Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Pendant que je procéderai aux affaires courantes en disant qu'on
a quorum, en demandant si on a des remplaçants, etc., j'inviterais notre
premier groupe d'invités, ta Maison internationale de Québec,
à s'installer à la table en face de moi.
Constatant que nous avons quorum... Est-ce qu'on a des
remplaçants, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Oui. M. Philibert (Trois-Rivières)
remplace M. Gardner (Arthabaska) et Mme Bleau (Groulx) remplace M. Khelfa
(Richelieu).
Le Président (M. Trudel): Merci. La commission de la
culture poursuit sa consultation particulière sur le niveau
d'immigration pour les années 1988 et 1989, en tenant compte des besoins
démographiques, économiques et socioculturels du Québec de
même que de ses obligations à l'endroit de la communauté
internationale et des familles à l'étranger des nouveaux
résidents québécois.
Je pense qu'il est inutile de rappeler les ententes intervenues entre
les partis. Cela a été fait hier matin et cela a
été bien respecté tout au cours de la journée
d'hier. Je rappellerai simplement pour nos invités, celui qui est
déjà en face de nous et ceux qui le suivront et qui sont
déjà installés à l'arrière de la salle, que
la commission accorde 20 minutes aux différents organismes, à ses
invités, pour résumer le mémoire quand il est plus long
qu'un certain nombre de pages qui peuvent être lues en 20 minutes ou
moins et qu'on a 40 minutes de discussions avec les invités
réparties de façon égale entre les deux formations
politiques. Quand les invités prennent moins de 20 minutes, la balance
du temps est répartie également entre les deux partis
politiques.
Sur ce, pour commencer la journée, comme je le disais hier, selon
une tradition que nous maintenons de façon vaillante et constante, avec
10 minutes de retard, il me fait plaisir de saluer M. Russo, président
de la Maison internationale de Québec, en le remerciant d'avoir
acquiescé à un changement d'heure et de jour, même. Je
pense qu'on devait vous entendre demain, M. Russo, et que, un groupe
s'étant désisté, on a dû remanier, à la
dernière minute, notre ordre du jour. Je vous remercie de vous
être prêté de bonne grâce à ce chanqement. Je
vous invite immédiatement, en vous souhaitant la bienvenue,
peut-être pas à résumer votre mémoire parce qu'il
est très court, mais à préciser des points si vous en
sentez le besoin. Par la suite, nous procéderons à un
échange de vues.
Maison internationale de Québec
M. Russo (José B.): Merci. M. le Président, Mme la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, M. le
député, Mme la députée, je vous remercie beaucoup
pour ce moment qui m'est accordé de vous présenter notre point de
vue sur le niveau d'immigration que 'le Québec est en train de
définir pour l'année 1988-1989. Cela nous fait un très
grand plaisir de pouvoir participer à cet exercice. C'est ainsi que,
lors de l'assemblée de notre conseil d'administration du 20 mai dernier,
nous avons réfléchi à cette question. Nous vous
présentons nos conclusions principales dans le texte qui vous est
soumis.
En résumé, nous partaqeons l'orientation que le
gouvernement s'apprête à prendre dans ce domaine à l'effet
d'établir un proqramme de hausse permanente et significative des niveaux
d'immigration au cours des prochaines années. Cependant, le niveau
auquel on veut limiter cette immigration, nous le percevons comme une
limitation qui ne permettra probablement pas au Québec de maintenir son
importance démoqraphique au même niveau que celui du Canada.
Nous avons discuté longuement de cette question. On a
découvert, à l'analyse des données et des statistiques,
que les provinces de l'Ouest qui ont une importance démographique
beaucoup moindre que le Québec sont capables d'accueillir 30 % de
l'immigration globale du Canada, alors que le Québec se limite à
25 %. Nous ne voyons pas le rapport qui existe dans ce domaine. L'Ontario, si
on le remarque, est la province avec laquelle on se compare habituellement.
Elle a l'habitude d'accueillir, bon an mal an, près de 48 % de
l'immigration au Canada. Nous nous interrogeons à savoir dans quelle
mesure le Québec pourra maintenir son
importance démographique, considérant que cette province a
è peu près le même taux de croissance naturelle de
population.
C'est le point qu'on voulait porter à votre attention. On dit:
"La limite fixée à cette hausse, 25 % de l'immigration qlobale au
Canada, risque d'être insuffisante - à notre avis - pour assurer
au Québec le maintien de son importance démographique dans le
contexte canadien."
Naturellement, on renforce cet élément: Cette limite
devrait plutôt être définie à un niveau comparable
à celui de l'Ontario, ou à celui des provinces de l'Ouest, si
jamais l'on veut conserver l'importance démographique du Québec
au sein de la Confédération canadienne*
Dans la perspective où le Québec annonce qu'il veut
procéder à une hausse significative de son niveau d'immigration,
il semble important d'améliorer certains services. Entre autres, nous
signalons, c'est-à-dire que nous sommes conscients que, dans certains
cas, le Québec est un partenaire du gouvernement fédéral
quant au traitement rapide des demandes d'immigration. Les délais
rapportés par les immigrants de la région sont de deux ans et
demi, ou plus. Cela prend du temps pour immigrer au Canada» Dans la
plupart des cas, ces délais qui interviennent placent les gens dans une
situation où ils décident d'immigrer ailleurs. Ils ont plusieurs
choix, ce n'est pas seulement au Canada qu'ils peuvent aller, mais ils peuvent
aller également en Australie et aux États-Unis. Dans plusieurs
cas, les immigrants qui sont ici découvrent que certains de leurs
parents sont allés s'installer en Australie ou aux États-Unis
puisque les délais, ici, ont été très longs.
Le traitement rapide des demandes de refuge: là aussi, c'est
très long. On a l'impression que ces deux éléments - ce
dernier et le retard dans le traitement des dossiers - contribuent pour
beaucoup dans le phénomène que l'on voit actuellement, soit
l'arrivée massive de gens qui revendiquent le statut de
réfugié. C'est l'opinion qui a été émise par
notre conseil.
Également, il y a le renforcement et l'amélioration des
services rendus par les groupes et les associations ethniques. Si on regarde un
peu l'importance accordée par les associations ethniques afin que les
gens viennent ici et s'installent à un endroit donné, on dirait
que ces groupes ont une importance stratégique très grande. Il
faut dire aussi que ces gens se regroupent et tendent a se développer ou
à attirer davantage les gens dans un endroit dans la mesure où
les services qu'ils offrent, comme groupe ou comme association, sont
raisonnables ou acceptables. Nous avons constaté que des groupes
d'immigrants qui habitent à Montréal ou à Toronto à
cause de la vie culturelle, la vie économique, la vie sociale sont
beaucoup plus importants et attirent non seulement les immiqrants de
l'extérieur, mais, en même temps, les immigrants qui sont
installés ici.
Il y a beaucoup d'immigration interne. Il y a des gens qui immigrent de
Québec. Une fois que les gens finissent le programme de formation au
COFI, ils ont tendance à immigrer dans . les centres urbains plus
grands, comme Montréal, où il y a des possibilités
d'emploi et où les services de vie communautaire sont plus
importants.
Nous voulons attirer votre attention sur ces points-là. Il faut,
je crois, si l'on veut attirer des immiqrants et si l'on veut qu'ils
s'installent dans une région... Il y a des communautés, des
associations ou des qroupes qui peuvent jouer un rôle très
important.
Et, troisièmement, il faut faciliter l'immigration des parents.
D'après les données statistiques du Canada, près de 75 %
des immigrants qui sont arrivés avant 1985 ont un lien parental avec
quelqu'un. C'est peut-être un élément qui existe dans la
perspective d'une hausse de l'immiqration. C'est important de tenir compte de
cet élément-là. Les parents attirent leurs parents de leur
pays d'origine dans la mesure où ils sont satisfaits ici. Cette
situation-là, c'est important d'en tenir compte actuellement. Les lois
canadiennes ne facilitent pas nécessairement l'arrivée d'un plus
grand nombre de gens qui seraient intéressés à être
ici.
Donc, cela résume les principaux points que nous avons retenus
lors de notre assemblée du conseil d'administration à la Maison
internationale de Québec. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Je m'excuse, M. le
président, j'avais une conversation privée avec un membre de la
commission. Je vous remercie de votre intervention et je reconnaîtrai Mme
la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.
Mme Robic: Oui, merci, M. le Président. M. Russo, je vous
remercie d'être parmi nous, d'avoir accepté notre invitation de
participer à cette commission. La Maison internationale de Québec
est un groupe actif dans la région de Québec et je veux vous
féliciter de l'ouvraqe qui est fait ici même.
Vous parlez de longs délais quand il s'agit de recevoir les
immigrants. Est-ce que, ces délais, vous les voyez en ce qui a traft
à I'immigration indépendante ou à celle des
réfugiés? Est-ce que vous pourriez clarifier, s'il vous
plaît?
M. Russo: Au niveau de l'immigration indépendante. Cela
veut dire que l'immigration des...
Mme Robic: Le processus normal de
demande des immigrés.
M. Russo: C'est le processus normal, c'est ça.
Mme Robic: D'accord.
M. Russo: Cependant, il faut préciser que nous avons
consulté les gens qui sont arrivés dernièrement ici. Pour
les années précédentes, on a fait les mêmes
constatations et on remarque qu'il n'y a pas eu d'amélioration sur ces
points-là. Lors de la dernière consultation que le
ministère a faite, nous avions déjà signalé cet
élément et il n'y a pas eu d'amélioration depuis cette
date, d'après les renseignements que nous donnent les gens qui sont
arrivés ici.
Mme Robic: Est-ce que vous auriez remarqué, dans ces
critiques, que c'étaient des gens... Est-ce qu'on pouvait identifier
certains pays en particulier, sans nécessairement en nommer, où
les gens se conformaient à ce genre de délais? Vous savez,
quelquefois, il est compliqué d'obtenir du pays d'origine même les
papiers nécessaires, donc il est plus difficile pour nous de faire des
vérifications également. Est-ce que, encore une fois sans nommer
le pays, vous avez remarqué que certains pays ont plus de
difficultés que d'autres et que les délais sont plus longs?
M. Russo: On a remarqué que, pour les pays du Sud-Est
asiatique, c'est beaucoup plus long. En même temps, le même
phénomène survient en Amérique du Sud.
Mme Robic: Je pense que des fois, comme je vous l'explique, c'est
compréhensible car ce n'est pas toujours facile d'avoir l'information,
les documents nécessaires des différents pays.
Vous demandez un renforcement des services rendus par les groupes et les
associations ethniques. Quels services d'accueil et d'adaptation croyez-vous du
ressort gouvernemental et êtes-vous satisfait des programmes de
subvention actuellement en vigueur, entre autres, nos nouveaux programmes tels
notre programme interculturel, notre programme de francisation, etc., qu'on a
ajoutés aux programmes réguliers?
M. Russo: Lors des discussions, il est surtout apparu que
beaucoup d'immigrants arrivent ici, s'installent, travaillent et, à un
moment donné, ils ont besoin d'entreprendre quelque chose.
Généralement, ce sont de petits commerces, de petites entreprises
et, naturellement, cela se fait selon les services financiers habituels. Comme
ils n'arrivent pas à se justifier nécessairement, il faut qu'ils
recourent aux amis ou aux membres de leur communauté. Actuellement, ce
sont nos associations. Ici, à Québec, surtout sur ce plan, la
communauté est très limitée. Les moyens de collaboration
de la communauté sont très limités. Ainsi, au niveau de
l'accueil, l'accueil qui est donné... Il y a des associations, mais en
même temps, il y a tout le domaine social et sportif et des choses comme
cela. Les services offerts à la personne pour s'adapter aux niveaux
communautaire et municipal, généralement, cela prend beaucoup
trop de temps. Il faudrait beaucoup plus soit une insertion et une
collaboration plus active des organismes ou des associations pour que ces
gens-là puissent accéder plus rapidement aux services qui sont
déjà offerts par la communauté.
Quant au financement des associations, actuellement, avec les
changements qu'il y a eu dernièrement, les gens s'interrogent. Ils n'ont
pas vu encore de changement dans leur façon de fonctionner. Il y a un
certain apprentissage de tout cela qui est en train de se faire. Les moyens
sont généralement très limités aussi; il faut
constater cela. Nos associations vivent avec très peu de moyens et le
soutien que le gouvernement nous donne est aussi très limité.
Actuellement, dans la région de Québec, il y a eu des
améliorations significatives des services, comme des locaux ou un
service de secrétariat, etc. des endroits où les associations
peuvent se réunir. Auparavant il n'y en avait pas. C'est disponible
actuellement. Je dirais qu'on a vu une amélioration depuis un certain
temps. C'est la réponse que...
Mme Robic: Vous mentionnez que plusieurs services étaient
là, mais qu'ils n'étaient pas nécessairement toujours
connus des immigrants ou accessibles aux immigrants. Donc, il y a une question
d'éducation non seulement en ce qui concerne les immigrants, mais
peut-être en ce qui concerne les élus municipaux ou les
associations locales. Est-ce que c'est juste?
M. Russo: C'est ça mais, quand même, j'ai dit qu'en
ce qui concerne des groupements et des associations je pense que, s'ils en
avaient les moyens, ils pourraient jouer un rôle beaucoup plus important,
pour créer des liens, pour orienter les gens vers ces services.
C'est dans ce sens-là... Il y a déjà des
activités culturelles, sociales qui sont vivantes dans ces groupes.
Mais, vu les limites de leurs ressources, naturellement, il y a beaucoup trop
de choses à faire. Ils se limitent à des choses qui sont beaucoup
plus urgentes et plus immédiates.
Mme Robic: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Russo, la présence de votre organisme
à cette commission nous réjouit, parce que mes collègues
et moi avons très souvent parlé, depuis le début, de
"démontréalisation" ou de "démétropolisation" de
l'immigration, parce que vous savez comme moi - je pense, que c'est ma
collègue, la députée de Maisonneuve, qui citait la
statistique - qu'il y a plus de 80 % des immigrants qui s'établissent
dans la région métropolitaine. C'est un facteur qui est donc
presque exclusivement montréalais et, à notre point de vue,
l'immigration devrait être une entité québécoise
autant que le pays.
J'ai remarqué dans votre mémoire, comme dans celui de tous
les autres et, notamment, celui du Congrès juif canadien hier, des
recommandations précises quant à l'immigration des parents.
Après avoir écouté le Congrès juif canadien, hier
soir, je fouillais - vous me permettrez l'expression -dans ce qu'on appelle un
"clipping" de presse d'une revue internationale qui parlait justement d'un
problème que vit un pays qu'on connaît bien, qui est Israël,
quant à la rétention des immigrants.
Tout le monde sait que c'est la politique d'immigration d'Israël de
favoriser la réunification des familles, mais il semble que ça ne
joue pas à 100 % ou de façon très imperméable dans
la rétention des immigrants. Je vois que, vous aussi, vous parlez de
cette immigration des parents; par contre, vous ne précisez pas la
recommandation relative à cette immigration des parents. Vous serait-il
possible de développer un peu plus à fond? (10 h 30)
M. Russo: La réunification des -familles est
limitée à la famille immédiate de l'individu. En
réalité, dans les concepts de la famille qui prévalent en
Asie ou en Amérique du Sud et même en Afrique, la famille est plus
étendue qu'ici. Cela veut dire que les parents... Lorsque je donne
l'exemple de plusieurs immigrants d'ici qui ont réussi et s'installent,
la famille immédiate vient. Par la suite, les personnes se renseignent
et, si les possibilités sont intéressantes ici, ce sont les
frères, les soeurs et les cousins.
Actuellement, ces gens-là sont soumis aux dispositions
réglementaires. Les critères de sélection de ces
gens-là sont beaucoup plus reliés aux situations existantes sur
le marché du travail qu'à d'autres critères
indépendants. Dans ces cas-là, la plupart des gens voulaient que
ces gens aient plus de . facilité à immigrer ici, parce que
c'étaient des membres de leur famille. Premièrement, il y a une
promotion du Québec faite auprès d'eux. Deuxièmement, du
fait qu'ils arrivent ici, il y aura quelqu'un qui 'pourra les intégrer
facilement dans la société, d'une certaine manière, et, en
cas de besoin, les aider. C'est cette réalité qui
répond... Dans le cas des Asiatiques, des Cambodgiens et des Laotiens,
ils constatent que la notion de famille immédiate est très
limitative comparativement à leur concept.
Je ne sais pas si j'ai répondu pleinement à votre
question, mais la notion des parents que nous utilisons y fait
référence. On veut que l'on facilite davantage la venue des gens
qui ont une parenté établie.
M. Boulerice: Vous avez bien raison. Culturellement, la notion de
famille est tout à fait différente. Divisons le monde en deux:
l'hémisphère occidental et l'hémisphère oriental.
Il est bien entendu que la conception de la famille dans les pays du Sud-Est
asiatique est totalement différente de la conception de la famille dans
le monde occidental. Même chez nous il y a des variantes dans la
conception de la famille. Pour la France, la Belgique, la Suisse, elle est bien
différente de celle qui peut exister ici. En Italie, elle a un sens
beaucoup plus large que celle qui peut exister chez nous. Donc, vous êtes
en train de nous suggérer que l'on donne effectivement pour les
immigrants le concept de la notion de famille qui est culturellement en vigueur
dans le pays d'où ils sont originaires.
M. Russo: C'est dans ce sens-là que je dis ceci: si on
veut attirer des immigrants, si on s'oriente vers plus d'immigration, si on
veut augmenter l'immigration ici et, en même temps, si on veut garder les
gens ici au Québec, nous estimons qu'une façon raisonnable de
faire cela, c'est de permettre à ces gens de venir plus facilement ici.
C'est là le point d'attraction et de rétention des immigrants au
Québec.
Ce n'est pas, non plus, tout le monde qui veut venir. Lorsqu'on choisit
de venir, je pense que la façon dont on parlait de l'attraction, ce
n'est pas simplement de dire: Tu peux venir ici, il y a de la place. Il y a un
flot d'informations qui existent ou qui peuvent exister pendant plusieurs
années entre un immigré et un parent de son pays d'origine et
celle-ci est ainsi... La préparation académique, la
préparation professionnelle de la personne qui vient ici,
éventuellement, se fait un peu en fonction de ces renseignements.
En termes d'attraction, nous croyons que c'est un droit important
à développer. Aussi, si on veut que ces personnes restent au
Québec ou restent dans la communauté qu'elles choisissent - la
ville de Québec, par exemple - dans le sens que vous disiez qu'on ne
veut pas qu'elles aillent habiter en plus grand nombre dans les grandes
métropoles, je pense que ces notions pourraient être
utilisées. Nous sommes en faveur de cela et nous croyons que c'est
très limitatif, actuellement. Dans plusieurs cas, les gens qui
immigrent ici cherchent à retrouver les gens qui ont quand
même un lien très près d'eux.
M. Boulerice: Muchas gracias, Senor Russo.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. M. le député de Mercier,
allez-y.
M. Godin: M. le Président, je suis préoccupé
par le fait qu'à Québec il y a une communauté
multiethnique assez importante, excepté que des groupes ethniques
restent à Québec tandis que d'autres quittent Québec pour
aller ailleurs. Pouvez-vous nous dire à quelles conditions des groupes
restent dans la ville de Québec et qu'est-ce qui explique que d'autres
quittent pour aller à Montréal, par exemple, ou à Toronto?
Avez-vous dégagé, dans votre expérience de
président ou de nouveau Québécois vous-même, les
raisons ou les facteurs qui feraient que certaines personnes resteraient dans
la ville de Québec tandis que d'autres y seraient moins attachées
et s'en iraient? Est-ce que ce sont des raisons que vous avez pu
identifier?
M. Russo: En général, notre expérience nous
indique que, lorsqu'une famille s'installe ici, les liens familiaux font que
les gens restent davantage. C'est plus difficile de décider d'aller
ailleurs lorsque toute la famille est installée dans la
région.
Deuxièmement, il y a l'emploi. Cela prend un emploi pour la
personne. Cela veut dire que, dans une région comme Québec
où le secteur secondaire est très important, la
préparation de la personne entre en jeu.
Troisièmement, il y a la vie culturelle qui existe dans la
région et, finalement, on regarde si les perspectives de s'installer
sont favorables à moyen terme. Donc, les gens résistent à
partir.
Ce sont là un peu les quatre éléments que nous
voyons chez la plupart des gens qui s'installent ici en permanence.
M. Godin: Donc, il y a des facteurs où l'aide
gouvernementale peut intervenir: ce sont le troisième et le
quatrième. Quand les gouvernements vous aident à organiser des
activités culturelles ou des organisations ethniques où les gens
se retrouvent, il est possible que cela joue un rôle.
M. Russo: C'est cela.
M. Godin: Maintenant,' on dit souvent qu'il n'y a pas
suffisamment de' nouveaux Québécois parmi les fonctionnaires du
Québec. On allègue toujours que c'est parce qu'ils ne sont pas
à Québec, qu'ils sont à Montréal ou ailleurs. Comme
il n'y a pas de gouvernement à Montréal, il n'y a pas beaucoup
d'emplois qui s'ouvrent pour eux.
Est-ce que votre expérience est que les nouveaux
Québécois de Québec y trouvent facilement des emplois
comme fonctionnaires?
M. Russo: La plupart de nos membres travaillent ailleurs que dans
la fonction publique.
M. Godin: À votre connaissance... M. Russo:
Et...
M. Godin: ...excusez-moi. J'ai une question accessoire. À
votre connaissance, est-ce qu'un certain nombre d'entre eux ont
déjà fait "application", comme on dit en anglais,
c'est-à-dire une demande d'emploi? Est-ce qu'ils ont
bénéficié des politiques gouvernementales d'accès
à ces emplois, à votre connaissance, oui ou non?
M. Russo: Dernièrement, beaucoup de gens qui font partie
de notre association ont fait des "applications". Il y a un groupe de gens qui
ont bénéficié des mesures d'admission, surtout en ce qui
concerne les emplois occasionnels.
M. Godin: En ce qui concerne les emplois permanents, est-ce que
les mesures gouvernementales vous semblent suffisantes ou si on devrait les
raffiner pour s'assurer que l'objectif visé par les deux gouvernements
successifs, soit d'augmenter le nombre de fonctionnaires gouvernementaux du
Québec, provenant d'ethnies, au même niveau que dans la population
réelle, c'est-à-dire à environ 10 %, soit atteint?
Estimez-vous que les mesures gouvernementales actuelles et anciennes sont
suffisantes ou si on devrait aller encore plus loin dans cette direction?
M. Russo: Je pense qu'il y a eu des changements très
positifs dans ce sens, dernièrement, et que des améliorations
sont souhaitées par la plupart des gens.
M. Godin: Cela répond à mes deux questions, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Mercier. Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. À l'écoute
de M. Russo, je me disais qu'il y a deux niveaux de problème
différents - ils ont d'ailleurs été identifiés au
cours de la journée, hier - celui de la rétention au
Québec et celui de la rétention dans les régions. Donc,
c'est essentiellement le problème de l'immigration interprovinciale, une
fois l'établissement fait au Québec. Le deuxième
problème, c'est la "métropolisation" de presque 92 % des nouveaux
arrivants établis.
II y a vraiment deux niveaux de problème qu'on ne peut pas
éviter d'examiner quand on pense à l'immigration parce qu'ils ont
des conséquences et ils en auront, en tout cas, sur la configuration de
la société québécoise. Nos données, encore
le, ce sont des données que nous possédons présentement,
mais qui ne sont certainement pas satisfaisantes et qui pourraient être
complétées par des études plus exhaustives faites
auprès de ceux qui restent, pour bien -connaître les motifs pour
lesquels ils restent, et non pas nécessairement "auprès de ceux
qui quittent, parce qu'on se rend bien compte que c'est difficile de les
identifier. De toute façon, les données que nous
possédons, même si elles ne sont pas complètes, peuvent
nous amener à croire que c'est souvent la langue d'expression qui les
retient. C'est-à-dire que ceux d'entre eux qui vont faire l'usage du
français avant leur établissement ou faire l'apprentissage du
français une fois sur place vont plus facilement y rester, étant
entendu qu'ils ont déjà leur langue maternelle, qui est la langue
d'usage à la maison, et cette deuxième langue apprise. Je pense
qu'il n'est quand même pas courant d'en apprendre une troisième
dont on fait couramment usage; un adulte met au moins deux ou trois ans
à faire l'apprentissage d'une langue, c'est quand même assez bien
connu. Alors, pour la rétention au Québec, il semble qu'un des
facteurs importants, ce soit le français langue d'usage chez les
adultes.
L'autre aspect que vous traitez, c'est la rétention dans les
régions. Vous nous dites - c'est la première fois qu'on l'entend
devant cette commission - que s'il y avait élargissement de la
catégorie de la famille, cela nous aiderait. Parce que, que ce soit,
disons, à Québec, j'imagine que cela vaut pour Chicoutimi ou pour
Rimouski, si on s'y installe, c'est-à-dire toute la famille au sens
élargi, on aura plus tendance à y rester que de partir un
après l'autre. Est-ce que je comprends que c'est votre point de vue?
Cela m'amène à vous demander ceci. Si, par exemple,
présentement, on trouve un emploi pour son frère ou sa soeur, si
on peut attester d'un emploi, il peut y avoir élargissement de la
catégorie. Est-ce que vous pensez que l'élargissement de la
catégorie doit être général? N'oubliez pas qu'il y a
déjà 40 % de l'immigration du Québec qui relèvent
de la catégorie famille, ce qui est presque la moitié de notre
immigration. Alors, l'élargir à l'ensemble, cela voudrait
peut-être dire passer à un chiffre vraiment considérable de
cette catégorie par rapport à toutes les autres. Est-ce que vous
pensez qu'il serait raisonnable, par exemple, lorsqu'il y a installation en
région, qu'il puisse y avoir élargissement de la catégorie
de la famille aux frères, aux soeurs?
M. Russo: On regardait... C'est évident qu'il y a beaucoup
de gens qui vont s'installer à Montréal. Je ne sais pas
jusqu'à quel point c'est vraiment un problème, ici au
Québec, parce que toute la population du Québec s'en va vers
Montréal. C'est peut-être un comportement général de
la province. C'est un peu de cette façon qu'on le voit. On ne voit pas
de problème à ce chapitre.
Les expériences que nous avons, c'est qu'il y a, à un
moment donné, un membre d'une famille qui s'installe et qui vit ici
pendant quelques années. Tout à coup, il s'en va dans l'Ouest. On
a vu cela durant les années 1980, 1981 et 1982; il va s'installer en
Colombie britannique, à Vancouver, normalement. Trois mois après,
le reste de la famille suit. Un an après, ce sont les frères qui
travaillaient dans tel secteur qui s'en vont. En cinq ans, toute la famille est
rendue là-bas. Ce phénomène, nous le voyons surtout par
rapport à Vancouver et à Toronto. Ce n'est pas un mouvement
-comment dit-on cela? - Québec-Montréal, c'est
Québec-Toronto-Vancouver. Il y a eu, dans les années 1983 et
1984, plusieurs départs pour Edmonton. Actuellement, le
phénomène que nous voyons principalement, c'est
Toronto-Vancouver. Ce n'est pas seulement une personne qui s'en va, mais c'est
tout le noyau qui immigre et cet exemple nous indique que c'est ainsi. (10 h
45)
II y a des gens qui s'installent ici et les gens qui viennent
individuellement sont beaucoup plus mobiles; par contre, l'immigration d'une
famille prend beaucoup plus de temps, même si elle bouge. Nous demeurons
quand même convaincus que cet élément familial est un
élément important pour la rétention des gens et pour
l'attraction. Si on veut attirer des candidats, ces gens-là auront de la
facilité à s'installer ici s'ils ont des personnes qui peuvent
les renseigner sur le milieu ou qui les ont renseignés depuis longtemps.
Donc, cela répond un peu à ce point-là.
Mme Harel: Mais, vous savez, vos propos ne viennent pas me
rassurer parce que, dans le fond, vous nous dites que la mobilité,
qu'elle soit le fait d'une personne seule ou d'une famille, aura lieu de toute
façon parce que, si un quitte, les autres, petit à petit, vont le
rejoindre. Alors, ce n'est pas un facteur de rétention à ce
moment-là. J'avais cru comprendre, dans vos propos du début, que
la famille n'était pas seulement un facteur d'attraction. Vous savez,
les facteurs d'attraction, on n'a pas besoin tellement d'en chercher car, en
fait, l'attraction, elle est là. On n'a pas vraiment besoin de trouver,
ici, on ne cherche pas vraiment, vous savez, les conditions qui vont
créer l'attraction pour l'immigration
internationale, on cherche surtout les conditions de
rétention.
M. Russo: II y a une question d'état. Lorsque nous faisons
immigrer une famille immédiate, si une personne déménage
à Vancouver, en trois mois, toute la famille est rendue là-bas.
Mais, lorsque c'est sur le conseil de parents au sens plus large, la
décision de partir est plus difficile. Mais ce n'est pas une solution,
ce n'est pas une panacée. Mais ce que nous voyons, c'est que les gens
qui sont arrivés ici seuls ont beaucoup plus de mobilité et vont
beaucoup plus facilement ailleurs. Naturellement, ils s'en vont là
où les services communautaires sont plus importants.
Il y a la notion suivante aussi. On n'a pas d'étude
là-dessus, mais ce sont des impressions que nous avons, à savoir
que lorsque le noyau communautaire est plus grand l'attraction, par exemple,
est plus grande. À Vancouver et à Toronto, c'est justement le
phénomène que l'on perçoit et il y a un
phénomène aussi qui est relié à cela, c'est que les
gens vont là parce qu'ils ont des liens avec d'autres gens, ils se lient
d'amitié et la perspective... Donc, c'est dans ce sens-là que
nous disions, dans notre recommandation, qu'il faut renforcer les services
rendus par les groupes et les associations. Nous croyons que c'est un
élément qui doit être renforcé un peu dans une
perspective d'immigration et nous croyons que ces groupes-là jouent un
rôle important dans l'attraction et dans le maintien de ces personnes
à un endroit donné.
Le Président (M. Trudel): Mme la ministre.
Mme Robic: Merci, M. le Président.
M. Russo, vous avez mentionné qu'en 1981-1982 il y a eu un exode
vers l'Ouest, entre autres, vers Toronto et Vancouver. Est-ce que vous
rattachez cela à la langue ou plutôt à l'économie,
aux emplois? Si l'économie va bien et qu'il y a des emplois, que ce
soient des Québécois ou des Québécois d'origines
autres, qui sont bien prêts à apprendre la langue, si les
conditions économiques favorables sont là, les gens auront
tendance à rester chez nous.
M. Russo: C'était principalement relié à des
questions économiques. En général, l'expérience
qu'on a, c'est que les gens qui viennent ici sont prêts à
apprendre la langue. Ils font l'effort d'apprendre la langue et, si c'est
nécessaire, ils sont prêts aussi à refaire la même
chose ailleurs. C'étaient, je dirais, dans les années 1981, 1982,
1983, principalement, des phénomènes beaucoup plus reliés
à des questions économiques, mais ces
phénomènes-là continuent à exister aujourd'hui et
ce n'est pas nécessairement dans le sens que ces gens ne travaillent pas
ici, c'est dans le sens qu'ils estiment que, peut-être, les perspectives
d'amélioration économique sont plus grandes là-bas, vu
qu'il y a un certain nombre de services qu'ils n'ont pas ici.
Mme Robic: Un certain nombre de services qui n'existent pas
ici.
M. Russo: C'est cela. Ou qu'ils pensent résoudre certaines
difficultés, qu'ils vivent ici, en s'installant là-bas. On
catégoriserait davantage dans ce sens-là les mouvements
récents. Mais je dirais que même en 1981, 1982, 1983, ce
n'était pas un exode. Il y a eu des gens qui sont partis, beaucoup de
gens, des membres de la communauté, mais cela n'a pas été
un départ dramatique.
Mme Robic: Des départs, c'est toujours dramatique pour
l'endroit qui les perd. Mais je vais vous réjouir puisque, cette
année, nous avons un solde migratoire positif de plus de 10 000
personnes. Alors, les gens ont tendance à vouloir demeurer au
Québec. C'est très rassurant. On espère que cela sera
mieux en améliorant l'économie et on va faire tout en notre
possible pour que ces gens apprennent le français le plus rapidement
possible et s'intègrent à la majorité francophone. C'est
beau, n'est-ce pas?
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Beauce-Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président. Vous faites une
recommandation à l'effet d'augmenter ou d'atteindre un objectif pour
augmenter notre niveau d'immigration ou le rendre comparable à celui de
l'Ontario; est-ce que cet objectif-là vous le voyez, compte tenu de la
situation démographique du Québec, dans un contexte... dans le
temps, cela se situe où pour vous? Est-ce que c'est à court
terme, à moyen terme ou à long terme?
M. Russo: L'objectif général qui est
énoncé par le gouvernement, c'est de tendre vers 25 % de
l'immigration globale du Canada. Nous disons que, peut-être, c'est un
objectif qui pourrait s'échelonner d'ici à l'an 2000.
Immédiatement, nous estimons que le niveau devrait être
supérieur à celui qu'on a, de 22 000 immigrants. Le niveau
devrait tendre vers une proportion plus grande des immigrants qui arrivent ici,
au Canada.
La question fondamentale qu'on regardait, c'est qu'on disait que les
provinces de l'Ontario et de l'Ouest admettent près de 30 % de
l'immigration globale. Les trois provinces de l'Ouest, l'Alberta, la
Saskatchewan et la Colombie britannique, ensemble, reçoivent 30 % de
l'immigration globale du Canada, selon les statistiques de
l'année dernière. En Ontario, c'est 48 %. On sait que ces
provinces ont à peu près le même taux de croissance
démographique naturelle que le Québec.
Donc, si on se reporte, dès aujourd'hui, c'est-à-dire si
on regarde un peu cela dans la perspective de l'an 2000, ces
provinces-là, en admettant plus d'immigrants que ce qu'elles devraient
avoir accroissent leur importance démographique et elles vont continuer
à l'accroître continuellement.
Nous disons que l'importance démographique du Québec, si
la croissance démographique naturelle demeure ce qu'elle est, est
compromise déjà et elle se verra compromise davantage. Il ne faut
pas oublier qu'en 1980 le Québec représentait 27 % de la
population canadienne. Aujourd'hui, d'après les dernières
statistiques, c'est 24 %. C'est une donnée qu'il nous semble important
de retenir dans cette perspective-là.
M. Audet: Maintenant, étant donné que c'est
réparti à long terme ce que vous dites, est-ce qu'il y a des
moyens que vous avez à l'esprit ou des propositions que vous seriez
tenté de faire pour augmenter ce niveau d'immigration ou si, selon vous,
c'est une chose qui va se faire graduellement, parce qu'on sait que ce n'est
pas facile?
