To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Education

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Education

Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Tuesday, September 16, 1986 - Vol. 29 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois


Journal des débats

 

(Quatorze heures dix minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'éducation, dans le cadre de la trente-troisième Législature, commence ses travaux, Elle a pour mandat de procéder à une consultation générale dans le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Alors, M. le secrétaire, comme le veut notre règlement, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Il y a M. Despré (Limoilou) qui remplace Mme Cardinal (Châteauguay) pour la durée du mandat. Merci.

Organisation des travaux

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Alors, pour l'infomation de tout le monde, voici l'ordre du jour d'aujourd'hui. La commission de l'éducation entendra le Conseil des universités, normalement jusqu'à 18 heures. En soirée, nous entendrons la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec.

J'aimerais, ici, rappeler les ententes qui ont eu lieu entre les différents partis concernant l'utilisation du temps. Lors d'une séance de travail, qui a eu lieu le 9 septembre dernier, il a été convenu que le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science et le porte-parole de l'Opposition disposent de 45 minutes chacun pour faire des déclarations d'ouverture. Chaque membre de la commission aura la chance de prendre la parole cinq minutes, s'il le désire, au début des auditions publiques. Le temps consacré aux échanges avec les organismes sera partagé de façon égale entre la formation ministérielle et la formation de l'Opposition. Dans ce partage du temps, la règle de l'alternance sera toujours respectée.

Chacune des deux formations politiques aura l'avantage de répartir entre ses membres, comme elle le veut, le temps qui lui est alloué. Ainsi, un député pourra dépasser la limite de dix minutes imposée par l'article 173 du règlement si le temps accordé à sa formation n'est pas épuisé.

À la fin de chacune des auditions, le ministre et le porte-parole de l'Opposition auront cinq minutes pour faire un résumé. Cependant, ce temps de parole peut être utilisé par d'autres députés. C'est donc dire que les deux porte-parole peuvent déléguer leur droit de parole à un autre député de leur formation politique pour ce qu'on appelle le mot de la fin.

Alors, je vous rappelle l'horaire de cette commission. Elle siégera le mardi et le mercredi, de 10 heures à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 heures; le jeudi, de 10 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures.

Exposé du président

La commission de l'éducation entreprend cet après-midi les audiences publiques sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois. Avant qu'elle commence ses travaux, je crois qu'il serait utile de fournir quelques explications sur la commission de l'éducation et le mandat que l'Assemblée nationale lui a confié.

Il faudrait tout d'abord souligner que la commission est une commission parlementaire que l'on ne doit pas confondre avec une commission judiciaire, par exemple, une commission gouvernementale ou tout autre type de commission étatique. La première caractéristique d'une commission parlementaire est d'avoir été créée par l'Assemblée nationale elle-même. Sa seconde caractéristique, c'est qu'elle est composée exclusivement de députés de l'Assemblée nationale.

Une commission parlementaire ayant reçu un mandat de l'Assemblée nationale est seule maîtresse du déroulement de ses travaux, sous l'autorité de son président, dans le respect du règlement. À l'occasion d'une consultation générale, comme c'est le cas aujourd'hui, il appartient à la commission de choisir quels groupes ou individus elle entendra et de structurer ses travaux en conséquence. Il faut aussi souligner que les commissions parlementaires appartiennent en toute exclusivité à ce qu'on appelle le pouvoir législatif par opposition au pouvoir exécutif. Ainsi, le président et le vice-président d'une commission doivent nécessairement appartenir à des groupes parlementaires différents. Ils sont élus pour une période de deux ans à la majorité des membres de chaque groupe parlementaire. La

composition des commissions reflète l'importance numérique des groupes parlementaires. Ainsi, la commission de l'éducation compte onze députés ministériels et cinq députés de l'Opposition.

La commission, qui a compétence en matière d'éducation, de sciences et de formation professionnelle a reçu de l'Assemblée nationale, le 1er mai dernier, le mandat de procéder à une consultation générale dans le but d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et les années ultérieures. Notamment, dans le cadre de son mandat, la commission est chargée d'examiner le niveau des subventions aux universités et leur répartition entre les établissements, l'endettement des institutions universitaires, la participation du gouvernement fédéral au financement des universités, les sources de revenus des universités autres que les subventions gouvernementales, les modalités d'aide financière aux étudiants, les frais directs et indirects de la recherche, le financement de celle-ci à l'intérieur des universités et plus particulièrement les nouveaux modes de collaboration entre les universités, les centres de recherche publics et privés et l'entreprise publique ou privée, la gestion des ressources humaines et matérielles des universités, le mode de concertation entre les établissements, particulièrement en ce qui a trait à la rationalisation des programmes offerts et à l'identification des champs d'enseignement et de recherche jugés prioritaires. La commission tient à faire son possible pour entendre tous les groupes qui ont exprimé le désir d'être entendus.

Une commission parlementaire, lors d'une consultation générale, constitue un forum privilégié où tous les points de vue peuvent être exprimés. Ainsi, la commission poursuivra ses auditions publiques jusqu'à la mi-octobre pour permettre à tous les intéressés de s'exprimer. Chaque organisme aura entre une heure et deux heures pour présenter son mémoire et répondre aux questions des députés de la commission. De plus, le temps pour poser des questions sera partagé de façon égale entre les membres ministériels et les membres de l'Opposition,

Je tiens à vous dire aussi que je serai très souple dans l'application du règlement. Le but premier de cette commission parlementaire est d'aller chercher le plus de renseignements possible de façon à informer les parlementaires et à informer le public de la problématique du financement des universités. C'est donc dire que nous allons mettre tous les efforts, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, pour atteindre l'objectif recherché qui est de trouver des solutions rentables, acceptables et applicables pour mettre un terme au problème du financement des universités.

Avant de céder la parole au ministre de l'Éducation et de la Science, j'aimerais vous présenter les membres de cette commission parlementaire qui seront appelés à siéger ici jusqu'à la mi-octobre: Mme la députée de Chicoutimi, Mme la députée de Groulx, M. le député de Charlevoix, M. le député de Limoilou, M. le député de Verchères, Mme la députée de Jacques-Cartier, M. le député d'Arthabaska, M. le député d'Abitibi-Ouest, M. le député de Saint-Henri, M. le député de Sherbrooke, M. le député de Laviolette, M. le député de Richelieu, M. le député de Rousseau, M. le député de Rimouski, Mme la députée de Marie-Victorin et M. le député d'Argenteuil, ministre de l'Éducation, de la Science et de l'Enseignement supérieur.

M. le ministre, nous vous écoutons.

Déclarations d'ouverture M. Claude Ryan

M. Ryan: Merci. Au moment où la commission parlementaire de l'éducation entreprend le mandat que lui a confié l'Assemblée nationale d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et les années ultérieures, je voudrais, en guise d'introduction aux travaux de la commission, livrer quelques observations qui me paraissent traduire à la fois les problèmes actuels des universités et les intentions du gouvernement à leur endroit.

On me permettra d'abord de rendre un hommage très mérité à tous ceux et à toutes celles qui ont fait de l'université l'objet premier de leur engagement, que ce soit à titre d'administrateurs, de professeurs, d'étudiants, de chargés de cours, de chercheurs, de fonctionnaires affectés aux affaires universitaires, de travailleurs à un titre ou à un autre dans le milieu universitaire. Étudiants, professeurs et chercheurs sont les premiers artisans de l'oeuvre d'approfondissement et de transmission de la culture et de la science qui s'accomplit à l'université. Mais étudiants et professeurs ne pourraient accomplir leur travail sans l'apport indispensable de tous les autres éléments qui forment avec eux la communauté universitaire. C'est à tous et à toutes, sans exception, y compris aux collaborateurs bénévoles qui assurent la présence du milieu plus large au sein de l'université, que j'adresse au début de nos travaux les hommages et les salutations du gouvernement. À ceux et celles qui, dans le contexte très difficile d'aujourd'hui, assument des tâches de direction au sein des universités, j'adresse des salutations particulièrement cordiales et l'assurance

renouvelée de ma collaboration dans la poursuite de leur noble tâche.

Au début de nos travaux, je tiens à redire ma conviction profonde suivant laquelle l'université est et doit devenir de plus en plus un rouage essentiel dans le développement de la société québécoise.

Certains considèrent l'université comme un luxe qui ne devrait être réservé qu'à des éléments favorisés par la fortune, le rang social ou le milieu familial. Ils la perçoivent au mieux comme devant être réservée à ceux qui auront été assez débrouillards pour se rendre jusque là par leurs propres moyens. Aux yeux de ces personnes, l'université est le lieu où l'on va quérir un diplôme devant donner accès à une profession rémunératrice dont les membres seraient automatiquement appelés à faire partie de l'élite de la société. L'université est beaucoup plus que cela. Elle est beaucoup plus qu'une usine de cours numérotés, une fabrique de professionnels ou une serre chaude réservée à une caste de privilégiés. À notre époque d'explosion continue des connaissances et de développement rapide des communications, l'université est le creuset par lequel passent à la fois la multiplication et la diffusion des connaissances scientifiques et de la culture. À cause de cela, elle est un des leviers de croissance les plus importants dont puisse disposer une société.

L'université est certes un lieu d'enseignement et de formation: elle doit continuer de préparer à l'intention de la société les professionnels et les spécialistes dont celle-ci a besoin dans tous les domaines. Mais l'université est aussi, et beaucoup plus fondamentalement, un lieu de recherche et d'approfondissement des connaissances. Elle est aussi un lieu de dialogue civilisé, de confrontation loyale. Elle est enfin, à tout le moins elle doit l'être, un lieu de rayonnement dont l'action, à la longue, pénètre et infléchit tous les secteurs de l'activité collective.

Dans les communautés où elle est ' implantée, l'université est un ferment de progrès intellectuel, culturel, social, économique et politique. Par l'activité de ses membres, autant à l'intérieur de ses murs qu'à l'extérieur, elle contribue à relever le niveau des connaissances et de la culture. Mais elle contribue également - et cet aspect de son rôle est particulièrement important dans les régions excentriques - à hausser le niveau intellectuel et culturel général de la vie communautaire. Qu'il s'agisse des professions traditionnelles, des entreprises commerciales, financières et industrielles, des organes de communication, des associations de toutes sortes, la présence dans leur sein d'éléments en provenance de l'université ou influencés par l'université est le gage d'une meilleure qualité dans les services rendus à la communauté.

D'un point de vue plus large, l'avenir des sociétés repose de plus en plus sur leur aptitude, non seulement à s'approprier les conquêtes du progrès scientifique et technologique, mais aussi à fournir à la marche incessante de l'humanité vers le renouvellement des connaissances, une contribution créatrice adaptée à leur force numérique et financière. Même si elle doit assumer pareil rôle, en tenant compte de son niveau de développement et de ses ressources, chaque société doit viser à se comporter à cet égard en partenaire actif et non pas en simple parasite. Cette obligation s'impose à tous égards, autant au plan économique qu'aux plans politique, social et culturel: la force des sociétés est de plus en plus tributaire de l'importance qu'elles accordent à la culture et à la diffusion des connaissances scientifiques et technologiques. Dans cette perspective d'un monde où les rapports économiques et politiques seront de plus en plus fondés sur la maîtrise des connaissances, l'appui aux universités apparaît comme un volet essentiel de la politique de tout gouvernement moderne. Il doit être perçu comme une véritable obligation à laquelle un gouvernement ne saurait se dérober sans faillir à sa responsabilité.

Le Québec, à cet égard, partait de fort loin il y a 25 ans. Mais il a accompli depuis ce temps des progrès gigantesques.

Dans son rapport publié en 1964, la Commission Parent signalait qu'en 1960-1961, c'est-à-dire il y a 25 ans, elle avait dénombré un total de quelque 23 000 étudiants inscrits dans les universités du Québec. Elle prévoyait que ce nombre allait progresser rapidement pour atteindre le chiffre de 94 600 en 1981-1982.

De fait, l'augmentation des inscriptions dans les établissements universitaires a largement dépassé les prévisions de la Commission Parent. En 1981-1982, on dénombrait dasn les universités québécoises 130 767 étudiants équivalence temps complet, soit 38 % de plus que n'en avait prévu la Commission Parent. Quatre ans plus tard, soit en 1985-1986, le nombre des étudiants équivalence temps complet inscrits dans nos universités était passé à 155 526. Si l'on compte à la fois les étudiants à temps complet et les étudiants à temps partiel, plus de 200 000 personnes sont présentement inscrites à des cours de formation universitaire au Québec.

Au cours de la même période, l'accès à l'université a connu une progression remarquable. De 1976-1977 à 1985-1986, le taux de fréquentation universitaire n'a cessé de progresser, autant en ce qui touche les étudiants à temps complet qu'en ce qui touche les étudiants à temps partiel. Le Québec a pratiquement rejoint l'Ontario sous l'angle du taux de fréquentation universitaire

des personnes âgées de moins de 30 ans. Parmi les facteurs qui ont contribué à ce progrès, on ne saurait trop souligner le rôle des programmes d'aide financière aux étudiants, lesquels atteignent présentement plus de la moitié des étudiants inscrits dans les collèges et les universités et auront permis de mettre en circulation pour la seule année 1985-1986, des sommes d'une valeur totale de 407 000 000 $.

À l'intérieur de cette évolution, les progrès les plus importants ont été accomplis par les francophones. En 1966-1967, les anglophones fréquentaient l'université au Québec dans une proportion presque cinq fois plus élevée que les francophones. En 1985-1986, il ne restait plus qu'un écart relativement mince entre les deux groupes. Chez les francophones, la proportion des personnes âgées de 18 à 29 ans inscrites è l'université était passée de 3,5 % en 1966-1967 à 13,8 % en 1985-1986 tandis que chez les anglophones, pendant la même période, la fréquentation universitaire était passée de 15,5 % à 15,9 %.

Au début des années soixante, le Québec comptait trois universités de langue française (Montréal et ses écoles affiliées, Laval et Sherbrooke) et trois universités de langue anglaise (McGill, Sir George Williams et Bishop's). La création de l'Université du Québec et de ses constituantes de Montréal, Trois-Rivières, Chicoutimi, Hull, Rimouski et Abitibi-Témïscamingue, de ses écoles supérieures et de ses instituts de recherche, à laquelle s'est ajoutée la création de l'Université Concordia, née de la fusion de Sir George Williams et de Loyola College, a doté le Québec d'un réseau d'établissements universitaires que l'on peut considérer désormais comme complet dans ses composantes essentielles.

Toujours pendant la même période, le nombre des professeurs à temps complet a considérablement augmenté. Il en est allé de même de l'effort consacré à la recherche scientifique dans nos universités. Le Québec a longtemps souffert de graves retards dans le domaine de la recherche. Ces retards ne sont pas tous disparus. L'Ontario, grandement favorisé par une tradition universitaire plus ancienne et par la présence sur son territoire de nombreux services fédéraux, conserve une avance importante sur le Québec et sur le reste du Canada en matière de budgets de recherche universitaire. Les universités du Québec obtiennent quand même, désormais, des budgets de recherche dont l'importance relative est assez proche de celle du Québec dans l'ensemble de la population canadienne. (14 h 30)

Que tous ces progrès se soient traduits par un effort financier important de notre collectivité à l'endroit des universités, cela se vérifie par l'importance croissante que les universités se sont vu accorder dans les budgets de l'État québécois jusque vers 1978-1979. Selon les propos que tenait devant la commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre le 9 octobre 1984 un ancien ministre de l'Éducation, M. Yves Bérubé, le Québec, en 1979-1980, consacrait aux universités: une part de son produit intérieur brut qui était supérieure de 43 % à celle de l'Ontario; des dépenses per capita qui étaient supérieures de 19 % à celles de l'Ontario et des subventions par étudiant qui étaient supérieures de près de 700 $ par an aux subventions versées en Ontario.

Le Québec, jusqu'en 1978-1979, avait opté pour une politique d'accès très large à l'université. Il avait aussi assumé les conséquences financières découlant de cette politique. Mais, à compter de 1978-1979, on entrait dans une ère nouvelle qui devait conduire à la situation pénible d'aujourd'hui. Pendant six années consécutives, soit jusqu'en 1985-1986, les universités se virent infliger une série de compressions budgétaires dont la somme s'élève à plus de 250 000 000 $. Mais rien ne fut changé à la politique d'accès libérale à l'université. Les frais de scolarité furent au contraire maintenus au même niveau pendant toute cette période tandis que la valeur de l'aide financière aux étudiants connaissait une progression importante passant de 138 000 000 $ en 1979-1980 à 407 000 000 $ en 1985-1986. On a ainsi orienté vers l'université un nombre sans cesse croissant d'étudiants. Le nombre d'étudiants équivalence temps complet est passé de 122 949 en 1979-1980 à 155 526 en 1985-1986, soit une hausse de 26 %. Mais, pendant la même période, la valeur réelle des subventions par étudiant versées aux universités a diminué de 22 %. Le montant total des subventions est effectivement passé de 696 000 000 $ à 966 000 000 $ en 1985-1986, soit une hausse nominale de 38,7 %. Mais, de fait, compte tenu de l'inflation et de l'augmentation du nombre des étudiants, la valeur réelle des subventions par étudiant est passée de 5666 $ en 1979-1980 à 4459 $ en 1985-1986, soit une diminution de 22 %.

Ce glissement fut maintes fois déploré autant par les universités que par le Conseil des universités. Il se prolongea néanmoins jusqu'à l'année 1985-1986, pour laquelle le gouvernement décida d'injecter dans le réseau universitaire de l'argent frais pour une valeur de quelque 38 000 000 $, ce qui n'empêcha point la valeur des subventions par étudiant d'accuser de nouveau un léger recul cette année-là. Pour l'année 1986-1987, laquelle a donné lieu, on s'en souvient, à de très sévères compressions budgétaires dans l'ensemble des activités gouvernementales, les compressions imposées aux universités furent limitées à quelque 20 000 000 $. Les universités bénéficièrent ainsi d'un traitement beaucoup moins sévère que la plupart des

autres secteurs de l'administration publique. L'année se soldera néanmoins par un nouveau recul de la valeur nette des subventions par étudiant.

Nous devons aujourd'hui enregistrer les conséquences de cette politique suivie depuis 1978-1979. Tout d'abord, les conditions dans lesquelles est dispensée la formation universitaire ont connu une sérieuse dégradation. Faute de place et de ressources, de nombreuses écoles et facultés doivent refuser des élèves. À titre d'exemple, je citerai seulement le cas de l'École des hautes études commerciales de Montréal, justement réputée, qui a reçu cette année 2200 demandes d'admission mais n'a pu accepter que 650 nouveaux étudiants. Dans bon nombre d'endroits, les laboratoires et les équipements scientifiques sont tombés en désuétude. De même, les bibliothèques, dont les budgets d'acquisition sont demeurés bien en deçà de la hausse des prix qu'il faut payer pour l'achat de volumes et de matériel documentaire, ont connu, ces dernières années, un recul inquiétant. Au niveau du personnel enseignant, les engagements de nouveaux professeurs ont été très peu nombreux au cours des dernières années. Il en est résulté un vieillissement inexorable du corps professoral et un accroissement du nombre d'étudiants par professeur régulier qui rend de plus en plus illusoire l'objectif d'un enseignement personnalisé.

Qu'il ait été impossible, dans les conditions de sous-financement qui ont prévalu depuis 1979-1980, de procéder à un réaménagement du cadre de financement général qui eut permis de corriger maintes inéquités issues du système actuel de répartition des subventions, cela se comprend. Pour donner davantage à certains établissements victimes d'un traitement inégal, il aurait fallu enlever certaines sommes à d'autres établissements, alors que les ressources se faisaient de plus en plus rares pour l'ensemble des établissements. Il devait s'avérer politiquement impossible d'effectuer un remaniement, ainsi que l'a prouvé l'expérience infructueuse tentée en 1984-1985. II a donc fallu conserver jusqu'à ce jour un mode de distribution des subventions dont la preuve est faite qu'il engendre des inéquités objectivement regrettables.

L'un des résultats les plus lourds de la politique de financement des dernières années a été l'accroissement dangereux du déficit de certains établissements particulièrement affectés par les injustices du mode actuel de distribution des subventions. Je ne veux en aucune manière excuser les déficits accumulés par certains établissements. Je dois toutefois noter que, sur un déficit de 54 000 000 $ accumulé par les universités au 31 mai 1985, la plus forte partie, soit 93 %, doit être portée au compte de quatre établissements, soit l'Université de Montréal, 21 000 000 $, l'Université McGill, 12 000 000 $, l'Université Concordia, 17 000 000 $ et l'Université de Sherbrooke, 11 000 000 $.

Dans l'exposé qu'il présentait à la commission parlementaire de l'éducation le 9 octobre 1984, M. Yves Bérubé, ancien ministre de l'Éducation, après avoir signalé, au début de son message, que le Québec détenait, en 1979, une forte avance sur l'ensemble canadien en matière d'effort collectif pour les universités, se voyait contraint dans le même discours d'enregistrer, à la fin, l'aveu suivant sur la situation des universités après sept années de gestion de l'ancien gouvernement. Je cite M. Bérubé: "Les ressources allouées aux universités du Québec ont présentement atteint un niveau par étudiant parmi les plus bas au Canada et une diminution encore plus grande des coûts unitaires pourrait mettre en péril la qualité des activités et l'amélioration des performances qu'il reste encore à réaliser."

En dehors de toute pensée polémique» nous devons reconnaître que l'investissement annuel du Québec par étudiant universitaire, après avoir été pendant plusieurs années supérieur à celui de l'Ontario, est maintenant inférieur à celui de la province voisine et à la moyenne canadienne. Selon des données compilées par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science du Québec et le ministère des Universités et Collèges de l'Ontario, l'effort du Québec en faveur de ses universités continue d'exiger une part du produit intérieur brut plus lourde qu'en Ontario. De même, le coût de l'enseignement universitaire demeure plus élevé par rapport au chiffre de la population qu'en Ontario. Mais les revenus bruts de fonctionnement par étudiant universitaire, qui étaient supérieurs de 2,5 % au Québec en 1979-1980, sont désormais supérieurs de 12 % en Ontario et cela, pour l'année 1985-1986. Dans les deux provinces, de 1979-1980 à 1985-1986, la part des ressources consacrées aux universités dans l'ensemble des dépenses de l'État a subi une diminution, mais la chute a été plus prononcée au Québec, soit de l'ordre de 12,8 % contre 10 % en Ontario.

Différents chiffres compilés au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et tenant compte des différences d'organisation qui existent entre le système ontarien d'enseignement collégial et universitaire et le système québécois indiquent, d'une manière qui est assez généralement admise maintenant, qu'il existe en matière de financement de nos établissements universitaires un écart qui est défavorable au Québec, alors que c'était le contraire il y a sept ou huit ans.

Pour ceux qu'intéressent les comparaisons entre le Québec et l'Ontario et

les autres provinces canadiennes, il ne sera pas inutile d'insérer ici le commentaire suivant que j'extrais d'un document tout récent du Conseil des universités de l'Ontario. C'est un document qui date de juin 1986, et je cite: "Les universités de l'Ontario sont parmi les plus pauvrement financées de tout le Canada. (...) à chaque année, depuis 1977-1978, le niveau des subventions de fonctionnement versées aux universités ontariennes a été inférieur à celui de pratiquement toutes les autres provinces et inférieur à la moyenne canadienne. Pendant cette période, les subventions de fonctionnement versées aux universités ontariennes ont augmenté à un rythme inférieur de 6 % à celui de l'inflation, tandis qu'aux États-Unis, les ressources budgétaires publiques réservées à l'enseignement supérieur augmentaient de 14,5 % en dollars constants."

Par suite de leur croissance phénoménale des dernières années et des contraintes financières qui leur ont été imposées depuis 1978-1979, les universités du Québec font face à de redoutables problèmes qui sont en grande partie è l'origine du mandat confié à la commission parlementaire de l'éducation par l'Assemblée nationale. La commission a reçu le mandat d'examiner à la fois les orientations et le cadre de financement des universités non seulement pour l'année 1987-1988 mais aussi pour les années à venir. Permettez-moi de signaler à cet égard certains problèmes sur lesquels la commission parlementaire sera appelée à se pencher.

En ce qui touche les orientations générales du réseau universitaire, les questions suivantes doivent retenir notre attention parmi beaucoup d'autres que voudront nous signaler les organismes qui se présenteront devant la commission: 1. La composition de la clientèle étudiante dans les universités accuse des changements importants. On observe notamment un accroissement marqué des clientèles adultes et une représentation beaucoup plus importante de la clientèle féminine. On constate également une augmentation phénoménale par rapport au reste du Canada des inscriptions d'étudiants à temps partiel. Par contre, l'origine économico-sociale des étudiants à temps plein n'a guère changé et ce, malgré des politiques d'accessibilité très généreuses pratiquées par les gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis 20 ans. Ce fait nous oblige à constater qu'en matière d'accessibilité, de nombreux problèmes continuent à se poser. 2. Le nombre des inscriptions a connu une progression spectaculaire. En contrepartie, le nombre des étudiants inscrits à des programmes de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat n'a pas augmenté au même rythme. Si l'on considère en particulier les taux de diplomation dans les programmes de ces trois niveaux, le Québec continue d'être fortement devancé par l'Ontario. Dans la même veine, les inscriptions à des programmes de formation courte, comme je viens de le signaler, sont beaucoup plus élevées au Québec que dans les autres provinces. Au niveau des études régulières, on observe des taux d'abandon, d'échec, d'instabilité très élevés. 3. Des questions sont fréquemment soulevées au sujet de la tâche de travail des professeurs permanents des universités. On affirme souvent que le nombre de cours dispensés par un professeur est inférieur au Québec à la moyenne observée dans les autres provinces. Dans la même veine, on observe une tendance plus forte que dans les autres provinces à confier l'enseignement à des chargés de cours, c'est-à-dire à des personnes qui n'ont en général ni le temps ni les ressources nécessaires pour s'adonner è la préparation de cours, aux tâches d'encadrement et aux travaux de réflexion et de recherche indispensables en longue période à la vitalité de l'enseignement universitaire. Il y aura lieu de jeter un éclairage plus complet sur ces questions très importantes pour la qualité de l'enseignement universitaire et pour l'équilibre des finances universitaires.

(14 h 45) 4. Les normes de financement imposées au cours des dernières années ont souvent incité les universités à recourir à diverses stratégies pour gonfler leurs clientèles et s'assurer ainsi l'accès a des ressources plus abondantes. Ces méthodes semblent avoir engendré des phénomènes de dédoublement, de multiplication de cours non vraiment nécessaires, d'inscriptions éphémères à divers cours qui permettent de douter de la qualité de plus d'un développement survenu au cours des dernières années. 5. Au cours des dernières années, on a de plus en plus souligné l'importance des études avancées et de la recherche. Il était nécessaire de le faire. A-t-on, par contre, accordé toute l'attention nécessaire à la qualité de l'enseignement dispensé au premier cycle? En vue d'obtenir à la longue de meilleurs résultats au niveau des deuxième et troisième cycles, n'y aurait-il pas lieu de renforcer d'abord la formation et les services dispensés au premier cycle et d'éviter ainsi un développement tous azimuts? 6. Parmi les conséquences les plus graves des contraintes budgétaires des dernières années, il y a l'appauvrissement des bibliothèques, et la dégradation des équipements et des laboratoires. 7. Même si le réseau universitaire québécois est désormais complet dans ses articulations majeures et que l'on n'envisage point d'y faire des additions importantes au cours des prochaines années, il faut

s'attendre que chaque établissement veuille élargir sans cesse l'éventail des services offerts à sa clientèle. Cette perspective soulève d'importants problèmes de concertation, de cohérence et de coordination. Il serait impensable de laisser chaque établissement prendre seul toutes ses décisions en ces matières. Le Québec ne pourra plus à l'avenir s'offrir le luxe de certains dédoublements que nous avons trop facilement acceptés dans le passé. Il faudra veiller à définir soigneusement la vocation, les missions et le personnel de chaque établissement. Il faudra également éviter tout dédoublement, toute redondance. 8. Nombreux sont les observateurs qui déplorent la faiblesse des politiques d'évaluation dans les universités. Dans son mémoire à la commission parlementaire, le Rassemblement des associations d'étudiants universitaires souhaite que soient instaurés des mécanismes plus efficaces d'évaluation des performances universitaires en matière d'enseignement, de recherche et de services aux collectivités. Il faudra de plus en plus insister pour que chaque établissement se dote à cet égard de politiques offrant des garanties sérieuses de rigueur et d'impartialité. 9. Sous le régime actuel, il demeure possible pour n'importe quelle organisation de créer sa propre université et de s'arroger le droit de décerner à ses étudiants éventuels des titres universitaires. Aucune loi dans l'état actuel de notre législation n'oblige les promoteurs d'une université à obtenir l'autorisation préalable du gouvernement avant de procéder à la création d'un nouvel établissement universitaire.

En ce qui touche le financement des universités, deuxième volet du mandat de notre commission, les questions suivantes se posent à la population québécoise et à son gouvernement: 1. En premier lieu, il importe de préciser la politique que le gouvernement entend suivre en matière d'accessibilité. Il importe en particulier de joindre aux choix qui seront faits des indications claires quant aux implications financières de ces choix et aux engagements qui doivent en découler. Depuis dix ans, nous avons prétendu maintenir une politique d'accès large et généreuse. Mais nous avons en même temps réduit dangereusement les ressources mises è la disposition des universités. Quels que soient les choix que nous ferons pour l'avenir, ils devront Être plus cohérents. 2. Il importe de préciser à quel niveau général il convient d'assurer le financement des universités pour les années à venir. Il ne saurait exister à cet égard de normes abstraites et rigides. Les meilleures données dont nous disposons sont forcément d'ordre comparatif. Je pense en particulier aux comparaisons avec les autres provinces canadiennes et avec les états américains. À la lumière de notre réalité propre et de celle des sociétés qui nous entourent, il faudra choisir clairement à quel niveau nous entendons situer le financement des universités québécoises. 3. Au chapitre des sources de revenus des universités, le Québec se distingue surtout des autres provinces canadiennes par sa politique de gel en matière de frais de scolarité. Les revenus que les universités québécoises retirent des frais de scolarité sont beaucoup moins élevés que dans les autres provinces canadiennes. Le manque de ressources qui en découle pour les universités crée des dangers sérieux pour la qualité de l'enseignement et de la recherche dans les universités. 4. Après avoir fourni pendant plusieurs années une proportion intéressante des revenus des universités, les subventions en provenance du gouvernement fédéral ont connu un recul inquiétant depuis la mise en oeuvre de la politique dite des augmentations de 6 % et de 5 % par le gouvernement fédéral. Un nouveau recul s'est produit au cours des derniers mois avec l'adoption de la loi C-96 par le Parlement fédéral, laquelle diminue singulièrement les revenus que l'on peut anticiper des paiements fédéraux de transfert au titre du financement des programmes établis au cours des prochaines années. Pour l'année 1986-1987, le ministère des Finances du Québec évalue à 463 000 000 $ le manque à gagner qui découlera pour le Québec des politiques fédérales des cinq dernières années. De ce total, une somme de 82 000 000 $ semble devoir être perdue uniquement par suite de l'adoption de la loi C-96, laquelle vise directement les programmes de santé et d'enseignement postsecondaire. 5. La mise au point de nouveaux modes de partage des subventions destinées aux universités devient de plus en plus nécessaire et urgente. Le cadre de financement devra être révisé de manière à faire une place mieux équilibrée à chaque élément dont il faut tenir compte pour établir les dépenses admissibles des universités. Il devra aussi être modifié de manière à prévoir une certaine participation du gouvernement au financement des frais indirects de la recherche faite dans les universités. Le cadre de financement devra enfin être remanié de manière à favoriser un partage plus juste et plus équitable des ressources disponibles entre les universités. 6. Il importe de réviser à la lumière de l'expérience des dernières années la politique du gouvernement dans le domaine des prêts et bourses aux étudiants. Le montant et la répartition de l'aide fournie aux étudiants de même que les règles et critères présidant à l'attribution des prêts et bourses y gagneraient à faire l'objet d'une révision,

laquelle est déjà en cours, d'ailleurs, au ministère. Cet exercice sera encore plus nécessaire dans l'éventualité où des modifications seraient apportées au régime des frais de scolarité. 7. Les politiques gouvernementales des dernières années ont amené les universités à accumuler des déficits qui revêtent aujourd'hui des proportions inquiétantes. Dans les cas dont nous avons parlé tantôt, comment ces déficits seront-ils résorbés? Quelles normes conviendra-t-il d'établir afin d'éviter la répétition de semblables déficits pour les prochaines années? 8. À propos de financement futur, il faut d'abord prévoir des mesures pour 1987-1988, la prochaine année budgétaire. Mais il faut aussi songer à instituer un mode de financement qui garantirait aux universités un minimum de continuité et de stabilité afin de les aider à mieux planifier leurs budgets et leur gestion. Depuis quelques années, les universités ont été à la merci de politiques gouvernementales qui étaient trop souvent arrêtées peu de temps avant le début de l'année budgétaire visée, sinon après. Les universités aspirent à juste titre à sortir de ce climat d'insécurité dans lequel elles ont fonctionné ces dernières années.

Le gouvernement compte sur les travaux de la commission parlementaire de l'éducation pour lui fournir, ainsi qu'à l'Assemblée nationale et à toute la population, un éclairage plus complet sur la nature et l'ampleur des besoins des universités, sur les priorités qu'il faut établir dans ce secteur, sur les moyens à mettre en oeuvre pour procurer aux universités les ressources dont elles ont besoin afin de s'acquitter efficacement de leur mission.

À l'aube des travaux de notre commission, je voudrais, en guise de conclusion, proposer quelques observations générales qui me paraissent devoir servir de point de départ à notre recherche d'un avenir meilleur. Je formulerai ces observations sous la forme de propositions qui me paraissent traduire les engagements et les orientations du gouvernement en matière universitaire. 1. Les universités doivent être des hauts lieux de l'enseignement et de la recherche. Elles doivent jouir à cet égard de l'appui matériel et des conditions de liberté nécessaires à l'accomplissement de leur mission. La reconnaissance de la liberté de la recherche et de l'enseignement universitaire doit être acceptée comme la pierre angulaire de toute politique gouvernementale éclairée en matière universitaire. 2. Les universités doivent être dotées d'une large autonomie afin de pouvoir accomplir leur travail dans le climat de liberté et d'indépendance intellectuelle qui convient à leur mission. 3. Les universités sont des lieux dont l'accès doit être ouvert à tous ceux et à toutes celles qui se révèlent capables d'y oeuvrer autant par te talent que par le travail. Les obstacles qui empêchent la réalisation de cet idéal doivent être éliminés ou à tout le moins graduellement atténués. Il importe cependant de redéfinir à la lumière des développements de la dernière décennie le contenu concret d'une politique d'accessibilité pour les années à venir. Je souhaite notamment que la commission parlementaire puisse faire la lumière sur certains aspects plutôt inquiétants de la situation présente, par exemple, sur le taux élevé des abandons au premier cycle que signale le Conseil des universités dans son mémoire, sur les politiques de contingentement qui ont cours dans plusieurs facultés et écoles, sur les politiques d'accueil, d'information et d'orientation des universités à l'endroit des étudiants, sur les politiques de soutien et d'encadrement pour les étudiants. Il importe également de mettre en place des politiques qui inciteront davantage les étudiants à s'inscrire à des programmes réguliers devant conduire à des diplômes de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat. 4. Les universités, parce qu'elles émargent au Trésor public, doivent pouvoir concilier leur juste autonomie avec des modes d'imputabilité qui les obligent à s'autocritiquer efficacement, ainsi qu'à rendre compte de leur gestion et de leur performance suivant des critères et des mécanismes appropriés. Il faut également envisager, pour le secteur universitaire, des modes de concertation, de coordination et de régulation qui permettront d'harmoniser la juste autonomie des universités avec les objectifs plus larges de la société tout entière et de son gouvernement. 5. Par-delà la diversité qui les caractérise, les universités doivent être assurées auprès des pouvoirs publics d'un traitement juste et équitable. En particulier en matière de subventions, elles doivent s'attendre à être traitées toutes sur un pied d'égalité, compte tenu des diversités légitimes qui doivent être prises en compte. 6. Les universités doivent accepter d'adapter leurs prestations de cours et de services de manière à répondre aux besoins nouveaux des catégories de plus en plus diversifiées d'étudiants suivant des normes à la fois efficaces et économiques. 7. Dans la perspective d'une politique d'accessibilité à l'université, le rattrapage qui s'imposait il y a vingt-cinq ans en faveur de la population francophone a été largement réalisé au cours de la dernière décennie. Il n'est toutefois pas complété, loin de là. Le gouvernement devra s'estimer tenu, en conséquence, de prendre les mesures nécessaires afin de compléter ce rattrapage. 8. En matière de financement universitaire, tout en demeurant maître de

ses décisions et conscient de ses limites financières, le Québec aura intérêt à aligner le plus possible le niveau de financement de nos universités sur les niveaux qui ont cours dans l'ensemble du Canada et, dans certains cas, du continent nord-américain tout entier. Vu l'importance décisive de l'enseignement supérieur pour notre avenir collectif, nous aurions tort de nous satisfaire à cet égard des niveaux de performance les plus bas. 9. L'effort de rattrapage du Québec par rapport au reste du Canada en matière de formation universitaire n'est pas terminé. Au contraire, il doit être poursuivi avec vigueur, en particulier en ce qui touche le taux d'inscription au cours de baccalauréat et aux études de deuxième et de troisième cycles, ainsi qu'en ce qui touche les taux de diplômation. Afin d'assurer en longue période le progrès des études de deuxième et de troisième cycles, il faudra accorder une attention spéciale à la qualité des études de premier cycle. 10. La promotion de la recherche doit demeurer une priorité majeure de la politique gouvernementale. Le financement des frais indirects de la recherche devra faire l'objet d'un examen spécial lors de la révision du cadre actuel de financement. 11. Dans la définition de leur mission respective et de leurs projets de développement, les universités doivent reconnaître qu'un meilleur partage des tâches devient nécessaire entre les établissements. Il est impensable, d'un point de vue économique, que chaque établissement tente d'exceller dans tous les secteurs et à tous les niveaux. Il sera nécessaire que chaque établissement se dote d'un plan de développement dont la mise au point devra se faire dans une perspective de concertation et de complémentarité par rapport à l'ensemble du réseau universitaire.

(15 heures) 12. Vu la situation pénible dans laquelle se trouvent les universités à la suite des compressions appliquées dans ce secteur depuis 1978-1979, un vigoureux coup de barre s'impose afin de procurer aux universités un niveau de ressources plus satisfaisant. Tandis que le gouvernement demeure justifié d'exiger des universités qu'elles fournissent une performance toujours davantage marquée au coin d'une rigoureuse rationalité, il est non moins évident que le niveau des ressources attribué aux universités doit être ajusté à leurs besoins réels. Les modalités de ces ajustements restent à préciser. Ce sera l'une des responsabilités majeures de la commission de fournir, si elle le veut bien, un éclairage utile à cette fin. Mais l'objectif même d'un redressement du niveau de financement des universités ne saurait faire de doute.

Si ce n'avait été de ce problème, la commission parlementaire de l'éducation n'aurait pas été invitée à siéger pendant un mois autour de cette question. 13. La politique du gouvernement envers les établissements universitaires implantés dans les régions périphériques devra faire l'objet de précisions. Les objectifs qui ont présidé à la création de ces établissements demeurent actuels. Il faudra toutefois préciser davantage la mission de ces établissements et leur fournir en corollaire les ressources nécessaires à l'accomplissement de leur mission respective. 14. Vu l'importance des ressources qu'il investit dans le secteur universitaire, le gouvernement a la responsabilité de suivre et d'orienter le développement des universités et de se doter des instruments nécessaires à cette fin. Le Conseil des universités s'acquitte fort bien du rôle important qui lui a été confié; il y a lieu de maintenir cet organisme et de renforcer son rôle. Mais il y aura lieu, dans l'avenir, d'exiger aussi que les universités fournissent des renseignements plus précis au gouvernement sur certains aspects de leur fonctionnement et acceptent davantage de collaborer à la mission de coordination qui incombe au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Il y aura également lieu de définir par voie législative certaines balises devant présider à la création de nouveaux établissements universitaires.

