Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quatorze heures dix minutes)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît! La commission de l'éducation, dans le cadre de la
trente-troisième Législature, commence ses travaux, Elle a pour
mandat de procéder à une consultation générale dans
le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du
réseau universitaire québécois pour l'année
1987-1988 et pour les années ultérieures.
Alors, M. le secrétaire, comme le veut notre règlement,
est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Il y a M.
Despré (Limoilou) qui remplace Mme Cardinal (Châteauguay) pour la
durée du mandat. Merci.
Organisation des travaux
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Alors, pour
l'infomation de tout le monde, voici l'ordre du jour d'aujourd'hui. La
commission de l'éducation entendra le Conseil des universités,
normalement jusqu'à 18 heures. En soirée, nous entendrons la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec.
J'aimerais, ici, rappeler les ententes qui ont eu lieu entre les
différents partis concernant l'utilisation du temps. Lors d'une
séance de travail, qui a eu lieu le 9 septembre dernier, il a
été convenu que le ministre de l'Enseignement supérieur et
de la Science et le porte-parole de l'Opposition disposent de 45 minutes chacun
pour faire des déclarations d'ouverture. Chaque membre de la commission
aura la chance de prendre la parole cinq minutes, s'il le désire, au
début des auditions publiques. Le temps consacré aux
échanges avec les organismes sera partagé de façon
égale entre la formation ministérielle et la formation de
l'Opposition. Dans ce partage du temps, la règle de l'alternance sera
toujours respectée.
Chacune des deux formations politiques aura l'avantage de
répartir entre ses membres, comme elle le veut, le temps qui lui est
alloué. Ainsi, un député pourra dépasser la limite
de dix minutes imposée par l'article 173 du règlement si le temps
accordé à sa formation n'est pas épuisé.
À la fin de chacune des auditions, le ministre et le porte-parole
de l'Opposition auront cinq minutes pour faire un résumé.
Cependant, ce temps de parole peut être utilisé par d'autres
députés. C'est donc dire que les deux porte-parole peuvent
déléguer leur droit de parole à un autre
député de leur formation politique pour ce qu'on appelle le mot
de la fin.
Alors, je vous rappelle l'horaire de cette commission. Elle
siégera le mardi et le mercredi, de 10 heures à 13 heures, de 15
heures à 18 heures et de 20 heures à 22 heures; le jeudi, de 10
heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures.
Exposé du président
La commission de l'éducation entreprend cet après-midi les
audiences publiques sur les orientations et le cadre de financement du
réseau universitaire québécois. Avant qu'elle commence ses
travaux, je crois qu'il serait utile de fournir quelques explications sur la
commission de l'éducation et le mandat que l'Assemblée nationale
lui a confié.
Il faudrait tout d'abord souligner que la commission est une commission
parlementaire que l'on ne doit pas confondre avec une commission judiciaire,
par exemple, une commission gouvernementale ou tout autre type de commission
étatique. La première caractéristique d'une commission
parlementaire est d'avoir été créée par
l'Assemblée nationale elle-même. Sa seconde
caractéristique, c'est qu'elle est composée exclusivement de
députés de l'Assemblée nationale.
Une commission parlementaire ayant reçu un mandat de
l'Assemblée nationale est seule maîtresse du déroulement de
ses travaux, sous l'autorité de son président, dans le respect du
règlement. À l'occasion d'une consultation
générale, comme c'est le cas aujourd'hui, il appartient à
la commission de choisir quels groupes ou individus elle entendra et de
structurer ses travaux en conséquence. Il faut aussi souligner que les
commissions parlementaires appartiennent en toute exclusivité à
ce qu'on appelle le pouvoir législatif par opposition au pouvoir
exécutif. Ainsi, le président et le vice-président d'une
commission doivent nécessairement appartenir à des groupes
parlementaires différents. Ils sont élus pour une période
de deux ans à la majorité des membres de chaque groupe
parlementaire. La
composition des commissions reflète l'importance numérique
des groupes parlementaires. Ainsi, la commission de l'éducation compte
onze députés ministériels et cinq députés de
l'Opposition.
La commission, qui a compétence en matière
d'éducation, de sciences et de formation professionnelle a reçu
de l'Assemblée nationale, le 1er mai dernier, le mandat de
procéder à une consultation générale dans le but
d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau
universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et les
années ultérieures. Notamment, dans le cadre de son mandat, la
commission est chargée d'examiner le niveau des subventions aux
universités et leur répartition entre les établissements,
l'endettement des institutions universitaires, la participation du gouvernement
fédéral au financement des universités, les sources de
revenus des universités autres que les subventions gouvernementales, les
modalités d'aide financière aux étudiants, les frais
directs et indirects de la recherche, le financement de celle-ci à
l'intérieur des universités et plus particulièrement les
nouveaux modes de collaboration entre les universités, les centres de
recherche publics et privés et l'entreprise publique ou privée,
la gestion des ressources humaines et matérielles des
universités, le mode de concertation entre les établissements,
particulièrement en ce qui a trait à la rationalisation des
programmes offerts et à l'identification des champs d'enseignement et de
recherche jugés prioritaires. La commission tient à faire son
possible pour entendre tous les groupes qui ont exprimé le désir
d'être entendus.
Une commission parlementaire, lors d'une consultation
générale, constitue un forum privilégié où
tous les points de vue peuvent être exprimés. Ainsi, la commission
poursuivra ses auditions publiques jusqu'à la mi-octobre pour permettre
à tous les intéressés de s'exprimer. Chaque organisme aura
entre une heure et deux heures pour présenter son mémoire et
répondre aux questions des députés de la commission. De
plus, le temps pour poser des questions sera partagé de façon
égale entre les membres ministériels et les membres de
l'Opposition,
Je tiens à vous dire aussi que je serai très souple dans
l'application du règlement. Le but premier de cette commission
parlementaire est d'aller chercher le plus de renseignements possible de
façon à informer les parlementaires et à informer le
public de la problématique du financement des universités. C'est
donc dire que nous allons mettre tous les efforts, tant du côté
ministériel que du côté de l'Opposition, pour atteindre
l'objectif recherché qui est de trouver des solutions rentables,
acceptables et applicables pour mettre un terme au problème du
financement des universités.
Avant de céder la parole au ministre de l'Éducation et de
la Science, j'aimerais vous présenter les membres de cette commission
parlementaire qui seront appelés à siéger ici
jusqu'à la mi-octobre: Mme la députée de Chicoutimi, Mme
la députée de Groulx, M. le député de Charlevoix,
M. le député de Limoilou, M. le député de
Verchères, Mme la députée de Jacques-Cartier, M. le
député d'Arthabaska, M. le député d'Abitibi-Ouest,
M. le député de Saint-Henri, M. le député de
Sherbrooke, M. le député de Laviolette, M. le
député de Richelieu, M. le député de Rousseau, M.
le député de Rimouski, Mme la députée de
Marie-Victorin et M. le député d'Argenteuil, ministre de
l'Éducation, de la Science et de l'Enseignement supérieur.
M. le ministre, nous vous écoutons.
Déclarations d'ouverture M. Claude Ryan
M. Ryan: Merci. Au moment où la commission parlementaire
de l'éducation entreprend le mandat que lui a confié
l'Assemblée nationale d'étudier les orientations et le cadre de
financement du réseau universitaire québécois pour
l'année 1987-1988 et les années ultérieures, je voudrais,
en guise d'introduction aux travaux de la commission, livrer quelques
observations qui me paraissent traduire à la fois les problèmes
actuels des universités et les intentions du gouvernement à leur
endroit.
On me permettra d'abord de rendre un hommage très
mérité à tous ceux et à toutes celles qui ont fait
de l'université l'objet premier de leur engagement, que ce soit à
titre d'administrateurs, de professeurs, d'étudiants, de chargés
de cours, de chercheurs, de fonctionnaires affectés aux affaires
universitaires, de travailleurs à un titre ou à un autre dans le
milieu universitaire. Étudiants, professeurs et chercheurs sont les
premiers artisans de l'oeuvre d'approfondissement et de transmission de la
culture et de la science qui s'accomplit à l'université. Mais
étudiants et professeurs ne pourraient accomplir leur travail sans
l'apport indispensable de tous les autres éléments qui forment
avec eux la communauté universitaire. C'est à tous et à
toutes, sans exception, y compris aux collaborateurs bénévoles
qui assurent la présence du milieu plus large au sein de
l'université, que j'adresse au début de nos travaux les hommages
et les salutations du gouvernement. À ceux et celles qui, dans le
contexte très difficile d'aujourd'hui, assument des tâches de
direction au sein des universités, j'adresse des salutations
particulièrement cordiales et l'assurance
renouvelée de ma collaboration dans la poursuite de leur noble
tâche.
Au début de nos travaux, je tiens à redire ma conviction
profonde suivant laquelle l'université est et doit devenir de plus en
plus un rouage essentiel dans le développement de la
société québécoise.
Certains considèrent l'université comme un luxe qui ne
devrait être réservé qu'à des éléments
favorisés par la fortune, le rang social ou le milieu familial. Ils la
perçoivent au mieux comme devant être réservée
à ceux qui auront été assez débrouillards pour se
rendre jusque là par leurs propres moyens. Aux yeux de ces personnes,
l'université est le lieu où l'on va quérir un
diplôme devant donner accès à une profession
rémunératrice dont les membres seraient automatiquement
appelés à faire partie de l'élite de la
société. L'université est beaucoup plus que cela. Elle est
beaucoup plus qu'une usine de cours numérotés, une fabrique de
professionnels ou une serre chaude réservée à une caste de
privilégiés. À notre époque d'explosion continue
des connaissances et de développement rapide des communications,
l'université est le creuset par lequel passent à la fois la
multiplication et la diffusion des connaissances scientifiques et de la
culture. À cause de cela, elle est un des leviers de croissance les plus
importants dont puisse disposer une société.
L'université est certes un lieu d'enseignement et de formation:
elle doit continuer de préparer à l'intention de la
société les professionnels et les spécialistes dont
celle-ci a besoin dans tous les domaines. Mais l'université est aussi,
et beaucoup plus fondamentalement, un lieu de recherche et d'approfondissement
des connaissances. Elle est aussi un lieu de dialogue civilisé, de
confrontation loyale. Elle est enfin, à tout le moins elle doit
l'être, un lieu de rayonnement dont l'action, à la longue,
pénètre et infléchit tous les secteurs de
l'activité collective.
Dans les communautés où elle est ' implantée,
l'université est un ferment de progrès intellectuel, culturel,
social, économique et politique. Par l'activité de ses membres,
autant à l'intérieur de ses murs qu'à l'extérieur,
elle contribue à relever le niveau des connaissances et de la culture.
Mais elle contribue également - et cet aspect de son rôle est
particulièrement important dans les régions excentriques -
à hausser le niveau intellectuel et culturel général de la
vie communautaire. Qu'il s'agisse des professions traditionnelles, des
entreprises commerciales, financières et industrielles, des organes de
communication, des associations de toutes sortes, la présence dans leur
sein d'éléments en provenance de l'université ou
influencés par l'université est le gage d'une meilleure
qualité dans les services rendus à la communauté.
D'un point de vue plus large, l'avenir des sociétés repose
de plus en plus sur leur aptitude, non seulement à s'approprier les
conquêtes du progrès scientifique et technologique, mais aussi
à fournir à la marche incessante de l'humanité vers le
renouvellement des connaissances, une contribution créatrice
adaptée à leur force numérique et financière.
Même si elle doit assumer pareil rôle, en tenant compte de son
niveau de développement et de ses ressources, chaque
société doit viser à se comporter à cet
égard en partenaire actif et non pas en simple parasite. Cette
obligation s'impose à tous égards, autant au plan
économique qu'aux plans politique, social et culturel: la force des
sociétés est de plus en plus tributaire de l'importance qu'elles
accordent à la culture et à la diffusion des connaissances
scientifiques et technologiques. Dans cette perspective d'un monde où
les rapports économiques et politiques seront de plus en plus
fondés sur la maîtrise des connaissances, l'appui aux
universités apparaît comme un volet essentiel de la politique de
tout gouvernement moderne. Il doit être perçu comme une
véritable obligation à laquelle un gouvernement ne saurait se
dérober sans faillir à sa responsabilité.
Le Québec, à cet égard, partait de fort loin il y a
25 ans. Mais il a accompli depuis ce temps des progrès gigantesques.
Dans son rapport publié en 1964, la Commission Parent signalait
qu'en 1960-1961, c'est-à-dire il y a 25 ans, elle avait
dénombré un total de quelque 23 000 étudiants inscrits
dans les universités du Québec. Elle prévoyait que ce
nombre allait progresser rapidement pour atteindre le chiffre de 94 600 en
1981-1982.
De fait, l'augmentation des inscriptions dans les établissements
universitaires a largement dépassé les prévisions de la
Commission Parent. En 1981-1982, on dénombrait dasn les
universités québécoises 130 767 étudiants
équivalence temps complet, soit 38 % de plus que n'en avait prévu
la Commission Parent. Quatre ans plus tard, soit en 1985-1986, le nombre des
étudiants équivalence temps complet inscrits dans nos
universités était passé à 155 526. Si l'on compte
à la fois les étudiants à temps complet et les
étudiants à temps partiel, plus de 200 000 personnes sont
présentement inscrites à des cours de formation universitaire au
Québec.
Au cours de la même période, l'accès à
l'université a connu une progression remarquable. De 1976-1977 à
1985-1986, le taux de fréquentation universitaire n'a cessé de
progresser, autant en ce qui touche les étudiants à temps complet
qu'en ce qui touche les étudiants à temps partiel. Le
Québec a pratiquement rejoint l'Ontario sous l'angle du taux de
fréquentation universitaire
des personnes âgées de moins de 30 ans. Parmi les facteurs
qui ont contribué à ce progrès, on ne saurait trop
souligner le rôle des programmes d'aide financière aux
étudiants, lesquels atteignent présentement plus de la
moitié des étudiants inscrits dans les collèges et les
universités et auront permis de mettre en circulation pour la seule
année 1985-1986, des sommes d'une valeur totale de 407 000 000 $.
À l'intérieur de cette évolution, les
progrès les plus importants ont été accomplis par les
francophones. En 1966-1967, les anglophones fréquentaient
l'université au Québec dans une proportion presque cinq fois plus
élevée que les francophones. En 1985-1986, il ne restait plus
qu'un écart relativement mince entre les deux groupes. Chez les
francophones, la proportion des personnes âgées de 18 à 29
ans inscrites è l'université était passée de 3,5 %
en 1966-1967 à 13,8 % en 1985-1986 tandis que chez les anglophones,
pendant la même période, la fréquentation universitaire
était passée de 15,5 % à 15,9 %.
Au début des années soixante, le Québec comptait
trois universités de langue française (Montréal et ses
écoles affiliées, Laval et Sherbrooke) et trois
universités de langue anglaise (McGill, Sir George Williams et
Bishop's). La création de l'Université du Québec et de ses
constituantes de Montréal, Trois-Rivières, Chicoutimi, Hull,
Rimouski et Abitibi-Témïscamingue, de ses écoles
supérieures et de ses instituts de recherche, à laquelle s'est
ajoutée la création de l'Université Concordia, née
de la fusion de Sir George Williams et de Loyola College, a doté le
Québec d'un réseau d'établissements universitaires que
l'on peut considérer désormais comme complet dans ses composantes
essentielles.
Toujours pendant la même période, le nombre des professeurs
à temps complet a considérablement augmenté. Il en est
allé de même de l'effort consacré à la recherche
scientifique dans nos universités. Le Québec a longtemps souffert
de graves retards dans le domaine de la recherche. Ces retards ne sont pas tous
disparus. L'Ontario, grandement favorisé par une tradition universitaire
plus ancienne et par la présence sur son territoire de nombreux services
fédéraux, conserve une avance importante sur le Québec et
sur le reste du Canada en matière de budgets de recherche universitaire.
Les universités du Québec obtiennent quand même,
désormais, des budgets de recherche dont l'importance relative est assez
proche de celle du Québec dans l'ensemble de la population canadienne.
(14 h 30)
Que tous ces progrès se soient traduits par un effort financier
important de notre collectivité à l'endroit des
universités, cela se vérifie par l'importance croissante que les
universités se sont vu accorder dans les budgets de l'État
québécois jusque vers 1978-1979. Selon les propos que tenait
devant la commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre
le 9 octobre 1984 un ancien ministre de l'Éducation, M. Yves
Bérubé, le Québec, en 1979-1980, consacrait aux
universités: une part de son produit intérieur brut qui
était supérieure de 43 % à celle de l'Ontario; des
dépenses per capita qui étaient supérieures de 19 %
à celles de l'Ontario et des subventions par étudiant qui
étaient supérieures de près de 700 $ par an aux
subventions versées en Ontario.
Le Québec, jusqu'en 1978-1979, avait opté pour une
politique d'accès très large à l'université. Il
avait aussi assumé les conséquences financières
découlant de cette politique. Mais, à compter de 1978-1979, on
entrait dans une ère nouvelle qui devait conduire à la situation
pénible d'aujourd'hui. Pendant six années consécutives,
soit jusqu'en 1985-1986, les universités se virent infliger une
série de compressions budgétaires dont la somme
s'élève à plus de 250 000 000 $. Mais rien ne fut
changé à la politique d'accès libérale à
l'université. Les frais de scolarité furent au contraire
maintenus au même niveau pendant toute cette période tandis que la
valeur de l'aide financière aux étudiants connaissait une
progression importante passant de 138 000 000 $ en 1979-1980 à 407 000
000 $ en 1985-1986. On a ainsi orienté vers l'université un
nombre sans cesse croissant d'étudiants. Le nombre d'étudiants
équivalence temps complet est passé de 122 949 en 1979-1980
à 155 526 en 1985-1986, soit une hausse de 26 %. Mais, pendant la
même période, la valeur réelle des subventions par
étudiant versées aux universités a diminué de 22 %.
Le montant total des subventions est effectivement passé de 696 000 000
$ à 966 000 000 $ en 1985-1986, soit une hausse nominale de 38,7 %.
Mais, de fait, compte tenu de l'inflation et de l'augmentation du nombre des
étudiants, la valeur réelle des subventions par étudiant
est passée de 5666 $ en 1979-1980 à 4459 $ en 1985-1986, soit une
diminution de 22 %.
Ce glissement fut maintes fois déploré autant par les
universités que par le Conseil des universités. Il se prolongea
néanmoins jusqu'à l'année 1985-1986, pour laquelle le
gouvernement décida d'injecter dans le réseau universitaire de
l'argent frais pour une valeur de quelque 38 000 000 $, ce qui n'empêcha
point la valeur des subventions par étudiant d'accuser de nouveau un
léger recul cette année-là. Pour l'année 1986-1987,
laquelle a donné lieu, on s'en souvient, à de très
sévères compressions budgétaires dans l'ensemble des
activités gouvernementales, les compressions imposées aux
universités furent limitées à quelque 20 000 000 $. Les
universités bénéficièrent ainsi d'un traitement
beaucoup moins sévère que la plupart des
autres secteurs de l'administration publique. L'année se soldera
néanmoins par un nouveau recul de la valeur nette des subventions par
étudiant.
Nous devons aujourd'hui enregistrer les conséquences de cette
politique suivie depuis 1978-1979. Tout d'abord, les conditions dans lesquelles
est dispensée la formation universitaire ont connu une sérieuse
dégradation. Faute de place et de ressources, de nombreuses
écoles et facultés doivent refuser des élèves.
À titre d'exemple, je citerai seulement le cas de l'École des
hautes études commerciales de Montréal, justement
réputée, qui a reçu cette année 2200 demandes
d'admission mais n'a pu accepter que 650 nouveaux étudiants. Dans bon
nombre d'endroits, les laboratoires et les équipements scientifiques
sont tombés en désuétude. De même, les
bibliothèques, dont les budgets d'acquisition sont demeurés bien
en deçà de la hausse des prix qu'il faut payer pour l'achat de
volumes et de matériel documentaire, ont connu, ces dernières
années, un recul inquiétant. Au niveau du personnel enseignant,
les engagements de nouveaux professeurs ont été très peu
nombreux au cours des dernières années. Il en est
résulté un vieillissement inexorable du corps professoral et un
accroissement du nombre d'étudiants par professeur régulier qui
rend de plus en plus illusoire l'objectif d'un enseignement
personnalisé.
Qu'il ait été impossible, dans les conditions de
sous-financement qui ont prévalu depuis 1979-1980, de procéder
à un réaménagement du cadre de financement
général qui eut permis de corriger maintes
inéquités issues du système actuel de répartition
des subventions, cela se comprend. Pour donner davantage à certains
établissements victimes d'un traitement inégal, il aurait fallu
enlever certaines sommes à d'autres établissements, alors que les
ressources se faisaient de plus en plus rares pour l'ensemble des
établissements. Il devait s'avérer politiquement impossible
d'effectuer un remaniement, ainsi que l'a prouvé l'expérience
infructueuse tentée en 1984-1985. II a donc fallu conserver
jusqu'à ce jour un mode de distribution des subventions dont la preuve
est faite qu'il engendre des inéquités objectivement
regrettables.
L'un des résultats les plus lourds de la politique de financement
des dernières années a été l'accroissement
dangereux du déficit de certains établissements
particulièrement affectés par les injustices du mode actuel de
distribution des subventions. Je ne veux en aucune manière excuser les
déficits accumulés par certains établissements. Je dois
toutefois noter que, sur un déficit de 54 000 000 $ accumulé par
les universités au 31 mai 1985, la plus forte partie, soit 93 %, doit
être portée au compte de quatre établissements, soit
l'Université de Montréal, 21 000 000 $, l'Université
McGill, 12 000 000 $, l'Université Concordia, 17 000 000 $ et
l'Université de Sherbrooke, 11 000 000 $.
Dans l'exposé qu'il présentait à la commission
parlementaire de l'éducation le 9 octobre 1984, M. Yves
Bérubé, ancien ministre de l'Éducation, après avoir
signalé, au début de son message, que le Québec
détenait, en 1979, une forte avance sur l'ensemble canadien en
matière d'effort collectif pour les universités, se voyait
contraint dans le même discours d'enregistrer, à la fin, l'aveu
suivant sur la situation des universités après sept années
de gestion de l'ancien gouvernement. Je cite M. Bérubé: "Les
ressources allouées aux universités du Québec ont
présentement atteint un niveau par étudiant parmi les plus bas au
Canada et une diminution encore plus grande des coûts unitaires pourrait
mettre en péril la qualité des activités et
l'amélioration des performances qu'il reste encore à
réaliser."
En dehors de toute pensée polémique» nous devons
reconnaître que l'investissement annuel du Québec par
étudiant universitaire, après avoir été pendant
plusieurs années supérieur à celui de l'Ontario, est
maintenant inférieur à celui de la province voisine et à
la moyenne canadienne. Selon des données compilées par le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science du
Québec et le ministère des Universités et Collèges
de l'Ontario, l'effort du Québec en faveur de ses universités
continue d'exiger une part du produit intérieur brut plus lourde qu'en
Ontario. De même, le coût de l'enseignement universitaire demeure
plus élevé par rapport au chiffre de la population qu'en Ontario.
Mais les revenus bruts de fonctionnement par étudiant universitaire, qui
étaient supérieurs de 2,5 % au Québec en 1979-1980, sont
désormais supérieurs de 12 % en Ontario et cela, pour
l'année 1985-1986. Dans les deux provinces, de 1979-1980 à
1985-1986, la part des ressources consacrées aux universités dans
l'ensemble des dépenses de l'État a subi une diminution, mais la
chute a été plus prononcée au Québec, soit de
l'ordre de 12,8 % contre 10 % en Ontario.
Différents chiffres compilés au ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science et tenant compte des
différences d'organisation qui existent entre le système ontarien
d'enseignement collégial et universitaire et le système
québécois indiquent, d'une manière qui est assez
généralement admise maintenant, qu'il existe en matière de
financement de nos établissements universitaires un écart qui est
défavorable au Québec, alors que c'était le contraire il y
a sept ou huit ans.
Pour ceux qu'intéressent les comparaisons entre le Québec
et l'Ontario et
les autres provinces canadiennes, il ne sera pas inutile
d'insérer ici le commentaire suivant que j'extrais d'un document tout
récent du Conseil des universités de l'Ontario. C'est un document
qui date de juin 1986, et je cite: "Les universités de l'Ontario sont
parmi les plus pauvrement financées de tout le Canada. (...) à
chaque année, depuis 1977-1978, le niveau des subventions de
fonctionnement versées aux universités ontariennes a
été inférieur à celui de pratiquement toutes les
autres provinces et inférieur à la moyenne canadienne. Pendant
cette période, les subventions de fonctionnement versées aux
universités ontariennes ont augmenté à un rythme
inférieur de 6 % à celui de l'inflation, tandis qu'aux
États-Unis, les ressources budgétaires publiques
réservées à l'enseignement supérieur augmentaient
de 14,5 % en dollars constants."
Par suite de leur croissance phénoménale des
dernières années et des contraintes financières qui leur
ont été imposées depuis 1978-1979, les universités
du Québec font face à de redoutables problèmes qui sont en
grande partie è l'origine du mandat confié à la commission
parlementaire de l'éducation par l'Assemblée nationale. La
commission a reçu le mandat d'examiner à la fois les orientations
et le cadre de financement des universités non seulement pour
l'année 1987-1988 mais aussi pour les années à venir.
Permettez-moi de signaler à cet égard certains problèmes
sur lesquels la commission parlementaire sera appelée à se
pencher.
En ce qui touche les orientations générales du
réseau universitaire, les questions suivantes doivent retenir notre
attention parmi beaucoup d'autres que voudront nous signaler les organismes qui
se présenteront devant la commission: 1. La composition de la
clientèle étudiante dans les universités accuse des
changements importants. On observe notamment un accroissement marqué des
clientèles adultes et une représentation beaucoup plus importante
de la clientèle féminine. On constate également une
augmentation phénoménale par rapport au reste du Canada des
inscriptions d'étudiants à temps partiel. Par contre, l'origine
économico-sociale des étudiants à temps plein n'a
guère changé et ce, malgré des politiques
d'accessibilité très généreuses pratiquées
par les gouvernements qui se sont succédé à Québec
depuis 20 ans. Ce fait nous oblige à constater qu'en matière
d'accessibilité, de nombreux problèmes continuent à se
poser. 2. Le nombre des inscriptions a connu une progression spectaculaire. En
contrepartie, le nombre des étudiants inscrits à des programmes
de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat n'a pas
augmenté au même rythme. Si l'on considère en particulier
les taux de diplomation dans les programmes de ces trois niveaux, le
Québec continue d'être fortement devancé par l'Ontario.
Dans la même veine, les inscriptions à des programmes de formation
courte, comme je viens de le signaler, sont beaucoup plus élevées
au Québec que dans les autres provinces. Au niveau des études
régulières, on observe des taux d'abandon, d'échec,
d'instabilité très élevés. 3. Des questions sont
fréquemment soulevées au sujet de la tâche de travail des
professeurs permanents des universités. On affirme souvent que le nombre
de cours dispensés par un professeur est inférieur au
Québec à la moyenne observée dans les autres provinces.
Dans la même veine, on observe une tendance plus forte que dans les
autres provinces à confier l'enseignement à des chargés de
cours, c'est-à-dire à des personnes qui n'ont en
général ni le temps ni les ressources nécessaires pour
s'adonner è la préparation de cours, aux tâches
d'encadrement et aux travaux de réflexion et de recherche indispensables
en longue période à la vitalité de l'enseignement
universitaire. Il y aura lieu de jeter un éclairage plus complet sur ces
questions très importantes pour la qualité de l'enseignement
universitaire et pour l'équilibre des finances universitaires.
(14 h 45) 4. Les normes de financement imposées au cours des
dernières années ont souvent incité les universités
à recourir à diverses stratégies pour gonfler leurs
clientèles et s'assurer ainsi l'accès a des ressources plus
abondantes. Ces méthodes semblent avoir engendré des
phénomènes de dédoublement, de multiplication de cours non
vraiment nécessaires, d'inscriptions éphémères
à divers cours qui permettent de douter de la qualité de plus
d'un développement survenu au cours des dernières années.
5. Au cours des dernières années, on a de plus en plus
souligné l'importance des études avancées et de la
recherche. Il était nécessaire de le faire. A-t-on, par contre,
accordé toute l'attention nécessaire à la qualité
de l'enseignement dispensé au premier cycle? En vue d'obtenir à
la longue de meilleurs résultats au niveau des deuxième et
troisième cycles, n'y aurait-il pas lieu de renforcer d'abord la
formation et les services dispensés au premier cycle et d'éviter
ainsi un développement tous azimuts? 6. Parmi les conséquences
les plus graves des contraintes budgétaires des dernières
années, il y a l'appauvrissement des bibliothèques, et la
dégradation des équipements et des laboratoires. 7. Même si
le réseau universitaire québécois est désormais
complet dans ses articulations majeures et que l'on n'envisage point d'y faire
des additions importantes au cours des prochaines années, il faut
s'attendre que chaque établissement veuille élargir sans
cesse l'éventail des services offerts à sa clientèle.
Cette perspective soulève d'importants problèmes de concertation,
de cohérence et de coordination. Il serait impensable de laisser chaque
établissement prendre seul toutes ses décisions en ces
matières. Le Québec ne pourra plus à l'avenir s'offrir le
luxe de certains dédoublements que nous avons trop facilement
acceptés dans le passé. Il faudra veiller à définir
soigneusement la vocation, les missions et le personnel de chaque
établissement. Il faudra également éviter tout
dédoublement, toute redondance. 8. Nombreux sont les observateurs qui
déplorent la faiblesse des politiques d'évaluation dans les
universités. Dans son mémoire à la commission
parlementaire, le Rassemblement des associations d'étudiants
universitaires souhaite que soient instaurés des mécanismes plus
efficaces d'évaluation des performances universitaires en matière
d'enseignement, de recherche et de services aux collectivités. Il faudra
de plus en plus insister pour que chaque établissement se dote à
cet égard de politiques offrant des garanties sérieuses de
rigueur et d'impartialité. 9. Sous le régime actuel, il demeure
possible pour n'importe quelle organisation de créer sa propre
université et de s'arroger le droit de décerner à ses
étudiants éventuels des titres universitaires. Aucune loi dans
l'état actuel de notre législation n'oblige les promoteurs d'une
université à obtenir l'autorisation préalable du
gouvernement avant de procéder à la création d'un nouvel
établissement universitaire.
En ce qui touche le financement des universités, deuxième
volet du mandat de notre commission, les questions suivantes se posent à
la population québécoise et à son gouvernement: 1. En
premier lieu, il importe de préciser la politique que le gouvernement
entend suivre en matière d'accessibilité. Il importe en
particulier de joindre aux choix qui seront faits des indications claires quant
aux implications financières de ces choix et aux engagements qui doivent
en découler. Depuis dix ans, nous avons prétendu maintenir une
politique d'accès large et généreuse. Mais nous avons en
même temps réduit dangereusement les ressources mises è la
disposition des universités. Quels que soient les choix que nous ferons
pour l'avenir, ils devront Être plus cohérents. 2. Il importe de
préciser à quel niveau général il convient
d'assurer le financement des universités pour les années à
venir. Il ne saurait exister à cet égard de normes abstraites et
rigides. Les meilleures données dont nous disposons sont
forcément d'ordre comparatif. Je pense en particulier aux comparaisons
avec les autres provinces canadiennes et avec les états
américains. À la lumière de notre réalité
propre et de celle des sociétés qui nous entourent, il faudra
choisir clairement à quel niveau nous entendons situer le financement
des universités québécoises. 3. Au chapitre des sources de
revenus des universités, le Québec se distingue surtout des
autres provinces canadiennes par sa politique de gel en matière de frais
de scolarité. Les revenus que les universités
québécoises retirent des frais de scolarité sont beaucoup
moins élevés que dans les autres provinces canadiennes. Le manque
de ressources qui en découle pour les universités crée des
dangers sérieux pour la qualité de l'enseignement et de la
recherche dans les universités. 4. Après avoir fourni pendant
plusieurs années une proportion intéressante des revenus des
universités, les subventions en provenance du gouvernement
fédéral ont connu un recul inquiétant depuis la mise en
oeuvre de la politique dite des augmentations de 6 % et de 5 % par le
gouvernement fédéral. Un nouveau recul s'est produit au cours des
derniers mois avec l'adoption de la loi C-96 par le Parlement
fédéral, laquelle diminue singulièrement les revenus que
l'on peut anticiper des paiements fédéraux de transfert au titre
du financement des programmes établis au cours des prochaines
années. Pour l'année 1986-1987, le ministère des Finances
du Québec évalue à 463 000 000 $ le manque à gagner
qui découlera pour le Québec des politiques
fédérales des cinq dernières années. De ce total,
une somme de 82 000 000 $ semble devoir être perdue uniquement par suite
de l'adoption de la loi C-96, laquelle vise directement les programmes de
santé et d'enseignement postsecondaire. 5. La mise au point de nouveaux
modes de partage des subventions destinées aux universités
devient de plus en plus nécessaire et urgente. Le cadre de financement
devra être révisé de manière à faire une
place mieux équilibrée à chaque élément dont
il faut tenir compte pour établir les dépenses admissibles des
universités. Il devra aussi être modifié de manière
à prévoir une certaine participation du gouvernement au
financement des frais indirects de la recherche faite dans les
universités. Le cadre de financement devra enfin être
remanié de manière à favoriser un partage plus juste et
plus équitable des ressources disponibles entre les universités.
6. Il importe de réviser à la lumière de
l'expérience des dernières années la politique du
gouvernement dans le domaine des prêts et bourses aux étudiants.
Le montant et la répartition de l'aide fournie aux étudiants de
même que les règles et critères présidant à
l'attribution des prêts et bourses y gagneraient à faire l'objet
d'une révision,
laquelle est déjà en cours, d'ailleurs, au
ministère. Cet exercice sera encore plus nécessaire dans
l'éventualité où des modifications seraient
apportées au régime des frais de scolarité. 7. Les
politiques gouvernementales des dernières années ont amené
les universités à accumuler des déficits qui
revêtent aujourd'hui des proportions inquiétantes. Dans les cas
dont nous avons parlé tantôt, comment ces déficits
seront-ils résorbés? Quelles normes conviendra-t-il
d'établir afin d'éviter la répétition de semblables
déficits pour les prochaines années? 8. À propos de
financement futur, il faut d'abord prévoir des mesures pour 1987-1988,
la prochaine année budgétaire. Mais il faut aussi songer à
instituer un mode de financement qui garantirait aux universités un
minimum de continuité et de stabilité afin de les aider à
mieux planifier leurs budgets et leur gestion. Depuis quelques années,
les universités ont été à la merci de politiques
gouvernementales qui étaient trop souvent arrêtées peu de
temps avant le début de l'année budgétaire visée,
sinon après. Les universités aspirent à juste titre
à sortir de ce climat d'insécurité dans lequel elles ont
fonctionné ces dernières années.
Le gouvernement compte sur les travaux de la commission parlementaire de
l'éducation pour lui fournir, ainsi qu'à l'Assemblée
nationale et à toute la population, un éclairage plus complet sur
la nature et l'ampleur des besoins des universités, sur les
priorités qu'il faut établir dans ce secteur, sur les moyens
à mettre en oeuvre pour procurer aux universités les ressources
dont elles ont besoin afin de s'acquitter efficacement de leur mission.
À l'aube des travaux de notre commission, je voudrais, en guise
de conclusion, proposer quelques observations générales qui me
paraissent devoir servir de point de départ à notre recherche
d'un avenir meilleur. Je formulerai ces observations sous la forme de
propositions qui me paraissent traduire les engagements et les orientations du
gouvernement en matière universitaire. 1. Les universités doivent
être des hauts lieux de l'enseignement et de la recherche. Elles doivent
jouir à cet égard de l'appui matériel et des conditions de
liberté nécessaires à l'accomplissement de leur mission.
La reconnaissance de la liberté de la recherche et de l'enseignement
universitaire doit être acceptée comme la pierre angulaire de
toute politique gouvernementale éclairée en matière
universitaire. 2. Les universités doivent être dotées d'une
large autonomie afin de pouvoir accomplir leur travail dans le climat de
liberté et d'indépendance intellectuelle qui convient à
leur mission. 3. Les universités sont des lieux dont l'accès doit
être ouvert à tous ceux et à toutes celles qui se
révèlent capables d'y oeuvrer autant par te talent que par le
travail. Les obstacles qui empêchent la réalisation de cet
idéal doivent être éliminés ou à tout le
moins graduellement atténués. Il importe cependant de
redéfinir à la lumière des développements de la
dernière décennie le contenu concret d'une politique
d'accessibilité pour les années à venir. Je souhaite
notamment que la commission parlementaire puisse faire la lumière sur
certains aspects plutôt inquiétants de la situation
présente, par exemple, sur le taux élevé des abandons au
premier cycle que signale le Conseil des universités dans son
mémoire, sur les politiques de contingentement qui ont cours dans
plusieurs facultés et écoles, sur les politiques d'accueil,
d'information et d'orientation des universités à l'endroit des
étudiants, sur les politiques de soutien et d'encadrement pour les
étudiants. Il importe également de mettre en place des politiques
qui inciteront davantage les étudiants à s'inscrire à des
programmes réguliers devant conduire à des diplômes de
baccalauréat, de maîtrise et de doctorat. 4. Les
universités, parce qu'elles émargent au Trésor public,
doivent pouvoir concilier leur juste autonomie avec des modes
d'imputabilité qui les obligent à s'autocritiquer efficacement,
ainsi qu'à rendre compte de leur gestion et de leur performance suivant
des critères et des mécanismes appropriés. Il faut
également envisager, pour le secteur universitaire, des modes de
concertation, de coordination et de régulation qui permettront
d'harmoniser la juste autonomie des universités avec les objectifs plus
larges de la société tout entière et de son gouvernement.
5. Par-delà la diversité qui les caractérise, les
universités doivent être assurées auprès des
pouvoirs publics d'un traitement juste et équitable. En particulier en
matière de subventions, elles doivent s'attendre à être
traitées toutes sur un pied d'égalité, compte tenu des
diversités légitimes qui doivent être prises en compte. 6.
Les universités doivent accepter d'adapter leurs prestations de cours et
de services de manière à répondre aux besoins nouveaux des
catégories de plus en plus diversifiées d'étudiants
suivant des normes à la fois efficaces et économiques. 7. Dans la
perspective d'une politique d'accessibilité à
l'université, le rattrapage qui s'imposait il y a vingt-cinq ans en
faveur de la population francophone a été largement
réalisé au cours de la dernière décennie. Il n'est
toutefois pas complété, loin de là. Le gouvernement devra
s'estimer tenu, en conséquence, de prendre les mesures
nécessaires afin de compléter ce rattrapage. 8. En matière
de financement universitaire, tout en demeurant maître de
ses décisions et conscient de ses limites financières, le
Québec aura intérêt à aligner le plus possible le
niveau de financement de nos universités sur les niveaux qui ont cours
dans l'ensemble du Canada et, dans certains cas, du continent
nord-américain tout entier. Vu l'importance décisive de
l'enseignement supérieur pour notre avenir collectif, nous aurions tort
de nous satisfaire à cet égard des niveaux de performance les
plus bas. 9. L'effort de rattrapage du Québec par rapport au reste du
Canada en matière de formation universitaire n'est pas terminé.
Au contraire, il doit être poursuivi avec vigueur, en particulier en ce
qui touche le taux d'inscription au cours de baccalauréat et aux
études de deuxième et de troisième cycles, ainsi qu'en ce
qui touche les taux de diplômation. Afin d'assurer en longue
période le progrès des études de deuxième et de
troisième cycles, il faudra accorder une attention spéciale
à la qualité des études de premier cycle. 10. La promotion
de la recherche doit demeurer une priorité majeure de la politique
gouvernementale. Le financement des frais indirects de la recherche devra faire
l'objet d'un examen spécial lors de la révision du cadre actuel
de financement. 11. Dans la définition de leur mission respective et de
leurs projets de développement, les universités doivent
reconnaître qu'un meilleur partage des tâches devient
nécessaire entre les établissements. Il est impensable, d'un
point de vue économique, que chaque établissement tente
d'exceller dans tous les secteurs et à tous les niveaux. Il sera
nécessaire que chaque établissement se dote d'un plan de
développement dont la mise au point devra se faire dans une perspective
de concertation et de complémentarité par rapport à
l'ensemble du réseau universitaire.
(15 heures) 12. Vu la situation pénible dans laquelle se trouvent
les universités à la suite des compressions appliquées
dans ce secteur depuis 1978-1979, un vigoureux coup de barre s'impose afin de
procurer aux universités un niveau de ressources plus satisfaisant.
Tandis que le gouvernement demeure justifié d'exiger des
universités qu'elles fournissent une performance toujours davantage
marquée au coin d'une rigoureuse rationalité, il est non moins
évident que le niveau des ressources attribué aux
universités doit être ajusté à leurs besoins
réels. Les modalités de ces ajustements restent à
préciser. Ce sera l'une des responsabilités majeures de la
commission de fournir, si elle le veut bien, un éclairage utile à
cette fin. Mais l'objectif même d'un redressement du niveau de
financement des universités ne saurait faire de doute.
Si ce n'avait été de ce problème, la commission
parlementaire de l'éducation n'aurait pas été
invitée à siéger pendant un mois autour de cette question.