M. Russo: La réflexion qu'on faisait quant aux moyens,
c'était qu'il faudrait favoriser l'accès à un nombre plus
grand de gens. Entre autres, c'est en élargissant la notion de parents
que l'attraction ou plutôt la venue des immigrants ici serait... Ce
serait une façon de les attirer davantage. Aussi, on regardait la
question du flux migratoire et, effectivement, il y a une baisse de ce flux
migratoire, mais nous pensons qu'en améliorant les services ici,
à Québec, et, en particulier, en mettant l'accent sur certaines
choses, sur certaines institutions, sur lesquelles on ne mettait pas
nécessairement beaucoup d'accent, comme les groupes et les associations
ethniques ainsi qu'en résolvant certains problèmes d'accès
qu'on a comme, par exemple, les délais dans le traitement des dossiers
et tout cela, on pourrait faciliter l'arrivée des immigrants en plus
grand nombre ici, à Québec. En même temps, on pourrait
rejoindre l'autre élément: retenir ces immigrants ici, à
Québec, et dans les communautés où ils vont s'installer en
premier lieu.
M. Audet: Tantôt, ma collègue de Maisonneuve,
lorsque vous avez parlé... Vous parlez encore d'un moyen auquel on
pourrait recourir, soit la famille, par exemple, selon vous. À moins que
je n'aie mal compris, vous mentionniez que ce n'était pas un facteur de
rétention, si on veut. C'est bien ce que vous avez dit! Cela pouvait
être difficile, si un membre de la famille, par exemple, quittait
celle-ci pour Vancouver - c'est l'exemple que vous avez donné -
après trois mois, on pouvait voir les autres membres de la famille le
suivre. Au point de vue démographique, cela n'a pas... Du point de vue
de l'entrée des immigrants, ce sont peut-être des choses
intéressantes qui sont à envisager, cela se fait
déjà, sauf que, pour ce qui est de la rétention,
après cela, lorsqu'ils sont arrivés ici, s'ils quittent le
Québec pour d'autres provinces ou un pays voisin, par exemple, au point
de vue démographique, on est encore avec le même
problème.
M. Russo: Je disais tantôt que ce n'était pas une
panacée comme outil de...
M. Audet: Oui.
M. Russo: ...mais il y a une chose que l'on perçoit, c'est
qu'une seule personne part plus facilement.
M. Audet: D'accord.
M. Russo: Mais une personne qui a un intérêt dans un
groupe a moins de motifs pour partir. Comment dit-on cela? Les conditions de
satisfaction étant là, cette question se pose moins. Mais, quand
même, il y a cet élément. Lorsqu'un membre de la famille
bouge, il est fort probable que d'autres bougent aussi.
M. Audet: D'accord, cela va.
M. Russo: C'est cela. Mais dans ce sens-là...
M. Audet: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Beauce-Nord. Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Je regardais avec mon
collègue de Mercier les chiffres de Statistique Canada sur l'immigration
du Québec, en 1986. On se rend compte que, finalement, s'il y a eu une
plus grande rétention, ce n'est pas parce qu'il en est sorti moins; en
définitive, les sorties interprovinciales, c'est-à-dire le nombre
de personnes qui, du Québec, sont parties vers d'autres provinces a, au
contraire, augmenté considérablement de 1985 à 1986,
où presque 3000 personnes de plus ont quitté le Québec,
c'est-à-dire un total de 34 263. Ce qui a fait la différence,
l'an dernier, c'est que plusieurs sont revenues; il y a eu des entrées
d'autres provinces. Cela a augmenté de presque 6000 ou 7000 le nombre de
personnes qui, d'une autre province, sont revenues. C'est sans doute ce
phénomène, la fin du phénomène de
l'exode vers l'Ouest et le retour, d'une certaine façon, de
l'enfant prodigue. La situation économique dans l'Ouest n'est pas celle
qui avait été espérée. Finalement, c'est
l'immigration internationale qui a fait la différence parce que, avec
l'accueil aux réfugiés, il y a finalement eu, pour 1986, un
nombre plus grand, avec toutes les mesures administratives qui avaient
été mises en place. Alors, en définitive, ce n'est que
dans quelques années que l'on saura si le mouvement de rétention
est satisfaisant ou non.
Pour tout de suite, je pense que ce serait vraiment
prématuré, comme l'a dit la ministre, de conclure que c'est
satisfaisant. Cela ne l'est que parce que les gens sont revenus, mais le
mouvement de ceux qui ont quitté et qui reviennent va se tarir,
évidemment. Vous savez, ce n'est pas perpétuel, ce mouvement de
retour de l'Ouest. Il y aura un moment où cela va se tarir. (11
heures)
La source importante, c'est ceux qui partent que l'on veut retenir,
parce que les faire revenir, vous savez, à un moment donné, il
n'y en aura plus beaucoup à faire revenir. Cela va se solder, tout
à coup, par le retour du nombre de personnes qui ont quitté.
Alors, de façon certaine, c'est la conclusion que je tire. Je ne
tire pas la conclusion que les gens partent plus; mais je ne tire pas non plus
la conclusion qu'ils restent plus. Je tire seulement la conclusion qu'il y a un
problème de rétention et qu'il faut certainement, avec
lucidité, faire face à ce problème.
Le Président (M. Trudel): Est-ce que vous voulez
commenter, M. Russo?
M. Russo: Oui. En ce qui concerne la rétention, nous, ici,
à Québec, sommes très préoccupés dans ce
sens et c'est un élément important pour nous comme
communauté ethnique ou groupe ethnique. Si le mouvement s'amplifie,
naturellement, les activités... L'entité en tant que telle est
compromise. Je pense que l'opinion de chez nous... C'est pour ces raisons que
nous avons souligné ces deux choses: attraction et rétention. On
voulait attirer l'attention sur ces points.
Regardons ces deux choses parce que c'est important et il doit y avoir
des moyens. Nous avons énoncé quelques moyens là-dedans et
cela vient peut-être enrichir votre rélexion. Mais nous avons
l'impression qu'on doit tenir compte de ces deux éléments,
principalement, dans les régions autres que Montréal. Je dirais
peut-être à Montréal aussi mais, en particulier, dans les
régions excentriques de Montréal. 11 y a une problématique
qu'on n'avait peut-être pas fait ressortir de manière suffisante:
c'est l'arrivée des nouveaux groupes ethniques, qu'il vient des nouveaux
groupes ethniques.
Nous avons vu l'arrivée des Laotiens à Québec, cela
fait environ six ans. Ils sont arrivés; ils se sont installés
dans la région et ils sont restés. Il y a des conditions qui ont
été remplies, a ce moment-là, lorsqu'ils sont
arrivés, qui ont facilité leur installation ici. Actuellement,
les services qui leur sont rendus sont satisfaisants pour eux. Ce qui collabore
à ce que ces groupes restent ici et, même, à la campagne.
Donc, je conviens avec Mme la députée que la question de la
rétention est peut-être un élément dont on devrait
tenir compte.
Le Président (M. Trudel): Mme la ministre.
Mme Robic: Vous comprendrez que, quand on entre dans des guerres
de chiffres, cela peut devenir fort intéressant et j'aimerais faire
remarquer à la députée de Maisonneuve que les sorties
interprovinciales ont diminué de beaucoup. Si on regarde les
années 1980, 1981, 1982 et 1983, on parlait de 46 000 sorties
interprovinciales. On a tout de même réduit ces sorties d'une
façon importante et nous avons également des entrées.
Alors, je pense que c'est, encore une fois, passé. Il faut
toujours être vigilant et améliorer nos conditions. Mais c'est
évident que le Québec devient plus attractif et c'est une note
positive, mais il faut continuer à travailler dans le sens d'attirer et
de garder nos gens chez nous.
On parle ici à plusieurs reprises de
"démétropoliser" l'immigration. J'ai hâte d'écouter
d'ailleurs un groupe qui vient de la région de Trois-Rivières et
qui a à nous suggérer des choses. Vous savez, c'est sous un
gouvernement libéral que nous avons ouvert des COFI en régions,
par exemple à Chicoutimi, à Trois-Rivières, à
Sherbrooke, à Hull. Malheureusement, le gouvernement du Parti
québécois qui nous a suivis a cru bon de fermer ces COFI en
régions. J'espère que nous, nous pourrons trouver des solutions
et que nous serons plus dynamiques que ne l'ont été
peut-être nos prédécesseurs. Tant pis pour eux.
Le Président (M. Trudel): Avez-vous terminé, Mme la
ministre? M. Russo, voulez-vous commenter?
M. Russo: Merci beaucoup.
M. Godin: Pour fins d'archives historiques, il faut
peut-être rappeler...
Le Président (M. Trudel): Très rapidement, parce
que j'ai été très libéral à votre endroit,
M. le député de Mercier.
M. Godin: Oui, d'accord. Je vous reconnais bien là. Je
vais être très conservateur et rappeler tout simplement les faits.
Les COR furent ouverts par le gouvernement libéral fédéral
à l'époque et, à un moment donné, par ce même
gouvernement quelques années plus tard et récupérés
par l'actuel M. Couture qui a assumé les frais totalement.
C'était donc non pas simplement péquiste mais libéral. Ils
sont maintenus maintenant par le gouvernement libéral, mais ils furent
créés et mis au monde par les libéraux
fédéraux, abandonnés par eux et repris en tutelle, comme
des orphelins abandonnés par leur père, par un parrain qui
était québécois et qui était péquiste,
lequel était M. Couture.
Mme Robic: Mais il a fermé tout de même deux
postes.
M. Godin: Fermé à Trois-Rivières par nous
parce qu'il n'y avait plus de candidat.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Trois-Rivières.
M. Philibert: Mais ouvert pour les fins des archives historiques
et donner bon droit à la vérité la plus entière...
J'ai assisté à la conférence de presse en 1972 ou 1973
lorsque le gouvernement libéral d'alors...
Une voix: Fédéral.
M. Philibert: ...avec le porte-parole, Normand Toupin, faisait
l'annonce de l'ouverture du COFI à Trois-Rivières. J'officiais
à ce moment-là en tant que président de la
régionale des Vieilles-Forges. Alors, j'étais impliqué au
dossier. Ce sont des faits historiques que j'ai vécus.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Trois-Rivières. Cela devrait mettre fin, je
crois, à la première escarmouche de caractère un peu
partisan de nos délibérations..
M. Boulerice: La vérité n'est jamais partisane, M.
le Président.
M. Godin: La vérité est plus prosaïque.
Le Président (M. Trudel): La vérité semble
être partagée selon le côté de la table où on
se trouve pour le moment, à tout le moins. Mme la ministre, est-ce que
vous avez une remarque finale à faire, s'il vous plaît?
Mme Robic: Je voudrais tout simplement remercier M. Russo de sa
présence ici et, encore une fois, je le remercie de l'ouvrage que son
groupe fait ici même à Québec.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: Moi de même, M. Russo, je veux vous remercier
de votre participation. Il était intéressant d'avoir le point de
vue d'un organisme de Québec, de la ville de Québec, qui, ne
l'oublions pas, est notre capitale nationale ou, pour certains, la capitale
provinciale, mais enfin, il n'en demeure pas moins que c'est une ville
importante.
Le Président (M. Trudel): M. Russo, je vous remercie de
votre présence et de l'échange de vues que vous avez eu avec les
membres de la commission et je vous souhaite Bon succès dans le travail
que vous accomplissez. Merci beaucoup.
M. Russo: Merci.
Le Président (M. Trudel): Nous allons maintenant
accueillir... Est-ce que le député de Saint-Jacques veut une
très courte suspension pour fumer?
M. Boulerice: Vous êtes ignoble, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Je pense que votre terme est un
peu fort. On suspend les travaux pour cinq minutes, de façon à
accueillir le Centre justice et foi à 11 h 15.
(Suspension de la séance à 11 h 10)
(Reprise à 11 h 16)
Centre justice et foi
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaîtï Mesdames et messieurs les députés, si vous
voulez reprendre vos places, s'il vous plaît.
Alors, nous accueillons notre deuxième groupe d'invités de
cet avant-midi, le Centre justice et foi. Le père Julien Harvey est le
directeur et Mme Thérèse Benguerel est responsable du secteur des
communautés culturelles.
En accueillant le père Harvey, j'ai l'impression, par personne
interposée, de rencontrer des gens que j'ai bien connus, ayant eu le
plaisir, l'honneur et même le bonheur de connaître le père
Arès pendant une trentaine d'années. J'ai même
été apparenté par la belle-famille pendant plus de dix ans
avec le père Arès. Donc, je connais bien l'oeuvre accomplie. Je
connais aussi très bien la revue Relations que nous lisons tous,
je pense, depuis presque des générations. On peut dire cela
à mon âge; on commence à parier des
générations qui nous suivent.
Père Harvey, bienvenue parmi nous. Vous connaissez les
règles du jeu. Je vous cède immédiatement la parole pour
des remarques préliminaires qui seront suivies par un échange de
vues avec vous.
M. Harvey (Julien): Merci, M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs. Je remercie M. le Président, d'abord,
de me dispenser de présenter le Centre justice et foi en rappelant que
nous sommes liés depuis très longtemps à des choses comme
la revue Relations et une maison d'édition qui est Les
Éditions Beilarman. Je rappelle que nous avons un secteur des
communautés culturelles qui est dirigé par ma collègue,
Thérèse Benguerel. Je rappelle également que nous ne
sommes pas des intellectuels purs. Nous sommes des intellectuels avec une base
sur le terrain. Ma collègue a été directrice d'un centre
d'accueil des réfugiés immigrants pendant quatorze ans. Elle a
été membre du comité consultatif du ministère et
également je suis moi-même membre du comité du
ministère le ceci.
Notre intervention a un but simple et précis. Nous voulons
appuyer la politique proposée par le gouvernement à l'heure
actuelle qui est d'augmenter notre niveau d'immigration au Québec,
à partir de l'an prochain, d'au moins 5000 personnes par année
et, éventuellement, de 10 000 pour arriver aussi rapidement que possible
à avoir notre part de 26 % de l'immigration comme nous avons 26 % de la
population du Canada alors qu'actuellement, depuis une dizaine d'années,
notre moyenne est de 18 %.
Nous n'avons pas de matériaux secrets à apporter. Nous
utilisons les documents du gouvernement. Nous acceptons dans son ensemble la
commission French qui est produite par votre commission. Nous acceptons le
rapport actuel sur les taux d'immigration de l'année prochaine et dans
deux ans qui a été produit par le conseil du ministère
dont je fais partie et qui propose à peu près la même
chose. Mais la raison pour laquelle nous sommes venus vous rencontrer, et nous
vous remercions de nous accueillir, c'est que nous voulons insister sur une
certaine quantité de points qui nous apparaissent essentiels pour que
cette opération, qui est une opération risquée, ne soit
pas un désastre. Elle peut l'être. Par conséquent, il y a
des choses qui se jouent et qui ne peuvent pas être réglées
par de la simple publicité. Je pense que c'est là notre premier
point.
D'abord, nous nous partageons la présentation rapidement. Je
prends les points 1, 2, 3, 5 et 9 du mémoire que vous avez sous les
yeux; ma collègue prendra les points 4, 6, 7 et 8.
La population est divisée sur la question de l'immigration. Cela
est un fait banal, tout le monde le sait. Consultez CREATEC, consultez SORECOM.
Chez nous, nous nous sommes demandé pourquoi. Je pense qu'il y a
là du neuf. Nous nous en sommes aperçus et nous pouvons le
démontrer. Nous avons d'ailleurs un article, dans le dernier
numéro de Relations, de notre économiste Henri Sader qui
montre que tous ceux qui ont quelque chose à vendre sont en faveur de
l'immigration et ceux qui sont contre l'immigration sont ceux qui ont quelque
chose à perdre financièrement. C'est aussi simple que cela. Le
Québec a plus besoin de consommateurs que de citoyens. Lorsque nous
regardons les faits, tous les organismes qui sont liés au commerce sont
intéressés à avoir plus de consommateurs.
Prenez comme exemple comment les professions au Québec ont
réagi. Je pourrai le préciser dans les questions, si vous le
désirez. Les professions qui sont en compétition avec les
immigrants sont contre l'immigration et contre l'augmentation du quota, du
taux. Ceux qui, au contraire, en profitent sont pour. Les jeunes sont contre
l'immigration parce qu'ils savent très bien que cela augmente leur
chômage et ainsi de suite.
La deuxième réflexion qui est importante, c'est que nous
croyons avoir démontré que la fameuse courbe qui traîne
depuis des années dans tous les rapports du gouvernement
fédéral et qui montre que le chômage n'augmente pas quand
l'immigration augmente est une erreur technique. On prend l'effet pour la cause
et la cause pour l'effet. Quand le chômage baisse, nous augmentons nos
quotas. C'est tout ce que cette courbe qui a paru encore dans la revue
Force, il y a quelques mois, prouve.
La troisième réflexion est que c'est vrai que les
immigrants sont des voleurs de jobs. C'est vrai et, en même temps, c'est
faux. C'est-à-dire qu'à long terme, en macro-économie
desaisonnalisée et dérégionalisée l'immigration est
payante. On l'a prouvé et le travail de M. Polese l'a assez bien
prouvé au moins pour il y a jusqu'à huit ou neuf ans. Mais, quand
on est du côté de ceux qui sont moins riches, moins
spécialisés, on y perd à l'immigration. Par
conséquent, les ouvriers ordinaires ont raison d'être hostiles
à l'immigration parce qu'à long terme le pays va en profiter,
mais "on the long range, we are all dead" comme disait Keynes.
Alors, dans le quartier où je travaille, Pointe-Saint-Charles,
c'est sûr qu'on est hostile à l'immigration parce qu'elle
entretient le chômage, et le chômage des jeunes en particulier. Par
conséquent, nous allons recommander que si nous augmentons l'immigration
il y ait une politique du haut emploi, sinon du plein emploi. Mais je ne veux
pas détailler davantage.
Maintenant, la question des immigrants
investisseurs et entrepreneurs. Nous avons essayé de fouiller
dans ce domaine avec la documentation que vous connaissez. Il y a une
étude de COJPEL, jusqu'à 1984, qui est assez bien faite. Elle
montre qu'il y a trois problèmes. Le premier, c'est une question
d'éthique sociale sur laquelle je ne voudrais pas m'étendre mais
qui fait que nous faisons de la sollicitation d'exportation de capitaux
même dans des pays où l'exportation de capitaux est un
désastre et même où elle est interdite par la loi.
Deuxième point, c'est sûr que les investisseurs apportent
de l'argent précieux. C'est 176 000 000 $ en deux ans, les deux
années dont je vous parle. Maintenant, ils l'investissent pratiquement
toujours en compétition avec les entreprises québécoises,
soit 98,4 %, et surtout en commerce, en agriculture et industrie, en
restauration, à Montréal, dans les textiles et dans le plastique.
Donc, la moitié de ces investisseurs ont investi en achetant une
entreprise québécoise au lieu d'en créer une, soit 50,7 %.
Donc, il y a déjà des problèmes.
Nous recommandons d'insister pour que nos agents à
l'étranger soient plus sélectifs, qu'ils cherchent des candidats
à projets spécifiques et non pas seulement
génériques. C'est le vocabulaire qu'on emploie là-bas, je
crois. Prévoyez, par exemple, que Hong Kong, d'ici à quelques
années, va nous amener abondamment de projets génériques,
mais qu'ils vont être en compétition avec l'entreprise d'ici.
Par conséquent, on a des problèmes et celui qui vient
d'être discuté auparavant, nous le traitons rapidement, soit la
double immigration, c'est-à-dire venir au Québec pour ensuite
passer en Ontario ou aux États-Unis, va continuer d'être un
problème à moins que nous ne le résolvions.
Enfin - je me risque ici sur un terrain périlleux, mais cela me
semble indispensable nous avons une certaine quantité de documents que
vous avez probablement vous autres aussi et qui viennent des revues ethniques,
qui viennent de certains sondages comme la commission Abella, qui montrent que
certains groupes s'intègrent très difficilement sur le
marché du travail. Récemment encore, le dernier rapport que le
gouvernement vient de publier, il y a quelques semaines, qui étudie
malheureusement seulement le recensement de 1981, donc les
caractéristiques socio-économiques de la population
immigrée au Québec, constate que certains groupes ont un
chômage double et, quand il s'agit des jeunes, triple et même
quadruple de celui de la population de base. Trois documents que j'ai
vérifiés récemment montrent que chez les jeunes Noirs,
ceux qui sont à l'âge du travail, vous avez 70 % d'inoccupation;
les Haïtiens ont 20,6 % de chômage à Montréal,
à l'heure actuelle, les Kampuchéens, 18,9 %, les Vietnamiens,
14,3 %, alors que la moyenne est tout de même en bas de 11 %.
Alors, qu'est-ce qu'il faut en tirer? Je pense que, tout en ayant le
souci entier des réfugiés et de l'accueil humanitaire, nous
devons nous pencher assez vite sur cette question et trouver les moyens d'aider
les pays en question autrement qu'en acceptant de forts quotas d'immigration
chez nous, surtout si nous devons augmenter nos quotas.
Finalement, il faut être réaliste, nous sommes des
spécialistes de l'éthique sociale et, par conséquent, nous
essayons d'avoir un coeur. Mais accepter des gens que nous n'intégrerons
pas est une erreur à tous points de vue; par conséquent, s'il y a
une augmentation générale de 5000 et même de 10 000
personnes par année, nous n'osons pas recommander d'élever
simultanément tous les quotas actuels.
Je pense que c'est l'essentiel que j'ai à dire, pour ma part.
Voici ma collègue.
Mme Benguerel (Thérèse): Pour ma part, je voudrais
souligner quelques conditions pour que, dans notre milieu, se développe
une réelle cohésion sociale, alors que nous sommes
confrontés à des cultures très diverses et que, par
ailleurs, notre société cherche encore à affermir sa
propre identité.
Nous croyons qu'il faut plus que maintenir la population, il faut
l'accroître mais par des forces conjuguées, conjointes de la
natalité, de l'immigration contrôlée et aussi de
l'économie des pertes migratoires. L'immigration peut compenser la
dénatalité à la condition d'être continue, comme
nous l'avons montré dans notre mémoire. Il semble bien que les
nouvelles populations acceptent facilement nos modes de vive et que les
natalités, rapidement, ne soient pas plus nombreuses que pour le groupe
d'accueil. Il semble aussi que ces groupes s'intègrent à notre
milieu, à la population d'accueil.
Si nous gardons le statu quo, M. Henripin a établi que, dans 25
ans, la province n'aura alors que l'équivalent d'un sixième des
Québécois qui soient de véritables descendants des
Québécois d'aujourd'hui. Nous serons donc en face d'une
société multi-ethnique très diversifiée et sans
référence possible à un noyau culturel de base solide.
L'immigration doit être contrôlée, c'est certain,
suivant les réalités sociales, économiques et politiques,
mais aussi, le croyons-nou3, suivant les chances d'a'dap-tabilité au
groupe d'accueil. Il nous semble aussi qu'elle doive être
planifiée sur une plus longue période, au moins trois ans, ce qui
permettrait, au fond, de réfléchir plus largement à cette
question très importante des conséquences pour notre peuple. Cela
permettrait aussi une concertation avec les
ministères et les institutions qui sont concernés par les
immigrants et de s'assurer les budgets et combien d'autres choses. Les
consultations annuelles ne peuvent concerner, à notre avis, que les
réfugiés qui font face à des situations d'urgence.
La natalité est le moyen normal, bien sûr, d'assurer la
durée d'un groupe. Nous croyons que des moyens fermes de soutien
financier aux familles devront être assurés. La commission de la
culture avait produit, en 1985, des recommandations fort pertinentes sur ce
point. La population québécoise s'est prononcée aussi
à 63 % pour une politique nataliste comme facteur d'accroissement
démographique. Nous pensons qu'il faut maintenir cette espérance
d'une hausse de la natalité chez nous, même si elle ne se fera
probablement pas très rapidement. Il reste que dans d'autres pays, comme
en RDA, une assistance financière substantielle aux familles a permis
d'accroître le volume des naissances de façon significative. (11 h
30)
II y a le solde migratoire que nous voulions aussi souligner, ce solde
migratoire négatif depuis 20 ans à l'exception peut-être
des deux dernières années. Le Québec est toujours une
terre de passage vers les provinces anglophones et les Etats-Unis. Il faudrait
vraiment que des études soient faites sur les causes de ces
départs, elles ne sont peut-être pas seulement d'ordre
économique.
L'acceptation des immigrants dans les milieux où ils sont compte
pour beaucoup. Aussi, du fait que nous ne sachions peut-être pas assez
bien reconnaître leur compétence sur le plan professionnel
ailleurs, on trouvera à utiliser ces compétences plus
facilement.
Il nous semble aussi pensable de prévoir que les nouveaux
arrivants qui choisiront de vivre au Québec pourraient s'engager
à y demeurer au moins cinq ans; j'allais dire plutôt,
jusqu'à l'obtention de leur citoyenneté. Nous voulons que les
citoyens canadiens aient plus de mobilité et je pense qu'une
période de cinq ans pour obtenir la citoyenneté serait
souhaitable. Cela pourrait permettre aux gens de prendre goût, de prendre
racine davantage au Québec que d'être tenus d'y demeurer,
d'apprendre la langue et d'y vivre un temps.
Au niveau des relations entre les groupes ethniques et avec la
communauté d'accueil, il est difficile d'en traiter. L'immigration a
changé au Québec. Elle est davantage visible et nous met en
présence de peuples aux cultures, aux politiques et aux croyances
religieuses fort éloignées de la communauté d'accueil.
De plus en plus, dans les journaux, dans les revues, on peut lire des
articles où an prendra position pour que la cohésion et la paix
sociale soient passibles par la compatibilité. Il ne s'agit surtout pas
d'établir des seuils de tolérance, mais de développer
beaucoup d'information auprès de la population d'accueil et d'avoir
aussi certaines attentes claires face aux nouveaux arrivants quant à
l'apprentissage, à la vie française ici, à nos modes de
vie, nos coutumes, nos pratiques face à la loi, face au commerce, de
manière qu'une acceptation, une estime mutuelle se développe.
Je reviens à cette idée de compatibilité qui est
difficile à traiter, mais on sent de plus en plus que la population
souhaite que les nouveaux arrivants s'intègrent à la vie
culturelle, à la vie linguistique, à la langue française
qui est celle de notre province. Ils ont le droit aussi, les
Québécois, de pouvoir compter sur les institutions pour la
défense même de ces réalités.
Cette intégration linguistique culturelle des
réfugiés, des immigrants, elle est soutenue par les structures
d'accueil mises en place. Il faudrait aussi, je pense, développer des
programmes d'éducation interculturelle, d'éducation aussi sur la
culture québécoise proprement dite, nos valeurs, faire
connaître davantage ce que nous sommes aux gens qui viennent vivre ici,
soutenir aussi financièrement des organismes qui s'occupent
d'éducation interculturelle, qui luttent contre le racisme, qui font la
promotion des droits humains, de leur respect.
Je pense que si nous demandions aux communautés ethniques de
fournir elles-mêmes les montants nécessaires, par exemple,
à l'enseignement des langues étrangères au lieu de
soutenir nous-mêmes des programmes par des subventions à des
écoles à forte densité ethnique pour plutôt investir
encore une fois dans la population, plus largement, dans un but
d'éducation à ces autres civilisations qui viennent vivre chez
nous et d'ouverture sur le plan international... Bien sûr, nous aussi,
nous sommes très conscients de ces deux pays qui sont à se
constituer au Québec avec cette forte concentration de nouveaux
arrivants à Montréal. Il faudrait certainement étudier
encore une fois les causes de tous ces départs et développer des
conditions familiales, économiques, sociales où les nouveaux
arrivants pourraient vivre dans des villes sans doute un peu moins importantes,
mais où il y aurait des universités, où il y aurait des
industries en nombre suffisant.
Il me semble - je n'ai pas de chiffres -qu'à Sherbrooke, à
Québec, même à Drummondville, on peut voir qu'il y a
là des groupes ethniques qui ont pris racine. Ce sont des villes un peu
plus grandes, un peu plus populeuses.
La situation des réfugiés est particulière. Nous ne
l'avons pas distinguée, dans notre communiqué, bien qu'il soit
bien évident que les critères de sélection à leur
endroit ne doivent pas être les mêmes que
pour les immigrants, vu leur situation de détresse. Nous voulons
insister sur des programmes de sensibilisation, d'éducation de notre
public, de notre population sur l'apport positif des immigrants et des
réfugiés à notre communauté.
Je vous remercie.
Le Président (M. Trudel): Merci. Est-ce que ça va,
père Harvey? Je vous remercie et je vais reconnaître Mme la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.
Mme Robic: Alors, père Harvey, Mme Benguerel, je vous
souhaite la bienvenue à notre commission et vous remercie d'avoir
accepté d'y participer. Vous nous dites que vous seriez d'accord pour
voir le gouvernement développer une politique de population et qu'il
serait impartant également d'avoir des études sur les
phénomènes migratoires, surtout en ce qui concerne l'immigration.
Je suis absolument d'accord avec vous: nous devons faire ce genre
d'études.
Je vous avoue, père Harvey, que vous me surprenez un peu. Vous
avez raison. Dans l'étude que nous venons de publier, vous regrettez que
nous ayons employé des statistiques de 1981, mais vous comprendrez que
nous n'avons pas encore les chiffres du recensement de 1986; ça prend
toujours quelques années avant de pouvoir avoir les chiffres pour faire
ce genre d'études. Vous pouvez être assuré que nous
continuerons, que nous ferons la même étude quand nous aurons les
chiffres disponibles pour le recensement de 1986.
Vous mentionnez qu'un certain nombre de personnes venant d'un certain
groupe de pays ont plus de difficulté à s'intégrer,
à trouver de l'emploi. Vous nous suggérez que la solution, c'est
peut-être de ne pas les recevoir chez nous. Je voudrais vous faire
remarquer que les pays dont on parle, ce sont des pays de
réfugiés. Ce sont des réfugiés qui nous viennent de
ces pays-là, pour la plupart. Il y en a un, en particulier, en ce
moment, où l'on fait de la réunification de familles. Je me
demande si vous croyez qu'il est mieux de laisser ces réfugiés
dans des camps, par exemple, dans des camps en Thaïlande? Je crois que
votre consoeur, soeur Denise Laine, ne serait pas tout à fait d'accord
avec vous. Elle arrive d'une tournée, elle a été assez
éloquente hier. Est-ce que vous ne croyez pas - je ne suis pas contre
les programmes de rétablissement et, d'ailleurs, le gouvernement du
Québec subventionne ce genre de programmes pour les personnes qui le
veulent - que celles qui demandent de venir chez nous ne devraient pas
être accueillies et qu'elles aient les structures nécessaires en
place pour les aider? On sait qu'elles ont des problèmes
d'intégration qui sont plus grands que d'autres. Ce sont de nouvelles
communautés, elles sont petites, elles ne sont pas établies,
elles n'ont pas le support des plus anciennes communautés. Ce sont
souvent des minorités visibles - il faut être honnête - et
cela cause un problème additionnel pour ces personnes. Ne croyez-vous
pas qu'il serait plus opportun de les traiter comme un groupe prioritaire qui a
besoin de plus d'aide et qu'on devrait mettre en place des programmes justement
pour leur permettre de s'intégrer, de travailler et de devenir des
Québécois à part entière?
M. Harvey: Mme la ministre, je suis d'accord avec une partie de
votre observation en ce sens que nous avons un devoir humanitaire
sérieux à l'égard des pays qui produisent ces
réfugiés. Là, il n'y a pas le moindre doute.
Deuxièmement, il faut, je pense, distinguer entre les
réfugiés et les immigrants qui viennent de ces pays. En
particulier, il y a quand même un bon nombre de personnes qui ne sont pas
des réfugiés, qui viennent des trois pays que j'ai nommés.
A ce moment-là, mon observation porte sur ceux qui viennent autrement
que comme réfugié d'abord. Il est sûr qu'il faut avoir le
même respect de la situation authentique de réfugié, selon
la définition de la Convention de Genève, pour quelque personne
que ce soit, de quelque milieu que ce soit; pour cela, il n'y a pas de doute.
À ce moment-là, on fera l'effort qu'il faut après pour
l'intégration.
Mais l'observation que je fais porte sur l'autre côté,
celui qui est plus près de l'immigration ordinaire et qui nous
apparaît un problème réel qu'on peut résoudre
autrement, en aidant ces pays à aider leurs gens chez eux plutôt
que de les amener chez nous pour que nous arrivions à des
difficultés réelles. Par exemple, il faut être bien francs,
une série de vieilles idées sont en train de passer, comme vous
le savez, à propos de la criminalité, par exemple. Il y a des
études parallèles en Europe, très bien faites, sur la
criminalité de la deuxième génération dans les
familles de chômeurs perpétuels. Si on a un refus par les
Québécois d'intégrer les gens, on fait un moindre mal en
restreignant l'arrivée de ces mêmes personnes. Les
Québécois ne sont pas des anges, n'est-ce pas? Il faut... Cela ne
sert à rien. Il ne faut pas introduire la question du racisme ou de la
discrimination là-dedans. Si on prend les décisions au sommet ou
dans certains milieux intéressés davantage à l'immigration
comme les milieux économiques, à ce moment-là, on joue un
mauvais tour à la population. Je crois qu'il faut absolument en tenir
compte même s'il y a quelque chose de désagréable
là-dedans et qui peut peut-être même paraître immoral.
Une fois qu'on a satisfait à notre devoir à l'égard des
réfugiés authentiques et des cas humanitaires, il faut
restreindre le quota des
personnes qui ne s'intègrent que très difficilement.
Mme Robic: Vous nous dites qu'il faudrait que l'on mette un X sur
certains pays parce que les gens qui entrent ici comme immigrants doivent
répondre à une grille de sélection; donc, qu'ils viennent
de n'importe quel pays au monde, qu'ils demandent de venir comme immigrants
reçus, ils doivent répondre à une grille. Donc, ces
personnes... Vous nous dites qu'il faudrait faire une certaine discrimination
et vous prétendez que nous ne devrions pas leur permettre, malgré
qu'ils répondent à une grille, de venir s'installer ici. Les
difficultés...
M. Harvey: II est évident que les Québécois
n'intègrent pas les gens à partir d'une grille, alors...
Mme Robic: Bien...
M. Harvey: Et le processus de l'éducation m'apparaît
déjà assez long pour montrer qu'il ne changera pas si facilement
qu'on le croit. L'introduction de cultures profondément
étrangères, comme l'a dit ma collègue il y a un moment,
nous apparaît un problème réel. Nous sommes l'un des
premiers pays du monde à essayer cela, à introduire 50 % de
personnes qui ne sont pas de culture indo-européenne, par exemple, dans
les dernières années. Il n'y a pas d'autres pays qui ont fait
cela sauf, évidemment, si l'on considère - ce que je n'accepte
pas - que nous sommes tous des immigrants. Quand on dit: Voilà, il est
bien sûr que lorsque les francophones sont arrivés ici ou les
Anglais et la même chose en Australie ou en Nouvelle-Zélande...