Pour affronter avec succès les redoutables défis que lui réservent les prochaines années, le Québec devra chercher à se situer de plus en plus à la fine pointe de la culture et des connaissances. II devra à cette fin renouveler avec détermination et lucidité l'engagement qu'il prenait il y a un quart de siècle de fonder tout son avenir sur le pari de l'éducation. Il devra également assumer sa juste part dans l'effort de recherche qui s'impose aux sociétés soucieuses de progrès et de leadership.

Au cours des 20 dernières années, nous avons mis l'accent sur l'accessibilité plus large de l'éducation à tous les niveaux. Les résultats de cette politique parient aujourd'hui par eux-mêmes. Le niveau général de scolarisation de la population québécoise atteint maintenant des sommets inégalés dans toute notre histoire. Après avoir longtemps accusé des retards énormes par rapport au reste du Canada, nous atteignons désormais des niveaux de scolarisation qui se comparent fort honorablement avec les niveaux en vigueur dans les autres provinces canadiennes. En matière de recherche, nos universités atteignent désormais un niveau égal à l'importance de notre population dans l'ensemble canadien.

Mais il serait tragique qu'après avoir accepté des sacrifices très lourds pour procurer à nos fils et à nos filles, et aussi de plus en plus à nos concitoyens et à nos concitoyennes adultes la possibilité d'accéder

à une formation supérieure, nous allions refuser aux établissements chargés de dispenser cette formation les moyens dont ils ont besoin pour s'acquitter efficacement de leur mission. À tous les niveaux de notre système d'enseignement, le défi des prochaines années demeurera certes celui de l'accessibilité, car il nous reste encore de nombreuses lacunes à corriger à ce chapitre. Mais il sera d'abord et surtout celui de l'excellence, de la qualité de la performance, de la solidité.

Dans le domaine universitaire comme dans les autres, nous devrons exiger des comptes des responsables d'établissements chargés de la bonne marche du système. Mais nous ne serons justifiés d'exiger des comptes que dans la mesure où nous aurons nous-mêmes, comme gouvernants et comme législateurs, assumé nos propres responsabilités à l'endroit des universités.

Je compte beaucoup sur la commission parlementaire de l'éducation pour aider le gouvernement à préciser les politiques qu'il faudra mettre en oeuvre afin d'assurer un développement vigoureux, ordonné et soutenu de nos universités. Je compte également sur la commission pour nous aider à réaliser dans les divers secteurs de la population un consensus très large au sujet de l'importance capitale des universités et des responsabilités que nous avons, comme collectivité, à leur endroit.

S'il est une cause qui mérite d'être examinée dans un esprit qui déborde largement la politique partisane, c'est bien celle de l'éducation. Je souhaite que nous sachions nous élever à ce niveau d'objectivité et d'impartialité qu'exige la gravité du mandat qui nous a été confié.

Du côté du gouvernement, nous abordons les travaux de cette commission dans un esprit d'écoute, d'ouverture et de collaboration. Je souhaite que nos travaux se déroulent dans un climat d'objectivité, d'harmonie, de recherche et de dialogue sincère. À titre de ministre responsable de l'Enseignement supérieur et de la Science, je m'engage à me faire l'interprète fidèle auprès du chef du gouvernement et de mes collègues des échanges de vues qui se produiront à l'occasion de nos travaux. Je veux vous assurer qu'en temps utile le gouvernement prendra également ses responsabilités.

À vous, M. le Président, je veux adresser en terminant l'assurance de ma cordiale et respectueuse collaboration.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition dans le dossier de l'Éducation, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je suis particulièrement heureuse de voir le ministre se situer dans la grande foulée de ses prédécesseurs en matière d'enseignement supérieur. Je dirais que son acte de foi dans la mission indispensable des universités, leur nécessaire ouverture sur le milieu et la nécessité de maintenir des objectifs d'accessibilité me rassure. Il s'agira de voir quel ordre de moyens on voudra bien se donner pour évaluer la priorité qu'on accorde à ces objectifs qui sont, è mon avis, fort louables.

M. le Président, à l'ouverture de cette commission parlementaire sur les orientations et le financement des universités et en tant que porte-parole officielle de l'Opposition sur ces questions, j'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à tous les intervenants qui auront l'occasion de venir nous livrer leurs réflexions.

Le nombre impressionnant de mémoires déposés devant cette commission témoigne de façon on ne peut plus éloquente de l'intérêt et des préoccupations que suscite notre système universitaire. En plus de ceux qui le vivent de l'intérieur - étudiants, professeurs, direction - il nous sera donné la chance d'entendre plusieurs organismes à caractère socio-économique d'envergure nationale et régionale.

Tous conviendront de l'importance d'un débat franc et ouvert sur l'université dans le contexte actuel. En effet, nos institutions éprouvent présentement de sérieuses difficultés financières. Elles ne se privent pas, d'ailleurs, de le souligner devant nous. On peut estimer que leur déficit accumulé voisinera les 100 000 000 $ à la fin de la présente année académique. Plusieurs données tendent à montrer que nos universités sont sous-financées par rapport à leurs homologues ontariennes et américaines. La sonnette d'alarme est donc tirée.

D'autre part, nous assistons dans les sphères les plus variées de la société québécoise à l'expression d'interrogations de plus en plus nombreuses et profondes quant aux missions des institutions universitaires, quant aux orientations que l'on souhaite les voir privilégier. En cette matière comme dans les autres, il est pertinent de discuter des moyens requis dans la mesure où les fins poursuivies sont clairement établies. Discutons du niveau et des sources de financement, de la répartition de l'enveloppe, soit, mais en sachant d'abord ce que l'on veut en faire, quels objectifs nous voulons poursuivre comme collectivité.

Le ministre vient de nous livrer l'essentiel de sa pensée sur cette question. J'aurais souhaité qu'on puisse l'entendre un peu plus tôt, de manière que cela puisse effectivement influencer ou guider la réflexion des principaux intervenants. Par ailleurs, il y a, me semble-t-il, un écart

considérable entre le discours du ministre et les recommandations du rapport Gobeil.

Pour nous, il est clair que l'éducation doit demeurer une priorité, une priorité comme collectivité, une priorité dans l'action gouvernementale. Nous ne cesserons pas de le répéter: C'est un investissement. En y consacrant des ressources, nous misons sur l'avenir. On a trop souvent tendance à demeurer les yeux rivés sur les coûts immédiats sans considérer les bénéfices à moyen et à long terme. C'est là une attitude d'autant plus dangereuse quand il est question de formation de nos ressources humaines. La démonstration, en effet, n'est plus à faire du lien étroit entre les efforts consacrés à cette dimension et le développement de nos sociétés. Comme l'exprime, d'ailleurs, si justement l'OCDE dans un de ses récents rapports, "la meilleure façon de surmonter et de faire face aux profondes mutations qui affectent nos sociétés dans les domaines les plus variés, c'est de favoriser l'accès de fractions de plus en plus larges de la population à des types de plus en plus diversifiés de formation initiale et continue."

Le Québec n'échappe pas à la règle. Son progrès économique, son dynamisme social comme sa vitalité culturelle reposent pour une large part sur l'existence d'un réseau d'établissements universitaires de qualité. La conjoncture actuelle, caractérisée par des changements technologiques accélérés et par une concurrence féroce sur le plan international, a des exigences incontournables tant sur le plan de la formation que celui de la recherche. La connaissance est un instrument vital de développement. L'université n'est bien sûr pas seule en cause, mais elle occupe indéniablement par ses activités une position stratégique pour le progrès de notre société. Progrès, toutefois, ne doit pas être compris dans un sens restrictif de compétitivité ou de productivité. Ce progrès, c'est aussi l'émergence d'un nombre de plus en plus élevé d'hommes et de femmes critiques à l'endroit des mutations en cours et à venir, en mesure d'y participer, de les orienter et non seulement de les subir. L'université a là aussi une importante contribution à fournir, une responsabilité même à exercer.

Depuis 25 ans, nous avons consenti comme société d'importantes ressources au développement de notre système d'éducation, et d'enseignement supérieur en particulier. D'importants progrès ont été accomplis, comme l'a souligné tout à l'heure le ministre. Qu'il suffise d'examiner la croissance remarquable des inscriptions dans les universités - de 82 000 en 1969 à 225 000 l'an dernier - et du nombre de diplômes octroyés, qui atteint environ 40 000 annuellement. Mais cela ne signifie pas qu'il faille s'arrêter là. Au contraire, il faut faire plus et mieux pour les mêmes raisons que je viens d'évoquer, bien sûr, mais aussi parce que les comparaisons devenues habituelles avec nos voisins ontariens ou américains montrent bien que le Québec traîne encore de l'arrière. Une partie de l'écart a en effet été comblée, mais une partie seulement. La forte fréquentation des adultes, surtout inscrits à temps partiel et dans des programmes de certificat, vient en quelque sorte enjoliver nos statistiques. Mais, que ce soit sur le plan des taux d'accès aux études universitaires à plein temps, du taux de diplômation à la maîtrise et au doctorat et, plus généralement, de la scolarisation de la population dans son ensemble, les chiffres sont là pour le prouver: des retards importants persistent.

Je me permets de rappeler quelques chiffres. Le taux de fréquentation des études unversitaires à temps complet chez les jeunes de 18-24 ans, en 1983-1984, était de 11,7 % au Québec, 15,9 % en Ontario et 18,4 % aux États-Unis. Pour 100 personnes âgées de 23 ans, le Québec produisait, en 1981, 17 bacheliers, l'Ontario 20, les États-Unis 23. Pour 100 personnes âgées de 27 ans, le Québec produisait alors 3 maîtrises et doctorats, l'Ontario 5 et les États-Unis 8.

Le taux de scolarisation universitaire, c'est-à-dire la proportion de gens détenant un diplôme de baccalauréat ou grade supérieur parmi la population de 15 ans et plus, était au Québec, en 1981, de 7,1 %, de 9 % en Ontario et de 8 % au Canada.

Une conclusion s'impose d'évidence: accroître la scolarisation de notre population est un objectif qu'il faut continuer de poursuivre. (15 h 15)

Dans son document d'orientation intitulé "Une politique de l'éducation pour le prochain mandat", dont on reconnaît de larges volets dans sa présentation, le ministre et député d'Argenteuil nous disait qu'il faut poursuivre la politique d'accès aux études supérieures. Il y a au moins ce point, comme plusieurs autres, je dois dire, sur lequel vous pourrez constater qu'on partage des opinions communes. Cela devrait nous rassurer quant aux objectifs ou la capacité d'atteindre les objectifs fixés à cette commission. Cependant, c'est ce qui me préoccupe, cela ne semble pas nécessairement figurer bien haut au rang des priorités du gouvernement et particulièrement du président du Conseil du trésor. Au vu des gestes déjà posés - je pense, par exemple, aux coupures substantielles dans l'aide financière aux étudiants, aux frais de scolarité pour les cours d'été au cégep, à l'attitude, je dirais, de laisser-faire à l'égard de la décision de certaines universités de prélever des frais, qualifiés d'afférents, mais dont personne ne se surprend sur l'utilisation véritable - au vu également des gestes qu'il s'apprête à poser - je pense aux intentions de plus en plus manifestes de hausser les

frais de scolarité - on peut très légitimement s'interroger sur la volonté de ce gouvernement de tenir ses engagements. Car les décisions qui ont été prises au printemps dernier affectent plus particulièrement les couches de la société les plus démunies financièrement et risquent de nous conduire à une université réservée aux élites sociales et financières.

Pour en revenir au sujet des frais de scolarité, personne n'a fait la preuve qu'une augmentation substantielle n'aurait pas d'effets négatifs sur l'accessibilité. Je pense que si vous avez pris connaissance de la Presse, aujourd'hui, vous êtes à même de constater que, précisément, cela pourrait avoir des effets fort négatifs. Les décisions qui ont été prises le printemps dernier demeurent préoccupantes. Et, aussi longtemps qu'on ne nous aura pas fait la preuve qu'une augmentation de frais de scolarité n'aura pas d'effets sur l'accessibilité, je pense qu'il faudra demeurer extrêmement prudents, à moins, finalement, que le projet non avoué du gouvernement soit précisément de réduire l'accès à l'université, dans les universités comme dans les cégeps, pour réduire les coûts du système. Le gouvernement sera probablement tenté, dans l'hypothèse où il veut toucher aux frais de scolarité, de camoufler cette hausse des frais de scolarité derrière le paravent d'une réforme de l'aide financière. Les étudiants ne sont pas dupes et ils ont lieu de craindre qu'ils perdront au change dans une telle opération.

Élargir l'accessibilité, ce n'est pas seulement hausser la fréquentation universitaire afin de répondre aux besoins d'une société développée en main d'oeuvre qualifiée, c'est aussi voir à résorber les disparités actuelles entre diverses catégories de la population dans l'accès aux études supérieures. Car nous savons qu'à l'intérieur même du Québec, il existe un décalage significatif à cet égard, entre les jeunes issus de milieux socio-économiques défavorisés et les plus favorisés.

Selon une étude réalisée à la fin des années soixante-dix, les probabilités d'accès à l'université pour les jeunes dont le père est professionnel ou cadre supérieur étaient d'environ de quatre fois supérieures à celles des fils et des filles d'ouvriers. Rien ne nous laisse croire que cette situation soit aujourd'hui substantiellement différente.

Nous savons aussi que les taux de scolarisation et de fréquentation varient de façon très significative selon que l'on considère les francophones, les anglophones, les différents groupes d'allophones. Les données d'une étude publiée tout récemment par le ministère de l'Éducation sont très "parlantes" à ce sujet. La forte scolarisation des anglophones et de certaines communautés ethniques constitue un actif précieux. Elle s'explique, par ailleurs, par plusieurs facteurs qui sont autant d'ordre historique, culturel que socio-économique. Ceci a cependant pour effet de masquer, sur le plan des statistiques, la sous-scolarisation relative des francophones. Le taux d'accès à l'université à temps complet des 15-29 ans était, en 1981-1982, de 17 % chez les Québécois de langue maternelle française comparativement à 23 % chez ceux de langue maternelle anglaise.

On est d'accord pour reconnaître qu'il y a eu un progrès inestimable de fait depuis 1960-1968 en matière de scolarisation et de degré de scolarisation chez les francophones. Cependant, les chiffres démontrent qu'il reste encore des écarts à combler. Et si on pouvait maintenir, j'allais dire, la pression de manière à relever le niveau de scolarisation chez les francophones, on pourrait raisonnablement penser - avec la performance de ce groupe qui constitue, je le rappelle, un actif précieux au Québec, les anglophones qui sont très scolarisés - être en mesure de rejoindre le taux de scolarisation des Américains de façon générale, celui des États-Unis. C'est pourquoi il faut continuer à poursuivre cet objectif d'accessibilité et dans les populations qui sont les moins favorisées.

Pour parler de scolarisation et rappeler quelques autres chiffres, le portrait est encore, je dirais, pour le premier cycle, préoccupant, mais pour les deuxième et troisième cycles, il l'est encore davantage, parce que nos francophones aux deuxième et troisième cycles, ont un taux de diplômation de deux à trois fois plus bas que celui des anglophones.

On constate enfin des écarts dans la scolarisation des populations des régions périphériques par rapport à celles des grands centres. A titre d'exemple, je signalerai que la proportion de détenteurs de diplômes universitaires parmi la population était, en 1981, selon Statistique Canada, de 5,5 % à Chicoutimi, de 3,3 % en Abitibi par rapport à 10,2 % à Québec et sur l'île de Montréal. On peut penser que cela s'explique en particulier par un certain exode des individus scolarisés. Mais il n'en demeure pas moins que le taux de passage du secondaire au collège et du collège à l'université est plus faible en région.

Cela m'amène à insister sur l'importance des universités comme instrument de développement régional. C'est là une mission qui doit être pleinement reconnue, encouragée, soutenue. Des retards persistent, comme je viens de le souligner, mais l'extension du réseau de l'Université du Québec dans presque toutes les régions du Québec a grandement contribué à faciliter l'accès des jeunes de ces régions à une formation de niveau universitaire et a pu ainsi endiguer en partie l'exode des cerveaux. Poursuivre ses études ne signifie plus obligatoirement l'exil. S5i on poursuit ses

études sur place, il y a de meilleures chances qu'on y reste après pour contribuer à l'essor socio-économique de son coin de pays.

Il y a aussi les adultes qui bénéficient ainsi, grâce aux programmes qui leur sont offerts, de moyens pour se perfectionner, pour acquérir de nouvelles connaissances. Je soulignerai au passage qu'il y a là aussi des progrès à accomplir, comme le suggèrent les avis récents sur la formation des adultes et la formation courte du Conseil supérieur de l'éducation et du Conseil des universités. Les mesures nécessaires, selon ces organismes, se situent autant sur le plan de l'accueil, des ressources humaines et matérielles, que d'une souplesse dans l'organisation de l'enseignement compatible avec les besoins des clientèles adultes. Sur le plan de l'éducation aux adultes, le Québec se compare honorablement avec ses voisins, tout en se caractérisant, je le rappelle, par un fort engouement pour les programmes courts, de type certificat. Cela témoigne à la fois du rattrapage à faire et d'un manque de sensibilité et d'information touchant la nécessité ou la pertinence de s'inscrire dans des programmes de baccalauréat.

Même si on connaît un taux de succès relativement important, il ne faudra pas ici crier mission accomplie. Le ministre a manifesté son intérêt en plusieurs occasions dans le passé pour tout ce volet de l'éducation des adultes. Je dois constater que cela semble être le grand absent de la présente commission. Il devra nous dire cependant où il loge lorsqu'il s'agit des frais de scolarité. On devra ici, je pense, s'interroger particulièrement sur les effets négatifs que pourrait avoir une hausse des frais de scolarité sur ces clientèles. Je connais la sensibilité du ministre a l'endroit des étudiants adultes. Je me permets quand même de lui rappeler que ces étudiants adultes paient déjà par le temps de loisir qu'ils consacrent à leur formation; ils paient déjà de leurs impôts. C'est souvent pour eux l'école de la seconde chance.

Pour en revenir plus spécifiquement aux universités régionales, leur contribution ne s'arrrête pas à la formation des clientèles jeunes et adultes. Par leur présence dans le milieu, par l'expertise qu'elles sont en mesure de partager avec les entreprises, elles constituent des pôles importants de développement économique régional. On pourra faire état de nombreux exemples de collaboration universités-entreprises. Les universités en régions sont aussi appelées à assumer une forte implication socio-communautaire par les services qu'elles sont souvent les seules en mesure de mettre à la disposition de leur population. Ainsi, lors du dernier sommet économique régional tenu au Saguenay~Lac-Saint-Jean, 80 % des recommandations associaient l'Université du

Québec à Chicoutimi à leur réalisation. Cela peut être aussi vérifié dans les autres régions du Québec.

Il ne faudrait enfin surtout pas oublier les efforts accomplis et les résultats obtenus sur le plan de la recherche et ce, malgré la jeunesse des infrastructures en place. En ce sens, il m'apparaît inacceptable que l'on veuille cantonner les universités en régions à l'enseignement de premier cycle, compte tenu de l'importance des activités de recherche pour leur propre dynamisme et de leurs retombées dans le milieu environnant. Ces universités ont démontré leur savoir-faire. L'appui non-équivoque des différents organismes régionaux que nous aurons l'occasion d'entendre est là pour le prouver. Tout ceci pour dire que la mission de développement régional des universités ne saurait être négligée.

Mais à ce sujet, on ne connaît pas non plus - parce que ses allusions là-dessus ne semblent pas aussi claires qu'elles l'étaient dans le document de l'automne dernier -précisément la pensée du ministre sur cette question. Je me permets de lui rappeler les engagements qu'il prenait en campagne électorale. Il nous disait: "Le nouveau cadre de financement devra également accorder une considération particulière aux problèmes des universités en régions, lesquelles demandent à juste titre que leur soit assurée l'infrastructure de base indispensable à leur développement et la possibilité de développements sélectifs de programmes tenant compte des caractéristiques socio-économiques de leur région respective." Je ne peux voir là qu'un discours électoraliste et, compte tenu de ces belles intentions, on devrait donc s'attendre que la mission spécifique des universités en régions se traduise concrètement dans le mode d'allocation des ressources. Celui-ci devrait tenir compte des coûts reliés à l'éloignement et à la décentralisation, à la taille et à l'émergence des universités. À quelle enseigne loge le ministre à ce sujet? Je ne peux qu'exprimer une certaine crainte car plusieurs actions de ce gouvernement depuis son entrée en fonction témoignent de " son peu d'intérêt pour tout ce qui concerne le développement régional. À cet égard, l'abolition du siège social de l'Université du Québec constituerait un recul certain. Cet organisme, en plus d'offrir des services importants et à peu de frais aux constituantes, joue un rôle majeur au plan de la concertation, de l'évaluation, de la planification du réseau des universités du Québec. C'est un lieu de concertation pour la défense des intérêts et du développement des universités. Abolir le siège social de l'UQ, cela veut dire priver le réseau de l'UQ, le réseau des universités du Québec qui sont particulièrement implantées en régions, de ce lieu de concertation pour la défense

de l'enseignement universitaire dans ies régions. Comme on connaît le sort qui a été réservé à plusieurs autres organismes régionaux, il y a de quoi ici être préoccupé.

Pour en revenir aux universités régionales, une autre mission sur laquelle il faut insister est bien sûr la recherche qui est le fondement même de l'excellence universitaire. Il est essentiel d'y consacrer dans la conjoncture actuelle des efforts soutenus, compte tenu du fait que nous avons aussi un rattrapage à faire à ce niveau. Les données récemment publiées par le Conseil de la science et de la technologie sont particulièrement éloquentes. La part du produit intérieur brut occupée par les dépenses de recherche-développement est au Canada largement inférieure et ce d'environ la moitié à ce que l'on retrouve aux États-Unis, au Japon et dans certains pays européens.

La recherche universitaire joue un rôle majeur dans le développement scientifique et technologique du Québec. Les universités doivent donc disposer des ressources nécessaires pour la formation de chercheurs qualifiés et pour être en mesure d'offrir un environnement institutionnel propice à l'épanouissement des activités de recherche. Je me permets de citer ici un document dont je prenais connaissance aujourd'hui, qui nous vient de l'Association canadienne des professeurs des universités qui dit: "Le déficit commercial du Canada dans les technologies de pointe est le plus élevé des pays du sommet économique. En 1984, il s'élevait à environ 12 000 000 000 $ et il continue d'augmenter. La part du marché du Canada dans les exportations des pays de l'OCDE le place au huitième rang en ce qui concerne le secteur des produits de haute technologie nécessitant une recherche et un développement intense." (15 h 30)

Enfin, le Conseil de recherches en sciences naturelles et génie a publié un rapport dans lequel il affirme que la recherche au Canada ne pourra connaître d'efforts significatifs parce que nos universités ne produisent pas assez de scientifiques et de chercheurs. En fait, le pays pourrait faire face à une pénurie de savants au cours de la prochaine décennie si de nouvelles politiques ne sont pas adoptées. Vous comprendrez que si ce diagnostic est porté pour le Canada alors qu'on connaît la place qu'occupe le Québec en matière de scolarisation de deuxième et de troisième cycles, la situation devrait nous préoccuper au plus haut point.

Pour revenir à la recherche, quant au financement direct de celle-ci, on ne peut passer sous silence le fait que le gouvernement fédéral en assume essentiellement, par le biais des trois grands conseils subventionnai res, la plus large part, soit plus de 50 %. Ceci n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes, notamment en ce qui concerne la cohérence des orientations respectives des deux niveaux de gouvernement en matière de recherche, et la pleine participation de nos universités aux circuits fédéraux de recherche subventionnée.

Par ailleurs, on retrouvait dans le dernier budget fédéral une nouvelle proposition quant au financement des trois conseils subventionnai res. La formule dite de pairage, selon laquelle une partie de la contribution gouvernementale serait ajustée aux contributions supplémentaires du secteur privé, n'est pas sans soulever des interrogations et des inquiétudes. Certaines provinces comme l'Ontario, certains domaines de recherche, certaines universités se verront privilégiés. Le gouvernement devra dévoiler ses positions à cet égard, comme il devra réagir aux diminutions dans les transferts fédéraux projetées au titre du financement des programmes établis.

Il y a un consensus très large quant à la nécessité d'intensifier la collaboration entre les entreprises et les universités, une collaboration qui comme on le sait peut revêtir des formes variées. Sans en attendre de miracles ou de prétexte au désengagement des pouvoirs publics, il est possible d'injecter de cette façon des fonds additionnels dans la recherche. On peut aussi envisager des incitatifs fiscaux pour stimuler la contribution des individus ou des entreprises aux fondations. Il ne saurait toutefois être question d'une soumission aveugle de la recherche universitaire aux intérêts particuliers de l'industrie, aux besoins ponctuels du marché. Le rapprochement des universités avec l'industrie ne doit pas être synonyme d'un mariage pouvant compromettre la nature même de l'université, mais s'accomplir dans le respect de leurs missions respectives.

Enfin, on ne pourra éluder la question, abondamment traitée dans plusieurs mémoires, du financement des coûts indirects de la recherche.

Ceci m'amène à dire quelques mots de la formule de financement. Mais d'abord au sujet du niveau même des subventions gouvernementales, je ne peux m'empêcher de souligner la contradiction entre, d'une part, les propos que tenait l'actuel ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science du temps où il siégeait dans l'Opposition et, d'autre part, les politiques de son gouvernement. Une fois au pouvoir, le discours quasi apocalyptique, je me permets de le rappeler, sur la situation financière des universités a trouvé un curieux prolongement dans une compression de plus de 30 000 000 $. Ce qui lui a valu un blâme non équivoque de la part du Conseil des universités. On peut lire dans son "Avis sur la politique de financement des universités

pour l'année 1986-1987" que cette compression, l'une des plus sévères depuis 1978-1979, enlève tout espoir de stabiliser dès cette année le financement de l'infrastructure de base des universités. Le conseil ajoute que: "le sous-financement relatif des universités québécoises par rapport à leurs homologues ontariennes ne pourra que s'amplifier", compte tenu que l'Ontario a, de son côté, augmenté de plus de 6 % cette année ses subventions et cela, sans augmentation de la clientèle. Le conseil dénonce à nouveau les effets nocifs des compressions budgétaires sur la qualité des services rendus: détérioration constante du ratio étudiants-professeur, vieillissement accéléré du corps professoral, déficiences au niveau des collections de volumes des bibliothèques et des équipements scientifiques.

Quant à la présente formule de financement dite historique, il existe au moins un consensus chez les universités: elle est désuète et ne permet pas de prendre en considération leur situation particulière. Comme il ressort de la lecture des mémoires, chacune a de bons arguments à faire valoir à l'appui de son sous-financement. L'élaboration d'une nouvelle formule de base avec une pondération équitable des divers paramètres est donc un exercice délicat. Rappelons que le gouvernement précédent avait déjà proposé de nouvelles règles en 1984. Bien qu'accueillies positivement par certains, les réserves émises devaient en suspendre l'application, d'autant plus que la base de données ne faisait alors pas l'unanimité au sein du réseau. Cependant, le système RECU est venu combler cette lacune. Le cadre établi en 1984 pourrait constituer un point de départ intéressant dans la confection d'une formule adéquate de financement. Nous souhaiterions entendre les différents intervenants à ce propos.

Comme je le soulignais au départ, parler du financement des universités sans avoir réfléchi sur leurs orientations, c'est un peu comme regarder les choses du mauvais côté de la lorgnette. Le ministre de l'Enseignement supérieur doit, de façon ferme, s'écarter des orientations du rapport Gobeil et nous dire s'il favorise une plus grande accessibilité aux études supérieures. Il devra également nous dire comment il entend y parvenir, quels moyens il entend y consacrer. Comment envisage-t-il la mission des universités en régions? Il devra également nous dire s'il favorise une spécialisation des universités qui aurait comme effet de réduire les universités des régions à la taille ou à la mission de gros cégeps qui dispenseraient exclusivement le programme de premier cycle. Il devra également nous dire quel dosage il envisage entre la formation du premier cycle, l'enseignement aux adultes, les études supérieures, la recherche. On trouve quelques réponses dans le document publié par le député d'Argenteuil en novembre 1985 et auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, document auquel s'est également référé le ministre de l'Enseignement supérieur. C'est un document dans lequel on trouve formulé un diagnostic très sévère de même que des engagements, il faut le dire, assez généreux.

En fait, le seul document gouvernemental dont on dispose à l'ouverture de cette commission parlementaire, à l'exception du texte que vient de nous présenter le ministre, c'est le rapport du comité présidé par le président du Conseil du trésor. Les propositions vite formulées de ces prétendus sages, davantage préoccupés d'appliquer leur credo idéologique que d'évaluer les répercussions des changements préconisés, ne sont pas du tout rassurantes.

Que retrouve-t-on dans les quelques lignes que le rapport Gobeil consacre à l'enseignement supérieur? D'abord, tripler ou même quadrupler les frais de scolarité, sans en avoir évalué les répercussions sur l'accessibilité. Le groupe propose ensuite d'augmenter de 50 % la tâche d'enseignement des professeurs. A-t-on songé aux conséquences d'une telle mesure sur la qualité de la formation, notamment au niveau de l'encadrement des étudiants et du renouvellement du corps professoral? On y va aussi de l'abolition, comme je le disais tout à l'heure, du siège social de l'Université du Québec et du Conseil des universités dont on pourra tout à l'heure apprécier la valeur et la qualité des avis.

Ces organismes, le Conseil des universités et l'Université du Québec, sont deux organismes qui assument des fonctions importantes - de plus en plus importantes dans le contexte actuel - de planification, de coordination et d'évaluation au sein du réseau universitaire. L'intention du ministre de protéger et de conserver cet organisme me rassure. II nous reste à souhaiter qu'elle soit aussi entendue en haut lieu. Enfin, un chambardement majeur est prévu au niveau des organismes oeuvrant dans le secteur de la recherche et ce, sans qu'une évaluation sérieuse n'ait été faite des institutions existantes.

Le ministre responsable est, au cours des derniers mois, demeuré plutôt muet quant à ces recommandations. Devant son silence, nous sommes en droit de nous demander - je ne suis pas la seule à le faire - qui dirige le ministère de l'Enseignement supérieur, qui prend tes décisions qui conditionnent le devenir de nos universités. C'est d'autant plus déplorable que les intervenants sont invités à discuter de financement des universités sans trop savoir quelles orientations ce gouvernement pourra privilégier. En l'absence de cadre de discussion qu'auraient pu constituer des

orientations plus claires on aura ensuite beau jeu de profiter de la mêlée pour prendre des décisions délicates et brader des promesses électorales.

Quoi qu'il en soit, pour l'Opposition, les questions que je viens d'énoncer sont cruciales et guideront sa participation aux travaux de cette commission, c'est-à-dire celles touchant l'accessibilité, touchant le développement des universités en régions, le développement de la recherche du deuxième et du troisième cycles. Nos interventions seront motivées par le souci que les universités puissent s'acquitter de leur mission adéquatement, sans perdre de vue l'objectif d'une plus grande accessibilité aux études supérieures, car il y va de notre avenir collectif.

On peut favoriser l'accès à l'université pour des motifs culturels, parce qu'on estime la présence des diplômés universitaires essentielle au développement d'une société pour sa survie comme entité distincte; pour des motifs d'épanouissement personnel, parce que l'on souhaite que ceux qui ont des capacités puissent les développer et les faire valoir au service de leurs concitoyens; et de plus en plus pour des motifs économiques parce que l'existence d'une main-d'oeuvre qualifiée dans les domaines les plus divers et les plus avancés est devenue une condition fondamentale de survie dans le monde moderne. Je crois qu'il faut d'abord accepter de percevoir le système d'éducation comme le seul moyen efficace de résorber nos problèmes économiques.

En conséquence et parce que nous accusons un sérieux retard comparativement à l'Ontario et au reste du Canada, il est nécessaire d'investir davantage. Je le répète: "La formation de généralistes et de spécialistes du plus haut calibre possible et la poursuite de recherches dans les domaines majeurs de la connaissance humaine constituent la seule voie d'avenir et doivent être la première priorité du gouvernement."

Je compte sur cette commission pour nous aider à voir plus juste, tant sur les orientations à indiquer et à donner au réseau des universités que sur les priorités à établir. Le nombre et la qualité des intervenants devraient sans doute nous fournir cet éclairage.

Je suis particulièrement heureuse de voir le ministre se situer dans la grande foulée de ses prédécesseurs et la vision qu'il nous livre des développements et des orientations qu'on devrait donner aux universités devrait nous rassurer.

Cependant, au cours de l'été, nous savons tous qu'il y a eu trois documents qui ont été déposés, documents de groupes de travail qui étaient présidés par des ministres. Entre ce que vient de nous livrer le ministre et les recommandations contenues particulièrement dans le rapport présidé par le président du Conseil du trésor, il y a un écart qui a de quoi nous inquiéter.

Lorsqu'on se donne des objectifs, on sait tous l'importance majeure que prend le financement pour la réalisation de ces objectifs. C'est indispensable. Le Conseil du trésor a comme mission, à la fois d'accorder les ressources financières et de contrôler. Il me semble que, pour cette commission parlementaire et pour ses membres, bien qu'on ait un nombre impressionnant d'intervenants venant de tous les milieux, il serait intéressant qu'on puisse entendre le président du Conseil du trésor à cette commission. Il ne s'agirait pas, ici, d'en fixer les modalités, le moment et la date. On pourrait le faire en séance de travail, M. le Président. Cependant, un groupe de travail qui a réfléchi et qui nous propose des recommandations le fait à la lumière de réflexions qui se sont faites. Compte tenu que les recommandations qui nous sont proposées sont fort peu étayées, on pourrait connaître davantage les raisons qu'il invoque pour justifier de telles orientations. Il me semble que ce serait à la fois éclairant pour les membres de la commission mais également pour les universités, pour les administrateurs, pour le Québec de façon générale que d'entendre là-dessus le président du Conseil du trésor. (15 h 45)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie.

Motion proposant que la commission

demande l'opinion du président du

Conseil du trésor

Mme Blackburn: M. le Président, je voudrais, en vertu de l'article 170 des règles de procédure, faire motion pour que: "Cette commission sollicite, par invitation spéciale, l'opinion et les commentaires du président du groupe de travail sur la révision des fonctions et des organisations gouvernementales, M. Paul Gobeil, en raison des travaux et des recommandations de ce comité concernant le financement des universités. "En conséquence, que la commission se réunisse en séance de travail immédiatement après les auditions publiques du 16 septembre 1986 afin de déterminer la durée de l'audition de M. Paul Gobeil, ainsi que la durée des échanges avec les membres de la commission."

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je ne sais pas si vous déclarez cette proposition recevable et je ne sais pas si vous voulez que nous en discutions maintenant, mais nous sommes à votre disposition. Je suis à votre

disposition en particulier.

Le President (M. Parent, Sauvé): La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 47)

(Reprise à 16 h 1)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission reprend ses travaux.

Si vous voulez prendre place, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs de l'assistance.

S'il vous plaît, mesdames et messieurs les députés, la commission parlementaire de l'éducation, va reprendre ses travaux; elle a effectivement repris ses travaux.

Mme la députée de Chicoutimi, j'ai bien pris connaissance de votre motion. Puis-je vous demander en vertu de quel article vous la présentez?

Mme Blackburn: En vertu de l'article 170 ties règles de procédure.

Le Président (M. Parent, Sauvé): En vertu de l'article 170. Je lis l'article 170: "Toute commission peut ainsi, par invitation spéciale, solliciter l'opinion de personnes ou d'organismes qui ont une connaissance ou une expérience particulière du domaine qu'elle examine." C'est la teneur de l'article 170 de notre règlement qui régit les consultations particulières.

Alors, je vais donner l'occasion à Mme la députée de Chicoutimi de nous fournir l'argumentation nécessaire ainsi qu'au porte-parole du côté ministériel, en l'occurrence, le ministre et, après cela, je rendrai ma décision. Mme la députée de Chicoutimi. Un instant, madame.

Débat sur la recevabilité M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, si vous me permettez, ce sera moi qui ferai la discussion sur la recevabilité.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Laviolette, nous vous écoutons.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Il y a différents articles dans le règlement qui nous permettent de faire certaines consultations particulières. Il y a différentes possibilités qui nous sont offertes par le règlement de faire comparaître ici, à cette commission, des gens, des personnes, des organismes qui peuvent informer l'ensemble des membres de la commission parlementaire.

On considère aussi que, sauf des dispositions incompatibles, les règles relatives à ce qui se passe à l'Assemblée nationale s'appliquent aussi aux commissions parlementaires. Vous allez retrouver cela è l'article 154 de notre règlement. À l'article 185, on dit que tout député qui désire faire une proposition pour que l'Assemblée se prononce sur quelque question que ce soit le fait par motion. C'est donc ce que ma collègue, la députée de Chicoutimi, a fait. Elle a présenté une motion en vertu de l'article 185.

Le Président (M. Parent, Sauvé): En vertu de l'article 170.

M. Jolivet: Oui, mais je parle, pour étayer mon argumentation, des articles qui sont dans le règlement également.

Le Président (M. Parent, Sauvé): J'avais bien spécifié que l'avis de motion a été fait en vertu de l'article 170.

M. Jolivet: C'est ce que je suis en train de vous prouver.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.

M. Jolivet: À l'article 158 de notre règlement, on dit que les motions ne requièrent pas de préavis. Donc, Mme la députée a déposé sans aucune forme de préavis une motion qui est actuellement en discussion. Or, l'article 170, tel que vous venez de le faire, indique que toute commission peut aussi, par invitation spéciale c'est une invitation spéciale que nous faisons - solliciter l'opinion de personnes ou d'organismes qui ont une connaissance ou une expérience particulière dans le domaine qu'elle examine.

Je dois aussi, en même temps, vous référer, compte tenu que la demande qui est faite concernant le président du Conseil du trésor, responsable d'un comité de travail qu'il présidait à la demande du premier ministre, en vertu de l'article 164, ma collègue l'a dît aussi... Je lis l'article 164: "Lorsqu'une commission désire entendre un ministre, elle doit l'en aviser par écrit au moins quinze jours a l'avance sauf renonciation de l'intéressé à ce délai. "L'avis doit indiquer l'objet, l'heure, la date et l'endroit des travaux de la commission."

Or, ma collègue vous a dit, dans la motion qu'elle vous a présentée, que nous pourrions faire ce travail en séance de travail plutôt qu'en commission parlementaire, ceci pour permettre de déterminer, en séance de la commission, les moments où cette personne, le président du Conseil du trésor, devrait venir devant la commission

parlementaire.

La motion, qui est présentée en vertu de l'article 170, répond formellement à toutes les exigences. Le président du groupe de travail qui est devant nous a proposé des recommandations en matière de financement du réseau d'éducation. Donc, c'est une personne qui doit sûrement posséder une connaissance particulière du sujet, puisqu'il a présidé lui-même un comité qui a fait des recommandations. Cette personne a eu l'occasion, avant la parution du rapport, après la parution du rapport, puisqu'il a fait l'objet d'une conférence de presse où lui-même a donné les indications de ses recommandations. Une de ses recommandations touchait l'ensemble du secteur universitaire, aussi bien quant au financement des universités, quant à la tâche des professeurs et quant à d'autres phénomènes incluant les frais de scolarité qui sont l'objet même de cette commission parlementaire.

À ce moment-là, la motion qui est présentée en vertu de cet article 170 peut donc être présentée en tout temps, sans aucune forme de préavis. Vous seriez bien conscient avec moi, M. le Président, que cette motion est différente de celle qui est prévue à l'article 244, qui prévoit que, lors de l'étude détaillée d'un projet de loi en commission, des consultations particulières peuvent être décidées avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet.

