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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, September 17, 1986 - Vol. 29 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois


Journal des débats

 

(Dix heures treinze minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je déclare cette séance ouverte. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chagnon (Saint-Louis) remplace M. Hains (Saint-Henri): M. Cusano (Viau) remplace M. Després (Limoilou).

M. Jolivet: Nous aurions un remplacement à signaler: M. Jean-Guy Parent (Bertrand) remplacera M. Jean-Pierre Charbonneau (Verchères).

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

Je rappelle brièvement le mandat de cette commission. La commission a pour mandat de procéder à une consultation générale dans le but d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Je vous fais part de l'ordre du jour des travaux de la commission pour aujourd'hui. Nous allons entendre immédiatement le Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec suivi, à midi, de la Coalition des étudiants aux cycles supérieurs. Cet après-midi, à 15 heures, nous entendrons les représentants de l'Université du Québec, suivis des représentants du Conseil de la science et de la technologie et de ceux de l'Association des diplômés universitaires aînés. Ce sont les travaux de la commission parlementaire d'aujourd'hui.

J'inviterais les représentants du Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec à prendre place, ici à l'avant. Ce regroupement est représenté par M. Charles Gallant, secrétaire général. M. Gallant, nous vous saluons. J'aimerais que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent.

RAEUQ

M. Gallant (Charles): Vous avez ici M. Patrice Raymond et M. Martin Munger.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Raymond, M. Munger, bonjour! Il me fait plaisir de vous accueillir ici à cette commission parlementaire et de vous remercier d'avoir répondu à l'appel de la commission dans le but de nous aider dans notre recherche sur la problématique du financement des universités. L'audition va commencer immédiatement. Vous aurez entre 20 et 25 minutes pour présenter votre mémoire et les discussions avec les membres de la commission se poursuivront jusqu'à midi. C'est donc dire que, vers 11 h 50, j'inviterai le représentant de l'Opposition et le représentant du côté ministériel à conclure la rencontre de façon a terminer exactement à midi. Alors, votre porte-parole... C'est vous, M. Gallant, qui êtes le porte-parole?

M. Gallant: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, nous vous écoutons, monsieur.

M. Gallant: Merci, M. le Président. Le regroupement est particulièrement heureux, aujourd'hui, de présenter les positions de ses membres. Les universités et l'enseignement supérieur en général traversent une crise. Tous s'accordent pour en faire le constat: ce qui fait défaut, c'est un consensus sur la nature et l'ampleur de cette crise. Pour plusieurs, elle se limite à une question de sous-financement sans aller plus loin. Pour d'autres, la crise découle davantage d'une mauvaise utilisation des ressources. Pour le RAEU, la crise que traversent les universités est plus profonde encore. À notre avis, ce n'est pas un manque de ressources qui a entraîné la crise des universités mais bien l'incapacité de celles-ci de s'insérer efficacement dans une stratégie économique et sociale d'ensemble. La crise de l'enseignement supérieur doit être située dans un contexte d'impact et d'utilité économique et sociale des investissements qui lui sont consacrés. Aussi, le moment est-il opportun, au moment où se vit une crise financière importante des universités, de s'interroger sur les véritables attentes de la société envers l'enseignement supérieur par rapport aux investissements qu'elle lui consacre.

Soulignons entre autres que la démocratisation de l'accès à l'université et la saturation de la demande de main-d'oeuvre dans le secteur public sont pour nous des facteurs qui ont exercé, au cours des

dernières années, une pression importante sur les universités. Ils ont mis en évidence les difficultés qu'elles ont eues à s'adapter aux nouvelles exigences de l'environnement et, en conséquence, de réorienter leur tir en fonction des besoins du marché du travail et de la société dans son ensemble.

En conséquence, nous adhérons à cette vision qui veut que les universités se développent en fonction des forces et des attentes de la société et qu'elles doivent justifier leur existence à partir de leur capacité de traduire et d'anticiper les besoins généraux de l'environnement social et économique.

Nous croyons qu'une véritable stratégie de relance des universités doit passer par les éléments suivants:

Des universités ouvertes à la société;

Une affirmation claire des priorités de développement économique et social du Québec;

Une coordination, une planification et une évaluation efficaces des ressources disponibles;

Une réponse claire aux aspirations et aux attentes de la jeunesse.

M. Munger (Martin): II est impératif que les universités adoptent une politique efficace d'ouverture à la société, c'est-à-dire principalement aux collectifs et à l'entreprise. La crise que traversent les universités est en bonne partie imputable à l'absence de relations soutenues avec leur environnement. Cette situation prive l'université de moyens d'appréhension des attentes de l'extérieur nécessaires à l'adaptation et à l'orientation des politiques de développement.

Les universités n'ont certes pas été aidées par un mode de financement qui ne favorisait guère cette ouverture, qui ne les encourageait pas à développer des mécanismes de concertation avec le milieu et l'entreprise. Soulignons d'une part le peu d'attention qu'accorde le mode de financement aux services aux collectivités, en plaçant cette fonction en marge de l'enseignement et de la recherche avec un budget relativement restreint, voire même symbolique. D'autre part, soulignons que le peu d'intérêt des universités envers l'entreprise a peut-être pour cause la relative indépendance financière que lui a conférée et que lui confère toujours ce même mode de financement.

Il nous apparaît primordial en ce sens qu'un nouveau mode de financement puisse traduire la nécessité d'orienter la recherche et l'enseignement en fonction de besoins du milieu et de l'entreprise.

M. Gallant: C'est au colloque sur l'université nouvelle, en 1982, que le RAEU se prononçait sur la nécesité de se doter d'une politique d'ouverture aux collectivités. Un an plus tard, on assistait à la création des centres étudiants de services aux collectivités. Cette structure d'accueil implantée dans les universités par les étudiants permet à ces derniers d'allier leurs connaissances théoriques è une intervention pratique en milieu collectif.

L'instabilité du financement actuel des services aux collectivités et de leurs structures ainsi que la nature des ressources consacrées à la recherche par le Fonds des services aux collectivités nous amènent à nous interroger sur la volonté du gouvernement et des universités de s'engager réellement dans la voie des services aux collectivités.

M. Raymond (Patrice): On connaît les formules de collaboration université-entreprise en matière d'enseignement. Il s'agit principalement de programmes de stage en entreprise et d'échange de personnel. Ces formes de collaboration, bien qu'efficaces sur le plan des échanges de connaissances, ont toutefois un caractère limité. D'une part, ces stages ou ces échanges de personnel ne visent qu'un champ limité de programmes. D'autre part, l'intérêt de cette collaboration ne s'est pas étendu au point de susciter un développement important des structures d'accueil dans les entreprises.

Bien qu'il soit important de maintenir et de poursuivre cette collaboration, on devrait penser à d'autres mécanismes qui développeront davantage la concertation entreprise-université.

M. Gallant: En conséquence, le RAEU recommande que la fonction de services aux collectivités soit intégrée au budget de fonctionnement général de l'enseignement et de la recherche.

M. Munger: Que la structure d'accueil des services aux collectivités à l'université soit financée à partir des prélèvements des budgets des unités d'enseignement et de recherche au prorata du volume de leurs dépenses.

M. Raymond: Que les universités se dotent d'une politique d'évaluation de la performance des unités d'enseignement et recherche en matière de services aux collectivités.

M. Gallant: Que soit intégré à l'intérieur des organismes subventionnaires de recherche le financement des projets de recherche-action.

M. Munger: Que le gouvernement encourage, au moyen d'incitatifs fiscaux, la participation des entreprises et des particuliers dans le financement général des

universités.

M. Raymond: Que le financement direct des entreprises lié à la recherche s'insère à l'intérieur d'une politique claire des universités concernant le développement de la recherche.

M. Munger: La spécificité culturelle et la structure économique du Québec exigent, dans un contexte de concurrence internationale, la définition et l'affirmation claire des priorités et d'axes de développement. Nous l'avons souligné, les universités doivent être perméables aux différentes préoccupations de la société. Toutefois, il est primordial que la diversité de ces influences, qu'elles proviennent des paliers gouvernementaux, du milieu communautaire ou d'entreprises, s'expriment à l'intérieur d'un tout cohérent et articulé. C'est là un rôle capital que les universités doivent jouer, à savoir la définition d'objectifs et de priorités à l'intérieur d'une politique de coordination et de planification du développement de leur réseau.

Dans cette perspective, une variable importante du financement des universités se situe au niveau de la participation du gouvernement fédéral.

La contribution du gouvernement fédéral en matière d'éducation supérieure prend deux formes: D'une part, en vertu de la compétence constitutionnelle exclusive des provinces en matière d'éducation, le gouvernement fédéral verse aux provinces des transferts destinés à financer sans condition le système d'enseignement des provinces. D'autre part, en vertu des responsabilités qu'il s'attribue en matière de développement scientifique, celui-ci verse, soit par le canal de ses différents conseils de recherche, soit directement par les ministères, les subventions dites d'aide à la recherche qui sont octroyées en vertu d'objectifs prédéterminés. La relation entre ces deux types de subventions fait l'objet d'un certain débat entre le gouvernement fédéral et les provinces, notamment, le Québec.

Pour plusieurs, l'influence qu'exerce le gouvernement fédéral en matière de recherche constitue une ingérence progressive dans les compétences québécoises en matière d'éducation. Une telle stratégie a pour conséquence de diminuer considérablement la marge de manoeuvre des universités dans l'accomplissement de leur mission générale d'enseignement, de recherche et de services aux collectivités et de retarder te développement des infractures de recherche du réseau québécois. (Il y a une page qui a été ajoutée au mémoire. Le chapitre 2.2).

Comme nous l'avons souligné au début, l'ouverture de l'université au milieu communautaire et à l'entreprise et l'influence du gouvernement fédéral néces- sitent la définition d'objectifs et de priorités de développement clairs de la part du Québec en ce qui concerne l'enseignement supérieur. Cela signifie qu'à partir des forces et des faiblesses de notre système universitaire et des ressources disponibles, nous devons être en mesure de contrôler notre développement dans le sens des véritables attentes de la société. Cela signifie également la possibilité d'insérer efficacement le réseau universitaire dans le cadre d'une stratégie globale de développement politique et économique.

Il est de la responsabilité du gouvernement de définir les objectifs généraux de développement universitaire. Tout en reconnaissant l'apport fondamental des universités dans la définition de ces objectifs et surtout dans leur réalisation, il nous apparaît primordial que celles-ci se concertent entre elles et y adhèrent. Dans un tel but, le recours à des incitatifs financiers devrait être envisagé.

M. Gallant: En conséquence, le RAEU recommande que le gouvernement du Québec exige du gouvernement fédéral une politique de financement additionnel ayant pour objectif le développement des infrastructures de recherche afin de réduire les disparités provinciales découlant de la politique actuelle des subventions directes de la recherche dans les universités.

M. Munger: Que, dans l'affirmation de ses compétences constitutionnelles en matière d'éducation, le gouvernement du Québec exige du gouvernement fédéral des mesures compensatoires aux coûts indirects des subventions de recherche qu'il octroie.

M. Raymond: Que, le gouvernement du Québec, afin qu'il puisse définir et appliquer ses objectifs et priorités de développement du réseau universitaire, se dote d'une politique de développement de l'enseignement supérieur.

M. Gallant: Que le gouvernement s'assure, au moyen de mesures appropriées, du respect et de l'application d'une telle politique de la part des universités.

Nous croyons que, pour être efficace, une politique de l'enseignement supérieur doit s'appuyer sur des mécanismes solides de planification, de coordination et d'évaluation des ressources. Nous croyons également que les universités doivent démontrer leur légitimité par une réallocation des ressources qui sache tenir compte des objectifs et priorités de développement qu'elles se seront fixés. Elles doivent en conséquence se donner les moyens d'effectuer une gestion sélective et planifiée de leurs ressources.

On ne saurait imputer les problèmes de planification des universités au seul mode de

financement. Soulignons toutefois que celui-ci, par la politique de financement des clientèles par coût disciplinaire moyen et par la mécanique concernant le financement des clientèles additionnelles, a constitué une variable de distorsion et d'instabilité importante a cet égard. On peut d'ailleurs attribuer à cette politique le développement anarchique et l'hypertrophie qu'ont connus les secteurs les moins coûteux, dont les sciences sociales.

M. Raymond: II nous apparaît impératif que la véritable priorité des universités soit de développer un enseignement et une recherche qui soient de qualité et adaptés aux besoins de la société. Nous croyons nécessaire à cet égard que les universités se dotent de politiques efficaces d'évaluation des programmes et des unités d'enseignement et de recherche et, bien sûr, qu'elles mettent ces politiques en application. Cette démarche est d'autant plus urgente que le Conseil des universités soulignait, dans un rapport publié en 19B3, qu'en ce qui concerne les mécanismes d'évaluation des programmes universitaires existants, le Québec accusait un retard de 15 ans par rapport à l'Ontario.

Nous croyons qu'une telle politique doit viser avant tout une gestion efficace des ressources professorales. Le problème le plus sérieux que nous vivons à cet égard est certes la qualité relative de l'enseignement qui nous est dispensé. L'évaluation continue de la compétence des professeurs est pour nous une solution alternative à un statut de permanence qui prend trop souvent l'allure d'une sécurité d'emploi sans condition. Cette évaluation sera pertinente dans la mesure où elle aura à répondre à un objectif prioritaire de rééquilibrage des fonctions d'enseignement, de recherche et de services aux collectivités.

M. Munger: On parle de fonctions secondaires lorsque celles-ci ne s'adressent qu'indirectement au développement de l'enseignement, de la recherche et des services aux collectivités. Pour l'essentiel, il s'agit des services de soutien académique tels: les bibliothèques, les centres de calcul, les services d'audiovisuel, des services aux étudiants - par exemple, les services d'aide financière ou d'animation culturelle - et des services auxiliaires tels les cafétérias, les résidences, le stationnement etc. Nous croyons que les deux premiers types de fonction peuvent être financés per capita. Quant aux services auxiliaires, ceux-ci ne devraient être couverts par aucune subvention, étant soumis à la règle de l'autofinancement.

Les services auxiliaires ont trop souvent dans le passé - cela se vérifie toujours aujourd'hui - absorbé des sommes importantes en déficits, privant ainsi l'université de ressources nécessaires à l'accomplissement de ses missions fondamentales.

M. Gallant: II est important qu'à l'intérieur d'une politique de coordination et de rationalisation des ressources l'on puisse tenir compte de certaines disparités imputables à l'éloignement des grands centres. Les universités en région, on le sait, revêtent un caractère essentiel dans une stratégie de développement économique régional.

Mais cela coûte cher. À titre d'exemple, mentionnons l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Cette université a onze sous-centres qui vont de Rouyn jusqu'à la Baie James, ce qui entraîne des coûts disproportionnés d'administration et de formation par rapport aux autres universités. Il va sans dire que l'importance que l'on accorde aux universités en région doit passer par la reconnaisance de certaines contraintes financières indépendantes de la volonté des administrateurs.

En conséquence, le Regroupement des associations étudiantes universitaires propose et recommande: Que soit modifié l'actuel mode de financement de façon à lui conférer un caractère stable.

M. Munger: Que le mode de financement tienne compte dorénavant du coût moyen disciplinaire de formation des étudiants dans le calcul des subventions générales d'enseignement, de recherche et de services aux collectivités. (10 h 30)

M. Raymond: Que le mode de financement soit différencié, de façon à distinguer les missions fondamentales d'enseignement et de recherche, modulées par la fonction de services aux collectivités, des fonctions secondaires de soutien pédagogique, de services aux étudiants et de services auxiliaires.

M. Gallant: Que les missions fondamentales des universités soient soumises à une politique d'évaluation de l'utilisation des ressources afin de maximiser la performance des unités d'enseignement et de recherche ainsi que des universités et ce, en regard des objectifs et des priorités de développement définis.

M. Munger: Qu'à l'intérieur de cette politique, une priorité soit accordée à l'évaluation continue de la tâche des professeurs en fonction des objectifs suivants: une revalorisation des fonctions d'enseignement et de services aux collectivités par rapport à la recherche; une mise à jour des contenus d'enseignement et des méthodes pédagogiques; le renouvellement, le recyclage et la planification des ressources

professorales en fonction d'un équilibre des tâches d'enseignement, de recherche et de services aux collectivités; une participation significative des étudiants au niveau de la définition des objectifs de cours et de programmes et au niveau du processus d'engagement et de promotion des professeurs.

M. Raymond: Que les fonctions secondaires soient financées par un système de per capita, sauf dans le cas des services auxiliaires qui doivent s'autofinancer.

M. Gallant: Que les fonctions secondaires fassent l'objet d'une évaluation sérieuse afin d'en maximiser l'efficacité dans une perspective de faire-faire ou, à défaut, de réforme budgétaire.

M. Munger: Que le gouvernement tienne compte, dans une perspective de soutien économique régional, des coûts supplémentaires qu'engendre le maintien des universités en régions et notamment au niveau des sous-centres.

M. Raymond: La réponse au chômage, au sous-emploi des compétences ou à la partialisation du travail chez les jeunes ne peut passer selon nous que par une véritable stratégie de scolarisation universitaire de qualité. Des diplômes mieux adaptés aux réalités extérieures et des connaissances toujours plus développées sont des clés importantes pour aspirer à participer un jour au progrès économique et social de notre société. Nous croyons, de plus, qu'il est nécessaire de fournir aux jeunes l'occasion de rattraper l'écart qui les sépare de l'Ontario en matière de scolarisation universitaire et de développement de la recherche.

On comprendra donc qu'une hausse des frais de scolarité constituerait un frein majeur au développement de !a scolarisation universitaire. Dans un contexte où la fréquentation universitaire et le développement de la recherche accusent un certain retard par rapport à l'Ontario, avons-nous les moyens de nous payer le luxe, en ramenant les barrières financières au niveau moyen des autres provinces, de figer cet écart dangereux de scolarisation qui nous sépare de nos voisins? En ce qui concerne une éventuelle compensation d'une hausse des frais de scolarité par un ajustement des prêts et bourses, les dernières coupures alimentent sérieusement le doute quant à la bonne foi de cette proposition.

Dans son avis du 20 décembre 1985, le Conseil des universités évaluait à 23 000 000 $ le coût d'un réajustement du système des prêts et bourses pour compenser un éventuel doublement des frais de scolarité. Une telle augmentation apporterait dans les faits 70 000 000 $ supplémentaires au réseau. Le conseil misait ainsi sur une marge de manoeuvre de 47 000 000 $ d'argent neuf pour les universités.

Quelques mois plus tard, le gouvernement effectuait des compressions de 24 300 000 $ dans les prêts et bourses et de 15 000 000 $ dans l'enveloppe des universités. C'est donc dire qu'à l'heure actuelle et en vertu des chiffres conservateurs du Conseil des universités, pour atténuer l'impact d'un doublement des frais de scolarité sur l'accessibilité, ce n'est pas 23 000 000 $ mais 48 000 000 $ qu'il faudrait retrancher de 70 000 000 $ de revenus supplémentaires pour ajuster le régime des prêts et bourses. Avec les 22 000 000 $ qui resteraient alors, il faudrait combler le manque è gagner de 15 000 000 $ issu des compressions infligées aux universités au printemps dernier. Résultat: un doublement des frais de scolarité ne fournirait que 7 000 000 $ d'argent neuf aux universités, ce qui ne couvre qu'une infime fraction de l'indexation des dépenses de l'université.

Ces calculs ne tiennent même pas compte de la sous-estimation des données du conseil quant à la compensation adéquate du régime des prêts et bourses. Un comité ministériel soulignait à cet égard, dans un rapport soumis au ministre de l'Enseignement supérieur en 19B4, qu'un ajustement des prêts et bourses tenant compte des nouvelles contraintes économiques auxquelles doivent faire face les étudiants, après analyse, se chiffrerait à 77 300 000 $. On est loin des promesses de 25 000 000 $ annoncées l'automne dernier par le parti au pouvoir.

Et nous soutenons toujours qu'une hausse directe ou indirecte des frais de scolarité constitue une voie d'évitement pour ceux qui refusent de regarder en face les réels problèmes de légitimité des universités. Fermer les yeux devant cette situation, c'est se rendre complice de solutions faciles qui ne régleraient en rien le problème des universités.

Nous croyons qu'il est nécessaire d'éliminer l'inquiétude de la jeunesse par rapport à un éventuel dégel des frais de scolarité. La crédibilité du discours du PLQ en matière de jeunesse, ses promesses et les structures qu'il s'apprête à mettre en place peuvent-ils encore servir à répondre aux attentes de la jeunesse? Nous croyons, en ce sens, que le gouvernement doit procéder à l'élaboration d'une politique claire concernant les frais de scolarité. Nous croyons également qu'une telle politique aurait avantage à être précédée par un avis du Conseil permanent de la jeunesse dès que celui-ci sera formé.

M. Gallant: En conséquence, le RAEU recommande: Que le gouvernement applique les réformes annoncées dans ses engagements

électoraux en matière d'aide financière aux étudiants.

M. Munger: Qu'un avis du Conseil permanent de la jeunesse précède l'élaboration par le gouvernement d'une politique claire concernant les frais de scolarité.

M. Gallant: Pour viser l'excellence et l'atteindre, nous croyons que le gouvernement doit faire plus que maintenir le gel des frais de scolarité. Il doit déployer l'énergie nécessaire pour inciter les jeunes Québécois et Québécoises à fréquenter l'université.

Nous croyons le moment très mal choisi pour faire payer davantage aux jeunes l'accès à l'université. Nous ne pourrions cautionner une attitude qui masquerait la vraie nature du problème.

Les universités doivent regagner un rôle de premier plan dans le développement économique et social du Québec. Nous devons nous doter d'outils efficaces pour supporter la concurrence internationale et ainsi générer des emplois. Nous voulons contribuer à la croissance économique et sociale du Québec. Nous voulons, par les universités, atteindre l'excellence. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie beaucoup de votre intervention. Maintenant, nous allons passer à la période d'échange de propos avec les membres de cette commission. Je ne sais pas si c'est la première fois que vous assistez à une commission parlementaire comme celle-ci, mais je vous informe que cette commission est le prolongement de l'Assemblée nationale. C'est une commission où les deux partis sont représentés, et on veut la faire de la façon la plus simple possible, sans agressivité, et que chacun se sente bien à son aise. Et soyez à votre aise pour répondre.

Si vous avez des questions à poser, si vous croyez qu'une question n'est pas claire et vous voulez avoir une précision, ne vous gênez pas pour la demander. Le but de la commission ce n'est pas que de poser des questions et d'avoir des réponses, mais c'est de chercher des solutions.

Sentez-vous bien à votre aise, sentez-vous chez vous, c'est votre Assemblée nationale ici, c'est votre commission parlementaire. Je voudrais que tout se passe d'une façon facile, de manière qu'on sorte d'ici peut-être pas heureux, mais satisfaits de la qualité des discussions que nous aurons eues ensemble.

Je donne la parole à l'adjointe parlementaire du ministre de l'Éducation, Mme la députée de Jacques Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Au nom du ministre, j'aimerais remercier le

Regroupement des associations étudiantes universitaires du Québec pour son analyse. Je croîs que c'est une analyse très dure qui pose des questions sérieuses sur la façon dont les universités remplissent leur mission. Pour notre première intervention, j'aimerais céder la parole au député de Rousseau.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Rousseau.

M. Thérien: Merci, M. le Président. Moi aussi, je veux vous remercier de votre mémoire qui exige du gouvernement de faire ceci et cela. J'aurais juste une petite remarque avant de poser ma question. Lorsque vous dites, à la fin, que vous ne voulez pas faire payer davantage aux jeunes l'accès à l'université, je voudrais vous dire que les jeunes paient déjà parce qu'il y a 80 000 000 $ de déficits d'accumulés. Bien entendu, il ne faut pas faire payer davantage les coûts aux étudiants. Dans votre mémoire, on parle de beaucoup de choses, mais je n'ai pas retrouvé d'éléments concernant la qualité de l'enseignement. Une question me vient à l'esprit. Comment pouvez-vous évaluer la formation que vous avez eue au niveau collégial et que vous avez présentement au 1er cycle universitaire?

M. Gallant: Vous savez, en tant que principaux usagers de l'éducation, on vit quotidiennement des situations, soit à l'intérieur de l'université ou, plus particulièrement dans nos cours, qui nous portent à avoir un jugement qui, à notre avis, se voudrait efficace pour ce qui a trait à l'évaluation des professeurs et l'évaluation de l'enseignement qu'on reçoit. Je crois que la réponse est assez simple. Puisqu'on est les principaux usagers de l'éducation, puisque c'est nous qui avons le plus de relations avec les professeurs, l'évaluation est une solution efficace à notre avis.

M. Thérien: Cela concerne l'évaluation. Mais selon la formation que vous avez reçue dans le passé et que vous recevez maintenant, pensez-vous que c'est une formation qui est de qualité, qui est "performante", qui vous prépare au marché du travail?

M. Raymond: Pas vraiment, je pense. À la lumière de certaines données sur le chômage des diplômés, sur la "partialisation" du travail, je pense que l'enseignement aurait tout avantage à être branché sur le milieu, à être adapté aux réels besoins et aux attentes de la société. Je pense qu'on est tout à fait redevable à la société qui finance les universités, et le gouvernement a une responsabilité de premier plan à exercer à ce niveau et il doit précisément faire en sorte que les universités s'ouvrent sur le milieu, de

façon qu'on ait une adéquation du contenu de nos cours avec les véritables réalités extérieures pour faire en sorte que, lorsqu'on sera sur le marché du travail, on ne se retrouve pas devant un mur, sans connaissances. On va savoir à quoi s'attendre du milieu, comment agir efficacement dans la société en tant que diplômés et instruits.

M. Thérien: Comme je l'ai dit lors du discours d'ouverture, je m'intéresse plus particulièrement aux diplômes. Vous semblez dire que ce qui s'enseigne présentement, ce qui se suit comme cours, ce n'est pas vraiment ce qui est le plus préparatoire au marché du travail actuellement?

M. Gallant: Justement, on fait mention à plusieurs reprises dans notre mémoire de la relation que devrait avoir l'université avec le milieu pour que l'université soit mieux connue à l'intérieur du milieu, soit celui du travail, soit celui de la collectivité. Il est essentiel pour le RAEU que l'université ouvre ses portes au milieu et que la relation et l'adéquation entre ce qui est appris à l'école et ce qui se fait réellement sur le marché du travail soit un fait concret dans l'avenir et un fait plus sauvent rencontré.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez terminé? Y a-t-il d'autres interventions?

Mme Blackburn: Oui. D'abord, M. le Président, permettez-moi, à la suite de la députée de Jacques-Cartier, de souhaiter la bienvenue aux étudiants du RAEU et de leur dire que j'ai à la fois apprécié la lecture de ce rapport et la préoccupation qu'ils manifestent particulièrement à l'endroit des services à la collectivité. Je dois dire que cette ouverture des universités sur leur milieu et la perception que vous en avez, la nécessité que vous ressentez de cette ouverture des universités, on ne les retrouve pas dans tous les rapports. On peut dire les choses comme elles se trouvent, on ne les retrouve pas dans tous les rapports des universités non plus. Que cela nous vienne des étudiants, je trouve cela particulièrement intéressant et je dirais même prometteur, parce qu'on sait que, tantôt, il y a de bonnes chances que ce soient les étudiants d'aujourd'hui qui dirigent les universités de demain.

C'est peut-être un peu beaucoup là-dessus que je voudrais revenir. Il y a un long chapitre de votre mémoire consacré aux services à la collectivité. Vous parlez à la fois de services è la collectivité et de liens avec les entreprises. Je voudrais essayer de reprendre le premier volet qui concerne les services à la collectivité. Pourriez-vous me dire si on retrouve l'équivalent du centre de services à la collectivité - je pense que c'est comme cela que cela s'appelle - dans plusieurs universités au Québec?

M. Munger: À l'heure actuelle, ces centres existent à l'Université Laval, à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et à l'Université de Montréal. Ces centres sont déjà implantés depuis plus de deux ans. Ils sont venus d'une constatation qu'on a faite justement que l'université, depuis quelques années, s'est renfermée en vase clos. La connaissance qui s'y véhiculait restait beaucoup à l'intérieur de l'université et il n'y avait pas beaucoup de contacts, d'acquisition de connaissances avec l'extérieur aussi. On a alors pensé que les étudiants gagneraient, en termes de formation, à avoir un contact plus soutenu avec l'extérieur et, en particulier, avec les collectifs qui sont, en général, des groupes qui n'ont pas accès aux connaissances universitaires. (10 h 45)

Donc, le centre étudiant de services communautaires permet d'établir un contact entre les étudiants désireux de sortir un peu des murs de l'université et les collectifs qui ont besoin des ressources universitaires pour avancer dans leur travail. C'est un lien entre les deux. On pense que c'est profitable et aux étudiants et aux collectifs et à l'université aussi qui, par une autre forme de connaissances, peut comparer la formation déjà donnée à l'heure actuelle. Il se fait aussi de la recherche en services aux collectivités.

Mme Blackburn: Est-ce que ce genre de participation dans ce type d'organisme et ce rapprochement avec les collectivités vous permettent en partie de combler ce que vous appelez la carence qui était évoquée tantôt du fait que l'enseignement, l'éducation ne soit pas suffisamment en adéquation avec les besoins du marché du travail?

M. Munger: C'est seulement un point de départ. C'est un effort qu'on fait, mais ce dont on se rend compte, c'est que c'est un effort qui est un peu ghetto¸Isé. Ce sont seulement les étudiants et quelques professeurs isolés qui semblent avoir cette volonté, d'adapter notre formation à des expériences plus pratiques. On se rend compte que dans les trois universités que je vous ai mentionnées on a fait un effort soutenu pour que l'université prenne en main, elle aussi, sa mission de services aux collectivités. On ne s'est pas trop confronté à des barrières en tant que telles, mais plutôt à un manque d'intérêt total des universités à ce niveau, ce qui fait que les étudiants travaillent d'arrache-pied pour se doter d'une formation plus adéquate. Les centres étudiants de services communautaires sont des centres qui sont très peu financés,

souvent à même les budgets de nos associations étudiantes. On voudrait que le gouvernement et les universités se préoccupent de cette mission qui est fondamentale, sinon on pense que les universités se ghettoïsent d'année en année et cela risque de devenir de plus en plus dangereux pour leur légitimité.

Mme Blackburn: Toujours concernant les services aux communautés ou aux collectivités, est-ce que vous avez essayé d'imaginer ce que pourrait être un financement adéquat ou suffisant?

M. Munger: II faudrait d'abord évaluer avec les universités concernées quels seraient les meilleurs modes d'action pour les services aux collectivités, parce que cela peut prendre de l'ampleur. Il nous est très difficile à l'heure actuelle, à partir de notre petite échelle, d'extrapoler sur ce que cela pourrait être au niveau universitaire. Toutefois, on a toujours démontré la ferme intention de collaborer avec l'université à ce niveau de manière à établir un plan de développement des services aux collectivités; ensuite, on pourrait se permettre de mieux évaluer l'enveloppe nécessaire pour faire fonctionner ces centres et cette mission de l'université.

M. Raymond: Une chose est certaine. Cela ne veut pas nécessairement dire des ressources supplémentaires élevées, en ce sens que si on décide d'intégrer les services aux collectivités à la mission générale d'enseignement et de recherche, cela signifie qu'on dit, d'une part, que le contact avec le milieu est tributaire d'une bonne qualité de l'enseignement et également tributaire d'une bonne qualité de la recherche puisqu'elle est branchée sur le milieu. En conséquence, cela sous-tend qu'à l'intérieur de ce budget, à l'intérieur des activités d'enseignement et de recherche, on va réallouer les ressources de façon à intégrer cette formation, quitte à ce qu'il y ait d'autres formations plus traditionnelles ou moins efficaces à l'heure actuelle, par une politique de priorisation, qui soient délaissées. Je pense que cela fait partie d'une politique de priorisation de réallocation des ressources.

Mme Blackburn: Pour vous, cela constitue une forme de stage qui est à la fois utile pour vous et pour la collectivité.

M. Raymond: En effet.

Mme Blackburn: Vous parliez tout à l'heure de l'adéquation entre la formation et les besoins du marché du travail. Vous ne craignez pas qu'une trop étroite adéquation entre la formation et le marché du travail risque de faire tomber rapidement vos connaissances en désuétude, parce qu'on connaît la rapidité d'évolution.

Deuxièmement, il me semble que vous faites un lien que j'hésite à faire entre le taux de chômage et la qualité de la formation. Vouloir imputer le chômage à la qualité de la formation me laisse penser qu'on n'aurait, demain, qu'à coller la formation aux besoins du marché et on aurait résolu le problème du chômage. Je pense que c'est beaucoup plus complexe que cela. Est-ce que vous iriez davantage dans une formation? Ne serait-il pas préférable qu'on aille davantage ou qu'on conserve une formation beaucoup plus fondamentale, beaucoup plus générale, de manière à laisser à l'entreprise la responsabilité d'adapter sa main-d'oeuvre à ses besoins?

M. Raymond: On est tout à fait d'accord avec votre point de vue, Mme Blackburn. Ce qu'on dit c'est qu'il ne faut pas nécessairement orienter l'enseignement et la recherche directement sur les besoins de l'entreprise ou du marché du travail. Au contraire. Je pense qu'il y a des finalités respectives de la part des entreprises, du milieu communautaire, et des finalités respectives des universités, la recherche fondamentale. On pense qu'une meilleure relation entre les finalités de l'entreprise et celles de l'université va donner un produit fini qui va ressembler à quelque chose d'intéressant.

Mme Blackburn: Bien. M. Raymond: D'équilibré.

Mme Blackburn: Oui. Vous parlez beaucoup de planification-évaluation. Encore une fois, je dis que c'est une préoccupation qui est tout à votre honneur. Car, selon certains avis, cela n'est pas nécessairement ce qui a toujours marqué le développement du réseau universitaire au Québec.

Je voudrais brièvement revenir sur cette question. C'est à la page 11, mais le texte que vous nous avez remis ce matin n'est pas paginé. Cela serait 12 finalement avec la page qui s'est ajoutée. Vous parlez de modulation de la tâche des professeurs. Je pense que cela fait partie des critères. Ensuite, vous les ramenez dans ce que devraient être les critères d'évaluation des professeurs.

J'aimerais juste voir avec vous comment vous envisagez la modulation? Est-ce que vous pensez à une modulation de la tâche des professeurs ou tout simplement... Vous parlez de rééquilibrage, cela veut dire quoi exactement?

M. Raymond: J'ai dit équilibrage. Par modulation, on entend que les professeurs plus performants en enseignement vont faire

juste de l'enseignement, et ceux qui sont plus performants en recherche vont faire juste de la recherche.

Mme Blackburn: Cela veut dire cela.

M. Raymond: On est contre ce point de vue. On dit: autant on doit mettre de l'énergie au niveau de l'enseignement, autant on doit mettre de l'énergie au niveau de la recherche, également dans les services à la collectivité, les modulations, parce qu'un bon chercheur est aussi un bon enseignant et vice versa. C'est pour cela qu'on vise l'équilibre d'abord et avant tout dans un professeur, et c'est ce qui va justement donner un enseignement de qualité et une recherche de qualité.

Mme Blackburn: Mais est-ce que vous privilégiez de confier plus de tâches d'enseignement à un professeur qui a plus d'aptitudes à communiquer"?

M. Raymond: Non, on pense...

Mme Blackburn: Ou si vous dites les deux, que c'est vraiment un équilibre entre l'enseignement et la recherche qu'on devrait viser?

M. Raymond: On pense plutôt, dans la perspective d'évaluation formative, qu'un bon enseignant qui n'est pas bon chercheur devrait être aidé à être bon chercheur également.

Mme Blackburn: Alors, ce n'est pas une modulation comme on l'entend généralement. Très bien.

Vous parlez de critères d'évaluation et vous identifiez ici à la quinzième recommandation une série de critères sur lesquels les professeurs devraient être évalués. Est-ce que vous voyez que les étudiants ont un rôle à jouer dans cette évaluation?

M. Raymond: Tout à fait.

Mme Blackburn: Le deuxième volet de la question, qui se rapproche un peu de cette préoccupation, est: Le Conseil des universités, hier, proposait de modifier les règles de nomination des représentants socio-économiques au conseil d'administration des universités, de manière à renforcer leur poids. Je voulais voir comment vous réagissez par rapport à cette recommandation et à la première par rapport à votre participation, finalement, aux diverses instances à l'intérieur d'universités, donc, de l'évaluation?

M. Gallant: Pour ce qui est de l'évaluation, comme je le précisais plus tôt, il est évident que les étudiants ont un rôle primordial à jouer en ce qui a trait à l'évaluation de l'enseignement et l'évaluation des professeurs. Pour seulement répéter quelques détails que je précisais plus tôt, compte tenu du temps et compte tenu aussi qu'on est les principaux usagers en ce qui a trait à l'éducation dans les universités, on est, en fait, des interlocuteurs privilégiés pour juger et évaluer l'enseignement qu'on reçoit. Alors, notre rôle, il s'agit maintenant d'avoir les moyens pour qu'on puisse assurer notre rôle. On demande d'avoir les moyens au niveau des structures des universités pour qu'on puisse enfin procéder à l'évaluation. Alors on pourra jouir pleinement de notre rôle, un rôle qui est, en fait, nécessaire dans le vécu des universités.

M. Raymond: Pour votre deuxième sous-question, je pense que dans une perspective d'équilibre, si on voulait accroître le nombre de représentants socio-économiques présents au conseil d'administration des universités, on est tout à fait d'accord, pour autant qu'on accroît le nombre de représentants étudiants au conseil d'administration. Je pense que cela pourrait être bénéfique compte tenu que les professeurs jouent actuellement un rôle assez important; on connaît la résistance qu'ils ont à parler d'évaluation, parce que souvent cela leur est présenté comme une espèce de chasse aux sorcières, alors que cela n'est absolument pas notre objectif. Notre objectif est formatif et il est positif. Il vise le progrès plutôt qu'une "chasse aux sorcières", entre guillemets. On a beaucoup de mal à faire admettre cela.

Mme Blackburn: D'accord. C'est qu'actuellement, en fait, il y a deux tendances qui viennent se renforcer l'une et l'autre, c'est-à-dire un discours qu'on comprend et qu'on accepte en partie et qui veut renforcer le rapport entre l'université et l'entreprise. Si, en même temps, on renforce le poids des socio-économiques sur les conseils d'administration, si ces socio-économiques viennent massivement ou majoritairement des milieux de la grande entreprise, ne craignez-vous pas qu'à un moment donné cela finisse par grossir la mission des universités?

M. Raymond: Majoritairement, cela serait effectivement dangereux. C'est pour cela qu'on pense qu'il faut maintenir un certain équilibre. Mais, dans les socio-économiques, il n'y a pas seulement les gens d'entreprise. J'espère qu'on pense aussi à des gens qui viennent du milieu communautaire.

Mme Blackburn: Je pensais aux quatre dernières nominations.

M. Raymond: Oui, d'accord.

Mme Blackburn: Je vais passer la parole è mon collègue avec l'autorisation du président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): La parole est au député de Sherbrooke.

M. Hamel (Sherbrooke): M. le Président, il y a un aspect qui me préoccupe particulièrement. C'est toute la question de l'abandon des étudiants au 1er cycle. Hier, on a eu certaines données. J'aurais deux volets à cette question. D'abord, on voyait des chiffres où l'on mentionnait qu'il y avait 50 % d'abandon au 1er cycle. Est-ce que vous croyez que ce chiffre est relativement exact? Deuxièmement, comment pouvez-vous expliquer ce phénomène d'abandon aussi élevé au 1er cycle?

M. Raymond: La question des 50 % d'abandon, on n'a pas véritablement... Vous nous apprenez les données. On peut émettre, à ce moment-là, toutes sortes d'hypothèses. Est-ce que c'est l'endettement qui les incite à abandonner leurs études? Est-ce que ce sont les exigences trop grandes de la part des universités? Cela reste à explorer. Je pense que l'endettement est un facteur impartant. Compte tenu des résultats que cela donne, s'ils ne se trouvent pas d'emploi, cela ne vaut pas la peine de s'endetter.

M. Hamel (Sherbrooke): Pour vous, l'endettement expliquerait le phénomène d'abandon.

M. Raymond: J'ai dit que cela était une variable qui pouvait influencer l'abandon et non pas la variable.

M. Hamel (Sherbrooke): Mais, est-ce qu'il y a d'autres situations?

M. Raymond: Bien, comme je vous le dis, cela peut être une démotîvation. C'est une variable également. L'autre variable peut être aussi les exigences par rapport aux aptitudes de l'étudiant. On peut émettre une foule d'hypothèses, mais retenons celle de l'endettement qui en est une.

M. Hamel (Sherbrooke): Mais, vous autres, vous n'avez pas creusé plus à fond ce phénomène pour voir s'il y a vraiment quelque chose de particulier qui fait qu'on arrive peut-être à 50 % d'abandon au 1er cycle, ce qui est quand même assez élevé?

M. Raymond: Bien, écoutez, il y a la FAECUM, c'est une association d'étudiants de l'Université de Montréal qui a fait un espèce de petit sondage sur le doublement des frais de scolarité. C'est leur réponse par rapport au doublement des frais de scolarité. On dit là-dedans que, si on doublait les frais de scolarité, parmi les personnes qui seraient intéressées à poursuivre leurs études aux 2e et 3e cycles, il y en a 26 % qui abandonneraient et qui se contenteraient d'un baccalauréat. C'est pour cela qu'on s'appuie là-dessus, justement pour indiquer que c'est une variable qui peut être déterminante.

M. Hamel (Sherbrooke): Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: J'ai lu avec beaucoup d'attention votre mémoire et je trouve que vous avez très bien fait vos devoirs. En tout cas, vous avez essayé d'aller dans la réflexion qui vous semblait la plus logique, compte tenu de la situation que vous occupez actuellement en tant qu'étudiants.

Compte tenu de ce contexte, il m'est venu certaines questions que j'aurais aimé vous poser au moment où je faisais ma propre lecture, à savoir justement la part qu'on vous réserve ou l'accueil qu'on vous réserve, est-ce que vous en êtes satisfaits? Compte tenu des réponses qu'on vous donne, est-ce que vous ne vous sentez pas leurrés par moment et est-ce que cela n'apporte pas une certaine démotivation en ce qui a trait, justement, à l'engagement des étudiants?

M. Gallant: Pouvez-vous préciser l'apport à quel sujet? Vous parlez d'apport et de situation.

Mme Vermette: En fait, on parle actuellement de l'orientation et on met beaucoup l'accent sur les frais de scolarité. Tout ce qui ressort de votre mémoire, c'est que, de toute façon, ce n'est pas uniquement le problème du dégel des frais de scolarité, mais c'est aussi toute l'orientation, la mission de l'université et le rôle que devrait jouer l'université, et justement votre prise de position par rapport au rôle que devrait jouer l'université pour l'an 2000. (11 heures)

M. Gallant: Justement, à l'intérieur de notre mémoire, on a cru bon de mettre le problème plus globalement. Actuellement, on entend beaucoup plus parler uniquement de la question uniquement des frais de scolarité. On serait même porté à croire que c'est la seule solution au malaise des universités, alors que, quand il s'agit des promesses du parti actuellement au pouvoir, il ne semble pas y avoir respect de ces promesses. On patine actuellement è ce niveau. C'est pourquoi on veut aujourd'hui, par la présentation de ce mémoire, présenter le problème de façon plus globale et dire qu'à l'intérieur du problème du financement des universités il y a plusieurs parties de solution et on a tenté de les incorporer dans ce mémoire.

Mme Vermette: Est-ce que vous trouvez qu'on donne une large place aux solutions que vous apportez et est-ce que vous espérez qu'elles soient vraiment prises en considération? Vous attendez une attitude de la part des gens?

M. Gallant: Une attitude une peu plus positive et un peu plus concrète de la part du parti au pouvoir actuellement. On s'attend que le gouvernement pose des actions concrètes, que le gouvernement cesse de changer d'idée de semaine en semaine et qu'enfin on passe aux changements nécessaires dans les universités, changements qui vont procurer justement un meilleur financement.

Mme Vermette: Au tout début de votre mémoire, vous dites qu'en fin de compte il y a une mauvaise utilisation des ressources. De quoi tenez-vous compte... Avez-vous des données qui pourraient justement soutenir les mauvaises utilisations de ressources?