Mats ce ne sont pas des phénomènes analogues au nôtre. Nous
ne sommes pas tous des immigrants.
Mme Robic: Alors, ce serait... Je pense que vous avez raison, ce
n'est pas une grille que l'on choisit, c'est une personne, mais la personne qui
répond à une grille a été préparée en
rapport avec la facilité que cette personne aura à être
employée, à travailler, ses compétences et ses
capacités d'adaptation. Je vous avoue que vous me surprenez un tout
petit peu.
Vous parlez... (11 h 45)
M. Harvey: Est-ce que je puis ajouter une chose, Mme la ministre?
Une bonne partie des personnes qui me semblent causer des problèmes,
d'après l'expérience que j'en ai, n'ont pas été
sélectionnées avec la grille, mais elles sont venues à
travers la famille et, à partir de deux personnes
sélectionnées ou une personne sélectionnée avec la
grille, dix, onze, douze, treize ou quinze autres sont venues qui n'y
correspondent pas.
Par exemple, sur la question de l'analphabétisme à
Montréal, vous allez vous apercevoir qu'une grande partie de
l'analphabétisme croissant de Montréal provient de ça, du
fait que les parents, les grand-parents, les oncles, les tantes et les enfants
mineurs sont des analphabètes, alors que les autres avaient un haut
niveau d'éducation. C'est comme ça que le problème est
causé.
Mme Robic: Alors, vous n'êtes pas d'accord, comme tous les
groupes qui ont passé avant vous, pour élargir la
catégorie famille?
M. Harvey: Non, je le regrette beaucoup, mais je ne le suis pas
et pour une raison très précise. C'est que l'arrivée au
Canada suppose une convergence culturelle et, dans la convergence culturelle,
il y a la notion de la famille. Nous avons dépassé ou nous avons
changé, enfin... Nous ne vivons pas en clan et nous ne vivons pas non
plus avec la grande famille de beaucoup de traditions d'autres continents.
Mais, en arrivant chez nous, il faut accepter la famille canadienne ou
québécoise comme on accepte le droit civil et le droit criminel
et les lois sur le port d'armes et ainsi de suite. C'est un minimum de
convergence culturelle. À ce moment, non. C'est notre notion de la
famille appliquée de façon souple, je dirais, mais qui ne
comprend pas toute la famille d'autres cultures.
Mme Robic: Soeur Benguerel, vous avez parlé tout à
l'heure de la nécessité de sensibiliser la société
d'accueil à la venue d'immigrants et de réfugiés. Dans vos
recommandations et, d'ailleurs, dans un article qu'écrivait le
père Harvey dans Le Devoir au mois de mars dernier, vous parlez de
publicité unilatérale et intéressée. Vous parlez du
projet récent d'une grande campagne commercialisée. Je ne sais
pas exactement ce que vous vouliez dire par ça, parce qu'on n'a jamais
eu l'intention de faire ce genre de campagne, alors je ne sais pas où
vous aviez pris votre information.
Le Conseil des ministres m'avait cependant donné le mandat,
justement, de sensibiliser la population à l'apport de l'immigration. Je
vous avoue qu'on espère que ce genre de commission aidera à
sensibiliser la population. Mais je vous avoue que j'aimerais avoir vos
idées là-dessus parce que je me pose encore la question. Comment
peut-on faire des campagnes efficaces? Appelez ça "campagne",
"sensibilisation", "publicité" ou "éducation", mais j'aimerais
vous entendre sur les façons de sensibiliser et d'éduquer la
population.
Vous savez, nous avons ajouté à nos programmes un volet
interculturel. Mais
comment peut-on peut faire ce joint entre la communauté, la
société d'accueil francophone et les nouveaux arrivants?
Mme Benguerel: C'est une question qui est difficile, en fait,
mais, je pense, à laquelle s'attaquent déjà plusieurs
groupes. Je suis en contact, par exemple, avec une association pour
l'éducation interculturelle qui regroupe des gens des
universités, très souvent, qui font des recherches dans ce
domaine, les relations interethniques. Ils ont, c'est certain, pour le moment,
comme objectif premier - on le sent - de travailler auprès des jeunes
dans les écoles, même aux niveaux secondaire et
collégial.
Il y a déjà, d'ailleurs, au ministère de
l'Éducation du Québec, un programme d'éducation
interculturelle qui est assez avancé mais pas encore appliqué
dans nos écoles.
À partir de l'expérience qui se vit surtout en milieu
scolaire, je crois qu'il y a beaucoup de recherches et de travaux qui se font.
Mais, sur le plan communautaire, c'est moins avancé; on le sent.
Il reste qu'il y a des groupes qui, soit par des conférences ou
des écrits, éveilleront les gens à cette
réalité et feront entendre des groupes qui ont déjà
une expérience assez grande - je pense à des groupes comme
Monchanin - et d'autres qui sont peut-être plus proches des
communautés de quartier pour développer des relations qui soient
correctes et eompréhensives entre voisins. Mais je pense que c'est
beaucoup au niveau du quartier que des choses peuvent se développer.
C'est important que dans les premiers services d'accueil il y ait une
présence québécoise. Je sais combien c'est important, dans
les groupes ethniques, qu'il y ait des gens de leur propre pays pour vraiment
les bien comprendre et leur présenter notre milieu, mais en même
temps il faudrait, à mon avis, qu'il y ait aussi des
Québécois d'origine française, d'ici, pour vraiment
représenter nos valeurs, ce que l'on est et le reste. À ce
moment-là c'est très important que les gens ne soient pas
reçus uniquement, à mon sens, par leur ethnie.
Dans un deuxième temps, que l'on développe certains
services pour qu'au plan interculturel il y ait des échanges. C'est sans
doute encore dans ces mêmes centres communautaires ou groupes et
quartiers que les choses se développent. On commence à faire des
choses, c'est vrai. Souvent, c'est sous forme de conférence et, donc, de
façon peut-être moins immédiatement pratique que le bon
voisinage, ou des fêtes de quartier et le reste. Mais, pour tout de
suite, la population doit prendre conscience de ce fait, mais d'une
façon positive, comme un enrichissement. Et on doit mettre en valeur
tout ce que nous apportent les communautés ethniques au plan du
commerce, de l'industrie, de la création d'emplois et de la culture.
À Montréal, on peut voir que déjà il y a quand
même une ouverture d'esprit plus grande, une tolérance qui s'est
développée. On ne peut pas parler de racisme à
Montréal. On a toujours un peu peur des gens nouveaux, des
étrangers, mais ce n'est pas vraiment du racisme. Il y a Montréal
où on a quand même amélioré les relations qui ne
sont pas encore gaspillées, je pense, et le reste de la province
où il faudrait que l'on évolue un peu au même rythme.
Le Président (M. Trudel): M. Harvey.
M. Harvey: J'aimerais ajouter un mot à ce que ma
collègue vient de dire et qui m'apparaît une position très
ferme du groupe que nous représentons ici. Le premier point qui nous
apparaît très clair, c'est que le niveau scolaire est fondamental
et surtout le niveau scolaire jeune: élémentaire et secondaire.
Si on touche d'un peu plus près la CECM, on s'aperçoit que les
tensions raciales augmentent à mesure que l'âge avance. Ce sont
les petits qui s'entendent le mieux. Les batailles d'école qu'on a
déjà eues dans plusieurs quartiers ont été à
partir du secondaire V surtout et ensuite plus tard.
Deuxièmement, nous croyons aussi, comme Thérèse
vient de le dire, que l'aide aux groupes d'intégration avec la
population d'accueil au point de vue financier, au point de vue appui
gouvernemental, est certainement aussi importante que l'appui aux groupes
ethniques pour qu'ils conservent leur culture et leur langue, etc. Cela nous
apparaît vraiment essentiel.
Troisièmement, il y a en arrière de cela - et je regrette
de citer M. Trudeau -le fait que le multiculturalisme fédéral tel
qu'il est présenté depuis 1971, à la suite de
l'échec partiel de la commission B et B et de la résistance
à l'acceptation des deux langues officielles et des résultats du
tome IV de la commission Laurendeau-Dunton, a amené le gouvernement
fédéral à capituler devant les provinces de l'Ouest. Il
faut être très clair, c'est démontré, c'est
accepté par des commissions fédérales. Je pense à
celle sur "L'égalité, ça presse!". Seulement à lire
les cinq premières pages, c'est clair. À ce moment-là,
essayer de réaliser au Québec le multiculturalisme défini
par le gouvernement Trudeau m'apparaît quelque chose de terriblement
dangereux et l'affirmation d'une convergence culturelle, l'affirmation de la
culture québécoise ouverte mais traditionnelle m'apparaît
indispensable. Autrement, je suis d'accord avec le vieux Henripin quand il dit
qu'aucun pays n'a jamais vécu un multiculturalisme nulle part. Il y a
toujours eu une culture de base, souple, accueillante, mais une culture de
base.
Le Président (M. Trudel): M. le député
de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Père Harvey, Mme Benguerel, je pense que
votre mémoire a le courage de dire des choses qu'on
préfère peut-être garder sous silence actuellement. Vous
avez dit: Les Québécois ne sont pas des anges. Je pense qu'on
aimerait bien être des anges avec les qualités que cela donne sauf
que, lorsque nous avons réclamé cette commission parlementaire,
on était bien au courant des enjeux, des choses qui étaient dites
officiellement mais, par contre, des conversations, comme on dit en bon
québécois, de snack-bar ou de taverne qu'on peut facilement
entendre quand on se promène à Montréal et qu'on
écoute mais qui sont très souvent liées sans aucun doute
à l'ignorance et à la peur d'autrui.
Quand on recommandait cette commission, quand on l'exigeait, je pense
qu'on était tous - et on l'est encore - très convaincus que
l'immigration est bénéfique au Québec dans le contexte
qu'on connaît. Sauf qu'il faut réussir l'immigration. Si, par
l'immigration, on se contente de relever un nombre, l'élément
quantitatif de la population au Québec, si on se contente de
régler uniquement ce problème mais que, par inadvertance, parce
qu'on ne l'a pas bien planifiée, on" ne l'a pas bien pensée, on
se retrouve avec d'autres problèmes qui pourraient être
engendrés, à ce moment, on risque peut-être d'arriver
à ce krach que certains connaissent. Si on n'est pas des anges, cela
veut dire qu'il peut peut-être se réveiller de vieux
démons. Je ne souhaiterais pas qu'une politique de l'immigration au
Québec - à laquelle je crois - mais mal faite, mal
planifiée, mal sentie, mal ressentie par l'ensemble de la population
fasse en sorte qu'on se retrouve avec un phénomène aussi
désolant, aussi triste que le phénomène Le Pen qui est
vécu en France actuellement et qui est épouvantable à mes
yeux. Je pense que c'est une cicatrice à la face de la France que
d'avoir actuellement un tel personnage avec un tel discours qui est
véhiculé et qui trouve malheureusement un écho.
Je pense que vous nous faites en définitive certaines mises en
garde. Il faut éviter l'impression que laisse votre mémoire.
À la première lecture, on peut peut-être être
tenté de dire que vous avez des réticences, que vous êtes
contre, etc. Mais je pense bien que c'est faux. Je pense qu'il faut faire une
lecture très attentive. Je pense qu'au contraire vous êtes
très favorables sauf que vous nous mettez en garde, effectivement: la
chose est trop sérieuse pour qu'elle soit faite de façon
précipitée, de façon bâclée et
qu'après on se retrouve avec de nouveaux problèmes qui auront
été créés par un premier problème qu'on
voulait résoudre.
C'est pour cela que j'ai parlé du courage de dire des choses
qu'on préfère peut-être garder sous silence.
Vous en avez parlé, et je le vois dans la série de vos
recommandations, vous avez commencé à en donner un
élément, mais j'aimerais vous voir l'expliquer davantage un peu,
père Harvey. Vous dites à la recommandation 2: "Nous recommandons
une réaffirmation de la politique de convergence culturelle...". Quelle
notion très précise donnez-vous à cette convergence
culturelle? (12 heures)
M. Harvey: Je ne sais pas si je vais aussi dire une autre chose
qu'on ne doit pas dire mais c'est la définition qu'en donnait le
ministre Camille Laurin. C'est très simple. C'est qu'un pays a une
âme, un pays a une façon de vivre, il a un art de vivre. À
ce moment-là, c'est cela qui dirige son aventure dans l'histoire.
Essentiellement, si vous voulez plus... Je n'ai pas le temps d'expliquer ce que
vous me demandez là, mais à un congrès sur le
multiculturalisme en Ontario nord, l'année dernière, j'ai
essayé de définir ce qu'était une convergence culturelle
en montrant qu'il y a au moins neuf éléments fondamentaux dans
une culture, et non pas seulement une langue, et qu'on ne peut pas
séparer une langue d'une culture sauf pour des raisons purement
mathématiques ou quelque chose du genre.
À ce moment-là, la convergence culturelle, c'est le fait
que nous ayons une conception démocratique de la vie alors qu'une grande
partie de nos immigrants n'en ont pas. Ils viennent de pays totalitaires qui
les ont formés et qui les ont formés de façon très
souvent à peu près irrémédiable. Ils vont demeurer
totalitaires le reste de leurs jours. Regardez comment les choses se passent
à l'intérieur de certains groupes ethniques. Je suis payé
pour le savoir moi-même, ayant été dans des questions comme
les médias. Dans les groupes ethniques, il n'y en a à peu
près aucun venant de pays totalitaires qui n'est pas totalitaire
lui-même et qui se fractionne. Par conséquent, il n'accepte pas
d'opposition, etc.
Deuxièmement, nous sommes un pays où nous avons
défini une façon d'être entre nous qui n'est pas des
ghettos superposés, mais qui a une certaine communication. Alors, dans
la mesure où on vient ici en pensant qu'on peut demeurer dans un ghetto,
continuer de parler une langue étrangère, continuer de n'avoir
des relations qu'avec ses anciens compatriotes et ne considérer comme
son vrai pays que celui dont on vient, ceci est aussi une chose qui est contre
la convergence culturelle. Évidemment, je prendrai des exemples dans
beaucoup de détails par la suite. Nous avons une promotion
féminine qui est en cours ici. Nous ne pouvons pas accepter qu'un groupe
ethnique aille contre cela et considère les
femmes de son groupe selon les catégories d'autres cultures que
nous n'acceptons pas et où la femme est une esclave ou, enfin, une
personne inférieure. Ceci est essentiel pour moi. Nous avons toute une
série de choses plus en détail sur certains points. Nous avons un
respect de l'ordre, nous avons un respect de l'hygiène. Ces choses
doivent être acceptées. On ne peut pas créer un ghetto de
malpropreté dans un pays qui fait un effort pour être
raisonnablement propre. C'est ce que j'appelle une convergence culturelle. Il y
a une priorité de la culture d'accueil qui fait qu'il faut au moins
avoir une certaine estime.
Nous avons commencé un travail - ce sera pour votre prochaine
commission - sur le racisme antiquébécois dans un certain nombre
de groupes ethniques. Il est très fort. Il y a quelques études de
faites. Il y en a une sur la communauté libanaise qui date
malheureusement de dix ans. Il y en a une sur la communauté italienne,
de M. Bergevin, qui date d'à peu près quinze ou seize ans. Mais
ce phénomène du racisme antiquébécois est un
problème réel dont on ne parle pas aussi et qu'il va falloir
aborder. Il y a des gens qui considèrent qu'il n'y a pas de culture
québécoise.
Pensez simplement à La Presse de la semaine dernière
où M. Foglia, qui est un chroniqueur estimé et qui m'amuse
beaucoup, répète régulièrement qu'il n'y a pas de
culture québécoise. Il l'a dit à la fin de son article
intitulé "Nice people". C'est un phénomène qui est
courant. La revue Vice-Versa pose le problème
régulièrement: il n'y a pas de culture québécoise,
il va y en avoir une par "transculturation" lorsque toutes les cultures qui
agissent autour de nous se seront mélangées et auront
créé un nouveau type d'homme. Je trouve cela inacceptable. Il y a
une culture québécoise avec, sans doute, ses défauts comme
toutes les cultures, mais nous devons l'affirmer et l'affirmer de façon
ouverte, pas de façon totalitaire pour que d'autres cultures puissent
s'y intégrer de façon convergente. Est-ce que cela répond
à votre question?
M. Boulerice: Oui. Je vous remercie, père Harvey. J'aurais
bien d'autres questions à vous poser, mais mes collègues me font
signe qu'ils aimeraient bien participer au débat. Je pense qu'ils y ont
bien droit. Alors, je vais...
Le Président (M. Trudel): Est-ce que c'est M. le
député de Mercier ou Mme la députée de
Maisonneuve?
M. Boulerice: Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Vous m'indiquerez à quel moment je dois cesser
pour que mon collègue, le député de Mercier...
Le Président (M. Trudel): Alors, vous allez me dire de
combien de temps votre collègue, le député de Mercier, a
besoin.
Mme Harel: De combien de temps disposons-nous maintenant?
Le Président (M. Trudel): Celle qu'on appelle Mme Big Ben
en arrière...
Mme Harel: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Trudel): ...pas sur le plan physique mais
parce qu'elle tient le temps...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Trudel): ...va vous dire cela. Il vous
reste douze minutes et quelques secondes.
Mme Harel: Alors le député de Mercier aura
certainement l'occasion d'intervenir.
D'abord, je veux vous remercier de votre franchise. Je pense qu'on a
intérêt ici à aller, d'une certaine façon,
lucidement, sereinement au fond des choses. C'est évident que, parfois,
les bons sentiments provoquent l'effet inverse de celui qui est
recherché. En d'autres termes, il est souvent communément dit que
les bons sentiments ne font pas de bonnes politiques. Dans votre domaine,
étant entendu que vous connaissez la question, semble-t-il que l'enfer
est aussi pavé de bonnes intentions. Donc, de là à penser
que le ciel serait peut-être autrement, il n'y a pas un pas à
franchir. Tout cela pour vous dire rapidement que la réalité qui
est décrite par les sondages est vraie, mais celle que vous nous
transmettez l'est aussi. Je pense bien que pour tout Montréalais, quel
qu'il soit, c'est à tous les jours des manifestations que l'on entend et
qui ne viennent pas que des Québécois de souche ou d'origine
canadienne-française. Avant-hier, j'étais dans un taxi conduit
par un Noir haïtien; on parlait beaucoup de son métier. Il me
disait: Vous savez, madame, je ne prends jamais un Noir jamaïquain, parce
que, me dit-il, ils sont violents, etc. Vous voyez, l'éducation
interculturelle, cela ne doit pas se faire seulement avec les
Québécois de souche. Je vous assure avoir vécu vraiment
une expérience personnelle lorsque ma jeune fille, qui est en
deuxième année d'école primaire, est rentrée en me
disant... Elle est dans une école multiethnique, je l'ai voulu comme tel
pour
lui donner cette dimension que je n'avais pas connue. Elle était
très malheureuse parce qu'elle avait été mise en demeure
par ses petites amies d'origine méditéranéenne de choisir
entre elles ou ses amies haïtiennes. C'est elle qui se trouvait en
situation de choix; donc, c'est là que j'ai compris que
l'éducation interculturelle ne doit pas se faire qu'avec les
Québécois de souche, elle doit se faire avec l'ensemble des
communautés culturelles.
Pendant le peu de temps où j'ai été ministre de
l'Immigration, certains groupes de communautés culturelles me faisaient
des représentations pour limiter l'accès d'autres groupes de
communautés culturelles. Là, j'ai bien compris qu'on était
tous appelés à une sorte d'éducation interculturelle et
qu'il n'y avait pas d'état de grâce pour personne, d'une certaine
façon, dans notre société.
Évidemment, les exemples, à Montréal, peuvent se
multiplier. Je suis dans le comté, je vous le disais, le plus
francophone de l'île de Montréal et le plus ouvrier,
c'est-à-dire celui qui comprend le plus grand nombre de chômeurs.
Je dis souvent que c'est la Gaspésie de Montréal. C'est une
perception qui est de l'ordre de la réalité quand les
ouvrières viennent me voir en disant: La seule façon de se faire
engager dans des manufactures du comté, c'est de se mettre à la
porte en disant: No hablo inglés, no hablo francés. C'est de
cette seule façon que l'employeur va s'assurer que c'est une
immigrée qu'il peut engager et qu'à ce moment-là, c'est
quelqu'un qui est moins susceptible de faire valoir les droits que nos lois
devraient amener à faire valoir.
Alors, ce n'est pas simple, évidemment, et je ne veux pas
multiplier les exemples. C'est évident que chacun d'entre nous pourrait,
avec une suite indéfinie, le faire. La question, c'est: Quelle sorte de
plan d'action faut-il avoir? Vous nous dites: II y a, par exemple, des
difficultés d'accès à l'emploi pour des jeunes de
minorités visibles. Comme parlementaire, je dois vous dire que c'est la
première fois... Peut-être aurais-je dû lire des rapports
auxquels je n'ai pas eu accès. Je sais que chez les jeunes, c'est
déjà difficile d'avoir des emplois au Québec, donc, c'est
doublé, triplé et quadruplé pour eux. Alors, est-ce qu'il
y a un plan d'action à mettre en oeuvre pour que l'on puisse faire face
à cette réalité particulière? C'est évident
que pour un jeune d'une minorité visible qui est sans emploi, c'est mal
commencer sa vie active dans notre société avec les
conséquences qui s'ensuivent.
C'est une question de mesures de redressement. Est-ce qu'il y a de ces
mesures? Est-ce qu'il y a un plan d'action? On a intérêt à
ne pas cacher les choses parce qu'on dit souvent que les problèmes qui
ne sont pas réglés par les visions généreuses des
personnes dites de gauche passent souvent au profit du contrôle
d'idées de droite, d'une certaine façon. Alors, on a
intérêt à se poser les vrais problèmes. La question:
Est-ce que vous pensez qu'il y a des plans d'action qui peuvent être mis
en place? Est-ce que c'est limiter l'accès avant même que les
personnes viennent s'installer ici?
Comme vous le savez, la catégorie des réfugiés, qui
est une catégorie importante, et celle de la réunification des
familles représentent 60 %, c'est le total à peu près des
deux - de notre immigration. Donc, le total de notre immigration,
au-delà de la majorité de ceux que nous recevons, ce sont des
gens qui ne passent pas par la grille de sélection. Alors, quels sont
les...
M. Harvey: Je n'ai pas beaucoup d'autres choses à offrir
que le projet nord-américain de la discrimination positive. Qu'est-ce
qu'il vaut au Québec? Là, je ne parle pas d'entrer dans les
secrets du conseil du ministère en disant que nous sommes entrés
dans cette veine-là, mais avec un petit peu de réticence. Ce
n'est pas une idée latine, cette idée de la discrimination
positive.
Je suis allé en Europe, il y a deux mois, pour rencontrer des
gens du conseil de l'Europe qui travaillent à l'immigration, le projet
7, et ils ont été très amusés rien qu'à
l'exposé de la discrimination positive, que les méthodes d'emploi
du gouvernement font une discrimination, à compétence
égale, en faveur d'une femme par rapport à un homme, d'une
personne jaune ou noire par rapport à une personne blanche, d'une
personne de Terre-Neuve par rapport à une personne du Québec,
d'un handicapé par rapport à quelqu'un qui ne l'est pas. Ils ont
dit: Ce sont des idées bien étranges. Chez nous, on est beaucoup
plus compétitifs que cela et on ne croit pas à ces
choses-là parce qu'on croît que cela crée plus de tension
que cela n'en résout. Bon, maintenant, je leur laisse cela.
Chez nous, je suis porté à penser que cela a un peu de
chance de réussir à condition que ce soit appliqué de
façon très honnête, d'abord, parce que vous savez que cela
peut causer de drôles d'ennuis. Quand vous avez un concours
gouvernemental et qu'une personne qui correspond à une des quatre
données de discrimination positive se présente pour un poste sur
la Côte-Nord où tout le monde est francophone et qu'on
découvre, à l'autre bout, qu'elle ne sait pas écrire le
français, ce qui n'est pas un objet de discrimination positive, on va
avoir un problème sur les bras plus grave que celui qu'on a
résolu.
Donc, si on applique la discrimination positive de façon
intelligente, moi, je pense que c'est valable. Ce serait ma réponse,
je
n'ai pas d'autres panacées que celle-là. En même
temps, je vous rappelle que mon idée de convergence culturelle
appliquée à l'école est très proche de la
commission Berque, française, qui dit que la 'meilleure façon
d'assurer l'égalité des chances, pour un jeune immigrant ou une
jeune immigrante, c'est de lui donner la culture du pays d'accueil le mieux
possible. Ce n'est pas en continuant d'en faire quelqu'un de très
cultivé en grec ou en chinois ou en vietnamien qu'on va l'aider le plus,
c'est en en faisant quelqu'un d'impeccablement québécois, en
termes de ressources, de connaissance de la langue, de connaissance des
compétences de base. C'est mieux d'être très fort sur un
ordinateur que de savoir beaucoup de choses sur sa culture d'origine, surtout
dans l'hypothèse où le retour est de moins en moins
fréquent. L'idée du retour au pays natal est en baisse,
d'après les statistiques que nous avons.
Mme Harel: Père Harvey, pour terminer...
Le Président (M. Trudel): II vous reste moins de quatre
minutes pour votre collègue et vous.
Mme Harel: Oui, moins de quatre? Alors, à peine
peut-être pour, en peu de temps, aborder cette question du
multiculturalisme. Vous nous dites de toute façon, contrairement au
rapport Laurendeau-Dunton qui prônait le bilinguisme et le
biculturalisme, que le gouvernement fédéral a retenu le
bilinguisme, mais a capitulé devant le biculturalisme et a
préféré la notion de multiculturalisme de manière
à noyer - en tout cas, je pense qu'on peut en conclure ainsi
certainement - cette question du biculturalisme. Et vous nous proposez cette
notion de convergence.
Vous pensez qu'il y a comme un marché des cultures et que c'est
toujours la plus forte qui va l'emporter s'il n'y en a pas une qui se donne
comme projet, dès le départ, d'y parvenir. J'imagine un
peu...
M. Harvey: Remarquez bien qu'on pourrait envisager cela. Pensez
à l'équipe de la revue Vice-Versa que j'ai citée,
c'est clairement leur attitude: c'est le marché ouvert des cultures et
que le meilleur l'emporte. Si la culture québécoise est bonne, il
ne s'agit pas de la défendre ni de la promouvoir, il s'agit de la
laisser faire. Moi, je ne crois pas à cela. C'est curieux, mais je ne
crois pas à cela, je suis plus volontariste que cela, c'est
peut-être dans ma tradition. Je pense qu'un groupe culturel a le droit,
comme un être vivant, d'organiser sa promotion, sa défense. Je
crois que c'est nécessaire et, à ce moment-là, l'angoisse
de l'existence de la culture québécoise m'apparaît une
chose malsaine.
(12 h 15)
Ma collègue a fait allusion aussi à un fait redoutable qui
va en croissant, c'est ce que Fernand Dumont appelle la théorie des deux
pays. Par exemple, on s'est occupé de travailler sérieusement,
l'année dernière, au conseil du ministère, sur la question
des médias, mais quand vous allez à Roberval ou à
Rimouski, ou à Amos, ou à Cabano, l'idée qu'il doit y
avoir une forte représentation de cultures étrangères
à Radio-Canada les frappe beaucoup moins parce qu'il n'y a que 0,2 % ou
0,4 %, l'année passée, de gens qui ont immigré au Lac
Saint-Jean. Là, on va véritablement avoir deux pays et c'est
assez unique au monde.
Les Belges ont toute leur immigration à Bruxelles ou à peu
près, à ce qu'on m'a dit récemment, mais cela ne pose pas
le même problème que chez nous, je pense, parce qu'eux ne laissent
à peu près aucune place dans les médias à leurs
groupes d'immigrants qui ne sont pas des citoyens.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le
député de Mercier, assez rapidement parce que l'enveloppe est
vide.
M. Godin: II reste 24 secondes, je présume.
Le Président (M. Trudel): Oui, 37.
M. Godin: Alors, vous avez lancé, père Harvey et
Mme Benguerel, beaucoup de pavés dans la mare. Le problème avec
vos idées audacieuses, c'est que ce n'est pas applicable. Aucun
gouvernement, ni ici, ni à Ottawa, ne pourra appliquer une politique
même d'affirmation positive qui irait à l'encontre de quelque pays
que ce soit sous prétexte que sa culture est peu assimilable à
celle d'ici. Ce n'est pas applicable, à mon avis, ou on aurait alors sur
le dos les mêmes groupes qui protestent contre la loi Bouchard à
Ottawa depuis hier. Tant qu'on n'aura pas une réflexion,
c'est-à-dire des moyens concrets d'appliquer ce principe, cette
idée-là, je pense que cela reste du domaine des figures de
Platon, c'est-à-dire des choses insaisissables et inapplicables dans la
réalité.
Pour avoir été ministre, je pense qu'il y aurait un tel
tollé de protestations contre le gouvernement, s'il voulait appliquer
vos idées, qu'il n'oserait pas le faire pour ne pas être battu au
nom d'une forme de racisme ou de xénophobie quelconque.
M Harvey: Est-ce que je peux répondre tout de suite
à cela. Je vous soumets quand même, M. Godin, qu'il se fait des
choses dans le sens contraire qui ont l'air de réussir. Les
Québécois ne sont pas des anges, comme je l'ai dit tantôt,
mais ils ont la colonne vertébrale drôlement souple. Prenez, par
exemple, la CTCUM, la commission des
transports de Montréal, qui est en train d'appliquer une
discrimination positive à l'égard des femmes,
premièrement, dans le personnel - et il y a une forte discrimination,
positive, deux sur cinq, je, crois,' dans l'emploi - et, deuxièmement,
qui est en train de se faire une politique contre celle de la ville de
Montréal, sous le régime Drapeau, en acceptant des gens des
minorités visibles dans tous ses services. Cela a l'air de marcher. Du
moins les grèves ne se font pas à ce sujet. Alors, je vous dis
qu'il s'agit d'essayer. Le problème, c'est d'essayer dans le sens de ce
qui est faisable, autrement... En tout cas, je vous soumets cela.
M. Godin: Je pense qu'il faudrait qu'on ait une autre
réunion sur les règlements et les grilles de sélection du
ministère uniquement parce que, là, on touche des... Je ne pense
pas qu'on puisse, au plan administratif, réussir à trouver une
solution à ce problème en mettant, comme dit la ministre, un X
sur tel pays ou telle culture, ou telle religion, ou telle couleur. À
mon avis, on entre dans des notions que le Canada, comme pays, a
refusées depuis longtemps et on en arriverait, rapidement, à
l'équivalent de l'arrêt Bakke contre la discrimination positive
aux États-Unis. C'est-à-dire qu'il y aurait une protestation des
gens qui s'estimeraient lésés du fait qu'ils sont
éliminés du processus à cause de la même
discrimination positive.
Là, on retombe au point du statu quo ante, donc, il faudrait
faire une réflexion sur la réglementation même du
ministère, sur sa propre grille de sélection et les lois
canadiennes et québécoises de l'immigration. Malheureusement, ce
n'est ni le lieu ni l'heure, mais on pourrait peut-être envisager cela,
dans la revue Relations, de faire un colloque sur cette question. Si
vous avez d'autres tribunes, M. Harvey. C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): M. Harvey, est-ce que vous
voulez répondre aux commentaires du député de Mercier?
M. Harvey: Non. Je pense qu'on va les laisser se
développer.
Le Président (M. Trudel): Alors, écoutez, je vais
me servir du peu de temps qu'il reste dans l'enveloppe gouvernementale, en
essayant de la respecter le plus possible puisque je suis - comment est-ce
qu'on dit cela - le "teneur de temps", "keeper of the time", et je ne veux pas
en abuser. J'aurais souhaité avoir plus de temps, père Harvey,
pour discuter avec vous de plusieurs points de votre mémoire. Un peu
comme l'ont dit les porte-parole de l'Opposition, le moins qu'on puisse dire,
c'est que c'est un mémoire stimulant qui a produit chez moi une bonne
dose d'adrénaline la première fois que je l'ai lu, une dose un
peu moins forte la deuxième fois, et une dose d'adrénaline, quand
même, la troisième fois. J'aurais souhaité discuter avec
vous de la question de... Vous dites: "La question de l'immigration est une
question qui divise la population". Je n'ai pas la même
interprétation que vous du dernier sondage. C'est normal, les sondages,
on les interprète un peu comme on veut, mais je pense que
celui-là était tout à fait clair sur la position des
Québécois.
J'aurais souhaité également discuter avec vous des
immigrants investisseurs parce que je ne partage pas du tout ce que vous dites.
Les chiffres que j'ai sont différents des vôtres. Je vais vous
poser une seule question, cependant; j'en avais préparé environ
une dizaine pensant avoir plus de temps. Je vais vous en poser une sur le
paragraphe 3 que vous avez développé tantôt et où
vous avez dit que "le Québec a davantage besoin de consommateurs que de
citoyens." Vous dites: Ce n'est pas aussi simple que cela. En effet, ce n'est
pas aussi simple que cela et je pense qu'on manque de temps pour en discuter.
Vous parliez de l'immigration qui maintient inévitablement le
chômage en disant, en début de phrase: "On devra également
démontrer que..." Je pense que le contraire est démontré,
notamment dans le document que vous avez cité tantôt, qui est tout
à fait récent, qui a été rendu public par la
ministre, par son ministère, jeudi dernier, surtout avec les chiffres
que vous avez sûrement en votre possession puisque vous êtes membre
du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Les chiffres
qu'on a sont, pour le moins, contradictoires avec votre affirmation dans la
mesure où, par exemple, en Ontario, la population d'origine
étrangère - entre guillemets, pour ne choquer personne - est de
16 %, l'Ontario reçoit, en moyenne, 48 % des immigrants et le taux de
chômage se situe autour de 4 %. Nous, pourtant, en 1981, avions 8,3 %
environ de notre population qui était constituée de
Québécois non de souche. Nous recevions en moyenne, autour de ces
années, 18 % des immigrants et, actuellement, le taux de chômage
se situe à 9 %. Évidemment, ce sont des chiffres et on peut en
faire ce qu'on veut. Cela peut donner lieu à beaucoup de discussions.
J'aimerais entendre vos commentaires rapidement là-dessus, s'il vous
plaît.