Or, au moment où l'on se parle, nous avons devant nous une motion présentée en vertu de l'article 170 qui permet à la commission, sans aucune autre forme de préavis que ce soit, de la déposer devant vous.

D'autre part, la motion présentée par ma collègue en vertu de l'article 170 est fondamentalement différente des dispositions des articles 166 et suivants, parce que vous me demanderiez sûrement pourquoi cette question n'a pas été débattue lors de réunions préliminaires à la séance d'aujourd'hui. L'article 170, comme vous le savez, vise une ou des consultations particulières, alors que les articles 166 et suivants concernent une consultation générale. Dans le cas qui nous préoccupe, tel que prévu par la motion de ma collègue, c'est qu'elle vise à rechercher l'expertise particulière d'une ou de plusieurs personnes, parce que personne ne pourrait empêcher le président du Conseil du trésor de se faire accompagner des personnes qui composaient le comité qu'il a dirigé comme président. L'autre, qui est prévu aux articles 166 et suivants, demande à la population en général de faire connaître ses préoccupations sur un sujet en particulier, ce qui est le début de nos travaux, aujourd'hui.

Donc, le but est différent, la procédure l'est également. Il est bien entendu que vous pourriez me dire: Écoutez, le président du Conseil du trésor n'a présenté aucun mémoire à la commission, alors l'article 170 ne le fait pas comme obligation et, en conséquence, il n'est pas nécessaire que le ministre passe par la procédure de consultation générale de la population en général. Et, dans la question qui nous préoccupe, il n'est pas question de mémoire, même si déjà l'on pourrait considérer que les recommandations qu'il a faites dans son rapport sont presque une forme de mémoire.

Même si la consultation générale a été discutée en séance de travail, comme je le disais tout à l'heure, cela ne peut pas porter préjudice à la nouvelle motion qui est présentée par ma collègue en vertu de l'article 170.

Pour ces raisons, compte tenu du fait que le président du groupe de travail, le président du Conseil du trésor, puisqu'il a fait des recommandations, doit certainement être au courant des problèmes auxquels est confronté l'ensemble du monde universitaire, puisqu'il a fait des recommandations sur le financement des universités, sur la tâche des professeurs à l'intérieur des secteurs universitaires, puisqu'il a fait aussi des recommandations quant aux frais de scolarité des étudiants qui sont à l'intérieur de ces établissements, il est évident qu'il a une connaissance suffisante - en tout cas, nous l'espérons, nous le souhaitons - pour participer aux travaux de notre commission. Mais, comme nous ne voulons pas le prendre par surprise et qu'en même temps nous voulons nous soumettre à l'article 164 du règlement, nous pourrions, quant au jour et quant à l'heure - l'objet, on le connaît et l'endroit, c'est ici - nous entendre en séance de travail.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, si j'ai bien compris, nous discutons de la recevabilité.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est cela.

M. Ryan: Nous accepterons, évidemment, la décision que vous prendrez à cet égard. Mais je voudrais simplement faire une couple de remarques pour essayer d'économiser du temps. Je trouve un peu déplorable qu'on prenne cette avenue que j'appellerais marginale, au lieu de poursuivre le travail consciencieux qui a été commencé dans l'esprit qui s'impose. Le député a cité plusieurs articles du règlement. Je pense qu'il en a oublié: il y a l'article 164 qui dit: "Lorsqu'une commission désire entendre un ministre, elle doit l'en aviser par écrit au

moins quinze jours à l'avance." Par conséquent, on a le temps. Ce n'est pas nécessaire de troubler les travaux de la séance d'ouverture. Si vous voulez qu'on discute à un autre moment, je pense que ce serait beaucoup plus constructif pour les travaux que nous voulons faire. Nos concitoyens nous écoutent aujourd'hui, il y a beaucoup de personnes qui sont ici pour le début des travaux de la commission. Je pense qu'il n'y a rien qui fait plus de tort à l'institution parlementaire que de dévier tout de suite dans des débats de procédure.

J'émets de sérieuses réserves sur le bien-fondé de la motion qui est présentée, même sur le terrain des faits. Je pense que je dois au moins être autorisé à corriger cela. La députée de Chicoutimi a tout intérêt, d'un point de vue partisan, à essayer de créer des impressions de division au sein du gouvernement. Je la comprends et cela fait peut-être un peu partie de son rôle, mais je dois l'informer que le président du Conseil du trésor a précisé lui-même, lorsque les trois rapports en question ont été rendus publics, qu'ils ne l'engageaient pas plus que les autres membres du gouvernement. Ce sont des rapports qui ne portent pas sa signature. Si vous les avez lus, vous avez peut-être porté attention à la première page: ils ne portent même pas la signature du président du Conseil du trésor. Ils ont été rédigés par des groupes de travail faisant partie d'un ensemble que présidait le président du Conseil du trésor. Mais il a bien dit, lorsqu'ils ont été rendus publics, que lui gardait toute sa latitude par rapport à ces recommandations. L'amener ici a ce moment-ci alors que ces questions - je vous le dis en toute simplicité - n'ont même pas été examinées au niveau du cabinet, je pense que c'est une opération de diversion qui ne conduirait à aucun résultat utile.

Dans cette perspective, vu les informations quelque peu fausses sur lesquelles s'est fondée la députée de Chicoutimi pour formuler sa proposition, je doute qu'elle puisse être accueillie. Si vous décidez, M. le Président, dans votre sagesse, qu'elle doit être accueillie, nous accueillerons votre décision sans récriminer d'aucune manière et nous serons heureux de passer au vote dans les meilleurs délais.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, je n'avais pas oublié l'article 164. J'y ai fait allusion à plusieurs occasions. J'ai même dit que ma collègue dans sa motion y avait fait allusion aussi, puisque, effectivement, nous reconnaissons que nous devons donner un préavis à M. le président du Conseil du trésor. Quant à l'autre argumentation, à savoir qu'il n'a pas signé les rapports, nous avons entendu ces discussions lors de la présentation publique des rapports. C'est une façon de s'effacer d'une décision qui a été prise par le premier ministre de lui donner le mandat de s'occuper d'un comité de travail dont il était le président. Qu'il ait décidé par la suite, compte tenu des recommandations, de faire le geste qu'il a posé, libre à lui. Mais je ne vois pas en quoi on peut être empêché de demander sa présence en vertu de l'article 170. J'ai argumenté, en vertu des articles du règlement, que la présence du président du Conseil du trésor pourrait être importante puisqu'il est la personne qui, au sein du gouvernement, a la responsabilité d'une façon très importante, on en conviendra maintenant, on le sent un peu partout, de l'ensemble des goussets gouvernementaux. En conséquence je pense qu'il serait logique, si on regarde le règlement tel quel, de faire venir ici te président du Conseil du trésor. (16 h 15)

Décision du président

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le député de Laviolette. Je suis prêt à rendre ma décision. Je vais la rendre en tenant compte du mandat qui a été confié par l'Assemblée nationale à cette commission parlementaire et qui se lit comme suit: "Que la commission de l'éducation, afin de permettre aux universités de s'acquitter efficacement de leur mission, procède à une consultation générale dans le but d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 etc."

Dans la motion de Mme la députée de Chicoutimi, vous invoquez le règlement qui régit les consultations particulières, tandis que nous avons un mandat de tenir des consultations générales. Par contre, dans mon énoncé du début, je vous ai dit que je serais très souple dans l'interprétation du règlement et que l'objectif de la commission est d'aller chercher tous les renseignements pertinents.

Dans cette ligne de conduite que j'ai annoncée au début de la séance, je peux difficilement juger recevable la motion de la députée de Chicoutimi. Par contre, je suis prêt à ramener cette motion en comité de travail où nous passerons au vote et la commission décidera si elle doit.... La commission s'est donné, lors d'un comité de travail, la possibilité d'inviter des gens en consultation particulière.

Je déclare irrecevable pour le moment è la commission la motion de la députée de Chicoutimi et je l'invite à revenir en comité de travail pour que la commission puisse discuter de sa motion. Je vous dis dès maintenant que je serai favorable à cette

motion en séance de travail. J'agis de façon à ne pas retarder les procédures de cette commission. Nous avons des invités ici. Nous avons deux groupes à recevoir aujourd'hui et je croîs qu'en guise de respect pour les personnes qui se sont dérangées pour venir témoigner devant cette commission parlementaire, on doit faire tout ce qui est nécessaire pour accélérer le débat, mais en se gardant la possibilité par exemple d'aller chercher l'information partout où elle est. Si la commission croit qu'à l'intérieur du rapport Gobeil il y a des éléments nécessaires, intéressants et pertinents à la bonne connaissance de la commission, nous prendrons les mesures nécessaires en commission de travail. Ma décision est rendue.

M. le député de Laviolette, je vous écoute pour une dernière intervention sur le sujet.

M. Jolivet: Ce n'est pas pour mettre en cause votre décision, M. le Président, c'est simplement pour vous avertir dès maintenant, pour qu'il n'y ait pas de quiproquo, que lors de cette séance de travail, nous demanderons que les discussions soient enregistrées.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Accordé, M. le député de Laviolette.

Avant de passer aux autres interventions, j'ai une demande du côté ministériel à savoir que le député de Saint-Louis remplace pour aujourd'hui la députée de Groulx. Comme vous le savez, le règlement m'oblige à demander la permission du côté de l'Opposition. Accordé? C'est accordé. M. le député de Saint-Louis considérez-vous comme membre de cette commission.

Je donne la parole au député d'Art habaska.

M. Gardner: Ce serait plutôt à la députée de...

Le Président (M- Parent, Sauvé): Donc, Mme la députée de Jacques-Cartier, adjointe parlementaire au ministre de l'Éducation.

Déclarations d'ouverture (suite) Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. C'est évident que la députée de Chicoutimï a de la misère à se démarquer de la position du ministre. Pour le faire, elle s'appuie sur une argumentation très faible, par exemple en ce qui concerne l'impact négatif présumé d'une hausse de frais de scolarité sur l'accès aux universités. La preuve de la faiblesse de cette argumentation est déjà faite en Ontario où les frais de scolarité sont plus que le double des frais au Québec et, en dépit de ce fait, le taux de fréquentation y est plus élevé qu'au Québec.

Il me fait plaisir, M. le Président, d'intervenir très brièvement à cette séance d'ouverture de la commission sur le financement des universités. Depuis de nombreuses années maintenant, les universités du Québec se sont efforcées de faire plus, malgré les ressources financières décroissantes. Malgré tous leurs efforts pour réduire les coûts, soit en rationalisant l'utilisation du personnel et des édifices, en consolidant et dans certains cas en abolissant des programmes, en reportant le renouvellement d'équipement scientifique et en coupant le plus possible au budget d'acquisition des bibliothèques, la plupart de nos universités se trouvent dans une situation déficitaire sans précédent.

Je suis convaincue que toutes nos universités sont gravement sous-financées et qu'il n'est plus possible de leur demander de faire plus avec moins sans compromettre leur mission fondamentale. La situation s'est tellement détériorée qu'il est urgent que nous réagissions au cri d'alarme lancé à de nombreuses reprises auprès des différents gouvernements du Québec et laissé sans réponse adéquate. Pour moi, l'éducation constitue la toute première priorité. Tout le reste devient secondaire si on tient à notre avenir. La mission de nos universités est à la fois unique et stratégique. Unique, parce que les universités sont les chiens de garde de l'excellence de notre passé et stratégique, parce qu'elles sont le tremplin pour notre avenir. Elles sont les sentinelles de la recherche libre et les incubateurs de l'esprit d'entrepreneurship. Elles favorisent la fierté de notre héritage et, parce que la connaissance n'a pas de frontière, elles contribuent par leur véritable nature à la compréhension internationale. Elles sont les laboratoires de la connaissance desquels jaillissent les rêves et les visions qui forment notre futur.

Pour moi, l'essentiel de cette mission vise le développement de nos ressources humaines. Il est impensable qu'on ne fasse pas tout notre possible pour créer les conditions propices à éduquer, former et libérer toutes les capacités intellectuelles et créatrices des citoyens les plus compétents de notre société. C'est la seule façon d'assurer notre avenir. Car je suis convaincue que notre force intellectuelle, culturelle et morale, notre qualité de vie ainsi que notre force économique dépendent et dépendront plus que jamais à l'avenir de la qualité de la créativité et du dynamisme de nos ressources humaines.

Les changements technologiques rendent la mission de nos universités et surtout leurs efforts scientifiques de plus en plus stratégiques. Nous savons tous que la révolution technologique s'accélère, qu'elle marque et marquera profondément nos vies. Notre capacité de concurrencer au sein d'une

économie mondiale en voie de transformation rapide entraînera de nouvelles demandes au niveau du savoir et du talent de nos citoyens et de leur facilité d'adaptation à un marché en perpétuel mouvement. Notre survie économique et notre qualité de vie dépendront de la façon dont nous ferons face au défi.

On ne peut surestimer l'importance de cette commission parlementaire. Il est impératif que nous travaillions ensemble dans un esprit de tolérance et d'engagement à la recherche de solutions réalistes et responsables dans le but de consolider l'avenir de nos universités. Elles doivent détenir les outils nécessaires à leur travail. Malgré l'importance que nous accordons à cette vaste entreprise, nos moyens sont limités. Une bonne dose d'esprit d'entrepreneurship et d'innovation, ce qui est tellement important dans le domaine économique, devrait également être entretenue dans le monde de l'éducation et de la science. Ce n'est pas le moment de sacrifier nos universités au vent de l'opportunisme à court terme. Nous ne devons pas non plus nous incliner devant les intérêts spécifiques de quelque groupe de pression que ce soit. Bien que le public ait le droit de s'attendre à une compétence et à de hautes normes de fonctionnement dans l'utilisation des fonds publics, il a également le droit d'attendre des universités qu'elles reçoivent le maximum d'appui d'autres sources. Nous aurons la coopération du public pour notre cause si tous ceux qui ont nos universités à coeur sont prêts à faire leur part.

Je crois que, dans notre recherche de l'excellence, les talents et les connaissances des citoyens du Québec constituent notre plus grande ressource. C'est en favorisant la qualité de nos universités que nous réussirons a libérer tout leur potentiel. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, Mme la députée de Jacques-Cartier. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député d'Arthabaska.

M. Laurier Gardner

M. Gardner: Merci, M. le Président. Vous me permettrez tout d'abord de vous manifester la joie que j'éprouve à participer à cette commission parlementaire. Comme ex-enseignant, je suis particulièrement heureux de pouvoir vivre ce moment historique, cette commission parlementaire. Comme député ministériel, j'aurai tout au long de cette commission à écouter, à questionner chacun des intervenants pour pouvoir par la suite mieux conseiller notre ministre, le député d'Argenteuil, que nous apprécions tous de chaque côté de la

Chambre.

Les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire, voilà le sujet de cette commission, sujet qui ne peut surtout pas être réglé à la sauvette. Notre ministre de l'Éducation affirmait récemment que nous prendrions tout le temps voulu pour recevoir ceux et celles qui ont demandé à être entendus - je répète bien: qui ont demandé à être entendus. Voilà une façon de faire que j'aime bien. Voilà une façon de faire exigeante mais voilà "la" façon de faire quand on a une question aussi importante à régler.

Je m'attarderai plus précisément aux questions concernant les enseignants et les chargés de cours à leur rôle dans les universités modernes. Les enseignants de l'Université Laval de 1966, ceux que j'ai connus et qui m'ont donné ce goût d'enseigner, comme ceux des autres universités, ont dû changer leurs attitudes. Sont-ils toujours disponibles? Sont-ils toujours imbus de recherche, avides de donner le résultat de ces recherches à des élèves avides de connaître? Sont-ils toujours jeunes, près des jeunes et surtout renouvelés? Si toutes ces qualités de l'enseignant sont recherchées au niveau élémentaire, secondaire et collégial, à plus forte raison doivent-elles l'être à l'universitaire. Les enseignants de l'université participent-ils aux efforts de rationalisation des dépenses publiques que le gouvernement actuel demande à la population du Québec? Si oui, comment le font-ils? Sinon, comment le feront-ils?

II va sans dire que cet effort de rationalisation des dépenses publiques doit être fait dans tous les milieux, y compris l'universitaire. Il faut toutefois admettre que l'université a un rôle qui va plus loin que le passé et le présent. L'université est en prospective et doit le demeurer. Voilà le dilemme: l'université doit à la fois participer à la vie québécoise, ce qui comprend la rationalisation des dépenses publiques, et la devancer cette vie, ce qui exige du gouvernement des dollars.

Comme membre de cette commission parlementaire et député d'Arthabaska, je veux entendre et questionner les responsables des universités, les enseignants, les étudiants et les groupes socio-économiques qui ont demandé à être entendus. Je le répète, je veux les questionner pour être mieux renseigné pour pouvoir conseiller adéquatement.

J'ose espérer que le dilemme que je viens d'énoncer sera résolu. Les universités doivent, à mon avis, jouer leur rôle et le jouer excellemment pour le plus grand bien du Québec. Je suis, M. le Président, très optimiste quant à l'avenir des universités. Mes enfants et tous les enfants qui se trouvent dans nos écoles élémentaires et

secondaires et même dans les cégeps, actuellement, l'exigent. Ils demandent plus qu'un spectacle de procédure, ils nous demandent beaucoup et c'est ce que nous allons leur donner, je l'espère bien. Je suis très optimiste, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le député d'Arthabaska. Y a-t-il d'autres interventions? M. le député de Charlevoix.

M. Daniel Bradet

M. Bradet: Merci, M. le Président. M. le ministre, chers collègues, messieurs, mesdames, intervenants du monde universitaire, je suis extrêmement heureux de l'opportunité qui m'est offerte aujourd'hui par le biais de la commission de l'éducation de pouvoir participer activement, d'exprimer des opinions, des interrogations et surtout d'écouter les différents intervenants du milieu universitaire québécois. (16 h 30)

Je n'ai peut-être pas le privilège d'avoir, dans le beau comté de Charlevoix, de cégeps ou d'universités y ayant leur siège permanent. J'ai cependant celui d'avoir une clientèle renommée par sa qualité nombreuse et surtout diversifiée d'étudiants fréquentant les différentes institutions tant sur une base régulière que partielle. Il est donc évident que les problèmes de toutes sortes que vivent nos universités ont une incidence majeure sur la qualité de l'enseignement qu'on y donne en tenant compte d'un facteur important qu'est l'éloignement géographique qui afflige particulièrement une région périphérique comme la mienne.

Je partage donc entièrement les objectifs que s'est donnés cette commission et je puis vous assurer de mon entière collaboration. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le député. Y-a-t-il d'autres interventions? M. le député de Richelieu.

M. Albert Khelfa

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs de l'éducation et de l'enseignement supérieur, je suis extrêmement heureux de constater le vif intérêt qu'a suscité cette commission parlementaire sur les orientations et le financement du réseau universitaire québécois. Par cette commission parlementaire, le gouvernement du Québec réalise l'un des engagements qu'il a pris lors de la dernière campagne électorale.

Nous croyons sincèrement et profondément que cette commission permettra à tous les intervenants de se faire entendre et qu'elle assurera ainsi la démocratie sur un sujet qui a été longtemps oublié, tout en nous permettant de prendre des décisions plus éclairées. La recherche et le développement sont des éléments essentiels à la progression de l'économie québécoise. Une étude récente du ministère fédéral des Sciences et de la Technologie a d'ailleurs établi, à l'instar des études américaines, un lien très clair entre l'intensité des efforts de recherche et de développement d'une industrie et sa santé économique. Ainsi, les secteurs à forte intensité de recherche, de développement et d'innovations technologiques enregistrent de plus fortes croissances de productivité et d'emploi. Parmi les pays industrialisés, le Canada est celui où l'on investit le moins en recherche et développement, soit en moyenne, depuis 20 ans, moins de 1,2 % du produit intérieur brut, alors que ce taux varie de 2 % à 2,5 % dans les autres pays. Or, l'effort du Québec est encore plus faible que celui du Canada. Il se situe pour la période couvrant les années 1977 à 1982 à environ 1 % de son produit intérieur brut, ce qui risque de perpétuer sinon d'accroître son retard de productivité par rapport aux autres provinces et spécialement l'Ontario. Il faut donc qu'en général le Québec intensifie son effort en recherche et développement.

En ce qui concerne de plus près la recherche dans le milieu universitaire, nous constatons que les universitaires ont de plus en plus tendance à entreprendre des travaux de recherche scientifique qui collent à la vie réelle, au besoin des individus et de la collectivité ainsi qu'aux problèmes de développement que connaissent nos entreprises, nos institutions et nos services publics.

Nous pensons qu'au niveau de la recherche il sera toujours important d'établir une collaboration étroite entre le gouvernement, les universités et les entreprises, car le contexte socio-économique actuel nous le dicte principalement à cause de la concurrence étrangère accrue, du besoin d'effectuer le virage technologique nécessaire, et des besoins de formation et de perfectionnement de la main-d'oeuvre. En général, l'on peut dire que le gouvernement du Québec favorise grandement la recherche et le développement afin de garantir à la province de Québec une productivité concurrentielle et de lui permettre de prendre avec une plus grande confiance le virage technologique qui est de plus en plus évident.

Comme il a été mentionné lors du dernier discours sur le budget, le gouvernement du Québec est, toutefois, conscient de la nécessité de redonner sa vigueur à notre économie et de redresser les finances publiques du Québec. Il s'agit pour notre société de maximiser nos ressources en les employant de la façon la plus efficace

possible.

Cette commission, M. le Président, nous permettra de prendre position et d'établir des politiques plus éclairées qui répondront adéquatement aux besoins de notre société. La connaissance est le seul instrument de production qui n'est pas sujet à la dépréciation. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le député de Richelieu. D'autres interventions?

M. Chagnon: M. le Président, j'invoque le règlement. La règle de l'alternance ne joue-t-elle plus dans nos travaux?

Le Président (M. Parent, Sauvé): La règle de l'alternance existe toujours.

M. Chagnon: Dans toutes les commissions parlementaires auxquelles j'ai eu l'honneur d'assister, on procédait par alternance. Je voudrais évidemment...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Je me fais l'avocat du droit de parole de l'Opposition.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reçois votre intervention, mais elle va se limiter à peu près à cela. Je vous remercie. Tout cela pour vous dire que l'alternance existe toujours, mais libre à un parti politique de l'utiliser ou non. Par contre...

M. Jolivet: Les groupes, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien. Y a-t-il d'autres interventions? M. le député de Rimouski, nous vous écoutons.

M. Michel Tremblay

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, M. le ministre, chers collègues, mesdames et messieurs, c'est avec beaucoup d'intérêt que je suivrai les travaux de cette commission à titre de membre de cette commission de l'éducation et de député d'une circonscription qui a le privilège de compter une université. Je me ferai un devoir d'y apporter toute l'attention voulue pour remédier au grave problème du financement des universités.

Sans présumer des conclusions ou des recommandations de notre commission, je porterai une attention spéciale à tous les mémoires qui feront état d'un nouveau mode de financement des universités en tenant compte des paramètres suivants: les clientèles, les facultés, le développement, la recherche et l'incidence régionale. Tout en nous inspirant des expériences et du vécu des universités au Québec depuis les deux dernières décennies, le temps est venu de repenser, d'ajuster ou de proposer un nouveau mode de financement de notre système universitaire.

Tout en respectant les opinions de mes collègues, membres de cette commission, et sans vouloir orienter ses travaux, je serai un fervent défenseur ou revendicateur du principe générai que les budgets des universités au Québec soient équilibrés. Nous ne pouvons pas permettre et nous ne pouvons pas accepter que nos universités s'endettent et endettent le gouvernement pour les années à venir. Dans ce contexte, il nous faudra trouver une solution efficace, juste et équitable pour mettre un terme à cette hémorragie.

Enfin, les universités devront être de plus en plus sélectives au niveau des critères d'admissibilité dans les différentes disciplines. La recherche de l'excellence qui anime probablement présentement l'ensemble de nos gestionnaires devrait être le mot d'ordre de notre prochaine décennie.

En terminant, M. le Président, je n'ai pas à insister sur le bien-fondé et l'importance de maintenir en régions des universités qui répondent à des besoins d'enseignement supérieur tout en leur permettant de développer des disciplines spécifiques à leur région.

Je voudrais également dissiper l'idée qui peut se dégager des propos de la députée de Chicoutimi, Mme Blackburn, à savoir qu'elle serait la seule...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Rimouski, je vous rappelle à l'ordre. Vous connaissez très bien les règles qui demandent à chaque parlementaire de nommer un autre parlementaire par son titre de député. Continuez.

M. Tremblay {Rimouski): Je reprends, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

M. Tremblay (Rimouski): Je voudrais également dissiper l'idée qui peut se dégager des propos de la députée de Chicoutimi en ce sens qu'elle serait la seule et unique revendicatrice du maintien et du développement des universités en régions. Connaissant très bien les problèmes de l'Université du Québec à Rimouski et le problème majeur avec lequel elle est aux prises, savoir de dispenser des enseignements universitaires dans une région immense dont les distances font partie du vécu quotidien de cette université, je me ferai un devoir, madame, de veiller à lui assurer un développement convenable. Nous avons des secteurs d'excellence connus et partiellement

développés dans nos universités en régions et, entre autres, celui de l'Université du Québec à Rimouski est axé sur l'océanographie et les pêcheries.

M. le Président, soyez assuré de ma collaboration et de mon intérêt à trouver avec les membres de cette commission une solution au problème du financement des universités. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Rimouski, je vous remercie beaucoup. Y a t-il d'autres interventions? M. le député de Rousseau.

M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. Moi aussi, comme mes collègues, c'est avec plaisir que je participe à cette commission. C'est surtout avec un grand intérêt que je serai à l'écoute de tous les intervenants qui ont préalablement demandé à intervenir, qui viendront, tour à tour, nous sensibiliser sur leur vécu quotidien, leurs préoccupations et nous présenter, j'imagine, leurs solutions.

Cette remise en question qui est vitale pour le Québec est surtout vitale pour le système universitaire. Comme le disait le ministre dans son exposé, la clientèle universitaire traditionnelle a quintuplé. Les adultes ont envahi les établissements et, au cours des dernières années, les universités ont dû s'y adapter. Outre les problèmes connus du vieillissement, du déficit budgétaire, de l'augmentation du ratio établissement-étudiants, il y a des thèmes qui me touchent plus particulièrement, tels que la diplômation versus la performance, la diplômation versus le monde du travail et ses besoins. Toute la problématique du choix des étudiants et de leur cheminement en vue de l'obtention d'un diplôme reste à voir.

La diplômation est encore et demeurera la carte la plus valable qui mène au marché du travail. Mais, malheureusement, il y a aussi tout le problème des abandons avant la fin des études. Bien entendu, se joint aux problématiques rencontrées préalablement la course aux étudiants entraînée par le mode de financement actuel. À cela s'ajoutent d'autres problématiques qui démontrent bien la nécessité de se questionner sur le mode de financement de l'université, son fonctionnement et surtout son avenir.

M. le Président, les contextes social, économique et scolaire ayant évolué, des ajustements sont devenus nécessaires pour continuer de progresser. Cette commission parlementaire arrive donc à la croisée des chemins pour mieux orienter notre avenir. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. le député de Rousseau. D'autres interventions? M. le député de

Sherbrooke.

M. André J. Hamel

M. Hamel: M. le Président, M. le ministre, chers collègues, mesdames, messieurs. L'intérêt exceptionnel que suscite la tenue de la commission parlementaire sur le financement des universités démontre à quel point la situation générale de l'enseignement supérieur et de la recherche constitue une démarche qui arrive à point nommé. Le travail de cette commission devra répondre aux attentes exceptionnellement élevées des personnes impliquées et des secteurs concernés. Cette rentrée scolaire revêt donc un aspect particulier et fort important. Les milieux universitaires sont bien sûr immédiatement concernés. Mais il y a plus et c'est surtout de l'avenir des enfants actuellement à la maternelle, à l'élémentaire et au secondaire qui est en jeu. C'est de l'avenir même de cette génération et partant de la société québécoise tout entière qu'il sera question ici durant ces prochaines semaines.

Tout en travaillant aux solutions à long terme, nous devrons aussi songer aux problèmes cruciaux à court terme. Je n'ai qu'à penser à la situation extrêmement précaire qui existe à l'Université de Sherbrooke. À titre de député de ce comté, j'en suis fort préoccupé et vivement intéressé à trouver des solutions justes et équitables. (16 h 45)

L'enseignement supérieur est donc un secteur vital pour la société québécoise. Mais il y a aussi un volet fondamental auquel je veux apporter une attention toute particulière, c'est celui de la recherche et du développement, car la recherche trace la voie à la société québécoise de demain.

Les parlementaires que nous sommes souhaitent mieux connaître la situation générale et particulière de ce vaste sujet, et je veux assurer nos intervenants de mon plus vif intérêt à les entendre et à apporter aussi des solutions justes et réalistes à la mesure du Québec auquel nous appartenons. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie beaucoup, M. le député de

Sherbrooke. Je reconnais maintenant M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je remercie le député de Saint-Louis de sa sollicitude, mais je dois vous dire que je n'ai pas l'intention de parler très longuement, compte tenu justement que ma collègue, la députée de Chicoutimi, a bien campé l'ensemble du sujet et que, en conséquence,

vous vous en souviendrez, lors de la séance de travail, nous nous étions opposés à ce que d'autres personnes que le ministre et ma collègue parlent puisque nous croyons que le but de la rencontre est de permettre aux intervenants qui sont venus, à notre demande, nous rencontrer, d'intervenir le plus rapidement possible et de ne pas perdre de temps en des palabres qui m'inquiètent un peu. Surtout que le mandat de la commission indique que nous sommes chargés d'étudier les orientations et le cadre de financement. Or, ce dont on entend parler depuis tout à l'heure c'est seulement du cadre de financement, et cela m'inquiète énormément.

Deuxièmement, je suis très heureux, au nom de mes collègues et de l'ensemble des gens de l'assistance, de voir que la télévision est ici présente pour nos débats. Cependant, j'aurais aimé mieux que le gouvernement accepte la proposition de ma collègue, la députée de Chicoutimi, d'aller en région, d'aller rencontrer les gens dans leur milieu, sur le site même de leur lieu de travail et de discuter avec eux des difficultés que rencontrent les régions. Cela nous a été refusé. Mais au moins nous avons l'intention de profiter pleinement de ce moyen de communication moderne.

D'un autre côté, comme je veux me rendre à l'intention du ministre, à savoir d'aller le plus vite possible aux intervenants, je termine mon intervention pour le moment. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie M. le député. D'autres interventions? M. le député de Saint-Louis.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Assez brièvement aussi, M. le Président. D'une part, je tiens à remercier les membres de la commission de m'avoir accepté comme remplaçant de ma collègue de Groulx. Aussi, pour faire plaisir à Mme la députée de Chicoutimi, s'il fallait par hasard que vous n'ayez pas la chance d'avoir le président du Conseil du trésor pour participer à vos travaux, à tout le moins vous pourrez vous contenter de son secrétaire parlementaire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député de Laviolette!

M. Chagnon: M. le Président, le comté que je représente à l'Assemblée nationale est certainement le comté le mieux organisé et le mieux doté en termes d'infrastructures universitaires. Il y a, en effet, deux universités dont le siège social et les principales activités se passent sur le territoire du comté de Saint-Louis, le centre-ville de Montréal, soit Concordia et McGill; de plus une grande partie des installations de l'Université du Québec à Montréal sont aussi situées dans mon comté.

Alors, inévitablement, le travail de cette commission parlementaire prend, pour moi, un intérêt tout à fait particulier. Puisque les orientations générales et le mandat de la commission parlementaire concernent, d'une part, les orientations générales du réseau universitaire au Québec et, aussi, ses problèmes de financement, il m'apparaît tout à fait à point de les soulever en commission parlementaire, en ayant accepté, comme cela a été signalé un peu plus tôt, un nombre élevé d'intervenants, ce qui fera en sorte de permettre à l'ensemble des Québécois et Québécoises qui pourront suivre nos travaux par la télévision, de se faire une meilleure idée de l'ensemble de la problématique universitaire au Québec.

Je souhaite, effectivement, que nous puissions parler de recherche. Je souhaite aussi que nous puissions parler de la vie étudiante et de ses problèmes. Je souhaite que, dans le cadre du financement, on puisse regarder des concepts qui touchent à l'équité du financement entre les différentes universités au Québec. Je souhaite qu'il arrive au milieu universitaire ce qui est déjà arrivé aux secteurs primaire et secondaire dans les années passées: un travail en commun avec le ministère de l'Éducation, pour faire en sorte d'arriver à moderniser des règles budgétaires qui sortent de leur base historique qui, dans le cas des universités, a trop vieilli, compte tenu du fait que les clientèles ont été modifiées, que les clientèles ont changé et compte tenu aussi du fait que l'environnement universitaire s'est modifié. L'orientation générale et le financement seront donc la portée générale et les sujets généraux de nos discussions. Je tiens personnellement à écouter chacun de nos intervenants et à tirer les conclusions qu'il nous faudra tirer.

Vous me permettrez de conclure, M. le Président, en ne me disant pas rassuré personnellement par les propos de ma collègue, la députée de Chicoutimi qui, elle, se trouvait rassurée de la continuité dans la pensée de notre ministre de l'Éducation actuel avec celle de ses prédécesseurs. Personnellement, comme individu et comme député d'un comté où il y a un nombre important d'universités, comme je le signalais, cela ne me rassure pas du tout qu'il faille penser qu'il soit dans la continuité de ses prédécesseurs, particulièrement eu égard au mode de financement des universités. Entre 1980 et 1985, Mme la députée, les universités au Québec ont connu une dégringolade sur le plan de leurs possibilités financières due justement aux prédécesseurs du ministre actuel de l'Éducation. Nous avons hérité d'un fardeau, sur le plan financier, qu'il incombe

aujourd'hui au ministre de l'Éducation de savoir modifier pour faire en sorte que la courbe de financement des universités pour l'avenir nous permette de reprendre ce que nous avions en 1979-1980, c'est-à-dire d'avoir pour les universités des revenus bruts de fonctionnement par étudiant qui soient supérieurs au Québec par rapport à ce qu'on pouvait retrouver dans les autres provinces canadiennes. Or, comme ce constat, semble-t-il, n'est pas partagé par tous, je vous saurai gré, M. le Président, d'inviter les représentants du Conseil des universités le plus tôt possible pour que nous puissions commencer nos travaux et entendre tout le monde. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie beaucoup, M. le député de Saint-Louis. Je vais me rendre à la demande de tous les membres de cette commission parlementaire en invitant les représentants du Conseil des universités à prendre place.

Le Conseil des universités est représenté par M. Jacques L'Écuyer, son président. M. Lécuyer, au nom de la commission parlementaire de l'éducation, je tiens à vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues ici et à vous dire avec quel intérêt les membres de cette commission vont vous écouter, avec quel intérêt aussi et beaucoup de perspicacité ils vont tâcher de vous interroger pour essayer d'en connaître le plus possible et d'en retirer les renseignements les plus pertinents pour les aider à porter un jugement.

M, L'Êcuyer, le temps qui nous est alloué est d'environ deux heures, soit une vingtaine de minutes - encore une fois, on est souple - pour votre exposé et environ une heure trente minutes pour le dialogue ou les questions des membres de cette commission. Sentez-vous bien à l'aise, c'est une commission qui est toute simple, composée de gens qui veulent réellement faire un travail sérieux. Alors, sentez-vous chez vous. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous. Avant de commencer, j'aimerais que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent. Ensuite, nous vous écouterons.

Auditions Conseil des universités

M. L'Écuyer (Jacques): M. le Président, les gens qui m'accompagnent, en commençant à mon extrême gauche, sont; M. Bernard Bonin, président du comité des programmes du conseil; Mme Madeleine Perron, secrétaire générale du conseil; à mon extrême droite, M. Maurice Cohen, président de la commission de la recherche universitaire du conseil et M. Robert Nelson, président du comité du financement.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, au cours des dernières années, des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour exprimer leurs préoccupations quant à l'évolution de l'enseignement supérieur au Canada en général et au Québec en particulier. Vous avez sûrement noté l'intervention d'hommes d'affaires, de chefs d'entreprise, de groupes sociaux, de politiciens, de commissions d'étude et d'universitaires qui se sont tour à tour exprimés sur la question. Notre organisme, le Conseil des universités, a lui-même à plusieurs reprises souligné les dangers et les problèmes qui guettaient nos universités en raison, en particulier, de la diminution rapide et dramatique de leurs ressources financières. Ce sont ces dangers et ces problèmes que nous avons voulu évoquer dans notre mémoire tout en faisant le point, de la façon la plus correcte possible, sur la situation financière du réseau universitaire.

Entre 1978 et 1986, les universités québécoises, suivant notre estimation, ont vu baisser de plus du tiers les revenus que leur apporte chaque étudiant, sous forme de subventions gouvernementales et de frais de scolarité. On conviendra facilement qu'il s'agit là d'une diminution considérable effectuée rapidement et sans planification. Il est évident qu'elle ne pouvait manquer d'avoir des conséquences sérieuses sur lesquelles nous reviendrons.

Actuellement, et là nos calculs rejoignent ceux du ministre, les revenus dont disposent les universités québécoises sont bien inférieurs à ceux d'universités comparables ailleurs au Canada et aux États-Unis. L'écart avec l'Ontario, par exemple, que nous estimions à un peu plus de 10 %...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président...

M. Ryan: Une question de règlement, M. le Président. Est-ce que je pourrais savoir à partir de quel texte le président du Conseil des universités parle actuellement? Nous avons reçu un mémoire élaboré. Est-ce un résumé? Pourriez-vous nous indiquer, à mesure que vous avancez un petit peu, où nous sommes rendus dans le nôtre? C'est difficile de suivre si nous n'avons pas d'indications claires. À moins que vous ayez une copie de ce résumé à nous remettre également.

M. L'Écuyer: Je pourrais vous remettre la copie du résumé. Il s'agissait d'une présentation. On nous avait donné l'indication qu'on pouvait présenter un peu le mémoire et les préoccupations qui nous animaient dans le mémoire. Évidemment, on peut présenter autrement si vous le souhaitez. On pourrait vous remettre une copie du mémoire, mais,

essentiellement, ce sont les mêmes argumentations présentées différemment.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je tiens pour acquis que vous nous avez soumis un mémoire identifié par 55M, plus un résumé que nous avons reçu. Tous les membres de la commission ont eu la chance de le regarder. Je pense qu'il est tout à fait normal que vous puissiez l'expliquer et faire ressortir les points les plus importants de votre exposé. Normalement on devrait être en mesure de bien comprendre votre argumentation. Je vous écoute.

M. L'Écuyer: Je vous remercie, M. le Président. Nous estimons que l'évolution de l'écart avec l'Ontario fait que les revenus de nos universités sont maintenant à près de 15 % de ceux de l'Ontario. L'écart, comme vous pouvez le constater dans notre mémoire, est encore plus considérable lorsqu'on compare avec les établissements équivalents aux États-Unis.

Les conséquences de cette évolution apparaissent de plus en plus clairement, et on en a fait mention précédemment. Quelques indices que nous avons discutés permettent de mesurer la gravité de la situation. Les restrictions budgétaires ayant entraîné une diminution du recrutement de nouveaux professeurs, le ratio étudiants-professeurs n'a cessé de croître et sa valeur en 1984 qui était de 18,7 était à ce moment-là la plus élevée au Canada. Les dernières données la situent maintenant -cela est un ajout - à 21,9. Cela donne une idée de l'érosion très rapide de cet indice qui est quand même un indice majeur pour l'évolution de notre réseau.

