité pour cet avant-midi, la Société québécoise de solidarité internationale représentée, notamment, par Mgr Charles Valois que j'invite à se présenter à la table devant nous.

Monseigneur, tout en vous souhaitant la bienvenue, je voudrais que vous nous présentiez... J'avais quatre noms et je pense que vous avez une personne qui vous accompagne ce matin, M. Kalunda. Merci beaucoup. Alors, monseigneur, vou3 avez plus ou moins vingt minutes pour exprimer votre point de vue et nous procéderons immédiatement à l'échange de vues avec les membres de la commission.

Société, québécoise de solidarité internationale

M. Valois (Charles): Je voudrais dire tout d'abord que je suis ici à titre de

membre de la Société québécoise de solidarité internationale. Je fais partie de ce mouvement non pas comme délégué de l'épiscopat, mais bien à titre personnel. J'ai été invité, en 1983, à me joindre à la société et, depuis ce temps-là, je participe à ses travaux.

Le document qu'on vous a remis rappelle l'origine de notre organisme. Cet organisme a été fondé en 1980 par Jacques Couture qui était ministre de l'Immigration dans le temps. Il voulait un organisme pour le conseiller dans l'utilisation du Fonds d'aide aux sinistrés qui avait été placé sous sa responsabilité par le gouvernement du Québec.

Très tôt, l'organisme s'est aperçu qu'il devait devenir autonome et qu'il devait poursuivre une action d'éducation dans le public québécois. C'est pour cela qu'en 1982 on a changé la charte et l'organisme s'est orienté vers cette éducation dans le milieu québécois et vers une action pour aider les réfugiés, à l'extérieur du Québec comme au Québec.

Notre organisme participe à différents autres organismes non gouvernementaux, comme te HCR, le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies, l'AQOCI et le Comité Nord/Nord, cet organisme dont on parlera tout à l'heure. (12 h 30)

Notre préoccupation majeure est la protection des réfugiés ici ou ailleurs et c'est pour cela qu'aujourd'hui nous allons mettre l'accent sur les réfugiés, sans négliger les immigrants comme tels, mais notre accent portera sur les réfugiés.

Nous voulons tout d'abord faire valoir quelques idées par rapport à la responsabilité internationale du Québec et, pour cela, nous vous rappelons que les réfugiés n'ont pas nécessairement choisi de quitter leur pays. Ils y ont été forcés par la guerre, la persécution, les conflits armés, les conditions inhumaines qu'on leur a imposés. Les réfugiés arrivent très souvent en groupe, on l'a vu ces derniers temps. Ils sont constitués majoritairement de femmes et d'enfants. À ces personnes qui sont obligées de quitter leur pays, il faut joindre celles qui ont été déplacées à l'intérieur même d'un pays, de sorte que, actuellement, le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies évalue à 17 000 000 le nombre de personnes qui vivent en dehors de leur région d'origine.

Le haut-commissariat a organisé l'aide internationale et celle à laquelle le Canada contribue ne constitue qu'un secours souvent temporaire pour une installation qui se prolonge trop souvent. Parmi ces réfugiés, il y en a qui doivent être réinstallés et nous sommes fiers quand les autorités québécoises expriment leur compréhension et acceptent de bonne grâce de trouver des solutions pour ceux et celles qui frappent à notre porte. Le gouvernement du Québec a contribué à cet accueil au cours des récentes années. Nous souhaitons qu'il continue à soutenir une politique humanitaire dans ce sens, parce que la communauté internationale s'attend que le Québec reçoive un certain nombre de ceux et celles qui cherchent un tiers pays.

Dans les années qui ont précédé, le Québec a fait un effort assez grand pour accueillir ces réfugiés. On n'a qu'à penser à tous ceux qui sont venus de l'Orient, les premiers Vietnamiens et ceux qui ont suivi, les Laotiens, les Cambodgiens, dans tes périodes de 1978 à 1982. Nous nous réjouissons de voir que Mme Louise Robic, ministre québécoise des Communautés culturelles et de l'Immigration, a clairement renouvelé cet engagement à la suite de sa visite des camps de réfugiés du Sud-Est asiatique, l'an dernier.

Nous voulons faire quelques considérations sur le traitement des demandes de statut de réfugié. Ce phénomène est récent chez nous, parce que le Québec est devenu un pays de premier accueil. Auparavant, les pays de premier accueil se situaient autour des pays que les réfugiés quittaient. Alors, ceux qui sont arrivés ici viennent de 50 pays différents, avec des concentrations qui se maintiennent pour les Tamouls et les Centro-Américains. Parmi ces réfugiés, il y a des femmes requérantes principales que l'on peut évaluer à environ 30 %. La majorité des hommes et des femmes arrivent seuls et plusieurs centaines d'adolescents ont été identifiés parmi eux, au cours des derniers mois. Alors, une fois que les personnes seules sont arrivées, elles veulent réunifier leur famille et cela représente un défi particulier.

Nous voulons faire quelques remarques aussi sur l'aide aux pays de premier accueil. Comme je le disais il y a un moment, les réfugiés qui quittaient leur pays trouvaient refuge dans ceux des environs. Cela représente un poids pour ceux-ci qui sont habituellement des pays pauvres. Je pense, par exemple, aux réfugiés du Salvador qui sont accueillis au Honduras. C'est un poids, pour le Honduras, que ces 12 000, 15 000 ou 18 000 réfugiés. On pourrait penser aussi à ceux du Guatemala qui se retrouvent au Mexique. C'est un poids pour le Mexique qui est déjà un pays pauvre.

A ce moment, les pays riches sont invités à participer par toutes sortes d'aides. Ici, au Québec, on avait le Fonds d'aide aux sinistrés qui est devenu le Fonds d'aide aux réfugiés. Nous nous interrogeons sur le fait que ce fonds ait été coupé de moitié au cours des récents budgets.

Nous souhaitons, dans ce domaine, que notre gouvernement soutienne plus directement les Québécois qui travaillent, dans les organisations non gouvernementales, auprès des Tchadiens réfugiés en République centre-

africaine ou encore avec les personnes déplacées en Amérique centrale. L'implication soutenue du Québec auprès de ceux et celles qui défendent les droits humains en Amérique latine a déjà donné une réputation enviable à notre province.

Pour déterminer les priorités dans l'aide aux réfugiés, le gouvernement québécois, à notre avis, doit articuler une relation plus étroite avec les autorités internationales et les organismes non gouvernementaux. Par rapport aux organismes internationaux, nous regrettons la distance qui s'est développée entre nos représentants gouvernementaux et le Haut-Commissariat aux Nations Unies, ces derniers mois, Une participation irrégulière aux activités internationales, où le Québec avait pourtant une place de choix, démontre un manque d'intérêt qui cadre mal avec les responsabilités accrues en matière d'accueil de premier asile.

En juin 1986, le gouvernement québécois a réalisé la IVe conférence internationale sur le droit constitutionnel. Mais, quelques mois plus tard, il a refusé de participer à une conférence internationale sur le droit humanitaire, à Paris.

Nous remarquons que nos milieux universitaires sont mieux préparés pour contribuer au débat international sur la question des réfugiés. Nous remarquons que notre gouvernement ne semble plus sensible aux attentes des milieux juridiques européens, aux demandes des agences travaillant sur le terrain africain ou latino-américain.

Nous voulons faire quelques considérations aussi sur le rôle du gouvernement du Québec et du peuple du Québec. Tout d'abord, nous aimerions que le gouvernement établisse des relations plus étroites avec les organismes non gouvernementaux.. Dans le passé, il y avait des rencontres régulières avec ces organismes et ces rencontres ont cessé. Nous croyons que les organismes non gouvernementaux connaissent les données du problème et qu'ils pourraient aider grandement le ministère dans l'élaboration de ses politiques.

Nous demandons qu'on fasse un effort pour clarifier les statistiques qu'on présente. Alors que le Québec est un des meilleurs producteurs de logiciels au monde, on peut s'étonner du manque de transparence des données fournies au public quasi quotidiennement par les médias. Les statistiques varient selon que la source est fédérale ou québécoise, selon l'interlocuteur à qui l'on s'adresse. La variation est parfois observable dans un même rapport gouvernemental.

Nous croyons que ce manque de clarté des faits ne saurait être justifié par notre gouvernement et nous croyons qu'une programmation intelligente, et intelligible de la part de tous, pourrait favoriser une utilisation optimale des ressources et surtout engendrer un support populaire des objectifs humanitaires gouvernementaux.

Lorsque nous recevons des réfugiés, on les oblige à un examen médical complet. Un médecin qui fait partie d'une maison d'accueil pour réfugiés, qui y travaille, me faisait remarquer que cela coûte très cher au gouvernement du Québec. Il disait qu'on pourrait demander un examen médical sommaire qui serait beaucoup moins pénalisant, mais qu'on établisse un suivi à travers tous les organismes communautaires. On demande que la qualité d'un accueil franc soit mise sur pied et qu'on accélère l'accueil des réfugiés. Nous avons connu des périodes de dix à douze semaines d'attente pour une première enquête où le candidat fait connaître son intention formelle de demander le statut de réfugié. Si l'entrevue première avait été faite dès l'arrivée, l'aide financière aurait été moindre, car le candidat aurait pu immédiatement s'en aller sur le marché du travail.

Nous voulons insister sur une éducation positive de l'opinion publique. On a fait allusion tout à l'heure aux statistiques sur la réaction des Québécois face aux réfugiés. Je pense que nous avons une responsabilité ensemble pour éduquer le public québécois de l'impératif des responsabilités internationales.

Notre gouvernement devrait adopter une politique claire dans le domaine international de l'accueil aux réfugiés et établir une collaboration avec les ONG pour favoriser cette éducation du public. Pour notre part, nous voulons travailler dans ce sens et nous voulons favoriser le rapprochement des diverses instances internationales et des Québécois.

Vous me permettrez, en terminant, de prendre les recommandations. Nous avons fait cinq recommandations et nous pourrons répondre à vos questions sur certains autres points que contient notre rapport.

La première recommandation: Le gouvernement du Québec doit se donner une politique claire et des objectifs précis en matière d'accueil des réfugiés en marge de sa politique d'immigration. Cette politique humanitaire ne devrait pas se concentrer sur les nombres ou des groupes particulièrement visés, comme on l'a traditionnellement fait. Son ouverture aux personnes en détresse doit se réaliser dans l'organisation des ressources pour faire face à toute situation où les autorités internationales feraient appel à la contribution des Québécois.

Le gouvernement doit investir davantage dans les organismes de protection et d'accueil des réfugiés au Québec et dans le monde.

La troisième recommandation: À la suite des accords constitutionnels du Lac Meech, le gouvernement du Québec ne doit pas abandonner sa responsabilité internationale face aux réfugiés. Au contraire, il doit développer de nouveaux

moyens dans l'esprit de cette entente afin que le Québec joue son rôle de façon pleine et entière en cette matière.

Quatrième recommandation: Le gouvernement du Québec doit être plus attentif aux représentations des organismes qui travaillent avec les réfugiés, notamment quand ils identifient des groupes de population plus vulnérables ou des individus en danger.

Cinquième recommandation: Le gouvernement du Québec doit renouveler son engagement international face aux autres pays de premier accueil en utilisant, de façon plus réaliste et désintéressée, le Fonds d'aide aux réfugiés.

Le Président (M. Trudel): Merci, monseigneur. Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. (12 h 45)

Mme Robic: Merci, M. le Président. Mgr Valois, bienvenue à cette table et merci d'avoir accepté de participer à cette commission. Vous pouvez être assuré que le Québec n'a pas du tout l'intention de renoncer à ses responsabilités internationales et à jouer son rôle, pleinement, pour ce qui est de la réception des réfugiés.

Vous avez raison, quand on visite un seul camp - cela n'en prend pas beaucoup, un seul - on ne peut pas rester insensible aux besoins de ces personnes. Je le dis souvent: Comment peut-on parler de paix quand des milliers et des milliers de personnes vivent derrière des fils barbelés? C'est pour cette raison - c'est bien sûr que c'est une parcelle - que nous avons doublé, en 1987, le nombre de réfugiés que nous sélectionnons dans les camps. Ce n'est pas beaucoup, vous avez raison, mais nous recevons également une large part des revendicateurs du statut de réfugié, et qui, pour nous, doivent également recevoir des services d'accueil et d'adaptation.

Vous avez parlé, tout à l'heure, du Fonds d'aide aux sinistrés. C'est un fonds qui a été scindé et qui est devenu le fonds aux sinistrés sous la responsabilité du ministère des Relations internationales. Et, le fonds aux réfugiés, qui appartient toujours au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, n'a pas diminué. Je vous avoue qu'il n'a pas augmenté comme budget, mais il n'a pas diminué, malgré que le fonds ait été scindé. Je peux vous rassurer là-dessus. Bien sûr, le Québec contribue également, par l'ACDI, aux sommes d'argent qui sont distribuées dans certains pays.

Nous avons, avec grand plaisir d'ailleurs, octroyé des fonds pour le rétablissement des réfugiés en Thaïlande qui voulaient retourner au Laos, par exemple, en s'assurant, avec le HCR, que ceux-ci ne seraient pas persécutés une fois qu'ils retourneraient chez eux. Je pense qu'il faut faire beaucoup plus de ce genre d'actions, je suis absolument d'accord avec vous. Mais il faut bien réaliser également que nous sommes un pays privilégié et, comme tel, nous avons une responsabilité envers les' plus démunis de ce monde.

Je voudrais vous demander en quoi la politique d'immigration, pratiquée actuellement par le Québec ne répond pas à son volet humanitaire, aux objectifs que vous poursuivez d'assurer la sécurité, la protection des réfugiés.

Dans le compte de ce qui se fait actuellement au Québec, comment pourrions-nous faire mieux, davantage?

M. Valois: Vous avez parlé de la politique d'immigration. Nous sommes conscients que vous avez partagé cette politique avec le fédéral. Personnellement, il m'arrive assez souvent de demander qu'on accueille ici des personnes, surtout des réfugiés, et on doit constamment faire affaire avec votre ministère et faire affaire aussi avec le bureau d'immigration de Mirabel. Nous pouvons dire, actuellement, que les difficultés sont de deux ordres; souvent, c'est le fédéral qui dit: Cela n'avance pas. Par ailleurs, moi, j'ai eu plus de facilité avec le provincial. Le provincial donne le feu vert et cela bloque du côté du fédérai.

Qu'est-ce qu'il faudrait faire de plus? Je pense qu'actuellement la chose à faire, le plus vite possible, c'est de mieux informer la population sur les réfugiés et sur les immigrés. Il se développe actuellement une attitude négative face aux nouveaux venus dans notre pays. Je pense que l'éducation de la population est à faire.

Il ne faudrait pas que nos gouvernements gouvernent ou passent des lois pour répondre ou pour satisfaire certaines tendances qui se développent dans le pays. Il faudrait plutôt voir quel est le bien à poursuivre. C'est une première remarque que je fais; la deuxième est dans notre rapport. Je n'en ai pas fait écho tout à l'heure, il faudrait faire appel aux autres ministères aussi, et je pense que le ministère de l'Éducation aurait à faire un effort pour développer et pour intégrer les nouveaux venus. Il y a un effort à faire pour aller chercher les richesses qu'il y a chez ces nouveaux venus et améliorer notre propre civilisation. Je pense que l'école aussi peut faire beaucoup pour intégrer ces gens.

Il y a quelques années, dans les années 1950-1952, j'étais allé faire du ministère dans la région de New York et j'avais rencontré des "francos" qui avaient immigré là-bas. J'avais été offusqué par le fait qu'à l'école on défendait aux petits Français de parler français et qu'on leur imposait l'obligation de ne parler qu'anglais à l'école.

C'était une politique d'intégration des

populations nouvelles à la civilisation américaine. Si on va dans le passé, dans l'histoire, on va s'apercevoir qu'aux États-Unis il y a eu des forces intégrantes. Les États-Unis, comme vous le savez, ont été peuplés par des immigrants qui sont venus successivement. Mais il y a eu des forces intégrantes. Mon professeur d'histoire, à l'université, disait que l'Église catholique avait été une de ces forces parce que l'Église s'était appliquée à ne jamais nommer un évêque autre qu'un anglophone qui ne parlait que l'anglais même dans les coins où le français pouvait dominer. Alors, il y a donc là des choses à développer chez nous pour intégrer ces nouveaux venus et pour les faire participer à notre civilisation.

Mme Robic: Vos dernières remarques m'intéressent beaucoup parce qu'elles vont dans le même sens des remarques du père Harvey. J'aimerais clarifier avec vous. Nous avons - ça fait partie, d'ailleurs, des responsabilités de mon ministère - des programmes de langue d'origine, des programmes de préservation de la culture d'origine. Est-ce que vous croyez que ces programmes font en sorte que les gens s'intègrent moins à la majorité francophone? Est-ce que vous voyez cela comme négatif que d'encourager les gens à préserver leur langue, leur culture?

M. Valois: Tout le problème réside dans le fait suivant: Est-ce que ces gens-là vont retourner dans leur pays d'origine ou s'ils sont appelés à demeurer avec nous? S'ils sont appelés à s'intégrer à notre pays, on doit les intégrer à notre civilisation. On peut les aider à garder certains liens avec leur pays d'origine, mais ou ça va devenir prioritaire sur nous ou ça va devenir du folklore pour eux, d'une génération à l'autre. À mon avis, on a à former et à développer. On a déjà, et il faut y croire, une civilisation québécoise. On a donc à développer cette civilisation québécoise en intégrant ceux qui arrivent.

Mme Robic: Vous parlez de l'importance de l'éducation au niveau des jeunes. Je suis absolument d'accord avec vous. On ne vient pas au monde avec des préjugés, ils se développent. Donc, quand on peut déjà travailler avec des jeunes, on a de bonnes chances de contrer ce développement de préjugés et il y a beaucoup à faire. Là-dessus, nous avons entendu la CECM hier, l'Alliance des professeurs de Montréal et c'était très révélateur. Mais je ne peux certainement pas parler au nom du ministre de l'Éducation, car il aura certainement plusieurs choses à dire sur ce sujet. Je peux cependant vous dire que, comme gouvernement - et c'est déjà enclenché -nous avons l'intention de mettre en place les recommandations du rapport Chancy.

Le Président (M. Trudel): Avez-vous terminé, madame?

Mme Robic: Cela va.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mgr Valois, votre mémoire plaide de façon assez vigoureuse en faveur d'une distinction très claire entre la politique d'immigration et la politique d'accueil envers les réfugiés. Je pense qu'il est bon de faire cette distinction. En tout cas, c'est un propos continu de notre part.

J'ai remarqué aussi que votre mémoire critique, à plusieurs égards, l'espèce de relâchement de l'implication du gouvernement vis-à-vis des instances internationales impliquées au niveau des réfugiés. On trouve cela aux pages 9, 10, 11 et 12, je crois, de votre mémoire.

J'aimerais aussi faire un commentaire, avant de passer aux questions. Vous avez parlé du modèle de nos voisins américains, qui est un modèle que je regrette. J'aimerais, si vous me le permettez, rectifier le vocabulaire. Je ne pense pas que, dans le modèle américain, on puisse parler d'intégration. Je pense que le modèle américain a été une assimilation de ce que j'appelle quelquefois méchamment une méthode digestive de l'immigration, où on a voulu l'uniformisation. D'ailleurs, on l'a appelle "melting-pot", c'est-à-dire un creuset d'où est sortie une barre d'acier très uniforme. Quoique le mouvement inverse commence à se produire actuellement, notamment dans l'État de la côte ouest qu'est la Californie, on l'observe également dans l'État de la Floride où on est maintenant en présence de trois langues, c'est-à-dire l'anglais, l'espagnol et le français en plus de cela, à l'étonnement et peut-être à l'agacement de certains.

Donc, je ne pense pas qu'au Québec on ait pratiqué une politique d'assimilation, mais qu'on ait bien privilégié une politique d'intégration comme telle.

M. Valois: Si vous me permettez...

M. Boulerice: Oui. Je vous en prie, monseigneur.

M. Valois: ...de réagir à mon tour... M. Boulerice: Bien, j'espère.

M. Valois: II y a des options politiques qui sont prises par des pays et des options à long terme. Ou le pays va garder son unité, ou il va accepter certaines choses et l'unité sera brisée dans un certain nombre d'années.

