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(Dix heures treinze minutes)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je
déclare cette séance ouverte. M. le secrétaire, est-ce
qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chagnon
(Saint-Louis) remplace M. Hains (Saint-Henri): M. Cusano (Viau) remplace M.
Després (Limoilou).
M. Jolivet: Nous aurions un remplacement à signaler: M.
Jean-Guy Parent (Bertrand) remplacera M. Jean-Pierre Charbonneau
(Verchères).
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.
Je rappelle brièvement le mandat de cette commission. La
commission a pour mandat de procéder à une consultation
générale dans le but d'étudier les orientations et le
cadre de financement du réseau universitaire québécois
pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.
Je vous fais part de l'ordre du jour des travaux de la commission pour
aujourd'hui. Nous allons entendre immédiatement le Regroupement des
associations étudiantes universitaires du Québec suivi, à
midi, de la Coalition des étudiants aux cycles supérieurs. Cet
après-midi, à 15 heures, nous entendrons les représentants
de l'Université du Québec, suivis des représentants du
Conseil de la science et de la technologie et de ceux de l'Association des
diplômés universitaires aînés. Ce sont les travaux de
la commission parlementaire d'aujourd'hui.
J'inviterais les représentants du Regroupement des associations
étudiantes universitaires du Québec à prendre place, ici
à l'avant. Ce regroupement est représenté par M. Charles
Gallant, secrétaire général. M. Gallant, nous vous
saluons. J'aimerais que vous nous présentiez les gens qui vous
accompagnent.
RAEUQ
M. Gallant (Charles): Vous avez ici M. Patrice Raymond et M.
Martin Munger.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Raymond, M. Munger, bonjour! Il me fait plaisir de vous accueillir ici
à cette commission parlementaire et de vous remercier d'avoir
répondu à l'appel de la commission dans le but de nous aider dans
notre recherche sur la problématique du financement des
universités. L'audition va commencer immédiatement. Vous aurez
entre 20 et 25 minutes pour présenter votre mémoire et les
discussions avec les membres de la commission se poursuivront jusqu'à
midi. C'est donc dire que, vers 11 h 50, j'inviterai le représentant de
l'Opposition et le représentant du côté ministériel
à conclure la rencontre de façon a terminer exactement à
midi. Alors, votre porte-parole... C'est vous, M. Gallant, qui êtes le
porte-parole?
M. Gallant: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, nous vous
écoutons, monsieur.
M. Gallant: Merci, M. le Président. Le regroupement est
particulièrement heureux, aujourd'hui, de présenter les positions
de ses membres. Les universités et l'enseignement supérieur en
général traversent une crise. Tous s'accordent pour en faire le
constat: ce qui fait défaut, c'est un consensus sur la nature et
l'ampleur de cette crise. Pour plusieurs, elle se limite à une question
de sous-financement sans aller plus loin. Pour d'autres, la crise
découle davantage d'une mauvaise utilisation des ressources. Pour le
RAEU, la crise que traversent les universités est plus profonde encore.
À notre avis, ce n'est pas un manque de ressources qui a
entraîné la crise des universités mais bien
l'incapacité de celles-ci de s'insérer efficacement dans une
stratégie économique et sociale d'ensemble. La crise de
l'enseignement supérieur doit être située dans un contexte
d'impact et d'utilité économique et sociale des investissements
qui lui sont consacrés. Aussi, le moment est-il opportun, au moment
où se vit une crise financière importante des universités,
de s'interroger sur les véritables attentes de la société
envers l'enseignement supérieur par rapport aux investissements qu'elle
lui consacre.
Soulignons entre autres que la démocratisation de l'accès
à l'université et la saturation de la demande de main-d'oeuvre
dans le secteur public sont pour nous des facteurs qui ont exercé, au
cours des
dernières années, une pression importante sur les
universités. Ils ont mis en évidence les difficultés
qu'elles ont eues à s'adapter aux nouvelles exigences de l'environnement
et, en conséquence, de réorienter leur tir en fonction des
besoins du marché du travail et de la société dans son
ensemble.
En conséquence, nous adhérons à cette vision qui
veut que les universités se développent en fonction des forces et
des attentes de la société et qu'elles doivent justifier leur
existence à partir de leur capacité de traduire et d'anticiper
les besoins généraux de l'environnement social et
économique.
Nous croyons qu'une véritable stratégie de relance des
universités doit passer par les éléments suivants:
Des universités ouvertes à la société;
Une affirmation claire des priorités de développement
économique et social du Québec;
Une coordination, une planification et une évaluation efficaces
des ressources disponibles;
Une réponse claire aux aspirations et aux attentes de la
jeunesse.
M. Munger (Martin): II est impératif que les
universités adoptent une politique efficace d'ouverture à la
société, c'est-à-dire principalement aux collectifs et
à l'entreprise. La crise que traversent les universités est en
bonne partie imputable à l'absence de relations soutenues avec leur
environnement. Cette situation prive l'université de moyens
d'appréhension des attentes de l'extérieur nécessaires
à l'adaptation et à l'orientation des politiques de
développement.
Les universités n'ont certes pas été aidées
par un mode de financement qui ne favorisait guère cette ouverture, qui
ne les encourageait pas à développer des mécanismes de
concertation avec le milieu et l'entreprise. Soulignons d'une part le peu
d'attention qu'accorde le mode de financement aux services aux
collectivités, en plaçant cette fonction en marge de
l'enseignement et de la recherche avec un budget relativement restreint, voire
même symbolique. D'autre part, soulignons que le peu
d'intérêt des universités envers l'entreprise a
peut-être pour cause la relative indépendance financière
que lui a conférée et que lui confère toujours ce
même mode de financement.
Il nous apparaît primordial en ce sens qu'un nouveau mode de
financement puisse traduire la nécessité d'orienter la recherche
et l'enseignement en fonction de besoins du milieu et de l'entreprise.
M. Gallant: C'est au colloque sur l'université nouvelle,
en 1982, que le RAEU se prononçait sur la nécesité de se
doter d'une politique d'ouverture aux collectivités. Un an plus tard, on
assistait à la création des centres étudiants de services
aux collectivités. Cette structure d'accueil implantée dans les
universités par les étudiants permet à ces derniers
d'allier leurs connaissances théoriques è une intervention
pratique en milieu collectif.
L'instabilité du financement actuel des services aux
collectivités et de leurs structures ainsi que la nature des ressources
consacrées à la recherche par le Fonds des services aux
collectivités nous amènent à nous interroger sur la
volonté du gouvernement et des universités de s'engager
réellement dans la voie des services aux collectivités.
M. Raymond (Patrice): On connaît les formules de
collaboration université-entreprise en matière d'enseignement. Il
s'agit principalement de programmes de stage en entreprise et d'échange
de personnel. Ces formes de collaboration, bien qu'efficaces sur le plan des
échanges de connaissances, ont toutefois un caractère
limité. D'une part, ces stages ou ces échanges de personnel ne
visent qu'un champ limité de programmes. D'autre part,
l'intérêt de cette collaboration ne s'est pas étendu au
point de susciter un développement important des structures d'accueil
dans les entreprises.
Bien qu'il soit important de maintenir et de poursuivre cette
collaboration, on devrait penser à d'autres mécanismes qui
développeront davantage la concertation
entreprise-université.
M. Gallant: En conséquence, le RAEU recommande que la
fonction de services aux collectivités soit intégrée au
budget de fonctionnement général de l'enseignement et de la
recherche.
M. Munger: Que la structure d'accueil des services aux
collectivités à l'université soit financée à
partir des prélèvements des budgets des unités
d'enseignement et de recherche au prorata du volume de leurs
dépenses.
M. Raymond: Que les universités se dotent d'une politique
d'évaluation de la performance des unités d'enseignement et
recherche en matière de services aux collectivités.
M. Gallant: Que soit intégré à
l'intérieur des organismes subventionnaires de recherche le financement
des projets de recherche-action.
M. Munger: Que le gouvernement encourage, au moyen d'incitatifs
fiscaux, la participation des entreprises et des particuliers dans le
financement général des
universités.
M. Raymond: Que le financement direct des entreprises lié
à la recherche s'insère à l'intérieur d'une
politique claire des universités concernant le développement de
la recherche.
M. Munger: La spécificité culturelle et la
structure économique du Québec exigent, dans un contexte de
concurrence internationale, la définition et l'affirmation claire des
priorités et d'axes de développement. Nous l'avons
souligné, les universités doivent être perméables
aux différentes préoccupations de la société.
Toutefois, il est primordial que la diversité de ces influences,
qu'elles proviennent des paliers gouvernementaux, du milieu communautaire ou
d'entreprises, s'expriment à l'intérieur d'un tout
cohérent et articulé. C'est là un rôle capital que
les universités doivent jouer, à savoir la définition
d'objectifs et de priorités à l'intérieur d'une politique
de coordination et de planification du développement de leur
réseau.
Dans cette perspective, une variable importante du financement des
universités se situe au niveau de la participation du gouvernement
fédéral.
La contribution du gouvernement fédéral en matière
d'éducation supérieure prend deux formes: D'une part, en vertu de
la compétence constitutionnelle exclusive des provinces en
matière d'éducation, le gouvernement fédéral verse
aux provinces des transferts destinés à financer sans condition
le système d'enseignement des provinces. D'autre part, en vertu des
responsabilités qu'il s'attribue en matière de
développement scientifique, celui-ci verse, soit par le canal de ses
différents conseils de recherche, soit directement par les
ministères, les subventions dites d'aide à la recherche qui sont
octroyées en vertu d'objectifs prédéterminés. La
relation entre ces deux types de subventions fait l'objet d'un certain
débat entre le gouvernement fédéral et les provinces,
notamment, le Québec.
Pour plusieurs, l'influence qu'exerce le gouvernement
fédéral en matière de recherche constitue une
ingérence progressive dans les compétences
québécoises en matière d'éducation. Une telle
stratégie a pour conséquence de diminuer considérablement
la marge de manoeuvre des universités dans l'accomplissement de leur
mission générale d'enseignement, de recherche et de services aux
collectivités et de retarder te développement des infractures de
recherche du réseau québécois. (Il y a une page qui a
été ajoutée au mémoire. Le chapitre 2.2).
Comme nous l'avons souligné au début, l'ouverture de
l'université au milieu communautaire et à l'entreprise et
l'influence du gouvernement fédéral néces- sitent la
définition d'objectifs et de priorités de développement
clairs de la part du Québec en ce qui concerne l'enseignement
supérieur. Cela signifie qu'à partir des forces et des faiblesses
de notre système universitaire et des ressources disponibles, nous
devons être en mesure de contrôler notre développement dans
le sens des véritables attentes de la société. Cela
signifie également la possibilité d'insérer efficacement
le réseau universitaire dans le cadre d'une stratégie globale de
développement politique et économique.
Il est de la responsabilité du gouvernement de définir les
objectifs généraux de développement universitaire. Tout en
reconnaissant l'apport fondamental des universités dans la
définition de ces objectifs et surtout dans leur réalisation, il
nous apparaît primordial que celles-ci se concertent entre elles et y
adhèrent. Dans un tel but, le recours à des incitatifs financiers
devrait être envisagé.
M. Gallant: En conséquence, le RAEU recommande que le
gouvernement du Québec exige du gouvernement fédéral une
politique de financement additionnel ayant pour objectif le
développement des infrastructures de recherche afin de réduire
les disparités provinciales découlant de la politique actuelle
des subventions directes de la recherche dans les universités.
M. Munger: Que, dans l'affirmation de ses compétences
constitutionnelles en matière d'éducation, le gouvernement du
Québec exige du gouvernement fédéral des mesures
compensatoires aux coûts indirects des subventions de recherche qu'il
octroie.
M. Raymond: Que, le gouvernement du Québec, afin qu'il
puisse définir et appliquer ses objectifs et priorités de
développement du réseau universitaire, se dote d'une politique de
développement de l'enseignement supérieur.
M. Gallant: Que le gouvernement s'assure, au moyen de mesures
appropriées, du respect et de l'application d'une telle politique de la
part des universités.
Nous croyons que, pour être efficace, une politique de
l'enseignement supérieur doit s'appuyer sur des mécanismes
solides de planification, de coordination et d'évaluation des
ressources. Nous croyons également que les universités doivent
démontrer leur légitimité par une réallocation des
ressources qui sache tenir compte des objectifs et priorités de
développement qu'elles se seront fixés. Elles doivent en
conséquence se donner les moyens d'effectuer une gestion
sélective et planifiée de leurs ressources.
On ne saurait imputer les problèmes de planification des
universités au seul mode de
financement. Soulignons toutefois que celui-ci, par la politique de
financement des clientèles par coût disciplinaire moyen et par la
mécanique concernant le financement des clientèles
additionnelles, a constitué une variable de distorsion et
d'instabilité importante a cet égard. On peut d'ailleurs
attribuer à cette politique le développement anarchique et
l'hypertrophie qu'ont connus les secteurs les moins coûteux, dont les
sciences sociales.
M. Raymond: II nous apparaît impératif que la
véritable priorité des universités soit de
développer un enseignement et une recherche qui soient de qualité
et adaptés aux besoins de la société. Nous croyons
nécessaire à cet égard que les universités se
dotent de politiques efficaces d'évaluation des programmes et des
unités d'enseignement et de recherche et, bien sûr, qu'elles
mettent ces politiques en application. Cette démarche est d'autant plus
urgente que le Conseil des universités soulignait, dans un rapport
publié en 19B3, qu'en ce qui concerne les mécanismes
d'évaluation des programmes universitaires existants, le Québec
accusait un retard de 15 ans par rapport à l'Ontario.
Nous croyons qu'une telle politique doit viser avant tout une gestion
efficace des ressources professorales. Le problème le plus
sérieux que nous vivons à cet égard est certes la
qualité relative de l'enseignement qui nous est dispensé.
L'évaluation continue de la compétence des professeurs est pour
nous une solution alternative à un statut de permanence qui prend trop
souvent l'allure d'une sécurité d'emploi sans condition. Cette
évaluation sera pertinente dans la mesure où elle aura à
répondre à un objectif prioritaire de rééquilibrage
des fonctions d'enseignement, de recherche et de services aux
collectivités.
M. Munger: On parle de fonctions secondaires lorsque celles-ci ne
s'adressent qu'indirectement au développement de l'enseignement, de la
recherche et des services aux collectivités. Pour l'essentiel, il s'agit
des services de soutien académique tels: les bibliothèques, les
centres de calcul, les services d'audiovisuel, des services aux
étudiants - par exemple, les services d'aide financière ou
d'animation culturelle - et des services auxiliaires tels les
cafétérias, les résidences, le stationnement etc. Nous
croyons que les deux premiers types de fonction peuvent être
financés per capita. Quant aux services auxiliaires, ceux-ci ne
devraient être couverts par aucune subvention, étant soumis
à la règle de l'autofinancement.
Les services auxiliaires ont trop souvent dans le passé - cela se
vérifie toujours aujourd'hui - absorbé des sommes importantes en
déficits, privant ainsi l'université de ressources
nécessaires à l'accomplissement de ses missions
fondamentales.
M. Gallant: II est important qu'à l'intérieur d'une
politique de coordination et de rationalisation des ressources l'on puisse
tenir compte de certaines disparités imputables à
l'éloignement des grands centres. Les universités en
région, on le sait, revêtent un caractère essentiel dans
une stratégie de développement économique
régional.
Mais cela coûte cher. À titre d'exemple, mentionnons
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Cette
université a onze sous-centres qui vont de Rouyn jusqu'à la Baie
James, ce qui entraîne des coûts disproportionnés
d'administration et de formation par rapport aux autres universités. Il
va sans dire que l'importance que l'on accorde aux universités en
région doit passer par la reconnaisance de certaines contraintes
financières indépendantes de la volonté des
administrateurs.
En conséquence, le Regroupement des associations
étudiantes universitaires propose et recommande: Que soit modifié
l'actuel mode de financement de façon à lui conférer un
caractère stable.
M. Munger: Que le mode de financement tienne compte
dorénavant du coût moyen disciplinaire de formation des
étudiants dans le calcul des subventions générales
d'enseignement, de recherche et de services aux collectivités. (10 h
30)
M. Raymond: Que le mode de financement soit
différencié, de façon à distinguer les missions
fondamentales d'enseignement et de recherche, modulées par la fonction
de services aux collectivités, des fonctions secondaires de soutien
pédagogique, de services aux étudiants et de services
auxiliaires.
M. Gallant: Que les missions fondamentales des universités
soient soumises à une politique d'évaluation de l'utilisation des
ressources afin de maximiser la performance des unités d'enseignement et
de recherche ainsi que des universités et ce, en regard des objectifs et
des priorités de développement définis.
M. Munger: Qu'à l'intérieur de cette politique, une
priorité soit accordée à l'évaluation continue de
la tâche des professeurs en fonction des objectifs suivants: une
revalorisation des fonctions d'enseignement et de services aux
collectivités par rapport à la recherche; une mise à jour
des contenus d'enseignement et des méthodes pédagogiques; le
renouvellement, le recyclage et la planification des ressources
professorales en fonction d'un équilibre des tâches
d'enseignement, de recherche et de services aux collectivités; une
participation significative des étudiants au niveau de la
définition des objectifs de cours et de programmes et au niveau du
processus d'engagement et de promotion des professeurs.
M. Raymond: Que les fonctions secondaires soient financées
par un système de per capita, sauf dans le cas des services auxiliaires
qui doivent s'autofinancer.
M. Gallant: Que les fonctions secondaires fassent l'objet d'une
évaluation sérieuse afin d'en maximiser l'efficacité dans
une perspective de faire-faire ou, à défaut, de réforme
budgétaire.
M. Munger: Que le gouvernement tienne compte, dans une
perspective de soutien économique régional, des coûts
supplémentaires qu'engendre le maintien des universités en
régions et notamment au niveau des sous-centres.
M. Raymond: La réponse au chômage, au sous-emploi
des compétences ou à la partialisation du travail chez les jeunes
ne peut passer selon nous que par une véritable stratégie de
scolarisation universitaire de qualité. Des diplômes mieux
adaptés aux réalités extérieures et des
connaissances toujours plus développées sont des clés
importantes pour aspirer à participer un jour au progrès
économique et social de notre société. Nous croyons, de
plus, qu'il est nécessaire de fournir aux jeunes l'occasion de rattraper
l'écart qui les sépare de l'Ontario en matière de
scolarisation universitaire et de développement de la recherche.
On comprendra donc qu'une hausse des frais de scolarité
constituerait un frein majeur au développement de !a scolarisation
universitaire. Dans un contexte où la fréquentation universitaire
et le développement de la recherche accusent un certain retard par
rapport à l'Ontario, avons-nous les moyens de nous payer le luxe, en
ramenant les barrières financières au niveau moyen des autres
provinces, de figer cet écart dangereux de scolarisation qui nous
sépare de nos voisins? En ce qui concerne une éventuelle
compensation d'une hausse des frais de scolarité par un ajustement des
prêts et bourses, les dernières coupures alimentent
sérieusement le doute quant à la bonne foi de cette
proposition.
Dans son avis du 20 décembre 1985, le Conseil des
universités évaluait à 23 000 000 $ le coût d'un
réajustement du système des prêts et bourses pour compenser
un éventuel doublement des frais de scolarité. Une telle
augmentation apporterait dans les faits 70 000 000 $ supplémentaires au
réseau. Le conseil misait ainsi sur une marge de manoeuvre de 47 000 000
$ d'argent neuf pour les universités.
Quelques mois plus tard, le gouvernement effectuait des compressions de
24 300 000 $ dans les prêts et bourses et de 15 000 000 $ dans
l'enveloppe des universités. C'est donc dire qu'à l'heure
actuelle et en vertu des chiffres conservateurs du Conseil des
universités, pour atténuer l'impact d'un doublement des frais de
scolarité sur l'accessibilité, ce n'est pas 23 000 000 $ mais 48
000 000 $ qu'il faudrait retrancher de 70 000 000 $ de revenus
supplémentaires pour ajuster le régime des prêts et
bourses. Avec les 22 000 000 $ qui resteraient alors, il faudrait combler le
manque è gagner de 15 000 000 $ issu des compressions infligées
aux universités au printemps dernier. Résultat: un doublement des
frais de scolarité ne fournirait que 7 000 000 $ d'argent neuf aux
universités, ce qui ne couvre qu'une infime fraction de l'indexation des
dépenses de l'université.
Ces calculs ne tiennent même pas compte de la sous-estimation des
données du conseil quant à la compensation adéquate du
régime des prêts et bourses. Un comité ministériel
soulignait à cet égard, dans un rapport soumis au ministre de
l'Enseignement supérieur en 19B4, qu'un ajustement des prêts et
bourses tenant compte des nouvelles contraintes économiques auxquelles
doivent faire face les étudiants, après analyse, se chiffrerait
à 77 300 000 $. On est loin des promesses de 25 000 000 $
annoncées l'automne dernier par le parti au pouvoir.
Et nous soutenons toujours qu'une hausse directe ou indirecte des frais
de scolarité constitue une voie d'évitement pour ceux qui
refusent de regarder en face les réels problèmes de
légitimité des universités. Fermer les yeux devant cette
situation, c'est se rendre complice de solutions faciles qui ne
régleraient en rien le problème des universités.