13. La politique du gouvernement envers les établissements
universitaires implantés dans les régions
périphériques devra faire l'objet de précisions. Les
objectifs qui ont présidé à la création de ces
établissements demeurent actuels. Il faudra toutefois préciser
davantage la mission de ces établissements et leur fournir en corollaire
les ressources nécessaires à l'accomplissement de leur mission
respective. 14. Vu l'importance des ressources qu'il investit dans le secteur
universitaire, le gouvernement a la responsabilité de suivre et
d'orienter le développement des universités et de se doter des
instruments nécessaires à cette fin. Le Conseil des
universités s'acquitte fort bien du rôle important qui lui a
été confié; il y a lieu de maintenir cet organisme et de
renforcer son rôle. Mais il y aura lieu, dans l'avenir, d'exiger aussi
que les universités fournissent des renseignements plus précis au
gouvernement sur certains aspects de leur fonctionnement et acceptent davantage
de collaborer à la mission de coordination qui incombe au
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Il y aura
également lieu de définir par voie législative certaines
balises devant présider à la création de nouveaux
établissements universitaires.
Pour affronter avec succès les redoutables défis que lui
réservent les prochaines années, le Québec devra chercher
à se situer de plus en plus à la fine pointe de la culture et des
connaissances. II devra à cette fin renouveler avec détermination
et lucidité l'engagement qu'il prenait il y a un quart de siècle
de fonder tout son avenir sur le pari de l'éducation. Il devra
également assumer sa juste part dans l'effort de recherche qui s'impose
aux sociétés soucieuses de progrès et de leadership.
Au cours des 20 dernières années, nous avons mis l'accent
sur l'accessibilité plus large de l'éducation à tous les
niveaux. Les résultats de cette politique parient aujourd'hui par
eux-mêmes. Le niveau général de scolarisation de la
population québécoise atteint maintenant des sommets
inégalés dans toute notre histoire. Après avoir longtemps
accusé des retards énormes par rapport au reste du Canada, nous
atteignons désormais des niveaux de scolarisation qui se comparent fort
honorablement avec les niveaux en vigueur dans les autres provinces
canadiennes. En matière de recherche, nos universités atteignent
désormais un niveau égal à l'importance de notre
population dans l'ensemble canadien.
Mais il serait tragique qu'après avoir accepté des
sacrifices très lourds pour procurer à nos fils et à nos
filles, et aussi de plus en plus à nos concitoyens et à nos
concitoyennes adultes la possibilité d'accéder
à une formation supérieure, nous allions refuser aux
établissements chargés de dispenser cette formation les moyens
dont ils ont besoin pour s'acquitter efficacement de leur mission. À
tous les niveaux de notre système d'enseignement, le défi des
prochaines années demeurera certes celui de l'accessibilité, car
il nous reste encore de nombreuses lacunes à corriger à ce
chapitre. Mais il sera d'abord et surtout celui de l'excellence, de la
qualité de la performance, de la solidité.
Dans le domaine universitaire comme dans les autres, nous devrons exiger
des comptes des responsables d'établissements chargés de la bonne
marche du système. Mais nous ne serons justifiés d'exiger des
comptes que dans la mesure où nous aurons nous-mêmes, comme
gouvernants et comme législateurs, assumé nos propres
responsabilités à l'endroit des universités.
Je compte beaucoup sur la commission parlementaire de l'éducation
pour aider le gouvernement à préciser les politiques qu'il faudra
mettre en oeuvre afin d'assurer un développement vigoureux,
ordonné et soutenu de nos universités. Je compte également
sur la commission pour nous aider à réaliser dans les divers
secteurs de la population un consensus très large au sujet de
l'importance capitale des universités et des responsabilités que
nous avons, comme collectivité, à leur endroit.
S'il est une cause qui mérite d'être examinée dans
un esprit qui déborde largement la politique partisane, c'est bien celle
de l'éducation. Je souhaite que nous sachions nous élever
à ce niveau d'objectivité et d'impartialité qu'exige la
gravité du mandat qui nous a été confié.
Du côté du gouvernement, nous abordons les travaux de cette
commission dans un esprit d'écoute, d'ouverture et de collaboration. Je
souhaite que nos travaux se déroulent dans un climat
d'objectivité, d'harmonie, de recherche et de dialogue sincère.
À titre de ministre responsable de l'Enseignement supérieur et de
la Science, je m'engage à me faire l'interprète fidèle
auprès du chef du gouvernement et de mes collègues des
échanges de vues qui se produiront à l'occasion de nos travaux.
Je veux vous assurer qu'en temps utile le gouvernement prendra également
ses responsabilités.
À vous, M. le Président, je veux adresser en terminant
l'assurance de ma cordiale et respectueuse collaboration.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Je reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition
dans le dossier de l'Éducation, Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je suis
particulièrement heureuse de voir le ministre se situer dans la grande
foulée de ses prédécesseurs en matière
d'enseignement supérieur. Je dirais que son acte de foi dans la mission
indispensable des universités, leur nécessaire ouverture sur le
milieu et la nécessité de maintenir des objectifs
d'accessibilité me rassure. Il s'agira de voir quel ordre de moyens on
voudra bien se donner pour évaluer la priorité qu'on accorde
à ces objectifs qui sont, è mon avis, fort louables.
M. le Président, à l'ouverture de cette commission
parlementaire sur les orientations et le financement des universités et
en tant que porte-parole officielle de l'Opposition sur ces questions,
j'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à tous les intervenants qui
auront l'occasion de venir nous livrer leurs réflexions.
Le nombre impressionnant de mémoires déposés devant
cette commission témoigne de façon on ne peut plus
éloquente de l'intérêt et des préoccupations que
suscite notre système universitaire. En plus de ceux qui le vivent de
l'intérieur - étudiants, professeurs, direction - il nous sera
donné la chance d'entendre plusieurs organismes à
caractère socio-économique d'envergure nationale et
régionale.
Tous conviendront de l'importance d'un débat franc et ouvert sur
l'université dans le contexte actuel. En effet, nos institutions
éprouvent présentement de sérieuses difficultés
financières. Elles ne se privent pas, d'ailleurs, de le souligner devant
nous. On peut estimer que leur déficit accumulé voisinera les 100
000 000 $ à la fin de la présente année académique.
Plusieurs données tendent à montrer que nos universités
sont sous-financées par rapport à leurs homologues ontariennes et
américaines. La sonnette d'alarme est donc tirée.
D'autre part, nous assistons dans les sphères les plus
variées de la société québécoise à
l'expression d'interrogations de plus en plus nombreuses et profondes quant aux
missions des institutions universitaires, quant aux orientations que l'on
souhaite les voir privilégier. En cette matière comme dans les
autres, il est pertinent de discuter des moyens requis dans la mesure où
les fins poursuivies sont clairement établies. Discutons du niveau et
des sources de financement, de la répartition de l'enveloppe, soit, mais
en sachant d'abord ce que l'on veut en faire, quels objectifs nous voulons
poursuivre comme collectivité.
Le ministre vient de nous livrer l'essentiel de sa pensée sur
cette question. J'aurais souhaité qu'on puisse l'entendre un peu plus
tôt, de manière que cela puisse effectivement influencer ou guider
la réflexion des principaux intervenants. Par ailleurs, il y a, me
semble-t-il, un écart
considérable entre le discours du ministre et les recommandations
du rapport Gobeil.
Pour nous, il est clair que l'éducation doit demeurer une
priorité, une priorité comme collectivité, une
priorité dans l'action gouvernementale. Nous ne cesserons pas de le
répéter: C'est un investissement. En y consacrant des ressources,
nous misons sur l'avenir. On a trop souvent tendance à demeurer les yeux
rivés sur les coûts immédiats sans considérer les
bénéfices à moyen et à long terme. C'est là
une attitude d'autant plus dangereuse quand il est question de formation de nos
ressources humaines. La démonstration, en effet, n'est plus à
faire du lien étroit entre les efforts consacrés à cette
dimension et le développement de nos sociétés. Comme
l'exprime, d'ailleurs, si justement l'OCDE dans un de ses récents
rapports, "la meilleure façon de surmonter et de faire face aux
profondes mutations qui affectent nos sociétés dans les domaines
les plus variés, c'est de favoriser l'accès de fractions de plus
en plus larges de la population à des types de plus en plus
diversifiés de formation initiale et continue."
Le Québec n'échappe pas à la règle. Son
progrès économique, son dynamisme social comme sa vitalité
culturelle reposent pour une large part sur l'existence d'un réseau
d'établissements universitaires de qualité. La conjoncture
actuelle, caractérisée par des changements technologiques
accélérés et par une concurrence féroce sur le plan
international, a des exigences incontournables tant sur le plan de la formation
que celui de la recherche. La connaissance est un instrument vital de
développement. L'université n'est bien sûr pas seule en
cause, mais elle occupe indéniablement par ses activités une
position stratégique pour le progrès de notre
société. Progrès, toutefois, ne doit pas être
compris dans un sens restrictif de compétitivité ou de
productivité. Ce progrès, c'est aussi l'émergence d'un
nombre de plus en plus élevé d'hommes et de femmes critiques
à l'endroit des mutations en cours et à venir, en mesure d'y
participer, de les orienter et non seulement de les subir. L'université
a là aussi une importante contribution à fournir, une
responsabilité même à exercer.
Depuis 25 ans, nous avons consenti comme société
d'importantes ressources au développement de notre système
d'éducation, et d'enseignement supérieur en particulier.
D'importants progrès ont été accomplis, comme l'a
souligné tout à l'heure le ministre. Qu'il suffise d'examiner la
croissance remarquable des inscriptions dans les universités - de 82 000
en 1969 à 225 000 l'an dernier - et du nombre de diplômes
octroyés, qui atteint environ 40 000 annuellement. Mais cela ne signifie
pas qu'il faille s'arrêter là. Au contraire, il faut faire plus et
mieux pour les mêmes raisons que je viens d'évoquer, bien
sûr, mais aussi parce que les comparaisons devenues habituelles avec nos
voisins ontariens ou américains montrent bien que le Québec
traîne encore de l'arrière. Une partie de l'écart a en
effet été comblée, mais une partie seulement. La forte
fréquentation des adultes, surtout inscrits à temps partiel et
dans des programmes de certificat, vient en quelque sorte enjoliver nos
statistiques. Mais, que ce soit sur le plan des taux d'accès aux
études universitaires à plein temps, du taux de diplômation
à la maîtrise et au doctorat et, plus généralement,
de la scolarisation de la population dans son ensemble, les chiffres sont
là pour le prouver: des retards importants persistent.
Je me permets de rappeler quelques chiffres. Le taux de
fréquentation des études unversitaires à temps complet
chez les jeunes de 18-24 ans, en 1983-1984, était de 11,7 % au
Québec, 15,9 % en Ontario et 18,4 % aux États-Unis. Pour 100
personnes âgées de 23 ans, le Québec produisait, en 1981,
17 bacheliers, l'Ontario 20, les États-Unis 23. Pour 100 personnes
âgées de 27 ans, le Québec produisait alors 3
maîtrises et doctorats, l'Ontario 5 et les États-Unis 8.
Le taux de scolarisation universitaire, c'est-à-dire la
proportion de gens détenant un diplôme de baccalauréat ou
grade supérieur parmi la population de 15 ans et plus, était au
Québec, en 1981, de 7,1 %, de 9 % en Ontario et de 8 % au Canada.
Une conclusion s'impose d'évidence: accroître la
scolarisation de notre population est un objectif qu'il faut continuer de
poursuivre. (15 h 15)
Dans son document d'orientation intitulé "Une politique de
l'éducation pour le prochain mandat", dont on reconnaît de larges
volets dans sa présentation, le ministre et député
d'Argenteuil nous disait qu'il faut poursuivre la politique d'accès aux
études supérieures. Il y a au moins ce point, comme plusieurs
autres, je dois dire, sur lequel vous pourrez constater qu'on partage des
opinions communes. Cela devrait nous rassurer quant aux objectifs ou la
capacité d'atteindre les objectifs fixés à cette
commission. Cependant, c'est ce qui me préoccupe, cela ne semble pas
nécessairement figurer bien haut au rang des priorités du
gouvernement et particulièrement du président du Conseil du
trésor. Au vu des gestes déjà posés - je pense, par
exemple, aux coupures substantielles dans l'aide financière aux
étudiants, aux frais de scolarité pour les cours
d'été au cégep, à l'attitude, je dirais, de
laisser-faire à l'égard de la décision de certaines
universités de prélever des frais, qualifiés
d'afférents, mais dont personne ne se surprend sur l'utilisation
véritable - au vu également des gestes qu'il s'apprête
à poser - je pense aux intentions de plus en plus manifestes de hausser
les
frais de scolarité - on peut très légitimement
s'interroger sur la volonté de ce gouvernement de tenir ses engagements.
Car les décisions qui ont été prises au printemps dernier
affectent plus particulièrement les couches de la société
les plus démunies financièrement et risquent de nous conduire
à une université réservée aux élites
sociales et financières.
Pour en revenir au sujet des frais de scolarité, personne n'a
fait la preuve qu'une augmentation substantielle n'aurait pas d'effets
négatifs sur l'accessibilité. Je pense que si vous avez pris
connaissance de la Presse, aujourd'hui, vous êtes à même de
constater que, précisément, cela pourrait avoir des effets fort
négatifs. Les décisions qui ont été prises le
printemps dernier demeurent préoccupantes. Et, aussi longtemps qu'on ne
nous aura pas fait la preuve qu'une augmentation de frais de scolarité
n'aura pas d'effets sur l'accessibilité, je pense qu'il faudra demeurer
extrêmement prudents, à moins, finalement, que le projet non
avoué du gouvernement soit précisément de réduire
l'accès à l'université, dans les universités comme
dans les cégeps, pour réduire les coûts du système.
Le gouvernement sera probablement tenté, dans l'hypothèse
où il veut toucher aux frais de scolarité, de camoufler cette
hausse des frais de scolarité derrière le paravent d'une
réforme de l'aide financière. Les étudiants ne sont pas
dupes et ils ont lieu de craindre qu'ils perdront au change dans une telle
opération.
Élargir l'accessibilité, ce n'est pas seulement hausser la
fréquentation universitaire afin de répondre aux besoins d'une
société développée en main d'oeuvre
qualifiée, c'est aussi voir à résorber les
disparités actuelles entre diverses catégories de la population
dans l'accès aux études supérieures. Car nous savons
qu'à l'intérieur même du Québec, il existe un
décalage significatif à cet égard, entre les jeunes issus
de milieux socio-économiques défavorisés et les plus
favorisés.
Selon une étude réalisée à la fin des
années soixante-dix, les probabilités d'accès à
l'université pour les jeunes dont le père est professionnel ou
cadre supérieur étaient d'environ de quatre fois
supérieures à celles des fils et des filles d'ouvriers. Rien ne
nous laisse croire que cette situation soit aujourd'hui substantiellement
différente.
Nous savons aussi que les taux de scolarisation et de
fréquentation varient de façon très significative selon
que l'on considère les francophones, les anglophones, les
différents groupes d'allophones. Les données d'une étude
publiée tout récemment par le ministère de
l'Éducation sont très "parlantes" à ce sujet. La forte
scolarisation des anglophones et de certaines communautés ethniques
constitue un actif précieux. Elle s'explique, par ailleurs, par
plusieurs facteurs qui sont autant d'ordre historique, culturel que
socio-économique. Ceci a cependant pour effet de masquer, sur le plan
des statistiques, la sous-scolarisation relative des francophones. Le taux
d'accès à l'université à temps complet des 15-29
ans était, en 1981-1982, de 17 % chez les Québécois de
langue maternelle française comparativement à 23 % chez ceux de
langue maternelle anglaise.
On est d'accord pour reconnaître qu'il y a eu un progrès
inestimable de fait depuis 1960-1968 en matière de scolarisation et de
degré de scolarisation chez les francophones. Cependant, les chiffres
démontrent qu'il reste encore des écarts à combler. Et si
on pouvait maintenir, j'allais dire, la pression de manière à
relever le niveau de scolarisation chez les francophones, on pourrait
raisonnablement penser - avec la performance de ce groupe qui constitue, je le
rappelle, un actif précieux au Québec, les anglophones qui sont
très scolarisés - être en mesure de rejoindre le taux de
scolarisation des Américains de façon générale,
celui des États-Unis. C'est pourquoi il faut continuer à
poursuivre cet objectif d'accessibilité et dans les populations qui sont
les moins favorisées.
Pour parler de scolarisation et rappeler quelques autres chiffres, le
portrait est encore, je dirais, pour le premier cycle, préoccupant, mais
pour les deuxième et troisième cycles, il l'est encore davantage,
parce que nos francophones aux deuxième et troisième cycles, ont
un taux de diplômation de deux à trois fois plus bas que celui des
anglophones.
On constate enfin des écarts dans la scolarisation des
populations des régions périphériques par rapport à
celles des grands centres. A titre d'exemple, je signalerai que la proportion
de détenteurs de diplômes universitaires parmi la population
était, en 1981, selon Statistique Canada, de 5,5 % à Chicoutimi,
de 3,3 % en Abitibi par rapport à 10,2 % à Québec et sur
l'île de Montréal. On peut penser que cela s'explique en
particulier par un certain exode des individus scolarisés. Mais il n'en
demeure pas moins que le taux de passage du secondaire au collège et du
collège à l'université est plus faible en
région.
Cela m'amène à insister sur l'importance des
universités comme instrument de développement régional.
C'est là une mission qui doit être pleinement reconnue,
encouragée, soutenue. Des retards persistent, comme je viens de le
souligner, mais l'extension du réseau de l'Université du
Québec dans presque toutes les régions du Québec a
grandement contribué à faciliter l'accès des jeunes de ces
régions à une formation de niveau universitaire et a pu ainsi
endiguer en partie l'exode des cerveaux. Poursuivre ses études ne
signifie plus obligatoirement l'exil. S5i on poursuit ses
études sur place, il y a de meilleures chances qu'on y reste
après pour contribuer à l'essor socio-économique de son
coin de pays.
Il y a aussi les adultes qui bénéficient ainsi,
grâce aux programmes qui leur sont offerts, de moyens pour se
perfectionner, pour acquérir de nouvelles connaissances. Je soulignerai
au passage qu'il y a là aussi des progrès à accomplir,
comme le suggèrent les avis récents sur la formation des adultes
et la formation courte du Conseil supérieur de l'éducation et du
Conseil des universités. Les mesures nécessaires, selon ces
organismes, se situent autant sur le plan de l'accueil, des ressources humaines
et matérielles, que d'une souplesse dans l'organisation de
l'enseignement compatible avec les besoins des clientèles adultes. Sur
le plan de l'éducation aux adultes, le Québec se compare
honorablement avec ses voisins, tout en se caractérisant, je le
rappelle, par un fort engouement pour les programmes courts, de type
certificat. Cela témoigne à la fois du rattrapage à faire
et d'un manque de sensibilité et d'information touchant la
nécessité ou la pertinence de s'inscrire dans des programmes de
baccalauréat.
Même si on connaît un taux de succès relativement
important, il ne faudra pas ici crier mission accomplie. Le ministre a
manifesté son intérêt en plusieurs occasions dans le
passé pour tout ce volet de l'éducation des adultes. Je dois
constater que cela semble être le grand absent de la présente
commission. Il devra nous dire cependant où il loge lorsqu'il s'agit des
frais de scolarité. On devra ici, je pense, s'interroger
particulièrement sur les effets négatifs que pourrait avoir une
hausse des frais de scolarité sur ces clientèles. Je connais la
sensibilité du ministre a l'endroit des étudiants adultes. Je me
permets quand même de lui rappeler que ces étudiants adultes
paient déjà par le temps de loisir qu'ils consacrent à
leur formation; ils paient déjà de leurs impôts. C'est
souvent pour eux l'école de la seconde chance.
Pour en revenir plus spécifiquement aux universités
régionales, leur contribution ne s'arrrête pas à la
formation des clientèles jeunes et adultes. Par leur présence
dans le milieu, par l'expertise qu'elles sont en mesure de partager avec les
entreprises, elles constituent des pôles importants de
développement économique régional. On pourra faire
état de nombreux exemples de collaboration
universités-entreprises. Les universités en régions sont
aussi appelées à assumer une forte implication
socio-communautaire par les services qu'elles sont souvent les seules en mesure
de mettre à la disposition de leur population. Ainsi, lors du dernier
sommet économique régional tenu au Saguenay~Lac-Saint-Jean, 80 %
des recommandations associaient l'Université du
Québec à Chicoutimi à leur réalisation. Cela
peut être aussi vérifié dans les autres régions du
Québec.
Il ne faudrait enfin surtout pas oublier les efforts accomplis et les
résultats obtenus sur le plan de la recherche et ce, malgré la
jeunesse des infrastructures en place. En ce sens, il m'apparaît
inacceptable que l'on veuille cantonner les universités en
régions à l'enseignement de premier cycle, compte tenu de
l'importance des activités de recherche pour leur propre dynamisme et de
leurs retombées dans le milieu environnant. Ces universités ont
démontré leur savoir-faire. L'appui non-équivoque des
différents organismes régionaux que nous aurons l'occasion
d'entendre est là pour le prouver. Tout ceci pour dire que la mission de
développement régional des universités ne saurait
être négligée.
Mais à ce sujet, on ne connaît pas non plus - parce que ses
allusions là-dessus ne semblent pas aussi claires qu'elles
l'étaient dans le document de l'automne dernier
-précisément la pensée du ministre sur cette question. Je
me permets de lui rappeler les engagements qu'il prenait en campagne
électorale. Il nous disait: "Le nouveau cadre de financement devra
également accorder une considération particulière aux
problèmes des universités en régions, lesquelles demandent
à juste titre que leur soit assurée l'infrastructure de base
indispensable à leur développement et la possibilité de
développements sélectifs de programmes tenant compte des
caractéristiques socio-économiques de leur région
respective." Je ne peux voir là qu'un discours électoraliste et,
compte tenu de ces belles intentions, on devrait donc s'attendre que la mission
spécifique des universités en régions se traduise
concrètement dans le mode d'allocation des ressources. Celui-ci devrait
tenir compte des coûts reliés à l'éloignement et
à la décentralisation, à la taille et à
l'émergence des universités. À quelle enseigne loge le
ministre à ce sujet? Je ne peux qu'exprimer une certaine crainte car
plusieurs actions de ce gouvernement depuis son entrée en fonction
témoignent de " son peu d'intérêt pour tout ce qui concerne
le développement régional. À cet égard, l'abolition
du siège social de l'Université du Québec constituerait un
recul certain. Cet organisme, en plus d'offrir des services importants et
à peu de frais aux constituantes, joue un rôle majeur au plan de
la concertation, de l'évaluation, de la planification du réseau
des universités du Québec. C'est un lieu de concertation pour la
défense des intérêts et du développement des
universités. Abolir le siège social de l'UQ, cela veut dire
priver le réseau de l'UQ, le réseau des universités du
Québec qui sont particulièrement implantées en
régions, de ce lieu de concertation pour la défense
de l'enseignement universitaire dans ies régions. Comme on
connaît le sort qui a été réservé à
plusieurs autres organismes régionaux, il y a de quoi ici être
préoccupé.
Pour en revenir aux universités régionales, une autre
mission sur laquelle il faut insister est bien sûr la recherche qui est
le fondement même de l'excellence universitaire. Il est essentiel d'y
consacrer dans la conjoncture actuelle des efforts soutenus, compte tenu du
fait que nous avons aussi un rattrapage à faire à ce niveau. Les
données récemment publiées par le Conseil de la science et
de la technologie sont particulièrement éloquentes. La part du
produit intérieur brut occupée par les dépenses de
recherche-développement est au Canada largement inférieure et ce
d'environ la moitié à ce que l'on retrouve aux États-Unis,
au Japon et dans certains pays européens.
La recherche universitaire joue un rôle majeur dans le
développement scientifique et technologique du Québec. Les
universités doivent donc disposer des ressources nécessaires pour
la formation de chercheurs qualifiés et pour être en mesure
d'offrir un environnement institutionnel propice à
l'épanouissement des activités de recherche. Je me permets de
citer ici un document dont je prenais connaissance aujourd'hui, qui nous vient
de l'Association canadienne des professeurs des universités qui dit: "Le
déficit commercial du Canada dans les technologies de pointe est le plus
élevé des pays du sommet économique. En 1984, il
s'élevait à environ 12 000 000 000 $ et il continue d'augmenter.
La part du marché du Canada dans les exportations des pays de l'OCDE le
place au huitième rang en ce qui concerne le secteur des produits de
haute technologie nécessitant une recherche et un développement
intense." (15 h 30)
Enfin, le Conseil de recherches en sciences naturelles et génie a
publié un rapport dans lequel il affirme que la recherche au Canada ne
pourra connaître d'efforts significatifs parce que nos universités
ne produisent pas assez de scientifiques et de chercheurs. En fait, le pays
pourrait faire face à une pénurie de savants au cours de la
prochaine décennie si de nouvelles politiques ne sont pas
adoptées. Vous comprendrez que si ce diagnostic est porté pour le
Canada alors qu'on connaît la place qu'occupe le Québec en
matière de scolarisation de deuxième et de troisième
cycles, la situation devrait nous préoccuper au plus haut point.
Pour revenir à la recherche, quant au financement direct de
celle-ci, on ne peut passer sous silence le fait que le gouvernement
fédéral en assume essentiellement, par le biais des trois grands
conseils subventionnai res, la plus large part, soit plus de 50 %. Ceci n'est
pas sans poser un certain nombre de problèmes, notamment en ce qui
concerne la cohérence des orientations respectives des deux niveaux de
gouvernement en matière de recherche, et la pleine participation de nos
universités aux circuits fédéraux de recherche
subventionnée.
Par ailleurs, on retrouvait dans le dernier budget fédéral
une nouvelle proposition quant au financement des trois conseils subventionnai
res. La formule dite de pairage, selon laquelle une partie de la contribution
gouvernementale serait ajustée aux contributions supplémentaires
du secteur privé, n'est pas sans soulever des interrogations et des
inquiétudes. Certaines provinces comme l'Ontario, certains domaines de
recherche, certaines universités se verront privilégiés.
Le gouvernement devra dévoiler ses positions à cet égard,
comme il devra réagir aux diminutions dans les transferts
fédéraux projetées au titre du financement des programmes
établis.
Il y a un consensus très large quant à la
nécessité d'intensifier la collaboration entre les entreprises et
les universités, une collaboration qui comme on le sait peut
revêtir des formes variées. Sans en attendre de miracles ou de
prétexte au désengagement des pouvoirs publics, il est possible
d'injecter de cette façon des fonds additionnels dans la recherche. On
peut aussi envisager des incitatifs fiscaux pour stimuler la contribution des
individus ou des entreprises aux fondations. Il ne saurait toutefois être
question d'une soumission aveugle de la recherche universitaire aux
intérêts particuliers de l'industrie, aux besoins ponctuels du
marché. Le rapprochement des universités avec l'industrie ne doit
pas être synonyme d'un mariage pouvant compromettre la nature même
de l'université, mais s'accomplir dans le respect de leurs missions
respectives.
Enfin, on ne pourra éluder la question, abondamment
traitée dans plusieurs mémoires, du financement des coûts
indirects de la recherche.
Ceci m'amène à dire quelques mots de la formule de
financement. Mais d'abord au sujet du niveau même des subventions
gouvernementales, je ne peux m'empêcher de souligner la contradiction
entre, d'une part, les propos que tenait l'actuel ministre de
l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science du
temps où il siégeait dans l'Opposition et, d'autre part, les
politiques de son gouvernement. Une fois au pouvoir, le discours quasi
apocalyptique, je me permets de le rappeler, sur la situation financière
des universités a trouvé un curieux prolongement dans une
compression de plus de 30 000 000 $. Ce qui lui a valu un blâme non
équivoque de la part du Conseil des universités. On peut lire
dans son "Avis sur la politique de financement des universités
pour l'année 1986-1987" que cette compression, l'une des plus
sévères depuis 1978-1979, enlève tout espoir de stabiliser
dès cette année le financement de l'infrastructure de base des
universités. Le conseil ajoute que: "le sous-financement relatif des
universités québécoises par rapport à leurs
homologues ontariennes ne pourra que s'amplifier", compte tenu que l'Ontario a,
de son côté, augmenté de plus de 6 % cette année ses
subventions et cela, sans augmentation de la clientèle. Le conseil
dénonce à nouveau les effets nocifs des compressions
budgétaires sur la qualité des services rendus:
détérioration constante du ratio étudiants-professeur,
vieillissement accéléré du corps professoral,
déficiences au niveau des collections de volumes des
bibliothèques et des équipements scientifiques.
Quant à la présente formule de financement dite
historique, il existe au moins un consensus chez les universités: elle
est désuète et ne permet pas de prendre en considération
leur situation particulière. Comme il ressort de la lecture des
mémoires, chacune a de bons arguments à faire valoir à
l'appui de son sous-financement. L'élaboration d'une nouvelle formule de
base avec une pondération équitable des divers paramètres
est donc un exercice délicat. Rappelons que le gouvernement
précédent avait déjà proposé de nouvelles
règles en 1984. Bien qu'accueillies positivement par certains, les
réserves émises devaient en suspendre l'application, d'autant
plus que la base de données ne faisait alors pas l'unanimité au
sein du réseau. Cependant, le système RECU est venu combler cette
lacune. Le cadre établi en 1984 pourrait constituer un point de
départ intéressant dans la confection d'une formule
adéquate de financement. Nous souhaiterions entendre les
différents intervenants à ce propos.
Comme je le soulignais au départ, parler du financement des
universités sans avoir réfléchi sur leurs orientations,
c'est un peu comme regarder les choses du mauvais côté de la
lorgnette. Le ministre de l'Enseignement supérieur doit, de façon
ferme, s'écarter des orientations du rapport Gobeil et nous dire s'il
favorise une plus grande accessibilité aux études
supérieures. Il devra également nous dire comment il entend y
parvenir, quels moyens il entend y consacrer. Comment envisage-t-il la mission
des universités en régions? Il devra également nous dire
s'il favorise une spécialisation des universités qui aurait comme
effet de réduire les universités des régions à la
taille ou à la mission de gros cégeps qui dispenseraient
exclusivement le programme de premier cycle. Il devra également nous
dire quel dosage il envisage entre la formation du premier cycle,
l'enseignement aux adultes, les études supérieures, la recherche.
On trouve quelques réponses dans le document publié par le
député d'Argenteuil en novembre 1985 et auquel j'ai fait allusion
tout à l'heure, document auquel s'est également
référé le ministre de l'Enseignement supérieur.
C'est un document dans lequel on trouve formulé un diagnostic
très sévère de même que des engagements, il faut le
dire, assez généreux.
En fait, le seul document gouvernemental dont on dispose à
l'ouverture de cette commission parlementaire, à l'exception du texte
que vient de nous présenter le ministre, c'est le rapport du
comité présidé par le président du Conseil du
trésor. Les propositions vite formulées de ces prétendus
sages, davantage préoccupés d'appliquer leur credo
idéologique que d'évaluer les répercussions des
changements préconisés, ne sont pas du tout rassurantes.
Que retrouve-t-on dans les quelques lignes que le rapport Gobeil
consacre à l'enseignement supérieur? D'abord, tripler ou
même quadrupler les frais de scolarité, sans en avoir
évalué les répercussions sur l'accessibilité. Le
groupe propose ensuite d'augmenter de 50 % la tâche d'enseignement des
professeurs. A-t-on songé aux conséquences d'une telle mesure sur
la qualité de la formation, notamment au niveau de l'encadrement des
étudiants et du renouvellement du corps professoral? On y va aussi de
l'abolition, comme je le disais tout à l'heure, du siège social
de l'Université du Québec et du Conseil des universités
dont on pourra tout à l'heure apprécier la valeur et la
qualité des avis.
Ces organismes, le Conseil des universités et l'Université
du Québec, sont deux organismes qui assument des fonctions importantes -
de plus en plus importantes dans le contexte actuel - de planification, de
coordination et d'évaluation au sein du réseau universitaire.
L'intention du ministre de protéger et de conserver cet organisme me
rassure. II nous reste à souhaiter qu'elle soit aussi entendue en haut
lieu. Enfin, un chambardement majeur est prévu au niveau des organismes
oeuvrant dans le secteur de la recherche et ce, sans qu'une évaluation
sérieuse n'ait été faite des institutions existantes.
Le ministre responsable est, au cours des derniers mois, demeuré
plutôt muet quant à ces recommandations. Devant son silence, nous
sommes en droit de nous demander - je ne suis pas la seule à le faire -
qui dirige le ministère de l'Enseignement supérieur, qui prend
tes décisions qui conditionnent le devenir de nos universités.
C'est d'autant plus déplorable que les intervenants sont invités
à discuter de financement des universités sans trop savoir
quelles orientations ce gouvernement pourra privilégier. En l'absence de
cadre de discussion qu'auraient pu constituer des
orientations plus claires on aura ensuite beau jeu de profiter de la
mêlée pour prendre des décisions délicates et brader
des promesses électorales.
Quoi qu'il en soit, pour l'Opposition, les questions que je viens
d'énoncer sont cruciales et guideront sa participation aux travaux de
cette commission, c'est-à-dire celles touchant l'accessibilité,
touchant le développement des universités en régions, le
développement de la recherche du deuxième et du troisième
cycles. Nos interventions seront motivées par le souci que les
universités puissent s'acquitter de leur mission adéquatement,
sans perdre de vue l'objectif d'une plus grande accessibilité aux
études supérieures, car il y va de notre avenir collectif.
On peut favoriser l'accès à l'université pour des
motifs culturels, parce qu'on estime la présence des
diplômés universitaires essentielle au développement d'une
société pour sa survie comme entité distincte; pour des
motifs d'épanouissement personnel, parce que l'on souhaite que ceux qui
ont des capacités puissent les développer et les faire valoir au
service de leurs concitoyens; et de plus en plus pour des motifs
économiques parce que l'existence d'une main-d'oeuvre qualifiée
dans les domaines les plus divers et les plus avancés est devenue une
condition fondamentale de survie dans le monde moderne. Je crois qu'il faut
d'abord accepter de percevoir le système d'éducation comme le
seul moyen efficace de résorber nos problèmes
économiques.
En conséquence et parce que nous accusons un sérieux
retard comparativement à l'Ontario et au reste du Canada, il est
nécessaire d'investir davantage. Je le répète: "La
formation de généralistes et de spécialistes du plus haut
calibre possible et la poursuite de recherches dans les domaines majeurs de la
connaissance humaine constituent la seule voie d'avenir et doivent être
la première priorité du gouvernement."
Je compte sur cette commission pour nous aider à voir plus juste,
tant sur les orientations à indiquer et à donner au réseau
des universités que sur les priorités à établir. Le
nombre et la qualité des intervenants devraient sans doute nous fournir
cet éclairage.
Je suis particulièrement heureuse de voir le ministre se situer
dans la grande foulée de ses prédécesseurs et la vision
qu'il nous livre des développements et des orientations qu'on devrait
donner aux universités devrait nous rassurer.
Cependant, au cours de l'été, nous savons tous qu'il y a
eu trois documents qui ont été déposés, documents
de groupes de travail qui étaient présidés par des
ministres. Entre ce que vient de nous livrer le ministre et les recommandations
contenues particulièrement dans le rapport présidé par le
président du Conseil du trésor, il y a un écart qui a de
quoi nous inquiéter.
Lorsqu'on se donne des objectifs, on sait tous l'importance majeure que
prend le financement pour la réalisation de ces objectifs. C'est
indispensable. Le Conseil du trésor a comme mission, à la fois
d'accorder les ressources financières et de contrôler. Il me
semble que, pour cette commission parlementaire et pour ses membres, bien qu'on
ait un nombre impressionnant d'intervenants venant de tous les milieux, il
serait intéressant qu'on puisse entendre le président du Conseil
du trésor à cette commission. Il ne s'agirait pas, ici, d'en
fixer les modalités, le moment et la date. On pourrait le faire en
séance de travail, M. le Président. Cependant, un groupe de
travail qui a réfléchi et qui nous propose des recommandations le
fait à la lumière de réflexions qui se sont faites. Compte
tenu que les recommandations qui nous sont proposées sont fort peu
étayées, on pourrait connaître davantage les raisons qu'il
invoque pour justifier de telles orientations. Il me semble que ce serait
à la fois éclairant pour les membres de la commission mais
également pour les universités, pour les administrateurs, pour le
Québec de façon générale que d'entendre
là-dessus le président du Conseil du trésor. (15 h 45)
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous
remercie.
Motion proposant que la commission
demande l'opinion du président du
Conseil du trésor
Mme Blackburn: M. le Président, je voudrais, en vertu de
l'article 170 des règles de procédure, faire motion pour que:
"Cette commission sollicite, par invitation spéciale, l'opinion et les
commentaires du président du groupe de travail sur la révision
des fonctions et des organisations gouvernementales, M. Paul Gobeil, en raison
des travaux et des recommandations de ce comité concernant le
financement des universités. "En conséquence, que la commission
se réunisse en séance de travail immédiatement
après les auditions publiques du 16 septembre 1986 afin de
déterminer la durée de l'audition de M. Paul Gobeil, ainsi que la
durée des échanges avec les membres de la commission."
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le
ministre.
M. Ryan: M. le Président, je ne sais pas si vous
déclarez cette proposition recevable et je ne sais pas si vous voulez
que nous en discutions maintenant, mais nous sommes à votre disposition.
Je suis à votre
disposition en particulier.
Le President (M. Parent, Sauvé): La commission suspend ses
travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 16 h 1)
Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission
reprend ses travaux.
Si vous voulez prendre place, mesdames et messieurs les
députés, mesdames et messieurs de l'assistance.
S'il vous plaît, mesdames et messieurs les députés,
la commission parlementaire de l'éducation, va reprendre ses travaux;
elle a effectivement repris ses travaux.
Mme la députée de Chicoutimi, j'ai bien pris connaissance
de votre motion. Puis-je vous demander en vertu de quel article vous la
présentez?
Mme Blackburn: En vertu de l'article 170 ties règles de
procédure.
Le Président (M. Parent, Sauvé): En vertu de
l'article 170. Je lis l'article 170: "Toute commission peut ainsi, par
invitation spéciale, solliciter l'opinion de personnes ou d'organismes
qui ont une connaissance ou une expérience particulière du
domaine qu'elle examine." C'est la teneur de l'article 170 de notre
règlement qui régit les consultations particulières.
Alors, je vais donner l'occasion à Mme la députée
de Chicoutimi de nous fournir l'argumentation nécessaire ainsi qu'au
porte-parole du côté ministériel, en l'occurrence, le
ministre et, après cela, je rendrai ma décision. Mme la
députée de Chicoutimi. Un instant, madame.
Débat sur la recevabilité M. Jean-Pierre
Jolivet
M. Jolivet: M. le Président, si vous me permettez, ce sera
moi qui ferai la discussion sur la recevabilité.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Laviolette, nous vous écoutons.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Il y a
différents articles dans le règlement qui nous permettent de
faire certaines consultations particulières. Il y a différentes
possibilités qui nous sont offertes par le règlement de faire
comparaître ici, à cette commission, des gens, des personnes, des
organismes qui peuvent informer l'ensemble des membres de la commission
parlementaire.
On considère aussi que, sauf des dispositions incompatibles, les
règles relatives à ce qui se passe à l'Assemblée
nationale s'appliquent aussi aux commissions parlementaires. Vous allez
retrouver cela è l'article 154 de notre règlement. À
l'article 185, on dit que tout député qui désire faire une
proposition pour que l'Assemblée se prononce sur quelque question que ce
soit le fait par motion. C'est donc ce que ma collègue, la
députée de Chicoutimi, a fait. Elle a présenté une
motion en vertu de l'article 185.
Le Président (M. Parent, Sauvé): En vertu de
l'article 170.
M. Jolivet: Oui, mais je parle, pour étayer mon
argumentation, des articles qui sont dans le règlement
également.
Le Président (M. Parent, Sauvé): J'avais bien
spécifié que l'avis de motion a été fait en vertu
de l'article 170.
M. Jolivet: C'est ce que je suis en train de vous prouver.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Très
bien.
M. Jolivet: À l'article 158 de notre règlement, on
dit que les motions ne requièrent pas de préavis. Donc, Mme la
députée a déposé sans aucune forme de
préavis une motion qui est actuellement en discussion. Or, l'article
170, tel que vous venez de le faire, indique que toute commission peut aussi,
par invitation spéciale c'est une invitation spéciale que nous
faisons - solliciter l'opinion de personnes ou d'organismes qui ont une
connaissance ou une expérience particulière dans le domaine
qu'elle examine.
Je dois aussi, en même temps, vous référer, compte
tenu que la demande qui est faite concernant le président du Conseil du
trésor, responsable d'un comité de travail qu'il présidait
à la demande du premier ministre, en vertu de l'article 164, ma
collègue l'a dît aussi... Je lis l'article 164: "Lorsqu'une
commission désire entendre un ministre, elle doit l'en aviser par
écrit au moins quinze jours a l'avance sauf renonciation de
l'intéressé à ce délai. "L'avis doit indiquer
l'objet, l'heure, la date et l'endroit des travaux de la commission."
Or, ma collègue vous a dit, dans la motion qu'elle vous a
présentée, que nous pourrions faire ce travail en séance
de travail plutôt qu'en commission parlementaire, ceci pour permettre de
déterminer, en séance de la commission, les moments où
cette personne, le président du Conseil du trésor, devrait venir
devant la commission
parlementaire.
La motion, qui est présentée en vertu de l'article 170,
répond formellement à toutes les exigences. Le président
du groupe de travail qui est devant nous a proposé des recommandations
en matière de financement du réseau d'éducation. Donc,
c'est une personne qui doit sûrement posséder une connaissance
particulière du sujet, puisqu'il a présidé lui-même
un comité qui a fait des recommandations. Cette personne a eu
l'occasion, avant la parution du rapport, après la parution du rapport,
puisqu'il a fait l'objet d'une conférence de presse où
lui-même a donné les indications de ses recommandations. Une de
ses recommandations touchait l'ensemble du secteur universitaire, aussi bien
quant au financement des universités, quant à la tâche des
professeurs et quant à d'autres phénomènes incluant les
frais de scolarité qui sont l'objet même de cette commission
parlementaire.