Par exemple, vous faites allusion à la montée des Espagnols dans le Sud des États-Unis. Cela ne me surprendrait pas qu'un jour on intervienne pour( défendre la langue espagnole, parce qu'on est en train de créer un nouveau pays à majorité espagnole qui va devenir séparatiste.

Vous savez qu'au Brésil une loi a été adoptée pour défendre l'enseignement de l'allemand dans les écoles et pour obliger le Sud du Brésil à enseigner le portugais. Vous, savez qu'en France, à certaines époques, il y a quelques années ou il y a quelques siècles, il y a eu des lois obligeant les Français à parler français, surtout les Bretons et les gens des provinces du Nord. C'étaient des décisions politiques pour sauvegarder l'unité politique du pays.

C'est juste un commentaire que je voulais faire.

M. Boulerice: Je suis heureux de vous l'entendre dire, Mgr Valois, parce que c'est mon analyse. Elle peut être fausse comme elle peut être vraie, mais je crois que si les Américains avaient pratiqué une politique d'intégration et non pas une politique d'assimilation, comme ils l'ont fait, le risque de préservation d'unité serait beaucoup plus rassurant actuellement qu'il ne peut l'être, parce qu'on voit les mouvements dans les États du Nouveau-Mexique, de la Californie, de la Floride, etc.

Par inadvertance, en prenant cette décision il y a quand même plusieurs dizaines, presque une centaine d'années, je pense qu'à très long terme ils n'ont pas pu prévoir les faits et c'est en train de se faire. Si cela avait été une intégration, je ne sais pas, en fin de compte, dans quelle mesure l'unité comme telle, qui existe aux États-Unis, n'aurait pas été mieux assurée.

Ceci dit, dans les recommandations que vous faites, vous écrivez: "Suite aux accords constitutionnels du lac Meech..." M. le Président, je pense qu'on consent de poursuivre.

Le Président (M. Trudel): Le consentement a été implicite, M. le député, merci. (13 heures)

M. Boulerice: D'accord. Vous indiquez, Mgr Valois: "Suite aux accords constitutionnels du lac Meech, le gouvernement du Québec ne doit pas abandonner sa responsabilité internationale face aux réfugiés. Au contraire, il doit développer de nouveaux moyens dans l'esprit de cette entente, afin que le Québec joue son rôle de façon pleine et entière..."

J'aimerais que vous m'indiquiez quelle juridiction vous souhaiteriez que le Québec exerce en matière de réfugiés, selon votre énoncé au paragraphe 3 des recommandations?

M. Valois: Quelle juridiction? On sait que le gouvernement fédéral est actuellement en train de revoir la loi sur l'accueil aux réfugiés et il faudrait que le Québec dans cette discussion donne son avis et qu'il puisse favoriser un plus grand accueil des réfugiés et que la province de Québec puisse intervenir même pour accueillir des réfugiés. Comment cela va-t-il se faire, pratiquement, étant donné les deux instances? Je pense que c'est dans une concertation et une discussion que les modalités précises peuvent apparaître. Quand vous me posez la question à savoir si le Québec a une juridiction directe, on sait que le gouvernement fédéral a une large juridiction là-dessus. Mais, dans le domaine de l'immigration, dans le passé il y a eu des négociations avec Ottawa et le Québec a réussi à prendre une place dans le domaine de l'accueil.

M. Boulerice: Compte tenu de la réflexion que vous avez, de la connaisance du dossier, j'aimerais entendre vos commentaires vis-à-vis du projet de loi fédéral C-55.

M. Valois: Le projet de loi C-55 est devenu le C-85.

M. Boulerice: C'est ce jeu: 1 est devenu 101.

M. Valois: II a été déposé hier matin. On l'a eu hier après-midi. Des organismes travaillent à ce projet. J'ai écouté hier soir, et vous avez dû écouter aussi, le représentant du Barreau canadien à l'émission "Le Point", M. Prud'Homme et le ministre. À mon avis, l'essentiel a été dit par le représentant du Barreau canadien hier soir. Il ne faut pas fermer les frontières aux réfugiés et il faut leur donner leur droit de parole et considérer que ces personnes arrivent ici sans papier. Ils ont fui un pays, ils sont sortis d'un pays, ils n'avaient pas de papier d'identité pour sortir d'un pays, surtout la façon dont ils sont sortis.

M. Boulerice: Juste un commentaire pour vous remercier de votre participation, car, sans doute que, d'autres de mes collègues veulent intervenir. Vous, comme tous les autres groupes, avez énormément parlé du rôle de l'école. Effectivement, tout débute là. Très souvent aussi, l'école est le miroir de notre société et souvent notre bouc émissaire. Elle pourrait être la lanterne qui nous guide. Je pense qu'il y a justement, concernant l'éducation, des gestes extrêmement pressants et urgents même. Je pense que la commission des écoles catholiques l'a démontré avec une certaine éloquence. Ce qui reste à espérer, c'est que Mme la ministre ensuite... Je ne sais pas, mais je ne pense pas que le ministère de l'Éducation ait

délégué un représentant. S'il l'a fait, tant mieux. Sinon, je trouve que c'est dommage, mais je pense qu'on pourra sans doute se fier à, Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration pour faire valoir tous les points qui ont été énoncés à ce sujet.

Je vous remercie, Mgr Valois et M. Kalunda, de votre participation à notre commission.

Le Président (M. Trudel): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président.

Mgr Valois, votre société est connue pour l'expertise et le sérieux de ses interventions. Pendant que vous nous transmettiez te mémoire, je pensais aux intervenants qui étaient là hier, où vous êtes maintenant assis, et qui venaient de la ŒCM. Entre autres, ils faisaient valoir des difficultés accrues, disaient-ils, et beaucoup plus considérables qu'auparavant, à recevoir des enfants de réfugiés. Il me semblait évident hier, entre autres, que directeur de l'accueil d'enfants de réfugiés à la ŒCM avait un problème très particulier, d'une acuïté sans pareille. Assez fréquemment, semble-t-il, ces enfants n'avaient pas eu une scolarisation adéquate pour l'âge qu'ils avaient. Pour toutes sortes de raisons, ils présentaient des difficultés d'intégration. C'est peut-être un premier niveau. Je pense que votre mémoire insiste sur la nécessité du premier lieu de socialisation qu'est l'école.

Par ailleurs, dans les propos que vous avez tenus, vous nous avez simplement relaté cette expérience que vous avez eue aux États-Unis. Je ne sais pas si c'était pour nous la donner en modèle ou pour nous la donner simplement en exemple favorable ou défavorable, mais il y a quand même eu tellement d'études de réalisées. Je pense, entre autres, à une excellente étude du Conseil scolaire de l'Ile de Montréal il y a peut-être trois ou quatre ans de cela, qui révélait des difficultés, malgré que... Il faut faire très attention. Par exemple, l'accès aux études collégiales est de loin supérieur pour les enfants allophones que pour les enfants de Québécois de souche. Alors, tout n'est pas simple. II n'y a rien de simple en cette matière. Des enfants de certaines communautés ont des difficultés particulières. Les études révélaient que l'enfant ne vit pas dans un vide de valeurs et que le fait de n'entendre jamais parler de sa culture -parce que plus la culture est différente, pour ne pas dire parfais contraire à celle qui est en usage dans l'école - il présente, semble-t-il, plus de difficultés d'adaptation, d'apprentissage. L'enfant ne vivant pas dans un vide de valeurs, si sa culture, ses origines, si, en d'autres termes, tout est ignoré de ce qu'il est, peut difficilement devenir un champion. Semble-t-il qu'on ne peut pas vraiment performer quand on est constamment en situation de se sentir dévalorisé ou, sans être nécessairement rejeté, tout au moins ne pas être pris en considération.

Je ne sais plus, vraiment, à quel modèle il faut inviter l'école québécoise. Le rapport Chancy nous invite à un modèle d'éducation interculturelle, malgré que celui-ci ne nous donne pas nécessairement l'ensemble des priorités qu'il faut mettre en usage immédiatement. Chose certaine, en tout cas, la résultante de tout cela, c'est certainement qu'il faut investir dans l'école interculturelle, particulièrement sur l'île de Montréal.

Vous, le modèle que vous préconisez, quel est-il?

M. Valois: En fait, je ne suis pas venu ici pour parler surtout de l'école, mais je pense qu'il y a une première réalité, c'est que si l'on veut que les nouveaux venus trouvent leur place dans notre pays il faut qu'ils maîtrisent la langue, celle des communications. C'est une première condition.

Là, vous m'apportez un éclairage en me disant: S'ils ne sont pas en lien avec leur civilisation d'origine, ils vont intégrer la langue plus difficilement. Cela est une perception de spécialiste que je ne suis pas et c'est peut-être une perception juste. Peut-être que M. Kalunda, qui est ici depuis les années soixante, qui a poursuivi des études ici, à Montréal, qui enseigne maintenant au niveau collégial, pourrait nous donner son expérience sur ce point.

M. Kalunda (Diému): Les difficultés que certains groupes culturels ont éprouvées ici sont souvent d'ordre culturel mais elles sont reliées à la langue. Ce sont les plus âgés, surtout qui ont le plus de difficulté. Nous avons constaté que le jeune qui commence l'école primaire et finit par terminer son école secondaire parvient à s'identifier aux symboles locaux, à parler la langue, et à avoir le même type de besoin que ses amis de l'école et les groupes de jeunes.

Si les adultes éprouvent des difficultés à s'intégrer d'abord, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'ils ne parviennent pas à se donner de signification, à se définir de symbole particulier, ici, et, aussi, maîtriser la langue. Cependant, leurs enfants leur facilitent la tâche puisqu'on voit, par exemple, les groupes sportifs. Guy Lafleur était le symbole de beaucoup de jeunes Africains, de jeunes Vietnamiens, et Mario Tremblay également, alors, en grandissant, ils s'identifient à cela.

Alors, donc, qu'est-ce que l'école doit faire? 11 s'agit d'intégrer ces jeunes-là au milieu de groupes existants en leur facilitant

cette intégration, d'abord au niveau de l'apprentissage et les enfants le transmettront aux parents. C'est là, particulièrement, que nous constatons que c'est davantage au niveau d'âge et de groupes d'âge que le problème se pose. Par contre, quand on est jeune, le problème ne se pose pas du tout.

Mme Harel: Alors M. le Président, je remercie M. Kalunda.

Peut-être pensez-vous, Mgr Valois, que ces questions sont étrangères au mémoire que vous avez présenté. Votre mémoire porte essentiellement sur toutes les catégories de réfugiés et vous insistez pour une sorte de maintien ou, sinon, pour un élargissement de notre accueil. Je pense qu'il faut voir cela lucidement. Y a-t-il, comme certains le disent, des problèmes particuliers d'intégration plus grands en ce qui regarde ce groupe, cette catégorie que ceux des immigrants qui, eux, quittent volontairement leur pays de façon définitive et sont choisis à partir d'une grille de sélection?

Si c'est le cas, moi, ma conclusion - ça ne veut pas dire que des difficultés plus grandes amènent une fermeture - est que des difficultés plus grandes doivent être, à ce moment-là, prises en considération pour qu'il y ait des moyens d'action plus grands qui soient mis à leur disposition; sinon, il va se développer une sorte de rejet de cette catégorie, compte tenu qu'elle présente plus de difficultés que d'autres.

M. Valois: L'immigré qui vient ici librement, qui choisit, qui demande et qui entre ici est psychologiquement en situation de s'adapter, de prendre les coutumes d'ici. Le réfugié qui, lui, est sorti précipitamment de son pays sous une pression quelconque a souvent l'intention de retourner dans son pays et, après un certain nombre d'années, on s'aperçoit qu'il n'est pas capable d'y retourner. Les problèmes politiques ne se règlent pas du jour au lendemain. Alors, quoi faire? Il y a certainement des difficultés plus grandes. Est-ce qu'il faut les maintenir en contact avec la civilisation de leur pays, avec la langue de leur pays, pour leur permettre un retour éventuel? Cela serait très généreux de notre part, je pense, que de faire cela. Est-ce que c'est possible quand on a 50 pays, des représentants de 50 pays qui arrivent parmi les réfugiés? On a tout un défi.

D'un autre côté, ce qu'il faut retenir, c'est que le réfugié est quelqu'un qui a quitté son pays parce qu'il a été obligé de le quitter et qu'il y retournerait, s'il le pouvait. Vous savez, on voit parfois des pancartes: "Réfugié, retourne chez toi, go home." Je pense qu'il y a un poster qui a été publié comme ça et, en bas, on a ajouté: "II le ferait s'il le pouvait." C'est la définition du réfugié. Je pense que c'est quelque chose qui existait il y a dix ans ou même il y a cinq ans. Quand je suis allé dans les camps de réfugiés du Honduras, j'allais voir des réfugiés là-bas. On avait à peine commencé, ici, à recevoir des réfugiés, on n'avait reçu que des immigrés auparavant. Là, on reçoit des réfugiés, on en reçoit de plus en plus, en plus grand nombre, au point où on commence à prendre panique et qu'on veut fermer les frontières.

Ce que nous demandons, c'est qu'on identifie les vrais réfugiés et qu'on leur donne une chance de vivre. C'est sûr que, parmi ceux qui se disent des réfugiés, il y en a des faux, mais qu'on prenne les moyens de bien les identifier. Ceux qui sont vraiment en danger, qu'on leur permette de vivre.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le député de Viger,,

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Mgr Valois, je reviens à votre recommandation no 3 dans laquelle vous dîtes: Suite aux accords constitutionnels du lac Meech, le gouvernement du Québec doit développer de nouveaux moyens pour jouer son rôle de façon pleine et entière. On sait pertinemment que le Québec a le droit de faire le choix des réfugiés à l'extérieur du Canada. L'année dernière, le Québec a reçu environ 5000 réfugiés, cela veut dire pas loin d'un tiers de tous les réfugiés du Canada. À part cela, on a reçu aussi environ 13 000 revendicateurs. Pourriez-vous nous dire combien de réfugiés le Québec devrait recevoir de plus? De quelle manière? Quels seraient ces moyens dont vous nous parlez dans la recommandation no 3: Nouveaux moyens pour jouer son rôle de façon pleine et entière? Le Québec l'a déjà, ce rôle, pour le choix à l'extérieur.

M. Valois: Je répondrai à la première question, à savoir combien de réfugiés, et je laisserai à M. Kalunda le soin de répondre aux autres questions. Combien de réfugiés? Je ne sais pas. Parce qu'un réfugié, c'est, par définition, quelqu'un qui est en danger et quelqu'un qui cherche asile quelque part.

M. Maciocia: Je comprends, mais vous ne croyez pas que 5000... Cela veut dire que près d'un tiers de tous les réfugiés du Canada sont au Québec...

M. Valois Je pense que...

M. Maciocia: ...que, quand même, le Québec fait sa part et même plus dans ce domaine.

M. Valois: Je pense que c'est à la suite

d'une concertation avec le gouvernement fédéral et les autres provinces qu'il faudrait en arriver à faire en sorte que chacune des provinces prenne une part de responsabilité dans cet accueil des réfugiés.

M. Kalunda: Mais pour ajouter un mot à ce que monseigneur vient de dire, les réfugiés ne sont pas des immigrants; donc, on ne peut pas établir le nombre au départ. Si nous avons accueilli 1000 réfugiés et qu'il y a, de l'autre côté, à côté de nos frontières, 100 réfugiés qui arrivent, on ne peut pas laisser tomber ces 100 réfugiés parce que nous en avons déjà accueilli 1000. Ce sont des personnes en situation difficile et nous estimons qu'il est de la responsabilité du gouvernement du Québec d'accorder la protection à ces genres de personnes.

Quant à la responsabilité internationale du gouvernement québécois, la société estime que l'entente Couture-Cullen devrait être renforcée. Nous avons peur qu'avec l'accord du lac Meech certains aspects qui donnaient quand même une force aux politiques québécoises en matière d'immigration ne s'effritent.

La société serait contente de savoir que le gouvernement québécois cherche à renforcer certaines dispositions qui existent déjà entre le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois et qui permettent au Québec d'évoluer sur la scène internationale comme il l'a fait jusqu'à présent.

M. Maciocia: Mais je crois que l'accord du lac. Meech nous permet de faire ça aussi, M. Kalunda. Je crois qu'on a renforcé les pouvoirs du Québec quant au choix, à l'accueil, ici, au Québec même, ce qu'on n'avait pas auparavant. Si je peux être un peu rassurant envers vous, je suis convaincu que même les dispositions de l'accord Couture-Cullen seront renforcées avec l'accord du lac Meech.

Je voulais seulement poser une autre question à Mgr Valois. On comprend que votre mémoire porte essentiellement sur la question des réfugiés, parce que c'est la vocation même de votre organisme. Mais vous savez aussi que la commission étudie les niveaux d'immigration pour 1988-1989.

Vous n'avez pas soufflé mot sur cet aspect-là. Est-ce qu'on pourrait connaître la position de votre organisme vis-à-vis des niveaux d'immigration de 1988 et 1989 et aussi, étant donné que vous ne connaissez pas les éléments des réfugiés, si vous pouviez nous dire quelque chose, quelles seraient vos réflexions quant à la réunification des familles et l'immigration indépendante?

M. Valois: II y a beaucoup de choses dans vos trois questions. Quels sont les niveaux? Moi, je ne peux pas me prononcer pour la société actuellement; il faudrait qu'on étudie cela ensemble. Il y a une chose qui nous a frappés. Je pense que c'est l'immigration sélective. On fait venir des personnes qui vont venir faire des investissements ici et on les accepte facilement.

Nous sommes plus sensibles, nous, à ceux qui sont dans le besoin et qui sont faibles, démunis et nous aimerions voir une action du gouvernement du côté de ces personnes. Je vous donne un exemple: depuis quelques mois je suis en relation avec les deux ministères, fédéral et provincial, pour essayer de faire venir une famille de Chiliens au pays. Cela bloque parce qu'il y a un membre de la famille qui est handicapé et cela va représenter des soins à donner à cet enfant. Je ne peux pas vous dire... Je ne pense pas que cela bloque du côté du Québec, je ne le crois pas mais, en tout cas, je vous dis qu'il y a quelque chose. On est revenu, on a insisté et on n'a pas été capable de faire venir la personne en question.

Alors, quand vous me parlez des niveaux d'immigration je vous dis que je ne peux pas me prononcer sur cela, mais je voudrais que le Québec soit sensible à l'accueil comme il l'a fait, je pense bien. Je voyais Mme Robic, elle avait probablement en tête la jeune Chilienne qu'on a accueillie et qu'on soigne encore, cette grande brûlée qui bénéficie, au fond, de soins gratuits de la part du Québec. C'est ce genre d'actions que nous proposons.

Votre deuxième question, je m'excuse...

M. Maciocia: Cela portait sur une question de moralité; c'était une réflexion sur la réunification des familles et des immigrés indépendants.

M. Valois: Nous travaillons aussi à plusieurs projets de réunification des familles. Quand je dis nous, je parle du diocèse. Nous travaillons à plusieurs projets de réunification des familles. Je pense que tout le monde est sensible à cela quand on dit que c'est pour la réunification des familles. On se pose des questions un peu comme le père Harvey en posait tout à l'heure. Ce sont des familles éclatées. Il y a une famille à Saint-Jérôme, actuellement, et on travaille pour faire venir les membres de la famille et c'est une trentaine de personnes. Alors, cela devient une famille éclatée. On ne sait pas... Moi, je n'ai vraiment pas d'idée... Je pense qu'on peut travailler à faire venir ces familles parce que, d'abord, la famille qui est en place - et ils sont déjà assez nombreux - est en mesure d'accueillir parents et d'en prendre charge. Ce sont des coûts qui ne reviendront pas au gouvernement. Ce sont des familles qui vont elles-mêmes intégrer ces nouveaux venus.

Jusqu'à quel point faut-il aller quand on parle d'une famille éclatée comme cela? Je ne le sais pas, je ne peux pas vous répondre là-dessus. Vous aviez un troisième aspect aussi?

M. Maciocia: Vous m'avez seulement donné, je dirais quasiment, l'occasion de vous poser une autre question. Vous parliez des réfugiés, je le comprends très bien mais vous n'avez pas dit que le gouvernement fait des efforts pour avoir des immigrants investisseurs. Nous, on y croit et, moi, j'y crois personnellement: il faudrait avoir les deux, parce qu'il faut quand même comprendre que le gouvernement a des responsabilités financières. Pour accepter des réfugiés, il faut quand même que le gouvernement dépense plus et, si c'est cela, cela nous prend aussi des immigrants investisseurs pour compenser, à certains moments, ces dépenses qu'il faudrait investir dans le domaine des réfugiés pour en avoir encore plus.