M. Raymond: Premièrement, juste le fait qu'il y ait une absence de politique d'évaluation des ressources, c'est tout à fait curieux et peut-être même unique en Amérique du Nord en ce qui concerne cette question.

Deuxièmement, il y a des exemples concrets qui vous seront présentés de mauvaise gestion de la part de nos associations membres au niveau des services auxiliaires, entre autres, et également à d'autres niveaux. On leur laisse l'occasion de vous en livrer la preuve.

M. Munger: Si je peux me permettre, quant à nous, c'est clair. On parlait de démotivation tout à l'heure. On se rend compte que, d'une part, au niveau du gouvernement on se demande s'il y a un désir d'orientation des universités et un désir de voir un peu à ce que les universités... Il ne s'agit pas seulement de regarder ce que cela coûte, mais plutôt ce que cela rapporte et comment faire en sorte que cela rapporte plus à la société québécoise. On voit un relâchement général et un manque de légitimité de l'université. On dirait que l'université perd sa légitimité et que tout le monde les laisse aller seules. On pense qu'il est important que le gouvernement, avec des mécanismes d'évaluation, fixe des objectifs aux universités et impose certains mécanismes qui fassent en sorte que les universités atteignent ces objectifs. On n'est pas à mettre le blâme à 100 % sur les universités. On considère que, depuis les dernières années, on se demande où la société québécoise veut que les universités aillent. Il serait temps que, par la voix de ses représentants, la société québécoise dise: Les universités, on veut que ça donne cela et prenez les moyens pour que cela donne ça. On trouve qu'il y a une dévalorisation totale de cela à l'heure actuelle.

Mme Vermette: Vous appelez cela de la saine gestion? Une saine gestion, à mon avis, c'est de la planification. La planification, c'est la recherche d'éléments de solution et la retenue de la meilleure solution.

M. Raymond: C'est cela. Un petit aparté sur les frais afférents, le petit cadeau qu'on nous a livré dernièrement dans les universités. Juste un exemple: ft l'Université de Montréal, on demande où sont attribués ces 40 $ de frais afférents et on n'a aucun plan d'attribution de ces ressources dans le matériel didactique. On n'est pas capable de nous prouver actuellement comment sera distribuée cette somme pour des fins de matériel didactique. Déjà là, c'est scandaleux!

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je m'interroge un peu dans votre rapport parce que vous semblez demander au gouvernement de s'immiscer davantage dans la mission de l'université. Alors, cela laisse quasiment sous-entendre que vous voudriez avoir une université d'État, c'est-à-dire que vous voudriez avoir plus d'implications du gouvernement dans le processus décisionnel des universités sous une orientation des programmes etc. Je voudrais bien vous entendre dire si vous voulez que l'État définisse davantage le rôle des universités. N'oubliez pas qu'à l'heure actuelle, au Québec, l'autonomie des universités, c'est très important et cela doit être maintenu. Je pense qu'on doit rechercher et favoriser cela. J'aimerais que vous me précisiez si c'est votre volonté de voir à ce que l'État soit de plus en plus présent dans le processus de définition d'un plan de développement des universités.

M. Raymond: Premièrement, l'autonomie universitaire a sa raison d'être si elle a une utilité quelconque. On s'entend sur l'autonomie universitaire, on est d'accord avec cela. Toutefois, il ne faudrait pas croire que le gouvernement n'intervient pas actuellement dans les universités, les règles d'attribution de subventions de fonctionnement. Quand on dit: On prélève les sommes qui vont être affectées pour le financement des clientèles additionnelles, cela veut dire qu'on crée une espèce de concurrence et on veut réaliser les économies d'échelle; c'est l'objectif du gouvernement. On se trouve dans des situations et les universités sont aux prises avec cela. Quand le gouvernement change sa politique à tous les ans, les

universités ne peuvent pas se planifier. Ont-elles les moyens de justifier que leur autonomie peut être utile à ce moment-là? Il y a une différence entre faire de l'ingérence indirectement dans les universités et la faire directement. On demande que le gouvernement parle clairement, définisse ses objectifs de façon générale et que les universités s'y adaptent. Le gouvernement a une responsabilité, c'est lui qui finance, c'est la société qui finance les universités. Le gouvernement et tout le monde sont redevables devant le financement des universités.

M. Tremblay (Rimouski): Lorsque vous parlez de services aux collectivités, cela veut dire que vous voudriez que le gouvernement impose aux universités d'augmenter les services aux collectivités, de développer une nouvelle mission à l'université. C'est cela que vous voulez?

M. Raymond: Non, ce n'est pas que le gouvernement impose, c'est qu'on veut avoir une formation pratique. On veut que les universités se "ploguent" sur le milieu parce que c'est là qu'on va aller chercher une expérience pratique.

M. Tremblay (Rimouski): Un moment! Il ne faudrait peut-être pas jeter tout le blâme sur les universités actuellement. Elles rendent déjà un service à la collectivité par les enseignements qu'elles donnent et par les spécialistes qui les dispensent. La formation des médecins, la formation des avocats, la formation des spécialités traditionnelles, c'est tout de même un service à la collectivité actuellement. Qu'entendez-vous par votre "service à la collectivité"? Quelle est votre définition? Quelle est votre mission? Allez donc plus loin un peu et essayez de nous informer davantage sur votre perception ou votre vision à long terme de cela? Qu'est-ce que c'est?

M. Raymond: Vous avez les stages qui sont bons pour les avocats, les notaires, les rnédedins. Vous avez les services aux collectivités; par exemple, il y a des programmes de stages à l'intérieur des programmes et un étudiant en sciences politiques peut difficilement intervenir dans le milieu communautaire pour les aider. Il y a un besoin dans le milieu communautaire. Des gens attendent de l'université. D'autres la considèrent comme une espèce de tour d'ivoire. On est redevable devant la société et on veut travailler avec elle. Cela veut dire quelque chose.

Ce sont tous les organismes qui demandent des projets aux étudiants, qui demandent de travailler avec eux. C'est ventilé par département. À l'Université de Montréal, il y a deux employés qui travaillent là-dessus, ce sont des étudiants. Je vous jure qu'on en arrache. Â l'Université Laval, c'est encore plus que cela. Ce sont des projets concrets et ils sont sur la table.

M. Munger: Si je peux me permettre... Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez.

M. Munger: ...pour savoir vraiment où on veut en venir avec la mission de services aux collectivités - cette définition n'est pas de nous - je vous invite à consulter les avis du Conseil des universités à ce sujet et les actes du colloque du Conseil des universités sur les services aux collectivités. On n'a rien inventé en parlant de cela. Le Conseil des universités dit lui-même que c'est actuellement dans la mission des universités.

M. Tremblay (Rimouski): Je voudrais revenir sur la présence. Tout à l'heure, vous sembliez soutenir que vous n'étiez pas tellement présents dans le processus décisionnel des universités. Vous avez tout de même vécu les neuf dernières années sous l'ancien régime. Pensez-vous qu'avec le nouveau régime, vous allez avoir plus de représentation? C'est cela?

M. Raymond: Pourquoi pas?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez terminé, M. le député? Je reconnais maintenant le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, je vous remercie comme tous les autres collègues de la teneur de votre document qui va plus loin que les seules discussions qu'on entend depuis un bout de temps, à savoir que l'augmentation des frais de scolarité est demandée soit par les gens en place au gouvernement ou par l'intermédiaire des universités.

J'aurai trois questions. La première se situe à la page 6 du document que j'ai renuméroté, comme disait ma collègue tout à l'heure, de votre résumé, la proposition no 5. On dit: "Le gouvernement «encourage au moyen d'incitatifs fiscaux la participation des entreprises et des particuliers dans le financement général des universités." J'aimerais savoir de votre part, si votre réflexion a été jusqu'à ce niveau, quelle sorte de moyens fiscaux - je l'ai posé aux recteurs des universités hier - verriez-vous comme possibles à ce sujet?

M. Raymond: Je dois avouer candidement que sur les méthodes peut-être actuarielles, je pourrais me mêler joyeusement, sauf que donnons-nous l'objectif d'aller chercher la contribution des entreprises. Je pense qu'il y a des gens spécialisés ici qui vont définir les mécanismes appropriés.

(11 h 15)

M. Jolivet: Une deuxième partie. Ma collègue faisait mention d'un danger qui peut exister en ce sens d'adapter les besoins de l'université aux besoins du milieu du travail, du secteur du travail, est-ce que - ce n'est pas cela que vous proposez, j'en suis assuré -il n'y a pas un danger que des gens interprètent cela justement comme étant dans le contexte actuel: "business is business".

M. Raymond: Si vous lisez la recommandation 6: "que le financement direct des entreprises liées a la recherche s'insère à l'intérieur d'une politique claire des universités concernant le développement de la recherche", cela veut dire que les projets des entreprises devront s'insérer à l'intérieur des objectifs prédéfinis par les institutions et plus généralement par le gouvernement.

M. Jolivet: Deuxième question, cela a trait a ce qu'on a entendu hier et à ce qu'on entend encore un peu partout. On dit que les universités ont besoin de revenus additionnels. Plusieurs suggèrent des moyens, ils disent que ces moyens doivent être l'augmentation des frais de scolarité eu égard à des modalités à ce niveau. On parle d'autres revenus qui sont subventionnaires. On dit que le gouvernement - pour revenir à la question du député de Rimouski - déjà, il ne faut pas l'oublier, subventionne à 85 % dans une formule historique, mais en tenant compte aussi que si les universités reçoivent des sommes de revenus autonomes, à ce moment elles sont diminuées des subventions.

Dans ce contexe, comment vous sentez-vous face à ces propositions? Parce que vous en faites une série à la fin de vos recommandations, par rapport à ces recommandations qui sont faites un peu partout?

M. Raymond: Est-ce qu'on vise directement les frais de scolarité?

M. Jolivet: Cela peut être toutes sortes de revenus.

M. Raymond: D'abord et avant tout, sur le diagnostic du financement, je pense qu'on l'a mentionné au début, ce serait dangereux de s'aligner vers des solutions faciles, aller chercher, patcher le financement. Il faut d'abord et avant tout savoir où va cet argent avant de demander si on en a besoin de plus. C'est cela notre argumentation. On dit: Si vous augmentez les frais de scolarité, c'est de l'argent gratuit aux universités, est-ce qu'elles vont être tentées de se mettre des politiques d'évaluation pour savoir où vont les ressources? Non, cela va retarder le problème et cela va le cristalliser.

M. Jolivet: Est-ce que, à ce moment-là, vous n'êtes pas tenté de dire que les ressources sont suffisantes, que c'est peut-être la mauvaise utilisation des ressources? Vous n'allez pas jusque-là, j'espère!

M. Raymond: Commençons par savoir où va l'argent, comment il est géré; par la suite, on déterminera si l'université est surfinancée ou sous-financée.

M. Jolivet: Merci. La troisième question a trait à une phrase qu'on entend. On a parlé de l'augmentation du système des prêts et bourses, en augmentant les prêts et en diminuant les bourses, et on a dit: Cela ne fera de mal è personne. On n'a pas déterminé si, à la toute fin, cela avait un effet sur la capacité et l'entrée à l'université de certains jeunes. On dit: Ce sont des privilégiés; et dans le fond ils n'ont pas besoin de cela. Il y a des prêts qui vont être suffisants. Ce n'est pas à la société de payer pour des gens qui, plus tard, auront des niveaux élevés, à un point tel qu'ils n'auront pas de difficulté à se trouver du travail. En fait, on entend ces phrases. Comment vous situez-vous dans tout cela?

M. Munger: M. le député, on considère que oui on est des privilégiés. Et c'est pour cela qu'on veut que les ressources de l'université profitent à la société. On veut en faire profiter. On veut travailler avec des gens qui n'ont pas les ressources qu'on peut avoir à l'université. On veut que l'accès à l'université soit conservé. On veut que les étudiants ne soient pas découragés par des désincitatifs financiers ou culturels ou quoi que ce soit, pour qu'ils puissent profiter... Et on veut que l'université parce qu'il n'y a pas seulement les étudiants qui y sont privilégiés, il y a beaucoup de gens qui sont privilégiés à l'université. On veut que l'université serve à la société pour redistribuer le privilège.

M. Raymond: On est redevable devant la société. C'est pour cela qu'on se pose des questions quant à l'esprit de "redevabilité" qu'ont les professeurs ou les administrateurs, qui sont pas mal plus préoccupés par les déficits d'un service alimentaire que par le développement des centres de service à la communauté.

M. Jolivet: Une dernière sous-question, qui a trait à des promesses qui ont été faites en campagne électorale. Il y a des résultats qu'on a aujourd'hui. Comment vous situez-vous dans ce qu'on a fait comme promesses à l'époque, parce que vous en faites mention un peu dans votre document? Et par rapport à ce qu'on connaît aujourd'hui, la discussion qui a été amorcée

et qui parle seulement de revenus et qui oublie l'autre facette dont vous faites mention depuis ce matin? Si on augmente les revenus, si jamais on en avait besoin, à quoi vont-ils servir? Si on ne les augmente pas ou si on les redistribue autrement, on voudrait, comme étudiants, connaître, de la part des administrateurs universitaires, l'utilisation qu'ils font de ces sommes? Donc, ce que vous dites c'est qu'on veut savoir où va l'argent et, ensuite, on déterminera si oui ou non il manque de l'argent et quels revenus additionnels devront être placés dans le système universitaire.

M. Raymond: Tout à fait. Cela commence par une prémisse, c'est-à-dire instaurer une politique d'évaluation. Concernant les promesses du Parti libéral, vous savez, on a une très bonne mémoire -même la photocopieuse! - et on voit qu'à l'intérieur des priorités "jeunesse", on lit "gel des frais de scolarité pour maintenir l'accessibilité a l'éducation". On lit également, en-dessous, "créer un conseil permanent de la jeunesse pour assurer une voix aux jeunes dans les décisions gouvernementales". Je pense que, s'il y a une décision qui affecterait le sort des étudiants, c'est bien te dégel des frais de scolarité. C'est pour cela qu'on veut que cela passe par là avant.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le député de Laviolette. Je reconnais M. le député de Richelieu.

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Afin de préciser deux points, deux volets, me permettez-vous de vous demander un peu de clarification? Dans le premier point, vous avez répondu partiellement au député de Rimouski concernant les rapports entre l'université, la recherche et les besoins de la société. Comment voyez-vous cela? Si ce n'est pas l'État qui chapeaute tout, quel organisme peut le faire? C'est le premier volet de ma question. Le deuxième volet concerne l'évaluation. Quand on parle de l'évaluation de la compétence des enseignants, de l'enseignement et des professeurs, qui fera, selon vous, cette évaluation? Cette évaluation se fera selon quels objectifs, sous quelle forme? Est-ce que, dans votre vision des choses, vous voyez les groupes socio-économiques à l'intérieur de ce processus d'évaluation? Sans alimenter le discours plein de sous-entendus de la députée de Chicoutimi, j'aimerais avoir plus de précisions quant à l'évaluation à laquelle vous pensez? Est-ce que vous faites l'évaluation de l'enseignement? Est-ce que vous pensez faire l'évaluation de la compétence, dans le domaine de la recherche, des professeurs, de l'enseignement? C'est quoi votre cadre général?

M. Munger: On parle de l'évaluation, bien sûr, de l'enseignement. Il y a déjà dans certaines universités des politiques d'évaluation de la recherche. On considère qu'il faut que cela se fasse aussi. Ce sont toutes les facettes de l'université qui doivent Être évaluées en quelque sorte pour voir, avec l'argent investi par la société, quel rendement, quel retour donne l'université à la société. C'est beau dire qu'il y a sous-financement ou qu'il y a trop de financement, mais pour faire quoi? Je pense qu'il faut regarder le produit final aussi, ce qui sort des universités et c'est par l'évaluation qu'on peut voir cela.

Qui fera cette évaluation? C'est sûr qu'à des niveaux très terre à terre, on considère que les étudiants ont leur rôle à jouer dans le processus d'évaluation, surtout de l'enseignement. Les professeurs eux-mêmes ont un certain rôle à jouer, les administrations universitaires aussi. Qui chapeauterait ces mécanismes d'évaluation? Ce ne sont pas seulement des individus, mais il y a aussi les unités d'enseignement, les unités des différents services des universités. Il y a une de nos associations qui présentera, au cours de la semaine prochaine, des propositions à cet effet, c'est-à-dire un genre d'organisme avec certains contrôles pour vérifier ce qui se fait dans les universités. Donc, on laisse à nos associations le soin de mener ce projet.

M. Khelfa: Du côté pratico-pratique, vous faites une évaluation de toutes les instances, incluant celle des étudiants?

M. Munger: Pardon?

M. Khelfa: Vous faites une évaluation de toutes les instances de l'université, professeurs, administration, recherche même les associations étudiantes?

M. Munger: Les associations étudiantes sont financées par leurs membres. Elles ne sont pas financées par la société.

M. Khelfa: Je pose la question au point de vue pratico-pratique.

M. Raymond: L'évaluation pour l'association étudiante, c'est la même que la vôtre, c'est l'élection.

M. Khelfa: Mais celle des professeurs, c'est le choix de...

M. Raymond: Regardez quelque chose d'intéressant. À l'UQAM, c'est intégré à la convention collective. On mesure des choses très concrètes. Est-ce que les étudiants sont

satisfaits du cours? Il y a des critères qualitatifs. C'est une espèce de comité de trois professeurs qui décide s'il y a lieu d'accorder une promotion sur le plan de l'enseignement. Ce sont des mécanismes qui avaient été en annexe dans le rapport de la commission Angers en 1978 qui soulignait de graves problèmes qui n'ont toujours pas été réglés. Ce sont des pistes intéressantes à observer.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. Raymond, de votre explication.

Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: J'aurais le goût de revenir un peu sur la question que vous avez abordée brièvement tout à l'heure, soit les résultats d'un sondage qui a été fait, je pense, par les étudiants de l'UDM, qui démontreraient que si les frais de scolarité doublaient, cela aurait des effets sur l'accessibilité, sur l'accès aux études supérieures et sur l'incitation. Êtes-vous à même de me dire si les résultats qu'on retrouve dans ce sondage semblent refléter assez justement la réalité des universités qui sont membres du RAEU?

M. Raymond: Je vous en fournirai une copie. La méthodologie, c'est un sondage scientifique réalisé par la firme Léger et Lepage. Il y a 1038 répondants répartis dans sept ou huit universités. Cela comprend McGill, toutes les associations membres du RAEU et également l'Université du Québec à Montréal et des universités du Québec en région. Je pense que Chicoutimi est dans le circuit.

Mme Blackburn: Autrement dit, vous dites que ce qui est là-dedans reflète vraisemblablement ce qu'on peut retrouver... Vous n'avez pas ou peu réagi ou fait un rapport entre une hausse des frais de scolarité, qui semble vouloir être de plus en plus prévisible, et l'effet cumulatif que cela pourrait avoir combiné à d'autres décisions sur l'accessibilité. Je pense, entre autres, aux frais afférents auxquels vous avez fait allusion, à l'endettement de quelque 24 000 000 $ en prêts; on est passé de la bourse aux prêts au printemps de cette année. Le rapport Gobeil recommande, par ailleurs, de limiter la durée des études au collégial, ce que j'ai appelé le ticket modérateur, parce que quand cela dépasse tant de sessions il faudrait qu'ils paient des frais de scolarité au niveau collégial. Il y a eu aussi l'été dernier l'imposition des frais de scolarité dans la plupart des cégeps du Québec pour les cours d'été. Est-ce que vous avez déjà examiné ce que l'effet cumulatif de ces mesures pouvait représenter?

M. Gallant: En fait, il n'existe pas de statistiques précises là-dessus sauf qu'on peut voir qu'une augmentation des frais de scolarité, proposée par exemple comme dans le rapport Gobeil, serait néfaste pour l'ensemble des étudiants. Sous le régime actuel ou encore sous l'ancien régime, lorsqu'on parlait d'augmentation de frais de scolarité, on parlait aussi d'une bonification du régime d'aide financière. La bonification de ce même régime passe d'abord et avant tout par la bonification et l'augmentation du prêt et la diminution de la bourse. Le résultat en est un accroissement de l'endettement. Qu'on ne nous fasse pas croire qu'il n'y aura pas de difficulté d'accès parce que, si on augmente l'endettement étudiant qui est déjà quand même assez important, si on pense qu'après un bac cela tournerait autour de 9000 $ à 10 000 $ d'endettement pour quelqu'un qui reçoit de l'aide financière au collégial et à l'université... Si on augmente encore cet endettement, c'est une barrière évidente, non pas la seule, pour ce qui est de la scolarisation de la société québécoise. Est-ce qu'on va bloquer la scolarisation de la société par des mesures néfastes à cette scolarisation?

Mme Blackburn: Vous dites qu'il y a un préalable avant toute discussion sur une hausse des frais de scolarité, qu'on se donne d'abord une politique touchant le développement des universités, enseignement, recherche et services à la collectivité, qu'on se donne des moyens de contrôler l'atteinte des objectifs qu'on se sera donnés et, ensuite, on sera en mesure de se dire s'il manque de l'argent dans les universités. Mais, vraisemblablement - je dirais que cela fait l'unanimité, à part quelques mémoires -on pense que si on compare la situation des universités au Québec avec celle de l'Ontario, pour ne pas la nommer, il y a effectivement des écarts. Il y aurait un manque à gagner.

Dans cette hypothèse qu'il faudrait éventuellement chercher de nouvelles sources de financement, avez-vous envisagé une autre façon d'aller chercher les frais de scolarité que par la formule actuelle qui est unique, indépendamment ou presque du coût du programme et de la durée des études? Est-ce que vous avez déjà envisagé... je pensais entre autres à une hypothèse qui a été mise sur la table hier et qui parle d'un impôt universitaire?

M. Gallant: L'augmentation des frais de scolarité, en fait, cela constitue une béquille uniquement au problème du financement des universités. D'abord et avant tout, nous devons procéder, l'ensemble des intervenants au niveau universitaire, aux réformes nécessaires, que ce soit au niveau de la gestion, au niveau pédagogique. Ces réformes

sont d'abord et avant tout nécessaires, ensuite on sera en mesure d'évaluer si réellement une augmentation des frais de scolarité constituerait l'élément sauveur du réseau universitaire québécois. À notre avis, ce n'est absolument pas le cas.

Pour ce qui est de la proposition d'un impôt universitaire, il s'agit d'une bonne idée, d'un chemin intéressant au niveau de la discussion. Précisément, concernant un impôt et le régime d'aide financière, ce régime mérite aussi des réformes majeures, des réformes qui sont demandées depuis un certain bon moment. On a eu quelques parcelles de réforme très mineure du gouvernement actuel. Encore là, c'est très peu. Cela demande plus. On doit procéder, dans les plus brefs délais, à une réforme, à l'étude des différents chemins qu'on pourrait suivre pour rendre ce régime équitable pour l'ensemble des étudiants et des étudiantes au Québec.

Mme Blackburn: Voulez-vous nous parler brièvement, parce qu'on vient de me dire qu'il me reste peu de temps, de ce que seraient les modifications les plus importantes à apporter au régime d'aide financière aux étudiants?

M. Gallant: Dans l'ensemble, actuellement on se fie à la capacité financière des parents lorsque l'étudiant rentre à l'université. Cela pourrait être un exemple. Pourquoi ne pas se fier à la capacité financière de l'étudiant au moment où ce dernier a un emploi et qu'il peut subvenir, qu'il peut rembourser l'ensemble des dettes contractées à ce moment-là? Parmi d'autres réformes, on a quand même apporté des parcelles de solution, mais les étudiants en régions, tout ce qui concerne les familles monoparentales à ce niveau, etc., cela mérite une attention particulière et un cheminement quand même assez rapide.

Mme Blackburn: Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. Gallant, de votre réponse. Je reconnais maintenant Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Vous avez dit tout à l'heure que notre gouvernement patine sur la question des frais de scolarité. Nous ne patinons pas sur cette question. Nous cherchons des solutions afin de valoriser nos universités, la mission de nos universités, et de mettre nos universités sur une base solide pour l'avenir. C'est évident qu'il faut examiner tous les éléments de la solution ou les solutions possibles. Il y a deux problèmes auxquels il faut s'intéresser. Il y a le problème chronique de sous-financement des universités. Il est évident qu'il y a un large consensus sur cette réalité. Un des éléments qu'il faut examiner pour solutionner ce sous-financement chronique est le niveau des frais de scolarité. Le deuxième problème auquel il faut s'intéresser, c'est la nécessité d'assurer que les fonds disponibles soient utilisés d'une façon efficace pour des fins pertinentes. C'est surtout sur le deuxième problème que votre mémoire est axé. Votre analyse est très dure, et je crois que la plus grande partie de votre analyse porte sur la mission universitaire. Ma question est celle-ci: À votre avis, quelle est la mission d'une université? (11 h 30)

M. Raymond: C'est de répondre aux besoins et aux attentes de la société.

M. Munger: D'accord, en matière de formation, c'est sûr qu'il y a une mission fondamentale de l'université. On parle aussi de champs assez connus, au niveau de la recherche des universités. L'université doit être à l'avant-garde de la connaissance. Or, pour être à l'avant-garde, il faut au moins savoir ce qui se fait à côté. On considère que ce contact est manquant tant au niveau de la recherche, qu'au niveau de la formation. Il y a aussi... Un des contacts pour le faire, c'est au niveau des services avec la collectivité et au niveau des liens avec l'entreprise qu'il faut que cela se fasse. Donc, on considère qu'une université, en ne développant pas ces missions, ne développe pas ses missions fondamentales. C'est pour cela, entre autres, qu'on a vu se développer beaucoup de centres de recherche parallèles aux universités - c'est une des raisons, je ne dis pas que c'est la seule raison - de centres de recherche privés. On considère que l'université accomplit mal ces missions. Puis, avant peut-être de regarder le niveau de financement, de dire que l'université est sous-financée, elle est sous-financée par rapport à quoi? Qu'est-ce qu'on veut que l'université fasse? C'est peut-être cela qu'il faudrait que le gouvernement fasse à un moment donné, mettre une politique claire. L'objectif de l'université, c'est cela. Parler de sous-financement dans les airs...

Mme Dougherty: Ma question est: Qu'est-ce que vous voulez à l'université, de l'université?

M. Munger: Nous on veut de l'université une formation adéquate; on veut de l'université une formation qui ne soit pas déconnectée de ce qui se passe dans la société. Je pense qu'on l'a répété à maintes reprises au cours de la journée. On veut de l'université des professeurs qui ont travaillé en termes de recherche, qui ont fait de la recherche et qui nous donnent de la connaissance qui est à jour. Pas de la

connaissance qui date de dix ans: arrivés dans l'entreprise, on se rend compte que c'est dépassé, ou arrivés dans tel ou tel secteur de la société on se rend compte que c'est dépassé. On veut de la recherche à jour pour avoir une formation à jour. On veut que l'université soit à l'écoute de ce qu'il y a à côté. Qu'est-ce qui se passe? C'est quoi les besoins de la société? Par exemple, on parle souvent de la baisse de crédit des sciences sociales à l'heure actuelle. On croit, nous, que les sciences sociales ont encore leur place à l'université. Beaucoup disent: oui, mais elles n'ont pas leur place les sciences sociales. On croit que les sciences sociales ont encore leur place, mais il y aurait peut-être lieu de faire une mise à jour pour les nouveaux problèmes sociaux qui sont vécus par exemple avec le virage technologique, ces choses là. Mais dans notre formation, on n'entend pas parler de cela.

Ce qu'on veut, en gros, c'est avoir une formation à jour. Cela passe par la recherche, cela passe par une pédagogie adéquate, et cela passe par les services aux collectivités, et ce sont là, selon nous, les trois missions fondamentales de l'université.

Mme Dougherty: Cela m'étonne qu'à votre université - je ne sais pas quelle université vous fréquentez - on ne parle pas du virage technologique. Est-ce que j'ai bien compris? Par exemple, on n'entend rien sur l'implication du virage technologique pour votre avenir?

M. Munger: Je m'excuse. Je parlais dans le domaine des sciences sociales. Mais si cela vous étonne, il faudrait peut-être aller voir, regarder la banque de cours des différents programmes universitaires, regarder comment ces cours sont donnés, regarder si cette banque de cours est à jour. Je suis heureux de votre étonnement. C'est le manque d'information qu'il y a là à l'heure actuelle. 11 y a un besoin de mécanismes d'évaluation des programmes, d'évaluation des unités d'enseignement, d'évaluation de la recherche. Avec cela, on va pouvoir dire si, par rapport au financement que l'université a, elle donne les résultats qu'on veut. Là on peut parler de sous-financement ou de surfinancement. Mais avant d'avoir regardé cela, selon nous, on voit simplement des colonnes de chiffres; mais des colonnes de chiffres, quand ce n'est pas relié à quelque chose, cela ne donne pas grand-chose.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Munger. Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Je donne maintenant ta parole au ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je voudrais tout d'abord m'excuser de mon retard ce matin. Je devais participer à une réunion du Conseil des ministres. On m'a retenu un peu plus longtemps que je ne l'avais pensé. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le mémoire que le Rassemblement des associations d'étudiants universitaires aprésenté à la commission. Le mémoire se situe, à mon point de vue, dans le prolongement de ce que le RAEU fait depuis plusieurs années. Je pense qu'il y a des points très intéressants pour nous autres dans ce que vous avez présenté. En particulier, je ne serais peut-être pas d'accord avec vous sur l'ordre des priorités dans les missions de l'université, mais je pense que la mission de service à la collectivité est une mission impartante, qui a peut-être été mise en veilleuse ces dernières années à cause de la chute des budgets et peut-être aussi d'un certain essoufflement des milieux universitaires. Il ne suffit pas de partir en mission ou de se donner une vocation, il faut qu'on sache la contribution précise qu'on a à apporter dans la communauté. Peut-être que, de ce côté-là, un certain phénomène d'essoufflement a ralenti un mouvement qui me paraissait plus vif à d'autres époques.

II y a une chose que je voudrais vous demander pour commencer. J'aimerais que vous nous parliez un petit peu de ce que vous avez fait de ce point de vue. Je me souviens qu'un jour, on m'avait raconté les initiatives qui avaient été prises par le RAEU pour favoriser des services à la communauté. Je ne sais pas si cela continue et si vous pourriez nous en parler davantage. Je pense que cela serait intéressant que la commission soit informée là-dessus.

M. Gallant: Oui, actuellement il existe toujours, dans les trois universités où on les avait implantés, les centres étudiants de services communautaires. Ces centres existent toujours et, malgré un manque évident de financement, fonctionnent relativement bien.

J'ai justement ici pour le CESC de l'Université de Montréal, pour le CESC de la FAECUM, l'ensemble des projets pour l'année en cours. C'est quand même assez impressionnant. L'ensemble de. ces projets représente pour l'Université de Montréal, mais le même nombre sinon plus se produit à l'Université Laval et en moindre nombre mais assez considérable à l'université en Abîtibi-Témiscamîngue.

Ces centres étudiants de services communautaires ont permis des réalisations quand même assez intéressantes. Des projets qui, aujourd'hui... Par exemple, la Société canadienne de la sclérose en plaque a pris un projet CESC et puis maintenant a diffusé l'ensemble de ce projet au niveau canadien parce que le projet était de qualité, et tout cela. Ce qui manque actuellement, c'est une

volonté réelle des universités de reconnaître cette forme d'apprentissage, en fait, de même qu'un financement plus stable, plus adéquat. Dans l'ensemble, cela fonctionne très bien.

M. Ryan: Combien y a-t-il de projets en marche actuellement dans les trois universités dont vous parlez?

M. Gallant: C'est en moyenne 200 à 250 projets annuellement dans les trois universités. Remarquez que le nombre d'employés est quand même restreint, ce qui restreint aussi le nombre de projets qui peut se produire.

M. Ryan: Est-ce que vous recevez une certaine aide financière pour ces projets?

M. Gallant: Dans le passé par des enveloppes de nature discrétionnaire, habituellement les CESC ont été financés. Pour ce qui est du moment présent, il y a un comité sur le financement de ces centres étudiants de services communautaires qui a été mis sur pied par le RAEU et ce comité propose des solutions qui devront poursuivre leur chemin.

M. Ryan: Nous sommes toujours ouverts à causer de ces choses-là avec vous autres. Je ne parle pas des subventions en particulier, mais de tout ce volet de l'action du...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Gallant: Vous avez d'ailleurs déjà reçu...

M. Ryan: Je note qu'on a bien compris la parenthèse. Mais nous sommes intéressés à discuter le fond de ces choses. Il me semble que c'est un des aspects les plus intéressants de l'action étudiante aujourd'hui. Si nous pouvons en être saisis davantage et fournir notre apport, je pense que ce sont des choses qui nous intéressent. Je peux vous dire cela.

Je reviens à l'essentiel de votre mémoire. Il y a une chose que je voudrais clarifier au départ. Je crois comprendre en lisant votre mémoire et en écoutant les discussions que vous n'êtes pas sûrs qu'il y ait un phénomène de sous-financement universitaire, actuellement.

M. Raymond: Effectivement, on pense qu'avant d'arriver à un diagnostic de sous-financement, il faudrait d'abord et avant tout savoir comment ces ressources sont allouées.

M. Ryan: Je vais vous donner un problème concret qui se pose.

M. Raymond: Comparaison avec l'Ontario, évidemment aussi.

M. Ryan: Je lisais le journal du Syndicat des professeurs de l'Université de Montréal qui m'est arrivé ces jours derniers. Ils ont reçu une demande des autorités de l'université de geler les salaires pour la prochaine année, pour l'année 1986-1987. Il y a un débat qui s'est engagé là-dessus. Est-ce que vous pensez que les autorités de l'université auraient fait cela juste pour s'amuser?

M. Raymond: Ce sont des mesures qui n'auraient pas été véritablement nécessaires si d'abord et avant tout on avait su où allouer l'argent par une politique d'attribution, une planification saine et efficace. En Ontario, cela existe depuis 18 ans. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est le Conseil des universités dans son avis du 17 mars 1983, page 125, deuxième paragraphe.

M. Ryan: Qu'est-ce qu'il dit?

M. Raymond: II dit qu'il y a une évaluation des programmes qui se fait déjà en Ontario et que le Québec accuse un retard de quinze ans. Cela a été écrit en 1983. Plus trois ans, cela fait dix-huit ans.

M. Ryan: Ce n'est pas le problème financier. Disons qu'il y a un problème d'évaluation. On va le discuter à son niveau. Il y a des améliorations qui s'imposent de ce côté, on va en parler tantôt, d'ailleurs. Là, on parle du problème financier. Vous ne me direz pas qu'il n'y a pas de problème financier parce qu'il n'y a pas d'évaluation. Là, il faut qu'on soit bien réaliste et il faut qu'on discute les vraies choses. À l'Université de Montréal comme dans les autres universités, on ne fait pratiquement pas d'engagement de professeurs nouveaux depuis trois ans. Cela est attribuable directement à un phénomène de financement et même de sous-financement. Est-ce que, vous autres, vous dites: C'est parce qu'ils devraient mettre du monde à la place de ce monde, en engager des nouveaux? J'aimerais comprendre votre point de vue comme il faut.

M. Munger: Regardez, premièrement, la situation. On pourrait adopter des mécanismes qui permettraient un réalignement et qui feraient en sorte que la performance des professeurs en question, qui sont en poste, s'améliore. Vous dites: Cela n'a pas de rapport avec le financement. Je m'excuse, un professeur qui est très performant va chercher du financement par la recherche. L'université qui est performante augmente sa légitimité auprès de la société. Donc, en fin de compte, il y a

du financement qui en revient.

M. Ryan: Ce que vous oubliez, c'est que le professeur performant, il va chercher des subventions pour la recherche. Pendant ce temps, il enseigne de moins en moins, en général, et à part cela il a besoin d'argent additionnel pour faire fonctionner le personnel qui va l'aider dans sa recherche. On nous dit: Plus vous allez chercher d'argent pour la recherche, plus il faudrait que vous mettiez d'autre argent dans le pot. Ce n'est pas aussi simple que cela. Il faudrait que vous précisiez cela bien gros.

J'ai remarqué, à propos des professeurs, qu'une affirmation générale ça ne m'éclaire aucunement. Si on pouvait nous apporter, à un moment donné, des états de fait beaucoup plus étayés. Si, par exemple, dans un département - là, je ne vous invite pas à faire des enquêtes de police pour le gouvernement, pas du tout. J'entends ces affirmations et, plus elles sont générales, moins elles m'impressionnent. Si vous nous arrivez avec des dossiers précis disant par exemple: À telle école, il y a un phénomène de gaspillage évident, il y a quatre ou cinq personnes qui enseignent peut-être une heure ou deux par semaine, elles ne font rien à part cela et elles ne produisent rien, "I think the community should know". La communauté a le droit d'être informée de cela, c'est intéressant.

Sur cela, je vous demanderais de nous apporter des choses plus étayées que des affirmations générales. Je crois que c'est important. Nous, nous partons du préjugé contraire. Quand je lis un journal, par exemple, que j'achète librement, j'y donne un préjugé favorable. Je me dis: Ils doivent faire leur travail comme il faut au départ. Si ce n'est pas comme il faut, je vais le vérifier en cours de route. Je donne un préjugé favorable. Quand j'aborde un cégep ou une commission scolaire ou une université, je donne un préjugé favorable au départ. Je me dis: Cela ne se peut pas que tous ceux qui étaient là avant moi aient été des imbéciles qui ont mis cela en circulation et qu'ils n'aient jamais rien vérifié. Notre préjugé est obligatoirement favorable au départ. 5i on nous signale des problèmes avec preuves à l'appui, nous sommes obligés de les examiner, c'est notre devoir de législateurs. Là, je vous dis: De ce côté, vous pourriez nous rendre service en nous apportant une information beaucoup plus substantielle que ce que contient votre mémoire.

M. Munger: M. Ryan, je vous remercie d'avoir précisé cela parce que c'est justement une de nos intentions. C'est une intention qu'on a toujours eue. Par exemple, le printemps dernier, nous envisagions de faire une enquête maison justement pour voir, au niveau de la performance des professeurs en général, comment cela allait. Avec certaines raisons, je crois que les universités, les départements et les unités concernées nous ont empêché d'effectuer l'enquête. Nous ne pouvons pas recueillir l'information scientifique. C'est pour cela qu'on vous demande de le faire et c'est pour cela qu'on vous demande d'aller chercher cette information puisque nous - je m'excuse - avons une certaine étape où nous pouvons aller mais, après cela, l'information, nous n'y avons pas accès du tout. Je crois que vous allez dire: C'est peut-être normal que les étudiants n'aient pas accès à l'ensemble de l'information, mais ne nous demandez pas de donner plus de faits que nous ne pouvons en ramasser. Nous n'avons pas le budget du Conseil des universités. Je veux dire que nous avons des possibilités limitées. Nous constatons certaines choses. Nos associations membres vont apporter au cours des semaines, M. Ryan, des éléments précis en ce qui concerne la gestion des universités. Le RAEU, c'est un regroupement et les associations vont venir et elles vont apporter des éléments précis sur chacune des universités.

M. Ryan: Dépêchez-vous!

M. Munger: Donc, vous allez en avoir, sauf qu'aller plus à fond il y a une limite à ce que nous pouvons faire.

M. Ryan: Je vais vous dire seulement une chose bien simplement sur cela. Vous êtes tout de même à l'université une bonne vingtaine d'heures par semaine. Il me semble qu'avec un bon calepin - on peut vous en passer - vous allez ramasser un paquet de choses. Ce n'est pas nécessaire d'aller fouiller dans les livres du recteur. Je ne sais pas mais, de ce côté, je crois humblement que vous pouvez nous apporter encore plus que vous ne nous avez apporté par vos propres moyens qui sont considérables... (11 h 45)

M. Munger: Écoutez, à l'Université de Montréal...

M. Ryan: Je ne vous demande pas de nous faire un rapport de 300 pages, on n'aura pas le temps de le lire, mais "hard facts".

M. Raymond: À l'Université de Montréal, le rapport Lacroix a été déposé sur l'évaluation au niveau de la recherche. Par ce rapport, des données étaient disponibles et elles nous permettaient d'évaluer la performance des personnes agrégées, tes titulaires, puis celles à la permanence. Ces données existaient dans un fichier qui s'appelle Eureka à l'Université de Montréal. On a demandé d'avoir accès à ce

fichier pour faire une étude plus exhaustive. On nous a dit: Non. Si vous pouvez nous aider à avoir accès à ce fichier-là, d'accord, on va y aller.

M. Ryan: D'abord, ce n'est pas la contribution que j'attends de vous autres, mais si elle se situe à votre niveau qui est plus une association militante, il me semble, vous pouvez apporter de très bons éléments. Et, en temps et lieu, nous pourrons avoir accès à ces données-là et compléter l'examen. Je pense qu'un accord se fait sur la nécessité d'avoir des informations plus substantielles sur plusieurs aspects du fonctionnement des universités. De ce point de vue-là, votre contribution va aider à la poursuite de l'objectif. Si vous pouvez, dans votre sphère de responsabilités, aller plus loin encore, cela va être excellent.

Un autre point que je voudrais vous demander, c'est une question de fond. Sur la question des frais de scolarité, vous dites que cela va retarder ou rendre plus difficile l'accès à la formation supérieure. Hier, on a posé une question qui n'a pas reçu une réponse claire à ma souvenance. Dans les autres provinces du Canada, on a des frais de scolarité plus élevés et le taux de fréquentation des universités est plus élevé qu'au Québec en ce qui touche les inscriptions aux programmes réguliers de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat. Donc, le lien que vous établissez semble être contredit par la pratique qui existe dans le reste du Canada. Comment réagissez-vous à cela?

Deuxièmement, au nom de quel principe considéreriez-vous que le Québec, province avec des ressources limitées, qui doit compter sur des paiements de transfert substantiels du gouvernement fédéral, devrait continuer à se distinguer des autres provinces aussi fortement qu'elle le fait depuis une quinzaine d'années sous cet aspect-là? Quel est le raisonnement? Quel est l'argument qui va nous permettre de dire à nos collègues au gouvernement: Voici...

M. Raymond: M. le ministre, je vais vous poser une question: Croyez-vous que le Québec aurait avantage à scolariser davantage sa population, à tous les niveaux même universitaire?

M. Ryan: La réponse est oui, sans aucune espèce de restrictions.

M. Raymond: D'accord. Vous avez eu des données - oui, vous étiez à la commission parlementaire . en 1984 - qui démontraient - je pense que les données récentes pourraient le démontrer également -l'écart substantiel entre la scolarisation au Québec et la scolarisation en Ontario. Ce n'est peut-être pas dans les mentalités. Il y a des variables culturelles, je ne sais pas comment les expliquer.

Si c'est une priorité du gouvernement de scolariser davantage au niveau des 2e et 3e cycles qui sont des secteurs quand même stratégiques - vous l'avez spécifié à maintes et maintes fois - je pense qu'on n'a pas intérêt à ramener une barrière financière au même niveau que les autres étudiants de l'Ontario - puisqu'on aime cela se comparer avec l'Ontario - parce qu'à ce moment-là, il n'y a rien qui dit qu'on va assister davantage à une politique de scolarisation, au contraire! Si cela joue à l'inverse, cela ne joue pas du tout. On n'a pas intérêt à maintenir l'écart actuel qui nous sépare de l'Ontario quant à la scolarisation universitaire.

Votre deuxième question, je ne m'en souviens plus, je m'excuse.

M. Ryan: Quant au taux de fréquentation, nous avons pratiquement rejoint l'Ontario maintenant.

M. Raymond: Malheureusement, je ne les ai pas en mémoire, mais non, on n'a pas rejoint l'Ontario au niveau de la diplômation.

M. Ryan: Cela est différent. M. Raymond: Voilà! Écoutez...

M. Ryan: En ce qui concerne l'entrée à l'université, il n'y a plus une grosse différence maintenant.

M. Raymond: Bien c'est cela. L'entrée et la sortie...

M. Ryan: Sauf que la composition de notre clientèle est différente, c'est très différent. La question que je vous pose, c'est: pourquoi se mettrait-on une barrière doctrinale en disant qu'on ne doit pas regarder cela du tout. On devrait au moins le regarder, vous ne trouvez pas? Quitte à ce que la conclusion soit dictée par l'examen loyal du dossier.