Aux États-Unis, on estime que le ratio étudiants-professeur dans une université qui veut maintenir un enseignement de qualité ne devrait pas dépasser 15 à 16. Évidemment, cela entraîne que de plus en plus d'enseignements doivent être donnés par des chargés de cours, c'est-à-dire des gens engagés à la leçon qui, tout en étant d'excellents professeurs, n'ont quand même pas de responsabilités particulières en matière de continuité d'enseignement, d'intégrité des programmes et d'encadrement des étudiants, sans oublier évidemment les incidences en matière de recherche et d'administration. (17 heures)

La baisse du recrutement de nouveaux professeurs au cours des dernières années a grandement contribué à accentuer les problèmes de vieillissement. Les dernières données, encore une fois, datent, malheureusement. Celles de 1982-1983 indiquaient un âge moyen de 43,8 années et, évidemment, une proportion nettement insuffisante de jeunes professeurs. Tout laisse croire à une aggravation de cette situation.

Je passerai rapidement sur les autres données, les ressources documentaires et les équipements qui sont dans un état pitoyable. La question qu'il faut se poser, c'est qu'est-ce qu'on peut faire pour mettre fin à la dégradation de notre système d'enseignement supérieur et pour assurer une relance durable de nos universités? C'est là la question à laquelle nous avons tenté de répondre dans notre mémoire par une série de mesures.

Il faut bien réaliser, en premier lieu, que la cause première des malaises de nos universités est d'ordre financier. Toutes les informations disponibles nous indiquent que les universités au Québec n'ont pas des revenus équivalents à ceux d'universités comparables ailleurs en Amérique du Nord. Vous trouverez dans notre mémoire dans les tableaux que nous présentons des illustrations assez claires de cet état de situation. C'est là une constatation qui est inquiétante et grave, compte tenu, en particulier du caractère distinct de la société québécoise qui lui impose de maintenir un double réseau, francophone et anglophone. Il y a donc à la base de toute discussion sur l'avenir de nos universités une question, qu'il faut trancher et cette question c'est la suivante: Est-ce que nous sommes prêts à assurer à nos universités des revenus qui leur permettent de concurrencer celles des autres provinces pour la qualité et pour l'étendue de leurs activités ou, au contraire, est-ce que nous allons accepter que notre réseau universitaire se contente de revenus plus modestes?

Nous pensons au conseil qu'opter pour la deuxième possibilité aurait des conséquences très graves. S'il fallait s'y résigner, il n'y a pas de doute qu'il faudrait revoir en profondeur la structure de notre réseau et effectuer des choix souvent douloureux de façon, à tout le moins, à protéger les acquis les plus solides. En dernière analyse, il faudrait vraisemblablement restreindre l'accessibilité de façon à maintenir un niveau de ressources acceptable pour chaque étudiant. Nous pensons que le Québec n'a rien à gagner d'un tel scénario, d'autant plus que, comme nous le signalons dans le premier chapitre de notre mémoire, le Québec ne jouit pas d'un taux d'accès et surtout d'un taux de diplômation, surtout dans le milieu francophone, qui lui permette de se reposer sur ses lauriers. Quand on réalise l'importance d'une population éduquée et bien éduquée dans le monde moderne, il devient évident que la première possibilité est la seule acceptable.

On avance quelquefois que la solution aux problèmes de nos universités réside dans une meilleure gestion et une meilleure coordination de leurs activités. Nous traitons de cette question dans les deux derniers chapitres de notre mémoire. On nous permettra, cependant, de dire au préalable que, si de toute évidence ce sont là des éléments essentiels au développement et au

maintien d'un réseau universitaire de qualité, en même temps il faut bien constater que ce n'est pas la clé de tous les problèmes des universités. Le niveau des ressources nous paraît le problème le plus fondamental. La coordination et la meilleure gestion sont nécessaires, mais ne sont certainement pas des mesures suffisantes, ne serait-ce que parce qu'une meilleure coordination et une meilleure gestion ne procurent pas de revenus supplémentaires aux universités. Tout ce qu'elles permettent, c'est une utilisation la plus efficace possible.

Il faut bien remarquer qu'un peu partout dans le monde les universités ont vu baisser leurs ressources au cours des dernières décennies. Elles ont pallié cette décroissance en resserrant leur gestion et en améliorant la coordination de leurs activités, d'ailleurs, souvent à l'incitation des autorités gouvernementales de leurs pays. Penser que les universités québécoises, dans le contexte particulier qui est le leur, pourront à long terme faire tout aussi bien qu'ailleurs avec des revenus inférieurs, nous croyons que ce serait se leurrer grossièrement.

De la même façon, une augmentation marquée de la tâche moyenne d'enseignement qui la porterait nettement au-dessus de quatre cours en moyenne, entendons-nous, pour les professeurs, n'apporterait pas, non plus, la solution souhaitée aux problèmes des universités, car elle risquerait, au contraire, de causer des dommages irréparables à la capacité de recherche de nos universités. Il faut donc de toute évidence - c'est là l'essentiel de notre démonstration dans le deuxième chapitre - trouver le moyen de hausser les revenus de nos universités et il faut en tout premier lieu, pour y arriver, que l'État fasse sa part car à court terme il nous paraît illusoire de penser que des sources privées puissent à elles seules permettre de combler l'écart qui sépare les revenus des universités québécoises de ceux de leurs voisines. En outre, il y a plusieurs raisons pour que l'État intervienne, ne serait-ce que pour corriger les distorsions intervenues dans le calcul des subventions au cours des années dans la méthode actuelle, la méthode historique. De même, il faudrait que l'Etat puisse intervenir dans le cas de développements futurs, qualitatifs ou quantitatifs, qui devraient être supportés, quelquefois stimulés par le gouvernement.

Le Conseil des universités est bien conscient que, dans le contexte actuel, les possibilités de l'État sont limitées. D'une part, la contribution du gouvernement au financement des universités exprimée en termes du produit intérieur brut de la province est passablement importante. Les chiffres là-dessus sont assez éloquents. D'autre part, il faut craindre que dans un effort pour réduire ses propres dépenses, encore une fois, le gouvernement fédéral ne réduise les sommes qu'il verse aux provinces comme contribution au financement de l'enseignement supérieur. C'est pourquoi nous croyons, au Conseil des universités, qu'il faut chercher ailleurs et en particulier auprès des étudiants des crédits supplémentaires.

C'est au Québec que les frais de scolarité sont les plus bas au Canada et même en Amérique du Nord. En les doublant, on les ramènerait à peu près au niveau moyen canadien et on générerait des revenus supplémentaires de près de 75 000 000 $. Le conseil estime qu'il s'agirait-Ià d'une action tout à fait légitime. D'une part, en les haussant ainsi, on ne ferait que leur redonner la valeur qu'ils avaient il y a une dizaine d'années, c'est-à-dire vers les années 1975= 1976. D'autre part, il est possible, grâce au système des prêts et bourses, dans sa forme actuelle, de protéger complètement les étudiants les moins bien nantis contre les effets négatifs d'une telle hausse en augmentant la valeur des bourses qui leur soit consenties. Je dis bien: Dans le système actuel tel que conçu, puisque la valeur de la bourse est ajustée au niveau des dépenses que doivent payer les étudiants. Cette précaution permettrait d'éviter qu'une hausse des frais de scolarité se traduise par une baisse de l'accessibilité pour les étudiants les moins favorisés. Son coût serait à peu près égal au tiers des revenus générés. Donc, il faudrait, sur les 75 000 000 $, réserver 25 000 000 $ pour bonifier le système des prêts et bourses.

D'autres sources de financement devraient aussi être mises à contribution. Ainsi, le gouvernement pourrait, par le moyen de mesures fiscales, inciter les particuliers ou les entreprises à participer au financement des universités. Cette mesure, de même qu'une certaine latitude dans la détermination des frais de scolarité, permettrait en outre aux universités d'augmenter leur marge de manoeuvre et de s'adapter plus facilement aux changements dans leur environnement.

Il faut espérer enfin que les frais indirects encourus par les universités lors de l'exécution de projets de recherche seront reconnus et payés à leur juste valeur. C'est souvent le cas lorsque ces projets - ou cela devrait toujours être le cas - sont le résultat de contrats de recherche, mais des progrès sont encore à faire, surtout lorsque les contractants - il faut bien le noter - sont des organismes gouvernementaux. Par contre, aucuns frais indirects ne sont payés lorsque les projets sont financés par des subventions d'organismes tels que les conseils de recherche fédéraux ou les fonds provinciaux tels que FCAR. C'est là une lacune à combler soit directement par ces organismes, soit par un réajustement des bases de financement. C'est là l'essentiel des mesures que nous suggérons à la fin du chapitre ïï

dans le but d'améliorer • la situation financière des universités. Dans le chapitre III, bien entendu, nous traitons de la question plus particulière de l'aide aux étudiants.

Je terminerai en disant que, si le financement constitue actuellement le problème primordial des universités, on ne saurait affirmer que le seul rétablissement d'un niveau plus raisonnable de revenus amènera un fonctionnement optimal de notre réseau universitaire. Le contexte ayant changé, des ajustements sont à faire. C'est ainsi que le régime de croissance qu'ont connu nos universités au cours des dernières années tire à sa fin, que le niveau de financement, même corrigé comme nous le souhaitons, continuera d'être bien inférieur à celui du début de la décennie soixante-dix et que les attentes de la population à l'égard de l'enseignement supérieur se feront de plus en plus précises. La recherche de l'excellence dans cet environnement requiert une gestion plus serrée et une meilleure coordination des activités, comme d'ailleurs un peu partout dans le monde les établissements universitaires le réalisent.

Dans notre quatrième chapitre nous traitons de la gestion interne et nous affirmons qu'une meilleure gestion interne s'avère nécessaire pour donner aux établissements la capacité de faire les choix qui s'imposent, de s'adapter rapidement à des situations changeantes et de répondre à des demandes nouvelles. Elle est également nécessaire si on veut utiliser au mieux les ressources disponibles. Dans cette optique, nous pensons qu'il sera opportun de renforcer l'autorité des gestionnaires, de planifier de mieux en mieux le développement de chaque établissement, de favoriser l'utilisation la plus intelligente possible des personnels en général et des professeurs en particulier -dans ce cas nous suggérons fortement de moduler les tâches des professeurs en fonction de leurs intérêts et de leur capacité en recherche et en enseignement - enfin de rechercher les mesures susceptibles d'amener les étudiants à progresser dans leurs études sans heurts et sans délais inutiles.

La coordination entre les établissements doit aussi être améliorée si l'on veut qu'ils soient en mesure de soutenir la comparaison avec les bonnes universités étrangères.

Inutile de se leurrer, si toutes les universités insistent ou insistaient pour offrir la même gamme étendue de programmes, nous n'aurions pas les moyens de présenter des enseignements de qualité partout. Des choix sont absolument requis et cela dans tous les secteurs si l'on veut éviter la médiocrité. Bien sûr, cela requerra parfois de la part des universités qu'elles repensent leur mission, qu'elles effectuent les choix nécessaires dans leur développement et qu'elles abandonnent des activités d'enseignement ou de recherche pour en consolider d'autres.

Nous ajoutons que cela demande aussi une volonté politique bien affirmée d'accentuer la coordination autant à l'intérieur du réseau universitaire qu'avec les établissements du réseau des collèges. Il faut, à cette fin, des mécanismes qui permettent de concilier les intérêts particuliers et les projets des établissements avec le bilan de l'ensemble et des moyens pour réaliser les opérations nécessaires à la réalisation de cet objectif. À ce sujet, nous recommandions récemment au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science de financer sélectivement le développement des établissements sur la base de leur plan de développement et des priorités du système universitaire. Faut-il ajouter que, dans notre esprit, tous les développements devraient être financés de cette façon, y compris les accroissements de clientèle.

Ces questions de coordination sont traitées plus particulièrement dans le dernier chapitre, le chapitre cinq de notre mémoire.

Alors, vous aurez compris de la lecture de ce bref exposé et de la lecture de notre mémoire que la relance durable de notre réseau universitaire, si nécessaire à notre développement économique et culturel, ne se fera pas sans l'effort concerté des principaux intéressés. Le problème financier doit d'abord être solutionné, ce qui requerra la contribution de plusieurs intervenants dont, nous croyons, les gouvernements et les étudiants. C'est là le problème majeur auquel les établissements doivent répondre par une meilleure gestion et une meilleure coordination de leurs activités dans le but d'en arriver à une utilisation optimale des ressources. C'est à ce prix et à ce prix seulement que le Québec pourra continuer de procurer à ses citoyens un enseignement supérieur de la plus haute qualité.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. L'Écuyer. M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: M. le Président, je remercie le président du Conseil des universités de son exposé. Il a malheureusement dû abréger considérablement la présentation qui avait été préparée pour la commission mais dont nous avons pu prendre connaissance avant la séance d'aujourd'hui.

Je crois qu'il convient de signaler que, dans les travaux que nous faisons au gouvernement sur le développement universitaire, le Conseil des universités joue un rôle très important. De par la loi le Conseil des universités est investi d'un mandat qui est non seulement consultatif au sens très large du terme mais qui est presque fonctionnel aussi. Il y a beaucoup de choses très importantes au sujet desquelles le

gouvernement ne prend pas de décision sans solliciter au préalable l'avis du Conseil des universités. Par exemple, lorsqu'une université veut implanter un nouveau programme, la règle s'est établie suivant laquelle le Conseil des universités est invité à donner son opinion. Je ne crois pas qu'il existe beaucoup d'exemples - il en existe sûrement pas sous le gouvernement actuel -de cas où le Conseil des universités a formulé un avis qui n'ait point été suivi par le gouvernement. (17 h 15)

J'exprime mon appréciation du soin que le Conseil des universités met à étudier les questions qui lui sont soumises. Je veux l'assurer que ses avis seront toujours accueillis par le gouvernement avec beaucoup d'attention, même si nous ne pouvons pas prendre l'engagement de les suivre toujours à la lettre. Il pourrait arriver que les éclairages dont nous disposerons nous invitent a suivre une voie quelque peu différente, mais nous verrons toujours a la justifier. À ce moment-là, je pense que le dialogue peut continuer.

J'apprécie aussi - je l'ai dit à plusieurs reprises depuis quelques années et je voudrais le redire ici - une certaine liberté que le Conseil des universités prend dans l'expression de ses opinions. Parfois, on pourrait souhaiter peut-être que certaines méthodes nouvelles qui sont empruntées aient été davantage vérifiées; certains avis ont provoqué de nombreuses réactions de la part des intéressés. J'aime les risques que le Conseil des universités prend. S'il fallait toujours attendre de nous présenter un produit parfait è 100 %, il y a des choses sur lesquelles on devrait attendre encore dix ans. Il est mieux que le conseil exprime une opinion, quitte à la redresser ensuite à l'aide des réactions qui émanent des différents milieux concernés. Je trouve que cette méthode provoque une dialectique plus intéressante entre, d'un côté, les universités et, d'un autre côté, le Conseil des universités et le ministère. Je vis très bien avec ce genre de dialectique. Je ne voudrais pas que le conseil devienne guindé au point qu'il penserait ne plus devoir exprimer d'opinion à moins qu'elle ne soit assurée d'une perfection inattaquable. La vie se nourrit de débats et de confrontations. Je pense que même les organismes consultatifs ne doivent pas échapper à cette règle. De ce point de vue, je ne suis aucunement embarrassé par certains flottements qui peuvent avoir l'air d'exister à certains moments donnés autour des questions abordées par le conseil. Je pense qu'il est sain que les choses se fassent comme ceci parce que cela nous oblige tous à intervenir dans la discussion.

Je remercie en même temps que le président tous les membres du conseil, tous les collaborateurs qui sont ici également et je les assure de ma vive considération pour le travail qu'ils accomplissent.

Dans le mémoire que le conseil nous a soumis il y a, évidemment, une somme de questions qui mériteraient une discussion de plusieurs heures. Comme nous avons assez peu de temps pour en discuter, je vais essayer d'être bref et de passer à certaines questions qui m'apparaissent centrales dans l'examen que nous faisons.

J'ai remarqué que, dans son mémoire, le conseil porte presque autant d'intérêt à l'examen des qualités qui se rattachent, je dirais, au contenu, à la valeur de l'enseignement, de la formation et de la recherche qui se font dans nos universités qu'aux questions de financement. C'est l'occasion de faire une mise au point qui s'impose. Il ne faudrait pas s'imaginer que, parce qu'on va mettre plus d'argent dans les universités, cela va nécessairement, par une sorte d'effet automatique, rehausser la qualité. Au point où nous en sommes et quand nous parlons de 1 000 000 000 $ par année, nous avons le droit de nous interroger dès maintenant sur la qualité et nous avons le droit de nous assurer que tout effort additionnel qui sera requis de la communauté se traduira par une assurance morale, à tout le moins, qu'il y aura des efforts correspondants du côté de la solution de certains problèmes de fond.

Il y en a beaucoup qui sont soulevés dans le mémoire du Conseil des universités. Je l'apprécie vivement. Je peux vous dire, comme homme politique, que nos chances d'obtenir les redressements que nous souhaitons tous seront d'autant plus grandes que du côté de la qualité et du contenu nous aurons des assurances que toute complaisance sera effacée du paysage ou, du moins, combattue avec vigueur d'abord par les institutions concernées. De ce point de vue-là, je pense que le mémoire du conseil nous ouvre des pistes de recherche que nous explorerons abondamment au cours des semaines à venir.

Je voudrais en venir à quelques questions qu'il m'intéresserait d'adresser au conseil autant sur un aspect que sur l'autre. Je vais commencer par l'aspect du contenu et de la qualité. Vous avez parlé de la tâche de travail du personnel enseignant; il y a des passages intéressants dans votre mémoire la-dessus. D'un côté, le conseil a déjà signalé dans le passé et reconnaît lui-même que le niveau moyen de la tâche d'enseignement qui est attribuée à nos professeurs du réseau universitaire est moins élevé au Québec que dans les autres provinces. Est-ce que je me trompe en croyant avoir compris ceci d'interventions antérieures du conseil et même du mémoire qui a été présenté à la commission?

M. L'Écuyer: La tâche moyenne des

professeurs au Québec, je n'ai pas de chiffre, M. le ministre, à avancer immédiatement, mais nous avons toutes les raisons de croire qu'elle est quelque peu inférieure au Québec par rapport à ce que l'on peut observer ailleurs au Canada et surtout aux États-Unis. Nous avons tout lieu de croire que la tâche est inférieure au Québec.

Actuellement, la tâche moyenne au Québec est quelque peu inférieure à quatre.

M. Nelson (Robert): Si je peux m'exprimer, M. le Président, nous n'avons pas de données pour le Québec. Il n'y a jamais eu d'étude faite sur la tâche au Québec. Les seules données dont nous disposons et que je connaisse portent sur deux universités. Il y en a une de l'Université de Montréal qui, dans toute sa recherche et sa réflexion l'an passé sur son avenir, avait identifié que la tâche moyenne à l'Université de Montréal était de quatre. Il y a aussi le réseau de l'Université du Québec qui maintient des statistiques sur la tâche moyenne, vu que c'est un élément syndiqué. Nous n'avons pas d'autres données. Mais je voudrais attirer l'attention, lorsqu'on discute de tâches d'enseignement, sur la difficulté particulière, qui est comment on la mesure. Quand on la mesure en cours, on la mesure en heures-contact, on la mesure en pourcentage du temps, et c'est très difficile.

Je voudrais vous référer au tableau 13 du mémoire du conseil. Vous avez là, à partir de données que nous avons pu trouver dans un document qui faisait une revue de l'ensemble des questions et des études faites aux États-Unis sur la tâche d'enseignement, quelques données à prendre avec réserve.

Pour le francophone, on est quatre; le Québec, on est cinq à six. On dira au Québec, c'est entre quatre et cinq. Canada, diverses sources, de cinq à six, et États-Unis, une étude de Ladd & Lipset de 1977 à 5,6 %. Je vous réfère cependant à la note, parce qu'elle est importante.

Vous identifiez, dans cette étude, que la moyenne pour les professeurs, qui étaient très engagés en recherche était de 3,7. La moyenne pour les professeurs qui étaient uniquement dans l'enseignement - ils ne font pas d'autre chose que de l'enseignement -est de 8,2.

Ce qu'il faut compendre dans la tâche d'enseignement, c'est la moyenne qu'on obtient pour un réseau. Pour un individu, qu'un individu puisse très bien avoir aucune tâche d'enseignement et le dégager pour de la recherche est très acceptable. Un individu dont l'intérêt est du côté de l'enseignement - c'est ce que toutes les études américaines concluent - c'est que la tâche devrait être en fonction de l'individu.

Mais d'aller à une moyenne de plus de quatre, d'après des calculs que nous avons faits, l'université perd une capacité de recherche vraiment importante.

Quand vous prenez l'étude de Ladd & Lipset aux États-Unis, vous avez la tâche de 8,2, cela comprend aussi les universités, ce qu'on appelle aux États-Unis les "junior colleges". C'est pour ça que je voudrais attirer l'attention là-dessus, parce qu'il faut dire que cette moyenne de 3,7, c'est une moyenne. Le professeur donnant 3,7 cours. C'est la moyenne des professeurs très engagés dans la recherche.

Alors, quand on veut se dégager une capacité de recherche - on pourrait le démontrer dans des études techniques - on ne peut pas dépasser une moyenne de quatre cours par professeur.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: Cela m'étonne d'entendre ces propos, parce que le tableau qu'a cité M. Nelson indique le contraire. Dans l'ensemble du Canada, on a une moyenne de cinq à six. Même au Québec, dans les universités anglophones, la moyenne est de cinq à six et, dans les universités francophones, elle serait de quatre. Est-ce que vous pouvez m'expliquer comment cela se fait?

M. LfÉcuyer: II y a un problème sur cette question. Le problème est le suivant. Si vous pouvez facilement accepter, dans des institutions qui font peu ou pas de recherche, des charges d'enseignement qui dépassent de beaucoup la valeur de quatre, comme on peut voir précédemment. Il est clair qu'une université comme Bishop, par exemple, est une université moins engagée en recherche que McGill, ce qui permet à cette université de demander à ses professeurs des charges de cours supérieures à celles de quatre.

Je pense que la charge moyenne de Bishop est de l'ordre de six ou quelque chose comme ça. Alors, il faut bien comprendre que c'est fortement relié à la mission des établissements.

M. Ryan: Juste une question. Est-ce que vous avez des données pour l'Université McGill et l'Université Concordia?

M. Nelson: Pour l'Université Concordia, lorsque nous les avons rencontrés, ils ont une convention collective qui détermine la charge. Et, la façon dont l'Université Concordia le fait, c'est qu'ils déterminent qu'un professeur doit donner six cours. Cependant, le professeur, pour faire de la recherche, peut obtenir un dégagement de deux cours. Ils partent de six, ils s'en vont à quatre.

Dans les données canadiennes, il faut aussi faire attention. Là-dedans, on n'a pas uniquement les grandes universités. En effet, lorsqu'on pense au Canada, on pense toujours

à l'Université de Toronto, à UBC et tout cela. Entre parenthèses, l'Université Simon Fraser, qui a été fondée dans les années soixante-dix, a une tâche de quatre par professeur comme telle dans la convention. Il faut faire très attention à ces données moyennes. Il faut voir à quoi elles réfèrent, ce que, effectivement, les professeurs font et ce que cela donne. Du côté du Canada anglais, ces données ne sont pas obtenues à partir d'une étude exhaustive; c'est à partir de contacts qui ont été faits auprès d'universités - toutes les universités anglophones mentionnant que la tâche varie d'une faculté à l'autre; elle n'est pas standard dans l'université, elle varie d'une faculté à l'autre - disant: On a l'impression que cela donne cela. Ils n'ont pas de données. Â l'Université de Toronto, ils n'ont pas ces données; à l'Université d'Ottawa, ils n'ont pas, non plus, ces données, selon ce que je sais, comme telles. Alors, il faut prendre cela avec réserve.

M. L'Écuyer: Je voudrais peut-être ajouter une chose. Ce que nous disions tout à l'heure, c'est que, si vous dépassez une moyenne de quatre, vous baissez votre capacité de recherche. Évidemment, la capacité de recherche est basée sur le principe que tous les professeurs sont actifs en recherche, ce qui n'est pas le cas dans la réalité. Cela fait que, lorsque vous commencez à moduler les tâches, vous pouvez augmenter quelque peu votre capacité, parce que vous n'avez, évidemment, jamais une capacité maximale. Mais, cela étant dit, il faut bien comprendre que c'est fortement relié à la mission des établissements. Dans la mesure où cette mission est moins impliquée dans la recherche, vous vous préoccupez moins de la capacité de recherche de l'établissement. Cette question est un peu technique. On pourrait vous le démontrer sur une base.. Je veux dire qu'il y a une relation assez simple qui permet d'établir cela.

M. Ryan: M. le Président, je vais juste conclure sur ce point, parce qu'il y en a une couple d'autres sur lesquels je veux vous interroger. Je pense que nous allons avoir besoin de données plus précises sur ce point. C'est un objet de discussion très important et les explications, que j'appellerais circon-vallatoires, vont devoir se rapprocher du centre. Je pense qu'on est en droit d'exiger des choses plus précises. Si on nous arrive avec des explications vraiment satisfaisantes, j'en serai très heureux. Mais, il faut que vous vous mettiez dans ma position, il faut que j'explique ces choses a mes collègues du gouvernement. Je me demande même si je ne demanderai pas une opinion au Conseil des universités là-dessus, un avis fondé sur des données beaucoup plus précises que celles dont nous avons disposé jusqu'à maintenant. Je ne porte pas de jugement en disant cela; j'exprime simplement l'espèce d'état de flottement dans lequel nous sommes au sujet de cette question.

Autre point, vous parlez du taux d'abandon des études qui serait très élevé au premier cycle. J'aimerais que vous nous disiez sur quelles études vous vous appuyez pour faire cette affirmation. Je veux dire: Quelle ampleur a le phénomène et quelles conséquences cela peut entraîner pour la qualité de l'enseignement universitaire au Québec?

M. L'Écuyer: Pour répondre à cette question, j'irai en deux étapes, si vous voulez. Je dirai, d'abord, que cette question de l'enseignement de premier cycle nous préoccupe beaucoup au conseil et, pour cette raison, nous avons entrepris, au cours de la dernière année, une réflexion sur ce sujet. Nous avons commencé à ramasser quelques données sur la question. Les données que nous vous avons présentées là-dedans sont des données que nous avons compilé nous-mêmes à partir du fichier RECU que vous trouverez dans le tableau 14. Ce ne sont pas des phénomènes d'abandon comme tels; c'est tout simplement une indication du nombre de crédits réussis sur le nombre de crédits postulés au cours des sessions. Alors, évidemment, le fichier REÇU est assez neuf; il ne nous permet pas encore de remonter très loin dans le temps. C'est un fichier qui nous indique les crédits ou les cours auxquels se sont inscrits les étudiants. (17 h 30)

Alors, si vous prenez ces cours à une session et si vous allez voir à la session suivante, vous pouvez observer si le crédit a été réussi ou non. Dans cette optique, nous avons pu déterminer qu'au niveau du baccalauréat, au cours de la première session, il y avait un taux très important de crédits non réussis. Cela ne veut pas dire que ce sont des abandons comme tels, parce qu'il se peut que l'étudiant décide par exemple de s'inscrire à un crédit et qu'il change pour s'inscrire à autre chose au trimestre suivant. Cela n'est pas nécessairement un abandon. Donc, il ne faudrait pas en tirer comme conclusion que c'est un abandon. Nous sommes cependant un peu inquiets quand nous voyons que la moitié des crédits postulés ne sont pas réussis lors de la première session. Il y a quelque chose là que nous voulons continuer à explorer avec l'aide des universités. Certaines universités, d'ailleurs, nous ont manifesté leur intérêt à poursuivre cette exploration, parce que cela les inquiète. Mais nous n'avons pas actuellement de données précises sur le taux d'abandon au cours des études, sauf dans certains cas particuliers.

Le Président (M. Parent; Sauvé): Allez, madame.

Mme Perron (Madeleine): Ce qu'on peut ajouter, c'est que, dans le cadre d'une étude sectorielle, on a commencé à ramasser des données. Il y a au moins deux universités qui ont eu la gentillesse de nous ouvrir leurs livres, Laval et l'UQAM. Vous pourriez peut-être avoir des informations plus précises si elles se présentent. Ce qu'on peut savoir de ce que j'ai vu chiffré, c'est qu'en termes d'abandon de programmes, c'est-à-dire quand on prend les étudiants une année précise et qu'on regarde après X années où ils sont rendus, on a des indications précises à savoir que, pour la plupart des programmes, presque un sur deux n'était pas là. L'étude pour savoir s'ils ont changé de programme n'est pas faite. Mais il y avait des indications très nettes du taux d'abandon du programme qui allait presque à 50 %.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame.

M. Ryan: Une autre question. Un phénomène majeur de l'évolution récente des clientèles, c'est la présence de plus en plus importante des étudiants qui ont dépassé l'âge de 25 ans; deuxièmement, la proportion beaucoup plus forte au Québec d'étudiants qui sont inscrits à des programmes de formation courte. Est-ce que vous pourriez nous dire un peu les implications de cela pour le développement de notre réseau universitaire et les conséquences que cela entraîne pour les problèmes de financement également et, s'il y a lieu, les problèmes que cela représente pour le développement du réseau universitaire?

M. L'Écuyer: C'est une question assez vaste que vous soulevez. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'on a un peu plus de la moitié des étudiants, en nombre de têtes de pipe, qui sont des étudiants à temps partiel, pour la plupart des étudiants adultes. Au conseil, nous avons confié une première étude à un comité qui est arrivé avec un rapport assez sévère que nous avons soumis à la consultation. À la suite de cette consultation, le conseil en est venu à adopter une position beaucoup plus nuancée vis-à-vis de la question de la formation courte. Il nous paraît que, dans l'ensemble, il s'agit là d'un mode de formation qui est bien adapté aux besoins de ces étudiants qui sont, pour la plupart, sur le marché du travail. Évidemment, cela a des conséquences considérables sur l'évolution de nos universités dans la mesure où l'intégration de ces étudiants adultes ne se fait pas de la même façon dans tous les établissements. Elle ne touche pas tous les secteurs. Elle a eu tendance, bien sûr, à causer des distorsions dans certains cas. Chose certaine, on ne peut affirmer - nous le disions dans l'avis que nous avons formulé sur la formation courte - que ce type de programmes soit complètement intégré dans tous les établissements.

Certains établissements - on peut penser, par exemple, au réseau de l'Université du Québec - ont certainement plus immédiatement réagi, se sont adaptés plus rapidement à ce type de clientèle. Par contre, dans d'autres universités, plus particulièrement dans les vieilles universités qui avaient des traditions de recherche et autres, cela a pris plus de temps, quoique la situation soit quand même très variable d'une université à l'autre. Il reste que cela pose des problèmes particuliers en termes d'organisation des cours. La plupart des étudiants adultes ne peuvent pas se présenter régulièrement le matin ou l'après-midi. Donc, il faut prévoir des cours à des moments particuliers.

En termes d'accès aux locaux et aux ressources, il faut bien reconnaître que les étudiants adultes sont défavorisés. Dans certains cas, par exemple, les restrictions budgétaires ont eu pour effet de réduire les heures de bibliothèque, de réduire l'accès à certains types de laboratoires ou d'équipements. On a aussi très souvent, étant donné que ce sont des activités qui se sont développées généralement plus tardivement que d'autres, eu recours largement à des chargés de cours. Ce n'est pas mauvais en soi, ce n'est pas parce qu'un chargé de cours est nécessairement un plus mauvais enseignant, c'est simplement que la continuité est nettement plus difficile à assurer avec un enseignement à forte majorité de chargés de cours, c'est-à-dire les ajustements aux programmes, la refonte des programmes, etc.

L'intégration se fait plus ou moins, suivant les universités. Elle pose des problèmes particuliers que chaque institution a tendance à résoudre un peu de la meilleure façon possible. Évidemment il y a encore beaucoup de problèmes. En termes de financement - vous posiez la question en ces termes-là - le développement des programmes courts a certainement taxé fortement les ressources des universités au moment où elles étaient habituellement, dans l'ensemble, en décroissance de clientèles. Donc, il y a eu un effet un peu négatif sur les programmes réguliers dans ce sens-la bien précis, seulement en ce sens que les augmentations de clientèles ont dû être financées et souvent ces augmentations se sont faites du côté des programmes courts ou du côté des clientèles adultes. Elles ont été financées par des ponctions dans l'enveloppe des universités, au début, en particulier fin des années soixante-dix et début des années quatre-vingt.

II faut dire cependant, pour bien préciser tout cela, qu'à notre avis c'est un courant majeur auquel les universités doivent s'adapter. Les prévisions, aux États-Unis, sont de même nature que chez nous. Elles nous indiquent que de plus en plus les universités américaines font face aux mêmes phénomènes. On prévoit que d'ici le début des années quatre-vingt-dix, je pense que c'est la Carnegie Foundation aux États-Unis qui prévoyait que les universités américaines verraient à peu près la moitié de leurs clientèles à temps partiel elles aussi. Donc, c'est une tendance nettement inscrite dans l'évolution des universités, mais qui leur cause des problèmes très sérieux, surtout lorsque vous avez des universités avec de longues traditions de recherche, avec un enseignement de premier cycle essentiellement centré sur l'étudiant à temps complet.

M. Ryan: Une dernière question sur les sources de financement. Dans les positions que vous avez prises au cours de la dernière année, à trois reprises au moins vous êtes revenus avec l'idée d'une augmentation des frais de scolarité: dans l'avis que vous aviez exprimé sur le cadre de financement 1985-1986, dans l'avis que vous avez exprimé sur le financement 1986-1987 et aujourd'hui dans le mémoire que vous avez communiqué à la commission parlementaire. Il y aurait deux questions que je voudrais vous poser là-dessus. Premièrement, par quel cheminement en êtes-vous arrivés là?

M. L'Écuyer: J'ai mal compris votre question.

M. Ryan: Premièrement, par quel cheminement en êtes-vous arrivés à cette conclusion, que vous avez réitérée à trois reprises au cours des huit derniers mois? Deuxièmement, est-ce que vous ne craignez pas qu'une hausse des frais de scolarité aussi substantielle que celle que vous proposez ait des effets négatifs sur l'accès à l'université, surtout pour les personnes des milieux populaires?

M. L'Écuyer: Quel cheminement nous a amenés là? Il faut dire que c'est une question que l'on se pose depuis déjà un bon moment au conseil, je dirais depuis presque le début des années quatre-vingt, où on envisage cette question-là. Ce qui nous préoccupe au conseil ce n'est pas la question des frais de scolarité, il faut bien commencer par le dire. Ce qui nous préoccupe d'abord et avant tout, c'est le niveau des ressources des universités. C'est la question qui nous paraît fondamentale et la plus préoccupante. Quand on compare avec ce qu'on voit, cela fait longtemps qu'on sait que, par rapport aux États-Unis par exemple, nos universités, surtout nos universités de recherche les plu9 performantes, n'ont pas un niveau de ressources adéquat, et depuis quelques années c'est avec l'Ontario que la situation est particulièrement grave. Le conseil qui est formé, comme vous le savez, de gens du milieu universitaire mais aussi de gens du milieu socio-économique - il y a même des étudiants sur notre conseil, il y a des gens du gouvernement sur le conseil, des fonctionnaires s'entend - a cherché des solutions qui pourraient permettre aux universités d'obtenir un niveau plus adéquat de financement. Nous faisons l'hypothèse ou nous avons fait l'hypothèse que les gouvernements ne s'en prenaient pas aux universités et qu'ils avaient des problèmes de financement eux-mêmes. Ils cherchaient à réduire leurs dépenses, ce qui nous est apparu assez net et assez clair au cours des dernières années.

En ce sens, nous en sommes venus à la conclusion que, si on continuait de se fier presque exclusivement - à l'heure actuelle, les frais de scolarité représentent quoi, 6 %, à peu près du budget - uniquement aux ressources gouvernementales, cela nous causerait des problèmes, cela risquait de continuer à causer des problèmes sérieux aux universités dans la mesure où on ne peut jamais prévoir d'une année à l'autre si la situation n'empirera pas ou si le gouvernement ne sera pas tenté de faire des coupures ou autres.

Dans ce contexte, nous avons regardé la situation au Québec et nous avons tenté d'évaluer quel était l'effort qu'on demandait aux étudiants au Québec par rapport à ce qui était demandé dans d'autres provinces canadiennes ou dans les États américains. Nous en sommes venus à la conclusion, comme vous pouvez le voir - je pense que c'est dans un des tableaux au début - que les frais de scolarité sont non seulement très bas au Québec, mais ils sont les plus bas en Amérique du Nord. Dans ce contexte, nous avons pensé que ce n'était pas déraisonnable de demander aux étudiants qui sont les premiers touchés, les premiers concernés, de contribuer un peu plus adéquatement ou, en tout cas, un peu plus fortement - adéquatement, ce n'est peut-être pas le bon mot - à leurs études.

Évidemment, nous sommes conscients des effets néfastes sur les étudiants désavantagés. Nous sommes préoccupés par la question et c'est la raison pour laquelle, lorsque nous avons fait la recommandation de hausser les frais de scolarité, nous avons, dans la même recommandation ou immédiatement après, indiqué qu'il nous paraissait très important de protéger les étudiants les moins favorisés. Ce serait grave si ce n'était pas de ce type. La façon de le réaliser, c'est en utilisant, nous semble-t-il en tout cas, le système de prêts et bourses dans son organisation actuelle, dans sa

philosophie actuelle, si vous voulez. Le système de prêt et bourses, comme vous le savez, on accorde d'abord un prêt; ensuite, on accorde une bourse aux étudiants qui sont les moins nantis et la valeur de la bourse est ajustée en fonction des dépenses que doit avoir l'étudiant.

Déjà, nous avons au Québec des étudiants qui doivent aller à l'étranger pour faire des études qui n'existent pas au Québec. Par exemple, en chiropractie. Ces étudiants, lorsqu'ils vont à l'étranger, ont des frais de scolarité nettement plus élevés que ce que nous avons au Québec et, quand ils ont droit à une bourse, on leur accorde une bourse nettement plus élevée pour couvrir la différence des frais de scolarité.

Cette situation existe déjà et le système de prêts et bourses est conçu pour répondre à des besoins de ce type. Dans ce contexte, nous pensons que si on retient de l'argent qui est généré par les frais de scolarité le montant nécessaire pour permettre au système de prêts-bourses de fonctionner, à ce moment, dans ce contexte, nous croyons qu'il est possible de protéger entièrement les étudiants défavorisés contre une hausse des frais de scolarité. C'est la raison pour laquelle nous avons recommandé cette chose, cette augmentation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Y a-t-il d'autres interventions?

M. Nelson: Je voudrais peut-être ajouter, sur la question des frais de scolarité, par une demande...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.

M. Nelson: ...de curiosité au ministère de l'Éducation. La recommandation du conseil est de lier à 15 % - on pourrait peut-être discuter du pourcentage utilisé - les frais de scolarité au coût des études comme d'ailleurs d'autres recommandations qui ont été faites à des niveaux plus élevés. En tout cas, personnellement, je serais curieux de savoir si on fait le calcul... On connaît le résultat global de ce que cela va donner 15 %, mais il serait intéressant de voir par discipline, avec les données du ministère que je n'ai pas - les seules que j'ai en mains sont celles de 1981-1982 - si on appliquait un pourcentage x, cela donnerait quoi comme frais de scolarité par discipline? Je pense qu'on aurait quelques surprises. J'ai même un cas en tête où je ne suis pas certain que cela donne même une augmentation à 15 %. C'est sous toute réserve. Ces données, on ne les a pas. (17 h 45)

Une deuxième chose que je voudrais ajouter concernant les frais de scolarité, c'est qu'aussi les frais de scolarité ont été gelés en 1969 comme cela et sont très différents d'une université à l'autre. Même sans parler d'augmentation générale, si on veut fixer un pourcentage à 6 %, 7 %, 10 %, 15 % du coût des études, il serait peut-être intéressant au moins qu'il y ait une certaine équité dans la province. Pourquoi un étudiant qui va dans une université avec un même niveau de ressources que dans une autre va-t-il payer plus cher ou moins cher? J'ai l'impression qu'il faut regarder aussi parce que le gel des frais de scolarité dans la province de Québec a produit une situation qui est fort curieuse où pour les mêmes études, dans un endroit, vous payez tel prix et, dans un autre endroit, vous payez tel autre prix. Je me dis que, même si on ne parle pas... Parce que la préoccupation du conseil n'était pas d'augmenter les frais de scolarité mais d'assurer un niveau adéquat de ressources, j'en profite pour ajouter deux commentaires. On pourrait au moins regarder du côté des frais de scolarité pour voir ce que cela donnerait - je veux dire des hausses - et quels seraient les impacts dans les différentes universités?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur, de votre intervention. D'autres interventions?