M. Valois: Pour faire l'un et ne pas négliger l'autre.

Le Président (M. Trudel): Avez-vous terminé, M. le député de Viger? Mme la ministre?

Mme Robic: Oui, merci, M. le Président. Mgr Valois, en vous remerciant de vos propos fort intéressants, vous me voyez contrite de vous avoir négligé et j'ai été très présente à la table de concertation. Vous ne faites pas partie de la table? En faites-vous partie?

M. Valois: Non, je n'en fais pas partie.

Mme Robic: Alors, on va réparer cette erreur de ma part et c'est avec plaisir que mon cabinet organisera une rencontre avec vous dans les plus brefs délais.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mgr Valois et M. Kalunda, vous savez que je suis, cette semaine, un peu dans une situation d'apprentissage puisque ce n'est que depuis hier que je suis devenu porte-parole aux Communautés culturelles. Au fur et à mesure que je vous entends, comme j'entendais ceux qui vous ont précédés et, j'en suis persuadé, ceux qui suivront, je reçois des commentaires et des notes extrêmement pertinentes qui me permettent de me former une idée de l'ampleur du problème, des difficultés qu'il pose. Cela ne m'empêche quand même pas de penser qu'il y a une solution très humaine et qu'il ne faudra quand même pas précipiter de façon qu'elle - et je le disais au père

Harvey tantôt - n'ait pas les défauts peut-être de la première qualité qu'elle aurait. Donc, vous avez contribué à cette réflexion-là qui se produit et à la recherche de solutions, qui est ma responsabilité depuis quelque temps, enfin, très exactement une journée.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député. Mgr Valois, à mon tour au nom des membres de cette commission, merci de votre présence et à un de ces jours. Vous allez rencontrer Mme la ministre probablement beaucoup plus prochainement que je n'aurai le plaisir de vous revoir. Alors, à la prochaine.

M. Valois: Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Bienvenue. Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 28)

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

Les députés qui sont assis à la place du public peuvent rejoindre la table des députés et le public qui est assis à la table des députés peut rejoindre cette partie de la salle réservée au public. Merci.

Avec un retard de dix à quinze minutes, celui-ci étant de douze minutes trente-cinq secondes, la commission de la culture reprend ses travaux en vue d'exécuter son mandat de consultation particulière sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989, en tenant compte des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec de même que de ses obligations à l'endroit de la communauté internationale et des familles à l'étranger des nouveaux résidents québécois.

Je vois que nos prochains intervenants sont déjà assis à la table des invités. Il s'agit de la Centrale de l'enseignement du Québec, avec M. Raymond Johnson, vice-président, que nous avons eu...

Une voix: Johnston.

Le Président (M. Trudel): Johnston, oui, excusez-moi... Nous avons eu le plaisir de l'accueillir hier soir, et il y a M. Henri Laberge, conseiller syndical, à qui je souhaite la bienvenue. Je ne sais pas lequel des deux va être le porte-parole. Vous connaissez les règles du jeu puisque vous les avez vécues hier après-midi. Il est 15 h 15. Nous en avons pour une heure.

Messieurs, la parole est à vous.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. Johnston (Raymond): Si vous me le permettez, M. le Président, vu qu'il est fort probable que Mme la ministre et les critiques de l'Opposition ainsi que leurs camarades des deux côtés de la Chambre aient pris connaissance de notre mémoire, je vais essayer de le résumer tout en signalant les éléments qui nous ont amenés à nous préoccuper de cette question.

Vous savez sans doute - ce n'est probablement pas nécessaire de le rappeler -que la majeure partie des membres de la CEQ sont des syndiqués dans les services publics ou parapublics, ou péripublics. Donc, ce sont des gens en contact avec une clientèle qui varie en même temps que la population québécoise. Par ailleurs, nous avons, au cours des années, développé des liens importants avec des organisations à l'extérieur du pays et des organisations ici, au Canada et au Québec, qui nous ont habitués à considérer les problèmes d'immigration sous un angle un petit peu différent de l'angle habituel des résidents québécois. Notamment, l'an dernier, une des camarades du bureau national, une vice-présidente de la CEQ, a fait partie d'une délégation avec d'autres personnes que vous connaissez probablement et est allée visiter des prisonnières chiliennes, des prisonnières politiques au Chili. Également, l'an dernier, à la demande de la table de concertation des organismes de défense des réfugiés, la CEQ a autorisé M. Noël Saint-Pierre à faire un voyage en Argentine pour rencontrer les Chiliens qui y avaient été bloqués à cause de la nouvelle directive du ministre Benoît Bouchard.

Par ailleurs, on a aussi analysé un bon nombre de dossiers qui ont des incidences sur les droits humains, des incidences aussi sur les rapports nord-sud, notamment toute la question de la paix. On a donc développé, à cet égard, une approche très ouverte avec les années. De plus, la CEQ participe activement aux travaux actuels de la Ligue des droits et libertés, dont elle est membre, et elle collabore très étroitement avec la table de concertation des organismes de défense des réfugiés.

Donc, tout cela nous a amenés à considérer la question de l'immigration sous l'angle des résidents québécois, mais aussi sous l'angle de la responsabilité internationale.

Nous n'avons pas l'intention de nous limiter, comme vous avez pu vous en rendre compte, à la seule question du niveau d'immigration. Nous sommes, d'emblée, favorables à une augmentation du niveau d'immigration qui permettrait, celle-ci combinée, à un certain nombre d'autres politiques, une évolution progressive de la population québécoise. Mais nous devons considérer et nous considérons qu'une politique d'immigration, vue du Québec, doit aussi prendre certaines nuances. Elle doit s'intégrer à une politique globale de la population qui doit comprendre, à notre point de vue, un certain nombre de mesures qui permettent l'accroissement naturel de la population québécoise, favorisant à tout le moins l'accroissement de la population québécoise par voie naturelle et, d'autre part, qui permettent aussi d'inciter le plus grand nombre de résidents québécois à demeurer au Québec. C'est bien de parler du niveau d'immigration au Québec, mais on ne peut pas négliger non plus, dans le cadre d'une politique globale de la population, l'impact du flux migratoire vers l'extérieur.

Finalement, il faut aussi regarder toute cette question dans un contexte canadien et québécois, d'une façon plus particulière, où se vaut aussi, d'une certaine façon, l'identité d'une société. Cela nous amènera à faire à cet égard un certain nombre de commentaires sur les mesures qui devraient être prises pour faciliter l'intégration des immigrants, de quelque catégorie qu'ils soient, à la société québécoise dans le contexte d'une société que nous croyons devoir être multiethnique, mais francophone. C'est-à-dire qu'il faudra prendre des mesures parallèlement à l'augmentation du niveau d'immigration pour faire en sorte que le flot d'immigration puisse permettre à la société francophone de se renforcer et, en même temps, conserver l'expression du caractère multiethnique de cette société.

Donc, il faudra faire en sorte de plus en plus, à notre point de vue, que le français devienne la langue commune véritable pour l'ensemble du Québec. Cela suppose, comme cela a été mentionné dans un autre mémoire hier soir, un certain nombre de mesures de renforcement, notamment des dispositions prévues dans la loi 101. Cela suppose aussi, jusqu'à un certain point, une remise en train de la détermination du gouvernement du Québec de faire de la société québécoise une société francophone authentique tout en respectant le caractère multiethnique de cette société.

Il est important, à cet égard, que le gouvernement du Québec, le Parlement du Québec réussisse à se convaincre de la nécessité d'obtenir un certain nombre de pouvoirs supplémentaires ou la suppression d'entraves constitutionnelles pour lui permettre d'exercer une juridiction complète en matière linguistique et lui permettre également d'exercer une juridiction complète en matière d'éducation de telle façon qu'on puisse passer d'un système scolaire dit confessionnel à un système scolaire fondé sur la distinction linguistique afin que l'intégration devienne de plus en plus facile à l'intérieur de l'école commune française

québécoise.

Nous pensons aussi qu'on doit pousser cette recherche de la francisation par une forme de consolidation et même d'amélioration des dispositions de la loi 101. Je vais passer là-dessus rapidement pour dire rapidement que, pour nous, après considération de l'ensemble de la situation au Québec, il serait important que le gouvernement québécois, au-delà du succès obtenu avec une forme de garantie d'enchâssement des principes de l'accord Cullen-Couture dans les discussions constitutionnelles, puisse se donner les moyens d'avoir chez lui le pouvoir de déterminer non seulement une proportion de l'immigration canadienne qui doit lui être allouée mais un nombre et avoir le contrôle de son propre flux migratoire de telle sorte qu'il puisse développer par lui-même sa propre politique de la population.

Nous soulignons dans notre mémoire une couple de faiblesses de l'accord du 3 juin que l'on vous demande de considérer. On sait bien que c'est un petit peu tardif mais, au moment où notre mémoire a été rédigé, la décision de l'Assemblée nationale de ratifier l'accord du lac Meech dans la version du 3 juin n'était pas encore connue. Nous pensons qu'il devrait y avoir une attention particulière apportée notamment au texte de l'article 95 qui, dans une certaine mesure, au deuxième alinéa, pourrait être interprété -comme il sera vraisemblablement interprété -comme étant une prépondérance complète du gouvernement fédéral sur les questions - de l'immigration.

Il faut donc, à notre avis, récupérer au Québec des pouvoirs élargis en matière d'immigration et il faut se donner aussi les moyens pour les exercer avec une certaine forme d'indépendance. Ce qui veut dire que, notamment à l'égard de la question des réfugiés, il faudrait développer chez nous des institutions. Probablement qu'il pourrait naître d'un développement de la Commission des droits de la personne une espèce de section particulière qui pourrait considérer les demandes des revendicateurs de statut de réfugié au Québec avec l'accord du gouvernement fédérai. Cela permettrait éventuellement d'examiner ces demandes-là, sans nécessairement avoir de préjugés, à l'égard des pays avec lesquels le Canada entretient des relations ou de fourniture commerciale ou militaire ou d'entente de quelque nature que ce soit. Là, je renvoie Mme la ministre en particulier à ses propres inquiétudes autour de la notion des pays sûrs que M. Bouchard évoque à l'occasion. Je pense qu'on a là quelque chose qui devrait nous amener à un regard qui permette d'envisager les revendicateurs de statut de réfugié autrement que dans le sens de nos intérêts au plan des rapports internationaux.

Je veux aussi souligner que nous sommes favorables, d'emblée, à l'élargisse- ment d'une politique d'accueil des réfugiés pour des motifs humanitaires ou des motifs qui ne les rendent pas nécessairement tous identifiables comme étant des réfugiés au sens strict de la convention. Nous pensons que toutes les personnes qui ont des motifs sérieux de craindre ou bien pour leur vie ou bien pour leur sécurité, ou même pour leur liberté, devraient être capables de trouver au moins une terre d'accueil ici, au Canada, en considérant qu'il y a quand même des obstacles géographiques importants au déplacement de flots migratoires majeurs vers le Canada.

Je pense aussi qu'une politique québécoise de l'immigration devrait permettre de maintenir l'objectif de la réunification des familles. On devrait aussi accorder une attention un peu spéciale à d'autres formes de parrainage que celles qui sont actuellement les plus couramment utilisées de façon qu'on puisse . permettre d'atteindre des familles à revenu plus modeste et qu'elles puissent s'impliquer dans les processus d'immigration. Donc, il y a moyen de mettre à contribution, selon les volontés des groupes, des municipalités, des associations ou des syndicats qui, à l'occasion, pourraient accepter le parrainage d'immigrants ici au Québec.

Il faut aussi - on le soulignait tantôt -faire un équilibrage normal entre nos visions de l'apport de l'immigration et les efforts qui doivent être faits ici, au Québec et au Canada, pour augmenter le taux de natalité. Je ne parle pas nécessairement d'une politique familiale extrêmement nataliste par excellence, mais de mesures qui doivent être prises - nous en énumérons plusieurs - et qui pourraient permettre un peu plus de liberté de choix aux familles quant au nombre d'enfants qu'elles peuvent se permettre d'avoir dans les conditions socio-économiques qui sont les nôtres, ici, au Québec.

Je pense aussi qu'il y a un certain nombre d'éléments de prudence qu'il faut avoir. C'est clair qu'on ne peut pas se placer en situation d'ouvrir une voie à la formation ou à l'élargissement d'un courant xénophobe ou raciste au Québec, ni au Canada. Il y a donc un certain nombre de précautions qu'il faut prendre. Il faut ouvrir du côté de l'éducation multiculturelle, multiethnique et il faut ouvrir aussi pour éviter les difficultés des jeunes qui se retrouvent souvent dans une situation de confrontation entre la culture avec laquelle ils sont en contact dès lors qu'ils sortent de leur famille et la culture d'origine de la famille qui est souvent maintenue envers et contre tous par l'autorité familiale. (15 h 30)

II y a une espèce de support supplémentaire qui devrait être mis à la disposition des familles au Québec à partir probablement du milieu scolaire ou d'autres instances qui

permettent une espèce de considération de la situation dans laquelle sont placés les enfants ici.

Donc, il faut penser à l'évolution du Québec en maintenant le caractère français de la société québécoise. Il faut une ouverture au multiculturalisme et à une forme de société multiethnique, mais il faut aussi envisager qu'on doit tout faire cela dans le respect des droits humains les plus fondamentaux. Nous pensons qu'il y a malheureusement ici, au Canada, un courant avec, disons-le, un ministre qui semble, à ce moment-ci, avoir un grand manque de sensibilité - c'est le moins qu'on puisse dire - à l'égard de la situation que vivent des populations importantes partout dans le monde. Je fais allusion au projet de loi récent du gouvernement fédéral qui a été déposé hier et au projet de loi C-55 qui est l'objet de discussions depuis le printemps dernier.

Là-dessus, nous rejoignons un peu les propos que rapporte Le Soleil de ce matin concernant une lettre que vous auriez fait parvenir au gouvernement fédéral. Nous pensons qu'il y a lieu de s'inquiéter de la fermeture brutale des frontières canadiennes. Il y a lieu de s'inquiéter aussi de l'absence de reconnaissance de droits aux personnes qui viennent revendiquer chez nous la protection du Canada et du Québec, dans certains cas. Il y a lieu de s'inquiéter aussi des procédures d'exception qui sont utilisées même à l'encontre de conventions internationales auxquelles le Canada est censé avoir adhéré.

Tout cela nous amène à dire qu'il faut une véritable politique de la population axée sur trois volets fondamentaux: politique familiale, politique d'immigration et politique d'incitation à rester au Québec. Mais tout cela ne pourra se faire que si le gouvernement développe, de façon importante, des politiques sociales et des politiques de plein emploi pour l'ensemble des régions.

Une des questions qui reviennent de façon permanente devant la commission, c'est la question de la "montréalisation", de l'immigration. Je vous dirai là-dessus, à titre de réflexion toute préliminaire, que les réfugiés, et les immigrants de façon générale aussi, ont le même réflexe que la population québécoise. Quand il n'y a pas d'activités économiques importantes dans une région, quand il manque d'emplois dans une région, quand il n'y a pas de structures culturelles dans une région, quand la vie sociale d'une région ne comporte aucun attrait, c'est normal que les gens aillent vers la région qui comporte tous ces attraits. Donc, dans la mesure où on considère que la "montréalisation" de l'immigration peut devenir un problème, cela suppose qu'on essaie de développer dans tout le Québec de multiples centres d'attraits à la fois économiques, culturels, scolaires et qu'on aille donc vers un développement harmonieux des régions à tout point de vue, de telle sorte que ces régions puissent soutenir l'arrivée de nouvelles personnes, mais, en même temps, conserver leurs propres acquis quant à la population.

Des régions qui se dépeuplent au Québec, il y en a beaucoup et elles se dépeuplent parce qu'elles ne se développent pas, à tous égards, au même rythme que la région de Montréal. À moins d'envisager un régime autoritaire, le gouvernement devrait, à notre point de vue, être conscient qu'il y a là un problème de développement fondamental du Québec qui est à l'origine du déplacement des populations, en même temps que fondamentalement un facteur principal de l'attrait de la région métropolitaine de Montréal pour les populations qui viennent de l'extérieur.

Donc, je m'arrête là-dessus parce que je pense avoir presque atteint mes 20 minutes, en étant sûr de ne pas avoir tout couvert.

Le Président (M. Trudel): Vous les avez même légèrement dépassées. Merci, M. le vice-président.

Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Robic: Merci, M. le Président. Je remercie la Centrale de l'enseignement du Québec d'être présente à cette table, d'avoir accepté notre invitation par l'entremise de M. Johnston et de M. Laberge. J'aimerais vous dire tout d'abord que l'oeuvre que vous faites auprès des réfugiés et des plus démunis de ce monde est tout à votre honneur et je vous en félicite, d'ailleurs. Je veux également vous dire à propos, du fameux voyage dont vous avez parlé, au Chili, dans les prisons, où Mme la députée de Maisonneuve est d'ailleurs allée, que le Québec a fait parvenir un chèque au montant de 25 000 $ de notre fonds de réfugiés pour aider ces personnes en détresse. C'est un peu grâce à vous si on a pu identifier ce groupe et que le Québec a pu les aider.

Je puis vous assurer que l'intention du gouvernement du Québec est de faire tout en son possible et en son pouvoir pour intégrer les immigrants à la majorité francophone. C'est dans cette optique, d'ailleurs, que le Conseil des ministres a octroyé des budgets additionnels afin que nous puissions permettre aux revendicateurs du statut de réfugié de prendre des cours de français.

J'ai également voulu, dans cette même optique, créer un programme spécial pour la femme à domicile. Je croyais que c'était important que chaque membre de la famille puisse apprendre le français. On ne peut pas faire d'intégration quand une personne aussi impartante, au sein de la famille, ne parle pas français. C'est une première année de programme. Nous espérons que nous allons

obtenir un succès et que nous allons pouvoir élargir ce programme pour aider à l'intégration de la famille complète dans la société francophone.

Vous avez parlé de l'accord du lac Meech. Celui-ci va pas mal plus loin en immigration que l'entente Couture-Cullen. Non seulement l'accord comprend-il les principes, mais également la pratique de l'entente Couture-Cullen, plus des pouvoirs additionnels en ce qui concerne la sélection. Nous récupérons également des pouvoirs en ce qui a trait à la réception, à l'intégration et à la francisation des immigrants. Nous pensons que ce sont des pouvoirs additionnels très importants pour le Québec.

Cependant, nous acceptons le fait que nous vivons dans une fédération et nous acceptons que l'immigration soit de compétence partagée. Nous nous posons aussi une série de questions sur la loi C-55. Nous avons des inquiétudes. L'article fait mention de certaines inquiétudes. Nous aurions pu développer un peu plus là-dessus. Oui, nous avons posé un certain nombre de questions et nous avons fait un certain nombre de recommandations au ministre Bouchard. On espère qu'il en tiendra compte dans les jours qui suivent.

J'ai également hâte, je vous l'avoue, d'entendre le prochain groupe qui vous suit, soit un groupe de Trois-Rivières qui s'appelle le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens et qui va certainement nous parler de "démontréalisation" des immigrants. J'ai hâte de voir s'ils ont quelque chose, un modèle à nous offrir, parce que vous savez que, pour pouvoir faire ce genre d'action, vous l'avez dit, cela prend un développement économique, cela prend une communauté qui est prête à recevoir ces gens, à les accueillir. Ces gens vont être obligés de se sentir non seulement bienvenus, mais ils vont pouvoir se retrouver un peu entre eux. Il faudrait presque qu'il y ait une communauté d'un certain nombre, qu'il y ait un petit noyau et qu'ils aient le goût de rester là, ensemble. On peut penser, par exemple, aux Portugais de Sainte-Thérèse ou à ceux de Hull qui sont regroupés en communauté. Je suis certainement sensible aux préoccupations de toutes les personnes autour de cette table-ci. J'espère que le groupe de Trois-Rivières a eu le temps d'y réfléchir et que, peut-être, on pourrait faire une action à ce sujet.

Vous insistez beaucoup également, dans votre mémoire, sur la nécessité de mettre en place une politique de population pour le Québec. Comment voyez-vous l'articulation de cette politique avec la politique d'immigration? Est-ce que vous pourriez nous parler de vos vues là-dessus?