M. Harvey: Je n'en aurais qu'un, M. le Président. C'est
que, dans l'état actuel de ce que je connais et surtout avec l'aide de
mon collègue économiste, Henri Sader, que j'ai cité il y a
un moment et qui a publié, dans le dernier numéro de "Relations",
un article assez général et assez technique aussi,
"Voleurs de jobs?", l'Ontario et le Québec ont un niveau de
chômage différent pour d'autres raisons que l'immigration ou le
manque ou l'absence d'immigration. Ce ne sont pas des effets, ce sont des
"présupposés". L'Ontario a un système économique
plus vigoureux que le nôtre, il a plus de production tertiaire que nous
et c'est ce qui fait qu'il a moins de chômage, immigrants ou pas.
Là, justement, vous arrivez à un problème qui
serait très long à débattre. Mes collègues
européens, que j'ai rencontrés à Grenoble, il y a deux
ans, m'ont posé cette question: Comment se fait-il que tout ce qui est
mauvais chez nous est bon chez vous? Ils ont dit: Nous avons fermé nos
frontières partout pour pouvoir garder notre PNB montrable et notre
emploi bon. Et vous dites que si vous n'aviez pas d'immigration, vous auriez
plus de chômage, etc. Ils m'ont dit: Nous autres, au contraire, on bloque
l'immigration pour avoir moins de chômage. On m'a donné l'exemple
de la Suède qui a un PNB très élevé, une
immigration nulle et qui n'a pas de chômage. Évidemment, elle est
plus socialiste que nous, mais enfin... Il y a certainement là un
problème. Je pense que les analyses ne sont pas encore convaincantes et,
au Québec, la deuxième réponse que je vous donnerais,
c'est que celles que je connais et qui sont plus poussées sont
déjà anciennes, comme celles de M. Polese que j'ai citées
au début. Vous connaissez l'étude de Mme Josée Lamoureux
qui a fait l'inventaire des études québécoises,
canadiennes et américaines; elle arrive à une espèce
d'incertitude, elle aussi.
Le Président (M. Trudel): C'est pourquoi - je me permets
de conclure là-dessus, car le temps est largement dépassé
- je reviens à ce que je disais tantôt - on devra démontrer
que ce que vous affirmez de façon assez ferme, à mon avis,
devrait être démontré. Je pense qu'on aurait
intérêt à faire les études. Ce ne sont pas des
questions faciles quand on est rendu à ce niveau-là, c'est
toujours extrêmement difficile. Je suis un peu d'accord avec vous que les
économies sont différentes d'où, à mon avis -
très nuancé toujours l'importance de nuancer les
affirmations.
M. Harvey: Si vous me permettez, un dernier mot, M. le
Président...
Le Président (M. Trudel): Oui, allez-y.
M. Harvey: ...qui serait un souhait. Ma collègue a
parlé, au début, de cette question de la double immigration du
solde migratoire. Est-ce qu'on sait vraiment qui émigre du
Québec? Est-ce qu'on connaît l'apport des emigrants, vers les
États-Unis et vers les autres provinces du Canada, qui provient de
l'immigration récente et qui provient de la vieille population?
Le Président (M. Trudel): D'ailleurs, la commission
French, du nom de mon prédécesseur à la tête de
cette commission, a recommandé qu'on fasse une étude du
phénomène de l'émigration au Québec. Le Conseil du
patronat nous en a longuement parlé hier et je pense que c'est une des
recommandations fort intéressantes qui aient été
adressées à cette commission.
C'est sûrement - à mon avis, à tout le moins - une
étude à faire. Quant à moi, père Harvey, madame, je
vous remercie de votre présence ici et de l'échange de vues que
vous avez eu avec les membres de la commission. Mme la ministre, avez-vous des
remarques finales?
Mme Robic: Oui. Je vous remercie encore une fois de votre
présence parmi nous. Cela a été un échange
honnête et intéressant.
M. Boulerice: Je vous remercie, père Harvey, madame. Je
vais conclure très brièvement en vous disant ma position quant
aux sondages. Je les regarde toujours, parce qu'ils peuvent être, dans
une certaine mesure, indicatifs de choses à corriger, mais ils ne
guident pas entièrement et complètement ma pensée et mes
agissements, sinon, j'aurais voté pour la diminution du nombre de
députés. Si j'avais été député
fédéral, selon les sondages, j'aurais dû voter pour le
rétablissement de la peine de mort, et je suis contre la barbarie
d'avance.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Père Harvey, madame, merci
beaucoup.
Étant donné l'heure qui passe, sans suspendre nos travaux,
nous allons, dès maintenant, accueillir notre troisième
invité pour cet avant-midi, la Société
québécoise de solidarité internationale
représentée, notamment, par Mgr Charles Valois que j'invite
à se présenter à la table devant nous.
Monseigneur, tout en vous souhaitant la bienvenue, je voudrais que vous
nous présentiez... J'avais quatre noms et je pense que vous avez une
personne qui vous accompagne ce matin, M. Kalunda. Merci beaucoup. Alors,
monseigneur, vou3 avez plus ou moins vingt minutes pour exprimer votre point de
vue et nous procéderons immédiatement à l'échange
de vues avec les membres de la commission.
Société, québécoise de
solidarité internationale
M. Valois (Charles): Je voudrais dire tout d'abord que je suis
ici à titre de
membre de la Société québécoise de
solidarité internationale. Je fais partie de ce mouvement non pas comme
délégué de l'épiscopat, mais bien à titre
personnel. J'ai été invité, en 1983, à me joindre
à la société et, depuis ce temps-là, je participe
à ses travaux.
Le document qu'on vous a remis rappelle l'origine de notre organisme.
Cet organisme a été fondé en 1980 par Jacques Couture qui
était ministre de l'Immigration dans le temps. Il voulait un organisme
pour le conseiller dans l'utilisation du Fonds d'aide aux sinistrés qui
avait été placé sous sa responsabilité par le
gouvernement du Québec.
Très tôt, l'organisme s'est aperçu qu'il devait
devenir autonome et qu'il devait poursuivre une action d'éducation dans
le public québécois. C'est pour cela qu'en 1982 on a
changé la charte et l'organisme s'est orienté vers cette
éducation dans le milieu québécois et vers une action pour
aider les réfugiés, à l'extérieur du Québec
comme au Québec.
Notre organisme participe à différents autres organismes
non gouvernementaux, comme te HCR, le Haut-Commissariat pour les
réfugiés des Nations Unies, l'AQOCI et le Comité
Nord/Nord, cet organisme dont on parlera tout à l'heure. (12 h 30)
Notre préoccupation majeure est la protection des
réfugiés ici ou ailleurs et c'est pour cela qu'aujourd'hui nous
allons mettre l'accent sur les réfugiés, sans négliger les
immigrants comme tels, mais notre accent portera sur les
réfugiés.
Nous voulons tout d'abord faire valoir quelques idées par rapport
à la responsabilité internationale du Québec et, pour
cela, nous vous rappelons que les réfugiés n'ont pas
nécessairement choisi de quitter leur pays. Ils y ont été
forcés par la guerre, la persécution, les conflits armés,
les conditions inhumaines qu'on leur a imposés. Les
réfugiés arrivent très souvent en groupe, on l'a vu ces
derniers temps. Ils sont constitués majoritairement de femmes et
d'enfants. À ces personnes qui sont obligées de quitter leur
pays, il faut joindre celles qui ont été déplacées
à l'intérieur même d'un pays, de sorte que, actuellement,
le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies
évalue à 17 000 000 le nombre de personnes qui vivent en dehors
de leur région d'origine.
Le haut-commissariat a organisé l'aide internationale et celle
à laquelle le Canada contribue ne constitue qu'un secours souvent
temporaire pour une installation qui se prolonge trop souvent. Parmi ces
réfugiés, il y en a qui doivent être
réinstallés et nous sommes fiers quand les autorités
québécoises expriment leur compréhension et acceptent de
bonne grâce de trouver des solutions pour ceux et celles qui frappent
à notre porte. Le gouvernement du Québec a contribué
à cet accueil au cours des récentes années. Nous
souhaitons qu'il continue à soutenir une politique humanitaire dans ce
sens, parce que la communauté internationale s'attend que le
Québec reçoive un certain nombre de ceux et celles qui cherchent
un tiers pays.
Dans les années qui ont précédé, le
Québec a fait un effort assez grand pour accueillir ces
réfugiés. On n'a qu'à penser à tous ceux qui sont
venus de l'Orient, les premiers Vietnamiens et ceux qui ont suivi, les
Laotiens, les Cambodgiens, dans tes périodes de 1978 à 1982. Nous
nous réjouissons de voir que Mme Louise Robic, ministre
québécoise des Communautés culturelles et de
l'Immigration, a clairement renouvelé cet engagement à la suite
de sa visite des camps de réfugiés du Sud-Est asiatique, l'an
dernier.
Nous voulons faire quelques considérations sur le traitement des
demandes de statut de réfugié. Ce phénomène est
récent chez nous, parce que le Québec est devenu un pays de
premier accueil. Auparavant, les pays de premier accueil se situaient autour
des pays que les réfugiés quittaient. Alors, ceux qui sont
arrivés ici viennent de 50 pays différents, avec des
concentrations qui se maintiennent pour les Tamouls et les
Centro-Américains. Parmi ces réfugiés, il y a des femmes
requérantes principales que l'on peut évaluer à environ 30
%. La majorité des hommes et des femmes arrivent seuls et plusieurs
centaines d'adolescents ont été identifiés parmi eux, au
cours des derniers mois. Alors, une fois que les personnes seules sont
arrivées, elles veulent réunifier leur famille et cela
représente un défi particulier.
Nous voulons faire quelques remarques aussi sur l'aide aux pays de
premier accueil. Comme je le disais il y a un moment, les
réfugiés qui quittaient leur pays trouvaient refuge dans ceux des
environs. Cela représente un poids pour ceux-ci qui sont habituellement
des pays pauvres. Je pense, par exemple, aux réfugiés du Salvador
qui sont accueillis au Honduras. C'est un poids, pour le Honduras, que ces 12
000, 15 000 ou 18 000 réfugiés. On pourrait penser aussi à
ceux du Guatemala qui se retrouvent au Mexique. C'est un poids pour le Mexique
qui est déjà un pays pauvre.
A ce moment, les pays riches sont invités à participer par
toutes sortes d'aides. Ici, au Québec, on avait le Fonds d'aide aux
sinistrés qui est devenu le Fonds d'aide aux réfugiés.
Nous nous interrogeons sur le fait que ce fonds ait été
coupé de moitié au cours des récents budgets.
Nous souhaitons, dans ce domaine, que notre gouvernement soutienne plus
directement les Québécois qui travaillent, dans les organisations
non gouvernementales, auprès des Tchadiens réfugiés en
République centre-
africaine ou encore avec les personnes déplacées en
Amérique centrale. L'implication soutenue du Québec auprès
de ceux et celles qui défendent les droits humains en Amérique
latine a déjà donné une réputation enviable
à notre province.
Pour déterminer les priorités dans l'aide aux
réfugiés, le gouvernement québécois, à notre
avis, doit articuler une relation plus étroite avec les autorités
internationales et les organismes non gouvernementaux. Par rapport aux
organismes internationaux, nous regrettons la distance qui s'est
développée entre nos représentants gouvernementaux et le
Haut-Commissariat aux Nations Unies, ces derniers mois, Une participation
irrégulière aux activités internationales, où le
Québec avait pourtant une place de choix, démontre un manque
d'intérêt qui cadre mal avec les responsabilités accrues en
matière d'accueil de premier asile.
En juin 1986, le gouvernement québécois a
réalisé la IVe conférence internationale sur le droit
constitutionnel. Mais, quelques mois plus tard, il a refusé de
participer à une conférence internationale sur le droit
humanitaire, à Paris.
Nous remarquons que nos milieux universitaires sont mieux
préparés pour contribuer au débat international sur la
question des réfugiés. Nous remarquons que notre gouvernement ne
semble plus sensible aux attentes des milieux juridiques européens, aux
demandes des agences travaillant sur le terrain africain ou
latino-américain.
Nous voulons faire quelques considérations aussi sur le
rôle du gouvernement du Québec et du peuple du Québec. Tout
d'abord, nous aimerions que le gouvernement établisse des relations plus
étroites avec les organismes non gouvernementaux.. Dans le passé,
il y avait des rencontres régulières avec ces organismes et ces
rencontres ont cessé. Nous croyons que les organismes non
gouvernementaux connaissent les données du problème et qu'ils
pourraient aider grandement le ministère dans l'élaboration de
ses politiques.
Nous demandons qu'on fasse un effort pour clarifier les statistiques
qu'on présente. Alors que le Québec est un des meilleurs
producteurs de logiciels au monde, on peut s'étonner du manque de
transparence des données fournies au public quasi quotidiennement par
les médias. Les statistiques varient selon que la source est
fédérale ou québécoise, selon l'interlocuteur
à qui l'on s'adresse. La variation est parfois observable dans un
même rapport gouvernemental.
Nous croyons que ce manque de clarté des faits ne saurait
être justifié par notre gouvernement et nous croyons qu'une
programmation intelligente, et intelligible de la part de tous, pourrait
favoriser une utilisation optimale des ressources et surtout engendrer un
support populaire des objectifs humanitaires gouvernementaux.
Lorsque nous recevons des réfugiés, on les oblige à
un examen médical complet. Un médecin qui fait partie d'une
maison d'accueil pour réfugiés, qui y travaille, me faisait
remarquer que cela coûte très cher au gouvernement du
Québec. Il disait qu'on pourrait demander un examen médical
sommaire qui serait beaucoup moins pénalisant, mais qu'on
établisse un suivi à travers tous les organismes communautaires.
On demande que la qualité d'un accueil franc soit mise sur pied et qu'on
accélère l'accueil des réfugiés. Nous avons connu
des périodes de dix à douze semaines d'attente pour une
première enquête où le candidat fait connaître son
intention formelle de demander le statut de réfugié. Si
l'entrevue première avait été faite dès
l'arrivée, l'aide financière aurait été moindre,
car le candidat aurait pu immédiatement s'en aller sur le marché
du travail.
Nous voulons insister sur une éducation positive de l'opinion
publique. On a fait allusion tout à l'heure aux statistiques sur la
réaction des Québécois face aux réfugiés. Je
pense que nous avons une responsabilité ensemble pour éduquer le
public québécois de l'impératif des responsabilités
internationales.
Notre gouvernement devrait adopter une politique claire dans le domaine
international de l'accueil aux réfugiés et établir une
collaboration avec les ONG pour favoriser cette éducation du public.
Pour notre part, nous voulons travailler dans ce sens et nous voulons favoriser
le rapprochement des diverses instances internationales et des
Québécois.
Vous me permettrez, en terminant, de prendre les recommandations. Nous
avons fait cinq recommandations et nous pourrons répondre à vos
questions sur certains autres points que contient notre rapport.
La première recommandation: Le gouvernement du Québec doit
se donner une politique claire et des objectifs précis en matière
d'accueil des réfugiés en marge de sa politique d'immigration.
Cette politique humanitaire ne devrait pas se concentrer sur les nombres ou des
groupes particulièrement visés, comme on l'a traditionnellement
fait. Son ouverture aux personnes en détresse doit se réaliser
dans l'organisation des ressources pour faire face à toute situation
où les autorités internationales feraient appel à la
contribution des Québécois.
Le gouvernement doit investir davantage dans les organismes de
protection et d'accueil des réfugiés au Québec et dans le
monde.
La troisième recommandation: À la suite des accords
constitutionnels du Lac Meech, le gouvernement du Québec ne doit pas
abandonner sa responsabilité internationale face aux
réfugiés. Au contraire, il doit développer de nouveaux
moyens dans l'esprit de cette entente afin que le Québec joue son
rôle de façon pleine et entière en cette
matière.
Quatrième recommandation: Le gouvernement du Québec doit
être plus attentif aux représentations des organismes qui
travaillent avec les réfugiés, notamment quand ils identifient
des groupes de population plus vulnérables ou des individus en
danger.
Cinquième recommandation: Le gouvernement du Québec doit
renouveler son engagement international face aux autres pays de premier accueil
en utilisant, de façon plus réaliste et
désintéressée, le Fonds d'aide aux
réfugiés.
Le Président (M. Trudel): Merci, monseigneur. Mme la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. (12 h 45)
Mme Robic: Merci, M. le Président. Mgr Valois, bienvenue
à cette table et merci d'avoir accepté de participer à
cette commission. Vous pouvez être assuré que le Québec n'a
pas du tout l'intention de renoncer à ses responsabilités
internationales et à jouer son rôle, pleinement, pour ce qui est
de la réception des réfugiés.
Vous avez raison, quand on visite un seul camp - cela n'en prend pas
beaucoup, un seul - on ne peut pas rester insensible aux besoins de ces
personnes. Je le dis souvent: Comment peut-on parler de paix quand des milliers
et des milliers de personnes vivent derrière des fils barbelés?
C'est pour cette raison - c'est bien sûr que c'est une parcelle - que
nous avons doublé, en 1987, le nombre de réfugiés que nous
sélectionnons dans les camps. Ce n'est pas beaucoup, vous avez raison,
mais nous recevons également une large part des revendicateurs du statut
de réfugié, et qui, pour nous, doivent également recevoir
des services d'accueil et d'adaptation.
Vous avez parlé, tout à l'heure, du Fonds d'aide aux
sinistrés. C'est un fonds qui a été scindé et qui
est devenu le fonds aux sinistrés sous la responsabilité du
ministère des Relations internationales. Et, le fonds aux
réfugiés, qui appartient toujours au ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, n'a pas diminué. Je
vous avoue qu'il n'a pas augmenté comme budget, mais il n'a pas
diminué, malgré que le fonds ait été scindé.
Je peux vous rassurer là-dessus. Bien sûr, le Québec
contribue également, par l'ACDI, aux sommes d'argent qui sont
distribuées dans certains pays.
Nous avons, avec grand plaisir d'ailleurs, octroyé des fonds pour
le rétablissement des réfugiés en Thaïlande qui
voulaient retourner au Laos, par exemple, en s'assurant, avec le HCR, que
ceux-ci ne seraient pas persécutés une fois qu'ils retourneraient
chez eux. Je pense qu'il faut faire beaucoup plus de ce genre d'actions, je
suis absolument d'accord avec vous. Mais il faut bien réaliser
également que nous sommes un pays privilégié et, comme
tel, nous avons une responsabilité envers les' plus démunis de ce
monde.
Je voudrais vous demander en quoi la politique d'immigration,
pratiquée actuellement par le Québec ne répond pas
à son volet humanitaire, aux objectifs que vous poursuivez d'assurer la
sécurité, la protection des réfugiés.
Dans le compte de ce qui se fait actuellement au Québec, comment
pourrions-nous faire mieux, davantage?
M. Valois: Vous avez parlé de la politique d'immigration.
Nous sommes conscients que vous avez partagé cette politique avec le
fédéral. Personnellement, il m'arrive assez souvent de demander
qu'on accueille ici des personnes, surtout des réfugiés, et on
doit constamment faire affaire avec votre ministère et faire affaire
aussi avec le bureau d'immigration de Mirabel. Nous pouvons dire, actuellement,
que les difficultés sont de deux ordres; souvent, c'est le
fédéral qui dit: Cela n'avance pas. Par ailleurs, moi, j'ai eu
plus de facilité avec le provincial. Le provincial donne le feu vert et
cela bloque du côté du fédérai.
Qu'est-ce qu'il faudrait faire de plus? Je pense qu'actuellement la
chose à faire, le plus vite possible, c'est de mieux informer la
population sur les réfugiés et sur les immigrés. Il se
développe actuellement une attitude négative face aux nouveaux
venus dans notre pays. Je pense que l'éducation de la population est
à faire.
Il ne faudrait pas que nos gouvernements gouvernent ou passent des lois
pour répondre ou pour satisfaire certaines tendances qui se
développent dans le pays. Il faudrait plutôt voir quel est le bien
à poursuivre. C'est une première remarque que je fais; la
deuxième est dans notre rapport. Je n'en ai pas fait écho tout
à l'heure, il faudrait faire appel aux autres ministères aussi,
et je pense que le ministère de l'Éducation aurait à faire
un effort pour développer et pour intégrer les nouveaux venus. Il
y a un effort à faire pour aller chercher les richesses qu'il y a chez
ces nouveaux venus et améliorer notre propre civilisation. Je pense que
l'école aussi peut faire beaucoup pour intégrer ces gens.
Il y a quelques années, dans les années 1950-1952,
j'étais allé faire du ministère dans la région de
New York et j'avais rencontré des "francos" qui avaient immigré
là-bas. J'avais été offusqué par le fait
qu'à l'école on défendait aux petits Français de
parler français et qu'on leur imposait l'obligation de ne parler
qu'anglais à l'école.
C'était une politique d'intégration des
populations nouvelles à la civilisation américaine. Si on
va dans le passé, dans l'histoire, on va s'apercevoir qu'aux
États-Unis il y a eu des forces intégrantes. Les
États-Unis, comme vous le savez, ont été peuplés
par des immigrants qui sont venus successivement. Mais il y a eu des forces
intégrantes. Mon professeur d'histoire, à l'université,
disait que l'Église catholique avait été une de ces forces
parce que l'Église s'était appliquée à ne jamais
nommer un évêque autre qu'un anglophone qui ne parlait que
l'anglais même dans les coins où le français pouvait
dominer. Alors, il y a donc là des choses à développer
chez nous pour intégrer ces nouveaux venus et pour les faire participer
à notre civilisation.
Mme Robic: Vos dernières remarques m'intéressent
beaucoup parce qu'elles vont dans le même sens des remarques du
père Harvey. J'aimerais clarifier avec vous. Nous avons - ça fait
partie, d'ailleurs, des responsabilités de mon ministère - des
programmes de langue d'origine, des programmes de préservation de la
culture d'origine. Est-ce que vous croyez que ces programmes font en sorte que
les gens s'intègrent moins à la majorité francophone?
Est-ce que vous voyez cela comme négatif que d'encourager les gens
à préserver leur langue, leur culture?
M. Valois: Tout le problème réside dans le fait
suivant: Est-ce que ces gens-là vont retourner dans leur pays
d'origine ou s'ils sont appelés à demeurer avec nous? S'ils sont
appelés à s'intégrer à notre pays, on doit les
intégrer à notre civilisation. On peut les aider à garder
certains liens avec leur pays d'origine, mais ou ça va devenir
prioritaire sur nous ou ça va devenir du folklore pour eux, d'une
génération à l'autre. À mon avis, on a à
former et à développer. On a déjà, et il faut y
croire, une civilisation québécoise. On a donc à
développer cette civilisation québécoise en
intégrant ceux qui arrivent.
Mme Robic: Vous parlez de l'importance de l'éducation au
niveau des jeunes. Je suis absolument d'accord avec vous. On ne vient pas au
monde avec des préjugés, ils se développent. Donc, quand
on peut déjà travailler avec des jeunes, on a de bonnes chances
de contrer ce développement de préjugés et il y a beaucoup
à faire. Là-dessus, nous avons entendu la CECM hier, l'Alliance
des professeurs de Montréal et c'était très
révélateur. Mais je ne peux certainement pas parler au nom du
ministre de l'Éducation, car il aura certainement plusieurs choses
à dire sur ce sujet. Je peux cependant vous dire que, comme gouvernement
- et c'est déjà enclenché -nous avons l'intention de
mettre en place les recommandations du rapport Chancy.
Le Président (M. Trudel): Avez-vous terminé,
madame?
Mme Robic: Cela va.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mgr Valois, votre mémoire plaide de
façon assez vigoureuse en faveur d'une distinction très claire
entre la politique d'immigration et la politique d'accueil envers les
réfugiés. Je pense qu'il est bon de faire cette distinction. En
tout cas, c'est un propos continu de notre part.
J'ai remarqué aussi que votre mémoire critique, à
plusieurs égards, l'espèce de relâchement de l'implication
du gouvernement vis-à-vis des instances internationales
impliquées au niveau des réfugiés. On trouve cela aux
pages 9, 10, 11 et 12, je crois, de votre mémoire.
J'aimerais aussi faire un commentaire, avant de passer aux questions.
Vous avez parlé du modèle de nos voisins américains, qui
est un modèle que je regrette. J'aimerais, si vous me le permettez,
rectifier le vocabulaire. Je ne pense pas que, dans le modèle
américain, on puisse parler d'intégration. Je pense que le
modèle américain a été une assimilation de ce que
j'appelle quelquefois méchamment une méthode digestive de
l'immigration, où on a voulu l'uniformisation. D'ailleurs, on l'a
appelle "melting-pot", c'est-à-dire un creuset d'où est sortie
une barre d'acier très uniforme. Quoique le mouvement inverse commence
à se produire actuellement, notamment dans l'État de la
côte ouest qu'est la Californie, on l'observe également dans
l'État de la Floride où on est maintenant en présence de
trois langues, c'est-à-dire l'anglais, l'espagnol et le français
en plus de cela, à l'étonnement et peut-être à
l'agacement de certains.
Donc, je ne pense pas qu'au Québec on ait pratiqué une
politique d'assimilation, mais qu'on ait bien privilégié une
politique d'intégration comme telle.
M. Valois: Si vous me permettez...
M. Boulerice: Oui. Je vous en prie, monseigneur.
M. Valois: ...de réagir à mon tour... M.
Boulerice: Bien, j'espère.
M. Valois: II y a des options politiques qui sont prises par des
pays et des options à long terme. Ou le pays va garder son unité,
ou il va accepter certaines choses et l'unité sera brisée dans un
certain nombre d'années.
Par exemple, vous faites allusion à la montée des
Espagnols dans le Sud des États-Unis. Cela ne me surprendrait pas qu'un
jour on intervienne pour( défendre la langue espagnole, parce
qu'on est en train de créer un nouveau pays à majorité
espagnole qui va devenir séparatiste.
Vous savez qu'au Brésil une loi a été
adoptée pour défendre l'enseignement de l'allemand dans les
écoles et pour obliger le Sud du Brésil à enseigner le
portugais. Vous, savez qu'en France, à certaines époques, il y a
quelques années ou il y a quelques siècles, il y a eu des lois
obligeant les Français à parler français, surtout les
Bretons et les gens des provinces du Nord. C'étaient des
décisions politiques pour sauvegarder l'unité politique du
pays.
C'est juste un commentaire que je voulais faire.
M. Boulerice: Je suis heureux de vous l'entendre dire, Mgr
Valois, parce que c'est mon analyse. Elle peut être fausse comme elle
peut être vraie, mais je crois que si les Américains avaient
pratiqué une politique d'intégration et non pas une politique
d'assimilation, comme ils l'ont fait, le risque de préservation
d'unité serait beaucoup plus rassurant actuellement qu'il ne peut
l'être, parce qu'on voit les mouvements dans les États du
Nouveau-Mexique, de la Californie, de la Floride, etc.
Par inadvertance, en prenant cette décision il y a quand
même plusieurs dizaines, presque une centaine d'années, je pense
qu'à très long terme ils n'ont pas pu prévoir les faits et
c'est en train de se faire. Si cela avait été une
intégration, je ne sais pas, en fin de compte, dans quelle mesure
l'unité comme telle, qui existe aux États-Unis, n'aurait pas
été mieux assurée.
Ceci dit, dans les recommandations que vous faites, vous écrivez:
"Suite aux accords constitutionnels du lac Meech..." M. le Président, je
pense qu'on consent de poursuivre.
Le Président (M. Trudel): Le consentement a
été implicite, M. le député, merci. (13 heures)
M. Boulerice: D'accord. Vous indiquez, Mgr Valois: "Suite aux
accords constitutionnels du lac Meech, le gouvernement du Québec ne doit
pas abandonner sa responsabilité internationale face aux
réfugiés. Au contraire, il doit développer de nouveaux
moyens dans l'esprit de cette entente, afin que le Québec joue son
rôle de façon pleine et entière..."
J'aimerais que vous m'indiquiez quelle juridiction vous souhaiteriez que
le Québec exerce en matière de réfugiés, selon
votre énoncé au paragraphe 3 des recommandations?
M. Valois: Quelle juridiction? On sait que le gouvernement
fédéral est actuellement en train de revoir la loi sur l'accueil
aux réfugiés et il faudrait que le Québec dans cette
discussion donne son avis et qu'il puisse favoriser un plus grand accueil des
réfugiés et que la province de Québec puisse intervenir
même pour accueillir des réfugiés. Comment cela va-t-il se
faire, pratiquement, étant donné les deux instances? Je pense que
c'est dans une concertation et une discussion que les modalités
précises peuvent apparaître. Quand vous me posez la question
à savoir si le Québec a une juridiction directe, on sait que le
gouvernement fédéral a une large juridiction là-dessus.
Mais, dans le domaine de l'immigration, dans le passé il y a eu des
négociations avec Ottawa et le Québec a réussi à
prendre une place dans le domaine de l'accueil.
M. Boulerice: Compte tenu de la réflexion que vous avez,
de la connaisance du dossier, j'aimerais entendre vos commentaires
vis-à-vis du projet de loi fédéral C-55.
M. Valois: Le projet de loi C-55 est devenu le C-85.
M. Boulerice: C'est ce jeu: 1 est devenu 101.
M. Valois: II a été déposé hier
matin. On l'a eu hier après-midi. Des organismes travaillent à ce
projet. J'ai écouté hier soir, et vous avez dû
écouter aussi, le représentant du Barreau canadien à
l'émission "Le Point", M. Prud'Homme et le ministre. À mon avis,
l'essentiel a été dit par le représentant du Barreau
canadien hier soir. Il ne faut pas fermer les frontières aux
réfugiés et il faut leur donner leur droit de parole et
considérer que ces personnes arrivent ici sans papier. Ils ont fui un
pays, ils sont sortis d'un pays, ils n'avaient pas de papier d'identité
pour sortir d'un pays, surtout la façon dont ils sont sortis.
M. Boulerice: Juste un commentaire pour vous remercier de votre
participation, car, sans doute que, d'autres de mes collègues veulent
intervenir. Vous, comme tous les autres groupes, avez énormément
parlé du rôle de l'école. Effectivement, tout débute
là. Très souvent aussi, l'école est le miroir de notre
société et souvent notre bouc émissaire. Elle pourrait
être la lanterne qui nous guide. Je pense qu'il y a justement, concernant
l'éducation, des gestes extrêmement pressants et urgents
même. Je pense que la commission des écoles catholiques l'a
démontré avec une certaine éloquence. Ce qui reste
à espérer, c'est que Mme la ministre ensuite... Je ne sais pas,
mais je ne pense pas que le ministère de l'Éducation ait
délégué un représentant. S'il l'a fait, tant
mieux. Sinon, je trouve que c'est dommage, mais je pense qu'on pourra sans
doute se fier à, Mme la ministre des Communautés culturelles et
de l'Immigration pour faire valoir tous les points qui ont été
énoncés à ce sujet.
Je vous remercie, Mgr Valois et M. Kalunda, de votre participation
à notre commission.
Le Président (M. Trudel): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président.
Mgr Valois, votre société est connue pour l'expertise et
le sérieux de ses interventions. Pendant que vous nous transmettiez te
mémoire, je pensais aux intervenants qui étaient là hier,
où vous êtes maintenant assis, et qui venaient de la CM.
Entre autres, ils faisaient valoir des difficultés accrues,
disaient-ils, et beaucoup plus considérables qu'auparavant, à
recevoir des enfants de réfugiés. Il me semblait évident
hier, entre autres, que directeur de l'accueil d'enfants de
réfugiés à la CM avait un problème
très particulier, d'une acuïté sans pareille. Assez
fréquemment, semble-t-il, ces enfants n'avaient pas eu une scolarisation
adéquate pour l'âge qu'ils avaient. Pour toutes sortes de raisons,
ils présentaient des difficultés d'intégration. C'est
peut-être un premier niveau. Je pense que votre mémoire insiste
sur la nécessité du premier lieu de socialisation qu'est
l'école.
Par ailleurs, dans les propos que vous avez tenus, vous nous avez
simplement relaté cette expérience que vous avez eue aux
États-Unis. Je ne sais pas si c'était pour nous la donner en
modèle ou pour nous la donner simplement en exemple favorable ou
défavorable, mais il y a quand même eu tellement d'études
de réalisées. Je pense, entre autres, à une excellente
étude du Conseil scolaire de l'Ile de Montréal il y a
peut-être trois ou quatre ans de cela, qui révélait des
difficultés, malgré que... Il faut faire très attention.
Par exemple, l'accès aux études collégiales est de loin
supérieur pour les enfants allophones que pour les enfants de
Québécois de souche. Alors, tout n'est pas simple. II n'y a rien
de simple en cette matière. Des enfants de certaines communautés
ont des difficultés particulières. Les études
révélaient que l'enfant ne vit pas dans un vide de valeurs et que
le fait de n'entendre jamais parler de sa culture -parce que plus la culture
est différente, pour ne pas dire parfais contraire à celle qui
est en usage dans l'école - il présente, semble-t-il, plus de
difficultés d'adaptation, d'apprentissage. L'enfant ne vivant pas dans
un vide de valeurs, si sa culture, ses origines, si, en d'autres termes, tout
est ignoré de ce qu'il est, peut difficilement devenir un champion.
Semble-t-il qu'on ne peut pas vraiment performer quand on est constamment en
situation de se sentir dévalorisé ou, sans être
nécessairement rejeté, tout au moins ne pas être pris en
considération.
Je ne sais plus, vraiment, à quel modèle il faut inviter
l'école québécoise. Le rapport Chancy nous invite à
un modèle d'éducation interculturelle, malgré que celui-ci
ne nous donne pas nécessairement l'ensemble des priorités qu'il
faut mettre en usage immédiatement. Chose certaine, en tout cas, la
résultante de tout cela, c'est certainement qu'il faut investir dans
l'école interculturelle, particulièrement sur l'île de
Montréal.
Vous, le modèle que vous préconisez, quel est-il?
M. Valois: En fait, je ne suis pas venu ici pour parler surtout
de l'école, mais je pense qu'il y a une première
réalité, c'est que si l'on veut que les nouveaux venus trouvent
leur place dans notre pays il faut qu'ils maîtrisent la langue, celle des
communications. C'est une première condition.
Là, vous m'apportez un éclairage en me disant: S'ils ne
sont pas en lien avec leur civilisation d'origine, ils vont intégrer la
langue plus difficilement. Cela est une perception de spécialiste que je
ne suis pas et c'est peut-être une perception juste. Peut-être que
M. Kalunda, qui est ici depuis les années soixante, qui a poursuivi des
études ici, à Montréal, qui enseigne maintenant au niveau
collégial, pourrait nous donner son expérience sur ce point.