M. Munger: On ne pense pas être si doctrinal que cela, c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles on a fait faire un sondage scientifique, pour voir le pouls des étudiants. Ce n'est pas nous qui avons effectué le sondage, ce sont des spécialistes en la matière.

M. Ryan: Je m'excuse, mais vous savez que je ne forme pas mes opinions à partir des sondages, en général.

M. Munger: Non, je pourrai quand même vous donner les éléments...

M. Ryan: Je ferme la parenthèse.

M. Munger: ...s'il y a d'autres gens que cela peut intéresser.

Si les frais étaient haussés, 13 % abandonneraient carrément leurs études. 25 % de ceux qui étudient à tempe plein aujourd'hui étudieraient à temps partiel. Parmi ceux qui délaisseraient leurs études, 12 % sont actuellement inscrits à temps plein et 19 % sont à temps partiel. Il y a d'autres éléments dans le sondage que je vous inviterais à consulter, même si vous ne fondez pas vos opinions là-dessus. Il faudrait peut-être voir aussi la réaction des gens à ce niveau. Ce n'est pas le seul facteur, c'est clair, sauf que c'est sûr que c'est un désincitatif, je pense qu'on s'entend là-dessus. Ce n'est sûrement pas un incitatif.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Munger. La commission a encore dix minutes pour poursuivre ses travaux. Je donne la parole à la députée de Chicoutimi et je redonnerai la parole au ministre de l'Éducation dans cinq minutes. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je pense que vous posez correctement le problème par rapport aux effets que pourrait avoir une augmentation des frais de scolarité sur l'accès aux études supérieures. Je me permets de le rappeler, c'était peut-être un peu le sens de la question du ministre de l'Éducation: il faut comparer des situations comparables. On n'a pas au Québec les mêmes traditions d'éducation et, particulièrement, chez nos populations francophones. On n'a pas la même richesse collective: selon le C. D. Howe, elle serait de quelque 25 % plus basse que celle de l'Ontario, elle viendrait tout de suite après l'une des provinces maritimes, mais je ne me rappelle plus laquelle. Et on a un taux de chômage beaucoup plus élevé. Lorsqu'on parle d'une question comme celle des frais de scolarité, il faut bien la situer dans le contexte québécois.

Par ailleurs, on peut se dire aussi, et là-dessus je sentais percer votre inquiétude: réduire l'accès aux études supérieures, ce serait réduire les coûts du système. Si tel était l'objectif - certains indices nous laissent penser que ce pourrait être l'objectif - il y aurait là de quoi être préoccupé. Par ailleurs, je dois reconnaître qu'hier le ministre nous a fait ce que j'appellerais un acte de foi dans la nécessité de poursuivre cet objectif d'accessibilité. Il lui restera à convaincre son collègue du Conseil du trésor.

Pour revenir à votre mémoire, je trouve que vous posez correctement la question. Probablement que le ministre n'a pas eu le temps de relire le mémoire, parce que je pense que ce que vous dites c'est -et vous ramenez à cet égard vos aînés aux questions essentielles - que, avant de fixer ou de s'interroger sur un niveau adéquat de financement, encore faut-il avoir bien clairement identifié la mission et les orientations, s'être donné les moyens pour fixer les objectifs et en vérifier l'atteinte. Donc, la planification et l'évaluation. Vous dites que c'est un préalable à toute discussion sur le financement. Je dois vous dire que je partage cet avis, et c'est ce que j'ai dit hier à l'ouverture de cette commission.

Par ailleurs, je dois dire, à la décharge de différents organismes qui vont venir présenter les mémoires ici, que le mandat même de la commission là-dessus était déjà un peu biaisé, si je me permets l'expression. Il s'agit de le relire pour comprendre pourquoi la plupart des mémoires n'abordent que la question de financement. Dans le premier paragraphe on dit: consultation générale dans le but d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour 1987-1988 et les années ultérieures. Et suivent huit questions qui sont soumises à l'attention de ceux qui désirent présenter des mémoires. De ces huit questions, sept portent sur le financement et une sur l'aide financière aux étudiants. On ne peut pas s'étonner que la plupart des mémoires aient glissé exclusivement ou quasi-exclusivement sur le financement sans trop s'attarder aux orientations.

Notre commission parlementaire devrait nous permettre - je pense que c'est essentiel qu'on retienne ceci - d'arrêter ensemble quelques grandes balises, je devrais dire, de ce que devrait être la mission et les orientations de nos universités. Ensuite, je pense qu'on sera plus à même, comme vous le dites, d'interroger ce que devrait être un niveau de financement adéquat.

Je vous remercie infiniment. J'ai eu plaisir à vous entendre, et je dois dire que les aînés auraient souvent intérêt à être beaucoup plus à l'écoute des jeunes: vous avez des choses à nous apprendre! Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Une dernière intervention de la part du ministre de l'Éducation.

M. Ryan: C'est évidemment intéressant d'échanger des opinions sur les sujets qui nous amènent ensemble ici. Mais, moi, j'ai un problème méthodologique fondamental par rapport à votre présentation; je vous le dis bien simplement, parce qu'on n'est pas ici pour se courtiser. On discute du problème du financement des universités depuis une dizaine d'années. Cela a commencé en 1978-1979. On a fait la preuve en noir sur blanc à plusieurs reprises que la valeur réelle des revenus de nos universités par étudiant n'a cessé de diminuer. Je pense que la députée de Chieoutimi est d'accord avec moi sur ce

point. Il y a tout un courant qui s'est développé.

On dit que, pendant que les ressources allouées à d'autres secteurs d'activités communautaires ont augmenté au rythme des prix dans les autres secteurs, au rythme de l'inflation à tout le moins et de l'augmentation de la demande là où c'était le cas, dans le cas qui nous occupe, cela a été en sens contraire. Vous nous arrivez ce matin et vous nous dites: Ce n'est pas cela, le problème. Le problème, c'est autre chose. Quoi? On ne le retrouve pas dans le mémoire. C'est cela qui est mon problème. Je ne peux pas partir en disant: II y a un groupe qui est venu ce matin et qui m'a dit que ce n'était pas cela, le problème. Il va falloir que... Je pense que vous avez un peu le fardeau de la preuve là-dessus, surtout comme consommateurs principaux. Un fardeau de la preuve très important aussi. Si vous nous apportez une preuve sérieuse, cela va être examiné avec infiniment d'attention. Mais nous demandons que cela soit étayé solidement.

Sur ce point, je vous dis: Je quitte la rencontre de ce matin, intéressé à poursuivre ces discussions avec vous et je vous assure que nous nous rendrons disponible pour aller plus loin dans cet examen si cela peut être utile. Mais cela ne peut pas influencer mon opinion de fond. Je continue, je marche avec l'ensemble de la preuve qui a été déposée devant l'opinion publique depuis dix ans, constituée en partie par nous-mêmes aussi. Nous avons rencontré des intervenants dans les universités à tous les niveaux: étudiants, professeurs, administrateurs. Le poids général de la preuve que, moi, j'ai recueillie, que mes fonctionnaires me présentent, que mes collaborateurs députés recueillent chacun chez eux, ne va pas dans ce sens général. Il y a un problème de perception qui se pose. Je respecte votre opinion; je l'enregistre aussi. Mais je ne voudrais pas vous faire croire que je l'avale sans preuve. Si vous pouvez contribuer à faire avancer davantage ce dossier, vous allez rendre un précieux service à la collectivité québécoise.

Je voudrais vous dire que je crois que la participation étudiante à tous les niveaux est un objectif infiniment désirable qui comporte ses limites à chaque niveau, évidemment. Cela ne peut pas être complètement satisfaisant, ce n'est pas la même chose que le travail que va faire une association étudiante d'avoir deux représentants au conseil d'administration de l'université ou du cégep. Cela ne règle pas tous les problèmes, je pense que tout le monde en est conscient. Mais c'est le patron, c'est le modèle que nous avons choisi au Québec; c'est un modèle de gestion participative. Les professeurs sont représentés, les étudiants sont représentés, le public est représenté dans la direction de nos institutions d'enseignement. Il y a peut-être des améliorations à faire dans le dosage. S'il y a un meilleur système qui pourrait être inventé, à part une dictature dont nous ne voulons pas, j'aimerais bien le connaître. Je n'en connais pas de meilleur pour l'instant, je vous le dis franchement!

À part cela, on a des canaux chez nous. On a des canaux en quantité pour faire circuler des opinions et les faire parvenir jusqu'aux foyers de décision. Il faudrait que vous nous établissiez également que cela ne marche pas. Si tous ceux qui ont les responsabilités en vertu des mécanismes réguliers que prévoient nos lois ne sont pas capables de nous dire la vérité, que seulement certains groupes l'auraient, il faudrait qu'on nous dise pourquoi ces canaux ne marchent pas, par quoi on va les remplacer également. Jusqu'à maintenant, je suis plutôt porté à considérer qu'il y a des problèmes et qu'on peut améliorer des situations mais que, dans l'ensemble, il faut continuer de chercher dans la voie où nous sommes. C'est le problème que me pose votre intervention. Je suis bien content, parce que cela met de la vie dans nos débats. J'ai toujours dit à mes amis que la polémique a été mon pain et mon beurre toute ma vie. Je vous remercie de m'en avoir apporté un peu ce matin.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. M. Gallant, M. Chenel, M. Munger, nous vous remercions beaucoup de votre présence.

Une voix: M. Raymond.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Raymond, excusez-moi.

La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 12 h 6)

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Messieurs et mesdames les députés, si vous voulez prendre place, la commission de l'éducation reprendra ses travaux dans quelques minutes.

La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux et accueille la Coalition des étudiants aux cycles supérieurs. Ceux qui ont reçu un ordre du jour ont comme titre: l'Union des gradués de l'Université Laval. Le vrai nom de l'association est Coalition des étudiants aux cycles supérieurs. La coalition réunit trois institutions: l'Université McGill, l'Université Laval, ainsi que l'École polytechnique de l'Université de Montréal.

Je vous rappelle que la commission

reprend ses travaux jusqu'à 13 heures. C'est donc dire que les représentants de la coalition auront environ 15 minutes pour faire leur présentation et une période d'échanges d'environ 40 ou 45 minutes avec les représentants des deux formations politiques. À 12 h 50, j'aviserai les deux formations politiques de façon que les membres puissent intervenir une dernière fois. J'invite les représentants de la coalition à prendre place à l'avant, ici.

M. Pierre Gagné est le représentant de la coalition. M. Gagné, voulez-vous nous présenter les gens qui vous accompagnent?

Coalition des étudiants aux cycles supérieurs

M. Gagné (Pierre): Oui. À ma droite, Alain Géloën, étudiant au doctorat à la Faculté de médecine de l'Université Laval, à ma gauche, Geneviève Tanguay, étudiante au doctorat à l'Institut de parasitologie de l'Université McGill. Je me présente, Pierre Gagné, étudiant au doctorat à la Faculté de foresterie de l'Université Laval.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme

Tanguay, bienvenue; M. le président, bienvenue aussi. Je vais vous répéter brièvement ce que j'ai dit aux gens qui vous ont précédés ce matin. Cette commission parlementaire, malgré tout le formalisme qui semble y exister, est quand même une commission assez simple, qui se veut facile d'accès. L'objectif de la commission n'est pas de poser des questions, mais de chercher des solutions et d'avoir un meilleur éclairage dans le domaine du financement des universités.

M. le président, sentez-vous bien chez vous. Si des questions ne sont pas claires, demandez sans crainte aux députés de préciser leurs questions de façon qu'on soit certain de faire du travail efficace. Nous vous écoutons.

M. Gagné: Merci, M. le Président. La Coalition des étudiants aux cycles supérieurs regroupe deux universités, McGill et Laval, ainsi que l'École polytechnique de Montréal. Malheureusement, la représentante de ladite école n'a pas pu se présenter aujourd'hui. La coalition représente donc près de 50 % de l'ensemble des étudiants québécois inscrits aux 2 et 3 cycles. La coalition a également reçu l'appui de l'Université de Sherbrooke.

Notre mémoire présente la situation académique et financière des étudiants aux cycles supérieurs, ainsi que l'impact du sous-financement des universités québécoises sur la qualité de leur travail de recherche et leur enseignement. Le mémoire propose des solutions visant à améliorer l'encadrement académique et financier des études aux cycles supérieurs.

Je vais maintenant vous présenter une version résumée de notre mémoire.

Les chercheurs-étudiants sont des diplômés de premier cycle qui ont choisi de se spécialiser en recherche plutôt que d'aller sur le marché du travail. Ils réalisent une part importante de la recherche universitaire. Leurs recherches sont souvent libres et originales et ne subissent pas les contraintes dites du marché.

Le chercheur-étudiant est en formation et ne doit pas être considéré comme un professionnel de la recherche. Cependant, il réalise un travail qui mérite d'être rémunéré. Or, à l'Université Laval, par exemple, 40 % des chercheurs-étudiants reconnaissent vivre sous le seuil de la pauvreté. De surcroît, 30 % ont la charge d'une personne ou plus. Ainsi, la situation financière des chercheurs-étudiants est très préoccupante pour les trois groupes qu'il est possible de distinguer. Premièrement, il y a ceux qui reçoivent des bourses d'excellence, mais dont le nombre est trop limité. Le montant des bourses est souvent trop bas et ne permet pas aux récipiendaires de se consacrer uniquement à la recherche. Deuxièmement, il y a le groupe de ceux qui détiennent un emploi à temps plein, qui essaient tant bien que mal de faire de la recherche et qui ne peuvent délaisser leur emploi par crainte de tomber dans la pauvreté. Troisièmement, il y a le groupe des chercheurs-étudiants qui doivent se contenter des prêts et bourses et des assistanats d'enseignement et de recherche. Ils vivent dans une situation financière déplorable. Les deux derniers groupes doivent donc réaliser un travail ne cadrant pas dans leurs recherches, ce qui a pour conséquence d'allonger la durée de leurs études.

La diminution du financement des universités frappe beaucoup plus durement les chercheurs-étudiants car ils ne sont pas protégés par des conventions collectives. Toute diminution même faible du financement se répercute avec un effet multiplicateur sur les chercheurs-étudiants. Ainsi, les programmes de soutien financier des chercheurs-étudiants sont tous menacés. Les équipements informatiques et de laboratoire deviennent insuffisants et désuets. Les collections dans les bibliothèques ne sont pas renouvelées ou améliorées. Le corps professoral est vieillissant et insuffisant. L'explosion du nombre d'inscriptions aux cycles supérieurs ne fait qu'aggraver les problèmes.

Les mesures de restrictions budgétaires entretiennent la précarité de la situation financière des chercheurs-étudiants en plus de réduire l'encadrement technique et humain nécessaire à la réalisation d'une recherche de pointe et de qualité. De plus, ces restrictions encouragent les administrations universitaires à prélever un peu plus d'argent dans

les poches des chercheurs-étudiants. Par exemple, l'Université Laval a refusé d'augmenter le salaire des assistants de recherche et d'enseignement prétextant ne pas pouvoir couper dans les autres corps d'emploi. Tout ceci a pour conséquence de diminuer la performance du Québec au niveau des études aux cycles supérieurs.

La coalition propose un certain nombre de solutions qui visent essentiellement à améliorer l'encadrement académique et financier des études aux cycles supérieurs. Les mesures vont de l'augmentation directe du financement à la modification de la Loi sur les impôts. Les sommes ainsi injectées doivent servir en majeure partie au soutien financier des étudiants, le reste allant à l'amélioration de l'encadrement académique. Aussi, le système de prêts et bourses doit tenir compte de l'endettement associé aux études aux cycles supérieurs et être modifié en conséquence.

Pour ce qui est du programme d'assistanat d'enseignement et de recherche, à défaut de le remplacer par un soutien financier direct, nous recommandons de le rendre plus lucratif.

Le Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche joue un rôle capital pour les chercheurs-étudiants et pour l'ensemble du secteur de la recherche au Québec. Nous recommandons que les montants des bourses soient augmentés de façon qu'ils représentent au moins le seuil de la pauvreté et que soient mis en place un mécanisme d'indexation du montant des bourses et une politique d'augmentation du nombre de boursiers.

La Loi sur les impôts devrait aussi tenir compte de la situation particulière des chercheurs-étudiants par l'établissement d'un crédit d'impôt propre qui tienne compte, entre autres, de leur manque à gagner.

Il est clair dans notre esprit que toutes ces mesures ne doivent être prises en aucune façon au détriment de la population du 1 cycle. Le sous-financement des universités québécoises ne fera que détériorer la position concurrentielle de notre société. Les maigres ressources financières dont disposent les chercheurs-étudiants, ainsi que la détérioration constante de leurs outils de travail ne peuvent que nuire à l'excellence de la recherche universitaire. Pour un chercheur-étudiant qui ne dispose que des prêts et bourses, vouloir faire une maîtrise ou un doctorat, cela signifie de s'endetter de 15 000 $ à 25 000 $ sans être sûr de trouver un travail dans sa spécialisation à la fin de ses études.

L'augmentation des frais de scolarité et la détérioration du système universitaire auront comme effet de dissuader les étudiants d'entreprendre des études. La richesse d'un pays, ce n'est pas que l'hydroélectricité ou le bois. La vraie richesse d'un pays, ce sont les hommes qui l'habitent. Le Québec, s'il veut assurer son développement, n'a pas les moyens de gaspiller son potentiel humain. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous remercie, M. le président, de votre exposé. Je reconnais maintenant, comme premier intervenant, le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Autant j'ai mis tantôt certaines réserves à propos d'une présentation qui nous a été faite, qui était excellente dans son ordre, autant je suis impressionné par la problématique qu'on nous présente maintenant sur un sujet extrêmement important: les étudiants qui sont au 2e cycle et au 3e cycle, surtout en ce qui touche leur rapport à la recherche et la situation qui leur est faite.

J'ai été très très impressionné par la précision des données qui nous sont présentées et par les problèmes qu'on fait ressortir autant en ce qui touche l'organisation générale de ces niveaux de travail universitaire qu'en ce qui touche les conditions matérielles et financières dans lesquelles le travail est accompli. Je pense que vous présentez les deux volets d'une situation qui est une, évidemment, les deux volets se tiennent ensemble, ils s'influencent les uns les autres. Je pense que, comme conséquence, vous pouvez être assurés que nous allons examiner très attentivement le problème que vous avez posé.

Il n'est pas facile à résoudre parce que, comme vous le dites, pour donner un statut véritable à l'étudiant-chercheur de ce niveau, cela prendrait des ressources considérables que l'État québécois, dans un avenir prévisible, n'est pas en mesure de libérer. Je pense que vous définissez quand même une ligne d'orientation a laquelle personnellement je suis très intéressé. Vous pouvez être sûrs que, dans l'examen que nous allons faire, cela va entrer en ligne de compte.

Maintenant, j'aimerais peut-être que vous nous donniez des explications à propos de certains aspects de votre mémoire. Il y en a un aspect qui m'intéresse. Les bourses d'excellence qui viennent du fonds FCAR. Il y en a un nombre impressionnant qui vont à des étudiants de 2e et 3e cycles. Vous constatez dans votre mémoire, si j'ai bien vu, qu'il y a eu une diminution relative par rapport au nombre d'étudiants. Le nombre d'étudiants a augmenté considérablement et le nombre de bourses n'a pas augmenté en proportion. J'aimerais vous demander: Quelles sont les difficultés qui se posent à propos de ces bourses au point de vue de la manière dont elles sont distribuées, au point de vue de la valeur des bourses, au point de vue

d'autres aspects qui peuvent vous intéresser? J'aimerais cela que vous nous donniez votre expérience là-dessus et vos observations.

M. Gagné: M. le ministre, concernant la valeur des bourses, souvent le montant qui est associé à cela ne permet pas au candidat de se consacrer uniquement à sa recherche, ne lui permet pas de vivre adéquatement alors que, souvent à un âge relativement avancé, vous en conviendrez, il a une famille ou des obligations du genre. Donc, il est obligé d'aller chercher des fonds ou un travail ailleurs qu'à sa recherche. Ceci a pour conséquence d'allonger la durée des études. Il ne peut s'y consacrer adéquatement. Quant à l'autre volet de la question, je crois que je n'ai pas bien compris. Est-ce que vous pourriez me le répéter?

M. Ryan: Les critères pour l'octroi de ces bourses? Est-ce que c'est satisfaisant, à votre point de vue?

Mme Tanguay (Geneviève): Le point qui, selon moi, pourrait être amélioré, c'est, évidemment, l'évaluation des étudiants. C'est toujours un problème. Je me mets dans la peau des gens qui offrent ces subventions et cela ne doit pas être facile, non plus, de décider qui les donne à qui. On a tendance, par contre, à mettre un peu trop d'emphase sur les résultats obtenus lors du baccalauréat. Je crois qu'il y a des projets qui ont beaucoup de potentiel et qui sont ignorés malheureusement par le pointage important accordé au succès du baccalauréat. Par rapport à cela, je verrais peut-être plus de points attribués à la valeur du projet comme tel pour le Québec et pour l'avenir des gens qui travaillent dans ces domaines.

M. Ryan: Je pense que c'est très intéressant. Est-ce que vous pourriez donner des précisions sur ce statut que vous aimeriez voir définir davantage pour l'étudiant chercheur, l'assistant de recherche également? Quels pourraient être les éléments d'un tel statut, à la fois au point de vue juridique et au point de vue financier? Je suis bien sensible à l'argument que vous invoquez que, souvent, les droits à la propriété intellectuelle sont ignorés. Comment cette situation peut-elle être améliorée? J'aimerais avoir des précisions sur le genre de statut que vous envisageriez pour ces deux catégories de travailleurs: l'étudiant chercheur et l'assistant de recherche.

M. Gagné: II y a plusieurs volets que comporte le statut. Il y a un volet qui est plus légal, celui qui a trait à la propriété intellectuelle. Il y a un volet financier, évidemment, et il y a un volet qui est lié à l'encadrement académique qui dépend de ce que l'institution d'enseignement peut offrir, du cadre de l'unité de recherche, l'information concernant l'unité de recherche et ses capacités, ses possibilités, de l'information concernant la disponibilité au niveau des unités de recherche. C'est évident que l'aspect plus légal va être traité d'une façon différente. Cela peut être un contrat, si on veut. Le volet encadrement peut être de type contractuel avec le directeur de la recherche. Le volet plus légal devrait aller à d'autres instances comme des chartes ou de la réglementation tout simplement.

M. Ryan: J'ai noté avec beaucoup d'intérêt les mesures que vous proposez au plan fiscal. Ce sont des mesures qui sont adaptées au statut de l'étudiant-chercheur et de l'assistant de recherche. Je pense que je peux vous donner l'assurance que je vais demander à mon collègue, le ministre des Finances, d'en faire un examen très attentif. Je vais lui dire que j'éprouve beaucoup de sympathie pour les recommandations qui sont contenues dans votre mémoire. Je les trouve judicieuses, je les trouve pratiques aussi et l'impact financier pour l'ensemble de la collectivité en serait très limité. Si on est sérieux quand on dit qu'on veut agir, je pense que vous avez des propositions qui sont extrêmement interrogatives pour le législateur et pour le gouvernant.

En tout cas, je vais vous dispenser d'autres commentaires là-dessus parce qu'il ne m'appartient pas de me prononcer au nom du gouvernement sur des mesures fiscales. Vous pouvez être assurés qu'on va les examiner avec les collègues du cabinet et, en particulier, le ministre des Finances.

Maintenant, je voudrais vous poser une question à propos du statut des professeurs. Je suis très préoccupé parce que ce n'est pas tout d'accéder aux 2e et 3e cycles, il faut se demander ce qu'on fait après. C'est une question qui me préoccupe énormément. Si une personne se rend à la maîtrise et au doctorat, les débouchés dans le domaine universitaire, il n'y en a pas beaucoup actuellement. Il n'y en a pratiquement pas. Alors, qu'est-ce qui arrive? Vous mettez en cause, vous autres, la permanence rigide qui existe en faveur des professeurs déjà implantés. Vous dites: II faudrait avoir un petit peu plus de souplesse, avoir des mécanismes de révision périodique. J'aimerais avoir vos opinions de manière plus précise sur cette question.

M. Gagné: Je voudrais tout de suite apporter une précision. On pose seulement une interrogation concernant le professeur et le système. Je crois qu'en tant que société on doit se poser des questions et, un jour venu, on doit s'interroger.

Nous, ce qui nous préoccupe au premier plan, c'est notre situation aux études. On représente des étudiants aux études; donc,

c'est notre situation. Pour ce qui est du marché du travail, je sais pertinemment bien que, traditionnellement, au Québec, détenir un doctorat, cela menait automatiquement ou presque à un poste à l'université. Je crois qu'aujourd'hui, avec la société et l'évolution qui s'en vient et ce qui se passe un peu aux États-Unis, il y a énormément d'autres débouchés pour ceux qui détiennent un doctorat. C'est une compétence et c'est une capacité d'analyse et de compréhension des problèmes qui sont nécessaires dans toute entreprise, que ce soit de haute technologie ou de n'importe quel domaine. Cette compétence est nécessaire partout.

Pour ce qui est du marché du travail, c'est sûr que c'est difficile. La situation est difficile pour tous, mais il y a beaucoup de possibilités qui s'offrent à nous. C'est plutôt à la société en général de reconnaître une fois pour toutes qu'un doctorat, ce n'est pas nécessairement dans une université. Cela peut être bon pour faire fonctionner une entreprise et pour faire fonctionner beaucoup de choses.

Mme Tanguay: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter qu'il y a un exode assez dangereux en ce moment d'étudiants qui partent pour d'autres régions, soit canadiennes ou américaines. Il faudrait peut-être souligner l'importance de ces gradués au Québec pour les garder ici. Il y a moyen de créer des entreprises qui vont avoir besoin de ces gens. Aujourd'hui, on a la peur d'engager des gens qui ont des doctorats parce qu'on dit: II faut les payer plus cher. C'est ridicule. Si la personne peut donner un service qui est supérieur, on ne demande pas... Je connais des gens qui sont diplômés et qui ne peuvent pas avoir d'emploi parce qu'on les barre à cause d'une question financière. C'est totalement ridicule. Ils seraient prêts à travailler, mais on les refuse. Ces gens doivent s'exiler à un moment. C'est une perte dangereuse pour le Québec.

M. Ryan: Très bien. Je note cette observation. J'en entends souvent des échos.

À la fin de votre mémoire, votre dernière recommandation porte sur la formation d'un comité qui serait composé de tous les intervenants du monde universitaire et qui serait mandaté pour réaliser une étude du système universitaire québécois au cours de laquelle on identifierait les problèmes, les inconsistances et les solutions à y apporter, et les réformes à proposer. Je crois que c'est une proposition très intéressante qu'on va examiner soigneusement. Évidemment, si on allait dire: On va faire cela et le financement, on le prendra après, je crois qu'on créerait l'effet d'une douche d'eau froide. Le problème du financement se pose depuis plusieurs années. Je crois comprendre - et vous me corrigerez si je vous ai mal entendu - que vous voulez que ceci se fasse en même temps qu'on essaie d'apporter des solutions à d'autres problèmes qu'au problème du financement. Sur ce point, je ne sais pas quelle forme cela prendra exactement. Je pense que cela va prendre plus qu'un comité, cela va en prendre plusieurs. Il y a tellement de secteurs qu'embrasse le monde universitaire, je crois qu'un seul comité aurait bien de la difficulté à étudier tout cela. Je peux vous assurer qu'on va examiner ceci de manière très attentive. Avant longtemps, comme la période qui nous est impartie en commission parlementaire est plutôt limitée, j'apprécierais beaucoup que nous puissions au ministère tenir une rencontre plus longue avec vous, c'est-à-dire une rencontre au cours de laquelle on pourrait aller davantage dans l'examen détaillé de vos propositions et vous faire peut-être des demandes quant à d'autres renseignements dont nous aurions besoin. Je voudrais vous dire que cela est une entrée en matière pour moi ce matin. Ce n'est pas du tout la fin, même si le président, à 13 heures, va nous demander de suspendre. C'est une conversation très importante qui doit continuer bien au-delà de la rencontre de ce matin.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le ministre. Je reconnais la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, madame, je dois dire que votre mémoire nous a permis d'avoir une vision assez précise de la réalité des conditions de vie des étudiants aux cycles supérieurs. En même temps, vous nous inquiétez parce que les conditions sont telles que, finalement, l'incitation à poursuivre des études aux 2e et 3e cycles dans ces conditions est relativement compromise.

Peut-être que j'aurais le goût de revenir sur toute la question du revenu. Vous proposez un certain nombre de mesures fiscales qui vous permettraient d'avoir ce que vous appelez un revenu minimum garanti. On le reconnaît pour une autre couche de la population; il faudrait peut-être le reconnaître pour les étudiants, donc avoir un statut de travailleur salarié. (12 h 30)

Vous parlez longuement et à plusieurs reprises de la durée des études, aux pages 1, 2, 18, 23, 27; je les ai notées parce que cela revient régulièrement. C'est un phénomène qui est particulièrement vrai dans les universités francophones. Je me demandais si vous aviez fait l'exercice suivant: si les études durent effectivement une année de plus, qu'est-ce que cela coûte? Ce que cela coûte, est-ce que cela pourrait être investi dans ce que vous appelez un revenu minimum

garanti ou dans des mesures fiscales qui, finalement... Autrement dit, cela nous coûterait, pour ainsi dire, rien si an donnait des conditions qui permettent de poursuivre les études et d'atteindre la diplômation dans le temps généralement requis. Avez-vous fait cet exercice? Qu'est-ce qu'un étudiant gradué coûte? Évidemment, il y a des variations, mais...

M. Gagné: C'est une évaluation relativement complexe et difficile, mais une chose est sûre, c'est que cela couvrirait une partie des coûts, en tout cas; je ne crois pas que cela pourrait couvrir la totalité, mais c'est un argument qui milite en faveur très fortement.

Mme Blackburn: Vous n'avez pas fait l'exercice?

M. Gagné: C'est très difficile à évaluer.

Mme Blackburn: Vous pariez également d'encadrement. Je dois dire qu'en page 21 j'ai été assez étonnée d'apprendre le fait suivant: "...à l'UGIL ils reconnaissent ne pas avoir de directeur de recherche approuvé par le département", ce qui pose des difficultés de participer aux programmes de bourses, ce qui explique, finalement, la faiblesse de la performance des étudiants chez vous. Comment explique-t-on que vous n'ayez pas de directeur de recherche approuvé par le département? J'ai de la difficulté à comprendre.

Mme Tanguay: Cela dépend des programmes. C'est la même chose à l'Université McGili. Dans certains programmes, les étudiants se rendent et, après six ou sept mois, ils choisissent un superviseur parmi les gens du département. Cela dépend vraiment des programmes. En sciences, habituellement, ce n'est pas le cas. On va dans une institution et on trouve un superviseur assez rapidement à cause des intérêts scientifiques. Je sais qu'en littérature et dans le domaine des sciences sociales, c'est le cas. C'est vraiment dommage parce que c'est toujours eux qui souffrent des pénuries budgétaires et tout cela. On sait que les sciences sociales sont derrière de beaucoup.

M. Gagné: J'ajouterais ceci, madame. On fait énormément d'efforts pour - on consulte - améliorier les structures d'accueil. Ce qu'on appelle une structure d'accueil, c'est ceci: la personne peut, avant d'entrer aux études aux cycles supérieurs, être informée sur les possibilités, sur les professeurs, sur ce qui est disponible, sur les sujets qu'elle pourra traiter si elle est prête mentalement à traiter le sujet en question.

On fait énormément d'efforts là-dessus et on considère que c'est une autre mesure qui serait apte à améliorer la situation.

Si on parle du nombre de bourses, il est sûr que les gens qui s'inscrivent en retard ne peuvent participer au programme de bourses. Le programme de bourses est, par ailleurs, très sélectif. Même en y participant, je suis convaincu qu'il y a d'excellents candidats qui ne sont pas retenus et qu'il y a d'autres problèmes avec le programme de bourses. Il faudrait le rendre un peu plus disponible. Quels que soient les critères d'évaluation du candidat utilisés, s'il n'y en a pas assez, on va en perdre des bons. C'est sûr.

Mme Blackburn: À quels critères faites-vous allusion?

M. Gagné: En général, on utilise le dossier académique du 1er cycle pour juger.

Mme Blackburn: C'est basé sur le dossier, sur la performance académique au bac. Vous parlez également d'abandon. C'est préoccupant parce que vous citez un chiffre du FCAR qui dit que seulement 50 % des boursiers poursuivent jusqu'au diplôme. Je pense que c'est en maîtrise et c'est presque l'équivalent aussi au doctorat.

M. Gagné: Non, au doctorat c'est beaucoup plus faible. On revient au problème de l'encadrement académique, la possiblité que les unités donnent. Si le candidat n'est pas bien supervisé ou si le directeur de recherche n'est pas suffisamment disponible, souvent cela a pour effet de décourager le candidat même si la situation financière est relativement adéquate, comme on dit, parce qu'on dit que ce n'est pas suffisant, une bourse du FCAR. Même si elle est un peu plus élevée et que, par contre, l'unité ne lui procure pas l'encadrement voulu, il peut abandonner. Cela peut être une cause aussi.

Mme Blackburn: Vous dites en page 27, toujours touchant la diplômation et la durée des études, "qu'il ne faut pas que les chercheurs-étudiants prennent trop de temps pour réaliser leur mémoire ou leur thèse. De la même façon, les universités ne doivent pas garder pendant trop longtemps des personnes inscrites". Est-ce que vous avez fixé un temps souhaitable, désirable?

Mme Tanguay: On se fie à ce que le gouvernement donne comme barème, c'est dix-huit mois pour une maîtrise et c'est trois ans - et pas plus - pour un doctorat. Ce sont des barèmes qui sont assez sévères, mais c'est durant ces périodes-là que l'université reçoit des frais pour ses étudiants gradués; après, c'est l'université qui subventionne totalement les étudiants qui

demeurent.

Par rapport à cela, on voudrait que les programmes soient mieux définis pour que les étudiants puissent réussir à faire leur projet dans ces durées-là. Comme je le disais, dans bien des cas, par exemple dans les sciences sociales, c'est tellement peu défini que c'est impossible pour les étudiants d'arriver à déterminer un projet et de trouver réponse à leurs questions. C'est plus au niveau de l'université que cela devrait être mieux structuré pour faire de nos programmes ce qu'on entend faire. Parce que, en ce moment, il y a des maîtrises qui durent beaucoup trop longtemps, qui sont peut-être plus fortes que ce qu'elles devraient être. On en demande peut-être trop des étudiants.

Mme Blackburn: L'université est financée pour une durée de dix-huit mois dans le cas de la maîtrise, et de trois ans pour le doctorat. Tout ce qui est excédentaire c'est aux frais des universités.

Iriez-vous jusqu'à dire qu'il faudrait, à ce moment-là, que les étudiants, comme le propose le rapport Gobeil pour les jeunes qui sont au niveau collégial, paient des frais de scolarité lorsqu'ils dépassent la durée requise pour poursuivre des études, une espèce de ticket modérateur?

Mme Tanguay: Non, parce que des difficultés comme cela, c'est souvent la faute de l'institution académique ou de l'encadrement, plutôt que la faute de l'étudiant. J'ai vu trop de cas où des maîtrises impossibles avaient été commencées et achevées pour en commencer une autre un an plus tard. Ce n'est pas la faute de l'étudiant. Le projet n'était tout simplement pas faisable. Non, on ne devrait pas punir l'étudiant pour des raisons comme cela.

Mme Blackburn: C'est ce que j'avais cru comprendre de la fin de votre paragraphe: "De la même façon, les universités ne doivent pas garder pendant trop longtemps les personnes inscrites."

Mme Tanguay: C'est parce qu'en ce moment les universités ne font rien par rapport à cela, pour essayer d'aider l'étudiant, de lui donner un meilleur encadrement académique.

M. Géloën (Alain): Je puis peut-être ajouter un point. On a mis ces phrases simplement pour préciser qu'il y a des abus; on en est bien conscient et on ne veut surtout pas encourager ces abus. Seulement, il faut de la souplesse, parce que parfois une thèse peut être faite en trois ans ou parfois cela peut être aussi très intéressant en quatre ans. Il faut de la souplesse pour que cela fonctionne. Il ne faut pas être trop rigide.

Ce qu'on pourrait ajouter aussi, c'est que, si on met quatre, cinq ou six ans, ce n'est pas à notre avantage. On ne le fait pas exprès. On n'est pas avantagé sur les bourses pour aller faire les postdoctorats, pour trouver un travail par la suite. Ce n'est pas dans notre intérêt de mettre trop de temps.

Mme Blackburn: La durée des études est plus marquée, c'est d'une année plus long chez les francophones que chez les anglophones au Québec. Comment expliquez-vous cela? Vous donnez un certain nombre d'explications, mais est-ce que vous pourriez en dire un peu plus là-dessus?

M. Géloën: Essentiellement, il a des problèmes de deux ordres: d'abord, financier. On a le FCAR, c'est très bien et cela fonctionne bien. Seulement, le petit inconvénient, c'est que les bourses sont en dessous du seuil de pauvreté et souvent les étudiants sont obligés de travailler ailleurs, en dehors de leur thème de recherche, ce qui fait que cela allonge sensiblement le temps des études et cela, malgré une subvention qui est intéressante.

On a là l'exemple d'un système qui fonctionne très bien. Il ne faudrait pas beaucoup plus pour que ce soit parfait et que cela fonctionne bien et que l'étudiant puisse se consacrer à plein temps à sa recherche, et l'objectif serait atteint. On sait que le FCAR est un peu controversé parce qu'on dit: On donne de l'argent, mais les étudiants mettent quand même un an de plus. En fait, il suffirait d'un tout petit peu plus pour que cela marche très bien. Nous, on propose simplement: Mettez cela simplement au seuil de pauvreté. On ne fait pas des études pour devenir riche. Permettez-nous simplement de boucler notre budget et cela marchera mieux.

La deuxième chose concerne les encadrements. On fait beaucoup de démarches - on a organisé des états généraux - pour aller chercher l'information, voir comment cela se passe et, sensiblement, essayer d'améliorer l'encadrement et les possibilités de travailler pour les chercheurs-étudiants. Je pense qu'il y a sans doute un effort à faire au niveau de l'encadrement dans les universités. Je dirais que cela ne se fait pas si mal que cela, parce qu'on a de très bons rapports avec les professeurs et avec les administrateurs des universités. Nous, on essaie de faire avancer les petits dossiers. Il suffit simplement qu'on ait des moyens plus décisionnels et que les gens soient bien conscients qu'il faille faire des efforts.

M. Gagné: J'ajouterais: Donnez-nous notre statut. Cela va peut-être se traduire par une forme de contrat et de bonne

entente entre le directeur et l'étudiant. Les choses seront claires et nettes, et peut-être, que les études seront moins -longues aussi.

Mme Blackburn: Si je comprends bien votre mémoire, lorsque vous parlez de la méconnaissance de la valeur du travail et de la méconnaissance tout court des chercheurs-étudiants qui effectueraient, selon vous, 50 % de la recherche, cette reconnaissance serait établie par un statut de travailleur, avec un revenu qui vous permettrait de poursuivre. Mais cela ne règle pas pour autant toute la question du non-respect de la propriété intellectuelle.

M. Gagné: Ce problème, je crois qu'il se règle à un autre niveau. Les universités disposent quand même d'un système réglementaire assez élaboré. Souvent même, on veut l'élaborer encore plus. Certaines universités se dotent même de chartes. Par le biais de ces choses ou par le biais de règlements ou du statut, si un jour elles veulent nous le donner, on peut régler ce problème ou essayer de le rendre négligeable.

M. Géloën: On a, par exemple, une initiative qui est très intéressante à l'Université Laval qui est la mise sur pied d'une charte sur le respect des droits de tous afin que cela fonctionne bien. C'est peut-être un peu tôt. On attend de voir ce qui va en sortir, mais on a beaucoup d'espoir. Je pense que c'est un exemple indiquant que cela pourrait se régler au niveau de l'université. Entre personnes de bonne volonté, il y a toujours moyen de trouver une solution. Je pense que c'est une question de mentalités, de position. On ne veut agresser personne, c'est simplement un accord général entre tout le monde qui peut être parfaitement atteint, notamment par une charte, comme on essaie de le faire à l'Université Laval.

Mme Blackburn: Vous reconnaissez que c'est plus difficile de faire reconnaître la propriété intellectuelle pour les étudiants qui sont en sciences humaines, j'imagine. Il me semble que j'ai trouvé cela quelque part dans votre mémoire. Est-ce que votre charte pourrait a cet égard protéger tous les producteurs, particulièrement dans le domaine des arts? De façon générale, je sais que cela pose un problème réel parce que c'est difficile de déterminer la propriété intellectuelle de certaines créations.

M. Gagné: Pour répondre è cela, on le souhaite, évidemment. On n'a pas vu l'impact qu'une charte pourrait avoir. On le souhaite, évidemment. On est conscient que le problème est là.

Mme Blackburn: Une dernière question, pour ma part. Vous parlez beaucoup, parce que c'est le principal fonds de recherche, du FCAR. Vous parlez d'abord de l'insuffisance des bourses en nombre et en valeur. Là-dessus, je vous rejoins. Du moment où la bourse vous permet de vivre en dessous du seuil de pauvreté, je pense qu'il faut s'interroger sur sa valeur. En même temps, un certain nombre de règles: le fait que le budget n'ait pas été indexé cette année, etc. Cependant, je me demandais si vous aviez pris connaissance de la recommandation toujours contenue dans le rapport Gobeil visant à restructurer les ofiganismes de recherche. Donc, on aurait deux grands organismes, l'un en sciences humaines et l'autre en sciences de la nature. On confond organismes subventionnaires et organismes de recherche.

M. Gagné: Je pourrais un peu reprendre les conclusions de l'association des sociologues qui a dit dernièrement d'ailleurs, j'ai assisté à la conférence de presse - qu'il y avait un manque flagrant d'analyses avant de recommander une chose comme cela. J'endosse sa recommandation disant qu'il manque des données. Je crois qu'il nous manque des données aussi. On ne pourrait pas dire: Faîtes ça. Je crois que c'était le même cas pour eux; il leur manquait des données. J'aime mieux ne pas me prononcer là-dessus.

Mme Blackburn: On pourrait probablement en savoir plus long si on entendait M. Gobeil.

M. Gagné: Je vous le concède. M. Jolivet: C'est très sage.

Mme Blackburn: Merci. Cela va pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi.

Je reconnais maintenant le député de Saint-Louis. (12 h 45)

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier le groupe que nous avons avec nous pour la qualité du mémoire qu'il a présenté. À la page 36, vous posez des questions. Entre autres, "est-il normal que la permanence des professeurs soit assurée à toute épreuve? Un professeur qui ne fait pas de recherche et qui n'est pas au courant de la littérature récente concernant son domaine de recherche est-il apte à diriger et à former des chercheurs-étudiants?" Avez-vous des réponses à vos questions?

Mme Tanguay: La réponse que je peux peut-être donner, c'est la phrase célèbre que l'Université McGill a formulée dernièrement:

Être superviseur d'un étudiant, ce n'est pas un droit, c'est un privilège. Et ce privilège peut être révoqué. S'il y avait une évaluation... D'ailleurs, è la troisième rencontre des états généraux qu'on a eue cette année, on a dit: Si on pouvait trouver un moyen de porter à l'évaluation des superviseurs...

M. Ryan: Question de règlement, M. le Président. Est-ce que vous pourriez parler dans le microphone parce qu'on n'entend pas ici les remarques très intéressantes que vous êtes en train de faire?

Mme Tanguay: Superviser, ce n'est pas un droit, c'est un privilège. C'est ce que l'Université McGill a dit à ses professeurs dernièrement. On est en train d'essayer de trouver des moyens pour évaluer les superviseurs et pour pouvoir avertir les nouveaux étudiants. On ne veut pas créer un livre noir ou une liste noire de tous les mauvais superviseurs, mais on n'a qu'à regarder leurs publications. S'il n'y a que le nom de leurs étudiants en premier, c'est signe qu'ils ne font pas beaucoup de recherche d'eux-mêmes. Ce sont des critères comme cela qui pourraient arriver à avertir les nouveaux étudiants pour empêcher des abus de supervision.