Nous croyons qu'il est nécessaire d'éliminer
l'inquiétude de la jeunesse par rapport à un éventuel
dégel des frais de scolarité. La crédibilité du
discours du PLQ en matière de jeunesse, ses promesses et les structures
qu'il s'apprête à mettre en place peuvent-ils encore servir
à répondre aux attentes de la jeunesse? Nous croyons, en ce sens,
que le gouvernement doit procéder à l'élaboration d'une
politique claire concernant les frais de scolarité. Nous croyons
également qu'une telle politique aurait avantage à être
précédée par un avis du Conseil permanent de la jeunesse
dès que celui-ci sera formé.
M. Gallant: En conséquence, le RAEU recommande: Que le
gouvernement applique les réformes annoncées dans ses
engagements
électoraux en matière d'aide financière aux
étudiants.
M. Munger: Qu'un avis du Conseil permanent de la jeunesse
précède l'élaboration par le gouvernement d'une politique
claire concernant les frais de scolarité.
M. Gallant: Pour viser l'excellence et l'atteindre, nous croyons
que le gouvernement doit faire plus que maintenir le gel des frais de
scolarité. Il doit déployer l'énergie nécessaire
pour inciter les jeunes Québécois et Québécoises
à fréquenter l'université.
Nous croyons le moment très mal choisi pour faire payer davantage
aux jeunes l'accès à l'université. Nous ne pourrions
cautionner une attitude qui masquerait la vraie nature du problème.
Les universités doivent regagner un rôle de premier plan
dans le développement économique et social du Québec. Nous
devons nous doter d'outils efficaces pour supporter la concurrence
internationale et ainsi générer des emplois. Nous voulons
contribuer à la croissance économique et sociale du
Québec. Nous voulons, par les universités, atteindre
l'excellence. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie
beaucoup de votre intervention. Maintenant, nous allons passer à la
période d'échange de propos avec les membres de cette commission.
Je ne sais pas si c'est la première fois que vous assistez à une
commission parlementaire comme celle-ci, mais je vous informe que cette
commission est le prolongement de l'Assemblée nationale. C'est une
commission où les deux partis sont représentés, et on veut
la faire de la façon la plus simple possible, sans agressivité,
et que chacun se sente bien à son aise. Et soyez à votre aise
pour répondre.
Si vous avez des questions à poser, si vous croyez qu'une
question n'est pas claire et vous voulez avoir une précision, ne vous
gênez pas pour la demander. Le but de la commission ce n'est pas que de
poser des questions et d'avoir des réponses, mais c'est de chercher des
solutions.
Sentez-vous bien à votre aise, sentez-vous chez vous, c'est votre
Assemblée nationale ici, c'est votre commission parlementaire. Je
voudrais que tout se passe d'une façon facile, de manière qu'on
sorte d'ici peut-être pas heureux, mais satisfaits de la qualité
des discussions que nous aurons eues ensemble.
Je donne la parole à l'adjointe parlementaire du ministre de
l'Éducation, Mme la députée de Jacques Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Au nom du ministre,
j'aimerais remercier le
Regroupement des associations étudiantes universitaires du
Québec pour son analyse. Je croîs que c'est une analyse
très dure qui pose des questions sérieuses sur la façon
dont les universités remplissent leur mission. Pour notre
première intervention, j'aimerais céder la parole au
député de Rousseau.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Rousseau.
M. Thérien: Merci, M. le Président. Moi aussi, je
veux vous remercier de votre mémoire qui exige du gouvernement de faire
ceci et cela. J'aurais juste une petite remarque avant de poser ma question.
Lorsque vous dites, à la fin, que vous ne voulez pas faire payer
davantage aux jeunes l'accès à l'université, je voudrais
vous dire que les jeunes paient déjà parce qu'il y a 80 000 000 $
de déficits d'accumulés. Bien entendu, il ne faut pas faire payer
davantage les coûts aux étudiants. Dans votre mémoire, on
parle de beaucoup de choses, mais je n'ai pas retrouvé
d'éléments concernant la qualité de l'enseignement. Une
question me vient à l'esprit. Comment pouvez-vous évaluer la
formation que vous avez eue au niveau collégial et que vous avez
présentement au 1er cycle universitaire?
M. Gallant: Vous savez, en tant que principaux usagers de
l'éducation, on vit quotidiennement des situations, soit à
l'intérieur de l'université ou, plus particulièrement dans
nos cours, qui nous portent à avoir un jugement qui, à notre
avis, se voudrait efficace pour ce qui a trait à l'évaluation des
professeurs et l'évaluation de l'enseignement qu'on reçoit. Je
crois que la réponse est assez simple. Puisqu'on est les principaux
usagers de l'éducation, puisque c'est nous qui avons le plus de
relations avec les professeurs, l'évaluation est une solution efficace
à notre avis.
M. Thérien: Cela concerne l'évaluation. Mais selon
la formation que vous avez reçue dans le passé et que vous
recevez maintenant, pensez-vous que c'est une formation qui est de
qualité, qui est "performante", qui vous prépare au marché
du travail?
M. Raymond: Pas vraiment, je pense. À la lumière de
certaines données sur le chômage des diplômés, sur la
"partialisation" du travail, je pense que l'enseignement aurait tout avantage
à être branché sur le milieu, à être
adapté aux réels besoins et aux attentes de la
société. Je pense qu'on est tout à fait redevable à
la société qui finance les universités, et le gouvernement
a une responsabilité de premier plan à exercer à ce niveau
et il doit précisément faire en sorte que les universités
s'ouvrent sur le milieu, de
façon qu'on ait une adéquation du contenu de nos cours
avec les véritables réalités extérieures pour faire
en sorte que, lorsqu'on sera sur le marché du travail, on ne se retrouve
pas devant un mur, sans connaissances. On va savoir à quoi s'attendre du
milieu, comment agir efficacement dans la société en tant que
diplômés et instruits.
M. Thérien: Comme je l'ai dit lors du discours
d'ouverture, je m'intéresse plus particulièrement aux
diplômes. Vous semblez dire que ce qui s'enseigne présentement, ce
qui se suit comme cours, ce n'est pas vraiment ce qui est le plus
préparatoire au marché du travail actuellement?
M. Gallant: Justement, on fait mention à plusieurs
reprises dans notre mémoire de la relation que devrait avoir
l'université avec le milieu pour que l'université soit mieux
connue à l'intérieur du milieu, soit celui du travail, soit celui
de la collectivité. Il est essentiel pour le RAEU que
l'université ouvre ses portes au milieu et que la relation et
l'adéquation entre ce qui est appris à l'école et ce qui
se fait réellement sur le marché du travail soit un fait concret
dans l'avenir et un fait plus sauvent rencontré.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez
terminé? Y a-t-il d'autres interventions?
Mme Blackburn: Oui. D'abord, M. le Président,
permettez-moi, à la suite de la députée de
Jacques-Cartier, de souhaiter la bienvenue aux étudiants du RAEU et de
leur dire que j'ai à la fois apprécié la lecture de ce
rapport et la préoccupation qu'ils manifestent particulièrement
à l'endroit des services à la collectivité. Je dois dire
que cette ouverture des universités sur leur milieu et la perception que
vous en avez, la nécessité que vous ressentez de cette ouverture
des universités, on ne les retrouve pas dans tous les rapports. On peut
dire les choses comme elles se trouvent, on ne les retrouve pas dans tous les
rapports des universités non plus. Que cela nous vienne des
étudiants, je trouve cela particulièrement intéressant et
je dirais même prometteur, parce qu'on sait que, tantôt, il y a de
bonnes chances que ce soient les étudiants d'aujourd'hui qui dirigent
les universités de demain.
C'est peut-être un peu beaucoup là-dessus que je voudrais
revenir. Il y a un long chapitre de votre mémoire consacré aux
services à la collectivité. Vous parlez à la fois de
services è la collectivité et de liens avec les entreprises. Je
voudrais essayer de reprendre le premier volet qui concerne les services
à la collectivité. Pourriez-vous me dire si on retrouve
l'équivalent du centre de services à la collectivité - je
pense que c'est comme cela que cela s'appelle - dans plusieurs
universités au Québec?
M. Munger: À l'heure actuelle, ces centres existent
à l'Université Laval, à l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue et à l'Université
de Montréal. Ces centres sont déjà implantés depuis
plus de deux ans. Ils sont venus d'une constatation qu'on a faite justement que
l'université, depuis quelques années, s'est renfermée en
vase clos. La connaissance qui s'y véhiculait restait beaucoup à
l'intérieur de l'université et il n'y avait pas beaucoup de
contacts, d'acquisition de connaissances avec l'extérieur aussi. On a
alors pensé que les étudiants gagneraient, en termes de
formation, à avoir un contact plus soutenu avec l'extérieur et,
en particulier, avec les collectifs qui sont, en général, des
groupes qui n'ont pas accès aux connaissances universitaires. (10 h
45)
Donc, le centre étudiant de services communautaires permet
d'établir un contact entre les étudiants désireux de
sortir un peu des murs de l'université et les collectifs qui ont besoin
des ressources universitaires pour avancer dans leur travail. C'est un lien
entre les deux. On pense que c'est profitable et aux étudiants et aux
collectifs et à l'université aussi qui, par une autre forme de
connaissances, peut comparer la formation déjà donnée
à l'heure actuelle. Il se fait aussi de la recherche en services aux
collectivités.
Mme Blackburn: Est-ce que ce genre de participation dans ce type
d'organisme et ce rapprochement avec les collectivités vous permettent
en partie de combler ce que vous appelez la carence qui était
évoquée tantôt du fait que l'enseignement,
l'éducation ne soit pas suffisamment en adéquation avec les
besoins du marché du travail?
M. Munger: C'est seulement un point de départ. C'est un
effort qu'on fait, mais ce dont on se rend compte, c'est que c'est un effort
qui est un peu ghetto¸Isé. Ce sont seulement les étudiants
et quelques professeurs isolés qui semblent avoir cette volonté,
d'adapter notre formation à des expériences plus pratiques. On se
rend compte que dans les trois universités que je vous ai
mentionnées on a fait un effort soutenu pour que l'université
prenne en main, elle aussi, sa mission de services aux collectivités. On
ne s'est pas trop confronté à des barrières en tant que
telles, mais plutôt à un manque d'intérêt total des
universités à ce niveau, ce qui fait que les étudiants
travaillent d'arrache-pied pour se doter d'une formation plus adéquate.
Les centres étudiants de services communautaires sont des centres qui
sont très peu financés,
souvent à même les budgets de nos associations
étudiantes. On voudrait que le gouvernement et les universités se
préoccupent de cette mission qui est fondamentale, sinon on pense que
les universités se ghettoïsent d'année en année et
cela risque de devenir de plus en plus dangereux pour leur
légitimité.
Mme Blackburn: Toujours concernant les services aux
communautés ou aux collectivités, est-ce que vous avez
essayé d'imaginer ce que pourrait être un financement
adéquat ou suffisant?
M. Munger: II faudrait d'abord évaluer avec les
universités concernées quels seraient les meilleurs modes
d'action pour les services aux collectivités, parce que cela peut
prendre de l'ampleur. Il nous est très difficile à l'heure
actuelle, à partir de notre petite échelle, d'extrapoler sur ce
que cela pourrait être au niveau universitaire. Toutefois, on a toujours
démontré la ferme intention de collaborer avec
l'université à ce niveau de manière à
établir un plan de développement des services aux
collectivités; ensuite, on pourrait se permettre de mieux évaluer
l'enveloppe nécessaire pour faire fonctionner ces centres et cette
mission de l'université.
M. Raymond: Une chose est certaine. Cela ne veut pas
nécessairement dire des ressources supplémentaires
élevées, en ce sens que si on décide d'intégrer les
services aux collectivités à la mission générale
d'enseignement et de recherche, cela signifie qu'on dit, d'une part, que le
contact avec le milieu est tributaire d'une bonne qualité de
l'enseignement et également tributaire d'une bonne qualité de la
recherche puisqu'elle est branchée sur le milieu. En conséquence,
cela sous-tend qu'à l'intérieur de ce budget, à
l'intérieur des activités d'enseignement et de recherche, on va
réallouer les ressources de façon à intégrer cette
formation, quitte à ce qu'il y ait d'autres formations plus
traditionnelles ou moins efficaces à l'heure actuelle, par une politique
de priorisation, qui soient délaissées. Je pense que cela fait
partie d'une politique de priorisation de réallocation des
ressources.
Mme Blackburn: Pour vous, cela constitue une forme de stage qui
est à la fois utile pour vous et pour la collectivité.
M. Raymond: En effet.
Mme Blackburn: Vous parliez tout à l'heure de
l'adéquation entre la formation et les besoins du marché du
travail. Vous ne craignez pas qu'une trop étroite adéquation
entre la formation et le marché du travail risque de faire tomber
rapidement vos connaissances en désuétude, parce qu'on
connaît la rapidité d'évolution.
Deuxièmement, il me semble que vous faites un lien que
j'hésite à faire entre le taux de chômage et la
qualité de la formation. Vouloir imputer le chômage à la
qualité de la formation me laisse penser qu'on n'aurait, demain,
qu'à coller la formation aux besoins du marché et on aurait
résolu le problème du chômage. Je pense que c'est beaucoup
plus complexe que cela. Est-ce que vous iriez davantage dans une formation? Ne
serait-il pas préférable qu'on aille davantage ou qu'on conserve
une formation beaucoup plus fondamentale, beaucoup plus générale,
de manière à laisser à l'entreprise la
responsabilité d'adapter sa main-d'oeuvre à ses besoins?
M. Raymond: On est tout à fait d'accord avec votre point
de vue, Mme Blackburn. Ce qu'on dit c'est qu'il ne faut pas
nécessairement orienter l'enseignement et la recherche directement sur
les besoins de l'entreprise ou du marché du travail. Au contraire. Je
pense qu'il y a des finalités respectives de la part des entreprises, du
milieu communautaire, et des finalités respectives des
universités, la recherche fondamentale. On pense qu'une meilleure
relation entre les finalités de l'entreprise et celles de
l'université va donner un produit fini qui va ressembler à
quelque chose d'intéressant.
Mme Blackburn: Bien. M. Raymond:
D'équilibré.
Mme Blackburn: Oui. Vous parlez beaucoup de
planification-évaluation. Encore une fois, je dis que c'est une
préoccupation qui est tout à votre honneur. Car, selon certains
avis, cela n'est pas nécessairement ce qui a toujours marqué le
développement du réseau universitaire au Québec.
Je voudrais brièvement revenir sur cette question. C'est à
la page 11, mais le texte que vous nous avez remis ce matin n'est pas
paginé. Cela serait 12 finalement avec la page qui s'est ajoutée.
Vous parlez de modulation de la tâche des professeurs. Je pense que cela
fait partie des critères. Ensuite, vous les ramenez dans ce que
devraient être les critères d'évaluation des
professeurs.
J'aimerais juste voir avec vous comment vous envisagez la modulation?
Est-ce que vous pensez à une modulation de la tâche des
professeurs ou tout simplement... Vous parlez de rééquilibrage,
cela veut dire quoi exactement?
M. Raymond: J'ai dit équilibrage. Par modulation, on
entend que les professeurs plus performants en enseignement vont faire
juste de l'enseignement, et ceux qui sont plus performants en recherche
vont faire juste de la recherche.
Mme Blackburn: Cela veut dire cela.
M. Raymond: On est contre ce point de vue. On dit: autant on doit
mettre de l'énergie au niveau de l'enseignement, autant on doit mettre
de l'énergie au niveau de la recherche, également dans les
services à la collectivité, les modulations, parce qu'un bon
chercheur est aussi un bon enseignant et vice versa. C'est pour cela qu'on vise
l'équilibre d'abord et avant tout dans un professeur, et c'est ce qui va
justement donner un enseignement de qualité et une recherche de
qualité.
Mme Blackburn: Mais est-ce que vous privilégiez de confier
plus de tâches d'enseignement à un professeur qui a plus
d'aptitudes à communiquer"?
M. Raymond: Non, on pense...
Mme Blackburn: Ou si vous dites les deux, que c'est vraiment un
équilibre entre l'enseignement et la recherche qu'on devrait viser?
M. Raymond: On pense plutôt, dans la perspective
d'évaluation formative, qu'un bon enseignant qui n'est pas bon chercheur
devrait être aidé à être bon chercheur
également.
Mme Blackburn: Alors, ce n'est pas une modulation comme on
l'entend généralement. Très bien.
Vous parlez de critères d'évaluation et vous identifiez
ici à la quinzième recommandation une série de
critères sur lesquels les professeurs devraient être
évalués. Est-ce que vous voyez que les étudiants ont un
rôle à jouer dans cette évaluation?
M. Raymond: Tout à fait.
Mme Blackburn: Le deuxième volet de la question, qui se
rapproche un peu de cette préoccupation, est: Le Conseil des
universités, hier, proposait de modifier les règles de nomination
des représentants socio-économiques au conseil d'administration
des universités, de manière à renforcer leur poids. Je
voulais voir comment vous réagissez par rapport à cette
recommandation et à la première par rapport à votre
participation, finalement, aux diverses instances à l'intérieur
d'universités, donc, de l'évaluation?
M. Gallant: Pour ce qui est de l'évaluation, comme je le
précisais plus tôt, il est évident que les étudiants
ont un rôle primordial à jouer en ce qui a trait à
l'évaluation de l'enseignement et l'évaluation des professeurs.
Pour seulement répéter quelques détails que je
précisais plus tôt, compte tenu du temps et compte tenu aussi
qu'on est les principaux usagers en ce qui a trait à l'éducation
dans les universités, on est, en fait, des interlocuteurs
privilégiés pour juger et évaluer l'enseignement qu'on
reçoit. Alors, notre rôle, il s'agit maintenant d'avoir les moyens
pour qu'on puisse assurer notre rôle. On demande d'avoir les moyens au
niveau des structures des universités pour qu'on puisse enfin
procéder à l'évaluation. Alors on pourra jouir pleinement
de notre rôle, un rôle qui est, en fait, nécessaire dans le
vécu des universités.
M. Raymond: Pour votre deuxième sous-question, je pense
que dans une perspective d'équilibre, si on voulait accroître le
nombre de représentants socio-économiques présents au
conseil d'administration des universités, on est tout à fait
d'accord, pour autant qu'on accroît le nombre de représentants
étudiants au conseil d'administration. Je pense que cela pourrait
être bénéfique compte tenu que les professeurs jouent
actuellement un rôle assez important; on connaît la
résistance qu'ils ont à parler d'évaluation, parce que
souvent cela leur est présenté comme une espèce de chasse
aux sorcières, alors que cela n'est absolument pas notre objectif. Notre
objectif est formatif et il est positif. Il vise le progrès plutôt
qu'une "chasse aux sorcières", entre guillemets. On a beaucoup de mal
à faire admettre cela.
Mme Blackburn: D'accord. C'est qu'actuellement, en fait, il y a
deux tendances qui viennent se renforcer l'une et l'autre, c'est-à-dire
un discours qu'on comprend et qu'on accepte en partie et qui veut renforcer le
rapport entre l'université et l'entreprise. Si, en même temps, on
renforce le poids des socio-économiques sur les conseils
d'administration, si ces socio-économiques viennent massivement ou
majoritairement des milieux de la grande entreprise, ne craignez-vous pas
qu'à un moment donné cela finisse par grossir la mission des
universités?
M. Raymond: Majoritairement, cela serait effectivement dangereux.
C'est pour cela qu'on pense qu'il faut maintenir un certain équilibre.
Mais, dans les socio-économiques, il n'y a pas seulement les gens
d'entreprise. J'espère qu'on pense aussi à des gens qui viennent
du milieu communautaire.
Mme Blackburn: Je pensais aux quatre dernières
nominations.
M. Raymond: Oui, d'accord.
Mme Blackburn: Je vais passer la parole è mon
collègue avec l'autorisation du président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): La parole est au
député de Sherbrooke.
M. Hamel (Sherbrooke): M. le Président, il y a un aspect
qui me préoccupe particulièrement. C'est toute la question de
l'abandon des étudiants au 1er cycle. Hier, on a eu certaines
données. J'aurais deux volets à cette question. D'abord, on
voyait des chiffres où l'on mentionnait qu'il y avait 50 % d'abandon au
1er cycle. Est-ce que vous croyez que ce chiffre est relativement exact?
Deuxièmement, comment pouvez-vous expliquer ce phénomène
d'abandon aussi élevé au 1er cycle?
M. Raymond: La question des 50 % d'abandon, on n'a pas
véritablement... Vous nous apprenez les données. On peut
émettre, à ce moment-là, toutes sortes
d'hypothèses. Est-ce que c'est l'endettement qui les incite à
abandonner leurs études? Est-ce que ce sont les exigences trop grandes
de la part des universités? Cela reste à explorer. Je pense que
l'endettement est un facteur impartant. Compte tenu des résultats que
cela donne, s'ils ne se trouvent pas d'emploi, cela ne vaut pas la peine de
s'endetter.
M. Hamel (Sherbrooke): Pour vous, l'endettement expliquerait le
phénomène d'abandon.
M. Raymond: J'ai dit que cela était une variable qui
pouvait influencer l'abandon et non pas la variable.
M. Hamel (Sherbrooke): Mais, est-ce qu'il y a d'autres
situations?
M. Raymond: Bien, comme je vous le dis, cela peut être une
démotîvation. C'est une variable également. L'autre
variable peut être aussi les exigences par rapport aux aptitudes de
l'étudiant. On peut émettre une foule d'hypothèses, mais
retenons celle de l'endettement qui en est une.
M. Hamel (Sherbrooke): Mais, vous autres, vous n'avez pas
creusé plus à fond ce phénomène pour voir s'il y a
vraiment quelque chose de particulier qui fait qu'on arrive peut-être
à 50 % d'abandon au 1er cycle, ce qui est quand même assez
élevé?