M. Kalunda (Diému): Les difficultés que certains
groupes culturels ont éprouvées ici sont souvent d'ordre culturel
mais elles sont reliées à la langue. Ce sont les plus
âgés, surtout qui ont le plus de difficulté. Nous avons
constaté que le jeune qui commence l'école primaire et finit par
terminer son école secondaire parvient à s'identifier aux
symboles locaux, à parler la langue, et à avoir le même
type de besoin que ses amis de l'école et les groupes de jeunes.
Si les adultes éprouvent des difficultés à
s'intégrer d'abord, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'ils ne
parviennent pas à se donner de signification, à se définir
de symbole particulier, ici, et, aussi, maîtriser la langue. Cependant,
leurs enfants leur facilitent la tâche puisqu'on voit, par exemple, les
groupes sportifs. Guy Lafleur était le symbole de beaucoup de jeunes
Africains, de jeunes Vietnamiens, et Mario Tremblay également, alors, en
grandissant, ils s'identifient à cela.
Alors, donc, qu'est-ce que l'école doit faire? 11 s'agit
d'intégrer ces jeunes-là au milieu de groupes existants en leur
facilitant
cette intégration, d'abord au niveau de l'apprentissage et les
enfants le transmettront aux parents. C'est là, particulièrement,
que nous constatons que c'est davantage au niveau d'âge et de groupes
d'âge que le problème se pose. Par contre, quand on est jeune, le
problème ne se pose pas du tout.
Mme Harel: Alors M. le Président, je remercie M.
Kalunda.
Peut-être pensez-vous, Mgr Valois, que ces questions sont
étrangères au mémoire que vous avez
présenté. Votre mémoire porte essentiellement sur toutes
les catégories de réfugiés et vous insistez pour une sorte
de maintien ou, sinon, pour un élargissement de notre accueil. Je pense
qu'il faut voir cela lucidement. Y a-t-il, comme certains le disent, des
problèmes particuliers d'intégration plus grands en ce qui
regarde ce groupe, cette catégorie que ceux des immigrants qui, eux,
quittent volontairement leur pays de façon définitive et sont
choisis à partir d'une grille de sélection?
Si c'est le cas, moi, ma conclusion - ça ne veut pas dire que des
difficultés plus grandes amènent une fermeture - est que des
difficultés plus grandes doivent être, à ce
moment-là, prises en considération pour qu'il y ait des moyens
d'action plus grands qui soient mis à leur disposition; sinon, il va se
développer une sorte de rejet de cette catégorie, compte tenu
qu'elle présente plus de difficultés que d'autres.
M. Valois: L'immigré qui vient ici librement, qui choisit,
qui demande et qui entre ici est psychologiquement en situation de s'adapter,
de prendre les coutumes d'ici. Le réfugié qui, lui, est sorti
précipitamment de son pays sous une pression quelconque a souvent
l'intention de retourner dans son pays et, après un certain nombre
d'années, on s'aperçoit qu'il n'est pas capable d'y retourner.
Les problèmes politiques ne se règlent pas du jour au lendemain.
Alors, quoi faire? Il y a certainement des difficultés plus grandes.
Est-ce qu'il faut les maintenir en contact avec la civilisation de leur pays,
avec la langue de leur pays, pour leur permettre un retour éventuel?
Cela serait très généreux de notre part, je pense, que de
faire cela. Est-ce que c'est possible quand on a 50 pays, des
représentants de 50 pays qui arrivent parmi les réfugiés?
On a tout un défi.
D'un autre côté, ce qu'il faut retenir, c'est que le
réfugié est quelqu'un qui a quitté son pays parce qu'il a
été obligé de le quitter et qu'il y retournerait, s'il le
pouvait. Vous savez, on voit parfois des pancartes: "Réfugié,
retourne chez toi, go home." Je pense qu'il y a un poster qui a
été publié comme ça et, en bas, on a ajouté:
"II le ferait s'il le pouvait." C'est la définition du
réfugié. Je pense que c'est quelque chose qui existait il y a dix
ans ou même il y a cinq ans. Quand je suis allé dans les camps de
réfugiés du Honduras, j'allais voir des réfugiés
là-bas. On avait à peine commencé, ici, à recevoir
des réfugiés, on n'avait reçu que des immigrés
auparavant. Là, on reçoit des réfugiés, on en
reçoit de plus en plus, en plus grand nombre, au point où on
commence à prendre panique et qu'on veut fermer les
frontières.
Ce que nous demandons, c'est qu'on identifie les vrais
réfugiés et qu'on leur donne une chance de vivre. C'est sûr
que, parmi ceux qui se disent des réfugiés, il y en a des faux,
mais qu'on prenne les moyens de bien les identifier. Ceux qui sont vraiment en
danger, qu'on leur permette de vivre.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le député de Viger,,
M. Maciocia: Merci, M. le Président. Mgr Valois, je
reviens à votre recommandation no 3 dans laquelle vous dîtes:
Suite aux accords constitutionnels du lac Meech, le gouvernement du
Québec doit développer de nouveaux moyens pour jouer son
rôle de façon pleine et entière. On sait pertinemment que
le Québec a le droit de faire le choix des réfugiés
à l'extérieur du Canada. L'année dernière, le
Québec a reçu environ 5000 réfugiés, cela veut dire
pas loin d'un tiers de tous les réfugiés du Canada. À part
cela, on a reçu aussi environ 13 000 revendicateurs. Pourriez-vous nous
dire combien de réfugiés le Québec devrait recevoir de
plus? De quelle manière? Quels seraient ces moyens dont vous nous parlez
dans la recommandation no 3: Nouveaux moyens pour jouer son rôle de
façon pleine et entière? Le Québec l'a déjà,
ce rôle, pour le choix à l'extérieur.
M. Valois: Je répondrai à la première
question, à savoir combien de réfugiés, et je laisserai
à M. Kalunda le soin de répondre aux autres questions. Combien de
réfugiés? Je ne sais pas. Parce qu'un réfugié,
c'est, par définition, quelqu'un qui est en danger et quelqu'un qui
cherche asile quelque part.
M. Maciocia: Je comprends, mais vous ne croyez pas que 5000...
Cela veut dire que près d'un tiers de tous les réfugiés du
Canada sont au Québec...
M. Valois Je pense que...
M. Maciocia: ...que, quand même, le Québec fait sa
part et même plus dans ce domaine.
M. Valois: Je pense que c'est à la suite
d'une concertation avec le gouvernement fédéral et les
autres provinces qu'il faudrait en arriver à faire en sorte que chacune
des provinces prenne une part de responsabilité dans cet accueil des
réfugiés.
M. Kalunda: Mais pour ajouter un mot à ce que monseigneur
vient de dire, les réfugiés ne sont pas des immigrants; donc, on
ne peut pas établir le nombre au départ. Si nous avons accueilli
1000 réfugiés et qu'il y a, de l'autre côté,
à côté de nos frontières, 100 réfugiés
qui arrivent, on ne peut pas laisser tomber ces 100 réfugiés
parce que nous en avons déjà accueilli 1000. Ce sont des
personnes en situation difficile et nous estimons qu'il est de la
responsabilité du gouvernement du Québec d'accorder la protection
à ces genres de personnes.
Quant à la responsabilité internationale du gouvernement
québécois, la société estime que l'entente
Couture-Cullen devrait être renforcée. Nous avons peur qu'avec
l'accord du lac Meech certains aspects qui donnaient quand même une force
aux politiques québécoises en matière d'immigration ne
s'effritent.
La société serait contente de savoir que le gouvernement
québécois cherche à renforcer certaines dispositions qui
existent déjà entre le gouvernement fédéral et le
gouvernement québécois et qui permettent au Québec
d'évoluer sur la scène internationale comme il l'a fait
jusqu'à présent.
M. Maciocia: Mais je crois que l'accord du lac. Meech nous permet
de faire ça aussi, M. Kalunda. Je crois qu'on a renforcé les
pouvoirs du Québec quant au choix, à l'accueil, ici, au
Québec même, ce qu'on n'avait pas auparavant. Si je peux
être un peu rassurant envers vous, je suis convaincu que même les
dispositions de l'accord Couture-Cullen seront renforcées avec l'accord
du lac Meech.
Je voulais seulement poser une autre question à Mgr Valois. On
comprend que votre mémoire porte essentiellement sur la question des
réfugiés, parce que c'est la vocation même de votre
organisme. Mais vous savez aussi que la commission étudie les niveaux
d'immigration pour 1988-1989.
Vous n'avez pas soufflé mot sur cet aspect-là. Est-ce
qu'on pourrait connaître la position de votre organisme vis-à-vis
des niveaux d'immigration de 1988 et 1989 et aussi, étant donné
que vous ne connaissez pas les éléments des
réfugiés, si vous pouviez nous dire quelque chose, quelles
seraient vos réflexions quant à la réunification des
familles et l'immigration indépendante?
M. Valois: II y a beaucoup de choses dans vos trois questions.
Quels sont les niveaux? Moi, je ne peux pas me prononcer pour la
société actuellement; il faudrait qu'on étudie cela
ensemble. Il y a une chose qui nous a frappés. Je pense que c'est
l'immigration sélective. On fait venir des personnes qui vont venir
faire des investissements ici et on les accepte facilement.
Nous sommes plus sensibles, nous, à ceux qui sont dans le besoin
et qui sont faibles, démunis et nous aimerions voir une action du
gouvernement du côté de ces personnes. Je vous donne un exemple:
depuis quelques mois je suis en relation avec les deux ministères,
fédéral et provincial, pour essayer de faire venir une famille de
Chiliens au pays. Cela bloque parce qu'il y a un membre de la famille qui est
handicapé et cela va représenter des soins à donner
à cet enfant. Je ne peux pas vous dire... Je ne pense pas que cela
bloque du côté du Québec, je ne le crois pas mais, en tout
cas, je vous dis qu'il y a quelque chose. On est revenu, on a insisté et
on n'a pas été capable de faire venir la personne en
question.
Alors, quand vous me parlez des niveaux d'immigration je vous dis que je
ne peux pas me prononcer sur cela, mais je voudrais que le Québec soit
sensible à l'accueil comme il l'a fait, je pense bien. Je voyais Mme
Robic, elle avait probablement en tête la jeune Chilienne qu'on a
accueillie et qu'on soigne encore, cette grande brûlée qui
bénéficie, au fond, de soins gratuits de la part du
Québec. C'est ce genre d'actions que nous proposons.
Votre deuxième question, je m'excuse...
M. Maciocia: Cela portait sur une question de moralité;
c'était une réflexion sur la réunification des familles et
des immigrés indépendants.
M. Valois: Nous travaillons aussi à plusieurs projets de
réunification des familles. Quand je dis nous, je parle du
diocèse. Nous travaillons à plusieurs projets de
réunification des familles. Je pense que tout le monde est sensible
à cela quand on dit que c'est pour la réunification des familles.
On se pose des questions un peu comme le père Harvey en posait tout
à l'heure. Ce sont des familles éclatées. Il y a une
famille à Saint-Jérôme, actuellement, et on travaille pour
faire venir les membres de la famille et c'est une trentaine de personnes.
Alors, cela devient une famille éclatée. On ne sait pas... Moi,
je n'ai vraiment pas d'idée... Je pense qu'on peut travailler à
faire venir ces familles parce que, d'abord, la famille qui est en place - et
ils sont déjà assez nombreux - est en mesure d'accueillir parents
et d'en prendre charge. Ce sont des coûts qui ne reviendront pas au
gouvernement. Ce sont des familles qui vont elles-mêmes intégrer
ces nouveaux venus.
Jusqu'à quel point faut-il aller quand on parle d'une famille
éclatée comme cela? Je ne le sais pas, je ne peux pas vous
répondre là-dessus. Vous aviez un troisième aspect
aussi?
M. Maciocia: Vous m'avez seulement donné, je dirais
quasiment, l'occasion de vous poser une autre question. Vous parliez des
réfugiés, je le comprends très bien mais vous n'avez pas
dit que le gouvernement fait des efforts pour avoir des immigrants
investisseurs. Nous, on y croit et, moi, j'y crois personnellement: il faudrait
avoir les deux, parce qu'il faut quand même comprendre que le
gouvernement a des responsabilités financières. Pour accepter des
réfugiés, il faut quand même que le gouvernement
dépense plus et, si c'est cela, cela nous prend aussi des immigrants
investisseurs pour compenser, à certains moments, ces dépenses
qu'il faudrait investir dans le domaine des réfugiés pour en
avoir encore plus.
M. Valois: Pour faire l'un et ne pas négliger l'autre.
Le Président (M. Trudel): Avez-vous terminé, M. le
député de Viger? Mme la ministre?
Mme Robic: Oui, merci, M. le Président. Mgr Valois, en
vous remerciant de vos propos fort intéressants, vous me voyez contrite
de vous avoir négligé et j'ai été très
présente à la table de concertation. Vous ne faites pas partie de
la table? En faites-vous partie?
M. Valois: Non, je n'en fais pas partie.
Mme Robic: Alors, on va réparer cette erreur de ma part et
c'est avec plaisir que mon cabinet organisera une rencontre avec vous dans les
plus brefs délais.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mgr Valois et M. Kalunda, vous savez que je suis,
cette semaine, un peu dans une situation d'apprentissage puisque ce n'est que
depuis hier que je suis devenu porte-parole aux Communautés culturelles.
Au fur et à mesure que je vous entends, comme j'entendais ceux qui vous
ont précédés et, j'en suis persuadé, ceux qui
suivront, je reçois des commentaires et des notes extrêmement
pertinentes qui me permettent de me former une idée de l'ampleur du
problème, des difficultés qu'il pose. Cela ne m'empêche
quand même pas de penser qu'il y a une solution très humaine et
qu'il ne faudra quand même pas précipiter de façon qu'elle
- et je le disais au père
Harvey tantôt - n'ait pas les défauts peut-être de la
première qualité qu'elle aurait. Donc, vous avez contribué
à cette réflexion-là qui se produit et à la
recherche de solutions, qui est ma responsabilité depuis quelque temps,
enfin, très exactement une journée.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député. Mgr Valois, à mon tour au nom des membres de cette
commission, merci de votre présence et à un de ces jours. Vous
allez rencontrer Mme la ministre probablement beaucoup plus prochainement que
je n'aurai le plaisir de vous revoir. Alors, à la prochaine.
M. Valois: Merci beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Bienvenue. Sur ce, la commission
suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 28)
(Reprise à 15 h 13)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Les députés qui sont assis à la place du public
peuvent rejoindre la table des députés et le public qui est assis
à la table des députés peut rejoindre cette partie de la
salle réservée au public. Merci.
Avec un retard de dix à quinze minutes, celui-ci étant de
douze minutes trente-cinq secondes, la commission de la culture reprend ses
travaux en vue d'exécuter son mandat de consultation particulière
sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989, en tenant
compte des besoins démographiques, économiques et socioculturels
du Québec de même que de ses obligations à l'endroit de la
communauté internationale et des familles à l'étranger des
nouveaux résidents québécois.
Je vois que nos prochains intervenants sont déjà assis
à la table des invités. Il s'agit de la Centrale de
l'enseignement du Québec, avec M. Raymond Johnson,
vice-président, que nous avons eu...
Une voix: Johnston.
Le Président (M. Trudel): Johnston, oui, excusez-moi...
Nous avons eu le plaisir de l'accueillir hier soir, et il y a M. Henri Laberge,
conseiller syndical, à qui je souhaite la bienvenue. Je ne sais pas
lequel des deux va être le porte-parole. Vous connaissez les
règles du jeu puisque vous les avez vécues hier
après-midi. Il est 15 h 15. Nous en avons pour une heure.
Messieurs, la parole est à vous.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Johnston (Raymond): Si vous me le permettez, M. le
Président, vu qu'il est fort probable que Mme la ministre et les
critiques de l'Opposition ainsi que leurs camarades des deux côtés
de la Chambre aient pris connaissance de notre mémoire, je vais essayer
de le résumer tout en signalant les éléments qui nous ont
amenés à nous préoccuper de cette question.
Vous savez sans doute - ce n'est probablement pas nécessaire de
le rappeler -que la majeure partie des membres de la CEQ sont des
syndiqués dans les services publics ou parapublics, ou
péripublics. Donc, ce sont des gens en contact avec une clientèle
qui varie en même temps que la population québécoise. Par
ailleurs, nous avons, au cours des années, développé des
liens importants avec des organisations à l'extérieur du pays et
des organisations ici, au Canada et au Québec, qui nous ont
habitués à considérer les problèmes d'immigration
sous un angle un petit peu différent de l'angle habituel des
résidents québécois. Notamment, l'an dernier, une des
camarades du bureau national, une vice-présidente de la CEQ, a fait
partie d'une délégation avec d'autres personnes que vous
connaissez probablement et est allée visiter des prisonnières
chiliennes, des prisonnières politiques au Chili. Également, l'an
dernier, à la demande de la table de concertation des organismes de
défense des réfugiés, la CEQ a autorisé M.
Noël Saint-Pierre à faire un voyage en Argentine pour rencontrer
les Chiliens qui y avaient été bloqués à cause de
la nouvelle directive du ministre Benoît Bouchard.
Par ailleurs, on a aussi analysé un bon nombre de dossiers qui
ont des incidences sur les droits humains, des incidences aussi sur les
rapports nord-sud, notamment toute la question de la paix. On a donc
développé, à cet égard, une approche très
ouverte avec les années. De plus, la CEQ participe activement aux
travaux actuels de la Ligue des droits et libertés, dont elle est
membre, et elle collabore très étroitement avec la table de
concertation des organismes de défense des réfugiés.
Donc, tout cela nous a amenés à considérer la
question de l'immigration sous l'angle des résidents
québécois, mais aussi sous l'angle de la responsabilité
internationale.
Nous n'avons pas l'intention de nous limiter, comme vous avez pu vous en
rendre compte, à la seule question du niveau d'immigration. Nous sommes,
d'emblée, favorables à une augmentation du niveau d'immigration
qui permettrait, celle-ci combinée, à un certain nombre d'autres
politiques, une évolution progressive de la population
québécoise. Mais nous devons considérer et nous
considérons qu'une politique d'immigration, vue du Québec, doit
aussi prendre certaines nuances. Elle doit s'intégrer à une
politique globale de la population qui doit comprendre, à notre point de
vue, un certain nombre de mesures qui permettent l'accroissement naturel de la
population québécoise, favorisant à tout le moins
l'accroissement de la population québécoise par voie naturelle
et, d'autre part, qui permettent aussi d'inciter le plus grand nombre de
résidents québécois à demeurer au Québec.
C'est bien de parler du niveau d'immigration au Québec, mais on ne peut
pas négliger non plus, dans le cadre d'une politique globale de la
population, l'impact du flux migratoire vers l'extérieur.
Finalement, il faut aussi regarder toute cette question dans un contexte
canadien et québécois, d'une façon plus
particulière, où se vaut aussi, d'une certaine façon,
l'identité d'une société. Cela nous amènera
à faire à cet égard un certain nombre de commentaires sur
les mesures qui devraient être prises pour faciliter l'intégration
des immigrants, de quelque catégorie qu'ils soient, à la
société québécoise dans le contexte d'une
société que nous croyons devoir être multiethnique, mais
francophone. C'est-à-dire qu'il faudra prendre des mesures
parallèlement à l'augmentation du niveau d'immigration pour faire
en sorte que le flot d'immigration puisse permettre à la
société francophone de se renforcer et, en même temps,
conserver l'expression du caractère multiethnique de cette
société.
Donc, il faudra faire en sorte de plus en plus, à notre point de
vue, que le français devienne la langue commune véritable pour
l'ensemble du Québec. Cela suppose, comme cela a été
mentionné dans un autre mémoire hier soir, un certain nombre de
mesures de renforcement, notamment des dispositions prévues dans la loi
101. Cela suppose aussi, jusqu'à un certain point, une remise en train
de la détermination du gouvernement du Québec de faire de la
société québécoise une société
francophone authentique tout en respectant le caractère multiethnique de
cette société.
Il est important, à cet égard, que le gouvernement du
Québec, le Parlement du Québec réussisse à se
convaincre de la nécessité d'obtenir un certain nombre de
pouvoirs supplémentaires ou la suppression d'entraves constitutionnelles
pour lui permettre d'exercer une juridiction complète en matière
linguistique et lui permettre également d'exercer une juridiction
complète en matière d'éducation de telle façon
qu'on puisse passer d'un système scolaire dit confessionnel à un
système scolaire fondé sur la distinction linguistique afin que
l'intégration devienne de plus en plus facile à
l'intérieur de l'école commune française
québécoise.
Nous pensons aussi qu'on doit pousser cette recherche de la francisation
par une forme de consolidation et même d'amélioration des
dispositions de la loi 101. Je vais passer là-dessus rapidement pour
dire rapidement que, pour nous, après considération de l'ensemble
de la situation au Québec, il serait important que le gouvernement
québécois, au-delà du succès obtenu avec une forme
de garantie d'enchâssement des principes de l'accord Cullen-Couture dans
les discussions constitutionnelles, puisse se donner les moyens d'avoir chez
lui le pouvoir de déterminer non seulement une proportion de
l'immigration canadienne qui doit lui être allouée mais un nombre
et avoir le contrôle de son propre flux migratoire de telle sorte qu'il
puisse développer par lui-même sa propre politique de la
population.
Nous soulignons dans notre mémoire une couple de faiblesses de
l'accord du 3 juin que l'on vous demande de considérer. On sait bien que
c'est un petit peu tardif mais, au moment où notre mémoire a
été rédigé, la décision de
l'Assemblée nationale de ratifier l'accord du lac Meech dans la version
du 3 juin n'était pas encore connue. Nous pensons qu'il devrait y avoir
une attention particulière apportée notamment au texte de
l'article 95 qui, dans une certaine mesure, au deuxième alinéa,
pourrait être interprété -comme il sera vraisemblablement
interprété -comme étant une prépondérance
complète du gouvernement fédéral sur les questions - de
l'immigration.
Il faut donc, à notre avis, récupérer au
Québec des pouvoirs élargis en matière d'immigration et il
faut se donner aussi les moyens pour les exercer avec une certaine forme
d'indépendance. Ce qui veut dire que, notamment à l'égard
de la question des réfugiés, il faudrait développer chez
nous des institutions. Probablement qu'il pourrait naître d'un
développement de la Commission des droits de la personne une
espèce de section particulière qui pourrait considérer les
demandes des revendicateurs de statut de réfugié au Québec
avec l'accord du gouvernement fédérai. Cela permettrait
éventuellement d'examiner ces demandes-là, sans
nécessairement avoir de préjugés, à l'égard
des pays avec lesquels le Canada entretient des relations ou de fourniture
commerciale ou militaire ou d'entente de quelque nature que ce soit. Là,
je renvoie Mme la ministre en particulier à ses propres
inquiétudes autour de la notion des pays sûrs que M. Bouchard
évoque à l'occasion. Je pense qu'on a là quelque chose qui
devrait nous amener à un regard qui permette d'envisager les
revendicateurs de statut de réfugié autrement que dans le sens de
nos intérêts au plan des rapports internationaux.
Je veux aussi souligner que nous sommes favorables, d'emblée,
à l'élargisse- ment d'une politique d'accueil des
réfugiés pour des motifs humanitaires ou des motifs qui ne les
rendent pas nécessairement tous identifiables comme étant des
réfugiés au sens strict de la convention. Nous pensons que toutes
les personnes qui ont des motifs sérieux de craindre ou bien pour leur
vie ou bien pour leur sécurité, ou même pour leur
liberté, devraient être capables de trouver au moins une terre
d'accueil ici, au Canada, en considérant qu'il y a quand même des
obstacles géographiques importants au déplacement de flots
migratoires majeurs vers le Canada.
Je pense aussi qu'une politique québécoise de
l'immigration devrait permettre de maintenir l'objectif de la
réunification des familles. On devrait aussi accorder une attention un
peu spéciale à d'autres formes de parrainage que celles qui sont
actuellement les plus couramment utilisées de façon qu'on puisse
. permettre d'atteindre des familles à revenu plus modeste et qu'elles
puissent s'impliquer dans les processus d'immigration. Donc, il y a moyen de
mettre à contribution, selon les volontés des groupes, des
municipalités, des associations ou des syndicats qui, à
l'occasion, pourraient accepter le parrainage d'immigrants ici au
Québec.
Il faut aussi - on le soulignait tantôt -faire un
équilibrage normal entre nos visions de l'apport de l'immigration et les
efforts qui doivent être faits ici, au Québec et au Canada, pour
augmenter le taux de natalité. Je ne parle pas nécessairement
d'une politique familiale extrêmement nataliste par excellence, mais de
mesures qui doivent être prises - nous en énumérons
plusieurs - et qui pourraient permettre un peu plus de liberté de choix
aux familles quant au nombre d'enfants qu'elles peuvent se permettre d'avoir
dans les conditions socio-économiques qui sont les nôtres, ici, au
Québec.
Je pense aussi qu'il y a un certain nombre d'éléments de
prudence qu'il faut avoir. C'est clair qu'on ne peut pas se placer en situation
d'ouvrir une voie à la formation ou à l'élargissement d'un
courant xénophobe ou raciste au Québec, ni au Canada. Il y a donc
un certain nombre de précautions qu'il faut prendre. Il faut ouvrir du
côté de l'éducation multiculturelle, multiethnique et il
faut ouvrir aussi pour éviter les difficultés des jeunes qui se
retrouvent souvent dans une situation de confrontation entre la culture avec
laquelle ils sont en contact dès lors qu'ils sortent de leur famille et
la culture d'origine de la famille qui est souvent maintenue envers et contre
tous par l'autorité familiale. (15 h 30)
II y a une espèce de support supplémentaire qui devrait
être mis à la disposition des familles au Québec à
partir probablement du milieu scolaire ou d'autres instances qui
permettent une espèce de considération de la situation
dans laquelle sont placés les enfants ici.
Donc, il faut penser à l'évolution du Québec en
maintenant le caractère français de la société
québécoise. Il faut une ouverture au multiculturalisme et
à une forme de société multiethnique, mais il faut aussi
envisager qu'on doit tout faire cela dans le respect des droits humains les
plus fondamentaux. Nous pensons qu'il y a malheureusement ici, au Canada, un
courant avec, disons-le, un ministre qui semble, à ce moment-ci, avoir
un grand manque de sensibilité - c'est le moins qu'on puisse dire -
à l'égard de la situation que vivent des populations importantes
partout dans le monde. Je fais allusion au projet de loi récent du
gouvernement fédéral qui a été déposé
hier et au projet de loi C-55 qui est l'objet de discussions depuis le
printemps dernier.
Là-dessus, nous rejoignons un peu les propos que rapporte Le
Soleil de ce matin concernant une lettre que vous auriez fait parvenir au
gouvernement fédéral. Nous pensons qu'il y a lieu de
s'inquiéter de la fermeture brutale des frontières canadiennes.
Il y a lieu de s'inquiéter aussi de l'absence de reconnaissance de
droits aux personnes qui viennent revendiquer chez nous la protection du Canada
et du Québec, dans certains cas. Il y a lieu de s'inquiéter aussi
des procédures d'exception qui sont utilisées même à
l'encontre de conventions internationales auxquelles le Canada est censé
avoir adhéré.
Tout cela nous amène à dire qu'il faut une
véritable politique de la population axée sur trois volets
fondamentaux: politique familiale, politique d'immigration et politique
d'incitation à rester au Québec. Mais tout cela ne pourra se
faire que si le gouvernement développe, de façon importante, des
politiques sociales et des politiques de plein emploi pour l'ensemble des
régions.
Une des questions qui reviennent de façon permanente devant la
commission, c'est la question de la "montréalisation", de l'immigration.
Je vous dirai là-dessus, à titre de réflexion toute
préliminaire, que les réfugiés, et les immigrants de
façon générale aussi, ont le même réflexe que
la population québécoise. Quand il n'y a pas d'activités
économiques importantes dans une région, quand il manque
d'emplois dans une région, quand il n'y a pas de structures culturelles
dans une région, quand la vie sociale d'une région ne comporte
aucun attrait, c'est normal que les gens aillent vers la région qui
comporte tous ces attraits. Donc, dans la mesure où on considère
que la "montréalisation" de l'immigration peut devenir un
problème, cela suppose qu'on essaie de développer dans tout le
Québec de multiples centres d'attraits à la fois
économiques, culturels, scolaires et qu'on aille donc vers un
développement harmonieux des régions à tout point de vue,
de telle sorte que ces régions puissent soutenir l'arrivée de
nouvelles personnes, mais, en même temps, conserver leurs propres acquis
quant à la population.
Des régions qui se dépeuplent au Québec, il y en a
beaucoup et elles se dépeuplent parce qu'elles ne se développent
pas, à tous égards, au même rythme que la région de
Montréal. À moins d'envisager un régime autoritaire, le
gouvernement devrait, à notre point de vue, être conscient qu'il y
a là un problème de développement fondamental du
Québec qui est à l'origine du déplacement des populations,
en même temps que fondamentalement un facteur principal de l'attrait de
la région métropolitaine de Montréal pour les populations
qui viennent de l'extérieur.
Donc, je m'arrête là-dessus parce que je pense avoir
presque atteint mes 20 minutes, en étant sûr de ne pas avoir tout
couvert.
Le Président (M. Trudel): Vous les avez même
légèrement dépassées. Merci, M. le
vice-président.
Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme Robic: Merci, M. le Président. Je remercie la Centrale
de l'enseignement du Québec d'être présente à cette
table, d'avoir accepté notre invitation par l'entremise de M. Johnston
et de M. Laberge. J'aimerais vous dire tout d'abord que l'oeuvre que vous
faites auprès des réfugiés et des plus démunis de
ce monde est tout à votre honneur et je vous en félicite,
d'ailleurs. Je veux également vous dire à propos, du fameux
voyage dont vous avez parlé, au Chili, dans les prisons, où Mme
la députée de Maisonneuve est d'ailleurs allée, que le
Québec a fait parvenir un chèque au montant de 25 000 $ de notre
fonds de réfugiés pour aider ces personnes en détresse.
C'est un peu grâce à vous si on a pu identifier ce groupe et que
le Québec a pu les aider.
Je puis vous assurer que l'intention du gouvernement du Québec
est de faire tout en son possible et en son pouvoir pour intégrer les
immigrants à la majorité francophone. C'est dans cette optique,
d'ailleurs, que le Conseil des ministres a octroyé des budgets
additionnels afin que nous puissions permettre aux revendicateurs du statut de
réfugié de prendre des cours de français.
J'ai également voulu, dans cette même optique, créer
un programme spécial pour la femme à domicile. Je croyais que
c'était important que chaque membre de la famille puisse apprendre le
français. On ne peut pas faire d'intégration quand une personne
aussi impartante, au sein de la famille, ne parle pas français. C'est
une première année de programme. Nous espérons que nous
allons
obtenir un succès et que nous allons pouvoir élargir ce
programme pour aider à l'intégration de la famille
complète dans la société francophone.
Vous avez parlé de l'accord du lac Meech. Celui-ci va pas mal
plus loin en immigration que l'entente Couture-Cullen. Non seulement l'accord
comprend-il les principes, mais également la pratique de l'entente
Couture-Cullen, plus des pouvoirs additionnels en ce qui concerne la
sélection. Nous récupérons également des pouvoirs
en ce qui a trait à la réception, à l'intégration
et à la francisation des immigrants. Nous pensons que ce sont des
pouvoirs additionnels très importants pour le Québec.
Cependant, nous acceptons le fait que nous vivons dans une
fédération et nous acceptons que l'immigration soit de
compétence partagée. Nous nous posons aussi une série de
questions sur la loi C-55. Nous avons des inquiétudes. L'article fait
mention de certaines inquiétudes. Nous aurions pu développer un
peu plus là-dessus. Oui, nous avons posé un certain nombre de
questions et nous avons fait un certain nombre de recommandations au ministre
Bouchard. On espère qu'il en tiendra compte dans les jours qui
suivent.
J'ai également hâte, je vous l'avoue, d'entendre le
prochain groupe qui vous suit, soit un groupe de Trois-Rivières qui
s'appelle le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens et qui va
certainement nous parler de "démontréalisation" des immigrants.
J'ai hâte de voir s'ils ont quelque chose, un modèle à nous
offrir, parce que vous savez que, pour pouvoir faire ce genre d'action, vous
l'avez dit, cela prend un développement économique, cela prend
une communauté qui est prête à recevoir ces gens, à
les accueillir. Ces gens vont être obligés de se sentir non
seulement bienvenus, mais ils vont pouvoir se retrouver un peu entre eux. Il
faudrait presque qu'il y ait une communauté d'un certain nombre, qu'il y
ait un petit noyau et qu'ils aient le goût de rester là, ensemble.
On peut penser, par exemple, aux Portugais de Sainte-Thérèse ou
à ceux de Hull qui sont regroupés en communauté. Je suis
certainement sensible aux préoccupations de toutes les personnes autour
de cette table-ci. J'espère que le groupe de Trois-Rivières a eu
le temps d'y réfléchir et que, peut-être, on pourrait faire
une action à ce sujet.
Vous insistez beaucoup également, dans votre mémoire, sur
la nécessité de mettre en place une politique de population pour
le Québec. Comment voyez-vous l'articulation de cette politique avec la
politique d'immigration? Est-ce que vous pourriez nous parler de vos vues
là-dessus?
M. Johnston: Est-ce que je réponds maintenant?
Le Président (M. Trudel): Allez-y, oui.
M. Johnston: Nous pensons qu'il est difficile d'envisager le
développement de la population québécoise par des moyens
naturels sans que la famille ait un appui supplémentaire à celui
qu'elle a actuellement. Dans la recommandation que vous trouvez au no 3, je
pense, en annexe à notre mémoire, qui essaie de condenser
l'essentiel de ce que nous avions dit à ce sujet, vous trouvez un
certain nombre de choses qui sont de l'ordre du soutien à la famille,
mais aussi un certain nombre de garanties supplémentaires pour les
individus qui composent cette famille, notamment le rétablissement de
l'équité en termes de mesures fiscales à l'égard
des personnes qui ont charge d'enfants, l'institution d'un véritable
régime -on devrait peut-être ajouter "universel", parce que c'est
de plus en plus contesté -d'allocations familiales avantageux pour les
familles, la généralisation de régimes de congé de
maternité et de paternité, l'allongement des périodes
couvertes par ces congés et la création d'une caisse
québécoise de congés parentaux avec contribution
obligatoire pour les employeurs, sans que celle-ci soit liée au nombre
de femmes qu'ils emploient. Si c'est basé sur le nombre de femmes
salariées de l'entreprise, cela risque de se retourner contre elles,
parce que l'entreprise va considérer qu'il y a des coûts trop
importants à utiliser des femmes. Il va donc y avoir une forme de
retrait, provoqué par les employeurs, du marché du travail pour
les femmes.