À ce moment-là, la motion qui est présentée
en vertu de cet article 170 peut donc être présentée en
tout temps, sans aucune forme de préavis. Vous seriez bien conscient
avec moi, M. le Président, que cette motion est différente de
celle qui est prévue à l'article 244, qui prévoit que,
lors de l'étude détaillée d'un projet de loi en
commission, des consultations particulières peuvent être
décidées avant d'entreprendre l'étude
détaillée du projet.
Or, au moment où l'on se parle, nous avons devant nous une motion
présentée en vertu de l'article 170 qui permet à la
commission, sans aucune autre forme de préavis que ce soit, de la
déposer devant vous.
D'autre part, la motion présentée par ma collègue
en vertu de l'article 170 est fondamentalement différente des
dispositions des articles 166 et suivants, parce que vous me demanderiez
sûrement pourquoi cette question n'a pas été
débattue lors de réunions préliminaires à la
séance d'aujourd'hui. L'article 170, comme vous le savez, vise une ou
des consultations particulières, alors que les articles 166 et suivants
concernent une consultation générale. Dans le cas qui nous
préoccupe, tel que prévu par la motion de ma collègue,
c'est qu'elle vise à rechercher l'expertise particulière d'une ou
de plusieurs personnes, parce que personne ne pourrait empêcher le
président du Conseil du trésor de se faire accompagner des
personnes qui composaient le comité qu'il a dirigé comme
président. L'autre, qui est prévu aux articles 166 et suivants,
demande à la population en général de faire
connaître ses préoccupations sur un sujet en particulier, ce qui
est le début de nos travaux, aujourd'hui.
Donc, le but est différent, la procédure l'est
également. Il est bien entendu que vous pourriez me dire:
Écoutez, le président du Conseil du trésor n'a
présenté aucun mémoire à la commission, alors
l'article 170 ne le fait pas comme obligation et, en conséquence, il
n'est pas nécessaire que le ministre passe par la procédure de
consultation générale de la population en général.
Et, dans la question qui nous préoccupe, il n'est pas question de
mémoire, même si déjà l'on pourrait
considérer que les recommandations qu'il a faites dans son rapport sont
presque une forme de mémoire.
Même si la consultation générale a été
discutée en séance de travail, comme je le disais tout à
l'heure, cela ne peut pas porter préjudice à la nouvelle motion
qui est présentée par ma collègue en vertu de l'article
170.
Pour ces raisons, compte tenu du fait que le président du groupe
de travail, le président du Conseil du trésor, puisqu'il a fait
des recommandations, doit certainement être au courant des
problèmes auxquels est confronté l'ensemble du monde
universitaire, puisqu'il a fait des recommandations sur le financement des
universités, sur la tâche des professeurs à
l'intérieur des secteurs universitaires, puisqu'il a fait aussi des
recommandations quant aux frais de scolarité des étudiants qui
sont à l'intérieur de ces établissements, il est
évident qu'il a une connaissance suffisante - en tout cas, nous
l'espérons, nous le souhaitons - pour participer aux travaux de notre
commission. Mais, comme nous ne voulons pas le prendre par surprise et qu'en
même temps nous voulons nous soumettre à l'article 164 du
règlement, nous pourrions, quant au jour et quant à l'heure -
l'objet, on le connaît et l'endroit, c'est ici - nous entendre en
séance de travail.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
ministre.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, si j'ai bien compris, nous
discutons de la recevabilité.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est cela.
M. Ryan: Nous accepterons, évidemment, la décision
que vous prendrez à cet égard. Mais je voudrais simplement faire
une couple de remarques pour essayer d'économiser du temps. Je trouve un
peu déplorable qu'on prenne cette avenue que j'appellerais marginale, au
lieu de poursuivre le travail consciencieux qui a été
commencé dans l'esprit qui s'impose. Le député a
cité plusieurs articles du règlement. Je pense qu'il en a
oublié: il y a l'article 164 qui dit: "Lorsqu'une commission
désire entendre un ministre, elle doit l'en aviser par écrit
au
moins quinze jours à l'avance." Par conséquent, on a le
temps. Ce n'est pas nécessaire de troubler les travaux de la
séance d'ouverture. Si vous voulez qu'on discute à un autre
moment, je pense que ce serait beaucoup plus constructif pour les travaux que
nous voulons faire. Nos concitoyens nous écoutent aujourd'hui, il y a
beaucoup de personnes qui sont ici pour le début des travaux de la
commission. Je pense qu'il n'y a rien qui fait plus de tort à
l'institution parlementaire que de dévier tout de suite dans des
débats de procédure.
J'émets de sérieuses réserves sur le
bien-fondé de la motion qui est présentée, même sur
le terrain des faits. Je pense que je dois au moins être autorisé
à corriger cela. La députée de Chicoutimi a tout
intérêt, d'un point de vue partisan, à essayer de
créer des impressions de division au sein du gouvernement. Je la
comprends et cela fait peut-être un peu partie de son rôle, mais je
dois l'informer que le président du Conseil du trésor a
précisé lui-même, lorsque les trois rapports en question
ont été rendus publics, qu'ils ne l'engageaient pas plus que les
autres membres du gouvernement. Ce sont des rapports qui ne portent pas sa
signature. Si vous les avez lus, vous avez peut-être porté
attention à la première page: ils ne portent même pas la
signature du président du Conseil du trésor. Ils ont
été rédigés par des groupes de travail faisant
partie d'un ensemble que présidait le président du Conseil du
trésor. Mais il a bien dit, lorsqu'ils ont été rendus
publics, que lui gardait toute sa latitude par rapport à ces
recommandations. L'amener ici a ce moment-ci alors que ces questions - je vous
le dis en toute simplicité - n'ont même pas été
examinées au niveau du cabinet, je pense que c'est une opération
de diversion qui ne conduirait à aucun résultat utile.
Dans cette perspective, vu les informations quelque peu fausses sur
lesquelles s'est fondée la députée de Chicoutimi pour
formuler sa proposition, je doute qu'elle puisse être accueillie. Si vous
décidez, M. le Président, dans votre sagesse, qu'elle doit
être accueillie, nous accueillerons votre décision sans
récriminer d'aucune manière et nous serons heureux de passer au
vote dans les meilleurs délais.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: M. le Président, je n'avais pas oublié
l'article 164. J'y ai fait allusion à plusieurs occasions. J'ai
même dit que ma collègue dans sa motion y avait fait allusion
aussi, puisque, effectivement, nous reconnaissons que nous devons donner un
préavis à M. le président du Conseil du trésor.
Quant à l'autre argumentation, à savoir qu'il n'a pas
signé les rapports, nous avons entendu ces discussions lors de la
présentation publique des rapports. C'est une façon de s'effacer
d'une décision qui a été prise par le premier ministre de
lui donner le mandat de s'occuper d'un comité de travail dont il
était le président. Qu'il ait décidé par la suite,
compte tenu des recommandations, de faire le geste qu'il a posé, libre
à lui. Mais je ne vois pas en quoi on peut être
empêché de demander sa présence en vertu de l'article 170.
J'ai argumenté, en vertu des articles du règlement, que la
présence du président du Conseil du trésor pourrait
être importante puisqu'il est la personne qui, au sein du gouvernement, a
la responsabilité d'une façon très importante, on en
conviendra maintenant, on le sent un peu partout, de l'ensemble des goussets
gouvernementaux. En conséquence je pense qu'il serait logique, si on
regarde le règlement tel quel, de faire venir ici te président du
Conseil du trésor. (16 h 15)
Décision du président
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. le député de Laviolette. Je suis prêt à rendre ma
décision. Je vais la rendre en tenant compte du mandat qui a
été confié par l'Assemblée nationale à cette
commission parlementaire et qui se lit comme suit: "Que la commission de
l'éducation, afin de permettre aux universités de s'acquitter
efficacement de leur mission, procède à une consultation
générale dans le but d'étudier les orientations et le
cadre de financement du réseau universitaire québécois
pour l'année 1987-1988 etc."
Dans la motion de Mme la députée de Chicoutimi, vous
invoquez le règlement qui régit les consultations
particulières, tandis que nous avons un mandat de tenir des
consultations générales. Par contre, dans mon
énoncé du début, je vous ai dit que je serais très
souple dans l'interprétation du règlement et que l'objectif de la
commission est d'aller chercher tous les renseignements pertinents.
Dans cette ligne de conduite que j'ai annoncée au début de
la séance, je peux difficilement juger recevable la motion de la
députée de Chicoutimi. Par contre, je suis prêt à
ramener cette motion en comité de travail où nous passerons au
vote et la commission décidera si elle doit.... La commission s'est
donné, lors d'un comité de travail, la possibilité
d'inviter des gens en consultation particulière.
Je déclare irrecevable pour le moment è la commission la
motion de la députée de Chicoutimi et je l'invite à
revenir en comité de travail pour que la commission puisse discuter de
sa motion. Je vous dis dès maintenant que je serai favorable à
cette
motion en séance de travail. J'agis de façon à ne
pas retarder les procédures de cette commission. Nous avons des
invités ici. Nous avons deux groupes à recevoir aujourd'hui et je
croîs qu'en guise de respect pour les personnes qui se sont
dérangées pour venir témoigner devant cette commission
parlementaire, on doit faire tout ce qui est nécessaire pour
accélérer le débat, mais en se gardant la
possibilité par exemple d'aller chercher l'information partout où
elle est. Si la commission croit qu'à l'intérieur du rapport
Gobeil il y a des éléments nécessaires,
intéressants et pertinents à la bonne connaissance de la
commission, nous prendrons les mesures nécessaires en commission de
travail. Ma décision est rendue.
M. le député de Laviolette, je vous écoute pour une
dernière intervention sur le sujet.
M. Jolivet: Ce n'est pas pour mettre en cause votre
décision, M. le Président, c'est simplement pour vous avertir
dès maintenant, pour qu'il n'y ait pas de quiproquo, que lors de cette
séance de travail, nous demanderons que les discussions soient
enregistrées.
Le Président (M. Parent, Sauvé):
Accordé, M. le député de Laviolette.
Avant de passer aux autres interventions, j'ai une demande du
côté ministériel à savoir que le
député de Saint-Louis remplace pour aujourd'hui la
députée de Groulx. Comme vous le savez, le règlement
m'oblige à demander la permission du côté de l'Opposition.
Accordé? C'est accordé. M. le député de Saint-Louis
considérez-vous comme membre de cette commission.
Je donne la parole au député d'Art habaska.
M. Gardner: Ce serait plutôt à la
députée de...
Le Président (M- Parent, Sauvé): Donc, Mme la
députée de Jacques-Cartier, adjointe parlementaire au ministre de
l'Éducation.
Déclarations d'ouverture (suite) Mme Joan
Dougherty
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. C'est
évident que la députée de Chicoutimï a de la
misère à se démarquer de la position du ministre. Pour le
faire, elle s'appuie sur une argumentation très faible, par exemple en
ce qui concerne l'impact négatif présumé d'une hausse de
frais de scolarité sur l'accès aux universités. La preuve
de la faiblesse de cette argumentation est déjà faite en Ontario
où les frais de scolarité sont plus que le double des frais au
Québec et, en dépit de ce fait, le taux de fréquentation y
est plus élevé qu'au Québec.
Il me fait plaisir, M. le Président, d'intervenir très
brièvement à cette séance d'ouverture de la commission sur
le financement des universités. Depuis de nombreuses années
maintenant, les universités du Québec se sont efforcées de
faire plus, malgré les ressources financières
décroissantes. Malgré tous leurs efforts pour réduire les
coûts, soit en rationalisant l'utilisation du personnel et des
édifices, en consolidant et dans certains cas en abolissant des
programmes, en reportant le renouvellement d'équipement scientifique et
en coupant le plus possible au budget d'acquisition des bibliothèques,
la plupart de nos universités se trouvent dans une situation
déficitaire sans précédent.
Je suis convaincue que toutes nos universités sont gravement
sous-financées et qu'il n'est plus possible de leur demander de faire
plus avec moins sans compromettre leur mission fondamentale. La situation s'est
tellement détériorée qu'il est urgent que nous
réagissions au cri d'alarme lancé à de nombreuses reprises
auprès des différents gouvernements du Québec et
laissé sans réponse adéquate. Pour moi, l'éducation
constitue la toute première priorité. Tout le reste devient
secondaire si on tient à notre avenir. La mission de nos
universités est à la fois unique et stratégique. Unique,
parce que les universités sont les chiens de garde de l'excellence de
notre passé et stratégique, parce qu'elles sont le tremplin pour
notre avenir. Elles sont les sentinelles de la recherche libre et les
incubateurs de l'esprit d'entrepreneurship. Elles favorisent la fierté
de notre héritage et, parce que la connaissance n'a pas de
frontière, elles contribuent par leur véritable nature à
la compréhension internationale. Elles sont les laboratoires de la
connaissance desquels jaillissent les rêves et les visions qui forment
notre futur.
Pour moi, l'essentiel de cette mission vise le développement de
nos ressources humaines. Il est impensable qu'on ne fasse pas tout notre
possible pour créer les conditions propices à éduquer,
former et libérer toutes les capacités intellectuelles et
créatrices des citoyens les plus compétents de notre
société. C'est la seule façon d'assurer notre avenir. Car
je suis convaincue que notre force intellectuelle, culturelle et morale, notre
qualité de vie ainsi que notre force économique dépendent
et dépendront plus que jamais à l'avenir de la qualité de
la créativité et du dynamisme de nos ressources humaines.
Les changements technologiques rendent la mission de nos
universités et surtout leurs efforts scientifiques de plus en plus
stratégiques. Nous savons tous que la révolution technologique
s'accélère, qu'elle marque et marquera profondément nos
vies. Notre capacité de concurrencer au sein d'une
économie mondiale en voie de transformation rapide
entraînera de nouvelles demandes au niveau du savoir et du talent de nos
citoyens et de leur facilité d'adaptation à un marché en
perpétuel mouvement. Notre survie économique et notre
qualité de vie dépendront de la façon dont nous ferons
face au défi.
On ne peut surestimer l'importance de cette commission parlementaire. Il
est impératif que nous travaillions ensemble dans un esprit de
tolérance et d'engagement à la recherche de solutions
réalistes et responsables dans le but de consolider l'avenir de nos
universités. Elles doivent détenir les outils nécessaires
à leur travail. Malgré l'importance que nous accordons à
cette vaste entreprise, nos moyens sont limités. Une bonne dose d'esprit
d'entrepreneurship et d'innovation, ce qui est tellement important dans le
domaine économique, devrait également être entretenue dans
le monde de l'éducation et de la science. Ce n'est pas le moment de
sacrifier nos universités au vent de l'opportunisme à court
terme. Nous ne devons pas non plus nous incliner devant les
intérêts spécifiques de quelque groupe de pression que ce
soit. Bien que le public ait le droit de s'attendre à une
compétence et à de hautes normes de fonctionnement dans
l'utilisation des fonds publics, il a également le droit d'attendre des
universités qu'elles reçoivent le maximum d'appui d'autres
sources. Nous aurons la coopération du public pour notre cause si tous
ceux qui ont nos universités à coeur sont prêts à
faire leur part.
Je crois que, dans notre recherche de l'excellence, les talents et les
connaissances des citoyens du Québec constituent notre plus grande
ressource. C'est en favorisant la qualité de nos universités que
nous réussirons a libérer tout leur potentiel. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
Mme la députée de Jacques-Cartier. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? M. le député d'Arthabaska.
M. Laurier Gardner
M. Gardner: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
tout d'abord de vous manifester la joie que j'éprouve à
participer à cette commission parlementaire. Comme ex-enseignant, je
suis particulièrement heureux de pouvoir vivre ce moment historique,
cette commission parlementaire. Comme député ministériel,
j'aurai tout au long de cette commission à écouter, à
questionner chacun des intervenants pour pouvoir par la suite mieux conseiller
notre ministre, le député d'Argenteuil, que nous
apprécions tous de chaque côté de la
Chambre.
Les orientations et le cadre de financement du réseau
universitaire, voilà le sujet de cette commission, sujet qui ne peut
surtout pas être réglé à la sauvette. Notre ministre
de l'Éducation affirmait récemment que nous prendrions tout le
temps voulu pour recevoir ceux et celles qui ont demandé à
être entendus - je répète bien: qui ont demandé
à être entendus. Voilà une façon de faire que j'aime
bien. Voilà une façon de faire exigeante mais voilà "la"
façon de faire quand on a une question aussi importante à
régler.
Je m'attarderai plus précisément aux questions concernant
les enseignants et les chargés de cours à leur rôle dans
les universités modernes. Les enseignants de l'Université Laval
de 1966, ceux que j'ai connus et qui m'ont donné ce goût
d'enseigner, comme ceux des autres universités, ont dû changer
leurs attitudes. Sont-ils toujours disponibles? Sont-ils toujours imbus de
recherche, avides de donner le résultat de ces recherches à des
élèves avides de connaître? Sont-ils toujours jeunes,
près des jeunes et surtout renouvelés? Si toutes ces
qualités de l'enseignant sont recherchées au niveau
élémentaire, secondaire et collégial, à plus forte
raison doivent-elles l'être à l'universitaire. Les enseignants de
l'université participent-ils aux efforts de rationalisation des
dépenses publiques que le gouvernement actuel demande à la
population du Québec? Si oui, comment le font-ils? Sinon, comment le
feront-ils?
II va sans dire que cet effort de rationalisation des dépenses
publiques doit être fait dans tous les milieux, y compris
l'universitaire. Il faut toutefois admettre que l'université a un
rôle qui va plus loin que le passé et le présent.
L'université est en prospective et doit le demeurer. Voilà le
dilemme: l'université doit à la fois participer à la vie
québécoise, ce qui comprend la rationalisation des
dépenses publiques, et la devancer cette vie, ce qui exige du
gouvernement des dollars.
Comme membre de cette commission parlementaire et député
d'Arthabaska, je veux entendre et questionner les responsables des
universités, les enseignants, les étudiants et les groupes
socio-économiques qui ont demandé à être entendus.
Je le répète, je veux les questionner pour être mieux
renseigné pour pouvoir conseiller adéquatement.
J'ose espérer que le dilemme que je viens d'énoncer sera
résolu. Les universités doivent, à mon avis, jouer leur
rôle et le jouer excellemment pour le plus grand bien du Québec.
Je suis, M. le Président, très optimiste quant à l'avenir
des universités. Mes enfants et tous les enfants qui se trouvent dans
nos écoles élémentaires et
secondaires et même dans les cégeps, actuellement,
l'exigent. Ils demandent plus qu'un spectacle de procédure, ils nous
demandent beaucoup et c'est ce que nous allons leur donner, je l'espère
bien. Je suis très optimiste, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. le député d'Arthabaska. Y a-t-il d'autres interventions? M. le
député de Charlevoix.
M. Daniel Bradet
M. Bradet: Merci, M. le Président. M. le ministre, chers
collègues, messieurs, mesdames, intervenants du monde universitaire, je
suis extrêmement heureux de l'opportunité qui m'est offerte
aujourd'hui par le biais de la commission de l'éducation de pouvoir
participer activement, d'exprimer des opinions, des interrogations et surtout
d'écouter les différents intervenants du milieu universitaire
québécois. (16 h 30)
Je n'ai peut-être pas le privilège d'avoir, dans le beau
comté de Charlevoix, de cégeps ou d'universités y ayant
leur siège permanent. J'ai cependant celui d'avoir une clientèle
renommée par sa qualité nombreuse et surtout diversifiée
d'étudiants fréquentant les différentes institutions tant
sur une base régulière que partielle. Il est donc évident
que les problèmes de toutes sortes que vivent nos universités ont
une incidence majeure sur la qualité de l'enseignement qu'on y donne en
tenant compte d'un facteur important qu'est l'éloignement
géographique qui afflige particulièrement une région
périphérique comme la mienne.
Je partage donc entièrement les objectifs que s'est donnés
cette commission et je puis vous assurer de mon entière collaboration.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. le député. Y-a-t-il d'autres interventions? M. le
député de Richelieu.
M. Albert Khelfa
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs
de l'éducation et de l'enseignement supérieur, je suis
extrêmement heureux de constater le vif intérêt qu'a
suscité cette commission parlementaire sur les orientations et le
financement du réseau universitaire québécois. Par cette
commission parlementaire, le gouvernement du Québec réalise l'un
des engagements qu'il a pris lors de la dernière campagne
électorale.
Nous croyons sincèrement et profondément que cette
commission permettra à tous les intervenants de se faire entendre et
qu'elle assurera ainsi la démocratie sur un sujet qui a
été longtemps oublié, tout en nous permettant de prendre
des décisions plus éclairées. La recherche et le
développement sont des éléments essentiels à la
progression de l'économie québécoise. Une étude
récente du ministère fédéral des Sciences et de la
Technologie a d'ailleurs établi, à l'instar des études
américaines, un lien très clair entre l'intensité des
efforts de recherche et de développement d'une industrie et sa
santé économique. Ainsi, les secteurs à forte
intensité de recherche, de développement et d'innovations
technologiques enregistrent de plus fortes croissances de productivité
et d'emploi. Parmi les pays industrialisés, le Canada est celui
où l'on investit le moins en recherche et développement, soit en
moyenne, depuis 20 ans, moins de 1,2 % du produit intérieur brut, alors
que ce taux varie de 2 % à 2,5 % dans les autres pays. Or, l'effort du
Québec est encore plus faible que celui du Canada. Il se situe pour la
période couvrant les années 1977 à 1982 à environ 1
% de son produit intérieur brut, ce qui risque de perpétuer sinon
d'accroître son retard de productivité par rapport aux autres
provinces et spécialement l'Ontario. Il faut donc qu'en
général le Québec intensifie son effort en recherche et
développement.
En ce qui concerne de plus près la recherche dans le milieu
universitaire, nous constatons que les universitaires ont de plus en plus
tendance à entreprendre des travaux de recherche scientifique qui
collent à la vie réelle, au besoin des individus et de la
collectivité ainsi qu'aux problèmes de développement que
connaissent nos entreprises, nos institutions et nos services publics.
Nous pensons qu'au niveau de la recherche il sera toujours important
d'établir une collaboration étroite entre le gouvernement, les
universités et les entreprises, car le contexte socio-économique
actuel nous le dicte principalement à cause de la concurrence
étrangère accrue, du besoin d'effectuer le virage technologique
nécessaire, et des besoins de formation et de perfectionnement de la
main-d'oeuvre. En général, l'on peut dire que le gouvernement du
Québec favorise grandement la recherche et le développement afin
de garantir à la province de Québec une productivité
concurrentielle et de lui permettre de prendre avec une plus grande confiance
le virage technologique qui est de plus en plus évident.
Comme il a été mentionné lors du dernier discours
sur le budget, le gouvernement du Québec est, toutefois, conscient de la
nécessité de redonner sa vigueur à notre économie
et de redresser les finances publiques du Québec. Il s'agit pour notre
société de maximiser nos ressources en les employant de la
façon la plus efficace
possible.
Cette commission, M. le Président, nous permettra de prendre
position et d'établir des politiques plus éclairées qui
répondront adéquatement aux besoins de notre
société. La connaissance est le seul instrument de production qui
n'est pas sujet à la dépréciation. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
député de Richelieu. D'autres interventions?
M. Chagnon: M. le Président, j'invoque le
règlement. La règle de l'alternance ne joue-t-elle plus dans nos
travaux?
Le Président (M. Parent, Sauvé): La règle de
l'alternance existe toujours.
M. Chagnon: Dans toutes les commissions parlementaires auxquelles
j'ai eu l'honneur d'assister, on procédait par alternance. Je voudrais
évidemment...
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Je me fais l'avocat du droit de parole de
l'Opposition.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reçois
votre intervention, mais elle va se limiter à peu près à
cela. Je vous remercie. Tout cela pour vous dire que l'alternance existe
toujours, mais libre à un parti politique de l'utiliser ou non. Par
contre...
M. Jolivet: Les groupes, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.
Y a-t-il d'autres interventions? M. le député de Rimouski, nous
vous écoutons.
M. Michel Tremblay
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, M. le ministre,
chers collègues, mesdames et messieurs, c'est avec beaucoup
d'intérêt que je suivrai les travaux de cette commission à
titre de membre de cette commission de l'éducation et de
député d'une circonscription qui a le privilège de compter
une université. Je me ferai un devoir d'y apporter toute l'attention
voulue pour remédier au grave problème du financement des
universités.
Sans présumer des conclusions ou des recommandations de notre
commission, je porterai une attention spéciale à tous les
mémoires qui feront état d'un nouveau mode de financement des
universités en tenant compte des paramètres suivants: les
clientèles, les facultés, le développement, la recherche
et l'incidence régionale. Tout en nous inspirant des expériences
et du vécu des universités au Québec depuis les deux
dernières décennies, le temps est venu de repenser, d'ajuster ou
de proposer un nouveau mode de financement de notre système
universitaire.
Tout en respectant les opinions de mes collègues, membres de
cette commission, et sans vouloir orienter ses travaux, je serai un fervent
défenseur ou revendicateur du principe générai que les
budgets des universités au Québec soient
équilibrés. Nous ne pouvons pas permettre et nous ne pouvons pas
accepter que nos universités s'endettent et endettent le gouvernement
pour les années à venir. Dans ce contexte, il nous faudra trouver
une solution efficace, juste et équitable pour mettre un terme à
cette hémorragie.
Enfin, les universités devront être de plus en plus
sélectives au niveau des critères d'admissibilité dans les
différentes disciplines. La recherche de l'excellence qui anime
probablement présentement l'ensemble de nos gestionnaires devrait
être le mot d'ordre de notre prochaine décennie.
En terminant, M. le Président, je n'ai pas à insister sur
le bien-fondé et l'importance de maintenir en régions des
universités qui répondent à des besoins d'enseignement
supérieur tout en leur permettant de développer des disciplines
spécifiques à leur région.
Je voudrais également dissiper l'idée qui peut se
dégager des propos de la députée de Chicoutimi, Mme
Blackburn, à savoir qu'elle serait la seule...
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Rimouski, je vous rappelle à l'ordre. Vous
connaissez très bien les règles qui demandent à chaque
parlementaire de nommer un autre parlementaire par son titre de
député. Continuez.
M. Tremblay {Rimouski): Je reprends, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.
M. Tremblay (Rimouski): Je voudrais également dissiper
l'idée qui peut se dégager des propos de la députée
de Chicoutimi en ce sens qu'elle serait la seule et unique revendicatrice du
maintien et du développement des universités en régions.
Connaissant très bien les problèmes de l'Université du
Québec à Rimouski et le problème majeur avec lequel elle
est aux prises, savoir de dispenser des enseignements universitaires dans une
région immense dont les distances font partie du vécu quotidien
de cette université, je me ferai un devoir, madame, de veiller à
lui assurer un développement convenable. Nous avons des secteurs
d'excellence connus et partiellement
développés dans nos universités en régions
et, entre autres, celui de l'Université du Québec à
Rimouski est axé sur l'océanographie et les pêcheries.
M. le Président, soyez assuré de ma collaboration et de
mon intérêt à trouver avec les membres de cette commission
une solution au problème du financement des universités.
Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Rimouski, je vous remercie beaucoup. Y a t-il d'autres
interventions? M. le député de Rousseau.
M. Robert Thérien
M. Thérien: Merci, M. le Président. Moi aussi,
comme mes collègues, c'est avec plaisir que je participe à cette
commission. C'est surtout avec un grand intérêt que je serai
à l'écoute de tous les intervenants qui ont préalablement
demandé à intervenir, qui viendront, tour à tour, nous
sensibiliser sur leur vécu quotidien, leurs préoccupations et
nous présenter, j'imagine, leurs solutions.
Cette remise en question qui est vitale pour le Québec est
surtout vitale pour le système universitaire. Comme le disait le
ministre dans son exposé, la clientèle universitaire
traditionnelle a quintuplé. Les adultes ont envahi les
établissements et, au cours des dernières années, les
universités ont dû s'y adapter. Outre les problèmes connus
du vieillissement, du déficit budgétaire, de l'augmentation du
ratio établissement-étudiants, il y a des thèmes qui me
touchent plus particulièrement, tels que la diplômation versus la
performance, la diplômation versus le monde du travail et ses besoins.
Toute la problématique du choix des étudiants et de leur
cheminement en vue de l'obtention d'un diplôme reste à voir.
La diplômation est encore et demeurera la carte la plus valable
qui mène au marché du travail. Mais, malheureusement, il y a
aussi tout le problème des abandons avant la fin des études. Bien
entendu, se joint aux problématiques rencontrées
préalablement la course aux étudiants entraînée par
le mode de financement actuel. À cela s'ajoutent d'autres
problématiques qui démontrent bien la nécessité de
se questionner sur le mode de financement de l'université, son
fonctionnement et surtout son avenir.
M. le Président, les contextes social, économique et
scolaire ayant évolué, des ajustements sont devenus
nécessaires pour continuer de progresser. Cette commission parlementaire
arrive donc à la croisée des chemins pour mieux orienter notre
avenir. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M.
le député de Rousseau. D'autres interventions? M. le
député de
Sherbrooke.
M. André J. Hamel
M. Hamel: M. le Président, M. le ministre, chers
collègues, mesdames, messieurs. L'intérêt exceptionnel que
suscite la tenue de la commission parlementaire sur le financement des
universités démontre à quel point la situation
générale de l'enseignement supérieur et de la recherche
constitue une démarche qui arrive à point nommé. Le
travail de cette commission devra répondre aux attentes
exceptionnellement élevées des personnes impliquées et des
secteurs concernés. Cette rentrée scolaire revêt donc un
aspect particulier et fort important. Les milieux universitaires sont bien
sûr immédiatement concernés. Mais il y a plus et c'est
surtout de l'avenir des enfants actuellement à la maternelle, à
l'élémentaire et au secondaire qui est en jeu. C'est de l'avenir
même de cette génération et partant de la
société québécoise tout entière qu'il sera
question ici durant ces prochaines semaines.
Tout en travaillant aux solutions à long terme, nous devrons
aussi songer aux problèmes cruciaux à court terme. Je n'ai
qu'à penser à la situation extrêmement précaire qui
existe à l'Université de Sherbrooke. À titre de
député de ce comté, j'en suis fort préoccupé
et vivement intéressé à trouver des solutions justes et
équitables. (16 h 45)
L'enseignement supérieur est donc un secteur vital pour la
société québécoise. Mais il y a aussi un volet
fondamental auquel je veux apporter une attention toute particulière,
c'est celui de la recherche et du développement, car la recherche trace
la voie à la société québécoise de
demain.
Les parlementaires que nous sommes souhaitent mieux connaître la
situation générale et particulière de ce vaste sujet, et
je veux assurer nos intervenants de mon plus vif intérêt à
les entendre et à apporter aussi des solutions justes et
réalistes à la mesure du Québec auquel nous appartenons.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie
beaucoup, M. le député de
Sherbrooke. Je reconnais maintenant M. le député de
Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je remercie le
député de Saint-Louis de sa sollicitude, mais je dois vous dire
que je n'ai pas l'intention de parler très longuement, compte tenu
justement que ma collègue, la députée de Chicoutimi, a
bien campé l'ensemble du sujet et que, en conséquence,
vous vous en souviendrez, lors de la séance de travail, nous nous
étions opposés à ce que d'autres personnes que le ministre
et ma collègue parlent puisque nous croyons que le but de la rencontre
est de permettre aux intervenants qui sont venus, à notre demande, nous
rencontrer, d'intervenir le plus rapidement possible et de ne pas perdre de
temps en des palabres qui m'inquiètent un peu. Surtout que le mandat de
la commission indique que nous sommes chargés d'étudier les
orientations et le cadre de financement. Or, ce dont on entend parler depuis
tout à l'heure c'est seulement du cadre de financement, et cela
m'inquiète énormément.
Deuxièmement, je suis très heureux, au nom de mes
collègues et de l'ensemble des gens de l'assistance, de voir que la
télévision est ici présente pour nos débats.
Cependant, j'aurais aimé mieux que le gouvernement accepte la
proposition de ma collègue, la députée de Chicoutimi,
d'aller en région, d'aller rencontrer les gens dans leur milieu, sur le
site même de leur lieu de travail et de discuter avec eux des
difficultés que rencontrent les régions. Cela nous a
été refusé. Mais au moins nous avons l'intention de
profiter pleinement de ce moyen de communication moderne.
D'un autre côté, comme je veux me rendre à
l'intention du ministre, à savoir d'aller le plus vite possible aux
intervenants, je termine mon intervention pour le moment. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie
M. le député. D'autres interventions? M. le député
de Saint-Louis.
M. Jacques Chagnon
M. Chagnon: Assez brièvement aussi, M. le
Président. D'une part, je tiens à remercier les membres de la
commission de m'avoir accepté comme remplaçant de ma
collègue de Groulx. Aussi, pour faire plaisir à Mme la
députée de Chicoutimi, s'il fallait par hasard que vous n'ayez
pas la chance d'avoir le président du Conseil du trésor pour
participer à vos travaux, à tout le moins vous pourrez vous
contenter de son secrétaire parlementaire.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît! S'il vous plaît, M. le député de
Laviolette!
M. Chagnon: M. le Président, le comté que je
représente à l'Assemblée nationale est certainement le
comté le mieux organisé et le mieux doté en termes
d'infrastructures universitaires. Il y a, en effet, deux universités
dont le siège social et les principales activités se passent sur
le territoire du comté de Saint-Louis, le centre-ville de
Montréal, soit Concordia et McGill; de plus une grande partie des
installations de l'Université du Québec à Montréal
sont aussi situées dans mon comté.
Alors, inévitablement, le travail de cette commission
parlementaire prend, pour moi, un intérêt tout à fait
particulier. Puisque les orientations générales et le mandat de
la commission parlementaire concernent, d'une part, les orientations
générales du réseau universitaire au Québec et,
aussi, ses problèmes de financement, il m'apparaît tout à
fait à point de les soulever en commission parlementaire, en ayant
accepté, comme cela a été signalé un peu plus
tôt, un nombre élevé d'intervenants, ce qui fera en sorte
de permettre à l'ensemble des Québécois et
Québécoises qui pourront suivre nos travaux par la
télévision, de se faire une meilleure idée de l'ensemble
de la problématique universitaire au Québec.
Je souhaite, effectivement, que nous puissions parler de recherche. Je
souhaite aussi que nous puissions parler de la vie étudiante et de ses
problèmes. Je souhaite que, dans le cadre du financement, on puisse
regarder des concepts qui touchent à l'équité du
financement entre les différentes universités au Québec.
Je souhaite qu'il arrive au milieu universitaire ce qui est déjà
arrivé aux secteurs primaire et secondaire dans les années
passées: un travail en commun avec le ministère de
l'Éducation, pour faire en sorte d'arriver à moderniser des
règles budgétaires qui sortent de leur base historique qui, dans
le cas des universités, a trop vieilli, compte tenu du fait que les
clientèles ont été modifiées, que les
clientèles ont changé et compte tenu aussi du fait que
l'environnement universitaire s'est modifié. L'orientation
générale et le financement seront donc la portée
générale et les sujets généraux de nos discussions.
Je tiens personnellement à écouter chacun de nos intervenants et
à tirer les conclusions qu'il nous faudra tirer.
Vous me permettrez de conclure, M. le Président, en ne me disant
pas rassuré personnellement par les propos de ma collègue, la
députée de Chicoutimi qui, elle, se trouvait rassurée de
la continuité dans la pensée de notre ministre de
l'Éducation actuel avec celle de ses prédécesseurs.
Personnellement, comme individu et comme député d'un comté
où il y a un nombre important d'universités, comme je le
signalais, cela ne me rassure pas du tout qu'il faille penser qu'il soit dans
la continuité de ses prédécesseurs,
particulièrement eu égard au mode de financement des
universités. Entre 1980 et 1985, Mme la députée, les
universités au Québec ont connu une dégringolade sur le
plan de leurs possibilités financières due justement aux
prédécesseurs du ministre actuel de l'Éducation. Nous
avons hérité d'un fardeau, sur le plan financier, qu'il
incombe
aujourd'hui au ministre de l'Éducation de savoir modifier pour
faire en sorte que la courbe de financement des universités pour
l'avenir nous permette de reprendre ce que nous avions en 1979-1980,
c'est-à-dire d'avoir pour les universités des revenus bruts de
fonctionnement par étudiant qui soient supérieurs au
Québec par rapport à ce qu'on pouvait retrouver dans les autres
provinces canadiennes. Or, comme ce constat, semble-t-il, n'est pas
partagé par tous, je vous saurai gré, M. le Président,
d'inviter les représentants du Conseil des universités le plus
tôt possible pour que nous puissions commencer nos travaux et entendre
tout le monde. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie
beaucoup, M. le député de Saint-Louis. Je vais me rendre à
la demande de tous les membres de cette commission parlementaire en invitant
les représentants du Conseil des universités à prendre
place.
Le Conseil des universités est représenté par M.
Jacques L'Écuyer, son président. M. Lécuyer, au nom de la
commission parlementaire de l'éducation, je tiens à vous
souhaiter la plus cordiale des bienvenues ici et à vous dire avec quel
intérêt les membres de cette commission vont vous écouter,
avec quel intérêt aussi et beaucoup de perspicacité ils
vont tâcher de vous interroger pour essayer d'en connaître le plus
possible et d'en retirer les renseignements les plus pertinents pour les aider
à porter un jugement.
M, L'Êcuyer, le temps qui nous est alloué est d'environ
deux heures, soit une vingtaine de minutes - encore une fois, on est souple -
pour votre exposé et environ une heure trente minutes pour le dialogue
ou les questions des membres de cette commission. Sentez-vous bien à
l'aise, c'est une commission qui est toute simple, composée de gens qui
veulent réellement faire un travail sérieux. Alors, sentez-vous
chez vous. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous. Avant de
commencer, j'aimerais que vous nous présentiez les gens qui vous
accompagnent. Ensuite, nous vous écouterons.
Auditions Conseil des universités
M. L'Écuyer (Jacques): M. le Président, les gens
qui m'accompagnent, en commençant à mon extrême gauche,
sont; M. Bernard Bonin, président du comité des programmes du
conseil; Mme Madeleine Perron, secrétaire générale du
conseil; à mon extrême droite, M. Maurice Cohen, président
de la commission de la recherche universitaire du conseil et M. Robert Nelson,
président du comité du financement.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
membres de la commission, au cours des dernières années, des voix
de plus en plus nombreuses se sont élevées pour exprimer leurs
préoccupations quant à l'évolution de l'enseignement
supérieur au Canada en général et au Québec en
particulier. Vous avez sûrement noté l'intervention d'hommes
d'affaires, de chefs d'entreprise, de groupes sociaux, de politiciens, de
commissions d'étude et d'universitaires qui se sont tour à tour
exprimés sur la question. Notre organisme, le Conseil des
universités, a lui-même à plusieurs reprises
souligné les dangers et les problèmes qui guettaient nos
universités en raison, en particulier, de la diminution rapide et
dramatique de leurs ressources financières. Ce sont ces dangers et ces
problèmes que nous avons voulu évoquer dans notre mémoire
tout en faisant le point, de la façon la plus correcte possible, sur la
situation financière du réseau universitaire.
Entre 1978 et 1986, les universités québécoises,
suivant notre estimation, ont vu baisser de plus du tiers les revenus que leur
apporte chaque étudiant, sous forme de subventions gouvernementales et
de frais de scolarité. On conviendra facilement qu'il s'agit là
d'une diminution considérable effectuée rapidement et sans
planification. Il est évident qu'elle ne pouvait manquer d'avoir des
conséquences sérieuses sur lesquelles nous reviendrons.
Actuellement, et là nos calculs rejoignent ceux du ministre, les
revenus dont disposent les universités québécoises sont
bien inférieurs à ceux d'universités comparables ailleurs
au Canada et aux États-Unis. L'écart avec l'Ontario, par exemple,
que nous estimions à un peu plus de 10 %...
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
président...
M. Ryan: Une question de règlement, M. le
Président. Est-ce que je pourrais savoir à partir de quel texte
le président du Conseil des universités parle actuellement? Nous
avons reçu un mémoire élaboré. Est-ce un
résumé? Pourriez-vous nous indiquer, à mesure que vous
avancez un petit peu, où nous sommes rendus dans le nôtre? C'est
difficile de suivre si nous n'avons pas d'indications claires. À moins
que vous ayez une copie de ce résumé à nous remettre
également.
M. L'Écuyer: Je pourrais vous remettre la copie du
résumé. Il s'agissait d'une présentation. On nous avait
donné l'indication qu'on pouvait présenter un peu le
mémoire et les préoccupations qui nous animaient dans le
mémoire. Évidemment, on peut présenter autrement si vous
le souhaitez. On pourrait vous remettre une copie du mémoire, mais,
essentiellement, ce sont les mêmes argumentations
présentées différemment.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je tiens pour
acquis que vous nous avez soumis un mémoire identifié par 55M,
plus un résumé que nous avons reçu. Tous les membres de la
commission ont eu la chance de le regarder. Je pense qu'il est tout à
fait normal que vous puissiez l'expliquer et faire ressortir les points les
plus importants de votre exposé. Normalement on devrait être en
mesure de bien comprendre votre argumentation. Je vous écoute.
M. L'Écuyer: Je vous remercie, M. le Président.
Nous estimons que l'évolution de l'écart avec l'Ontario fait que
les revenus de nos universités sont maintenant à près de
15 % de ceux de l'Ontario. L'écart, comme vous pouvez le constater dans
notre mémoire, est encore plus considérable lorsqu'on compare
avec les établissements équivalents aux États-Unis.
Les conséquences de cette évolution apparaissent de plus
en plus clairement, et on en a fait mention précédemment.