M. Raymond: Bien, écoutez, il y a la FAECUM, c'est une
association d'étudiants de l'Université de Montréal qui a
fait un espèce de petit sondage sur le doublement des frais de
scolarité. C'est leur réponse par rapport au doublement des frais
de scolarité. On dit là-dedans que, si on doublait les frais de
scolarité, parmi les personnes qui seraient intéressées
à poursuivre leurs études aux 2e et 3e cycles, il y en a 26 % qui
abandonneraient et qui se contenteraient d'un baccalauréat. C'est pour
cela qu'on s'appuie là-dessus, justement pour indiquer que c'est une
variable qui peut être déterminante.
M. Hamel (Sherbrooke): Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions? Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: J'ai lu avec beaucoup d'attention votre
mémoire et je trouve que vous avez très bien fait vos devoirs. En
tout cas, vous avez essayé d'aller dans la réflexion qui vous
semblait la plus logique, compte tenu de la situation que vous occupez
actuellement en tant qu'étudiants.
Compte tenu de ce contexte, il m'est venu certaines questions que
j'aurais aimé vous poser au moment où je faisais ma propre
lecture, à savoir justement la part qu'on vous réserve ou
l'accueil qu'on vous réserve, est-ce que vous en êtes satisfaits?
Compte tenu des réponses qu'on vous donne, est-ce que vous ne vous
sentez pas leurrés par moment et est-ce que cela n'apporte pas une
certaine démotivation en ce qui a trait, justement, à
l'engagement des étudiants?
M. Gallant: Pouvez-vous préciser l'apport à quel
sujet? Vous parlez d'apport et de situation.
Mme Vermette: En fait, on parle actuellement de l'orientation et
on met beaucoup l'accent sur les frais de scolarité. Tout ce qui ressort
de votre mémoire, c'est que, de toute façon, ce n'est pas
uniquement le problème du dégel des frais de scolarité,
mais c'est aussi toute l'orientation, la mission de l'université et le
rôle que devrait jouer l'université, et justement votre prise de
position par rapport au rôle que devrait jouer l'université pour
l'an 2000. (11 heures)
M. Gallant: Justement, à l'intérieur de notre
mémoire, on a cru bon de mettre le problème plus globalement.
Actuellement, on entend beaucoup plus parler uniquement de la question
uniquement des frais de scolarité. On serait même porté
à croire que c'est la seule solution au malaise des universités,
alors que, quand il s'agit des promesses du parti actuellement au pouvoir, il
ne semble pas y avoir respect de ces promesses. On patine actuellement è
ce niveau. C'est pourquoi on veut aujourd'hui, par la présentation de ce
mémoire, présenter le problème de façon plus
globale et dire qu'à l'intérieur du problème du
financement des universités il y a plusieurs parties de solution et on a
tenté de les incorporer dans ce mémoire.
Mme Vermette: Est-ce que vous trouvez qu'on donne une large place
aux solutions que vous apportez et est-ce que vous espérez qu'elles
soient vraiment prises en considération? Vous attendez une attitude de
la part des gens?
M. Gallant: Une attitude une peu plus positive et un peu plus
concrète de la part du parti au pouvoir actuellement. On s'attend que le
gouvernement pose des actions concrètes, que le gouvernement cesse de
changer d'idée de semaine en semaine et qu'enfin on passe aux
changements nécessaires dans les universités, changements qui
vont procurer justement un meilleur financement.
Mme Vermette: Au tout début de votre mémoire, vous
dites qu'en fin de compte il y a une mauvaise utilisation des ressources. De
quoi tenez-vous compte... Avez-vous des données qui pourraient justement
soutenir les mauvaises utilisations de ressources?
M. Raymond: Premièrement, juste le fait qu'il y ait une
absence de politique d'évaluation des ressources, c'est tout à
fait curieux et peut-être même unique en Amérique du Nord en
ce qui concerne cette question.
Deuxièmement, il y a des exemples concrets qui vous seront
présentés de mauvaise gestion de la part de nos associations
membres au niveau des services auxiliaires, entre autres, et également
à d'autres niveaux. On leur laisse l'occasion de vous en livrer la
preuve.
M. Munger: Si je peux me permettre, quant à nous, c'est
clair. On parlait de démotivation tout à l'heure. On se rend
compte que, d'une part, au niveau du gouvernement on se demande s'il y a un
désir d'orientation des universités et un désir de voir un
peu à ce que les universités... Il ne s'agit pas seulement de
regarder ce que cela coûte, mais plutôt ce que cela rapporte et
comment faire en sorte que cela rapporte plus à la société
québécoise. On voit un relâchement général et
un manque de légitimité de l'université. On dirait que
l'université perd sa légitimité et que tout le monde les
laisse aller seules. On pense qu'il est important que le gouvernement, avec des
mécanismes d'évaluation, fixe des objectifs aux
universités et impose certains mécanismes qui fassent en sorte
que les universités atteignent ces objectifs. On n'est pas à
mettre le blâme à 100 % sur les universités. On
considère que, depuis les dernières années, on se demande
où la société québécoise veut que les
universités aillent. Il serait temps que, par la voix de ses
représentants, la société québécoise dise:
Les universités, on veut que ça donne cela et prenez les moyens
pour que cela donne ça. On trouve qu'il y a une dévalorisation
totale de cela à l'heure actuelle.
Mme Vermette: Vous appelez cela de la saine gestion? Une saine
gestion, à mon avis, c'est de la planification. La planification, c'est
la recherche d'éléments de solution et la retenue de la meilleure
solution.
M. Raymond: C'est cela. Un petit aparté sur les frais
afférents, le petit cadeau qu'on nous a livré dernièrement
dans les universités. Juste un exemple: ft l'Université de
Montréal, on demande où sont attribués ces 40 $ de frais
afférents et on n'a aucun plan d'attribution de ces ressources dans le
matériel didactique. On n'est pas capable de nous prouver actuellement
comment sera distribuée cette somme pour des fins de matériel
didactique. Déjà là, c'est scandaleux!
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je m'interroge un
peu dans votre rapport parce que vous semblez demander au gouvernement de
s'immiscer davantage dans la mission de l'université. Alors, cela laisse
quasiment sous-entendre que vous voudriez avoir une université
d'État, c'est-à-dire que vous voudriez avoir plus d'implications
du gouvernement dans le processus décisionnel des universités
sous une orientation des programmes etc. Je voudrais bien vous entendre dire si
vous voulez que l'État définisse davantage le rôle des
universités. N'oubliez pas qu'à l'heure actuelle, au
Québec, l'autonomie des universités, c'est très important
et cela doit être maintenu. Je pense qu'on doit rechercher et favoriser
cela. J'aimerais que vous me précisiez si c'est votre volonté de
voir à ce que l'État soit de plus en plus présent dans le
processus de définition d'un plan de développement des
universités.
M. Raymond: Premièrement, l'autonomie universitaire a sa
raison d'être si elle a une utilité quelconque. On s'entend sur
l'autonomie universitaire, on est d'accord avec cela. Toutefois, il ne faudrait
pas croire que le gouvernement n'intervient pas actuellement dans les
universités, les règles d'attribution de subventions de
fonctionnement. Quand on dit: On prélève les sommes qui vont
être affectées pour le financement des clientèles
additionnelles, cela veut dire qu'on crée une espèce de
concurrence et on veut réaliser les économies d'échelle;
c'est l'objectif du gouvernement. On se trouve dans des situations et les
universités sont aux prises avec cela. Quand le gouvernement change sa
politique à tous les ans, les
universités ne peuvent pas se planifier. Ont-elles les moyens de
justifier que leur autonomie peut être utile à ce
moment-là? Il y a une différence entre faire de
l'ingérence indirectement dans les universités et la faire
directement. On demande que le gouvernement parle clairement, définisse
ses objectifs de façon générale et que les
universités s'y adaptent. Le gouvernement a une responsabilité,
c'est lui qui finance, c'est la société qui finance les
universités. Le gouvernement et tout le monde sont redevables devant le
financement des universités.
M. Tremblay (Rimouski): Lorsque vous parlez de services aux
collectivités, cela veut dire que vous voudriez que le gouvernement
impose aux universités d'augmenter les services aux
collectivités, de développer une nouvelle mission à
l'université. C'est cela que vous voulez?
M. Raymond: Non, ce n'est pas que le gouvernement impose, c'est
qu'on veut avoir une formation pratique. On veut que les universités se
"ploguent" sur le milieu parce que c'est là qu'on va aller chercher une
expérience pratique.
M. Tremblay (Rimouski): Un moment! Il ne faudrait peut-être
pas jeter tout le blâme sur les universités actuellement. Elles
rendent déjà un service à la collectivité par les
enseignements qu'elles donnent et par les spécialistes qui les
dispensent. La formation des médecins, la formation des avocats, la
formation des spécialités traditionnelles, c'est tout de
même un service à la collectivité actuellement.
Qu'entendez-vous par votre "service à la collectivité"? Quelle
est votre définition? Quelle est votre mission? Allez donc plus loin un
peu et essayez de nous informer davantage sur votre perception ou votre vision
à long terme de cela? Qu'est-ce que c'est?
M. Raymond: Vous avez les stages qui sont bons pour les avocats,
les notaires, les rnédedins. Vous avez les services aux
collectivités; par exemple, il y a des programmes de stages à
l'intérieur des programmes et un étudiant en sciences politiques
peut difficilement intervenir dans le milieu communautaire pour les aider. Il y
a un besoin dans le milieu communautaire. Des gens attendent de
l'université. D'autres la considèrent comme une espèce de
tour d'ivoire. On est redevable devant la société et on veut
travailler avec elle. Cela veut dire quelque chose.
Ce sont tous les organismes qui demandent des projets aux
étudiants, qui demandent de travailler avec eux. C'est ventilé
par département. À l'Université de Montréal, il y a
deux employés qui travaillent là-dessus, ce sont des
étudiants. Je vous jure qu'on en arrache. Â l'Université
Laval, c'est encore plus que cela. Ce sont des projets concrets et ils sont sur
la table.
M. Munger: Si je peux me permettre... Le Président (M.
Parent, Sauvé): Allez.
M. Munger: ...pour savoir vraiment où on veut en venir
avec la mission de services aux collectivités - cette définition
n'est pas de nous - je vous invite à consulter les avis du Conseil des
universités à ce sujet et les actes du colloque du Conseil des
universités sur les services aux collectivités. On n'a rien
inventé en parlant de cela. Le Conseil des universités dit
lui-même que c'est actuellement dans la mission des
universités.
M. Tremblay (Rimouski): Je voudrais revenir sur la
présence. Tout à l'heure, vous sembliez soutenir que vous
n'étiez pas tellement présents dans le processus
décisionnel des universités. Vous avez tout de même
vécu les neuf dernières années sous l'ancien
régime. Pensez-vous qu'avec le nouveau régime, vous allez avoir
plus de représentation? C'est cela?
M. Raymond: Pourquoi pas?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez
terminé, M. le député? Je reconnais maintenant le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, je vous
remercie comme tous les autres collègues de la teneur de votre document
qui va plus loin que les seules discussions qu'on entend depuis un bout de
temps, à savoir que l'augmentation des frais de scolarité est
demandée soit par les gens en place au gouvernement ou par
l'intermédiaire des universités.
J'aurai trois questions. La première se situe à la page 6
du document que j'ai renuméroté, comme disait ma collègue
tout à l'heure, de votre résumé, la proposition no 5. On
dit: "Le gouvernement «encourage au moyen d'incitatifs fiscaux la
participation des entreprises et des particuliers dans le financement
général des universités." J'aimerais savoir de votre part,
si votre réflexion a été jusqu'à ce niveau, quelle
sorte de moyens fiscaux - je l'ai posé aux recteurs des
universités hier - verriez-vous comme possibles à ce sujet?
M. Raymond: Je dois avouer candidement que sur les
méthodes peut-être actuarielles, je pourrais me mêler
joyeusement, sauf que donnons-nous l'objectif d'aller chercher la contribution
des entreprises. Je pense qu'il y a des gens spécialisés ici qui
vont définir les mécanismes appropriés.
(11 h 15)
M. Jolivet: Une deuxième partie. Ma collègue
faisait mention d'un danger qui peut exister en ce sens d'adapter les besoins
de l'université aux besoins du milieu du travail, du secteur du travail,
est-ce que - ce n'est pas cela que vous proposez, j'en suis assuré -il
n'y a pas un danger que des gens interprètent cela justement comme
étant dans le contexte actuel: "business is business".
M. Raymond: Si vous lisez la recommandation 6: "que le
financement direct des entreprises liées a la recherche s'insère
à l'intérieur d'une politique claire des universités
concernant le développement de la recherche", cela veut dire que les
projets des entreprises devront s'insérer à l'intérieur
des objectifs prédéfinis par les institutions et plus
généralement par le gouvernement.
M. Jolivet: Deuxième question, cela a trait a ce qu'on a
entendu hier et à ce qu'on entend encore un peu partout. On dit que les
universités ont besoin de revenus additionnels. Plusieurs
suggèrent des moyens, ils disent que ces moyens doivent être
l'augmentation des frais de scolarité eu égard à des
modalités à ce niveau. On parle d'autres revenus qui sont
subventionnaires. On dit que le gouvernement - pour revenir à la
question du député de Rimouski - déjà, il ne faut
pas l'oublier, subventionne à 85 % dans une formule historique, mais en
tenant compte aussi que si les universités reçoivent des sommes
de revenus autonomes, à ce moment elles sont diminuées des
subventions.
Dans ce contexe, comment vous sentez-vous face à ces
propositions? Parce que vous en faites une série à la fin de vos
recommandations, par rapport à ces recommandations qui sont faites un
peu partout?
M. Raymond: Est-ce qu'on vise directement les frais de
scolarité?
M. Jolivet: Cela peut être toutes sortes de revenus.
M. Raymond: D'abord et avant tout, sur le diagnostic du
financement, je pense qu'on l'a mentionné au début, ce serait
dangereux de s'aligner vers des solutions faciles, aller chercher, patcher le
financement. Il faut d'abord et avant tout savoir où va cet argent avant
de demander si on en a besoin de plus. C'est cela notre argumentation. On dit:
Si vous augmentez les frais de scolarité, c'est de l'argent gratuit aux
universités, est-ce qu'elles vont être tentées de se mettre
des politiques d'évaluation pour savoir où vont les ressources?
Non, cela va retarder le problème et cela va le cristalliser.
M. Jolivet: Est-ce que, à ce moment-là, vous
n'êtes pas tenté de dire que les ressources sont suffisantes, que
c'est peut-être la mauvaise utilisation des ressources? Vous n'allez pas
jusque-là, j'espère!
M. Raymond: Commençons par savoir où va l'argent,
comment il est géré; par la suite, on déterminera si
l'université est surfinancée ou sous-financée.
M. Jolivet: Merci. La troisième question a trait à
une phrase qu'on entend. On a parlé de l'augmentation du système
des prêts et bourses, en augmentant les prêts et en diminuant les
bourses, et on a dit: Cela ne fera de mal è personne. On n'a pas
déterminé si, à la toute fin, cela avait un effet sur la
capacité et l'entrée à l'université de certains
jeunes. On dit: Ce sont des privilégiés; et dans le fond ils
n'ont pas besoin de cela. Il y a des prêts qui vont être
suffisants. Ce n'est pas à la société de payer pour des
gens qui, plus tard, auront des niveaux élevés, à un point
tel qu'ils n'auront pas de difficulté à se trouver du travail. En
fait, on entend ces phrases. Comment vous situez-vous dans tout cela?
M. Munger: M. le député, on considère que
oui on est des privilégiés. Et c'est pour cela qu'on veut que les
ressources de l'université profitent à la société.
On veut en faire profiter. On veut travailler avec des gens qui n'ont pas les
ressources qu'on peut avoir à l'université. On veut que
l'accès à l'université soit conservé. On veut que
les étudiants ne soient pas découragés par des
désincitatifs financiers ou culturels ou quoi que ce soit, pour qu'ils
puissent profiter... Et on veut que l'université parce qu'il n'y a pas
seulement les étudiants qui y sont privilégiés, il y a
beaucoup de gens qui sont privilégiés à
l'université. On veut que l'université serve à la
société pour redistribuer le privilège.
M. Raymond: On est redevable devant la société.
C'est pour cela qu'on se pose des questions quant à l'esprit de
"redevabilité" qu'ont les professeurs ou les administrateurs, qui sont
pas mal plus préoccupés par les déficits d'un service
alimentaire que par le développement des centres de service à la
communauté.
M. Jolivet: Une dernière sous-question, qui a trait
à des promesses qui ont été faites en campagne
électorale. Il y a des résultats qu'on a aujourd'hui. Comment
vous situez-vous dans ce qu'on a fait comme promesses à l'époque,
parce que vous en faites mention un peu dans votre document? Et par rapport
à ce qu'on connaît aujourd'hui, la discussion qui a
été amorcée
et qui parle seulement de revenus et qui oublie l'autre facette dont
vous faites mention depuis ce matin? Si on augmente les revenus, si jamais on
en avait besoin, à quoi vont-ils servir? Si on ne les augmente pas ou si
on les redistribue autrement, on voudrait, comme étudiants,
connaître, de la part des administrateurs universitaires, l'utilisation
qu'ils font de ces sommes? Donc, ce que vous dites c'est qu'on veut savoir
où va l'argent et, ensuite, on déterminera si oui ou non il
manque de l'argent et quels revenus additionnels devront être
placés dans le système universitaire.
M. Raymond: Tout à fait. Cela commence par une
prémisse, c'est-à-dire instaurer une politique
d'évaluation. Concernant les promesses du Parti libéral, vous
savez, on a une très bonne mémoire -même la photocopieuse!
- et on voit qu'à l'intérieur des priorités "jeunesse", on
lit "gel des frais de scolarité pour maintenir l'accessibilité a
l'éducation". On lit également, en-dessous, "créer un
conseil permanent de la jeunesse pour assurer une voix aux jeunes dans les
décisions gouvernementales". Je pense que, s'il y a une décision
qui affecterait le sort des étudiants, c'est bien te dégel des
frais de scolarité. C'est pour cela qu'on veut que cela passe par
là avant.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. le député de Laviolette. Je reconnais M. le
député de Richelieu.
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Afin de préciser
deux points, deux volets, me permettez-vous de vous demander un peu de
clarification? Dans le premier point, vous avez répondu partiellement au
député de Rimouski concernant les rapports entre
l'université, la recherche et les besoins de la société.
Comment voyez-vous cela? Si ce n'est pas l'État qui chapeaute tout, quel
organisme peut le faire? C'est le premier volet de ma question. Le
deuxième volet concerne l'évaluation. Quand on parle de
l'évaluation de la compétence des enseignants, de l'enseignement
et des professeurs, qui fera, selon vous, cette évaluation? Cette
évaluation se fera selon quels objectifs, sous quelle forme? Est-ce que,
dans votre vision des choses, vous voyez les groupes socio-économiques
à l'intérieur de ce processus d'évaluation? Sans alimenter
le discours plein de sous-entendus de la députée de Chicoutimi,
j'aimerais avoir plus de précisions quant à l'évaluation
à laquelle vous pensez? Est-ce que vous faites l'évaluation de
l'enseignement? Est-ce que vous pensez faire l'évaluation de la
compétence, dans le domaine de la recherche, des professeurs, de
l'enseignement? C'est quoi votre cadre général?
M. Munger: On parle de l'évaluation, bien sûr, de
l'enseignement. Il y a déjà dans certaines universités des
politiques d'évaluation de la recherche. On considère qu'il faut
que cela se fasse aussi. Ce sont toutes les facettes de l'université qui
doivent Être évaluées en quelque sorte pour voir, avec
l'argent investi par la société, quel rendement, quel retour
donne l'université à la société. C'est beau dire
qu'il y a sous-financement ou qu'il y a trop de financement, mais pour faire
quoi? Je pense qu'il faut regarder le produit final aussi, ce qui sort des
universités et c'est par l'évaluation qu'on peut voir cela.
Qui fera cette évaluation? C'est sûr qu'à des
niveaux très terre à terre, on considère que les
étudiants ont leur rôle à jouer dans le processus
d'évaluation, surtout de l'enseignement. Les professeurs eux-mêmes
ont un certain rôle à jouer, les administrations universitaires
aussi. Qui chapeauterait ces mécanismes d'évaluation? Ce ne sont
pas seulement des individus, mais il y a aussi les unités
d'enseignement, les unités des différents services des
universités. Il y a une de nos associations qui présentera, au
cours de la semaine prochaine, des propositions à cet effet,
c'est-à-dire un genre d'organisme avec certains contrôles pour
vérifier ce qui se fait dans les universités. Donc, on laisse
à nos associations le soin de mener ce projet.
M. Khelfa: Du côté pratico-pratique, vous faites une
évaluation de toutes les instances, incluant celle des
étudiants?
M. Munger: Pardon?
M. Khelfa: Vous faites une évaluation de toutes les
instances de l'université, professeurs, administration, recherche
même les associations étudiantes?
M. Munger: Les associations étudiantes sont
financées par leurs membres. Elles ne sont pas financées par la
société.
M. Khelfa: Je pose la question au point de vue
pratico-pratique.
M. Raymond: L'évaluation pour l'association
étudiante, c'est la même que la vôtre, c'est
l'élection.