Il y a un certain nombre de mesures de soutien qui, nous le pensons,
peuvent favoriser le développement de la famille
québécoise. Ces mesures pourraient éventuellement
permettre non pas un bond fantastique du taux de natalité, mais de
meilleures conditions socio-économiques pour que les familles d'ici
puissent envisager plus facilement la venue d'un deuxième enfant, quand
elles ne sont pas bloquées devant la venue du premier. Tout cela, je
pense, devrait produire des effets à moyen terme; c'est sûr qu'on
n'aura pas des effets du jour au lendemain, mais des effets à moyen
terme qui devraient permettre d'éviter que le taux actuel de
remplacement de la population québécoise, qui est très
faible, se maintienne trop longtemps et que cela conduise à une chute
brutale de la population du Québec sur quelques
générations. (15 h 45)
II faut allier à cela un certain nombre de mesures qu'un
gouvernement devrait prendre, à notre point de vue, dans la perspective
de produire chez nous ce qu'on peut appeler des conditions de plein-emploi,
puisqu'il y a beaucoup de ressortissants québécois qui vont
ailleurs au Canada et aux États-Unis, comme il y a un certain nombre
de ressortissants étrangers qui sont venus au Québec et
qui s'en vont vers l'extérieur, à la recherche de conditions
d'emploi ou de conditions de marché du travail un peu plus
satisfaisantes qui leur permettront d'assumer leurs propres
responsabilités individuelles.
Donc, il y a tout cela qu'il faut développer, en même temps
que l'an doit essayer de rendre les régimes les moins contraignants que
ce qui se fait au chapitre des régimes de vie des personnes.
Voilàt
Mme Robic: Merci. Votre mémoire, également,
prône un Québec multiethnique francophone. Comment arriver
à concilier ces objectifs avec une politique d'immigration
expansionniste. Quels sont les efforts que vous jugez prioritaires?
M. Johnston: On devrait d'abord s'assurer que les jeunes
immigrants et leurs enfants soient naturellement dirigés, comme ils le
sont actuellement, vers l'école française.
On devrait aussi s'assurer progressivement que le marché du
travail soit conçu de telle façon qu'il y ait une pression aussi
sur les travailleurs et travailleuses qui proviennent de l'étranger pour
qu'ils apprennent le français d'eux-mêmes, même s'ils ont
passé l'âge scolaire.
Il devrait donc y avoir des garanties supplémentaires qui
feraient en sorte que le français devienne une langue de travail plus
communément acceptée avec moins de ces exceptions arbitraires,
dans bien des cas, dans tout le Québec et particulièrement dans
la région montréalaise.
On devrait aussi faire en sorte que l'intégration dans la
communauté francophone, qui se fait de plus en plus par le réseau
des écoles protestantes au Québec, à cause de la plus
grande tradition de réception et de l'ouverture qui est perçue
par cette clientèle du fait que le caractère confessionnel de ce
réseau est moins prononcé que celui du réseau
catholique... Il devrait donc y avoir une attention apportée pour faire
en sorte que, comme on le disait tantôt, les écoles communes
françaises ne soient pas nécessairement embrigadées dans
des réseaux confessionnels et permettent le partage d'une certaine
communauté de valeurs dans le milieu scolaire. Donc, il y a une certaine
forme de pluralisme scolaire reconnu dans des institutions que se fonde
plutôt sur la langue que sur la religion et qui, .de toute façon,
ne fait que diviser le système en quatre, sans compter le secteur
privé.
Je veux souligner à cet égard, comme complément,
qu'on est à la veille de subir des pressions importantes de la
communauté anglophone ou pour supprimer les contraintes de la loi 101,
ou pour limiter le contrôle des institutions du réseau scolaire
protestant, puisqu'elles ont toujours été perçues dans la
population anglophone, comme étant des institutions protestantes, bien
sûr, mais anglophones d'abord et qu'avec l'évolution des
populations dans le réseau protestant un certain nombre d'institutions
scolaires pourraient devenir, sur quelques décennies, des institutions
contrôlées, par voie électorale, par une majorité
francophone et non plus anglophone. Disons qu'il y a une crise sociale qui
vient de ce côté-là.
L'autre train de mesures qu'on signale, c'est aussi de s'assurer une
éducation à la communication interculturelle. C'est-à-dire
qu'il faudrait... On a déjà commencé à discuter
avec certains fonctionnaires du ministère de l'Éducation de la
nécessité de développer un programme à cet
égard, un programme qui permette à la fois une connaissance, en
milieu scolaire, des différentes ethnies desservies par une
école, qui permette, donc, une meilleure compréhension et qui
permette en même temps, une sorte de formation aux droits humains.
On pense aussi qu'il devrait y avoir, probablement, un effort de fait,
dans la mesure où c'est possible de le faire, pour inciter les gens qui
viennent ici à apprendre le français de façon naturelle,
par des mesures de support comme vous le faites présentement.
Peut-être faudrait-il avoir une assistance un peu plus grande dans
certains cas, quoiqu'on n'en fasse pas, à ce moment-ci, pour ce qui nous
concerne, une question fondamentale.
Voilà, c'est l'ensemble des mesures que nous préconisons.
Nous pensons aussi qu'il faut développer, même si on ne l'a pas
mentionné directement dans notre mémoire, un certain nombre de
services supplémentaires à partir des institutions existantes
pour mettre les communautés ethniques en communication entre elles et
avec la majorité francophone du Québec. Il faut promouvoir des
lieux de rencontre à partir des lieux de rencontre naturels.
L'école est un lieu de rencontre naturel pour les populations. Il
devrait y avoir des services de support aux communautés qui seraient
assumés à partir du réseau scolaire, puisqu'il y a
là un lieu de rassemblement, et ces activités ne devraient pas
viser que les étudiants mais aussi les familles immigrantes.
M. Laberge (Henri): Vous permettez que j'ajoute quelque chose sur
la question du marché du travail français? Je pense qu'un des
résultats de la Charte de la langue française et en partie,
aussi, de la loi 22 qui l'avait précédée a
été d'amener une certaine francisation des milieux de travail
dans le sens que, dans un grand nombre d'entreprises, il est plus facile pour
les gens d'origine francophone de travailler en français, mais les
objectifs de la Charte de la langue
française allaient bien au-delà de cela. Je pense que
c'est uniquement pour ce point qu'on peut dire qu'elle a été, en
partie, atteinte. Il y a encore des poches de résistance importantes
à la francisation dans les milieux de travail. Même dans les
milieux où on a prétendument atteint un niveau de francisation
important, dans des entreprises qui affichent le certificat de francisation de
l'office, on nous a dit que si, dans ces entreprises-là, les
francophones travaillaient désormais en français, quand arrive un
immigrant, on le fait travailler en anglais. Or, c'est absolument contraire
à l'objectif qui veut assurer l'intégration des immigrants dans
le milieu de travail. Il faudrait que l'objectif de la francisation du milieu
de travail ne touche pas que les populations qui sont déjà
francophones, il faudrait que cela touche l'ensemble de la population, y
compris les immigrants.
Il y a aussi d'autres problèmes d'interprétation de la
charte. Je pense que, si on veut vraiment que la Charte de la langue
française atteigne l'objectif de faire du français la langue
commune dans le milieu du travail, il ne faudrait pas que cette fameuse
interprétation qui a été donnée de l'article 41,
par exemple, à savoir qu'un employé individuel ne peut pas exiger
que son employeur s'adresse à lui en français sous
prétexte qu'on parle du personnel et non pas de chaque membre du
personnel en particulier... C'est une interprétation assez aberrante,
d'autant plus que ce qui semble avoir joué aussi, dans ce
jugement-là, c'est le fait que l'individu qui se plaignait d'avoir
été congédié en anglais n'était pas un
francophone. Ce ne devrait pas être une raison qui soit acceptée
puisque, si on établit que le français est la langue commune,
tout Québécois, quelle que soit son origine ou sa langue
maternelle, devrait pouvoir exiger qu'on s'adresse à lui en
français, s'il fait cette exigence. C'est une chose qui devrait devenir
élémentaire autant qu'ailleurs, dans l'Ouest du Canada, n'importe
qui, qu'il soit Italien, Portugais ou Grec, si on le congédiait dans une
autre langue, dans une langue qui n'est pas celle du pays, pourrait se plaindre
et je pense que ce serait considéré comme contraire aux usages
admis.
Vous avez parlé de l'entente du lac Meech; en fait, l'entente du
3 juin, pour être plus précis. À plusieurs endroits dans
notre mémoire, on signale des faiblesses. D'abord, cela ne touche pas
l'article 93; l'article 93 est extrêmement important du point de vue de
l'intégration des immigrants parce que, en maintenant les structures
confessionnelles, cela empêche que les immigrants se retrouvent dans des
écoles communes avec la majorité de la population
québécoise. Il nous apparaît important de toucher à
l'article 93 pour pouvoir établir un système non confessionnel
d'écoles.
Cela ne touche pas non plus à l'article 133- L'article 133 touche
à un symbole extrêmement important. Les immigrants arrivent au
Québec et, voient que, pour ce qui est de l'expression même de
l'État, les deux langues sont sur le même pied. Comment peut-on
ensuite leur dire: Nous vous demandons de vous intégrer en
français, alors que l'État lui-même place les deux langues
sur le même pied? Pour cela, il aurait été important de
toucher à l'article 133.
L'article 23 élargit les critères d'admission à
l'école anglaise d'une façon qui pourrait devenir dangereuse.
Actuellement, la pratique ne semble pas avoir été aussi loin que
ce que permet l'article 23 de la charte canadienne, mais si on voulait
l'interpréter d'une façon très large, cela pourrait
devenir extrêmement dangereux. Lisez, à ce point de vue-là,
le paragraphe 2 de l'article 23 qui pourrait éventuellement devenir
très dangereux. Je pense que le ministre de l'Éducation a
déjà souligné ce danger. Nous pensons que cela aurait
dû, à l'occasion des négociations du lac Meech, être
un élément important.
Ensuite, il y a l'article 95b2 qui, effectivement, donne la
priorité absolue à toutes les lois que le gouvernement
fédéral pourra qualifier de lois portant sur les normes et les
objectifs nationaux. Cela comprend la définition des catégories
d'immigrants. Par exemple, on dit, dans notre mémoire, la
catégorie de la famille sur laquelle le Québec n'a aucune emprise
pour la définir puisque l'article 95b2 dit que: Toute entente faite
entre le Québec et le gouvernement fédéral au sujet de
l'immigration ne sera valide que dans la mesure de sa compatibilité avec
les lois fédérales qui portent sur ces questions-là.
Voilà les éléments principaux qu'on a mentionnés
dans notre mémoire et qui aurait dû être touchés dans
l'entente du lac Meech et qui, malheureusement, ne l'ont pas
été.
Le Président (M. Trudel): Merci. Mme la ministre, un court
commentaire parce que le temps est à peu près aussi
épuisé que nous...
Mme Robic: Oui.
Le Président (M. Trudel): ...depuis quelques minutes.
Mme Robic: M. le Président, je veux seulement revenir
à ce matin, où le père Julien Harvey nous a dit que, pour
avoir une culture, il fallait neuf éléments. Je ne sais pas s'il
faut absolument avoir ces neuf éléments-là ou s'il faut en
avoir plus, ou, peut-être, un de moins, je ne sais pas, mais je serais
tentée de dire que l'un de ces éléments est la religion.
Alors... Non?
Mme Harel: Non, il n'a pas du tout mentionné cet
élément-là.
Mme Robic: Non, ce n'est pas lui, c'est moi qui le mentionne.
Mme Harel: Ah!
Mme Robic: Je vous dis: Est-ce que la religion n'est pas l'un de
ces éléments culturels? C'est seulement...
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques ou Mme la députée? M. le
député de Saint-Jacques. (16 heures)
M. Boulerice: M. le Président, je pense que la Q
présente un mémoire qui est très vaste,
c'est-à-dire qu'elle ne se contente pas de se concentrer uniquement sur
un seul point, mais traite de la question véritablement dans toutes ses
dimensions. C'est ce qui est véritablement la caractéristique et
la qualité de votre mémoire.
Vous réclamez la mise en oeuvre d'une politique globale de
population. Vous dites bien que l'immigration, par son accroissement,
représente un volet important. Maintenant, je vous disais que vous avez
une vision très globale de la chose, mais vous dites que c'est
indissociable également, d'une politique familiale au Québec.
Vous cernez bien l'enjeu en parlant d'édifier un Québec
pluriethnique, mais pluriethnique francophone, et je pense que le père
Harvey vous a précédés tantôt là-dessus avec
une réflexion intéressante. Je remarque, dans le
résumé des recommandations principales, le premier qu'on vient
d'aborder, que vous parlez également d'une politique d'incitation
à rester au Québec. Donc, vous appuyez l'énoncé de
"démontréalisation", de "démotropolisation" pour
répartir l'immigration dans l'ensemble du Québec.
Vous avez dit, par contre, aussi qu'on devait rendre les régions
attrayantes pour l'immigration. Je vous avoue que vous avez fait plaisir
à l'ancien porte-parole en matière de culture qui, depuis un an
et demi, se désâme à obtenir l'abolition du
pseudo-moratoire sur les équipements culturels en région, ce qui
bloque le développement culturel et social des régions, lequel
pourrait être un des attraits des régions pour l'immigration du
Québec.
J'ai remarqué en 6 que vous revendiquiez l'entière
responsabilité législative du Québec en matière
linguistique. C'est bien dommage que l'accord du lac Meech n'ait pas
accordé cela, quoiqu'on ne l'ait pas demandé de toute
façon. Vous avez de très sérieuses réserves sur,
justement, aussi l'entente du lac Meech quant à l'immigration. Oui, il y
a des objectifs, il y a un quota plus élevé, certaines
améliorations en ce qui a trait à la sélection mais,
l'acceptation demeure toujours la prérogative du gouvernement
fédéral et non celle du Québec. Est-ce que nous, au
Québec, regardons et envisageons l'immigration de la même
façon et du même oeil que le gouvernement central
fédéral ou celui des autres provinces. Il y a peut-être
lieu de répondre non, étant donné notre
spécificité; nous voulons peut-être de l'immigration autre
chose que la province de l'Ontario ou celle du Nouveau-Brunswick.
Donc, je pense que vous touchez les points d'une façon
très pertinente. Quand vous parlez de l'immigration, vous demandez des
modifications de la grille de sélection qui est en usage actuellement.
Quelles sont ces modifications, autres que celle de l'extension de la
famille?
M. Johnston: Je réponds maintenant. M. Boulerice:
Vous pouvez répondre.
M. Johnston: On n'a pas fait de suggestion très
précise sur la grille d'évaluation à l'intérieur de
notre mémoire, sauf que nous avons participé, hier, comme vous
avez pu le voir, au dépôt du mémoire du MQF qui, lui,
signalait qu'on devait mettre un accent sur l'apprentissage du français
lors de l'octroi de la citoyenneté, l'octroi de la naturalisation, et
nous serions largement favorables, d'une part, à favoriser, du
côté surtout des immigrants indépendants, d'abord la
sélection des gens qui sont plus facilement francophones ou
"francophoni-sables" dans la grille d'évaluation. Nous souhaiterions
qu'il y ait, pour d'autres, des mesures incitatives de l'ordre de celles qui
étaient suggérées, hier, dans le mémoire du
Mouvement Québec français. Cet ordre peut, peut-être,
être discuté selon le niveau de compétence du gouvernement
du Québec et du gouvernement fédéral, mais l'idée
fondamentale est que, entre le moment où les gens atterrissent ici ou
viennent ici et le moment où ils reçoivent la citoyenneté,
il doit y avoir une forme d'incitation à une intégration à
la société francophone québécoise. C'est le message
que le Mouvement Québec français est venu vous dire hier et
auquel nous avons participé.
M. Laberge: Je voudrais peut-être préciser que, dans
la catégorie de la famille, il y a une insistance que vous allez
retrouver dans le mémoire mais qu'on n'a pas fait verbalement encore,
c'est l'acceptation de critères plus larges. Si je comprends bien les
normes actuelles, les parents, c'est réservé aux parents
âgés et les enfants, c'est aux enfants mineurs. Alors, nous
demandons que la catégorie de la famille soit élargie aux parents
et enfants de tout âge et qu'on l'élargisse aussi aux
frères et soeurs. Ensuite,
on voudrait aussi que la notion du parrainage soit facilitée et
on insiste en particulier sur la question du parrainage communautaire qui, lui,
aurait comme avantage de favoriser la "démontréalisation" de
l'immigration, comme cela s'est fait à l'époque des
réfugiés Indochinois, où il y a eu beaucoup de parrainages
communautaires, ce qui a permis à certains Indochinois d'aller
s'établir en région.
Ensuite, parmi les critères, bien sûr, il y a la question
de la langue, mais on n'en fait pas .une question de dire qu'on devrait donner
une priorité absolue à ceux qui parlent français, parce
qu'on sait bien, de toute façon, que les bassins d'immigration actuels
ne sont pas en majorité francophones. Évidemment, l'importance
majeure que nous donnons à la francisation, c'est dans le processus
d'accueil beaucoup plus que dans les critères, quoique, dans les
critères, cela devrait jouer, mais peut-être d'une façon
modulée.
Ce qui nous a un peu surpris, là-dessus, on n'a pas trop compris
les motifs, c'est quand on a dit, pour les réfugiés, qu'on se
rallie à la norme canadienne d'établir un nombre égal de
points pour le français et pour l'anglais. Est-ce arrivé,
cela?
Mme Robic: M. le Président, si vous me permettez... Non,
c'était une grille spéciale pour les revendicateurs du statut de
réfugié, dans le but de régler leur statut, quand le
fédéral a mis en place ce programme spécial. Ce qu'on
recherchait, c'était beaucoup plus de permettre è ces gens, qui
étaient ici depuis déjà quelque temps, de pouvoir rester.
Alors, c'était une grille qui était très souple pour que
les gens puissent rester. D'ailleurs, ils étaient ici depuis parfois
trois ou quatre ans, alors, c'était seulement, pour ce groupe, une
grille bien spéciale, très souple.
M. Laberge: Ce que nous nous sommes demandé, c'est en quoi
c'était plus souple le fait de rendre plus facile, à ceux qui
savaient l'anglais, de rester qu'à ceux qui ne le savaient pas. Parce
qu'on pense à des Sud-Américains, par exemple, qui pourraient ne
savoir ni le français, ni l'anglais et on se demande pourquoi ces gens
auraient été défavorisés par rapport à ceux
qui connaissaient l'anglais.
Mme Robic: Tout simplement, il faut vous rappeler que ces
revendicateurs n'avaient pas eu droit aux cours de français quand ils
sont arrivés au Québec. Ils se retrouvaient au Québec
depuis quelques années, alors nous trouvions que cela aurait
été injuste de les déporter parce qu'ils ne connaissaient
pas la langue. Il fallait, au contraire, leur permettre de prendre des cours de
français, d'accord?
M. Laberge: Pour cela, on est tout à fait d'accord.
Mme Robic: C'était peut-être une erreur de ne pas
leur donner des cours de français dès leur arrivée, mais
ils auraient été très pénalisés s'il avait
fallu qu'on applique cette grille-là.
M. Laberge: Mais, nous, nous sommes assez d'accord pour dire
qu'il ne faut pas les pénaliser indûment parce qu'ils ne
connaissent pas le français, mais on s'est demandé: Pourquoi
favoriser ceux qui connaissent l'anglais par rapport à ceux qui ne le
connaissent pas?
Le Président (M. Hamel): Mme la députée.
Mme Harel: M. le Président, je remercie mon
collègue de Saint-Jacques. Le temps file assez rapidement. Je crois
qu'il faut comprendre que c'est un peu comme vous l'expliquiez et je vois que
vous avez toujours l'expertise aussi grande en matière
constitutionnelle, mais les revendicateurs de statut ne sont pas assujettis
à la grille de sélection même du Québec. Alors, ce
n'est pas un cas spécial, ce qui s'est produit. On m'a dit - et ce n'est
pas de troisième main, ce sont des personnes qui les recevaient qui me
l'ont dit - que la langue qui leur est offerte pour l'entrevue est le
français ou l'anglais, l'une des deux langues officielles. Quand un
réfugié, revendicateur de statut, fait une demande au
Québec pour s'établir ici, on lui offre de faire l'entrevue dans
une des deux langues officielles. Ce n'est pas un cas exceptionnel, c'est une
situation de fait qui se perpétuera, étant entendu que cette
catégorie-là est de juridiction fédérale et est
soumise, en vertu de l'article 133 et les autres que vous avez
mentionnés, à la loi sur les deux langues officielles.
Au-delà de 75 % ont choisi de faire l'entrevue en anglais.
C'était pour ceux qui étaient ici depuis bien des années,
mais encore maintenant, pour ceux qui sont récemment arrivés, la
grande majorité d'entre eux font un usage plus grand de l'anglais.
Cela se comprend aussi parce que, dans l'univers, si on se
promène le moindrement, on se rend compte que la langue seconde est
souvent la langue anglaise, même dans des pays comme le Portugal ou la
Catalogne, où le français était une langue seconde
jusqu'à tout récemment. C'est symboliquement important, parce
qu'ils sont sur la rue McGill, ils sont au Québec et un fonctionnaire de
l'État leur offre le choix de faire l'entrevue dans une des deux
langues. C'est un élément que l'on ne peut pas négliger en
termes de rapport. Que les personnes soient bilingues, trilinges,
souhaitons-le, mais que l'État entretienne des
rapports dans une des deux langues officielles, cela n'est pas
acceptable.
Rapidement, par rapport à votre mémoire, il y a comme une
sorte d'épée de Damoclès, d'une certaine façon, qui
pèse au-dessus du Québec. On procède depuis deux jours
comme si on était entièrement maître d'oeuvre du niveau
d'immigration et de l'ensemble des composantes de la politique d'immigration.
Il faut voir - votre mémoire le rappelle - la réalité des
choses, notamment qu'il y a des obstacles structurels importants, des obstacles
constitutionnels, mais l'obstacle structurel des commissions scolaires
confessionnelles en est un certainement important et l'abolition des structures
confessionnelles, ce n'est pas l'abolition de la confessionnalité. Il ne
faut pas confondre les deux et l'appel que l'on fait au Québec
multiculturel implique nécessairement un Québec
multiconfessionnel. On ne peut pas avoir le respect du pluriculturalisme sans
que cela vienne avec le multiconfessionnalisme. C'est un peu comme
étroitement lié.
Vous parlez des programmes interculturels: 95 % des enfants de familles
immigrantes sont inscrits dans des écoles de Montréal. Ce sont
les chiffres les plus récents. J'ai souvent pensé, d'ailleurs,
que les programmes d'échanges pourraient peut-être se concevoir
non pas seulement entre des enfants d'écoles grecques ou portugaises de
Park Avenue et des enfants d'écoles grecques de leur pays d'origine,
mais peut-être entre des enfants d'écoles des régions du
Québec, de la Gaspésie, d'Abitibi ou du Bas-du-Fleuve, et des
enfants d'autres origines d'écoles multiethniques de
Montréal.
Vous dites qu'il y a formellement des programmes d'information sur les
droits humains. Vous parlez spécifiquement de cette question des droits
humains. Vous les voyez pour l'ensemble des écoles du Québec.
Qu'est-ce que vous voyez comme effort consenti particulièrement à
Montréal? J'imagine que l'égalité passe aussi par une
sorte d'implication particulière par rapport à Montréal,
puisque l'éducation interculturelle, j'imagine, peut être
souhaitée pour tout le Québec. Mais elle est d'autant plus
importante actuellement à Montréal qu'un fort pourcentage des
écoles ont presque une majorité de leurs élèves qui
proviennent de communautés culturelles autres que de souche. J'aimerais
vous entendre sur ces programmes-là.
Pour terminer, peut-être, sur cette question des
réfugiés, vous avez, avec raison, fait appel au maintien de
l'ouverture des frontières et de la générosité.
Vous avez mentionné que, de toute façon, on pouvait se le
permettre compte tenu de notre situation géographique, puisque
c'était plus loin, c'était plus coûteux de venir ici. Donc,
étant plus coûteux, il y avait moins de gens qui pouvaient se le
permettre. C'est justement cet aspect qui me préoccupe beaucoup dans la
mesure où, même avec toutes les mesures mises en place, les visas,
nous signalait la ministre, on reçoit 900 demandeurs de statut chaque
mois actuellement, à Montréal, malgré toutes ces mesures
mises en place; c'est à peu près l'équivalent de 10 000
à 12 000 par année. Si on ajoute à cela les 5000
réfugiés que le Québec va chercher dans les camps, c'est
environ 15 000 personnes. Je me demandais si on ouvrait vraiment... Est-ce que
cela n'aurait pas comme résultat de recevoir des personnes qui peuvent
se payer le voyage, le déplacement? Est-ce qu'on serait moins en mesure
d'aller justement chercher peut-être celles qui sont moins en état
de venir, mais plus en difficulté de ne pas y être finalement? Je
pense à l'effort que le Québec avait fait, il y a quelques
années, par exemple, pour aller dans les prisons en Argentine, je pense,
avec la dictature des colonels...
Le Président (M. Hamel): Madame...
Mme Harel: ...ou au Salvador. Le Québec avait
été chercher des personnes. Ce n'est quasiment plus possible
maintenant, compte tenu du flat de celles qui arrivent à nos
frontières. Est-ce qu'il n'y a pas un certain équilibre à
maintenir?
Le Président (M. Hamel): Si vous voulez répondre
très brièvement. La période de temps est
déjà écoulée.
M. Johnston: Je vais vous demander un peu d'indulgence, M. le
Président, car j'ai beaucoup de questions auxquelles répondre
d'un coup.
Je voudrais d'abord mentionner que, lorsque nous disons qu'on doit
changer les structures scolaires confessionnelles pour des structures scolaires
linguistiques, du même coup, nous faisons - nous l'avons fait tout au
cours du débat sur la loi 40 et sur la loi 3 -la promotion de l'approche
d'une école pluraliste. Cela ne voulait pas dire que la religion
disparaissait de la société. Cela ne voulait même pas dire
que la religion sortait de l'école, mais cela pouvait vouloir dire que
l'ensemble des clientèles scolaires d'une école, sans forme de
distinction selon les croyances religieuses, avait droit à des services
égaux, équivalents, non discriminatoires et que le climat tenait
compte du caractère pluraliste de l'école. Donc,
là-dessus, Mme la ministre, si vous voulez prendre bonne note de cela,
on ne milite pas en faveur de la disparition de la religion. On milite en
faveur d'une école pluraliste, ouverte et non discriminatoire.
Quant à la question du droit à l'éducation et
à l'éducation interculturelle, je vous disais qu'on a -
d'ailleurs, on le dit dans notre mémoire - pris un certain nombre
d'initiatives à la centrale, sur notre propre base. On a
réussi aussi, il y a maintenant un peu plus d'un an, une
opération - il y a maintenant un an ou presque - conjointement avec le
ministère de l'Éducation sur la question de la paix. On a, par
ailleurs, la volonté de voir se développer un programme
d'éducation interculturelle, qui pourrait bien sûr avoir ses
principales retombées dans la région de Montréal, mais qui
devrait avoir aussi ses retombées dans les autres régions du
Québec, pour être en mesure de préparer ces régions
à une certaine disponibilité d'accueil.
Je reviens à votre dernier point, toute la question des
réfugiés. C'est une question fort complexe qu'il faut prendre
dans sa globalité. À notre point de vue, la stratégie du
gouvernement du Canada actuellement est de dire: D'autres pays ferment leurs
frontières, si je ne veux pas subir les effets de la fermeture des
frontières de ces autres pays, si je ne veux pas avoir le flux
supplémentaire ici, il faut que j'en fasse autant au Canada. D'abord, on
n'est pas dans la même situation géographique, je veux le
souligner.
Deuxièmement, le Canada a aussi un rôle à jouer sur
le plan international. Le Canada pourrait prendre l'initiative de demander la
tenue d'une nouvelle conférence sur la situation des
réfugiés dans le monde pour s'assurer qu'on débatte au
moins une répartition du fardeau, plutôt que de refouler tout ce
monde dans des situations qui ne sont absolument pas vivables.
Troisième élément, dans la mesure où on
n'établit pas de quota particulier pour les réfugiés,
à l'intérieur de ce qu'on pourrait appeler un niveau admissible
d'immigration au Québec, il y a des efforts complémentaires qui
peuvent être faits, qui peuvent être maintenus pour aller
nous-mêmes recruter, sélectionner des réfugiés qui
sont dans des situations pénibles, comme celles que vous-même avez
vues, au Chili, lorsque vous y êtes allée avec d'autres personnes
du Québec, ainsi qu'ailleurs dans le monde. L'équilibre de tout
cela, c'est une question de dosage. Il n'y a rien d'absolu. C'est vrai qu'il y
a un dosage qui doit être respecté, mais, en même temps, il
doit y avoir un effort monumental, de la part des autorités
gouvernementales, pour faire en sorte que les répercussions des conflits
dans le monde, de toutes natures, et les répartitions d'une richesse
inégale entre le Nord et le Sud ne soient pas réutilisées
contre les pays limitrophes des zones où il y a des conflits, pour leur
faire porter encore un plus grand fardeau de la misère dans le monde
à cause des situations pénibles qui sont vécues dans ces
régions. C'est, à notre point de vue, la conséquence
inévitable de ce qui est en train de se produire avec le blocage des
frontières un peu partout et les mesures restrictives de l'immigration
et de l'accueil des réfugiés dans le monde et au Canada en
particulier.
Le Président (M. Hamel): Cela va? Merci. Mme la ministre,
si vous voulez...
Mme Robic: Oui.
Le Président (M. Hamel): ...quelques secondes pour vos
remarques de la fin.
Mme Robic: M. le Président, j'aimerais remercier la
Centrale de l'enseignement du Québec, encore une fois, pour sa
présentation; cela a été fort intéressant. J'ai
aimé votre dernière remarque. C'est ce genre de remarques que
j'ai faites à plusieurs reprises à mon homologue
fédéral et à certains dirigeants d'autres pays. Je pense
que ce serait à peu près le temps que les pays
industrialisés se rencontrent à nouveau, quand on pense qu'il y a
17 000 000 de réfugiés dans le monde. Vous avez raison,
tranquillement, les partes se referment et chacun se lave les mains de la
situation. Il faut absolument que la situation soit vue d'une façon
globale et qu'on commence à s'en occuper pour trouver des solutions
ensemble à ce problème de réfugiés; ce n'est pas
l'affaire d'un seul pays, c'est l'affaire de tous les pays.
Le Président (M. Hamel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques, s'il vous plaît, si vous voulez
conclure brièvement aussi.
M. Boulerice: Que dire que de répéter. Je pense que
la CEQ s'est retrouvée dans cette salle à plusieurs reprises,
toujours avec une qualité de mémoire et surtout de la
mémoire, c'est cela qui est important. Je vous remercie.
Le Président CM. Hamel): Merci, M. le député
de Saint-Jacques. Merci, MM. Johnston et Laberge, pour votre participation aux
délibérations de cette commission. Nous suspendons pour deux
minutes à peine et nous recevons immédiatement l'autre groupe.
Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 24)
(Reprise à 16 h 27)
Comité d'accueil aux Néo-Canadiens de
Trois-Rivières
Le Président (M. Trudel): II me fait plaisir d'accueillir
le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens de Trois-Rivières
représenté par Mme Denise Grenier-Doyle, exprésidente, et
M. Jean-Luc Gouveïa, président. Alors, bienvenue à nos
délibérations. Le temps étant mal-
heureusement limité, nous devons terminer nos
délibérations à 18 heures précises. Nous avons
convenu avec l'Opposition de partager le temps équitablenrrent, ce qui
fait que vous aurez environ 45 minutes, de même que le groupe suivant, ce
qui fait 15 minutes pour chaque partie intéressée.
Alors, M. le député de Saint-Jacques aurait un bref
message à vous faire.
M. Boulerice: M. le Président, si vous me le permettez,
mon affectation au dossier des communautés culturelles ne date que d'une
journée. Je suis tenu à des engagements que j'avais
acceptés il y a de nombreuses semaines, donc, je vais devoir quitter. Je
vous prie de m'excuser, vous, gens de Trois-Rivières et
représentants de la communauté hellénique. Je suis
vraiment désolé de devoir quitter. Par contre, reste la
vice-présidente de la commission, ma collègue, la
députée de Maisonneuve, qui a été également
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Alors, je
pense que l'Opposition aura toujours une oreille très attentive è
vos propos en la personne de Mme Harel.
Je vous prie de m'excuser, mais, de toute façon, on aura sans
aucun doute l'occasion de se revoir très bientôt et
peut-être dans un cadre moins formel que celui d'une commission
parlementaire, ce qui est toujours plus agréable aussi. Merci!
M. Gouveïa (Jean-Luc): Alors, M. le Président de la
commission, Mme la ministre, Mmes les députées et MM. les
députés, nous sommes très heureux, pour un organisme de
notre dimension, d'avoir été invités à prendre part
aux délibérations de cette commission.
Nous louons l'initiative, à la demande de cette commission, de
nous laisser croire qu'un organisme aussi modeste que le nôtre,
régional par surcroît, puisse de quelque manière influencer
les décideurs et décideuses du ministère. Cela gratifie
les efforts que des hommes et des femmes de la région déploient
bénévolement afin que Québécois et
Québécoises, de nouvelle souche et d'ancienne souche, se sentent
solidaires dans la construction de la spécificité
québécoise, que l'on voudrait une et multiple dans ses
institutions, dans ses modes de vie, dans son génie et dans son
expérience historique.
M. le Président, étant donné que je possède
un accent et que nous voulons avoir le maximum de chances que nos propos soient
bien saisis, les interventions seront alternées.
Nous espérons que nous ne rompons pas, en cela, les habitudes de
cette commission. Alors, Denise...
Mme Grenier-Doyle (Denise): Je vais utiliser mon bon accent de
l'Abitibi et je suis sûre que vous allez le comprendre aussi bien que le
sien.
D'abord, je voudrais vous présenter un peu notre organisme parce
que, comme on l'a dit dans l'élan d'humilité dont on est bien
obligé de faire preuve, il est fort possible que vous ne connaissiez pas
le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens de Trois-Rivières et
on en serait nullement insulté.
C'est un organisme à but non lucratif qui oeuvre dans la
région de la Mauricie depuis quand même 1968. Son conseil
d'administration compte huit membres, dont quatre citoyens canadiens de
naissance et quatre Néo-Canadiens ou résidents permanents, ce qui
vous donne tout de suite le caractère multiculturel de notre organisme.
Nous avons un secrétariat permanent qui est établi à
Trois-Rivières et nous disposons même, malgré le peu de
fonds dont on peut profiter, d'une secrétaire permanente.