M. Ryan: Cette question n'est pas une question très difficile. On a ces données, évidemment. On a les données pour chaque université sur les montants qui sont demandés dans chaque département, école ou faculté. Il y a beaucoup de calculs qui ont été faits à propos du régime de bourses autant qu'à propos des frais de scolarité et pas seulement depuis deux mois, mais depuis un bon bout de temps. On a beaucoup d'hypothèses qui peuvent être chiffrées assez rapidement. Si cela peut vous être utile, on vous enverra cela. D'ailleurs, dans les annuaires des universités, on a déjà tous les renseignements de base qu'il faut.

M. Nelson: M. le ministre, je m'excuse, c'est surtout le pourcentage sur le coût.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est tout, M. le ministre? Mme la députée de Chicoutimi.

Je vous ferai remarquer, par exemple, étant donné les règles, les ententes pour le partage du temps qu'il reste cinq minutes au parti ministériel. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer le président du Conseil des universités ainsi que les personnes qui l'accompagnent.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire au président, mais je me permets de le rappeler ici: le mémoire que vous avez présenté est,

je dirais, d'une haute tenue et constitue, pour certains de ces éléments, sûrement un document de référence important. Je pense et je suis de l'avis du ministre qu'on ne peut se passer au Québec d'un organisme consultatif de cette envergure qui joue un rôle aussi important.

Le Conseil des universités a déjà, depuis plusieurs années, pour ne pas dire depuis sa création, joué précisément des rôles d'évaluation, de concertation, de conseil évidemment et de coordination. À cet égard, je pense qu'on devrait peut-être modifier le rôle de certains organismes consultatifs pour qu'ils se situent davantage dans la perspective et dans les orientations du mandat du Conseil des universités.

Si vous me permettez, comme vous faites assez longuement état de ce que devrait être la mission des universités et que vous êtes revenus dans un chapitre sur cette question, j'aimerais avoir un peu plus d'éclaircissements. Cela touche le chapitre sur la coordination et la spécialisation. J'ai eu l'occasion de voir un avis que vous déposiez antérieurement. C'est un peu moins précis dans l'avis que vous nous présentez. Cela l'était peut-être un peu plus dans votre brève présentation. Sur cela, j'aimerais quand même que vous nous éclairiez un peu par rapport à la vision qu'a le Conseil des universités sur cette question.

Dans un avis précédent, vous distinguez trois types d'universités: les grandes universités de recherche, qui étaient McGîll, Montréal et Laval; les universités à accessibilité générale, qui étaient Concordia et l'UQAM, et les autres, c'est-à-dire les universités en régions, vraisemblablement pour les spécialiser dans certaines domaines. J'aimerais avoir votre opinion sur cela et l'état de vos réflexions.

M. L'Écuyer: Alors, comme vous le signalez, nous traitons de cette question dans le chapitre 5 lorsque nous parlons de la mission des établissements. Ce que nous disons, au Conseil des universités, c'est que tous les établissements pour toutes sortes de raisons ne peuvent prétendre aux mêmes missions à l'intérieur d'un réseau. Nous pensons qu'il est souhaitable qu'il y ait une certaine forme de spécialisation, mais j'entendrais "spécialisation" dans un sens très large, c'est-à-dire une certaine forme de détermination de ce qui peut être la mission d'un établissement.

Dans notre mémoire, on donne quelques exemples de réflexions sur ce que peut être l'établissement. Comme vous le signalez, il y a, évidemment, les grandes universités de recherche. Il y a aux États-Unis, et même au Québec avec Bishop, des universités qui ont décidé qu'elles, leur mission fondamentale, ce serait au premier cycle, ce qui n'exclut pas qu'elles aient une certaine implication, forcément plus limitée lorsque l'envergure de l'établissement est faible. Cela n'exclut donc pas qu'il y ait une certaine implication aux cycles supérieurs, mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il y a des établissements aussi bien au Québec qu'aux États-Unis qui ont choisi de concentrer leurs activités de formation au premier cycle. Cela est une possibilité qui existe et qu'on ne retrouve pas beaucoup dans le réseau francophone. On pourrait imaginer qu'une université décide que dans l'avenir l'essentiel de ses programmes sera au premier cycle. On le retrouve dans une certaine mesure au niveau des petites universités en régions, bien sûr. Ce qui est peut-être ma préoccupation ici - là, je m'exprime plus spécialement pour préciser un peu cette question - c'est qu'on pourrait imaginer, en tout cas, que certains de nos établissements se donnent comme mission fondamentale le premier cycle. Cela ne veut pas dire qu'elles ne feront pas de recherche. Il est tout à fait possible de continuer à faire de la recherche. Cela ne veut pas dire qu'elles seront des gros cégeps. Je vous écoutais tout à l'heure. Ce n'est pas cela, la question. D'ailleurs, vous avez des exemples frappants de cette situation aux États-Unis. Il y a quelques-uns des collèges ou de ce qu'on appelle les collèges aux États-Unis, mais qui sont en réalité des universités de premier cycle, qui sont parmi les plus prestigieuses institutions aux États-Unis, des collèges comme Swarthmore, Amherst, William and Mary, etc. Ce sont des institutions de grande classe et ce sont ces institutions qui, actuellement, ont les taux d'accès aux études supérieures dans d'autres universités parmi les plus élevés aux États-Unis. C'est donc quelque chose d'extrêmement important quand on parle des missions des établissements. Il faut penser qu'il est possible aux établissements d'avoir des missions différenciées - c'est peut-être le mot - plutôt que spécialisées. Nous parlons plutôt de différenciation. Dans ce sens-là nous souhaitons que les universités continuent, parce que cet effort est déjà entrepris dans différents endroits, de penser en termes de différenciation, en termes de mission plus spécifique ou en termes de créneau qu'elles peuvent occuper.

Les principaux développements - et là-dessus pas mal de travail a été fait aux États-Unis au cours des dernières années, parce que les universités américaines ont été soumises à des pressions très fortes pour aller dans ce sens-là - les développements les plus intéressants proviennent d'universités qui ont choisi de se donner des créneaux très précis. Un bon exemple: l'Université du Québec faisait venir l'an dernier un expert de l'Université Carnegie-Mellon, qui a connu un développement extrêmement intéressant en limitant ses secteurs d'activité, mais en

se concentrant vraiment au maximum sur ce qu'elle pouvait faire. Vous en avez toute une gamme. C'est dans ce sens-là que nous pensons que cette réflexion n'est pas menée assez loin au Québec, qu'il y a de la place pour continuer cela, pour préciser les plans de développement.

Je dois vous dire très franchement que ce type de réflexion, il ne faut pas l'arrêter ou, en tout cas, s'arrêter uniquement sur ce que j'appellerais des espèces d'idées préétablies qu'il faut absolument que toute université ou que tout secteur d'activité dans l'université aille nécessairement aux études avancées, à la recherche, etc. Forcément, l'activité de recherche peut être poursuivie, il n'est pas nécessaire qu'elle soit toujours poursuivie à l'institution même. Le développement aux études avancées, c'est déjà autre chose dans cette perspective. Un développement aux études avancées, cela suppose non seulement que vous avez quelques chercheurs, mais cela suppose que vous êtes capables de procurer un environnement. Forcément, dans ce contexte, il est clair que des petites institutions en régions n'ont pas la capacité dans tous les secteurs d'intervenir efficacement.

De la même façon, si toutes les universités urbaines voulaient être tout à fait identiques, je pense qu'on perdrait notre temps. On aurait des dédoublements inutiles.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Madame.

Mme Blackburn: M. le Président, j'irai probablement trop loin si j'essaie de traduire votre pensée, j'aimerais mieux que vous le fassiez pour nous.

Vous parlez de Bishop. Ce n'est pas tout à fait la même situation que les universités en régions. Choisir des créneaux -je vous fais part de mon inquiétude - pour les universités en régions, c'est limiter -pour l'enseignement du premier cycle, si j'ai bien compris - l'accès des résidents dans ces régions et des étudiants dans ces régions si on limite le nombre de programmes. On sait déjà qu'ils sont relativement limités, mais ils sont quand même acceptables, compte tenu de la taille et des clientèles de ces régions.

J'aimerais comprendre votre pensée quand vous dites également qu'il est possible de faire de la recherche sans avoir des programmes d'études avancées de deuxième et de troisième cycle. J'ai toujours pensé que la présence d'étudiants aux deuxième et troisième cycles était importante en matière de recherches.

Alors, pourriez-vous nous dire: si aujourd'hui, ce que vous nous avancez s'appliquait, cela ressemblerait à quoi, l'Université du Québec à Rimouski, à Chicoutimi, à Trois-Rivières et à Hull, en particulier? Parce que pour les grandes, de toute façon, je pense qu'il y a moyen, à Montréal par exemple, peut-être, dans certains programmes, de spécialiser. Brièvement, ensuite, je reviendrai à quelques autres questions.

M. L'Écuyer: II y a deux aspects à la question. D'abord, concernant la question de limiter l'accessibilité, je pense qu'il faut nuancer cette question. On peut effectivement dans certains cas être amené à limiter l'accessibilité. Maintenant, je vous retourne la question: Est-ce qu'on limite l'accessibilité en limitant le nombre de programmes de médecine, de médecine vétérinaire, de foresterie, d'agriculture?

Ce sont des programmes extrêmement coûteux. Lorsqu'on veut mettre ces programmes sur pied, il est évident qu'on doit faire des choix. Au Québec, par exemple, on a déjà deux Facultés d'agriculture, pour prendre cet exemple. En Ontario, vous en avez une, une seule pour tout l'Ontario.

Est-ce qu'on conçoit qu'on limite l'accessibilité? Je ne sais pas. Je dirais que si vous êtes intéressé à développer vos aptitudes et à vous donner une formation, évidemment, ça suppose que vous allez faire les efforts pour vous déplacer et aller là. Vous savez, la définition d'accessibilité, c'est une définition qui est assez extensible. Nous avons toujours dit au conseil que, jusqu'à un certain point, il fallait peut-être se référer à la définition ontarienne qui nous paraissait plus "opérationalisable", à savoir que toute personne qui le désire dans cette province doit pouvoir avoir accès à un programme dans une université, mais pas nécessairement dans le programme de son premier choix et pas nécessairement à l'université de son premier choix.

Je pense qu'on a un peu cette situation actuellement au Québec. Évidemment, c'est une question de ressources et on a optimisé nos ressources. Idéalement, je suis d'accord qu'on devrait avoir des universités dans tous les endroits, mais vous n'êtes pas capables, avec les ressources qu'on a, de faire ce genre de choses.

Mme Blackburn: M. le Président, actuellement, on a des universités dans toutes les régions. Pourriez-vous me dire, selon le rapport que j'ai en main et selon ce que vous préconisez, ce que cela pourrait représenter dans les universités en région? C'est là ma question.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président, avant que vous répondiez, parce que cela peut être très long, j'informe la commission que j'ai le consentement des deux partis pour poursuivre nos travaux au-delà de 18 heures. M. le président, je vous remets la parole.

Mme Blackburn: Si vous me permettez, M» le Président, peut-être brièvement, parce que j'ai aussi quelques autres points importants et je ne voudrais pas mettre l'accent ou tout mon temps exclusivement sur cette question.

M. L'Écuyer: Écoutez, nous n'avons pas dit que la situation devrait être radicalement différente. Ce que nous souhaitons, c'est que les universités pensent elles-mêmes à leur mission et qu'elles définissent en fonction de leurs capacités, en fonction de leurs intérêts et en fonction des intérêts de leur région, quel est le créneau qu'elles peuvent le plus facilement occuper.

On est tout à fait d'accord, par exemple, pour que Rimouski développe l'océanographie; je pense que le conseil a déjà accepté, et même recommandé au ministre l'octroi d'un programme de doctorat. Si, par contre, Rimouski arrivait, demain matin, et nous demandait d'ouvrir une faculté de médecine dentaire ou un programme d'ingénierie, on serait probablement beaucoup plus hésitant.

Mme Blackburn: Je vais revenir un peu sur la question qui a été abordée par le ministre, celle des frais de scolarité. Je retrouve dans votre mémoire une affirmation qui m'étonne toujours. C'est en bas de la page 27: "Dans son avis sur les orientations du financement universitaire, le conseil signalait - il parle d'un avis précédent - qu'il était possible de justifier une augmentation des frais de scolarité du simple point de vue de l'équité sociale. Se basant sur une étude de Lemelin, corroborée d'ailleurs par des études semblables ailleurs, il concluait au caractère régressif du financement actuel des universités, les citoyens les moins favorisés en retirant moins que ce qu'ils ne mettent? C'est connu. (18 heures)

Cependant, ce qui m'étonne, une fois cette constatation faite, c'est que l'on conclue: consacrons la situation. Augmenter les frais de scolarité, à mon avis, c'est consacrer une situation d'inégalité. Est-ce que vous connaissez des études ou des recherches qui auraient été faites en vue, non pas de... Une fois la constatation faite, est-ce qu'on s'est interrogé, dans les universités, sur la façon de renverser cette tendance? II me semble que, lorsqu'on est une université et qu'on a des préoccupations d'équité et de développement social, c'est une question que l'on devrait se poser, une fois ces constatations faites. C'est pour vous dire que ma question se pose tout à fait à l'inverse de celles que les autres avancent. Est-ce que vous avez connaissance de...

M. L'Écuyer: Si je comprends bien votre question, vous souhaiteriez que les universités fassent un plus grand effort pour recruter des clientèles de milieux... en tout cas, pour aider les gens des milieux qui fréquentent moins naturellement l'université. C'était un peu cela, votre question?

Mme Blackburn: Cela pourrait être aussi cela, mais je me demandais si l'on a identifié un certain de nombre de moyens. Est-ce qu'on a fait des recherches pour savoir quelles pourraient être les façons de corriger cette tendance, je le rappelle?

M. L'Écuyer: Écoutez, sur ce plan, il y a deux façons de répondre assez rapidement, je pense. Si l'on s'en tient à la composition actuelle de la clientèle des universités, à ce moment-là, sur le strict plan financier, la façon de le faire, c'est d'augmenter les frais de scolarité et d'augmenter les bourses aux étudiants. Cela renverse la tendance. C'est la façon de le faire. C'est cela, fondamentalement, la question. Si vous augmentez les frais de scolarité, il faut augmenter les bourses et donner des bourses généreuses aux étudiants moins favorisés. De cette façon, vous renversez la tendance parce que vous faites porter une plus grande partie du coût du financement des universités par les étudiants qui en ont les moyens, donc qui sont issus de milieux plus favorisés.

Vous pourriez aller en sens inverse et dire: Les universités ne recrutent pas assez dans les milieux non favorisés. Là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est une question qui est extrêmement pertinente, qui est difficile. Il faut bien reconnaître que nos universités, au Québec, ont été relativement un peu absentes de ces préoccupations. En tout cas, quand on les compare à certaines universités américaines qui ont des programmes spécialement destinés à des étudiants de milieux défavorisés... En Californie, par exemple, vous rencontrez fréquemment des universités qui ont des programmes spécialement destinés aux Hispano-Américains qui ne forment habituellement pas une clientèle qui vient le plus facilement à l'université. Sur ce plan, il y a des efforts à faire de la part de nos universités, je suis d'accord.

Mme Blackburn: Quand vous nous dites qu'une des façons de renverser la tendance, si l'on augmente les frais de scolarité, c'est d'augmenter les bourses. On sait que cette tendance est là, alors qu'il y a les frais de scolarité qu'on connaît et les bourses qu'on connaît. Je ne crois pas que cela ait comme effet de renverser la tendance. Vous me permettez...

Pour aborder une autre question, je pense que vous vous êtes assez bien exprimé là-dessus, c'est-à-dire que vous envisagez une augmentation, un dégel des frais de scolarité, dans la mesure où et parce que le gouverne-

ment ne semble pas vouloir en mettre plus.

Par ailleurs, vous indiquez dans votre mémoire qu'il faut poursuivre les efforts pour accroître le degré de scolarisation et diplômation de la population québécoise, particulièrement francophone. Vous nous avez indiqué un moyen que je trouverais intéressant d'aborder ici. Est-ce que vous avez pensé à d'autres moyens?

M. L'Écuyer: Si nous avons tenu ce langage, c'est que l'on considère que le gouvernement doit continuer de faire des efforts. Il doit soutenir le degré de scolarisation. D'autant plus qu'on entend quelquefois, malheureusement, des gens nous dire: Vous savez, on devrait contingenter plus les programmes et on devrait mettre des barrières à l'admission à l'université. Nous croyons que c'est aller contre toutes les tendances présentes et que c'est dangereux pour l'évolution même de notre société.

C'est dans ce sens que nous disons: La solution au problème des universités ne réside pas dans un contingentement accru ou dans des barrières plus grandes à l'accès à l'université. Sur ce plan, nous sommes tout à fait d'accord. C'est pourquoi nous souhaiterions que, même si on augmente les frais de scolarité, par exemple, toute la publicité soit donnée à des augmentations équivalentes des bourses, de façon que les étudiants sachent que, même s'ils sont démunis, ils ne seront pas touchés.

Mme Blackburn: Bien. Vous savez, M. le Président, que, selon une étude déposée, je pense, à la fin de 1970, il était démontré que plus vous étiez scolarisé, plus vous étiez informé de l'existence de l'aide financière aux étudiants et, moins vous étiez scolarisé, moins vous en étiez informé. On peut penser qu'il y a un rapport.

Pour revenir à la question du financement, le conseil a largement fait état que la formule historique a généré au cours des années un certain nombre d'inéquités. Vous suggérez l'ajustement des bases de financement et vous indiquez quelques paramètres, mais ce n'est pas très détaillé. Je me demandais si la formule de 1984, à la faveur des indicateurs de ce que vous appelez "RECU" ou "RECU" - je ne sais trop - serait susceptible d'être accueillie un peu plus favorablement.

M. L'Écuyer: En 1984, il y avait un problème de base que nous avions identifié par le biais de nos études sectorielles. Nous avions un problème dans le taux de comptage des étudiants. Ce problème, avec RECU, n'existe plus ou est en voie d'être résorbé. Donc, il devrait maintenant être possible d'arriver à une entente sur une base de financement ou de répartition qui soit acceptable à l'ensemble. Nous sommes tout à fait d'accord qu'il faut changer cette chose. Mais, tout de même, avant qu'une nouvelle formule soit établie, je pense que cela devrait être établi en tenant compte autant que possible des points de vue de chacun des intervenants.

J'ai pu constater, à la lecture de certains mémoires, que des consensus se dégagent et je pense que cela ne devrait pas être une opération si difficile. Mais ce n'est quand même pas très facile, techniquement, d'identifier exactement qui fait quoi. Tout le monde s'entend sur les grands paramètres. Là où cela commence à diverger, c'est quand on commence à mettre des pondérations, car cela représente des sous. Dans le contexte présent, il faut bien remarquer que les universités sont dans un tel état de tension financière qu'il est extrêmement difficile de dégager des consensus s'il n'y a pas, à tout le moins, promesse que le rétablissement se fera sans prélever dans les bases des autres.

Mme Blackburn: Vous avez réfléchi quand même, j'imagine, et vous avez examiné là-dessus des hypothèses de formules. Est-ce que vous pouvez nous en parler brièvement, avec les paramètres?

M. L'Écuyer: Nous avons indiqué les principaux paramètres qui devraient être pris en considération et nous avons mentionné l'importance de la recherche, des études avancées. Nous étions d'accord avec les secteurs. Nous avons parlé de facteurs de taille ou d'éloignement combinés ou ensemble. On peut retrouver un certain nombre de ces facteurs dans nos avis antérieurs, mais nous n'avons jamais mis de pondération là-dessus de façon très précise.

Je pense qu'on ne pourrait pas présentement, au nom du conseil, en dire plus. Si on nous demande un avis à ce sujet, nous le donnerons avec grand plaisir.

Mme Blackburn: Un volet touche la gestion. En page 38, vous nous indiquez quelques redressements nécessaires. Cela se poursuit à la page 39 où vous dites: "À ce sujet, le conseil juge très important que les conseils d'administration, à qui les recteurs doivent d'abord rendre compte, disposent d'une représentation socio-économique équilibrée, forte et capable d'aider les dirigeants dans les choix et les décisions qu'ils auront à prendre".

J'aimerais que vous expliquiez un peu ce qui constitue pour vous une représentation socio-économique forte et quelle serait la place des intervenants, des professeurs, des étudiants et des autres administrateurs au sein de ce conseil mieux en mesure, semble-t-il, selon vous, de prendre des décisions.

M. L'Écuyer: Nous avons, sur ce point-là, parlé d'une chose, à volonté d'ailleurs.

Les conseils d'administration pensent qu'il est utile qu'il y ait une représentation socio-économique forte et cela, pour deux raisons. D'abord, parce que l'université, où qu'elle soit, doit être en symbiose avec les besoins de sa région, de la société qui la soutient. Dans ce contexte-là, nous pensons qu'il est très important que les socio-économiques, d'une façon ou d'une autre, puissent faire entendre leur voix de façon organisée et bien claire. Donc, le fait que vous ayez des socio-économiques à un conseil d'administration, cela nous apparaît, dans une certaine mesure, une garantie que la région pourra faire entendre sa voix auprès de l'université en question. Cela existe déjà. Il y a des universités où cela se fait très bien et d'autres où cela se fait moins bien.

Il y a une deuxième raison à cela et c'est à cela que nous référons un peu plus. C'est que les socio-économiques, dans un conseil d'administration, sont, quelquefois, pas toujours, les personnes les moins en conflit d'intérêts. C'est clair que dans certaines circonstances, lorsque vous avez des décisions difficiles à prendre - et cela existe et cela va continuer d'exister et cela va être sans doute de plus en plus, je dirais, fréquent dans un contexte où vous avez des réajustements à faire - il est important que ces gens-là puissent faire entendre leur voix. Cela ne veut pas dire qu'ils doivent avoir nécessairement la voix prépondérante. La question n'est pas là. Mais notre préoccupation, c'est qu'il y ait des gens au conseil d'administration qui puissent faire entendre une voix qui ne soit pas nécessairement une voix en conflit d'intérêts. Il faut quand même réaliser que, dans certaines de nos universités, c'est une condition qui est un peu difficile à remplir actuellement.

Mme Blackburn: M. le Président...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: C'est que j'ai foi comme vous aux socio-économiques pour avoir siégé à ce titre à différents organismes consultatifs. Je suis cependant plus inquiète lorsque je vois certaines nominations à des conseils d'administration dans une université que je ne nommerai pas où les quatre derniers socio-économiques qui ont été choisis viennent de la grande entreprise ou du monde des affaires. Dans cette perspective, vous me permettrez de ne pas tout à fait et entièrement partager votre vision des choses.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président.

M. L'Écuyer: Je voudrais peut-être ajouter un point. C'est qu'il faut bien comprendre que dans le milieu universitaire le conseil d'administration a une fonction différente de la commission des études ou même du sénat. Le conseil d'administration est quand même un organisme important, est même un organisme très impartant, mais ce n'est généralement pas le conseil d'administration, par exemple, qui a la voix principale en ce qui concerne l'évolution des programmes, les orientations générales des universités. Il faut prendre cette recommandation dans ce contexte-là.

Mme Blackburn: Peut-être l'avez-vous dit - je dois dire que mon collègue voisin m'a distraite un peu tantôt - est-ce que vous verriez une diminution dans le nombre des membres du conseil d'administration et une place moins importante faite aux parties internes?

M. L'Écuyer: Diminution ou augmentation, ce n'est pas vraiment le point. C'est une répartition plus équitable. Il y a des conseils d'administration où il n'y a presque pas de socio-économiques. Là, nous pensons que ce n'est pas suffisant. Il y a des conseils d'administration où... Disons que s'il y a une représentation suffisante pour que ces gens-là puissent faire entendre leur voix de façon correcte et concertée, pour nous, cela reste à déterminer suivant les différentes institutions. Il ne s'agît pas de... C'est plutôt un partage, un certain équilibre entre les voix internes et entre les voix qui proviennent du milieu socio-économique, si vous voulez.

Mme Blackburn: Vous me permettrez de revenir brièvement sur le financement. Il y a toute la question des déficits accumulés. Vous abordez rapidement ce volet. Est-ce que vous maintenez votre recommandation d'exiger des universités un plan de résorption de leur déficit? (18 h 15)

M. L'Écuyer: D'exiger quoi?

Mme Blackburn: Un plan de résorption de leur déficit.

M. L'Écuyer: Oui. Sur ce point, nous sommes tout à fait conséquents avec nous-mêmes. Ce que nous disons au conseil, c'est que le gouvernement ne doit pas ou ne devrait pas éponger les déficits des universités mais exiger d'elles un plan de résorption des déficits. Nous estimons qu'il n'appartient pas aux institutions de déterminer elles-mêmes leur niveau de vie, si vous me permettez l'expression. Elles doivent le déterminer en fonction des ressources dont elles disposent et, si elles outrepassent ces ressources, elles doivent en porter les conséquences. C'est la position du conseil. Cela peut paraître une position dure, mais il

faut bien comprendre que des institutions ont fait des efforts de s'ajuster et ce serait un peu dangereux qu'on se lance dans la voie d'éponger les déficits, étant donné que ces gens-là l'ont souvent fait avec douleur.

Mme Blackburn: Vous parlez également des frais indirects de la recherche. Qu'est-ce que serait, selon vous, un ratio acceptable pour les frais indirects?

M. L'Écuyer: Cela dépend comment on calcule. Nous, on dit - et je pense que cela s'appuie sur une étude de Canadian Association of University Business Officers ou quelque chose comme cela - ce que nous calculons, c'est que les frais indirects, si on inclut le salaire des professeurs, sont approximativement égaux au niveau des subventions reçues, sauf que, dans certains cas, ou en tout cas, très souvent, on défalque le salaire des professeurs et on arrive à quelque chose autour de 50 % des subventions. Mais dans notre mémoire, nous référons à l'ensemble en incluant...

Mme Blackburn: Vous avez abordé brièvement tout à l'heure avec le ministre toute la question de la tâche des professeurs. Vous proposez une modulation. Au-delà de cela, j'aimerais connaître vos réflexions ou vos réactions à la recommandation du rapport Gobeil qui estime qu'on pourrait hausser la tâche des professeurs de 50 %. Qu'est-ce que cela voudrait dire dans des universités où, déjà, 50 % de l'enseignement est donné par des chargés de cours?

M. L'Écuyer: Écoutez, il y a plusieurs aspects. Sur la question de la tâche, d'abord, on n'a pas toutes les données qu'on aimerait avoir là-dessus - c'est clair - pour répondre de façon très précise à tout cela. Mais, ce qu'il faut bien comprendre dans la tâche, c'est qu'il y a eu beaucoup d'études de faites là-dessus. Ce qu'on constate, c'est qu'un professeur qui donne quatre cours-année consacre, grosso modo, à peu près 50 % de son temps à l'enseignement. Un professeur d'université, compte tenu des obligations particulières des universités, consacre habituellement 10 % à 15 % de son temps pour des tâches d'administration, de demandes de subventions, etc., Tout cela occupe en général de 10 % à 15 %. Si vous prenez 50 % et que vous additionnez 10 % à 15 %, il vous reste 35 % à consacrer à la recherche. Si vous vouiez augmenter la tâche d'enseignement des professeurs de 50 %, vous venez de le faire passer de 50 %, en gros, à 75 % du temps. Donc, nos professeurs, en moyenne, passeraient 75 % de leur temps à l'enseignement. Remarquez que cela recoupe un peu ce qu'on observe dans les cégeps, où la seule tâche est l'enseignement. Donc, vous auriez à ce moment-là 75 % du temps à l'enseignement; additionnez 10 % à 15 % à l'administration, et il ne reste pas beaucoup pour la recherche. C'est dans ce sens que nous disons: Si vous augmentez considérablement -toujours en moyenne - la tâche des professeurs, vous diminuez votre capacité de faire de la recherche. Car si vous devez vous appuyer, pour développer vos activités de recherche, sur des professeurs qui, en moyenne, n'ont pas plus de 10 % à 15 % de leur temps à consacrer à la recherche, vous n'irez pas très loin. Je vous ferai remarquer qu'à l'heure actuelle, au Québec, les professeurs d'université reçoivent 210 000 000 $ pour des activités de recherche. C'est donc dire qu'en moyenne ils ont quelque chose comme 30 000 $ chacun pour faire de la recherche. Cela veut dire qu'ils font quelque chose et c'est jugé par des pairs; ce sont donc des gens qui évaluent ce qui se fait au niveau de la recherche. La recherche est continuellement évaluée. S'il y a quelque chose qui est évalué en milieu universitaire, c'est bien la recherche.

Donc, ce que nous disons, c'est que si on augmente de façon considérable - c'était un peu ma remarque précédemment - la tâche d'enseignement de nos professeurs, on court forcément des risques très sérieux que les activités de recherche en souffrent, que la base de recherche diminue et qu'éventuellement la capacité de recherche, c'est-à-dire la capacité d'aller chercher des subventions, devienne de moins en moins grande.

Mme Blackburn: Une question additionnelle. Est-ce que vous avez fait l'exercice qu'ont semblé faire les membres de ce comité Gobeil, à savoir: si on augmente de 50 %, on fait des économies de 50 %?

M. L'Écuyer: Non, nous n'avons pas fait cet exercice. Évidemment, vous allez faire un certain nombre d'économies, mais vous ne ferez pas des économies de 50 %.

Mme Blackburn: Est-ce que M. Nelson voudrait...

M. Nelson: Le seul commentaire que je voudrais faire, si on me le permet, c'est qu'on a ajouté des statistiques, parce qu'on avait passé le tableau des données du ministère disant qu'en 1984 le ratio étudiants-professeur est passé de 18,9 à 21,9. C'est une donnée qui nous indique quelle est la capacité d'un système. Le ratio étudiants-professeur vous indique le nombre de professeurs qui seront disponibles selon le nombre d'étudiants que vous avez. Pour récupérer en argent ces 50 % dont M. Gobeil parle, si on les récupère en argent, on va avoir un ratio étudiants-professeur qui

va aller à 28 et même plus que cela. C'est bien sûr que vous économisez chaque fois que vous enlevez des professeurs dans le système. C'est évident que cela coûte moins cher.

M. L'Écuyer: J'ajouterais juste un mot, Mme la députée de Chicoutirni. Dans le réseau des cégeps, le ratio étudiants-professeur était - je n'ai pas les dernières statistiques - d'à peu près 12. Vous avez actuellement, dans le réseau universitaire, quelque chose qui se rapproche de 22, ce qui est nettement au-dessus de tout ce qui est considéré comme acceptable par les grands organismes d'agrément américains. Nous commençons è penser que, si vous allez beaucoup plus loin là-dedans, l'économie que vous faites se fera aux dépens des étudiants.

Mme Blackburn: M. le président, je vous remercie de votre patience et de l'éclairage que vous avez apporté à cette commission. Mon tour est fait.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M. le ministre de l'Education.

M. Ryan: Juste un mot sur le sujet qui était le dernier abordé avec la députée de Chicoutimi, soit le ratio étudiants-professeur. Je pense qu'il y a une clarification qui s'impose ici parce qu'il ne faudrait pas qu'on parte dans la confusion. Quand vous parlez de ratio, c'est bien des étudiants par professeur régulier.

M. L'Écuyer: Régulier.

M. Ryan: C'est très important.

M. L'Écuyer: Très important.

M, Ryan: Deuxièmement, si vous ajoutez les chargés de cours, je pense que vous allez convenir avec moi que votre ratio devient à peu près égal à celui de l'Ontario. Il n'y a plus la différence dont vous parlez.

M. L'Écuyer: II faut faire attention dans la mesure où, sur le plan strictement de l'enseignement, il est possible qu'on rejoigne le niveau de l'Ontario. Ce qui est important, c'est que le chargé de cours n'a pas la charge d'organiser l'enseignement. Ce n'est pas lui qui suit l'évolution des programmes. Il n'a pas de responsabilités de recherche, de direction de thèses. Il n'est donc pas actif au deuxième ou au trosième cycle. On peut et on doit avoir des chargés de cours. Le problème n'est pas là. Mais même avec des chargés de cours vous devez maintenir un ratio étudiants-professeur quand même raisonnable.

M. Ryan: Ce que je veux dire, c'est que si on fait des comparaisons avec les autres, c'est très important de faire cette distinction; autrement, on compare des pommes avec des oranges.

M. L'Écuyer: Vous avez parfaitement raison. Si on veut inclure... Il y a une autre notion dont on n'a pas parlé, celle de l'importance du groupe-cours. Au Québec actuellement, on est assez bien aussi. On a des groupes-cours qui se situent entre 30 et 35 d'après nos meilleures données actuelles.

Le Président (M. Parent (Sauvé): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. Ma question porte sur les frais indirects de la recherche. Dans votre mémoire vous avez parlé, d'une façon générale, de la nécessité d'assurer aux universités ces frais indirects d'une façon ou d'une autre, mais la façon n'est pas précisée. Qu'est-ce que vous envisagez à cet égard? Est-ce qu'on doit ajuster les bases du financement pour chaque université selon le volume de recherche qu'elles font? Est-ce qu'il faut créer un fonds spécial ici au Québec pour combler le manque à gagner des subventions fédérales par exemple? Qu'est-ce que vous envisagez exactement? Si je comprends bien le montant représenté par le volume de recherche faite au Québec, si on soustrait le "contract research", on arrive, selon le Conseil de la science et de la technologie, à un chiffre de 150 000 000 $. Est-ce que j'ai raison?

M. L'Écuyer: Je pense que vous avez raison.

Mme Dougherty: Où peut-on trouver ce montant et comment doit-on verser ce montant, par quels moyens techniques, aux universités?

M. L'Écuyer: Nous avons indiqué deux solutions, un peu selon l'évolution des politiques des organismes subventionnaires. Il y avait un certain débat à Ottawa quant à l'opportunité, pour les organismes subventionnaires, de payer les frais indirects. Si on va dans ce sens-là, on n'a pas à les inclure dans la formule de financement. Par contre, dans l'état actuel des choses, nous pensons qu'il faudrait en tenir compte dans le cadre de la formule de financement. Je dois dire qu'au conseil nous ne nous sommes pas attardés à déterminer de façon précise... Ce n'est pas une question dont nous avons discuté en long et en large. Ce qui nous a paru important, par contre, c'est de bien noter que cela représente des frais très importants, surtout pour certaines universités qui sont fortement engagées en recherche. On pense en particulier à des universités comme McGill, Sherbrooke, Montréal, Laval

peut-être jusqu'à un certain point. Cela représente des frais très importants, et plus ces gens-là obtiennent des subventions pour la recherche, plus cela taxe les revenus ordinaires, donc l'université est appelée, à ce moment-là, à faire des choix douloureux entre de nouvelles subventions ou une meilleure qualité d'études ou plus de ressources au niveau de l'enseignement.

M. Cohen (Maurice): J'aimerais ajouter qu'à la commission de la recherche, nous serions très heureux de recevoir le mandat du ministre de déterminer la façon de distribuer l'argent, une fois l'argent disponible.

Mme Dougherty: Oui, mais, même si nous avions l'argent, il y a plusieurs façons de le distribuer. Il faut trouver une façon juste.

Si nous réussissons à trouver d'une façon le montant nécessaire, est-ce que cette mesure réglerait, peut-être en partie, le problème de l'équipement scientifique actuellement désuet?

M. L'Écuyer: Lors de la dernière commission parlementaire de 1984, j'avais souligné que le problème le plus sérieux des universités était un problème d'équipement. Il est sérieux au niveau de la recherche. La question a été bien documentée par des études du CRSNG. Il est très sérieux au niveau de l'enseignement, et à l'heure actuelle, à notre avis, l'envergure du problème est peut-être encore plus grave au niveau de l'enseignement qu'au niveau de la recherche. (18 h 30)

Le paiement des coûts indirects? Si on donnait aux universités, évidemment, de l'argent neuf, si on pense à 150 000 000 $, si on prend 50 % comme devant couvrir les coûts indirects, c'est-à-dire qu'on ne tient pas compte du salaire des professeurs qui est déjà engagé, cela représenterait 75 000 000 $. On peut penser qu'une partie de cet argent pourrait servir, bien sûr, au niveau des équipements comme tels, oui, sans doute en partie au niveau des équipements de recherche, mais cela ne réglera sûrement pas les problèmes d'équipement au niveau du premier cycle et au niveau de l'enseignement en général qui, eux, sont vraiment majeurs.

Mme Dougherty: En ce qui concerne le problème de l'équipement au premier cycle et le problème du manque de volumes dans nos bibliothèques, y compris le problème de renouvellement du personnel scientifique, je mets tout cela dans le même paquet parce qu'il y a deux ans, vous avez recommandé des mesures de rattrapage. Dans votre mémoire d'aujourd'hui, vous ne parlez pas de ces mesures spécifiques. Est-ce que vous êtes encore du même avis qu'il faut des mesures de rattrapage, d'abord pour le personnel scientifique? Je crois que vous avez recommandé l'augmentation de 1 % par année pendant dix années pour atteindre 20 % de nouveaux professeurs, une espèce de fonds de roulement de professeurs. Vous avez recommandé quelque chose aussi de ponctuel, je crois, pour les bibliothèques et l'équipement. Est-ce que vous êtes encore de cet avis ou est-ce que les autres recommandations que vous faites aujourd'hui éliminent la nécessité de ce fonds de rattrapage?

M. L'Écuyer: Non. La question, je pense qu'on devrait l'envisager dans le cadre d'une de nos recommandations, à savoir de financer les développements dans le réseau universitaire sur la base des priorités du système. Lorsqu'on parle de priorités, il est certain qu'une des grandes priorités du système demeure le renouvellement du corps professoral. Nous avions, en 1982-1983, je pense, 14 % seulement de jeunes professeurs, c'est-à-dire de professeurs de moins de 35 ans, alors que, si on veut un roulement normal et un certain équilibre, on devrait en avoir à peu près 20 %. Tout nous porte à croire, à l'heure actuelle, puisqu'on n'engage à peu près pas dans les universités, qu'on est rendu encore plus bas. D'ailleurs, certaines universités faisaient état d'un taux de jeunes professeurs d'environ 10 % à 11 %. Probablement que la situation est empirée, mais on n'a pas de données plus récentes. Dans ce contexte, on est porté à croire qu'une des priorités du système devrait être de remplacer ou d'avoir des programmes de remplacement du corps professoral et vraisemblablement aussi des programmes de remplacement des équipements. On nous avait dit, l'an dernier, je pense, qu'on faisait une étude sur la question des équipements dans les universités. Cela nous paraît vraiment l'un des problèmes les plus graves aussi des universités.

Je note, soit dit en passant, que le gouvernement ontarien, cette année, a des programmes particuliers justement orientés vers le remplacement des équipements et le remplacement du corps professoral.

Mme Dougherty: Vous parlez du fonds d'excellence en Ontario...

M. L'Écuyer: Je n'ai pas le nom exact.

Mme Dougherty: ...de 50 000 000 $, University Excellence Fund?