M. Khelfa: Mais celle des professeurs, c'est le choix de...
M. Raymond: Regardez quelque chose d'intéressant. À
l'UQAM, c'est intégré à la convention collective. On
mesure des choses très concrètes. Est-ce que les étudiants
sont
satisfaits du cours? Il y a des critères qualitatifs. C'est une
espèce de comité de trois professeurs qui décide s'il y a
lieu d'accorder une promotion sur le plan de l'enseignement. Ce sont des
mécanismes qui avaient été en annexe dans le rapport de la
commission Angers en 1978 qui soulignait de graves problèmes qui n'ont
toujours pas été réglés. Ce sont des pistes
intéressantes à observer.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M.
Raymond, de votre explication.
Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: J'aurais le goût de revenir un peu sur la
question que vous avez abordée brièvement tout à l'heure,
soit les résultats d'un sondage qui a été fait, je pense,
par les étudiants de l'UDM, qui démontreraient que si les frais
de scolarité doublaient, cela aurait des effets sur
l'accessibilité, sur l'accès aux études supérieures
et sur l'incitation. Êtes-vous à même de me dire si les
résultats qu'on retrouve dans ce sondage semblent refléter assez
justement la réalité des universités qui sont membres du
RAEU?
M. Raymond: Je vous en fournirai une copie. La
méthodologie, c'est un sondage scientifique réalisé par la
firme Léger et Lepage. Il y a 1038 répondants répartis
dans sept ou huit universités. Cela comprend McGill, toutes les
associations membres du RAEU et également l'Université du
Québec à Montréal et des universités du
Québec en région. Je pense que Chicoutimi est dans le
circuit.
Mme Blackburn: Autrement dit, vous dites que ce qui est
là-dedans reflète vraisemblablement ce qu'on peut retrouver...
Vous n'avez pas ou peu réagi ou fait un rapport entre une hausse des
frais de scolarité, qui semble vouloir être de plus en plus
prévisible, et l'effet cumulatif que cela pourrait avoir combiné
à d'autres décisions sur l'accessibilité. Je pense, entre
autres, aux frais afférents auxquels vous avez fait allusion, à
l'endettement de quelque 24 000 000 $ en prêts; on est passé de la
bourse aux prêts au printemps de cette année. Le rapport Gobeil
recommande, par ailleurs, de limiter la durée des études au
collégial, ce que j'ai appelé le ticket modérateur, parce
que quand cela dépasse tant de sessions il faudrait qu'ils paient des
frais de scolarité au niveau collégial. Il y a eu aussi
l'été dernier l'imposition des frais de scolarité dans la
plupart des cégeps du Québec pour les cours d'été.
Est-ce que vous avez déjà examiné ce que l'effet cumulatif
de ces mesures pouvait représenter?
M. Gallant: En fait, il n'existe pas de statistiques
précises là-dessus sauf qu'on peut voir qu'une augmentation des
frais de scolarité, proposée par exemple comme dans le rapport
Gobeil, serait néfaste pour l'ensemble des étudiants. Sous le
régime actuel ou encore sous l'ancien régime, lorsqu'on parlait
d'augmentation de frais de scolarité, on parlait aussi d'une
bonification du régime d'aide financière. La bonification de ce
même régime passe d'abord et avant tout par la bonification et
l'augmentation du prêt et la diminution de la bourse. Le résultat
en est un accroissement de l'endettement. Qu'on ne nous fasse pas croire qu'il
n'y aura pas de difficulté d'accès parce que, si on augmente
l'endettement étudiant qui est déjà quand même assez
important, si on pense qu'après un bac cela tournerait autour de 9000 $
à 10 000 $ d'endettement pour quelqu'un qui reçoit de l'aide
financière au collégial et à l'université... Si on
augmente encore cet endettement, c'est une barrière évidente, non
pas la seule, pour ce qui est de la scolarisation de la société
québécoise. Est-ce qu'on va bloquer la scolarisation de la
société par des mesures néfastes à cette
scolarisation?
Mme Blackburn: Vous dites qu'il y a un préalable avant
toute discussion sur une hausse des frais de scolarité, qu'on se donne
d'abord une politique touchant le développement des universités,
enseignement, recherche et services à la collectivité, qu'on se
donne des moyens de contrôler l'atteinte des objectifs qu'on se sera
donnés et, ensuite, on sera en mesure de se dire s'il manque de l'argent
dans les universités. Mais, vraisemblablement - je dirais que cela fait
l'unanimité, à part quelques mémoires -on pense que si on
compare la situation des universités au Québec avec celle de
l'Ontario, pour ne pas la nommer, il y a effectivement des écarts. Il y
aurait un manque à gagner.
Dans cette hypothèse qu'il faudrait éventuellement
chercher de nouvelles sources de financement, avez-vous envisagé une
autre façon d'aller chercher les frais de scolarité que par la
formule actuelle qui est unique, indépendamment ou presque du coût
du programme et de la durée des études? Est-ce que vous avez
déjà envisagé... je pensais entre autres à une
hypothèse qui a été mise sur la table hier et qui parle
d'un impôt universitaire?
M. Gallant: L'augmentation des frais de scolarité, en
fait, cela constitue une béquille uniquement au problème du
financement des universités. D'abord et avant tout, nous devons
procéder, l'ensemble des intervenants au niveau universitaire, aux
réformes nécessaires, que ce soit au niveau de la gestion, au
niveau pédagogique. Ces réformes
sont d'abord et avant tout nécessaires, ensuite on sera en mesure
d'évaluer si réellement une augmentation des frais de
scolarité constituerait l'élément sauveur du réseau
universitaire québécois. À notre avis, ce n'est absolument
pas le cas.
Pour ce qui est de la proposition d'un impôt universitaire, il
s'agit d'une bonne idée, d'un chemin intéressant au niveau de la
discussion. Précisément, concernant un impôt et le
régime d'aide financière, ce régime mérite aussi
des réformes majeures, des réformes qui sont demandées
depuis un certain bon moment. On a eu quelques parcelles de réforme
très mineure du gouvernement actuel. Encore là, c'est très
peu. Cela demande plus. On doit procéder, dans les plus brefs
délais, à une réforme, à l'étude des
différents chemins qu'on pourrait suivre pour rendre ce régime
équitable pour l'ensemble des étudiants et des étudiantes
au Québec.
Mme Blackburn: Voulez-vous nous parler brièvement, parce
qu'on vient de me dire qu'il me reste peu de temps, de ce que seraient les
modifications les plus importantes à apporter au régime d'aide
financière aux étudiants?
M. Gallant: Dans l'ensemble, actuellement on se fie à la
capacité financière des parents lorsque l'étudiant rentre
à l'université. Cela pourrait être un exemple. Pourquoi ne
pas se fier à la capacité financière de l'étudiant
au moment où ce dernier a un emploi et qu'il peut subvenir, qu'il peut
rembourser l'ensemble des dettes contractées à ce
moment-là? Parmi d'autres réformes, on a quand même
apporté des parcelles de solution, mais les étudiants en
régions, tout ce qui concerne les familles monoparentales à ce
niveau, etc., cela mérite une attention particulière et un
cheminement quand même assez rapide.
Mme Blackburn: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. Gallant, de votre réponse. Je reconnais maintenant Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Vous avez dit tout
à l'heure que notre gouvernement patine sur la question des frais de
scolarité. Nous ne patinons pas sur cette question. Nous cherchons des
solutions afin de valoriser nos universités, la mission de nos
universités, et de mettre nos universités sur une base solide
pour l'avenir. C'est évident qu'il faut examiner tous les
éléments de la solution ou les solutions possibles. Il y a deux
problèmes auxquels il faut s'intéresser. Il y a le
problème chronique de sous-financement des universités. Il est
évident qu'il y a un large consensus sur cette réalité. Un
des éléments qu'il faut examiner pour solutionner ce
sous-financement chronique est le niveau des frais de scolarité. Le
deuxième problème auquel il faut s'intéresser, c'est la
nécessité d'assurer que les fonds disponibles soient
utilisés d'une façon efficace pour des fins pertinentes. C'est
surtout sur le deuxième problème que votre mémoire est
axé. Votre analyse est très dure, et je crois que la plus grande
partie de votre analyse porte sur la mission universitaire. Ma question est
celle-ci: À votre avis, quelle est la mission d'une université?
(11 h 30)
M. Raymond: C'est de répondre aux besoins et aux attentes
de la société.
M. Munger: D'accord, en matière de formation, c'est
sûr qu'il y a une mission fondamentale de l'université. On parle
aussi de champs assez connus, au niveau de la recherche des universités.
L'université doit être à l'avant-garde de la connaissance.
Or, pour être à l'avant-garde, il faut au moins savoir ce qui se
fait à côté. On considère que ce contact est
manquant tant au niveau de la recherche, qu'au niveau de la formation. Il y a
aussi... Un des contacts pour le faire, c'est au niveau des services avec la
collectivité et au niveau des liens avec l'entreprise qu'il faut que
cela se fasse. Donc, on considère qu'une université, en ne
développant pas ces missions, ne développe pas ses missions
fondamentales. C'est pour cela, entre autres, qu'on a vu se développer
beaucoup de centres de recherche parallèles aux universités -
c'est une des raisons, je ne dis pas que c'est la seule raison - de centres de
recherche privés. On considère que l'université accomplit
mal ces missions. Puis, avant peut-être de regarder le niveau de
financement, de dire que l'université est sous-financée, elle est
sous-financée par rapport à quoi? Qu'est-ce qu'on veut que
l'université fasse? C'est peut-être cela qu'il faudrait que le
gouvernement fasse à un moment donné, mettre une politique
claire. L'objectif de l'université, c'est cela. Parler de
sous-financement dans les airs...
Mme Dougherty: Ma question est: Qu'est-ce que vous voulez
à l'université, de l'université?
M. Munger: Nous on veut de l'université une formation
adéquate; on veut de l'université une formation qui ne soit pas
déconnectée de ce qui se passe dans la société. Je
pense qu'on l'a répété à maintes reprises au cours
de la journée. On veut de l'université des professeurs qui ont
travaillé en termes de recherche, qui ont fait de la recherche et qui
nous donnent de la connaissance qui est à jour. Pas de la
connaissance qui date de dix ans: arrivés dans l'entreprise, on
se rend compte que c'est dépassé, ou arrivés dans tel ou
tel secteur de la société on se rend compte que c'est
dépassé. On veut de la recherche à jour pour avoir une
formation à jour. On veut que l'université soit à
l'écoute de ce qu'il y a à côté. Qu'est-ce qui se
passe? C'est quoi les besoins de la société? Par exemple, on
parle souvent de la baisse de crédit des sciences sociales à
l'heure actuelle. On croit, nous, que les sciences sociales ont encore leur
place à l'université. Beaucoup disent: oui, mais elles n'ont pas
leur place les sciences sociales. On croit que les sciences sociales ont encore
leur place, mais il y aurait peut-être lieu de faire une mise à
jour pour les nouveaux problèmes sociaux qui sont vécus par
exemple avec le virage technologique, ces choses là. Mais dans notre
formation, on n'entend pas parler de cela.
Ce qu'on veut, en gros, c'est avoir une formation à jour. Cela
passe par la recherche, cela passe par une pédagogie adéquate, et
cela passe par les services aux collectivités, et ce sont là,
selon nous, les trois missions fondamentales de l'université.
Mme Dougherty: Cela m'étonne qu'à votre
université - je ne sais pas quelle université vous
fréquentez - on ne parle pas du virage technologique. Est-ce que j'ai
bien compris? Par exemple, on n'entend rien sur l'implication du virage
technologique pour votre avenir?
M. Munger: Je m'excuse. Je parlais dans le domaine des sciences
sociales. Mais si cela vous étonne, il faudrait peut-être aller
voir, regarder la banque de cours des différents programmes
universitaires, regarder comment ces cours sont donnés, regarder si
cette banque de cours est à jour. Je suis heureux de votre
étonnement. C'est le manque d'information qu'il y a là à
l'heure actuelle. 11 y a un besoin de mécanismes d'évaluation des
programmes, d'évaluation des unités d'enseignement,
d'évaluation de la recherche. Avec cela, on va pouvoir dire si, par
rapport au financement que l'université a, elle donne les
résultats qu'on veut. Là on peut parler de sous-financement ou de
surfinancement. Mais avant d'avoir regardé cela, selon nous, on voit
simplement des colonnes de chiffres; mais des colonnes de chiffres, quand ce
n'est pas relié à quelque chose, cela ne donne pas
grand-chose.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Munger.
Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Je donne maintenant ta
parole au ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et
de la Science.
M. Ryan: Je voudrais tout d'abord m'excuser de mon retard ce
matin. Je devais participer à une réunion du Conseil des
ministres. On m'a retenu un peu plus longtemps que je ne l'avais pensé.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le mémoire que le
Rassemblement des associations d'étudiants universitaires aprésenté à la commission. Le mémoire se situe,
à mon point de vue, dans le prolongement de ce que le RAEU fait depuis
plusieurs années. Je pense qu'il y a des points très
intéressants pour nous autres dans ce que vous avez
présenté. En particulier, je ne serais peut-être pas
d'accord avec vous sur l'ordre des priorités dans les missions de
l'université, mais je pense que la mission de service à la
collectivité est une mission impartante, qui a peut-être
été mise en veilleuse ces dernières années à
cause de la chute des budgets et peut-être aussi d'un certain
essoufflement des milieux universitaires. Il ne suffit pas de partir en mission
ou de se donner une vocation, il faut qu'on sache la contribution
précise qu'on a à apporter dans la communauté.
Peut-être que, de ce côté-là, un certain
phénomène d'essoufflement a ralenti un mouvement qui me
paraissait plus vif à d'autres époques.
II y a une chose que je voudrais vous demander pour commencer.
J'aimerais que vous nous parliez un petit peu de ce que vous avez fait de ce
point de vue. Je me souviens qu'un jour, on m'avait raconté les
initiatives qui avaient été prises par le RAEU pour favoriser des
services à la communauté. Je ne sais pas si cela continue et si
vous pourriez nous en parler davantage. Je pense que cela serait
intéressant que la commission soit informée là-dessus.
M. Gallant: Oui, actuellement il existe toujours, dans les trois
universités où on les avait implantés, les centres
étudiants de services communautaires. Ces centres existent toujours et,
malgré un manque évident de financement, fonctionnent
relativement bien.
J'ai justement ici pour le CESC de l'Université de
Montréal, pour le CESC de la FAECUM, l'ensemble des projets pour
l'année en cours. C'est quand même assez impressionnant.
L'ensemble de. ces projets représente pour l'Université de
Montréal, mais le même nombre sinon plus se produit à
l'Université Laval et en moindre nombre mais assez considérable
à l'université en Abîtibi-Témiscamîngue.
Ces centres étudiants de services communautaires ont permis des
réalisations quand même assez intéressantes. Des projets
qui, aujourd'hui... Par exemple, la Société canadienne de la
sclérose en plaque a pris un projet CESC et puis maintenant a
diffusé l'ensemble de ce projet au niveau canadien parce que le projet
était de qualité, et tout cela. Ce qui manque actuellement, c'est
une
volonté réelle des universités de reconnaître
cette forme d'apprentissage, en fait, de même qu'un financement plus
stable, plus adéquat. Dans l'ensemble, cela fonctionne très
bien.
M. Ryan: Combien y a-t-il de projets en marche actuellement dans
les trois universités dont vous parlez?
M. Gallant: C'est en moyenne 200 à 250 projets
annuellement dans les trois universités. Remarquez que le nombre
d'employés est quand même restreint, ce qui restreint aussi le
nombre de projets qui peut se produire.
M. Ryan: Est-ce que vous recevez une certaine aide
financière pour ces projets?
M. Gallant: Dans le passé par des enveloppes de nature
discrétionnaire, habituellement les CESC ont été
financés. Pour ce qui est du moment présent, il y a un
comité sur le financement de ces centres étudiants de services
communautaires qui a été mis sur pied par le RAEU et ce
comité propose des solutions qui devront poursuivre leur chemin.
M. Ryan: Nous sommes toujours ouverts à causer de ces
choses-là avec vous autres. Je ne parle pas des subventions en
particulier, mais de tout ce volet de l'action du...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Gallant: Vous avez d'ailleurs déjà
reçu...
M. Ryan: Je note qu'on a bien compris la parenthèse. Mais
nous sommes intéressés à discuter le fond de ces choses.
Il me semble que c'est un des aspects les plus intéressants de l'action
étudiante aujourd'hui. Si nous pouvons en être saisis davantage et
fournir notre apport, je pense que ce sont des choses qui nous
intéressent. Je peux vous dire cela.
Je reviens à l'essentiel de votre mémoire. Il y a une
chose que je voudrais clarifier au départ. Je crois comprendre en lisant
votre mémoire et en écoutant les discussions que vous
n'êtes pas sûrs qu'il y ait un phénomène de
sous-financement universitaire, actuellement.
M. Raymond: Effectivement, on pense qu'avant d'arriver à
un diagnostic de sous-financement, il faudrait d'abord et avant tout savoir
comment ces ressources sont allouées.
M. Ryan: Je vais vous donner un problème concret qui se
pose.
M. Raymond: Comparaison avec l'Ontario, évidemment
aussi.
M. Ryan: Je lisais le journal du Syndicat des professeurs de
l'Université de Montréal qui m'est arrivé ces jours
derniers. Ils ont reçu une demande des autorités de
l'université de geler les salaires pour la prochaine année, pour
l'année 1986-1987. Il y a un débat qui s'est engagé
là-dessus. Est-ce que vous pensez que les autorités de
l'université auraient fait cela juste pour s'amuser?
M. Raymond: Ce sont des mesures qui n'auraient pas
été véritablement nécessaires si d'abord et avant
tout on avait su où allouer l'argent par une politique d'attribution,
une planification saine et efficace. En Ontario, cela existe depuis 18 ans. Ce
n'est pas nous qui le disons, c'est le Conseil des universités dans son
avis du 17 mars 1983, page 125, deuxième paragraphe.
M. Ryan: Qu'est-ce qu'il dit?
M. Raymond: II dit qu'il y a une évaluation des programmes
qui se fait déjà en Ontario et que le Québec accuse un
retard de quinze ans. Cela a été écrit en 1983. Plus trois
ans, cela fait dix-huit ans.
M. Ryan: Ce n'est pas le problème financier. Disons qu'il
y a un problème d'évaluation. On va le discuter à son
niveau. Il y a des améliorations qui s'imposent de ce côté,
on va en parler tantôt, d'ailleurs. Là, on parle du
problème financier. Vous ne me direz pas qu'il n'y a pas de
problème financier parce qu'il n'y a pas d'évaluation. Là,
il faut qu'on soit bien réaliste et il faut qu'on discute les vraies
choses. À l'Université de Montréal comme dans les autres
universités, on ne fait pratiquement pas d'engagement de professeurs
nouveaux depuis trois ans. Cela est attribuable directement à un
phénomène de financement et même de sous-financement.
Est-ce que, vous autres, vous dites: C'est parce qu'ils devraient mettre du
monde à la place de ce monde, en engager des nouveaux? J'aimerais
comprendre votre point de vue comme il faut.
M. Munger: Regardez, premièrement, la situation. On
pourrait adopter des mécanismes qui permettraient un réalignement
et qui feraient en sorte que la performance des professeurs en question, qui
sont en poste, s'améliore. Vous dites: Cela n'a pas de rapport avec le
financement. Je m'excuse, un professeur qui est très performant va
chercher du financement par la recherche. L'université qui est
performante augmente sa légitimité auprès de la
société. Donc, en fin de compte, il y a
du financement qui en revient.
M. Ryan: Ce que vous oubliez, c'est que le professeur performant,
il va chercher des subventions pour la recherche. Pendant ce temps, il enseigne
de moins en moins, en général, et à part cela il a besoin
d'argent additionnel pour faire fonctionner le personnel qui va l'aider dans sa
recherche. On nous dit: Plus vous allez chercher d'argent pour la recherche,
plus il faudrait que vous mettiez d'autre argent dans le pot. Ce n'est pas
aussi simple que cela. Il faudrait que vous précisiez cela bien
gros.
J'ai remarqué, à propos des professeurs, qu'une
affirmation générale ça ne m'éclaire aucunement. Si
on pouvait nous apporter, à un moment donné, des états de
fait beaucoup plus étayés. Si, par exemple, dans un
département - là, je ne vous invite pas à faire des
enquêtes de police pour le gouvernement, pas du tout. J'entends ces
affirmations et, plus elles sont générales, moins elles
m'impressionnent. Si vous nous arrivez avec des dossiers précis disant
par exemple: À telle école, il y a un phénomène de
gaspillage évident, il y a quatre ou cinq personnes qui enseignent
peut-être une heure ou deux par semaine, elles ne font rien à part
cela et elles ne produisent rien, "I think the community should know". La
communauté a le droit d'être informée de cela, c'est
intéressant.
Sur cela, je vous demanderais de nous apporter des choses plus
étayées que des affirmations générales. Je crois
que c'est important. Nous, nous partons du préjugé contraire.
Quand je lis un journal, par exemple, que j'achète librement, j'y donne
un préjugé favorable. Je me dis: Ils doivent faire leur travail
comme il faut au départ. Si ce n'est pas comme il faut, je vais le
vérifier en cours de route. Je donne un préjugé favorable.
Quand j'aborde un cégep ou une commission scolaire ou une
université, je donne un préjugé favorable au
départ. Je me dis: Cela ne se peut pas que tous ceux qui étaient
là avant moi aient été des imbéciles qui ont mis
cela en circulation et qu'ils n'aient jamais rien vérifié. Notre
préjugé est obligatoirement favorable au départ. 5i on
nous signale des problèmes avec preuves à l'appui, nous sommes
obligés de les examiner, c'est notre devoir de législateurs.