Pour vous dire un peu ce qu'on fait, pour l'année 1987, le
comité a recruté 150 membres dans la ville de
Trois-Rivières et a rendu quelque 5000 services à environ 200
clients. Les bénévoles offrent surtout leur aide pour les
problèmes d'éducation et d'adaptation de ces nouveaux arrivants.
D'avril 1986 à mars 1987, nous avons reçu 86 nouveaux clients.
Alors, pour ceux qui pensent que personne n'arrive à
Trois-Rivières, il y a quand même une activité assez
grande.
Le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens travaille en
étroite collaboration avec la commission scolaire régionale des
'Vieilles-Forges pour l'organisation des cours de français, langue
seconde. En 1987, trois classes ont été mises sur pied, dont une
à temps plein.
Nous servons finalement d'intermédiaire entre les
différents regroupements ethniques, entre autres l'association des
Laotiens, des Cambodgiens, des Vietnamiens, des Haïtiens, et le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration du
Québec.
Nous agissons comme organisme-ressource auprès de tous les
intervenants sociaux intéressés au phénomène de
l'immigration, la presse écrite et parlée, les ministères
fédéraux et provinciaux, groupes sociaux et religieux. Je pense
qu'on peut affirmer ici que nous avons acquis une certaine
crédibilité auprès de ces différents intervenants
par la pertinence de nos interventions dans ces sujets.
Nos objectifs fondamentaux sont d'aider à l'intégration
des nouveaux arrivants et des nouvelles arrivantes par des services
adaptés à leurs besoins. Le Comité d'accueil aux
Néo-Canadiens s'avère le lieu d'accueil et de
référence par excellence pour eux et pour elles.
Le comité cherche à promouvoir dans
la région de la Mauricie l'apport du génie, de l'expertise
et de l'expérience des communautés culturelles dans le
développement de leur milieu d'appartenance. Le comité multiplie
à cet effet des occasions d'échange.
Alors, toute cette implication auprès de nos clients,
auprès de nos membres et de la population de la région prouve
sans doute possible notre grand intérêt à toutes les
questions concernant l'immigration et c'est ce qui nous motive à vous
présenter aujourd'hui ce mémoire.
M. Gouveïa: Alors, pour revenir plus spécifiquement
à l'objet de la consultation, le Comité d'accueil aux
Néo-Canadiens de Trais-Rivières accueille favorablement et
encourage les principes qui sont contenus dans les documents 1, 2 et 3
intitulés "Consultation sur les niveaux d'immigration, 1987". Nous
sommes particulièrement d'accord avec cinq objectifs, à savoir
les objectifs sociaux, humanitaires et économiques de la politique
d'immigration qui sont poursuivis par le ministère. Nous sommes
très favorables à la décision de favoriser une reprise
graduelle de l'immigration au cours des prochaines années et de
prévoir des conditions d'immigration plus ouvertes. Nous sommes aussi
favorables à la proposition qui voudrait que le Québec admette
beaucoup plus d'immigrants indépendants et favorise ainsi l'immigration
à caractère économique. Nous sommes très favorables
à la proposition du Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration qui recommande, pour 1987, un niveau de 20 000 immigrants et une
hausse de 20 % au cours des deux années subséquentes et de
sensibiliser davantage la société québécoise
à l'apport de l'immigration et des communautés culturelles au
développement du Québec, de recourir aussi à l'immigration
comme investissement dans l'avenir du Québec. Enfin, nous sommes en
accord avec l'intention d'accroître de 17 % à 25 % de
l'immigration canadienne la part de l'immigration internationale au
Québec.
Nous abondons largement dans le sens exprimé dans le
communiqué de presse qui disait que l'immigration ne peut constituer une
panacée à la situation démographique du Québec;
toutefois elle peut être considérée comme moyen important
pour transformer la perspective de dépopulation en perspective de
stabilisation économique.
Il est entendu que nous sommes pleinement d'accord pour
considérer l'immigration comme un capital qui n'est pas seulement un
capital économique, mais aussi un capital culturel. Dans ce
sens-là, nous voyons d'un bon oeil que le nombre d'immigrés soit
accru avec le temps non seulement pour pallier les déficiences
démographiques, mais parce qu'il est tout à fait normal qu'une
société tende, dans les années futures, à
s'enrichir des expertises et des expériences qui sont, par ailleurs,
déjà accumulées ailleurs et qui seront nécessaires
au développement de cette société.
Cependant, nous aimerions attirer votre attention sur la
sous-représentation de l'immigration en provenance de l'Afrique. Selon
vos documents, de 1976 à 1985, cette immigration, celle originaire de
l'Afrique, est de 8 % seulement comparativement à 35 % en provenance de
l'Asie, à 27 % venant de l'Europe et à 29 % venant de
l'Amérique. Nous sommes bien obligés d'admettre que l'Afrique
possède une population très importante de parlants
français. De plus, ces Africains, immigrants potentiels,
possèdent une expérience historique qui leur permet de
s'approprier avantageusement de la culture occidentale à laquelle
participe, par ailleurs, le Québec. Non seulement l'assimilation qu'ils
ont faite de cette culture, mais aussi la maîtrise des savoirs que sont
les nôtres les préparent, de ce fait, à s'adapter plus
favorablement au contexte culturel québécois. En bref, ce qu'on
veut dire, c'est que les ressortissants éventuels de l'Afrique ont
plusieurs avantages. Ils maîtrisent la langue, particulièrement
ceux d'Afrique francophone mais, étant donné qu'ils ont tous
été colonisés par un certain nombre de pays que nous
connaissons et qu'ils ont été éduqués gratuitement
par ces pays, le Québec pourra hériter d'un capital sur lequel il
n'y aura pratiquement pas d'investissement à faire.
Enfin, le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens soumet
à votre attention les considérations qui suivent dans
l'établissement des niveaux d'immigration pour les années
1988-1989.
Mme Grenier-Doyle: Dans ces considérations
préalables, nous voulons d'abord attirer votre attention sur la
nécessité de "démétropoliser" l'immigration. Nous
étions ravis, tantôt, d'entendre que le thème avait
déjà été exploité et nous voulons vraiment
traiter à fond cette question.
La majorité de l'immigration, particulièrement
internationale, se fixe dans la région de Montréal. Selon vos
documents, 85 % de cette immigration s'installe dans cette ville. Pour nous,
c'est décidément un anachronisme. Tout en reconnaissant que,
depuis quelque temps, le ministère des Communautés culturelles et
de l'Immigration a déjà effectué une certaine
déconcentration vers d'autres régions de la province,
particulièrement par l'établissement de COFI (Centre
d'orientation et de formation des immigrants) à Hull, Québec,
Sherbrooke et Trois-Rivières... Il fut un temps où
Trois-Rivières a bénéficié de cette infrastructure,
mais nous l'avons perdue. Nous pensons qu'il faut intensifier cette politique.
Je voudrais
préciser ici que, depuis la fermeture du COFI en 1981, nous avons
vu les conséquences très directes de cette fermeture par une
baisse importante de la clientèle immigrante venant s'établir
dans notre région. Avec notre recommandation finale, vous y verrez
définitivement un lien. La majorité de ces régions - c'est
aussi, bien sûr, le cas de la Mauricie - est composée
essentiellement de francophones. Quand on dit "essentiellement", on en est
à 99 % environ. Elles offrent de ce fait, selon nous, de meilleures
conditions d'intégration au milieu francophone du Québec.
L'immigration internationale, comme nous le savons, est un
bénéfice collectif, lorsqu'elle joue le rôle moteur dans
l'activité économique en plus de contribuer à combler le
déficit démographique et à enrichir la qualité de
l'expérience historique d'une société
québécoise qui ne cesse de se faire.
C'est pourquoi la région de la Mauricie revendique sa part de cet
apport économique et culturel, en termes d'expertise et
d'expérience que représente l'immigrant ou l'immigrante.
Même si la région en est une culturellement assez homogène,
elle a besoin et doit, tout autant que la région de Montréal, de
se nourrir au contact de cultures et de génies venus d'ailleurs.
Un recensement sommaire nous révèle que la région
de la Mauricie compte des citoyens et citoyennes originaires d'une cinquantaine
de pays, provenant des cinq continents. Ils sont éparpillés un
peu partout sur le territoire.
Si la "démétropolisation" permettait aux régions de
recevoir la part de l'immigration à laquelle elles ont droit, ce
processus favoriserait la "déghettoisation" de la région de
Montréal.
En effet, le comité d'accueil n'est pas en faveur de restreindre
la vitalité et la visibilité des groupes culturels; il s'agit,
pour une harmonie sociale et un meilleur équilibre culturel qui respecte
la culture fondamentale, de respecter un certain seuil de concentration, ce
dernier évoluant avec l'augmentation des proportions que
représentent les groupes culturels représentés dans une
région.
Le comité d'accueil, grâce à son expérience
accumulée, favorise aussi l'idée -et elle est très
importante - d'amortir le choc social et culturel de nouveaux arrivants en les
orientant vers des régions dont les dimensions sont comparables aux
régions de leur provenance. En effet, la majorité des
immigrés provient ni de grands centres ni d'une capitale. Ils sont
habitués d'évoluer dans un contexte démographique et
infrastructurel à dimension humaine. Le suivi effectué par le
comité révèle que des personnes qui ont d'abord eu leur
résidence permanente dans la région de la Mauricie et qui ont par
la suite émigré vers Montréal s'y sont adaptées
plus facilement, parce que leur premier séjour s'est
déroulé dans un milieu plus semblable à celui de leur
provenance. Leur intégration à la société
québécoise a été facilitée par les contacts
humains plus faciles à établir dans des villes de la dimension de
celles de notre région que dans de grands centres urbains comme
Montréal et Québec. Même leur apprentissage de la langue
française en a été facilité.
Je voudrais quand même rappeler qu'il n'est pas question pour nous
de les obliger à rester en Mauricie, ce n'est absolument pas notre
objectif. On comprend très bien l'attrait des grandes villes comme
Montréal et Québec. Mais on se dit que l'on pourrait quand
même peut-être mieux les préparer à y vivre, si le
début de leur séjour se faisait dans notre région.
M. Gouveïa: De toute façon, à l'allure
où va le développement de la Mauricie, bientôt elle sera la
troisième zone d'attrait, évidemment.
La deuxième considération que nous voulons vous soumettre,
c'est celle qui porte sur le renforcement démographique des groupes
ethnoculturels de la région. Comme on l'a dit tout à l'heure,
nous avons énormément de groupes ethnoculturels
représentés, mais ils sont en nombre très réduit.
Alors, il ne fait plus de doute que, lorsque la société
québécoise s'active pour l'insertion dans sa
spécificité culturelle de ses immigrés, il ne s'agit pas
d'une assimilation. Au contraire, la société reconnaît
d'emblée que les différences culturelles que portent ces
immigrés nourissent et sont partie intégrante de la culture
québécoise. Désormais, il ne fait plus de doute que ces
cultures d'origine doivent être entretenues et nourries par l'apport, en
nombre, de porteurs de ces cultures. Or, dans la région de la Mauricie,
le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens fait le constat que, si le
nombre de cultures d'origine est très varié, le nombre de
personnes représentant chacune de ces cultures, à quelques
exceptions près - les Suisses, les Allemands et les Belges - est
nettement insuffisant. Il est tellement insuffisant qu'il leur est impossible
de se doter d'infrastructures minimales à la survivance de leur
spécificité, par exemple, les cours de langue d'origine, le cours
d'apprentissage d'habitudes, de coutumes. C'est pourquoi il est
nécessaire, dans l'action orientante du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration... Une des actions du
ministère pourrait être d'accroître le nombre de points
pouvant être attribués à des individus qui aimeraient
s'installer en région, lorsqu'ils se présentent au comité
de sélection pour l'immigration.
Donc, il est nécessaire, dans l'action du ministère, de
renforcer la représentativité des groupes ethnoculturels
existants dans le
but justement de revivifier et d'accroître le poids de leur
présence sans, évidemment, provoquer là ghettoisation.
Alors, l'importance de plusieurs communautés étant
très réduite, il se constitue inévitablement le
phénomène d'attraction vers Montréal, surtout que la
position géographique de la Mauricie place celle-ci à quelques
minutes de la métropole. Certains éléments culturels ne
sauraient être présents avec un nombre aussi réduit de
personnes provenant de chaque ethnie. Donnons, comme exemple, les
ingrédients nécessaires à l'alimentation, les livres, la
présence de musique des pays d'origine, l'organisation de manifestations
culturelles d'envergure, les matières premières pour le
vêtement, les lieux de culte, les organismes d'apprentissage des langues
et cultures d'origine.
Si le Québec doit admettre pour 1987 environ 20 000
immigrés arrivant au Canada, cela représente un pourcentage qui
se rapproche de la population québécoise par rapport à
celle du Canada. La région de la Mauricie devrait recevoir, selon cette
logique, elle aussi un pourcentage proportionnel à sa population par
rapport à celle du Québec. Cela serait un minimum vital qu'on est
loin d'atteindre présentement. Les contingences contextuelles invitent
sans doute au dépassement de cette proportion. L'expansion industrielle
que connaît la région, dont l'aluminerie de Bécancour,
Norsk Hydro, le complexe portuaire, ces contingences pourraient faire
qu'à un moment déterminé la proportion admise soit
supérieure à celle qu'elle représente effectivement par
rapport à l'ensemble de la population québécoise. Mais
l'existence d'une infrastructure complète d'éducation, du
préscolaire à l'université, permet l'accueil d'un
pourcentage même plus élevé que ce que nous connaissons
maintenant. L'université, par ses programmes spécifiques
d'enseignement et de recherche, contribue grandement à
l'accélération du développement de la région, en y
injectant des expertises très particulières. (16 h 45)
Mme Grenier-Doyle: Sans vouloir faire une démonstration
exhaustive des avantages géographiques, sociologiques et politiques que
notre région peut offrir, permettez-nous quand même de vous
rappeler que, du point de vue économique, l'expansion que connaît
la région dans l'industrie de transformation va connaître un effet
multiplicateur chez de petites et moyennes entreprises
périphériques. La nature des matières à transformer
va nécessairement attirer une main-d'oeuvre très
spécialisée dont l'expérience n'est pas
nécessairement toute disponible au Québec. Les récents
investissements internationaux le prouvent, d'ailleurs. En ce sens,
l'immigration pourra contribuer à la combler. Non seule- ment,
l'immigration des savoir-faire, mais aussi l'immigration des capitaux qui les
accompagnent, justifient l'orientation d'un plus grand nombre de nouveaux venus
vers la Mauricie.
Du point de vue géographique, sa position proximale entre les
régions de Québec et de Montréal place la Mauricie dans
une situation où des services nécessaires au développement
des groupes culturels sont disponibles très facilement, ce qui est peu,
compte tenu des infrastructures de transport dont dispose la région.
Cette proximité, tout en étant un avantage - parce qu'il n'est
pas nécessaire pour le développement des groupes ethnoculturels
de faire de grands investissements en infrastructures - constitue aussi un
désavantage, il faut bien l'admettre, à cause de l'aspiration,
par les deux grands centres, des immigrés nouvellement
établis.
Du point de vue social, il est clair que la presque
homogénéité de sa population et de sa culture est une
garantie à une rapide intégration dans la culture francophone.
Cela semble bien être l'objectif de tous les intervenants d'ici. Ce fait
est consommé, au point où la disparition du COFI de la
région n'a pas empêché celle-ci de promouvoir des actions
d'intégration des nouveaux arrivés. C'est pourquoi le
Comité d'accueil aux Néo-Canadiens est convaincu, et nous
espérons vous avoir aussi convaincus, qu'il possède à la
fois la tradition, l'expérience et les structures d'accueil qui
favorisent l'insertion des immigrés dans notre communauté
régionale.
M. Gouveïa: Enfin, nous arrivons à la modeste
recommandation qui est à la taille de notre organisme. Afin de
"démétropoliser" l'immigration, afin de renforcer les groupes
ethnoculturels de la région de la Mauricie, afin de pouvoir offrir aux
nouveaux arrivants des conditions de vie idéales sur le plan de leur
intégration en milieu francophone, dans un contexte géo-social et
politico-économique en pleine expansion, nous recommandons au
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration du
Québec de voir à ce que la proportion d'immigrants et immigrantes
orientés vers la Mauricie soit au moins égale au pourcentage que
représente notre population par rapport à celle du Québec,
soit de 5 % à 6 %. Lorsque nous faisons cette recommandation, nous
comprenons très pertinemment qu'on ne peut pas exercer une coercition
sur un immigrant ou une immigrante. Toute personne qui entre dans ce pays a le
droit de s'installer là où elle veut. Mais nous pouvons avoir des
politiques d'incitation qui font que les gens qui arrivent acceptent
l'égalité de conditions de la Mauricie par rapport à
d'autres régions que nous connaissons. Donc, un pourcentage de 5 %
à 6 % correspondrait à la proportion de notre population. Nous
demandons aussi que
soit reconnu, à notre région, un statut de zone d'accueil
privilégiée pour les nouveaux arrivants et arrivantes au
Québec. Concernant ce concept de statut de zone d'accueil, Mme Grenier
va vous l'expliciter un peu mieux que je ne puis le faire.
Mme Grenier-Doyle: Seulement un mot de conclusion.
J'espère, Mme la ministre, que vous n'êtes pas trop
déçue de ne pas voir un modèle de société
comme vous l'avez mentionné tantôt. Mais nous pensons qu'il est
d'abord essentiel qu'une volonté politique s'exprime de votre part, de
la part de nos gouvernants, pour favoriser l'établissement en
région des nouveaux immigrants. Il faut donc, reconnaître notre
région comme zone d'accueil, c'est-à-dire une région
à qui on fournira l'infrastructure nécessaire à une
meilleure adaptation des nouveaux arrivants, meilleure que la structure qu'on
connaît maintenant et celle du COFI. Je ne vous dis pas que cela ne
pourrait pas être vu autrement ou analysé autrement. Selon nous,
il est important et même essentiel que les régions qui seraient
ainsi identifiées comme des régions d'accueil aient prouvé
leur désir, leur disponibilité et leur capacité d'accueil.
En fait, c'est la petite mission qu'on se donnait dans ce mémoire.
Le Président (M. Hamel): Cela va. Merci, Mme Grenier et M.
Gouveïa. M. Gouveïa, vous n'avez plus à vous excuser pour
votre accent, votre français est excellent. Je reconnais maintenant Mme
la ministre,,
Mme Robic: Merci, M. le Président. Mme Grenier-Doyle, M.
Gouveïa, merci d'être chez nous, d'être ici et d'avoir
accepté notre invitation. Pour le gouvernement actuel, vous êtes
tout aussi importants que tous les autres groupes qui se sont
présentés ici et peut-être même plus, puisque vous
êtes le seul groupe en provenance d'une région. Nous en avons
invité d'autres, mais vous êtes les seuls qui avez accepté.
Alors, nous sommes fort heureux de vous recevoir. Vous avez très bien
vanté votre région. Le député de
Trois-Rivières, M. Philibert, doit être très heureux, vous
avez fait la promotion de sa région, ce qu'il fait d'ailleurs
très bien lui-même.
C'est intéressant et, comme je le disais, tous les intervenants
qui ont passé à cette table nous ont parlé de l'importance
de "démétropoliser" l'immigration. Bien sûr, nous sommes
d'accord qu'il serait important de réussir ce genre d'action. Vous
parlez d'incitation vis-à-vis des immigrants. Je pense qu'il n'y a pas
de difficulté là à suggérer à un immigrant
qui arrive, d'aller à Trois-Rivières. D'ailleurs, c'est la raison
pour laquelle certains COFI avaient été établis en
région, pour inciter les gens à s'installer là, et ils y
allaient de très bonne volonté, d'ailleurs. Je ne pense pas que
donner des points sur une grille va faire une grosse différence. Si on
pouvait leur suggérer une région, les envoyer en région,
je pense qu'ils iraient, si la région était prête à
les recevoir.
C'est là ma question. Ce que vous faites, les services que vous
rendez, c'est merveilleux, mais comment votre région verrait-elle la
venue d'un nombre assez important d'immigrants? Est-ce que l'attitude des gens
serait positive? Les premiers font le terrain, c'est sûr. Donc, est-ce
que l'attitude serait positive? Est-ce que les élus municipaux seraient
prêts à accueillir des gens d'autres pays? Est-ce que les
organismes, les chambres de commerce, les industries verraient cela d'un bon
oeil? Est-ce que la population verrait cela d'un bon oeil et est-ce qu'elle
serait prête à les accueillir et à les aider à
s'intégrer?
Tout à l'heure, je parlais de modèle. En tout cas, je
serais bien intéressée à voir si c'est faisable. Quand le
gouvernement précédent a fermé le COFI de
Trois-Rivières, il devait y avoir une raison. Est-ce que c'est la
fermeture qui a empêché les gens d'y aller ou si la fermeture a
suivi le fait qu'ils ne venaient plus? On me dit: On a envoyé les gens
en région et ils sont revenus. Est-ce qu'ils sont revenus à 50 %,
à 90 %? On sait qu'il y aura toujours un certain nombre d'immigrants qui
changeront de coin, de pays pour aller y demeurer, mais est-ce que vous pouvez
en retenir assez pour que cela devienne intéressant? Est-ce que ces gens
vont pouvoir se trouver des emplois? Est-ce qu'ils vont être bien
reçus par la société d'accueil?
M. Gouveïa: C'est une question que vous nous posez, si je
comprends bien.
Mme Robic: Enfin... M. Gouveïa: D'accord.
Mme Robic: Vous, vous êtes là. Comment le
voyez-vous, le percevez-vous?
M. Gouveïa: Je ne crois pas me tromper si j'avance que
l'action du comité d'accueil depuis quelques années consiste
effectivement à vendre auprès de la population, permettez-moi
l'expression, la population ancienne, l'idée selon laquelle tout
immigrant ou immigrante qui entre dans la région doit d'abord être
perçu comme un porteur de quelque chose qui vient contribuer au
développement de la région. Effectivement, depuis quelques
années, le comité a fait des démonstrations en ce sens,
que les personnes venant d'autres pays, qui sont d'origines culturelles
différentes et qui sont établies dans la région, ont
contribué
effectivement au développement de cette région. Je crois
qu'il ne fait pas de doute... Enfin, il reste encore des doutes, bien
sûr, je crois qu'il en restera toujours. Mais, dans l'ensemble, il ne
fait pas de doute que l'apport de l'immigration en est un important pour la
région. Tous les organismes de la région semblent être
d'accord, si l'on en juge par l'appui que ceux-ci peuvent nous accorder
à des moments précis où nous nous activons à des
actions de rapprochement entre communauté ancienne et communauté
nouvellement établie.
Évidemment, il y a toujours le problème épineux du
travail. C'est évident qu'un immigré ou une immigrante qui arrive
dans la région et qui n'a pas de travail est attiré vers des
zones où il y a du travail. Il n'en demeure pas moins que la
région se développe quand même depuis quelque temps et que
des activités économiques qui n'existaient pas existent
maintenant. Je ne me tromperais pas si je disais que ce serait une des raisons
parmi tant d'autres qui ferait que les gens qui arrivent finissent par se
déplacer ailleurs. Les raisons que nous avons identifiées sont
effectivement des raisons d'infrastructures, d'accueil» de leur
différence, quand nous parlions, par exemple, des lieux du culte, des
vêtements, des livres, de la musique, des habitudes de vie.
Si les gens veulent être retenus, il faut qu'ils se retrouvent au
moins dans leur différence, les premiers temps qu'ils sont dans la
région. S'ils se sentent complètement perdus, c'est
évident qu'ils vont aller ailleurs. Simplement pour terminer: lorsque
nous insistons sur la présence des objets de manifestations culturelles
différentes, ce n'est pas dans le but de faire en sorte que le nouveau
Trifluvien d'origine portugaise qui se retrouve dans la Mauricie se sentent
à tout jamais Portugais. Ce n'est pas cela qu'on veut dire, c'est que,
dans la mesure où on se sent d'abord Portugais ou qu'on s'accepte comme
Portugais, on est aussi plus ouvert, plus en confiance pour s'insérer
dans une culture nouvelle. Quant à la proportion d'immigration,
peut-être que Denise pourrait dire un mot là-dessus.
Mme Grenier-Doyle: En ce qui concerne l'accueil des gens, je
trouve qu'en effet votre question est tout à fait pertinente,
c'est-à-dire: Qui sommes-nous, nous, du Comité d'accueil aux
Néo-Canadiens pour dire qu'on revendique notre part d'immigrants parce
qu'on y voit un enrichissement? Qui sommes-nous pour dire cela si, une fois
qu'ils arrivent dans notre milieu, ils sont bafoués, ils sont mal
reconnus, ils sont misérables?
Je pense que c'est un peu parce que, depuis que nous travaillons au
comité d'accueil, nous avons réalisé l'importance de notre
rôle dans la sensibilisation auprès des gens sur l'apport positif
des immigrants que nous sommes en mesure de prétendre que cette
action-là pourrait s'améliorer.
On en a eu d'ailleurs des preuves très concrètes au moment
où il fallait j'entendais tantôt un monsieur de la CEQ y faire
référence - faire appel à la
générosité des gens pour former des comités de
parrainage. La région de la Mauricie a été une des plus
généreuses. C'est une région où on a tout de suite
compris qu'on avait un rôle social à jouer et les chiffres
pourraient le prouver. C'est une des régions qui a accueilli le plus de
réfugiés sur une base volontaire et sur une base
communautaire.
Si vous me demandez qu'en est-il de ces réfugiés qu'on a
accueillis, maintenant, je suis obligée d'admettre qu'il y en a
plusieurs qui sont partis et c'est un peu le problème. On ne sait pas
trop qu'est-ce qui amène quoi. Est-ce que c'est parce que on a
fermé le COFI et qu'il y avait moins de nouveaux arrivants de ces
communautés-là que ceux qui étaient là se sont
sentis un peu abandonnés et tout seuls et qu'ils sont partis? C'est ce
qu'on ne sait pas.
Finalement, si on parle, par exemple, de la clientèle du Sud-Est
asiatique, quelle motivation pouvait-il y avoir à rester dans le milieu
au moment où on a dit: On n'accueille plus les réfugiés
à Trois-Rivières, on n'est plus une zone d'accueil. Alors, bien
sûr, on en a perdu plusieurs. Est-ce que, si on avait eu une meilleure
structure d'accueil, on les aurait conservés? C'est bien cela notre
prétention, mais je ne peux pas vous la démontrer puisque nous
n'avons pas eu le bonheur de connaître cette situation-là.
En tout cas, il n'y a pas eu de preuve encore dans la région de
Trois-Rivières. Peut-être monsieur notre député
est-il à l'écoute de gens qui ont des opinions différentes
des nôtres et qu'il pourrait intervenir. On n'a qu'à remarquer,
par la bonne réception aux échanges qu'on suscite, comment les
gens sont curieux de la région de la Mauricie. Ce n'était
peut-être pas la plus ouverte aux autres cultures pendant un certain
temps. Maintenant, quand on crée des activités pour leur dire:
Venez donc voir ce qu'est la musique africaine, venez donc voir ce qu'est un
party haïtien, ils y viennent avec grand intérêt et n'en
sortent jamais déçus.
Alors, je me dis, c'est par la multiplication de ces actions-là,
peut-être, qu'on peut devenir une zone d'accueil vraiment chaleureuse
mais, pour ce, cela prend des moyens.
Le Président (M. Hamel): Merci, madame. Je reconnais
maintenant le député de Trois-Rivières.
M. Philibert: Merci, M. le Président. Mes premiers mots
seront pour remercier le Comité d'accueil aux Néo-Canadiens
de
Trois-Rivières d'avoir accepté de déposer ce
mémoire, pour remercier les intervenants, Mme Grenier-Doyle, M.
Gouveïa et pour rassurer, quant à sa première intervention
à une commission parlementaire, cet organisme régional qui, pour
la première fois, fait son baptême et vient parler avec beaucoup
d'habileté, d'ailleurs, de ce qu'il vit et de ce qu'il souhaiterait en
termes d'immigration pour la région. (17 heures)
Je peux vous dire que votre mémoire est une sorte de
fraîcheur qui nous est arrivée ou qui a agrémenté
nos lectures, de même que ceux des autres intervenants, bien sûr,
mais votre mémoire donne une dimension nouvelle à la vision de
l'immigration. Plusieurs intervenants, d'ailleurs, ont signalé, dans
leur mémoire, tout le phénomène de la ghettoïsation,
de la "démétropolisation" de l'immigration et, en cela, je pense
que vous exprimez un courant d'idées qui est partagé non
seulement par votre organisme, non seulement par votre député,
mais également par plusieurs intervenants dans le monde complexe de
l'immigration.
J'ai noté quelques passages de votre mémoire et, en
particulier, vous parlez du fait que les immigrants qui viennent d'Afrique
devraient être beaucoup plus nombreux. Ce matin, un intervenant nous
disait: Si on n'est pas capable d'accueillir les immigrants et de les
intégrer pleinement à la communauté, on ne doit pas leur
permettre de venir. Il nous donnait des statistiques, à la fois
surprenantes et éloquantes, selon lesquelles 70 % des jeunes Noirs, dans
la région de Montréal, si ma mémoire est bonne,
étaient en chômage et n'avaient pas de possibilités
d'ouverture. En tenant pour acquis que c'est la réalité, si le
pourcentage que vous réclamez dans la Mauricie devait se
réaliser, est-ce que vous pouvez nous donner l'assurance ou, enfin,
est-ce que vous pouvez espérer être en mesure de faire en sorte
que cette statistique-là ne se retrouve pas dans notre
région?
Mme Grenier-Doyle: En tout cas, je suis certaine qu'on aurait
d'abord besoin de votre collaboration pour pouvoir donner une pareille
garantie, parce que c'est sûr que, comme organisme de services, on ne
peut qu'inciter et encourager, mais on ne peut certainement pas fournir des
emplois.
M. Gouveïa: Oui, j'aimerais simplement dire à cette
commission qu'en réalité, lorsque nous parlons de l'immigration
africaine, celle-ci n'est pas constituée uniquement et exclusivement de
Noirs. Deuxièmement, nous aimerions aussi mentionner que la
quantité de gens formés en Afrique pour des professions et des
activités de travail que l'on peut trouver facilement ici est quand
même assez élevée. Maintenant, lorsqu'on évoque le
taux de pourcentage du chômage des Noirs, dans la communauté noire
de Montréal, il faudrait peut-être se poser la question autrement.
Ils sont chômeurs, pourquoi? Sont-ils chômeurs parce qu'ils sont
noirs ou parce qu'ils n'ont pas la préparation nécessaire pour
pouvoir occuper des activités sur le marché du travail? Toute la
question est là.
Si vous me demandez mon opinion - ce ne sera qu'une opinion - je
soupçonnerais les deux à la fois. Alors, si on connaît les
causes, qu'on agisse sur les causes. Si on sait que les immigrants africains se
retrouveront en chômage ici parce qu'ils sont noirs, il faut agir contre
nos attitudes discriminatoires vis-à-vis des races. Si on
soupçonne que c'est en matière de formation, là, je n'ai
vraiment pas peur, dans le sens que les critères de sélection de
l'immigration au Canada sont d'une sévérité telle que j'ai
l'impression que, si le Canada avait le choix entre un médecin
camerounais et un illettré d'Afrique du Sud, il prendrait le
médecin camerounais. Le raisonnement est simple: c'est quelqu'un qui lui
arrive préparé et pour lequel il n'aura aucun investissement
à faire. Un médecin camerounais, même à peau noire,
est aussi bon qu'un médecin polonais à peau blanche.
Le Président (M. Hamel): La période de temps de la
partie ministérielle est écoulée, mais, avec l'assentiment
de Mme la députée de Maisonneuve, j'autoriserai une autre
question à M. le député de Trois-Rivières.
M. Philibert: Alors, merci, Mme la députée de
Maisonneuve, de me permettre de continuer à dialoguer avec mes
électeurs.
Voilà mon autre question: Vous dites, dans votre mémoire,
que, lorsque le COFI a fermé, cela a posé certains
problèmes et vous avez remarqué une diminution de l'immigration
dans notre région. Mais, un peu plus loin, vous dites quand même
que les ententes que vous avez pu faire avec la Commission scolaire
régionale des Vieilles-Forges ont fait en sorte que vous avez pu donner
des services assez complets et que cela peut être un palliatif en
remplacement du COFI ou, enfin, j'ai compris cela; est-ce que c'est exact?
Deuxièmement, si le quota d'immigration était
augmenté pour la Mauricie, est-ce que vous croyez qu'il y a des
possibilités de négocier avec la commission scolaire ou, enfin,
de prendre des arrangements avec la Commission scolaire régionale des
Vieilles-Forges pour que ces services s'intensifient et, même,
s'élargissent?
Mme Grenier-Doyle: À votre première question sur la
fermeture du COFI, je
réponds que nous avons voulu insister dans ce document pour dire,
quand même, que le comité d'accueil a pris la relève d'une
certaine façon. Quand le COFI a fermé, le comité d'accueil
s'est retrouvé avec une nouvelle vocation. Nous avons aussi
demandé et obtenu, heureusement, la collaboration de la Commission
scolaire régionale des Vieilles-Forges. Cela veut dire que ces deux
institutions finalement essaient, du mieux qu'elles le peuvent, de remplir le
rôle que jouait le COFI. Sauf que la fermeture du COFI, en tout cas
à moins que les règlements n'aient changé, avait un impact
important sur la désignation de la région de la Mauricie comme
zone d'accueil. C'est-à-dire que, quand des gens arrivaient ici, par
exemple, ceux qui sont parrainés par le gouvernement
fédéral à titre indépendant, ils ne pouvaient pas
venir en Mauricie parce qu'elle n'était pas reconnue comme une zone
d'accueil. C'est dans ce sens-là qu'on a vu, entre autres, notre nombre
de réfugiés ou d'immigrants diminuer du fait de ne pas avoir de
statut officiel de zone d'accueil -donc, par la fermeture du COFI. En pensant
qu'on pourrait augmenter le nombre d'immigrants, je suis convaincue qu'on peut
négocier assez facilement des ententes avec la Commission scolaire
régionale des Vieilles-Forges. Je vous dirai, quand même, qu'il a
fallu que cette commission scolaire accepte que les migrants,
c'est-à-dire ceux qui viennent des autres provinces du Canada,
reçoivent la même formation que les immigrants pour qu'on puisse
donner un cours. Alors, vous vous imaginez? On a des immigrants qui attendent
six mois pour apprendre le français parce qu'ils ne sont pas assez
nombreux. Il faut attendre que des Canadiens anglais veuillent aussi
l'apprendre et se servir du même programme pour, finalement,
établir quelque chose. C'est dans ce sens-là que la
quantité, bien sûr, de la clientèle a un effet sur la
qualité des services qu'on peut offrir.
Le Président (M. Hamel): Cela va?