M. L'Écuyer: Peut-être, mais je n'ai pas le nom exact du fonds. Je sais que cette année ils ont consacré, je pense que c'est environ 50 000 000 $, cela doit être cela, pour des programmes spécifiques destinés à

permettre le recrutement de jeunes professeurs et le remplacement des équipements. Je pense que c'est 50 000 000 $.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. L'Écuyer. Je reconnais maintenant le vice-président de la commission de l'éducation, le député de Laviolette. M. le député*

M. Jolivet: Merci. Dans le document que nous présente le Conseil des universités, on décrit la situation financière des universités québécoises. On les compare à toutes celles de l'Amérique du Nord et là on fait référence à des tableaux, les tableaux 4 à 8c. Il y a plusieurs conclusions qui sont tirées. On dit que les revenus des universités québécoises provenant des frais de scolarité et des subventions gouvernementales sont parmi les plus bas. On note que les budgets de fonctionnement des universités québécoises sont inférieurs ou au mieux équivalents à ceux des universités canadiennes ou américaines. On parle de ces choses-là. Donc, on convient, comme plusieurs représentants d'universités l'ont dit jusqu'à maintenant, qu'il y a dans la formule historique des inégalités qui sont visibles.

D'un autre côté, vous reprenez votre avis 85.4 et vous réitérez aux pages 21 à 24 ce qui d'après vous constitue une base nécessaire à faire une relance la plus rigoureuse possible des universités. On dit: Les universités devraient hausser leurs revenus. La question qui pourrait survenir ensuite, c'est pourquoi et comment? Cette question me préoccupe, parce qu'on dit: II faut hausser. Est-ce qu'on doit augmenter les frais de scolarité? Est-ce qu'on doit augmenter les revenus provenant du gouvernement? Est-ce qu'on doit aller chercher pour la recherche des revenus venant du milieu qui nous entoure? Dans ce contexte, on mentionne plusieurs pistes, mais avec de gros points d'interrogation.

M. Nelson, qui est le président du comité des finances pour le Conseil des universités, tout à l'heure, semblait vouloir répondre à une partie. J'aimerais l'entendre parler sur cette formule possible qui est envisagée ou d'autres qu'il a peut-être eu le temps de regarder lui-même et qui ont trait aux règles de financement. Est-ce qu'il y a autre chose que ce dont on entend parler? Est-ce que cela doit être l'augmentation des frais de scolarité? Est-ce que ce doit être les revenus provenant du gouvernement? C'est quoi en fait une formule qui pourrait être autre que les pistes qu'on a recherchées jusqu'à maintenant? Est-ce que vous avez eu le temps de penser à ces règles de financement qui pourraient être tout autres?

M. L'Écuyer: Avant de donner la parole à M. Nelson, je ne sais pas si je comprends bien votre question, mais il y a deux aspects. Il y a l'aspect formule de financement. Vous avez parlé de la formule de financement. Lorsque vous parlez de la formule, habituellement nous on parle de formule de partage. Alors, la formule de partage, c'en est une chose et le niveau de revenus, c'est une autre. En termes de niveau de revenus, nous, nous disons qu'il faut hausser le niveau parce que nous estimons actuellement que nos universités n'ont pas un niveau de revenus qui est équivalent. Donc, sur ce plan, on s'entend.

Maintenant, comment le hausser? C'est clair que nous, tout ce qu'on peut faire, c'est de suggérer des pistes, mais nous ne sommes pas le gouvernement pour décider combien on peut mettre. Nous pouvons suggérer des choses. Sur ce, je...

M. Jolivet: C'est pour nous éclairer, cela va nous permettre ensuite avec les autres groupes qui vont suivre de poser des questions par rapport à ce que vous pensez comme conseil ou comme individu responsable des finances.

M. Nelson: Si je peux me permettre, M. le Président...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, monsieur.

M. Nelson: Le conseil s'est prononcé clairement lorsqu'on a fait l'étude - je ne me souviens pas du numéro de l'avis - en disant qu'il fallait tenir compte des paramètres de cycles, d'éloignement, taille, secteur disciplinaire, coûts indirects des recherches et tout cela. Je pense que, élaborer une formule sur ces cinq aspects, c'est un travail de technicien sur lequel, bien sûr, on peut se chicaner, avoir des opinions différentes, mais, en étant un peu raisonnable, on peut arriver à trouver des paramètres.

Mais, avant de partir et que les techniciens puissent travailler - c'est un peu, en tout cas, le commentaire personnel que j'aimerais faire - il y a des décisions qui doivent être prises au préalable. Quel est le niveau de ressources envisagé pour les universités québécoises? Quant à moi - c'est une opinion personnelle - le niveau de ressources des universités est dicté presque fondamentalement par la quantité de professeurs que vous allez mettre dans une université parce que tout en découle: le nombre d'étudiants, les espaces, les laboratoires, la recherche qu'on va faire, les coûts indirects des recherches. Cela découle beaucoup du nombre d'étudiants et du nombre de professeurs dans les universités. C'est une décision, en tout cas, que les techniciens ne peuvent pas prendre, pas plus d'ailleurs que le conseil. Le conseil a fait

des remarques dans son mémoire comme quoi le ratio étudiants-professeur - d'après les études américaines qu'on avait vues sur ce sujet extrêmement fouillé - acceptable était de 15 ou 16. C'était le maximum d'après ces études.

Peut-être que ma réponse ne vous satisfait pas, mais c'est une question qui est politique que de décider du niveau d'ensemble des ressources. Je le prends par cette illustration du ratio étudiants-professeur. Une fois ceci fait, les formules s'élaborent après cela, je pense, assez bien avec la bonne volonté des techniciens. Je pense qu'on a maintenant aussi les bases de données au ministère pour le faire. Il faut bien dire que dans l'étude de 1984 il y avait des difficultés dans les bases de données et les techniciens ne peuvent corriger cela non plus.

M. Jolivet: Tout à l'heure vous avez aussi fait mention de la tâche d'enseignement. On dit une tâche normale si on veut faire de la recherche, si on veut s'occuper à d'autres fonctions autour de la tâche d'enseignement, c'est une tâche d'environ quatre, en moyenne toujours bien entendu, sauf que, comme le ministre, j'ai été un peu surpris de voir qu'il n'y avait pas de statistiques précises. On en a aux niveaux primaire, secondaire et cégep, mais au niveau universitaire on n'en a plus. Quelles sont les raisons pour lesquelles on n'en a plus? C'est peut-être une question que l'on pourrait poser. Mais en contrepartie le rapport Gobeil dit: Augmentation de 50 % de la tâche, et on ne dit pas pourquoi et quelles sont les sources et quel effet cela aurait. En même temps, d'un autre côté, vous dites: En ce qui concerne les étudiants, cela n'est peut-être pas notre décision, on vous suggère cependant d'en prendre une qui est de hausser les frais de scolarité.

Lorsqu'on arrive aux frais de scolarité, on dit: Comparons-les avec les frais de scolarité en Ontario. Il faut faire attention: la richesse collective est de 25 % environ plus basse au Québec qu'en Ontario. Il faut tenir compte du taux de chômage en Ontario par rapport au Québec. Il faut tenir compte de l'ensemble de la tradition que le Québec a par rapport à l'Ontario, si on prend cette comparaison. Donc, effectivement on commence mal notre comparaison si on s'en va là et si on n'a pas les données pour les vraies comparaisons.

D'un autre côté, on dit: Si on augmente les frais de scolarité, on va vous proposer d'ajuster votre système de prêts et bourses. Tout è l'heure vous faisiez mention beaucoup plus de bourses que de prêts, mais la décision gouvernementale prise, cela a été l'inverse: beaucoup plus de prêts que de bourses. Mais cela a des effets sur la personne qui au bout de la course, à cause de son statut, manque de 200 $, 300 $ ou 400 $; et par conséquent l'accessibilité est plus difficile pour cet étudiant ou étudiante. Pourrait-on vous poser une question: dans ce que vous proposez d'ajuster au système de prêts et bourses, pour protéger les étudiants les moins nantis de tous les effets négatifs et par le fait même éviter d'accroître leur endettement, quelles sont les modalités que vous nous suggérez comme conseil?

M. L'Écuyer: D'abord sur la question de la tâche, cela fait plusieurs fois que cela revient, on pourrait vous préparer un petit mémoire de deux ou trois pages qui vous expliquerait un peu comment on voit la situation. Cela pourrait répondre aux questions que vous posiez préalablement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous retenons votre suggestion.

M. L'Écuyer: D'accord. En ce qui concerne les prêts et bourses, nous avons bien dit que nous sommes, nous aussi, préoccupés par la nécessité de protéger les étudiants démunis. Et dans ce contexte-là, nous l'avons écrit et nous l'avons dit, nous considérons qu'il est préférable d'augmenter les bourses. Nous ne souhaitons pas que les prêts soient augmentés, parce que lorsque vous augmentez les prêts, c'est clair que ceux qui sont touchés, vous augmentez l'endettement des étudiants les plus démunis. Même si effectivement le système de prêts et bourses au Québec est un système très large et très généreux dans l'ensemble, il reste que nous considérons, au conseil, qu'il faudrait en même temps augmenter et les frais de scolarité et les bourses pour les étudiants les plus démunis. De cette façon-là, la question de la richesse collective ou du taux de chômage n'est pas une question qui devrait être prise en considération parce que l'on protège justement les étudiants qui sont dans la situation difficile.

On a des agences de publicité aujourd'hui qui sont suffisamment efficaces, on devrait être capables de faire comprendre à tout le monde dans notre population que, s'il y a des problèmes au niveau du financement, on serait capable de les régler par le système de prêts et bourses.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

M. Jolivet: Dans votre document, toujours aux pages 21 et 22, vous parlez de mesures de financement diversifiées. Vous parlez de mesures fiscales pour encourager les individus et les entreprises à participer au financement des universités. Pouvez-vous préciser davantage les mesures fiscales que vous pourriez proposer, que vous envisagiez quand vous avez fait ces propositions, qui vont nous permettre d'encourager les

organismes et les individus extérieurs aux milieux universitaire et gouvernemental?

M. L'Écuyer: II y a plusieurs types de mesures fiscales qui peuvent être envisagées. Il y en a qui sont déjà en vigueur à certains endroits. Par exemple, il y a des dégrèvements - exactement sous quelle forme, je ne le sais pas - fiscaux pour les compagnies qui font des dons d'équipements aux universités. Dans le cadre de notre étude sur le secteur de l'ingénierie, on avait noté au Québec que les dégrèvements étaient moins généreux qu'ailleurs. Donc, on disait: II y a peut-être lieu d'améliorer cette question. (18 h 45)

Par ailleurs, on note aussi qu'au niveau des dons des particuliers, vous pouvez observer assez facilement, surtout dans les milieux anglophones, que depuis longtemps plusieurs universités ont des "endowment funds" qui leur permettent une certaine marge de manoeuvre. Je pense qu'on n'est pas encore prêt au Québec... En tout cas, nos universités francophones n'ont pas vraiment encore ce type de fonds, mais on pourrait sans doute inviter nos gens à participer ou inciter nos gens è participer plus au financement des universités par certaines formes de dégrèvements fiscaux.

Évidemment, on n'a pas étudié cela dans le détail. D'abord, c'est une suggestion que nous faisons et il faudrait que le ministre des Finances ou le gouvernement y montre un certain intérêt, auquel cas il y aurait peut-être lieu d'examiner plus attentivement comment cela se produit ailleurs. Il faudrait voir si cette question intéresse dans un certain sens. Je pense que, dans des cas comme cela, on peut faire preuve d'imagination.

M. Jolivet: Vous avez parlé de mécanismes concernant la spécialisation des universités. Ma collègue vous a posé des questions au niveau régional. Est-ce que je pourrais vous poser une question qui est sous-jacente à celle-là, d'une certaine façon? Vous faites mention dans votre document de la mise en place de mécanismes de concertation. On sait, comme vous le dites, que la concertation entre les personnes est souvent un défi très particulier et difficile dans certains cas. Donc, quels sont les moyens, les mécanismes pour que cette coordination, cette concertation ait lieu? Coordination régionale, coordination nationale, de quelle façon voyez-vous cela?

M. L'Écuyer: II y a plusieurs niveaux de concertation. C'est une question, à l'heure actuelle, que nous étudions au conseil, qui a fait l'objet d'une partie de nos travaux l'an dernier et que nous poursuivons actuellement. Il y a certainement la concertation sur une base provinciale et nous souhaitons, quant à nous, au conseil, que toutes les universités soumettent - ce n'est peut-être pas le bon mot - ou, en tout cas, nous transmettent leur plan de développement. Si nous connaissions les plans de développement des institutions, nous serions sans doute plus en mesure de réagir, peut-être de faire des commentaires sur ces plans de développement de façon à essayer de concilier les plans de développement avec les ressources disponibles. Donc, la question des plans de développement, pour nous, c'est quelque chose d'assez important.

Il y a un deuxième aspect qui nous intéresse beaucoup et nous sommes actuellement très engagés dans ce domaine. Il s'agit des études sectorielles, c'est-à-dire que secteur par secteur nous examinons ce qui se fait au Québec en termes de programmes, en termes de clientèles, en termes de recherches, etc., et nous essayons de dégager des grandes lignes pour le développement à venir. Nous avons une de ces études qui est terminée sur l'ingénierie; nous serons en mesure, dans les prochaines semaines, de déposer le bilan d'une étude que nous faisons en science de l'éducation et, éventuellement, de proposer un avis au ministre dans lequel on pourrait lui faire des suggestions quant à l'avenir à donner là-dedans.

Donc, ce sont deux avenues possibles. Il reste aussi que, sur le plan régional, nous souhaitons que s'accentue la concertation entre cégeps et universités. Les mécanismes à prendre? Dans certains cas, il y a eu des essais, des initiatives intéressantes où des universités et des cégeps se sont mis ensemble pour discuter de cette question. Nous pensons que c'est une question très importante parce que la transition cégep-université, c'est une transition névralgique pour nos étudiants. Il y a un taux de perte qui est assez élevé à ce niveau. S'il n'y a pas de concertation, il est très certain qu'il y aura des recoupements que nous pouvons éliminer par une meilleure concertation entre les deux niveaux.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le Président. J'informe les membres de la commission que je reconnaîtrai dans l'ordre, pour la dernière ronde d'interventions, le député de Sherbrooke, la députée de Marie-Victorin, la députée de Chicoutimi et le ministre de l'Éducation. M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: M. le président du Conseil des universités, ma question est très brève. Peut-être qu'elle exigerait un peu plus de temps mais, enfin, ce sera un tour de force de votre part.

Dans le chapitre 5 concernant la coordination des universités, j'aimerais, si c'était possible, que vous précisiez davantage

le rôle que vous souhaitez voir jouer par le ministère de l'Enseignement supérieur dans cette coordination, concertation des universités.

M. L'Écuyer: Cela a été une question qui... Écoutez, dans le contexte actuel, le Conseil des universités a une mission d'examen des nouveaux programmes, des programmes existants et des activités en général d'enseignement et de recherche des universités. Ces examens sont publics; ils font habituellement l'objet d'une étude complète qui donne lieu à des résultats publics qui sont soumis à la discussion des universités. De cette façon, les universités ont une certaine garantie, si vous voulez, d'une certaine transparence, en tout cas, dans ces évaluations.

Nous ne faisons que des recommandations, par la suite. Nous pensons que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science est celui qui doit appliquer ces recommandations si, évidemment, le ministre les juge pertinentes. Nous acceptons, bien sûr, tout à fait volontiers que, pour d'autres raisons, le ministre diverge d'opinion avec nous. Mais, si ces recommandations sont acceptées, bien, il revient au ministère de trouver les moyens de les mettre en application. Souvent, nous essayons tout de même de garder un certain contact, de façon à ne pas leur suggérer des choses qui sont tout à fait irréalistes, mais nous pensons que le ministère peut ou doit trouver, dans bien des cas, les moyens qui permettent d'inciter les universités à aller dans les directions que nous suggérons ou qui sont retenues. Ou encore, lorsqu'il y a des programmes à mettre sur pied, bien il le fait. Donc, il doit y avoir une symbiose entre ce que nous faisons et l'application de ces choses.

C'est un peu le partage des responsabilités, tel qu'il est actuellement dans le domaine de la coordination, tel qu'il se fait actuellement. Évidemment, j'en reste là.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: En ce qui concerne justement les étudiants de premier cycle, pour ce qui est des abandons, est-ce que vous avez constaté ou est-ce qu'on pourrait... En tout cas, vous dites qu'il y a une augmentation de la clientèle au niveau de l'éducation permanente ou du cycle court. Est-ce que c'est comme le principe des vases communicants? Du fait d'une augmentation des frais de scolarité, à un moment donné, les jeunes abandonnent, ils s'en vont plutôt dans d'autres formules où c'est plus adapté à leurs besoins? Est-ce que vous avez déjà fait une étude dans ce sens-là où il y aurait des preuves qui pourraient étayer ces dires?

M. L'Écuyer: C'est un peu... Disons que, dans une première étape, le rapport de notre comité d'étude suggérait un peu que c'était un processus qui pouvait se faire, peut-être pas tellement à cause de la question des bourses; en tout cas, il suggérait que, peut-être, on engageait trop de nos étudiants dans des programmes courts.

Or, une des choses que nous avons découvertes au cours de la consultation qui a suivi - les universités, là-dessus, nous ont fait parvenir des données qui ont permis de très bien étayer cette question - c'est que ce ne sont pas du tout les mêmes clientèles. Les clientèles des programmes courts, ce sont les clientèles adultes, des gens dont l'âge moyen se situe le plus souvent autour de la trentaine, alors que les gens des programmes réguliers, ce sont des jeunes. Autre chose, les gens des programmes courts, ce sont habituellement des clientèles sur le marché du travail. Dans une étude que nous avions faite des étudiants à temps partiel dans nos universités, nous trouvions que 90 % d'entre eux étaient sur le marché de l'emploi. Donc, ce n'est pas du tout le même genre de clientèle. Les raisons qui incitent les uns à s'engager dans des programmes courts sont vraiment, très souvent ou très fortement, liées à des préoccupations du marché du travail. D'ailleurs, si vous regardez les clientèles ou les programmes les plus populaires, vous allez trouver que, en très grande majorité, ce sont des programmes du côté de l'administration, de la santé et de la sécurité au travail, et des sciences infirmières. Ce sont presque tous des programmes destinés à des fins précises ou, en tout cas, qui sont très fortement reliés à des préoccupations du marché du travail.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Brièvement, parce que j'imagine qu'à cette heure, tout le monde a faim et je dois dire qu'une présentation aussi longue est aussi particulièrement épuisante, pour avoir eu l'occasion déjà de participer à ce genre d'exercice. D'ailleurs, je voudrais dire au président qu'on a accepté de terminer plus tard que prévu pour, précisément, éviter qu'on coupe votre présentation en deux, ce qui, généralement, enlève un certain mouvement et, j'ajouterais peut-être, pour vous éviter de revenir ce soir. Mais on vous y invite quand même.

Vous nous avez apporté un certain nombre d'éclairages sur différents points. On a déjà une meilleure perception des problèmes et quelques éléments de solutions. Il y a des questions qui restent en suspens, questions qui touchent l'accessibilité - vous comprendrez ma préoccupation - des

questions qui touchent les abandons scolaires. Est-ce qu'ils sont davantage le fait des étudiants issus des milieux socio-économiques faibles?

Il y a une question à laquelle vous pourrez peut-être me répondre un peu plus tard. À la question de mon collègue de Laviolette à propos de la concertation, vous avez répondu que la concertation devrait être privilégiée particulièrement dans les régions entre les cégeps et les universités pour éviter les chevauchements. Il reste à voir s'il y a plus de chevauchements dans les régions qu'il n'y en a dans les grands centres. Évidemment, plusieurs questions sont demeurées sans réponse. Vous me faites signe que non et, effectivement, je pense qu'à un moment donné vous avez débordé des régions sur des questions plus générales.

M. L'Écuyer: Quand j'ai employé le mot "régions" ici, j'ai voulu parler de communautés locales plutôt que de régions. Cela s'applique tout aussi bien - peut-être pas suivant les mêmes modalités - au milieu urbain qu'aux régions, comme vous l'entendez.

Mme Blackburn: Très bien. Merci, M. le président. Voilà au moins une autre réponse.

Alors, je voudrais vous remercier et souhaiter, à la suite du ministre, que nous puissions conserver, au Québec, rattaché au ministère de l'Enseignement supérieur, le Conseil des universités. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M. le ministre de l'Education.

M. Ryan: Je ne sais pas si je dois comprendre que Mme la députée de Chicoutimi veut également conserver le Conseil des collèges, son ancien fief.

Mme Blackburn: Je le souhaiterais également.

M. Ryan: Ce n'était qu'un argument indirect pour défendre d'abord le Conseil des collèges. Ce sont des blagues que je fais, évidemment.

Je pense que nous avons eu une rencontre très profitable avec le Conseil des universités. Il y a des points d'interrogation qui demeurent dans nos esprits; c'est tout à fait normal au tout début de la démarche que nous entreprenons. Nous allons continuer ensemble et je suis sûr que le Conseil des universités va suivre de près les travaux de la commission. Si le conseil voulait, en cours de route, nous envoyer des avis, des compléments au mémoire ou des compléments d'information sur un sujet ou l'autre, comme certains que nous avons soulevés cet après-midi, il sera tout à fait bienvenu pour le faire, cela nous rendrait bien service.

Je remercie tous les membres du Conseil des universités, encore une fois à commencer par le président, et tous les autres membres que nous reconnaissons ici cet après-midi, les collaborateurs du personnel, également, et je les assure de notre cordiale collaboration. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Au nom des membres de la commission, M. L'Écuyer, je veux vous remercier pour le travail que vous avez accompli en préparant le mémoire à l'intention de la commission et pour vous être dérangé pour venir nous rencontrer ici aujourd'hui. Je vous invite à faire parvenir aux membres de la commission les documents supplémentaires que vous avez offerts d'envoyer au ministre de l'Éducation. Merci beaucoup.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 h 30, alors qu'elle recevra la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec.

(Suspension de la séance à 18 h 58)

(Reprise à 20 h 44)

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Mesdames et messieurs, la commission de l'éducation reprend ses travaux qu'elle a suspendus avant l'heure du souper. Nous avons ce soir à l'ordre du jour l'audition des représentants de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Nous allons les entendre. Leur représentant est M. David Johnston, président, principal et vice-chancelier de l'Université McGill. M. Johnston, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de cette commission. Je vous remercie aussi d'avoir pris la peine de faire tout ce travail de préparation de mémoire et de venir de Montréal rencontrer les membres de la commission.

Nous avons environ une heure et demie à notre disposition. Par contre, sî cela prend un peu plus de temps, sentez-vous bien à l'aise, nous allons appliquer les règles d'une façon très souple. Le but de la commission, je vous le répète, comme je l'ai dit à ceux qui vous ont précédé cet après-midi, c'est de mettre tout en oeuvre pour tâcher d'aller chercher le plus de renseignements possible.

Avant de commencer, M. Johnston, je vous inviterais à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à enchaîner avec votre présentation.

Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec

M. Johnston (David): Merci, M. le Président. Je vous remercie d'abord de

l'occasion qui nous est donnée de représenter la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. À ma gauche, Dr Hugh Scott, principal de Bishop's University et deuxième vice-président de la conférence des recteurs et membre du comité exécutif; à ma gauche, le professeur Aidée Cabana, qui est recteur de l'Université de Sherbrooke, conseiller de notre comité exécutif de la conférence des recteurs; à ma droite, M. Gilles Boulet, recteur de l'Université du Québec et aussi premier vice-président de notre conférence; à la droite de M. Boulet, M. Patrick Kenniff, recteur de l'Université Concordia et secrétaire-trésorier de la conférence des recteurs.

Nous avons préparé notre mémoire, comme vous l'avez mentionné. Si vous voulez des renseignements additionnels ou des réponses écrites à des questions, nous serons très heureux de préparer l'information additionnelle et tous les détails que vous suggérez. Pour le moment, notre porte-parole sera M. Boulet pour la présentation du mémoire. Ensuite, tous les cinq, nous sommes disponibles pour répondre à vos questions. M. Boulet, s'il vous plaît.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président. M. Boulet, nous vous écoutons.

M. Boulet (Gilles): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, je me permets de vous lire un résumé du mémoire que la conférence des recteurs vous a présenté. Ce résumé, c'est au fond le texte complet du mémoire moins un certain nombre de coupures qu'on y a faites. Je suivrai cependant les pages du mémoire. Nous n'avons pas de véritable résumé; alors, quand vous me verrez tourner les pages, cela voudra dire que nous passons à un texte qui est sur la page suivante.

Dans l'avis de consultation générale publié par le Secrétariat des commissions, il était précisé que votre commission avait été chargée d'étudier "les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures". C'est de cela que nous parlerons, mais il est bien évident qu'il ne s'agira pas seulement de cela. Il s'agira aussi et surtout, en dernière analyse, de l'avenir même du Québec. Car nous ne parlons pas d'autre chose. Nous parlons bien de l'avenir du Québec et des inquiétudes qu'il nous inspire, quand nous dénonçons la situation de sous-financement chronique dans laquelle la décennie qui s'achève a progressivement placé nos établissements.

Est-il nécessaire de rappeler l'aveu que nous avons fait ici même il y a deux ans? La qualité de nos activités d'enseignement et de recherche diminue. Ce que cela signifie, en clair, c'est que nos établissements, faute de ressources suffisantes, sont de moins en moins aptes à former la main-d'oeuvre hautement qualifiée dont le Québec a besoin et dont il aura, dans les années à venir, un besoin de plus en plus grand.

Les difficultés grandissantes que nos universités éprouvent à bien remplir leur mission d'enseignement et de recherche n'ont pas seulement pour effet de mettre en péril les progrès fulgurants que le Québec a faits en matière d'enseignement supérieur. Elles ont surtout le malheur de compromettre l'avenir même du Québec.

Depuis 1978-1979, c'est avec une régularité de métronome que des compressions budgétaires ont été imposées, année après année, à nos établissements. Ces compressions successives les ont progressivement placés dans une situation de sous-financement qui a maintenant acquis un caractère chronique.

La question du sous-financement de nos universités a été abondamment analysée et documentée au cours des dernières années, notamment par le conseil des universités, la Conférence des recteurs et les établissements eux-mêmes. Vous nous permettrez d'attirer votre attention sur trois données qui illustrent de façon particulièrement significative l'ampleur du problème. 1. le Conseil des universités, reprenant les données du ministère de l'Enseignement supérieur et de la 5cience, évalue à près de 280 000 000 $ les compressions imposées au secteur universitaire depuis le début de la période des compressions en 1978-1979. Nous pensons, pour notre part, que le manque à gagner que les universités ont eu à subir pendant cette période s'établit plutôt à 420 000 000 $, soit plus de 40 % de l'enveloppe des subventions. 2. Ces compressions, conjuguées a l'augmentation importante des clientèles étudiantes qui s'est produite pendant cette période, ont fait chuter de plus de 25 % le coût par étudiant en termes réels, ce qui équivaut à une augmentation de productivité de plus de 35 %. 3. Au terme de l'année 1985-1986, le déficit d'opération de l'ensemble des établissements atteignait 36 000 000 $, portant ainsi le déficit accumulé des universités à 85 000 000 $.

D'autres indices permettent de juger du caractère particulièrement sévère des compressions qui ont été imposées à nos universités. Nous choisissons souvent l'Ontario comme point de comparaison. Peut-être est-ce à tort, car il se trouve que l'Ontario est, parmi les neuf autres provinces, une de celles qui ont les revenus par étudiant les plus bas. On ne nous reprochera pas d'avoir choisi un point de comparaison situé trop haut.

Dans son avis sur "La politique de financement des universités pour l'année

1986-1987", le Conseil des universités démontre qu'en termes réels l'enveloppe des subventions, en Ontario, augmentera de 2,3 % en 1986-1987, alors qu'au Québec elle diminuera de 1,7 %.

Les effets combinés de l'augmentation des ressources en Ontario et de la diminution des ressources au Québec devraient avoir pour conséquence de porter, au terme de la présente année, à environ 50 % l'écart dans les coûts par étudiant entre ces deux provinces. Est-il utile d'ajouter que dans les autres provinces et aux États-Unis les taux de croissance de l'aide gouvernementale aux universités ont été, au cours des dernières années, nettement supérieurs à ceux qu'on a pu observer au Québec et en Ontario? Est-il nécessaire de rappeler qu'en décembre dernier le Conseil des universités évaluait à 100 000 000 $ les sommes additionnelles qu'il aurait fallu ajouter à l'enveloppe des universités, dès l'année 1985-1986, pour seulement rattraper l'Ontario qui, il n'est pas inutile de le souligner à nouveau, constitue pourtant au Canada l'un des points de comparaison les plus bas? Compte tenu des données les plus récentes, ce montant de 100 000 000 $ devrait être sensiblement réévalué à la hausse.

On ne saurait terminer cet exposé sur les compressions sans dire un mot de leur impact sur le ratio étudiants-professeur qui est maintenant supérieur à 18, le plus élevé au Canada, sinon en Amérique, sur les déficiences de l'encadrement des étudiants à tous les cycles, sur le vieillissement des effectifs, sur la pénurie et la désuétude des équipements scientifiques, sur l'acquisition de livres et de périodiques, bref, sur la qualité de l'enseignement et de la recherche qui, il faut le répéter, hélas, baisse.

Nous terminerons là-dessus en soulignant que, pour ce qui touche la scolarisation, le développement des études de 2e et 3e cycles et la recherche, le Québec a encore un retard important à rattraper.

À peu près tout le monde reconnaît aujourd'hui que la recherche est l'un des principaux moteurs du développement économique de nos sociétés. Les pays les plus avancés au plan technologique et industriel l'ont compris depuis longtemps, et ils consacrent au développement de la recherche une part significative de leur produit intérieur brut. L'avancement des connaissances, de nos jours, n'est pas une finalité abstraite: il détermine le progrès socio-économique.

Il faut souligner à ce sujet que, parmi les pays de l'OCDE, le Canada est l'un de ceux qui consacrent le plus faible pourcentage de son produit intérieur brut à la recherche-développement. Alors que ces pourcentages sont nettement supérieurs à 2 dans les principaux pays de l'OCDE, ils sont respectivement de 1,36 au Canada, de 1,71 en Ontario et de 1,05 au Québec.

Même si la proportion des dépenses de recherche réalisées par le secteur universitaire, au Canada et au Québec, est semblable à celle qu'on peut observer dans plusieurs pays de l'OCDE, il n'en demeure pas moins que le financement public de la recherche universitaire en pourcentage du produit intérieur brut est nettement inférieur au Québec à tout ce que l'on trouve dans les pays les plus industrialisés.

Pourtant, selon l'étude Lacroix-Dulude, "les pays les plus cités en exemple pour leur dynamisme en recherche et développement industriels comme le Japon, l'Allemagne, la Suède et la Suisse n'ont pas négligé, pour autant, la recherche universitaire. Ces pays ont connu une croissance forte des dépenses de recherche universitaire au cours des années soixante-dix et ont l'effort relatif de recherche universitaire le plus élevé".

Dans ce contexte, les universités doivent assumer des responsabilités importantes: la recherche fait partie intégrante de leur mission. Parce que c'est elles qui forment la main-d'oeuvre hautement qualifiée, les universités fournissent l'infrastructure scientifique d'un pays. À ce sujet, il faut souligner le lien étroit qui existe entre la recherche et le développement des études de 2e et 3e cycles, qui constitue une priorité pour le Québec.

Ce sont aussi les universités qui exécutent la quasi-totalité de la recherche fondamentale réalisée au Québec; elles réalisent également une bonne part de la recherche appliquée et jouent un rôle de premier plan dans le domaine de la recherche-développement, en participant activement à des projets réalisés en collaboration avec l'entreprise. 11 est donc essentiel que la recherche universitaire soit protégée, soutenue et valorisée.

Cette exigence s'applique tout particulièrement aux activités de recherche libre, dont le développement est une condition fondamentale de l'innovation industrielle et du progrès technologique. En l'occurrence, les programmes que gèrent le Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche (FCAR), le Fonds de recherche en santé du Québec (FRSQ) et le Conseil québécois de recherche sociale (CQRS) répondent à des besoins qu'il est indispensable de combler. Le rôle de complémentarité qu'exercent ces organismes par rapport aux conseils fédéraux de recherche ne diminue pas l'importance des objectifs qu'ils poursuivent, bien au contraire: ces organismes apportent, en effet, une contribution vitale à la promotion de l'excellence et à la formation de la main-d'oeuvre hautement qualifiée; ils contribuent également à favoriser la participation des chercheurs québécois aux programmes fédéraux d'aide à la recherche, à combler les

besoins propres à certains secteurs et à consolider l'infrastructure de recherche. Ces efforts doivent être encouragés et renforcés par un financement stable et adéquat.

Malheureusement, les difficultés financières des universités affectent gravement leur capacité de soutenir les activités de recherche qu'elles poursuivent. Le problème des coûts indirects de la recherche en est un bon exemple. L'Association canadienne du personnel administratif universitaire évalue ces coûts à 100 % des composantes salariales des subventions de recherche. Les universités n'ont plus les moyens d'absorber ces coûts indirects à même leurs ressources.

Ce fardeau est devenu intolérable, au point qu'on ne sait trop s'il faut se réjouir de voir augmenter le volume des subventions obtenues ou s'en désoler, car l'obtention d'une nouvelle subvention entraîne automatiquement une augmentation des coûts indirects de la recherche. Nos universités sont victimes d'un bien curieux paradoxe: le succès en recherche subventionnée, ce n'est pas payant, c'est ruineux. Il est temps que le gouvernement reconnaisse la recherche comme une composante de la mission universitaire et qu'il tienne compte des exigences qui s'y rattachent en adoptant des mesures de financement adéquates. Dans l'élaboration d'une nouvelle formule de financement, on devra de façon beaucoup plus réaliste qu'on ne l'a fait jusqu'ici tenir compte des coûts de la recherche.

C'est M. Jean de Grandpré, président du conseil, président et chef de la direction d'Entreprises Bell Canada qui, en 1984, six mois avant que nous comparaissions ici même, déclarait devant la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain que le moment était venu d'investir dans l'enseignement supérieur des sommes comparables ou supérieures à celles qu'investissent d'autres pays. Le message de M. de Grandpré était clair. Il l'est toujours: le gouvernement du Québec doit accorder la priorité à l'éducation et plus particulièrement à l'enseignement et à la recherche universitaires. (21 heures)

II n'est pas difficile de se faire une assez juste idée de l'ampleur de l'effort que l'ensemble de nos établissements ont consenti pour réduire leurs dépenses au cours des neuf dernières années, tout en répondant à une demande accrue pour leurs services. Il suffit de mettre l'évolution de leurs dépenses en parallèle avec les clientèles étudiantes qu'au cours de la même période ils ont accueillies annuellement. On constate que notre coût par étudiant, en termes réels, ne représentait plus en 1985-1986 que 74 % de ce qu'il était en 1978-1979. Ceci équivaut à une hausse de productivité de près de 35 % et représente sans doute l'indice le plus éloquent des efforts faits par nos universités au cours des neuf dernières années pour améliorer leur performance. Peut-on sérieusement envisager de leur demander d'augmenter encore leur productivité?

Dans les mémoires qu'ils présenteront à votre commission, les établissements feront sans doute état des mesures draconiennes qu'ils ont prises au cours des neuf dernières années pour réduire leurs dépenses et augmenter leur productivité. Mais il nous paraît de prime abord exclu que nos établissements puissent réduire encore leurs dépenses par étudiant, en tout cas, à court terme.

En revanche, nous n'excluons pas que, dans le cadre de certaines opérations de rationalisation auxquelles les établissements pourraient procéder en se concertant, certaines économies puissent, à moyen ou à long terme, être faites. Mais attention: la concertation ne va pas de soi. Il faut, pour qu'un projet puisse être réalisé en concertation, qu'un certain nombre de conditions soient réunies.

Nous ne partons pas de zéro. Certains grands projets de programmes ont été élaborés et mis en oeuvre conjointement par deux, trois, parfois quatre établissements. C'est notamment le cas des programmes conjoints de doctorat en administration, en génie biomédical, en sciences de l'intervention psychosociale et en communication, et c'est également le cas du programme conjoint de maîtrise en muséologie. Il faut aussi mentionner l'entente sur le transfert de crédits académiques et de frais de scolarité, à laquelle tous les établissements participent et qui permet à un étudiant de prendre, sans déboursé additionnel, dans une université d'accueil, un cours qui n'est pas offert dans son université d'attache. Mentionnons enfin les efforts de rationalisation de nos bibliothèques qui ont conduit à la mise sur pied d'un service de prêt entre bibliothèques, à la constitution d'une liste collective ordinolingue des périodiques, au partage de l'achat de collections coûteuses, etc.

Nous pourrions donner d'autres exemples non moins significatifs, tels l'évaluation des projets de nouveaux programmes ou les services collectifs que les universités se sont donnés en matière d'admission: mécanisme de contrôle des acceptations multiples, bulletins cumulatifs uniformes des candidats en provenance des collèges, statistiques d'admission. Restons-en là. Ces quelques exemples démontrent qu'en matière de concertation nos établissements n'en sont pas à leurs premières armes.

Si elles tirent une légitime fierté de ces réalisations, les universités reconnaissent volontiers que des améliorations sont encore possibles et elles sont disposées à poursuivre leurs efforts de rationalisation en

concertation. Elles croient cependant qu'on se berce d'illusions si on s'imagine qu'après neuf années de compressions successives les universités peuvent réaliser à court terme de nouvelles économies. Elles croient que c'est dans une perspective de moyen et de long terme que devrait être envisagée toute mesure de rationalisation additionnelle que Ton pourrait leur proposer.

Elles croient enfin que c'est à certaines conditions qu'on pourra s'assurer à l'avance que de nouvelles opérations de rationalisation seront couronnées de succès. Ces conditions sont les suivantes. Premièrement, il faudrait assainir le climat de concurrence créé par l'imposition de compressions indues et par l'utilisation abusive que l'on a faite de la technique du prélèvement sur l'enveloppe de chacun pour financer de nouvelles dépenses. Ce qu'il faut créer, c'est un climat d'émulation axé sur la poursuite de la qualité et de l'excellence.

Deuxièmement, on ne saurait trop insiter sur l'absolue nécessité d'assurer une stabilité des règles de financement. Les changements qui sont apportés à la définition des secteurs ou aux choix des années de base pour fins de calcul des variations de clientèles, par exemple, ou encore les retards avec lesquels sont connues les subventions finales des universités, rendent difficile, sinon impossible, toute planification.

Troisièmement, on ne devrait procéder à aucun changement aux règles budgétaires sans avoir d'abord pris le temps de simuler les effets de leur application, d'en discuter avec les universités et, le cas échéant, de prévoir une période et un mécanisme de transition de façon à en faciliter l'implantation. Tout changement aux règles budgétaires devrait être officiellement annoncé au moins un an à l'avance.

Quatrièmement, il serait indispensable que le ministère simplifie les règles de financement, de façon à en assurer la transparence. La complexité et la lourdeur des règles actuelles font qu'elles sont difficilement compréhensibles.

Cinquièmement, il faudrait reconnaître qu'il existe telle chose que des coûts de rationalisation. Leur inconvénient, c'est qu'ils sont parfois élevés. Leur avantage, c'est qu'ils ne sont généralement pas récurrents. Le volet "réaménagements de programmes" du Fonds de développement pédagogique ne saurait suffire è financer tous les coûts de rationalisation. Il faudrait le repenser ou, à tout le moins, le compléter par un ensemble de mesures visant à apporter un soutien financier suffisant aux établissements qui, seuls ou avec d'autres, s'engagent dans des actions de rationalisation.