Là, je vous dis: De ce côté, vous pourriez nous rendre
service en nous apportant une information beaucoup plus substantielle que ce
que contient votre mémoire.
M. Munger: M. Ryan, je vous remercie d'avoir
précisé cela parce que c'est justement une de nos intentions.
C'est une intention qu'on a toujours eue. Par exemple, le printemps dernier,
nous envisagions de faire une enquête maison justement pour voir, au
niveau de la performance des professeurs en général, comment cela
allait. Avec certaines raisons, je crois que les universités, les
départements et les unités concernées nous ont
empêché d'effectuer l'enquête. Nous ne pouvons pas
recueillir l'information scientifique. C'est pour cela qu'on vous demande de le
faire et c'est pour cela qu'on vous demande d'aller chercher cette information
puisque nous - je m'excuse - avons une certaine étape où nous
pouvons aller mais, après cela, l'information, nous n'y avons pas
accès du tout. Je crois que vous allez dire: C'est peut-être
normal que les étudiants n'aient pas accès à l'ensemble de
l'information, mais ne nous demandez pas de donner plus de faits que nous ne
pouvons en ramasser. Nous n'avons pas le budget du Conseil des
universités. Je veux dire que nous avons des possibilités
limitées. Nous constatons certaines choses. Nos associations membres
vont apporter au cours des semaines, M. Ryan, des éléments
précis en ce qui concerne la gestion des universités. Le RAEU,
c'est un regroupement et les associations vont venir et elles vont apporter des
éléments précis sur chacune des universités.
M. Ryan: Dépêchez-vous!
M. Munger: Donc, vous allez en avoir, sauf qu'aller plus à
fond il y a une limite à ce que nous pouvons faire.
M. Ryan: Je vais vous dire seulement une chose bien simplement
sur cela. Vous êtes tout de même à l'université une
bonne vingtaine d'heures par semaine. Il me semble qu'avec un bon calepin - on
peut vous en passer - vous allez ramasser un paquet de choses. Ce n'est pas
nécessaire d'aller fouiller dans les livres du recteur. Je ne sais pas
mais, de ce côté, je crois humblement que vous pouvez nous
apporter encore plus que vous ne nous avez apporté par vos propres
moyens qui sont considérables... (11 h 45)
M. Munger: Écoutez, à l'Université de
Montréal...
M. Ryan: Je ne vous demande pas de nous faire un rapport de 300
pages, on n'aura pas le temps de le lire, mais "hard facts".
M. Raymond: À l'Université de Montréal, le
rapport Lacroix a été déposé sur
l'évaluation au niveau de la recherche. Par ce rapport, des
données étaient disponibles et elles nous permettaient
d'évaluer la performance des personnes agrégées, tes
titulaires, puis celles à la permanence. Ces données existaient
dans un fichier qui s'appelle Eureka à l'Université de
Montréal. On a demandé d'avoir accès à ce
fichier pour faire une étude plus exhaustive. On nous a dit: Non.
Si vous pouvez nous aider à avoir accès à ce
fichier-là, d'accord, on va y aller.
M. Ryan: D'abord, ce n'est pas la contribution que j'attends de
vous autres, mais si elle se situe à votre niveau qui est plus une
association militante, il me semble, vous pouvez apporter de très bons
éléments. Et, en temps et lieu, nous pourrons avoir accès
à ces données-là et compléter l'examen. Je pense
qu'un accord se fait sur la nécessité d'avoir des informations
plus substantielles sur plusieurs aspects du fonctionnement des
universités. De ce point de vue-là, votre contribution va aider
à la poursuite de l'objectif. Si vous pouvez, dans votre sphère
de responsabilités, aller plus loin encore, cela va être
excellent.
Un autre point que je voudrais vous demander, c'est une question de
fond. Sur la question des frais de scolarité, vous dites que cela va
retarder ou rendre plus difficile l'accès à la formation
supérieure. Hier, on a posé une question qui n'a pas reçu
une réponse claire à ma souvenance. Dans les autres provinces du
Canada, on a des frais de scolarité plus élevés et le taux
de fréquentation des universités est plus élevé
qu'au Québec en ce qui touche les inscriptions aux programmes
réguliers de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat.
Donc, le lien que vous établissez semble être contredit par la
pratique qui existe dans le reste du Canada. Comment réagissez-vous
à cela?
Deuxièmement, au nom de quel principe considéreriez-vous
que le Québec, province avec des ressources limitées, qui doit
compter sur des paiements de transfert substantiels du gouvernement
fédéral, devrait continuer à se distinguer des autres
provinces aussi fortement qu'elle le fait depuis une quinzaine d'années
sous cet aspect-là? Quel est le raisonnement? Quel est l'argument qui va
nous permettre de dire à nos collègues au gouvernement:
Voici...
M. Raymond: M. le ministre, je vais vous poser une question:
Croyez-vous que le Québec aurait avantage à scolariser davantage
sa population, à tous les niveaux même universitaire?
M. Ryan: La réponse est oui, sans aucune espèce de
restrictions.
M. Raymond: D'accord. Vous avez eu des données - oui, vous
étiez à la commission parlementaire . en 1984 - qui
démontraient - je pense que les données récentes
pourraient le démontrer également -l'écart substantiel
entre la scolarisation au Québec et la scolarisation en Ontario. Ce
n'est peut-être pas dans les mentalités. Il y a des variables
culturelles, je ne sais pas comment les expliquer.
Si c'est une priorité du gouvernement de scolariser davantage au
niveau des 2e et 3e cycles qui sont des secteurs quand même
stratégiques - vous l'avez spécifié à maintes et
maintes fois - je pense qu'on n'a pas intérêt à ramener une
barrière financière au même niveau que les autres
étudiants de l'Ontario - puisqu'on aime cela se comparer avec l'Ontario
- parce qu'à ce moment-là, il n'y a rien qui dit qu'on va
assister davantage à une politique de scolarisation, au contraire! Si
cela joue à l'inverse, cela ne joue pas du tout. On n'a pas
intérêt à maintenir l'écart actuel qui nous
sépare de l'Ontario quant à la scolarisation universitaire.
Votre deuxième question, je ne m'en souviens plus, je
m'excuse.
M. Ryan: Quant au taux de fréquentation, nous avons
pratiquement rejoint l'Ontario maintenant.
M. Raymond: Malheureusement, je ne les ai pas en mémoire,
mais non, on n'a pas rejoint l'Ontario au niveau de la diplômation.
M. Ryan: Cela est différent. M. Raymond:
Voilà! Écoutez...
M. Ryan: En ce qui concerne l'entrée à
l'université, il n'y a plus une grosse différence maintenant.
M. Raymond: Bien c'est cela. L'entrée et la sortie...
M. Ryan: Sauf que la composition de notre clientèle est
différente, c'est très différent. La question que je vous
pose, c'est: pourquoi se mettrait-on une barrière doctrinale en disant
qu'on ne doit pas regarder cela du tout. On devrait au moins le regarder, vous
ne trouvez pas? Quitte à ce que la conclusion soit dictée par
l'examen loyal du dossier.
M. Munger: On ne pense pas être si doctrinal que cela,
c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles on a fait faire un sondage
scientifique, pour voir le pouls des étudiants. Ce n'est pas nous qui
avons effectué le sondage, ce sont des spécialistes en la
matière.
M. Ryan: Je m'excuse, mais vous savez que je ne forme pas mes
opinions à partir des sondages, en général.
M. Munger: Non, je pourrai quand même vous donner les
éléments...
M. Ryan: Je ferme la parenthèse.
M. Munger: ...s'il y a d'autres gens que cela peut
intéresser.
Si les frais étaient haussés, 13 % abandonneraient
carrément leurs études. 25 % de ceux qui étudient à
tempe plein aujourd'hui étudieraient à temps partiel. Parmi ceux
qui délaisseraient leurs études, 12 % sont actuellement inscrits
à temps plein et 19 % sont à temps partiel. Il y a d'autres
éléments dans le sondage que je vous inviterais à
consulter, même si vous ne fondez pas vos opinions là-dessus. Il
faudrait peut-être voir aussi la réaction des gens à ce
niveau. Ce n'est pas le seul facteur, c'est clair, sauf que c'est sûr que
c'est un désincitatif, je pense qu'on s'entend là-dessus. Ce
n'est sûrement pas un incitatif.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Munger.
La commission a encore dix minutes pour poursuivre ses travaux. Je donne la
parole à la députée de Chicoutimi et je redonnerai la
parole au ministre de l'Éducation dans cinq minutes. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je pense que vous
posez correctement le problème par rapport aux effets que pourrait avoir
une augmentation des frais de scolarité sur l'accès aux
études supérieures. Je me permets de le rappeler, c'était
peut-être un peu le sens de la question du ministre de
l'Éducation: il faut comparer des situations comparables. On n'a pas au
Québec les mêmes traditions d'éducation et,
particulièrement, chez nos populations francophones. On n'a pas la
même richesse collective: selon le C. D. Howe, elle serait de quelque 25
% plus basse que celle de l'Ontario, elle viendrait tout de suite après
l'une des provinces maritimes, mais je ne me rappelle plus laquelle. Et on a un
taux de chômage beaucoup plus élevé. Lorsqu'on parle d'une
question comme celle des frais de scolarité, il faut bien la situer dans
le contexte québécois.
Par ailleurs, on peut se dire aussi, et là-dessus je sentais
percer votre inquiétude: réduire l'accès aux études
supérieures, ce serait réduire les coûts du système.
Si tel était l'objectif - certains indices nous laissent penser que ce
pourrait être l'objectif - il y aurait là de quoi être
préoccupé. Par ailleurs, je dois reconnaître qu'hier le
ministre nous a fait ce que j'appellerais un acte de foi dans la
nécessité de poursuivre cet objectif d'accessibilité. Il
lui restera à convaincre son collègue du Conseil du
trésor.
Pour revenir à votre mémoire, je trouve que vous posez
correctement la question. Probablement que le ministre n'a pas eu le temps de
relire le mémoire, parce que je pense que ce que vous dites c'est -et
vous ramenez à cet égard vos aînés aux questions
essentielles - que, avant de fixer ou de s'interroger sur un niveau
adéquat de financement, encore faut-il avoir bien clairement
identifié la mission et les orientations, s'être donné les
moyens pour fixer les objectifs et en vérifier l'atteinte. Donc, la
planification et l'évaluation. Vous dites que c'est un préalable
à toute discussion sur le financement. Je dois vous dire que je partage
cet avis, et c'est ce que j'ai dit hier à l'ouverture de cette
commission.
Par ailleurs, je dois dire, à la décharge de
différents organismes qui vont venir présenter les
mémoires ici, que le mandat même de la commission là-dessus
était déjà un peu biaisé, si je me permets
l'expression. Il s'agit de le relire pour comprendre pourquoi la plupart des
mémoires n'abordent que la question de financement. Dans le premier
paragraphe on dit: consultation générale dans le but
d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau
universitaire québécois pour 1987-1988 et les années
ultérieures. Et suivent huit questions qui sont soumises à
l'attention de ceux qui désirent présenter des mémoires.
De ces huit questions, sept portent sur le financement et une sur l'aide
financière aux étudiants. On ne peut pas s'étonner que la
plupart des mémoires aient glissé exclusivement ou
quasi-exclusivement sur le financement sans trop s'attarder aux
orientations.
Notre commission parlementaire devrait nous permettre - je pense que
c'est essentiel qu'on retienne ceci - d'arrêter ensemble quelques grandes
balises, je devrais dire, de ce que devrait être la mission et les
orientations de nos universités. Ensuite, je pense qu'on sera plus
à même, comme vous le dites, d'interroger ce que devrait
être un niveau de financement adéquat.
Je vous remercie infiniment. J'ai eu plaisir à vous entendre, et
je dois dire que les aînés auraient souvent intérêt
à être beaucoup plus à l'écoute des jeunes: vous
avez des choses à nous apprendre! Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Une dernière intervention de la
part du ministre de l'Éducation.
M. Ryan: C'est évidemment intéressant
d'échanger des opinions sur les sujets qui nous amènent ensemble
ici. Mais, moi, j'ai un problème méthodologique fondamental par
rapport à votre présentation; je vous le dis bien simplement,
parce qu'on n'est pas ici pour se courtiser. On discute du problème du
financement des universités depuis une dizaine d'années. Cela a
commencé en 1978-1979. On a fait la preuve en noir sur blanc à
plusieurs reprises que la valeur réelle des revenus de nos
universités par étudiant n'a cessé de diminuer. Je pense
que la députée de Chieoutimi est d'accord avec moi sur ce
point. Il y a tout un courant qui s'est développé.
On dit que, pendant que les ressources allouées à d'autres
secteurs d'activités communautaires ont augmenté au rythme des
prix dans les autres secteurs, au rythme de l'inflation à tout le moins
et de l'augmentation de la demande là où c'était le cas,
dans le cas qui nous occupe, cela a été en sens contraire. Vous
nous arrivez ce matin et vous nous dites: Ce n'est pas cela, le
problème. Le problème, c'est autre chose. Quoi? On ne le retrouve
pas dans le mémoire. C'est cela qui est mon problème. Je ne peux
pas partir en disant: II y a un groupe qui est venu ce matin et qui m'a dit que
ce n'était pas cela, le problème. Il va falloir que... Je pense
que vous avez un peu le fardeau de la preuve là-dessus, surtout comme
consommateurs principaux. Un fardeau de la preuve très important aussi.
Si vous nous apportez une preuve sérieuse, cela va être
examiné avec infiniment d'attention. Mais nous demandons que cela soit
étayé solidement.
Sur ce point, je vous dis: Je quitte la rencontre de ce matin,
intéressé à poursuivre ces discussions avec vous et je
vous assure que nous nous rendrons disponible pour aller plus loin dans cet
examen si cela peut être utile. Mais cela ne peut pas influencer mon
opinion de fond. Je continue, je marche avec l'ensemble de la preuve qui a
été déposée devant l'opinion publique depuis dix
ans, constituée en partie par nous-mêmes aussi. Nous avons
rencontré des intervenants dans les universités à tous les
niveaux: étudiants, professeurs, administrateurs. Le poids
général de la preuve que, moi, j'ai recueillie, que mes
fonctionnaires me présentent, que mes collaborateurs
députés recueillent chacun chez eux, ne va pas dans ce sens
général. Il y a un problème de perception qui se pose. Je
respecte votre opinion; je l'enregistre aussi. Mais je ne voudrais pas vous
faire croire que je l'avale sans preuve. Si vous pouvez contribuer à
faire avancer davantage ce dossier, vous allez rendre un précieux
service à la collectivité québécoise.
Je voudrais vous dire que je crois que la participation étudiante
à tous les niveaux est un objectif infiniment désirable qui
comporte ses limites à chaque niveau, évidemment. Cela ne peut
pas être complètement satisfaisant, ce n'est pas la même
chose que le travail que va faire une association étudiante d'avoir deux
représentants au conseil d'administration de l'université ou du
cégep. Cela ne règle pas tous les problèmes, je pense que
tout le monde en est conscient. Mais c'est le patron, c'est le modèle
que nous avons choisi au Québec; c'est un modèle de gestion
participative. Les professeurs sont représentés, les
étudiants sont représentés, le public est
représenté dans la direction de nos institutions d'enseignement.
Il y a peut-être des améliorations à faire dans le dosage.
S'il y a un meilleur système qui pourrait être inventé,
à part une dictature dont nous ne voulons pas, j'aimerais bien le
connaître. Je n'en connais pas de meilleur pour l'instant, je vous le dis
franchement!
À part cela, on a des canaux chez nous. On a des canaux en
quantité pour faire circuler des opinions et les faire parvenir
jusqu'aux foyers de décision. Il faudrait que vous nous
établissiez également que cela ne marche pas. Si tous ceux qui
ont les responsabilités en vertu des mécanismes réguliers
que prévoient nos lois ne sont pas capables de nous dire la
vérité, que seulement certains groupes l'auraient, il faudrait
qu'on nous dise pourquoi ces canaux ne marchent pas, par quoi on va les
remplacer également. Jusqu'à maintenant, je suis plutôt
porté à considérer qu'il y a des problèmes et qu'on
peut améliorer des situations mais que, dans l'ensemble, il faut
continuer de chercher dans la voie où nous sommes. C'est le
problème que me pose votre intervention. Je suis bien content, parce que
cela met de la vie dans nos débats. J'ai toujours dit à mes amis
que la polémique a été mon pain et mon beurre toute ma
vie. Je vous remercie de m'en avoir apporté un peu ce matin.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. M. Gallant, M. Chenel, M. Munger, nous vous remercions beaucoup de
votre présence.
Une voix: M. Raymond.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Raymond, excusez-moi.
La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprise à 12 h 6)
Le Président (M. Parent, Sauvé):
Messieurs et mesdames les députés, si vous voulez prendre
place, la commission de l'éducation reprendra ses travaux dans quelques
minutes.
La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux et
accueille la Coalition des étudiants aux cycles supérieurs. Ceux
qui ont reçu un ordre du jour ont comme titre: l'Union des
gradués de l'Université Laval. Le vrai nom de l'association est
Coalition des étudiants aux cycles supérieurs. La coalition
réunit trois institutions: l'Université McGill,
l'Université Laval, ainsi que l'École polytechnique de
l'Université de Montréal.
Je vous rappelle que la commission
reprend ses travaux jusqu'à 13 heures. C'est donc dire que les
représentants de la coalition auront environ 15 minutes pour faire leur
présentation et une période d'échanges d'environ 40 ou 45
minutes avec les représentants des deux formations politiques. À
12 h 50, j'aviserai les deux formations politiques de façon que les
membres puissent intervenir une dernière fois. J'invite les
représentants de la coalition à prendre place à l'avant,
ici.
M. Pierre Gagné est le représentant de la coalition. M.
Gagné, voulez-vous nous présenter les gens qui vous
accompagnent?
Coalition des étudiants aux cycles
supérieurs
M. Gagné (Pierre): Oui. À ma droite, Alain
Géloën, étudiant au doctorat à la Faculté de
médecine de l'Université Laval, à ma gauche,
Geneviève Tanguay, étudiante au doctorat à l'Institut de
parasitologie de l'Université McGill. Je me présente, Pierre
Gagné, étudiant au doctorat à la Faculté de
foresterie de l'Université Laval.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme
Tanguay, bienvenue; M. le président, bienvenue aussi. Je vais
vous répéter brièvement ce que j'ai dit aux gens qui vous
ont précédés ce matin. Cette commission parlementaire,
malgré tout le formalisme qui semble y exister, est quand même une
commission assez simple, qui se veut facile d'accès. L'objectif de la
commission n'est pas de poser des questions, mais de chercher des solutions et
d'avoir un meilleur éclairage dans le domaine du financement des
universités.
M. le président, sentez-vous bien chez vous. Si des questions ne
sont pas claires, demandez sans crainte aux députés de
préciser leurs questions de façon qu'on soit certain de faire du
travail efficace. Nous vous écoutons.
M. Gagné: Merci, M. le Président. La Coalition des
étudiants aux cycles supérieurs regroupe deux universités,
McGill et Laval, ainsi que l'École polytechnique de Montréal.
Malheureusement, la représentante de ladite école n'a pas pu se
présenter aujourd'hui. La coalition représente donc près
de 50 % de l'ensemble des étudiants québécois inscrits aux
2 et 3 cycles. La coalition a également reçu l'appui de
l'Université de Sherbrooke.
Notre mémoire présente la situation académique et
financière des étudiants aux cycles supérieurs, ainsi que
l'impact du sous-financement des universités québécoises
sur la qualité de leur travail de recherche et leur enseignement. Le
mémoire propose des solutions visant à améliorer
l'encadrement académique et financier des études aux cycles
supérieurs.
Je vais maintenant vous présenter une version
résumée de notre mémoire.
Les chercheurs-étudiants sont des diplômés de
premier cycle qui ont choisi de se spécialiser en recherche plutôt
que d'aller sur le marché du travail. Ils réalisent une part
importante de la recherche universitaire. Leurs recherches sont souvent libres
et originales et ne subissent pas les contraintes dites du marché.
Le chercheur-étudiant est en formation et ne doit pas être
considéré comme un professionnel de la recherche. Cependant, il
réalise un travail qui mérite d'être
rémunéré. Or, à l'Université Laval, par
exemple, 40 % des chercheurs-étudiants reconnaissent vivre sous le seuil
de la pauvreté. De surcroît, 30 % ont la charge d'une personne ou
plus. Ainsi, la situation financière des chercheurs-étudiants est
très préoccupante pour les trois groupes qu'il est possible de
distinguer. Premièrement, il y a ceux qui reçoivent des bourses
d'excellence, mais dont le nombre est trop limité. Le montant des
bourses est souvent trop bas et ne permet pas aux récipiendaires de se
consacrer uniquement à la recherche. Deuxièmement, il y a le
groupe de ceux qui détiennent un emploi à temps plein, qui
essaient tant bien que mal de faire de la recherche et qui ne peuvent
délaisser leur emploi par crainte de tomber dans la pauvreté.
Troisièmement, il y a le groupe des chercheurs-étudiants qui
doivent se contenter des prêts et bourses et des assistanats
d'enseignement et de recherche. Ils vivent dans une situation financière
déplorable. Les deux derniers groupes doivent donc réaliser un
travail ne cadrant pas dans leurs recherches, ce qui a pour conséquence
d'allonger la durée de leurs études.