Quelques indices que nous avons discutés permettent de mesurer la
gravité de la situation. Les restrictions budgétaires ayant
entraîné une diminution du recrutement de nouveaux professeurs, le
ratio étudiants-professeurs n'a cessé de croître et sa
valeur en 1984 qui était de 18,7 était à ce
moment-là la plus élevée au Canada. Les dernières
données la situent maintenant -cela est un ajout - à 21,9. Cela
donne une idée de l'érosion très rapide de cet indice qui
est quand même un indice majeur pour l'évolution de notre
réseau.
Aux États-Unis, on estime que le ratio
étudiants-professeur dans une université qui veut maintenir un
enseignement de qualité ne devrait pas dépasser 15 à 16.
Évidemment, cela entraîne que de plus en plus d'enseignements
doivent être donnés par des chargés de cours,
c'est-à-dire des gens engagés à la leçon qui, tout
en étant d'excellents professeurs, n'ont quand même pas de
responsabilités particulières en matière de
continuité d'enseignement, d'intégrité des programmes et
d'encadrement des étudiants, sans oublier évidemment les
incidences en matière de recherche et d'administration. (17 heures)
La baisse du recrutement de nouveaux professeurs au cours des
dernières années a grandement contribué à accentuer
les problèmes de vieillissement. Les dernières données,
encore une fois, datent, malheureusement. Celles de 1982-1983 indiquaient un
âge moyen de 43,8 années et, évidemment, une proportion
nettement insuffisante de jeunes professeurs. Tout laisse croire à une
aggravation de cette situation.
Je passerai rapidement sur les autres données, les ressources
documentaires et les équipements qui sont dans un état pitoyable.
La question qu'il faut se poser, c'est qu'est-ce qu'on peut faire pour mettre
fin à la dégradation de notre système d'enseignement
supérieur et pour assurer une relance durable de nos universités?
C'est là la question à laquelle nous avons tenté de
répondre dans notre mémoire par une série de mesures.
Il faut bien réaliser, en premier lieu, que la cause
première des malaises de nos universités est d'ordre financier.
Toutes les informations disponibles nous indiquent que les universités
au Québec n'ont pas des revenus équivalents à ceux
d'universités comparables ailleurs en Amérique du Nord. Vous
trouverez dans notre mémoire dans les tableaux que nous
présentons des illustrations assez claires de cet état de
situation. C'est là une constatation qui est inquiétante et
grave, compte tenu, en particulier du caractère distinct de la
société québécoise qui lui impose de maintenir un
double réseau, francophone et anglophone. Il y a donc à la base
de toute discussion sur l'avenir de nos universités une question, qu'il
faut trancher et cette question c'est la suivante: Est-ce que nous sommes
prêts à assurer à nos universités des revenus qui
leur permettent de concurrencer celles des autres provinces pour la
qualité et pour l'étendue de leurs activités ou, au
contraire, est-ce que nous allons accepter que notre réseau
universitaire se contente de revenus plus modestes?
Nous pensons au conseil qu'opter pour la deuxième
possibilité aurait des conséquences très graves. S'il
fallait s'y résigner, il n'y a pas de doute qu'il faudrait revoir en
profondeur la structure de notre réseau et effectuer des choix souvent
douloureux de façon, à tout le moins, à protéger
les acquis les plus solides. En dernière analyse, il faudrait
vraisemblablement restreindre l'accessibilité de façon à
maintenir un niveau de ressources acceptable pour chaque étudiant. Nous
pensons que le Québec n'a rien à gagner d'un tel scénario,
d'autant plus que, comme nous le signalons dans le premier chapitre de notre
mémoire, le Québec ne jouit pas d'un taux d'accès et
surtout d'un taux de diplômation, surtout dans le milieu francophone, qui
lui permette de se reposer sur ses lauriers. Quand on réalise
l'importance d'une population éduquée et bien
éduquée dans le monde moderne, il devient évident que la
première possibilité est la seule acceptable.
On avance quelquefois que la solution aux problèmes de nos
universités réside dans une meilleure gestion et une meilleure
coordination de leurs activités. Nous traitons de cette question dans
les deux derniers chapitres de notre mémoire. On nous permettra,
cependant, de dire au préalable que, si de toute évidence ce sont
là des éléments essentiels au développement et
au
maintien d'un réseau universitaire de qualité, en
même temps il faut bien constater que ce n'est pas la clé de tous
les problèmes des universités. Le niveau des ressources nous
paraît le problème le plus fondamental. La coordination et la
meilleure gestion sont nécessaires, mais ne sont certainement pas des
mesures suffisantes, ne serait-ce que parce qu'une meilleure coordination et
une meilleure gestion ne procurent pas de revenus supplémentaires aux
universités. Tout ce qu'elles permettent, c'est une utilisation la plus
efficace possible.
Il faut bien remarquer qu'un peu partout dans le monde les
universités ont vu baisser leurs ressources au cours des
dernières décennies. Elles ont pallié cette
décroissance en resserrant leur gestion et en améliorant la
coordination de leurs activités, d'ailleurs, souvent à
l'incitation des autorités gouvernementales de leurs pays. Penser que
les universités québécoises, dans le contexte particulier
qui est le leur, pourront à long terme faire tout aussi bien qu'ailleurs
avec des revenus inférieurs, nous croyons que ce serait se leurrer
grossièrement.
De la même façon, une augmentation marquée de la
tâche moyenne d'enseignement qui la porterait nettement au-dessus de
quatre cours en moyenne, entendons-nous, pour les professeurs, n'apporterait
pas, non plus, la solution souhaitée aux problèmes des
universités, car elle risquerait, au contraire, de causer des dommages
irréparables à la capacité de recherche de nos
universités. Il faut donc de toute évidence - c'est là
l'essentiel de notre démonstration dans le deuxième chapitre -
trouver le moyen de hausser les revenus de nos universités et il faut en
tout premier lieu, pour y arriver, que l'État fasse sa part car à
court terme il nous paraît illusoire de penser que des sources
privées puissent à elles seules permettre de combler
l'écart qui sépare les revenus des universités
québécoises de ceux de leurs voisines. En outre, il y a plusieurs
raisons pour que l'État intervienne, ne serait-ce que pour corriger les
distorsions intervenues dans le calcul des subventions au cours des
années dans la méthode actuelle, la méthode historique. De
même, il faudrait que l'Etat puisse intervenir dans le cas de
développements futurs, qualitatifs ou quantitatifs, qui devraient
être supportés, quelquefois stimulés par le
gouvernement.
Le Conseil des universités est bien conscient que, dans le
contexte actuel, les possibilités de l'État sont limitées.
D'une part, la contribution du gouvernement au financement des
universités exprimée en termes du produit intérieur brut
de la province est passablement importante. Les chiffres là-dessus sont
assez éloquents. D'autre part, il faut craindre que dans un effort pour
réduire ses propres dépenses, encore une fois, le gouvernement
fédéral ne réduise les sommes qu'il verse aux provinces
comme contribution au financement de l'enseignement supérieur. C'est
pourquoi nous croyons, au Conseil des universités, qu'il faut chercher
ailleurs et en particulier auprès des étudiants des
crédits supplémentaires.
C'est au Québec que les frais de scolarité sont les plus
bas au Canada et même en Amérique du Nord. En les doublant, on les
ramènerait à peu près au niveau moyen canadien et on
générerait des revenus supplémentaires de près de
75 000 000 $. Le conseil estime qu'il s'agirait-Ià d'une action tout
à fait légitime. D'une part, en les haussant ainsi, on ne ferait
que leur redonner la valeur qu'ils avaient il y a une dizaine d'années,
c'est-à-dire vers les années 1975= 1976. D'autre part, il est
possible, grâce au système des prêts et bourses, dans sa
forme actuelle, de protéger complètement les étudiants les
moins bien nantis contre les effets négatifs d'une telle hausse en
augmentant la valeur des bourses qui leur soit consenties. Je dis bien: Dans le
système actuel tel que conçu, puisque la valeur de la bourse est
ajustée au niveau des dépenses que doivent payer les
étudiants. Cette précaution permettrait d'éviter qu'une
hausse des frais de scolarité se traduise par une baisse de
l'accessibilité pour les étudiants les moins favorisés.
Son coût serait à peu près égal au tiers des revenus
générés. Donc, il faudrait, sur les 75 000 000 $,
réserver 25 000 000 $ pour bonifier le système des prêts et
bourses.
D'autres sources de financement devraient aussi être mises
à contribution. Ainsi, le gouvernement pourrait, par le moyen de mesures
fiscales, inciter les particuliers ou les entreprises à participer au
financement des universités. Cette mesure, de même qu'une certaine
latitude dans la détermination des frais de scolarité,
permettrait en outre aux universités d'augmenter leur marge de manoeuvre
et de s'adapter plus facilement aux changements dans leur environnement.
Il faut espérer enfin que les frais indirects encourus par les
universités lors de l'exécution de projets de recherche seront
reconnus et payés à leur juste valeur. C'est souvent le cas
lorsque ces projets - ou cela devrait toujours être le cas - sont le
résultat de contrats de recherche, mais des progrès sont encore
à faire, surtout lorsque les contractants - il faut bien le noter - sont
des organismes gouvernementaux. Par contre, aucuns frais indirects ne sont
payés lorsque les projets sont financés par des subventions
d'organismes tels que les conseils de recherche fédéraux ou les
fonds provinciaux tels que FCAR. C'est là une lacune à combler
soit directement par ces organismes, soit par un réajustement des bases
de financement. C'est là l'essentiel des mesures que nous
suggérons à la fin du chapitre ïï
dans le but d'améliorer la situation financière des
universités. Dans le chapitre III, bien entendu, nous traitons de la
question plus particulière de l'aide aux étudiants.
Je terminerai en disant que, si le financement constitue actuellement le
problème primordial des universités, on ne saurait affirmer que
le seul rétablissement d'un niveau plus raisonnable de revenus
amènera un fonctionnement optimal de notre réseau universitaire.
Le contexte ayant changé, des ajustements sont à faire. C'est
ainsi que le régime de croissance qu'ont connu nos universités au
cours des dernières années tire à sa fin, que le niveau de
financement, même corrigé comme nous le souhaitons, continuera
d'être bien inférieur à celui du début de la
décennie soixante-dix et que les attentes de la population à
l'égard de l'enseignement supérieur se feront de plus en plus
précises. La recherche de l'excellence dans cet environnement requiert
une gestion plus serrée et une meilleure coordination des
activités, comme d'ailleurs un peu partout dans le monde les
établissements universitaires le réalisent.
Dans notre quatrième chapitre nous traitons de la gestion interne
et nous affirmons qu'une meilleure gestion interne s'avère
nécessaire pour donner aux établissements la capacité de
faire les choix qui s'imposent, de s'adapter rapidement à des situations
changeantes et de répondre à des demandes nouvelles. Elle est
également nécessaire si on veut utiliser au mieux les ressources
disponibles. Dans cette optique, nous pensons qu'il sera opportun de renforcer
l'autorité des gestionnaires, de planifier de mieux en mieux le
développement de chaque établissement, de favoriser l'utilisation
la plus intelligente possible des personnels en général et des
professeurs en particulier -dans ce cas nous suggérons fortement de
moduler les tâches des professeurs en fonction de leurs
intérêts et de leur capacité en recherche et en
enseignement - enfin de rechercher les mesures susceptibles d'amener les
étudiants à progresser dans leurs études sans heurts et
sans délais inutiles.
La coordination entre les établissements doit aussi être
améliorée si l'on veut qu'ils soient en mesure de soutenir la
comparaison avec les bonnes universités étrangères.
Inutile de se leurrer, si toutes les universités insistent ou
insistaient pour offrir la même gamme étendue de programmes, nous
n'aurions pas les moyens de présenter des enseignements de
qualité partout. Des choix sont absolument requis et cela dans tous les
secteurs si l'on veut éviter la médiocrité. Bien
sûr, cela requerra parfois de la part des universités qu'elles
repensent leur mission, qu'elles effectuent les choix nécessaires dans
leur développement et qu'elles abandonnent des activités
d'enseignement ou de recherche pour en consolider d'autres.
Nous ajoutons que cela demande aussi une volonté politique bien
affirmée d'accentuer la coordination autant à l'intérieur
du réseau universitaire qu'avec les établissements du
réseau des collèges. Il faut, à cette fin, des
mécanismes qui permettent de concilier les intérêts
particuliers et les projets des établissements avec le bilan de
l'ensemble et des moyens pour réaliser les opérations
nécessaires à la réalisation de cet objectif. À ce
sujet, nous recommandions récemment au ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science de financer sélectivement le
développement des établissements sur la base de leur plan de
développement et des priorités du système universitaire.
Faut-il ajouter que, dans notre esprit, tous les développements
devraient être financés de cette façon, y compris les
accroissements de clientèle.
Ces questions de coordination sont traitées plus
particulièrement dans le dernier chapitre, le chapitre cinq de notre
mémoire.
Alors, vous aurez compris de la lecture de ce bref exposé et de
la lecture de notre mémoire que la relance durable de notre
réseau universitaire, si nécessaire à notre
développement économique et culturel, ne se fera pas sans
l'effort concerté des principaux intéressés. Le
problème financier doit d'abord être solutionné, ce qui
requerra la contribution de plusieurs intervenants dont, nous croyons, les
gouvernements et les étudiants. C'est là le problème
majeur auquel les établissements doivent répondre par une
meilleure gestion et une meilleure coordination de leurs activités dans
le but d'en arriver à une utilisation optimale des ressources. C'est
à ce prix et à ce prix seulement que le Québec pourra
continuer de procurer à ses citoyens un enseignement supérieur de
la plus haute qualité.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. L'Écuyer. M. le ministre de l'Éducation.
M. Ryan: M. le Président, je remercie le président
du Conseil des universités de son exposé. Il a malheureusement
dû abréger considérablement la présentation qui
avait été préparée pour la commission mais dont
nous avons pu prendre connaissance avant la séance d'aujourd'hui.
Je crois qu'il convient de signaler que, dans les travaux que nous
faisons au gouvernement sur le développement universitaire, le Conseil
des universités joue un rôle très important. De par la loi
le Conseil des universités est investi d'un mandat qui est non seulement
consultatif au sens très large du terme mais qui est presque fonctionnel
aussi. Il y a beaucoup de choses très importantes au sujet desquelles
le
gouvernement ne prend pas de décision sans solliciter au
préalable l'avis du Conseil des universités. Par exemple,
lorsqu'une université veut implanter un nouveau programme, la
règle s'est établie suivant laquelle le Conseil des
universités est invité à donner son opinion. Je ne crois
pas qu'il existe beaucoup d'exemples - il en existe sûrement pas sous le
gouvernement actuel -de cas où le Conseil des universités a
formulé un avis qui n'ait point été suivi par le
gouvernement. (17 h 15)
J'exprime mon appréciation du soin que le Conseil des
universités met à étudier les questions qui lui sont
soumises. Je veux l'assurer que ses avis seront toujours accueillis par le
gouvernement avec beaucoup d'attention, même si nous ne pouvons pas
prendre l'engagement de les suivre toujours à la lettre. Il pourrait
arriver que les éclairages dont nous disposerons nous invitent a suivre
une voie quelque peu différente, mais nous verrons toujours a la
justifier. À ce moment-là, je pense que le dialogue peut
continuer.
J'apprécie aussi - je l'ai dit à plusieurs reprises depuis
quelques années et je voudrais le redire ici - une certaine
liberté que le Conseil des universités prend dans l'expression de
ses opinions. Parfois, on pourrait souhaiter peut-être que certaines
méthodes nouvelles qui sont empruntées aient été
davantage vérifiées; certains avis ont provoqué de
nombreuses réactions de la part des intéressés. J'aime les
risques que le Conseil des universités prend. S'il fallait toujours
attendre de nous présenter un produit parfait è 100 %, il y a des
choses sur lesquelles on devrait attendre encore dix ans. Il est mieux que le
conseil exprime une opinion, quitte à la redresser ensuite à
l'aide des réactions qui émanent des différents milieux
concernés. Je trouve que cette méthode provoque une dialectique
plus intéressante entre, d'un côté, les universités
et, d'un autre côté, le Conseil des universités et le
ministère. Je vis très bien avec ce genre de dialectique. Je ne
voudrais pas que le conseil devienne guindé au point qu'il penserait ne
plus devoir exprimer d'opinion à moins qu'elle ne soit assurée
d'une perfection inattaquable. La vie se nourrit de débats et de
confrontations. Je pense que même les organismes consultatifs ne doivent
pas échapper à cette règle. De ce point de vue, je ne suis
aucunement embarrassé par certains flottements qui peuvent avoir l'air
d'exister à certains moments donnés autour des questions
abordées par le conseil. Je pense qu'il est sain que les choses se
fassent comme ceci parce que cela nous oblige tous à intervenir dans la
discussion.
Je remercie en même temps que le président tous les membres
du conseil, tous les collaborateurs qui sont ici également et je les
assure de ma vive considération pour le travail qu'ils
accomplissent.
Dans le mémoire que le conseil nous a soumis il y a,
évidemment, une somme de questions qui mériteraient une
discussion de plusieurs heures. Comme nous avons assez peu de temps pour en
discuter, je vais essayer d'être bref et de passer à certaines
questions qui m'apparaissent centrales dans l'examen que nous faisons.
J'ai remarqué que, dans son mémoire, le conseil porte
presque autant d'intérêt à l'examen des qualités qui
se rattachent, je dirais, au contenu, à la valeur de l'enseignement, de
la formation et de la recherche qui se font dans nos universités qu'aux
questions de financement. C'est l'occasion de faire une mise au point qui
s'impose. Il ne faudrait pas s'imaginer que, parce qu'on va mettre plus
d'argent dans les universités, cela va nécessairement, par une
sorte d'effet automatique, rehausser la qualité. Au point où nous
en sommes et quand nous parlons de 1 000 000 000 $ par année, nous avons
le droit de nous interroger dès maintenant sur la qualité et nous
avons le droit de nous assurer que tout effort additionnel qui sera requis de
la communauté se traduira par une assurance morale, à tout le
moins, qu'il y aura des efforts correspondants du côté de la
solution de certains problèmes de fond.
Il y en a beaucoup qui sont soulevés dans le mémoire du
Conseil des universités. Je l'apprécie vivement. Je peux vous
dire, comme homme politique, que nos chances d'obtenir les redressements que
nous souhaitons tous seront d'autant plus grandes que du côté de
la qualité et du contenu nous aurons des assurances que toute
complaisance sera effacée du paysage ou, du moins, combattue avec
vigueur d'abord par les institutions concernées. De ce point de
vue-là, je pense que le mémoire du conseil nous ouvre des pistes
de recherche que nous explorerons abondamment au cours des semaines à
venir.
Je voudrais en venir à quelques questions qu'il
m'intéresserait d'adresser au conseil autant sur un aspect que sur
l'autre. Je vais commencer par l'aspect du contenu et de la qualité.
Vous avez parlé de la tâche de travail du personnel enseignant; il
y a des passages intéressants dans votre mémoire la-dessus. D'un
côté, le conseil a déjà signalé dans le
passé et reconnaît lui-même que le niveau moyen de la
tâche d'enseignement qui est attribuée à nos professeurs du
réseau universitaire est moins élevé au Québec que
dans les autres provinces. Est-ce que je me trompe en croyant avoir compris
ceci d'interventions antérieures du conseil et même du
mémoire qui a été présenté à la
commission?
M. L'Écuyer: La tâche moyenne des
professeurs au Québec, je n'ai pas de chiffre, M. le ministre,
à avancer immédiatement, mais nous avons toutes les raisons de
croire qu'elle est quelque peu inférieure au Québec par rapport
à ce que l'on peut observer ailleurs au Canada et surtout aux
États-Unis. Nous avons tout lieu de croire que la tâche est
inférieure au Québec.
Actuellement, la tâche moyenne au Québec est quelque peu
inférieure à quatre.
M. Nelson (Robert): Si je peux m'exprimer, M. le
Président, nous n'avons pas de données pour le Québec. Il
n'y a jamais eu d'étude faite sur la tâche au Québec. Les
seules données dont nous disposons et que je connaisse portent sur deux
universités. Il y en a une de l'Université de Montréal
qui, dans toute sa recherche et sa réflexion l'an passé sur son
avenir, avait identifié que la tâche moyenne à
l'Université de Montréal était de quatre. Il y a aussi le
réseau de l'Université du Québec qui maintient des
statistiques sur la tâche moyenne, vu que c'est un élément
syndiqué. Nous n'avons pas d'autres données. Mais je voudrais
attirer l'attention, lorsqu'on discute de tâches d'enseignement, sur la
difficulté particulière, qui est comment on la mesure. Quand on
la mesure en cours, on la mesure en heures-contact, on la mesure en pourcentage
du temps, et c'est très difficile.
Je voudrais vous référer au tableau 13 du mémoire
du conseil. Vous avez là, à partir de données que nous
avons pu trouver dans un document qui faisait une revue de l'ensemble des
questions et des études faites aux États-Unis sur la tâche
d'enseignement, quelques données à prendre avec
réserve.
Pour le francophone, on est quatre; le Québec, on est cinq
à six. On dira au Québec, c'est entre quatre et cinq. Canada,
diverses sources, de cinq à six, et États-Unis, une étude
de Ladd & Lipset de 1977 à 5,6 %. Je vous réfère
cependant à la note, parce qu'elle est importante.
Vous identifiez, dans cette étude, que la moyenne pour les
professeurs, qui étaient très engagés en recherche
était de 3,7. La moyenne pour les professeurs qui étaient
uniquement dans l'enseignement - ils ne font pas d'autre chose que de
l'enseignement -est de 8,2.
Ce qu'il faut compendre dans la tâche d'enseignement, c'est la
moyenne qu'on obtient pour un réseau. Pour un individu, qu'un individu
puisse très bien avoir aucune tâche d'enseignement et le
dégager pour de la recherche est très acceptable. Un individu
dont l'intérêt est du côté de l'enseignement - c'est
ce que toutes les études américaines concluent - c'est que la
tâche devrait être en fonction de l'individu.
Mais d'aller à une moyenne de plus de quatre, d'après des
calculs que nous avons faits, l'université perd une capacité de
recherche vraiment importante.
Quand vous prenez l'étude de Ladd & Lipset aux
États-Unis, vous avez la tâche de 8,2, cela comprend aussi les
universités, ce qu'on appelle aux États-Unis les "junior
colleges". C'est pour ça que je voudrais attirer l'attention
là-dessus, parce qu'il faut dire que cette moyenne de 3,7, c'est une
moyenne. Le professeur donnant 3,7 cours. C'est la moyenne des professeurs
très engagés dans la recherche.
Alors, quand on veut se dégager une capacité de recherche
- on pourrait le démontrer dans des études techniques - on ne
peut pas dépasser une moyenne de quatre cours par professeur.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
ministre.
M. Ryan: Cela m'étonne d'entendre ces propos, parce que le
tableau qu'a cité M. Nelson indique le contraire. Dans l'ensemble du
Canada, on a une moyenne de cinq à six. Même au Québec,
dans les universités anglophones, la moyenne est de cinq à six
et, dans les universités francophones, elle serait de quatre. Est-ce que
vous pouvez m'expliquer comment cela se fait?
M. LfÉcuyer: II y a un problème sur
cette question. Le problème est le suivant. Si vous pouvez facilement
accepter, dans des institutions qui font peu ou pas de recherche, des charges
d'enseignement qui dépassent de beaucoup la valeur de quatre, comme on
peut voir précédemment. Il est clair qu'une université
comme Bishop, par exemple, est une université moins engagée en
recherche que McGill, ce qui permet à cette université de
demander à ses professeurs des charges de cours supérieures
à celles de quatre.
Je pense que la charge moyenne de Bishop est de l'ordre de six ou
quelque chose comme ça. Alors, il faut bien comprendre que c'est
fortement relié à la mission des établissements.
M. Ryan: Juste une question. Est-ce que vous avez des
données pour l'Université McGill et l'Université
Concordia?
M. Nelson: Pour l'Université Concordia, lorsque nous les
avons rencontrés, ils ont une convention collective qui détermine
la charge. Et, la façon dont l'Université Concordia le fait,
c'est qu'ils déterminent qu'un professeur doit donner six cours.
Cependant, le professeur, pour faire de la recherche, peut obtenir un
dégagement de deux cours. Ils partent de six, ils s'en vont à
quatre.
Dans les données canadiennes, il faut aussi faire attention.
Là-dedans, on n'a pas uniquement les grandes universités. En
effet, lorsqu'on pense au Canada, on pense toujours
à l'Université de Toronto, à UBC et tout cela.
Entre parenthèses, l'Université Simon Fraser, qui a
été fondée dans les années soixante-dix, a une
tâche de quatre par professeur comme telle dans la convention. Il faut
faire très attention à ces données moyennes. Il faut voir
à quoi elles réfèrent, ce que, effectivement, les
professeurs font et ce que cela donne. Du côté du Canada anglais,
ces données ne sont pas obtenues à partir d'une étude
exhaustive; c'est à partir de contacts qui ont été faits
auprès d'universités - toutes les universités anglophones
mentionnant que la tâche varie d'une faculté à l'autre;
elle n'est pas standard dans l'université, elle varie d'une
faculté à l'autre - disant: On a l'impression que cela donne
cela. Ils n'ont pas de données. Â l'Université de Toronto,
ils n'ont pas ces données; à l'Université d'Ottawa, ils
n'ont pas, non plus, ces données, selon ce que je sais, comme telles.
Alors, il faut prendre cela avec réserve.
M. L'Écuyer: Je voudrais peut-être ajouter une
chose. Ce que nous disions tout à l'heure, c'est que, si vous
dépassez une moyenne de quatre, vous baissez votre capacité de
recherche. Évidemment, la capacité de recherche est basée
sur le principe que tous les professeurs sont actifs en recherche, ce qui n'est
pas le cas dans la réalité. Cela fait que, lorsque vous commencez
à moduler les tâches, vous pouvez augmenter quelque peu votre
capacité, parce que vous n'avez, évidemment, jamais une
capacité maximale. Mais, cela étant dit, il faut bien comprendre
que c'est fortement relié à la mission des établissements.
Dans la mesure où cette mission est moins impliquée dans la
recherche, vous vous préoccupez moins de la capacité de recherche
de l'établissement. Cette question est un peu technique. On pourrait
vous le démontrer sur une base.. Je veux dire qu'il y a une relation
assez simple qui permet d'établir cela.
M. Ryan: M. le Président, je vais juste conclure sur ce
point, parce qu'il y en a une couple d'autres sur lesquels je veux vous
interroger. Je pense que nous allons avoir besoin de données plus
précises sur ce point. C'est un objet de discussion très
important et les explications, que j'appellerais circon-vallatoires, vont
devoir se rapprocher du centre. Je pense qu'on est en droit d'exiger des choses
plus précises. Si on nous arrive avec des explications vraiment
satisfaisantes, j'en serai très heureux. Mais, il faut que vous vous
mettiez dans ma position, il faut que j'explique ces choses a mes
collègues du gouvernement. Je me demande même si je ne demanderai
pas une opinion au Conseil des universités là-dessus, un avis
fondé sur des données beaucoup plus précises que celles
dont nous avons disposé jusqu'à maintenant. Je ne porte pas de
jugement en disant cela; j'exprime simplement l'espèce d'état de
flottement dans lequel nous sommes au sujet de cette question.
Autre point, vous parlez du taux d'abandon des études qui serait
très élevé au premier cycle. J'aimerais que vous nous
disiez sur quelles études vous vous appuyez pour faire cette
affirmation. Je veux dire: Quelle ampleur a le phénomène et
quelles conséquences cela peut entraîner pour la qualité de
l'enseignement universitaire au Québec?
M. L'Écuyer: Pour répondre à cette question,
j'irai en deux étapes, si vous voulez. Je dirai, d'abord, que cette
question de l'enseignement de premier cycle nous préoccupe beaucoup au
conseil et, pour cette raison, nous avons entrepris, au cours de la
dernière année, une réflexion sur ce sujet. Nous avons
commencé à ramasser quelques données sur la question. Les
données que nous vous avons présentées là-dedans
sont des données que nous avons compilé nous-mêmes à
partir du fichier RECU que vous trouverez dans le tableau 14. Ce ne sont pas
des phénomènes d'abandon comme tels; c'est tout simplement une
indication du nombre de crédits réussis sur le nombre de
crédits postulés au cours des sessions. Alors, évidemment,
le fichier REÇU est assez neuf; il ne nous permet pas encore de remonter
très loin dans le temps. C'est un fichier qui nous indique les
crédits ou les cours auxquels se sont inscrits les étudiants. (17
h 30)
Alors, si vous prenez ces cours à une session et si vous allez
voir à la session suivante, vous pouvez observer si le crédit a
été réussi ou non. Dans cette optique, nous avons pu
déterminer qu'au niveau du baccalauréat, au cours de la
première session, il y avait un taux très important de
crédits non réussis. Cela ne veut pas dire que ce sont des
abandons comme tels, parce qu'il se peut que l'étudiant décide
par exemple de s'inscrire à un crédit et qu'il change pour
s'inscrire à autre chose au trimestre suivant. Cela n'est pas
nécessairement un abandon. Donc, il ne faudrait pas en tirer comme
conclusion que c'est un abandon. Nous sommes cependant un peu inquiets quand
nous voyons que la moitié des crédits postulés ne sont pas
réussis lors de la première session. Il y a quelque chose
là que nous voulons continuer à explorer avec l'aide des
universités. Certaines universités, d'ailleurs, nous ont
manifesté leur intérêt à poursuivre cette
exploration, parce que cela les inquiète. Mais nous n'avons pas
actuellement de données précises sur le taux d'abandon au cours
des études, sauf dans certains cas particuliers.
Le Président (M. Parent; Sauvé): Allez, madame.
Mme Perron (Madeleine): Ce qu'on peut ajouter, c'est que, dans le
cadre d'une étude sectorielle, on a commencé à ramasser
des données. Il y a au moins deux universités qui ont eu la
gentillesse de nous ouvrir leurs livres, Laval et l'UQAM. Vous pourriez
peut-être avoir des informations plus précises si elles se
présentent. Ce qu'on peut savoir de ce que j'ai vu chiffré, c'est
qu'en termes d'abandon de programmes, c'est-à-dire quand on prend les
étudiants une année précise et qu'on regarde après
X années où ils sont rendus, on a des indications précises
à savoir que, pour la plupart des programmes, presque un sur deux
n'était pas là. L'étude pour savoir s'ils ont
changé de programme n'est pas faite. Mais il y avait des indications
très nettes du taux d'abandon du programme qui allait presque à
50 %.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame.
M. Ryan: Une autre question. Un phénomène majeur de
l'évolution récente des clientèles, c'est la
présence de plus en plus importante des étudiants qui ont
dépassé l'âge de 25 ans; deuxièmement, la proportion
beaucoup plus forte au Québec d'étudiants qui sont inscrits
à des programmes de formation courte. Est-ce que vous pourriez nous dire
un peu les implications de cela pour le développement de notre
réseau universitaire et les conséquences que cela entraîne
pour les problèmes de financement également et, s'il y a lieu,
les problèmes que cela représente pour le développement du
réseau universitaire?
M. L'Écuyer: C'est une question assez vaste que vous
soulevez. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'on a un peu plus de la
moitié des étudiants, en nombre de têtes de pipe, qui sont
des étudiants à temps partiel, pour la plupart des
étudiants adultes. Au conseil, nous avons confié une
première étude à un comité qui est arrivé
avec un rapport assez sévère que nous avons soumis à la
consultation. À la suite de cette consultation, le conseil en est venu
à adopter une position beaucoup plus nuancée vis-à-vis de
la question de la formation courte. Il nous paraît que, dans l'ensemble,
il s'agit là d'un mode de formation qui est bien adapté aux
besoins de ces étudiants qui sont, pour la plupart, sur le marché
du travail. Évidemment, cela a des conséquences
considérables sur l'évolution de nos universités dans la
mesure où l'intégration de ces étudiants adultes ne se
fait pas de la même façon dans tous les établissements.
Elle ne touche pas tous les secteurs. Elle a eu tendance, bien sûr,
à causer des distorsions dans certains cas. Chose certaine, on ne peut
affirmer - nous le disions dans l'avis que nous avons formulé sur la
formation courte - que ce type de programmes soit complètement
intégré dans tous les établissements.
Certains établissements - on peut penser, par exemple, au
réseau de l'Université du Québec - ont certainement plus
immédiatement réagi, se sont adaptés plus rapidement
à ce type de clientèle. Par contre, dans d'autres
universités, plus particulièrement dans les vieilles
universités qui avaient des traditions de recherche et autres, cela a
pris plus de temps, quoique la situation soit quand même très
variable d'une université à l'autre. Il reste que cela pose des
problèmes particuliers en termes d'organisation des cours. La plupart
des étudiants adultes ne peuvent pas se présenter
régulièrement le matin ou l'après-midi. Donc, il faut
prévoir des cours à des moments particuliers.
En termes d'accès aux locaux et aux ressources, il faut bien
reconnaître que les étudiants adultes sont
défavorisés. Dans certains cas, par exemple, les restrictions
budgétaires ont eu pour effet de réduire les heures de
bibliothèque, de réduire l'accès à certains types
de laboratoires ou d'équipements. On a aussi très souvent,
étant donné que ce sont des activités qui se sont
développées généralement plus tardivement que
d'autres, eu recours largement à des chargés de cours. Ce n'est
pas mauvais en soi, ce n'est pas parce qu'un chargé de cours est
nécessairement un plus mauvais enseignant, c'est simplement que la
continuité est nettement plus difficile à assurer avec un
enseignement à forte majorité de chargés de cours,
c'est-à-dire les ajustements aux programmes, la refonte des programmes,
etc.
L'intégration se fait plus ou moins, suivant les
universités. Elle pose des problèmes particuliers que chaque
institution a tendance à résoudre un peu de la meilleure
façon possible. Évidemment il y a encore beaucoup de
problèmes. En termes de financement - vous posiez la question en ces
termes-là - le développement des programmes courts a certainement
taxé fortement les ressources des universités au moment où
elles étaient habituellement, dans l'ensemble, en décroissance de
clientèles. Donc, il y a eu un effet un peu négatif sur les
programmes réguliers dans ce sens-la bien précis, seulement en ce
sens que les augmentations de clientèles ont dû être
financées et souvent ces augmentations se sont faites du
côté des programmes courts ou du côté des
clientèles adultes. Elles ont été financées par des
ponctions dans l'enveloppe des universités, au début, en
particulier fin des années soixante-dix et début des
années quatre-vingt.
II faut dire cependant, pour bien préciser tout cela, qu'à
notre avis c'est un courant majeur auquel les universités doivent
s'adapter. Les prévisions, aux États-Unis, sont de même
nature que chez nous. Elles nous indiquent que de plus en plus les
universités américaines font face aux mêmes
phénomènes. On prévoit que d'ici le début des
années quatre-vingt-dix, je pense que c'est la Carnegie Foundation aux
États-Unis qui prévoyait que les universités
américaines verraient à peu près la moitié de leurs
clientèles à temps partiel elles aussi. Donc, c'est une tendance
nettement inscrite dans l'évolution des universités, mais qui
leur cause des problèmes très sérieux, surtout lorsque
vous avez des universités avec de longues traditions de recherche, avec
un enseignement de premier cycle essentiellement centré sur
l'étudiant à temps complet.
M. Ryan: Une dernière question sur les sources de
financement. Dans les positions que vous avez prises au cours de la
dernière année, à trois reprises au moins vous êtes
revenus avec l'idée d'une augmentation des frais de scolarité:
dans l'avis que vous aviez exprimé sur le cadre de financement
1985-1986, dans l'avis que vous avez exprimé sur le financement
1986-1987 et aujourd'hui dans le mémoire que vous avez communiqué
à la commission parlementaire. Il y aurait deux questions que je
voudrais vous poser là-dessus. Premièrement, par quel cheminement
en êtes-vous arrivés là?
M. L'Écuyer: J'ai mal compris votre question.
M. Ryan: Premièrement, par quel cheminement en
êtes-vous arrivés à cette conclusion, que vous avez
réitérée à trois reprises au cours des huit
derniers mois? Deuxièmement, est-ce que vous ne craignez pas qu'une
hausse des frais de scolarité aussi substantielle que celle que vous
proposez ait des effets négatifs sur l'accès à
l'université, surtout pour les personnes des milieux populaires?
M. L'Écuyer: Quel cheminement nous a amenés
là? Il faut dire que c'est une question que l'on se pose depuis
déjà un bon moment au conseil, je dirais depuis presque le
début des années quatre-vingt, où on envisage cette
question-là. Ce qui nous préoccupe au conseil ce n'est pas la
question des frais de scolarité, il faut bien commencer par le dire. Ce
qui nous préoccupe d'abord et avant tout, c'est le niveau des ressources
des universités. C'est la question qui nous paraît fondamentale et
la plus préoccupante. Quand on compare avec ce qu'on voit, cela fait
longtemps qu'on sait que, par rapport aux États-Unis par exemple, nos
universités, surtout nos universités de recherche les plu9
performantes, n'ont pas un niveau de ressources adéquat, et depuis
quelques années c'est avec l'Ontario que la situation est
particulièrement grave. Le conseil qui est formé, comme vous le
savez, de gens du milieu universitaire mais aussi de gens du milieu
socio-économique - il y a même des étudiants sur notre
conseil, il y a des gens du gouvernement sur le conseil, des fonctionnaires
s'entend - a cherché des solutions qui pourraient permettre aux
universités d'obtenir un niveau plus adéquat de financement. Nous
faisons l'hypothèse ou nous avons fait l'hypothèse que les
gouvernements ne s'en prenaient pas aux universités et qu'ils avaient
des problèmes de financement eux-mêmes. Ils cherchaient à
réduire leurs dépenses, ce qui nous est apparu assez net et assez
clair au cours des dernières années.
En ce sens, nous en sommes venus à la conclusion que, si on
continuait de se fier presque exclusivement - à l'heure actuelle, les
frais de scolarité représentent quoi, 6 %, à peu
près du budget - uniquement aux ressources gouvernementales, cela nous
causerait des problèmes, cela risquait de continuer à causer des
problèmes sérieux aux universités dans la mesure où
on ne peut jamais prévoir d'une année à l'autre si la
situation n'empirera pas ou si le gouvernement ne sera pas tenté de
faire des coupures ou autres.
Dans ce contexte, nous avons regardé la situation au
Québec et nous avons tenté d'évaluer quel était
l'effort qu'on demandait aux étudiants au Québec par rapport
à ce qui était demandé dans d'autres provinces canadiennes
ou dans les États américains. Nous en sommes venus à la
conclusion, comme vous pouvez le voir - je pense que c'est dans un des tableaux
au début - que les frais de scolarité sont non seulement
très bas au Québec, mais ils sont les plus bas en Amérique
du Nord. Dans ce contexte, nous avons pensé que ce n'était pas
déraisonnable de demander aux étudiants qui sont les premiers
touchés, les premiers concernés, de contribuer un peu plus
adéquatement ou, en tout cas, un peu plus fortement -
adéquatement, ce n'est peut-être pas le bon mot - à leurs
études.
Évidemment, nous sommes conscients des effets néfastes sur
les étudiants désavantagés. Nous sommes
préoccupés par la question et c'est la raison pour laquelle,
lorsque nous avons fait la recommandation de hausser les frais de
scolarité, nous avons, dans la même recommandation ou
immédiatement après, indiqué qu'il nous paraissait
très important de protéger les étudiants les moins
favorisés. Ce serait grave si ce n'était pas de ce type. La
façon de le réaliser, c'est en utilisant, nous semble-t-il en
tout cas, le système de prêts et bourses dans son organisation
actuelle, dans sa
philosophie actuelle, si vous voulez. Le système de prêt et
bourses, comme vous le savez, on accorde d'abord un prêt; ensuite, on
accorde une bourse aux étudiants qui sont les moins nantis et la valeur
de la bourse est ajustée en fonction des dépenses que doit avoir
l'étudiant.
Déjà, nous avons au Québec des étudiants qui
doivent aller à l'étranger pour faire des études qui
n'existent pas au Québec. Par exemple, en chiropractie. Ces
étudiants, lorsqu'ils vont à l'étranger, ont des frais de
scolarité nettement plus élevés que ce que nous avons au
Québec et, quand ils ont droit à une bourse, on leur accorde une
bourse nettement plus élevée pour couvrir la différence
des frais de scolarité.
Cette situation existe déjà et le système de
prêts et bourses est conçu pour répondre à des
besoins de ce type. Dans ce contexte, nous pensons que si on retient de
l'argent qui est généré par les frais de scolarité
le montant nécessaire pour permettre au système de
prêts-bourses de fonctionner, à ce moment, dans ce contexte, nous
croyons qu'il est possible de protéger entièrement les
étudiants défavorisés contre une hausse des frais de
scolarité. C'est la raison pour laquelle nous avons recommandé
cette chose, cette augmentation.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Y a-t-il d'autres
interventions?
M. Nelson: Je voudrais peut-être ajouter, sur la question
des frais de scolarité, par une demande...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.