M. Johnston: Est-ce que je réponds maintenant?

Le Président (M. Trudel): Allez-y, oui.

M. Johnston: Nous pensons qu'il est difficile d'envisager le développement de la population québécoise par des moyens naturels sans que la famille ait un appui supplémentaire à celui qu'elle a actuellement. Dans la recommandation que vous trouvez au no 3, je pense, en annexe à notre mémoire, qui essaie de condenser l'essentiel de ce que nous avions dit à ce sujet, vous trouvez un certain nombre de choses qui sont de l'ordre du soutien à la famille, mais aussi un certain nombre de garanties supplémentaires pour les individus qui composent cette famille, notamment le rétablissement de l'équité en termes de mesures fiscales à l'égard des personnes qui ont charge d'enfants, l'institution d'un véritable régime -on devrait peut-être ajouter "universel", parce que c'est de plus en plus contesté -d'allocations familiales avantageux pour les familles, la généralisation de régimes de congé de maternité et de paternité, l'allongement des périodes couvertes par ces congés et la création d'une caisse québécoise de congés parentaux avec contribution obligatoire pour les employeurs, sans que celle-ci soit liée au nombre de femmes qu'ils emploient. Si c'est basé sur le nombre de femmes salariées de l'entreprise, cela risque de se retourner contre elles, parce que l'entreprise va considérer qu'il y a des coûts trop importants à utiliser des femmes. Il va donc y avoir une forme de retrait, provoqué par les employeurs, du marché du travail pour les femmes.

Il y a un certain nombre de mesures de soutien qui, nous le pensons, peuvent favoriser le développement de la famille québécoise. Ces mesures pourraient éventuellement permettre non pas un bond fantastique du taux de natalité, mais de meilleures conditions socio-économiques pour que les familles d'ici puissent envisager plus facilement la venue d'un deuxième enfant, quand elles ne sont pas bloquées devant la venue du premier. Tout cela, je pense, devrait produire des effets à moyen terme; c'est sûr qu'on n'aura pas des effets du jour au lendemain, mais des effets à moyen terme qui devraient permettre d'éviter que le taux actuel de remplacement de la population québécoise, qui est très faible, se maintienne trop longtemps et que cela conduise à une chute brutale de la population du Québec sur quelques générations. (15 h 45)

II faut allier à cela un certain nombre de mesures qu'un gouvernement devrait prendre, à notre point de vue, dans la perspective de produire chez nous ce qu'on peut appeler des conditions de plein-emploi, puisqu'il y a beaucoup de ressortissants québécois qui vont ailleurs au Canada et aux États-Unis, comme il y a un certain nombre

de ressortissants étrangers qui sont venus au Québec et qui s'en vont vers l'extérieur, à la recherche de conditions d'emploi ou de conditions de marché du travail un peu plus satisfaisantes qui leur permettront d'assumer leurs propres responsabilités individuelles.

Donc, il y a tout cela qu'il faut développer, en même temps que l'an doit essayer de rendre les régimes les moins contraignants que ce qui se fait au chapitre des régimes de vie des personnes. Voilàt

Mme Robic: Merci. Votre mémoire, également, prône un Québec multiethnique francophone. Comment arriver à concilier ces objectifs avec une politique d'immigration expansionniste. Quels sont les efforts que vous jugez prioritaires?

M. Johnston: On devrait d'abord s'assurer que les jeunes immigrants et leurs enfants soient naturellement dirigés, comme ils le sont actuellement, vers l'école française.

On devrait aussi s'assurer progressivement que le marché du travail soit conçu de telle façon qu'il y ait une pression aussi sur les travailleurs et travailleuses qui proviennent de l'étranger pour qu'ils apprennent le français d'eux-mêmes, même s'ils ont passé l'âge scolaire.

Il devrait donc y avoir des garanties supplémentaires qui feraient en sorte que le français devienne une langue de travail plus communément acceptée avec moins de ces exceptions arbitraires, dans bien des cas, dans tout le Québec et particulièrement dans la région montréalaise.

On devrait aussi faire en sorte que l'intégration dans la communauté francophone, qui se fait de plus en plus par le réseau des écoles protestantes au Québec, à cause de la plus grande tradition de réception et de l'ouverture qui est perçue par cette clientèle du fait que le caractère confessionnel de ce réseau est moins prononcé que celui du réseau catholique... Il devrait donc y avoir une attention apportée pour faire en sorte que, comme on le disait tantôt, les écoles communes françaises ne soient pas nécessairement embrigadées dans des réseaux confessionnels et permettent le partage d'une certaine communauté de valeurs dans le milieu scolaire. Donc, il y a une certaine forme de pluralisme scolaire reconnu dans des institutions que se fonde plutôt sur la langue que sur la religion et qui, .de toute façon, ne fait que diviser le système en quatre, sans compter le secteur privé.

Je veux souligner à cet égard, comme complément, qu'on est à la veille de subir des pressions importantes de la communauté anglophone ou pour supprimer les contraintes de la loi 101, ou pour limiter le contrôle des institutions du réseau scolaire protestant, puisqu'elles ont toujours été perçues dans la population anglophone, comme étant des institutions protestantes, bien sûr, mais anglophones d'abord et qu'avec l'évolution des populations dans le réseau protestant un certain nombre d'institutions scolaires pourraient devenir, sur quelques décennies, des institutions contrôlées, par voie électorale, par une majorité francophone et non plus anglophone. Disons qu'il y a une crise sociale qui vient de ce côté-là.

L'autre train de mesures qu'on signale, c'est aussi de s'assurer une éducation à la communication interculturelle. C'est-à-dire qu'il faudrait... On a déjà commencé à discuter avec certains fonctionnaires du ministère de l'Éducation de la nécessité de développer un programme à cet égard, un programme qui permette à la fois une connaissance, en milieu scolaire, des différentes ethnies desservies par une école, qui permette, donc, une meilleure compréhension et qui permette en même temps, une sorte de formation aux droits humains.

On pense aussi qu'il devrait y avoir, probablement, un effort de fait, dans la mesure où c'est possible de le faire, pour inciter les gens qui viennent ici à apprendre le français de façon naturelle, par des mesures de support comme vous le faites présentement. Peut-être faudrait-il avoir une assistance un peu plus grande dans certains cas, quoiqu'on n'en fasse pas, à ce moment-ci, pour ce qui nous concerne, une question fondamentale.

Voilà, c'est l'ensemble des mesures que nous préconisons. Nous pensons aussi qu'il faut développer, même si on ne l'a pas mentionné directement dans notre mémoire, un certain nombre de services supplémentaires à partir des institutions existantes pour mettre les communautés ethniques en communication entre elles et avec la majorité francophone du Québec. Il faut promouvoir des lieux de rencontre à partir des lieux de rencontre naturels. L'école est un lieu de rencontre naturel pour les populations. Il devrait y avoir des services de support aux communautés qui seraient assumés à partir du réseau scolaire, puisqu'il y a là un lieu de rassemblement, et ces activités ne devraient pas viser que les étudiants mais aussi les familles immigrantes.

M. Laberge (Henri): Vous permettez que j'ajoute quelque chose sur la question du marché du travail français? Je pense qu'un des résultats de la Charte de la langue française et en partie, aussi, de la loi 22 qui l'avait précédée a été d'amener une certaine francisation des milieux de travail dans le sens que, dans un grand nombre d'entreprises, il est plus facile pour les gens d'origine francophone de travailler en français, mais les objectifs de la Charte de la langue

française allaient bien au-delà de cela. Je pense que c'est uniquement pour ce point qu'on peut dire qu'elle a été, en partie, atteinte. Il y a encore des poches de résistance importantes à la francisation dans les milieux de travail. Même dans les milieux où on a prétendument atteint un niveau de francisation important, dans des entreprises qui affichent le certificat de francisation de l'office, on nous a dit que si, dans ces entreprises-là, les francophones travaillaient désormais en français, quand arrive un immigrant, on le fait travailler en anglais. Or, c'est absolument contraire à l'objectif qui veut assurer l'intégration des immigrants dans le milieu de travail. Il faudrait que l'objectif de la francisation du milieu de travail ne touche pas que les populations qui sont déjà francophones, il faudrait que cela touche l'ensemble de la population, y compris les immigrants.

Il y a aussi d'autres problèmes d'interprétation de la charte. Je pense que, si on veut vraiment que la Charte de la langue française atteigne l'objectif de faire du français la langue commune dans le milieu du travail, il ne faudrait pas que cette fameuse interprétation qui a été donnée de l'article 41, par exemple, à savoir qu'un employé individuel ne peut pas exiger que son employeur s'adresse à lui en français sous prétexte qu'on parle du personnel et non pas de chaque membre du personnel en particulier... C'est une interprétation assez aberrante, d'autant plus que ce qui semble avoir joué aussi, dans ce jugement-là, c'est le fait que l'individu qui se plaignait d'avoir été congédié en anglais n'était pas un francophone. Ce ne devrait pas être une raison qui soit acceptée puisque, si on établit que le français est la langue commune, tout Québécois, quelle que soit son origine ou sa langue maternelle, devrait pouvoir exiger qu'on s'adresse à lui en français, s'il fait cette exigence. C'est une chose qui devrait devenir élémentaire autant qu'ailleurs, dans l'Ouest du Canada, n'importe qui, qu'il soit Italien, Portugais ou Grec, si on le congédiait dans une autre langue, dans une langue qui n'est pas celle du pays, pourrait se plaindre et je pense que ce serait considéré comme contraire aux usages admis.

Vous avez parlé de l'entente du lac Meech; en fait, l'entente du 3 juin, pour être plus précis. À plusieurs endroits dans notre mémoire, on signale des faiblesses. D'abord, cela ne touche pas l'article 93; l'article 93 est extrêmement important du point de vue de l'intégration des immigrants parce que, en maintenant les structures confessionnelles, cela empêche que les immigrants se retrouvent dans des écoles communes avec la majorité de la population québécoise. Il nous apparaît important de toucher à l'article 93 pour pouvoir établir un système non confessionnel d'écoles.

Cela ne touche pas non plus à l'article 133- L'article 133 touche à un symbole extrêmement important. Les immigrants arrivent au Québec et, voient que, pour ce qui est de l'expression même de l'État, les deux langues sont sur le même pied. Comment peut-on ensuite leur dire: Nous vous demandons de vous intégrer en français, alors que l'État lui-même place les deux langues sur le même pied? Pour cela, il aurait été important de toucher à l'article 133.

L'article 23 élargit les critères d'admission à l'école anglaise d'une façon qui pourrait devenir dangereuse. Actuellement, la pratique ne semble pas avoir été aussi loin que ce que permet l'article 23 de la charte canadienne, mais si on voulait l'interpréter d'une façon très large, cela pourrait devenir extrêmement dangereux. Lisez, à ce point de vue-là, le paragraphe 2 de l'article 23 qui pourrait éventuellement devenir très dangereux. Je pense que le ministre de l'Éducation a déjà souligné ce danger. Nous pensons que cela aurait dû, à l'occasion des négociations du lac Meech, être un élément important.

Ensuite, il y a l'article 95b2 qui, effectivement, donne la priorité absolue à toutes les lois que le gouvernement fédéral pourra qualifier de lois portant sur les normes et les objectifs nationaux. Cela comprend la définition des catégories d'immigrants. Par exemple, on dit, dans notre mémoire, la catégorie de la famille sur laquelle le Québec n'a aucune emprise pour la définir puisque l'article 95b2 dit que: Toute entente faite entre le Québec et le gouvernement fédéral au sujet de l'immigration ne sera valide que dans la mesure de sa compatibilité avec les lois fédérales qui portent sur ces questions-là. Voilà les éléments principaux qu'on a mentionnés dans notre mémoire et qui aurait dû être touchés dans l'entente du lac Meech et qui, malheureusement, ne l'ont pas été.

Le Président (M. Trudel): Merci. Mme la ministre, un court commentaire parce que le temps est à peu près aussi épuisé que nous...

Mme Robic: Oui.

Le Président (M. Trudel): ...depuis quelques minutes.

Mme Robic: M. le Président, je veux seulement revenir à ce matin, où le père Julien Harvey nous a dit que, pour avoir une culture, il fallait neuf éléments. Je ne sais pas s'il faut absolument avoir ces neuf éléments-là ou s'il faut en avoir plus, ou, peut-être, un de moins, je ne sais pas, mais je serais tentée de dire que l'un de ces éléments est la religion. Alors... Non?

Mme Harel: Non, il n'a pas du tout mentionné cet élément-là.

Mme Robic: Non, ce n'est pas lui, c'est moi qui le mentionne.

Mme Harel: Ah!

Mme Robic: Je vous dis: Est-ce que la religion n'est pas l'un de ces éléments culturels? C'est seulement...

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques ou Mme la députée? M. le député de Saint-Jacques. (16 heures)

M. Boulerice: M. le Président, je pense que la ŒQ présente un mémoire qui est très vaste, c'est-à-dire qu'elle ne se contente pas de se concentrer uniquement sur un seul point, mais traite de la question véritablement dans toutes ses dimensions. C'est ce qui est véritablement la caractéristique et la qualité de votre mémoire.

Vous réclamez la mise en oeuvre d'une politique globale de population. Vous dites bien que l'immigration, par son accroissement, représente un volet important. Maintenant, je vous disais que vous avez une vision très globale de la chose, mais vous dites que c'est indissociable également, d'une politique familiale au Québec.

Vous cernez bien l'enjeu en parlant d'édifier un Québec pluriethnique, mais pluriethnique francophone, et je pense que le père Harvey vous a précédés tantôt là-dessus avec une réflexion intéressante. Je remarque, dans le résumé des recommandations principales, le premier qu'on vient d'aborder, que vous parlez également d'une politique d'incitation à rester au Québec. Donc, vous appuyez l'énoncé de "démontréalisation", de "démotropolisation" pour répartir l'immigration dans l'ensemble du Québec.

Vous avez dit, par contre, aussi qu'on devait rendre les régions attrayantes pour l'immigration. Je vous avoue que vous avez fait plaisir à l'ancien porte-parole en matière de culture qui, depuis un an et demi, se désâme à obtenir l'abolition du pseudo-moratoire sur les équipements culturels en région, ce qui bloque le développement culturel et social des régions, lequel pourrait être un des attraits des régions pour l'immigration du Québec.

J'ai remarqué en 6 que vous revendiquiez l'entière responsabilité législative du Québec en matière linguistique. C'est bien dommage que l'accord du lac Meech n'ait pas accordé cela, quoiqu'on ne l'ait pas demandé de toute façon. Vous avez de très sérieuses réserves sur, justement, aussi l'entente du lac Meech quant à l'immigration. Oui, il y a des objectifs, il y a un quota plus élevé, certaines améliorations en ce qui a trait à la sélection mais, l'acceptation demeure toujours la prérogative du gouvernement fédéral et non celle du Québec. Est-ce que nous, au Québec, regardons et envisageons l'immigration de la même façon et du même oeil que le gouvernement central fédéral ou celui des autres provinces. Il y a peut-être lieu de répondre non, étant donné notre spécificité; nous voulons peut-être de l'immigration autre chose que la province de l'Ontario ou celle du Nouveau-Brunswick.

Donc, je pense que vous touchez les points d'une façon très pertinente. Quand vous parlez de l'immigration, vous demandez des modifications de la grille de sélection qui est en usage actuellement. Quelles sont ces modifications, autres que celle de l'extension de la famille?

M. Johnston: Je réponds maintenant. M. Boulerice: Vous pouvez répondre.

M. Johnston: On n'a pas fait de suggestion très précise sur la grille d'évaluation à l'intérieur de notre mémoire, sauf que nous avons participé, hier, comme vous avez pu le voir, au dépôt du mémoire du MQF qui, lui, signalait qu'on devait mettre un accent sur l'apprentissage du français lors de l'octroi de la citoyenneté, l'octroi de la naturalisation, et nous serions largement favorables, d'une part, à favoriser, du côté surtout des immigrants indépendants, d'abord la sélection des gens qui sont plus facilement francophones ou "francophoni-sables" dans la grille d'évaluation. Nous souhaiterions qu'il y ait, pour d'autres, des mesures incitatives de l'ordre de celles qui étaient suggérées, hier, dans le mémoire du Mouvement Québec français. Cet ordre peut, peut-être, être discuté selon le niveau de compétence du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral, mais l'idée fondamentale est que, entre le moment où les gens atterrissent ici ou viennent ici et le moment où ils reçoivent la citoyenneté, il doit y avoir une forme d'incitation à une intégration à la société francophone québécoise. C'est le message que le Mouvement Québec français est venu vous dire hier et auquel nous avons participé.

M. Laberge: Je voudrais peut-être préciser que, dans la catégorie de la famille, il y a une insistance que vous allez retrouver dans le mémoire mais qu'on n'a pas fait verbalement encore, c'est l'acceptation de critères plus larges. Si je comprends bien les normes actuelles, les parents, c'est réservé aux parents âgés et les enfants, c'est aux enfants mineurs. Alors, nous demandons que la catégorie de la famille soit élargie aux parents et enfants de tout âge et qu'on l'élargisse aussi aux frères et soeurs. Ensuite,

on voudrait aussi que la notion du parrainage soit facilitée et on insiste en particulier sur la question du parrainage communautaire qui, lui, aurait comme avantage de favoriser la "démontréalisation" de l'immigration, comme cela s'est fait à l'époque des réfugiés Indochinois, où il y a eu beaucoup de parrainages communautaires, ce qui a permis à certains Indochinois d'aller s'établir en région.

Ensuite, parmi les critères, bien sûr, il y a la question de la langue, mais on n'en fait pas .une question de dire qu'on devrait donner une priorité absolue à ceux qui parlent français, parce qu'on sait bien, de toute façon, que les bassins d'immigration actuels ne sont pas en majorité francophones. Évidemment, l'importance majeure que nous donnons à la francisation, c'est dans le processus d'accueil beaucoup plus que dans les critères, quoique, dans les critères, cela devrait jouer, mais peut-être d'une façon modulée.

Ce qui nous a un peu surpris, là-dessus, on n'a pas trop compris les motifs, c'est quand on a dit, pour les réfugiés, qu'on se rallie à la norme canadienne d'établir un nombre égal de points pour le français et pour l'anglais. Est-ce arrivé, cela?

Mme Robic: M. le Président, si vous me permettez... Non, c'était une grille spéciale pour les revendicateurs du statut de réfugié, dans le but de régler leur statut, quand le fédéral a mis en place ce programme spécial. Ce qu'on recherchait, c'était beaucoup plus de permettre è ces gens, qui étaient ici depuis déjà quelque temps, de pouvoir rester. Alors, c'était une grille qui était très souple pour que les gens puissent rester. D'ailleurs, ils étaient ici depuis parfois trois ou quatre ans, alors, c'était seulement, pour ce groupe, une grille bien spéciale, très souple.

M. Laberge: Ce que nous nous sommes demandé, c'est en quoi c'était plus souple le fait de rendre plus facile, à ceux qui savaient l'anglais, de rester qu'à ceux qui ne le savaient pas. Parce qu'on pense à des Sud-Américains, par exemple, qui pourraient ne savoir ni le français, ni l'anglais et on se demande pourquoi ces gens auraient été défavorisés par rapport à ceux qui connaissaient l'anglais.

Mme Robic: Tout simplement, il faut vous rappeler que ces revendicateurs n'avaient pas eu droit aux cours de français quand ils sont arrivés au Québec. Ils se retrouvaient au Québec depuis quelques années, alors nous trouvions que cela aurait été injuste de les déporter parce qu'ils ne connaissaient pas la langue. Il fallait, au contraire, leur permettre de prendre des cours de français, d'accord?

M. Laberge: Pour cela, on est tout à fait d'accord.

Mme Robic: C'était peut-être une erreur de ne pas leur donner des cours de français dès leur arrivée, mais ils auraient été très pénalisés s'il avait fallu qu'on applique cette grille-là.

M. Laberge: Mais, nous, nous sommes assez d'accord pour dire qu'il ne faut pas les pénaliser indûment parce qu'ils ne connaissent pas le français, mais on s'est demandé: Pourquoi favoriser ceux qui connaissent l'anglais par rapport à ceux qui ne le connaissent pas?

Le Président (M. Hamel): Mme la députée.