M. Chagnon: Vous en feriez donc un critère, eu égard à la permanence.

Mme Tanguay: On ne peut pas regarder la permanence, ce n'est pas à nous de faire cela. Tout ce qu'on peut faire, c'est regarder les qualificatifs de supervision. C'est ce qu'on vit à tous les jours.

M. Gagné: J'aimerais ajouter que c'est évident que, si le professeur n'est pas au courant, non, il n'est pas apte à diriger une thèse. Cela est clair. Il y a d'autres volets. Cela nous concerne, l'aspect supervision de thèse, mais il y a d'autres choses à l'université, d'autres tâches. Dans notre mémoire, on n'a pas voulu évaluer la performance académique ou des choses comme cela. On peut parfois critiquer la pertinence des cours des 2e et 3e cycles. Ce sont des cours très spécialisés et, en général, les étudiants sont insatisfaits de ce qui est donné. C'est très très difficile, la science évolue rapidement et cela nécessite beaucoup d'efforts de la part des institutions et des professeurs pour se maintenir à jour. Pour ce qui est de la permanence, des choses du genre, il y a d'autres choses à considérer et on ne les a pas considérées dans notre mémoire.

M. Chagnon: Une dernière brève question. J'ai été un peu sidéré, à mon bureau de comté, de rencontrer des étudiants qui avaient obtenu des bourses d'excellence à leur université propre, soit en 1er cycle ou en 2e cycle. La "paramétrisation" des bourses, l'organisation du modèle de bourse que nous avons actuellement faisait en sorte que, lorsqu'ils recevaient leur bourse du gouvernement du Québec, on diminuait le montant de leur bourse reçue localement comme bourse d'excellence de leur université. J'ai trouvé cela un peu bizarre et cela ne m'apparaît pas normal.

J'aimerais savoir si, au niveau du FCAR, ce même processus s'applique et, si oui, cela m'apparaît anormal, particulièrement au moment où on parle de la recherche d'excellence tant chez les étudiants et les professeurs que chez les universités en tant que telles.

M. Gagné: Oui, la situation peut être un peu déplorable, mais il y a un autre problème. Il y a un problème de rareté. Nous, de bonne foi, sommes obligés de nous plier à cela.' On se dit: Si j'en prends plus, c'est l'autre qui n'en aura pas. Entre nous autres, on ne peut pas...

M. Chagnon: Ne trouvez-vous pas que cela vient un peu contredire le processus même d'établissement de bourses d'excellence au niveau de l'université? L'Université McGill, l'Université Concordia ou l'Université du Québec, n'importe quelle des universités a des bourses d'excellence pour des étudiants dans à peu près chacune des disciplines. Si des étudiants les reçoivent, ils ne devraient pas, me semble-t-il, être pénalisés sur l'autre système boursier.

M. Gagné: Le système des prêts-bourses, vous voulez dire?

M. Chagnon: Oui.

M. Gagné: C'est une bonne question. Oui, je crois que, peut-être, cela pourrait être envisagé. Je n'avais jamais regardé ce volet, mais il reste, quand même, qu'il y a une rareté et qu'il faut essayer d'en faire profiter tout le monde. C'est une mesure qui pourrait très sérieusement être envisagée. C'est sûr, cela améliorerait. En fait, il existe des systèmes. Le gouvernement a déjà sa structure pour pouvoir financer. Il y a le régime des prêts-bourses et il y a le FCAR. C'est peut-être mieux qu'il utilise pleinement chacun de ces systèmes et qu'il augmente le financement de chacun des systèmes qui ont leur vocation propre.

M. Chagnon: Je n'excluais pas cette possibilité, non plus. Je faisais tout simplement allusion à l'autre problème qui fait que des étudiants reçoivent des bourses d'excellence parce qu'ils sont vraiment des étudiants émérites dans leur discipline

respective et an retranche le montant qu'ils reçoivent de leur bourse du système de prêts et bourses. Je trouve cela un peu curieux. Je me demandais si cela fonctionnait de la même façon avec le FCAR.

M. Gagné: Oui, exactement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie.

Je reconnais maintenant Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Brièvement, en conclusion, je me permets de rappeler ce que vous disiez en conclusion de votre présentation tout à l'heure pour vous dire que je partage cette lecture des choses. Vous disiez: La richesse d'un pays, ce n'est pas seulement son électricité, sa forêt; c'est aussi ses ressources humaines et on devrait considérer avec la même attention tout ce qui pourrait contribuer au gaspillage des ressources humaines.

Du moment qu'on hésite, qu'on n'est pas clair sur la nécessité de faire du développement des ressources humaines la priorité, je partage votre inquiétude. Bien sûr, je suis d'accord avec la nécessité de protéger nos forêts, peut-être éventuellement d'aménager les rivières, mais on verra. Je me faisais la réflexion, en voyant, justement, une équipe d'étudiants faire du reboisement l'été dernier, que personne ne mettait en doute la nécessité d'aller planter de petites épi nettes de six pouces de haut et la nécessité de s'assurer qu'on les plaçait dans des conditions qui leur permettraient d'atteindre une taille raisonnable dans 25 ou 30 ans. Personne ne doutait de la nécessité de faire cela, alors qu'on semble mettre en doute ou, à tout le moins, ne pas mettre les mêmes énergies et la même foi dans la nécessité d'investir dans les ressources humaines qui contrairement, me semble-t-il, à ce qu'on a tendance à croire, peuvent se détériorer si on ne leur donne pas les conditions qui leur permettent de se développer.

Vraiment - je pense qu'on l'a dit et répété à cette commission - le développement économique du Québec passe par le degré de scolarisation de sa population, donc, de développement de ses ressources humaines, et on a un retard considérable aux niveaux des 2e et 3e cycles. Je pense bien que votre participation à cette commission nous aura permis d'avoir une vision plus claire de ces questions et j'espère qu'on en tiendra compte au moment où on aura à faire le rapport final.

Merci de votre présentation et merci d'avoir accepté de consacrer du temps et de l'énergie pour venir nous présenter votre point de vue là-dessus.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je serai très bref, car avec votre permission, je voudrais que ma collègue, la députée de Jacques-Cartier, dont l'intérêt pour les questions de recherche est connu depuis longtemps, puisse dire encore quelques mots sous la forme qu'elle choisira, évidemment. J'ajouterai simplement une brève observation pour dire que, dans l'examen que nous avons déjà entrepris depuis un certain temps et qui va se continuer plus intensivement de tout le mode de financement des universités, les besoins et les réalités propres du 2e et du 3e cycles font l'objet d'un examen très attentif. Les dimensions qui ont été ajoutées ce matin seront également considérées.

Merci. Avec votre permission, je passe la parole à ma collègue.

Mme Dougherty: Merci, M. le ministre. Ma question est sur une question qui ne semble pas encore être tranchée dans l'opinion des universitaires. Vous déplorez, dans votre mémoire, le peu d'engagement des professeurs en recherche. Vous citez un chiffre de 40 % dans une de nos universités.

Par ailleurs, dans le mémoire du Conseil des universités, ils ont parlé de l'expérience aux États-Unis où on trouve de plus en plus de spécialisation selon les talents, les intérêts, les priorités des professeurs. Ils soulèvent cette possibilité dans le but de rendre l'enseignement et la recherche plus efficaces. Ma question est la suivante: Croyez-vous qu'il soit essentiel que la recherche et l'enseignement soient intégralement liés dans la tâche d'un professeur? Je parle surtout du 1er cycle, mais la question est pertinente pour les 2e et 3e cycles, aussi.

M. Gagné: À cela, je vous répondrais non. Je ne crois pas que cela soit essentiel... Bien non, attendez! Oui, c'est essentiel, excusez! C'est essentiel que les deux aillent ensemble parce que le professeur qui fait de la recherche est à la pointe de la connaissance et cette connaissance doit être transmise pour le bien-être de l'ensemble de la communauté. Et la façon de le faire, selon le rôle et la vocation de l'université, c'est en l'enseignant et en diffusant le savoir aux étudiants des 1er, 2e et 3e cycles. D'après l'expérience pratique que j'ai vécue, en général un professeur qui est bon est bon dans tout; donc, c'est un bon chercheur. C'est souvent le cas, c'est plus souvent le cas que dans les spécialisations. Il existe des spécialistes, mais plus généralement les bons professeurs sont des bons chercheurs pour le bien-être de tous les étudiants et de toute la

communauté.

Mme Dougherty: Si je comprends bien, vous avez dit: Pas de recherche sans enseignement, pas d'enseignement sans recherche.

M. Géloën: On peut apporter...

Mme Dougherty: Us sont intégralement liés.

M. Géloën: Pas de façon stricte, pas forcément liés, exemple,..

Mme Dougherty: Cela se prend dans les deux sens.

M. Géloën: Cela existe. Il y a des professeurs qui sont de très bons pédagogues, qui communiquent très bien un savoir, qui ne sont pas intéressés et qui ne sont pas très bons, par surcroît, pour faire de la recherche. Pour répondre à la question de tout à l'heure aussi, on ne veut pas faire un critère de la recherche. Ce n'est pas parce qu'il ne fait pas une bonne recherche que ce ne sera pas un bon professeur. Mais, dans ce cas-là, on imagine une situation où on lui suggère de faire un peu plus de cours parce qu'il fait un peu moins de recherche.

Mme Dougherty: Merci de votre clarification.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, Mme la députée.

Mme Dougherty: En terminant, est-ce que je peux renforcer les commentaires du ministre? Je crois que votre excellent mémoire nous donne beaucoup de choses très précises sur lesquelles il faut travailler. Il faut examiner vos questions et vos recommandations. J'aimerais vous assurer de l'importance capitale que nous accordons à la recherche universitaire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, Mme la députée de Jacques-Cartier et adjointe parlementaire au ministre de l'Éducation. M. le président de la Coalition des étudiants aux cycles supérieurs, M. Gagné, M. Géloën et Mme Tanguay, nous vous remercions beaucoup de votre présence ici à la commission parlementaire. La commission suspend ses travaux à cet après-midi, 15 heures, alors qu'elle entendra l'Université du Québec.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux et accueille pour les besoins de la cause l'Université du Québec qui sera entendue durant une période de deux heures environ. Nous prévoyons terminer la rencontre à 17 heures. Je vous rappelle que, sur cette période de deux heures, environ 20 à 25 minutes seront consacrées à l'exposé du mémoire de l'Université du Québec et, après cela, on entreprendra, avec les membres de la commission parlementaire, ce dialogue pour renseigner les membres de la commission sur la problématique du financement, principalement en ce qui regarde votre institution.

L'Université du Québec est représentée à la table par M. Gilles Boulet, son président. M. Boulet, soyez le bienvenu. J'aimerais que vous nous présentiez les gens qui sont avec vous.

Université du Québec

M. Boulet (Gilles): M. le Président, je vous remercie beaucoup. M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, je suis accompagné du vice-président de l'Université du Québec. Comme le réseau de l'Université du Québec est quelque chose d'un peu particulier, je vais vous faire une présentation particulière. M. Michel Leclerc est premier vice-président de l'Université du Québec. Sa tâche précédente était d'être tout d'abord vice-recteur à l'enseignement et à la recherche et, ensuite, vice-recteur à l'administration à l'Université du Québec à Montréal. M. Lefrançois est vice-président à l'administration et aux finances. Avant d'être à ce poste, il était à la Régie de l'assurance-maladie et dans l'entreprise privée.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Lefrançois, bonjour.

M. Boulet: M. Claude Hamel est vice-président à l'enseignement et à la recherche. Avant d'être là, il était recteur de l'Université de Sherbrooke.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Hamel.

M. Boulet: Et M. Gérard Arguin est vice-président à la planification. Auparavant, il était recteur de l'Université du Québec à Chicoutimi. Quant à moi, avant d'être président j'étais recteur de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Si je fais cela, c'est que cela vous montre déjà au départ d'où vient ce réseau.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Messieurs, soyez les bienvenus. Nous vous écoutons.

M. Boulet: Merci, M. le Président. Vous avez déjà en main un résumé de notre mémoire. Je vais suivre ce résumé, j'en lirai la plupart des passages en vous indiquant où je me situe.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Quand je vous disais, M. le président, que vous disposiez de 2Q ou 25 minutes, cela veut dire que nous serons très souples.

M. Boulet: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Prenez le temps que vous jugerez nécessaire pour bien nous l'expliquer.

M. Boulet: Vous êtes fort gentil, M. le Président. D'autant plus que j'en lirai une partie, mais je demanderai à mes collègues d'intervenir aussi dans la présentation, puisque je crois que j'ai passé mon examen de lecture hier soir.

L'Université du Québec se présente devant vous avec l'espoir de vous dire ce qu'elle est, ce qu'elle fait et ce qu'elle a l'intention d'être dans les années qui viennent.

Au début du résumé comme au début du mémoire, on vous donne quelques chiffres sur l'essor des universités, vous les avez tous vus, toutes les universités vous en parleront. Je ne les lis donc pas. Au bas de la première page, nous parlons de l'accessibilité. Le Québec, vous le savez, accuse un retard global avec l'Ontario quant à la diplômation et à la scolarisation à tous les niveaux. Il présente un taux de fréquentation à temps complet au 1er cycle chez les jeunes de 20 et 21 ans nettement plus faible qu'en Ontario, à 68 % du niveau de fréquentation ontarien. Il compte, en proportion, moins de jeunes francophones québécois accédant à l'université que les anglophones. Il montre des écarts importants d'une région à l'autre quant au taux de scolarisation universitaire.

Il nous semble donc important d'accroître l'accessibilité à l'enseignement supérieur et que cet accroissement doive demeurer un objectif prioritaire de la société québécoise. Les mêmes perspectives d'éducation permanente, dans cette fin, doivent être maintenues.

Je me permets ici de sortir un peu de ce texte pour me relier à un tableau que nous présentons dans le mémoire lui-même à la page 52, annexe 4, qui a d'ailleurs été utilisé hier par Mme la députée de Chicoutimi, et qui démontre que les taux de scolarisation pour la population de quinze ans et plus sont extrêmement différents au Québec, selon les régions, et qui démontre, nous pensons, de façon très nette, jusqu'à quel point le travail à faire en régions, auprès des populations de jeunes étudiants sortant des cégeps comme auprès de la population adulte, mérite qu'on s'y penche considérablement.

J'aimerais aussi, à ce propos, insister sur une étude que nous n'avons pas reproduite dans notre mémoire, parce qu'elle date de 1978. Elle date donc. Cependant, nous aurions aimé la refaire, mais nous avons fait faire cela par une maison professionnelle et les coûts sont actuellement trop élevés, nous réussirons peut-être un jour à la refaire.

Nous voulions savoir quelle sorte d'étudiants nous rejoignions dans les régions, à Montréal et partout. Encore une fois cette étude a été faite par une compagnie indépendante, professionnelle, et nous en arrivons aux conclusions suivantes:

À l'Université du Québec à Montréal, à Trois-Rivières, à Chicoutimi et à Rimouski, la proportion d'étudiants provenant de familles d'ouvriers spécialisés était: à Montréal de 18,7 %, à Trois-Rivières de 29 %, à Chicoutimi de 33 %, à Rimouski de 26,5 %. La proportion des étudiants provenant d'un millieu d'ouvriers semi-spécialisés était de 7 % à Montréal, de 6 % à Trais-Rivières, de 8,8 % à Chicoutimi et de 8,2 % à Rimouski. La proportion des étudiants provenant de familles d'ouvriers non spécialisés était de 15 % à Montréal, de 15 % à Trois-Rivières, de 19 % à Chicoutimi, de 16 % à Rimouski. Du milieu agricole, 4 % à Montréal, 10 % à Trois-Rivières, 2 % à Chicoutimi et 14 % à Rimouski.

Qu'on prenne l'un ou l'autre exemple, cela fait au-delà de 50 % dans chacun des cas provenant des milieux qui sont le moins scolarisés. En fait, l'étude démontrait - je ne sors pas tous ces chiffres - que la grande majorité de nos étudiants provenait de familles dont les parents avaient un maximum de sept années scolaires. Cela, lié aux besoins des régions, aux démarches que nous faisons pour atteindre les personnes là où elles sont par nos sous-centres, indique jusqu'à quel point le problème de l'accessibilité pour nous est un problème social majeur.

Le développement nécessaire des universités. Je retourne à mon texte, résumé de notre mémoire en page 3, point 1.3.

Aucune université ne saurait échapper, y disons-nous, aux pressions venant de l'évolution de toutes les disciplines, particulièrement des sciences et des technologies; des attentes des étudiants, en particulier des adultes, fut-ce par les programmes de formation courte; des demandes de toute nature venant du milieu externe.

Un lien vital existe entre l'essor que l'on souhaite imprimer au développement socio-économique de la société québécoise d'une part, et la promotion de l'enseignement et de la recherche universitaires d'autre

part.

La qualité est de plus en plus menacée. Les compressions budgétaires affectent le fonctionnement et le développement des universités depuis plusieurs années déjà. Les ressources allouées aux universités du Québec sont insuffisantes et ont atteint un niveau par étudiant parmi les plus bas au Canada.

La création de l'Université du Québec et ses missions. En 196B, fut créée l'Université du Québec. De caractère public, ramifiée en institutions constituant un réseau (aujourd'hui douze établissements) dont six universités (l'Université du Québec à Montréal, à Trois-Rivières, à Chicoutimi, à Rimouski, l'Université du Québec à Hull, en Abitibi-Témiscamingue) deux instituts de recherche (l'Institut national de la recherche scientifique, l'Institut Armand-Frappier) deux écoles d'enseignement supérieur (l'École de technologie supérieure, l'École nationale d'administration publique), enfin un établissement voué spécifiquement au télé-enseignement à l'échelle provinciale, la Télé-Université et, finalement, une corporation centrale. Je me permets de souligner ici, si vous me le permettez, M. le Président, que la plupart des chefs de ces établissements sont dans l'assistance.

La nouvelle université devait aider à accueillir le flot des finissants des cégeps, décentraliser les services universitaires vers les régions dans un but d'accessibilité, accueillir les adultes, intégrer la formation des maîtres à l'enseignement universitaire, être partie prenante du devenir collectif québécois et appuyer le développement des régions. Ces quatre missions particulières formulées par la loi étaient les suivantes: desservir l'ensemble des populations et des territoires du Québec, répondre aux appels et aux besoins des régions par des interventions de qualité universitaire, assurer aux enseignants formation, perfectionnement et support de la recherche, être au service de la collectivité tout entière.

Le Québec - je sors un petit peu de mon texte - créait à ce moment-là une université de type un peu particulier qui est d'ailleurs unique au Québec et au Canada mais qui empruntait un modèle en plein développement en Amérique du Nord à cette époque et en particulier aux États-Unis. Le modèle de l'université en réseau est un modèle qui est né aux États-Unis, qui a pris naissance ou une forme plus particulière vers les années trente, bien que certaines de ces universités en réseau ont été basées sur des "land grant universities" qui ont au-delà d'un siècle d'existence. On retrouve actuellement dans le monde universitaire américain 88 réseaux de même type que l'Université du Québec. Je vous parlerai plus tard, si vous le jugez opportun, de ces modèles américains, mais, si j'en parle, c'est que parfois on aime avoir des lieux de comparaison. Ce n'est pas quelque chose qui est apparu soudainement un matin au Québec. C'est le modèle qui existe depuis longtemps aux États-Unis et qui se développe encore considérablement.

L'Université du Québec, à ses yeux et aux yeux de ses dirigeants, de ses professeurs et de ses étudiants, est une université performante. Elle présente depuis seize années un bilan remarquable. Au plan académique, en 1985-1986, l'université comptait 78 614 étudiants. Elle a contribué largement à hausser, entre autres, la fréquentation universitaire à temps complet au premier cycle qui est passée; pour les 20-24 ans, de 3,2 % en 1971 à 7,8 % en 1982. Ses clientèles équivalence temps complet, de 1973 à 1985, au premier cycle, sont passées de 14 474 à 38 439, alors qu'aux deuxième et troisième cycles on a connu une augmentation de 437 étudiants à 2458 aujourd'hui. Quant aux diplômés, ils étaient, en 1985, 57 859 à détenir leur grade de bachelier de l'Université du Québec; 3850 y ont obtenu une maîtrise et 50 un doctorat. (15 h 15)

À partir de 1970, elle a créé des certificats régis par le même régime pédagogique que les programmes de baccalauréat pour répondre aux besoins des adultes. Jusqu'en 1985-1986, 32 000 étudiants, dont 17 514 femmes, ont été ainsi diplômés. Son personnel enseignant a la plus jeune moyenne d'âge de toutes les universités québécoises. Son niveau de formation se compare à celui des corps professoraux des autres universités québécoises.

La recherche prend de plus en plus d'importance. En 1984-1985, les subventions ont atteint un montant de 28 882 000 $. Les secteurs les plus favorisés, sciences pures et appliquées. En 1984, le pourcentage des professeurs subventionnés était de 46,8 %.

Dans le secteur de la formation des enseignants, l'Université du Québec a octroyé, depuis sa création, 8000 grades de bachelier en éducation et plus de 400 grades de maître. Elle offrira maintenant un doctorat en éducation.

C'est un bilan court. Il est plein de chiffres. Mais nous croyons qu'en seize ans, c'est un résultat remarquable.

Le développement des régions. Les universités du réseau, toutes implantées dans des régions distinctes, sont devenues des acteurs importants du développement socio-économique et culturel.

La fonction sociale de ces universités s'exprime essentiellement par l'enseignement et la recherche, mais elles savent aussi être présentes et actives de beaucoup d'autres façons et répondre ainsi aux attentes des organismes régionaux. Ces demandes s'inscrivent, pour une part importante, dans une fonction de recherche sur les problèmes que vivent les communautés locales,

problèmes concernant les transports, l'aménagement régional, l'épuration des eaux, l'agro-alirnentaire, la revitalisation des forêts, l'exploitation minière, etc.

La planification universitaire. L'Université du Québec a été la première au Québec à mettre sur pied son propre modèle de planification: schéma général de développement, plans triennaux locaux, cadre de développement du réseau. Ce plan d'action contribue à la bonne harmonisation des programmes et des activités correspondant aux besoins les plus pressants du Québec.

Aux plans administratif et financier, le fonctionnement en réseau, allié au mécanisme de coordination de la corporation centrale, a permis d'assurer un développement cohérent des différentes composantes, beaucoup d'efficacité au plan administratif et financier et une situation financière saine malgré les compressions des dernières années. Ce résultat découle d'une politique d'équilibre budgétaire adoptée par l'assemblée des gouverneurs et dont l'application a été parfois très contraignante pour certaines constituantes du réseau.

En cours d'exercice, l'organisme central est informé de l'évolution budgétaire des unités constituantes et fait des recommandations appropriées. L'assemblée des gouverneurs intervient parfois pour exiger le resserrement du niveau des dépenses et aussi pour apporter une assistance aux constituantes en difficulté. La gestion des ressources humaines est étroitement coordonnée pour assurer la cohérence dans le contenu des conventions collectives, ententes et protocoles et aussi le respect de la politique salariale du gouvernement. Des services sont mis en commun et assurent une gestion efficace des bibliothèques et des systèmes de gestion traitant de la comptabilité, de la paie et de la gestion des ressources humaines.

Les ressources du réseau. En 1984-85, le nombre d'étudiants équivalence temps complet par professeur équivalence temps complet était de 19 % plus élevé que dans les autres universités québécoises. Le manque de ressources financières et la décision de l'assemblée des gouverneurs de maintenir l'équilibre bugétaire ont forcé l'université à dispenser une part importante de son enseignement par des chargés de cours. Le nombre moyen d'étudiants par activité est passé de 20 à 27 entre 1976-1977 et 1984-1985.

Quelques situations particulières. Les universités en régions. L'éparpillement de la clientèle entraîne des coûts additionnels, les services à la collectivité doivent y être plus développés qu'ailleurs. Le réseau a dû venir au secours de certains établissements très affectés par les compressions budgétaires. En fait, l'université en région se trouve dans une situation très difficile car elle ne peut bénéficier de moyennes d'étudiants par activité très élevées et ne peut donc profiter des économies d'échelle qui sont réalisées par les universités situées dans les grands centres et concentrant leurs activités dans un seul campus.

Un cas particulier: l'Université du Québec à Montréal. Elle a, de 1976 à 1985, accueilli 32 % des clientèles additionnelles de tout le Québec. Limitant le plus possible l'engagement des professeurs, réduisant les dépenses des fonctions de soutien, recevant des contributions des autres établissements du réseau de l'Université du Québec, cette institution a réussi à maintenir un certain équilibre financier dû à des efforts soutenus de rationalisation. Cette dernière est sous-financée, tout le monde l'admet en même temps que nous admettons qu'elle a atteint, dans plusieurs secteurs, un niveau d'excellence remarquable.

Les instituts de recherche. Enfin les deux instituts de recherche: l'institut Armand-Frappier et l'Institut national de la recherche scientifique sont gênés dans leur développement par un financement tout à fait inadéquat. Je trouve qu'ici le verbe "gêner" est bien faible. On ne reconnaît pas que leur situation diffère des centres de recherche intégrés aux universités. La forme actuelle de financement, l'absence de financement de développement fait que, depuis 1982-1983, les instituts de recherche ne reçoivent pas de subventions significatives de développement.

Enfin, certains établissements créés récemment n'ont pas encore complété leur programmation. Ceci requiert des ressources humaines et physiques appropriées aux besoins.

L'Université du Québec et ses propositions de financement. Les bases de dépenses de fonctionnement devraient être évaluées en tenant compte: a) de données fiables, de calculs et de paramètres uniformes; b) d'un système de dénombrement des clientèles visant l'uniformité dans le calcul des données afin d'assurer l'équité dans la répartition; c) non seulement des variations de clientèles, mais aussi de la performance des universités au titre de la recherche et des services à la collectivité et en distinguant les coûts des différentes missions; d) de trois secteurs: la santé, les disciplines avec laboratoire et les disciplines sans laboratoire. Un même facteur de pondération doit être maintenu par cycle d'études pour toutes les disciplines; e) de la taille, car le coût de plusieurs activités (enseignement et soutien) croît à mesure que la taille de l'établissement diminue, surtout si l'établissement est situé dans un territoire très grand sur lequel la population est dispersée; f) des coûts additionnels occasionnés par l'éloignement et la décentralisation; g) des coûts indirects de la

recherche.

Les bases de dépenses des universités calculées selon la méthode suggérée ci-haut doivent annuellement être modifiées pour tenir compte des caractéristiques et objectifs suivants: permettre l'accessibilité: les fonds doivent être suffisants pour couvrir les dépenses reliées aux clientèles supplémentaires; assurer la qualité de l'enseignement et de la recherche; garantir l'appariement des coûts et des revenus: le financement des clientèles additionnelles est pourvu environ dix-huit mois après l'admission de ces étudiants; respecter l'autonomie des universités; être stables et connues à l'avance: la planification des activités est rudement affectée par les délais et les changements dans les calculs des subventions; distinguer le développement de l'enseignement et celui de la recherche; limiter le nombre des secteurs disciplinaires à trois et n'utiliser qu'un seul facteur de pondération par cycle; éliminer certains revenus admissibles: laisser aux universités les "autres revenus" perçus.

Quant au financement des dépenses d'immobilisation, il devrait être modifié. Il devrait dépendre d'un plan triennal plutôt que d'un plan quinquennal. Il faudrait accélérer les modalités d'approbation des projets et d'obtention des sommes pour éviter les délais actuels de 12 à 24 mois. La révision du financement des immobilisations, présentement en cours, devrait tenir compte d'informations établies à partir de paramètres uniformes et dont la fiabilité peut être vérifiée.

Enfin, M. le Président, nous avons jusqu'ici parlé de ce qui est le sujet fondamental de cette commission, mais j'aimerais terminer sur un autre ton. Je vais continuer à lire. Notre mémoire se terminait comme cela, et je suis d'autant plus à l'aise de le faire que le discours d'entrée de jeu du ministre, hier, les 14 ou 15 propositions qu'il a soumises à la commission et la réponse de Mme la députée de Chicoutimi nous ont situés à un niveau qui, je vous l'avoue, nous plaît beaucoup à l'Université du Québec, de sorte que cela me permet d'être un petit peu plus à l'aise pour lire notre conclusion, qui est un plan d'avenir et qui cherche à délaisser un peu les liens que nous impose l'analyse par le financement pour aller aux choses elles-mêmes analysées en elles-mêmes.

Vous avez le résumé. Je lis notre conclusion en partie dans notre texte même, en page 45, mais je suis à peu près le résumé.

Malgré les difficultés financières des dernières années, les établissements de l'Université du Québec n'en continuent pas moins de chercher à répondre le plus adéquatement possible aux besoins de la collectivité. Depuis près de deux ans maintenant et selon le processus décrit précédemment, l'Université du Québec a travaillé à la préparation de son prochain schéma général de développement pour la période 1988-1994. C'est une opération régulière dont on vous parlera tout à l'heure. Ce plan-réseau indique un certain nombre d'orientations qui deviendront prioritaires dans le réseau au cours du prochain cycle de planification. Ce travail a d'abord été l'occasion d'une évaluation des environnements de l'Université du Québec, d'un point de vue socio-économique et culturel, et d'une évaluation des forces et des faiblesses de l'université. C'est à partir de cette problématique qu'ont été dégagées les orientations suivantes qui sont autant d'indications de la manière dont l'université envisage l'avenir. Les voici (à la page 11 du résumé) apporter une contribution au développement d'un humanisme contemporain et tout particulièrement contribuer à la maîtrise des développements scientifiques et technologiques; poursuivre l'application de la politique d'accessibilité aux études universitaires en s'attachant à chacune des facettes essentielles de cet objectif qui sont autant d'expressions des droits de la collectivité, accessibilité qualitative, accessibilité sectorielle; accessibilité géographique; considérer les activités de formation des adultes comme une dimension essentielle de la mission de l'université; multiplier les liens et les échanges avec les organismes régionaux, d'une part, et internationaux, d'autre part; travailler à renouveler les modèles de formation et de perfectionnement des enseignants; développer, de façon sélective et concertée, les programmes d'études avancées et développer la recherche; promouvoir la qualité des études de 1er cycle; accroître le nombre d'inscriptions aux études avancées et le taux de diplomation; accélérer le développement des programmes d'études et de la recherche en sciences appliquées.

 propos de projets à court terme: consolidation et développement des services universitaires offerts par les universités en régions, particulièrement à Hull, en Abitibi-Témiscamingue et à Rimouski, et réponse réaliste aux demandes des populations de la Beauce et de la Côte-Nord.

Conclusion. L'Université du Québec espère que le gouvernement actuel reconnaîtra la place fondamentale de l'université dans la société qu'il cherche à

développer ici et qu'il reconnaîtra le rôle tout particulier que joue l'Université du Québec comme université publique. L'Université du Québec, pour sa part, entend être un partenaire toujours plus actif, plus éclairé dans l'évolution de la société québécoise. Tout en convenant, dans la conjoncture présente, de la nécessité de faire des choix, l'Université du Québec tient cependant à rappeler au gouvernement qu'il lui est devenu impossible de continuer à assumer toutes ses responsabilités, en raison du niveau de ses ressources. (15 h 30)

Elle souhaite donc un financement plus adéquat grâce à une formule renouvelée qui retienne les principes qu'elle propose dans ce mémoire. Elle croit en effet que l'application de ceux-ci assurerait une distribution des subventions qui serait plus équitable et reconnaîtrait la diversité des missions universitaires.

L'Université du Québec remercie la commission de lui avoir permis de présenter son point de vue et de le faire valoir. Avant de terminer, je vous rappelle que ces propositions d'avenir qui terminaient notre mémoire ne sont pas de simples souhaits que nous avons écrits parce que nous devions comparaître devant votre commission, mais les conclusions formelles d'un schéma de développement qui est le nôtre, adopté par l'assemblée des gouverneurs et qui doit gérer notre développement des six prochaines années.

Si vous le permettez, j'aimerais terminer par deux points qui nous semblent importants. Je demanderais à M. Claude Hamel, vice-président à l'enseignement et à la recherche, d'ajouter un mot sur ce que nous faisons dans notre souci d'assurer la qualité de l'enseignement à l'Université du Québec et ensuite à M. Arguin de vous parler un peu de notre régime de planification et de son histoire à l'Université du Québec.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Hamel.

M. Hamel (Claude): Merci, M. le Président. Je vais limiter mes remarques au niveau du premier cycle et vous indiquer ce que fait, comme le disait M. Boulet, l'Université du Québec pour s'assurer de la qualité de ses enseignements à ce niveau.

Nous travaillons principalement sur trois plans: les programmes, le corps professoral et la réglementation générale et institutionnelle. Le mode de gestion des programmes et des activités mis en place comporte plusieurs paliers. En s'appuyant sur la double structure modules-départements propre à l'Université du Québec, plusieurs instances administratives sont impliquées dans l'approbation des programmes et des cours, dans le contrôle de leur dispensation et dans leur évaluation périodique. C'est ainsi qu'avant même de parvenir à la commission des études d'un établissement tout projet d'un nouveau programme de premier cycle, qu'il soit de baccalauréat ou de certificat, fait l'objet d'un examen critique rigoureux par les instances académiques locales: module, département, sous-commission des études où siègent majoritairement des membres du corps professoral.

L'établissement recourt souvent à des experts externes pour s'assurer de la pertinence et de la qualité du programme. Après son approbation par la commission des études de l'établissement, le projet de programme est acheminé au conseil des études de l'Université du Québec pour adoption. Il fait alors l'objet d'une expertise de qualité auprès d'au moins trois experts externes reconnus, habituellement choisis dans les autres universités québécoises. Cette expertise est déterminante pour la présentation et l'acceptation du programme.

Pour les programmes existants, la supervision des activités et le conseil auprès des étudiants sont confiés aux conseils de modules qui regroupent, outre des professeurs et des étudiants, des représentants socio-économiques. Le module est responsable de l'atteinte des objectifs du programme et du cheminement des étudiants. Il voit donc périodiquement à l'évaluation du programme. Toutes les modifications de programme doivent être approuvées par la sous-commission des études et la commission des études de l'établissement. Si des modifications sont de nature fondamentale, elles doivent, de plus, être acheminées au conseil des études de l'Université du Québec, lequel peut les soumettre à une expertise externe avant leur approbation.

La qualité des enseignements de premier cycle est assurée non seulement par la qualité des programmes et des activités de formation, mais aussi par la qualité du corps professoral chargé de dispenser ces programmes et ces cours. Depuis sa création, l'Université du Québec a maintenu de hauts standards de qualification pour l'engagement et le perfectionnement de ses professeurs, compte tenu des difficultés de recrutement dans les disciplines de pointe et des difficultés de recrutement dans les régions périphériques. La proportion des professeurs réguliers détenteurs d'un diplôme de doctorat a progressé d'année en année atteignant 56 %, selon les dernières données disponibles, ce qui est un niveau comparable à ce que l'on retrouve dans les autres universités. La proportion d'activités de formation assumées par les professeurs réguliers a augmenté lentement, bien sûr, en raison des restrictions budgétaires qui ont, durant les dernières années, ralenti la croissance du nombre de professeurs réguliers.

Les chargés de cours, de leur côté, souvent porteurs d'un doctorat, donc fort bien qualifiés, sont engagés et encadrés par le département. Leur choix est effectué en fonction de critères élevés, en regard de leur formation et de leur expérience. Leurs enseignements font l'objet d'évaluations au même titre que ceux des professeurs réguliers.

Troisièmement, au plan de la réglementation, l'Université du Québec a choisi de se donner des règlements généraux exigeants pour définir les programmes de formation et le régime des études. En complément avec ces règlements généraux, chaque établissement se donne des règlements institutionnels compatibles avec les règlements généraux et détermine, là où cela est requis, la procédure qu'il entend suivre dans leur application. Ces règlements portent notamment sur les conditions d'admission, les modes d'évaluation des étudiants et les procédures d'appel.

L'application de cette réglementation générale et institutionnelle vise elle aussi à garantir la qualité de la formation reçue par l'étudiant et, donc, la valeur du diplôme émis par l'Université du Québec. Cette réglementation fait périodiquement l'objet d'un examen critique tant par les établissements eux-mêmes que par les instances administratives du réseau, c'est-à-dire le conseil des études et l'assemblée des gouverneurs.

Au-delà de ces trois aspects, d'autres politiques visent aussi à soutenir la qualité de l'enseignement. Il s'agit, par exemple, de la gestion des banques de cours, c'est-à-dire la gestion de la quantité d'activités offertes et de la taille des groupes. On veut ainsi, entre autres, maintenir une taille moyenne de groupe raisonnable tout en évitant les trop grands groupes.

Il s'agit aussi, dans ses autres politiques, de la mise en commun de ressources physiques pour l'ensemble du réseau, comme c'est le cas pour l'équipement informatique et les collections de bibliothèque.

Enfin, il faut le rappeler, la priorité accordée par l'Université du Québec au développement des études avancées et de la recherche s'inscrit également dans cette perspective d'une préoccupation constante de la qualité des programmes et des activités du premier cycle. À cet égard, une enquête interne récente montrait la satisfaction des étudiants envers leur programme d'études et la formation reçue à l'Université du Québec.

Je termine en lisant un passage du mémoire de l'université soumis à la commission qui se retrouve' à la page 21. Dans cette enquête, on indiquait, entre autres, que les étudiants reconnaissent la qualité des professeurs réguliers et leur souci de bien encadrer les étudiants. D'ailleurs, plusieurs premières places à des examens canadiens d'ordres professionnels témoignent de la qualité de la formation reçue à l'université. Qu'on se rappelle, entre autres, les succès obtenus par les étudiants du réseau de l'Université du Québec aux examens de l'Institut canadien des comptables agréés en 1984, où dix se sont classés parmi les vingt premiers de tous les candidats, avec des taux de réussite de l'ordre de 92 % et de 100 % pour certains établissements. On peut aussi penser aux prix et aux honneurs remportés par les étudiants dans les domaines du design, des communications, du génie industriel, ainsi qu'aux nombreuses bourses d'études avancées obtenues du fonds FCAR.

Voilà, M. le Président, quelques exemples de mesures prises pour assurer, à l'intérieur de l'Université du Québec, la qualité des programmes de premier cycle.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Hamel.

M. Boulet: M. Arguin pourrait vous parler, si vous le permettez, M. le Président, de la planification telle qu'elle se fait.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Arguin, nous vous écoutons.

M. Arguin (Gérard): Merci, M. le Président. Comme vous le savez, il est nécessaire pour toute entreprise d'avoir un bon plan de développement si elle veut vraiment être efficace et productive.

À l'Université du Québec, depuis son origine, la planification est un élément essentiel de son fonctionnement. Le législateur a prévu dans la loi une commission de planification composée du président et de tous les chefs d'établissement en vue de coordonner et de planifier toutes les activités et les programmes de ce réseau.

Étant donné que l'Université du Québec est une université un peu différente des autres, elle a une planification à double niveau: au niveau du réseau et au niveau de chaque établissement. Au niveau du réseau, nous avons ce qu'on appelle comme instrument le schéma général, c'est-à-dire le plan directeur, ce que les universités américaines identifient comme le "master print". Ce schéma général, comme on l'a signalé tout à l'heure, comprend une analyse de l'évolution de l'université lors de son dernier cycle de planification. Il comprend aussi une analyse fine des tendances socio-économico-culturelles qui entourent l'université et qui se trouvent dans son milieu environnant. En plus de cette analyse, l'Université du Québec, dans son schéma général, évalue les forces et les faiblesses de son université, évalue ses ressources tant professorales qu'étudiantes, ses ressources

aussi physiques, bien sûr, en vue d'être capable d'identifier les objectifs et la programmation nécessaires dans le cycle de planification. Une fois qu'on a bien posé cette problématique, une fois qu'on a bien analysé les grandes tendances et les ressources que nous avons, nous tentons d'identifier les grandes orientations où pourrait oeuvrer l'université pour les prochaines années.

Au niveau du réseau, le cycle de planification est de six ans. Donc, nous prévoyons des orientations pour une période de six ans. Par la suite, étant donné que c'est un schéma général, donc une sorte de plan directeur, nous avons ce qu'on appelle au niveau du réseau un cadre de développement. C'est un plan d'action pour l'ensemble du réseau, puisque, étant donné que nous ne pouvons pas dispenser tous les programmes et toutes les activités dans les différentes constituantes, on essaie de mettre en commun un certain nombre de ressources, un certain nombre de programmes tant d'enseignement que de recherche pour pouvoir mieux développer et le Québec et les régions. C'est ce qu'on appelle le cadre de développement. Ce cadre de développement identifie très bien les pôles directeurs de chaque établissement et, en plus, les secteurs prioritaires pour l'ensemble du réseau de l'Université du Québec. C'est ainsi que, dans le schéma général, dans le cadre de développement 1985-1988, on a identifié un certain nombre de secteurs prioritaires comme les biotechnologies, l'ouverture à l'organisation, le développement des sciences de l'éducation, le développement des ressources naturelles, etc., en vue d'identifier un , certain nombre d'actions prioritaires. Chaque année, la commission de planification identifie des actions prioritaires en réseau qui découlent de ce cadre de développement. Voilà pour le niveau du réseau, M. le Président.

Au niveau local, à la suite a la confection de ce schéma général, il y a ce qu'on appelle les plans de développement de chaque établissement. Étant donné que le cycle de planification au niveau du réseau est de six ans et étant donné aussi que les établissements sont tout près de l'action, le plan de développement est de trois ans; d'est un plan triennal. Donc, dans le cycle de planification de six ans, il y a deux plans triennaux pour chaque établissement. Le plan triennal comprend l'étude d'une problématique où on analyse le bilan du dernier plan, où on fait une analyse aussi des environnements externes et internes à l'université, des grandes tendances qui se trouvent dans le milieu ambiant de l'université pour ensuite bien identifier les orientations et les grands objectifs pour les trois prochaines années. (15 h 45)

Chaque établissement a ses axes de développement, c'est-à-dire ses grandes priorités. C'est le conseil d'administration avec l'assemblée des gouverneurs qui détermine ces grandes priorités ou axes de développement de chaque établissement. C'est ainsi qu'à Rimouski vous avez l'océanographie; à Chicoutimi les ressources minérales; à Trois-Rivières les pâtes et papiers, études québécoises, arts et loisirs, ouverture à l'organisation; à Hull vous avez le développement de l'informatique; en Abitibi-Témiscamingue le développement des ressources naturelles et le développement de la région; et à Montréal à peu près tout, sept axes, dont le dernier qui identifie très bien le développement des sciences appliquées. Voilà donc un peu ce qu'on retrouve dans le plan triennal. À la suite de ces orientations, il y a une programmation très opérationnelle qui en découle.

En résumé, M. le Président, je dirais que l'Université du Québec a un processus de planification bien systématisé, cohérent et logique où participent toutes les couches de la communauté universitaire tant au niveau de la direction qu'au niveau des professeurs et même des étudiants qu'à celui des représentants socio-économiques. Vous avez aussi une planification unifiée, en ce sens que vous la retrouvez et au niveau du réseau et au plan local, à partir d'un grand schéma général qui est la pierre angulaire où repose l'ensemble du processus de planification. Voilà, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie de votre exposé. Je vais vous répéter ce que je répète à peu près à tous les groupes qui viennent nous rencontrer ici. Maintenant est ouverte la séance de discussion et d'échanges avec les membres de la commission. Je veux que vous vous sentiez bien à votre aise. Si des questions n'étaient pas claires, vous semblaient ambiguës, n'hésitez pas, demandez de les clarifier. Les députés sont ici pour mieux se renseigner, pour vous fournir leur point de vue et provoquer une réaction de votre part afin d'alimenter une discussion intéressante qui nous aidera à progresser dans ce dossier du financement des universités.

Je ne sais pas si des questions s'adresseraient à M. Boulet. Il est devenu un habitué des commissions parlementaires. On l'a vu hier, on le revoit aujourd'hui.

Je donne la parole au ministre de l'Éducation et la discussion s'engage jusqu'à 16 h 50 environ, alors que je donnerai la parole alternativement au représentant officiel de l'Opposition et au ministre de l'Éducation pour le mot de la fin.