M. Nelson: ...de curiosité au ministère de
l'Éducation. La recommandation du conseil est de lier à 15 % - on
pourrait peut-être discuter du pourcentage utilisé - les frais de
scolarité au coût des études comme d'ailleurs d'autres
recommandations qui ont été faites à des niveaux plus
élevés. En tout cas, personnellement, je serais curieux de savoir
si on fait le calcul... On connaît le résultat global de ce que
cela va donner 15 %, mais il serait intéressant de voir par discipline,
avec les données du ministère que je n'ai pas - les seules que
j'ai en mains sont celles de 1981-1982 - si on appliquait un pourcentage x,
cela donnerait quoi comme frais de scolarité par discipline? Je pense
qu'on aurait quelques surprises. J'ai même un cas en tête où
je ne suis pas certain que cela donne même une augmentation à 15
%. C'est sous toute réserve. Ces données, on ne les a pas. (17 h
45)
Une deuxième chose que je voudrais ajouter concernant les frais
de scolarité, c'est qu'aussi les frais de scolarité ont
été gelés en 1969 comme cela et sont très
différents d'une université à l'autre. Même sans
parler d'augmentation générale, si on veut fixer un pourcentage
à 6 %, 7 %, 10 %, 15 % du coût des études, il serait
peut-être intéressant au moins qu'il y ait une certaine
équité dans la province. Pourquoi un étudiant qui va dans
une université avec un même niveau de ressources que dans une
autre va-t-il payer plus cher ou moins cher? J'ai l'impression qu'il faut
regarder aussi parce que le gel des frais de scolarité dans la province
de Québec a produit une situation qui est fort curieuse où pour
les mêmes études, dans un endroit, vous payez tel prix et, dans un
autre endroit, vous payez tel autre prix. Je me dis que, même si on ne
parle pas... Parce que la préoccupation du conseil n'était pas
d'augmenter les frais de scolarité mais d'assurer un niveau
adéquat de ressources, j'en profite pour ajouter deux commentaires. On
pourrait au moins regarder du côté des frais de scolarité
pour voir ce que cela donnerait - je veux dire des hausses - et quels seraient
les impacts dans les différentes universités?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur,
de votre intervention. D'autres interventions?
M. Ryan: Cette question n'est pas une question très
difficile. On a ces données, évidemment. On a les données
pour chaque université sur les montants qui sont demandés dans
chaque département, école ou faculté. Il y a beaucoup de
calculs qui ont été faits à propos du régime de
bourses autant qu'à propos des frais de scolarité et pas
seulement depuis deux mois, mais depuis un bon bout de temps. On a beaucoup
d'hypothèses qui peuvent être chiffrées assez rapidement.
Si cela peut vous être utile, on vous enverra cela. D'ailleurs, dans les
annuaires des universités, on a déjà tous les
renseignements de base qu'il faut.
M. Nelson: M. le ministre, je m'excuse, c'est surtout le
pourcentage sur le coût.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est tout, M. le
ministre? Mme la députée de Chicoutimi.
Je vous ferai remarquer, par exemple, étant donné les
règles, les ententes pour le partage du temps qu'il reste cinq minutes
au parti ministériel. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
saluer le président du Conseil des universités ainsi que les
personnes qui l'accompagnent.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire au président,
mais je me permets de le rappeler ici: le mémoire que vous avez
présenté est,
je dirais, d'une haute tenue et constitue, pour certains de ces
éléments, sûrement un document de référence
important. Je pense et je suis de l'avis du ministre qu'on ne peut se passer au
Québec d'un organisme consultatif de cette envergure qui joue un
rôle aussi important.
Le Conseil des universités a déjà, depuis plusieurs
années, pour ne pas dire depuis sa création, joué
précisément des rôles d'évaluation, de concertation,
de conseil évidemment et de coordination. À cet égard, je
pense qu'on devrait peut-être modifier le rôle de certains
organismes consultatifs pour qu'ils se situent davantage dans la perspective et
dans les orientations du mandat du Conseil des universités.
Si vous me permettez, comme vous faites assez longuement état de
ce que devrait être la mission des universités et que vous
êtes revenus dans un chapitre sur cette question, j'aimerais avoir un peu
plus d'éclaircissements. Cela touche le chapitre sur la coordination et
la spécialisation. J'ai eu l'occasion de voir un avis que vous
déposiez antérieurement. C'est un peu moins précis dans
l'avis que vous nous présentez. Cela l'était peut-être un
peu plus dans votre brève présentation. Sur cela, j'aimerais
quand même que vous nous éclairiez un peu par rapport à la
vision qu'a le Conseil des universités sur cette question.
Dans un avis précédent, vous distinguez trois types
d'universités: les grandes universités de recherche, qui
étaient McGîll, Montréal et Laval; les universités
à accessibilité générale, qui étaient
Concordia et l'UQAM, et les autres, c'est-à-dire les universités
en régions, vraisemblablement pour les spécialiser dans certaines
domaines. J'aimerais avoir votre opinion sur cela et l'état de vos
réflexions.
M. L'Écuyer: Alors, comme vous le signalez, nous traitons
de cette question dans le chapitre 5 lorsque nous parlons de la mission des
établissements. Ce que nous disons, au Conseil des universités,
c'est que tous les établissements pour toutes sortes de raisons ne
peuvent prétendre aux mêmes missions à l'intérieur
d'un réseau. Nous pensons qu'il est souhaitable qu'il y ait une certaine
forme de spécialisation, mais j'entendrais "spécialisation" dans
un sens très large, c'est-à-dire une certaine forme de
détermination de ce qui peut être la mission d'un
établissement.
Dans notre mémoire, on donne quelques exemples de
réflexions sur ce que peut être l'établissement. Comme vous
le signalez, il y a, évidemment, les grandes universités de
recherche. Il y a aux États-Unis, et même au Québec avec
Bishop, des universités qui ont décidé qu'elles, leur
mission fondamentale, ce serait au premier cycle, ce qui n'exclut pas qu'elles
aient une certaine implication, forcément plus limitée lorsque
l'envergure de l'établissement est faible. Cela n'exclut donc pas qu'il
y ait une certaine implication aux cycles supérieurs, mais ce qu'il faut
bien comprendre, c'est qu'il y a des établissements aussi bien au
Québec qu'aux États-Unis qui ont choisi de concentrer leurs
activités de formation au premier cycle. Cela est une possibilité
qui existe et qu'on ne retrouve pas beaucoup dans le réseau francophone.
On pourrait imaginer qu'une université décide que dans l'avenir
l'essentiel de ses programmes sera au premier cycle. On le retrouve dans une
certaine mesure au niveau des petites universités en régions,
bien sûr. Ce qui est peut-être ma préoccupation ici -
là, je m'exprime plus spécialement pour préciser un peu
cette question - c'est qu'on pourrait imaginer, en tout cas, que certains de
nos établissements se donnent comme mission fondamentale le premier
cycle. Cela ne veut pas dire qu'elles ne feront pas de recherche. Il est tout
à fait possible de continuer à faire de la recherche. Cela ne
veut pas dire qu'elles seront des gros cégeps. Je vous écoutais
tout à l'heure. Ce n'est pas cela, la question. D'ailleurs, vous avez
des exemples frappants de cette situation aux États-Unis. Il y a
quelques-uns des collèges ou de ce qu'on appelle les collèges aux
États-Unis, mais qui sont en réalité des
universités de premier cycle, qui sont parmi les plus prestigieuses
institutions aux États-Unis, des collèges comme Swarthmore,
Amherst, William and Mary, etc. Ce sont des institutions de grande classe et ce
sont ces institutions qui, actuellement, ont les taux d'accès aux
études supérieures dans d'autres universités parmi les
plus élevés aux États-Unis. C'est donc quelque chose
d'extrêmement important quand on parle des missions des
établissements. Il faut penser qu'il est possible aux
établissements d'avoir des missions différenciées - c'est
peut-être le mot - plutôt que spécialisées. Nous
parlons plutôt de différenciation. Dans ce sens-là nous
souhaitons que les universités continuent, parce que cet effort est
déjà entrepris dans différents endroits, de penser en
termes de différenciation, en termes de mission plus spécifique
ou en termes de créneau qu'elles peuvent occuper.
Les principaux développements - et là-dessus pas mal de
travail a été fait aux États-Unis au cours des
dernières années, parce que les universités
américaines ont été soumises à des pressions
très fortes pour aller dans ce sens-là - les
développements les plus intéressants proviennent
d'universités qui ont choisi de se donner des créneaux
très précis. Un bon exemple: l'Université du Québec
faisait venir l'an dernier un expert de l'Université Carnegie-Mellon,
qui a connu un développement extrêmement intéressant en
limitant ses secteurs d'activité, mais en
se concentrant vraiment au maximum sur ce qu'elle pouvait faire. Vous en
avez toute une gamme. C'est dans ce sens-là que nous pensons que cette
réflexion n'est pas menée assez loin au Québec, qu'il y a
de la place pour continuer cela, pour préciser les plans de
développement.
Je dois vous dire très franchement que ce type de
réflexion, il ne faut pas l'arrêter ou, en tout cas,
s'arrêter uniquement sur ce que j'appellerais des espèces
d'idées préétablies qu'il faut absolument que toute
université ou que tout secteur d'activité dans
l'université aille nécessairement aux études
avancées, à la recherche, etc. Forcément,
l'activité de recherche peut être poursuivie, il n'est pas
nécessaire qu'elle soit toujours poursuivie à l'institution
même. Le développement aux études avancées, c'est
déjà autre chose dans cette perspective. Un développement
aux études avancées, cela suppose non seulement que vous avez
quelques chercheurs, mais cela suppose que vous êtes capables de procurer
un environnement. Forcément, dans ce contexte, il est clair que des
petites institutions en régions n'ont pas la capacité dans tous
les secteurs d'intervenir efficacement.
De la même façon, si toutes les universités urbaines
voulaient être tout à fait identiques, je pense qu'on perdrait
notre temps. On aurait des dédoublements inutiles.
Le Président (M. Parent, Sauvé):
Madame.
Mme Blackburn: M. le Président, j'irai probablement trop
loin si j'essaie de traduire votre pensée, j'aimerais mieux que vous le
fassiez pour nous.
Vous parlez de Bishop. Ce n'est pas tout à fait la même
situation que les universités en régions. Choisir des
créneaux -je vous fais part de mon inquiétude - pour les
universités en régions, c'est limiter -pour l'enseignement du
premier cycle, si j'ai bien compris - l'accès des résidents dans
ces régions et des étudiants dans ces régions si on limite
le nombre de programmes. On sait déjà qu'ils sont relativement
limités, mais ils sont quand même acceptables, compte tenu de la
taille et des clientèles de ces régions.
J'aimerais comprendre votre pensée quand vous dites
également qu'il est possible de faire de la recherche sans avoir des
programmes d'études avancées de deuxième et de
troisième cycle. J'ai toujours pensé que la présence
d'étudiants aux deuxième et troisième cycles était
importante en matière de recherches.
Alors, pourriez-vous nous dire: si aujourd'hui, ce que vous nous avancez
s'appliquait, cela ressemblerait à quoi, l'Université du
Québec à Rimouski, à Chicoutimi, à
Trois-Rivières et à Hull, en particulier? Parce que pour les
grandes, de toute façon, je pense qu'il y a moyen, à
Montréal par exemple, peut-être, dans certains programmes, de
spécialiser. Brièvement, ensuite, je reviendrai à quelques
autres questions.
M. L'Écuyer: II y a deux aspects à la question.
D'abord, concernant la question de limiter l'accessibilité, je pense
qu'il faut nuancer cette question. On peut effectivement dans certains cas
être amené à limiter l'accessibilité. Maintenant, je
vous retourne la question: Est-ce qu'on limite l'accessibilité en
limitant le nombre de programmes de médecine, de médecine
vétérinaire, de foresterie, d'agriculture?
Ce sont des programmes extrêmement coûteux. Lorsqu'on veut
mettre ces programmes sur pied, il est évident qu'on doit faire des
choix. Au Québec, par exemple, on a déjà deux
Facultés d'agriculture, pour prendre cet exemple. En Ontario, vous en
avez une, une seule pour tout l'Ontario.
Est-ce qu'on conçoit qu'on limite l'accessibilité? Je ne
sais pas. Je dirais que si vous êtes intéressé à
développer vos aptitudes et à vous donner une formation,
évidemment, ça suppose que vous allez faire les efforts pour vous
déplacer et aller là. Vous savez, la définition
d'accessibilité, c'est une définition qui est assez extensible.
Nous avons toujours dit au conseil que, jusqu'à un certain point, il
fallait peut-être se référer à la définition
ontarienne qui nous paraissait plus "opérationalisable", à savoir
que toute personne qui le désire dans cette province doit pouvoir avoir
accès à un programme dans une université, mais pas
nécessairement dans le programme de son premier choix et pas
nécessairement à l'université de son premier choix.
Je pense qu'on a un peu cette situation actuellement au Québec.
Évidemment, c'est une question de ressources et on a optimisé nos
ressources. Idéalement, je suis d'accord qu'on devrait avoir des
universités dans tous les endroits, mais vous n'êtes pas capables,
avec les ressources qu'on a, de faire ce genre de choses.
Mme Blackburn: M. le Président, actuellement, on a des
universités dans toutes les régions. Pourriez-vous me dire, selon
le rapport que j'ai en main et selon ce que vous préconisez, ce que cela
pourrait représenter dans les universités en région? C'est
là ma question.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
président, avant que vous répondiez, parce que cela peut
être très long, j'informe la commission que j'ai le consentement
des deux partis pour poursuivre nos travaux au-delà de 18 heures. M. le
président, je vous remets la parole.
Mme Blackburn: Si vous me permettez, M» le
Président, peut-être brièvement, parce que j'ai aussi
quelques autres points importants et je ne voudrais pas mettre l'accent ou tout
mon temps exclusivement sur cette question.
M. L'Écuyer: Écoutez, nous n'avons pas dit que la
situation devrait être radicalement différente. Ce que nous
souhaitons, c'est que les universités pensent elles-mêmes à
leur mission et qu'elles définissent en fonction de leurs
capacités, en fonction de leurs intérêts et en fonction des
intérêts de leur région, quel est le créneau
qu'elles peuvent le plus facilement occuper.
On est tout à fait d'accord, par exemple, pour que Rimouski
développe l'océanographie; je pense que le conseil a
déjà accepté, et même recommandé au ministre
l'octroi d'un programme de doctorat. Si, par contre, Rimouski arrivait, demain
matin, et nous demandait d'ouvrir une faculté de médecine
dentaire ou un programme d'ingénierie, on serait probablement beaucoup
plus hésitant.
Mme Blackburn: Je vais revenir un peu sur la question qui a
été abordée par le ministre, celle des frais de
scolarité. Je retrouve dans votre mémoire une affirmation qui
m'étonne toujours. C'est en bas de la page 27: "Dans son avis sur les
orientations du financement universitaire, le conseil signalait - il parle d'un
avis précédent - qu'il était possible de justifier une
augmentation des frais de scolarité du simple point de vue de
l'équité sociale. Se basant sur une étude de Lemelin,
corroborée d'ailleurs par des études semblables ailleurs, il
concluait au caractère régressif du financement actuel des
universités, les citoyens les moins favorisés en retirant moins
que ce qu'ils ne mettent? C'est connu. (18 heures)
Cependant, ce qui m'étonne, une fois cette constatation faite,
c'est que l'on conclue: consacrons la situation. Augmenter les frais de
scolarité, à mon avis, c'est consacrer une situation
d'inégalité. Est-ce que vous connaissez des études ou des
recherches qui auraient été faites en vue, non pas de... Une fois
la constatation faite, est-ce qu'on s'est interrogé, dans les
universités, sur la façon de renverser cette tendance? II me
semble que, lorsqu'on est une université et qu'on a des
préoccupations d'équité et de développement social,
c'est une question que l'on devrait se poser, une fois ces constatations
faites. C'est pour vous dire que ma question se pose tout à fait
à l'inverse de celles que les autres avancent. Est-ce que vous avez
connaissance de...
M. L'Écuyer: Si je comprends bien votre question, vous
souhaiteriez que les universités fassent un plus grand effort pour
recruter des clientèles de milieux... en tout cas, pour aider les gens
des milieux qui fréquentent moins naturellement l'université.
C'était un peu cela, votre question?
Mme Blackburn: Cela pourrait être aussi cela, mais je me
demandais si l'on a identifié un certain de nombre de moyens. Est-ce
qu'on a fait des recherches pour savoir quelles pourraient être les
façons de corriger cette tendance, je le rappelle?
M. L'Écuyer: Écoutez, sur ce plan, il y a deux
façons de répondre assez rapidement, je pense. Si l'on s'en tient
à la composition actuelle de la clientèle des universités,
à ce moment-là, sur le strict plan financier, la façon de
le faire, c'est d'augmenter les frais de scolarité et d'augmenter les
bourses aux étudiants. Cela renverse la tendance. C'est la façon
de le faire. C'est cela, fondamentalement, la question. Si vous augmentez les
frais de scolarité, il faut augmenter les bourses et donner des bourses
généreuses aux étudiants moins favorisés. De cette
façon, vous renversez la tendance parce que vous faites porter une plus
grande partie du coût du financement des universités par les
étudiants qui en ont les moyens, donc qui sont issus de milieux plus
favorisés.
Vous pourriez aller en sens inverse et dire: Les universités ne
recrutent pas assez dans les milieux non favorisés. Là-dessus, je
suis tout à fait d'accord avec vous. C'est une question qui est
extrêmement pertinente, qui est difficile. Il faut bien reconnaître
que nos universités, au Québec, ont été
relativement un peu absentes de ces préoccupations. En tout cas, quand
on les compare à certaines universités américaines qui ont
des programmes spécialement destinés à des
étudiants de milieux défavorisés... En Californie, par
exemple, vous rencontrez fréquemment des universités qui ont des
programmes spécialement destinés aux Hispano-Américains
qui ne forment habituellement pas une clientèle qui vient le plus
facilement à l'université. Sur ce plan, il y a des efforts
à faire de la part de nos universités, je suis d'accord.
Mme Blackburn: Quand vous nous dites qu'une des façons de
renverser la tendance, si l'on augmente les frais de scolarité, c'est
d'augmenter les bourses. On sait que cette tendance est là, alors qu'il
y a les frais de scolarité qu'on connaît et les bourses qu'on
connaît. Je ne crois pas que cela ait comme effet de renverser la
tendance. Vous me permettez...
Pour aborder une autre question, je pense que vous vous êtes assez
bien exprimé là-dessus, c'est-à-dire que vous envisagez
une augmentation, un dégel des frais de scolarité, dans la mesure
où et parce que le gouverne-
ment ne semble pas vouloir en mettre plus.
Par ailleurs, vous indiquez dans votre mémoire qu'il faut
poursuivre les efforts pour accroître le degré de scolarisation et
diplômation de la population québécoise,
particulièrement francophone. Vous nous avez indiqué un moyen que
je trouverais intéressant d'aborder ici. Est-ce que vous avez
pensé à d'autres moyens?
M. L'Écuyer: Si nous avons tenu ce langage, c'est que l'on
considère que le gouvernement doit continuer de faire des efforts. Il
doit soutenir le degré de scolarisation. D'autant plus qu'on entend
quelquefois, malheureusement, des gens nous dire: Vous savez, on devrait
contingenter plus les programmes et on devrait mettre des barrières
à l'admission à l'université. Nous croyons que c'est aller
contre toutes les tendances présentes et que c'est dangereux pour
l'évolution même de notre société.
C'est dans ce sens que nous disons: La solution au problème des
universités ne réside pas dans un contingentement accru ou dans
des barrières plus grandes à l'accès à
l'université. Sur ce plan, nous sommes tout à fait d'accord.
C'est pourquoi nous souhaiterions que, même si on augmente les frais de
scolarité, par exemple, toute la publicité soit donnée
à des augmentations équivalentes des bourses, de façon que
les étudiants sachent que, même s'ils sont démunis, ils ne
seront pas touchés.
Mme Blackburn: Bien. Vous savez, M. le Président, que,
selon une étude déposée, je pense, à la fin de
1970, il était démontré que plus vous étiez
scolarisé, plus vous étiez informé de l'existence de
l'aide financière aux étudiants et, moins vous étiez
scolarisé, moins vous en étiez informé. On peut penser
qu'il y a un rapport.
Pour revenir à la question du financement, le conseil a largement
fait état que la formule historique a généré au
cours des années un certain nombre d'inéquités. Vous
suggérez l'ajustement des bases de financement et vous indiquez quelques
paramètres, mais ce n'est pas très détaillé. Je me
demandais si la formule de 1984, à la faveur des indicateurs de ce que
vous appelez "RECU" ou "RECU" - je ne sais trop - serait susceptible
d'être accueillie un peu plus favorablement.
M. L'Écuyer: En 1984, il y avait un problème de
base que nous avions identifié par le biais de nos études
sectorielles. Nous avions un problème dans le taux de comptage des
étudiants. Ce problème, avec RECU, n'existe plus ou est en voie
d'être résorbé. Donc, il devrait maintenant être
possible d'arriver à une entente sur une base de financement ou de
répartition qui soit acceptable à l'ensemble. Nous sommes tout
à fait d'accord qu'il faut changer cette chose. Mais, tout de
même, avant qu'une nouvelle formule soit établie, je pense que
cela devrait être établi en tenant compte autant que possible des
points de vue de chacun des intervenants.
J'ai pu constater, à la lecture de certains mémoires, que
des consensus se dégagent et je pense que cela ne devrait pas être
une opération si difficile. Mais ce n'est quand même pas
très facile, techniquement, d'identifier exactement qui fait quoi. Tout
le monde s'entend sur les grands paramètres. Là où cela
commence à diverger, c'est quand on commence à mettre des
pondérations, car cela représente des sous. Dans le contexte
présent, il faut bien remarquer que les universités sont dans un
tel état de tension financière qu'il est extrêmement
difficile de dégager des consensus s'il n'y a pas, à tout le
moins, promesse que le rétablissement se fera sans prélever dans
les bases des autres.
Mme Blackburn: Vous avez réfléchi quand même,
j'imagine, et vous avez examiné là-dessus des hypothèses
de formules. Est-ce que vous pouvez nous en parler brièvement, avec les
paramètres?
M. L'Écuyer: Nous avons indiqué les principaux
paramètres qui devraient être pris en considération et nous
avons mentionné l'importance de la recherche, des études
avancées. Nous étions d'accord avec les secteurs. Nous avons
parlé de facteurs de taille ou d'éloignement combinés ou
ensemble. On peut retrouver un certain nombre de ces facteurs dans nos avis
antérieurs, mais nous n'avons jamais mis de pondération
là-dessus de façon très précise.
Je pense qu'on ne pourrait pas présentement, au nom du conseil,
en dire plus. Si on nous demande un avis à ce sujet, nous le donnerons
avec grand plaisir.
Mme Blackburn: Un volet touche la gestion. En page 38, vous nous
indiquez quelques redressements nécessaires. Cela se poursuit à
la page 39 où vous dites: "À ce sujet, le conseil juge
très important que les conseils d'administration, à qui les
recteurs doivent d'abord rendre compte, disposent d'une représentation
socio-économique équilibrée, forte et capable d'aider les
dirigeants dans les choix et les décisions qu'ils auront à
prendre".
J'aimerais que vous expliquiez un peu ce qui constitue pour vous une
représentation socio-économique forte et quelle serait la place
des intervenants, des professeurs, des étudiants et des autres
administrateurs au sein de ce conseil mieux en mesure, semble-t-il, selon vous,
de prendre des décisions.
M. L'Écuyer: Nous avons, sur ce point-là,
parlé d'une chose, à volonté d'ailleurs.
Les conseils d'administration pensent qu'il est utile qu'il y ait une
représentation socio-économique forte et cela, pour deux raisons.
D'abord, parce que l'université, où qu'elle soit, doit être
en symbiose avec les besoins de sa région, de la société
qui la soutient. Dans ce contexte-là, nous pensons qu'il est très
important que les socio-économiques, d'une façon ou d'une autre,
puissent faire entendre leur voix de façon organisée et bien
claire. Donc, le fait que vous ayez des socio-économiques à un
conseil d'administration, cela nous apparaît, dans une certaine mesure,
une garantie que la région pourra faire entendre sa voix auprès
de l'université en question. Cela existe déjà. Il y a des
universités où cela se fait très bien et d'autres
où cela se fait moins bien.
Il y a une deuxième raison à cela et c'est à cela
que nous référons un peu plus. C'est que les
socio-économiques, dans un conseil d'administration, sont, quelquefois,
pas toujours, les personnes les moins en conflit d'intérêts. C'est
clair que dans certaines circonstances, lorsque vous avez des décisions
difficiles à prendre - et cela existe et cela va continuer d'exister et
cela va être sans doute de plus en plus, je dirais, fréquent dans
un contexte où vous avez des réajustements à faire - il
est important que ces gens-là puissent faire entendre leur voix. Cela ne
veut pas dire qu'ils doivent avoir nécessairement la voix
prépondérante. La question n'est pas là. Mais notre
préoccupation, c'est qu'il y ait des gens au conseil d'administration
qui puissent faire entendre une voix qui ne soit pas nécessairement une
voix en conflit d'intérêts. Il faut quand même
réaliser que, dans certaines de nos universités, c'est une
condition qui est un peu difficile à remplir actuellement.
Mme Blackburn: M. le Président...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: C'est que j'ai foi comme vous aux
socio-économiques pour avoir siégé à ce titre
à différents organismes consultatifs. Je suis cependant plus
inquiète lorsque je vois certaines nominations à des conseils
d'administration dans une université que je ne nommerai pas où
les quatre derniers socio-économiques qui ont été choisis
viennent de la grande entreprise ou du monde des affaires. Dans cette
perspective, vous me permettrez de ne pas tout à fait et
entièrement partager votre vision des choses.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
président.
M. L'Écuyer: Je voudrais peut-être ajouter un point.
C'est qu'il faut bien comprendre que dans le milieu universitaire le conseil
d'administration a une fonction différente de la commission des
études ou même du sénat. Le conseil d'administration est
quand même un organisme important, est même un organisme
très impartant, mais ce n'est généralement pas le conseil
d'administration, par exemple, qui a la voix principale en ce qui concerne
l'évolution des programmes, les orientations générales des
universités. Il faut prendre cette recommandation dans ce
contexte-là.
Mme Blackburn: Peut-être l'avez-vous dit - je dois dire que
mon collègue voisin m'a distraite un peu tantôt - est-ce que vous
verriez une diminution dans le nombre des membres du conseil d'administration
et une place moins importante faite aux parties internes?
M. L'Écuyer: Diminution ou augmentation, ce n'est pas
vraiment le point. C'est une répartition plus équitable. Il y a
des conseils d'administration où il n'y a presque pas de
socio-économiques. Là, nous pensons que ce n'est pas suffisant.
Il y a des conseils d'administration où... Disons que s'il y a une
représentation suffisante pour que ces gens-là puissent faire
entendre leur voix de façon correcte et concertée, pour nous,
cela reste à déterminer suivant les différentes
institutions. Il ne s'agît pas de... C'est plutôt un partage, un
certain équilibre entre les voix internes et entre les voix qui
proviennent du milieu socio-économique, si vous voulez.
Mme Blackburn: Vous me permettrez de revenir brièvement
sur le financement. Il y a toute la question des déficits
accumulés. Vous abordez rapidement ce volet. Est-ce que vous maintenez
votre recommandation d'exiger des universités un plan de
résorption de leur déficit? (18 h 15)
M. L'Écuyer: D'exiger quoi?
Mme Blackburn: Un plan de résorption de leur
déficit.
M. L'Écuyer: Oui. Sur ce point, nous sommes tout à
fait conséquents avec nous-mêmes. Ce que nous disons au conseil,
c'est que le gouvernement ne doit pas ou ne devrait pas éponger les
déficits des universités mais exiger d'elles un plan de
résorption des déficits. Nous estimons qu'il n'appartient pas aux
institutions de déterminer elles-mêmes leur niveau de vie, si vous
me permettez l'expression. Elles doivent le déterminer en fonction des
ressources dont elles disposent et, si elles outrepassent ces ressources, elles
doivent en porter les conséquences. C'est la position du conseil. Cela
peut paraître une position dure, mais il
faut bien comprendre que des institutions ont fait des efforts de
s'ajuster et ce serait un peu dangereux qu'on se lance dans la voie
d'éponger les déficits, étant donné que ces
gens-là l'ont souvent fait avec douleur.
Mme Blackburn: Vous parlez également des frais indirects
de la recherche. Qu'est-ce que serait, selon vous, un ratio acceptable pour les
frais indirects?
M. L'Écuyer: Cela dépend comment on calcule. Nous,
on dit - et je pense que cela s'appuie sur une étude de Canadian
Association of University Business Officers ou quelque chose comme cela - ce
que nous calculons, c'est que les frais indirects, si on inclut le salaire des
professeurs, sont approximativement égaux au niveau des subventions
reçues, sauf que, dans certains cas, ou en tout cas, très
souvent, on défalque le salaire des professeurs et on arrive à
quelque chose autour de 50 % des subventions. Mais dans notre mémoire,
nous référons à l'ensemble en incluant...
Mme Blackburn: Vous avez abordé brièvement tout
à l'heure avec le ministre toute la question de la tâche des
professeurs. Vous proposez une modulation. Au-delà de cela, j'aimerais
connaître vos réflexions ou vos réactions à la
recommandation du rapport Gobeil qui estime qu'on pourrait hausser la
tâche des professeurs de 50 %. Qu'est-ce que cela voudrait dire dans des
universités où, déjà, 50 % de l'enseignement est
donné par des chargés de cours?
M. L'Écuyer: Écoutez, il y a plusieurs aspects. Sur
la question de la tâche, d'abord, on n'a pas toutes les données
qu'on aimerait avoir là-dessus - c'est clair - pour répondre de
façon très précise à tout cela. Mais, ce qu'il faut
bien comprendre dans la tâche, c'est qu'il y a eu beaucoup
d'études de faites là-dessus. Ce qu'on constate, c'est qu'un
professeur qui donne quatre cours-année consacre, grosso modo, à
peu près 50 % de son temps à l'enseignement. Un professeur
d'université, compte tenu des obligations particulières des
universités, consacre habituellement 10 % à 15 % de son temps
pour des tâches d'administration, de demandes de subventions, etc., Tout
cela occupe en général de 10 % à 15 %. Si vous prenez 50 %
et que vous additionnez 10 % à 15 %, il vous reste 35 % à
consacrer à la recherche. Si vous vouiez augmenter la tâche
d'enseignement des professeurs de 50 %, vous venez de le faire passer de 50 %,
en gros, à 75 % du temps. Donc, nos professeurs, en moyenne, passeraient
75 % de leur temps à l'enseignement. Remarquez que cela recoupe un peu
ce qu'on observe dans les cégeps, où la seule tâche est
l'enseignement. Donc, vous auriez à ce moment-là 75 % du temps
à l'enseignement; additionnez 10 % à 15 % à
l'administration, et il ne reste pas beaucoup pour la recherche. C'est dans ce
sens que nous disons: Si vous augmentez considérablement -toujours en
moyenne - la tâche des professeurs, vous diminuez votre capacité
de faire de la recherche. Car si vous devez vous appuyer, pour
développer vos activités de recherche, sur des professeurs qui,
en moyenne, n'ont pas plus de 10 % à 15 % de leur temps à
consacrer à la recherche, vous n'irez pas très loin. Je vous
ferai remarquer qu'à l'heure actuelle, au Québec, les professeurs
d'université reçoivent 210 000 000 $ pour des activités de
recherche. C'est donc dire qu'en moyenne ils ont quelque chose comme 30 000 $
chacun pour faire de la recherche. Cela veut dire qu'ils font quelque chose et
c'est jugé par des pairs; ce sont donc des gens qui évaluent ce
qui se fait au niveau de la recherche. La recherche est continuellement
évaluée. S'il y a quelque chose qui est évalué en
milieu universitaire, c'est bien la recherche.
Donc, ce que nous disons, c'est que si on augmente de façon
considérable - c'était un peu ma remarque
précédemment - la tâche d'enseignement de nos professeurs,
on court forcément des risques très sérieux que les
activités de recherche en souffrent, que la base de recherche diminue et
qu'éventuellement la capacité de recherche, c'est-à-dire
la capacité d'aller chercher des subventions, devienne de moins en moins
grande.
Mme Blackburn: Une question additionnelle. Est-ce que vous avez
fait l'exercice qu'ont semblé faire les membres de ce comité
Gobeil, à savoir: si on augmente de 50 %, on fait des économies
de 50 %?
M. L'Écuyer: Non, nous n'avons pas fait cet exercice.
Évidemment, vous allez faire un certain nombre d'économies, mais
vous ne ferez pas des économies de 50 %.
Mme Blackburn: Est-ce que M. Nelson voudrait...
M. Nelson: Le seul commentaire que je voudrais faire, si on me le
permet, c'est qu'on a ajouté des statistiques, parce qu'on avait
passé le tableau des données du ministère disant qu'en
1984 le ratio étudiants-professeur est passé de 18,9 à
21,9. C'est une donnée qui nous indique quelle est la capacité
d'un système. Le ratio étudiants-professeur vous indique le
nombre de professeurs qui seront disponibles selon le nombre d'étudiants
que vous avez. Pour récupérer en argent ces 50 % dont M. Gobeil
parle, si on les récupère en argent, on va avoir un ratio
étudiants-professeur qui
va aller à 28 et même plus que cela. C'est bien sûr
que vous économisez chaque fois que vous enlevez des professeurs dans le
système. C'est évident que cela coûte moins cher.
M. L'Écuyer: J'ajouterais juste un mot, Mme la
députée de Chicoutirni. Dans le réseau des cégeps,
le ratio étudiants-professeur était - je n'ai pas les
dernières statistiques - d'à peu près 12. Vous avez
actuellement, dans le réseau universitaire, quelque chose qui se
rapproche de 22, ce qui est nettement au-dessus de tout ce qui est
considéré comme acceptable par les grands organismes
d'agrément américains. Nous commençons è penser
que, si vous allez beaucoup plus loin là-dedans, l'économie que
vous faites se fera aux dépens des étudiants.
Mme Blackburn: M. le président, je vous remercie de votre
patience et de l'éclairage que vous avez apporté à cette
commission. Mon tour est fait.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M.
le ministre de l'Education.
M. Ryan: Juste un mot sur le sujet qui était le dernier
abordé avec la députée de Chicoutimi, soit le ratio
étudiants-professeur. Je pense qu'il y a une clarification qui s'impose
ici parce qu'il ne faudrait pas qu'on parte dans la confusion. Quand vous
parlez de ratio, c'est bien des étudiants par professeur
régulier.
M. L'Écuyer: Régulier.
M. Ryan: C'est très important.
M. L'Écuyer: Très important.
M, Ryan: Deuxièmement, si vous ajoutez les chargés
de cours, je pense que vous allez convenir avec moi que votre ratio devient
à peu près égal à celui de l'Ontario. Il n'y a plus
la différence dont vous parlez.
M. L'Écuyer: II faut faire attention dans la mesure
où, sur le plan strictement de l'enseignement, il est possible qu'on
rejoigne le niveau de l'Ontario. Ce qui est important, c'est que le
chargé de cours n'a pas la charge d'organiser l'enseignement. Ce n'est
pas lui qui suit l'évolution des programmes. Il n'a pas de
responsabilités de recherche, de direction de thèses. Il n'est
donc pas actif au deuxième ou au trosième cycle. On peut et on
doit avoir des chargés de cours. Le problème n'est pas là.
Mais même avec des chargés de cours vous devez maintenir un ratio
étudiants-professeur quand même raisonnable.
M. Ryan: Ce que je veux dire, c'est que si on fait des
comparaisons avec les autres, c'est très important de faire cette
distinction; autrement, on compare des pommes avec des oranges.
M. L'Écuyer: Vous avez parfaitement raison. Si on veut
inclure... Il y a une autre notion dont on n'a pas parlé, celle de
l'importance du groupe-cours. Au Québec actuellement, on est assez bien
aussi. On a des groupes-cours qui se situent entre 30 et 35 d'après nos
meilleures données actuelles.
Le Président (M. Parent (Sauvé): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. Ma question porte sur les frais indirects
de la recherche. Dans votre mémoire vous avez parlé, d'une
façon générale, de la nécessité d'assurer
aux universités ces frais indirects d'une façon ou d'une autre,
mais la façon n'est pas précisée. Qu'est-ce que vous
envisagez à cet égard? Est-ce qu'on doit ajuster les bases du
financement pour chaque université selon le volume de recherche qu'elles
font? Est-ce qu'il faut créer un fonds spécial ici au
Québec pour combler le manque à gagner des subventions
fédérales par exemple? Qu'est-ce que vous envisagez exactement?
Si je comprends bien le montant représenté par le volume de
recherche faite au Québec, si on soustrait le "contract research", on
arrive, selon le Conseil de la science et de la technologie, à un
chiffre de 150 000 000 $. Est-ce que j'ai raison?
M. L'Écuyer: Je pense que vous avez raison.
Mme Dougherty: Où peut-on trouver ce montant et comment
doit-on verser ce montant, par quels moyens techniques, aux
universités?
M. L'Écuyer: Nous avons indiqué deux solutions, un
peu selon l'évolution des politiques des organismes subventionnaires. Il
y avait un certain débat à Ottawa quant à
l'opportunité, pour les organismes subventionnaires, de payer les frais
indirects. Si on va dans ce sens-là, on n'a pas à les inclure
dans la formule de financement. Par contre, dans l'état actuel des
choses, nous pensons qu'il faudrait en tenir compte dans le cadre de la formule
de financement. Je dois dire qu'au conseil nous ne nous sommes pas
attardés à déterminer de façon précise... Ce
n'est pas une question dont nous avons discuté en long et en large. Ce
qui nous a paru important, par contre, c'est de bien noter que cela
représente des frais très importants, surtout pour certaines
universités qui sont fortement engagées en recherche. On pense en
particulier à des universités comme McGill, Sherbrooke,
Montréal, Laval
peut-être jusqu'à un certain point. Cela représente
des frais très importants, et plus ces gens-là obtiennent des
subventions pour la recherche, plus cela taxe les revenus ordinaires, donc
l'université est appelée, à ce moment-là, à
faire des choix douloureux entre de nouvelles subventions ou une meilleure
qualité d'études ou plus de ressources au niveau de
l'enseignement.
M. Cohen (Maurice): J'aimerais ajouter qu'à la commission
de la recherche, nous serions très heureux de recevoir le mandat du
ministre de déterminer la façon de distribuer l'argent, une fois
l'argent disponible.
Mme Dougherty: Oui, mais, même si nous avions l'argent, il
y a plusieurs façons de le distribuer. Il faut trouver une façon
juste.
Si nous réussissons à trouver d'une façon le
montant nécessaire, est-ce que cette mesure réglerait,
peut-être en partie, le problème de l'équipement
scientifique actuellement désuet?
M. L'Écuyer: Lors de la dernière commission
parlementaire de 1984, j'avais souligné que le problème le plus
sérieux des universités était un problème
d'équipement. Il est sérieux au niveau de la recherche. La
question a été bien documentée par des études du
CRSNG. Il est très sérieux au niveau de l'enseignement, et
à l'heure actuelle, à notre avis, l'envergure du problème
est peut-être encore plus grave au niveau de l'enseignement qu'au niveau
de la recherche. (18 h 30)
Le paiement des coûts indirects? Si on donnait aux
universités, évidemment, de l'argent neuf, si on pense à
150 000 000 $, si on prend 50 % comme devant couvrir les coûts indirects,
c'est-à-dire qu'on ne tient pas compte du salaire des professeurs qui
est déjà engagé, cela représenterait 75 000 000 $.
On peut penser qu'une partie de cet argent pourrait servir, bien sûr, au
niveau des équipements comme tels, oui, sans doute en partie au niveau
des équipements de recherche, mais cela ne réglera sûrement
pas les problèmes d'équipement au niveau du premier cycle et au
niveau de l'enseignement en général qui, eux, sont vraiment
majeurs.
Mme Dougherty: En ce qui concerne le problème de
l'équipement au premier cycle et le problème du manque de volumes
dans nos bibliothèques, y compris le problème de renouvellement
du personnel scientifique, je mets tout cela dans le même paquet parce
qu'il y a deux ans, vous avez recommandé des mesures de rattrapage. Dans
votre mémoire d'aujourd'hui, vous ne parlez pas de ces mesures
spécifiques. Est-ce que vous êtes encore du même avis qu'il
faut des mesures de rattrapage, d'abord pour le personnel scientifique? Je
crois que vous avez recommandé l'augmentation de 1 % par année
pendant dix années pour atteindre 20 % de nouveaux professeurs, une
espèce de fonds de roulement de professeurs. Vous avez recommandé
quelque chose aussi de ponctuel, je crois, pour les bibliothèques et
l'équipement. Est-ce que vous êtes encore de cet avis ou est-ce
que les autres recommandations que vous faites aujourd'hui éliminent la
nécessité de ce fonds de rattrapage?
M. L'Écuyer: Non. La question, je pense qu'on devrait
l'envisager dans le cadre d'une de nos recommandations, à savoir de
financer les développements dans le réseau universitaire sur la
base des priorités du système. Lorsqu'on parle de
priorités, il est certain qu'une des grandes priorités du
système demeure le renouvellement du corps professoral. Nous avions, en
1982-1983, je pense, 14 % seulement de jeunes professeurs, c'est-à-dire
de professeurs de moins de 35 ans, alors que, si on veut un roulement normal et
un certain équilibre, on devrait en avoir à peu près 20 %.
Tout nous porte à croire, à l'heure actuelle, puisqu'on n'engage
à peu près pas dans les universités, qu'on est rendu
encore plus bas. D'ailleurs, certaines universités faisaient état
d'un taux de jeunes professeurs d'environ 10 % à 11 %. Probablement que
la situation est empirée, mais on n'a pas de données plus
récentes. Dans ce contexte, on est porté à croire qu'une
des priorités du système devrait être de remplacer ou
d'avoir des programmes de remplacement du corps professoral et
vraisemblablement aussi des programmes de remplacement des équipements.
On nous avait dit, l'an dernier, je pense, qu'on faisait une étude sur
la question des équipements dans les universités. Cela nous
paraît vraiment l'un des problèmes les plus graves aussi des
universités.
Je note, soit dit en passant, que le gouvernement ontarien, cette
année, a des programmes particuliers justement orientés vers le
remplacement des équipements et le remplacement du corps
professoral.
Mme Dougherty: Vous parlez du fonds d'excellence en
Ontario...
M. L'Écuyer: Je n'ai pas le nom exact.
Mme Dougherty: ...de 50 000 000 $, University Excellence
Fund?