La diminution du financement des universités frappe beaucoup plus
durement les chercheurs-étudiants car ils ne sont pas
protégés par des conventions collectives. Toute diminution
même faible du financement se répercute avec un effet
multiplicateur sur les chercheurs-étudiants. Ainsi, les programmes de
soutien financier des chercheurs-étudiants sont tous menacés. Les
équipements informatiques et de laboratoire deviennent insuffisants et
désuets. Les collections dans les bibliothèques ne sont pas
renouvelées ou améliorées. Le corps professoral est
vieillissant et insuffisant. L'explosion du nombre d'inscriptions aux cycles
supérieurs ne fait qu'aggraver les problèmes.
Les mesures de restrictions budgétaires entretiennent la
précarité de la situation financière des
chercheurs-étudiants en plus de réduire l'encadrement technique
et humain nécessaire à la réalisation d'une recherche de
pointe et de qualité. De plus, ces restrictions encouragent les
administrations universitaires à prélever un peu plus d'argent
dans
les poches des chercheurs-étudiants. Par exemple,
l'Université Laval a refusé d'augmenter le salaire des assistants
de recherche et d'enseignement prétextant ne pas pouvoir couper dans les
autres corps d'emploi. Tout ceci a pour conséquence de diminuer la
performance du Québec au niveau des études aux cycles
supérieurs.
La coalition propose un certain nombre de solutions qui visent
essentiellement à améliorer l'encadrement académique et
financier des études aux cycles supérieurs. Les mesures vont de
l'augmentation directe du financement à la modification de la Loi sur
les impôts. Les sommes ainsi injectées doivent servir en majeure
partie au soutien financier des étudiants, le reste allant à
l'amélioration de l'encadrement académique. Aussi, le
système de prêts et bourses doit tenir compte de l'endettement
associé aux études aux cycles supérieurs et être
modifié en conséquence.
Pour ce qui est du programme d'assistanat d'enseignement et de
recherche, à défaut de le remplacer par un soutien financier
direct, nous recommandons de le rendre plus lucratif.
Le Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche
joue un rôle capital pour les chercheurs-étudiants et pour
l'ensemble du secteur de la recherche au Québec. Nous recommandons que
les montants des bourses soient augmentés de façon qu'ils
représentent au moins le seuil de la pauvreté et que soient mis
en place un mécanisme d'indexation du montant des bourses et une
politique d'augmentation du nombre de boursiers.
La Loi sur les impôts devrait aussi tenir compte de la situation
particulière des chercheurs-étudiants par l'établissement
d'un crédit d'impôt propre qui tienne compte, entre autres, de
leur manque à gagner.
Il est clair dans notre esprit que toutes ces mesures ne doivent
être prises en aucune façon au détriment de la population
du 1 cycle. Le sous-financement des universités
québécoises ne fera que détériorer la position
concurrentielle de notre société. Les maigres ressources
financières dont disposent les chercheurs-étudiants, ainsi que la
détérioration constante de leurs outils de travail ne peuvent que
nuire à l'excellence de la recherche universitaire. Pour un
chercheur-étudiant qui ne dispose que des prêts et bourses,
vouloir faire une maîtrise ou un doctorat, cela signifie de s'endetter de
15 000 $ à 25 000 $ sans être sûr de trouver un travail dans
sa spécialisation à la fin de ses études.
L'augmentation des frais de scolarité et la
détérioration du système universitaire auront comme effet
de dissuader les étudiants d'entreprendre des études. La richesse
d'un pays, ce n'est pas que l'hydroélectricité ou le bois. La
vraie richesse d'un pays, ce sont les hommes qui l'habitent. Le Québec,
s'il veut assurer son développement, n'a pas les moyens de gaspiller son
potentiel humain. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous
remercie, M. le président, de votre exposé. Je reconnais
maintenant, comme premier intervenant, le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Autant j'ai mis tantôt certaines réserves
à propos d'une présentation qui nous a été faite,
qui était excellente dans son ordre, autant je suis impressionné
par la problématique qu'on nous présente maintenant sur un sujet
extrêmement important: les étudiants qui sont au 2e cycle et au 3e
cycle, surtout en ce qui touche leur rapport à la recherche et la
situation qui leur est faite.
J'ai été très très impressionné par
la précision des données qui nous sont présentées
et par les problèmes qu'on fait ressortir autant en ce qui touche
l'organisation générale de ces niveaux de travail universitaire
qu'en ce qui touche les conditions matérielles et financières
dans lesquelles le travail est accompli. Je pense que vous présentez les
deux volets d'une situation qui est une, évidemment, les deux volets se
tiennent ensemble, ils s'influencent les uns les autres. Je pense que, comme
conséquence, vous pouvez être assurés que nous allons
examiner très attentivement le problème que vous avez
posé.
Il n'est pas facile à résoudre parce que, comme vous le
dites, pour donner un statut véritable à
l'étudiant-chercheur de ce niveau, cela prendrait des ressources
considérables que l'État québécois, dans un avenir
prévisible, n'est pas en mesure de libérer. Je pense que vous
définissez quand même une ligne d'orientation a laquelle
personnellement je suis très intéressé. Vous pouvez
être sûrs que, dans l'examen que nous allons faire, cela va entrer
en ligne de compte.
Maintenant, j'aimerais peut-être que vous nous donniez des
explications à propos de certains aspects de votre mémoire. Il y
en a un aspect qui m'intéresse. Les bourses d'excellence qui viennent du
fonds FCAR. Il y en a un nombre impressionnant qui vont à des
étudiants de 2e et 3e cycles. Vous constatez dans votre mémoire,
si j'ai bien vu, qu'il y a eu une diminution relative par rapport au nombre
d'étudiants. Le nombre d'étudiants a augmenté
considérablement et le nombre de bourses n'a pas augmenté en
proportion. J'aimerais vous demander: Quelles sont les difficultés qui
se posent à propos de ces bourses au point de vue de la manière
dont elles sont distribuées, au point de vue de la valeur des bourses,
au point de vue
d'autres aspects qui peuvent vous intéresser? J'aimerais cela que
vous nous donniez votre expérience là-dessus et vos
observations.
M. Gagné: M. le ministre, concernant la valeur des
bourses, souvent le montant qui est associé à cela ne permet pas
au candidat de se consacrer uniquement à sa recherche, ne lui permet pas
de vivre adéquatement alors que, souvent à un âge
relativement avancé, vous en conviendrez, il a une famille ou des
obligations du genre. Donc, il est obligé d'aller chercher des fonds ou
un travail ailleurs qu'à sa recherche. Ceci a pour conséquence
d'allonger la durée des études. Il ne peut s'y consacrer
adéquatement. Quant à l'autre volet de la question, je crois que
je n'ai pas bien compris. Est-ce que vous pourriez me le
répéter?
M. Ryan: Les critères pour l'octroi de ces bourses? Est-ce
que c'est satisfaisant, à votre point de vue?
Mme Tanguay (Geneviève): Le point qui, selon moi, pourrait
être amélioré, c'est, évidemment,
l'évaluation des étudiants. C'est toujours un problème. Je
me mets dans la peau des gens qui offrent ces subventions et cela ne doit pas
être facile, non plus, de décider qui les donne à qui. On a
tendance, par contre, à mettre un peu trop d'emphase sur les
résultats obtenus lors du baccalauréat. Je crois qu'il y a des
projets qui ont beaucoup de potentiel et qui sont ignorés
malheureusement par le pointage important accordé au succès du
baccalauréat. Par rapport à cela, je verrais peut-être plus
de points attribués à la valeur du projet comme tel pour le
Québec et pour l'avenir des gens qui travaillent dans ces domaines.
M. Ryan: Je pense que c'est très intéressant.
Est-ce que vous pourriez donner des précisions sur ce statut que vous
aimeriez voir définir davantage pour l'étudiant chercheur,
l'assistant de recherche également? Quels pourraient être les
éléments d'un tel statut, à la fois au point de vue
juridique et au point de vue financier? Je suis bien sensible à
l'argument que vous invoquez que, souvent, les droits à la
propriété intellectuelle sont ignorés. Comment cette
situation peut-elle être améliorée? J'aimerais avoir des
précisions sur le genre de statut que vous envisageriez pour ces deux
catégories de travailleurs: l'étudiant chercheur et l'assistant
de recherche.
M. Gagné: II y a plusieurs volets que comporte le statut.
Il y a un volet qui est plus légal, celui qui a trait à la
propriété intellectuelle. Il y a un volet financier,
évidemment, et il y a un volet qui est lié à l'encadrement
académique qui dépend de ce que l'institution d'enseignement peut
offrir, du cadre de l'unité de recherche, l'information concernant
l'unité de recherche et ses capacités, ses possibilités,
de l'information concernant la disponibilité au niveau des unités
de recherche. C'est évident que l'aspect plus légal va être
traité d'une façon différente. Cela peut être un
contrat, si on veut. Le volet encadrement peut être de type contractuel
avec le directeur de la recherche. Le volet plus légal devrait aller
à d'autres instances comme des chartes ou de la réglementation
tout simplement.
M. Ryan: J'ai noté avec beaucoup d'intérêt
les mesures que vous proposez au plan fiscal. Ce sont des mesures qui sont
adaptées au statut de l'étudiant-chercheur et de l'assistant de
recherche. Je pense que je peux vous donner l'assurance que je vais demander
à mon collègue, le ministre des Finances, d'en faire un examen
très attentif. Je vais lui dire que j'éprouve beaucoup de
sympathie pour les recommandations qui sont contenues dans votre
mémoire. Je les trouve judicieuses, je les trouve pratiques aussi et
l'impact financier pour l'ensemble de la collectivité en serait
très limité. Si on est sérieux quand on dit qu'on veut
agir, je pense que vous avez des propositions qui sont extrêmement
interrogatives pour le législateur et pour le gouvernant.
En tout cas, je vais vous dispenser d'autres commentaires
là-dessus parce qu'il ne m'appartient pas de me prononcer au nom du
gouvernement sur des mesures fiscales. Vous pouvez être assurés
qu'on va les examiner avec les collègues du cabinet et, en particulier,
le ministre des Finances.
Maintenant, je voudrais vous poser une question à propos du
statut des professeurs. Je suis très préoccupé parce que
ce n'est pas tout d'accéder aux 2e et 3e cycles, il faut se demander ce
qu'on fait après. C'est une question qui me préoccupe
énormément. Si une personne se rend à la maîtrise et
au doctorat, les débouchés dans le domaine universitaire, il n'y
en a pas beaucoup actuellement. Il n'y en a pratiquement pas. Alors, qu'est-ce
qui arrive? Vous mettez en cause, vous autres, la permanence rigide qui existe
en faveur des professeurs déjà implantés. Vous dites: II
faudrait avoir un petit peu plus de souplesse, avoir des mécanismes de
révision périodique. J'aimerais avoir vos opinions de
manière plus précise sur cette question.
M. Gagné: Je voudrais tout de suite apporter une
précision. On pose seulement une interrogation concernant le professeur
et le système. Je crois qu'en tant que société on doit se
poser des questions et, un jour venu, on doit s'interroger.
Nous, ce qui nous préoccupe au premier plan, c'est notre
situation aux études. On représente des étudiants aux
études; donc,
c'est notre situation. Pour ce qui est du marché du travail, je
sais pertinemment bien que, traditionnellement, au Québec,
détenir un doctorat, cela menait automatiquement ou presque à un
poste à l'université. Je crois qu'aujourd'hui, avec la
société et l'évolution qui s'en vient et ce qui se passe
un peu aux États-Unis, il y a énormément d'autres
débouchés pour ceux qui détiennent un doctorat. C'est une
compétence et c'est une capacité d'analyse et de
compréhension des problèmes qui sont nécessaires dans
toute entreprise, que ce soit de haute technologie ou de n'importe quel
domaine. Cette compétence est nécessaire partout.
Pour ce qui est du marché du travail, c'est sûr que c'est
difficile. La situation est difficile pour tous, mais il y a beaucoup de
possibilités qui s'offrent à nous. C'est plutôt à la
société en général de reconnaître une fois
pour toutes qu'un doctorat, ce n'est pas nécessairement dans une
université. Cela peut être bon pour faire fonctionner une
entreprise et pour faire fonctionner beaucoup de choses.
Mme Tanguay: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter qu'il y
a un exode assez dangereux en ce moment d'étudiants qui partent pour
d'autres régions, soit canadiennes ou américaines. Il faudrait
peut-être souligner l'importance de ces gradués au Québec
pour les garder ici. Il y a moyen de créer des entreprises qui vont
avoir besoin de ces gens. Aujourd'hui, on a la peur d'engager des gens qui ont
des doctorats parce qu'on dit: II faut les payer plus cher. C'est ridicule. Si
la personne peut donner un service qui est supérieur, on ne demande
pas... Je connais des gens qui sont diplômés et qui ne peuvent pas
avoir d'emploi parce qu'on les barre à cause d'une question
financière. C'est totalement ridicule. Ils seraient prêts à
travailler, mais on les refuse. Ces gens doivent s'exiler à un moment.
C'est une perte dangereuse pour le Québec.
M. Ryan: Très bien. Je note cette observation. J'en
entends souvent des échos.
À la fin de votre mémoire, votre dernière
recommandation porte sur la formation d'un comité qui serait
composé de tous les intervenants du monde universitaire et qui serait
mandaté pour réaliser une étude du système
universitaire québécois au cours de laquelle on identifierait les
problèmes, les inconsistances et les solutions à y apporter, et
les réformes à proposer. Je crois que c'est une proposition
très intéressante qu'on va examiner soigneusement.
Évidemment, si on allait dire: On va faire cela et le financement, on le
prendra après, je crois qu'on créerait l'effet d'une douche d'eau
froide. Le problème du financement se pose depuis plusieurs
années. Je crois comprendre - et vous me corrigerez si je vous ai mal
entendu - que vous voulez que ceci se fasse en même temps qu'on essaie
d'apporter des solutions à d'autres problèmes qu'au
problème du financement. Sur ce point, je ne sais pas quelle forme cela
prendra exactement. Je pense que cela va prendre plus qu'un comité, cela
va en prendre plusieurs. Il y a tellement de secteurs qu'embrasse le monde
universitaire, je crois qu'un seul comité aurait bien de la
difficulté à étudier tout cela. Je peux vous assurer qu'on
va examiner ceci de manière très attentive. Avant longtemps,
comme la période qui nous est impartie en commission parlementaire est
plutôt limitée, j'apprécierais beaucoup que nous puissions
au ministère tenir une rencontre plus longue avec vous,
c'est-à-dire une rencontre au cours de laquelle on pourrait aller
davantage dans l'examen détaillé de vos propositions et vous
faire peut-être des demandes quant à d'autres renseignements dont
nous aurions besoin. Je voudrais vous dire que cela est une entrée en
matière pour moi ce matin. Ce n'est pas du tout la fin, même si le
président, à 13 heures, va nous demander de suspendre. C'est une
conversation très importante qui doit continuer bien au-delà de
la rencontre de ce matin.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. le ministre. Je reconnais la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, madame,
je dois dire que votre mémoire nous a permis d'avoir une vision assez
précise de la réalité des conditions de vie des
étudiants aux cycles supérieurs. En même temps, vous nous
inquiétez parce que les conditions sont telles que, finalement,
l'incitation à poursuivre des études aux 2e et 3e cycles dans ces
conditions est relativement compromise.
Peut-être que j'aurais le goût de revenir sur toute la
question du revenu. Vous proposez un certain nombre de mesures fiscales qui
vous permettraient d'avoir ce que vous appelez un revenu minimum garanti. On le
reconnaît pour une autre couche de la population; il faudrait
peut-être le reconnaître pour les étudiants, donc avoir un
statut de travailleur salarié. (12 h 30)
Vous parlez longuement et à plusieurs reprises de la durée
des études, aux pages 1, 2, 18, 23, 27; je les ai notées parce
que cela revient régulièrement. C'est un phénomène
qui est particulièrement vrai dans les universités francophones.
Je me demandais si vous aviez fait l'exercice suivant: si les études
durent effectivement une année de plus, qu'est-ce que cela coûte?
Ce que cela coûte, est-ce que cela pourrait être investi dans ce
que vous appelez un revenu minimum
garanti ou dans des mesures fiscales qui, finalement... Autrement dit,
cela nous coûterait, pour ainsi dire, rien si an donnait des conditions
qui permettent de poursuivre les études et d'atteindre la
diplômation dans le temps généralement requis. Avez-vous
fait cet exercice? Qu'est-ce qu'un étudiant gradué coûte?
Évidemment, il y a des variations, mais...
M. Gagné: C'est une évaluation relativement
complexe et difficile, mais une chose est sûre, c'est que cela couvrirait
une partie des coûts, en tout cas; je ne crois pas que cela pourrait
couvrir la totalité, mais c'est un argument qui milite en faveur
très fortement.
Mme Blackburn: Vous n'avez pas fait l'exercice?
M. Gagné: C'est très difficile à
évaluer.
Mme Blackburn: Vous pariez également d'encadrement. Je
dois dire qu'en page 21 j'ai été assez étonnée
d'apprendre le fait suivant: "...à l'UGIL ils reconnaissent ne pas avoir
de directeur de recherche approuvé par le département", ce qui
pose des difficultés de participer aux programmes de bourses, ce qui
explique, finalement, la faiblesse de la performance des étudiants chez
vous. Comment explique-t-on que vous n'ayez pas de directeur de recherche
approuvé par le département? J'ai de la difficulté
à comprendre.
Mme Tanguay: Cela dépend des programmes. C'est la
même chose à l'Université McGili. Dans certains programmes,
les étudiants se rendent et, après six ou sept mois, ils
choisissent un superviseur parmi les gens du département. Cela
dépend vraiment des programmes. En sciences, habituellement, ce n'est
pas le cas. On va dans une institution et on trouve un superviseur assez
rapidement à cause des intérêts scientifiques. Je sais
qu'en littérature et dans le domaine des sciences sociales, c'est le
cas. C'est vraiment dommage parce que c'est toujours eux qui souffrent des
pénuries budgétaires et tout cela. On sait que les sciences
sociales sont derrière de beaucoup.
M. Gagné: J'ajouterais ceci, madame. On fait
énormément d'efforts pour - on consulte - améliorier les
structures d'accueil. Ce qu'on appelle une structure d'accueil, c'est ceci: la
personne peut, avant d'entrer aux études aux cycles supérieurs,
être informée sur les possibilités, sur les professeurs,
sur ce qui est disponible, sur les sujets qu'elle pourra traiter si elle est
prête mentalement à traiter le sujet en question.
On fait énormément d'efforts là-dessus et on
considère que c'est une autre mesure qui serait apte à
améliorer la situation.
Si on parle du nombre de bourses, il est sûr que les gens qui
s'inscrivent en retard ne peuvent participer au programme de bourses. Le
programme de bourses est, par ailleurs, très sélectif. Même
en y participant, je suis convaincu qu'il y a d'excellents candidats qui ne
sont pas retenus et qu'il y a d'autres problèmes avec le programme de
bourses. Il faudrait le rendre un peu plus disponible. Quels que soient les
critères d'évaluation du candidat utilisés, s'il n'y en a
pas assez, on va en perdre des bons. C'est sûr.
Mme Blackburn: À quels critères faites-vous
allusion?
M. Gagné: En général, on utilise le dossier
académique du 1er cycle pour juger.
Mme Blackburn: C'est basé sur le dossier, sur la
performance académique au bac. Vous parlez également d'abandon.
C'est préoccupant parce que vous citez un chiffre du FCAR qui dit que
seulement 50 % des boursiers poursuivent jusqu'au diplôme. Je pense que
c'est en maîtrise et c'est presque l'équivalent aussi au
doctorat.
M. Gagné: Non, au doctorat c'est beaucoup plus faible. On
revient au problème de l'encadrement académique, la
possiblité que les unités donnent. Si le candidat n'est pas bien
supervisé ou si le directeur de recherche n'est pas suffisamment
disponible, souvent cela a pour effet de décourager le candidat
même si la situation financière est relativement adéquate,
comme on dit, parce qu'on dit que ce n'est pas suffisant, une bourse du FCAR.
Même si elle est un peu plus élevée et que, par contre,
l'unité ne lui procure pas l'encadrement voulu, il peut abandonner. Cela
peut être une cause aussi.
Mme Blackburn: Vous dites en page 27, toujours touchant la
diplômation et la durée des études, "qu'il ne faut pas que
les chercheurs-étudiants prennent trop de temps pour réaliser
leur mémoire ou leur thèse. De la même façon, les
universités ne doivent pas garder pendant trop longtemps des personnes
inscrites". Est-ce que vous avez fixé un temps souhaitable,
désirable?
Mme Tanguay: On se fie à ce que le gouvernement donne
comme barème, c'est dix-huit mois pour une maîtrise et c'est trois
ans - et pas plus - pour un doctorat. Ce sont des barèmes qui sont assez
sévères, mais c'est durant ces périodes-là que
l'université reçoit des frais pour ses étudiants
gradués; après, c'est l'université qui subventionne
totalement les étudiants qui
demeurent.
Par rapport à cela, on voudrait que les programmes soient mieux
définis pour que les étudiants puissent réussir à
faire leur projet dans ces durées-là. Comme je le disais, dans
bien des cas, par exemple dans les sciences sociales, c'est tellement peu
défini que c'est impossible pour les étudiants d'arriver à
déterminer un projet et de trouver réponse à leurs
questions. C'est plus au niveau de l'université que cela devrait
être mieux structuré pour faire de nos programmes ce qu'on entend
faire. Parce que, en ce moment, il y a des maîtrises qui durent beaucoup
trop longtemps, qui sont peut-être plus fortes que ce qu'elles devraient
être. On en demande peut-être trop des étudiants.