M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir, en mon nom et en celui de mes

collègues qui font partie de la commission parlementaire du côté ministériel, de saluer très cordialement M. le président de l'Université du Québec et l'équipe qui l'entoure, de même que les personnes nombreuses, la plupart en provenance de l'Université du Québec, de ses constituantes ou de ses institutions ou centres de recherche, qui les accompagnent cet après-midi.

L'Université du Québec dans notre réseau universitaire est une réalisation originale par rapport au modèle traditionnel que nous avions suivi jusqu'à la création de l'Université du Québec. C'est un modèle qui est largement inspiré d'expériences américaines quant à ses structures fondamentales, mais qui a apporté une réponse intéressante à des problèmes particuliers qui se posaient au Québec en matière de développement des universités.

Je pense que l'illustration la plus éloquente qu'on puisse donner de cette affirmation consiste en des chiffres contenus dans une des annexes de votre document à la page 52, l'annexe 4 où vous donnez le taux de scolarisation au niveau du baccalauréat ou grade supérieur pour le Québec par région. Nous constatons qu'en Abitibi le taux de scolarisation universitaire en 1981 était de 3,3 %; dans la région de Chicoutimi 5,5 %; la région de Hull 7,5 % à cause, évidemment, du voisinage de deux grandes universités de l'autre côté de la rivière à Ottawa; île de Montréal 10,2 %; Québec 10,2 %; Rimouski 5,8 %; Sherbrooke 9,2 %. On voit que, dans les régions qui ont été dotées plus récemment de services de formation universitaire, le taux de scolarisation universitaire est considérablement inférieur. Et, pour des raisons à la fois de distance et de conditions économiques plus difficiles que nous connaissons tous, que la politique gouvernementale des dernières années ait voulu que la chance d'accéder à une formation universitaire soit étendue dans les principales régions du Québec en dehors de Montréal et de Québec, je pense que nous avons tout lieu de nous en réjouir. Les données qu'on nous a présentées aujourd'hui illustrent que, dans l'ensemble, l'expérience a déjà, après à peine quelques années finalement, produit des résultats très impressionnants. Je pense qu'on peut dire ensemble que l'Université du Québec a bien répondu à ses missions essentielles qui sont de créer une plus grande facilité d'accès à l'enseignement supérieur, de favoriser le développement régional par l'implantation du ferment universitaire à l'intérieur même des régions et, finalement, de favoriser également le service de la collectivité.

Ce qui fait l'originalité de l'Université du Québec, c'est cette bipolarité que l'on y observe entre, d'un côté, les constituantes et, de l'autre côté, le siège social, les deux formant ensemble un réseau. C'est une donnée sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir tantôt, mais c'est une donnée qui est une des différences essentielles entre l'Université du Québec et ses constituantes, d'une part, et les autres établissements universitaires au Québec.

J'ai eu l'occasion, depuis quelques mois, de connaître de plus près la direction de l'Université du Québec et je dois la remercier de la collaboration qu'elle m'a toujours apportée, de la grande ouverture avec laquelle il nous a été donné d'aborder plusieurs problèmes d'intérêt commun.

En relation avec l'exposé qui nous a été présenté, c'est un exposé abondant où les pièces les plus précieuses se trouvent dans les annexes. Pour nos débats, pour notre information, elles sont dans la partie principale, mais, pour les sujets que nous devons aborder en commission, elles sont surtout dans les annexes. J'ai trouvé beaucoup d'indications quant aux positions de l'Université du Québec; j'y reviendrai tantôt. Mais j'aurais cinq ou six questions à vous adresser. Je vais le faire de manière assez concise et je veux vous avertir avant pour que vous ne preniez pas un quart d'heure sur la première question parce que vous allez me gêner par rapport au président.

J'aimerais que vous nous expliquiez un peu cette dialectique entre les constituantes et le siège social. Quelle est la vocation propre des constituantes et, surtout, quels sont les problèmes particuliers de développement qui se posent à elles? Comment voyez-vous leur avenir? On a beaucoup fait allusion, depuis le début des travaux de la commission, à l'impossibilité de développer tous les services et toutes les options partout. Évidemment, quand on fait une affirmation comme celle-là, on ne peut qu'avoir une certaine pensée pour les établissements qui sont situés plus loin des grands centres métropolitains. C'est évident qu'on ne peut pas développer la même plénitude de services sur la Côte-Nord du Québec ou en Abitibi-Témiscamingue que dans la région de Montréal, ne serait-ce que pour des raisons inhérentes au bassin de population fort différent. J'aimerais que vous nous disiez comment vous voyez le développement des constituantes à chacun des cycles.

Une voix: S'il y a des problèmes.

M. Ryan: Oui, les problèmes financiers qui se posent à ces constituantes et les endroits où il y a peut-être des problèmes plus aigus, plus immédiats.

M. Boulet: D'accord. Les constituantes à vocation générale, donc les universités qui sont situées en régions, sont celles qui sont peut-être le plus à l'avant-garde du travail

d'accessibilité universitaire qu'essaie de réaliser l'Université du Québec. Il faut à la fois comprendre le rôle et la géographie du Québec. Les constituantes situées en régions - c'est Abitibi-Témiscamingue, Chicoutimi, Rimouski, Hull - ce sont surtout des établissements qui sont au coeur de régions dont le territoire géographique est immense, avec une population qui est disséminée sur ce territoire, qui n'est centralisée nulle part, sauf un peu dans ce qu'on appelle les capitales régionales, comme Rouyn, Chicoutimi ou Rimouski même. Le problème de ces universités était de rendre l'université et c'est ainsi encore - ouverte et accessible à tout le monde. Le fait que vous ayez une université à Rimouski ou à Rouyn ne règle pas nécessairement les problèmes des gens qui sont à Gaspé ou à Sainte-Anne-des-Monts ou à Chibougamau. Il y a encore des problèmes de distance, des problèmes d'accessibilité psychologique à l'université. C'est pourquoi les constituantes en régions ont développé ce qu'on a appelé le modèle des sous-centres, c'est-à-dire d'endroits où il n'y a pas de personnel permanent, sauf peut-être une secrétaire qui est là une journée ou deux par semaine ou, si le sous-centre est très gros, qui y est un petit peu plus, et où les professeurs de l'université vont offrir des cours et reçoivent les adultes aux études.

C'est un problème d'éducation des adultes, mais je me permets une petite anecdote. Quand j'ai été nommé président, j'ai fait le tour des constituantes et, partout j'ai rencontré des étudiants, des professeurs, etc. À Rimouski, je me souviens encore, j'étais dans le sous-sol assis avec une quinzaine d'étudiants et je leur ai demandé: C'est quoi pour vous autres l'Université du Québec? Il y avait un gros bonhomme dont la chaise était appuyée sur le mur et qui m'a dit: Moi, monsieur, je viens de Sainte-Anne-des-Monts. Quand j'ai eu fini mon cégep, je me suis dit: II faudrait bien que j'aille à l'université, mais je ne savais pas où c'était, je ne savais pas ce qu'il fallait faire, et il dit: J'ai rentré commis dans une épicerie. Et il dit: De temps en temps je dis à mes "chums": Moi, j'aurais bien voulu aller à l'université et il y a un gars qui m'a dit: Écoute, l'Université de Rimouski donne des cours des fois le soir ici. Va voir ce qu'il y a là. Je suis allé voir et aujourd'hui je suis à temps plein à Rimouski finissant mon bac en administration.

Il y a une fille qui a levé la main et qui a dit: Moi, c'est la même histoire, mais je viens des Îles-de-la-Madeleine. Voyez-vous, l'université en régions, c'est ça et cela est profondément important parce que la barrière de l'université est géographique, mais elle est aussi psychologique dans ces régions éloignées. On ne va pas à l'université. Ce n'est pas pour nous, l'université. C'est trop loin. Là, c'est l'université qui va chercher ces gens. C'est un peu coûteux, je dois l'admettre. Nous pensons que c'est un coût social qu'il est essentiel d'assumer.

Le développement - c'était la première partie de votre question, M. le ministre -l'avenir de ces établissements, je pense qu'il faut le maintenir dans la ligne exacte qui est prévue et qui est très clairement présente dans les documents dont vous parlait M. Arguin tout à l'heure. Â sa dernière réunion, l'assemblée des gouverneurs a adopté le plan triennal de chacun des établissements après qu'on en eut discuté, etc. Il faut noter que jamais ses constituantes, ni l'Université du Québec, n'ont soutenu qu'il était nécessaire que les universités en régions se développent à gauche, à droite, tous azimuts, aux 2e et 3e cycles. Parce que chaque établissement a été amené à se définir des axes précis de développement, c'est à l'intérieur de ces axes que les établissements orientent leur développement d'études avancées.

L'exemple le plus patent - on le donne souvent, mais on peut le multiplier - est celui de l'Université du Québec à Rimouski qui, dès les premières années de l'Université du Québec, a choisi comme axe de développement l'océanographie. Rimouski donne un doctorat en océanographie, un programme de maîtrise en océanographie. C'est le seul qu'il y a au Québec et, à l'intérieur de l'Université du Québec, il est entendu que personne ne touche à ce programme. On en a fait une exclusivité pour Rimouski en disant: Si d'autres embarquent là-dedans, il est clair que l'Université du Québec à Montréal ou à Trois-Rivières, avec des moyens beaucoup plus forts, pourraient balayer Rimouski. Personne n'y touchera, mais cela permet à Rimouski de développer un programme de doctorat qui devient un peu le centre et le moteur intellectuel de tout le travail.

Rimouski va faire la même chose probablement en développement régional. C'est la première université à avoir mis sur pied des études en développement régional. Elle va faire la même chose. Je ne le ferai pas parce que ce serait trop long, mais M. Arguin vous a indiqué tout à l'heure pour chaque établissement ces axes de développement, et c'est là-dedans. C'est donc un développement ordonné et je pense qu'il est fondamental que l'on saisisse cela. (16 heures)

Le développement de l'Université du Québec est un développement très ordonné, prévu, annoncé, analysé, discuté par l'assemblée des gouverneurs. Il ne faut pas craindre, je pense - je sais que ce sont des craintes qui circulent parfois - que les universités régionales essaient de s'en aller à hue et à dia. Il y a une chose qu'elles essaient de faire et nous sommes tous d'accord pour qu'elles essaient de le faire. Il

est nécessaire, à nos yeux, qu'au 1er cycle elles offrent à la population un programme de base de 1er cycle qui couvre le plus de disciplines possible. J'en exclus cependant les grandes facultés professionnelles comme, évidemment, la médecine, le droit, l'art dentaire, la pharmacologie, etc. Je parle des disciplines de base.

Plus l'université est petite, plus la tendance actuellement - l'université d'Abitibi-Témiscamingue en est un exemple et pourra vous en parler quand elle comparaîtra devant vous - est à essayer de développer des programmes de baccalauréat qui soient de plus en plus généralisés, de façon qu'avec des moyens moindres on offre à ces populations des régions éloignées un cours de formation qui leur permette de continuer ailleurs. Parce que en se disant: On a peu de moyens, on a peu de professeurs, on va offrir seulement un ou deux programmes, on ne répond pas du tout aux besoins de la population, surtout à ces étudiants qui voudraient faire d'autres types d'études. On essaie de généraliser la programmation de base. Voilà, je pense, M. le ministre, qui répond aux deux parties de votre question.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Ryan: Merci. Peut-être pourriez-vous nous donner quelques indications sur le rôle du siège social. Je ferais juste une parenthèse, si vous me le permettez ici, parce que vous vous attendez peut-être que je vous donne ma propre opinion sur cette question, étant donné les suggestions qui intéressent particulièrement la députée de Chicoutimi et qui ont émané de certains documents non signés par un certain ministre qu'elle a attaqué devant nous.

Nous allons profiter des travaux de cette commission pour nous renseigner de la manière la plus précise possible sur la place du siège social dans le fonctionnement du réseau. Je me fais un devoir de vous demander votre avis à ce sujet. Je ferai la même chose avec les constituantes qui viendront témoigner devant nous. Quand nous aurons entendu toute la panoplie de témoignages que la commission nous permettra d'ausculter, ce sera plus facile pour nous de faire des recommandations éclairées au gouvernement.

Le Président (M. Jolivet): M. Boulet.

M. Boulet: M. le Président, le rôle du siège social, il est d'abord défini par la Loi sur l'Université du Québec. Le siège social, c'est, en somme, un groupe de personnes qui assistent le président et les vice-présidents que la loi définit. C'est la loi qui dit qu'il faut qu'il y ait un président, un vice- président enseignement et recherche, etc., et qui dit: II y a une assemblée des gouverneurs, un conseil des études et une commission de planification.

Alors, le siège social, c'est le président, les vice-présidents, le personnel qui les assiste et qui sert aussi de soutien aux travaux de l'assemblée des gouverneurs, du conseil des études et de la commission de planification, qui sert aussi de soutien pour l'application des règlements généraux que la loi demande à l'assemblée des gouverneurs de voter dans un certain nombre de domaines.

Le rôle du siège social est donc intimement lié à celui des organismes de direction centrale: assemblée des gouverneurs, conseil des études et commission de planification. C'est un rôle, à mes yeux, qui est vécu. Le recteur d'une des constituantes est maintenant à la présidence de l'Université du Québec. C'est un rôle qui est fondamentalement de coordination d'un ensemble d'établissements universitaires. Il y a d'autres rôles que la loi spécifie. On a un rôle de contrôle, par exemple, des états financiers, des budgets. Mais, fondamentalement et essentiellement, pour qui a vécu l'Université du Québec, le rôle du siège social est un rôle de coordination et d'une coordination qui se fait d'autant mieux que l'assemblée des gouverneurs a les pouvoirs légaux d'y procéder. Cela, c'est important.

Une assemblée d'universitaires, fussent-ils professeurs ou administrateurs, c'est une assemblée de personnes qui ont beaucoup d'idées, beaucoup d'orientations, beaucoup de suggestions, beaucoup de propositions, d'hypothèses de travail. Les consensus peuvent s'y réussir; ils sont parfois difficiles. Vous avez pu le constater hier.

À l'intérieur de l'Université du Québec, chacun sait que l'assemblée des gouverneurs, dont chacun fait partie d'ailleurs, a le pouvoir et le devoir d'organiser une coordination d'ensemble fondamentale et nécessaire et, à cause de cela, cette coordination devient une sorte d'élément quotidien de la vie de l'Université du Québec. Le rôle du siège social, c'est donc d'abord un rôle de coordonnateur. C'est lui qui, à partir d'individus et de personnes qui n'appartiennent pas à l'une des constituantes, fait un ensemble de propositions ou analyse les propositions et les hypothèses de travail des constituantes et essaie de les mettre en parallèle les unes avec les autres de façon qu'on ne double pas les mêmes cours, qu'on ne double pas les mêmes programmes de recherche, qu'on ne double pas inutilement les mêmes programmes d'enseignement; qu'on les double là où c'est nécessaire de les doubler, qu'on empêche un établissement d'entrer sur le terrain d'un autre parce que cela l'affaiblirait, qu'on amène les constituantes à travailler les unes avec les autres dans des programmes d'enseignement,

dans des programmes de recherche et dans des échanges de professeurs, etc. Fondamentalement, c'est cela.

Deuxièmement, il y a un rôle - je vous le disais - de contrôle qui se double d'un rôle de rationalisation. Par exemple, à partir de l'enveloppe qui est distribuée par l'assemblée des gouverneurs et, donc, proposée à l'assemblée des gouverneurs par la présidence à partir des règles de la loi, on doit procéder à l'approbation des budgets et à l'approbation des états financiers. Ceci nous amène à mettre sur pied des règles de financement qui ont toujours été extrêmement rigides, et je pèse chacun de mes mots et l'adverbe et l'adjectif. À l'Université du Québec, les règlements généraux disent très clairement qu'on ne doit pas faire de déficits. S'il y en a, ils doivent être approuvés par l'assemblée des gouverneurs et, de temps à autre, il y en a. Si ces déficits ont tendance à s'accumuler, il y a un règlement qui dit qu'un comité de l'assemblée des gouverneurs, formé du vice-président, du vice-président (administration et finances) et d'un membre socio-économique, va rencontrer la direction de l'établissement, discute avec elle de ses difficultés et fait un certain nombre d'hypothèses et de propositions avec elle de façon à redresser la situation. À la suite de la visite de ce comité, si la situation apparaît très difficile, le comité va même proposer à l'assemblée des gouverneurs d'aider cet établissement et cela va loin.

La chose s'est faite - vous en discuterez avec les gens de cet établissement à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue qui avait des problèmes énormes. Le comité est allé la visiter pour lui dire: Bon, il ne peut plus avoir de déficits de ce genre. L'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue cette année est arrivée avec un budget équilibré et elle termine l'année de façon équilibrée, mais l'assemblée des gouverneurs, avec l'accord des autres établissements de l'Université du Québec, lui a fourni, à même les budgets des autres établissements, 1 000 000 $ par année pendant deux ans pour l'aider à se remettre sur pied. Donc, rationalisation et exigences très dures.

On vous dira peut-être: L'Université du Québec n'a pas de déficit ou elle a peu de déficit, elle est donc très à l'aise. Ce serait le jugement le plus atroce que l'on puisse porter sur la gérance universitaire parce que, à cause de règles extrêmement rigides - et vous en parlerez à chacun des chefs d'établissement puisque ceux-ci ont procédé à des coupures allant parfois jusqu'à 1 000 000 $ ou 1 500 000 $ dans une année budgétaire sur un budget de 25 000 000 $ ou 30 000 000 $, année après année - les exigences centrales avec lesquelles tout le monde est d'accord - n'oubliez pas que ces exigences centrales sont votées par l'assemblée des gouverneurs dont chaque chef d'établissement est membre - nous ont maintenus à flot, quelles que soient les compressions et les coupures. Il faut dire aussi - on l'a indiqué - qu'on soutient d'un établissement à l'autre celles qui ont le plus de difficultés. Voilà, c'est peut-être un peu long, M. le ministre, et je n'en ai pas dit la moitié.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Ryan: Je vais juste compléter ce point par une question à laquelle la réponse pourrait être beaucoup plus brève. Combien de personnel avez-vous au siège social et quel est le budget annuel du siège social?

Le Président (M. Jolivet): M. le président.

M. Boulet; Sur la quantité de personnel, M. Lefrançois sera plus précis que moi. C'est environ...

M. Lefrançois (Roger): 127.

M. Boulet; 127 personnes. Le budget du siège social est de 14 000 000 $ environ. Le siège social - vous m'amenez à ajouter une chose que je n'avais pas mise parce que j'avais peur d'être trop long - a organisé, en collaboration avec les constituantes, beaucoup de services aux constituantes. Par exemple, la mise en commun des services de catalogage, d'identification des volumes des bibliothèques. Je ne sais pas quel montant on met dans la section de la vice-présidence aux communications. Nous avons un système d'intercommunications entre nous qui va assez loin, M. le ministre, pour que le vice-président aux communications m'affirme il y a quelques semaines: M. le président, il y a plus de volumes qui se prêtent entre la bibliothèque de l'Université du Québec à Chicoutimi et celle de Rimouski qu'entre toutes les universités de Montréal entre elles. Nous avons tout un système intégré de bibliothèques et de références. Un étudiant à Rimouski peut trouver un volume à l'UQAM dont il a besoin et le faire venir pour travailler chez lui. Cela est courant et commun. Quelques millions vont dans ce service des communications, qui sert aussi au traitement des données, à l'administration, etc.

Nous avons des services communs de gestion du personnel, de négociation du personnel, de discussions avec le personnel, et plusieurs des membres de l'équipe du siège social siègent aux 52 tables de négociations que nous avons dans le réseau. Il y a des services de la vice-présidence à l'enseignement et à la recherche qui procèdent à l'analyse des programmes

d'enseignement, des programmes de recherche avant leur présentation à l'extérieur. Enfin, il y a un certain nombre de choses. Nous avons fait des analyses et nous pourrions vous fournir ces données, M. le ministre; je sais que M. Lefrançois les a.

Nous pensons qu'il y a environ 4 000 000 $ de notre budget qui vont à l'administration propre de la loi et le reste du budget sert à des choses qui sont ou de type coopératif comme les sytèmes de communications interbibliothèques etc., ou qui sont du type services.

Je tiens à signaler cependant que, depuis huit ans, la proportion du budget du siège social par rapport à l'ensemble du budget de l'Université du Québec, qui était d'environ 6 % quand je suis arrivé a la présidence, est passée à 2 % de l'ensemble depuis que je suis là. Et pas simplement parce que l'un a grandi et que l'autre n'a pas grandi, mais parce qu'on a procédé chaque année à des compressions et a des coupures, entre autres pour faire surgir à même le budget du siège social un montant de 1 000 000 $ qui est maintenant, depuis cette année, disponible chaque année au développement de la recherche dans les constituantes et qui est distribué par l'assemblée des gouverneurs.

Le Président (M. Jolivet): D'autres questions, M. le ministre?

M. Ryan: Oui, deux autres questions. En matière de financement, à l'annexe E de votre mémoire, vous dites qu'il faudrait augmenter les revenus en provenance d'autres sources que des subventions. La formulation est un peu sibylline; je n'ai pas compris si vous incluiez les frais de scolarité là-dedans ou non.

M. Boulet: Nous le disons dans les trois premières lignes: Les différentes sources de revenus sont "les subventions gouvernementales, les frais de scolarité et les autres revenus."

Là-dessus, M. le ministre, notre position est la suivante: il est évident que les universités québécoises, l'Université du Québec comme les autres et peut-être plus que d'autres, ont besoin que l'on redresse leur financement au niveau de l'opération et de l'immobilisation. Le besoin est extrêmement sérieux.

J'ai fait allusion hier, en réponse à une question de la députée de Chicoutimi, à une hypothèse qui est venue sur la table de la conférence des recteurs et qui était d'arrêter l'acceptation de nouveaux étudiants dans les universités du Québec. Cela n'a pas passé parce que la conférence des recteurs ne fonctionne que sur consensus et il y a eu un vote contre. Les universités en sont rendues là, et elles ont raison d'en être rendues là; elles craignent de ne pas offrir la qualité que l'université doit offrir aux étudiants. (16 h 15)

La solution est simple, bien que très complexe. Si cette commission, si le gouvernement du Québec juge qu'il faut donner de nouveaux fonds ou redresser le financement des universités du Québec, il faut qu'il trouve cet argent quelque part. Ou cet argent provient des fonds de la province, si le gouvernement juge qu'il a les fonds suffisants et que les universités sont suffisamment prioritaires pour le faire, ou il cherche d'autres sources de financement. Si le gouvernement juge qu'il n'a pas les fonds, que les possibilités de l'État québécois ne lui permettent pas d'aller plus loin, je pense qu'à ce moment, il doit dégeler ce qu'il a lui-même gelé, c'est-à-dire demander aux étudiants de participer davantage au financement des universités pour assurer cette qualité.

M. Ryan: Je veux vous comprendre exactement. Est-ce que vous avez bien dit que, si le gouvernement, dans l'examen de l'ensemble de ses ressources, devait en venir à la conclusion qu'il n'a pas d'argent supplémentaire à mettre dans les universités, plutôt que de ne pas injecter d'argent nouveau dans les universités, la position de l'Université du Québec serait qu'il envisage l'augmentation des frais de scolarité?

M. Boulet: C'est juste, M. le Président. Ceci est accompagné, évidemment de remarques que tout le monde vous a" faites et que je vous ai faites moi-même lors d'une rencontre à la conférence des recteurs, à la condition que cet argent aille aux universités et que le système de prêts et bourses fonctionne de telle façon que de nouveaux tarifs n'empêchent pas certains étudiants d'aller à l'université.

M. Ryan: Très bien, je vous remercie. Dernière question: M. Arguin a parlé du plan de développement des cinq ou des six prochaines années, je ne m'en souviens pas exactement. Est-ce que je pourrais vous demander s'il y a des nouvelles implantations qui sont prévues dans ce plan ou si ce sont surtout des développements dans les constituantes et instituts existants?

M. Boulet: Les plans ne prévoient aucune implantation nouvelle. Ici, je dois dire une chose qui est importante. L'Université du Québec ne peut pas mettre sur pied un nouvel établissement sans, selon sa loi, obtenir une charte ad hoc du gouvernement. Le dernier exempte d'une démarche en ce sens a été celui des démarches faîtes pour un établissement universitaire à Laval. Depuis deux ans, on n'en entend plus parler parce que j'ai eu l'occasion, à la fin des

discussions, d'en causer avec le ministre de l'Éducation d'alors qui m'a dit qu'il n'y était pas favorale. À ce moment-là, l'Université du Québec a cessé d'en parler parce que la charte doit venir du gouvernement. Ce n'est donc qu'en accord avec le gouvernement que l'on peut faire des démarches semblables. C'était le seul développement qu'envisageait l'Université du Québec. Actuellement, elle n'en envisage pas, sauf peut-être des démarches, qui ne sont pas le développement de nouveaux établissements, comme d'offrir quelques cours pour les adultes, sur la Côte-Nord ou en Beauce, ce qui se fait déjà. Ce ne sont que des cours pour les adultes. Ce ne sont pas des établissements; c'est un certain nombre de cours.

M. Ryan: Merci.

Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Cela me fait plaisir, messieurs, de vous saluer, en mon nom et au nom des membres de l'Opposition. Vous connaissez l'attachement que j'ai au réseau universitaire de façon générale, mais, je pense que tout le monde le sait, de façon plus particulière à l'endroit du réseau de l'Université du Québec.

J'aurais souhaité, aujourd'hui, que vous n'ayez pas à faire la preuve de l'indispensabilité" - si je puis me permettre le terme -du réseau et du siège social de l'UQ. Voyez-vous, l'on voudrait oublier que l'ombre du président du Conseil du trésor se profile sur les travaux de cette commission. Le silence du ministre par rapport à l'avenir du siège social de l'UQ est préoccupant. Je pense qu'ici on pose les bonnes questions, mais que les réponses se trouvent ailleurs.

La recommandation du rapport Gobeil me semble illustrer plus qu'il n'est nécessaire une méconnaissance totale de l'organisation. Je vous la lis parce que tout le monde n'a peut-être pas eu l'occasion de le faire. "Enfin, le comité désire soulever une dernière question concernant la gestion du réseau de l'éducation. Dans la mesure où il existe un ministère distinct de l'Enseignement supérieur, l'existence du siège social de l'Université du Québec devrait être remise en question."

D'abord, je pense qu'il ignore le programme du député d'Argenteuil et actuel ministre de l'Éducation qui avait pris, entre autres engagements, celui de fusionner le ministère de l'Éducation et le ministère de l'Enseignement supérieur. Je vais le retrouver; c'est bien ce que j'ai vu dans les engagements. La deuxième chose, c'est confondre le rôle d'un ministère avec le rôle du siège social de l'Université du Québec qui en est un de planification, de coordination, de mise en commun de certains services et de coordination. Je veux l'ajouter, parce que ici je pense que le président a fait état largement des rôles de coordination, de planification, d'évaluation, de mise en commun des services; il a peu parlé des rôles de concertation. Abolir le siège social de l'UQ, c'est priver les universités en régions d'un lieu de concertation pour la défense des intérêts et du développement des universités en régions. On a déjà quasiment mis la clé sur Radio-Québec, qui était un organisme davantage tourné vers les régions. On connaît le sort de Quebecair et on connaît les nombreuses recommandations qui touchent les organismes de concertation régionaux qui s'appellent les CRD, le CPDQ. On est en train de vider les régions de leurs organismes de concertation.

Ce qui m'étonne dans cette recommandation, c'est que tout ce document parle largement de la nécessité d'une plus grande rationalisation, d'une plus grande planification. La mission, le travail essentiel de l'UQ va directement dans cette direction. J'ai beaucoup de difficulté à la comprendre et je dois dire que je m'attendais, aujourd'hui... Parce que le ministre connaît bien le réseau de l'UQ et connaît bien le siège social de l'UQ, je pensais que, sur cette question, il aurait pu lever le doute qui plane encore sur l'avenir du siège social de l'UQ. Il y a quand même quelques questions. Je ne vous ramènerai pas sur le rôle du siège social de l'UQ. Je pense que l'essentiel a été dit et on retrouve dans votre mémoire un certain nombre d'indications qui nous laissent voir que cela demeure indispensable si on veut parler d'un réseau.

J'aimerais revenir brièvement sur l'accessibilité. Je sais qu'hier, au moment où vous étiez avec la CREPUQ, les questions étaient davantage d'un ordre plus général. Cette question demeure quand même pour moi extrêmement préoccupante, parce qu'elle devrait préoccuper toute la collectivité. Si, je le répète, il y a un rapport étroit entre notre capacité de nous développer au plan économique et la scolarisation de notre population, il y a des hésitations, il y a des décisions que je comprends mal.

Vous avez fait état d'un sondage qui a été fait chez vous sur la provenance de vos étudiants par groupes socio-économiques et vous nous dites que 50 % de votre clientèle se retrouve chez les fils, les filles d'ouvriers spécialisés, en descendant. Est-ce que vous avez des données pour faire des comparaisons avec les autres universités? Est-ce que vous savez si cette étude a été faite dans les universités traditionnelles?

M. Boulet: Nous avons nous-mêmes fait cette étude. Nous avons des chiffres sur les autres universités mais qui datent de la

même époque. Je ne voudrais pas, si vous le permettez - je les ai avec moi - faire état de comparaisons qui auraient Pair de dire: Nous, on va dans telle direction; elles vont dans telle autre direction, d'autant plus que ces chiffres qui, à nos yeux, sont éloquents datent de dix ans. Alors, j'aurais beaucoup plus l'air d'un petit batailleur de rue si je les sortais. Je préférerais m'en tenir à ce que j'ai donné pour nous.

Mme Blackburn: Quand même, il serait intéressant qu'on puisse mettre à jour ces données de manière à savoir où on se trouve actuellement par rapport à toute la question de l'accès aux études supérieures pour les groupes socio-économiques faibles.

En partie, à tout le moins pour votre université en ce qui concerne l'accessibilité, je constate que sans pouvoir dire mission accomplie, à tout le moins c'est bien engagé. J'aurais quand même deux questions. Si le dégel des frais de scolarité avait les effets négatifs que laisse voir le sondage qui a été publié hier, dont on a trouvé des extraits dans les journaux hier, est-ce que vous maintiendriez votre position?

Vous parlez longuement dans votre mémoire, et avec force, du retard persistant du Québec sur le plan de la fréquentation universitaire, particulièrement de la diplômation. Vous conservez cet objectif d'accessibilité. Vous dites qu'il est toujours pertinent. Est-ce que vous avez des actions précises qui visent à élargir l'accessibilité encore dans vos universités du réseau?

M. Boulet: Un des objectifs premiers de l'Université du Québec demeure l'accessibilité, nous le disons très clairement dans le mémoire et nous l'avons affirmé à nouveau a plusieurs reprises. J'aimerais entrer là-dedans, M. le Président, en essayant d'oublier pour un temps les préoccupations pécuniaires que nous avons tous. Ces préoccupations de financement, de compressions, etc., nous amènent souvent è des prises de position entre universités qui sont basées sur les hypothèses que ceci améliore notre financement ou le diminue, de sorte que chaque université, à un moment donné, prend des positions qui ont l'air profondément philosophiques et qui sont entachées ou viciées par les intérêts financiers de la chose.

Nous pensons que le système universitaire québécois est en train de bien réaliser sa mission. Nous pensons que toutes les universités sont en train de bien réaliser leur mission. Autour de cette affirmation, je vais faire deux ou trois petites réflexions. Si je passe par là, madame, ce n'est pas pour éviter votre question, c'est pour vous dire: Continuons comme nous le faisons, c'est-à-dire continuons à être accessibles, à être ouverts aux étudiants, allons les. chercher là où ils sont. Je pense que c'est la bonne voie.

On fait, par exemple, assez fréquemment chez nous, dans les milieux universitaires en particulier, la discussion des études avancées. Le Québec a assez fait au niveau des adultes. Le Québec a assez fait au niveau du baccalauréat, il faut qu'il consacre ses efforts désormais aux 2e et 3e cycles où nous sommes en retard. L'Université du Québec est tout à fait d'accord avec tout le monde, il faut que les 2e et 3e cycles, leur développement, leur fréquentation et le taux de diplômation demeurent la priorité. Donc, je n'ai pas envie d'aller parler contre cela. Cependant, il faut dire les choses comme elles sont. À la page 5 de notre mémoire, nous parlons de la fréquentation universitaire aux études avancées. Il y a un tout petit tableau. On dit fréquemment qu'en Ontario il y a beaucoup plus d'étudiants aux études avancées qu'au Québec. Nous avons demandé à Statistique Canada qui a ces détails quelle serait la différence si on ne parlait que des autochtones, c'est-à-dire des Ontariens vivant en Ontario et des Québécois, anglophones ou francophones, vivant au Québec et qu'on soustrayait de la fréquentation universitaire des études avancées les étudiants qui viennent de pays étrangers. Si on le fait, on corrige considérablement l'impression et on en arrive à la constatation que pour le nombre global d'étudiants, aucune distinction n'étant considérée, l'Ontario dépasse légèrement le Québec. Un taux de 0,63 % contre 0,65 % en Ontario dans le nombre d'étudiants qui fréquentent les études avancées. Mais si on enlève tous les étudiants étrangers et qu'on ne s'en tienne qu'aux Ontariens et qu'aux Québécois, la fréquentation des études avancées au Québec est plus forte qu'en Ontario. C'est 0,45 % comme taux ajusté en Ontario et 0,51 % au Québec. (16 h 30)

Donc, le Québec n'est pas en retard dans la fréquentation aux études avancées. Il l'est cependant dans le taux de diplômation et, nous ne le cachons pas, le tableau correspondant pour la diplômation apparaît en annexe, bien qu'en enlevant les étudiants étrangers on diminue considérablement l'écart de plus de la moitié.

J'ai lu les mémoires de mes collègues des autres universités. J'ai en main une page du mémoire que vous présentera l'Université de Montréal pour des fins de discussion qui lui sont propres et qui sont bien soutenues dans son mémoire, mais que j'aimerais utiliser à une autre fin. Si M. le Président juge que c'est utile, j'en ai des copies pour les membres de la commission qu'on pourrait distribuer.

Ce tableau donne une idée, fort bien faite d'ailleurs, des inscriptions aux études supérieures par université au Canada. Il

commence par l'Université Bishop qui est celle qui en a le moins et il termine par l'Université de Montréal qui est celle qui en a le plus. On voit la courbe. Or, vous pourrez le constater en regardant vous-mêmes le tableau, les cinq dernières universités, c'est-à-dire les cinq universités qui ont le plus d'étudiants inscrits aux études supérieures, tel que l'indique ce tableau, ce sont l'Université du Québec, l'Université Laval, l'Université McGill, l'Université de Toronto et l'Université de Montréal, c'est-à-dire quatre universités québécoises sur cinq. Je ne me leurre pas. Je ne suis pas en train de vous dire que si on mettait toutes les universités de l'Ontario ensemble et toutes les universités du Québec ensemble - c'est l'autre tableau de notre mémoire... Mais je me dis: Notre système est quand même en bonne voie, ma foi! II n'y a que l'Université de Toronto parmi les cinq dernières qui n'est pas du Québec.

On a un système universitaire qui est en voie, je pense, de réaliser ses missions au premier cycle, au deuxième cycle et au troisième cycle, avec les étudiants adultes et, s'il a réussi, parce que ces chiffres sont récents, c'est parce que sa dynamique est correcte. Je ne vois pas pourquoi on diminuerait l'accessibilité, on forcerait les adultes à ne plus suivre de programmes courts, on empêcherait que les constituantes en régions éloignées aient des sous-centres, on se demanderait s'il n'en coûte pas trop cher d'amener tel type d'étudiants à l'université alors que le système, tel qu'il fonctionne actuellement, a des succès comme ceux-ci. Je pense que notre système est en bonne voie et il est correct. Si on pose les questions fondamentales, les réponses sont là.

Il est évident - je vous ai dit tout à l'heure que j'aimerais échapper au carcan du financement pour poser les vraies questions -que les vraies questions, c'est cela. Si on se pose la question du financement, on dit: Oui, c'est bien beau, mais il faut en enlever quelque part. Là, c'est autre chose. Je pense que le système québécois, si on le prend en lui-même, il est correct et il fait très bien son travail.

Il faut ajouter à cela, madame, les succès de chacune des universités selon leur mission propre, selon leur situation géographique, selon leur capacité, selon leur milieu. J'aimerais en profiter, si vous me le permettez - c'est en réaction à votre question, ce n'est pas dans la ligne directe de votre question - pour demander à M. Hamel d'ajouter un mot sur l'université de recherche. Il y a des thèmes qui circulent dans les milieux universitaires - je les ai personnellement entendus des dizaines de fois - où on se met à faire des distinctions toujours pour les questions de financement. On dit: Cela coûte cher; qu'est-ce qu'on ferait? Il y en a qui disent: Écoutez, on va déclarer qu'il y a des universités de recherche, et c'est nous, et qu'il y a des universités qui devraient faire moins de recherche ou moins d'enseignement, et c'est d'autres. J'aimerais beaucoup que vous entendiez M. Hamel là-dessus.

Mme Blackburn: Si vous me le permettez, M. le Président, une minute. Voyez-vous, le temps passe. J'ai plaisir à vous entendre et je veux entendre M. Hamel, mais si vous me le permettez, j'aimerais qu'on procède d'une façon un peu plus brève de manière que je puisse aussi avoir des réponses à quelques autres questions. M. Hamel.

M. Hamel (Claude): Très brièvement, alors. II y a certaines notions qui, du côté de l'Université du Québec, en ce qui concerne le développement de la recherche, nous préoccupent à partir, entre autres, du mémoire que le Conseil des universités lui-même a déposé hier devant votre commission et qui comporte des analyses concernant le financement de la recherche, le niveau de subventions reçues. Nous pensons à l'Université du Québec qu'il y a lieu de faire des distinctions avant de tirer des conclusions, distinctions qui, essentiellement, doivent tenir compte des différences de structures disciplinaires des universités.

Il s'agit de savoir, par exemple, qu'en 1982-1983, je crois, les universités du Québec ont reçu toutes ensemble 113 000 000 $ de subventions de recherche. Des 113 000 000 $, il y en avait 52 000 000 $ qui étaient dirigés vers le secteur médical. Or, selon que l'on défalque ou que l'on ne défalque pas ces données quand on fait des comparaisons entre universités, puisque seulement quatre universités ont des facultés de médecine, on arrive à des résultats fort différents. Nous pensons également que, selon que l'on tient compte de la présence importante d'un secteur d'ingénierie dans une université ou de l'absence d'un tel secteur, nous arrivons aussi à des données différentes. Ce que nous souhaitons, c'est que dans ce genre d'analyse, comme on le fait pour d'autres fins, par exemple des analyses de calculs de coûts unitaires, que dans ce secteur-là aussi nous fassions des distinctions qui nous apparaissent importantes: qu'on aille, par exemple, par grands secteurs, secteur médical, secteur sciences naturelles et génie, secteur sciences humaines pour faire les analyses et tirer les conclusions de façon sectorielle aussi. À ce moment, on verra que l'Université du Québec, compte tenu de la composition interne de ses programmes, de ses disciplines, est aussi fort bien développée en recherche et surtout en progrès rapide depuis quelques années.

Cet élément est également important

au plan du financement. Car les universités, de façon générale, soit collectivement soit prochainement individuellement, vous diront qu'elles sont d'accord avec l'occasion de tenir compte des frais indirects de recherche pour fins de financement général. Là aussi il faut tenir compte de ces distinctions, parce que les frais indirects de recherche posent un problème fort différent selon les secteurs disciplinaires. Lorsqu'on s'appuie par exemple, comme on le fait généralement, sur une étude faite au niveau canadien par l'Association des universités et collèges du Canada, il faudra se rappeler, quand on appliquera les résultats de cette étude, qu'elle ne comportait pas d'analyse du secteur médical. En conséquence, les conclusions de l'étude ne sont pas pertinentes pour ce secteur.

Mme Blackburn: Bien. Je vais ramener, si vous me permettez, deux questions quoique je sais que c'est délicat. On a parlé, tout à l'heure, des effets négatifs que pourrait avoir un dégel des frais de scolarité. Comme vous êtes parmi les universités les plus performantes en matière de formation des étudiants adultes, est-ce qu'on connaît les effets sur les étudiants adultes d'une hausse des frais de scolarité? Ma deuxième question, j'y reviendrai - c'est parce que celle-ci est dans le prolongement un peu de la réponse que vient de nous faire M. Hamel - comment réagissez-vous à la proposition du Conseil des universités à savoir de spécialiser les universités les grandes universités de recherche, les universités à accessibilité générale, si je me rappelle le terme, et les autres, les autres étant, évidemment, les universités en région, lesquelles, on le voyait, limitent leur enseignement au premier cycle?

M. Boulet: En réponse à la première question, nous n'avons pas d'étude sur les impacts que l'augmentation des frais scolaires pourrait avoir sur la population adulte. J'aimerais seulement faire une remarque là-dessus. Quelqu'un a dit hier que la majorité des étudiants adultes étaient des gens qui étaient dans le milieu du travail et donc qu'ils pourraient plus facilement supporter des augmentations de frais de scolarité. Je suis assez d'accord avec la dernière partie de cette affirmation, mais j'aimerais que, si une augmentation des frais de scolarité pour les adultes devait avoir lieu, on prenne bien soin, chez nous ou au ministère, ou les deux ensemble, d'analyser le nombre de femmes au foyer qui suivent ces cours - je pense que ce nombre est impressionnant - et peut-être qu'il y aurait intelligemment moyen de prévoir que le système de bourses qui est aujourd'hui à la disposition des étudiants à plein temps pourrait peut-être se voir doublé d'un système de bourses pour les gens adultes qui veulent suivre des cours qui ne sont pas des travailleurs. Enfin, je ne sais pas sur quel terrain je m'avance, mais je pense qu'il faudra avoir l'intelligence de bien distinguer.

Quant à la deuxième question, M. Hamel en a donné les grands principes tout à l'heure. Nous pensons qu'une université, cela ne peut pas être un endroit où on limite les gens. Une université, cela doit être ouvert sur l'ensemble des cycles, et la recherche qui se fait au niveau des 2e et 3e cycles, la performance des professeurs qui y sont, etc., je vous le disais tout à l'heure, constituent un moteur intellectuel pour toute la communauté universitaire.

Nous croyons cependant que, selon la dimension des universités - et nous le faisons, je vous l'ai dit, quotidiennement -nous pensons que chaque université doit le faire dans un certain nombre de domaines précis, à certain moment donné restreint, de façon à ne pas dilapider les forces et les ressources ou, encore, en se mettant ensemble.

Nous avons entre les mains - nous n'aurons pas le temps d'en parler - un document sur les mises en commun à l'Université du Québec. Il y a cinq ou six doctorats qui se donnent grâce à la collaboration de deux ou trois universités. Il y a, M. Hamel, à peu près dix programmes de maîtrise, treize programmes de maîtrise qui se donnent par collaboration. Donc, en jouant de cette façon, il n'y a aucune crainte. On ne dilapide pas les fonds; on ne dilue par les forces? on ne va pas tous azimuts, mais on essaie d'avoir de véritables universités en régions.

Mme Blackburn; Sur une toute autre question, je voudrais revenir un peu aux bases de dépenses et de fonctionnement. Elles devraient être évaluées, et vous avez une liste, une série de paramètres en page 9 de votre résumé. Je n'ai pas vu non plus dans votre mémoire que vous reteniez, que vous aviez un de ces paramètres qui devait tenir compte de la mission de contribution des universités en régions ou de développement régional.

M. Boulet: Vous avez raison, cela n'est pas là. Nous avons cependant publié un document complet sur la mission de l'université en régions où nous développons beaucoup - il a été fait d'ailleurs, je dis "nous", mais il a été écrit par un groupe de quatre recteurs d'universités régionales - où nous développons beaucoup cette importante mission de l'université régionale qui est d'intervenir dans le développement socio-économique de son milieu. Cependant, il nous semble difficile dans les bases de financement proprement universitaire de l'y introduire. Nous pensons qu'il faut qu'au niveau d'un gouvernement, on accepte cet

aspect de la mission des universités régionales et qu'on y réponde, au choix du gouvernement, soit par exemple par l'Office de planification du Québec ou soit par le ministère de l'Enseignement supérieur ou par d'autres moyens. Mais, il est clair qu'il faut qu'on aide l'université à maintenir cette présence qui en fait indiscutablement un moteur socio-économique dans chaque région.