M. L'Écuyer: Peut-être, mais je n'ai pas le nom
exact du fonds. Je sais que cette année ils ont consacré, je
pense que c'est environ 50 000 000 $, cela doit être cela, pour des
programmes spécifiques destinés à
permettre le recrutement de jeunes professeurs et le remplacement des
équipements. Je pense que c'est 50 000 000 $.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M.
L'Écuyer. Je reconnais maintenant le vice-président de la
commission de l'éducation, le député de Laviolette. M. le
député*
M. Jolivet: Merci. Dans le document que nous présente le
Conseil des universités, on décrit la situation financière
des universités québécoises. On les compare à
toutes celles de l'Amérique du Nord et là on fait
référence à des tableaux, les tableaux 4 à 8c. Il y
a plusieurs conclusions qui sont tirées. On dit que les revenus des
universités québécoises provenant des frais de
scolarité et des subventions gouvernementales sont parmi les plus bas.
On note que les budgets de fonctionnement des universités
québécoises sont inférieurs ou au mieux équivalents
à ceux des universités canadiennes ou américaines. On
parle de ces choses-là. Donc, on convient, comme plusieurs
représentants d'universités l'ont dit jusqu'à maintenant,
qu'il y a dans la formule historique des inégalités qui sont
visibles.
D'un autre côté, vous reprenez votre avis 85.4 et vous
réitérez aux pages 21 à 24 ce qui d'après vous
constitue une base nécessaire à faire une relance la plus
rigoureuse possible des universités. On dit: Les universités
devraient hausser leurs revenus. La question qui pourrait survenir ensuite,
c'est pourquoi et comment? Cette question me préoccupe, parce qu'on dit:
II faut hausser. Est-ce qu'on doit augmenter les frais de scolarité?
Est-ce qu'on doit augmenter les revenus provenant du gouvernement? Est-ce qu'on
doit aller chercher pour la recherche des revenus venant du milieu qui nous
entoure? Dans ce contexte, on mentionne plusieurs pistes, mais avec de gros
points d'interrogation.
M. Nelson, qui est le président du comité des finances
pour le Conseil des universités, tout à l'heure, semblait vouloir
répondre à une partie. J'aimerais l'entendre parler sur cette
formule possible qui est envisagée ou d'autres qu'il a peut-être
eu le temps de regarder lui-même et qui ont trait aux règles de
financement. Est-ce qu'il y a autre chose que ce dont on entend parler? Est-ce
que cela doit être l'augmentation des frais de scolarité? Est-ce
que ce doit être les revenus provenant du gouvernement? C'est quoi en
fait une formule qui pourrait être autre que les pistes qu'on a
recherchées jusqu'à maintenant? Est-ce que vous avez eu le temps
de penser à ces règles de financement qui pourraient être
tout autres?
M. L'Écuyer: Avant de donner la parole à M. Nelson,
je ne sais pas si je comprends bien votre question, mais il y a deux aspects.
Il y a l'aspect formule de financement. Vous avez parlé de la formule de
financement. Lorsque vous parlez de la formule, habituellement nous on parle de
formule de partage. Alors, la formule de partage, c'en est une chose et le
niveau de revenus, c'est une autre. En termes de niveau de revenus, nous, nous
disons qu'il faut hausser le niveau parce que nous estimons actuellement que
nos universités n'ont pas un niveau de revenus qui est
équivalent. Donc, sur ce plan, on s'entend.
Maintenant, comment le hausser? C'est clair que nous, tout ce qu'on peut
faire, c'est de suggérer des pistes, mais nous ne sommes pas le
gouvernement pour décider combien on peut mettre. Nous pouvons
suggérer des choses. Sur ce, je...
M. Jolivet: C'est pour nous éclairer, cela va nous
permettre ensuite avec les autres groupes qui vont suivre de poser des
questions par rapport à ce que vous pensez comme conseil ou comme
individu responsable des finances.
M. Nelson: Si je peux me permettre, M. le Président...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez,
monsieur.
M. Nelson: Le conseil s'est prononcé clairement lorsqu'on
a fait l'étude - je ne me souviens pas du numéro de l'avis - en
disant qu'il fallait tenir compte des paramètres de cycles,
d'éloignement, taille, secteur disciplinaire, coûts indirects des
recherches et tout cela. Je pense que, élaborer une formule sur ces cinq
aspects, c'est un travail de technicien sur lequel, bien sûr, on peut se
chicaner, avoir des opinions différentes, mais, en étant un peu
raisonnable, on peut arriver à trouver des paramètres.
Mais, avant de partir et que les techniciens puissent travailler - c'est
un peu, en tout cas, le commentaire personnel que j'aimerais faire - il y a des
décisions qui doivent être prises au préalable. Quel est le
niveau de ressources envisagé pour les universités
québécoises? Quant à moi - c'est une opinion personnelle -
le niveau de ressources des universités est dicté presque
fondamentalement par la quantité de professeurs que vous allez mettre
dans une université parce que tout en découle: le nombre
d'étudiants, les espaces, les laboratoires, la recherche qu'on va faire,
les coûts indirects des recherches. Cela découle beaucoup du
nombre d'étudiants et du nombre de professeurs dans les
universités. C'est une décision, en tout cas, que les techniciens
ne peuvent pas prendre, pas plus d'ailleurs que le conseil. Le conseil a
fait
des remarques dans son mémoire comme quoi le ratio
étudiants-professeur - d'après les études
américaines qu'on avait vues sur ce sujet extrêmement
fouillé - acceptable était de 15 ou 16. C'était le maximum
d'après ces études.
Peut-être que ma réponse ne vous satisfait pas, mais c'est
une question qui est politique que de décider du niveau d'ensemble des
ressources. Je le prends par cette illustration du ratio
étudiants-professeur. Une fois ceci fait, les formules
s'élaborent après cela, je pense, assez bien avec la bonne
volonté des techniciens. Je pense qu'on a maintenant aussi les bases de
données au ministère pour le faire. Il faut bien dire que dans
l'étude de 1984 il y avait des difficultés dans les bases de
données et les techniciens ne peuvent corriger cela non plus.
M. Jolivet: Tout à l'heure vous avez aussi fait mention de
la tâche d'enseignement. On dit une tâche normale si on veut faire
de la recherche, si on veut s'occuper à d'autres fonctions autour de la
tâche d'enseignement, c'est une tâche d'environ quatre, en moyenne
toujours bien entendu, sauf que, comme le ministre, j'ai été un
peu surpris de voir qu'il n'y avait pas de statistiques précises. On en
a aux niveaux primaire, secondaire et cégep, mais au niveau
universitaire on n'en a plus. Quelles sont les raisons pour lesquelles on n'en
a plus? C'est peut-être une question que l'on pourrait poser. Mais en
contrepartie le rapport Gobeil dit: Augmentation de 50 % de la tâche, et
on ne dit pas pourquoi et quelles sont les sources et quel effet cela aurait.
En même temps, d'un autre côté, vous dites: En ce qui
concerne les étudiants, cela n'est peut-être pas notre
décision, on vous suggère cependant d'en prendre une qui est de
hausser les frais de scolarité.
Lorsqu'on arrive aux frais de scolarité, on dit: Comparons-les
avec les frais de scolarité en Ontario. Il faut faire attention: la
richesse collective est de 25 % environ plus basse au Québec qu'en
Ontario. Il faut tenir compte du taux de chômage en Ontario par rapport
au Québec. Il faut tenir compte de l'ensemble de la tradition que le
Québec a par rapport à l'Ontario, si on prend cette comparaison.
Donc, effectivement on commence mal notre comparaison si on s'en va là
et si on n'a pas les données pour les vraies comparaisons.
D'un autre côté, on dit: Si on augmente les frais de
scolarité, on va vous proposer d'ajuster votre système de
prêts et bourses. Tout è l'heure vous faisiez mention beaucoup
plus de bourses que de prêts, mais la décision gouvernementale
prise, cela a été l'inverse: beaucoup plus de prêts que de
bourses. Mais cela a des effets sur la personne qui au bout de la course,
à cause de son statut, manque de 200 $, 300 $ ou 400 $; et par
conséquent l'accessibilité est plus difficile pour cet
étudiant ou étudiante. Pourrait-on vous poser une question: dans
ce que vous proposez d'ajuster au système de prêts et bourses,
pour protéger les étudiants les moins nantis de tous les effets
négatifs et par le fait même éviter d'accroître leur
endettement, quelles sont les modalités que vous nous suggérez
comme conseil?
M. L'Écuyer: D'abord sur la question de la tâche,
cela fait plusieurs fois que cela revient, on pourrait vous préparer un
petit mémoire de deux ou trois pages qui vous expliquerait un peu
comment on voit la situation. Cela pourrait répondre aux questions que
vous posiez préalablement.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous retenons
votre suggestion.
M. L'Écuyer: D'accord. En ce qui concerne les prêts
et bourses, nous avons bien dit que nous sommes, nous aussi,
préoccupés par la nécessité de protéger les
étudiants démunis. Et dans ce contexte-là, nous l'avons
écrit et nous l'avons dit, nous considérons qu'il est
préférable d'augmenter les bourses. Nous ne souhaitons pas que
les prêts soient augmentés, parce que lorsque vous augmentez les
prêts, c'est clair que ceux qui sont touchés, vous augmentez
l'endettement des étudiants les plus démunis. Même si
effectivement le système de prêts et bourses au Québec est
un système très large et très généreux dans
l'ensemble, il reste que nous considérons, au conseil, qu'il faudrait en
même temps augmenter et les frais de scolarité et les bourses pour
les étudiants les plus démunis. De cette façon-là,
la question de la richesse collective ou du taux de chômage n'est pas une
question qui devrait être prise en considération parce que l'on
protège justement les étudiants qui sont dans la situation
difficile.
On a des agences de publicité aujourd'hui qui sont suffisamment
efficaces, on devrait être capables de faire comprendre à tout le
monde dans notre population que, s'il y a des problèmes au niveau du
financement, on serait capable de les régler par le système de
prêts et bourses.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.
M. Jolivet: Dans votre document, toujours aux pages 21 et 22,
vous parlez de mesures de financement diversifiées. Vous parlez de
mesures fiscales pour encourager les individus et les entreprises à
participer au financement des universités. Pouvez-vous préciser
davantage les mesures fiscales que vous pourriez proposer, que vous envisagiez
quand vous avez fait ces propositions, qui vont nous permettre d'encourager
les
organismes et les individus extérieurs aux milieux universitaire
et gouvernemental?
M. L'Écuyer: II y a plusieurs types de mesures fiscales
qui peuvent être envisagées. Il y en a qui sont déjà
en vigueur à certains endroits. Par exemple, il y a des
dégrèvements - exactement sous quelle forme, je ne le sais pas -
fiscaux pour les compagnies qui font des dons d'équipements aux
universités. Dans le cadre de notre étude sur le secteur de
l'ingénierie, on avait noté au Québec que les
dégrèvements étaient moins généreux
qu'ailleurs. Donc, on disait: II y a peut-être lieu d'améliorer
cette question. (18 h 45)
Par ailleurs, on note aussi qu'au niveau des dons des particuliers, vous
pouvez observer assez facilement, surtout dans les milieux anglophones, que
depuis longtemps plusieurs universités ont des "endowment funds" qui
leur permettent une certaine marge de manoeuvre. Je pense qu'on n'est pas
encore prêt au Québec... En tout cas, nos universités
francophones n'ont pas vraiment encore ce type de fonds, mais on pourrait sans
doute inviter nos gens à participer ou inciter nos gens è
participer plus au financement des universités par certaines formes de
dégrèvements fiscaux.
Évidemment, on n'a pas étudié cela dans le
détail. D'abord, c'est une suggestion que nous faisons et il faudrait
que le ministre des Finances ou le gouvernement y montre un certain
intérêt, auquel cas il y aurait peut-être lieu d'examiner
plus attentivement comment cela se produit ailleurs. Il faudrait voir si cette
question intéresse dans un certain sens. Je pense que, dans des cas
comme cela, on peut faire preuve d'imagination.
M. Jolivet: Vous avez parlé de mécanismes
concernant la spécialisation des universités. Ma collègue
vous a posé des questions au niveau régional. Est-ce que je
pourrais vous poser une question qui est sous-jacente à celle-là,
d'une certaine façon? Vous faites mention dans votre document de la mise
en place de mécanismes de concertation. On sait, comme vous le dites,
que la concertation entre les personnes est souvent un défi très
particulier et difficile dans certains cas. Donc, quels sont les moyens, les
mécanismes pour que cette coordination, cette concertation ait lieu?
Coordination régionale, coordination nationale, de quelle façon
voyez-vous cela?
M. L'Écuyer: II y a plusieurs niveaux de concertation.
C'est une question, à l'heure actuelle, que nous étudions au
conseil, qui a fait l'objet d'une partie de nos travaux l'an dernier et que
nous poursuivons actuellement. Il y a certainement la concertation sur une base
provinciale et nous souhaitons, quant à nous, au conseil, que toutes les
universités soumettent - ce n'est peut-être pas le bon mot - ou,
en tout cas, nous transmettent leur plan de développement. Si nous
connaissions les plans de développement des institutions, nous serions
sans doute plus en mesure de réagir, peut-être de faire des
commentaires sur ces plans de développement de façon à
essayer de concilier les plans de développement avec les ressources
disponibles. Donc, la question des plans de développement, pour nous,
c'est quelque chose d'assez important.
Il y a un deuxième aspect qui nous intéresse beaucoup et
nous sommes actuellement très engagés dans ce domaine. Il s'agit
des études sectorielles, c'est-à-dire que secteur par secteur
nous examinons ce qui se fait au Québec en termes de programmes, en
termes de clientèles, en termes de recherches, etc., et nous essayons de
dégager des grandes lignes pour le développement à venir.
Nous avons une de ces études qui est terminée sur
l'ingénierie; nous serons en mesure, dans les prochaines semaines, de
déposer le bilan d'une étude que nous faisons en science de
l'éducation et, éventuellement, de proposer un avis au ministre
dans lequel on pourrait lui faire des suggestions quant à l'avenir
à donner là-dedans.
Donc, ce sont deux avenues possibles. Il reste aussi que, sur le plan
régional, nous souhaitons que s'accentue la concertation entre
cégeps et universités. Les mécanismes à prendre?
Dans certains cas, il y a eu des essais, des initiatives intéressantes
où des universités et des cégeps se sont mis ensemble pour
discuter de cette question. Nous pensons que c'est une question très
importante parce que la transition cégep-université, c'est une
transition névralgique pour nos étudiants. Il y a un taux de
perte qui est assez élevé à ce niveau. S'il n'y a pas de
concertation, il est très certain qu'il y aura des recoupements que nous
pouvons éliminer par une meilleure concertation entre les deux
niveaux.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
Président. J'informe les membres de la commission que je
reconnaîtrai dans l'ordre, pour la dernière ronde d'interventions,
le député de Sherbrooke, la députée de
Marie-Victorin, la députée de Chicoutimi et le ministre de
l'Éducation. M. le député de Sherbrooke.
M. Hamel: M. le président du Conseil des
universités, ma question est très brève. Peut-être
qu'elle exigerait un peu plus de temps mais, enfin, ce sera un tour de force de
votre part.
Dans le chapitre 5 concernant la coordination des universités,
j'aimerais, si c'était possible, que vous précisiez davantage
le rôle que vous souhaitez voir jouer par le ministère de
l'Enseignement supérieur dans cette coordination, concertation des
universités.
M. L'Écuyer: Cela a été une question qui...
Écoutez, dans le contexte actuel, le Conseil des universités a
une mission d'examen des nouveaux programmes, des programmes existants et des
activités en général d'enseignement et de recherche des
universités. Ces examens sont publics; ils font habituellement l'objet
d'une étude complète qui donne lieu à des résultats
publics qui sont soumis à la discussion des universités. De cette
façon, les universités ont une certaine garantie, si vous voulez,
d'une certaine transparence, en tout cas, dans ces évaluations.
Nous ne faisons que des recommandations, par la suite. Nous pensons que
le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science est
celui qui doit appliquer ces recommandations si, évidemment, le ministre
les juge pertinentes. Nous acceptons, bien sûr, tout à fait
volontiers que, pour d'autres raisons, le ministre diverge d'opinion avec nous.
Mais, si ces recommandations sont acceptées, bien, il revient au
ministère de trouver les moyens de les mettre en application. Souvent,
nous essayons tout de même de garder un certain contact, de façon
à ne pas leur suggérer des choses qui sont tout à fait
irréalistes, mais nous pensons que le ministère peut ou doit
trouver, dans bien des cas, les moyens qui permettent d'inciter les
universités à aller dans les directions que nous suggérons
ou qui sont retenues. Ou encore, lorsqu'il y a des programmes à mettre
sur pied, bien il le fait. Donc, il doit y avoir une symbiose entre ce que nous
faisons et l'application de ces choses.
C'est un peu le partage des responsabilités, tel qu'il est
actuellement dans le domaine de la coordination, tel qu'il se fait
actuellement. Évidemment, j'en reste là.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: En ce qui concerne justement les étudiants
de premier cycle, pour ce qui est des abandons, est-ce que vous avez
constaté ou est-ce qu'on pourrait... En tout cas, vous dites qu'il y a
une augmentation de la clientèle au niveau de l'éducation
permanente ou du cycle court. Est-ce que c'est comme le principe des vases
communicants? Du fait d'une augmentation des frais de scolarité,
à un moment donné, les jeunes abandonnent, ils s'en vont
plutôt dans d'autres formules où c'est plus adapté à
leurs besoins? Est-ce que vous avez déjà fait une étude
dans ce sens-là où il y aurait des preuves qui pourraient
étayer ces dires?
M. L'Écuyer: C'est un peu... Disons que, dans une
première étape, le rapport de notre comité d'étude
suggérait un peu que c'était un processus qui pouvait se faire,
peut-être pas tellement à cause de la question des bourses; en
tout cas, il suggérait que, peut-être, on engageait trop de nos
étudiants dans des programmes courts.
Or, une des choses que nous avons découvertes au cours de la
consultation qui a suivi - les universités, là-dessus, nous ont
fait parvenir des données qui ont permis de très bien
étayer cette question - c'est que ce ne sont pas du tout les mêmes
clientèles. Les clientèles des programmes courts, ce sont les
clientèles adultes, des gens dont l'âge moyen se situe le plus
souvent autour de la trentaine, alors que les gens des programmes
réguliers, ce sont des jeunes. Autre chose, les gens des programmes
courts, ce sont habituellement des clientèles sur le marché du
travail. Dans une étude que nous avions faite des étudiants
à temps partiel dans nos universités, nous trouvions que 90 %
d'entre eux étaient sur le marché de l'emploi. Donc, ce n'est pas
du tout le même genre de clientèle. Les raisons qui incitent les
uns à s'engager dans des programmes courts sont vraiment, très
souvent ou très fortement, liées à des
préoccupations du marché du travail. D'ailleurs, si vous regardez
les clientèles ou les programmes les plus populaires, vous allez trouver
que, en très grande majorité, ce sont des programmes du
côté de l'administration, de la santé et de la
sécurité au travail, et des sciences infirmières. Ce sont
presque tous des programmes destinés à des fins précises
ou, en tout cas, qui sont très fortement reliés à des
préoccupations du marché du travail.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Brièvement,
parce que j'imagine qu'à cette heure, tout le monde a faim et je dois
dire qu'une présentation aussi longue est aussi particulièrement
épuisante, pour avoir eu l'occasion déjà de participer
à ce genre d'exercice. D'ailleurs, je voudrais dire au président
qu'on a accepté de terminer plus tard que prévu pour,
précisément, éviter qu'on coupe votre présentation
en deux, ce qui, généralement, enlève un certain mouvement
et, j'ajouterais peut-être, pour vous éviter de revenir ce soir.
Mais on vous y invite quand même.
Vous nous avez apporté un certain nombre d'éclairages sur
différents points. On a déjà une meilleure perception des
problèmes et quelques éléments de solutions. Il y a des
questions qui restent en suspens, questions qui touchent l'accessibilité
- vous comprendrez ma préoccupation - des
questions qui touchent les abandons scolaires. Est-ce qu'ils sont
davantage le fait des étudiants issus des milieux
socio-économiques faibles?
Il y a une question à laquelle vous pourrez peut-être me
répondre un peu plus tard. À la question de mon collègue
de Laviolette à propos de la concertation, vous avez répondu que
la concertation devrait être privilégiée
particulièrement dans les régions entre les cégeps et les
universités pour éviter les chevauchements. Il reste à
voir s'il y a plus de chevauchements dans les régions qu'il n'y en a
dans les grands centres. Évidemment, plusieurs questions sont
demeurées sans réponse. Vous me faites signe que non et,
effectivement, je pense qu'à un moment donné vous avez
débordé des régions sur des questions plus
générales.
M. L'Écuyer: Quand j'ai employé le mot
"régions" ici, j'ai voulu parler de communautés locales
plutôt que de régions. Cela s'applique tout aussi bien -
peut-être pas suivant les mêmes modalités - au milieu urbain
qu'aux régions, comme vous l'entendez.
Mme Blackburn: Très bien. Merci, M. le président.
Voilà au moins une autre réponse.
Alors, je voudrais vous remercier et souhaiter, à la suite du
ministre, que nous puissions conserver, au Québec, rattaché au
ministère de l'Enseignement supérieur, le Conseil des
universités. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M.
le ministre de l'Education.
M. Ryan: Je ne sais pas si je dois comprendre que Mme la
députée de Chicoutimi veut également conserver le Conseil
des collèges, son ancien fief.
Mme Blackburn: Je le souhaiterais également.
M. Ryan: Ce n'était qu'un argument indirect pour
défendre d'abord le Conseil des collèges. Ce sont des blagues que
je fais, évidemment.
Je pense que nous avons eu une rencontre très profitable avec le
Conseil des universités. Il y a des points d'interrogation qui demeurent
dans nos esprits; c'est tout à fait normal au tout début de la
démarche que nous entreprenons. Nous allons continuer ensemble et je
suis sûr que le Conseil des universités va suivre de près
les travaux de la commission. Si le conseil voulait, en cours de route, nous
envoyer des avis, des compléments au mémoire ou des
compléments d'information sur un sujet ou l'autre, comme certains que
nous avons soulevés cet après-midi, il sera tout à fait
bienvenu pour le faire, cela nous rendrait bien service.
Je remercie tous les membres du Conseil des universités, encore
une fois à commencer par le président, et tous les autres membres
que nous reconnaissons ici cet après-midi, les collaborateurs du
personnel, également, et je les assure de notre cordiale collaboration.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Au nom des membres de la commission, M. L'Écuyer, je veux vous
remercier pour le travail que vous avez accompli en préparant le
mémoire à l'intention de la commission et pour vous être
dérangé pour venir nous rencontrer ici aujourd'hui. Je vous
invite à faire parvenir aux membres de la commission les documents
supplémentaires que vous avez offerts d'envoyer au ministre de
l'Éducation. Merci beaucoup.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 h 30, alors qu'elle
recevra la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec.
(Suspension de la séance à 18 h 58)
(Reprise à 20 h 44)
Le Président (M. Parent, Sauvé):
Mesdames et messieurs, la commission de l'éducation reprend ses
travaux qu'elle a suspendus avant l'heure du souper. Nous avons ce soir
à l'ordre du jour l'audition des représentants de la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec. Nous allons les entendre. Leur représentant est M. David
Johnston, président, principal et vice-chancelier de l'Université
McGill. M. Johnston, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de cette
commission. Je vous remercie aussi d'avoir pris la peine de faire tout ce
travail de préparation de mémoire et de venir de Montréal
rencontrer les membres de la commission.
Nous avons environ une heure et demie à notre disposition. Par
contre, sî cela prend un peu plus de temps, sentez-vous bien à
l'aise, nous allons appliquer les règles d'une façon très
souple. Le but de la commission, je vous le répète, comme je l'ai
dit à ceux qui vous ont précédé cet
après-midi, c'est de mettre tout en oeuvre pour tâcher d'aller
chercher le plus de renseignements possible.
Avant de commencer, M. Johnston, je vous inviterais à nous
présenter les gens qui vous accompagnent et à enchaîner
avec votre présentation.
Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec
M. Johnston (David): Merci, M. le Président. Je vous
remercie d'abord de
l'occasion qui nous est donnée de représenter la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec. À ma gauche, Dr Hugh Scott, principal de Bishop's
University et deuxième vice-président de la conférence des
recteurs et membre du comité exécutif; à ma gauche, le
professeur Aidée Cabana, qui est recteur de l'Université de
Sherbrooke, conseiller de notre comité exécutif de la
conférence des recteurs; à ma droite, M. Gilles Boulet, recteur
de l'Université du Québec et aussi premier vice-président
de notre conférence; à la droite de M. Boulet, M. Patrick
Kenniff, recteur de l'Université Concordia et
secrétaire-trésorier de la conférence des recteurs.
Nous avons préparé notre mémoire, comme vous l'avez
mentionné. Si vous voulez des renseignements additionnels ou des
réponses écrites à des questions, nous serons très
heureux de préparer l'information additionnelle et tous les
détails que vous suggérez. Pour le moment, notre porte-parole
sera M. Boulet pour la présentation du mémoire. Ensuite, tous les
cinq, nous sommes disponibles pour répondre à vos questions. M.
Boulet, s'il vous plaît.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
président. M. Boulet, nous vous écoutons.
M. Boulet (Gilles): M. le Président, M. le ministre,
mesdames, messieurs, je me permets de vous lire un résumé du
mémoire que la conférence des recteurs vous a
présenté. Ce résumé, c'est au fond le texte complet
du mémoire moins un certain nombre de coupures qu'on y a faites. Je
suivrai cependant les pages du mémoire. Nous n'avons pas de
véritable résumé; alors, quand vous me verrez tourner les
pages, cela voudra dire que nous passons à un texte qui est sur la page
suivante.
Dans l'avis de consultation générale publié par le
Secrétariat des commissions, il était précisé que
votre commission avait été chargée d'étudier "les
orientations et le cadre de financement du réseau universitaire
québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années
ultérieures". C'est de cela que nous parlerons, mais il est bien
évident qu'il ne s'agira pas seulement de cela. Il s'agira aussi et
surtout, en dernière analyse, de l'avenir même du Québec.
Car nous ne parlons pas d'autre chose. Nous parlons bien de l'avenir du
Québec et des inquiétudes qu'il nous inspire, quand nous
dénonçons la situation de sous-financement chronique dans
laquelle la décennie qui s'achève a progressivement placé
nos établissements.
Est-il nécessaire de rappeler l'aveu que nous avons fait ici
même il y a deux ans? La qualité de nos activités
d'enseignement et de recherche diminue. Ce que cela signifie, en clair, c'est
que nos établissements, faute de ressources suffisantes, sont de moins
en moins aptes à former la main-d'oeuvre hautement qualifiée dont
le Québec a besoin et dont il aura, dans les années à
venir, un besoin de plus en plus grand.
Les difficultés grandissantes que nos universités
éprouvent à bien remplir leur mission d'enseignement et de
recherche n'ont pas seulement pour effet de mettre en péril les
progrès fulgurants que le Québec a faits en matière
d'enseignement supérieur. Elles ont surtout le malheur de compromettre
l'avenir même du Québec.
Depuis 1978-1979, c'est avec une régularité de
métronome que des compressions budgétaires ont été
imposées, année après année, à nos
établissements. Ces compressions successives les ont progressivement
placés dans une situation de sous-financement qui a maintenant acquis un
caractère chronique.
La question du sous-financement de nos universités a
été abondamment analysée et documentée au cours des
dernières années, notamment par le conseil des
universités, la Conférence des recteurs et les
établissements eux-mêmes. Vous nous permettrez d'attirer votre
attention sur trois données qui illustrent de façon
particulièrement significative l'ampleur du problème. 1. le
Conseil des universités, reprenant les données du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la 5cience,
évalue à près de 280 000 000 $ les compressions
imposées au secteur universitaire depuis le début de la
période des compressions en 1978-1979. Nous pensons, pour notre part,
que le manque à gagner que les universités ont eu à subir
pendant cette période s'établit plutôt à 420 000 000
$, soit plus de 40 % de l'enveloppe des subventions. 2. Ces compressions,
conjuguées a l'augmentation importante des clientèles
étudiantes qui s'est produite pendant cette période, ont fait
chuter de plus de 25 % le coût par étudiant en termes
réels, ce qui équivaut à une augmentation de
productivité de plus de 35 %. 3. Au terme de l'année 1985-1986,
le déficit d'opération de l'ensemble des établissements
atteignait 36 000 000 $, portant ainsi le déficit accumulé des
universités à 85 000 000 $.
D'autres indices permettent de juger du caractère
particulièrement sévère des compressions qui ont
été imposées à nos universités. Nous
choisissons souvent l'Ontario comme point de comparaison. Peut-être
est-ce à tort, car il se trouve que l'Ontario est, parmi les neuf autres
provinces, une de celles qui ont les revenus par étudiant les plus bas.
On ne nous reprochera pas d'avoir choisi un point de comparaison situé
trop haut.
Dans son avis sur "La politique de financement des universités
pour l'année
1986-1987", le Conseil des universités démontre qu'en
termes réels l'enveloppe des subventions, en Ontario, augmentera de 2,3
% en 1986-1987, alors qu'au Québec elle diminuera de 1,7 %.
Les effets combinés de l'augmentation des ressources en Ontario
et de la diminution des ressources au Québec devraient avoir pour
conséquence de porter, au terme de la présente année,
à environ 50 % l'écart dans les coûts par étudiant
entre ces deux provinces. Est-il utile d'ajouter que dans les autres provinces
et aux États-Unis les taux de croissance de l'aide gouvernementale aux
universités ont été, au cours des dernières
années, nettement supérieurs à ceux qu'on a pu observer au
Québec et en Ontario? Est-il nécessaire de rappeler qu'en
décembre dernier le Conseil des universités évaluait
à 100 000 000 $ les sommes additionnelles qu'il aurait fallu ajouter
à l'enveloppe des universités, dès l'année
1985-1986, pour seulement rattraper l'Ontario qui, il n'est pas inutile de le
souligner à nouveau, constitue pourtant au Canada l'un des points de
comparaison les plus bas? Compte tenu des données les plus
récentes, ce montant de 100 000 000 $ devrait être sensiblement
réévalué à la hausse.
On ne saurait terminer cet exposé sur les compressions sans dire
un mot de leur impact sur le ratio étudiants-professeur qui est
maintenant supérieur à 18, le plus élevé au Canada,
sinon en Amérique, sur les déficiences de l'encadrement des
étudiants à tous les cycles, sur le vieillissement des effectifs,
sur la pénurie et la désuétude des équipements
scientifiques, sur l'acquisition de livres et de périodiques, bref, sur
la qualité de l'enseignement et de la recherche qui, il faut le
répéter, hélas, baisse.
Nous terminerons là-dessus en soulignant que, pour ce qui touche
la scolarisation, le développement des études de 2e et 3e cycles
et la recherche, le Québec a encore un retard important à
rattraper.
À peu près tout le monde reconnaît aujourd'hui que
la recherche est l'un des principaux moteurs du développement
économique de nos sociétés. Les pays les plus
avancés au plan technologique et industriel l'ont compris depuis
longtemps, et ils consacrent au développement de la recherche une part
significative de leur produit intérieur brut. L'avancement des
connaissances, de nos jours, n'est pas une finalité abstraite: il
détermine le progrès socio-économique.
Il faut souligner à ce sujet que, parmi les pays de l'OCDE, le
Canada est l'un de ceux qui consacrent le plus faible pourcentage de son
produit intérieur brut à la recherche-développement. Alors
que ces pourcentages sont nettement supérieurs à 2 dans les
principaux pays de l'OCDE, ils sont respectivement de 1,36 au Canada, de 1,71
en Ontario et de 1,05 au Québec.
Même si la proportion des dépenses de recherche
réalisées par le secteur universitaire, au Canada et au
Québec, est semblable à celle qu'on peut observer dans plusieurs
pays de l'OCDE, il n'en demeure pas moins que le financement public de la
recherche universitaire en pourcentage du produit intérieur brut est
nettement inférieur au Québec à tout ce que l'on trouve
dans les pays les plus industrialisés.
Pourtant, selon l'étude Lacroix-Dulude, "les pays les plus
cités en exemple pour leur dynamisme en recherche et
développement industriels comme le Japon, l'Allemagne, la Suède
et la Suisse n'ont pas négligé, pour autant, la recherche
universitaire. Ces pays ont connu une croissance forte des dépenses de
recherche universitaire au cours des années soixante-dix et ont l'effort
relatif de recherche universitaire le plus élevé".
Dans ce contexte, les universités doivent assumer des
responsabilités importantes: la recherche fait partie intégrante
de leur mission. Parce que c'est elles qui forment la main-d'oeuvre hautement
qualifiée, les universités fournissent l'infrastructure
scientifique d'un pays. À ce sujet, il faut souligner le lien
étroit qui existe entre la recherche et le développement des
études de 2e et 3e cycles, qui constitue une priorité pour le
Québec.
Ce sont aussi les universités qui exécutent la
quasi-totalité de la recherche fondamentale réalisée au
Québec; elles réalisent également une bonne part de la
recherche appliquée et jouent un rôle de premier plan dans le
domaine de la recherche-développement, en participant activement
à des projets réalisés en collaboration avec l'entreprise.
11 est donc essentiel que la recherche universitaire soit
protégée, soutenue et valorisée.
Cette exigence s'applique tout particulièrement aux
activités de recherche libre, dont le développement est une
condition fondamentale de l'innovation industrielle et du progrès
technologique. En l'occurrence, les programmes que gèrent le Fonds pour
la formation de chercheurs et l'aide à la recherche (FCAR), le Fonds de
recherche en santé du Québec (FRSQ) et le Conseil
québécois de recherche sociale (CQRS) répondent à
des besoins qu'il est indispensable de combler. Le rôle de
complémentarité qu'exercent ces organismes par rapport aux
conseils fédéraux de recherche ne diminue pas l'importance des
objectifs qu'ils poursuivent, bien au contraire: ces organismes apportent, en
effet, une contribution vitale à la promotion de l'excellence et
à la formation de la main-d'oeuvre hautement qualifiée; ils
contribuent également à favoriser la participation des chercheurs
québécois aux programmes fédéraux d'aide à
la recherche, à combler les
besoins propres à certains secteurs et à consolider
l'infrastructure de recherche. Ces efforts doivent être encouragés
et renforcés par un financement stable et adéquat.
Malheureusement, les difficultés financières des
universités affectent gravement leur capacité de soutenir les
activités de recherche qu'elles poursuivent. Le problème des
coûts indirects de la recherche en est un bon exemple. L'Association
canadienne du personnel administratif universitaire évalue ces
coûts à 100 % des composantes salariales des subventions de
recherche. Les universités n'ont plus les moyens d'absorber ces
coûts indirects à même leurs ressources.
Ce fardeau est devenu intolérable, au point qu'on ne sait trop
s'il faut se réjouir de voir augmenter le volume des subventions
obtenues ou s'en désoler, car l'obtention d'une nouvelle subvention
entraîne automatiquement une augmentation des coûts indirects de la
recherche. Nos universités sont victimes d'un bien curieux paradoxe: le
succès en recherche subventionnée, ce n'est pas payant, c'est
ruineux. Il est temps que le gouvernement reconnaisse la recherche comme une
composante de la mission universitaire et qu'il tienne compte des exigences qui
s'y rattachent en adoptant des mesures de financement adéquates. Dans
l'élaboration d'une nouvelle formule de financement, on devra de
façon beaucoup plus réaliste qu'on ne l'a fait jusqu'ici tenir
compte des coûts de la recherche.
C'est M. Jean de Grandpré, président du conseil,
président et chef de la direction d'Entreprises Bell Canada qui, en
1984, six mois avant que nous comparaissions ici même, déclarait
devant la Chambre de commerce et d'industrie du Québec
métropolitain que le moment était venu d'investir dans
l'enseignement supérieur des sommes comparables ou supérieures
à celles qu'investissent d'autres pays. Le message de M. de
Grandpré était clair. Il l'est toujours: le gouvernement du
Québec doit accorder la priorité à l'éducation et
plus particulièrement à l'enseignement et à la recherche
universitaires. (21 heures)
II n'est pas difficile de se faire une assez juste idée de
l'ampleur de l'effort que l'ensemble de nos établissements ont consenti
pour réduire leurs dépenses au cours des neuf dernières
années, tout en répondant à une demande accrue pour leurs
services. Il suffit de mettre l'évolution de leurs dépenses en
parallèle avec les clientèles étudiantes qu'au cours de la
même période ils ont accueillies annuellement. On constate que
notre coût par étudiant, en termes réels, ne
représentait plus en 1985-1986 que 74 % de ce qu'il était en
1978-1979. Ceci équivaut à une hausse de productivité de
près de 35 % et représente sans doute l'indice le plus
éloquent des efforts faits par nos universités au cours des neuf
dernières années pour améliorer leur performance. Peut-on
sérieusement envisager de leur demander d'augmenter encore leur
productivité?
Dans les mémoires qu'ils présenteront à votre
commission, les établissements feront sans doute état des mesures
draconiennes qu'ils ont prises au cours des neuf dernières années
pour réduire leurs dépenses et augmenter leur
productivité. Mais il nous paraît de prime abord exclu que nos
établissements puissent réduire encore leurs dépenses par
étudiant, en tout cas, à court terme.
En revanche, nous n'excluons pas que, dans le cadre de certaines
opérations de rationalisation auxquelles les établissements
pourraient procéder en se concertant, certaines économies
puissent, à moyen ou à long terme, être faites. Mais
attention: la concertation ne va pas de soi. Il faut, pour qu'un projet puisse
être réalisé en concertation, qu'un certain nombre de
conditions soient réunies.
Nous ne partons pas de zéro. Certains grands projets de
programmes ont été élaborés et mis en oeuvre
conjointement par deux, trois, parfois quatre établissements. C'est
notamment le cas des programmes conjoints de doctorat en administration, en
génie biomédical, en sciences de l'intervention psychosociale et
en communication, et c'est également le cas du programme conjoint de
maîtrise en muséologie. Il faut aussi mentionner l'entente sur le
transfert de crédits académiques et de frais de scolarité,
à laquelle tous les établissements participent et qui permet
à un étudiant de prendre, sans déboursé
additionnel, dans une université d'accueil, un cours qui n'est pas
offert dans son université d'attache. Mentionnons enfin les efforts de
rationalisation de nos bibliothèques qui ont conduit à la mise
sur pied d'un service de prêt entre bibliothèques, à la
constitution d'une liste collective ordinolingue des périodiques, au
partage de l'achat de collections coûteuses, etc.
Nous pourrions donner d'autres exemples non moins significatifs, tels
l'évaluation des projets de nouveaux programmes ou les services
collectifs que les universités se sont donnés en matière
d'admission: mécanisme de contrôle des acceptations multiples,
bulletins cumulatifs uniformes des candidats en provenance des collèges,
statistiques d'admission. Restons-en là. Ces quelques exemples
démontrent qu'en matière de concertation nos
établissements n'en sont pas à leurs premières armes.
Si elles tirent une légitime fierté de ces
réalisations, les universités reconnaissent volontiers que des
améliorations sont encore possibles et elles sont disposées
à poursuivre leurs efforts de rationalisation en
concertation. Elles croient cependant qu'on se berce d'illusions si on
s'imagine qu'après neuf années de compressions successives les
universités peuvent réaliser à court terme de nouvelles
économies. Elles croient que c'est dans une perspective de moyen et de
long terme que devrait être envisagée toute mesure de
rationalisation additionnelle que Ton pourrait leur proposer.
Elles croient enfin que c'est à certaines conditions qu'on pourra
s'assurer à l'avance que de nouvelles opérations de
rationalisation seront couronnées de succès. Ces conditions sont
les suivantes. Premièrement, il faudrait assainir le climat de
concurrence créé par l'imposition de compressions indues et par
l'utilisation abusive que l'on a faite de la technique du
prélèvement sur l'enveloppe de chacun pour financer de nouvelles
dépenses. Ce qu'il faut créer, c'est un climat d'émulation
axé sur la poursuite de la qualité et de l'excellence.
Deuxièmement, on ne saurait trop insiter sur l'absolue
nécessité d'assurer une stabilité des règles de
financement. Les changements qui sont apportés à la
définition des secteurs ou aux choix des années de base pour fins
de calcul des variations de clientèles, par exemple, ou encore les
retards avec lesquels sont connues les subventions finales des
universités, rendent difficile, sinon impossible, toute
planification.
Troisièmement, on ne devrait procéder à aucun
changement aux règles budgétaires sans avoir d'abord pris le
temps de simuler les effets de leur application, d'en discuter avec les
universités et, le cas échéant, de prévoir une
période et un mécanisme de transition de façon à en
faciliter l'implantation. Tout changement aux règles budgétaires
devrait être officiellement annoncé au moins un an à
l'avance.
Quatrièmement, il serait indispensable que le ministère
simplifie les règles de financement, de façon à en assurer
la transparence. La complexité et la lourdeur des règles
actuelles font qu'elles sont difficilement compréhensibles.
Cinquièmement, il faudrait reconnaître qu'il existe telle
chose que des coûts de rationalisation. Leur inconvénient, c'est
qu'ils sont parfois élevés. Leur avantage, c'est qu'ils ne sont
généralement pas récurrents. Le volet
"réaménagements de programmes" du Fonds de développement
pédagogique ne saurait suffire è financer tous les coûts de
rationalisation. Il faudrait le repenser ou, à tout le moins, le
compléter par un ensemble de mesures visant à apporter un soutien
financier suffisant aux établissements qui, seuls ou avec d'autres,
s'engagent dans des actions de rationalisation.
Enfin, des rencontres régulières, au plus haut niveau,
entre le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science,
le Conseil des universités et la conférence des recteurs,
devraient être convoquées par le ministre. Les discussions
devraient porter sur les grandes questions touchant l'avenir de l'enseignement
supérieur. Ces rencontres auraient pour objectif de favoriser une
meilleure harmonisation des points de vue sur les priorités de
développement de l'ensemble du système d'enseignement
supérieur et une allocation optimale des ressources.