Mme Harel: M. le Président, je remercie mon collègue de Saint-Jacques. Le temps file assez rapidement. Je crois qu'il faut comprendre que c'est un peu comme vous l'expliquiez et je vois que vous avez toujours l'expertise aussi grande en matière constitutionnelle, mais les revendicateurs de statut ne sont pas assujettis à la grille de sélection même du Québec. Alors, ce n'est pas un cas spécial, ce qui s'est produit. On m'a dit - et ce n'est pas de troisième main, ce sont des personnes qui les recevaient qui me l'ont dit - que la langue qui leur est offerte pour l'entrevue est le français ou l'anglais, l'une des deux langues officielles. Quand un réfugié, revendicateur de statut, fait une demande au Québec pour s'établir ici, on lui offre de faire l'entrevue dans une des deux langues officielles. Ce n'est pas un cas exceptionnel, c'est une situation de fait qui se perpétuera, étant entendu que cette catégorie-là est de juridiction fédérale et est soumise, en vertu de l'article 133 et les autres que vous avez mentionnés, à la loi sur les deux langues officielles. Au-delà de 75 % ont choisi de faire l'entrevue en anglais. C'était pour ceux qui étaient ici depuis bien des années, mais encore maintenant, pour ceux qui sont récemment arrivés, la grande majorité d'entre eux font un usage plus grand de l'anglais.

Cela se comprend aussi parce que, dans l'univers, si on se promène le moindrement, on se rend compte que la langue seconde est souvent la langue anglaise, même dans des pays comme le Portugal ou la Catalogne, où le français était une langue seconde jusqu'à tout récemment. C'est symboliquement important, parce qu'ils sont sur la rue McGill, ils sont au Québec et un fonctionnaire de l'État leur offre le choix de faire l'entrevue dans une des deux langues. C'est un élément que l'on ne peut pas négliger en termes de rapport. Que les personnes soient bilingues, trilinges, souhaitons-le, mais que l'État entretienne des

rapports dans une des deux langues officielles, cela n'est pas acceptable.

Rapidement, par rapport à votre mémoire, il y a comme une sorte d'épée de Damoclès, d'une certaine façon, qui pèse au-dessus du Québec. On procède depuis deux jours comme si on était entièrement maître d'oeuvre du niveau d'immigration et de l'ensemble des composantes de la politique d'immigration. Il faut voir - votre mémoire le rappelle - la réalité des choses, notamment qu'il y a des obstacles structurels importants, des obstacles constitutionnels, mais l'obstacle structurel des commissions scolaires confessionnelles en est un certainement important et l'abolition des structures confessionnelles, ce n'est pas l'abolition de la confessionnalité. Il ne faut pas confondre les deux et l'appel que l'on fait au Québec multiculturel implique nécessairement un Québec multiconfessionnel. On ne peut pas avoir le respect du pluriculturalisme sans que cela vienne avec le multiconfessionnalisme. C'est un peu comme étroitement lié.

Vous parlez des programmes interculturels: 95 % des enfants de familles immigrantes sont inscrits dans des écoles de Montréal. Ce sont les chiffres les plus récents. J'ai souvent pensé, d'ailleurs, que les programmes d'échanges pourraient peut-être se concevoir non pas seulement entre des enfants d'écoles grecques ou portugaises de Park Avenue et des enfants d'écoles grecques de leur pays d'origine, mais peut-être entre des enfants d'écoles des régions du Québec, de la Gaspésie, d'Abitibi ou du Bas-du-Fleuve, et des enfants d'autres origines d'écoles multiethniques de Montréal.

Vous dites qu'il y a formellement des programmes d'information sur les droits humains. Vous parlez spécifiquement de cette question des droits humains. Vous les voyez pour l'ensemble des écoles du Québec. Qu'est-ce que vous voyez comme effort consenti particulièrement à Montréal? J'imagine que l'égalité passe aussi par une sorte d'implication particulière par rapport à Montréal, puisque l'éducation interculturelle, j'imagine, peut être souhaitée pour tout le Québec. Mais elle est d'autant plus importante actuellement à Montréal qu'un fort pourcentage des écoles ont presque une majorité de leurs élèves qui proviennent de communautés culturelles autres que de souche. J'aimerais vous entendre sur ces programmes-là.

Pour terminer, peut-être, sur cette question des réfugiés, vous avez, avec raison, fait appel au maintien de l'ouverture des frontières et de la générosité. Vous avez mentionné que, de toute façon, on pouvait se le permettre compte tenu de notre situation géographique, puisque c'était plus loin, c'était plus coûteux de venir ici. Donc, étant plus coûteux, il y avait moins de gens qui pouvaient se le permettre. C'est justement cet aspect qui me préoccupe beaucoup dans la mesure où, même avec toutes les mesures mises en place, les visas, nous signalait la ministre, on reçoit 900 demandeurs de statut chaque mois actuellement, à Montréal, malgré toutes ces mesures mises en place; c'est à peu près l'équivalent de 10 000 à 12 000 par année. Si on ajoute à cela les 5000 réfugiés que le Québec va chercher dans les camps, c'est environ 15 000 personnes. Je me demandais si on ouvrait vraiment... Est-ce que cela n'aurait pas comme résultat de recevoir des personnes qui peuvent se payer le voyage, le déplacement? Est-ce qu'on serait moins en mesure d'aller justement chercher peut-être celles qui sont moins en état de venir, mais plus en difficulté de ne pas y être finalement? Je pense à l'effort que le Québec avait fait, il y a quelques années, par exemple, pour aller dans les prisons en Argentine, je pense, avec la dictature des colonels...

Le Président (M. Hamel): Madame...

Mme Harel: ...ou au Salvador. Le Québec avait été chercher des personnes. Ce n'est quasiment plus possible maintenant, compte tenu du flat de celles qui arrivent à nos frontières. Est-ce qu'il n'y a pas un certain équilibre à maintenir?

Le Président (M. Hamel): Si vous voulez répondre très brièvement. La période de temps est déjà écoulée.

M. Johnston: Je vais vous demander un peu d'indulgence, M. le Président, car j'ai beaucoup de questions auxquelles répondre d'un coup.

Je voudrais d'abord mentionner que, lorsque nous disons qu'on doit changer les structures scolaires confessionnelles pour des structures scolaires linguistiques, du même coup, nous faisons - nous l'avons fait tout au cours du débat sur la loi 40 et sur la loi 3 -la promotion de l'approche d'une école pluraliste. Cela ne voulait pas dire que la religion disparaissait de la société. Cela ne voulait même pas dire que la religion sortait de l'école, mais cela pouvait vouloir dire que l'ensemble des clientèles scolaires d'une école, sans forme de distinction selon les croyances religieuses, avait droit à des services égaux, équivalents, non discriminatoires et que le climat tenait compte du caractère pluraliste de l'école. Donc, là-dessus, Mme la ministre, si vous voulez prendre bonne note de cela, on ne milite pas en faveur de la disparition de la religion. On milite en faveur d'une école pluraliste, ouverte et non discriminatoire.

Quant à la question du droit à l'éducation et à l'éducation interculturelle, je vous disais qu'on a - d'ailleurs, on le dit dans notre mémoire - pris un certain nombre

d'initiatives à la centrale, sur notre propre base. On a réussi aussi, il y a maintenant un peu plus d'un an, une opération - il y a maintenant un an ou presque - conjointement avec le ministère de l'Éducation sur la question de la paix. On a, par ailleurs, la volonté de voir se développer un programme d'éducation interculturelle, qui pourrait bien sûr avoir ses principales retombées dans la région de Montréal, mais qui devrait avoir aussi ses retombées dans les autres régions du Québec, pour être en mesure de préparer ces régions à une certaine disponibilité d'accueil.

Je reviens à votre dernier point, toute la question des réfugiés. C'est une question fort complexe qu'il faut prendre dans sa globalité. À notre point de vue, la stratégie du gouvernement du Canada actuellement est de dire: D'autres pays ferment leurs frontières, si je ne veux pas subir les effets de la fermeture des frontières de ces autres pays, si je ne veux pas avoir le flux supplémentaire ici, il faut que j'en fasse autant au Canada. D'abord, on n'est pas dans la même situation géographique, je veux le souligner.

Deuxièmement, le Canada a aussi un rôle à jouer sur le plan international. Le Canada pourrait prendre l'initiative de demander la tenue d'une nouvelle conférence sur la situation des réfugiés dans le monde pour s'assurer qu'on débatte au moins une répartition du fardeau, plutôt que de refouler tout ce monde dans des situations qui ne sont absolument pas vivables.

Troisième élément, dans la mesure où on n'établit pas de quota particulier pour les réfugiés, à l'intérieur de ce qu'on pourrait appeler un niveau admissible d'immigration au Québec, il y a des efforts complémentaires qui peuvent être faits, qui peuvent être maintenus pour aller nous-mêmes recruter, sélectionner des réfugiés qui sont dans des situations pénibles, comme celles que vous-même avez vues, au Chili, lorsque vous y êtes allée avec d'autres personnes du Québec, ainsi qu'ailleurs dans le monde. L'équilibre de tout cela, c'est une question de dosage. Il n'y a rien d'absolu. C'est vrai qu'il y a un dosage qui doit être respecté, mais, en même temps, il doit y avoir un effort monumental, de la part des autorités gouvernementales, pour faire en sorte que les répercussions des conflits dans le monde, de toutes natures, et les répartitions d'une richesse inégale entre le Nord et le Sud ne soient pas réutilisées contre les pays limitrophes des zones où il y a des conflits, pour leur faire porter encore un plus grand fardeau de la misère dans le monde à cause des situations pénibles qui sont vécues dans ces régions. C'est, à notre point de vue, la conséquence inévitable de ce qui est en train de se produire avec le blocage des frontières un peu partout et les mesures restrictives de l'immigration et de l'accueil des réfugiés dans le monde et au Canada en particulier.

Le Président (M. Hamel): Cela va? Merci. Mme la ministre, si vous voulez...

Mme Robic: Oui.

Le Président (M. Hamel): ...quelques secondes pour vos remarques de la fin.

Mme Robic: M. le Président, j'aimerais remercier la Centrale de l'enseignement du Québec, encore une fois, pour sa présentation; cela a été fort intéressant. J'ai aimé votre dernière remarque. C'est ce genre de remarques que j'ai faites à plusieurs reprises à mon homologue fédéral et à certains dirigeants d'autres pays. Je pense que ce serait à peu près le temps que les pays industrialisés se rencontrent à nouveau, quand on pense qu'il y a 17 000 000 de réfugiés dans le monde. Vous avez raison, tranquillement, les partes se referment et chacun se lave les mains de la situation. Il faut absolument que la situation soit vue d'une façon globale et qu'on commence à s'en occuper pour trouver des solutions ensemble à ce problème de réfugiés; ce n'est pas l'affaire d'un seul pays, c'est l'affaire de tous les pays.

Le Président (M. Hamel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques, s'il vous plaît, si vous voulez conclure brièvement aussi.

M. Boulerice: Que dire que de répéter. Je pense que la CEQ s'est retrouvée dans cette salle à plusieurs reprises, toujours avec une qualité de mémoire et surtout de la mémoire, c'est cela qui est important. Je vous remercie.

Le Président CM. Hamel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Merci, MM. Johnston et Laberge, pour votre participation aux délibérations de cette commission. Nous suspendons pour deux minutes à peine et nous recevons immédiatement l'autre groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 24)

(Reprise à 16 h 27)

Comité d'accueil aux Néo-Canadiens de Trois-Rivières

Le Président (M. Trudel): II me fait plaisir d'accueillir le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens de Trois-Rivières représenté par Mme Denise Grenier-Doyle, exprésidente, et M. Jean-Luc Gouveïa, président. Alors, bienvenue à nos délibérations. Le temps étant mal-

heureusement limité, nous devons terminer nos délibérations à 18 heures précises. Nous avons convenu avec l'Opposition de partager le temps équitablenrrent, ce qui fait que vous aurez environ 45 minutes, de même que le groupe suivant, ce qui fait 15 minutes pour chaque partie intéressée.

Alors, M. le député de Saint-Jacques aurait un bref message à vous faire.

M. Boulerice: M. le Président, si vous me le permettez, mon affectation au dossier des communautés culturelles ne date que d'une journée. Je suis tenu à des engagements que j'avais acceptés il y a de nombreuses semaines, donc, je vais devoir quitter. Je vous prie de m'excuser, vous, gens de Trois-Rivières et représentants de la communauté hellénique. Je suis vraiment désolé de devoir quitter. Par contre, reste la vice-présidente de la commission, ma collègue, la députée de Maisonneuve, qui a été également ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Alors, je pense que l'Opposition aura toujours une oreille très attentive è vos propos en la personne de Mme Harel.

Je vous prie de m'excuser, mais, de toute façon, on aura sans aucun doute l'occasion de se revoir très bientôt et peut-être dans un cadre moins formel que celui d'une commission parlementaire, ce qui est toujours plus agréable aussi. Merci!

M. Gouveïa (Jean-Luc): Alors, M. le Président de la commission, Mme la ministre, Mmes les députées et MM. les députés, nous sommes très heureux, pour un organisme de notre dimension, d'avoir été invités à prendre part aux délibérations de cette commission.

Nous louons l'initiative, à la demande de cette commission, de nous laisser croire qu'un organisme aussi modeste que le nôtre, régional par surcroît, puisse de quelque manière influencer les décideurs et décideuses du ministère. Cela gratifie les efforts que des hommes et des femmes de la région déploient bénévolement afin que Québécois et Québécoises, de nouvelle souche et d'ancienne souche, se sentent solidaires dans la construction de la spécificité québécoise, que l'on voudrait une et multiple dans ses institutions, dans ses modes de vie, dans son génie et dans son expérience historique.

M. le Président, étant donné que je possède un accent et que nous voulons avoir le maximum de chances que nos propos soient bien saisis, les interventions seront alternées.

Nous espérons que nous ne rompons pas, en cela, les habitudes de cette commission. Alors, Denise...

Mme Grenier-Doyle (Denise): Je vais utiliser mon bon accent de l'Abitibi et je suis sûre que vous allez le comprendre aussi bien que le sien.

D'abord, je voudrais vous présenter un peu notre organisme parce que, comme on l'a dit dans l'élan d'humilité dont on est bien obligé de faire preuve, il est fort possible que vous ne connaissiez pas le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens de Trois-Rivières et on en serait nullement insulté.

C'est un organisme à but non lucratif qui oeuvre dans la région de la Mauricie depuis quand même 1968. Son conseil d'administration compte huit membres, dont quatre citoyens canadiens de naissance et quatre Néo-Canadiens ou résidents permanents, ce qui vous donne tout de suite le caractère multiculturel de notre organisme. Nous avons un secrétariat permanent qui est établi à Trois-Rivières et nous disposons même, malgré le peu de fonds dont on peut profiter, d'une secrétaire permanente.

Pour vous dire un peu ce qu'on fait, pour l'année 1987, le comité a recruté 150 membres dans la ville de Trois-Rivières et a rendu quelque 5000 services à environ 200 clients. Les bénévoles offrent surtout leur aide pour les problèmes d'éducation et d'adaptation de ces nouveaux arrivants. D'avril 1986 à mars 1987, nous avons reçu 86 nouveaux clients. Alors, pour ceux qui pensent que personne n'arrive à Trois-Rivières, il y a quand même une activité assez grande.

Le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens travaille en étroite collaboration avec la commission scolaire régionale des 'Vieilles-Forges pour l'organisation des cours de français, langue seconde. En 1987, trois classes ont été mises sur pied, dont une à temps plein.

Nous servons finalement d'intermédiaire entre les différents regroupements ethniques, entre autres l'association des Laotiens, des Cambodgiens, des Vietnamiens, des Haïtiens, et le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec.

Nous agissons comme organisme-ressource auprès de tous les intervenants sociaux intéressés au phénomène de l'immigration, la presse écrite et parlée, les ministères fédéraux et provinciaux, groupes sociaux et religieux. Je pense qu'on peut affirmer ici que nous avons acquis une certaine crédibilité auprès de ces différents intervenants par la pertinence de nos interventions dans ces sujets.

Nos objectifs fondamentaux sont d'aider à l'intégration des nouveaux arrivants et des nouvelles arrivantes par des services adaptés à leurs besoins. Le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens s'avère le lieu d'accueil et de référence par excellence pour eux et pour elles.

Le comité cherche à promouvoir dans

la région de la Mauricie l'apport du génie, de l'expertise et de l'expérience des communautés culturelles dans le développement de leur milieu d'appartenance. Le comité multiplie à cet effet des occasions d'échange.

Alors, toute cette implication auprès de nos clients, auprès de nos membres et de la population de la région prouve sans doute possible notre grand intérêt à toutes les questions concernant l'immigration et c'est ce qui nous motive à vous présenter aujourd'hui ce mémoire.

M. Gouveïa: Alors, pour revenir plus spécifiquement à l'objet de la consultation, le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens de Trais-Rivières accueille favorablement et encourage les principes qui sont contenus dans les documents 1, 2 et 3 intitulés "Consultation sur les niveaux d'immigration, 1987". Nous sommes particulièrement d'accord avec cinq objectifs, à savoir les objectifs sociaux, humanitaires et économiques de la politique d'immigration qui sont poursuivis par le ministère. Nous sommes très favorables à la décision de favoriser une reprise graduelle de l'immigration au cours des prochaines années et de prévoir des conditions d'immigration plus ouvertes. Nous sommes aussi favorables à la proposition qui voudrait que le Québec admette beaucoup plus d'immigrants indépendants et favorise ainsi l'immigration à caractère économique. Nous sommes très favorables à la proposition du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration qui recommande, pour 1987, un niveau de 20 000 immigrants et une hausse de 20 % au cours des deux années subséquentes et de sensibiliser davantage la société québécoise à l'apport de l'immigration et des communautés culturelles au développement du Québec, de recourir aussi à l'immigration comme investissement dans l'avenir du Québec. Enfin, nous sommes en accord avec l'intention d'accroître de 17 % à 25 % de l'immigration canadienne la part de l'immigration internationale au Québec.

Nous abondons largement dans le sens exprimé dans le communiqué de presse qui disait que l'immigration ne peut constituer une panacée à la situation démographique du Québec; toutefois elle peut être considérée comme moyen important pour transformer la perspective de dépopulation en perspective de stabilisation économique.

Il est entendu que nous sommes pleinement d'accord pour considérer l'immigration comme un capital qui n'est pas seulement un capital économique, mais aussi un capital culturel. Dans ce sens-là, nous voyons d'un bon oeil que le nombre d'immigrés soit accru avec le temps non seulement pour pallier les déficiences démographiques, mais parce qu'il est tout à fait normal qu'une société tende, dans les années futures, à s'enrichir des expertises et des expériences qui sont, par ailleurs, déjà accumulées ailleurs et qui seront nécessaires au développement de cette société.

Cependant, nous aimerions attirer votre attention sur la sous-représentation de l'immigration en provenance de l'Afrique. Selon vos documents, de 1976 à 1985, cette immigration, celle originaire de l'Afrique, est de 8 % seulement comparativement à 35 % en provenance de l'Asie, à 27 % venant de l'Europe et à 29 % venant de l'Amérique. Nous sommes bien obligés d'admettre que l'Afrique possède une population très importante de parlants français. De plus, ces Africains, immigrants potentiels, possèdent une expérience historique qui leur permet de s'approprier avantageusement de la culture occidentale à laquelle participe, par ailleurs, le Québec. Non seulement l'assimilation qu'ils ont faite de cette culture, mais aussi la maîtrise des savoirs que sont les nôtres les préparent, de ce fait, à s'adapter plus favorablement au contexte culturel québécois. En bref, ce qu'on veut dire, c'est que les ressortissants éventuels de l'Afrique ont plusieurs avantages. Ils maîtrisent la langue, particulièrement ceux d'Afrique francophone mais, étant donné qu'ils ont tous été colonisés par un certain nombre de pays que nous connaissons et qu'ils ont été éduqués gratuitement par ces pays, le Québec pourra hériter d'un capital sur lequel il n'y aura pratiquement pas d'investissement à faire.

Enfin, le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens soumet à votre attention les considérations qui suivent dans l'établissement des niveaux d'immigration pour les années 1988-1989.

Mme Grenier-Doyle: Dans ces considérations préalables, nous voulons d'abord attirer votre attention sur la nécessité de "démétropoliser" l'immigration. Nous étions ravis, tantôt, d'entendre que le thème avait déjà été exploité et nous voulons vraiment traiter à fond cette question.