Mme Blackburn; Tout à l'heure, M. le président faisait état du coût relativement élevé de la formation dans les régions à cause des distances, de l'éloignement, de la taille, ainsi de suite. Je suis consciente de la difficulté qu'on aurait de recueillir ce genre de données, mais est-ce qu'on a tenté d'identifier de façon un peu plus quantifiable les retombées de la présence de l'université en régions sur le développement économique? (16 h 45)

M. Boulet: Non, je ne pense pas qu'on ait de données de façon quantifiable suffisamment sur toutes les retombées pour en faire état dans une assemblée comme celle-ci. Je ne voudrais pas m'attarder à des retombées faciles, mais correctes, comme par exemple l'effet qu'a un budget de 30 000 000 $ ou 40 000 000 $, les salaires que cela comporte, etc. Les vraies retombées ne sont pas là. Les vraies retombées c'est par l'action des diplômés qui, venant d'une région, vont à l'université dans leur région et demeurent dans leur région et deviennent le moteur social, culturel et économique de leur propre région. C'est là les vraies retombées et ce n'est pratiquement pas quantifiable. Cependant, peut-être que mes collègues, les recteurs de chacun des établissements, auront-ils là-dessus des réponses pour leur propre établissement.

Mme Blackburn: Une dernière question, et on pourra la poser quand même à l'organisme lorsqu'il se présentera ici. Le rapport Gobei! - toujours ce rapport -recommande une modification profonde à la mission de l'École nationale d'administration publique.

M. Boulet: Ce serait, madame, vraiment dommage que l'on fasse cela. Au fond, ce que l'on propose, c'est qu'une école qui est actuellement universitaire et qui a l'autonomie d'une université devienne une école gouvernementale qui, donc, perd cette autonomie universitaire. Les deux modèles existent. En france, l'ENA est gouvernementale. Au Québec, elle est non gouvernementale. Il y a eu de profondes discussions dans les milieux gouvernementaux et universitaires au moment de la fondation de l'École nationale d'administration publique. Le gouvernement, à l'époque, le ministre de l'époque, qui était le ministre Masse, a nettement tranché en disant: II faut qu'elle soit de type universitaire. Enlevez ce caractère et l'école continuerait probablement à donner de bons cours de formation mais il est essentiel que cette école, dans l'organisation de ses cours et de sa recherche, puisse garder la distance que lui permet son statut universitaire d'avec le gouvernement et demeurer critique de la fonction publique, des pratiques d'administration, etc., quels que soient par ailleurs les gouvernements qui sont là. Il y a plusieurs gouvernements qui ont passé depuis que l'École nationale d'administration publique existe et l'école a maintenu, je pense, dignement... Le modèle est si intéressant qu'actuellement, dans les pays latins ou latino-américains ou francophones d'Afrique ou d'ailleurs et en particulier en Afrique francophone où on a accès au modèle de l'ENA, on préfère le modèle de l'ENAP. On vient nous demander non seulement d'en installer là où il n'y en a pas mais on nous a même demandé - et c'est en voie - d'en installer une là où il y a déjà une ENA, parce qu'on veut ce type d'école, ce modèle universitaire et indépendant. Ce serait vraiment dommage pour la qualité de l'enseignement de l'administration publique que l'on aille jusque-là.

Mme Blackburn: Ce que vous nous dites, c'est que cette recommandation a une caractère hautement improvisé?

M. Boulet: Je ne me permettrai pas, madame, je n'ai pas travaillé avec les gens qui ont préparé ce document.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M, Boulet. Je reconnais maintenant la députée de Groulx.

M. Ryan: M. le Président, me permettriez-vous de faire une petite rectification, sur une question de règlement?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous écoute, M. le ministre.

M. Ryan: Je crois que le règlement nous autorise à corriger des choses fausses qu'on a entendues. Tantôt, la députée de Chicoutimi affirmait...

M. Jolivet: M. le Président, nous sommes en commission parlementaire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, vous invoquez quoi pour redemander la parole, M. le député de Laviolette?

M. Jolivet: C'est justement le même...

Le Président (M. Parent, Sauvé):

J'écoute le ministre, sur une question de règlement.

M. Jolivet: Juste un instant, c'est une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): ...je vous écoute sur une question de règlement.

M. Jolivet: Excusez-moi. Vous savez qu'en commission parlementaire le seul moyen qu'a le ministre de rectifier c'est de le faire au cours de son intervention. Il n'est pas question de question de règlement pour faire une rectification.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, sur une question de règlement,

M. Ryan: M. le Président, j'avais compté sur la courtoisie du député de Lavîolette pour me permettre de faire cela dans l'esprit général de notre réglementation.

Mme Blackburn: Allez-y donc, je n'ai pas d'objection.

M. Ryan: Mais j'attendrai à tantôt et la correction sera encore meilleure, elle aura été annoncée. Vous aurez été avertis.

Le Président (M. Parent, Sauvé): À ce moment, M. le ministre, vous serez selon nos règlements. J'écoute Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: M. le Président, à l'heure actuelle, j'aimerais savoir si les coupures que vous avez dû faire pour équilibrer certains budgets des universités ont contribué à une baisse de qualité dans l'enseignement de ces universités ou si la qualité de l'enseignement est restée la même.

M. Boulet: II est difficile de le dire, n'est-ce pas? Cela ne se mesure pas avec un thermomètre. Je pense que l'on peut dire que nous avons été amenés successivement à augmenter notre productivité. On a passé, pour vous donner un exemple, à des groupes d'étudiants par professeur qui avaient une moyenne de 17 dans certaines de nos constituantes et qui sont montées a 28. On est passé en moyenne de 20 à 29 ou à 30 comme groupes d'étudiants moyens par professeur, etc. Les professeurs continuent à donner leurs cours. Ils le font avec autant de conscience qu'ils le faisaient auparavant et autant de préparation, mais l'encadrement diminue d'autant. Sur le plan des équipements, je pense que la qualité de l'enseignement diminue forcément. Les équipements que nous avons commencent à Être dans un état de désuétude qui ne permet pas vraiment aux professeurs, surtout dans des domaines comme les sciences appliquées, d'être vraiment à la pointe de l'enseignement dont l'industrie a besoin. Je pense qu'il y a une qualité qui s'est au mieux stabilisée et qui, dans certains domaines, a commencé à diminuer en raison de certains aspects des compressions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la députée, avez-vous terminé?

Mme Bleau: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Dans le résumé que vous nous avez fourni tout à l'heure, M. le président, vous dites, à la page 10: "Les bases de dépenses des universités calculées selon la méthode suggérée ci-haut doivent annuellement être modifiées pour tenir compte des caractéristiques et objectifs suivants." J'aurais deux questions qui ont trait à ce débat. À la page 41 de votre mémoire, on lit: "Respecter l'autonomie des universités." Le deuxième point se trouve à la page 43: "Éliminer certains revenus admissibles et laisser aux universités les autres revenus perçus." J'aimerais que vous précisiez davantage ces deux points.

M. Boulet: Comme c'est technique, M. Lefrançois va répondre a ces questions techniques. Oui, M. Lefrançois.

M. Lefrançois: M. le député, on veut indiquer par là que dans les enveloppes de financement qui sont accordées aux universités, il arrive parfois qu'on décide d'y faire certains prélèvements à des actions particulières. En le faisant, il y aurait lieu que cela puisse être discuté au préalable avec les universités pour essayer d'harmoniser cela dans le cadre des plans et des priorités que le gouvernement veut retenir. Ces prélèvements viennent réduire évidemment l'enveloppe disponible alors que déjà il y a des difficultés pour assurer la continuité des opérations régulières.

M. Jolivet: Cela fait partie de la discussion qu'on a eue hier soir et qui va se perpétuer, je pense, dans les jours à venir, à l'effet de dire que si on augmentait certains frais et que, en conséquence, on n'enlève pas, on ne diminue pas en contrepartie les revenus subventionnaires... On parle donc de l'enveloppe globale, si j'ai bien compris.

M. Lefrançois C'est exact.

M. Jolivet: Dans la première question -je ne sais pas si c'est vous qui devez répondre ou quelqu'un d'autre - celle de respecter l'autonomie des universités, c'est plus précis à la page 41 de votre document initial, mais j'aimerais quand même que vous m'en disiez davantage.

M. Boulet: C'est toujours une préoccupation, M. le Président, pour les universités, quelles que soient les demandes qu'elles aient à faire, d'ajouter qu'elles désirent qu'on protège et qu'on maintienne la protection de leur autonomie. Nous pensons que le gouvernement d'un État qui a conscience que les universités sont l'un des éléments de pointe de son développement n'obtiendra d'elles leur meilleur rendement que s'il leur permet d'oeuvrer en toute liberté, en toute autonomie, en particulier dans l'enseignement et la recherche des professeurs.

Quand on parle de financement, il y a toujours un danger que le financement soit accompagné d'exigences qui risquent de brimer cette autonomie. Il est normal et régulier qu'un gouvernement ait des priorités, qu'il le dise et qu'il demande aux universités de l'appuyer dans ses priorités, mais il y a toujours un risque qu'au moment où on joue finance, on joue un peu sur l'autonomie de l'enseignement et de la recherche universitaire et nous tenons simplement à rappeler qu'il faut y faire attention.

M. Jolivet: Une autre question qui a trait au financement. On a cru comprendre que vous parliez de différentes sources de revenus qui pourraient provenir en particulier de l'Office de planification et de développement du Québec pour les universités en régions en particulier. Vous êtes au courant que le budget de l'office a été, cette année, diminué de près du tiers, de 33 %. Une décision qui avait été prise en 1985 par le Conseil des ministres d'augmenter de 3 600 000 $ le budget pour les universités en régions et que ce décret a été révoqué par le nouveau gouvernement libéral. De quelle façon, avec ces éléments devant soi, peut-on espérer augmenter encore le budget de l'Office de planification et de développement du Québec ou, par un décret spécifique, obtenir des sommes d'argent additionnelles, en termes de revenus, pour les universités en régions?

M. Boulet: Écoutez, je ne voudrais pas entrer dans les discussions de décisions administratives du gouvernement, je ne suis pas suffisamment spécialiste des finances pour cela. Ce que je disais tout à l'heure, en réponse à Mme la députée de Chicoutimi, c'était que nous pensons que les universités en région ont une mission de moteur socio-économique très évidente. Nous pensons que ceci devrait être reconnu dans leur financement. Nous nous demandons cependant si la voie du financement proprement universitaire est la véritable voie pour faire cela. Je disais que cela fait deux ou trois ans, vous le savez, que l'Université du Québec essaie de faire que l'Office de planification et de développement du Québec participe peut-être à l'aide à cette mission des universités. Il y a peut-être d'autres voies, mais je pense qu'il appartient au gouvernement de décider.

M. Jolivet: J'ai une dernière question avant de passer la parole à d'autres. Toujours dans le rapport Gobeil... Même si le ministre soutient qu'il n'a pas été signé par celui qui était le président du comité, il reste quand même que ce sont des propos qui circulent et qui suscitent des craintes chez tout le monde. Le ministre responsable du Conseil du trésor en a fait mention à d'autres tribunes que, par l'intermédiaire de son rapport, on parle d'une augmentation de 50 % la tâche d'enseignement. On en a fait mention hier. J'aimerais connaître, de la part de l'Université du Québec, ses impressions sur cette hypothèse qui est actuellement sur la table et qui pourrait devenir réalité si les gens ne s'y opposent pas ou si les gens ne font pas valoir d'autres points.

M. Boulet: Si M. le Président me le permet, je vais demander à mon collègue, M. Leclerc, de répondre plus précisément à cette question.

J'aimerais, au départ, faire une réflexion. Je vous avoue que je trouve difficile de toujours discuter d'enseignement universitaire en termes d'heures, de minutes, etc. La productivité des grands chercheurs, des grands professeurs d'université, ce n'est pas la productivité d'une usine de chaussures, c'est autre chose. Cependant, il faut bien que les administrateurs publics comme les membres du gouvernement discutent du financement des universités. Il faut bien qu'ils touchent à des choses comme celle-là. Mais j'aimerais que l'on puisse amener certaines distinctions dans notre discussion et non pas constamment mesurer à l'aune le rendement des chercheurs et des professeurs d'université.

De toute façon, en réponse directe à votre question, je demanderais à M. Leclerc de vous faire part de ses réflexions.

M. Leclerc (Michel): M. le Président, d'abord, je vous ferais remarquer que nous sommes en négociation avec un certain nombre de nos syndicats dans un certain nombre de constituantes. Il faut tenir compte de cela, premièrement.

Deuxièmement, compte tenu que nous avons signé un certain nombre de conventions collectives et que vous savez que nous établissons des mandats avec les recteurs, je pense que l'on peut dire qu'à l'Université du Québec nous n'avons pas de problème de productivité dans l'ensemble du corps professoral. Nous travaillons actuellement à ce que l'on appelle la modulation, à une meilleure répartition de la tâche auprès des différents individus qui enseignent. On n'a

pas de problème de productivité, globalement. À preuve, entre autres, le tableau, à la page 53, des déclarations de l'ancien ministre qui avait affirmé en commission parlementaire que le système était devenu plus productif que celui de l'Ontario. Cela devient difficile de faire des récupérations dans ce contexte, vous l'admettrez.

Il y a aussi une nuance qui est importante, c'est que l'on est toujours porté à analyser la tâche des professeurs d'université d'abord en tenant compte uniquement de la fonction enseignement alors qu'il faut tenir compte de la fonction recherche, de la fonction administration pédagogique et de la fonction services à la collectivité. Quand on regarde la fonction enseignement, on est toujours porté à compter le nombre d'heures et à ne pas faire comme on le fait pour le primaire et le secondaire, à regarder le nombre d'étudiants par professeur. Or, le nombre d'étudiants par professeur - on doit le dire et on le dit à nos tables de négociation, qu'est-ce que vous voulez. (17 heures)

À Rimouski, par exemple, en 1978, il y avait une moyenne de 17,2 % étudiants aux cours de premier cycle, moyenne qui est passée à 28 % en 1984. II y a eu une augmentation évidente de productivité par le nombre d'étudiants dans les salles de cours.

Une dernière remarque de ce côté, c'est que nous avons un rapport professeurs réguliers-chargés de cours qui, à notre avis, est insuffisant, c'est-à-dire que nous avons trop de chargés de cours et pas suffisamment de professeurs réguliers. Évidemment, nous avons aussi des syndicats de chargés de cours et nous sommes également en négociation avec ces syndicats de chargés de cours qui trouvent que la main-d'oeuvre n'est pas payée assez cher.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Leclerc. Je reconnais maintenant M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Sur le point que vous venez de mentionner, M. Leclerc, quand vous dites que la moyenne est rendue à... 28 %, vous avez dit?

M. Leclerc: À Rimouski. M. Ryan: À Rimouski? M. Leclerc: Oui.

M. Ryan: C'est le nombre d'élèves par professeur régulier. Cela ne tient pas compte des chargés de cours.

M. Leclerc: Oui, oui, oui. C'est un indicateur qui est différent de celui de la page 53. L'indicateur à la page 53, c'est le rapport du nombre de professeurs réguliers, en excluant les chargés de cours, sur le nombre d'étudiants équivalents à temps complet. On indique à la page 53 de notre mémoire, à l'annexe 5, que le ratio est de 1-25 à l'Université du Québec alors qu'il est au total, pour l'ensemble des universités de 1-22. Cela exclut les chargés de cours. Mais on peut faire des calculs qui incluent les chargés de cours également.

Quand je parle de la moyenne au premier cycle, c'est autre chose c'est le nombre d'activités que nous donnons au premier cycle. Le nombre de tâches que nous autorisons fait que l'ensemble des professeurs qui enseignent au premier cycle, professeurs réguliers et chargés de cours, ont en moyenne, au niveau des études de premier cycle, 35 étudiants par exemple, ou 34 à l'Université du Québec à Montréal, 28 à l'Université du Québec à Rimouski.

M. Ryan: À l'Université du Québec, on remarque que le pourcentage de l'enseignement qui est assuré par des chargés de cours est élevé. Est-ce que vous avez des études sur les effets de cette situation sur la qualité de l'enseignement et de la recherche?

M. Leclerc: On n'a pas d'étude là-dessus. On a eu, M. le ministre, énormément de discussions, les recteurs, le président et moi-même là-dessus. Nous avons des syndicats de chargés de cours; nous avons des syndicats de professeurs. Les syndicats de professeurs disent que le nombre de chargés de cours est beaucoup trop élevé. On est très près de penser cela également.

Nous pensons qu'il y a toutes sortes d'effets à avoir moins de professeurs, en moyenne, que dans d'autres universités. Cela a des effets, par exemple, sur Je nombre de pieds carrés. Plus vous avez de personnel, plus vous avez à l'immobilisation de pieds carrés, etc. Notre objectif est évidemment d'augmenter le nombre de professeurs réguliers, sauf que, pour quatre charges d'enseignement au premier cycle, lorsqu'on engage actuellement un professeur régulier qui ne fait pas que de l'enseignement, répétons-le, le coût est d'environ 45 000 $ alors que, pour quatre charges de cours, c'est 12 000 $. Faites la soustraction. C'est beaucoup plus économique, c'est évident, d'engager quatre chargés de cours que d'engager un professeur régulier. Si on avait le choix, je pense qu'on augmenterait - pas je pense, je suis sûr - le nombre de professeurs réguliers et qu'on diminuerait le nombre de chargés de cours.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Je reconnais la députée de Jacques-Cartier pour une dernière intervention.

Mme Dougherty: II me semble que les

missions de l'INRS et de l'Institut Armand-Frappier sont fort différentes des missions des autres constituantes du réseau de l'Université du Québec. La question est un peu délicate» mais j'aimerais vous demander de commenter la pertinence de leur présence dans le réseau.

M. Boulet: La pertinence des instituts de recherche est très simple: la recherche est un élément de l'activité universitaire. Les instituts de recherche ont été fondés de façon à correspondre, au moment de la création de l'Université du Québec, à des besoins précis du gouvernement. C'est le gouvernement qui a décidé de cette situation, parce qu'il voulait qu'a l'intérieur de l'Université du Québec, il y ait des établissements qui se consacrent davantage que d'autres à des projets de recherche qui correspondaient et qui correspondent encore aux besoins de développement du Québec. Ces instituts se sont développés et constituent au sein de l'Université du Québec des endroits où la recherche est davantage privilégiée. Les universités à vocation générale font de l'enseignement et beaucoup de recherche et appuient l'un par l'autre. Les instituts de recherche font davantage de recherche mais reçoivent aussi des étudiants au niveau de la maîtrise et du doctorat. II est évident que la fonction formelle d'un institut de recherche se distingue en partie de la fonction d'un établissement à vocation générale, mais, dans la vocation globale de l'université qu'est l'Université du Québec, il est, non seulement tout à fait correct, il va de soi qu'il peut y avoir des instituts de recherche et des établissements où la recherche et l'enseignement sont davantage équilibrés.

M. Hamel pourrait ajouter là-dessus.

M. Hamel: En fait, à strictement parler, ces deux organismes ne sont pas des instituts de recherche comme on l'entend habituellement au sens de centres de recherche où l'on ne fait que de la recherche, centres que l'on retrouve occasionnellement en dehors des milieux universitaires. Il y a des centres de recherche gouvernementaux, il y a des centres de recherche privés. L'Institut national de la recherche scientifique comme l'Institut Armand-Frappier ont une vocation universitaire d'enseignement au niveau des études avancées. Donc, une mission universitaire de formation de chercheurs par des programmes de maîtrise et de doctorat et, bien sûr, une mission de recherche, mais ce sont des organismes qui se situent à mi-chemin entre des centres de recherche non universitaires et des universités à vocation générale qui assument des programmes de 1er cycle. Les deux organismes dont nous parlons, les deux instituts de l'Université du

Québec, n'offrent pas de programme de 1er cycle, mais, pour le reste, ils sont fondamentalement de type universitaire.

Le Président (M. Parent (Sauvé): Merci, M. Hamel. Je reconnais la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je dois dire messieurs, que je partage avec vous ce malaise de voir la commission parlementaire faire porter l'essentiel de ses propos et de ses discussions sur la question du financement, alors que, je vais me répéter, il me semble que, pour déterminer ce qui devrait être un niveau de financement acceptable, encore faudrait-il qu'on ait fait un certain consensus social sur ce qu'on voudrait voir faire à l'université, les objectifs qu'on maintient et ceux qu'on voudrait développer. À cet égard j'aurais souhaité qu'on puisse... Et vous l'avez fait assez largement tout à l'heure, certains intervenants l'ont fait, mais on a l'impression que, finalement, l'essentiel des discussions va finir par tourner quasi exclusivement autour des questions de gros sous et de financement.

Vous connaissez ma préoccupation pour toute la question de l'accessibilité. Je ne saurais trop le répéter, c'est une question de développement économique et social. Je dirai aussi que ce sont des préoccupations qu'on partage et qui ont constitué l'essentiel, je dirais, de votre action. Je me demandais s'il était possible de penser que, éventuellement, on pourrait faire des recherches sur cette question pour mieux cerner ce phénomène qui fait que certains enfants qui auraient les capacités estiment encore aujourd'hui que, malgré qu'on ait un régime d'aide financière acceptable, les études supérieures, ce n'est pas fait pour eux. Il me semble qu'il faudra commencer quelque part pour mieux cerner ce phénomène-là, parce que, autrement, penser à un développement économique, penser à une relance en même temps qu'on a une population, on doit se le dire, à la fois sous-scolarisée dans certains domaines et d'assistés sociaux pour une trop large part... Aujourd'hui il y a 230 000 enfants de moins de 18 ans qui vivent dans des familles d'assistés sociaux. Dans une telle circonstance, à la fois ils auraient, s'ils avaient la stimulation nécessaire, probablement la même capacité que d'autres de fréquenter l'université, mais on sait comment cela se passe et, finalement, ce n'est certainement pas un milieu duquel on sort facilement. Par ailleurs, une façon de le faire, c'est beaucoup par la scolarisation. Si des recherches se faisaient sur ce sujet et qu'elles essayaient de bien camper la problématique, de voir par expérience, sur le terrain ou autrement, ce qui pourrait être des voies de solution, cela pourrait être,

pour l'avenir, fort intéressant.

C'est le voeu que je me permets de formuler. Je n'ai certainement pas d'ordre à donner aux universités et je n'ai pas non plus à leur indiquer quel devrait être leur choix de thèmes de recherche, mais je me permets de formuler ce voeu. Cela m'a fait plaisir de vous entendre et, M. le Président, au siège social de l'UQ, je souhaite longue vie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. La dernière intervention revient au ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je ne veux pas être désagréable, mais, comme vous m'avez confiné à ces cinq petites minutes de la fin pour corriger l'erreur dont je parlais plus tôt, je vais être obligé de le faire maintenant. La députée de Chicoutimi disait tantôt que le programme du Parti libérai prévoyait la réunification des deux ministères de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur. Ce n'est pas vrai. Ce que le programme disait, c'est que nous unifierions l'autorité politique sur l'ensemble du secteur de l'éducation...

Mme Blackburn: ...

M. Ryan: ...ce que nous avons fait, crois-je pouvoir constater, tout en enregistrant les réserves de l'Opposition au sujet du rôle que certains de mes collègues se voient attribuer faussement par elle dans ce secteur-là. Je crois que la situation est très claire et toutes les personnes le moindrement informées savent très bien que cet engagement du Parti libéral a été réalisé dès la formation du gouvernement et continue de l'être.

J'entendais également la députée de Chicoutimi se plaindre qu'on aurait discuté seulement de finances cet après-midi. On ne devait pas être à la même discussion, parce que c'est une des séances où nous avons le moins parlé de finances, cet après-midi. Nous avons parlé...

M. Jolivet: ...

M. Ryan: Pardon?

Le Président (M. Parent, Sauvé): ...M. le député de Laviolette. M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Si j'ai mal compris, je m'en excuse et je retire toutes mes remarques, parce que je pense que cet après-midi, justement, nous sommes entrés dans un aspect du mandat de la commission qui est très important, celui qui nous amène à nous informer sur l'état de développement, des projets de développement et les problèmes d'organisation et d'orientation des institutions qui composent le réseau universitaire québécois. Nous avons eu une discussion très instructive cet après-midi au sujet de l'organisation générale du réseau de l'Université du Québec. Je pense que nous avons noté avec beaucoup d'intérêt les renseignements qui nous furent communiqués. Nous avons eu des réponses à un grand nombre de questions qui se posent à nos esprits. Nous allons continuer l'exploration en rencontrant chacune des constituantes, chacune des grandes institutions, des grands instituts qui se rattachent à l'Université du Québec et, au bout de l'examen, nous aurons une vue beaucoup plus complète qui est nécessaire avant de tirer les moindres conclusions au sujet du financement.

Je dois rappeler que le problème du financement est crucial. Pour employer une expression anglaise, il est "pregnant" à peu près tout ce que nous discutons, parce que, dès que nous voulons faire un pas... Il n'y a pas beaucoup d'universitaires qui font des pas de manière entièrement gratuite, sauf dans la recherche pure de la vérité, mais, dès qu'ils se mettent à enseigner dans une salle de cours, il faut que la caisse fonctionne. Je pense qu'il faut être réaliste. C'est pour cela qu'on est obligé de discuter cette dimension-là aussi. Je pense que cela fait partie de notre responsabilité. On va essayer d'explorer les deux dimensions parallèlement et je pense qu'au bout de la ligne on va peut-être avoir des résultats intéressants.

En tout cas, je suis très content de la rencontre que nous avons eue cet après-midi. Encore une fois, nous aurons l'occasion de reprendre ces discussions au cours des semaines à venir. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre de l'Éducation.

M. Boulet, M. Hamel, et les gens qui vous accompagnent, nous vous remercions beaucoup de votre présence à cette commission parlementaire.

La commission suspend ses travaux pour quelques minutes et elle entendra le prochain groupe, soit le Conseil de la science et de la technologie.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

(Reprise à 17 h 19)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez prendre place. La commission parlementaire de l'éducation va reprendre ses travaux incessamment, c'est-à-dire immédiatement. Mesdames, messieurs les députés, MM. les représentants du conseil, si vous voulez prendre place.

Si nos invités veulent bien s'asseoir, la

commission reprend ses travaux. La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux et accueille le Conseil supérieur de la science et de la technologie. Le Conseil supérieur de la science et de la technologie est représenté à la table par M. Maurice L'Abbé et M. Yves Rousseau, qui en est le secrétaire général.

Nous avons prévu, M. L'Abbé... S'il vous plaît! S'il vous plaît! La commission siège. S'il vous plaît, les gens en arrière, je vous rappelle que la commission a commencé ses travaux. Merci. Je m'excuse, M. L'Abbé, je m'excuse, M. Rousseau, de ce brouhaha. Je vous rappelle qu'on a environ... Normalement, on avait prévu une heure. Il est actuellement 17 h 19. Si à 18 heures, on n'a pas terminé, on continuera à 20 heures. Vous avez la latitude de commencer immédiatement, de nous présenter votre document et, après, l'échange de propos commenceront avec les membres de la commission parlementaire. M. L'Abbé, nous vous écoutons.

Conseil supérieur de la science et de la technologie

M. L'Abbé (Maurice): M. le Président, juste un mot, avant de résumer le mémoire, sur le Conseil de la science et de la technologie qui est, comme vous le savez, un organisme dont le mandat est relativement horizontal. La loi prévoit que cet organisme avise ou conseille le gouvernement sur toute question qui touche le développement scientifique ou technologique au Québec et, bien sûr, ceci implique les trois secteurs traditionnels scientifiques et technologiques: le secteur gouvernemental, le secteur universitaire et le secteur industriel. Le conseil aime voir son mandat surtout au niveau intersectoriel, par exemple, au niveau des relations entre le secteur universitaire et le secteur industriel ou au niveau des relations entre les secteurs gouvernemental et industriel, etc.

Le conseil, aujourd'hui, vient témoigner devant votre commission sur un sujet, évidemment, qui touche le secteur universitaire. Nous l'avons fait, après une certaine concertation avec le Conseil des universités, et nous avons choisi, avec leur accord et leur support, de traiter le sujet du financement de la recherche universitaire qui peut résulter de la collaboration entre le secteur industriel et le secteur universitaire.

Je me permettrai, avant de commencer le résumé de notre mémoire, qui est relativement bref, puisqu'il s'adresse à un aspect assez spécialisé de votre mandat, de commencer par une anecdote que j'emprunte à nos collègues, à nos voisins du Sud aux États-Unis et qui me semble montrer justement l'importance du mandat de votre commission pour le Québec et la société en général.

II y a une couple d'années, le conseiller présidentiel en matière de science et technologie aux États-Unis a demandé au conseil de la science américain de faire une étude sur la santé des collèges et des universités aux États-Unis. Le rapport a été remis au printemps dernier et ce rapport, qui est assez remarquable, est précédé d'une lettre dont j'aimerais lire des extraits.

C'est une lettre que le président des États-Unis, lui-même, M. Ronald Reagan, adressait au président du comité qui avait préparé ce rapport, marquant ainsi l'extrême importance que nos voisins attribuent au développement universitaire et particulièrement à la recherche universitaire. Le comité en question était présidé par M. Dave Packard qui est celui qui a créé Hewlett Packard. La lettre de M. Reagan se lit comme suit: "Cher Dave, je suis profondément reconnaissant pour l'effort que vous et vos collègues avez consacré à l'étude de la santé des collèges et des universités aux États-Unis. "Dans l'environnement technologique hautement compétitif qui caractérise le monde d'aujourd'hui, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour assurer le maintien de l'excellence de nos collèges et de nos universités. Ils sont la source principale de nos réalisations scientifiques et techniques, le fondement même de notre excellence technologique. "Votre rapport apporte une contribution majeure à la définition de la nécessaire collaboration entre le gouvernement, l'industrie et les universités. "Vous pouvez être assuré que je ferai le nécessaire pour que vos résultats et vos recommandations soient étudiés par les organismes responsables du gouvernement et que ceux-ci en assurent le suivi et la mise en oeuvre. "Félicitations pour un travail superbe! "Sincèrement, Ron."

Je me suis parfois demandé si on verrait, au Canada, un premier ministre ou encore mieux, puisque l'enseignement supérieur est de juridiction provinciale, un premier ministre d'une province comme le Québec s'intéresser suffisamment aux objectifs de l'enseignement supérieur pour écrire ce genre de lettre et donner toute la crédibilité du plus haut poste au gouvernement à l'importance du mandat de votre commission.

Je me permettrai maintenant, M. le Président, de résumer rapidement notre mémoire. Notre mémoire rappelle d'abord la situation de la recherche universitaire au Québec, sa stagnation depuis un certain temps et même son déclin relatif par rapport au Canada en général et plus particulièrement par rapport à l'Ontario.

Le tableau que nous avons donné à la

page 3 de ce mémoire qui indique les indices d'intensité de la recherche universitaire au Québec est éloquent pour montrer à quel point la situation s'est détériorée depuis une dizaine d'années, surtout depuis les huit dernières années. L'indice qui est rapporté dans ces statistiques est tout simplement le rapport en quelque sorte de la subvention moyenne, disons, d'un professeur d'université au Québec par rapport à la subvention moyenne du national, c'est-à-dire d'un professeur canadien, qui est obtenu tout simplement en divisant l'ensemble des subventions données au Canada, par l'ensemble des professeurs et la même chose dans les universités.

Si ce rapport est plus grand que 1, ceci prouve que dans une institution donnée ou dans une région donnée comme le Québec, l'intensité de la recherche est plus élevée que ce qu'on a attendrait du nombre des professeurs. S'il est plus faible que un, bien sûr, ceci indique qu'il y a une faiblesse et que la région ou l'université en question est moins concurrente à ce point de vue.

Dans tous les cas, comme vous allez voir, sauf pour les universités anglophones, il y a eu un déclin assez important. Il y a d'autres indices qu'on pourrait accumuler pour qualifier l'état ou la situation de la recherche universitaire au Québec. Le Conseil de la science et de la technologie a publié le printemps dernier, au mois de mal, le premier rapport de conjoncture sur la situation scientifique et technologique au Québec. Une analyse assez approfondie de ces questions se trouve dans ce rapport.

Par ailleurs, la situation de l'industrie ou de la recherche industrielle au Québec présente également des faiblesses. Nous savons d'ailleurs que la RD dans le monde industriel au Canada est relativement faible par rapport à tous les pays de l'OCDE, par rapport aux pays en particulier qui sont en concurrence avec le Canada; mais le Québec accuse à ce point de vue également, à cause de sa structure industrielle, un déficit important particulièrement par rapport à l'Ontario. La part du produit national brut que le Québec consacre à la recherche industrielle est de 63 % moins élevée que celle que l'Ontario y consacre. Ceci a une certaine importance. J'en dirai un mot tout à l'heure lorsque nous parlerons du nouveau programme de financement de la recherche universitaire préparé par le gouvernement fédéral.

Dans le mémoire, nous avons énuméré les différentes formes de collaboration entre les universités et les industries au Québec. Nous constatons que beaucoup de mécanismes sont actuellement en oeuvre pour favoriser cette collaboration. Surtout depuis quelques années, des progrès considérables ont été faits dans le renforcement des liens entre ces deux secteurs de la société.

D'ailleurs, le gouvernement y a contribué par des programmes spécifiquement destinés à favoriser ces liens ou ces liaisons. Un de ces programmes malheureusement se termine cette année. Il restera donc un certain vacuum pour le moment au niveau d'un programme pour promouvoir ces relations. Le gouvernement fédéral, bien sûr, a aussi ses propres programmes qui sont largement utilisés au Québec et ce, pour promouvoir toujours les liaisons entre les deux secteurs. Nous avons fait état des avantages multiples de cette collaboration, que nous appuyons entièrement. Ces avantages ne sont pas seulement de type financier, comme nous l'avons remarqué; ils existent surtout, en fait, au niveau de la formation des étudiants, ils permettent une formation plus pertinente en ce qui concerne les étudiants qui iront après sur le marché du travail, une stimulation intellectuelle mutuellement valable pour l'industrie comme pour l'université; et il y a évidemment des avantages d'ordre financier puisque l'université peut financer un certain nombre de recherches par ce moyen et également un certain nombre de chaires de professeur et la présence d'équipements plus sophitisqués provenant de dons du secteur privé, Cependant, nous avons voulu essayer d'évaluer la contribution réelle au financement de la recherche universitaire.

Nous avons, par des comparaisons entre le Québec, l'Ontario, le Canada et même les États-Unis, essayé de montrer que cette contribution reste modeste de toute façon au point de vue du financement. Les chiffres que nous avons donnés à la page 13, au tableau 2, montrent que nous sommes à peu près dans le même ordre de grandeur, que ce soit aux États-Unis, au Canada, en Ontario ou au Québec. C'est moins de 5 % en moyenne que la contribution de l'entreprise privée. Remarquez bien que ceci inclut non seulement l'entreprise privée à but commercial mais également les sociétés d'État qu'on assimile souvent à des organismes industriels. Le pourcentage au Québec est de 3,3 % en moyenne; il est de 3,9 % en Ontario et il est de 3,9 % aux États-Unis également. Ceci correspond à une moyenne. Il faut être bien prudent. La répartition de ce soutien des entreprises varie beaucoup d'une université à l'autre, d'une région à l'autre et, également, d'une discipline à l'autre dans une même université.

Les universités de recherche, celles qui ont un très fort pourcentage de fonds de recherche à leur disposition contribuent davantage à aider l'entreprise et reçoivent donc plus de contrats et de subventions. En général, dans une université comme Waterloo, comme l'École polytechnique qui est une constituante de l'Université de Montréal mais qui est administrativement indépendante, le

soutien se situe à environ 10 %. Quand vous regardez aux États-Unis, même au MIT, qui est considéré comme l'université technologique par excellence dans le monde entier, la contribution des entreprises se situe à 10 % également. Évidemment, en ce qui concerne particulièrement le MIT, comme le budget de recherche est de 200 000 000 $, 10 % des 200 000 000 $ équivalent à 20 000 000 $, c'est presque le montant que le Canada reçoit de l'industrie dans son ensemble.

La répartition par discipline est évidemment très différente aussi. Les écoles de génie sont surtout les destinataires de ces subventions et de ces contrats, ainsi que des secteurs comme celui de la santé ou de l'administration.

Une autre particularité de ce financement de la recherche par l'entreprise, c'est la discontinuité. L'entreprise fonctionne par contrat et selon ses besoins qui peuvent varier beaucoup d'une année à l'autre. Alors, la subvention ou le contrat qui vient à l'université peut être complètement absent l'année suivante. Nous remarquons donc des discontinuités tout à fait flagrantes dans le graphique 3 de la page 18 où vous voyez des déficits et des augmentations subites de sorte que, en plus d'être relativement modestes, les variations annuelles de ce financement sont assez aléatoires.

Nous avons, par conséquent, tiré de ces observations la remarque que le gouvernement s'illusionnerait beaucoup s'il comptait sur l'entreprise privée pour prendre la relève ou même une partie de la relève du financement de la recherche ou de l'enseignement supérieur des gouvernements.

À la fin, avant de passer aux recommandations de notre rapport, nous avons jeté un coup d'oeil sur deux aspects qui nous semblent importants dans le contexte actuel et qui aussi relèvent d'un aspect intersectoriel université-industrie, celui des nouvelles règles de financement du gouvernement fédéral pour ses conseils subventionnaires. Une décision de grande importante a été prise en février dernier, au moment du budget Wilson, de jumeler en quelque sorte, les contributions du gouvernement fédéral à celles de l'entreprise privée. Cette décision avait été évidemment prise sans que l'on en ait évalué l'impact, ni même surtout étudié sa mise en application et les règles qui pourraient...

Après six ou huit mois de travaux, les règles n'ont pas encore été établies. Elles le seront sans doute cet automne. Nous prévoyons que ces nouvelles règles de financement auront un impact considérable, non seulement sur les conseils subventionnaires, mais sur les universités qui reçoivent ces subventions et en particulier sur celles du Québec. Il est fort possible, d'après les indices que nous avons en main, que la distribution par les conseils subventionnaires des fonds qui seront obtenus par ce programme de jumelage entre l'industrie et le gouvernement, soit dirigée principalement vers les universités qui ont évidemment de fortes contributions de l'industrie, particulièrement celles de l'Ontario qui, comme je le disais tout à l'heure, a un volume de recherches industrielles beaucoup plus important que le Québec.

L'autre aspect sur lequel nous avons voulu attirer l'attention de la commission -mais nous avons réalisé qu'il ne s'agissait pas d'un point très original, parce que je crois que la plupart de ceux qui ont soumis des mémoires y ont fait allusion - c'est l'importance que toute méthode nouvelle de financement des universités tienne compte des responsabilités, sur le plan des frais indirects, des institutions qui reçoivent des subventions. Nous avons essayé de montrer quelle était la base de calcul de ces frais indirects qui, au Canada, ne sont pas assumés par les conseils subventionnaires. Ceux-ci ne couvrent même pas les frais directs au complet, encore moins les frais indirects.

Les conclusions auxquelles notre mémoire en est arrivé, je me permettrai, M. le Président, de les lire rapidement. Elles sont à la fin, à la page 25.

Le Conseil de la science et de la technologie croit fermement que cette formule de financement, cette formule que vous serez amenés à rédiger pour le financement futur des universités, doit être élaborée en tenant compte, entre autres, des quatre principes suivants:

Premièrement, le gouvernement doit promouvoir un rapprochement entre l'université et le milieu industriel, dans le respect de la mission générale de l'université et non d'abord et avant tout pour des raisons uniquement financières.

Deuxièmement, compte tenu du caractère limité, voire modeste, des revenus générés par la collaboration université-entreprise en Amérique du Nord, le gouvernement ne doit pas compter sur ce rapprochement pour améliorer le financement de la recherche universitaire de façon significative.

Troisièmement, la meilleure façon pour le gouvernement de stimuler le rapprochement université-entreprise souhaité est de créer des conditions qui, précisément, permettent le développement d'équipes de chercheurs universitaires de fort calibre, à la fine pointe des récents développements de leur discipline.

Enfin, la formule de financement des universités doit tenir compte des frais indirects de la recherche.

Voilà, essentiellement, M. le Président, l'objet de notre mémoire. Il nous fera plaisir

de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. L'Abbé. Les membres de la commission vont vous interroger. Ils vont vous poser toutes sortes de questions afin d'aller chercher le plus de renseignements possible. Encore une fois, même si cela se déroule dans un cadre formel, je vous informe d'être bien à votre aise. C'est un échange de points de vue entre nous, dans le but d'une recherche d'une solution.

M. le député d'Argenteuil et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, j'accueille avec beaucoup de plaisir le président du Conseil de la science et de la technologie et son équipe qui est ici. Je pense que la mission confiée au conseil est une mission dont a besoin un gouvernement moderne. Peut-être les formes sous lesquelles cette mission a été confiée au conseil et accomplie ces dernières années seront-elles appelées à certaines modifications au cours des mois à venir. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec le conseil à l'occasion d'une rencontre récente. Nous nous interrogeons sur la meilleure façon de situer la politique scientifique et technologique dans un gouvernement. Certaines fluctuations ont pu être perceptibles au cours des derniers mois. Je le constate avec d'autant plus d'aisance qu'il n'y a pas de gouvernement, à ma connaissance, qui a trouvé une ligne de conduite stable, définitive de ce côté. Les gouvernements sont en recherche. Il y a des gouvernements très importants, comme le gouvernement américain, par exemple, qui n'ont pas de structures de ce point de vue, qui fonctionnent au jour le jour, pour ainsi dire; ils ont des structures extrêmement légères. Cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas préoccupés de science, ils le sont au plus haut point, mais ils préfèrent le faire par l'intermédiaire des différents départements réguliers du gouvernement. Ici, au Canada, le gouvernement fédéral a un ministère de la Science et de la Technologie dont la vocation est plutôt horizontale que verticale, c'est-à-dire une vocation de coordination plutôt que de réalisation immédiate. Nous avions créé pour commencer un ministère de la Science et de la Technologie. Lors de la formation du cabinet, la dimension technologique a été confiée à un ministère et la dimension scientifique à un autre, ce qui fait que le Conseil de la science et de la technologie se trouve à chevaucher, de par son mandat originel, sur deux ministères.

Ce sont des choses que nous devrons clarifier au cours des mois à venir. C'est l'un des points sur lesquels le rapport que n'a point signé M. Gobeil nous adresse une question qui peut être considérée comme fort pertinente. Ensemble, dans un climat de consultation, nous trouverons des solutions appropriées au cours des mois a venir. Je veux dire qu'en ce qui me touche, étant donné que je suis ministre responsable de l'Enseignement supérieur et de la Science, je suis préoccupé au plus haut point de la présence de la dimension scientifique dans l'activité du gouvernement. C'est dans cet esprit que je lis avec beaucoup d'intérêt les avis que m'adresse le conseil que j'ai eu l'occasion de rencontrer très récemment pour une conversation très profitable et que j'accueille aujourd'hui, au nom du gouvernement, dans cet échange de vues que nous allons avoir ensemble.

Dans le mémoire que vous nous avez présenté, il y a un point qui m'a particulièrement frappé. C'est la partie où vous traitez de la participation de l'entreprise privée au financement de la recherche universitaire. On entend toutes sortes de choses de nos jours. Même à lire certains mémoires qui ont été présentés à la commission, on serait porté à penser qu'il y a eu des développements phénoménaux de ce côté. Il y a des développements intéressants, il y a des initiatives qui valent la peine d'être suivies de très près. Mais je pense que vous indiquez dans votre mémoire une juste mesure de ce qu'on peut attendre de cette source dans l'avenir prévisible. Si un gouvernement se disait: Maintenant, l'entreprise privée commence à s'intéresser à la recherche universitaire et on va se fier là-dessus pour fonctionner, je pense qu'on n'irait pas très loin dans l'avenir prévisible. On ne sait pas ce que l'avenir lointain nous réserve. Même aux États-Unis, j'ai été très surpris de constater dans les chiffres que vous avez publiés ces derniers temps et que vous avez inclus dans ce mémoire qu'un organisme comme le MIT, le Massachusetts Institute of Technology, ne retire qu'à peu près 7 % de ses revenus totaux de source privée. Je pense que c'est important, parce que cela oblige à voir la réalité dans une perspective plus juste et à se rendre compte que la responsabilité publique en matière de développement de la recherche est absolument inévitable. On ne peut pas l'éluder. Elle est une dimension essentielle de tout effort de recherche scientifique qui se respecte.