Réalisées dans ces conditions, des opérations de
rationalisation auraient de grandes chances d'être couronnées de
succès. Mais, c'est à moyen et long terme que de telles
opérations pourraient avoir les répercussions souhaitées
sur le financement des universités.
On n'échappe pas à la nécessité d'augmenter
leurs ressources à court terme.
Les subventions que nos universités reçoivent du
gouvernement du Québec constituent la plus grande partie de leurs
ressources: leurs budgets d'opération sont maintenant financés
à plus de 85 % par le gouvernement. Un peu moins de 15 % des revenus de
nos universités leur viennent d'autres sources. Nous traiterons d'abord
de leurs autres revenus, c'est-à-dire essentiellement des frais de
scolarité.
Sauf imprévu, le Québec pourra bientôt fêter
le vingtième anniversaire du gel des frais de scolarité de ses
étudiants universitaires. Il faut le souligner, cela fait du
Québec, en matière de financement de l'enseignement
supérieur, un cas tout à fait exceptionnel au Canada: le
Québec est la seule province où la part des coûts de
formation que les étudiants assument diminue d'année en
année.
Au début des années soixante-dix, les frais de
scolarité représentaient environ 18 % des revenus de
fonctionnement des universités au Québec et en Ontario. Cette
proportion s'est légèrement accrue depuis ce temps en Ontario,
alors qu'elle est maintenant inférieure à 10 % au
Québec.
Tous les établissements membres de la conférence des
recteurs ne tirent pas les mêmes conclusions de ce constat. Certains sont
d'avis qu'il ne faut pas revenir sur ce que tout le monde considère
comme un "choix de société", alors que d'autres estiment que le
moment est venu de revenir sur ce choix qui leur paraît, au plan social,
inéquitable. Personne ne nie que le gel des frais de scolarité
ait pu avoir pour effet de faciliter l'accès aux études
supérieures. Certains pensent, cependant, que nos établissements
auraient tout intérêt à jouir d'une structure de
financement semblable à celle des universités des autres
provinces.
Mais toutes les universités s'entendent néanmoins pour
dire qu'advenant une hausse des frais de scolarité celle-ci devrait
d'abord servir à redresser une situation générale de
sous-financement qui est devenue intolérable. Le rattrapage qu'au plan
du financement nos
universités doivent faire est absolument considérable et
il est urgent qu'elles le fassent. Compte tenu de cela, nous pensons que le
gouvernement devrait s'interdire de profiter d'une augmentation des frais de
scolarité pour réduire sa contribution au financement de nos
établissements. C'est, par ailleurs, sans délai qu'advenant un
dégel des frais de scolarité il devrait consacrer des
crédits à une amélioration de son programme de prêts
et bourses, de sorte que les étudiants qui en ont les aptitudes puissent
bénéficier de tout le soutien financier dont ils auraient besoin
pour entreprendre ou poursuivre des études universitaires devenues plus
coûteuses.
Par ailleurs, les efforts que nos universités font pour
diversifier leurs sources de revenus sont de plus en plus souvent
couronnés de succès. En dix ans, la part de leurs revenus venant
d'autres sources que les subventions gouvernementales et les frais de
scolarité a pratiquement doublé. Mais ces autres revenus varient
beaucoup d'une année à l'autre. Il faut, par ailleurs, noter que
ce sont surtout les autres revenus non admissibles au "fonctionnement" qui
augmentent.
Il faut à cet égard souligner le caractère
spectaculaire - le mot n'est pas trop fort - du rapprochement que d'un commun
accord les universités et les grandes entreprises sont en train
d'effectuer. La création du forum entreprises-universités, la
mise en oeuvre du projet d'un centre d'initiatives de Montréal et
l'implantation du parc technologique de la région de Québec
constituent trois manifestations de cet extraordinaire esprit de collaboration
qui est en train de s'instaurer entre le monde des affaires et les milieux de
l'enseignement supérieur. On assiste à une véritable
floraison de projets qu'entreprises et universités s'engagent à
réaliser conjointement. Tout cela est extrêmement prometteur.
Mais tout cela ne saurait constituer un substitut à un
financement de base que seul l'État est en mesure d'assumer et qu'il a
le devoir d'assurer aux établissements d'enseignement
supérieur.
Les subventions gouvernementales. Il est indispensable de redonner
à nos établissements les moyens d'assurer à leurs
étudiants la qualité de formation que notre époque exige.
Et il est impérieux de permettre a nos universités de faire
encore plus de recherche qu'elles n'en font et de former encore plus de
chercheurs qu'elles ne le font. C'est l'avenir même du Québec qui
l'exige.
Il ne suffira pas de permettre à nos établissements de
sortir de la situation de sous-financement chronique dans laquelle ils sont. Il
faudra également leur donner les moyens de se développer et
d'atteindre un très haut niveau d'excellence. Le moment est venu
d'augmenter de façon substantielle le niveau des ressources mises
à la disposition de nos établissements.
Nous savons bien que les ressources dont le gouvernement dispose sont
limitées et qu'il fait des efforts importants pour réduire son
déficit budgétaire. Par ailleurs, nous n'ignorons rien des
dangers que fait planer sur tout notre système d'enseignement
postsecondaire la loi C-96 qui vise à réduire dès cette
année les transferts fédéraux au titre du financement des
programmes établis. Nous sommes conscients de tout cela.
Et c'est conscients de tout cela que nous osons répéter
ici ce que nous avons déclaré le 22 mai dernier, à Ottawa,
devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales.
Permettez-nous de nous citer: "Quelle que soit l'issue du débat actuel
sur le financement de l'enseignement postsecondaire et sur les
responsabilités du gouvernement fédéral et des
gouvernements provinciaux en matière d'enseignement supérieur,
les ressources allouées à ce secteur par les différents
gouvernements ne devraient pas être réduites, mais plutôt
accrues. Il faut surtout éviter que la question du partage des
responsabilités entre gouvernements ne serve de prétexte à
une réduction dans le financement de l'enseignement
supérieur."
Il appartiendra au gouvernement de prendre une décision quant aux
frais de scolarité. Mais qu'il décide de procéder à
leur dégel, de perpétuer leur gel ou de tout simplement les
supprimer ne changera rien à la nécessité dans laquelle
les impératifs de notre époque le placent d'augmenter sa propre
contribution au financement de l'enseignement et de la recherche
universitaires. Notre époque ne lui laisse pas le choix: l'enseignement
supérieur doit être sa première priorité.
Conclusion. Les établissements universitaires du Québec,
c'est plus de 200 000 étudiants et plus de 30 000 employés, c'est
un budget annuel de plus de 1 500 000 000 $, dont 300 000 000 $ en subventions
de recherche, c'est quelques dizaines de milliers de nouveaux étudiants
qui, bon an mal an, remplacent un nombre toujours plus grand de
diplômés des 1er, 2e et 3e cycles qui sortent du système et
mettent à la disposition de 6 000 000 de Québécois leur
compétence et leur savoir.
Nos universités, c'est l'instrument qui fera que le Québec
sera ou ne sera pas dans la course du progrès scientifique et
technologique et, en conséquence, dans celle du développement
économique, social et culturel. (21 h 15)
II est, par conséquent, essentiel que le gouvernement en fasse sa
première priorité, car c'est un avenir sombre que le
Québec se préparerait s'il persistait à ne pas
favoriser
un renouvellement régulier du personnel enseignant de ses
universités, à laisser s'appauvrir les collections des
bibliothèques, à ne pas renouveler les équipements
scientifiques et è laisser ceux qui sont encore utiles se
dégrader, à ne pas assurer un entretien adéquat des biens
meubles et immeubles de ses universités. Le prix que le Québec
aurait à payer pour cette négligence serait
considérable.
Pour finir, nous formulerons quelques souhaits. Nous souhaiterons que
les travaux de votre commission soient l'occasion d'une prise de conscience
vive des dangers que court actuellement le système universitaire
québécois et, partant, du fait qu'il est a la croisée des
chemins; que votre commission comprenne qu'il faut considérer le
financement de l'enseignement et de la recherche universitaires moins comme une
dépense que comme un investissement dont dépend l'avenir du
Québec et des Québécois; enfin, que le rapport que fera
votre commission marque le début d'une nouvelle période de
développement des universités.
Au nom de mes collègues de la conférence des recteurs
comme au mien, au nom de l'ensemble de la communauté universitaire du
Québec, je vous remercie, M. le Président, M. le ministre,
mesdames, messieurs, de l'attention que vous avez portée à nos
propos.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
vice-président, M. Boulet, nous vous remercions de votre intervention.
Je reconnais maintenant le ministre de l'Éducation.
M. Ryan: M. le Président, je suis heureux de saluer le
président de la conférence des recteurs et des principaux, le
président de l'Université du Québec et de leurs
collègues qui les accompagnent avec la délégation de la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec ce soir. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire cet
après-midi, en ma qualité de ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science, j'ai une sympathie particulière
à l'intention de ceux qui assurent la direction de nos
établissements universitaires. Ayant eu l'occasion de causer
fréquemment avec vous, d'abord pendant le temps, très heureux
à certains points de vue, de l'Opposition, Mme la députée
de Chicoutimi, et depuis que nous assumons les responsabilités du
pouvoir, j'ai toujours apprécié la franchise de nos
échanges et essayé de comprendre l'acuité des
problèmes qui se posent à vous.
Je pense que, dans les institutions que vous dirigez, les postes de
responsabilité sont plus durs à assumer dans le contexte actuel
que dans un contexte d'abondance. Déjà, les universités
sont des institutions difficiles à diriger en soi à cause de
l'extrême diversité des constituantes qui les composent, mais dans
la période de rareté de ressources que nous vivons depuis
déjà plusieurs années c'est encore plus difficile. L'un de
mes soucis majeurs, c'est de trouver, avec mes collègues du
gouvernement, des moyens qui permettraient d'alléger quelque peu votre
charge.
J'ai écouté les représentations dont nous a fait
part, en votre nom, M. le président de l'Université du
Québec et je pense que, sur les grands problèmes reliés
directement au financement, il existe un consensus de plus en plus large. On
peut emprunter une année comme base de comparaison plutôt qu'une
autre et on arrive à des pourcentages différents, mais je pense
que les sources dont nous nous inspirons sont de plus en plus communes. Dans la
mesure où nous arriverons à identifier les problèmes dans
quelques propositions simples et très solidement
démontrées et largement acquises entre nous tous, des deux
côtés de la Chambre d'abord, vous autres et nos concitoyens qui
oeuvrent dans les organismes de presse, dans les différents mouvements
sociaux, je pense que ce consensus aidera beaucoup le gouvernement à
trouver et è appliquer éventuellement les solutions qui sont
désirées de nous tous.
J'étais content de voir au moins une allusion dans votre
mémoire - je l'ai trouvée très brève, par exemple -
au contexte budgétaire général dans lequel le gouvernement
actuel a été appelé à assumer les
responsabilités du pouvoir. Nous étions sortis de
l'élection avec l'idée de faire de très grandes choses.
Nous croyions que nous aurions une marge de manoeuvre un peu plus grande que
celle qui nous fut laissée. On peut toujours apprécier ce qui est
une marge de manoeuvre de manière différente suivant la
philosophie politique dont on s'inspire, évidemment, mais nous autres
avons conclu que la marge était extrêmement mince. Et, comme j'ai
eu l'occasion de vous le dire à l'époque, nous avons
travaillé fort pour faire en sorte que, dans l'ensemble des mesures
d'austérité arrêtées par le gouvernement, le secteur
de l'éducation et, en particulier, celui des universités auront
été parmi les moins affectés.
Nous savons que ce qui a été fait cette année
n'améliore pas la situation. La subvention par étudiant, en
valeur réelle, aura continué de reculer quelque peu.
J'espère que nous trouverons assez rapidement les moyens d'en venir
à renverser cette tendance.
Nous attendions des lumières de votre mémoire. Je
comprends qu'à une conférence des recteurs cela ne doit pas
être facile de faire un consensus. J'ai vu, sur la question des sources
de revenus, que c'est un peu chez vous comme dans un parti politique; il y a
toutes sortes de courants d'opinion.
J'attendais une position claire, mais, d'après ce que je vois, il
y en a qui sunt qui et sunt qui, comme on disait autrefois dans notre bon vieux
latin. Nous enregistrons ces choses et je pense bien que chaque organisme va
donner la mesure du consensus qui existe entre ses membres aussi. Cela ne nous
empêche pas d'enregistrer le problème de base. Je veux vous
assurer que moi, je fais tout ce qui est possible pour persuader mes
collègues de la députation d'abord et, ensuite, du gouvernement
de l'existence réelle et de l'acuité de ces problèmes.
En cours de route, évidemment, nous faisons face à un
certain nombre d'interrogations sur lesquelles il faut s'arrêter. Je
pense que c'est un des objets de la commission. Je vais vous adresser quelques
questions qui vont dans ce sens. Il y en a une qui a été
soulevée cet après-midi avec le Conseil des universités,
mais j'éprouve le devoir de la soulever à nouveau avec vous comme
je devrai le faire demain avec la fédération des associations de
syndicats de professeurs. C'est la question relative a la charge de travail des
professeurs d'université. Je me permettrai, pour éviter que la
députée de Chicoutimi ne vienne essayer de mettre de la division
dans les rangs du gouvernement, de citer moi-même un certain rapport
auquel elle a l'air de s'intéresser particulièrement.
Comme vous le savez, il y a un groupe de travail qui a été
formé sur la révision des fonctions et organisations
gouvernementales. Il y a eu quelques groupes de travail. Il y en a eu trois, je
pense. Les membres de ce groupe de travail, pour l'information de tous, ont
signé le document en question. C'était M. Marcel Bélanger,
M. Pierre Lortie, M. Yvon Marcoux. Il y avait aussi M. Jean-Claude Rivest. Il y
a une petite note en bas. Cela va nous payer une pinte de bon sang. Ils disent:
À ce titre, M. Rivest est signataire du premier rapport et de l'annexe.
La lettre de transmission au début du deuxième rapport indique
pourquoi il n'a pas été en mesure de le signer. Vous voyez qu'il
faut faire attention quand on interprète les choses. M. Rivest a dit
qu'ayant été engagé à temps plein par le
gouvernement à titre de conseiller senior aux Affaires
constitutionnelles à compter d'avril - il est nommé juste
à temps - il n'a pas pu formellement endosser les recommandations du
groupe de travail. C'est une blague que je fais. Je me paie votre
tête.
Dans le rapport du groupe de travail, on dit ceci, et j'aimerais
beaucoup avoir votre réaction là-dessus, M. le président,
ou celle de vos collègues qui voudront s'exprimer a ce sujet. Au niveau
universitaire, on évalue en moyenne que la charge d'enseignement d'un
professeur est de deux cours de 45 heures par semestre et de quatre cours par
année pour un total de 180 heures. Bien que la majorité des
autres universités canadiennes ne détermine pas de charges
explicites d'enseignement par professeur, celles qui le font ont une norme de
trois cours par semestre, ce qui est 50 % plus élevé que la
charge implicite des universités québécoises. Dans les
universités américaines, la charge peut atteindre quatre cours
par semestre. Il serait donc justifié de hausser la charge
d'enseignement des professeurs d'université en tenant compte de l'aspect
répétitif de certains cours qu'ils dispensent. Le nombre de cours
devrait passer de quatre à six par année, ce qui
équivaudrait à faire passer les heures d'enseignement de six a
neuf heures par semaine ou de 180 à 270 heures par année. On dit
que l'économie potentielle pour le gouvernement pourrait être en
moyenne de 45 000 000 $ pour chaque heure supplémentaire, ce qui ferait
135 000 000 $ si la charge passait de six à neuf heures par semaine.
C'est un rapport qui a été présenté au
gouvernement l'été dernier, qui n'a pas encore été
examiné au gouvernement, comme j'ai eu l'occasion de le dire cette
après-midi. Je pense bien qu'en temps utile on me demandera des
explications sur ce point là. Je voudrais profiter de la rencontre que
nous avons avec vous pour vous demander vos commentaires sur ce point
précis.
M. Johnston: M. le Président, M. le ministre, c'est une
question importante et nous voulons avoir l'occasion d'y répondre par
écrit parce que c'est une question importante pour vous et pour la
presse. C'est très important, quand on répond à une
question comme celle de la charge des professeurs, de comparer les pommes avec
les pommes.
Premièrement, nous avons ici au Québec un ratio
étudiants-professeur de presque 19. Comme nous l'avons mentionné,
c'est pire que la moyenne canadienne et que la moyenne nord-américaine.
Deuxièmement, nos universités n'ont pas d'année
pré-universitaire comme la plupart des grandes universités
canadiennes et américaines. Troisièmement, nous avons dans nos
universités une responsabilité très importante pour la
recherche avec un défi considérable pour les études de 2
et 3 cycles qui exigent une attention plus particulière des professeurs.
Finalement, il s'agit du type de programmes, du type de cours. C'est plus
facile d'avoir peut-être dix ou douze heures d'enseignement dans un cours
répétitif de langue, par exemple, que dans un cours de 2 ou 3
cycle dans le domaine des sciences, de la médecine, etc.
Je dis simplement que c'est très important d'examiner
soigneusement la charge de travail de nos professeurs dans nos
universités. Nous voulons avoir l'occasion de
répondre soigneusement à cette question. Patrick, vous
avez une réponse aussi?
M. Kenniff (Patrick): M. le Président, je voudrais tout
simplement appuyer l'intervention faite par le président de la
conférence des recteurs et indiquer que la situation est
extrêmement complexe, que la charge de travail d'un professeur comprend
à la fois l'enseignement, la recherche et le service à la
collectivité.
D'une université à l'autre, l'appréciation de la
charge de travail peut varier suivant les conventions collectives et suivant
l'évaluation qu'on fait de la charge de recherche et de service à
la collectivité. Ce sont des charges qui sont très difficiles
à chiffrer, à quantifier.
J'ai eu le plaisir de vous informer, M. le ministre, il y a quelques
mois, que dans mon université la charge d'enseignement était plus
élevée que la moyenne recommandée par le Conseil des
universités. Je pense que nous ne sommes pas la seule université
à pouvoir vous souligner de pareils chiffres. Je pense cependant que,
dans l'évaluation globale de la situation, il faut tenir compte de
l'ensemble de la charge de travail des professeurs. Malgré la
recommandation que vous avez lue du rapport que vous avez sous les yeux, je
vous suggère que les économies qui pourraient être
réalisées par une augmentation de la charge de travail des
professeurs qui serait réalisée, je ne sais pas trop comment, par
fait du gouvernement ou par d'autres moyens, ne seraient pas aussi
considérables que le rapport l'indique. Elle seraient assez marginales
par rapport à l'ensemble du problème financier des
universités qui se chiffre, selon qu'on prend le déficit
accumulé des institutions, à au-delà de 80 000 000 $ ou,
si on prend la situation de sous-financement selon ce qui est
évalué par le Conseil des universités, qui est un montant
beaucoup plus considérable que toute économie qui pourrait
être réalisée grâce à une augmentation
hypothétique de la charge de travail des professeurs suivant quelque
formule que l'on veuille adopter. (21 h 30)
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le
ministre de l'Éducation.
M. Ryan: Merci. Pardon?
M. Jolivet: C'est une autre raison pour faire venir M.
Gobeil.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Une autre question qu'on entend soulever assez souvent,
surtout dans les milieux syndicaux, sur les campus universitaires, a trait aux
charges administratives des universités. J'ai lu un certain nombre
d'articles au cours des dernières années dans lesquels on dit: Le
pourcentage des dépenses dans nos universités qui va pour les
frais administratifs, le personnel de cadres administratifs est très
élevé, plus élevé que dans l'ensemble des
institutions de même nature ailleurs. Je ne sais pas si vous avez des
données là-dessus. Vous avez sûrement eu connaissance de
ces objections parce qu'elles sont de caractère public. J'aimerais
profiter de la rencontre de ce soir pour vous demander des explications
à ce sujet.
M. Johnston: M. le Président, nous avons
préparé une petite réponse è cette question qui
concerne la comparaison entre les dépenses administratives en Ontario et
au Québec. Encore est-il très important de comparer les pommes
avec les pommes. Pour certains, la part des dépenses administratives
dans les dépenses de fonctionnement général des
universités sera au Québec trop élevée
comparativement à ce que l'on observe dans les autres provinces
canadiennes. Mais il faut comparer ce qui est comparable. Ainsi, nous pensons
que nous avons deux bonnes raisons de corriger les données que l'on
mentionne de temps en temps: premièrement, il s'agît de variations
importantes dans le service de la dette et, deuxièmement, de la
structure particulière du système d'enseignement universitaire
québécois. Quand on élimine ces deux
phénomènes qui faussent la comparaison avec les autres provinces
canadiennes, on obtient un tableau où les dépenses
administratives du Québec sont juste un peu supérieures aux
dépenses de l'Ontario et du Canada. Il faut tenir compte de certaines
caractéristiques qui différencient nettement le Québec des
autres provinces au plan administratif. Qu'on songe simplement au fait que le
système universitaire québécois est certainement le plus
décentralisé au Canada et que la syndicalisation du personnel est
plus importante ici qu'ailleurs. Il y a des caractéristiques un peu
différentes. Quand on regarde les différences comme cela, les
dépenses administratives du Québec sont en général
semblables aux dépenses administratives dans tout le Canada.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
ministre.
M. Ryan: Si vous pouviez m'envoyer des précisions sur ce
point-là, M. Johnston, je l'apprécierais. Vous avez dit que vous
aviez des données. Cela nous intéresserait beaucoup de les avoir.
C'est un point sur lequel on voudrait avoir des choses claires à
présenter à nos collègues.
Une autre question: À propos du niveau de financement, je n'ai
pas très bien saisi la portée exacte de votre intervention.
Vous
dîtes qu'il faut que l'on ajuste le niveau de l'aide
accordée aux universités, que ce soit sous une forme ou sous
l'autre. Est-ce qu'au point de vue de niveau vous épouseriez en gros les
propositions du Conseil des universités? Allez-vous dans le même
sens ou si vous avez des choses différentes à dire
là-dessus?
M. Johnston: En général, nous sommes d'accord avec
les grands principes de l'intervention du Conseil des universités devant
cette commission parlementaire et, en général, avec les grands
principes des interventions du Conseil des universités pendant les
dernières années.
M. Kenniff: M. le Président, si vous me le permettez, M.
le ministre a souligné tout à l'heure les grandes
difficultés que nous avons en tant que chefs d'établissements
à nous entendre. Il me semble que cela a plus de force, le fait que l'on
se soit entendu sur la déficience du niveau général de
financement des universités au Québec.
Le Président (M. Parent, Sauvé): II y a au moins un
point où il y a consensus. M. le ministre.
M. Ryan: Je ne veux pas tourner le fer dans la plaie, pas du
tout. Sur les déficits que les universités ont encourus ces
dernières années, surtout certaines d'entre elles dont trois, je
pense, sont représentées à la table actuellement, est-ce
qu'il y a une position de la Conférence des recteurs et des principaux
des universités du Québec sur la manière dont ils
devraient être résorbés, étant donné qu'il
n'en était pratiquement pas question dans votre mémoire?
M. Johnston: M. le Président, si je comprends bien la
question, je pense que c'est possible d'y répondre d'une façon
très simple. Il n'y a pas consensus sur cette question et c'est facile
de comprendre pourquoi. C'est parce que l'incidence du déficit est
différente selon les établissements.
Nous sommes d'accord avec le principe en général, à
savoir que le financement des universités du Québec est un
problème chronique qui touche tous les établissements, mais sur
la question de la réabsorption du déficit, nous n'avons pas de
consensus.
M. Ryan: On a beaucoup parlé du mode de distribution des
subventions. Je crois qu'il a été établi à quelques
reprises, du moins d'une manière approximative, que te mode actuel de
distribution des subventions engendre des inéquités d'un
établissement à l'autre. Il y a un accord assez
général pour désirer une réorganisation du mode de
partage des subventions gouvernementales.
Est-ce que la conférence des recteurs s'est arrêtée
sur ce problème et a des propositions à faire sur les
critères qui devraient présider à un nouveau mode de
distribution des subventions?
M. Johnston: M. le Président, M. le ministre, c'est facile
de donner plusieurs réponses qui n'épuisent pas totalement la
question. Premièrement, la conférence des recteurs est unanime
sur l'importance d'une formule claire et simple qui maintienne ces
règles pour une assez longue période. Souvent, les changements
sont difficiles.
Deuxièmement, nous sommes d'accord avec l'importance d'un bon
système de recensement des étudiants. Par exemple, le travail sur
le système RECU est un travail que nous avons fait en commun et nous
sommes d'accord avec l'importance d'une façon de compter la
clientèle qui est claire, qui est égale et qui est
honnête.
Troisièmement, je pense que nous sommes presque totalement
d'accord avec la proposition que le système actuel n'est pas un
système acceptable. Le système historique a des injustices pour
tous les établissements.
Quatrièmement, quand on imagine un nouveau système, il y a
des gagnants et des perdants. C'est la difficulté d'avoir
l'unanimité dans notre conférence sur un système A ou un
système B, si on a certaines universités qui gagnent et certaines
universités qui perdent. C'est la raison pour laquelle nous croyons que
c'est important pour le Conseil des universités, pour le
ministère de l'Enseignement supérieur d'analyser le
problème, la formule et de concevoir un système qui serait plus
égal, avec la possibilité pour chaque établissement de
réagir par des commentaires. Mais la décision finale est, bien
sûr, la décision de votre ministère. Y a-t-il d'autres
commentaires?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
ministre.
M. Ryan: Je ne sais pas, sur les autres sources possibles de
revenus, pour ce qui est des subventions gouvernementales, vous nous dites
qu'il faudrait que ce soit augmenté. Au point de vue du niveau, vous
semblez partager l'avis du Conseil des universités dans l'ensemble. Je
ne veux pas vous lier à cet avis, mais c'est peut-être l'opinion
la plus définie qu'on ait reçue sur le sujet, la plus
autorisée aussi probablement.
Je ne sais pas, sur les frais de scolarité, si je pourrais vous
demander de préciser un peu ce que vous dites dans votre mémoire.
Vous dites: II y en a qui disent ceci, qui disent cela. Est-ce qu'il y a
quelque chose que vous auriez a ajouter là-dessus ou si vous voulez nous
laisser avec ces propos légèrement sibyllins?
M. Johnston: Cette question est difficile. Comme vous l'avez vu,
il n'y a pas de consensus. Un des grands problèmes, c'est qu'on a peur,
au sein des membres de la conférence, que, si on hausse les frais de
scolarité, on réduise les subventions gouvernementales. C'est un
des problèmes soulevés au cours des discussions concernant les
frais de scolarité. Mon université et moi-même, nous avons
nos propres idées sur cette question et chaque université ici a
sa propre philosophie sur cette question. Sur ce qui est utile, c'est difficile
de dire plus que les mots du mémoire. Patrick.
M. Kenniff: M. le Président, j'ajouterai à cela
qu'une des critiques formulées unanimement par les universités,
c'est que la formule actuelle, dont notre président a souligné
les lacunes, est critiquable également du fait que toute source autonome
de financement, que ce soit des frais de scolarité ou des subventions
provenant du secteur privé, c'est autant de sommes d'argent qu'on va
défalquer de la subvention générale du gouvernement.
Le régime suivant lequel on finance les dépenses nettes
des universités fait en sorte que toute tentative d'user d'initiative de
la part des universités est réprimée, si j'ose ainsi
parler, par une réduction de la subvention gouvernementale.
Ce que nous proposons, c'est que, quelle que soit la formule que nous
retenions en définitive, une certaine marge de manoeuvre soit
laissée aux universités pour user de leur initiative pour lever
les fonds dont elles ont besoin pour financer leurs activités.
Par ailleurs, sur la question des frais de scolarité, je pense
que la réticence des recteurs d'universités s'explique en partie
du fait que, évidemment, c'est un régime qui est en vigueur par
décrets des gouvernements successifs depuis bientôt 20 ans. Et
plus cette situation perdure, plus elle est difficile à changer. Par
ailleurs, nos étudiants en général ont un sens de la
loyauté vis-à-vis des établissements qu'ils
fréquentent et, souvent, ils ont consenti des efforts individuels
à l'appui de nos institutions. Ils se sentent, parfois, un peu
placés en porte-à-faux, parce qu'on leur demande et on demande
aux institutions universitaires d'appuyer le gouvernement sur des mesures qui
visent à augmenter leurs frais au-delà de ce qu'ils ont
même parfois volontairement consenti.
Cela étant dit, je pense qu'il faut reconnaître que la
situation actuelle est intenable. D'une part, le gouvernement ne permet pas aux
universités de lever des fonds de source autre que le gouvernement et,
d'autre part, le gouvernement réduit les montants qui sont disponibles
pour le financement des universités à même ses propres
subventions. Je pense que là où il y aurait un consensus au sein
de la conférence des recteurs, c'est pour dire que, quelle que soit la
décision ultime du gouvernement, il faudrait que l'augmentation de
revenus de quelque source que ce soit profite aux universités
plutôt qu'au fonds consolidé du revenu. À ce titre, je
pense que, pour ma part, je suggérerais très fortement que la
solution, que ce soit par les frais de scolarité ou par d'autres sources
de financement, soit une solution au problème du développement
des universités du Québec et non pas une solution à
d'autres problèmes.
M. Ryan: Juste une dernière question, si vous me le
permettez, dans un autre ordre d'idées. J'ai été
frappé de constater que, sur certaines questions vitales qui prennent de
plus en plus d'importance, on dispose d'assez peu de données,
finalement, qui permettraient de progresser dans l'étude des situations.
Je vous donne deux exemples. On a parlé du corps professoral, par
exemple. Je remarque que, chez nous, les statistiques dont nous disposons sur
ce sujet sont très peu satisfaisantes. On a parlé du taux
d'abandon, du taux de persévérance dans les études. Encore
là, on a très peu de données qui soient disponibles,
à l'heure actuelle, pour nous permettre de nous former une opinion
réelle, une opinion fondée sur la valeur productive de notre
système universitaire. (21 h 45)
Je regrette un peu, mais on est rendu qu'on va aller pourchasser les
professeurs jusque dans les dernières demi-heures de leur régime
hebdomadaire. Pendant ce temps, le produit sort de nos institutions et on n'a
pas beaucoup d'éléments pour mesurer combien cela nous
coûte d'efforts et d'argent réellement, parce qu'il y a toutes
sortes de données qui nous font défaut. Je ne sais pas comment
vous voyez ce problème et si vous seriez prêts à collaborer
avec le ministère pour qu'on mette au jour sur ces questions des
statistiques plus détaillées. J'ai l'impression qu'on va avoir
besoin de cela davantage à mesure qu'on va avancer.
M. Johnston: Nous sommes d'accord avec l'importance de travailler
ensemble dans ce but, parce que c'est la responsabilité du gouvernement
d'assurer la productivité et la qualité de nos institutions.
Deuxièmement, c'est très important pour nous comme partenaires de
montrer à nos concitoyens que nous avons de l'efficacité dans nos
établissements. Nous sommes d'accord avec l'importance de travailler
ensemble. Je suggère quelque chose: premièrement, chacun de nos
établissements a son conseil d'administration qui a une
responsabilité très importante pour l'efficacité de
l'institution. C'est très important de renforcer son rôle de
conseiller le gouvernement. Deuxièmement, il s'agit d'un produit
intangible, le produit intellectuel. C'est difficile de le mesurer, mais on a
l'évaluation par les collègues, par les étudiants, par les
pairs dans le domaine de la recherche avec la possibilité pour les
étudiants de choisir les programmes, de choisir l'université. On
a des critères, mais, en général, M. le ministre, je suis
d'accord avec l'importance qu'il y a de développer des critères
d'évaluation plus concrets. M. Cabana.
M. Cabana (Aldée): M. le Président, pour ajouter
une dimension à cette question qui est posée, il est
évident que nous sommes d'accord sur l'utilité qu'il y aurait
d'obtenir des données plus précises, de meilleures
données. Mais j'aimerais ici mettre un peu les gens en garde. On veut
toujours avoir les meilleures données, plus de données, des
données plus précises et on est pris, à
l'université, à remplir des formulaires assez complexes, des
analyses qui doivent être extrêmement complexes. Je pense qu'il y a
des coûts reliés à l'obtention de telles données. Je
pense qu'il faudrait relier cela à une question qui a été
posée au préalable, à savoir qu'il est inquiétant
de voir que certains coûts administratifs pourraient être
considérés comme excessifs. Mais je pense que c'est relié
a cela. C'est sûr que des données additionnelles, nous sommes
d'accord que ce serait utile d'en avoir, mais je pense qu'il faut faire
attention dans ce domaine.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je
reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition en
matière d'éducation, Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Permettez-moi
d'abord de saluer le président de la conférence des recteurs et
les personnes qui l'accompagnent. Je ne voudrais pas reprendre l'essentiel de
ce qui se retrouve dans votre mémoire. Je me suis fait la
réflexion en le lisant, à voir l'insistance que vous mettiez
à faire un rapport entre la scolarisation, le savoir et le
développement économique, que vous aviez compris que le seul
argument susceptible de faire réagir un peu ce gouvernement devait
être à caractère économique. Je dois vous dire,
cependant, que je partage cette opinion et je pense que, de façon
générale, la plupart des pays reconnaissent que le savoir est
appelé à jouer aujourd'hui dans le développement
économique le rôle que jouait le capital il y a quelques
décennies. Et, à cet égard, je ne saurais trop insister
avec vous sur la nécessité de continuer à faire de
l'éducation une priorité.
Je ne voudrais pas indûment vous prendre à témoin de
nos divergences, le ministre et moi-même, sur certaines questions, mais
je ne peux pas passer sous silence l'allusion que le ministre faisait à
l'état du budget et des finances que le précédent
gouvernement lui a laissés. Je me permettrai juste de rappeler qu'en
campagne électorale le chef de l'Opposition a, à maintes reprises
et constamment, réitéré et rappelé qu'il n'avait
pas de marge de manoeuvre et qu'on avait effectivement une situation
financière difficile.
M. Ryan: Ils avaient tout dépensé. Je ne pensais
pas qu'ils nous avaient endetté tant que cela.
Mme Blackburn: Bien. M. le Président, j'aurais le
goût de relever la référence faite par le ministre au
rapport Gobeil. Je rappellerai exclusivement deux choses. Je trouve très
habile de la part du ministre de vouloir distancer le président du
Conseil du trésor du rapport. Cependant, qu'il me soit permis de
rappeler ici que le président du Conseil du trésor a
utilisé toutes les tribunes depuis février dernier jusqu'à
juin pour annoncer quasiment l'essentiel du contenu qu'on a retrouvé
finalement dans le rapport Gobeil. Alors, qu'on veuille nous dire qu'à
un moment donné il n'était pas partie prenante aux orientations
de ce rapport, il me semble que c'est important qu'on se rappelle cela et, si
c'était nécessaire, je pourrais sortir des textes d'allocutions
de M. Gobeil, mais ce ne sera pas nécessaire. Toutefois, la
décision touchant la pertinence d'entendre le président du
Conseil du trésor en cette commission trouve sa réponse dans la
citation du rapport Gobeil que faisait tantôt le ministre.
Là-dessus, M. le Président, je vais prendre votre
mémoire dans l'ordre plutôt que selon ce que j'appellerais l'ordre
des priorités de mes préoccupations. En page 16, parlant de la
recherche, au deuxième paragraphe, vous dites: "À ce sujet, il
faut souligner le lien étroit qui existe entre la recherche et le
développement des études de 2e et 3e cycles, qui constitue une
priorité pour le Québec." Cet après-midi, le
président du Conseil des universités ne semblait pas faire un
rapport étroit entre la recherche et le 2e et le 3e cycles. Il
n'estimait pas utile la présence d'un 2e et d'un 3e cycles pour faire de
la recherche et pour l'enrichir. Je voudrais avoir votre réaction
là-dessus.
M. Johnston: M. le Président, Mme la
députée, j'ai ma philosophie très personnelle et la
philosophie de mon université. C'est très important d'avoir les
deux ensemble, la recherche et l'enseignement, particulièrement aux 2e
et 3e cycles, mais aussi au 1er cycle parce que nous sommes des
universités. Nous ne sommes pas des collèges, nous ne sommes pas
des écoles. La responsabilité d'une université est de
développer les cerveaux et
c'est très important de porter les étudiants jusqu'aux
frontières des connaissances dans une certaine discipline. Pour qu'un
professeur puisse faire cela dans une salle de cours, il doit faire de la
recherche aussi afin de renouveler sa curiosité intellectuelle et ses
connaissances. Nous avons, en Amérique, un système où la
recherche et l'enseignement vont ensemble. Le système de l'Allemagne est
différent avec les grands instituts de recherche. Je crois que c'est
très important de maintenir la tradition de l'Amérique du Nord
dans nos universités parce que cela coûterait cher de
développer un autre système de recherche qui serait isolé
ou séparé des universités et de l'enseignement des 2e et
3e cycles. Pour nous, c'est possible, d'accomplir les deux ensemble, la
recherche et le développement des jeunes chercheurs de 2e et 3e cycles.
Ainsi, pour moi, ce n'est pas une question d'équilibre, c'est une
question de philosophie très fondamentale que d'avoir les deux ensemble
dans nos universités. Finalement, nous n'avons pas la capacité,
comme société, de développer deux systèmes
différents, particulièrement quand nous n'avons pas une grande
tradition de recherche dans l'industrie au Québec et au Canada. C'est
très important d'utiliser nos universités pour cette
responsabilité. Autre commentaire?
M. Scott (Hugh): Peut-être juste un commentaire qui peut
avoir l'air un peu malin, mais je pense que cela rejoint un peu le concept
qu'il est possible et même fort important, comme notre président
l'a dit, qu'une institution de 1er cycle puisse faire de la recherche, mais on
ne peut pas imaginer les 2e et 3e cycles sans recherche. Dans ce concept, quand
ils ont dit! On ne peut pas diviser les deux, cela veut dire: cela
dépend où on commence. Si on commence avec la volonté de
faire un 2e et un 3e cycles, par définition, on ne peut pas faire cela
sans la recherche. Par contre, l'inverse n'est pas nécessairement vrai,
c'est-à-dire que la recherche est essentielle même avec le 1er
cycle.
Mme Blackburn: Toujours dans le même domaine, à la
page 17 vous parlez des programmes que gèrent le FCAR et
différents organismes de recherche au Québec. Vous avez
sûrement pris connaissance de la recommandation du rapport Gobeil sur la
restructuration des organismes et des fonds de recherche. Je vaudrais avoir
brièvement votre réaction par rapport à cette proposition
qui dit qu'on devrait le faire dans deux grands secteurs d'activité,
c'est-à-dire les sciences humaines et les sciences de la nature.
M. Johnston: Nous n'avons pas de position à la
conférence sur cette question.
C'est une question qu'on débat. Moi, je suis d'avis que nous
avons un système assez efficace maintenant avec les trois conseils du
Québec comme au niveau fédéral avec les trois conseils de
recherche. Ce n'est pas impossible de penser à un système
comprenant les trois ensemble. Je préfère maintenir un
système qui fonctionne bien maintenant, mais ce n'est pas une position
inflexible. D'autres commentaires?
Mme Blackburn: Toujours dans le domaine de la recherche et cela
touche le financement fédéral de la recherche, vous connaissez
certainement le budget et la proposition quant aux conseils sub-ventionnaires
fédéraux qui s'appelle la formule de pairage. Cela comporte un
certain nombre d'imprécisions relativement aux modalités
d'application. On se demande s'il y a un plafonnement des crédits du
financement du secteur privé. Est-ce qu'il y a un maximum par rapport
à ce qui serait ajouté par les fonds de recherche, ainsi de
suite? Je voudrais vous voir réagir là-dessus.
M. Johnston: Je ne comprends pas exactement la question.
Gilles?
M. Boulet: II y a eu un certain nombre de discussions entre les
universités canadiennes d'une part, et aussi au niveau de la
conférence des recteurs à propos des modalités
d'application du pairage de subventions du gouvernement fédéral
et de l'industrie pour les grands conseils de la recherche. La
conférence des recteurs a mis sur pied un comité au niveau de ses
vice-recteurs enseignement ou responsables de ta recherche pour préciser
sa position. Je pense que l'on peut dire que la position d'ensemble des
universités du Québec actuellement se situe à un point
où les universités voudraient que dans ce pairage le gouvernement
tienne compte, jusqu'à un certain point, de l'université qui a
provoqué la subvention de l'industrie et qui provoque le pairage mais
que le pairage ou, devrait-on dire, ses produits financés par le
gouvernement fédéral aillent majoritairement aux grands conseils
eux-mêmes. Il y a eu quelques positions, je pense que c'est de
l'Université de Toronto en particulier, qui ont essayé d'orienter
vers les universités provocatrices tout l'argent, y compris celui qui
aurait été alloué aux grands conseils de recherche, de
sorte que ceux-ci ne seraient plus devenus, pour cette partie de leur budget,
qu'un bureau de poste. Je ne pense pas que ce soit la position d'aucune des
universités du Québec.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Y a-t-il d'autres
interventions?
M. Boulet: Elle n'est pas retenue, semble-t-il, finalement.
(22 heures)
Mme Blackburn: Elle n'est pas retenue. Bien.
Une autre question sur le chapitre que vous appelez "les conditions de
la concertation". Vous citez un nombre d'exemples impressionnant
d'activités de concertation entre les différentes
universités. Pourriez-vous me dire si la concertation s'est davantage
développée dans certaines universités ou entre certaines
universités ou si c'est le fait de façon générale
de toutes les universités?