M. Philibert: Je vous remercie et je suis convaincu que Mme Harel
va sûrement vous parler aussi de l'aspect de la rétention des
immigrés dans la région pour qu'ils puissent prendre racine plus
définitivement. Cela a semblé l'intéresser ce matin.
Le Président (M. Hamel): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve, vous avez la parole.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Mme Grenier-Doyle, M.
Gouveia; j'ai vu d'ailleurs, M. Gouveia, que vous n'avez pas perdu votre sens
de l'humour, c'est votre marque de commerce depuis bien des années.
Vraiment, cela m'a rendu optimiste de vous écouter cet
après-midi.
Je pense qu'il faut vraiment, et vous l'avez dit Mme Grenier-Doyle,
avoir une volonté politique pour renverser ces deux tendances qui sont
indéniables et indubitables et qui sont l'anglicisation et la
"montréalisation". Ce sont là, donc, deux tendances quasi
naturelles. Il faut une énorme volonté politique pour renverser
ces deux tendances, ces deux courants. C'est un peu la réflexion que la
commission poursuit en se demandant quels sont les moyens les plus
adéquats, les plus efficaces et, en même temps, les moins
coûteux, tout en essayant d'envisager des modèles
d'intervention.
Je souhaite que la ministre ne ferme pas la porte trop vite à la
suggestion que vous avez faite de réviser la grille de sélection
pour, éventuellement, attribuer des points lorsqu'il y a
établissement en région d'accueil.
Je crois que, dans la mesure où le sondage réalisé
par le ministère démontre bien l'état de l'opinion
publique au Québec -ce n'est pas seulement l'état de l'opinion
publique à Montréal, mais l'état de l'opinion publique
dans tout le Québec - la ministre a elle-même invoqué,
à quelques reprises, devant la commission, qu'il y avait là lieu
de se réjouir puisque, majoritairement, les Québécois
avaient un regard positif sur l'immigration. Cela vaut pour les
Montréalais comme pour les gens des régions dans la mesure
où, justement, le problème peut être éventuellement
un face-à-face qui ne sera pas réjouissant du tout entre un
Montréal multi-ethnique et de plus en plus bilingue et un Québec
des régions, de plus en plus québécois de souche et
français. À tous les égards, il y a des mesures de
redressement à introduire. Ces mesures de redressement, je ne les vois
pas comme étant discriminatoires. Par exemple, pensez aux politiques
mises de l'avant par la collègue ministre de la Santé et des
Services sociaux, à l'égard des médecins en région.
Cela freine, d'une certaine façon, la mobilité des
diplômés en médecine, c'est-à-dire que ceux d'entre
eux qui veulent s'installer en région obtiennent une prime
d'éloignement et que les autres ont une réduction du montant
qu'ils peuvent percevoir.
Est-ce qu'il faut le faire? Je pense qu'il est souhaitable de le faire
au moment où les gens décident de s'établir; après,
la mobilité, c'est celle - je suis d'accord avec vous - que tout le
monde doit avoir une fois qu'il est sur le sol. On en refuse combien? Cent
mille demandes d'immigration par année ou aux alentours, alors, on les
refuse en vertu de nos critères et ces critères sont, d'une part,
la connaissance du français entre autres et, d'autre part, avoir une
profession et un niveau d'éducation. Ce sont là des
critères qui nous semblent importants, comme société.
Qu'on en ajoute un autre qui consisterait à s'établir dans une
région
d'accueil, je ne vois pas en quoi ce serait discriminatoire. Ce serait
tout simplement un critère supplémentaire qui dirait aux gens,
avant qu'ils viennent s'installer: Écoutez! vous voulez venir, il y a
beaucoup de demandes, on en a plus qu'on n'en accepte -vous savez qu'on a
peut-être dix demandes pour une personne qu'on reçoit - alors, si
vous voulez venir, un des critères pour venir serait d'accepter de vous
installer en région pendant un certain nombre d'années. C'est
peut-être utile d'envisager cette suggestion que vous faites pour le
mérite qu'elle pourrait avoir justement, malgré que cela ne soit
pas nécessairement la panacée, mais cela pourrait redresser d'une
certaine façon la situation.
Ma dernière question, je termine là-dessus. D'une part,
vous avez dit - cela m'a beaucoup surprise - que selon votre expérience
ceux qui viennent ou que vous avez connus - plus particulièrement ceux
qui s'installent à Trois-Rivières ou que vous avez connus, avec
tout le travail que vous faites auprès d'eux - sont des gens qui n'ont
pas une culture urbaine. Ce ne sont pas des gens qui proviennent de grands
centres ni des gens de grandes capitales. Est-ce une expertise qui est
certaine? Parce que j'ai l'impression - serait-ce seulement une perception que
j'ai - au contraire, que la plupart de ceux qui viennent ont une culture
urbaine et' non pas nécessairement rurale. J'aimerais bien voir avec
vous si votre échantillonnage est suffisant pour nous amener à
conclure, comme commission, que l'accueil en région est plus
adéquat à la culture des personnes qui demandent de
s'établir chez nous. Je le souhaite, mais j'aimerais bien me le faire
confirmer. D'autre part, vous avez dit: Même s'ils nous quittent - c'est
ce qui est intéressant - on est prêt à les recevoir d'abord
parce que, même s'ils nous quittent, le premier accueil sera
facilité pour eux et pour nous, comme société, parce
qu'ils ont plus de chances de se franciser de façon irréversible.
C'est la conclusion que je tire de vos propos. Est-ce que cette conclusion est
juste?
Le Président (M. Hamel): Oui, madame.
Mme Grenier-Doyles Si je puis me permettre. Comme je suis native
de l'Abitibi, que j'ai vécu et en Gaspésie, et sur la
Côte-Nord, je suis très à l'aise, parce que je ne pense pas
insulter personne en disant que lorsque je parle, à titre de femme de
Trois-Rivières maintenant, de s'établir en région et de
s'établir dans la région de la Mauricie, il ne faudrait quand
même pas oublier qu'on est seulement à une heure et trente minutes
de Montréal. C'est un peu le danger que je vois, si j'explique cela
à quelqu'un qui est dans un pays très éloigné et
que, je lui dis: D'accord, tu peux venir au Québec, mais en
région, et que là, il va regarder la carte et il va voir cela
très loin. Nous, nous parlons d'une heure et trente minutes de
Montréal et, quand on dit que les gens viennent d'endroits qui ont une
proportion plus semblable à la nôtre qu'à celle de
Montréal, c'est aussi dans ce sens. C'est-à-dire que tout le
monde ne vient pas nécessairement de la capitale du pays qu'il a
quitté, ce qui ne veut pas dire qu'il peut rester dans le fin fond de la
campagne, peut-être qu'il n'a pas le privilège d'immigrer s'il
vient de très loin, mais je pense que c'est une précision quand
même importante. (17 h 15)
On parle d'une région, mais c'est une région assez
périphérique quand même, ce n'est pas une région
éloignée. Je trouve que c'est une précision importante
à apporter. C'est d'ailleurs ce pourquoi les gens qui nous quittent,
comme vous l'avez remarqué, comme vous l'avez souligné, le font
pour aller à Montréal, mais sont beaucoup mieux
équipés pour faire face à cette ville. D'abord, ils y sont
allés souvent, c'est une affaire de rien; ils ont vu les avantages que
Montréal offrait. Ils sont restés à Trois-Rivières
pour vraiment se mettre les pieds solides au Québec; après, c'est
plus facile de vivre à Montréal. On ne veut pas les forcer
à rester à Trois-Rivières. On espère que si on en a
un plus grand nombre, ce sera plus motivant pour eux d'y rester. Mais, il
faudra le faire pour pouvoir juger de la valeur de cette idée.
Le Président (M. Hamel): Mme la
députée...
Mme Harel: Merci, M. le Président. Vos propos
m'amènent à une autre question. Est-ce qu'il faut renoncer
à un établissement dans les régions
éloignées, qui ne sont pas périphériques à
Montréal? Pensons à l'Abitibi, à la Côte-Nord,
à la Gaspésie, au Bas-du-Fleuve, faut-il y renoncer?
Mme Grenier-Doyle: II ne faudrait surtout pas y renoncer, mais je
ne voudrais pas en parler en leur nom, parce que cela demanderait
sûrement une autre argumentation que celle qu'on a
préparée.
Le Président (M. Hamel): Je vous remercie.
M. Gouveïa: Je voudrais ici... Le Président (M.
Hamel): Oui?
M. Gouveïa: ...si vous me le permettez, ajouter quelque
chose. C'est une réalité que de prendre des mesures pour que les
gens aillent s'installer, une fois arrivés dans une région
déterminée, mais c'est une autre réalité que de
faire en sorte, une fois que
ces gens sont rendus sur place, qu'ils puissent trouver la région
suffisamment accueillante et surtout suffisamment équipée pour
qu'en fait ils ne sentent pas la nécessité de quitter cette
région.
C'est dans ce sens que nous invoquions, dans notre mémoire, la
réalité d'une présence, dans la communauté, d'un
certain nombre d'objets qui relieraient les gens à leur culture
d'origine. Pour ce, évidemment, nous n'avons pas voulu le dire
très spécifiquement, mais cela nous prend quelques moyens. M. le
député connaît un petit peu les conditions
financières de notre organisme. Nos conditions matérielles ne
nous le permettent pas, mais nous espérons qu'avec le temps nous
pourrons avoir un peu plus de moyens - le bénévolat, c'est une
chose, mais ce n'est pas infini - pour faire en sorte que, dans la
communauté, se retrouvent des réalités,
c'est-à-dire un quotidien qui soit très proche du quotidien du
Portugal qu'on a quitté, du Cabinda, comme moi, qu'on a quitté,
du Zaïre ou du Cambodge qu'on a quitté, sans pour autant,
évidemment, créer de ghettos. C'est-à-dire qu'il n'y a
aucune contradiction entre le fait que je continue de parler le portugais,
parce que d'origine portugaise, et le fait de vivre dans un Québec qui
soit un Québec français. Mais, à une condition: c'est que,
dans le milieu de Trois-Rivières, par exemple, je puisse avoir la
possibilité d'acheter un journal portugais. Mais, pour avoir un journal
portugais, il faut qu'économiquement l'arrivée du journal soit
rentable pour celui qui amène le journal. C'est dans ce sens-là
qu'on parlait d'une augmentation, d'un accroissement possible du nombre
d'individus représentant une culture déterminée.
Le Président (M. Hamel): Merci, M. Gouveia. Le mot de la
fin, Mme la ministre?
Mme Robic: Oui, M. le Président. Vous allez me permettre
un petit accrochage pour encore vous dire qu'il ne faudrait pas constamment se
servir de la grille de sélection à toutes les sauces. Je voudrais
vous rappeler que la grille de sélection s'applique à un certain
groupe d'immigrants, les immigrants indépendants, qui viennent ici parce
qu'ils ont un emploi. Alors, même si on leur donnait des points
additionnels pour l'établissement en région, si l'emploi est
à Montréal, c'est une raison pour les y recevoir.
Quant à la réunification des familles, ce serait
très difficile, pour quelqu'un qui vient rejoindre sa famille, de
l'envoyer dans une région différente de celle où habite la
famille. Donc, il resterait les réfugiés, pour qui il n'y a pas
de grille de sélection qui s'applique, à qui on pourrait le
suggérer et qu'on pourrait même amener en région. Mais,
encore une fois, comme responsabilité, comme ministre, avant même
d'envoyer des gens dans une région, je voudrais m'assurer que celle-ci
est prête à les recevoir. Je pense qu'il est essentiel que ce soit
fait. Si l'on pouvait avoir d'autres rencontres avec votre
député, je serais très disposée à voir ce
qui peut être fait dans ce sens, mais cela va me prendre, si vous voulez,
l'appui et l'aide de toute la communauté.
Je veux vous remercier, cela a été très
intéressant de vous entendre. J'espère que c'est seulement un
début de dialogue.
Le Président (M. Hamel): Merci, Mme la ministre.
M. Gouveia: Et bonne chance.
Le Président (M. Hamel): Merci. Avez-vous un mot, Mme la
députée de Maisonneuve?
Mme Harel: Oui. Je veux également dire que cela a
été fort intéressant et j'espère que cela va
insuffler une volonté politique chez les élus de renverser cette
tendance car, encore une fois, il faut voir, d'un côté, que les
régions doivent être prêtes à recevoir, mais il faut
constater aussi que la ville de Montréal seule n'est pas capable de tout
recevoir et qu'il n'est pas sain pour l'ensemble de la société
québécoise que l'interculturalisme ne se vive qu'à
Montréal et que le Québec se dépeuple dans ses
régions. Je vous remercie.
Le Président (M. Hamel): Merci, Mme la
députée. Merci, Mme Grenier-Doyle. Merci, M. Gouveia, de votre
participation aux travaux de notre commission. J'invite maintenant les autres
intervenants à prendre place, s'il vous plaît!
Nous accueillons maintenant le Congrès hellénique du
Québec. Il me fait grand plaisir de recevoir M. Mark Karydis,
président, M. Georges Manolikakis, trésorier, et Mme Heleni
Savides, secrétaire.
Vous savez que nous allons terminer aux alentours de 18 heures. Sans
plus tarder, je vous inviterais à nous présenter votre
mémoire.
Congrès hellénique du
Québec
M. Karydis (Mark): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, mesdames et messieurs les députés, membres de la
commission, je veux vous remercier de nous recevoir aujourd'hui et de nous
donner l'occasion de présenter notre mémoire. L'idée du
congrès hellénique date d'il y a quinze ans et ne fut
concrétisée qu'en 1985. Officiellement, le Congrès
hellénique canadien existe depuis avril 1986.
Le Congrès hellénique du Québec
représente 7 communautés et 53 associations, soit environ
80 000 immigrants d'origine grecque. Le Congrès hellénique du
Québec fait partie du Congrès hellénique canadien qui
représente tous les Canadiens d'origine grecque, c'est-à-dire 250
000 personnes ou 1 % de la population du Canada.
Les buts du congrès sont de faire la liaison entre les
communautés, associations et organismes grecs; d'être la voix des
intérêts grecs vis-à-vis des gouvernements
fédéral, provinciaux et municipaux et de leur pays d'origine, la
Grèce; d'encourager les Grecs à participer aux affaires publiques
aux niveaux municipal, provincial et fédéral; d'être
l'organisme de coordination dans le cas de relève de fonds pour une
situation dite d'urgence comme, par exemple, la situation de Kalamata; de
contribuer ou maintenir l'héritage culturel des Grecs et de participer
aux activités multiculturelles pour transmettre cet héritage aux
groupes canadiens d'autres ethnies.
Avec votre permission, sur ce point, je vais donner la parole à
la secrétaire pour donner les autres objectifs du congrès.
Mme Savides (Heleni): Les objectifs du congrès sont de
desservir, de promouvoir et d'assurer le progrès de la population
d'origine hellénique du Québec au sein du milieu
québécois; de préserver et de promouvoir son bagage
culturel; de faciliter l'intégration des résidents
québécois d'origine hellénique à la
société québécoise tout en encourageant le maintien
et le développement de leur culture et héritage dans ce cadre; de
promouvoir la bonne volonté et de favoriser l'entraide entre les
Québécois d'origine hellénique et tous les
Québécois francophones; de promouvoir la communication et
d'encourager la coopération entre les organismes québécois
d'origine hellénique et ceux d'autres groupes ethno-culturels; de
promouvoir le développement de législations et de politiques qui
sont justes et équitables envers tous les citoyens dans le cadre des
droits de l'homme; d'agir comme le véhicule de communication entre,
d'une part, les organismes et les individus de la communauté
hellénique du Québec et, d'autre part, les divers niveaux
gouvernementaux pour favoriser leurs relations; d'encourager les relations
autant au niveau culturel qu'au niveau de l'éducation entre les
Québécois d'origine hellénique et le gouvernement
québécois; d'encourager les relations entre les organismes
helléniques locaux et interprovinciaux et d'encourager le
développement d'autres organismes helléniques; de promouvoir,
d'encourager et d'entreprendre tout projet et activité qui permettront
à la communauté hellénique en général
d'avancer et d'atteindre les buts et les objectifs qu'elle s'est fixés
et de promouvoir dans tout le Québec les renseignements avantageux pour
la communauté hellénique.
M. Karydis: Passons maintenant à notre but, l'immigration
au Québec pour les deux années qui suivent. Étant les
représentants des Grecs au Québec, nous aimerions vous souligner
qu'on favorise l'augmentation des immigrants parce qu'on a de la place et que
cela aide beaucoup notre économie. On voit quand même qu'un effort
doit être fait dans la procédure en général afin de
réduire les délais. Le temps d'examiner un dossier, de six mois
jusqu'à un an ou deux ans, nous paraît très long parfois.
Ceci est d'autant plus vrai pour la réunification familiale et pour
l'immigration catégorie indépendant. Pour la catégorie des
réfugiés, on pense qu'il faut examiner les cas avec plus de
rapidité et ne pas hésiter à refuser des candidats s'il le
faut.
Parlons un peu du cas particulier de la Grèce. Un Grec de la
Grèce, pour immigrer au Québec ou même pour faire ses
études, est obligé d'attendre le conseiller de Rome qui,
d'habitude, passe une fois par mois pour examiner les cas pendant les deux ou
trois jours de son passage. Alors, si Athènes avait un conseiller
permanent en immigration, ceci pourrait être plus efficace, même
pour d'autres pays, à cause de la situation géographique de la
Grèce.
Si, vraiment, on veut plus d'immigrants, il faut que l'information soit
plus efficace. On pourrait, par exemple, faire paraître à la
télévision locale du pays des programmes avec des informations
sur le Canada et surtout le Québec. Et si le pays est la Grèce,
pourquoi pas aussi une fête de la communauté grecque du
Québec? On pourrait aussi prévoir un échange
d'étudiants. On pourrait de même améliorer l'accueil au
pays d'origine et au Québec en fournissant aux candidats des
renseignements sur leur communauté respective.
L'immigrant investisseur. C'est un immigrant très important pour
le pays en général. Malheureusement, dans certains pays,
dès le début jusqu'au moment où il arrive, le délai
peut être d'un an et demi parce que, du moment que son dossier est
accepté, le Québec lui donnera le certificat de sélection
après trois mois et le dossier passe au fédéral, ce qui
prendra encore cinq mois. Donc, après huit mois, au minimum, l'immigrant
doit se préparer avec sa famille pour venir. Cela veut dire six mois de
plus, au moins. (17 h 30)
On voit alors que nous avons perdu au minimum quatorze mois de son
investissement et la création d'emplois. Il arrive aussi que le secteur
de l'économie du Québec ait changé et que l'investisseur
désire investir ailleurs.
S'il y a un point à souligner davantage,
ce serait qu'une considération additionnelle devrait être
accordée aux immigrants potentiels qui ont déjà de la
parenté, voire même l'élargissement de la catégorie
famille. Finalement, l'adaptation de l'immigrant reçu est notre point
fort pour pouvoir en recevoir d'autres. Par adaptation, on entend, entre
autres, la francisation des immigrants.
Mme Savides: Les recommandations du congrès sont:
augmenter le nombre d'immigrants et réduire le délai pour les
procédures de demande de résidence permanente; faciliter et
accélérer la procédure de réunification familiale;
accélérer les procédures de sélection des
réfugiés à l'étranger; faire en sorte que le
gouvernement fédéral se montre plus sévère envers
l'acceptation et la procédure de détermination du statut de
réfugié; établir un conseiller en immigration du
Québec à Athènes; améliorer l'information et
l'accueil transmis aux candidats; accélérer l'immigration des
immigrants investisseurs et des immigrants indépendants et que la
ministre recommande au gouvernement fédéral d'élargir la
catégorie de la famille pour inclure les parents plus
éloignés et non seulement de première filiation.
Merci de votre attention.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, madame.
Je reconnais maintenant Mme la ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
Mme Robic: Merci, M. le Président. Bienvenue à
cette table et merci d'avoir participé. Vous êtes d'ailleurs le
seul groupe d'une communauté culturelle qui ait accepté notre
invitation. On vous en remercie. Vous êtes une communauté
importante, alors, il nous fait plaisir de vous accueillir à la
commission.
Vous avez mentionné dans une de vos recommandations
l'élargissement de la catégorie famille.
Vous parlez de parents éloignés. Est-ce qu'on pourrait
savoir ce que vous voulez dire? Jusqu'où iriez-vous si vous aviez
à faire une suggestion?
M. Karydis: Oui. On pourrait, par exemple, élargir cette
catégorie è un cousin, ou è un degré de
parenté autre que la mère qu'on a jusqu'à maintenant.
On sait qu'il y en a des Grecs qui veulent venir ici parce qu'ils ont de
ces parents. Ils savent que leurs parents sont installés ici. Ils sont
contents, ils les visitent chaque fois, chaque année, chaque
été, mais ils ne peuvent pas venir à cause de cela. Alors,
il faut qu'ils fassent une demande du côté indépendant.
Mme Robic: Vous me suggérez de faire des recommandations
à mon homologue fédéral quant aux revendicateurs du statut
de réfugié. Vous êtes au courant que le gouvernement
fédéral a déposé hier deux projets de loi, dont la
loi C-55 qui a été déposée au printemps et qui est
revenue en ce moment. Est-ce que vous êtes d'accord avec les
recommandations ou les articles de ce projet de loi?
M. Karydis: Oui et non. Je n'ai pas eu le temps de tout lire, de
me préparer, si vous voulez, mais en général, comme on le
mentionne dans le mémoire, on veut que la sélection des
réfugiés soit bien faite et que l'examen de chaque cas
particulier soit plus sévère. Je vais vous donner un exemple. On
a entendu dire que quelques-uns parmi les derniers arrivés avaient leurs
papiers, lesquels ont été déchirés. Moi,
personnellement, dans ces cas-là, j'exigerais les papiers.
Mme Robic: Vous nous mentionnez également les
délais de traitement des dossiers pour la catégorie des
immigrants. Quel genre de délai voyez-vous comme acceptable? Il faut
tout de même avoir un certain processus. Quel genre de délai
aimeriez-vous voir?
M. Karydis Est-ce que vous parlez des immigrants
indépendants?
Mme Robic: Les immigrants... M. Karydis
Indépendants?
Mme Robic: Oui, c'est ça ou la catégorie
famille.
M. Karydis: Par expérience et d'après ce qu'on
entend, on dit - et je le sais - que c'est à peu près six mois.
J'ai l'impression que la moitié du temps, ça devrait être
plus efficace. Je vais vous dire pourquoi on pense ca
Du moment qu'un immigrant indépendant a fait sa soumission, sa
demande pour venir ici, pour immigrer, à partir de cette date jusqu'au
moment où il va avoir la réponse, soit négative ou
positive, il est dans un certain temps intermédiaire, si vous voulez.
Alors, il hésite, il ne sait pas; il n'est pas en sécurité
là où il vit. Il ne sait pas quoi faire: il ne sait pas s'il va
rester encore dans le pays où il est et il ne sait pas s'il peut se
préparer pour venir. Alors on pense que le moins on prolonge cette
période, plus on favorise l'arrivée de la personne pour qu'elle
en finisse avec son problème.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: J'aimerais moi aussi saluer M* Karydis, M. Manolikakis
et vous-même, Mme Savides. J'ai eu l'occasion de me rendre à
quelques reprises au centre sur Wilderton. Je crois que votre
secrétariat se trouve sur Wilderton. Le secrétariat du
congrès, je crois, se trouve sur la rue Wilderton, au centre
communautaire...
M. Karydis C'est ça.
Mme Harel: C'est vraiment intéressant de voir que la
communauté grecque s'est organisée dans une superstructure de
toutes ses associations et qu'il y a un niveau de consensus qui, au fil des
années, s'est développé. On peut quand même
constater que les tensions qui existaient auparavant se sont de loin
amenuisées et que vous avez trouvé matière à
consensus au sein de la communauté; ce qui est certainement
souhaitable.
Vous souhaitez un élargissement de la catégorie famille.
Je crois que c'est un élément important que vous recommandez
à la commission concernant le niveau d'immigration. Vous êtes
informés, ou peut-être que non... Etes-vous informés
qu'actuellement, sur l'ensemble des personnes que le Québec
reçoit, 40 % d'entre elles, des nouveaux arrivants, sont sous le
chapitre de la catégorie famille? Ce n'est peut-être pas tout
à fait 40 % mais pas loin. Je pense que c'est 38 % ou quelque chose
comme ça? Donc, c'est autour de 40 % avec les règles actuelles
qui sont assez strictes puisque ce ne sont pas des règles qui, je pense,
sont élargies aux frères et soeurs. Elles le sont aux enfants et
aux parents, ascendants ou descendants. Alors, un élargissement, disons,
possible pourrait peut-être s'envisager pour les frères et soeurs.
Vous, nous parlez des cousins, cousines, neveux et nièces.
Est-ce que vous envisagez qu'éventuellement, avec un
élargissement comme celui-là, l'ensemble de la politique
d'immigration du Québec pourrait être, non pas en totalité,
mais largement en fonction de la catégorie famille? Parce que,
même avec les restrictions actuelles, c'est 40 %. Alors, jusqu'où
pensez-vous... Y a-t-il, ou pas, selon vous, un pourcentage au-delà
duquel la catégorie famille doit avoir des balises ou des restrictions?
Cela, c'était ma première question.
Voici la deuxième. Évidemment, il y a beaucoup de pays
dans le monde où la notion de la famille est vraiment différente
de la nôtre. Pensez, par exemple, ce qui n'est pas le cas pour la
Grèce... On partage, nous et vous, sans doute une notion quand
même similaire. Mais dans les pays polygames... Les mêmes
critères s'appliquent pour les demandes, indépendamment du pays
d'origine de la culture d'origine. Par exemple, j'ai eu connaissance d'un homme
qui demandait l'établissement ici de 32 de ses enfants. Et
c'était seulement en ligne ascendante.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Mme Harel: Alors, je me suis dit: Imaginez-vous, c'était
en ligne ascendante, mais il y avait la ligne descendante aussi. Et s'il
fallait commencer à parler des frères et des soeurs... Parce que
cette même personne était elle-même le fils d'un homme qui
en avait eu quelques dizaines également avec plusieurs femmes. Alors
là, les frères et les soeurs... N'oubliez pas que, dans plusieurs
pays, l'oncle est aussi le père; le frère de la mère est
considéré comme le papa; comme la soeur de la mère est la
maman. C'est une conception qui est très large. Je me demandais...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: ...que l'immigration a des limites.
Mme Harel: Mais vous savez qu'à Montréal il y a
cette réalité actuellement. La présidente de l'Alliance
des professeurs de Montréal parlait de la condition féminine. Il
ne faut pas oublier qu'on reçoit actuellement des personnes qui sont de
culture totalement différente de la nôtre. Alors quelle est votre
conception de la famille?
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Mme Savides Notre recommandation pour l'élargissement de
la famille... Comme vous l'avez dit, la présente loi s'applique aux
parents et aux enfants. En élargissant le concept de la famille, on
avait pensé à des éléments productifs. On aurait un
parrainage pour des gens qui sont déjà prêts à venir
travailler, ce qui leur faciliterait la tâche. Nous n'avons pas
pensé aux autres cultures ni, bien sûr, à la personne,
comme vous dites, qui a 32 enfants et qui seraient déjà
automatiquement, selon la présente loi, acceptés ici. Ce n'est
pas l'élargissement de la famille qui les ferait entrer.
M. Karydis: Je veux seulement ajouter que je suis né en
Égypte, madame. Je suis Grec d'origine, mais né en Égypte.
Je vous comprends bien. Mais, vraiment, on n'a pas pensé à cela
quand on a écrit cela dans notre mémoire.
Mme Harel: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. Mme la députée de
Groulx.
Mme Bleau: Merci, M. le Président. Quand vous vous
déclarez en faveur d'une
hausse de l'immigration, quels seraient, selon vous, les efforts
à consentir dans les prochaines années?
M. Karydis: Pour l'immigration en général,
dites-vous?
Mme Bleau: Oui.
M. Karydis: Comme je vous l'ai mentionné, on a
l'impression que pour améliorer les choses ou pour agrandir ce qu'on a
déjà il faudrait quand même rapprocher le monde. Il faut
donner au monde la connaissance de ce que nous offrons et de ce que nous avons.
C'est pour cela qu'on vous a donné l'exemple de la
télévision. On parle toujours comme Grecs, en tant que Grecs. On
a l'impression que si un Grec, à Athènes, par exemple, est devant
son poste de télévision, regarde les réclames sur le
Québec, le Canada et écoute toutes les informations qu'on donne,
voit, dans la communauté grecque ici, par hasard, un ami ou un parent
qui danse, qui joue, je ne sais pas, ou qui boit, cela va créer des
intérêts. C'est pour cela qu'on a mentionné cet exemple. On
croit que cela va pousser les gens à émigrer ici, au
Québec.
Mme Savides: J'aimerais aussi ajouter que les politiques
administratives se penchent sur l'égalité d'accès, les
services d'accueil, les programmes d'éducation des adultes, les
problèmes des enfants immigrants dans les écoles et, en
général, favorisent l'établissement de l'immigrant.
Mme Bleau; Une autre question.
Le Président (M. Trudel): Oui, allez-y, madame.
Mme Bleau: Seriez-vous d'accord, comme groupe, pour favoriser
l'arrivée d'immigrants de la Grèce dans les régions?
Seriez-vous d'accord pour favoriser l'intégration d'un certain groupe
d'immigrants de votre communauté dans les régions?
M. Manolikakis (Georges): En ce qui a trait à
l'intégration, il faut quand même savoir que nous, en tant que
Grecs ou personnes d'origine grecque, nous avons commencé à
immigrer au Québec depuis les années cinquante. En
conséquence, nous nous sommes bien intégrés dans la
société québécoise et je crois qu'à part ce
que la députée de Maisonneuve a mentionné tout à
l'heure, les installations sur la rue Wilderton, il faut noter que les Grecs se
trouvent partout au Québec. Ce n'est pas seulement à
Montréal qu'on retrouve des Grecs; la communauté grecque existe
partout au Québec. Donc, dans un certain sens, nous nous sommes bien
intégrés dans la province ici, dans la vie quotidienne. On fait
partie de ce qui a trait à la politique, aux affaires et à la
technologie; on se trouve dans tous les domaines et aspects de la vie
socio-économique.
Alors, dans ce sens, je pense que nous avons une très bonne base
pour pouvoir accueillir d'autres immigrants plus particulièrement dans
les autres régions, étant donné que l'intégration
serait plus facile pour de nouveaux arrivés. C'était avec cette
idée que certaines recommandations ont été annotées
tout à l'heure. Alors, nous n'avons pas ce problème
d'intégration qui peut être nouveau... Les gens d'un autre pays
qui viennent d'immigrer, soit depuis les deux ou trois dernières
années, au Québec, auront le même problème. Donc,
nous avons subi toute cette problématique auparavant et, maintenant,
nous avons établi une très bonne base d'intégration pour
de nouveaux immigrants ainsi que pour la communauté en
général.
Le Président (M. Trudel): Avez-vous terminé, Mme la
députée de Groulx?
Mme Bleau: Merci,
Le Président (M. Trudel): Oui, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, avant de terminer, j'aimerais
vérifier une chose, auprès de nos interlocuteurs, à propos
de la suggestion qui est faite sur l'établissement d'un conseiller
à Athènes. À choisir entre Athènes et Rome, vous
pensez que le Québec aurait plus d'intérêt à avoir
un bureau, un conseiller en immigration à Athènes?
M. Karydis: C'est ce qu'on pense, madame.
Mme Harel: Par rapport à Rome? M. Karydis Oui.
Mme Harel: J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Karydis: D'abord, c'est...
Mme Harel: L'adjoint parlementaire de la ministre...
Une voix: ...n'est pas là.
Le Président (M. Trudel): ...cet après-midi.
M. Karydis: D'abord, à cause de la situation
géographique de la Grèce, on croit que c'est mieux d'avoir un
officier là-bas plutôt qu'à Rome.
Deuxièmement, même pour les études,
on a beaucoup d'informations qui disent qu'il faut attendre, et parfois,
il y a trop de cas à examiner à la fois pendant le passage de
deux ou trois jours de l'officier.
Et pourquoi pas? Peut-être que cela va aussi encourager les Grecs
à venir.
Mme Savides: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?
Le Président (M. Trudel): Oui.
Mme Savides: Je vais vous dire comment j'ai été
intéressée à venir au Québec. J'avais vu le film
où Jeannette Macdonald et Nelson Eddy chantent d'un sommet à
l'autre et je m'étais dit: Quel beau pays! Un jour, je vais aller le
visiter, Et c'est vraiment la raison pour laquelle j'ai
préféré venir ici plutôt qu'ailleurs.
Le Président (M. Trudel): Vous avez terminé,
madame? Alors, Mme la ministre.
Mme Robic: Oui. M. le Président, je prends l'occasion pour
mentionner que, sans élargir la catégorie famille comme telle,
nous avons permis cette année des emplois attestés afin d'ouvrir
notre immigration à des personnes qui pouvaient avoir un emploi mais non
pas nécessairement un emploi qui ne pouvait pas être tenu par un
Québécois. Alors, en permettant cette réception
d'immigrants qui avaient un emploi attesté, nous avons certainement
permis une plus large ouverture de la parenté puisque des
communautés comme la vôtre peuvent souvent fournir des emplois
à des gens qui veulent venir s'établir au Québec. Alors,
nous croyons que nous avons aidé à ce chapitre en permettant
à des membres de la famille de venir s'installer ici, au
Québec.
Je vous remercie infiniment, cela fait toujours plaisir de vous voir.
Vous êtes de vieux amis et vous êtes la preuve que les membres de
communautés plus anciennes que d'autres parlent français. Je vous
remercie.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, Mme la
ministre. Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. J'aurais souhaité
vraiment pouvoir vous remercier en grec. Il faudrait que je rafraîchisse
un peu mon grec, il faudrait que vous m'invitiez!
Je crois que c'est vraiment un effort qui a été
très louable de venir présenter un mémoire devant la
commission. Je vous en félicite. J'espère que nous pouvons
compter sur le congrès et sur vous comme dirigeants pour faire la
promotion de la francisation au sein de votre communauté. Je crois que
c'est vraiment une condition de cohabitation harmonieuse. Je vous remercie.
M. Karydis: M. le Président, si vous permettez?
Le Président (M. Trudel): Oui, M. le président,
allez-y.
M. Karydis; Le fait que nous soyons nouvellement
constitués ne nous a pas permis de présenter un mémoire
plus explicite, si vous voulez. Nous nous réservons le plaisir de le
faire dans l'avenir. Merci»
Le Président (M. Trudel): Merci d'avoir accepté
notre invitation. Les travaux de la commission sont ajournés
jusqu'à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 17 h 52)