Mme Blackburn: L'université est financée pour une
durée de dix-huit mois dans le cas de la maîtrise, et de trois ans
pour le doctorat. Tout ce qui est excédentaire c'est aux frais des
universités.
Iriez-vous jusqu'à dire qu'il faudrait, à ce
moment-là, que les étudiants, comme le propose le rapport Gobeil
pour les jeunes qui sont au niveau collégial, paient des frais de
scolarité lorsqu'ils dépassent la durée requise pour
poursuivre des études, une espèce de ticket
modérateur?
Mme Tanguay: Non, parce que des difficultés comme cela,
c'est souvent la faute de l'institution académique ou de l'encadrement,
plutôt que la faute de l'étudiant. J'ai vu trop de cas où
des maîtrises impossibles avaient été commencées et
achevées pour en commencer une autre un an plus tard. Ce n'est pas la
faute de l'étudiant. Le projet n'était tout simplement pas
faisable. Non, on ne devrait pas punir l'étudiant pour des raisons comme
cela.
Mme Blackburn: C'est ce que j'avais cru comprendre de la fin de
votre paragraphe: "De la même façon, les universités ne
doivent pas garder pendant trop longtemps les personnes inscrites."
Mme Tanguay: C'est parce qu'en ce moment les universités
ne font rien par rapport à cela, pour essayer d'aider l'étudiant,
de lui donner un meilleur encadrement académique.
M. Géloën (Alain): Je puis peut-être ajouter un
point. On a mis ces phrases simplement pour préciser qu'il y a des abus;
on en est bien conscient et on ne veut surtout pas encourager ces abus.
Seulement, il faut de la souplesse, parce que parfois une thèse peut
être faite en trois ans ou parfois cela peut être aussi très
intéressant en quatre ans. Il faut de la souplesse pour que cela
fonctionne. Il ne faut pas être trop rigide.
Ce qu'on pourrait ajouter aussi, c'est que, si on met quatre, cinq ou
six ans, ce n'est pas à notre avantage. On ne le fait pas exprès.
On n'est pas avantagé sur les bourses pour aller faire les
postdoctorats, pour trouver un travail par la suite. Ce n'est pas dans notre
intérêt de mettre trop de temps.
Mme Blackburn: La durée des études est plus
marquée, c'est d'une année plus long chez les francophones que
chez les anglophones au Québec. Comment expliquez-vous cela? Vous donnez
un certain nombre d'explications, mais est-ce que vous pourriez en dire un peu
plus là-dessus?
M. Géloën: Essentiellement, il a des problèmes
de deux ordres: d'abord, financier. On a le FCAR, c'est très bien et
cela fonctionne bien. Seulement, le petit inconvénient, c'est que les
bourses sont en dessous du seuil de pauvreté et souvent les
étudiants sont obligés de travailler ailleurs, en dehors de leur
thème de recherche, ce qui fait que cela allonge sensiblement le temps
des études et cela, malgré une subvention qui est
intéressante.
On a là l'exemple d'un système qui fonctionne très
bien. Il ne faudrait pas beaucoup plus pour que ce soit parfait et que cela
fonctionne bien et que l'étudiant puisse se consacrer à plein
temps à sa recherche, et l'objectif serait atteint. On sait que le FCAR
est un peu controversé parce qu'on dit: On donne de l'argent, mais les
étudiants mettent quand même un an de plus. En fait, il suffirait
d'un tout petit peu plus pour que cela marche très bien. Nous, on
propose simplement: Mettez cela simplement au seuil de pauvreté. On ne
fait pas des études pour devenir riche. Permettez-nous simplement de
boucler notre budget et cela marchera mieux.
La deuxième chose concerne les encadrements. On fait beaucoup de
démarches - on a organisé des états généraux
- pour aller chercher l'information, voir comment cela se passe et,
sensiblement, essayer d'améliorer l'encadrement et les
possibilités de travailler pour les chercheurs-étudiants. Je
pense qu'il y a sans doute un effort à faire au niveau de l'encadrement
dans les universités. Je dirais que cela ne se fait pas si mal que cela,
parce qu'on a de très bons rapports avec les professeurs et avec les
administrateurs des universités. Nous, on essaie de faire avancer les
petits dossiers. Il suffit simplement qu'on ait des moyens plus
décisionnels et que les gens soient bien conscients qu'il faille faire
des efforts.
M. Gagné: J'ajouterais: Donnez-nous notre statut. Cela va
peut-être se traduire par une forme de contrat et de bonne
entente entre le directeur et l'étudiant. Les choses seront
claires et nettes, et peut-être, que les études seront moins
-longues aussi.
Mme Blackburn: Si je comprends bien votre mémoire, lorsque
vous parlez de la méconnaissance de la valeur du travail et de la
méconnaissance tout court des chercheurs-étudiants qui
effectueraient, selon vous, 50 % de la recherche, cette reconnaissance serait
établie par un statut de travailleur, avec un revenu qui vous
permettrait de poursuivre. Mais cela ne règle pas pour autant toute la
question du non-respect de la propriété intellectuelle.
M. Gagné: Ce problème, je crois qu'il se
règle à un autre niveau. Les universités disposent quand
même d'un système réglementaire assez
élaboré. Souvent même, on veut l'élaborer encore
plus. Certaines universités se dotent même de chartes. Par le
biais de ces choses ou par le biais de règlements ou du statut, si un
jour elles veulent nous le donner, on peut régler ce problème ou
essayer de le rendre négligeable.
M. Géloën: On a, par exemple, une initiative qui est
très intéressante à l'Université Laval qui est la
mise sur pied d'une charte sur le respect des droits de tous afin que cela
fonctionne bien. C'est peut-être un peu tôt. On attend de voir ce
qui va en sortir, mais on a beaucoup d'espoir. Je pense que c'est un exemple
indiquant que cela pourrait se régler au niveau de l'université.
Entre personnes de bonne volonté, il y a toujours moyen de trouver une
solution. Je pense que c'est une question de mentalités, de position. On
ne veut agresser personne, c'est simplement un accord général
entre tout le monde qui peut être parfaitement atteint, notamment par une
charte, comme on essaie de le faire à l'Université Laval.
Mme Blackburn: Vous reconnaissez que c'est plus difficile de
faire reconnaître la propriété intellectuelle pour les
étudiants qui sont en sciences humaines, j'imagine. Il me semble que
j'ai trouvé cela quelque part dans votre mémoire. Est-ce que
votre charte pourrait a cet égard protéger tous les producteurs,
particulièrement dans le domaine des arts? De façon
générale, je sais que cela pose un problème réel
parce que c'est difficile de déterminer la propriété
intellectuelle de certaines créations.
M. Gagné: Pour répondre è cela, on le
souhaite, évidemment. On n'a pas vu l'impact qu'une charte pourrait
avoir. On le souhaite, évidemment. On est conscient que le
problème est là.
Mme Blackburn: Une dernière question, pour ma part. Vous
parlez beaucoup, parce que c'est le principal fonds de recherche, du FCAR. Vous
parlez d'abord de l'insuffisance des bourses en nombre et en valeur.
Là-dessus, je vous rejoins. Du moment où la bourse vous permet de
vivre en dessous du seuil de pauvreté, je pense qu'il faut s'interroger
sur sa valeur. En même temps, un certain nombre de règles: le fait
que le budget n'ait pas été indexé cette année,
etc. Cependant, je me demandais si vous aviez pris connaissance de la
recommandation toujours contenue dans le rapport Gobeil visant à
restructurer les ofiganismes de recherche. Donc, on aurait deux grands
organismes, l'un en sciences humaines et l'autre en sciences de la nature. On
confond organismes subventionnaires et organismes de recherche.
M. Gagné: Je pourrais un peu reprendre les conclusions de
l'association des sociologues qui a dit dernièrement d'ailleurs, j'ai
assisté à la conférence de presse - qu'il y avait un
manque flagrant d'analyses avant de recommander une chose comme cela. J'endosse
sa recommandation disant qu'il manque des données. Je crois qu'il nous
manque des données aussi. On ne pourrait pas dire: Faîtes
ça. Je crois que c'était le même cas pour eux; il leur
manquait des données. J'aime mieux ne pas me prononcer
là-dessus.
Mme Blackburn: On pourrait probablement en savoir plus long si on
entendait M. Gobeil.
M. Gagné: Je vous le concède. M. Jolivet:
C'est très sage.
Mme Blackburn: Merci. Cela va pour moi, M. le
Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi.
Je reconnais maintenant le député de Saint-Louis. (12 h
45)
M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je tiens à
remercier le groupe que nous avons avec nous pour la qualité du
mémoire qu'il a présenté. À la page 36, vous posez
des questions. Entre autres, "est-il normal que la permanence des professeurs
soit assurée à toute épreuve? Un professeur qui ne fait
pas de recherche et qui n'est pas au courant de la littérature
récente concernant son domaine de recherche est-il apte à diriger
et à former des chercheurs-étudiants?" Avez-vous des
réponses à vos questions?
Mme Tanguay: La réponse que je peux peut-être
donner, c'est la phrase célèbre que l'Université McGill a
formulée dernièrement:
Être superviseur d'un étudiant, ce n'est pas un droit,
c'est un privilège. Et ce privilège peut être
révoqué. S'il y avait une évaluation... D'ailleurs,
è la troisième rencontre des états généraux
qu'on a eue cette année, on a dit: Si on pouvait trouver un moyen de
porter à l'évaluation des superviseurs...
M. Ryan: Question de règlement, M. le Président.
Est-ce que vous pourriez parler dans le microphone parce qu'on n'entend pas ici
les remarques très intéressantes que vous êtes en train de
faire?
Mme Tanguay: Superviser, ce n'est pas un droit, c'est un
privilège. C'est ce que l'Université McGill a dit à ses
professeurs dernièrement. On est en train d'essayer de trouver des
moyens pour évaluer les superviseurs et pour pouvoir avertir les
nouveaux étudiants. On ne veut pas créer un livre noir ou une
liste noire de tous les mauvais superviseurs, mais on n'a qu'à regarder
leurs publications. S'il n'y a que le nom de leurs étudiants en premier,
c'est signe qu'ils ne font pas beaucoup de recherche d'eux-mêmes. Ce sont
des critères comme cela qui pourraient arriver à avertir les
nouveaux étudiants pour empêcher des abus de supervision.
M. Chagnon: Vous en feriez donc un critère, eu
égard à la permanence.
Mme Tanguay: On ne peut pas regarder la permanence, ce n'est pas
à nous de faire cela. Tout ce qu'on peut faire, c'est regarder les
qualificatifs de supervision. C'est ce qu'on vit à tous les jours.
M. Gagné: J'aimerais ajouter que c'est évident que,
si le professeur n'est pas au courant, non, il n'est pas apte à diriger
une thèse. Cela est clair. Il y a d'autres volets. Cela nous concerne,
l'aspect supervision de thèse, mais il y a d'autres choses à
l'université, d'autres tâches. Dans notre mémoire, on n'a
pas voulu évaluer la performance académique ou des choses comme
cela. On peut parfois critiquer la pertinence des cours des 2e et 3e cycles. Ce
sont des cours très spécialisés et, en
général, les étudiants sont insatisfaits de ce qui est
donné. C'est très très difficile, la science évolue
rapidement et cela nécessite beaucoup d'efforts de la part des
institutions et des professeurs pour se maintenir à jour. Pour ce qui
est de la permanence, des choses du genre, il y a d'autres choses à
considérer et on ne les a pas considérées dans notre
mémoire.
M. Chagnon: Une dernière brève question. J'ai
été un peu sidéré, à mon bureau de
comté, de rencontrer des étudiants qui avaient obtenu des bourses
d'excellence à leur université propre, soit en 1er cycle ou en 2e
cycle. La "paramétrisation" des bourses, l'organisation du modèle
de bourse que nous avons actuellement faisait en sorte que, lorsqu'ils
recevaient leur bourse du gouvernement du Québec, on diminuait le
montant de leur bourse reçue localement comme bourse d'excellence de
leur université. J'ai trouvé cela un peu bizarre et cela ne
m'apparaît pas normal.
J'aimerais savoir si, au niveau du FCAR, ce même processus
s'applique et, si oui, cela m'apparaît anormal, particulièrement
au moment où on parle de la recherche d'excellence tant chez les
étudiants et les professeurs que chez les universités en tant que
telles.
M. Gagné: Oui, la situation peut être un peu
déplorable, mais il y a un autre problème. Il y a un
problème de rareté. Nous, de bonne foi, sommes obligés de
nous plier à cela.' On se dit: Si j'en prends plus, c'est l'autre qui
n'en aura pas. Entre nous autres, on ne peut pas...
M. Chagnon: Ne trouvez-vous pas que cela vient un peu contredire
le processus même d'établissement de bourses d'excellence au
niveau de l'université? L'Université McGill, l'Université
Concordia ou l'Université du Québec, n'importe quelle des
universités a des bourses d'excellence pour des étudiants dans
à peu près chacune des disciplines. Si des étudiants les
reçoivent, ils ne devraient pas, me semble-t-il, être
pénalisés sur l'autre système boursier.
M. Gagné: Le système des prêts-bourses, vous
voulez dire?
M. Chagnon: Oui.
M. Gagné: C'est une bonne question. Oui, je crois que,
peut-être, cela pourrait être envisagé. Je n'avais jamais
regardé ce volet, mais il reste, quand même, qu'il y a une
rareté et qu'il faut essayer d'en faire profiter tout le monde. C'est
une mesure qui pourrait très sérieusement être
envisagée. C'est sûr, cela améliorerait. En fait, il existe
des systèmes. Le gouvernement a déjà sa structure pour
pouvoir financer. Il y a le régime des prêts-bourses et il y a le
FCAR. C'est peut-être mieux qu'il utilise pleinement chacun de ces
systèmes et qu'il augmente le financement de chacun des systèmes
qui ont leur vocation propre.
M. Chagnon: Je n'excluais pas cette possibilité, non plus.
Je faisais tout simplement allusion à l'autre problème qui fait
que des étudiants reçoivent des bourses d'excellence parce qu'ils
sont vraiment des étudiants émérites dans leur
discipline
respective et an retranche le montant qu'ils reçoivent de leur
bourse du système de prêts et bourses. Je trouve cela un peu
curieux. Je me demandais si cela fonctionnait de la même façon
avec le FCAR.
M. Gagné: Oui, exactement.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous
remercie.
Je reconnais maintenant Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Brièvement,
en conclusion, je me permets de rappeler ce que vous disiez en conclusion de
votre présentation tout à l'heure pour vous dire que je partage
cette lecture des choses. Vous disiez: La richesse d'un pays, ce n'est pas
seulement son électricité, sa forêt; c'est aussi ses
ressources humaines et on devrait considérer avec la même
attention tout ce qui pourrait contribuer au gaspillage des ressources
humaines.
Du moment qu'on hésite, qu'on n'est pas clair sur la
nécessité de faire du développement des ressources
humaines la priorité, je partage votre inquiétude. Bien
sûr, je suis d'accord avec la nécessité de protéger
nos forêts, peut-être éventuellement d'aménager les
rivières, mais on verra. Je me faisais la réflexion, en voyant,
justement, une équipe d'étudiants faire du reboisement
l'été dernier, que personne ne mettait en doute la
nécessité d'aller planter de petites épi nettes de six
pouces de haut et la nécessité de s'assurer qu'on les
plaçait dans des conditions qui leur permettraient d'atteindre une
taille raisonnable dans 25 ou 30 ans. Personne ne doutait de la
nécessité de faire cela, alors qu'on semble mettre en doute ou,
à tout le moins, ne pas mettre les mêmes énergies et la
même foi dans la nécessité d'investir dans les ressources
humaines qui contrairement, me semble-t-il, à ce qu'on a tendance
à croire, peuvent se détériorer si on ne leur donne pas
les conditions qui leur permettent de se développer.
Vraiment - je pense qu'on l'a dit et répété
à cette commission - le développement économique du
Québec passe par le degré de scolarisation de sa population,
donc, de développement de ses ressources humaines, et on a un retard
considérable aux niveaux des 2e et 3e cycles. Je pense bien que votre
participation à cette commission nous aura permis d'avoir une vision
plus claire de ces questions et j'espère qu'on en tiendra compte au
moment où on aura à faire le rapport final.
Merci de votre présentation et merci d'avoir accepté de
consacrer du temps et de l'énergie pour venir nous présenter
votre point de vue là-dessus.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant le ministre
de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Je serai très bref, car avec votre permission, je
voudrais que ma collègue, la députée de Jacques-Cartier,
dont l'intérêt pour les questions de recherche est connu depuis
longtemps, puisse dire encore quelques mots sous la forme qu'elle choisira,
évidemment. J'ajouterai simplement une brève observation pour
dire que, dans l'examen que nous avons déjà entrepris depuis un
certain temps et qui va se continuer plus intensivement de tout le mode de
financement des universités, les besoins et les réalités
propres du 2e et du 3e cycles font l'objet d'un examen très attentif.
Les dimensions qui ont été ajoutées ce matin seront
également considérées.
Merci. Avec votre permission, je passe la parole à ma
collègue.
Mme Dougherty: Merci, M. le ministre. Ma question est sur une
question qui ne semble pas encore être tranchée dans l'opinion des
universitaires. Vous déplorez, dans votre mémoire, le peu
d'engagement des professeurs en recherche. Vous citez un chiffre de 40 % dans
une de nos universités.
Par ailleurs, dans le mémoire du Conseil des universités,
ils ont parlé de l'expérience aux États-Unis où on
trouve de plus en plus de spécialisation selon les talents, les
intérêts, les priorités des professeurs. Ils
soulèvent cette possibilité dans le but de rendre l'enseignement
et la recherche plus efficaces. Ma question est la suivante: Croyez-vous qu'il
soit essentiel que la recherche et l'enseignement soient intégralement
liés dans la tâche d'un professeur? Je parle surtout du 1er cycle,
mais la question est pertinente pour les 2e et 3e cycles, aussi.
M. Gagné: À cela, je vous répondrais non. Je
ne crois pas que cela soit essentiel... Bien non, attendez! Oui, c'est
essentiel, excusez! C'est essentiel que les deux aillent ensemble parce que le
professeur qui fait de la recherche est à la pointe de la connaissance
et cette connaissance doit être transmise pour le bien-être de
l'ensemble de la communauté. Et la façon de le faire, selon le
rôle et la vocation de l'université, c'est en l'enseignant et en
diffusant le savoir aux étudiants des 1er, 2e et 3e cycles.
D'après l'expérience pratique que j'ai vécue, en
général un professeur qui est bon est bon dans tout; donc, c'est
un bon chercheur. C'est souvent le cas, c'est plus souvent le cas que dans les
spécialisations. Il existe des spécialistes, mais plus
généralement les bons professeurs sont des bons chercheurs pour
le bien-être de tous les étudiants et de toute la
communauté.
Mme Dougherty: Si je comprends bien, vous avez dit: Pas de
recherche sans enseignement, pas d'enseignement sans recherche.
M. Géloën: On peut apporter...
Mme Dougherty: Us sont intégralement liés.
M. Géloën: Pas de façon stricte, pas
forcément liés, exemple,..
Mme Dougherty: Cela se prend dans les deux sens.
M. Géloën: Cela existe. Il y a des professeurs qui
sont de très bons pédagogues, qui communiquent très bien
un savoir, qui ne sont pas intéressés et qui ne sont pas
très bons, par surcroît, pour faire de la recherche. Pour
répondre à la question de tout à l'heure aussi, on ne veut
pas faire un critère de la recherche. Ce n'est pas parce qu'il ne fait
pas une bonne recherche que ce ne sera pas un bon professeur. Mais, dans ce
cas-là, on imagine une situation où on lui suggère de
faire un peu plus de cours parce qu'il fait un peu moins de recherche.
Mme Dougherty: Merci de votre clarification.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
Mme la députée.
Mme Dougherty: En terminant, est-ce que je peux renforcer les
commentaires du ministre? Je crois que votre excellent mémoire nous
donne beaucoup de choses très précises sur lesquelles il faut
travailler. Il faut examiner vos questions et vos recommandations. J'aimerais
vous assurer de l'importance capitale que nous accordons à la recherche
universitaire.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
Mme la députée de Jacques-Cartier et adjointe parlementaire au
ministre de l'Éducation. M. le président de la Coalition des
étudiants aux cycles supérieurs, M. Gagné, M.
Géloën et Mme Tanguay, nous vous remercions beaucoup de votre
présence ici à la commission parlementaire. La commission suspend
ses travaux à cet après-midi, 15 heures, alors qu'elle entendra
l'Université du Québec.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 15 h 2)
Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission
permanente de l'éducation reprend ses travaux et accueille pour les
besoins de la cause l'Université du Québec qui sera entendue
durant une période de deux heures environ. Nous prévoyons
terminer la rencontre à 17 heures. Je vous rappelle que, sur cette
période de deux heures, environ 20 à 25 minutes seront
consacrées à l'exposé du mémoire de
l'Université du Québec et, après cela, on entreprendra,
avec les membres de la commission parlementaire, ce dialogue pour renseigner
les membres de la commission sur la problématique du financement,
principalement en ce qui regarde votre institution.
L'Université du Québec est représentée
à la table par M. Gilles Boulet, son président. M. Boulet, soyez
le bienvenu. J'aimerais que vous nous présentiez les gens qui sont avec
vous.