La majorité de l'immigration, particulièrement internationale, se fixe dans la région de Montréal. Selon vos documents, 85 % de cette immigration s'installe dans cette ville. Pour nous, c'est décidément un anachronisme. Tout en reconnaissant que, depuis quelque temps, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration a déjà effectué une certaine déconcentration vers d'autres régions de la province, particulièrement par l'établissement de COFI (Centre d'orientation et de formation des immigrants) à Hull, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières... Il fut un temps où Trois-Rivières a bénéficié de cette infrastructure, mais nous l'avons perdue. Nous pensons qu'il faut intensifier cette politique. Je voudrais

préciser ici que, depuis la fermeture du COFI en 1981, nous avons vu les conséquences très directes de cette fermeture par une baisse importante de la clientèle immigrante venant s'établir dans notre région. Avec notre recommandation finale, vous y verrez définitivement un lien. La majorité de ces régions - c'est aussi, bien sûr, le cas de la Mauricie - est composée essentiellement de francophones. Quand on dit "essentiellement", on en est à 99 % environ. Elles offrent de ce fait, selon nous, de meilleures conditions d'intégration au milieu francophone du Québec.

L'immigration internationale, comme nous le savons, est un bénéfice collectif, lorsqu'elle joue le rôle moteur dans l'activité économique en plus de contribuer à combler le déficit démographique et à enrichir la qualité de l'expérience historique d'une société québécoise qui ne cesse de se faire.

C'est pourquoi la région de la Mauricie revendique sa part de cet apport économique et culturel, en termes d'expertise et d'expérience que représente l'immigrant ou l'immigrante. Même si la région en est une culturellement assez homogène, elle a besoin et doit, tout autant que la région de Montréal, de se nourrir au contact de cultures et de génies venus d'ailleurs.

Un recensement sommaire nous révèle que la région de la Mauricie compte des citoyens et citoyennes originaires d'une cinquantaine de pays, provenant des cinq continents. Ils sont éparpillés un peu partout sur le territoire.

Si la "démétropolisation" permettait aux régions de recevoir la part de l'immigration à laquelle elles ont droit, ce processus favoriserait la "déghettoisation" de la région de Montréal.

En effet, le comité d'accueil n'est pas en faveur de restreindre la vitalité et la visibilité des groupes culturels; il s'agit, pour une harmonie sociale et un meilleur équilibre culturel qui respecte la culture fondamentale, de respecter un certain seuil de concentration, ce dernier évoluant avec l'augmentation des proportions que représentent les groupes culturels représentés dans une région.

Le comité d'accueil, grâce à son expérience accumulée, favorise aussi l'idée -et elle est très importante - d'amortir le choc social et culturel de nouveaux arrivants en les orientant vers des régions dont les dimensions sont comparables aux régions de leur provenance. En effet, la majorité des immigrés provient ni de grands centres ni d'une capitale. Ils sont habitués d'évoluer dans un contexte démographique et infrastructurel à dimension humaine. Le suivi effectué par le comité révèle que des personnes qui ont d'abord eu leur résidence permanente dans la région de la Mauricie et qui ont par la suite émigré vers Montréal s'y sont adaptées plus facilement, parce que leur premier séjour s'est déroulé dans un milieu plus semblable à celui de leur provenance. Leur intégration à la société québécoise a été facilitée par les contacts humains plus faciles à établir dans des villes de la dimension de celles de notre région que dans de grands centres urbains comme Montréal et Québec. Même leur apprentissage de la langue française en a été facilité.

Je voudrais quand même rappeler qu'il n'est pas question pour nous de les obliger à rester en Mauricie, ce n'est absolument pas notre objectif. On comprend très bien l'attrait des grandes villes comme Montréal et Québec. Mais on se dit que l'on pourrait quand même peut-être mieux les préparer à y vivre, si le début de leur séjour se faisait dans notre région.

M. Gouveïa: De toute façon, à l'allure où va le développement de la Mauricie, bientôt elle sera la troisième zone d'attrait, évidemment.

La deuxième considération que nous voulons vous soumettre, c'est celle qui porte sur le renforcement démographique des groupes ethnoculturels de la région. Comme on l'a dit tout à l'heure, nous avons énormément de groupes ethnoculturels représentés, mais ils sont en nombre très réduit. Alors, il ne fait plus de doute que, lorsque la société québécoise s'active pour l'insertion dans sa spécificité culturelle de ses immigrés, il ne s'agit pas d'une assimilation. Au contraire, la société reconnaît d'emblée que les différences culturelles que portent ces immigrés nourissent et sont partie intégrante de la culture québécoise. Désormais, il ne fait plus de doute que ces cultures d'origine doivent être entretenues et nourries par l'apport, en nombre, de porteurs de ces cultures. Or, dans la région de la Mauricie, le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens fait le constat que, si le nombre de cultures d'origine est très varié, le nombre de personnes représentant chacune de ces cultures, à quelques exceptions près - les Suisses, les Allemands et les Belges - est nettement insuffisant. Il est tellement insuffisant qu'il leur est impossible de se doter d'infrastructures minimales à la survivance de leur spécificité, par exemple, les cours de langue d'origine, le cours d'apprentissage d'habitudes, de coutumes. C'est pourquoi il est nécessaire, dans l'action orientante du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration... Une des actions du ministère pourrait être d'accroître le nombre de points pouvant être attribués à des individus qui aimeraient s'installer en région, lorsqu'ils se présentent au comité de sélection pour l'immigration.

Donc, il est nécessaire, dans l'action du ministère, de renforcer la représentativité des groupes ethnoculturels existants dans le

but justement de revivifier et d'accroître le poids de leur présence sans, évidemment, provoquer là ghettoisation.

Alors, l'importance de plusieurs communautés étant très réduite, il se constitue inévitablement le phénomène d'attraction vers Montréal, surtout que la position géographique de la Mauricie place celle-ci à quelques minutes de la métropole. Certains éléments culturels ne sauraient être présents avec un nombre aussi réduit de personnes provenant de chaque ethnie. Donnons, comme exemple, les ingrédients nécessaires à l'alimentation, les livres, la présence de musique des pays d'origine, l'organisation de manifestations culturelles d'envergure, les matières premières pour le vêtement, les lieux de culte, les organismes d'apprentissage des langues et cultures d'origine.

Si le Québec doit admettre pour 1987 environ 20 000 immigrés arrivant au Canada, cela représente un pourcentage qui se rapproche de la population québécoise par rapport à celle du Canada. La région de la Mauricie devrait recevoir, selon cette logique, elle aussi un pourcentage proportionnel à sa population par rapport à celle du Québec. Cela serait un minimum vital qu'on est loin d'atteindre présentement. Les contingences contextuelles invitent sans doute au dépassement de cette proportion. L'expansion industrielle que connaît la région, dont l'aluminerie de Bécancour, Norsk Hydro, le complexe portuaire, ces contingences pourraient faire qu'à un moment déterminé la proportion admise soit supérieure à celle qu'elle représente effectivement par rapport à l'ensemble de la population québécoise. Mais l'existence d'une infrastructure complète d'éducation, du préscolaire à l'université, permet l'accueil d'un pourcentage même plus élevé que ce que nous connaissons maintenant. L'université, par ses programmes spécifiques d'enseignement et de recherche, contribue grandement à l'accélération du développement de la région, en y injectant des expertises très particulières. (16 h 45)

Mme Grenier-Doyle: Sans vouloir faire une démonstration exhaustive des avantages géographiques, sociologiques et politiques que notre région peut offrir, permettez-nous quand même de vous rappeler que, du point de vue économique, l'expansion que connaît la région dans l'industrie de transformation va connaître un effet multiplicateur chez de petites et moyennes entreprises périphériques. La nature des matières à transformer va nécessairement attirer une main-d'oeuvre très spécialisée dont l'expérience n'est pas nécessairement toute disponible au Québec. Les récents investissements internationaux le prouvent, d'ailleurs. En ce sens, l'immigration pourra contribuer à la combler. Non seule- ment, l'immigration des savoir-faire, mais aussi l'immigration des capitaux qui les accompagnent, justifient l'orientation d'un plus grand nombre de nouveaux venus vers la Mauricie.

Du point de vue géographique, sa position proximale entre les régions de Québec et de Montréal place la Mauricie dans une situation où des services nécessaires au développement des groupes culturels sont disponibles très facilement, ce qui est peu, compte tenu des infrastructures de transport dont dispose la région. Cette proximité, tout en étant un avantage - parce qu'il n'est pas nécessaire pour le développement des groupes ethnoculturels de faire de grands investissements en infrastructures - constitue aussi un désavantage, il faut bien l'admettre, à cause de l'aspiration, par les deux grands centres, des immigrés nouvellement établis.

Du point de vue social, il est clair que la presque homogénéité de sa population et de sa culture est une garantie à une rapide intégration dans la culture francophone. Cela semble bien être l'objectif de tous les intervenants d'ici. Ce fait est consommé, au point où la disparition du COFI de la région n'a pas empêché celle-ci de promouvoir des actions d'intégration des nouveaux arrivés. C'est pourquoi le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens est convaincu, et nous espérons vous avoir aussi convaincus, qu'il possède à la fois la tradition, l'expérience et les structures d'accueil qui favorisent l'insertion des immigrés dans notre communauté régionale.

M. Gouveïa: Enfin, nous arrivons à la modeste recommandation qui est à la taille de notre organisme. Afin de "démétropoliser" l'immigration, afin de renforcer les groupes ethnoculturels de la région de la Mauricie, afin de pouvoir offrir aux nouveaux arrivants des conditions de vie idéales sur le plan de leur intégration en milieu francophone, dans un contexte géo-social et politico-économique en pleine expansion, nous recommandons au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec de voir à ce que la proportion d'immigrants et immigrantes orientés vers la Mauricie soit au moins égale au pourcentage que représente notre population par rapport à celle du Québec, soit de 5 % à 6 %. Lorsque nous faisons cette recommandation, nous comprenons très pertinemment qu'on ne peut pas exercer une coercition sur un immigrant ou une immigrante. Toute personne qui entre dans ce pays a le droit de s'installer là où elle veut. Mais nous pouvons avoir des politiques d'incitation qui font que les gens qui arrivent acceptent l'égalité de conditions de la Mauricie par rapport à d'autres régions que nous connaissons. Donc, un pourcentage de 5 % à 6 % correspondrait à la proportion de notre population. Nous demandons aussi que

soit reconnu, à notre région, un statut de zone d'accueil privilégiée pour les nouveaux arrivants et arrivantes au Québec. Concernant ce concept de statut de zone d'accueil, Mme Grenier va vous l'expliciter un peu mieux que je ne puis le faire.

Mme Grenier-Doyle: Seulement un mot de conclusion. J'espère, Mme la ministre, que vous n'êtes pas trop déçue de ne pas voir un modèle de société comme vous l'avez mentionné tantôt. Mais nous pensons qu'il est d'abord essentiel qu'une volonté politique s'exprime de votre part, de la part de nos gouvernants, pour favoriser l'établissement en région des nouveaux immigrants. Il faut donc, reconnaître notre région comme zone d'accueil, c'est-à-dire une région à qui on fournira l'infrastructure nécessaire à une meilleure adaptation des nouveaux arrivants, meilleure que la structure qu'on connaît maintenant et celle du COFI. Je ne vous dis pas que cela ne pourrait pas être vu autrement ou analysé autrement. Selon nous, il est important et même essentiel que les régions qui seraient ainsi identifiées comme des régions d'accueil aient prouvé leur désir, leur disponibilité et leur capacité d'accueil. En fait, c'est la petite mission qu'on se donnait dans ce mémoire.

Le Président (M. Hamel): Cela va. Merci, Mme Grenier et M. Gouveïa. M. Gouveïa, vous n'avez plus à vous excuser pour votre accent, votre français est excellent. Je reconnais maintenant Mme la ministre,,

Mme Robic: Merci, M. le Président. Mme Grenier-Doyle, M. Gouveïa, merci d'être chez nous, d'être ici et d'avoir accepté notre invitation. Pour le gouvernement actuel, vous êtes tout aussi importants que tous les autres groupes qui se sont présentés ici et peut-être même plus, puisque vous êtes le seul groupe en provenance d'une région. Nous en avons invité d'autres, mais vous êtes les seuls qui avez accepté. Alors, nous sommes fort heureux de vous recevoir. Vous avez très bien vanté votre région. Le député de Trois-Rivières, M. Philibert, doit être très heureux, vous avez fait la promotion de sa région, ce qu'il fait d'ailleurs très bien lui-même.

C'est intéressant et, comme je le disais, tous les intervenants qui ont passé à cette table nous ont parlé de l'importance de "démétropoliser" l'immigration. Bien sûr, nous sommes d'accord qu'il serait important de réussir ce genre d'action. Vous parlez d'incitation vis-à-vis des immigrants. Je pense qu'il n'y a pas de difficulté là à suggérer à un immigrant qui arrive, d'aller à Trois-Rivières. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle certains COFI avaient été établis en région, pour inciter les gens à s'installer là, et ils y allaient de très bonne volonté, d'ailleurs. Je ne pense pas que donner des points sur une grille va faire une grosse différence. Si on pouvait leur suggérer une région, les envoyer en région, je pense qu'ils iraient, si la région était prête à les recevoir.

C'est là ma question. Ce que vous faites, les services que vous rendez, c'est merveilleux, mais comment votre région verrait-elle la venue d'un nombre assez important d'immigrants? Est-ce que l'attitude des gens serait positive? Les premiers font le terrain, c'est sûr. Donc, est-ce que l'attitude serait positive? Est-ce que les élus municipaux seraient prêts à accueillir des gens d'autres pays? Est-ce que les organismes, les chambres de commerce, les industries verraient cela d'un bon oeil? Est-ce que la population verrait cela d'un bon oeil et est-ce qu'elle serait prête à les accueillir et à les aider à s'intégrer?

Tout à l'heure, je parlais de modèle. En tout cas, je serais bien intéressée à voir si c'est faisable. Quand le gouvernement précédent a fermé le COFI de Trois-Rivières, il devait y avoir une raison. Est-ce que c'est la fermeture qui a empêché les gens d'y aller ou si la fermeture a suivi le fait qu'ils ne venaient plus? On me dit: On a envoyé les gens en région et ils sont revenus. Est-ce qu'ils sont revenus à 50 %, à 90 %? On sait qu'il y aura toujours un certain nombre d'immigrants qui changeront de coin, de pays pour aller y demeurer, mais est-ce que vous pouvez en retenir assez pour que cela devienne intéressant? Est-ce que ces gens vont pouvoir se trouver des emplois? Est-ce qu'ils vont être bien reçus par la société d'accueil?

M. Gouveïa: C'est une question que vous nous posez, si je comprends bien.

Mme Robic: Enfin... M. Gouveïa: D'accord.

Mme Robic: Vous, vous êtes là. Comment le voyez-vous, le percevez-vous?

M. Gouveïa: Je ne crois pas me tromper si j'avance que l'action du comité d'accueil depuis quelques années consiste effectivement à vendre auprès de la population, permettez-moi l'expression, la population ancienne, l'idée selon laquelle tout immigrant ou immigrante qui entre dans la région doit d'abord être perçu comme un porteur de quelque chose qui vient contribuer au développement de la région. Effectivement, depuis quelques années, le comité a fait des démonstrations en ce sens, que les personnes venant d'autres pays, qui sont d'origines culturelles différentes et qui sont établies dans la région, ont contribué

effectivement au développement de cette région. Je crois qu'il ne fait pas de doute... Enfin, il reste encore des doutes, bien sûr, je crois qu'il en restera toujours. Mais, dans l'ensemble, il ne fait pas de doute que l'apport de l'immigration en est un important pour la région. Tous les organismes de la région semblent être d'accord, si l'on en juge par l'appui que ceux-ci peuvent nous accorder à des moments précis où nous nous activons à des actions de rapprochement entre communauté ancienne et communauté nouvellement établie.

Évidemment, il y a toujours le problème épineux du travail. C'est évident qu'un immigré ou une immigrante qui arrive dans la région et qui n'a pas de travail est attiré vers des zones où il y a du travail. Il n'en demeure pas moins que la région se développe quand même depuis quelque temps et que des activités économiques qui n'existaient pas existent maintenant. Je ne me tromperais pas si je disais que ce serait une des raisons parmi tant d'autres qui ferait que les gens qui arrivent finissent par se déplacer ailleurs. Les raisons que nous avons identifiées sont effectivement des raisons d'infrastructures, d'accueil» de leur différence, quand nous parlions, par exemple, des lieux du culte, des vêtements, des livres, de la musique, des habitudes de vie.

Si les gens veulent être retenus, il faut qu'ils se retrouvent au moins dans leur différence, les premiers temps qu'ils sont dans la région. S'ils se sentent complètement perdus, c'est évident qu'ils vont aller ailleurs. Simplement pour terminer: lorsque nous insistons sur la présence des objets de manifestations culturelles différentes, ce n'est pas dans le but de faire en sorte que le nouveau Trifluvien d'origine portugaise qui se retrouve dans la Mauricie se sentent à tout jamais Portugais. Ce n'est pas cela qu'on veut dire, c'est que, dans la mesure où on se sent d'abord Portugais ou qu'on s'accepte comme Portugais, on est aussi plus ouvert, plus en confiance pour s'insérer dans une culture nouvelle. Quant à la proportion d'immigration, peut-être que Denise pourrait dire un mot là-dessus.

Mme Grenier-Doyle: En ce qui concerne l'accueil des gens, je trouve qu'en effet votre question est tout à fait pertinente, c'est-à-dire: Qui sommes-nous, nous, du Comité d'accueil aux Néo-Canadiens pour dire qu'on revendique notre part d'immigrants parce qu'on y voit un enrichissement? Qui sommes-nous pour dire cela si, une fois qu'ils arrivent dans notre milieu, ils sont bafoués, ils sont mal reconnus, ils sont misérables?

Je pense que c'est un peu parce que, depuis que nous travaillons au comité d'accueil, nous avons réalisé l'importance de notre rôle dans la sensibilisation auprès des gens sur l'apport positif des immigrants que nous sommes en mesure de prétendre que cette action-là pourrait s'améliorer.

On en a eu d'ailleurs des preuves très concrètes au moment où il fallait j'entendais tantôt un monsieur de la CEQ y faire référence - faire appel à la générosité des gens pour former des comités de parrainage. La région de la Mauricie a été une des plus généreuses. C'est une région où on a tout de suite compris qu'on avait un rôle social à jouer et les chiffres pourraient le prouver. C'est une des régions qui a accueilli le plus de réfugiés sur une base volontaire et sur une base communautaire.

Si vous me demandez qu'en est-il de ces réfugiés qu'on a accueillis, maintenant, je suis obligée d'admettre qu'il y en a plusieurs qui sont partis et c'est un peu le problème. On ne sait pas trop qu'est-ce qui amène quoi. Est-ce que c'est parce que on a fermé le COFI et qu'il y avait moins de nouveaux arrivants de ces communautés-là que ceux qui étaient là se sont sentis un peu abandonnés et tout seuls et qu'ils sont partis? C'est ce qu'on ne sait pas.

Finalement, si on parle, par exemple, de la clientèle du Sud-Est asiatique, quelle motivation pouvait-il y avoir à rester dans le milieu au moment où on a dit: On n'accueille plus les réfugiés à Trois-Rivières, on n'est plus une zone d'accueil. Alors, bien sûr, on en a perdu plusieurs. Est-ce que, si on avait eu une meilleure structure d'accueil, on les aurait conservés? C'est bien cela notre prétention, mais je ne peux pas vous la démontrer puisque nous n'avons pas eu le bonheur de connaître cette situation-là.

En tout cas, il n'y a pas eu de preuve encore dans la région de Trois-Rivières. Peut-être monsieur notre député est-il à l'écoute de gens qui ont des opinions différentes des nôtres et qu'il pourrait intervenir. On n'a qu'à remarquer, par la bonne réception aux échanges qu'on suscite, comment les gens sont curieux de la région de la Mauricie. Ce n'était peut-être pas la plus ouverte aux autres cultures pendant un certain temps. Maintenant, quand on crée des activités pour leur dire: Venez donc voir ce qu'est la musique africaine, venez donc voir ce qu'est un party haïtien, ils y viennent avec grand intérêt et n'en sortent jamais déçus.

Alors, je me dis, c'est par la multiplication de ces actions-là, peut-être, qu'on peut devenir une zone d'accueil vraiment chaleureuse mais, pour ce, cela prend des moyens.