Enfin, des rencontres régulières, au plus haut niveau, entre le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, le Conseil des universités et la conférence des recteurs, devraient être convoquées par le ministre. Les discussions devraient porter sur les grandes questions touchant l'avenir de l'enseignement supérieur. Ces rencontres auraient pour objectif de favoriser une meilleure harmonisation des points de vue sur les priorités de développement de l'ensemble du système d'enseignement supérieur et une allocation optimale des ressources.

Réalisées dans ces conditions, des opérations de rationalisation auraient de grandes chances d'être couronnées de succès. Mais, c'est à moyen et long terme que de telles opérations pourraient avoir les répercussions souhaitées sur le financement des universités.

On n'échappe pas à la nécessité d'augmenter leurs ressources à court terme.

Les subventions que nos universités reçoivent du gouvernement du Québec constituent la plus grande partie de leurs ressources: leurs budgets d'opération sont maintenant financés à plus de 85 % par le gouvernement. Un peu moins de 15 % des revenus de nos universités leur viennent d'autres sources. Nous traiterons d'abord de leurs autres revenus, c'est-à-dire essentiellement des frais de scolarité.

Sauf imprévu, le Québec pourra bientôt fêter le vingtième anniversaire du gel des frais de scolarité de ses étudiants universitaires. Il faut le souligner, cela fait du Québec, en matière de financement de l'enseignement supérieur, un cas tout à fait exceptionnel au Canada: le Québec est la seule province où la part des coûts de formation que les étudiants assument diminue d'année en année.

Au début des années soixante-dix, les frais de scolarité représentaient environ 18 % des revenus de fonctionnement des universités au Québec et en Ontario. Cette proportion s'est légèrement accrue depuis ce temps en Ontario, alors qu'elle est maintenant inférieure à 10 % au Québec.

Tous les établissements membres de la conférence des recteurs ne tirent pas les mêmes conclusions de ce constat. Certains sont d'avis qu'il ne faut pas revenir sur ce que tout le monde considère comme un "choix de société", alors que d'autres estiment que le moment est venu de revenir sur ce choix qui leur paraît, au plan social, inéquitable. Personne ne nie que le gel des frais de scolarité ait pu avoir pour effet de faciliter l'accès aux études supérieures. Certains pensent, cependant, que nos établissements auraient tout intérêt à jouir d'une structure de financement semblable à celle des universités des autres provinces.

Mais toutes les universités s'entendent néanmoins pour dire qu'advenant une hausse des frais de scolarité celle-ci devrait d'abord servir à redresser une situation générale de sous-financement qui est devenue intolérable. Le rattrapage qu'au plan du financement nos

universités doivent faire est absolument considérable et il est urgent qu'elles le fassent. Compte tenu de cela, nous pensons que le gouvernement devrait s'interdire de profiter d'une augmentation des frais de scolarité pour réduire sa contribution au financement de nos établissements. C'est, par ailleurs, sans délai qu'advenant un dégel des frais de scolarité il devrait consacrer des crédits à une amélioration de son programme de prêts et bourses, de sorte que les étudiants qui en ont les aptitudes puissent bénéficier de tout le soutien financier dont ils auraient besoin pour entreprendre ou poursuivre des études universitaires devenues plus coûteuses.

Par ailleurs, les efforts que nos universités font pour diversifier leurs sources de revenus sont de plus en plus souvent couronnés de succès. En dix ans, la part de leurs revenus venant d'autres sources que les subventions gouvernementales et les frais de scolarité a pratiquement doublé. Mais ces autres revenus varient beaucoup d'une année à l'autre. Il faut, par ailleurs, noter que ce sont surtout les autres revenus non admissibles au "fonctionnement" qui augmentent.

Il faut à cet égard souligner le caractère spectaculaire - le mot n'est pas trop fort - du rapprochement que d'un commun accord les universités et les grandes entreprises sont en train d'effectuer. La création du forum entreprises-universités, la mise en oeuvre du projet d'un centre d'initiatives de Montréal et l'implantation du parc technologique de la région de Québec constituent trois manifestations de cet extraordinaire esprit de collaboration qui est en train de s'instaurer entre le monde des affaires et les milieux de l'enseignement supérieur. On assiste à une véritable floraison de projets qu'entreprises et universités s'engagent à réaliser conjointement. Tout cela est extrêmement prometteur.

Mais tout cela ne saurait constituer un substitut à un financement de base que seul l'État est en mesure d'assumer et qu'il a le devoir d'assurer aux établissements d'enseignement supérieur.

Les subventions gouvernementales. Il est indispensable de redonner à nos établissements les moyens d'assurer à leurs étudiants la qualité de formation que notre époque exige. Et il est impérieux de permettre a nos universités de faire encore plus de recherche qu'elles n'en font et de former encore plus de chercheurs qu'elles ne le font. C'est l'avenir même du Québec qui l'exige.

Il ne suffira pas de permettre à nos établissements de sortir de la situation de sous-financement chronique dans laquelle ils sont. Il faudra également leur donner les moyens de se développer et d'atteindre un très haut niveau d'excellence. Le moment est venu d'augmenter de façon substantielle le niveau des ressources mises à la disposition de nos établissements.

Nous savons bien que les ressources dont le gouvernement dispose sont limitées et qu'il fait des efforts importants pour réduire son déficit budgétaire. Par ailleurs, nous n'ignorons rien des dangers que fait planer sur tout notre système d'enseignement postsecondaire la loi C-96 qui vise à réduire dès cette année les transferts fédéraux au titre du financement des programmes établis. Nous sommes conscients de tout cela.

Et c'est conscients de tout cela que nous osons répéter ici ce que nous avons déclaré le 22 mai dernier, à Ottawa, devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Permettez-nous de nous citer: "Quelle que soit l'issue du débat actuel sur le financement de l'enseignement postsecondaire et sur les responsabilités du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux en matière d'enseignement supérieur, les ressources allouées à ce secteur par les différents gouvernements ne devraient pas être réduites, mais plutôt accrues. Il faut surtout éviter que la question du partage des responsabilités entre gouvernements ne serve de prétexte à une réduction dans le financement de l'enseignement supérieur."

Il appartiendra au gouvernement de prendre une décision quant aux frais de scolarité. Mais qu'il décide de procéder à leur dégel, de perpétuer leur gel ou de tout simplement les supprimer ne changera rien à la nécessité dans laquelle les impératifs de notre époque le placent d'augmenter sa propre contribution au financement de l'enseignement et de la recherche universitaires. Notre époque ne lui laisse pas le choix: l'enseignement supérieur doit être sa première priorité.

Conclusion. Les établissements universitaires du Québec, c'est plus de 200 000 étudiants et plus de 30 000 employés, c'est un budget annuel de plus de 1 500 000 000 $, dont 300 000 000 $ en subventions de recherche, c'est quelques dizaines de milliers de nouveaux étudiants qui, bon an mal an, remplacent un nombre toujours plus grand de diplômés des 1er, 2e et 3e cycles qui sortent du système et mettent à la disposition de 6 000 000 de Québécois leur compétence et leur savoir.

Nos universités, c'est l'instrument qui fera que le Québec sera ou ne sera pas dans la course du progrès scientifique et technologique et, en conséquence, dans celle du développement économique, social et culturel. (21 h 15)

II est, par conséquent, essentiel que le gouvernement en fasse sa première priorité, car c'est un avenir sombre que le Québec se préparerait s'il persistait à ne pas favoriser

un renouvellement régulier du personnel enseignant de ses universités, à laisser s'appauvrir les collections des bibliothèques, à ne pas renouveler les équipements scientifiques et è laisser ceux qui sont encore utiles se dégrader, à ne pas assurer un entretien adéquat des biens meubles et immeubles de ses universités. Le prix que le Québec aurait à payer pour cette négligence serait considérable.

Pour finir, nous formulerons quelques souhaits. Nous souhaiterons que les travaux de votre commission soient l'occasion d'une prise de conscience vive des dangers que court actuellement le système universitaire québécois et, partant, du fait qu'il est a la croisée des chemins; que votre commission comprenne qu'il faut considérer le financement de l'enseignement et de la recherche universitaires moins comme une dépense que comme un investissement dont dépend l'avenir du Québec et des Québécois; enfin, que le rapport que fera votre commission marque le début d'une nouvelle période de développement des universités.

Au nom de mes collègues de la conférence des recteurs comme au mien, au nom de l'ensemble de la communauté universitaire du Québec, je vous remercie, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, de l'attention que vous avez portée à nos propos.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le vice-président, M. Boulet, nous vous remercions de votre intervention. Je reconnais maintenant le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: M. le Président, je suis heureux de saluer le président de la conférence des recteurs et des principaux, le président de l'Université du Québec et de leurs collègues qui les accompagnent avec la délégation de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec ce soir. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire cet après-midi, en ma qualité de ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, j'ai une sympathie particulière à l'intention de ceux qui assurent la direction de nos établissements universitaires. Ayant eu l'occasion de causer fréquemment avec vous, d'abord pendant le temps, très heureux à certains points de vue, de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi, et depuis que nous assumons les responsabilités du pouvoir, j'ai toujours apprécié la franchise de nos échanges et essayé de comprendre l'acuité des problèmes qui se posent à vous.

Je pense que, dans les institutions que vous dirigez, les postes de responsabilité sont plus durs à assumer dans le contexte actuel que dans un contexte d'abondance. Déjà, les universités sont des institutions difficiles à diriger en soi à cause de l'extrême diversité des constituantes qui les composent, mais dans la période de rareté de ressources que nous vivons depuis déjà plusieurs années c'est encore plus difficile. L'un de mes soucis majeurs, c'est de trouver, avec mes collègues du gouvernement, des moyens qui permettraient d'alléger quelque peu votre charge.

J'ai écouté les représentations dont nous a fait part, en votre nom, M. le président de l'Université du Québec et je pense que, sur les grands problèmes reliés directement au financement, il existe un consensus de plus en plus large. On peut emprunter une année comme base de comparaison plutôt qu'une autre et on arrive à des pourcentages différents, mais je pense que les sources dont nous nous inspirons sont de plus en plus communes. Dans la mesure où nous arriverons à identifier les problèmes dans quelques propositions simples et très solidement démontrées et largement acquises entre nous tous, des deux côtés de la Chambre d'abord, vous autres et nos concitoyens qui oeuvrent dans les organismes de presse, dans les différents mouvements sociaux, je pense que ce consensus aidera beaucoup le gouvernement à trouver et è appliquer éventuellement les solutions qui sont désirées de nous tous.

J'étais content de voir au moins une allusion dans votre mémoire - je l'ai trouvée très brève, par exemple - au contexte budgétaire général dans lequel le gouvernement actuel a été appelé à assumer les responsabilités du pouvoir. Nous étions sortis de l'élection avec l'idée de faire de très grandes choses. Nous croyions que nous aurions une marge de manoeuvre un peu plus grande que celle qui nous fut laissée. On peut toujours apprécier ce qui est une marge de manoeuvre de manière différente suivant la philosophie politique dont on s'inspire, évidemment, mais nous autres avons conclu que la marge était extrêmement mince. Et, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire à l'époque, nous avons travaillé fort pour faire en sorte que, dans l'ensemble des mesures d'austérité arrêtées par le gouvernement, le secteur de l'éducation et, en particulier, celui des universités auront été parmi les moins affectés.

Nous savons que ce qui a été fait cette année n'améliore pas la situation. La subvention par étudiant, en valeur réelle, aura continué de reculer quelque peu. J'espère que nous trouverons assez rapidement les moyens d'en venir à renverser cette tendance.

Nous attendions des lumières de votre mémoire. Je comprends qu'à une conférence des recteurs cela ne doit pas être facile de faire un consensus. J'ai vu, sur la question des sources de revenus, que c'est un peu chez vous comme dans un parti politique; il y a toutes sortes de courants d'opinion.

J'attendais une position claire, mais, d'après ce que je vois, il y en a qui sunt qui et sunt qui, comme on disait autrefois dans notre bon vieux latin. Nous enregistrons ces choses et je pense bien que chaque organisme va donner la mesure du consensus qui existe entre ses membres aussi. Cela ne nous empêche pas d'enregistrer le problème de base. Je veux vous assurer que moi, je fais tout ce qui est possible pour persuader mes collègues de la députation d'abord et, ensuite, du gouvernement de l'existence réelle et de l'acuité de ces problèmes.

En cours de route, évidemment, nous faisons face à un certain nombre d'interrogations sur lesquelles il faut s'arrêter. Je pense que c'est un des objets de la commission. Je vais vous adresser quelques questions qui vont dans ce sens. Il y en a une qui a été soulevée cet après-midi avec le Conseil des universités, mais j'éprouve le devoir de la soulever à nouveau avec vous comme je devrai le faire demain avec la fédération des associations de syndicats de professeurs. C'est la question relative a la charge de travail des professeurs d'université. Je me permettrai, pour éviter que la députée de Chicoutimi ne vienne essayer de mettre de la division dans les rangs du gouvernement, de citer moi-même un certain rapport auquel elle a l'air de s'intéresser particulièrement.

Comme vous le savez, il y a un groupe de travail qui a été formé sur la révision des fonctions et organisations gouvernementales. Il y a eu quelques groupes de travail. Il y en a eu trois, je pense. Les membres de ce groupe de travail, pour l'information de tous, ont signé le document en question. C'était M. Marcel Bélanger, M. Pierre Lortie, M. Yvon Marcoux. Il y avait aussi M. Jean-Claude Rivest. Il y a une petite note en bas. Cela va nous payer une pinte de bon sang. Ils disent: À ce titre, M. Rivest est signataire du premier rapport et de l'annexe. La lettre de transmission au début du deuxième rapport indique pourquoi il n'a pas été en mesure de le signer. Vous voyez qu'il faut faire attention quand on interprète les choses. M. Rivest a dit qu'ayant été engagé à temps plein par le gouvernement à titre de conseiller senior aux Affaires constitutionnelles à compter d'avril - il est nommé juste à temps - il n'a pas pu formellement endosser les recommandations du groupe de travail. C'est une blague que je fais. Je me paie votre tête.

Dans le rapport du groupe de travail, on dit ceci, et j'aimerais beaucoup avoir votre réaction là-dessus, M. le président, ou celle de vos collègues qui voudront s'exprimer a ce sujet. Au niveau universitaire, on évalue en moyenne que la charge d'enseignement d'un professeur est de deux cours de 45 heures par semestre et de quatre cours par année pour un total de 180 heures. Bien que la majorité des autres universités canadiennes ne détermine pas de charges explicites d'enseignement par professeur, celles qui le font ont une norme de trois cours par semestre, ce qui est 50 % plus élevé que la charge implicite des universités québécoises. Dans les universités américaines, la charge peut atteindre quatre cours par semestre. Il serait donc justifié de hausser la charge d'enseignement des professeurs d'université en tenant compte de l'aspect répétitif de certains cours qu'ils dispensent. Le nombre de cours devrait passer de quatre à six par année, ce qui équivaudrait à faire passer les heures d'enseignement de six a neuf heures par semaine ou de 180 à 270 heures par année. On dit que l'économie potentielle pour le gouvernement pourrait être en moyenne de 45 000 000 $ pour chaque heure supplémentaire, ce qui ferait 135 000 000 $ si la charge passait de six à neuf heures par semaine.

C'est un rapport qui a été présenté au gouvernement l'été dernier, qui n'a pas encore été examiné au gouvernement, comme j'ai eu l'occasion de le dire cette après-midi. Je pense bien qu'en temps utile on me demandera des explications sur ce point là. Je voudrais profiter de la rencontre que nous avons avec vous pour vous demander vos commentaires sur ce point précis.

M. Johnston: M. le Président, M. le ministre, c'est une question importante et nous voulons avoir l'occasion d'y répondre par écrit parce que c'est une question importante pour vous et pour la presse. C'est très important, quand on répond à une question comme celle de la charge des professeurs, de comparer les pommes avec les pommes.

Premièrement, nous avons ici au Québec un ratio étudiants-professeur de presque 19. Comme nous l'avons mentionné, c'est pire que la moyenne canadienne et que la moyenne nord-américaine. Deuxièmement, nos universités n'ont pas d'année pré-universitaire comme la plupart des grandes universités canadiennes et américaines. Troisièmement, nous avons dans nos universités une responsabilité très importante pour la recherche avec un défi considérable pour les études de 2 et 3 cycles qui exigent une attention plus particulière des professeurs. Finalement, il s'agit du type de programmes, du type de cours. C'est plus facile d'avoir peut-être dix ou douze heures d'enseignement dans un cours répétitif de langue, par exemple, que dans un cours de 2 ou 3 cycle dans le domaine des sciences, de la médecine, etc.

Je dis simplement que c'est très important d'examiner soigneusement la charge de travail de nos professeurs dans nos universités. Nous voulons avoir l'occasion de

répondre soigneusement à cette question. Patrick, vous avez une réponse aussi?

M. Kenniff (Patrick): M. le Président, je voudrais tout simplement appuyer l'intervention faite par le président de la conférence des recteurs et indiquer que la situation est extrêmement complexe, que la charge de travail d'un professeur comprend à la fois l'enseignement, la recherche et le service à la collectivité.

D'une université à l'autre, l'appréciation de la charge de travail peut varier suivant les conventions collectives et suivant l'évaluation qu'on fait de la charge de recherche et de service à la collectivité. Ce sont des charges qui sont très difficiles à chiffrer, à quantifier.

J'ai eu le plaisir de vous informer, M. le ministre, il y a quelques mois, que dans mon université la charge d'enseignement était plus élevée que la moyenne recommandée par le Conseil des universités. Je pense que nous ne sommes pas la seule université à pouvoir vous souligner de pareils chiffres. Je pense cependant que, dans l'évaluation globale de la situation, il faut tenir compte de l'ensemble de la charge de travail des professeurs. Malgré la recommandation que vous avez lue du rapport que vous avez sous les yeux, je vous suggère que les économies qui pourraient être réalisées par une augmentation de la charge de travail des professeurs qui serait réalisée, je ne sais pas trop comment, par fait du gouvernement ou par d'autres moyens, ne seraient pas aussi considérables que le rapport l'indique. Elle seraient assez marginales par rapport à l'ensemble du problème financier des universités qui se chiffre, selon qu'on prend le déficit accumulé des institutions, à au-delà de 80 000 000 $ ou, si on prend la situation de sous-financement selon ce qui est évalué par le Conseil des universités, qui est un montant beaucoup plus considérable que toute économie qui pourrait être réalisée grâce à une augmentation hypothétique de la charge de travail des professeurs suivant quelque formule que l'on veuille adopter. (21 h 30)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Merci. Pardon?

M. Jolivet: C'est une autre raison pour faire venir M. Gobeil.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Une autre question qu'on entend soulever assez souvent, surtout dans les milieux syndicaux, sur les campus universitaires, a trait aux charges administratives des universités. J'ai lu un certain nombre d'articles au cours des dernières années dans lesquels on dit: Le pourcentage des dépenses dans nos universités qui va pour les frais administratifs, le personnel de cadres administratifs est très élevé, plus élevé que dans l'ensemble des institutions de même nature ailleurs. Je ne sais pas si vous avez des données là-dessus. Vous avez sûrement eu connaissance de ces objections parce qu'elles sont de caractère public. J'aimerais profiter de la rencontre de ce soir pour vous demander des explications à ce sujet.

M. Johnston: M. le Président, nous avons préparé une petite réponse è cette question qui concerne la comparaison entre les dépenses administratives en Ontario et au Québec. Encore est-il très important de comparer les pommes avec les pommes. Pour certains, la part des dépenses administratives dans les dépenses de fonctionnement général des universités sera au Québec trop élevée comparativement à ce que l'on observe dans les autres provinces canadiennes. Mais il faut comparer ce qui est comparable. Ainsi, nous pensons que nous avons deux bonnes raisons de corriger les données que l'on mentionne de temps en temps: premièrement, il s'agît de variations importantes dans le service de la dette et, deuxièmement, de la structure particulière du système d'enseignement universitaire québécois. Quand on élimine ces deux phénomènes qui faussent la comparaison avec les autres provinces canadiennes, on obtient un tableau où les dépenses administratives du Québec sont juste un peu supérieures aux dépenses de l'Ontario et du Canada. Il faut tenir compte de certaines caractéristiques qui différencient nettement le Québec des autres provinces au plan administratif. Qu'on songe simplement au fait que le système universitaire québécois est certainement le plus décentralisé au Canada et que la syndicalisation du personnel est plus importante ici qu'ailleurs. Il y a des caractéristiques un peu différentes. Quand on regarde les différences comme cela, les dépenses administratives du Québec sont en général semblables aux dépenses administratives dans tout le Canada.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: Si vous pouviez m'envoyer des précisions sur ce point-là, M. Johnston, je l'apprécierais. Vous avez dit que vous aviez des données. Cela nous intéresserait beaucoup de les avoir. C'est un point sur lequel on voudrait avoir des choses claires à présenter à nos collègues.

Une autre question: À propos du niveau de financement, je n'ai pas très bien saisi la portée exacte de votre intervention. Vous

dîtes qu'il faut que l'on ajuste le niveau de l'aide accordée aux universités, que ce soit sous une forme ou sous l'autre. Est-ce qu'au point de vue de niveau vous épouseriez en gros les propositions du Conseil des universités? Allez-vous dans le même sens ou si vous avez des choses différentes à dire là-dessus?

M. Johnston: En général, nous sommes d'accord avec les grands principes de l'intervention du Conseil des universités devant cette commission parlementaire et, en général, avec les grands principes des interventions du Conseil des universités pendant les dernières années.

M. Kenniff: M. le Président, si vous me le permettez, M. le ministre a souligné tout à l'heure les grandes difficultés que nous avons en tant que chefs d'établissements à nous entendre. Il me semble que cela a plus de force, le fait que l'on se soit entendu sur la déficience du niveau général de financement des universités au Québec.

Le Président (M. Parent, Sauvé): II y a au moins un point où il y a consensus. M. le ministre.

M. Ryan: Je ne veux pas tourner le fer dans la plaie, pas du tout. Sur les déficits que les universités ont encourus ces dernières années, surtout certaines d'entre elles dont trois, je pense, sont représentées à la table actuellement, est-ce qu'il y a une position de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec sur la manière dont ils devraient être résorbés, étant donné qu'il n'en était pratiquement pas question dans votre mémoire?

M. Johnston: M. le Président, si je comprends bien la question, je pense que c'est possible d'y répondre d'une façon très simple. Il n'y a pas consensus sur cette question et c'est facile de comprendre pourquoi. C'est parce que l'incidence du déficit est différente selon les établissements.

Nous sommes d'accord avec le principe en général, à savoir que le financement des universités du Québec est un problème chronique qui touche tous les établissements, mais sur la question de la réabsorption du déficit, nous n'avons pas de consensus.

M. Ryan: On a beaucoup parlé du mode de distribution des subventions. Je crois qu'il a été établi à quelques reprises, du moins d'une manière approximative, que te mode actuel de distribution des subventions engendre des inéquités d'un établissement à l'autre. Il y a un accord assez général pour désirer une réorganisation du mode de partage des subventions gouvernementales.

Est-ce que la conférence des recteurs s'est arrêtée sur ce problème et a des propositions à faire sur les critères qui devraient présider à un nouveau mode de distribution des subventions?

M. Johnston: M. le Président, M. le ministre, c'est facile de donner plusieurs réponses qui n'épuisent pas totalement la question. Premièrement, la conférence des recteurs est unanime sur l'importance d'une formule claire et simple qui maintienne ces règles pour une assez longue période. Souvent, les changements sont difficiles.

Deuxièmement, nous sommes d'accord avec l'importance d'un bon système de recensement des étudiants. Par exemple, le travail sur le système RECU est un travail que nous avons fait en commun et nous sommes d'accord avec l'importance d'une façon de compter la clientèle qui est claire, qui est égale et qui est honnête.

Troisièmement, je pense que nous sommes presque totalement d'accord avec la proposition que le système actuel n'est pas un système acceptable. Le système historique a des injustices pour tous les établissements.

Quatrièmement, quand on imagine un nouveau système, il y a des gagnants et des perdants. C'est la difficulté d'avoir l'unanimité dans notre conférence sur un système A ou un système B, si on a certaines universités qui gagnent et certaines universités qui perdent. C'est la raison pour laquelle nous croyons que c'est important pour le Conseil des universités, pour le ministère de l'Enseignement supérieur d'analyser le problème, la formule et de concevoir un système qui serait plus égal, avec la possibilité pour chaque établissement de réagir par des commentaires. Mais la décision finale est, bien sûr, la décision de votre ministère. Y a-t-il d'autres commentaires?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: Je ne sais pas, sur les autres sources possibles de revenus, pour ce qui est des subventions gouvernementales, vous nous dites qu'il faudrait que ce soit augmenté. Au point de vue du niveau, vous semblez partager l'avis du Conseil des universités dans l'ensemble. Je ne veux pas vous lier à cet avis, mais c'est peut-être l'opinion la plus définie qu'on ait reçue sur le sujet, la plus autorisée aussi probablement.

Je ne sais pas, sur les frais de scolarité, si je pourrais vous demander de préciser un peu ce que vous dites dans votre mémoire. Vous dites: II y en a qui disent ceci, qui disent cela. Est-ce qu'il y a quelque chose que vous auriez a ajouter là-dessus ou si vous voulez nous laisser avec ces propos légèrement sibyllins?

M. Johnston: Cette question est difficile. Comme vous l'avez vu, il n'y a pas de consensus. Un des grands problèmes, c'est qu'on a peur, au sein des membres de la conférence, que, si on hausse les frais de scolarité, on réduise les subventions gouvernementales. C'est un des problèmes soulevés au cours des discussions concernant les frais de scolarité. Mon université et moi-même, nous avons nos propres idées sur cette question et chaque université ici a sa propre philosophie sur cette question. Sur ce qui est utile, c'est difficile de dire plus que les mots du mémoire. Patrick.

M. Kenniff: M. le Président, j'ajouterai à cela qu'une des critiques formulées unanimement par les universités, c'est que la formule actuelle, dont notre président a souligné les lacunes, est critiquable également du fait que toute source autonome de financement, que ce soit des frais de scolarité ou des subventions provenant du secteur privé, c'est autant de sommes d'argent qu'on va défalquer de la subvention générale du gouvernement.

Le régime suivant lequel on finance les dépenses nettes des universités fait en sorte que toute tentative d'user d'initiative de la part des universités est réprimée, si j'ose ainsi parler, par une réduction de la subvention gouvernementale.

Ce que nous proposons, c'est que, quelle que soit la formule que nous retenions en définitive, une certaine marge de manoeuvre soit laissée aux universités pour user de leur initiative pour lever les fonds dont elles ont besoin pour financer leurs activités.

Par ailleurs, sur la question des frais de scolarité, je pense que la réticence des recteurs d'universités s'explique en partie du fait que, évidemment, c'est un régime qui est en vigueur par décrets des gouvernements successifs depuis bientôt 20 ans. Et plus cette situation perdure, plus elle est difficile à changer. Par ailleurs, nos étudiants en général ont un sens de la loyauté vis-à-vis des établissements qu'ils fréquentent et, souvent, ils ont consenti des efforts individuels à l'appui de nos institutions. Ils se sentent, parfois, un peu placés en porte-à-faux, parce qu'on leur demande et on demande aux institutions universitaires d'appuyer le gouvernement sur des mesures qui visent à augmenter leurs frais au-delà de ce qu'ils ont même parfois volontairement consenti.

Cela étant dit, je pense qu'il faut reconnaître que la situation actuelle est intenable. D'une part, le gouvernement ne permet pas aux universités de lever des fonds de source autre que le gouvernement et, d'autre part, le gouvernement réduit les montants qui sont disponibles pour le financement des universités à même ses propres subventions. Je pense que là où il y aurait un consensus au sein de la conférence des recteurs, c'est pour dire que, quelle que soit la décision ultime du gouvernement, il faudrait que l'augmentation de revenus de quelque source que ce soit profite aux universités plutôt qu'au fonds consolidé du revenu. À ce titre, je pense que, pour ma part, je suggérerais très fortement que la solution, que ce soit par les frais de scolarité ou par d'autres sources de financement, soit une solution au problème du développement des universités du Québec et non pas une solution à d'autres problèmes.

M. Ryan: Juste une dernière question, si vous me le permettez, dans un autre ordre d'idées. J'ai été frappé de constater que, sur certaines questions vitales qui prennent de plus en plus d'importance, on dispose d'assez peu de données, finalement, qui permettraient de progresser dans l'étude des situations. Je vous donne deux exemples. On a parlé du corps professoral, par exemple. Je remarque que, chez nous, les statistiques dont nous disposons sur ce sujet sont très peu satisfaisantes. On a parlé du taux d'abandon, du taux de persévérance dans les études. Encore là, on a très peu de données qui soient disponibles, à l'heure actuelle, pour nous permettre de nous former une opinion réelle, une opinion fondée sur la valeur productive de notre système universitaire. (21 h 45)

Je regrette un peu, mais on est rendu qu'on va aller pourchasser les professeurs jusque dans les dernières demi-heures de leur régime hebdomadaire. Pendant ce temps, le produit sort de nos institutions et on n'a pas beaucoup d'éléments pour mesurer combien cela nous coûte d'efforts et d'argent réellement, parce qu'il y a toutes sortes de données qui nous font défaut. Je ne sais pas comment vous voyez ce problème et si vous seriez prêts à collaborer avec le ministère pour qu'on mette au jour sur ces questions des statistiques plus détaillées. J'ai l'impression qu'on va avoir besoin de cela davantage à mesure qu'on va avancer.

M. Johnston: Nous sommes d'accord avec l'importance de travailler ensemble dans ce but, parce que c'est la responsabilité du gouvernement d'assurer la productivité et la qualité de nos institutions. Deuxièmement, c'est très important pour nous comme partenaires de montrer à nos concitoyens que nous avons de l'efficacité dans nos établissements. Nous sommes d'accord avec l'importance de travailler ensemble. Je suggère quelque chose: premièrement, chacun de nos établissements a son conseil d'administration qui a une responsabilité très importante pour l'efficacité de l'institution. C'est très important de renforcer son rôle de

conseiller le gouvernement. Deuxièmement, il s'agit d'un produit intangible, le produit intellectuel. C'est difficile de le mesurer, mais on a l'évaluation par les collègues, par les étudiants, par les pairs dans le domaine de la recherche avec la possibilité pour les étudiants de choisir les programmes, de choisir l'université. On a des critères, mais, en général, M. le ministre, je suis d'accord avec l'importance qu'il y a de développer des critères d'évaluation plus concrets. M. Cabana.

M. Cabana (Aldée): M. le Président, pour ajouter une dimension à cette question qui est posée, il est évident que nous sommes d'accord sur l'utilité qu'il y aurait d'obtenir des données plus précises, de meilleures données. Mais j'aimerais ici mettre un peu les gens en garde. On veut toujours avoir les meilleures données, plus de données, des données plus précises et on est pris, à l'université, à remplir des formulaires assez complexes, des analyses qui doivent être extrêmement complexes. Je pense qu'il y a des coûts reliés à l'obtention de telles données. Je pense qu'il faudrait relier cela à une question qui a été posée au préalable, à savoir qu'il est inquiétant de voir que certains coûts administratifs pourraient être considérés comme excessifs. Mais je pense que c'est relié a cela. C'est sûr que des données additionnelles, nous sommes d'accord que ce serait utile d'en avoir, mais je pense qu'il faut faire attention dans ce domaine.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord de saluer le président de la conférence des recteurs et les personnes qui l'accompagnent. Je ne voudrais pas reprendre l'essentiel de ce qui se retrouve dans votre mémoire. Je me suis fait la réflexion en le lisant, à voir l'insistance que vous mettiez à faire un rapport entre la scolarisation, le savoir et le développement économique, que vous aviez compris que le seul argument susceptible de faire réagir un peu ce gouvernement devait être à caractère économique. Je dois vous dire, cependant, que je partage cette opinion et je pense que, de façon générale, la plupart des pays reconnaissent que le savoir est appelé à jouer aujourd'hui dans le développement économique le rôle que jouait le capital il y a quelques décennies. Et, à cet égard, je ne saurais trop insister avec vous sur la nécessité de continuer à faire de l'éducation une priorité.

Je ne voudrais pas indûment vous prendre à témoin de nos divergences, le ministre et moi-même, sur certaines questions, mais je ne peux pas passer sous silence l'allusion que le ministre faisait à l'état du budget et des finances que le précédent gouvernement lui a laissés. Je me permettrai juste de rappeler qu'en campagne électorale le chef de l'Opposition a, à maintes reprises et constamment, réitéré et rappelé qu'il n'avait pas de marge de manoeuvre et qu'on avait effectivement une situation financière difficile.

M. Ryan: Ils avaient tout dépensé. Je ne pensais pas qu'ils nous avaient endetté tant que cela.

Mme Blackburn: Bien. M. le Président, j'aurais le goût de relever la référence faite par le ministre au rapport Gobeil. Je rappellerai exclusivement deux choses. Je trouve très habile de la part du ministre de vouloir distancer le président du Conseil du trésor du rapport. Cependant, qu'il me soit permis de rappeler ici que le président du Conseil du trésor a utilisé toutes les tribunes depuis février dernier jusqu'à juin pour annoncer quasiment l'essentiel du contenu qu'on a retrouvé finalement dans le rapport Gobeil. Alors, qu'on veuille nous dire qu'à un moment donné il n'était pas partie prenante aux orientations de ce rapport, il me semble que c'est important qu'on se rappelle cela et, si c'était nécessaire, je pourrais sortir des textes d'allocutions de M. Gobeil, mais ce ne sera pas nécessaire. Toutefois, la décision touchant la pertinence d'entendre le président du Conseil du trésor en cette commission trouve sa réponse dans la citation du rapport Gobeil que faisait tantôt le ministre.

Là-dessus, M. le Président, je vais prendre votre mémoire dans l'ordre plutôt que selon ce que j'appellerais l'ordre des priorités de mes préoccupations. En page 16, parlant de la recherche, au deuxième paragraphe, vous dites: "À ce sujet, il faut souligner le lien étroit qui existe entre la recherche et le développement des études de 2e et 3e cycles, qui constitue une priorité pour le Québec." Cet après-midi, le président du Conseil des universités ne semblait pas faire un rapport étroit entre la recherche et le 2e et le 3e cycles. Il n'estimait pas utile la présence d'un 2e et d'un 3e cycles pour faire de la recherche et pour l'enrichir. Je voudrais avoir votre réaction là-dessus.

M. Johnston: M. le Président, Mme la députée, j'ai ma philosophie très personnelle et la philosophie de mon université. C'est très important d'avoir les deux ensemble, la recherche et l'enseignement, particulièrement aux 2e et 3e cycles, mais aussi au 1er cycle parce que nous sommes des universités. Nous ne sommes pas des collèges, nous ne sommes pas des écoles. La responsabilité d'une université est de développer les cerveaux et

c'est très important de porter les étudiants jusqu'aux frontières des connaissances dans une certaine discipline. Pour qu'un professeur puisse faire cela dans une salle de cours, il doit faire de la recherche aussi afin de renouveler sa curiosité intellectuelle et ses connaissances. Nous avons, en Amérique, un système où la recherche et l'enseignement vont ensemble. Le système de l'Allemagne est différent avec les grands instituts de recherche. Je crois que c'est très important de maintenir la tradition de l'Amérique du Nord dans nos universités parce que cela coûterait cher de développer un autre système de recherche qui serait isolé ou séparé des universités et de l'enseignement des 2e et 3e cycles. Pour nous, c'est possible, d'accomplir les deux ensemble, la recherche et le développement des jeunes chercheurs de 2e et 3e cycles. Ainsi, pour moi, ce n'est pas une question d'équilibre, c'est une question de philosophie très fondamentale que d'avoir les deux ensemble dans nos universités. Finalement, nous n'avons pas la capacité, comme société, de développer deux systèmes différents, particulièrement quand nous n'avons pas une grande tradition de recherche dans l'industrie au Québec et au Canada. C'est très important d'utiliser nos universités pour cette responsabilité. Autre commentaire?

M. Scott (Hugh): Peut-être juste un commentaire qui peut avoir l'air un peu malin, mais je pense que cela rejoint un peu le concept qu'il est possible et même fort important, comme notre président l'a dit, qu'une institution de 1er cycle puisse faire de la recherche, mais on ne peut pas imaginer les 2e et 3e cycles sans recherche. Dans ce concept, quand ils ont dit! On ne peut pas diviser les deux, cela veut dire: cela dépend où on commence. Si on commence avec la volonté de faire un 2e et un 3e cycles, par définition, on ne peut pas faire cela sans la recherche. Par contre, l'inverse n'est pas nécessairement vrai, c'est-à-dire que la recherche est essentielle même avec le 1er cycle.

Mme Blackburn: Toujours dans le même domaine, à la page 17 vous parlez des programmes que gèrent le FCAR et différents organismes de recherche au Québec. Vous avez sûrement pris connaissance de la recommandation du rapport Gobeil sur la restructuration des organismes et des fonds de recherche. Je vaudrais avoir brièvement votre réaction par rapport à cette proposition qui dit qu'on devrait le faire dans deux grands secteurs d'activité, c'est-à-dire les sciences humaines et les sciences de la nature.

M. Johnston: Nous n'avons pas de position à la conférence sur cette question.

C'est une question qu'on débat. Moi, je suis d'avis que nous avons un système assez efficace maintenant avec les trois conseils du Québec comme au niveau fédéral avec les trois conseils de recherche. Ce n'est pas impossible de penser à un système comprenant les trois ensemble. Je préfère maintenir un système qui fonctionne bien maintenant, mais ce n'est pas une position inflexible. D'autres commentaires?

Mme Blackburn: Toujours dans le domaine de la recherche et cela touche le financement fédéral de la recherche, vous connaissez certainement le budget et la proposition quant aux conseils sub-ventionnaires fédéraux qui s'appelle la formule de pairage. Cela comporte un certain nombre d'imprécisions relativement aux modalités d'application. On se demande s'il y a un plafonnement des crédits du financement du secteur privé. Est-ce qu'il y a un maximum par rapport à ce qui serait ajouté par les fonds de recherche, ainsi de suite? Je voudrais vous voir réagir là-dessus.

M. Johnston: Je ne comprends pas exactement la question. Gilles?

M. Boulet: II y a eu un certain nombre de discussions entre les universités canadiennes d'une part, et aussi au niveau de la conférence des recteurs à propos des modalités d'application du pairage de subventions du gouvernement fédéral et de l'industrie pour les grands conseils de la recherche. La conférence des recteurs a mis sur pied un comité au niveau de ses vice-recteurs enseignement ou responsables de ta recherche pour préciser sa position. Je pense que l'on peut dire que la position d'ensemble des universités du Québec actuellement se situe à un point où les universités voudraient que dans ce pairage le gouvernement tienne compte, jusqu'à un certain point, de l'université qui a provoqué la subvention de l'industrie et qui provoque le pairage mais que le pairage ou, devrait-on dire, ses produits financés par le gouvernement fédéral aillent majoritairement aux grands conseils eux-mêmes. Il y a eu quelques positions, je pense que c'est de l'Université de Toronto en particulier, qui ont essayé d'orienter vers les universités provocatrices tout l'argent, y compris celui qui aurait été alloué aux grands conseils de recherche, de sorte que ceux-ci ne seraient plus devenus, pour cette partie de leur budget, qu'un bureau de poste. Je ne pense pas que ce soit la position d'aucune des universités du Québec.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Y a-t-il d'autres interventions?

M. Boulet: Elle n'est pas retenue, semble-t-il, finalement.

(22 heures)

Mme Blackburn: Elle n'est pas retenue. Bien.

Une autre question sur le chapitre que vous appelez "les conditions de la concertation". Vous citez un nombre d'exemples impressionnant d'activités de concertation entre les différentes universités. Pourriez-vous me dire si la concertation s'est davantage développée dans certaines universités ou entre certaines universités ou si c'est le fait de façon générale de toutes les universités?