On parle souvent aux États-Unis des grands travaux de recherche qui se font dans les entreprises. Je pense que M. le président du Conseil de la science et de la technologie corroborera ce que je vais dire: qu'une grosse partie de cette activité de recherche peut se réaliser à cause des contrats gouvernementaux qui sont confiés à l'entreprise privée pour le développement, malheureusement majoritaire, d'appareils militaires. Il ne faut pas oublier toute cette perspective quand on discute de science et

technologie. (17 h 45)

J'apprécie beaucoup les réserves inscrites dans votre mémoire de ce côté-là» pas parce que je ne souhaiterais pas qu'ils s'y fient davantage du côté de l'entreprise privée. Je souhaiterais que le rapport fût plus fort, mais il faudra le développer a force de contacts, d'éducation, de persuasion, d'expérimentation. En attendant, il faut que notre effort de recherche se maintienne.

Dans les données que vous présentez au début de votre mémoire, il y en a une dont je serais porté à douter, parce qu'elle ne concorde pas tout à fait avec les données que j'ai présentées moi-même hier et si je me suis trompé, j'aimerais bien m'en confesser publiquement, corriger mon erreur, étant donné que c'est ma théorie que, lorsqu'on fait une erreur, mieux vaut la corriger que de faire payer la communauté indéfiniment pour l'orgueil qu'on retirerait à y rester fidèle.

M. Jolivet: C'est déjà plus clair.

M. Ryan: Non, c'est assez enveloppé, merci.

Je reviens à mon sujet immédiat. Dans l'exposé que je présentais hier, je disais qu'en matière de recherche le Québec avait pratiquement maintenu sa position dans l'ensemble canadien depuis 1979-1980 et dans votre mémoire vous dites le contraire. Vous dîtes que le Conseil de la science constate une stagnation et même un déclin de la position relative des universités québécoises sur le plan de l'intensité de la recherche au cours des dernières années. Je pense que nous avons procédé à partir d'indices différents. La mesure que je vais vous demander d'expliquer, c'est comment vous êtes arrivé à cette conclusion-là. Je voudrais dire que d'après les statistiques dont nous disposons au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, en 1979-1980 les sommes qui avaient été recueillies pour le financement direct de la recherche universitaire au Québec s'élevaient en tout à 103 000 000 $ sur un total de 411 000 000 $ au Canada et 169 000 000 $ en Ontario. L'Ontario était en avance sur nous par à peu près 65 %. Sur l'ensemble canadien, nous avions à peu près 25 % et je constate qu'en 1984-1985 les rapports étaient à peu près exactement les mêmes: 211 000 000 $ au Québec, 346 000 000 $ en Ontario et 856 000 000 $ pour l'ensemble du Canada.

Je pense que ces données-ci sont assez fiables. C'est tiré des statistiques financières des universités et collèges. ACPAU, est-ce l'Association canadienne des professeurs... Professional Administrators. En tout cas, ACPAU.

M. L'Abbé: C'est bien connu. M. Ryan: Pardon?

M. L'Abbé: C'est bien connu. C'est l'Association des officiers administratifs des universités.

M. Ryan: Très bien. C'est cela. C'est l'Association of Business Administrators des universités.

M. L'Abbé: Oui.

M. Ryan: Très bien. Ce sont des statistiques que nous avons. Je ne sais pas si vous pourriez apporter un éclaircissement sur ce point-là pour commencer, M. L'Abbé, pour que nous soyons exactement sur la même ligne de perception.

M. L'Abbé: Oui. Il suffit de s'être frotté un peu à des statistiques et aux différentes sources de statistiques pour s'apercevoir de la difficulté d'interpréter les incohérences ou les dissimilitudes apparentes et réelles souvent qu'il y a dans ces statistiques. Nous avons en général pris les statistiques de Statistique Canada, qui sont bâties à partir de l'ACPAU, des rapports annuels que chaque université fait à l'ACPAU et qui sont corrigés nationalement.

Une autre source d'information se trouve au niveau québécois, au niveau de votre ministère, qui corrige annuellement toutes les subventions accordées aux universités du Québec. Il y a des inconsistences entre les deux systèmes, des questions de définition. Par exemple, Statistique Canada, à un moment donné, inclut une partie du salaire des professeurs pour essayer d'évaluer l'ensemble de la contribution de chaque université à la recherche. Le salaire des professeurs, évidemment, c'est une contribution directe qu'on peut ne pas utiliser ou qu'on peut utiliser. Évidemment, les chiffres varient beaucoup si on les inclut; ils augmentent beaucoup.

Par ailleurs, j'ai ici une statistique qui vient également de Statistique Canada, publiée en août 1984, qui fournit, depuis les dix dernières années, l'augmentation en pourcentage du montant total de la RD subventionnée au Canada, en dollars constants. L'augmentation au niveau canadien a été de 66 % dans les dix dernières années. Au niveau du Québec, elle a été de 45 %. Donc, il y a une différence assez appréciable. En Ontario, elle est encore plus élevée; elle a été de 70 %.

Nos remarques, évidemment, s'inspirent de ces séries chronologiques définissant en dollars constants les augmentations de la recherche subventionnée, à partir des données de Statistique Canada, au Canada, au Québec

et en Ontario. Au tableau de la page 3, où vous avez ces indices globaux d'intensité de la recherche universitaire au Québec - la comparaison se fait par rapport aux huit dernières années - pour l'ensemble des universités québécoises, pour les subventions de toutes provenances, l'indice est passé de 1,23 à 1,07, de sorte que cet indice montre qu'en un certain sens, ce n'était pas quantitativement comparable à ce que vous dites. Cela signifie que par professeur, en quelque sorte, nous avons une certaine faiblesse, c'est-à-dire que si nous calculons la valeur moyenne de la subvention d'un professeur du Québec, elle est plus faible qu'elle était en 1974-1975.

M. Ryan: Je pense qu'on va peut-être se rejoindre là. Si on tient compte du fait qu'au cours de ces dix années, le nombre de professeurs a probablement augmenté plus vite au Québec que dans les autres provinces, il y a peut-être un élément d'explication qui nous aide à voir clair. Je ne le sais pas. En tout cas, on note cela. Je pense que les chiffres que nous avons sont bons. Ceux que vous avez sont bons également. Je ne veux pas prolonger le débat. Je ne veux pas que cela devienne une discussion technique. On va enregistrer la difficulté et on va essayer de la clarifier.

M. L'Abbé: Nos chiffres, en partie, mesurent des réalités un peu différentes.

M. Ryan: Je ne voudrais pas que les gens aient l'impression que le gouvernement affirme des choses. S'il ne s'agissait que de moi, vous savez, cela ne ferait absolument rien. Un autre point qui est intéressant. Vous n'en parlez pas dans votre mémoire, mais je crois devoir le soulever parce qu'il m'apparaît relié directement au mandat de la commission. Dans une publication dont nous avons eu l'occasion de discuter ensemble récemment, Science conjoncture et technologie 1985, c'est-à-dire le rapport que vous devez remettre au gouvernement, je pense que c'est tous les deux ans, c'est tous les ans, mais je pense qu'on a discuté si ce ne serait pas préférable de le faire tous les deux ans, sur l'état de la conjoncture scientifique au Québec. Dans ce rapport que vous avez publié, je pense que c'est vers le mois d'avril dernier, vous émettiez des opinions sur les conditions qui affectent le développement de la recherche au Québec. C'est dans le volume 1, chapitre 2, à la page 35. Vous l'avez sans doute avec vous. Voulez-vous, on va aller à la page 38, si vous permettez? La partie qui est intitulée "Rationalisation du réseau". Là, il y avait des choses qui intéressent directement le mandat que nous essayons de réaliser ensemble. Je vais citer. C'est un peu long. Cela va prendre deux minutes, mais je pense que tout le monde va comprendre la pertinence: "Mais, au-delà de la multiplication des programmes et de l'accroissement des budgets d'aide à la recherche, certaines carences ou faiblesses de la recherche que l'on a décelées dans le réseau des établissements d'enseignement supérieur ne sont pas directement visées par les actions en cours." Ce sont des actions des programmes du gouvernement qui visaient, par exemple, à établir de meilleures relations avec l'entreprise, faire profiter davantage les entreprises des ressources scientifiques que nous avons dans nos universités, etc. "De fait, comme nous l'avons constaté précédemment, la faiblesse de l'intensité de la recherche, spécifique aux universités francophones, s'explique aussi par des facteurs d'ordre structurel, soit un ensemble de raisons autres que la disponibilité des fonds de recherche. Les causes d'ordre structurel se manifestent par la dispersion du réseau universitaire francophone québécois, composé d'un grand nombre de petites unités ou de constituantes universitaires rivalisant au sein d'un éventail restreint de champs disciplinaires. Il est donc plus compliqué de réunir une masse critique de chercheurs dans des champs disciplinaires donnés. On déplore dans le même esprit l'absence d'interdisciplinarité essentielle à beaucoup d'activités de recherche et la qualification insuffisante du corps professoral dans plusieurs champs disciplinaires. "L'un des éléments majeurs pouvant favoriser le développement de la recherche universitaire au Québec dépend de la volonté des universités et du gouvernement de rationaliser le réseau universitaire et son développement futur. Le problème est extrêmement délicat car une telle rationalisation suppose la définition de champs de spécialisation propres à chacune des universités, ce qui entraînerait probablement la révision, voire l'élimination de certaines disciplines ou de cycles menant à des diplômes existant actuellement dans certaines universités. Cela suppose que des universités acceptent de baliser leur développement futur et qu'enfin elles admettent de ne pas être investies de la même mission de formation ni de la même mission de développement et de recherche."

J'aimerais que vous nous expliquiez quelle est la vision qui sous-tend ces affirmations que je trouvais dans votre rapport de conjoncture du printemps dernier. Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous parlez de la nécessité d'une volonté des universités et du gouvernement de rationaliser le réseau des universités et son développement futur?

M. L'Abbé: Bien, M. le Président, M. le ministre, cette constatation que nous avons

faite résulte d'un certain nombre d'avis soit du Conseil des universités au gouvernement ou soit d'un certain nombre d'actions du gouvernement qui ont tenté, tout au moins qui ont affirmé tenter cette espèce de rationalisation du réseau. Remarquez que nous avons ajouté tout de suite après un autre paragraphe que vous n'avez pas lu qui est assez important. En l'occurrence, vous me permettrez de le lire. On continuait ainsi: II est peu probable qu'un tel processus de rationalisation puisse se faire sans heurt et selon un scénario de concertation entre les intéressés. La concertation n'apparaît pas possible lorsque, par ailleurs, le système d'éducation supérieure favorise, par la voie de son financement, la concurrence des établissements sur le plan des programmes et des clientèles.

Dans un environnement où l'information sur la qualité des services n'existe pratiquement pas, on ne peut imaginer de mécanismes de concurrence institutionnelle qui puissent assurer le développement adéquat de l'excellence.

Je crois que c'est un peu une constatation qui avait l'air pessimiste de dire: En l'absence d'évaluation objective des programmes universitaires une fois qu'ils sont mis sur pied... Il y a toujours une évaluation du projet de créer un programme mais les programmes anciens n'ont jamais été beaucoup réévalués. En l'absence de mécanismes d'évaluation, il est très difficile de laisser la force, en quelque sorte, du marché, la concurrence décider de cette rationalisation. Par ailleurs, l'autocoordination du réseau pourrait se faire si ces mécanismes d'évaluation étaient disponibles.

En ce qui concerne la possibilité que le gouvernement lui-même, par un organisme comme le Conseil des universités, puisse aller au-delà de simples recommandations et proposer un plan de rationalisation, nous sommes aussi sceptiques dans les circonstances actuelles. Mais le problème est extrêmement important et, comme vous le dites, il touche fondamentalement au mandat de votre commission. On parle d'excellence et on a parlé beaucoup d'accessibilité. Ce ne sont pas toujours deux objectifs qui peuvent être menés de front. Il y aura forcément, du point de vue politique, un compromis à faire entre le degré d'accessibilité où le réseau devra aller et le degré d'excellence qui est souvent un degré de concentration des ressources.

M. le Président, je me permettrai de noter que le Québec, à ce point de vue, je pense, et historiquement a pris des décisions qui ont largement favorisé l'accessibilité. Vous avez justement noté, hier, le rattrapage important qui s'est fait en ce qui concerne la scolarisation au Québec depuis que ces mesures ont été prises. La première de ces mesures, c'est la création de cégeps qui a permis, au fond, la gratuité scolaire au moins pour la première année universitaire puisqu'elle se fait dans les cégeps.

La deuxième décision extrêmement importante a été la création de l'Université du Québec et sa mission précisément d'accessibilité régionale qui a été développée, comme on l'a entendu tout à l'heure, avec beaucoup de consistance et de pertinence et qui a donné des résultats remarquables. Sans doute une autre décision importante historiquement au Québec qui a favorisé l'accessibilité, cela a été justement le gel des frais de scolarité qui a, avec l'inflation, réduit ces frais à peut-être un tiers de ce qu'ils étaient anciennement.

Ces décisions qui ont été prises dans le passé ont évidemment été dans le sens de l'accessibilité et de la déconcentration, de la régionalisation. Comme les ressources étaient limitées et qu'il y avait une enveloppe dont il fallait tirer parti, il est possible que dans les circonstances l'allocation des ressources n'ait pas favorisé des concentrations et des rationalisations qui auraient mené, disons, à des universités plus vigoureuses en ce qui concerne la recherche et qui auraient rattrapé, pour certaines des grandes institutions francophones, l'institution la plus remarquable que nous ayons au Québec au niveau de la recherche, qui est McGill, et dont nous sommes loin. Il suffit de regarder les statistiques.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

L'Abbé, nous vous remercions de ces explications. Étant donné que les membres de la commission n'ont pas tous eu l'occasion de vous poser des questions, nous allons suspendre nos travaux et nous allons les reprendre à 20 heures précises en cette salle.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, veuillez prendre place.

Nous continuons à entendre le Conseil de la science et de la technologie. La commission de l'éducation reprend officiellement ses travaux. La première intervention sera faite par l'adjointe parlementaire au ministre de l'Éducation, la députée de Jacques-Cartier. Mme la députée.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. M. L'Abbé, vous avez dit dans votre mémoire qu'il ne faut pas compter sur le rapprochement entre les universités et les industries pour améliorer le financement de la recherche universitaire de façon significative. Néanmoins, il semble qu'un

certain pourcentage des coûts indirects est inclus dans les contrats entre les universités et les industries. Il me semble que ce montant pourrait représenter une somme d'argent importante pour les universités. Je vous demande de clarifier ce conflit apparent.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Monsieur.

M. L'Abbé: De fait, c'est une source de financement additionnelle pour l'université, si elle est capable de récupérer ses coûts indirects à même des contrats. Normalement, l'entreprise est habituée à cela parce que, quand elle réalise un contrat pour le gouvernement, elle facture entièrement tous les coûts, les coûts directs et les coûts indirects. Elle s'attend, donc, que l'université fasse la même chose. Sauf que, dans ce pourcentage d'à peu près 4 % qui vient de l'entreprise et des sociétés d'Etat - des sociétés de la couronne à Ottawa ou des sociétés d'État au Québec - la part venant strictement des organismes industriels, donc à vocation commerciale, est plus petite que cela. Pour l'ensemble du Canada, cela peut être à peu près 30 000 000 $. Alors, théoriquement, les coûts indirects qui se chiffrent peut-être à 100 % des coûts des salaires - si on enlève tes salaires des professeurs - pourraient donner le même montant aux universités canadiennes.

En pratique, beaucoup d'universités, parce qu'elles cherchent ces contrats et parce qu'elles y trouvent un avantage intellectuel intéressant ou un avantage pour la formation des étudiants, sont prêtes à diminuer cette récupération des frais indirects. Elles vont donc demander beaucoup moins que 100 %.

Tout à fait récemment, j'ai appris, justement cette semaine, que les universités de l'Ontario, collectivement, s'étaient imposé la discipline que, lorsqu'elles signeraient un contrat avec une entreprise industrielle, elles demanderaient 100 % des salaires qui sont stipulés au contrat. Or, celui qui me parlait de cela me disait que, avant que cette politique concertée soit appliquée, cela va prendre plusieurs années parce qu'il y a des occasions qu'on ne voudra pas rater.

Remarquez que ce n'est pas seulement en ce qui concerne la recherche industrielle. Le ministère des Approvisionnements et Services à Ottawa, qui, comme vous le savez, est l'organisme qui signe les contrats pour la polique de faire-faire, la politique d'impartition du gouvernement fédéral, a accepté récemment de hausser sa contribution aux coûts indirects à 65 % des salaires de sorte que lorsqu'un ministère fédéral signe un contrat avec l'université, il accepte de payer 65 %. Donc, selon votre raisonnement, les universités, tranquillement, auront des revenus relativement souples provenant de cela.

Les politiques universitaires, à ce sujet, varient beaucoup. Mais, actuellement, les universités tendent à retourner une bonne partie de ces fonds au chercheur qui les a produits pour l'encourager ou pour le stimuler à continuer; d'autres, évidemment, sont utilisées par l'administration centrale pour, de fait, diminuer la charge des véritables frais indirects que l'université a. Mais, il reste que c'est très limité, puisque cela équivaut è 4 % ou 5 % de l'ensemble des subventions universitaires. Alors, la majorité des frais indirects, c'est pour les autres 95 % qui ne sont payés d'aucune façon.

Mme Dougherty: Alors, l'autre question qui touche les frais indirects. Les actions structurantes du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science commencées par le gouvernement précédent représentent un apport considérable aux universités afin de créer des équipes de 40, éventuellement, de créer cette masse critique dont nous avons parlé cet après-midi. Étant donné l'importance du coût indirect de la recherche, est-ce que vous avez examiné ou considéré la possibilité qu'effectivement les montants considérables versés aux universités sous forme d'actions structurantes pénalisent les universités parce qu'ils augmentent le fardeau sur l'infrastructure? Autrement dit, est-ce que les montants consacrés aux universités par les subventions pour les actions structurantes sont suffisants pour compenser le fardeau additionnel imposé aux universités?

M. L'Abbé: Non. Vous avez parfaitement raison. Il s'agit d'un exemple intéressant d'un cadeau donné aux universités, mais qui leur coûte assez cher. Je me souviens de ta réflexion d'un vice-recteur d'une université ayant un gros déficit, qui avait été un des plus choyés au niveau des actions structurantes et qui devait recevoir au moins 3 000 000 $ ou 4 000 000 $ au cours des prochaines années. Sa réaction a été de dire: II faudra maintenant que je convainque le conseil d'administration de payer 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ pour utiliser à bonnes fins ces subventions. Remarquez que cela n'est pas tout è fait déraisonnable, parce que ces subventions d'actions structurantes servent à la recherche pure, à la recherche fondamentale et donc à la formation des chercheurs. C'est un programme axé sur la formation des chercheurs et des jeunes chercheurs qui sont incorporés dans ces équipes. C'est une vocation de l'université de faire cela. Qu'elle paie pour utiliser ces fonds n'est pas déraisonnable, par ailleurs. Ce n'est pas comme lorsqu'elle a un contrat

à court terme pour une industrie ou pour le gouvernement et qu'elle ne peut pas en tirer elle-même de profit au niveau de la formation des chercheurs ou au niveau de l'enseignement supérieur.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous saluer et vous souhaiter la bienvenue en mon nom personnel et au nom de l'Opposition. Cela nous fait plaisir de vous avoir avec nous, et que vous ayez choisi de venir prendre position et de présenter un mémoire devant cette commission. Le ministre, tout à l'heure, nous a fait part de ses intentions quant à l'avenir de votre conseil. Étant donné la décision qui a été prise de scinder science et technologie le printemps dernier, il est certain que le rôle d'un organisme consultatif en matière de recherche devra être repensé. Du moment où le ministre et le Conseil des ministres -parce que c'est à ce niveau que la décision aété prise - maintient sa décision de séparer science et technologie, on est obligé de penser qu'il devra aussi revoir un peu le mandat du Conseil de la science et de la technologie. Par ailleurs, je rappelle ici la position que j'avais prise en commission parlementaire à l'occasion de l'étude des crédits. C'est une décision que je m'explique mal, qu'on ait pu, comme cela, de façon un peu arbitraire, très certainement arbitraire, diviser la science de la technologie et surtout confier la technologie au Commerce extérieur. Bon, on peut penser qu'il y a des arguments ou des raisons qui échappent à ma connaissance. Ce n'est pas l'objet de la rencontre de ce soir.

J'aimerais aborder brièvement quelques questions. En page 4 en particulier, vous parlez du vieillissement du corps professoral. Vous faites allusion au décret gouvernemental qui permet désormais aux professeurs de poursuivre leur carrière au-delà de l'âge de la retraite. J'ai vu un document là-dessus qui faisait état de la situation, mais je ne me rappelle pas bien ce que cela représentait par rapport aux professeurs qui décidaient de poursuivre après l'âge de la retraite. Est-ce que vous avez des données là-dessus?

M. L'Abbé: Vous me demandez si j'ai des données?

Mme Blackburn: Des données sur les professeurs, parce que vous semblez inclure dans les causes du vieillissement du corps professoral ce décret qui permet de poursuivre au-delà de l'âge de la retraite.

M. L'Abbé: Nous n'avons pas de données statistiques sur le nombre de professeurs qui, ayant atteint 65 ans, décident de continuer leur carrière à l'université, ce qu'ils ont le droit de faire avec le nouveau décret. Apparemment, la situation varie d'une université à l'autre. Certaines universités essaient de décourager les professeurs ayant atteint cet âge de continuer et leur facilitent une retraite prématurée, si on peut dire, à ce point de vue-là. Mais il semble que les syndicats vont certainement protéger les professeurs contre des mesures qui seraient un peu discriminatoires après l'âge de 65 ans. On peut s'attendre que, de plus en plus, il y ait des professeurs qui continuent à assumer leurs tâches après cet âge et, dans un certain sens, étant donné la situation qui prévaut, cela empêcherait l'entrée de jeunes professeurs dans le réseau universitaire, bien sûr, pour un certain nombre d'années parce qu'éventuellement j'imagine qu'il vient un âge où on préfère...

Mme Blackburn: De toute façon, on prend sa retraite de gré ou de force.

Tout à l'heure, à une question du ministre qui portait sur le recul des universités francophones en matière de recherche, où on faisait référence au tableau de la page 3, vous avez invoqué un certain nombre de raisons. C'étaient la dispersion des universités, l'impossibilité de faire une certaine planification, une certaine rationalisation des cycles et des diplômes existants, l'absence de mécanismes d'évaluation objectifs. On ne pouvait pas trop, trop, dans les circonstances, faire confiance à une autocoordination du réseau, il y avait absence de plan de rationalisation qu'on aurait dû situer soit au Conseil des universités ou au ministère. J'aimerais que, par rapport à ce que vous nous dites là, vous me précisiez votre pensée sur le rôle de la recherche dans les universités en région parce que vous connaissez un peu...

M. L'Abbé: En régions?

Mme Blackburn: En régions. Vous connaissez un peu la position du Conseil des universités qui pense qu'on devrait avoir trois types d'universités, les grandes universités dites de recherche, celles à accès général, comme l'UQAM et Concordia, et les autres, les autres étant celles de 1er cycle. Je voudrais avoir votre opinion là-dessus, que vous précisiez votre pensée.

M. L'Abbé: Je crois bien que tout le monde accepte qu'un professeur dans une institution, un établissement universitaire, que ce soit un établissement qui se consacre surtout au 1er cycle ou qui peut atteindre le 2e et, finalement, le 3e cycle, puisse exercer le métier de chercheur. Il n'est pas nécessaire, pour qu'un professeur fasse une

recherche et obtienne des subventions, d'avoir nécessairement des étudiants de recherche bien que, dans plusieurs programmes, ce soit là une exigence. Mais ce n'est pas en général la règle.

Un professeur d'une université dite régionale qui se consacre surtout aux études du 1er cycle peut fort bien disposer de subventions de recherche qui l'amènent à faire des travaux aussi valables qu'ailleurs et qu'il peut, d'ailleurs, faire souvent en collaboration avec des collègues d'autres universités.

Maintenant, la question du mandat de l'université en régions peut se poser aussi non seulement par rapport à la formation des étudiants, mais par rapport aux services à rendre à la communauté environnante. Le Conseil de la science et de la technologie, comme vous le savez, a fait un ensemble de bilans des régions du Québec du point de vue scientifique et technologique, des régions périphériques par rapport à Montréal, par conséquent, des régions surtout où l'Université du Québec est implantée. Je pense à l'Abitibi-Témiscamingue, à la région de l'Outaouais, à la région de Chicoutimi, à la Gaspésie et à l'Est, etc. Ces bilans ont toujours montré que l'université à caractère régional s'impliquait dans les problèmes locaux beaucoup plus souvent qu'une université dite urbaine qui a un bassin ou un rayon d'action beaucoup plus national ou même souvent international. De sorte qu'au niveau d'une certaine forme de recherche appliquée, cela peut être certainement une vocation, de l'avis de notre conseil, d'une université de type régional. Quand il s'agit de faire de la recherche très fondamentale où les instruments de laboratoire sont essentiels, une telle université peut être extrêmement défavorisée, forcément, parce qu'elle n'a pas l'infrastructure nécessaire pour accomplir ces travaux de laboratoire qu'une grande université possède.

Mme Blackburn: Vous avez fait le tour des régions. J'imagine que vous avez été à même d'examiner certains centres de recherche, certains programmes ou certaines activités de recherche. Je pense à la génétique des populations à l'Université du Québec à Chicoutimi, ressources minérales, techniques forestières - je ne me rappelle plus - à l'Université de Trois-Rivières. Est-ce que vous estimez qu'ils sont pénalisés du fait de l'éloignement ou si on devrait maintenir un certain nombre de programmes de recherche dans ces universités du moment... Je comprends ceci de votre intervention: c'est une recherche appliquée qui a son domaine d'application évidemment dans le milieu, cela va. Si on parle de recherche plus fondamentale, vous pensez que c'est difficile, sinon impossible. Est-ce que je vous comprends bien?

M. L'Abbé: Oui, mais c'est à cause des circonstances. Si vous voulez faire de la recherche en physique, c'est très difficile d'en faire sans les équipements sophistiqués qu'on retrouve seulement dans des universités, qui les reçoivent des conseils subventionnai res à la condition qu'ils aient la masse critique nécessaire. Cependant, dans des domaines plus appliqués, le professeur peut développer une certaine expertise qui serait très utile à son milieu. Dans ce sens, l'université de type régional qui se consacre surtout au niveau de la formation aux étudiants du 1er cycle peut déborder cette vocation par un travail qui est utile à la communauté locale et qui pourrait dans certains cas, évidemment, aboutir à une expérience qui est aussi valable pour d'autres. Je pense à Trois-Rivières qui a développé des travaux dans un centre de recherche sur les pâtes et papiers. C'est une université qui est entourée de clients à ce point de vue parfaits, de sorte que la ils peuvent développer probablement une compétence qui déborderait nettement la région.

Mme Blackburn: Oui, mais à ce moment-là est-ce que vous verriez davantage des universités qui seraient spécialisées exclusivement au 1er cycle dans les régions? Iriez-vous jusque-là? (20 h 30)

M. L'Abbé: Bien, écoutez, on a beaucoup parlé de l'Université du Québec qui s'était développée comme un réseau à l'exemple de, je ne sais pas, on a cité 70 réseaux américains. II y a de très bons réseaux américains qui sont très connus et qui ont été stratifiés. Par exemple, le réseau classique de l'Université de Californie est un réseau dit stratifié. Il y a des universités complètes qui ont le droit de donner des doctorats. Il y a des universités, qu'on appelle des "colleges", qui ne donnent que le 1er cycle et qui n'ont pas le droit, n'ont pas le mandat d'aller plus loin. Il y a même des "junior colleges" dans ce réseau, qui ne font que les deux premières années du "college"; mais leurs étudiants, qui sont souvent dans les régions, peuvent accéder en troisième année au "college", lesquels après peuvent accéder aux universités comme Berkeley et ailleurs. C'est une forme de réseau dit stratifié qui s'adapte assez facilement à un développement régional très poussé.

L'Université du Québec, je crois, selon les critères établis par la commission Parent, n'a pas voulu opter pour ce modèle-là et chaque constituante de caractère général est autorisée et même encouragée non seulement à développer le 1er cycle, mais à aller autant que possible au niveau de certaines spécialités en maîtrise et même possiblement au niveau du doctorat par le biais d'un programme réseau. C'est une autre formule

et il est difficile de savoir, pour un milieu donné comme le Québec, pour une situation donnée, quelle est la formule qui est la plus valable. Il y a des formules qui sont plus coûteuses que d'autres, bien sûr, et on arrive forcément à devoir juger s'il vaut mieux allouer les sommes que le gouvernement a à mettre pour financer l'enseignement supérieur dans telle forme régionale plutôt que de créer une université de très haut niveau, national ou international, qui permettrait d'avoir des retombées peut-être économiques qui couvriraient l'ensemble du Québec.

Vous savez, la question du développement régional est une question extrêmement complexe. Nous l'étudions à la demande du ministre. Nous avons fait ces bilans à la demande du ministre précédent. M. Bérubé nous avait demandé d'élaborer une politique en matière de sciences, technologie et développement régional, et d'essayer de formuler des guides, des éléments, en tout cas, qui pourraient guider le gouvernement dans l'allocation des ressources. Et, dans ce compromis, ce "trade-off" qu'il faut toujours faire entre le meilleur et ce qu'on peut faire en fait... Nous n'avons pas terminé cette étude, nous espérons pouvoir aboutir à une consultation sur un document préliminaire à la fin de cet automne. J'avais assuré que tous les présidents des comités des bilans régionaux seraient consultés sur cette politique avant que nous l'adoptions. C'est certainement ce que nous ferons cet automne.

Mme Blackburn: Bien. Dans votre mémoire, vous nous rappelez que le Québec accuse des retards. Qu'est-ce qui vous paraîtrait être nos principaux atouts en matière de recherche universitaire sur lesquels on pourrait miser pour favoriser un nouvel essor de la recherche universitaire au Québec?

M. L'Abbé: Écoutez, je ne voudrais pas tout de même donner l'impression qu'au niveau de la recherche universitaire le Québec est mal en point. Il y a des symptômes de stagnation comme on l'a dit ce matin, dans certains cas, de déclin. Les chiffres que nous avons inclus en apparence ne concordent pas avec ceux que le ministre a cités hier. Nous nous proposons d'éclaircir avec les fonctionnaires du ministère cette question de façon à éviter toute ambiguïté. Ce que nous avons voulu indiquer dans notre mémoire à la page 3 est un peu différent, comme on le disait cet après-midi. Il s'agit là de la performance moyenne des professeurs d'université du Québec. Or, bien sûr, plus nous augmentons le nombre de professeurs au Québec, peut-être à cause du fait que la population étudiante a augmenté beaucoup, plus la subvention moyenne peut diminuer et, par conséquent, se refléter dans ces indicateurs comme une certaine faiblesse.

Il est bien clair - et nous l'avons indiqué dans le rapport de conjoncture - que quant à la qualification des professeurs les universités du Québec ne sont pas au niveau, disons, des universités anglophones et des universités ontariennes, pour une raison très simple: c'est que nos universités sont plus jeunes que ces universités ontariennes et avant que l'ensemble des professeurs soient suffisamment qualifiés pour faire de la recherche et pour obtenir des subventions du fédéral, disons, il faudra peut-être attendre une autre génération. C'est assez normal.

Mme Blackburn: Ma question était un peu plus large. Je faisais, un peu comme vous, le constat qu'on avait probablement à se développer davantage en matière de recherche. La question que je vous posais était la suivante. Est-ce que vous estimez qu'on a un certain nombre d'atouts et, si on devait aller dans certaines directions, dans quelle direction irions-nous?

M. L'Abbé: Je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire.

Mme Blackburn: Le développement de la recherche.

M. L'Abbé: Dans quelle direction disciplinaire, dans quelle...

Mme Blackburn: Je veux dire quel secteur est-ce qu'on pourrait privilégier?

M. L'Abbé: II n'y a pas encore eu d'étude très sérieuse sur les priorités que devrait se donner le développement scientifique au Québec. Remarquez que ce n'est pas seulement au Québec que de telles études n'ont pas été faites. On connaît très peu de pays, de provinces ou de sociétés qui ont pu déterminer d'avance quels étaient les secteurs où il faudrait qu'ils investissent davantage. Il y a un risque énorme de se tromper.

Par exemple, on a beaucoup parlé de l'optique ces derniers temps. L'Université Laval s'est obstinée, dans le passé, à faire de l'optique alors que personne n'en faisait plus dans les universités. C'était un sujet désuet. Or, récemment, depuis une dizaine d'années, l'optique est devenue un des sujets les plus importants pour le développement technologique prochain. En quelque sorte, Laval recueille les récompenses d'une certaine obstination. Si on avait essayé de prévoir que l'optique, dans le temps, n'était plus une priorité, Laval n'en aurait pas fait et nous aurions manqué une chance que nous atteignons maintenant.

La programmation, la planification de priorités en matière de recherche est un sujet qui n'a jamais pu être résolu correctement. Vous savez, la meilleure façon de

faire de la recherche, c'est d'obtenir de bons chercheurs et, une fois que vous les avez, de leur donner les moyens de faire ce qu'ils croient important dans leur domaine de recherche. Les meilleurs chercheurs savent toujours ce qui, dans leur domaine, est le point central, le courant principal de leur discipline qui rapportera des fruits tôt ou tard.

Mme Blackburn: Une dernière question. Le rapport Gobeil propose une réorganisation majeure des organismes oeuvrant dans le secteur de la recherche. Il propose, en fait, deux organismes, un sur la recherche fondamentale et appliquée et un second sur la recherche et le développement. Pourriez-vous nous faire part de vos réactions et de vos réflexions là-dessus, par rapport à la proposition qui est avancée?

M. L'Abbé: Tout d'abord, il doit y avoir une petite remarque, peut-être superficielle, sur une petite ambiguïté sémantique, parce que la recherche fondamentale et la recherche appliquée, c'est ce que l'on appelle la R dans la R-D. De sorte que parler de R-D, c'est aussi parler de recherche fondamentale et de recherche appliquée. Par-delà cette petite ambiguïté sémantique, je présume que ce qu'on voulait dire, c'est qu'on voulait avoir un fonds qui finance la recherche fondamentale dans les universités et un fonds qui finance la recherche de type plutôt industriel et technologique, que ce soit dans les institutions de recherche ou dans l'industrie proprement dite.

La proposition de créer un fonds unique pour financer la recherche universitaire peut apparaître a priori intéressante au point de vue d'une rationalisation: avoir un seul ministre qui serait responsable de la recherche financée tant en santé qu'en sciences sociales et en sciences physiques, etc. C'est un essai que l'on a voulu faire à Ottawa depuis trente ans sans jamais y réussir. Chaque ministre... Le ministre de la Santé voulait vraiment pouvoir disposer de l'organisme qui finançait les recherches en santé dans les universités. C'est la même chose pour la recherche en sciences sociales et la recherche en sciences physiques et en ingénierie.

Il peut y avoir, dans ce modèle, une économie de moyens, mais c'est peu probable. Cette idée de fusionner les fonds en un seul fonds ne semble pas être impérative pour le moment, si elle ne rapporte pas d'économies et si elle ne permet pas une plus grande efficacité dans la direction de la recherche ou dans l'allocation des ressources.

L'autre fonds, c'est une autre question. Le fonds qui aiderait la recherche plus technologique est certainement très intéressant, mais il devait s'ajouter et non pas ss substituer, à notre avis, aux centres qui ont été créés récemment. Parce que le raisonnement, apparemment, du comité est de dire que, si nous créons un centre, nous sommes gelés dans une situation donnée -disons, pour la biomasse - pour des années; on ne pourra jamais rien y substituer.

Or, je trouve étonnant qu'on ne se soit pas aperçu que les deux centres qui ont été créés par le gouvernement du Québec ont une clause précisément crépusculaire, comme on dit, c'est-à-dire une clause qui fait que le centre est automatiquement aboli au bout de cinq ans si on ne l'a pas renouvelé. C'est une innovation importante parce que c'est la première fois qu'on créait des centres temporaires avec un défi de résister, en quelque sorte, à l'évaluation qui sera faite au bout de trois ans pour obtenir un nouveau mandat.

Alors, en un certain sens, ces centres ont justement la caractéristique que le comité cherche à donner aux fonds qui sont alloués à des domaines technologiques, de ne pas, en quelque sorte, assigner à un organisme un mandat indéfini dans un domaine donné. Au bout de cinq ans, il est possible que le mandat du centre sur la biomasse soit réglé, de sorte que l'on passera à un autre centre.

Alors, ce sont mes réactions. Ce n'est pas mon conseil, disons, qui a étudié ces recommandations; je les donne plutôt à titre personnel, bien que ces réflexions soient une prolongation des réflexions mêmes du conseil dans d'autres avis qui vous ont été donnés. Je pense que le sujet qui a été abordé dans cette réorganisation est tellement complexe et lourd de conséquences que, si le gouvernement voulait donner une certaine attention à ce modèle, la première chose qu'il devrait faire, c'est demander qu'une étude soit faite sur leur impact avant de les appliquer, ce qui n'a pas été fait, manifestement, dans le temps imparti au comité.

Mme Blackburn: Bien, M. le Président, cela va. Je voudrais vous remercier, peut-être un peu nous excuser de vous avoir rappelés après le souper; cela retarde d'autant ta rentrée. On vous remercie infiniment, cela nous a permis d'avoir cet éclairage vu du bout de la lorgnette des conseils consultatifs. C'est généralement un éclairage que j'apprécie beaucoup; il m'apparaît, dans la plupart des cas, pour ne pas dire toujours, beaucoup plus objectif et avec le recul que n'ont pas nécessairement les organismes mêmes, les centres de recherche ou le ministère. Alors, je vous remercie infiniment.

M. L'Abbé: Bienvenue.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Pour le mot

de la fin, une brève intervention du ministre.

M. Ryan: Je vous remercie beaucoup M. le président, M. Rousseau également. Je pense que nous avons discuté des points essentiels que nous voulions aborder. Il y en a un sur lequel nous aurons à revenir, tout le problème des rapports entre la recherche universitaire et l'industrie. C'est dommage qu'on n'ait pas eu le temps de discuter beaucoup là-dessus. Il y avait des choses importantes dans votre mémoire, comme je l'ai souligné au début.

Je voudrais ajouter seulement un petit complément, ici, en prolongement de ce que vous avez dit sur les centres spécialisés qui ont été mis sur pied ces dernières années, en particulier des organismes comme le Centre québécois de valorisation de la biomasse ou le Centre pour l'informatisation de la production. Ce sont des centres qui fonctionnent dans un contexte d'étroite association - on pourrait dire la même chose du Centre de recherche sur l'informatique à Montréal - entre les institutions d'enseignement universitaire ou collégial, selon le cas, et les entreprises. Je pense que ce sont des exemples très intéressants.

Vous avez noté la clause crépusculaire qui existe dans les cas du Centre pour l'informatisation de la production et du Centre québécois de valorisation de la biomasse. Cette clause aide à comprendre qu'il ne faut pas jouer avec ces organismes; ils sont en voyage, actuellement, ils font leur exploration et ce n'est pas le temps de commencer à changer leur vocation ou leur statut. Je pense que tout le monde va reconnaître cela facilement. Quelqu'un qui n'est pas au courant de cette clause crépusculaire peut avoir n'importe quelle idée; c'est son droit. (20 h 45)

Mais, je pense qu'on a des choses intéressantes qui vont nous instruire pour les phases à venir. Je pense aux centres spécialisés que nous créons dans les cégeps avec le Centre québécois pour l'informatisation de la production. Chacun de ces centres donne lieu au développement de relations avec les entreprises de la région. Mais, une chose bien importante à souligner dans tous ces cas, c'est que, s'il n'y avait pas eu la chiquenaude initiale de la part de l'organisme universitaire ou collégial, ou de la part d'une structure créée de toutes pièces par le gouvernement, on attendrait probablement encore. Je pense qu'il y a un rôle de leadership, un rôle de rampe de lancement qui doit être joué par le secteur public dans ces cas. Ensuite, on souhaite qu'à mesure que l'activité des organismes se développe, ils puissent devenir de plus en plus capables de fonctionner par eux-mêmes. Éventuellement même, certains d'entre eux pourront s'en aller dans le secteur privé, on n'a pas d'objection. S'ils étaient capables de le faire, dans bien des cas, ce pourrait être intéressant. Mais il y a une dynamique à développer. Nous commençons à peine dans ce domaine au Québec. Il faut y aller avec prudence.

Encore une fois, je signale qu'on ne pourrait pas concevoir des développements importants à moins que le système d'enseignement dans ses composantes collégiale et universitaire ne soit impliqué de manière assez importante. J'ajoute à cela, évidemment, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Les points que vous avez soulevés vont aider à préciser nos orientations de ce côté. On y va avec prudence, parce qu'on ne veut pas détruire les bonnes choses qui ont été faites jusqu'à maintenant. On veut plutôt les amener à maturation pour être ensuite en mesure de mieux voir ce que l'avenir pourra indiquer. C'est un point que je voulais souligner, comme on n'en a pas parlé.

Mais, d'autre part, nous devons faire le maximum pour intéresser l'entreprise. La petite et la moyenne entreprise - vous en parlez dans votre mémoire - ne peut pas participer beaucoup, à moins qu'il n'y ait des bases, comme ces centres spécialisés dans les cégeps qu'on est en train de créer. La petite et la moyenne entreprise peut s'impliquer dans ces choses-là, passer une commande ou essayer de se faire rendre un service. Je pense à un centre comme l'Institut d'ordinique à Sainte-Thérèse ou à celui qu'on est allé inaugurer pour l'électromécanique à Saint-Jean, il y a quelque temps. Il y a des choses intéressantes. On peut mobiliser un peu plus la petite et la moyenne entreprise avec des initiatives comme celles-là. Mais, au départ, la petite et la moyenne entreprise n'est pas équipée pour se doter des instruments de recherche dont elle aurait besoin, par contre, pour être capable de se maintenir dans une situation concurrentielle et de progresser. Toutes ces perspectives sont absolument capitales dans l'effort qu'on doit faire pour mettre au point des politiques. C'est très délicat, très difficile de trouver une voie. On y va de manière expérimentale. J'espère que, comme gouvernement, nous allons garder une porte ouverte de ce côté-là.

Il y a d'autres éléments du côté du gouvernement. On a parlé surtout de la recherche universitaire aujourd'hui; c'était le but de l'exercice. Mais il y a beaucoup d'activités de recherche qui sont du côté du développement. Je pense au Centre de recherche industrielle du Québec, par exemple, qui est un organisme très important, qui relève, pour l'information de nos amis de l'Opposition, du ministère de l'Industrie et du Commerce. Ha! Ha! Ha!

Une voix: Concluez.

M. Ryan: Oui, j'ai fini. Il y a toutes sortes d'initiatives qui fonctionnent déjà. Je pense que nous sommes déjà à pied d'oeuvre, mais il faut aller beaucoup plus loin encore si on veut attraper le train du défi technologique et scientifique de l'ère du XXIe siècle. Les travaux que vous faites nous aident dans ce sens. Je vous en remercie.

Je signale en terminant qu'on a écouté, hier, le Conseil des universités et, aujourd'hui, le Conseil de la science et de la technologie et qu'ils n'ont même pas besoin de dire en venant à l'Assemblée nationale qu'ils témoignent librement, parce que cela se sent par ce qu'ils disent. Je pense qu'il y a un respect de la part du gouvernement pour la vocation des organismes que vous représentez. Cela va continuer d'être comme cela. Sous un gouvernement libéral, cela ne pourrait pas être autrement, parce que ce serait une contradiction dans les termes. Mais soyez assurés que nous respectons la liberté de chacun de vos organismes et que, malgré les modifications qui devront intervenir, surtout dans le cas du Conseil de la science et de la technologie, pour faire face aux choix que le gouvernement a faits et fera au cours des prochaines semaines, la fonction fondamentale que vous remplissez doit être préservée et amplifiée. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. M. L'Abbé, M. Rousseau, nous vous remercions beaucoup. Nous vous souhaitons un bon retour.