M. Kenniff: Évidemment, il y a une occasion à
saisir dans la région de Montréal qui est très importante,
c'est-à-dire qu'il y a quatre universités. Il s'est
manifesté depuis quelques années une concertation au plan des
programmes qui s'est matérialisée par des programmes
d'études de 2e ou de 3e cycle, des programmes conjoints, le doctorat en
administration, le projet de doctorat en communications et d'autres projets
semblables qui sont le fait des quatre universités montréalaises.
Il y a...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je regrette, mais
je dois vous interrompre en vertu de nos règles de procédure. Je
dois obtenir le consentement des deux côtés de l'assemblée
pour dépasser 22 heures. Est-ce que j'ai consentement? Consentement.
Poursuivons. Merci.
M. Kenniff: Au plan de la recherche, il y a également des
manifestations concrètes de concertation comme la formation du Centre de
recherche informatique de Montréal. Le Centre de recherche informatique
est un projet réalisé avec l'entreprise privée
également. Présentement, il y a un projet de centre d'initiative
à Montréal. Si vous regardez, par exemple, les subventions
d'actions structurantes, vous allez voir qu'il y a un grand nombre
d'équipes qui comprennent des professeurs tirés
d'universités différentes. Je pense que ceux qui
prétendent que la concertation est à faire devraient plutôt
dire que la concertation est à parfaire. Elle s'est
réalisée dans un grand nombre de projets jusqu'à
maintenant, tant du côté de l'enseignement que côté
de la recherche.
Il y a des perspectives intéressantes d'avenir. Je pense que ces
perspectives - et là-dessus on en a discuté un peu entre nous -
sont davantage au niveau des études de 2e et 3e cycles et de la
recherche qu'au niveau d'une quelconque rationalisation cartésienne des
études de 1er cycle où on dirait que telle université va
enseigner la sociologie et telle autre, le génie mécanique. Je
pense qu'au 1er cycle, il y a une concurrence très saine à avoir
entre les universités. Aux 2e et 3e cycles où il y a
peut-être plus d'effervescence et de créativité chez les
chercheurs et les étudiants, il y a beaucoup plus de concertation
à réaliser.
C'est peut-être une petite tendance qui se dessine. Il ne faudrait
pas penser que cela peut se réaliser à tous les niveaux et dans
tous les programmes. Il y a déjà des réalisations. Je
pense que sûrement la volonté est là de la part des
universités. Qu'on soit à Montréal ou ailleurs, le projet
de collaboration existe avec toutes les universités du Québec. Il
y a vraiment une volonté de multiplier ces démarches.
Mme Blackburn: Le Conseil des universités - plus
brièvement - parlait cet après-midi de concertation avec les
collèges et les cégeps. Vous avez fait état des 2e et 3e
cycles et de la recherche. Cela n'entre pas dans vos perspectives de
concertation et de collaboration?
Une voix: M. Cabana.
M. Cabana: II y a quelques occasions de concertation avec les
collèges, notamment, pour les programmes. Ces concertations, je pense,
sont bien faites. Dès l'instauration des collèges, il y a eu un
respect à peu près absolu des universités pour
l'enseignement dit collégial, de sorte qu'il y a très peu de
recouvrement entre les enseignements du collège et des
universités. La concertation est peut-être possible à
d'autres niveaux. Au niveau de l'enseignement, je pense que cette concertation
existe à peu près parfaitement présentement.
Mme Blackburn: Ce n'était qu'une réflexion. En page
24, au terme d'une longue série de conditions devant être mises en
place pour favoriser la concertation, le paragraphe du centre dit: Enfin, des
rencontres régulières, au plus haut niveau, entre le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, le
Conseil des universités... Les discussions devraient porter sur les
grandes questions touchant l'avenir de l'enseignement supérieur. Ces
rencontres auraient pour objectif de favoriser une meilleure harmonisation des
points de vue sur les priorités de développement de l'ensemble du
réseau collégial.
Je me demandais, dans une perspective comme cela, s'il faudrait
maintenir les commissions parlementaires comme celle-ci et les commissions
parlementaires qui ont comme mandat d'examiner les crédits. Je trouve
quand même, soit dit en passant, que la proposition est
intéressante. Je me demande jusqu'à quel point elle ne vient pas
alourdir, si je puis ainsi m'exprimer, une démarche qui a finalement ses
lieux d'exercice. C'est une réflexion que je me faisais.
Si vous me le permettez, on va aborder
!a question du financement et, évidemment, la question des frais
de scolarité. On aborde cette question souvent comme si elle devait
apporter une nouvelle source de revenus pour les universités. À
ce que je sache, c'est une source de revenus pour le gouvernement, à
moins que les règles n'aient changé. Parce que, comme le
rappelait, je pense, M. Kenniff, ce qu'on va chercher en frais de
scolarité est prélevé de l'enveloppe pour
l'équivalent. Alors, à moins que les règles n'aient
changé, c'est la situation qu'on connaît actuellement.
Donc, parler de nouvelles sources de revenus pour les
universités, c'est davantage parler de nouvelles sources de revenus pour
le gouvernement. Je sais que vous avez insisté sur la
nécessité, quelles que soient les nouvelles sources de revenus,
que cela reste dans les enveloppes, mais il n'en demeure pas moins
qu'aujourd'hui, pour l'heure et pour le moment, d'après les
règles telles qu'elles sont, telles qu'on les connaît, c'est une
source de revenus pour le gouvernement; donc, c'est un nouvel impôt.
À présent, ma question est la suivante. Vous abordez la
question des frais de scolarité en passant assez rapidement... Vous
dites: Personne ne nie que le gel des frais de scolarité ait pu avoir
pour effet de faciliter l'accès aux études supérieures. On
peut faire le raisonnement en disant que le dégel aura donc des effets
sur l'accessibilité. S'il y a eu des effets positifs, on peut penser
qu'il y aura des effets négatifs. Est-ce que vous estimez que,
même s'il devait y avoir des effets négatifs sur
l'accessibilité, on devrait quand même procéder à un
dégel des frais de scolarité?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Cabana.
M. Cabana: On ne s'est jamais posé la question dans ces
termes, c'est-à-dire qu'on a dit que, s'il y a dégel des frais de
scolarité, il faudra qu'il y ait un réajustement des prêts
et bourses et particulièrement des bourses de façon à
permettre aux jeunes les moins favorisés d'avoir accès è
l'université. Je pense qu'on ne s'est pas posé la question
à savoir si une augmentation des frais de scolarité en soi aurait
une influence négative sur l'accessibilité. On pense que cela
n'en aurait pas s'il y avait en même temps une amélioration du
régime des prêts et bourses.
Mme Blackburn: Oui, M. Kenniff.
M. Kenniff: Sur la deuxième question des effets de
l'augmentation des frais de scolarité, je pense qu'au tout début
de la période de gel des frais de scolarité le gel a eu une
influence sur la question de l'accessibilité. Aujourd'hui, on peut
penser que le gel a un effet différent, c'est-à-dire que, par le
fait, d'un côté, du gel des subventions gouvernementales et, de
l'autre côté, du gel des frais de scolarité qui est une
situation à qui mieux mieux, l'effet sur l'accessibilité, c'est
du côté de la qualité de l'enseignement. Donc, si
l'étudiant peut encore franchir les portes de l'université, il
trouve, de l'autre côté de ces portes, un produit d'une
qualité moindre que ce qu'il y avait il y a quelques années. Je
pense que, là-dessus, l'accessibilité est à deux volets:
le droit de traverser la porte et le droit également de trouver, de
l'autre côté de la porte, un produit de qualité.
Je veux quand même, avec votre permission, M. le Président,
revenir sur l'affirmation au sujet de l'augmentation des frais de
scolarité comme étant une source de revenus pour le gouvernement.
À ce que je sache, aux dernières nouvelles, les
universités percevaient encore des revenus, d'une part, des frais de
scolarité et, d'autre part, des subventions gouvernementales. Ce qu'on
qualifie de gel des frais de scolarité depuis vingt ans, ce n'est ni
plus ni moins qu'une règle budgétaire qui fait que les frais de
scolarité perçus par l'université sont déduits des
dépenses nettes pour déterminer quelle sera la subvention
gouvernementale.
En d'autres termes, le gel est imposé par une règle
budgétaire, mais les universités sont toujours libres, en
théorie, d'augmenter les frais de scolarité avec la
conséquence que la subvention gouvernementale est réduite
d'autant. Donc, finalement, cela produit un revenu zéro pour
l'université. Mais une augmentation quelconque des frais de
scolarité, si minime soit-elle, ferait entrer ces sommes d'argent dans
les comptes de banque des universités, mais, si la règle
présente persiste, elle ferait en sorte que la subvention
gouvernementale soit réduite. Si ces sommes doivent être une
source de revenus pour le gouvernement, cela sera en raison d'une
décision consciente de la part du gouvernement de déduire, de
défalquer, si vous voulez, de sa subvention un montant égal et,
donc, d'en faire bénéficier son fonds consolidé du
revenu.
Je sais que c'est peut-être un jeu de mots, mais c'est comme cela
que l'on fonctionne depuis 20 ans et, finalement, à moins de rapatrier
tout cela au niveau du gouvernement et de financer toutes les
universités - ce que l'on ne préconise pas du tout - directement
par l'État, il faut reconnaître qu'en principe les augmentations
de frais devraient profiter aux universités. Aux autorités de
décider si cela doit leur profiter ou non.
Mme Blackburn: C'est là que vous reconnaissez que les
règles actuelles devraient être modifiées.
M. Kenniff: C'est cela.
Mme Blackburn: C'est bien. Les seuls frais, en fait, qui restent
dans les coffres des universités, ce sont les frais dits
afférents.
Je poursuis. Je vais revenir brièvement un peu en arrière.
Vous parlez des frais indirects de la recherche en demandant une formule plus
équitable. L'évaluation que vous faites des frais
afférents à la recherche me paraît assez
élevée: "100 % des composantes salariales des subventions de
recherche." Vous dites: "Dans l'élaboration d'une nouvelle formule de
financement, on devra, de façon beaucoup plus réaliste qu'on ne
l'a fait jusqu'ici, tenir compte des coûts de la recherche." Quelle
formule suggérez-vous?
M. Johnston: Le Conseil des universités a
suggéré une formule qui concerne les coûts indirects de la
recherche. L'étude de la direction générale du financement
des universités de 1984 a proposé une formule. En
général, nous sommes d'accord avec ces types de
formules-là. Le principe est de reconnaître qu'avec notre
système de subventions pour la recherche du Québec et aussi du
Canada on n'a pas les coûts indirects. Cette faiblesse dans le
système doit être redressée avec un nouveau système
de financement pour les universités. Comme nous l'avons dit dans notre
mémoire, il y a une punition très cruelle pour le succès
quand on reçoit des fonds de l'extérieur pour les
universités. Pour moi, c'est un cri du coeur parce qu'à mon
université les subventions de l'extérieur par professeur sont les
plus élevées du Canada et nous sommes les plus
pénalisés pour ce succès. Autres commentaires?
Mme Blackburn; Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. M. le député de
Saint-Louis.
M. Chagnon: Merci, M. le Président. D'une part, vous me
permettrez de saluer les membres de la CREPUQ, que j'ai appris è
connaître dans les années passées, particulièrement
au cours des automnes des trois dernières années où la
CREPUQ a organisé un programme annuel de sensibilisation des jeunes du
niveau secondaire qui a amené, entre autres, le président
Johnston à faire le tour du Québec et des régions du
Québec, partout où il y a des constituantes universitaires, pour
faire la promotion auprès de ces jeunes-là d'une
accessibilité plus grande au secteur universitaire.
Je ne voudrais pas reprendre les propos de Mme la députée
de Chicoutimi à l'égard de l'ensemble des questions
financières. Les membres de la CREPUQ ont mentionné tout à
l'heure' qu'ils savaient jusqu'à quel point l'intérêt
gouvernemental et l'intérêt public obligeraient le gouvernement du
Québec à comprimer ses dépenses budgétaires et
à réduire le niveau de son déficit. (22 h 15)
Les discussions de la campagne électorale concernant les niveaux
de marge de manoeuvre ou pas sont bien secondaires aujourd'hui.
M. Jolivet: On sait cela.
M. Chagnon: De toute façon, M. le député de
Laviolette, le fait d'avoir dit qu'il n'y avait pas de marge de manoeuvre
durant la campagne électorale nous a appris une chose. Après la
campagne électorale, on s'est aperçu que non seulement il n'y
avait pas de marge de manoeuvre, mais qu'il y avait un déficit beaucoup
plus grand que celui escompté. Et, deuxièmement, c'était
un aveu de culpabilité de l'ancien gouvernement d'avoir, jusqu'à
un certain point, dépensé les deniers publics de façon
inconsidérée.
M. le président, aux pages 23 et 24 de votre document, vous
parlez des opérations de rationalisation que vous jugez fort à
propos. Je pense qu'il y a un consensus à la CREPUQ selon lequel il y a
encore des possibilités de rationalisation et plus
particulièrement par des modifications aux règles
budgétaires que vous connaissez.
D'une part, j'ai compris qu'il y avait un consensus selon lequel on
était d'accord pour qu'il y ait une équité dans le partage
financier entre les différentes universités. Est-ce que cet
accord sur l'équité est relativement nouveau ou si c'est un
consensus que vous avez senti à l'intérieur de votre groupe
depuis déjà peut-être plus d'un an?
M. Johnston: Ce n'est pas un accord nouveau, mais on a des
conditions nouvelles. Premièrement, les coûts d'équipement
pour les laboratoires, particulièrement les coûts
d'équipement pour, par exemple, l'ordinateur, sont plus lourds, et cela
exige une concentration. Certains domaines des sciences où cela
coûte plus cher pour faire de la recherche exigent le regroupement.
Troisièmement, quand cela touche les bibliothèques, la
possibilité d'automatisation a créé une situation
où c'est plus facile de coordonner les collections et de
transférer l'information, les fiches, les données, etc.
Finalement, pendant les cinq dernières années et pour
l'avenir, il y a une grande priorité pour la recherche et le
développement des études du 2e et du 3e cycle. On a les
conditions là pour une plus grande concentration, pour le regroupement
et la coordination, pas simplement des universités dans la même
région géographique, comme
M. Kenniff l'a mentionné pour Montréal mais dans tout le
Québec. Ainsi, je pense que nous sommes dans une période
où c'est possible d'avoir une plus grande concentration.
M. Chagnon: M. le Président, s'il y a un consensus sur la
nécessité d'équité dans le partage financier des
ressources gouvernementales au niveau des différentes
universités, s'il y a aussi un consensus sur le fait qu'il devrait y
avoir une simplification des règles budgétaires, de la
transparence dans les règles budgétaires et sur le fait que ces
règles budgétaires devraient subir un test d'organisation
administrative pour chacune des universités, et s'il y a un consensus
selon lequel il devrait y avoir un an de mise en place des règles
budgétaires avant leur application, est-ce que la CREPUQ a
proposé au ministère de l'Education, de l'Enseignement
supérieur - je m'excuse, M. le Président, c'est probablement un
ancien conditionnement - une "paramétrisation" qui lui permettrait de
modifier les règles budgétaires et d'analyser, avec le
ministère de l'Éducation, les possibilités de modifier les
règles budgétaires et le cadre desdites règles
budgétaires pour les années à venir, de façon
à le rendre plus juste, de façon à corriger ce qui vous
semble être - je vous comprends et je ne vous chercherai pas noise du
fait que vous vous posiez des questions -un lien entre la possiblité
d'une augmentation des frais de scolarité et la diminution des
subventions gouvernementales? Ce n'est pas moi qui vais vous poser trop de
questions là-dessus. Il peut y avoir un problème à cet
effet, mais c'est à vous, me semble-t-il, comme organisation, de prendre
le leadership de proposer au ministère de l'Éducation une
"paramétrisation" nouvelle des règles budgétaires et de la
discuter avec ledit ministère, de discuter aussi de l'application de ces
nouvelles règles dans chacune des constituantes, dans chacune des
universités du Québec. Est-ce que cette démarche, qui
m'apparaît en être une de leadership de la part de la CREPUQ, a
déjà été avancée ou, encore, voudriez-vous
la voir avancée?
M. Johnston: En général, je suis d'accord, mais on
a là une réitération. On a discuté plusieurs
nouvelles formules de financement; plusieurs sont à la suggestion d'une
ou l'autre des universités, ou du Conseil des universités, ou du
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. On n'a pas le
monopole des bannes idées et c'est important d'avoir l'action et les
réactions. Nous n'avons pas de difficulté avec ce genre de
leadership. Le problème est que nous n'avons pas un consensus sur un
type de nouvelle formule de financement et c'est la raison pour laquelle on a
des gagnants et des perdants.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
président.
M. Chagnon: M. le Président...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous pourriez
conclure rapidement, M. le député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Je veux tout simplement inciter les membres...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous ferai
remarquer que votre temps est écoulé, actuellement.
M. Chagnon: ...de la CREPUQ à non seulement entrer en
contact avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science, mais à mettre sur pied un comité conjoint avec ce
ministère de façon à regarder une nouvelle
"paramétrisation" des règles budgétaires.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, j'aimerais souhaiter la
bienvenue aux membres de la Conférence des recteurs et des principaux
des universités du Québec, en particulier à M. Kenniff que
je connais, puisqu'il était sous-ministre aux Affaires municipales, et
à M. Boulet que j'ai eu l'honneur d'avoir comme professeur au temps
où j'étais au séminaire Sainte-Marie, à Shawinigan.
Mon message étant passé... Non, mais c'est parce que je voulais
que mon professeur ait au moins la capacité de penser que j'ai
réussi quand même dans la vie grâce à ses services et
à ses qualités de professeur à l'époque, mais avec
les moyens du bord de l'époque aussi.
J'avais une question à poser. Cet après-midi, le Conseil
des universités nous a fait une proposition concernant l'augmentation
des frais de scolarité, du double et même du triple, a-t-on dit.
Je suis un peu surpris parce que vous représentez, quand même,
toutes les universités du Québec, au Québec devrais-je
dire - il faut bien faire attention à mes termes - comme responsables et
le Conseil des universités est supposé avoir consulté les
membres de chacune des universités pour en arriver à une
recommandation qui est différente de la vôtre.
Vous dites: S'il y a augmentation des frais de scolarité, il
faudrait que cela soit à l'intérieur de certains
paramètres nous permettant de nous assurer que les subventions
gouvernementales ne soient pas diminuées en proportion des montants
additionnés par l'augmentation des frais de scolarité. À
votre avis, pourquoi le Conseil des universités, qui est censé
vous
représenter aussi a un autre niveau en termes de consultation
auprès du ministre, en arrive-t-il à une conclusion qui n'est
simplement pas la vôtre et qui, dans le fond, ne donne aucune autre
formule que de dire: Augmentons les frais de scolarité du double ou du
triple? J'ai de la difficulté à concilier ces deux
propositions.
M. Johnston: Ce n'est pas difficile à comprendre. C'est
une question un peu difficile et, à notre université, avec 17 000
étudiants et 1200 professeurs, on a une grande variété de
points de vue. C'est simple de voir les mêmes différences entre
les points de vue de chacune des universités ici.
M. Jolivet: Je vais vous poser une autre question qui est
sous-jacente à celle-là. Vous dites: Nous demandons d'augmenter
les frais de scolarité, dans la mesure où on ne diminue pas les
subventions qui nous sont accordées, pour que cela puisse
bénéficier aux universités. Expliquez-moi comment vous
allez utiliser cet argent pour le bénéfice des
universités. Pourquoi voulez-vous avoir cet argent?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Cabana.
M. Cabana: Je pense que c'est une question à laquelle il
devrait être assez facile de répondre. Toutes les
universités ont fait des compressions très douloureuses. En
dépit de cela, nous avons accumulé des déficits
importants. Il n'y a aucun doute que la qualité de l'enseignement s'est
dégradée. Dans les universités, il y a des ratios
étudiants-professeur qui sont tout à fait intolérables.
J'ai assisté cet après-midi à la présentation du
mémoire du Conseil des universités et je pense qu'on est
parfaitement d'accord à la CREPUQ avec les observations qui ont
été faites. Je pense que la position du Conseil des
universités et celle de la conférence n'étaient pas si
différentes que cela. L'augmentation des frais de scolarité
préconisée probablement par le conseil, c'est pour autant que le
gouvernement ne dispose pas de moyens suffisants pour permettre aux
universités d'obtenir les sommes nécessaires pour fonctionner
correctement. Donc, je ne pense pas que le point de vue soit très
différent.
M. Jolivet: Si je comprends bien, c'est que, de part et d'autre,
on a donné des possibilités de revenus additionnels. Ces revenus
additionnels sont différenciés dans les deux positions, d'une
façon ou d'une autre, par le fait que vous dites: En plus de
l'augmentation des frais de scolarité, vous ne voulez en aucune
façon diminuer les montants des subventions gouvernementales. Cela va
suffire à combler vos déficits. Mais après, cela va servir
à quoi? Est-ce qu'il va y evoir au plan universitaire, par
l'augmentation de ces revenus aux deux niveaux que vous proposez d'une certaine
façon, les moyens de donner un meilleur service? Deuxièmement,
est-ce que cela aura pour effet de permettre aux universités de prendre
de l'expansion? C'est la question que je pose.
M. Cabana: Sûrement que, juste pour accueillir les
nouvelles clientèles, nous avons besoin de revenus additionnels, mais
cela permettrait aussi d'offrir de meilleurs services, d'avoir des ratios
étudiants-professeur qui se comparent plus à ce qui existe dans
les autres provinces ou aux États-Unis, d'avoir plus de
bibliothèques bien garnies et peut-être aussi d'avoir des
laboratoires mieux équipés. Nous sommes à un point
où, je pense, la qualité de l'enseignement... Tout le monde
s'accorde à le dire; il n'y a pas seulement les universités; il y
a la CREPUQ, évidemment, le Conseil des universités, l'entreprise
privée qui déplorent la détérioration de la
qualité de l'enseignement parce que les ratios, particulièrement
les ratios étudiants-professeur qu'on a, sont tout à fait
intolérables. Je pense que, comme le disait cet après-midi le
président du Conseil des universités, peu importe d'où
viendra l'argent, l'important est d'abord d'avoir des revenus qui nous
permettent de fonctionner correctement.
M. Jolivet: À la page 23 de votre document, je vais lire
le paragraphe où on dit: "Premièrement, il faudrait assainir le
climat de concurrence créé par l'imposition de compressions
indues et par l'utilisation abusive que l'on a faite de la technique du
prélèvement sur l'enveloppe de chacun pour financer de nouvelles
dépenses. Ce qu'il faut créer, c'est un climat d'émulation
axé sur la poursuite de la qualité et de l'excellence." Est-ce
qu'il n'y a pas un danger, en augmentant les frais de scolarité tel que
proposé, si on suit l'enveloppe actuelle de diminution au niveau de
l'enveloppe gouvernementale, si on prend les paramètres actuels, qu'il y
ait non pas une émulation, mais une concurrence qui peut être
difficile de l'une à l'autre des universités?
M. Kenniff: Je pense que, dans toutes les provinces canadiennes
où il y a eu ces dernières années des augmentations de
frais de scolarité, cela s'est fait a l'intérieur de
paramètres ou d'une fourchette établis par le gouvernement. Dans
la plupart des cas, on fonctionnait sur un système qui n'était
pas celui du financement des dépenses nettes, mais sur un système
basé sur un montant par étudiant. En cela, on libérait les
universités en ce qui avait trait aux frais de scolarité,
mais on les limitait à l'intérieur d'une certaine
fourchette. Je pense que c'est une formule qui est quand même
acceptable.
Mais je veux revenir à votre prémisse de départ,
parce que, pour moi, le problème se pose en d'autres termes. Ce que le
Conseil des universités demande, que nous appuyons et que nous demandons
également, c'est que l'enveloppe globale des revenus des
universités augmente. À l'heure actuelle, il faut bien le
signaler, cette enveloppe est composée pour 85 % de subventions
gouvernementales, pour à peine 10 % de frais de scolarité. Alors,
poser le problème en termes d'augmentation des frais de scolarité
et de non-diminution de l'enveloppe gouvernementale, c'est agir sur une infime
partie des revenus globaux des universités. Ce que l'on dit, c'est que,
d'une part, les revenus globaux augmentent. Évidemment, comme 85 % de
ces revenus globaux sont des subventions gouvernementales, on souhaiterait bien
que le gouvernement, dans l'établissement de ses priorités
générales en matière d'enseignement, de services sociaux,
etc., considère les universités comme étant une
priorité d'investissement et augmente donc l'enveloppe globale. Si, par
ailleurs, il est nécessaire, pour qu'on puisse offrir les mêmes
services et la même qualité d'enseignement et envisager le
développement futur des universités, d'augmenter les frais de
scolarité, qu'on les augmente également. Enfin, il y a là
deux volets qui ne s'excluent pas mutuellement. De la façon dont vous
avez posé la question, j'ai compris que peut-être l'un excluait
l'autre. (22 h 30)
M. Jolivet: Juste pour terminer, si c'est une question
d'augmentation des revenus, peu importe d'où ils proviennent, pourvu que
vos revenus augmentent, pourquoi les universités, dans certains cas, ou
le Conseil des universités, comme on l'a vu cet après-midi,
proposent-ils d'appuyer la démarche que l'on sent depuis le début
de la part du ministre de l'Éducation ou d'autres du gouvernement visant
à augmenter les frais de scolarité? Pourquoi donnez-vous votre
aval à cette proposition, alors que c'est une décision qu'il
appartiendra au gouvernement de prendre?
Le Président CM. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a
un commentaire?
M. Kenniff: M. le Président, je pense qu'on nous fait
dire, peut-être de façon différente, des choses. D'une
certaine façon, on dit qu'il y a un objectif qui est celui de faire en
sorte que les universités puissent rencontrer les objectifs qu'elles se
sont fixés, qu'elles puissent accomplir leur mission. Pour accomplir
cette mission, même au niveau qui existait il y a à peine quelques
années, sans penser au développement, il faudrait augmenter les
revenus globaux des universités d'un montant X. Cette augmentation peut
provenir ou bien de subventions gouvernementales ou bien de frais de
scolarité. Si nous insistons pour qu'advenant une décision
gouvernementale de permettre aux universités d'augmenter les frais de
scolarité ces montants-là reviennent aux universités et
soient utilisés pour fins de consolidation et de développement de
nos établissements, je pense que cela ne constitue pas
nécessairement un aval aveugle à une augmentation des frais de
scolarité qui puisse profiter à n'importe qui ou qui puisse
être simplement une décision indépendante de toute autre
décision de développement du réseau universitaire ou
d'amélioration de la qualité de l'enseignement et de la
recherche.
Je pense qu'il faut voir la position adoptée par la
conférence des recteurs dans un ensemble, dans un tout. On a un seul
objectif, finalement, je pense, tous tant que nous en sommes ici et tous les
gens que nous représentons, c'est de faire en sorte que les
universités soient en mesure de contribuer au développement de la
société québécoise de la manière dont nous
pensons que cela nous incombe dans une société comme la
nôtre qui doit faire concurrence à d'autres économies,
d'autres sociétés au plan international. Si nous
négligeons le réseau universitaire nous estimons que, de
façon globale, on porte atteinte même aux perspectives de
développement de l'ensemble de notre société. Je pense que
vous verrez dans plusieurs mémoires, dont celui de la conférence
des recteurs, que nous insistons beaucoup sur cette dimension-là,
l'importance du réseau universitaire pour l'avenir de notre
société dans son ensemble. Prendre la question des frais de
scolarité et l'isoler, je pense que c'est une erreur. Il faut voir cette
question-là dans un ensemble beaucoup plus global.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je
permettrai deux dernières interventions. Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Vous me permettrez d'avoir une réaction
à la suite à la fois de votre prestation et de la lecture de
votre mémoire. Il me semble y avoir une espèce de contradiction
et je vous la soumets. Comment, en même temps, peut-on tenir un discours
sur la nécessité de faire de l'éducation une
priorité, sur le rôle capital que joue le savoir dans le
développement des collectivités, des sociétés,
particulièrement de l'économie et, je dirais, avoir une si faible
préoccupation touchant l'accessibilité? Je me permets de le
rappeler parce que vous êtes tous des recteurs, des gens qui, finalement,
eut comme mission de former, j'allais dire, une élite, mais le terme a
quelque chose d'un peu péjoratif.
Il me semble qu'il aurait été
intéressant, et peut-être pourrions-nous y songer
éventuellement, qu'il se fasse des recherches pour comprendre, analyser
ce phénomène qui fait qu'on a, dans nos milieux
socio-économiques faibles une si faible participation. On aurait pu
essayer d'inventorier, de faire de la recherche et d'examiner ce que pouvaient
être des éléments de solution. Il me semble que parler
d'éducation et de son importance sans se préoccuper de cette
partie de la population... Entre nous, le Conseil des universités l'a
souligné, on sait que ce n'est pas beaucoup chez les
Québécois anglophones, c'est beaucoup plus chez les
Québécois francophones qu'on trouve un taux de scolarisation
beaucoup moins élevé. Évidemment, la question s'adresse un
peu à tout le monde. Comment peut-on à la fois tenir un discours
sur la nécessité de continuer à investir en
éducation particulièrement dans l'enseignement supérieur
et avoir cette absence, il me semble, de préoccupation quant à
l'accessibilité?
M. Johnston: M. Scott et M. Cabana.
M. Scott: Merci. Moi, je trouve la question de
l'accessibilité fort importante, mais, comme toutes les questions, c'est
peut-être un peu plus complexe qu'on ne l'imagine. Cela veut dire que les
frais de scolarité ne sont pas la seule barrière en
éducation supérieure pour les étudiants, surtout dans les
régions, pour un membre de groupement régional. Cela veut dire
que les parents et les étudiants s'inquiètent de beaucoup plus de
choses que seulement des frais de scolarité.
Je veux simplement signaler que j'espère que la commission et le
ministère auront l'occasion d'étudier les questions qui sont un
peu en dehors des grands thèmes, comme la recherche, qu'on a
discutés ce soir. Ce sont des choses peut-être un peu plus banales
comme les résidences d'étudiants et les questions qui sont
beaucoup plus difficiles dans les régions éloignées des
métropoles que dans la métropole, par exemple.
Je ne suis pas certain qu'une commission parlementaire doive passer
beaucoup d'heures sur la question des résidences, par exemple. Je
souligne cela seulement à titre d'exemple. Mais si on parle des raisons
pour lesquelles les étudiants ne se déplacent pas vers un autre
centre, c'est souvent beaucoup plus lié aux questions sociales, à
savoir où l'on va vivre, comment on peut manger, qu'à la question
de savoir si le professeur de philosophie est bon ou non. Si on veut vraiment
aborder la question de l'accessibilité, il faut aborder la question de
la qualité de vie, des possibilités d'une qualité de vie
et les tensions sociales dans la famille. Je pense que c'est fort important,
mais il faut l'aborder dans ces termes.
Mme Blackburn: Permettez-moi une petite réaction. Je pense
bien que le problème de l'accessibilité ne se limite pas à
l'accès à une résidence parce qu'on pourrait penser
qu'à l'est de Montréal tout le monde serait à peu
près rendu chez vous. Cela déborde largement cela. Tout ce que je
voulais soulever, c'est que la mission des universités en est une
d'avancement de la science et des connaissances, des connaissances humaines
également. Il me semble que mieux saisir ce phénomène et
essayer de proposer des hypothèses de solutions, cela aurait pu
être parmi les préoccupations du monde universitaire.
Il ne s'agit pas ici de commencer à régler dans les fins
détails ce que pourrait être éventuellement l'ajout de
quelques résidences dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean ou
de Rimouski. Je ne pense pas que la question se pose à ce niveau.
Cependant, une dernière question. Je dois dire, un peu comme mon
collègue de Laviolette, que je suis étonnée, je dirais, de
la participation des universités à l'identification d'une source
de revenus que j'appelle un impôt pour le gouvernement, qui s'appelle les
frais de scolarité. Je me dis que cela va être la seule occasion
où cela va se produire. J'imagine mal qu'on soit en train de consulter
le réseau des affaires sociales pour savoir si on va établir des
tickets modérateurs. Alors, que les universités se soient senties
obligées d'embarquer dans ce débat me préoccupe. C'est
vraiment la seule fois où le gouvernement viendra consulter pour lever
un impôt.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Est-ce que
vous voulez réagir? Je dois dire que ce sera la dernière
réaction et, après cela, je donnerai la parole au ministre.
M. Johnston: M. Boulet, M. Cabana.
M. Boulet: M. le Président, je m'étais abstenu de
réagir depuis le début parce que je serai présent devant
vous demain et je ne voulais pas me répéter aujourd'hui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): On vous
écoutera quand même demain d'une oreille attentive.
M. Boulet: À cette affirmation de. Mme la
députée de Chicoutimi, je ne peux pas rester insensible. Je pense
que les universités ont été sensibles - je m'excuse de
répéter l'expression - et profondément, au besoin
d'accessibilité à l'université qui se présentait
pour la population du Québec. Les unes davantage parce qu'elles en
avaient fait leur mission, les autres moins parce qu'elles avaient des
préoccupations d'autres sortes,
mais, dans l'ensemble, on n'a qu'à considérer
l'augmentation du nombre d'étudiants dans les universités. Cela a
été, au Québec, remarquable, sensationnel et inimaginable.
11 y a donc une préoccupation quotidienne d'accessibilité que
l'on rencontre dans toutes les universités.
Si nous n'en avons pas parlé dans le texte, si nous n'avons pas
analysé - et je suis d'accord avec vous, notre texte ne l'analyse pas -
les impacts hypothétiques, mais possibles de l'augmentation des frais
scolaires sur l'accessibilité aux étudiants, c'est que, comme M.
Kenniff l'a dit de façon fort exacte tout à l'heure, les
universités en sont rendues à un point de non-suffisance des
moyens qui sont mis à leur disposition et, à leurs yeux, cela
devient inacceptable. Il a même été presque
décidé, à un moment donné de l'année
dernière, par l'ensemble des universités qu'elles cessent
d'accepter des étudiants. Cela a passé à un cheveu
d'aboutir à une décision. Cela n'a pas abouti, parce que - et ce
ne sont pas des enfants d'école qui discutaient de cela - les chefs
d'établissements universitaires du Québec disaient: On ne peut
plus augmenter la population étudiante et lui offrir un enseignement
qui, chaque jour, baisse ou risque de baisser davantage.
C'est le dilemme. On ne refuse pas de se placer devant le dilemme, mais
on n'en a pas la réponse. Alors, aussi bien ne pas l'analyser si on
n'est pas capable d'y répondre. La réponse est: Est-on capable
d'aller vers un enseignement qui, au moins, maintient la qualité? Sinon,
il vient un temps où il vaut mieux ne plus attirer d'autres populations
étudiantes. Quant au détail des types sociologiques de
populations, etc., si vous voulez me reposer la question demain, je vous
répondrai dans un autre contexte.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la
députée, je vous invite à conclure.
Mme Blackburn: En conclusion, M. le Président, je partage
le souci que vous avez quant aux effets qu'a et que continuera d'avoir le
sous-financement du réseau universitaire. Comme vous, je pense
également que celui-ci joue un rôle vital dans le
développement de la collectivité. Et votre souci d'assurer
l'accès oui, mais l'accès à des services de
qualité, je le partage également. J'ai peut-être
été un peu vive. Je me dis que la vérité, comme le
veut l'adage, jaillit du choc des idées. C'était ce que je
souhaitais. Je vous remercie infiniment.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée.
Mme Blackburn: J'ai eu plaisir a vous entendre et sûrement
que votre prestation, les commentaires et les réponses que vous avez
fournies aux questions nous permettront d'avoir un meilleur éclairage
quant aux orientations à privilégier. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais le
ministre de l'Éducation.
M. Ryan: J'allais ajouter, M. le Président, pour ma
collègue de Chicoutimi, que la vérité jaillit parfois du
choc des chiffres.
Mme Blackburn: J'ai bien compris cela.
M. Ryan: Si la députée de Chicoutimi
s'étonne des questions qui sont soulevées à propos de la
source de revenu que constituent les frais de scolarité, c'est parce que
les chiffres indiquent, dans le cas du Québec, une situation très
différente des autres provinces, ainsi que l'illustre le tableau 4 qui
était annexé au mémoire du Conseil des universités
cet après-midi. Les frais de scolarité rapportent au
Québec, en 1984-1985, 6,6 % des revenus des universités, alors
que c'est 15,1 % en Ontario, 14,6 % dans les Maritimes et 10,2 % dans l'Ouest.
Est-ce que cela dépend de notre caractère français, de
notre caractère catholique? Je ne le pense pas.
Cela dépend de certaines décisions qu'on a prises à
d'autres époques. Aujourd'hui, on examine toutes les sources de revenus
des universités en face d'une situation qui est apparemment
insurmontable par les voies ordinaires. On se pose la question, on interroge
les personnes qui sont venues ce soir et on va continuer au cours des prochains
jours.
Il n'est pas question de taxe la-dedans. La question que la
société doit se poser: Est-ce qu'elle va demander une
compensation a ceux qui reçoivent le service ou si elle va le faire
payer par tout le monde? Payé par tout le monde, c'est une taxe, mais
payé par celui qui reçoit le service, ce n'est pas une taxe, pas
à ma connaissance. C'est un droit que vous payez pour recevoir le
service. Il y en a déjà un qui est établi en principe; il
s'agit de savoir s'il va rester à ce niveau ou non.
La question est ouverte, encore une fois, et je ne fais pas cette mise
au point pour faire avancer une certaine position, au contraire, mais je veux
qu'on aborde les choses d'une manière complète. Ces chiffres sont
dans le portrait et ils nous sont soumis continuellement. Nous, il nous faudra
faire des choix. Est-ce qu'on va maintenir l'aide sociale à son niveau
actuel? Est-ce qu'on va l'augmenter? Est-ce qu'on va augmenter plutôt les
subventions aux universités? Qu'est-ce qu'on va faire de l'enseignement
primaire et secondaire? Est-ce qu'on va bâtir des routes dans le
comté d'Argenteuil qui est en retard de dix ans à cause du
gouverne-
ment précédent?
Mme Blackburn: II y a beaucoup de routes là-dedansl
M. Ryan: II y a toutes sortes de questions qui se posent à
l'attention du gouvernement en période qui précède les
choix budgétaires. C'est pour cela, je pense, que l'examen que nous
sommes appelés à faire est extrêmement chargé
d'implications pour tous les députés, pour tous nos concitoyens.
On va le faire dans un climat le plus libre possible d'esprit.
Je voudrais dire è la conférence des recteurs que je suis
bien content de cette nouvelle rencontre que le gouvernement a eue avec eux ce
soir. J'ai eu l'occasion de rencontrer la conférence à plusieurs
reprises au cours des derniers mois. J'ai tenu la conférence
régulièrement informée des développements
importants qui se produisaient ou se préparaient. J'ai pu
bénéficier de ses avis à plusieurs reprises.
J'espère que nous allons continuer. J'ai cru comprendre, dans un passage
de votre mémoire qui demandait que le ministre -convoque dès
réunions, que là, vous en avez assez du fait que j'aille vous
voir chez vous, que vous voulez, maintenant, que je vous invite à venir
me voir chez nous. On va faire cela volontiers. Il s'agit de trouver,
évidemment, la plate-forme qui convienne. La suggestion est là,
nous l'apprécions énormément, mais il faut trouver le
terrain de rencontre exact qui va se prêter à des échanges
fructueux.
J'ai cru comprendre des échanges que nous avons eus que vous vous
êtes dit: Eux, ils ont un problème politique à
régler; on va le leur laisser régler. Quand bien même on
ferait dix réunions au lieu de deux, cela n'avancera pas les choses
beaucoup, surtout qu'il y a des points sur lesquels les consensus sont plus
difficiles parmi vous. Mais, on va essayer de trouver une solution à ce
problème. Je crois que, après cela, on va avoir des conditions
infiniment meilleures pour des rencontres de planification, de concertation, de
mise en commun, de partage et toutes les belles choses qu'on peut envisager
ensemble.
Cela étant dit, je l'ai dit dans mon intervention liminaire de
cet après-midi, je crois que, si nous prenons nos responsabilités
et que nous apportons une solution au problème du financement, nous
serons non seulement justifiés, mais tenus d'introduire un souci
d'unité, d'harmonisation et de concertation plus grand que par le
passé pour assurer que notre système universitaire produise
à plein dans des conditions de liberté optimales, en même
temps dans des conditions de solidarité qui répondent aux
attentes implicites de la société québécoise.
Alors, je veux vous assurer de notre entière collaboration du
côté du gouvernement". Nous avons une appréciation
très profonde du travail qui s'accomplit dans les universités, de
son importance indispensable. Nous allons essayer, ensemble, de créer
des conditions qui permettront le progrès de notre système
universitaire et j'espère que vous allez continuer à comprendre,
de votre côté, les contraintes auxquelles nous devons
obéir? Nous allons essayer de les gérer de manière
qu'elles nous permettent d'apporter une solution acceptable au problème
dont nous convenons tous qu'il est très aigu et urgent aussi. Je vous
remercie beaucoup.
La rencontre de ce soir n'est qu'une introduction. Nous avons hâte
de rencontrer chacune de vos institutions en particulier pour pousser l'examen
d'une manière plus détaillée, surtout en vue d'une
meilleure compréhension des problèmes qui se posent dans chaque
université. Alors, merci beaucoup et on va se dire au revoir, par
conséquent.
M. Johnston: Merci, M. le ministre. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre, merci, messieurs, d'avoir répondu à l'appel de la
commission parlementaire. Les entretiens que nous avons eus avec vous vont
contribuer à éclairer notre lanterne. La commission parlementaire
de l'éducation ajourne ses travaux à demain, 10 heures, alors
qu'elle entendra le Regroupement des associations étudiantes
universitaires du Québec.
(Fin de la séance à 22 h 50)