M. Kenniff: Évidemment, il y a une occasion à saisir dans la région de Montréal qui est très importante, c'est-à-dire qu'il y a quatre universités. Il s'est manifesté depuis quelques années une concertation au plan des programmes qui s'est matérialisée par des programmes d'études de 2e ou de 3e cycle, des programmes conjoints, le doctorat en administration, le projet de doctorat en communications et d'autres projets semblables qui sont le fait des quatre universités montréalaises. Il y a...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je regrette, mais je dois vous interrompre en vertu de nos règles de procédure. Je dois obtenir le consentement des deux côtés de l'assemblée pour dépasser 22 heures. Est-ce que j'ai consentement? Consentement. Poursuivons. Merci.

M. Kenniff: Au plan de la recherche, il y a également des manifestations concrètes de concertation comme la formation du Centre de recherche informatique de Montréal. Le Centre de recherche informatique est un projet réalisé avec l'entreprise privée également. Présentement, il y a un projet de centre d'initiative à Montréal. Si vous regardez, par exemple, les subventions d'actions structurantes, vous allez voir qu'il y a un grand nombre d'équipes qui comprennent des professeurs tirés d'universités différentes. Je pense que ceux qui prétendent que la concertation est à faire devraient plutôt dire que la concertation est à parfaire. Elle s'est réalisée dans un grand nombre de projets jusqu'à maintenant, tant du côté de l'enseignement que côté de la recherche.

Il y a des perspectives intéressantes d'avenir. Je pense que ces perspectives - et là-dessus on en a discuté un peu entre nous - sont davantage au niveau des études de 2e et 3e cycles et de la recherche qu'au niveau d'une quelconque rationalisation cartésienne des études de 1er cycle où on dirait que telle université va enseigner la sociologie et telle autre, le génie mécanique. Je pense qu'au 1er cycle, il y a une concurrence très saine à avoir entre les universités. Aux 2e et 3e cycles où il y a peut-être plus d'effervescence et de créativité chez les chercheurs et les étudiants, il y a beaucoup plus de concertation à réaliser.

C'est peut-être une petite tendance qui se dessine. Il ne faudrait pas penser que cela peut se réaliser à tous les niveaux et dans tous les programmes. Il y a déjà des réalisations. Je pense que sûrement la volonté est là de la part des universités. Qu'on soit à Montréal ou ailleurs, le projet de collaboration existe avec toutes les universités du Québec. Il y a vraiment une volonté de multiplier ces démarches.

Mme Blackburn: Le Conseil des universités - plus brièvement - parlait cet après-midi de concertation avec les collèges et les cégeps. Vous avez fait état des 2e et 3e cycles et de la recherche. Cela n'entre pas dans vos perspectives de concertation et de collaboration?

Une voix: M. Cabana.

M. Cabana: II y a quelques occasions de concertation avec les collèges, notamment, pour les programmes. Ces concertations, je pense, sont bien faites. Dès l'instauration des collèges, il y a eu un respect à peu près absolu des universités pour l'enseignement dit collégial, de sorte qu'il y a très peu de recouvrement entre les enseignements du collège et des universités. La concertation est peut-être possible à d'autres niveaux. Au niveau de l'enseignement, je pense que cette concertation existe à peu près parfaitement présentement.

Mme Blackburn: Ce n'était qu'une réflexion. En page 24, au terme d'une longue série de conditions devant être mises en place pour favoriser la concertation, le paragraphe du centre dit: Enfin, des rencontres régulières, au plus haut niveau, entre le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, le Conseil des universités... Les discussions devraient porter sur les grandes questions touchant l'avenir de l'enseignement supérieur. Ces rencontres auraient pour objectif de favoriser une meilleure harmonisation des points de vue sur les priorités de développement de l'ensemble du réseau collégial.

Je me demandais, dans une perspective comme cela, s'il faudrait maintenir les commissions parlementaires comme celle-ci et les commissions parlementaires qui ont comme mandat d'examiner les crédits. Je trouve quand même, soit dit en passant, que la proposition est intéressante. Je me demande jusqu'à quel point elle ne vient pas alourdir, si je puis ainsi m'exprimer, une démarche qui a finalement ses lieux d'exercice. C'est une réflexion que je me faisais.

Si vous me le permettez, on va aborder

!a question du financement et, évidemment, la question des frais de scolarité. On aborde cette question souvent comme si elle devait apporter une nouvelle source de revenus pour les universités. À ce que je sache, c'est une source de revenus pour le gouvernement, à moins que les règles n'aient changé. Parce que, comme le rappelait, je pense, M. Kenniff, ce qu'on va chercher en frais de scolarité est prélevé de l'enveloppe pour l'équivalent. Alors, à moins que les règles n'aient changé, c'est la situation qu'on connaît actuellement.

Donc, parler de nouvelles sources de revenus pour les universités, c'est davantage parler de nouvelles sources de revenus pour le gouvernement. Je sais que vous avez insisté sur la nécessité, quelles que soient les nouvelles sources de revenus, que cela reste dans les enveloppes, mais il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui, pour l'heure et pour le moment, d'après les règles telles qu'elles sont, telles qu'on les connaît, c'est une source de revenus pour le gouvernement; donc, c'est un nouvel impôt.

À présent, ma question est la suivante. Vous abordez la question des frais de scolarité en passant assez rapidement... Vous dites: Personne ne nie que le gel des frais de scolarité ait pu avoir pour effet de faciliter l'accès aux études supérieures. On peut faire le raisonnement en disant que le dégel aura donc des effets sur l'accessibilité. S'il y a eu des effets positifs, on peut penser qu'il y aura des effets négatifs. Est-ce que vous estimez que, même s'il devait y avoir des effets négatifs sur l'accessibilité, on devrait quand même procéder à un dégel des frais de scolarité?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Cabana.

M. Cabana: On ne s'est jamais posé la question dans ces termes, c'est-à-dire qu'on a dit que, s'il y a dégel des frais de scolarité, il faudra qu'il y ait un réajustement des prêts et bourses et particulièrement des bourses de façon à permettre aux jeunes les moins favorisés d'avoir accès è l'université. Je pense qu'on ne s'est pas posé la question à savoir si une augmentation des frais de scolarité en soi aurait une influence négative sur l'accessibilité. On pense que cela n'en aurait pas s'il y avait en même temps une amélioration du régime des prêts et bourses.

Mme Blackburn: Oui, M. Kenniff.

M. Kenniff: Sur la deuxième question des effets de l'augmentation des frais de scolarité, je pense qu'au tout début de la période de gel des frais de scolarité le gel a eu une influence sur la question de l'accessibilité. Aujourd'hui, on peut penser que le gel a un effet différent, c'est-à-dire que, par le fait, d'un côté, du gel des subventions gouvernementales et, de l'autre côté, du gel des frais de scolarité qui est une situation à qui mieux mieux, l'effet sur l'accessibilité, c'est du côté de la qualité de l'enseignement. Donc, si l'étudiant peut encore franchir les portes de l'université, il trouve, de l'autre côté de ces portes, un produit d'une qualité moindre que ce qu'il y avait il y a quelques années. Je pense que, là-dessus, l'accessibilité est à deux volets: le droit de traverser la porte et le droit également de trouver, de l'autre côté de la porte, un produit de qualité.

Je veux quand même, avec votre permission, M. le Président, revenir sur l'affirmation au sujet de l'augmentation des frais de scolarité comme étant une source de revenus pour le gouvernement. À ce que je sache, aux dernières nouvelles, les universités percevaient encore des revenus, d'une part, des frais de scolarité et, d'autre part, des subventions gouvernementales. Ce qu'on qualifie de gel des frais de scolarité depuis vingt ans, ce n'est ni plus ni moins qu'une règle budgétaire qui fait que les frais de scolarité perçus par l'université sont déduits des dépenses nettes pour déterminer quelle sera la subvention gouvernementale.

En d'autres termes, le gel est imposé par une règle budgétaire, mais les universités sont toujours libres, en théorie, d'augmenter les frais de scolarité avec la conséquence que la subvention gouvernementale est réduite d'autant. Donc, finalement, cela produit un revenu zéro pour l'université. Mais une augmentation quelconque des frais de scolarité, si minime soit-elle, ferait entrer ces sommes d'argent dans les comptes de banque des universités, mais, si la règle présente persiste, elle ferait en sorte que la subvention gouvernementale soit réduite. Si ces sommes doivent être une source de revenus pour le gouvernement, cela sera en raison d'une décision consciente de la part du gouvernement de déduire, de défalquer, si vous voulez, de sa subvention un montant égal et, donc, d'en faire bénéficier son fonds consolidé du revenu.

Je sais que c'est peut-être un jeu de mots, mais c'est comme cela que l'on fonctionne depuis 20 ans et, finalement, à moins de rapatrier tout cela au niveau du gouvernement et de financer toutes les universités - ce que l'on ne préconise pas du tout - directement par l'État, il faut reconnaître qu'en principe les augmentations de frais devraient profiter aux universités. Aux autorités de décider si cela doit leur profiter ou non.

Mme Blackburn: C'est là que vous reconnaissez que les règles actuelles devraient être modifiées.

M. Kenniff: C'est cela.

Mme Blackburn: C'est bien. Les seuls frais, en fait, qui restent dans les coffres des universités, ce sont les frais dits afférents.

Je poursuis. Je vais revenir brièvement un peu en arrière. Vous parlez des frais indirects de la recherche en demandant une formule plus équitable. L'évaluation que vous faites des frais afférents à la recherche me paraît assez élevée: "100 % des composantes salariales des subventions de recherche." Vous dites: "Dans l'élaboration d'une nouvelle formule de financement, on devra, de façon beaucoup plus réaliste qu'on ne l'a fait jusqu'ici, tenir compte des coûts de la recherche." Quelle formule suggérez-vous?

M. Johnston: Le Conseil des universités a suggéré une formule qui concerne les coûts indirects de la recherche. L'étude de la direction générale du financement des universités de 1984 a proposé une formule. En général, nous sommes d'accord avec ces types de formules-là. Le principe est de reconnaître qu'avec notre système de subventions pour la recherche du Québec et aussi du Canada on n'a pas les coûts indirects. Cette faiblesse dans le système doit être redressée avec un nouveau système de financement pour les universités. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, il y a une punition très cruelle pour le succès quand on reçoit des fonds de l'extérieur pour les universités. Pour moi, c'est un cri du coeur parce qu'à mon université les subventions de l'extérieur par professeur sont les plus élevées du Canada et nous sommes les plus pénalisés pour ce succès. Autres commentaires?

Mme Blackburn; Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. D'une part, vous me permettrez de saluer les membres de la CREPUQ, que j'ai appris è connaître dans les années passées, particulièrement au cours des automnes des trois dernières années où la CREPUQ a organisé un programme annuel de sensibilisation des jeunes du niveau secondaire qui a amené, entre autres, le président Johnston à faire le tour du Québec et des régions du Québec, partout où il y a des constituantes universitaires, pour faire la promotion auprès de ces jeunes-là d'une accessibilité plus grande au secteur universitaire.

Je ne voudrais pas reprendre les propos de Mme la députée de Chicoutimi à l'égard de l'ensemble des questions financières. Les membres de la CREPUQ ont mentionné tout à l'heure' qu'ils savaient jusqu'à quel point l'intérêt gouvernemental et l'intérêt public obligeraient le gouvernement du Québec à comprimer ses dépenses budgétaires et à réduire le niveau de son déficit. (22 h 15)

Les discussions de la campagne électorale concernant les niveaux de marge de manoeuvre ou pas sont bien secondaires aujourd'hui.

M. Jolivet: On sait cela.

M. Chagnon: De toute façon, M. le député de Laviolette, le fait d'avoir dit qu'il n'y avait pas de marge de manoeuvre durant la campagne électorale nous a appris une chose. Après la campagne électorale, on s'est aperçu que non seulement il n'y avait pas de marge de manoeuvre, mais qu'il y avait un déficit beaucoup plus grand que celui escompté. Et, deuxièmement, c'était un aveu de culpabilité de l'ancien gouvernement d'avoir, jusqu'à un certain point, dépensé les deniers publics de façon inconsidérée.

M. le président, aux pages 23 et 24 de votre document, vous parlez des opérations de rationalisation que vous jugez fort à propos. Je pense qu'il y a un consensus à la CREPUQ selon lequel il y a encore des possibilités de rationalisation et plus particulièrement par des modifications aux règles budgétaires que vous connaissez.

D'une part, j'ai compris qu'il y avait un consensus selon lequel on était d'accord pour qu'il y ait une équité dans le partage financier entre les différentes universités. Est-ce que cet accord sur l'équité est relativement nouveau ou si c'est un consensus que vous avez senti à l'intérieur de votre groupe depuis déjà peut-être plus d'un an?

M. Johnston: Ce n'est pas un accord nouveau, mais on a des conditions nouvelles. Premièrement, les coûts d'équipement pour les laboratoires, particulièrement les coûts d'équipement pour, par exemple, l'ordinateur, sont plus lourds, et cela exige une concentration. Certains domaines des sciences où cela coûte plus cher pour faire de la recherche exigent le regroupement. Troisièmement, quand cela touche les bibliothèques, la possibilité d'automatisation a créé une situation où c'est plus facile de coordonner les collections et de transférer l'information, les fiches, les données, etc.

Finalement, pendant les cinq dernières années et pour l'avenir, il y a une grande priorité pour la recherche et le développement des études du 2e et du 3e cycle. On a les conditions là pour une plus grande concentration, pour le regroupement et la coordination, pas simplement des universités dans la même région géographique, comme

M. Kenniff l'a mentionné pour Montréal mais dans tout le Québec. Ainsi, je pense que nous sommes dans une période où c'est possible d'avoir une plus grande concentration.

M. Chagnon: M. le Président, s'il y a un consensus sur la nécessité d'équité dans le partage financier des ressources gouvernementales au niveau des différentes universités, s'il y a aussi un consensus sur le fait qu'il devrait y avoir une simplification des règles budgétaires, de la transparence dans les règles budgétaires et sur le fait que ces règles budgétaires devraient subir un test d'organisation administrative pour chacune des universités, et s'il y a un consensus selon lequel il devrait y avoir un an de mise en place des règles budgétaires avant leur application, est-ce que la CREPUQ a proposé au ministère de l'Education, de l'Enseignement supérieur - je m'excuse, M. le Président, c'est probablement un ancien conditionnement - une "paramétrisation" qui lui permettrait de modifier les règles budgétaires et d'analyser, avec le ministère de l'Éducation, les possibilités de modifier les règles budgétaires et le cadre desdites règles budgétaires pour les années à venir, de façon à le rendre plus juste, de façon à corriger ce qui vous semble être - je vous comprends et je ne vous chercherai pas noise du fait que vous vous posiez des questions -un lien entre la possiblité d'une augmentation des frais de scolarité et la diminution des subventions gouvernementales? Ce n'est pas moi qui vais vous poser trop de questions là-dessus. Il peut y avoir un problème à cet effet, mais c'est à vous, me semble-t-il, comme organisation, de prendre le leadership de proposer au ministère de l'Éducation une "paramétrisation" nouvelle des règles budgétaires et de la discuter avec ledit ministère, de discuter aussi de l'application de ces nouvelles règles dans chacune des constituantes, dans chacune des universités du Québec. Est-ce que cette démarche, qui m'apparaît en être une de leadership de la part de la CREPUQ, a déjà été avancée ou, encore, voudriez-vous la voir avancée?

M. Johnston: En général, je suis d'accord, mais on a là une réitération. On a discuté plusieurs nouvelles formules de financement; plusieurs sont à la suggestion d'une ou l'autre des universités, ou du Conseil des universités, ou du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. On n'a pas le monopole des bannes idées et c'est important d'avoir l'action et les réactions. Nous n'avons pas de difficulté avec ce genre de leadership. Le problème est que nous n'avons pas un consensus sur un type de nouvelle formule de financement et c'est la raison pour laquelle on a des gagnants et des perdants.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président.

M. Chagnon: M. le Président...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous pourriez conclure rapidement, M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Je veux tout simplement inciter les membres...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous ferai remarquer que votre temps est écoulé, actuellement.

M. Chagnon: ...de la CREPUQ à non seulement entrer en contact avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, mais à mettre sur pied un comité conjoint avec ce ministère de façon à regarder une nouvelle "paramétrisation" des règles budgétaires.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, en particulier à M. Kenniff que je connais, puisqu'il était sous-ministre aux Affaires municipales, et à M. Boulet que j'ai eu l'honneur d'avoir comme professeur au temps où j'étais au séminaire Sainte-Marie, à Shawinigan. Mon message étant passé... Non, mais c'est parce que je voulais que mon professeur ait au moins la capacité de penser que j'ai réussi quand même dans la vie grâce à ses services et à ses qualités de professeur à l'époque, mais avec les moyens du bord de l'époque aussi.

J'avais une question à poser. Cet après-midi, le Conseil des universités nous a fait une proposition concernant l'augmentation des frais de scolarité, du double et même du triple, a-t-on dit. Je suis un peu surpris parce que vous représentez, quand même, toutes les universités du Québec, au Québec devrais-je dire - il faut bien faire attention à mes termes - comme responsables et le Conseil des universités est supposé avoir consulté les membres de chacune des universités pour en arriver à une recommandation qui est différente de la vôtre.

Vous dites: S'il y a augmentation des frais de scolarité, il faudrait que cela soit à l'intérieur de certains paramètres nous permettant de nous assurer que les subventions gouvernementales ne soient pas diminuées en proportion des montants additionnés par l'augmentation des frais de scolarité. À votre avis, pourquoi le Conseil des universités, qui est censé vous

représenter aussi a un autre niveau en termes de consultation auprès du ministre, en arrive-t-il à une conclusion qui n'est simplement pas la vôtre et qui, dans le fond, ne donne aucune autre formule que de dire: Augmentons les frais de scolarité du double ou du triple? J'ai de la difficulté à concilier ces deux propositions.

M. Johnston: Ce n'est pas difficile à comprendre. C'est une question un peu difficile et, à notre université, avec 17 000 étudiants et 1200 professeurs, on a une grande variété de points de vue. C'est simple de voir les mêmes différences entre les points de vue de chacune des universités ici.

M. Jolivet: Je vais vous poser une autre question qui est sous-jacente à celle-là. Vous dites: Nous demandons d'augmenter les frais de scolarité, dans la mesure où on ne diminue pas les subventions qui nous sont accordées, pour que cela puisse bénéficier aux universités. Expliquez-moi comment vous allez utiliser cet argent pour le bénéfice des universités. Pourquoi voulez-vous avoir cet argent?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Cabana.

M. Cabana: Je pense que c'est une question à laquelle il devrait être assez facile de répondre. Toutes les universités ont fait des compressions très douloureuses. En dépit de cela, nous avons accumulé des déficits importants. Il n'y a aucun doute que la qualité de l'enseignement s'est dégradée. Dans les universités, il y a des ratios étudiants-professeur qui sont tout à fait intolérables. J'ai assisté cet après-midi à la présentation du mémoire du Conseil des universités et je pense qu'on est parfaitement d'accord à la CREPUQ avec les observations qui ont été faites. Je pense que la position du Conseil des universités et celle de la conférence n'étaient pas si différentes que cela. L'augmentation des frais de scolarité préconisée probablement par le conseil, c'est pour autant que le gouvernement ne dispose pas de moyens suffisants pour permettre aux universités d'obtenir les sommes nécessaires pour fonctionner correctement. Donc, je ne pense pas que le point de vue soit très différent.

M. Jolivet: Si je comprends bien, c'est que, de part et d'autre, on a donné des possibilités de revenus additionnels. Ces revenus additionnels sont différenciés dans les deux positions, d'une façon ou d'une autre, par le fait que vous dites: En plus de l'augmentation des frais de scolarité, vous ne voulez en aucune façon diminuer les montants des subventions gouvernementales. Cela va suffire à combler vos déficits. Mais après, cela va servir à quoi? Est-ce qu'il va y evoir au plan universitaire, par l'augmentation de ces revenus aux deux niveaux que vous proposez d'une certaine façon, les moyens de donner un meilleur service? Deuxièmement, est-ce que cela aura pour effet de permettre aux universités de prendre de l'expansion? C'est la question que je pose.

M. Cabana: Sûrement que, juste pour accueillir les nouvelles clientèles, nous avons besoin de revenus additionnels, mais cela permettrait aussi d'offrir de meilleurs services, d'avoir des ratios étudiants-professeur qui se comparent plus à ce qui existe dans les autres provinces ou aux États-Unis, d'avoir plus de bibliothèques bien garnies et peut-être aussi d'avoir des laboratoires mieux équipés. Nous sommes à un point où, je pense, la qualité de l'enseignement... Tout le monde s'accorde à le dire; il n'y a pas seulement les universités; il y a la CREPUQ, évidemment, le Conseil des universités, l'entreprise privée qui déplorent la détérioration de la qualité de l'enseignement parce que les ratios, particulièrement les ratios étudiants-professeur qu'on a, sont tout à fait intolérables. Je pense que, comme le disait cet après-midi le président du Conseil des universités, peu importe d'où viendra l'argent, l'important est d'abord d'avoir des revenus qui nous permettent de fonctionner correctement.

M. Jolivet: À la page 23 de votre document, je vais lire le paragraphe où on dit: "Premièrement, il faudrait assainir le climat de concurrence créé par l'imposition de compressions indues et par l'utilisation abusive que l'on a faite de la technique du prélèvement sur l'enveloppe de chacun pour financer de nouvelles dépenses. Ce qu'il faut créer, c'est un climat d'émulation axé sur la poursuite de la qualité et de l'excellence." Est-ce qu'il n'y a pas un danger, en augmentant les frais de scolarité tel que proposé, si on suit l'enveloppe actuelle de diminution au niveau de l'enveloppe gouvernementale, si on prend les paramètres actuels, qu'il y ait non pas une émulation, mais une concurrence qui peut être difficile de l'une à l'autre des universités?

M. Kenniff: Je pense que, dans toutes les provinces canadiennes où il y a eu ces dernières années des augmentations de frais de scolarité, cela s'est fait a l'intérieur de paramètres ou d'une fourchette établis par le gouvernement. Dans la plupart des cas, on fonctionnait sur un système qui n'était pas celui du financement des dépenses nettes, mais sur un système basé sur un montant par étudiant. En cela, on libérait les universités en ce qui avait trait aux frais de scolarité,

mais on les limitait à l'intérieur d'une certaine fourchette. Je pense que c'est une formule qui est quand même acceptable.

Mais je veux revenir à votre prémisse de départ, parce que, pour moi, le problème se pose en d'autres termes. Ce que le Conseil des universités demande, que nous appuyons et que nous demandons également, c'est que l'enveloppe globale des revenus des universités augmente. À l'heure actuelle, il faut bien le signaler, cette enveloppe est composée pour 85 % de subventions gouvernementales, pour à peine 10 % de frais de scolarité. Alors, poser le problème en termes d'augmentation des frais de scolarité et de non-diminution de l'enveloppe gouvernementale, c'est agir sur une infime partie des revenus globaux des universités. Ce que l'on dit, c'est que, d'une part, les revenus globaux augmentent. Évidemment, comme 85 % de ces revenus globaux sont des subventions gouvernementales, on souhaiterait bien que le gouvernement, dans l'établissement de ses priorités générales en matière d'enseignement, de services sociaux, etc., considère les universités comme étant une priorité d'investissement et augmente donc l'enveloppe globale. Si, par ailleurs, il est nécessaire, pour qu'on puisse offrir les mêmes services et la même qualité d'enseignement et envisager le développement futur des universités, d'augmenter les frais de scolarité, qu'on les augmente également. Enfin, il y a là deux volets qui ne s'excluent pas mutuellement. De la façon dont vous avez posé la question, j'ai compris que peut-être l'un excluait l'autre. (22 h 30)

M. Jolivet: Juste pour terminer, si c'est une question d'augmentation des revenus, peu importe d'où ils proviennent, pourvu que vos revenus augmentent, pourquoi les universités, dans certains cas, ou le Conseil des universités, comme on l'a vu cet après-midi, proposent-ils d'appuyer la démarche que l'on sent depuis le début de la part du ministre de l'Éducation ou d'autres du gouvernement visant à augmenter les frais de scolarité? Pourquoi donnez-vous votre aval à cette proposition, alors que c'est une décision qu'il appartiendra au gouvernement de prendre?

Le Président CM. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a un commentaire?

M. Kenniff: M. le Président, je pense qu'on nous fait dire, peut-être de façon différente, des choses. D'une certaine façon, on dit qu'il y a un objectif qui est celui de faire en sorte que les universités puissent rencontrer les objectifs qu'elles se sont fixés, qu'elles puissent accomplir leur mission. Pour accomplir cette mission, même au niveau qui existait il y a à peine quelques années, sans penser au développement, il faudrait augmenter les revenus globaux des universités d'un montant X. Cette augmentation peut provenir ou bien de subventions gouvernementales ou bien de frais de scolarité. Si nous insistons pour qu'advenant une décision gouvernementale de permettre aux universités d'augmenter les frais de scolarité ces montants-là reviennent aux universités et soient utilisés pour fins de consolidation et de développement de nos établissements, je pense que cela ne constitue pas nécessairement un aval aveugle à une augmentation des frais de scolarité qui puisse profiter à n'importe qui ou qui puisse être simplement une décision indépendante de toute autre décision de développement du réseau universitaire ou d'amélioration de la qualité de l'enseignement et de la recherche.

Je pense qu'il faut voir la position adoptée par la conférence des recteurs dans un ensemble, dans un tout. On a un seul objectif, finalement, je pense, tous tant que nous en sommes ici et tous les gens que nous représentons, c'est de faire en sorte que les universités soient en mesure de contribuer au développement de la société québécoise de la manière dont nous pensons que cela nous incombe dans une société comme la nôtre qui doit faire concurrence à d'autres économies, d'autres sociétés au plan international. Si nous négligeons le réseau universitaire nous estimons que, de façon globale, on porte atteinte même aux perspectives de développement de l'ensemble de notre société. Je pense que vous verrez dans plusieurs mémoires, dont celui de la conférence des recteurs, que nous insistons beaucoup sur cette dimension-là, l'importance du réseau universitaire pour l'avenir de notre société dans son ensemble. Prendre la question des frais de scolarité et l'isoler, je pense que c'est une erreur. Il faut voir cette question-là dans un ensemble beaucoup plus global.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je permettrai deux dernières interventions. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Vous me permettrez d'avoir une réaction à la suite à la fois de votre prestation et de la lecture de votre mémoire. Il me semble y avoir une espèce de contradiction et je vous la soumets. Comment, en même temps, peut-on tenir un discours sur la nécessité de faire de l'éducation une priorité, sur le rôle capital que joue le savoir dans le développement des collectivités, des sociétés, particulièrement de l'économie et, je dirais, avoir une si faible préoccupation touchant l'accessibilité? Je me permets de le rappeler parce que vous êtes tous des recteurs, des gens qui, finalement, eut comme mission de former, j'allais dire, une élite, mais le terme a quelque chose d'un peu péjoratif.

Il me semble qu'il aurait été

intéressant, et peut-être pourrions-nous y songer éventuellement, qu'il se fasse des recherches pour comprendre, analyser ce phénomène qui fait qu'on a, dans nos milieux socio-économiques faibles une si faible participation. On aurait pu essayer d'inventorier, de faire de la recherche et d'examiner ce que pouvaient être des éléments de solution. Il me semble que parler d'éducation et de son importance sans se préoccuper de cette partie de la population... Entre nous, le Conseil des universités l'a souligné, on sait que ce n'est pas beaucoup chez les Québécois anglophones, c'est beaucoup plus chez les Québécois francophones qu'on trouve un taux de scolarisation beaucoup moins élevé. Évidemment, la question s'adresse un peu à tout le monde. Comment peut-on à la fois tenir un discours sur la nécessité de continuer à investir en éducation particulièrement dans l'enseignement supérieur et avoir cette absence, il me semble, de préoccupation quant à l'accessibilité?

M. Johnston: M. Scott et M. Cabana.

M. Scott: Merci. Moi, je trouve la question de l'accessibilité fort importante, mais, comme toutes les questions, c'est peut-être un peu plus complexe qu'on ne l'imagine. Cela veut dire que les frais de scolarité ne sont pas la seule barrière en éducation supérieure pour les étudiants, surtout dans les régions, pour un membre de groupement régional. Cela veut dire que les parents et les étudiants s'inquiètent de beaucoup plus de choses que seulement des frais de scolarité.

Je veux simplement signaler que j'espère que la commission et le ministère auront l'occasion d'étudier les questions qui sont un peu en dehors des grands thèmes, comme la recherche, qu'on a discutés ce soir. Ce sont des choses peut-être un peu plus banales comme les résidences d'étudiants et les questions qui sont beaucoup plus difficiles dans les régions éloignées des métropoles que dans la métropole, par exemple.

Je ne suis pas certain qu'une commission parlementaire doive passer beaucoup d'heures sur la question des résidences, par exemple. Je souligne cela seulement à titre d'exemple. Mais si on parle des raisons pour lesquelles les étudiants ne se déplacent pas vers un autre centre, c'est souvent beaucoup plus lié aux questions sociales, à savoir où l'on va vivre, comment on peut manger, qu'à la question de savoir si le professeur de philosophie est bon ou non. Si on veut vraiment aborder la question de l'accessibilité, il faut aborder la question de la qualité de vie, des possibilités d'une qualité de vie et les tensions sociales dans la famille. Je pense que c'est fort important, mais il faut l'aborder dans ces termes.

Mme Blackburn: Permettez-moi une petite réaction. Je pense bien que le problème de l'accessibilité ne se limite pas à l'accès à une résidence parce qu'on pourrait penser qu'à l'est de Montréal tout le monde serait à peu près rendu chez vous. Cela déborde largement cela. Tout ce que je voulais soulever, c'est que la mission des universités en est une d'avancement de la science et des connaissances, des connaissances humaines également. Il me semble que mieux saisir ce phénomène et essayer de proposer des hypothèses de solutions, cela aurait pu être parmi les préoccupations du monde universitaire.

Il ne s'agit pas ici de commencer à régler dans les fins détails ce que pourrait être éventuellement l'ajout de quelques résidences dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean ou de Rimouski. Je ne pense pas que la question se pose à ce niveau.

Cependant, une dernière question. Je dois dire, un peu comme mon collègue de Laviolette, que je suis étonnée, je dirais, de la participation des universités à l'identification d'une source de revenus que j'appelle un impôt pour le gouvernement, qui s'appelle les frais de scolarité. Je me dis que cela va être la seule occasion où cela va se produire. J'imagine mal qu'on soit en train de consulter le réseau des affaires sociales pour savoir si on va établir des tickets modérateurs. Alors, que les universités se soient senties obligées d'embarquer dans ce débat me préoccupe. C'est vraiment la seule fois où le gouvernement viendra consulter pour lever un impôt.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Est-ce que vous voulez réagir? Je dois dire que ce sera la dernière réaction et, après cela, je donnerai la parole au ministre.

M. Johnston: M. Boulet, M. Cabana.

M. Boulet: M. le Président, je m'étais abstenu de réagir depuis le début parce que je serai présent devant vous demain et je ne voulais pas me répéter aujourd'hui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): On vous écoutera quand même demain d'une oreille attentive.

M. Boulet: À cette affirmation de. Mme la députée de Chicoutimi, je ne peux pas rester insensible. Je pense que les universités ont été sensibles - je m'excuse de répéter l'expression - et profondément, au besoin d'accessibilité à l'université qui se présentait pour la population du Québec. Les unes davantage parce qu'elles en avaient fait leur mission, les autres moins parce qu'elles avaient des préoccupations d'autres sortes,

mais, dans l'ensemble, on n'a qu'à considérer l'augmentation du nombre d'étudiants dans les universités. Cela a été, au Québec, remarquable, sensationnel et inimaginable. 11 y a donc une préoccupation quotidienne d'accessibilité que l'on rencontre dans toutes les universités.

Si nous n'en avons pas parlé dans le texte, si nous n'avons pas analysé - et je suis d'accord avec vous, notre texte ne l'analyse pas - les impacts hypothétiques, mais possibles de l'augmentation des frais scolaires sur l'accessibilité aux étudiants, c'est que, comme M. Kenniff l'a dit de façon fort exacte tout à l'heure, les universités en sont rendues à un point de non-suffisance des moyens qui sont mis à leur disposition et, à leurs yeux, cela devient inacceptable. Il a même été presque décidé, à un moment donné de l'année dernière, par l'ensemble des universités qu'elles cessent d'accepter des étudiants. Cela a passé à un cheveu d'aboutir à une décision. Cela n'a pas abouti, parce que - et ce ne sont pas des enfants d'école qui discutaient de cela - les chefs d'établissements universitaires du Québec disaient: On ne peut plus augmenter la population étudiante et lui offrir un enseignement qui, chaque jour, baisse ou risque de baisser davantage.

C'est le dilemme. On ne refuse pas de se placer devant le dilemme, mais on n'en a pas la réponse. Alors, aussi bien ne pas l'analyser si on n'est pas capable d'y répondre. La réponse est: Est-on capable d'aller vers un enseignement qui, au moins, maintient la qualité? Sinon, il vient un temps où il vaut mieux ne plus attirer d'autres populations étudiantes. Quant au détail des types sociologiques de populations, etc., si vous voulez me reposer la question demain, je vous répondrai dans un autre contexte.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée, je vous invite à conclure.

Mme Blackburn: En conclusion, M. le Président, je partage le souci que vous avez quant aux effets qu'a et que continuera d'avoir le sous-financement du réseau universitaire. Comme vous, je pense également que celui-ci joue un rôle vital dans le développement de la collectivité. Et votre souci d'assurer l'accès oui, mais l'accès à des services de qualité, je le partage également. J'ai peut-être été un peu vive. Je me dis que la vérité, comme le veut l'adage, jaillit du choc des idées. C'était ce que je souhaitais. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée.

Mme Blackburn: J'ai eu plaisir a vous entendre et sûrement que votre prestation, les commentaires et les réponses que vous avez fournies aux questions nous permettront d'avoir un meilleur éclairage quant aux orientations à privilégier. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: J'allais ajouter, M. le Président, pour ma collègue de Chicoutimi, que la vérité jaillit parfois du choc des chiffres.

Mme Blackburn: J'ai bien compris cela.

M. Ryan: Si la députée de Chicoutimi s'étonne des questions qui sont soulevées à propos de la source de revenu que constituent les frais de scolarité, c'est parce que les chiffres indiquent, dans le cas du Québec, une situation très différente des autres provinces, ainsi que l'illustre le tableau 4 qui était annexé au mémoire du Conseil des universités cet après-midi. Les frais de scolarité rapportent au Québec, en 1984-1985, 6,6 % des revenus des universités, alors que c'est 15,1 % en Ontario, 14,6 % dans les Maritimes et 10,2 % dans l'Ouest. Est-ce que cela dépend de notre caractère français, de notre caractère catholique? Je ne le pense pas.

Cela dépend de certaines décisions qu'on a prises à d'autres époques. Aujourd'hui, on examine toutes les sources de revenus des universités en face d'une situation qui est apparemment insurmontable par les voies ordinaires. On se pose la question, on interroge les personnes qui sont venues ce soir et on va continuer au cours des prochains jours.

Il n'est pas question de taxe la-dedans. La question que la société doit se poser: Est-ce qu'elle va demander une compensation a ceux qui reçoivent le service ou si elle va le faire payer par tout le monde? Payé par tout le monde, c'est une taxe, mais payé par celui qui reçoit le service, ce n'est pas une taxe, pas à ma connaissance. C'est un droit que vous payez pour recevoir le service. Il y en a déjà un qui est établi en principe; il s'agit de savoir s'il va rester à ce niveau ou non.

La question est ouverte, encore une fois, et je ne fais pas cette mise au point pour faire avancer une certaine position, au contraire, mais je veux qu'on aborde les choses d'une manière complète. Ces chiffres sont dans le portrait et ils nous sont soumis continuellement. Nous, il nous faudra faire des choix. Est-ce qu'on va maintenir l'aide sociale à son niveau actuel? Est-ce qu'on va l'augmenter? Est-ce qu'on va augmenter plutôt les subventions aux universités? Qu'est-ce qu'on va faire de l'enseignement primaire et secondaire? Est-ce qu'on va bâtir des routes dans le comté d'Argenteuil qui est en retard de dix ans à cause du gouverne-

ment précédent?

Mme Blackburn: II y a beaucoup de routes là-dedansl

M. Ryan: II y a toutes sortes de questions qui se posent à l'attention du gouvernement en période qui précède les choix budgétaires. C'est pour cela, je pense, que l'examen que nous sommes appelés à faire est extrêmement chargé d'implications pour tous les députés, pour tous nos concitoyens. On va le faire dans un climat le plus libre possible d'esprit.

Je voudrais dire è la conférence des recteurs que je suis bien content de cette nouvelle rencontre que le gouvernement a eue avec eux ce soir. J'ai eu l'occasion de rencontrer la conférence à plusieurs reprises au cours des derniers mois. J'ai tenu la conférence régulièrement informée des développements importants qui se produisaient ou se préparaient. J'ai pu bénéficier de ses avis à plusieurs reprises. J'espère que nous allons continuer. J'ai cru comprendre, dans un passage de votre mémoire qui demandait que le ministre -convoque dès réunions, que là, vous en avez assez du fait que j'aille vous voir chez vous, que vous voulez, maintenant, que je vous invite à venir me voir chez nous. On va faire cela volontiers. Il s'agit de trouver, évidemment, la plate-forme qui convienne. La suggestion est là, nous l'apprécions énormément, mais il faut trouver le terrain de rencontre exact qui va se prêter à des échanges fructueux.

J'ai cru comprendre des échanges que nous avons eus que vous vous êtes dit: Eux, ils ont un problème politique à régler; on va le leur laisser régler. Quand bien même on ferait dix réunions au lieu de deux, cela n'avancera pas les choses beaucoup, surtout qu'il y a des points sur lesquels les consensus sont plus difficiles parmi vous. Mais, on va essayer de trouver une solution à ce problème. Je crois que, après cela, on va avoir des conditions infiniment meilleures pour des rencontres de planification, de concertation, de mise en commun, de partage et toutes les belles choses qu'on peut envisager ensemble.

Cela étant dit, je l'ai dit dans mon intervention liminaire de cet après-midi, je crois que, si nous prenons nos responsabilités et que nous apportons une solution au problème du financement, nous serons non seulement justifiés, mais tenus d'introduire un souci d'unité, d'harmonisation et de concertation plus grand que par le passé pour assurer que notre système universitaire produise à plein dans des conditions de liberté optimales, en même temps dans des conditions de solidarité qui répondent aux attentes implicites de la société québécoise.

Alors, je veux vous assurer de notre entière collaboration du côté du gouvernement". Nous avons une appréciation très profonde du travail qui s'accomplit dans les universités, de son importance indispensable. Nous allons essayer, ensemble, de créer des conditions qui permettront le progrès de notre système universitaire et j'espère que vous allez continuer à comprendre, de votre côté, les contraintes auxquelles nous devons obéir? Nous allons essayer de les gérer de manière qu'elles nous permettent d'apporter une solution acceptable au problème dont nous convenons tous qu'il est très aigu et urgent aussi. Je vous remercie beaucoup.

La rencontre de ce soir n'est qu'une introduction. Nous avons hâte de rencontrer chacune de vos institutions en particulier pour pousser l'examen d'une manière plus détaillée, surtout en vue d'une meilleure compréhension des problèmes qui se posent dans chaque université. Alors, merci beaucoup et on va se dire au revoir, par conséquent.

M. Johnston: Merci, M. le ministre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre, merci, messieurs, d'avoir répondu à l'appel de la commission parlementaire. Les entretiens que nous avons eus avec vous vont contribuer à éclairer notre lanterne. La commission parlementaire de l'éducation ajourne ses travaux à demain, 10 heures, alors qu'elle entendra le Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec.

(Fin de la séance à 22 h 50)

Document(s) related to the sitting