J'inviterais maintenant les membres de l'Association des diplômés universitaires aînés à prendre la place de leurs prédécesseurs et nous allons immédiatement commencer notre rencontre avec ces derniers.

La commission parlementaire de l'éducation poursuit ses travaux et accueille l'Association des diplômés universitaires aînés dont le porte-parole est M. Marcel Thérien, je crois? Alors, M. Thérien, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Association des diplômés universitaires aînés

M. Thérien (Marcel): II me fait plaisir de vous présenter les personnes qui nous accompagnent ici aujourd'hui. Le président de l'Association des diplômés universitaires aînés, le Dr Conrad Godin, un homme qui, dans sa profession et aussi dans l'éducation, a joué un rôle important pendant au-delà de 60 ans. M. Roland Leroux, qui est un pharmacien de profession. Il a été président de la commission scolaire, président de l'Ordre des pharmaciens et président d'une grande entreprise, les Pharmacies universelles. C'est donc un homme d'une longue expérience. M. Fernand Alie, qui vient aussi du monde de l'enseignement. Il a été propriétaire et directeur d'une école secondaire à Montréal qui jouit d'une bonne réputation. À nous tous, M. le Président, mesdames et messieurs de la commission, nous représentons plus de 300 ans d'expérience. Nous formons une partie de ce groupe grandissant dans la population qui profite des progrès de la science, progrès rendus possibles grâce à nos chercheurs formés par les universités, grâce à tous ces savants de toutes les disciplines.

Ainsi que vous avez pu le voir, et je vous donne quelques renseignements additionnels sur notre association, nous avons dans notre groupe des gens qui viennent de différentes disciplines et ils veulent en faire profiter la société tout en se préparant pour la vie de l'au-delà, vie qu'aucune université n'a jamais réussi, malheureusement, à préciser, mais où nous espérons un jour aller.

M. Godin (Conrad): Est-ce que je pourrais intervenir à ce moment-ci? Je pense bien qu'il s'agirait de nous localiser. Nous sommes de la région de la Mauricie. Je n'ai pas dit de la "mort ici", mais de la Mauricie. C'est un secteur entre Montréal et Québec.

M. Thérien (Marcel): Nous avons, évidemment, des gens de Montréal, nous en avons également de Québec dans notre organisation. Nous sommes non pas d'une région, mais de toute la province.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président, comme chaque intervenant ici, sentez vous bien libre d'intervenir quand bon vous semblera. Je pense que je n'ai pas à vous le dire. Allez-y.

M. Thérien (Marcel): Vous me permettrez, M. le Président, de souligner la présence dans cette salle d'un de nos amis de Pologne, M. Marian Kowskowski qui est le directeur de la radio éducative en Pologne. Il a été consul général à Montréal. Il a été invité ici par nous parce que les programmes de radio et de télévision de nature éducative atteignent près de 90 % de la population en Pologne. Ils sont grandement appréciés en partie, bien sûr, par les personnes âgées et par les handicapés et ils sont constamment utilisés également dans les universités. Il paraît que cela coûte un peu moins cher.

Je n'ai pas l'intention de lire le mémoire que vous avez entre les mains. J'imagine que toute la population méditera sur les considérations qui sont faites par des personnes aussi représentatives que nous. Mais nos recommandations sont dictées par l'expérience et par notre désir de voir à ce que les finances de la province soient saines. Nous pensons que les universitaires, que les

universités, comme tout autre citoyen, doivent contribuer à cette tâche. Nous encourageons donc le gouvernement à chercher à réduire les dépenses plutôt qu'à les augmenter et è faire payer aux étudiants leur juste part. Ne faudrait-il pas songer que le nombre d'enfants décroît tragiquement au Québec, plus de 50 % en moins de 20 ans, et que les universités accueilleront sans doute moins d'enfants dans les années quatre-vingt-dix. Nous voulons bien certainement que les universités soient les meilleures possible et les plus performantes, les plus productives, mais aussi nous pensons qu'il faut faire disparaître le mythe qu'une éducation universitaire est nécessaire pour réussir dans la vie. Si un effort spécial doit être fait dans le domaine de l'éducation, ne serait-ce pas de lutter contre l'analphabétisme qui, selon un rapport récent, atteint un nombre effarant de Québécois.

Nous sommes favorables à la décentralisation des élites et, par conséquent, nous voulons conserver les institutions de haut savoir dans les régions. Mais nous aimerions que les universités soient plus efficaces. Il ne faut pas craindre de supprimer certains cours qui sont plus ou moins utiles ou qui n'attirent pas suffisamment d'élèves. Nous n'avons aucune objection au contingentement. Nous suggérons que les universités informent adéquatement les étudiants sur les possibilités d'emploi. Il n'y a rien de plus triste que de voir des chômeurs instruits ou sous-employés.

Nous croyons qu'il est important de faire dès le bas âge une bonne sélection des enfants doués et surdoués. Les jeunes de nos écoles secondaires et de nos cégeps doivent avoir une meilleure formation en sciences et particulièrement en mathématiques, en physique, en chimie, en biologie, en informatique et en économique. Il paraît même qu'ils auraient une mauvaise formation en français. Il y a quelques jours, une jeune fille avec un diplôme est venue s'engager comme secrétaire d'un avocat et elle a fait quinze fautes dans une lettre de vingt lignes. Nous demandons que les étudiants passent un examen d'entrée en français et en anglais pour être admis à l'université. Certains penseront que c'est exagéré au Québec français de demander la connaissance de l'anglais dans toutes les disciplines. Peut-être. Alors, ne devrons-nous pas l'exiger uniquement dans les disciplines où 50 % ou plus des livres, des documents et des publications sont en anglais? Si nous ne le faisons pas, cela représente beaucoup de temps perdu, beaucoup de frustrations pour les étudiants et, bien sûr, beaucoup d'argent perdu.

Nous avons dit qu'il faut restreindre les dépenses. Nous savons par expérience qu'il se fait des dépenses inutiles, que certaines universités se lancent dans des investisse- ments, dans des frais qui ne sont pas nécessaires. Les professeurs donnent-ils toujours leur plein rendement? Ne nous demandez pas de vous donner des exemples. Nous pourrions le faire, mais nous ne le ferons pas parce que, si quelqu'un devait le faire, il devrait le faire après avoir fait une enquête dans toute la province. S'il faut augmenter les frais de scolarité, nous n'avons pas d'objection. Les étudiants sont également des contribuables et ils doivent réaliser qu'il n'y a rien de gratuit. On devrait même facturer le coût réel et ainsi montrer que l'État contribue déjà beaucoup. Il est évident que l'on doit trouver d'autres sources de financement. Nous avons l'impression que les universités ne devraient pas se contenter de réclamer plus d'argent, mais travailler à chercher des moyens d'augmenter les revenus.

Nous favorisons également l'augmentation des bourses. Nous voulons faciliter les prêts, augmenter les possibilités de travaux rémunérés des étudiants. Peut-être devrions-nous donner davantage aux meilleurs et ne pas subventionner ceux qui, dans le jugement des spécialistes, ne sont pas en mesure de réussir et qui demeureront des frustrés? Nous voulons une plus grande implication de l'entreprise dans les universités. Il y a un mouvement en ce moment qui s'accentue dans ce sens et nous le trouvons excellent.

En passant, les journaux nous apprenaient la nomination par le gouvernement de quatre administrateurs chevronnés au conseil d'administration de l'Université de Montréal. Nous disons bravo! Nous espérons que, partout, on choisira des personnes de même calibre pour participer activement à la gestion de nos institutions de haut savoir et réussir à boucler les budgets.

Nous avons le sentiment que les étudiants, que les dirigeants des universités, que les professeurs auraient peut-être besoin d'être mieux motivés. Selon un sondage que nous avons fait, nous avons découvert que le parc automobile universitaire est composé à 60 % de véhicules importés d'Asie ou d'Europe. Pense-t-on que pareille attitude parfaitement légale et parfaitement justifiable est de nature à aider la balance commerciale du pays, notre économie? Si c'est là la motivation qui fait défaut, nous aimerions voir vos chefs de file visiter les universités plus fréquemment pour faire comprendre les enjeux et les responsabilités aux élites. (21 heures)

En terminant ce bref résumé de notre mémoire, nous voulons féliciter le gouvernement d'avoir organisé cette commission qui donne aux citoyens l'occasion de réfléchir sur les problèmes des universités et de l'État. Ces consultations devraient être permanentes. Je veux vous assurer que les

diplômés universitaires aînés sont prêts à faire leur part. Il y aurait, sans doute, beaucoup d'autres choses à vous dire et nous espérons trouver d'autres occasions pour le faire. Messieurs, mesdames, nous sommes prêts pour vos questions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Thérien, nous vous remercions beaucoup de cet exposé. À ceux qui nous diront que le dynamisme est le lot de la jeunesse, on peut dire, après vous avoir entendu, qu'il en reste beaucoup chez les aînés. La commission va débuter le dialogue avec vous. Si vous le jugez à propos, vous-même et les gens qui vous accompagnent pourrez répondre et fournir les éclaircissements. Autrement dit, tout va se faire d'une façon formelle, mais sur un ton informel si vous voulez, de façon à aller chercher le plus possible de renseignements.

A 21 h 30, j'arrêterai la période des questions et je demanderai aux deux porte-parole officiels de dire le mot de la fin. Cela va vous donner en réalité à peu près 40 minutes d'échanges avec les membres de la commission. Si jamais vous en aviez besoin de plus, à ce moment on prendra une décision et on verra. Alors, pour débuter, je donne la parole au député d'Argenteuit, ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je ne sais pas si M. Thérien a été exact, mais il a dit que les personnes qui l'accompagnent représentent ensemble 300 ans d'expérience.

M. Thérien (Marcel): Plus de 300 ans d'expérience.

M. Ryan: Je félicite M. Alie d'avoir progressé aussi vite dans l'échelle des âges. Je l'avais connu beaucoup plus jeune, il y a peu de temps. C'est une blague que je fais.

Je veux dire que cela me fait bien plaisir de vous retrouver. Nos chemins se sont croisés souvent au cours des années passées. En particulier, M. Thérien et M. Alie sont de vieux amis. M. Thérien a été d'à peu près toutes les polémiques que nous avons eues depuis une quarantaine d'années au Québec. Quand elles n'existent pas par elles-mêmes, il les provoque. Quand on croit les avoir éteintes, il les rallume. Cela réveille en moi un vieil instinct qui n'est pas mort.

Je vous remercie de vous intéresser a l'avenir des institutions qui vous ont donné une partie importante de votre formation. Un des objectifs de la commission, c'est de faire en sorte que le problème des universités soit porté par toute la communauté québécoise, pas seulement par le ministre de l'Enseignement supérieur ou les députés ou le gouvernement ou les administrateurs immédiatement préposés à la gestion des établissements universitaires, mais par toute la communauté québécoise. C'est un des postulats fondamentaux sur lesquels nous avons fondé la convocation de la commission.

Toutes les contributions qui nous sont fournies sont les bienvenues et nous les accueillons avec intérêt et cordialité. J'ai pris connaissance des opinions émises dans votre. mémoire. II y en a quelques-unes que vous avez ajoutées en cours de route. Il y en aune qui m'a été particulièrement sensible: quand vous avez parlé de nominations que nous avons faites récemment au conseil d'administration de l'Université de Montréal. Vous avez souligné que nous avons nommé quatre administrateurs de grande qualité. Je vous remercie de l'avoir signalé. Je pense que cela vaut la peine que le public le sache parce que c'est une chose qu'on m'avait dite quand je suis arrivé, que parfois le gouvernement précédent - peut-être parce qu'il était devenu un peu fatigué - n'avait pas toujours apporté à ces nominations toute l'attention qu'il aurait fallu.

Une des choses que je me suis dites, c'est que, dans la mesure où cela relève de moi, on va renforcer le conseil d'administration de nos institutions universitaires et collégiales de manière que la participation de la communauté, qu'on veut assurer par la nomination de personnes en provenance des milieux socio-économiques, soit la plus vigoureuse passible.

Nous avons choisi ces quatre personnes. Il y a M. Claude Castonguay qui est chef de la direction à la Laurentienne; M. Guy Saint-Pierre, l'ancien ministre de l'Éducation, qui est président d'une firme industrielle importante à Montréal. Il y a Pierre Des Marais II qui était président de la Communauté urbaine de Montréal jusqu'à il y a quelques mois et qui est maintenant président d'une grande société fédérale. I! y a aussi le président de la firme d'ingénieurs SNC, M. Gourdeau, qui est un ingénieur et un administrateur de grande classe.

Le recteur de l'Université de Montréal, quand je lui ai fait part de ces quatre nominations, était très heureux, la communauté aussi. On ne s'est pas demandé: Va-t-il y avoir une femme, va-t-il y avoir une personne de syndicat, va-t-il y en avoir une de l'est de Montréal, une autre de l'ouest, une autre du nord, une autre du sud? On s'est dit: On va trouver quatre bonnes personnes et on va en ajouter d'autres. Il y a d'autres mandats qui viennent à expiration. On a de très bonnes candidates en vue. On ne peut pas nommer de députés, malheureusement, mais on va continuer de renforcer la direction de nos universités de manière que les recteurs ne soient pas seuls dans l'exercice de leur tâche, qu'ils soient vigoureusement secondés par des personnes capables de comprendre les problèmes

d'administration. Il me semble qu'un conseil d'administration, cela existe d'abord pour administrer et non pas pour faire de la théorie. Nous allons continuer et, s'il y en a des bons dans d'autres secteurs, nous allons les choisir avec autant de fierté.

Dans les considérations que vous nous avez faites, je ne suis pas sûr que je serais d'accord sur tous les points. J'ai l'impression que vous y allez peut-être un petit peu fort du côté de la sélectivité. Vous dites une chose dans votre mémoire qui m'a intéressé et qui est vraie d'ailleurs: Les effectifs de nos universités, au cours des 25 prochaines années, sont très probablement appelés à diminuer à cause de la vague de décroissance de la natalité que nous avons connue au Québec surtout depuis une quinzaine d'années. Dans la même mesure où le nombre des inscriptions est appelé à diminuer, je pense que la pression qu'on a connue depuis quelques années sera moins forte et que, par conséquent, les politiques d'accessibilité que nous avons pratiquées, nous devons les maintenir et même les appliquer davantage là où elles n'ont pas pu produire les effets désirés.

L'objectif d'un gouvernement libéral, depuis le temps lointain où des ministres libéraux qui s'appelaient secrétaires de la province à l'époque, au début du siècle, fondaient des institutions comme l'École des hautes études commerciales à Montréal, comme l'École des beaux-arts à Montréal -fonder une école des beaux-arts de niveau universitaire à Montréal au début du siècle, c'était tout un exploit - l'École polytechnique, également - a toujours été la promotion de la population du Québec par l'instruction, par le développement de l'intelligence et on a voulu que cette possibilité soit offerte au plus grand nombre possible.

Quand on procède de manière trop sélective, je pense qu'il y a danger qu'on abandonne, en cours de route, beaucoup de personnes qui auraient pu se développer. C'est une chose qui m'a frappé dans l'expérience que j'ai eu l'occasion de recueillir au cours des années. Quand on était au collège ou è l'université, autrefois, il y avait des personnes qui semblaient assez modestement douées. On les retrouvait 25 ans plus tard et, souvent, elles avaient fait beaucoup mieux que d'autres qui brillaient par le talent à l'époque, parce que ce sont des talents qui se développaient de manière différente, qui avaient un rythme de croissance qui n'était pas le même que celui de ceux qui réussissaient des examens, qui entraient dans les catégories du système à ce moment-là. Il faut faire bien attention. Je pense qu'on n'a pas les moyens de gaspiller du talent. C'est mieux, peut-être, de gaspiller quelques piastres en prenant des chances un peu plus nombreuses que de gaspiller du talent. C'est une perte infiniment plus considérable si on laisse du talent non développé en cours de route.

Cela, c'est un des postulats libéraux en matière de démocratie de l'éducation auquel nous tenons beaucoup encore aujourd'hui. Là-dessus, je pense qu'il y a une certaine différence d'accent. Je ne pense pas qu'il y ait une différence de fond, mais une différence d'accent par rapport au mémoire que vous nous avez présenté.

J'aimerais bien que vous nous donniez vos commentaires là-dessus, M. Thérien, et j'aimerais bien entendre M. Alie également qui, comme éducateur, a beaucoup contribué à sortir de l'ornière des étudiants qui, s'ils avaient été laissés uniquement dans les mains du secteur public, auraient peut-être terminé beaucoup plus rapidement leur cheminement académique. J'ai suivi son école de près pendant plusieurs années. J'en ai connu plusieurs qui, grâce aux services qu'ils ont reçus à son école, ont pu reprendre le chemin d'un développement qui les a menés beaucoup plus loin. Je ne sais pas, mais je serais porté à vous demander peut-être un acte de foi un peu plus grand que celui que nous apporte votre mémoire. C'est peut-être parce que je vous ai mal compris.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Alie.

M. Alie (Fernand): M. Ryan, je vous remercie beaucoup, d'abord, de m'avoir reconnu et, deuxièmement, d'avoir mentionné que, malgré que je me pense encore assez jeune parce que je suis juste à peine qualifié pour être dans les aînés, tout de même cela fait trente-sept, trente-huit, quarante ans qu'on est dans ce milieu. Disons que vous avez raison de souligner que, par la force des choses, quand nous sommes arrivés, par instinct, sans trop de connaissances, nous avions tout simplement envie de répondre aux besoins de la population. Nous nous sommes aperçus qu'il y avait un besoin qui s'exprimait chez des gens qui avaient laissé l'école, qui étaient désorganisés et qui voulaient reprendre le chemin d'une vie mieux structurée, mieux organisée et peut-être même aller jusqu'à l'université. On a plusieurs de nos anciens qui occupent des postes assez importants dans différents secteurs de la société.

Ce qui a été le plus flatteur, c'est le jour où on a signé notre arrêt de mort pour ces sections parce que le gouvernement prenait en main le programme des adultes en ouvrant les écoles le soir; il faisait, à toutes fins utiles, à peu près ce que nous avions fait depuis quelques années. Je n'étais pas le seul, M. Ryan, vous le savez bien. Il y en avait d'autres aussi, d'autres écoles et même chez moi il y en avait d'autres. Ce que ce que je trouve le plus formidable actuelle-

ment, c'est la télé-université. C'est, au fond, un certain prolongement de ces cours où nous allions chercher l'adulte désemparé où il était et où nous essayions de le replacer sur des rails et de le faire aller plus loin, de se rajuster aux besoins de la société et en quelque sorte de se bâtir une carrière.

Mais il y a un point sur lequel j'ai insisté pendant qu'on discutait ces choses-là. Remarquez que je ne suis à peu près jamais allé à Trois-Rivières, parce qu'en passant là aujourd'hui j'ai eu toutes les peines à me retrouver et je me suis finalement retrouvé à Notre-Dame-du-Cap. C'est peut-être le miracle qui s'opère. Il y a un certain aspect qui a dû marquer le travail que j'ai fait avec mes collaborateurs, c'était la nécessité de la productivité, la nécessité de la rentabilité des choses que nous faisions. J'ai un de mes anciens élèves, l'ancien directeur du personnel de l'Université du Québec à Montréal et ancien directeur des finances, qui est en train d'écrire une thèse de doctorat en collaboration avec l'Université Laval ici, qui me rapportait il y a quelques mois qu'il avait été frappé en étudiant l'histoire des universités de savoir combien il y en a qui, en fin de compte, sont des entreprises basées sur la rentabilité, la productivité, même si elles sont des universités.

Je trouve qu'il y a tellement de gens démotivés dans le milieu universitaire et dans le milieu scolaire actuellement qu'il semble qu'on manque de causes à donner à nos jeunes. Cela ne se crée pas de façon artificielle. Par l'intéressement au succès et peut-être aux insuccès et aux échecs des institutions universitaires - c'est une suggestion qui m'a été faite par un groupe qui travaille à l'Université de Montréal - on pourrait peut-être intéresser le personnel... Si ce n'est pas financièrement, il y a peut-être des techniques qu'on peut trouver. Il y a des gens qui trouvent leur récompense d'une autre façon que dans le domaine financier. Mais si on n'intéresse pas les gens du milieu à recréer une certaine productivité dans leur domaine, je pense qu'on va avoir des ennuis. (21 h 15)

II y a deux objectifs que le Québec semble poursuivre actuellement, c'est, d'abord, qu'est-ce qu'on fait demain matin, aujourd'hui? Je pense que vous avez pris une très bonne attitude en nommant des administrateurs, tellement que je me demandais: Qu'est-ce que nous allons faire là, nous avec des administrateurs aussi chevronnés que ceux que vous venez de mentionner, s'il y en a dans toutes les universités? Cela règle le problème, au moins dans l'immédiat.

Vous avez parlé aussi du long terme parce que moyen terme et long terme, c'est là que l'on peut travailler. Peut-être que, dans l'immédiat, à court terme, il faut improviser des solutions. Est-ce que c'est l'université que l'on veut pour demain pour nos enfants? Est-ce qu'on veut garder les structures, le mode de pensée que l'on rencontre dans les universités où chacun travaille plus ou moins pour défendre sa "job", son idéal syndical? J'ai, comme bien d'autres, été pris par le prosélytisme syndical à certains moments et cela m'a, de temps en temps, coupé les ailes. Il reste que ce sont des réalités avec lesquelles il faut composer. Je pense que c'est peut-être difficile de ne pas intéresser ceux qui sont dans le milieu en leur donnant une certaine récompense, soit moralement, comme dirait Cyrano, ou financièrement, en tout cas, une participation à la productivité et à la rentabilité sociale de l'entreprise.

M. Thérien (Marcel): J'aimerais répondre à une objection que M. le ministre vient de soulever au sujet de notre mémoire. Si nous demandons qu'il y ait des contingentements, cela ne veut pas nécessairement dire que ces jeunes ne pourront pas réussir. D'ailleurs, c'est un de nos points aussi. Il ne faut pas croire que les universités sont le seul chemin du succès dans la vie. Sans cela, ce serait tragique parce qu'il y a un nombre considérable de personnes qui ne peuvent pas passer par l'université. D'ailleurs, je pense que, si nous regardions les hommes les plus riches au Canada, nous verrions que la plupart d'entre eux n'ont pas fait d'études universitaires. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas qu'il y ait de gens qui fassent des études universitaires, bien sûr. Ces gens donnent de l'emploi à des universitaires. Il y a d'autres éléments du succès et, malheureusement, l'université ne donne pas toujours cet élément qui est d'abord la motivation de vouloir réussir et également de vouloir développer une entreprise, et aussi les talents moraux et la santé pour aller de l'avant. Je pense que les jeunes qui auront cela, qu'ils aillent à l'université ou ailleurs, pourront être d'excellents citoyens et pourront contribuer au bien-être de la société.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. Thérien. Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi, porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Thérien, M. Godin, M. Leroux, M. Alie, cela me fait plaisir de vous recevoir et de vous souhaiter la bienvenue. Comme le ministre de l'Éducation, j'apprécie l'intérêt que vous manifestez à l'endroit de la commission. On peut ne pas être nécessairement d'accord sur l'approche que vous privilégiez en matière d'enseignement supérieur, mais il n'en demeure pas moins

que votre souci de venir ici nous présenter votre position mérite toute notre attention et notre intérêt.

Je serais assez d'accord avec un certain nombre de points que vous soulevez dans votre mémoire. Il y en a quand même quelques-uns avec lesquels vous me permettrez de diverger d'opinion. Je dois dire que, là-dessus, comme à d'autres occasions, je rejoins assez l'avis du ministre de l'Éducation. Les ressources humaines ne peuvent pas être gaspillées, pas plus que notre forêt ou nos eaux. Dans ce sens, on s'entend généralement pour dire que les pays qui connaissent la meilleure performance économique sont ceux dont la population est la plus scolarisée, et à tous les niveaux. Donc, des mesures que le ministre appelle sélectives et que je qualifierais quasiment d'élitistes auraient de quoi nous inquiéter s'il fallait aller dans cette direction et faire une sélection très hâtive des bons et des moins bons, de ceux qui devraient être des professionnels et d'autres des ouvriers.

J'aimerais vous souligner un certain nombre de choses. Il y avait peut-être une question. En 24, vous dites: "Les aînés quand ils ont terminé leur période active peuvent encore être utiles à la société." Je pense que c'est une contribution que vous apportez ce soir, mais à quoi pensez-vous, entre autres?

M. Thérien (Marcel): Je pensais, bien sûr, à permettre aux professeurs qui ont atteint l'âge de la retraite de continuer, peut-être en réduisant leur salaire, cependant. Deuxièmement, je pensais que les aînés qui ont une expérience pourraient agir, dans certains cas, comme parrains, comme conseillers, à titre bénévole, et aussi servir de différentes façons. Tantôt, j'ai félicité, au nom de notre groupe, le ministre d'avoir nommé des personnalités éminentes; nous n'aurions eu aucune objection à ce que cesdites personnes éminentes proviennent du monde des aînés. Ils ont peut-être plus de temps à disposer parce que leur famille est élevée, ils ont moins de soucis financiers et ils peuvent, par conséquent, accorder plus de temps à certaines fonctions. En somme, c'est à cela que je pensais.

Mme Blackburn: Vous qui êtes dans des professions libérales, vous insistez beaucoup sur l'importance des rapports université-industrie. Vous vous réjouissez de nominations qui semblent, à mon avis, être trop exclusivement prises dans le milieu de la grande entreprise, précisément. Est-ce qu'il n'y a pas de dangers, à long terme, de voir un peu gauchir, je dirais, la mission des universités par un mariage trop étroit entre l'industrie et l'université qui doit conserver une certaine indépendance vis-à-vis de tous les groupes de la société?

M. Thérien (Marcel): D'abord, je vous dirai que nous ne sommes pas uniquement des professionnels; moi-même, je suis un économiste-conseil et je siège au conseil d'administration de certaines entreprises. Les personnes qui ont été nommées par le gouvernement pour faire partie de l'université sont, d'abord, des hommes - ce ne sont pas des femmes, il n'y en a pas dans le moment - qui ont une expérience non pas tant parce qu'ils sont des représentants d'universités, mais parce qu'ils ont des qualités personnelles. Je vous dirai que je pense que ces personnes de grande valeur peuvent venir d'ailleurs; elles peuvent venir des caisses populaires, lesquelles ont des administrateurs de grande valeur qui pourraient être également nommés à des postes comme celui-là. Je pense également que, dans les entreprises gouvernementales, nous avons des gens de valeur qui sont là et qui pourraient également servir, peut-être aussi dans les organismes syndicaux. En d'autres termes, nous ne voulons exclure personne; nous voulons que le gouvernement puisse aller chercher les meilleurs partout. Malheureusement - enfin, malheureusement -ils sont surtout dans les organismes où ils ont réussi.

Mme Blackburn: Ils ne se trouvent pas de femmesl

M. Thérien (Marcel): Cela viendrai Cela viendrai

Mme Blackburn: Bien. Une petite dernière question. Je dois dire que cela m'a un peu chicotée. À la dixième recommandation, vous dites: "Rien n'est plus triste que de voir de jeunes diplômés en chômage ou sous-employés". Seriez-vous en train de nous dire que c'est moins triste lorsqu'ils sont sous-scolarisés?

M. Thérien (Marcel): C'est toujours triste de voir un jeune homme ou une jeune femme qui ne travaille pas. Mais, cependant, je pense que cette personne est beaucoup moins frustrée si elle n'a pas fait d'études. Au moins, elle peut s'imaginer que, si elle avait été assez travaillante, assez sérieuse pour faire des études, elle aurait mieux réussi. Mais...

Mme Blackburn: Vous ne pensez pas que ceux qu'on appelle les chômeurs diplômés ont plus de chances, éventuellement, dans six mois ou dans un peu plus de temps, de se trouver un emploi que ceux qui ont moins de scolarité.

M. Thérien (Marcel): Ce que nous disons dans notre mémoire, c'est que ces personnes, souvent, sont sous-employées ou encore elles peuvent même peut-être réussir très bien. Je

cannais quelqu'un qui, dans son domaine - il était psychologue - n'a pas réussi à obtenir un emploi; il est devenu vendeur et il a très bien réussi. Voilà une profession extrêmement intéressante où il n'est pas absolument nécesssaire d'aller à l'université pour réussir.

Mme Blackburn: Vous proposez une augmentation de 20 % de la tâche des professeurs. Cela repose, j'imagine, sur une certaine évaluation de la tâche actuelle. Est-ce que vous avez des données là-dessus ou si c'est juste un peu au pif?

M. Thérien (Marcel): C'est notre expérience qui nous permet d'affirmer que beaucoup de professeurs pourraient travailler davantage.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que vous avez un mot de... Vous avez terminé. Oui? M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: J'aurais pensé que mon collègue de la Mauricie, de la rive sud, aurait eu des questions à poser à certains représentants de la Mauricie. Mais, comme il n'en a pas et que son "fan club" n'est pas ici ce soir, je vais donc en profiter pour en poser quelques-unes. M. Thérien - je devrais peut-être poser la question à M. Leroux - à la recommandation 11, à la page II, on dit: "Même si le nombre d'enfants décroît tragiquement et que l'on doive s'attendre à une diminution de la clientèle, il est important que se fasse une meilleure sélection des enfants doués et surdoués. Cela devrait se faire dès l'école primaire afin que l'on puisse mieux former ceux qui entreront à l'université." Peut-être que je serais tenté de poser ma question à quelqu'un qui se trouve dans la salle et qui a participé avec moi à des activités syndicales à l'époque; c'est le prosélytisme dont on faisait mention tout à l'heure. C'est pour vous dire que je suis un peu surpris de voir la recommandation telle quelle d'une personne qui a vécu dans le milieu scolaire.

On sait qu'on a expérimenté plusieurs façons de voir les choses dans les écoles. Â certains moments, on s'est retrouvé - je dois le dire comme tel, c'est comme cela que les gens l'appelaient, malheureusement - dans des écoles où on avait parqué du monde, des écoles qu'on appelait des écoles de fous, des gens qui étaient considérés comme non doués. Donc, à ces gens-là, ce n'était pas grave, on ne donnait peut-être pas tous les services. On a vécu ces situations comme membres de syndicat à l'époque. Cela ne fait pas tellement longtemps; cela date des années soixante. Je suis un peu surpris de cette proposition no 11 où on dit qu'on doit faire une meilleure sélection dès le départ, quitte à ce qu'on trouve le moyen d'occuper le monde en attendant pour qu'ils arrivent sur le marché du travail comme manuels. Tous les autres, on leur donnera plus. Je fais le joint avec l'article 13, à la page III: Â ceux-là qui sont les mieux doués, on donnera plus de bourses; on leur permettra d'aller plus loin et cela rapportera plus à la société. J'essaie de voir le lien qu'il y a dans cela. Dans ce contexte, je suis un peu surpris. Peut-être que M. Leroux ou quelqu'un d'autre pourrait répliquer à ce que je dis.

M. Thérien (Marcel): À ce sujet, je me permets de signaler à l'intention de M. Jolivet qu'un bon nombre de jeunes perdent leur temps dans les écoles parce que le programme n'est pas assez fort pour eux et deviennent des désabusés et peut-être des enfants délinquants. Je connais pour ma part et c'est notre expérience à nous d'avoir connu nombre de personnes qui étaient fortes en thème... D'ailleurs, M. le ministre signalait que, souvent, ce n'étaient pas les forts en thème qui réussissaient dans la vie. Mais c'est justement parce que, souvent, les forts à l'école perdaient leur temps parce qu'ils étaient avec des gens qui les retardaient, avec la conséquence qu'ils n'étaient pas en mesure de donner le meilleur d'eux-mêmes dans leur travail. C'est ce que nous voulons. De la même façon que pour développer des joueurs de hockey professionnels, vous ne les ferez pas jouer avec des "peewee".

M. Jolivet: J'essaie de replacer cela dans le contexte où nous avons participé, le ministre et moi-même et d'autres députés de l'Assemblée nationale, à ce qu'on a appelé les états généraux de l'éducation, où on a fait mention précisément des principes de base. La société québécoise a commencé par dire: Les enfants devraient aller à l'école jusqu'en troisième année, septième année, neuvième année, onzième année jusqu'à l'âge de 16 ans. On dit que, de façon obligatoire, l'enfant doit être à l'école jusqu'à l'âge de 16 ans. Ce que vous semblez proposer, si je comprends bien, c'est une façon de faire en sorte que l'école qu'on connaît actuellement soit complètement changée pour permettre aux plus doués de monter plus rapidement et d'aller au niveau universitaire avec de meilleures bourses, tout en disant que, pour les moins doués, on trouvera d'autres moyens pour les occuper. Est-ce que je comprends bien?

M. Thérien (Marcel): II faudra sûrement les alphabétiser. En ce moment, il y a 350 000 enfants au Québec qui ne sont pas capables de lire. C'est une honte pour un pays qui se dit civilisé d'avoir autant de personnes incapables de lire. (21 h 30)

M. Jolivet: L'autre question qui me revient, cela me fait penser aussi qu'au moment où j'étais dans l'enseignement on parlait justement - et j'essaie de faire ce lien - de l'expérience américaine en Californie où on disait à des professeurs, sans qu'ils connaissent les élèves: Cette année, voici les élèves que vous allez avoir. Ces enfants sont des élèves qui ne sont pas doués, essaie de faire ton possible durant l'année avec eux. On ne t'en demandera pas plus. À un autre professeur, on disait: Toi, tu as des enfants surdoués. Tu dois leur en demander. Tu dois exiger énormément d'eux. On a constaté, à la fin de l'année, que les moins doués du début étaient encore moins doués et que les plus doués étaient encore plus doués, sauf que ce que le prof ne savait pas qui au départ parce que ce n'était pas lui qui avait fait passer les tests de QI, quotient intellectuel, qui ne sont pas en rapport avec la réalité des choses, à mon avis. Qu'est-ce qui est arrivé? Les plus doués avaient été donnés à un prof en disant qu'ils étaient sous-doués et on avait dit des sous-doués que c'étaient des enfants surdoués. Au bout de la course, vous auriez dû voir la différence entre les deux. C'est une expérience qui a été faite. C'est la façon dont on présente les enfants qui fait que, parfois, il y a des résultats qui sont différents, finalement.

Dans ce contexte, je reprendrais la vieille chanson qui dit que la vie commence à 40 ans. Je fais référence à vous à ce moment-là parce que vous dites que vous êtes prêts à servir. Mais est-ce qu'on pourrait, sous le principe d'une sélection faite par des gens qui reçoivent des élèves au niveau primaire, au niveau secondaire et ensuite au niveau du cégep et au niveau universitaire, dire: Nous décidons que celui-ci est moins doué qu'un autre et, en conséquence, on va l'aider plus qu'un autre, alors que dans certains cas on pourrait arriver à des résultats totalement différents de ceux qu'on recherche?

M. Thérien (Marcel): Mais cela se fait dans tous les domaines, cher ami. Regardez dans le domaine de la musique, par exemple. C'est évident que vous allez rencontrer des enfants doués à l'âge de quatre et cinq ans et d'autres qui ne sont pas doués du tout. Dans le domaine du sport, pensez-vous que vous êtes capable de faire un joueur professionnel s'il n'a pas les éléments de base? Vous aurez beau les entraîner, il y en a qui ne réussiront pas, comme il y en aura qui ne réussiront jamais en mathématiques. H y en a d'autres qui ne réussiront jamais dans les arts. Ne me faites pas faire de dessin, je ne suis pas capable. Quand même vous me garderiez à l'université pendant 25 ans, je n'y arriverais jamais, je n'ai pas de talent pour le dessin. Si on fait cela dans certaines disciplines, pourquoi ne pas le faire dans toutes les disciplines? Ce qui est important surtout, c'est d'être capable de les motiver, de les faire travailler.

Dans notre expérience, nous en avons rencontré, j'ai une demi-douzaine d'enfants, je sais de quelle façon ils ont travaillé et je sais que, s'ils ne sont pas avec d'autres personnes qui sont travailleuses, ils sont en arrière. Et je suis heureux de signaler, entre autres, que j'ai deux enfants qui sont devenus des savants internationaux parce qu'ils ont rencontré sur leur chemin des savants polonais qui ont su les motiver, qui ont su les faire travailler. C'est ce que je voudrais pour tous les jeunes Québécois.

M. Jolivet: Merci, au nom de ma formation politique, malgré qu'on a peut-être des divergences. M. le ministre dit souvent qu'il aime la polémique, je suis un de ceux-là de temps à autre aussi. En faisant une farce aussi, enfant pour enfant, mon épouse et moi avons six enfants aussi. Je peux vous dire que vous avez effectivement raison, ils ont des caractères différents, des façons différentes de voir les choses et qu'en conséquence il y aura aussi, en fin de compte, des résultats qui seront différents, en espérant qu'ils feront le meilleur chemin possible dans leur vie.

On vous remercie de la collaboration que vous avez apportée et d'avoir accepté, malgré l'heure tardive, d'être avez nous ce soir. Le chemin de retour est comme le nôtre dans certaines circonstances, il est un peu long, mais soyez assurés que nous allons prendre en considération l'ensemble de vos recommandations en disant qu'il n'est pas nécessaire cependant d'être d'accord; sinon, si nous étions d'accord avec tout ce que vous nous avez dit, nous n'aurions peut-être pas eu les discussions que nous avons eues jusqu'à maintenant. Merci beaucoup d'être venus.

M. Thérien (Marcel): Je voulais vous remercier en terminant et vous dire que nous sommes toujours à votre disposition pour vous apporter les lumières de notre expérience.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je demanderai au ministre...

M. Alie: M. le représentant de l'Opposition se vante de sa grosse famille. Je pense qu'on devrait aussi féliciter le ministre lui-même qui a très bien donné l'exemple dans ce domaine.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien. M. le ministre, votre droit de réplique, sur la famille!

M. Ryan: Merci. Je voudrais souligner

en terminant un certain nombre de points sur lesquels nous sommes d'accord avec vous. Je pense qu'on a souligné des points sur lesquels il y a des différences d'accent, comme je le disais tantôt, sinon des désaccords absolument invincibles, mais il y a beaucoup de points dans les observations que vous nous avez communiquées sur lesquels je suis enclin à être d'accord. Je voudrais vous le dire avant que vous partiez pour que notre recontre se termine sur une note positive.

Quand vous dites, par exemple, qu'il faut favoriser le rapprochement de l'université et des professeurs avec le milieu et, en particulier, avec les entreprises, je suis tout à fait d'accord. Quand vous dites qu'il faut favoriser également le rapprochement avec les élus du peuple, avec les hauts fonctionnaires, les représentants des milieux susceptibles d'employer des diplômés, je suis tout à fait d'accord.

J'aime rappeler è ce sujet un exemple qui m'est arrivé dans mon propre comté. Je rencontrais l'an dernier le directeur de l'école secondaire de Lachute et je lui disais: Savez-vous que cela fait sept ans que je suis député ici et vous ne m'avez jamais invité dans votre école? Il y a deux écoles qui cohabitent, une école anglaise et une école française. L'école anglaise m'avait invité souvent. Je ne dis pas que c'est parce que dans cette école-là il y avait beaucoup d'adhérents d'un autre parti. Je ne dis rien de la sorte, mais... Oui, je vous comprends. Je lui disais: II va falloir que vous ouvriez vos fenêtres un peu plus souvent, cela va faire du bien. Si vous ne les ouvrez pas, on les ouvrira. Je pense que de ce côté-là il faut qu'on mette de l'air, que cela circule dans toutes les directions et ce n'est pas mauvais de se le faire dire par des personnes qui ont l'expérience de la vie.

Vous dites que les bibliothèques et les laboratoires doivent être bien équipés et, vous l'ajoutez judicieusement, bien utilisés. Je pense que c'est important de mettre les deux concepts parce qu'on a vu des équipements qui traînaient dans les armoires dans plusieurs endroits, des équipements très coûteux. D'autre part, on a vu des équipements très très vieillots, qui ne répondent pas du tout aux besoins d'aujourd'hui. Ce n'est pas mauvais de se faire rappeler ces choses-là.

Vous dites qu'il faut un rapprochement avec l'entreprise privée. On le sent plus encore quand on est dans une région. Je ne pense pas que des grandes institutions sociales puissent vivre de manière dynamique si elles ne sont point en contact avec les entreprises qui procurent des emplois dans la région. De ce point de vue, je peux vous assurer qu'un de mes objectifs, comme ministre de l'Éducation et comme ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, est de faire tout ce qui est raisonnablement possible pour que des meilleurs rapports s'établissent entre les milieux économiques et les milieux éducatifs.

Vous ajoutez plus loin - cela surprend à première vue, mais je pense que cela est très réaliste aussi - qu'il faut faire disparaître le mythe qu'un jeune rate sa vie s'il ne va pas à l'université. D'après des statistiques que nous avons, il y a environ 11 % de la population de 18 à 29 ans qui fréquentent l'université, en date d'une couple d'années. C'est peut-être rendu à 12 % maintenant, au maximum. Même si on progressait beaucoup, je pense que, si on atteignait 20 % d'ici une dizaine d'années, cela serait un taux assez élevé.

Actuellement, nous sommes en train de réformer l'enseignement professionnel au niveau secondaire. C'est très important. Je pense que, si on donne une bonne formation là, il y en a beaucoup qui n'auront même pas besoin d'aller au cégep pendant leur période de scolarisation formelle, ils voudront continuer leur formation après. S'ils reçoivent une très bonne préparation è un métier, ils vont être très utiles dans la société. Ils en seront très heureux aussi. Ce sont des choses qu'il est bon de se faire rappeler car parfois, lorsque nous discutons entre nous, nous finissons par croire que ce serait possible que tout le monde passe par le même canal, et ce n'est pas vrai. De ce point de vue là, je pense qu'il y a des propos de sagesse dans votre mémoire qui sont bons.

Une autre observation que j'ai trouvée: vous dites que c'est une honte que, dans un pays comme le nôtre, il y ait encore des dizaines de milliers d'illettrés. M. Thérien a dit, justement, qu'il y en avait environ 350 000 au Québec. Mme la députée de Jacques-Cartier me disait avoir vu une émission au réseau CBS la semaine dernière où on parlait du coût économique du phénomène de l'analphabétisme aux États-Unis, qui est très élevé. On a un problème de ce côté-ci qui n'est pas résolu. Nous avons des mesures partielles, des mesures fragmentaires pour faire face à ce problème, mais c'est évident que c'est un problème très grave pour nous auquel nous devons nous attaquer.

Je vais terminer sur une de vos dernières remarques où vous dites que les citoyens aînés peuvent encore être très utiles à la société. Je pense que, si on n'acceptait pas cette vérité d'évidence, on se préparerait un avenir terrible parce que la population vieillit rapidement. Le pourcentage des personnes qui auront dépassé 60 ans dans la population québécoise sera dans quelques années supérieur à 15 %, de 8 % ou 9 % qu'il est actuellement. Cela veut dire qu'il faut se préparer à des changements dans les modes de distribution des tâches, le partage des responsabilités de notre société, qui

feront en sorte qu'on ne créera pas chez toute cette catégorie de citoyens l'impression qu'ils sont seulement dans un état de dépendance. Il faut les mettre dans un état de participation active également. Ce n'est pas facile.

Ce sont des propos qui peuvent nous être très utiles, je pense, comme matériel d'arrière-plan pour nos réflexions, et je voudrais vous remercier de nous les avoir apportés avec autant de cordialité et de bonne humeur. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, M. Thérien, M. le président Godin, M. Leroux, M. Alie, M. Fournier. On vous remercie beaucoup de ce que vous avez apporté à cette commission. Soyez certains que vos témoignages ont été retenus et qu'ils serviront à aider les membres de cette commission à se former un jugement en ce qui regarde la problématique du financement des universités.

La commission parlementaire de l'éducation ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures, alors qu'elle entendra en audience publique la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec et l'Intersyndicale des professeurs des universités québécoises. La séance est levée.

(Fin de la séance à 21 h 42)

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