Le Président (M. Hamel): Merci, madame. Je reconnais maintenant le député de Trois-Rivières.

M. Philibert: Merci, M. le Président. Mes premiers mots seront pour remercier le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens de

Trois-Rivières d'avoir accepté de déposer ce mémoire, pour remercier les intervenants, Mme Grenier-Doyle, M. Gouveïa et pour rassurer, quant à sa première intervention à une commission parlementaire, cet organisme régional qui, pour la première fois, fait son baptême et vient parler avec beaucoup d'habileté, d'ailleurs, de ce qu'il vit et de ce qu'il souhaiterait en termes d'immigration pour la région. (17 heures)

Je peux vous dire que votre mémoire est une sorte de fraîcheur qui nous est arrivée ou qui a agrémenté nos lectures, de même que ceux des autres intervenants, bien sûr, mais votre mémoire donne une dimension nouvelle à la vision de l'immigration. Plusieurs intervenants, d'ailleurs, ont signalé, dans leur mémoire, tout le phénomène de la ghettoïsation, de la "démétropolisation" de l'immigration et, en cela, je pense que vous exprimez un courant d'idées qui est partagé non seulement par votre organisme, non seulement par votre député, mais également par plusieurs intervenants dans le monde complexe de l'immigration.

J'ai noté quelques passages de votre mémoire et, en particulier, vous parlez du fait que les immigrants qui viennent d'Afrique devraient être beaucoup plus nombreux. Ce matin, un intervenant nous disait: Si on n'est pas capable d'accueillir les immigrants et de les intégrer pleinement à la communauté, on ne doit pas leur permettre de venir. Il nous donnait des statistiques, à la fois surprenantes et éloquantes, selon lesquelles 70 % des jeunes Noirs, dans la région de Montréal, si ma mémoire est bonne, étaient en chômage et n'avaient pas de possibilités d'ouverture. En tenant pour acquis que c'est la réalité, si le pourcentage que vous réclamez dans la Mauricie devait se réaliser, est-ce que vous pouvez nous donner l'assurance ou, enfin, est-ce que vous pouvez espérer être en mesure de faire en sorte que cette statistique-là ne se retrouve pas dans notre région?

Mme Grenier-Doyle: En tout cas, je suis certaine qu'on aurait d'abord besoin de votre collaboration pour pouvoir donner une pareille garantie, parce que c'est sûr que, comme organisme de services, on ne peut qu'inciter et encourager, mais on ne peut certainement pas fournir des emplois.

M. Gouveïa: Oui, j'aimerais simplement dire à cette commission qu'en réalité, lorsque nous parlons de l'immigration africaine, celle-ci n'est pas constituée uniquement et exclusivement de Noirs. Deuxièmement, nous aimerions aussi mentionner que la quantité de gens formés en Afrique pour des professions et des activités de travail que l'on peut trouver facilement ici est quand même assez élevée. Maintenant, lorsqu'on évoque le taux de pourcentage du chômage des Noirs, dans la communauté noire de Montréal, il faudrait peut-être se poser la question autrement. Ils sont chômeurs, pourquoi? Sont-ils chômeurs parce qu'ils sont noirs ou parce qu'ils n'ont pas la préparation nécessaire pour pouvoir occuper des activités sur le marché du travail? Toute la question est là.

Si vous me demandez mon opinion - ce ne sera qu'une opinion - je soupçonnerais les deux à la fois. Alors, si on connaît les causes, qu'on agisse sur les causes. Si on sait que les immigrants africains se retrouveront en chômage ici parce qu'ils sont noirs, il faut agir contre nos attitudes discriminatoires vis-à-vis des races. Si on soupçonne que c'est en matière de formation, là, je n'ai vraiment pas peur, dans le sens que les critères de sélection de l'immigration au Canada sont d'une sévérité telle que j'ai l'impression que, si le Canada avait le choix entre un médecin camerounais et un illettré d'Afrique du Sud, il prendrait le médecin camerounais. Le raisonnement est simple: c'est quelqu'un qui lui arrive préparé et pour lequel il n'aura aucun investissement à faire. Un médecin camerounais, même à peau noire, est aussi bon qu'un médecin polonais à peau blanche.

Le Président (M. Hamel): La période de temps de la partie ministérielle est écoulée, mais, avec l'assentiment de Mme la députée de Maisonneuve, j'autoriserai une autre question à M. le député de Trois-Rivières.

M. Philibert: Alors, merci, Mme la députée de Maisonneuve, de me permettre de continuer à dialoguer avec mes électeurs.

Voilà mon autre question: Vous dites, dans votre mémoire, que, lorsque le COFI a fermé, cela a posé certains problèmes et vous avez remarqué une diminution de l'immigration dans notre région. Mais, un peu plus loin, vous dites quand même que les ententes que vous avez pu faire avec la Commission scolaire régionale des Vieilles-Forges ont fait en sorte que vous avez pu donner des services assez complets et que cela peut être un palliatif en remplacement du COFI ou, enfin, j'ai compris cela; est-ce que c'est exact?

Deuxièmement, si le quota d'immigration était augmenté pour la Mauricie, est-ce que vous croyez qu'il y a des possibilités de négocier avec la commission scolaire ou, enfin, de prendre des arrangements avec la Commission scolaire régionale des Vieilles-Forges pour que ces services s'intensifient et, même, s'élargissent?

Mme Grenier-Doyle: À votre première question sur la fermeture du COFI, je

réponds que nous avons voulu insister dans ce document pour dire, quand même, que le comité d'accueil a pris la relève d'une certaine façon. Quand le COFI a fermé, le comité d'accueil s'est retrouvé avec une nouvelle vocation. Nous avons aussi demandé et obtenu, heureusement, la collaboration de la Commission scolaire régionale des Vieilles-Forges. Cela veut dire que ces deux institutions finalement essaient, du mieux qu'elles le peuvent, de remplir le rôle que jouait le COFI. Sauf que la fermeture du COFI, en tout cas à moins que les règlements n'aient changé, avait un impact important sur la désignation de la région de la Mauricie comme zone d'accueil. C'est-à-dire que, quand des gens arrivaient ici, par exemple, ceux qui sont parrainés par le gouvernement fédéral à titre indépendant, ils ne pouvaient pas venir en Mauricie parce qu'elle n'était pas reconnue comme une zone d'accueil. C'est dans ce sens-là qu'on a vu, entre autres, notre nombre de réfugiés ou d'immigrants diminuer du fait de ne pas avoir de statut officiel de zone d'accueil -donc, par la fermeture du COFI. En pensant qu'on pourrait augmenter le nombre d'immigrants, je suis convaincue qu'on peut négocier assez facilement des ententes avec la Commission scolaire régionale des Vieilles-Forges. Je vous dirai, quand même, qu'il a fallu que cette commission scolaire accepte que les migrants, c'est-à-dire ceux qui viennent des autres provinces du Canada, reçoivent la même formation que les immigrants pour qu'on puisse donner un cours. Alors, vous vous imaginez? On a des immigrants qui attendent six mois pour apprendre le français parce qu'ils ne sont pas assez nombreux. Il faut attendre que des Canadiens anglais veuillent aussi l'apprendre et se servir du même programme pour, finalement, établir quelque chose. C'est dans ce sens-là que la quantité, bien sûr, de la clientèle a un effet sur la qualité des services qu'on peut offrir.

Le Président (M. Hamel): Cela va?

M. Philibert: Je vous remercie et je suis convaincu que Mme Harel va sûrement vous parler aussi de l'aspect de la rétention des immigrés dans la région pour qu'ils puissent prendre racine plus définitivement. Cela a semblé l'intéresser ce matin.

Le Président (M. Hamel): Merci. Mme la députée de Maisonneuve, vous avez la parole.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Mme Grenier-Doyle, M. Gouveia; j'ai vu d'ailleurs, M. Gouveia, que vous n'avez pas perdu votre sens de l'humour, c'est votre marque de commerce depuis bien des années. Vraiment, cela m'a rendu optimiste de vous écouter cet après-midi.

Je pense qu'il faut vraiment, et vous l'avez dit Mme Grenier-Doyle, avoir une volonté politique pour renverser ces deux tendances qui sont indéniables et indubitables et qui sont l'anglicisation et la "montréalisation". Ce sont là, donc, deux tendances quasi naturelles. Il faut une énorme volonté politique pour renverser ces deux tendances, ces deux courants. C'est un peu la réflexion que la commission poursuit en se demandant quels sont les moyens les plus adéquats, les plus efficaces et, en même temps, les moins coûteux, tout en essayant d'envisager des modèles d'intervention.

Je souhaite que la ministre ne ferme pas la porte trop vite à la suggestion que vous avez faite de réviser la grille de sélection pour, éventuellement, attribuer des points lorsqu'il y a établissement en région d'accueil.

Je crois que, dans la mesure où le sondage réalisé par le ministère démontre bien l'état de l'opinion publique au Québec -ce n'est pas seulement l'état de l'opinion publique à Montréal, mais l'état de l'opinion publique dans tout le Québec - la ministre a elle-même invoqué, à quelques reprises, devant la commission, qu'il y avait là lieu de se réjouir puisque, majoritairement, les Québécois avaient un regard positif sur l'immigration. Cela vaut pour les Montréalais comme pour les gens des régions dans la mesure où, justement, le problème peut être éventuellement un face-à-face qui ne sera pas réjouissant du tout entre un Montréal multi-ethnique et de plus en plus bilingue et un Québec des régions, de plus en plus québécois de souche et français. À tous les égards, il y a des mesures de redressement à introduire. Ces mesures de redressement, je ne les vois pas comme étant discriminatoires. Par exemple, pensez aux politiques mises de l'avant par la collègue ministre de la Santé et des Services sociaux, à l'égard des médecins en région. Cela freine, d'une certaine façon, la mobilité des diplômés en médecine, c'est-à-dire que ceux d'entre eux qui veulent s'installer en région obtiennent une prime d'éloignement et que les autres ont une réduction du montant qu'ils peuvent percevoir.

Est-ce qu'il faut le faire? Je pense qu'il est souhaitable de le faire au moment où les gens décident de s'établir; après, la mobilité, c'est celle - je suis d'accord avec vous - que tout le monde doit avoir une fois qu'il est sur le sol. On en refuse combien? Cent mille demandes d'immigration par année ou aux alentours, alors, on les refuse en vertu de nos critères et ces critères sont, d'une part, la connaissance du français entre autres et, d'autre part, avoir une profession et un niveau d'éducation. Ce sont là des critères qui nous semblent importants, comme société. Qu'on en ajoute un autre qui consisterait à s'établir dans une région

d'accueil, je ne vois pas en quoi ce serait discriminatoire. Ce serait tout simplement un critère supplémentaire qui dirait aux gens, avant qu'ils viennent s'installer: Écoutez! vous voulez venir, il y a beaucoup de demandes, on en a plus qu'on n'en accepte -vous savez qu'on a peut-être dix demandes pour une personne qu'on reçoit - alors, si vous voulez venir, un des critères pour venir serait d'accepter de vous installer en région pendant un certain nombre d'années. C'est peut-être utile d'envisager cette suggestion que vous faites pour le mérite qu'elle pourrait avoir justement, malgré que cela ne soit pas nécessairement la panacée, mais cela pourrait redresser d'une certaine façon la situation.

Ma dernière question, je termine là-dessus. D'une part, vous avez dit - cela m'a beaucoup surprise - que selon votre expérience ceux qui viennent ou que vous avez connus - plus particulièrement ceux qui s'installent à Trois-Rivières ou que vous avez connus, avec tout le travail que vous faites auprès d'eux - sont des gens qui n'ont pas une culture urbaine. Ce ne sont pas des gens qui proviennent de grands centres ni des gens de grandes capitales. Est-ce une expertise qui est certaine? Parce que j'ai l'impression - serait-ce seulement une perception que j'ai - au contraire, que la plupart de ceux qui viennent ont une culture urbaine et' non pas nécessairement rurale. J'aimerais bien voir avec vous si votre échantillonnage est suffisant pour nous amener à conclure, comme commission, que l'accueil en région est plus adéquat à la culture des personnes qui demandent de s'établir chez nous. Je le souhaite, mais j'aimerais bien me le faire confirmer. D'autre part, vous avez dit: Même s'ils nous quittent - c'est ce qui est intéressant - on est prêt à les recevoir d'abord parce que, même s'ils nous quittent, le premier accueil sera facilité pour eux et pour nous, comme société, parce qu'ils ont plus de chances de se franciser de façon irréversible. C'est la conclusion que je tire de vos propos. Est-ce que cette conclusion est juste?

Le Président (M. Hamel): Oui, madame.

Mme Grenier-Doyles Si je puis me permettre. Comme je suis native de l'Abitibi, que j'ai vécu et en Gaspésie, et sur la Côte-Nord, je suis très à l'aise, parce que je ne pense pas insulter personne en disant que lorsque je parle, à titre de femme de Trois-Rivières maintenant, de s'établir en région et de s'établir dans la région de la Mauricie, il ne faudrait quand même pas oublier qu'on est seulement à une heure et trente minutes de Montréal. C'est un peu le danger que je vois, si j'explique cela à quelqu'un qui est dans un pays très éloigné et que, je lui dis: D'accord, tu peux venir au Québec, mais en région, et que là, il va regarder la carte et il va voir cela très loin. Nous, nous parlons d'une heure et trente minutes de Montréal et, quand on dit que les gens viennent d'endroits qui ont une proportion plus semblable à la nôtre qu'à celle de Montréal, c'est aussi dans ce sens. C'est-à-dire que tout le monde ne vient pas nécessairement de la capitale du pays qu'il a quitté, ce qui ne veut pas dire qu'il peut rester dans le fin fond de la campagne, peut-être qu'il n'a pas le privilège d'immigrer s'il vient de très loin, mais je pense que c'est une précision quand même importante. (17 h 15)

On parle d'une région, mais c'est une région assez périphérique quand même, ce n'est pas une région éloignée. Je trouve que c'est une précision importante à apporter. C'est d'ailleurs ce pourquoi les gens qui nous quittent, comme vous l'avez remarqué, comme vous l'avez souligné, le font pour aller à Montréal, mais sont beaucoup mieux équipés pour faire face à cette ville. D'abord, ils y sont allés souvent, c'est une affaire de rien; ils ont vu les avantages que Montréal offrait. Ils sont restés à Trois-Rivières pour vraiment se mettre les pieds solides au Québec; après, c'est plus facile de vivre à Montréal. On ne veut pas les forcer à rester à Trois-Rivières. On espère que si on en a un plus grand nombre, ce sera plus motivant pour eux d'y rester. Mais, il faudra le faire pour pouvoir juger de la valeur de cette idée.

Le Président (M. Hamel): Mme la députée...

Mme Harel: Merci, M. le Président. Vos propos m'amènent à une autre question. Est-ce qu'il faut renoncer à un établissement dans les régions éloignées, qui ne sont pas périphériques à Montréal? Pensons à l'Abitibi, à la Côte-Nord, à la Gaspésie, au Bas-du-Fleuve, faut-il y renoncer?

Mme Grenier-Doyle: II ne faudrait surtout pas y renoncer, mais je ne voudrais pas en parler en leur nom, parce que cela demanderait sûrement une autre argumentation que celle qu'on a préparée.

Le Président (M. Hamel): Je vous remercie.

M. Gouveïa: Je voudrais ici... Le Président (M. Hamel): Oui?

M. Gouveïa: ...si vous me le permettez, ajouter quelque chose. C'est une réalité que de prendre des mesures pour que les gens aillent s'installer, une fois arrivés dans une région déterminée, mais c'est une autre réalité que de faire en sorte, une fois que

ces gens sont rendus sur place, qu'ils puissent trouver la région suffisamment accueillante et surtout suffisamment équipée pour qu'en fait ils ne sentent pas la nécessité de quitter cette région.

C'est dans ce sens que nous invoquions, dans notre mémoire, la réalité d'une présence, dans la communauté, d'un certain nombre d'objets qui relieraient les gens à leur culture d'origine. Pour ce, évidemment, nous n'avons pas voulu le dire très spécifiquement, mais cela nous prend quelques moyens. M. le député connaît un petit peu les conditions financières de notre organisme. Nos conditions matérielles ne nous le permettent pas, mais nous espérons qu'avec le temps nous pourrons avoir un peu plus de moyens - le bénévolat, c'est une chose, mais ce n'est pas infini - pour faire en sorte que, dans la communauté, se retrouvent des réalités, c'est-à-dire un quotidien qui soit très proche du quotidien du Portugal qu'on a quitté, du Cabinda, comme moi, qu'on a quitté, du Zaïre ou du Cambodge qu'on a quitté, sans pour autant, évidemment, créer de ghettos. C'est-à-dire qu'il n'y a aucune contradiction entre le fait que je continue de parler le portugais, parce que d'origine portugaise, et le fait de vivre dans un Québec qui soit un Québec français. Mais, à une condition: c'est que, dans le milieu de Trois-Rivières, par exemple, je puisse avoir la possibilité d'acheter un journal portugais. Mais, pour avoir un journal portugais, il faut qu'économiquement l'arrivée du journal soit rentable pour celui qui amène le journal. C'est dans ce sens-là qu'on parlait d'une augmentation, d'un accroissement possible du nombre d'individus représentant une culture déterminée.

Le Président (M. Hamel): Merci, M. Gouveia. Le mot de la fin, Mme la ministre?

Mme Robic: Oui, M. le Président. Vous allez me permettre un petit accrochage pour encore vous dire qu'il ne faudrait pas constamment se servir de la grille de sélection à toutes les sauces. Je voudrais vous rappeler que la grille de sélection s'applique à un certain groupe d'immigrants, les immigrants indépendants, qui viennent ici parce qu'ils ont un emploi. Alors, même si on leur donnait des points additionnels pour l'établissement en région, si l'emploi est à Montréal, c'est une raison pour les y recevoir.

Quant à la réunification des familles, ce serait très difficile, pour quelqu'un qui vient rejoindre sa famille, de l'envoyer dans une région différente de celle où habite la famille. Donc, il resterait les réfugiés, pour qui il n'y a pas de grille de sélection qui s'applique, à qui on pourrait le suggérer et qu'on pourrait même amener en région. Mais, encore une fois, comme responsabilité, comme ministre, avant même d'envoyer des gens dans une région, je voudrais m'assurer que celle-ci est prête à les recevoir. Je pense qu'il est essentiel que ce soit fait. Si l'on pouvait avoir d'autres rencontres avec votre député, je serais très disposée à voir ce qui peut être fait dans ce sens, mais cela va me prendre, si vous voulez, l'appui et l'aide de toute la communauté.

Je veux vous remercier, cela a été très intéressant de vous entendre. J'espère que c'est seulement un début de dialogue.

Le Président (M. Hamel): Merci, Mme la ministre.

M. Gouveia: Et bonne chance.

Le Président (M. Hamel): Merci. Avez-vous un mot, Mme la députée de Maisonneuve?

Mme Harel: Oui. Je veux également dire que cela a été fort intéressant et j'espère que cela va insuffler une volonté politique chez les élus de renverser cette tendance car, encore une fois, il faut voir, d'un côté, que les régions doivent être prêtes à recevoir, mais il faut constater aussi que la ville de Montréal seule n'est pas capable de tout recevoir et qu'il n'est pas sain pour l'ensemble de la société québécoise que l'interculturalisme ne se vive qu'à Montréal et que le Québec se dépeuple dans ses régions. Je vous remercie.

Le Président (M. Hamel): Merci, Mme la députée. Merci, Mme Grenier-Doyle. Merci, M. Gouveia, de votre participation aux travaux de notre commission. J'invite maintenant les autres intervenants à prendre place, s'il vous plaît!

Nous accueillons maintenant le Congrès hellénique du Québec. Il me fait grand plaisir de recevoir M. Mark Karydis, président, M. Georges Manolikakis, trésorier, et Mme Heleni Savides, secrétaire.

Vous savez que nous allons terminer aux alentours de 18 heures. Sans plus tarder, je vous inviterais à nous présenter votre mémoire.

Congrès hellénique du Québec

M. Karydis (Mark): Merci, M. le Président. Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés, membres de la commission, je veux vous remercier de nous recevoir aujourd'hui et de nous donner l'occasion de présenter notre mémoire. L'idée du congrès hellénique date d'il y a quinze ans et ne fut concrétisée qu'en 1985. Officiellement, le Congrès hellénique canadien existe depuis avril 1986.

Le Congrès hellénique du Québec

représente 7 communautés et 53 associations, soit environ 80 000 immigrants d'origine grecque. Le Congrès hellénique du Québec fait partie du Congrès hellénique canadien qui représente tous les Canadiens d'origine grecque, c'est-à-dire 250 000 personnes ou 1 % de la population du Canada.

Les buts du congrès sont de faire la liaison entre les communautés, associations et organismes grecs; d'être la voix des intérêts grecs vis-à-vis des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux et de leur pays d'origine, la Grèce; d'encourager les Grecs à participer aux affaires publiques aux niveaux municipal, provincial et fédéral; d'être l'organisme de coordination dans le cas de relève de fonds pour une situation dite d'urgence comme, par exemple, la situation de Kalamata; de contribuer ou maintenir l'héritage culturel des Grecs et de participer aux activités multiculturelles pour transmettre cet héritage aux groupes canadiens d'autres ethnies.

Avec votre permission, sur ce point, je vais donner la parole à la secrétaire pour donner les autres objectifs du congrès.

Mme Savides (Heleni): Les objectifs du congrès sont de desservir, de promouvoir et d'assurer le progrès de la population d'origine hellénique du Québec au sein du milieu québécois; de préserver et de promouvoir son bagage culturel; de faciliter l'intégration des résidents québécois d'origine hellénique à la société québécoise tout en encourageant le maintien et le développement de leur culture et héritage dans ce cadre; de promouvoir la bonne volonté et de favoriser l'entraide entre les Québécois d'origine hellénique et tous les Québécois francophones; de promouvoir la communication et d'encourager la coopération entre les organismes québécois d'origine hellénique et ceux d'autres groupes ethno-culturels; de promouvoir le développement de législations et de politiques qui sont justes et équitables envers tous les citoyens dans le cadre des droits de l'homme; d'agir comme le véhicule de communication entre, d'une part, les organismes et les individus de la communauté hellénique du Québec et, d'autre part, les divers niveaux gouvernementaux pour favoriser leurs relations; d'encourager les relations autant au niveau culturel qu'au niveau de l'éducation entre les Québécois d'origine hellénique et le gouvernement québécois; d'encourager les relations entre les organismes helléniques locaux et interprovinciaux et d'encourager le développement d'autres organismes helléniques; de promouvoir, d'encourager et d'entreprendre tout projet et activité qui permettront à la communauté hellénique en général d'avancer et d'atteindre les buts et les objectifs qu'elle s'est fixés et de promouvoir dans tout le Québec les renseignements avantageux pour la communauté hellénique.

M. Karydis: Passons maintenant à notre but, l'immigration au Québec pour les deux années qui suivent. Étant les représentants des Grecs au Québec, nous aimerions vous souligner qu'on favorise l'augmentation des immigrants parce qu'on a de la place et que cela aide beaucoup notre économie. On voit quand même qu'un effort doit être fait dans la procédure en général afin de réduire les délais. Le temps d'examiner un dossier, de six mois jusqu'à un an ou deux ans, nous paraît très long parfois. Ceci est d'autant plus vrai pour la réunification familiale et pour l'immigration catégorie indépendant. Pour la catégorie des réfugiés, on pense qu'il faut examiner les cas avec plus de rapidité et ne pas hésiter à refuser des candidats s'il le faut.

Parlons un peu du cas particulier de la Grèce. Un Grec de la Grèce, pour immigrer au Québec ou même pour faire ses études, est obligé d'attendre le conseiller de Rome qui, d'habitude, passe une fois par mois pour examiner les cas pendant les deux ou trois jours de son passage. Alors, si Athènes avait un conseiller permanent en immigration, ceci pourrait être plus efficace, même pour d'autres pays, à cause de la situation géographique de la Grèce.

Si, vraiment, on veut plus d'immigrants, il faut que l'information soit plus efficace. On pourrait, par exemple, faire paraître à la télévision locale du pays des programmes avec des informations sur le Canada et surtout le Québec. Et si le pays est la Grèce, pourquoi pas aussi une fête de la communauté grecque du Québec? On pourrait aussi prévoir un échange d'étudiants. On pourrait de même améliorer l'accueil au pays d'origine et au Québec en fournissant aux candidats des renseignements sur leur communauté respective.

L'immigrant investisseur. C'est un immigrant très important pour le pays en général. Malheureusement, dans certains pays, dès le début jusqu'au moment où il arrive, le délai peut être d'un an et demi parce que, du moment que son dossier est accepté, le Québec lui donnera le certificat de sélection après trois mois et le dossier passe au fédéral, ce qui prendra encore cinq mois. Donc, après huit mois, au minimum, l'immigrant doit se préparer avec sa famille pour venir. Cela veut dire six mois de plus, au moins. (17 h 30)

On voit alors que nous avons perdu au minimum quatorze mois de son investissement et la création d'emplois. Il arrive aussi que le secteur de l'économie du Québec ait changé et que l'investisseur désire investir ailleurs.

S'il y a un point à souligner davantage,

ce serait qu'une considération additionnelle devrait être accordée aux immigrants potentiels qui ont déjà de la parenté, voire même l'élargissement de la catégorie famille. Finalement, l'adaptation de l'immigrant reçu est notre point fort pour pouvoir en recevoir d'autres. Par adaptation, on entend, entre autres, la francisation des immigrants.

Mme Savides: Les recommandations du congrès sont: augmenter le nombre d'immigrants et réduire le délai pour les procédures de demande de résidence permanente; faciliter et accélérer la procédure de réunification familiale; accélérer les procédures de sélection des réfugiés à l'étranger; faire en sorte que le gouvernement fédéral se montre plus sévère envers l'acceptation et la procédure de détermination du statut de réfugié; établir un conseiller en immigration du Québec à Athènes; améliorer l'information et l'accueil transmis aux candidats; accélérer l'immigration des immigrants investisseurs et des immigrants indépendants et que la ministre recommande au gouvernement fédéral d'élargir la catégorie de la famille pour inclure les parents plus éloignés et non seulement de première filiation.

Merci de votre attention.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, madame.

Je reconnais maintenant Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme Robic: Merci, M. le Président. Bienvenue à cette table et merci d'avoir participé. Vous êtes d'ailleurs le seul groupe d'une communauté culturelle qui ait accepté notre invitation. On vous en remercie. Vous êtes une communauté importante, alors, il nous fait plaisir de vous accueillir à la commission.

Vous avez mentionné dans une de vos recommandations l'élargissement de la catégorie famille.

Vous parlez de parents éloignés. Est-ce qu'on pourrait savoir ce que vous voulez dire? Jusqu'où iriez-vous si vous aviez à faire une suggestion?

M. Karydis: Oui. On pourrait, par exemple, élargir cette catégorie è un cousin, ou è un degré de parenté autre que la mère qu'on a jusqu'à maintenant.

On sait qu'il y en a des Grecs qui veulent venir ici parce qu'ils ont de ces parents. Ils savent que leurs parents sont installés ici. Ils sont contents, ils les visitent chaque fois, chaque année, chaque été, mais ils ne peuvent pas venir à cause de cela. Alors, il faut qu'ils fassent une demande du côté indépendant.

Mme Robic: Vous me suggérez de faire des recommandations à mon homologue fédéral quant aux revendicateurs du statut de réfugié. Vous êtes au courant que le gouvernement fédéral a déposé hier deux projets de loi, dont la loi C-55 qui a été déposée au printemps et qui est revenue en ce moment. Est-ce que vous êtes d'accord avec les recommandations ou les articles de ce projet de loi?

M. Karydis: Oui et non. Je n'ai pas eu le temps de tout lire, de me préparer, si vous voulez, mais en général, comme on le mentionne dans le mémoire, on veut que la sélection des réfugiés soit bien faite et que l'examen de chaque cas particulier soit plus sévère. Je vais vous donner un exemple. On a entendu dire que quelques-uns parmi les derniers arrivés avaient leurs papiers, lesquels ont été déchirés. Moi, personnellement, dans ces cas-là, j'exigerais les papiers.

Mme Robic: Vous nous mentionnez également les délais de traitement des dossiers pour la catégorie des immigrants. Quel genre de délai voyez-vous comme acceptable? Il faut tout de même avoir un certain processus. Quel genre de délai aimeriez-vous voir?

M. Karydis Est-ce que vous parlez des immigrants indépendants?

Mme Robic: Les immigrants... M. Karydis Indépendants?

Mme Robic: Oui, c'est ça ou la catégorie famille.

M. Karydis: Par expérience et d'après ce qu'on entend, on dit - et je le sais - que c'est à peu près six mois. J'ai l'impression que la moitié du temps, ça devrait être plus efficace. Je vais vous dire pourquoi on pense ca

Du moment qu'un immigrant indépendant a fait sa soumission, sa demande pour venir ici, pour immigrer, à partir de cette date jusqu'au moment où il va avoir la réponse, soit négative ou positive, il est dans un certain temps intermédiaire, si vous voulez. Alors, il hésite, il ne sait pas; il n'est pas en sécurité là où il vit. Il ne sait pas quoi faire: il ne sait pas s'il va rester encore dans le pays où il est et il ne sait pas s'il peut se préparer pour venir. Alors on pense que le moins on prolonge cette période, plus on favorise l'arrivée de la personne pour qu'elle en finisse avec son problème.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: J'aimerais moi aussi saluer M* Karydis, M. Manolikakis et vous-même, Mme Savides. J'ai eu l'occasion de me rendre à quelques reprises au centre sur Wilderton. Je crois que votre secrétariat se trouve sur Wilderton. Le secrétariat du congrès, je crois, se trouve sur la rue Wilderton, au centre communautaire...

M. Karydis C'est ça.

Mme Harel: C'est vraiment intéressant de voir que la communauté grecque s'est organisée dans une superstructure de toutes ses associations et qu'il y a un niveau de consensus qui, au fil des années, s'est développé. On peut quand même constater que les tensions qui existaient auparavant se sont de loin amenuisées et que vous avez trouvé matière à consensus au sein de la communauté; ce qui est certainement souhaitable.

Vous souhaitez un élargissement de la catégorie famille. Je crois que c'est un élément important que vous recommandez à la commission concernant le niveau d'immigration. Vous êtes informés, ou peut-être que non... Etes-vous informés qu'actuellement, sur l'ensemble des personnes que le Québec reçoit, 40 % d'entre elles, des nouveaux arrivants, sont sous le chapitre de la catégorie famille? Ce n'est peut-être pas tout à fait 40 % mais pas loin. Je pense que c'est 38 % ou quelque chose comme ça? Donc, c'est autour de 40 % avec les règles actuelles qui sont assez strictes puisque ce ne sont pas des règles qui, je pense, sont élargies aux frères et soeurs. Elles le sont aux enfants et aux parents, ascendants ou descendants. Alors, un élargissement, disons, possible pourrait peut-être s'envisager pour les frères et soeurs. Vous, nous parlez des cousins, cousines, neveux et nièces.

Est-ce que vous envisagez qu'éventuellement, avec un élargissement comme celui-là, l'ensemble de la politique d'immigration du Québec pourrait être, non pas en totalité, mais largement en fonction de la catégorie famille? Parce que, même avec les restrictions actuelles, c'est 40 %. Alors, jusqu'où pensez-vous... Y a-t-il, ou pas, selon vous, un pourcentage au-delà duquel la catégorie famille doit avoir des balises ou des restrictions? Cela, c'était ma première question.

Voici la deuxième. Évidemment, il y a beaucoup de pays dans le monde où la notion de la famille est vraiment différente de la nôtre. Pensez, par exemple, ce qui n'est pas le cas pour la Grèce... On partage, nous et vous, sans doute une notion quand même similaire. Mais dans les pays polygames... Les mêmes critères s'appliquent pour les demandes, indépendamment du pays d'origine de la culture d'origine. Par exemple, j'ai eu connaissance d'un homme qui demandait l'établissement ici de 32 de ses enfants. Et c'était seulement en ligne ascendante.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Mme Harel: Alors, je me suis dit: Imaginez-vous, c'était en ligne ascendante, mais il y avait la ligne descendante aussi. Et s'il fallait commencer à parler des frères et des soeurs... Parce que cette même personne était elle-même le fils d'un homme qui en avait eu quelques dizaines également avec plusieurs femmes. Alors là, les frères et les soeurs... N'oubliez pas que, dans plusieurs pays, l'oncle est aussi le père; le frère de la mère est considéré comme le papa; comme la soeur de la mère est la maman. C'est une conception qui est très large. Je me demandais...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: ...que l'immigration a des limites.

Mme Harel: Mais vous savez qu'à Montréal il y a cette réalité actuellement. La présidente de l'Alliance des professeurs de Montréal parlait de la condition féminine. Il ne faut pas oublier qu'on reçoit actuellement des personnes qui sont de culture totalement différente de la nôtre. Alors quelle est votre conception de la famille?

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Mme Savides Notre recommandation pour l'élargissement de la famille... Comme vous l'avez dit, la présente loi s'applique aux parents et aux enfants. En élargissant le concept de la famille, on avait pensé à des éléments productifs. On aurait un parrainage pour des gens qui sont déjà prêts à venir travailler, ce qui leur faciliterait la tâche. Nous n'avons pas pensé aux autres cultures ni, bien sûr, à la personne, comme vous dites, qui a 32 enfants et qui seraient déjà automatiquement, selon la présente loi, acceptés ici. Ce n'est pas l'élargissement de la famille qui les ferait entrer.

M. Karydis: Je veux seulement ajouter que je suis né en Égypte, madame. Je suis Grec d'origine, mais né en Égypte. Je vous comprends bien. Mais, vraiment, on n'a pas pensé à cela quand on a écrit cela dans notre mémoire.

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Merci, M. le Président. Quand vous vous déclarez en faveur d'une

hausse de l'immigration, quels seraient, selon vous, les efforts à consentir dans les prochaines années?

M. Karydis: Pour l'immigration en général, dites-vous?

Mme Bleau: Oui.

M. Karydis: Comme je vous l'ai mentionné, on a l'impression que pour améliorer les choses ou pour agrandir ce qu'on a déjà il faudrait quand même rapprocher le monde. Il faut donner au monde la connaissance de ce que nous offrons et de ce que nous avons. C'est pour cela qu'on vous a donné l'exemple de la télévision. On parle toujours comme Grecs, en tant que Grecs. On a l'impression que si un Grec, à Athènes, par exemple, est devant son poste de télévision, regarde les réclames sur le Québec, le Canada et écoute toutes les informations qu'on donne, voit, dans la communauté grecque ici, par hasard, un ami ou un parent qui danse, qui joue, je ne sais pas, ou qui boit, cela va créer des intérêts. C'est pour cela qu'on a mentionné cet exemple. On croit que cela va pousser les gens à émigrer ici, au Québec.

Mme Savides: J'aimerais aussi ajouter que les politiques administratives se penchent sur l'égalité d'accès, les services d'accueil, les programmes d'éducation des adultes, les problèmes des enfants immigrants dans les écoles et, en général, favorisent l'établissement de l'immigrant.

Mme Bleau; Une autre question.

Le Président (M. Trudel): Oui, allez-y, madame.

Mme Bleau: Seriez-vous d'accord, comme groupe, pour favoriser l'arrivée d'immigrants de la Grèce dans les régions? Seriez-vous d'accord pour favoriser l'intégration d'un certain groupe d'immigrants de votre communauté dans les régions?

M. Manolikakis (Georges): En ce qui a trait à l'intégration, il faut quand même savoir que nous, en tant que Grecs ou personnes d'origine grecque, nous avons commencé à immigrer au Québec depuis les années cinquante. En conséquence, nous nous sommes bien intégrés dans la société québécoise et je crois qu'à part ce que la députée de Maisonneuve a mentionné tout à l'heure, les installations sur la rue Wilderton, il faut noter que les Grecs se trouvent partout au Québec. Ce n'est pas seulement à Montréal qu'on retrouve des Grecs; la communauté grecque existe partout au Québec. Donc, dans un certain sens, nous nous sommes bien intégrés dans la province ici, dans la vie quotidienne. On fait partie de ce qui a trait à la politique, aux affaires et à la technologie; on se trouve dans tous les domaines et aspects de la vie socio-économique.

Alors, dans ce sens, je pense que nous avons une très bonne base pour pouvoir accueillir d'autres immigrants plus particulièrement dans les autres régions, étant donné que l'intégration serait plus facile pour de nouveaux arrivés. C'était avec cette idée que certaines recommandations ont été annotées tout à l'heure. Alors, nous n'avons pas ce problème d'intégration qui peut être nouveau... Les gens d'un autre pays qui viennent d'immigrer, soit depuis les deux ou trois dernières années, au Québec, auront le même problème. Donc, nous avons subi toute cette problématique auparavant et, maintenant, nous avons établi une très bonne base d'intégration pour de nouveaux immigrants ainsi que pour la communauté en général.

Le Président (M. Trudel): Avez-vous terminé, Mme la députée de Groulx?

Mme Bleau: Merci,

Le Président (M. Trudel): Oui, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, avant de terminer, j'aimerais vérifier une chose, auprès de nos interlocuteurs, à propos de la suggestion qui est faite sur l'établissement d'un conseiller à Athènes. À choisir entre Athènes et Rome, vous pensez que le Québec aurait plus d'intérêt à avoir un bureau, un conseiller en immigration à Athènes?

M. Karydis: C'est ce qu'on pense, madame.

Mme Harel: Par rapport à Rome? M. Karydis Oui.

Mme Harel: J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Karydis: D'abord, c'est...

Mme Harel: L'adjoint parlementaire de la ministre...

Une voix: ...n'est pas là.

Le Président (M. Trudel): ...cet après-midi.

M. Karydis: D'abord, à cause de la situation géographique de la Grèce, on croit que c'est mieux d'avoir un officier là-bas plutôt qu'à Rome.

Deuxièmement, même pour les études,

on a beaucoup d'informations qui disent qu'il faut attendre, et parfois, il y a trop de cas à examiner à la fois pendant le passage de deux ou trois jours de l'officier.

Et pourquoi pas? Peut-être que cela va aussi encourager les Grecs à venir.

Mme Savides: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

Le Président (M. Trudel): Oui.

Mme Savides: Je vais vous dire comment j'ai été intéressée à venir au Québec. J'avais vu le film où Jeannette Macdonald et Nelson Eddy chantent d'un sommet à l'autre et je m'étais dit: Quel beau pays! Un jour, je vais aller le visiter, Et c'est vraiment la raison pour laquelle j'ai préféré venir ici plutôt qu'ailleurs.

Le Président (M. Trudel): Vous avez terminé, madame? Alors, Mme la ministre.

Mme Robic: Oui. M. le Président, je prends l'occasion pour mentionner que, sans élargir la catégorie famille comme telle, nous avons permis cette année des emplois attestés afin d'ouvrir notre immigration à des personnes qui pouvaient avoir un emploi mais non pas nécessairement un emploi qui ne pouvait pas être tenu par un Québécois. Alors, en permettant cette réception d'immigrants qui avaient un emploi attesté, nous avons certainement permis une plus large ouverture de la parenté puisque des communautés comme la vôtre peuvent souvent fournir des emplois à des gens qui veulent venir s'établir au Québec. Alors, nous croyons que nous avons aidé à ce chapitre en permettant à des membres de la famille de venir s'installer ici, au Québec.

Je vous remercie infiniment, cela fait toujours plaisir de vous voir. Vous êtes de vieux amis et vous êtes la preuve que les membres de communautés plus anciennes que d'autres parlent français. Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, Mme la ministre. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. J'aurais souhaité vraiment pouvoir vous remercier en grec. Il faudrait que je rafraîchisse un peu mon grec, il faudrait que vous m'invitiez!

Je crois que c'est vraiment un effort qui a été très louable de venir présenter un mémoire devant la commission. Je vous en félicite. J'espère que nous pouvons compter sur le congrès et sur vous comme dirigeants pour faire la promotion de la francisation au sein de votre communauté. Je crois que c'est vraiment une condition de cohabitation harmonieuse. Je vous remercie.

M. Karydis: M. le Président, si vous permettez?

Le Président (M. Trudel): Oui, M. le président, allez-y.

M. Karydis; Le fait que nous soyons nouvellement constitués ne nous a pas permis de présenter un mémoire plus explicite, si vous voulez. Nous nous réservons le plaisir de le faire dans l'avenir. Merci»

Le Président (M. Trudel): Merci d'avoir accepté notre invitation. Les travaux de la commission sont ajournés jusqu'à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 52)

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