Université du Québec
M. Boulet (Gilles): M. le Président, je vous remercie
beaucoup. M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, je suis
accompagné du vice-président de l'Université du
Québec. Comme le réseau de l'Université du Québec
est quelque chose d'un peu particulier, je vais vous faire une
présentation particulière. M. Michel Leclerc est premier
vice-président de l'Université du Québec. Sa tâche
précédente était d'être tout d'abord vice-recteur
à l'enseignement et à la recherche et, ensuite, vice-recteur
à l'administration à l'Université du Québec
à Montréal. M. Lefrançois est vice-président
à l'administration et aux finances. Avant d'être à ce
poste, il était à la Régie de l'assurance-maladie et dans
l'entreprise privée.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Lefrançois, bonjour.
M. Boulet: M. Claude Hamel est vice-président à
l'enseignement et à la recherche. Avant d'être là, il
était recteur de l'Université de Sherbrooke.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Hamel.
M. Boulet: Et M. Gérard Arguin est vice-président
à la planification. Auparavant, il était recteur de
l'Université du Québec à Chicoutimi. Quant à moi,
avant d'être président j'étais recteur de
l'Université du Québec à Trois-Rivières. Si je fais
cela, c'est que cela vous montre déjà au départ
d'où vient ce réseau.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Messieurs, soyez
les bienvenus. Nous vous écoutons.
M. Boulet: Merci, M. le Président. Vous avez
déjà en main un résumé de notre mémoire. Je
vais suivre ce résumé, j'en lirai la plupart des passages en vous
indiquant où je me situe.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Quand je vous
disais, M. le président, que vous disposiez de 2Q ou 25 minutes, cela
veut dire que nous serons très souples.
M. Boulet: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Prenez le temps
que vous jugerez nécessaire pour bien nous l'expliquer.
M. Boulet: Vous êtes fort gentil, M. le Président.
D'autant plus que j'en lirai une partie, mais je demanderai à mes
collègues d'intervenir aussi dans la présentation, puisque je
crois que j'ai passé mon examen de lecture hier soir.
L'Université du Québec se présente devant vous avec
l'espoir de vous dire ce qu'elle est, ce qu'elle fait et ce qu'elle a
l'intention d'être dans les années qui viennent.
Au début du résumé comme au début du
mémoire, on vous donne quelques chiffres sur l'essor des
universités, vous les avez tous vus, toutes les universités vous
en parleront. Je ne les lis donc pas. Au bas de la première page, nous
parlons de l'accessibilité. Le Québec, vous le savez, accuse un
retard global avec l'Ontario quant à la diplômation et à la
scolarisation à tous les niveaux. Il présente un taux de
fréquentation à temps complet au 1er cycle chez les jeunes de 20
et 21 ans nettement plus faible qu'en Ontario, à 68 % du niveau de
fréquentation ontarien. Il compte, en proportion, moins de jeunes
francophones québécois accédant à
l'université que les anglophones. Il montre des écarts importants
d'une région à l'autre quant au taux de scolarisation
universitaire.
Il nous semble donc important d'accroître l'accessibilité
à l'enseignement supérieur et que cet accroissement doive
demeurer un objectif prioritaire de la société
québécoise. Les mêmes perspectives d'éducation
permanente, dans cette fin, doivent être maintenues.
Je me permets ici de sortir un peu de ce texte pour me relier à
un tableau que nous présentons dans le mémoire lui-même
à la page 52, annexe 4, qui a d'ailleurs été
utilisé hier par Mme la députée de Chicoutimi, et qui
démontre que les taux de scolarisation pour la population de quinze ans
et plus sont extrêmement différents au Québec, selon les
régions, et qui démontre, nous pensons, de façon
très nette, jusqu'à quel point le travail à faire en
régions, auprès des populations de jeunes étudiants
sortant des cégeps comme auprès de la population adulte,
mérite qu'on s'y penche considérablement.
J'aimerais aussi, à ce propos, insister sur une étude que
nous n'avons pas reproduite dans notre mémoire, parce qu'elle date de
1978. Elle date donc. Cependant, nous aurions aimé la refaire, mais nous
avons fait faire cela par une maison professionnelle et les coûts sont
actuellement trop élevés, nous réussirons peut-être
un jour à la refaire.
Nous voulions savoir quelle sorte d'étudiants nous rejoignions
dans les régions, à Montréal et partout. Encore une fois
cette étude a été faite par une compagnie
indépendante, professionnelle, et nous en arrivons aux conclusions
suivantes:
À l'Université du Québec à Montréal,
à Trois-Rivières, à Chicoutimi et à Rimouski, la
proportion d'étudiants provenant de familles d'ouvriers
spécialisés était: à Montréal de 18,7 %,
à Trois-Rivières de 29 %, à Chicoutimi de 33 %, à
Rimouski de 26,5 %. La proportion des étudiants provenant d'un millieu
d'ouvriers semi-spécialisés était de 7 % à
Montréal, de 6 % à Trais-Rivières, de 8,8 % à
Chicoutimi et de 8,2 % à Rimouski. La proportion des étudiants
provenant de familles d'ouvriers non spécialisés était de
15 % à Montréal, de 15 % à Trois-Rivières, de 19 %
à Chicoutimi, de 16 % à Rimouski. Du milieu agricole, 4 %
à Montréal, 10 % à Trois-Rivières, 2 % à
Chicoutimi et 14 % à Rimouski.
Qu'on prenne l'un ou l'autre exemple, cela fait au-delà de 50 %
dans chacun des cas provenant des milieux qui sont le moins scolarisés.
En fait, l'étude démontrait - je ne sors pas tous ces chiffres -
que la grande majorité de nos étudiants provenait de familles
dont les parents avaient un maximum de sept années scolaires. Cela,
lié aux besoins des régions, aux démarches que nous
faisons pour atteindre les personnes là où elles sont par nos
sous-centres, indique jusqu'à quel point le problème de
l'accessibilité pour nous est un problème social majeur.
Le développement nécessaire des universités. Je
retourne à mon texte, résumé de notre mémoire en
page 3, point 1.3.
Aucune université ne saurait échapper, y disons-nous, aux
pressions venant de l'évolution de toutes les disciplines,
particulièrement des sciences et des technologies; des attentes des
étudiants, en particulier des adultes, fut-ce par les programmes de
formation courte; des demandes de toute nature venant du milieu externe.
Un lien vital existe entre l'essor que l'on souhaite imprimer au
développement socio-économique de la société
québécoise d'une part, et la promotion de l'enseignement et de la
recherche universitaires d'autre
part.
La qualité est de plus en plus menacée. Les compressions
budgétaires affectent le fonctionnement et le développement des
universités depuis plusieurs années déjà. Les
ressources allouées aux universités du Québec sont
insuffisantes et ont atteint un niveau par étudiant parmi les plus bas
au Canada.
La création de l'Université du Québec et ses
missions. En 196B, fut créée l'Université du
Québec. De caractère public, ramifiée en institutions
constituant un réseau (aujourd'hui douze établissements) dont six
universités (l'Université du Québec à
Montréal, à Trois-Rivières, à Chicoutimi, à
Rimouski, l'Université du Québec à Hull, en
Abitibi-Témiscamingue) deux instituts de recherche (l'Institut national
de la recherche scientifique, l'Institut Armand-Frappier) deux écoles
d'enseignement supérieur (l'École de technologie
supérieure, l'École nationale d'administration publique), enfin
un établissement voué spécifiquement au
télé-enseignement à l'échelle provinciale, la
Télé-Université et, finalement, une corporation centrale.
Je me permets de souligner ici, si vous me le permettez, M. le
Président, que la plupart des chefs de ces établissements sont
dans l'assistance.
La nouvelle université devait aider à accueillir le flot
des finissants des cégeps, décentraliser les services
universitaires vers les régions dans un but d'accessibilité,
accueillir les adultes, intégrer la formation des maîtres à
l'enseignement universitaire, être partie prenante du devenir collectif
québécois et appuyer le développement des régions.
Ces quatre missions particulières formulées par la loi
étaient les suivantes: desservir l'ensemble des populations et des
territoires du Québec, répondre aux appels et aux besoins des
régions par des interventions de qualité universitaire, assurer
aux enseignants formation, perfectionnement et support de la recherche,
être au service de la collectivité tout entière.
Le Québec - je sors un petit peu de mon texte - créait
à ce moment-là une université de type un peu particulier
qui est d'ailleurs unique au Québec et au Canada mais qui empruntait un
modèle en plein développement en Amérique du Nord à
cette époque et en particulier aux États-Unis. Le modèle
de l'université en réseau est un modèle qui est né
aux États-Unis, qui a pris naissance ou une forme plus
particulière vers les années trente, bien que certaines de ces
universités en réseau ont été basées sur des
"land grant universities" qui ont au-delà d'un siècle
d'existence. On retrouve actuellement dans le monde universitaire
américain 88 réseaux de même type que l'Université
du Québec. Je vous parlerai plus tard, si vous le jugez opportun, de ces
modèles américains, mais, si j'en parle, c'est que parfois on
aime avoir des lieux de comparaison. Ce n'est pas quelque chose qui est apparu
soudainement un matin au Québec. C'est le modèle qui existe
depuis longtemps aux États-Unis et qui se développe encore
considérablement.
L'Université du Québec, à ses yeux et aux yeux de
ses dirigeants, de ses professeurs et de ses étudiants, est une
université performante. Elle présente depuis seize années
un bilan remarquable. Au plan académique, en 1985-1986,
l'université comptait 78 614 étudiants. Elle a contribué
largement à hausser, entre autres, la fréquentation universitaire
à temps complet au premier cycle qui est passée; pour les 20-24
ans, de 3,2 % en 1971 à 7,8 % en 1982. Ses clientèles
équivalence temps complet, de 1973 à 1985, au premier cycle, sont
passées de 14 474 à 38 439, alors qu'aux deuxième et
troisième cycles on a connu une augmentation de 437 étudiants
à 2458 aujourd'hui. Quant aux diplômés, ils étaient,
en 1985, 57 859 à détenir leur grade de bachelier de
l'Université du Québec; 3850 y ont obtenu une maîtrise et
50 un doctorat. (15 h 15)
À partir de 1970, elle a créé des certificats
régis par le même régime pédagogique que les
programmes de baccalauréat pour répondre aux besoins des adultes.
Jusqu'en 1985-1986, 32 000 étudiants, dont 17 514 femmes, ont
été ainsi diplômés. Son personnel enseignant a la
plus jeune moyenne d'âge de toutes les universités
québécoises. Son niveau de formation se compare à celui
des corps professoraux des autres universités
québécoises.
La recherche prend de plus en plus d'importance. En 1984-1985, les
subventions ont atteint un montant de 28 882 000 $. Les secteurs les plus
favorisés, sciences pures et appliquées. En 1984, le pourcentage
des professeurs subventionnés était de 46,8 %.
Dans le secteur de la formation des enseignants, l'Université du
Québec a octroyé, depuis sa création, 8000 grades de
bachelier en éducation et plus de 400 grades de maître. Elle
offrira maintenant un doctorat en éducation.
C'est un bilan court. Il est plein de chiffres. Mais nous croyons qu'en
seize ans, c'est un résultat remarquable.
Le développement des régions. Les universités du
réseau, toutes implantées dans des régions distinctes,
sont devenues des acteurs importants du développement
socio-économique et culturel.
La fonction sociale de ces universités s'exprime essentiellement
par l'enseignement et la recherche, mais elles savent aussi être
présentes et actives de beaucoup d'autres façons et
répondre ainsi aux attentes des organismes régionaux. Ces
demandes s'inscrivent, pour une part importante, dans une fonction de recherche
sur les problèmes que vivent les communautés locales,
problèmes concernant les transports, l'aménagement
régional, l'épuration des eaux, l'agro-alirnentaire, la
revitalisation des forêts, l'exploitation minière, etc.
La planification universitaire. L'Université du Québec a
été la première au Québec à mettre sur pied
son propre modèle de planification: schéma général
de développement, plans triennaux locaux, cadre de développement
du réseau. Ce plan d'action contribue à la bonne harmonisation
des programmes et des activités correspondant aux besoins les plus
pressants du Québec.
Aux plans administratif et financier, le fonctionnement en
réseau, allié au mécanisme de coordination de la
corporation centrale, a permis d'assurer un développement
cohérent des différentes composantes, beaucoup
d'efficacité au plan administratif et financier et une situation
financière saine malgré les compressions des dernières
années. Ce résultat découle d'une politique
d'équilibre budgétaire adoptée par l'assemblée des
gouverneurs et dont l'application a été parfois très
contraignante pour certaines constituantes du réseau.
En cours d'exercice, l'organisme central est informé de
l'évolution budgétaire des unités constituantes et fait
des recommandations appropriées. L'assemblée des gouverneurs
intervient parfois pour exiger le resserrement du niveau des dépenses et
aussi pour apporter une assistance aux constituantes en difficulté. La
gestion des ressources humaines est étroitement coordonnée pour
assurer la cohérence dans le contenu des conventions collectives,
ententes et protocoles et aussi le respect de la politique salariale du
gouvernement. Des services sont mis en commun et assurent une gestion efficace
des bibliothèques et des systèmes de gestion traitant de la
comptabilité, de la paie et de la gestion des ressources humaines.
Les ressources du réseau. En 1984-85, le nombre
d'étudiants équivalence temps complet par professeur
équivalence temps complet était de 19 % plus élevé
que dans les autres universités québécoises. Le manque de
ressources financières et la décision de l'assemblée des
gouverneurs de maintenir l'équilibre bugétaire ont forcé
l'université à dispenser une part importante de son enseignement
par des chargés de cours. Le nombre moyen d'étudiants par
activité est passé de 20 à 27 entre 1976-1977 et
1984-1985.
Quelques situations particulières. Les universités en
régions. L'éparpillement de la clientèle entraîne
des coûts additionnels, les services à la collectivité
doivent y être plus développés qu'ailleurs. Le
réseau a dû venir au secours de certains établissements
très affectés par les compressions budgétaires. En fait,
l'université en région se trouve dans une situation très
difficile car elle ne peut bénéficier de moyennes
d'étudiants par activité très élevées et ne
peut donc profiter des économies d'échelle qui sont
réalisées par les universités situées dans les
grands centres et concentrant leurs activités dans un seul campus.
Un cas particulier: l'Université du Québec à
Montréal. Elle a, de 1976 à 1985, accueilli 32 % des
clientèles additionnelles de tout le Québec. Limitant le plus
possible l'engagement des professeurs, réduisant les dépenses des
fonctions de soutien, recevant des contributions des autres
établissements du réseau de l'Université du Québec,
cette institution a réussi à maintenir un certain
équilibre financier dû à des efforts soutenus de
rationalisation. Cette dernière est sous-financée, tout le monde
l'admet en même temps que nous admettons qu'elle a atteint, dans
plusieurs secteurs, un niveau d'excellence remarquable.
Les instituts de recherche. Enfin les deux instituts de recherche:
l'institut Armand-Frappier et l'Institut national de la recherche scientifique
sont gênés dans leur développement par un financement tout
à fait inadéquat. Je trouve qu'ici le verbe "gêner" est
bien faible. On ne reconnaît pas que leur situation diffère des
centres de recherche intégrés aux universités. La forme
actuelle de financement, l'absence de financement de développement fait
que, depuis 1982-1983, les instituts de recherche ne reçoivent pas de
subventions significatives de développement.
Enfin, certains établissements créés
récemment n'ont pas encore complété leur programmation.
Ceci requiert des ressources humaines et physiques appropriées aux
besoins.
L'Université du Québec et ses propositions de financement.
Les bases de dépenses de fonctionnement devraient être
évaluées en tenant compte: a) de données fiables, de
calculs et de paramètres uniformes; b) d'un système de
dénombrement des clientèles visant l'uniformité dans le
calcul des données afin d'assurer l'équité dans la
répartition; c) non seulement des variations de clientèles, mais
aussi de la performance des universités au titre de la recherche et des
services à la collectivité et en distinguant les coûts des
différentes missions; d) de trois secteurs: la santé, les
disciplines avec laboratoire et les disciplines sans laboratoire. Un même
facteur de pondération doit être maintenu par cycle
d'études pour toutes les disciplines; e) de la taille, car le coût
de plusieurs activités (enseignement et soutien) croît à
mesure que la taille de l'établissement diminue, surtout si
l'établissement est situé dans un territoire très grand
sur lequel la population est dispersée; f) des coûts additionnels
occasionnés par l'éloignement et la décentralisation; g)
des coûts indirects de la
recherche.
Les bases de dépenses des universités calculées
selon la méthode suggérée ci-haut doivent annuellement
être modifiées pour tenir compte des caractéristiques et
objectifs suivants: permettre l'accessibilité: les fonds doivent
être suffisants pour couvrir les dépenses reliées aux
clientèles supplémentaires; assurer la qualité de
l'enseignement et de la recherche; garantir l'appariement des coûts et
des revenus: le financement des clientèles additionnelles est pourvu
environ dix-huit mois après l'admission de ces étudiants;
respecter l'autonomie des universités; être stables et connues
à l'avance: la planification des activités est rudement
affectée par les délais et les changements dans les calculs des
subventions; distinguer le développement de l'enseignement et celui de
la recherche; limiter le nombre des secteurs disciplinaires à trois et
n'utiliser qu'un seul facteur de pondération par cycle; éliminer
certains revenus admissibles: laisser aux universités les "autres
revenus" perçus.
Quant au financement des dépenses d'immobilisation, il devrait
être modifié. Il devrait dépendre d'un plan triennal
plutôt que d'un plan quinquennal. Il faudrait accélérer les
modalités d'approbation des projets et d'obtention des sommes pour
éviter les délais actuels de 12 à 24 mois. La
révision du financement des immobilisations, présentement en
cours, devrait tenir compte d'informations établies à partir de
paramètres uniformes et dont la fiabilité peut être
vérifiée.
Enfin, M. le Président, nous avons jusqu'ici parlé de ce
qui est le sujet fondamental de cette commission, mais j'aimerais terminer sur
un autre ton. Je vais continuer à lire. Notre mémoire se
terminait comme cela, et je suis d'autant plus à l'aise de le faire que
le discours d'entrée de jeu du ministre, hier, les 14 ou 15 propositions
qu'il a soumises à la commission et la réponse de Mme la
députée de Chicoutimi nous ont situés à un niveau
qui, je vous l'avoue, nous plaît beaucoup à l'Université du
Québec, de sorte que cela me permet d'être un petit peu plus
à l'aise pour lire notre conclusion, qui est un plan d'avenir et qui
cherche à délaisser un peu les liens que nous impose l'analyse
par le financement pour aller aux choses elles-mêmes analysées en
elles-mêmes.
Vous avez le résumé. Je lis notre conclusion en partie
dans notre texte même, en page 45, mais je suis à peu près
le résumé.
Malgré les difficultés financières des
dernières années, les établissements de
l'Université du Québec n'en continuent pas moins de chercher
à répondre le plus adéquatement possible aux besoins de la
collectivité. Depuis près de deux ans maintenant et selon le
processus décrit précédemment, l'Université du
Québec a travaillé à la préparation de son prochain
schéma général de développement pour la
période 1988-1994. C'est une opération régulière
dont on vous parlera tout à l'heure. Ce plan-réseau indique un
certain nombre d'orientations qui deviendront prioritaires dans le
réseau au cours du prochain cycle de planification. Ce travail a d'abord
été l'occasion d'une évaluation des environnements de
l'Université du Québec, d'un point de vue socio-économique
et culturel, et d'une évaluation des forces et des faiblesses de
l'université. C'est à partir de cette problématique qu'ont
été dégagées les orientations suivantes qui sont
autant d'indications de la manière dont l'université envisage
l'avenir. Les voici (à la page 11 du résumé) apporter une
contribution au développement d'un humanisme contemporain et tout
particulièrement contribuer à la maîtrise des
développements scientifiques et technologiques; poursuivre l'application
de la politique d'accessibilité aux études universitaires en
s'attachant à chacune des facettes essentielles de cet objectif qui sont
autant d'expressions des droits de la collectivité, accessibilité
qualitative, accessibilité sectorielle; accessibilité
géographique; considérer les activités de formation des
adultes comme une dimension essentielle de la mission de l'université;
multiplier les liens et les échanges avec les organismes
régionaux, d'une part, et internationaux, d'autre part; travailler
à renouveler les modèles de formation et de perfectionnement des
enseignants; développer, de façon sélective et
concertée, les programmes d'études avancées et
développer la recherche; promouvoir la qualité des études
de 1er cycle; accroître le nombre d'inscriptions aux études
avancées et le taux de diplomation; accélérer le
développement des programmes d'études et de la recherche en
sciences appliquées.
 propos de projets à court terme: consolidation et
développement des services universitaires offerts par les
universités en régions, particulièrement à Hull, en
Abitibi-Témiscamingue et à Rimouski, et réponse
réaliste aux demandes des populations de la Beauce et de la
Côte-Nord.
Conclusion. L'Université du Québec espère que le
gouvernement actuel reconnaîtra la place fondamentale de
l'université dans la société qu'il cherche à
développer ici et qu'il reconnaîtra le rôle tout
particulier que joue l'Université du Québec comme
université publique. L'Université du Québec, pour sa part,
entend être un partenaire toujours plus actif, plus éclairé
dans l'évolution de la société québécoise.
Tout en convenant, dans la conjoncture présente, de la
nécessité de faire des choix, l'Université du
Québec tient cependant à rappeler au gouvernement qu'il lui est
devenu impossible de continuer à assumer toutes ses
responsabilités, en raison du niveau de ses ressources. (15 h 30)
Elle souhaite donc un financement plus adéquat grâce
à une formule renouvelée qui retienne les principes qu'elle
propose dans ce mémoire. Elle croit en effet que l'application de
ceux-ci assurerait une distribution des subventions qui serait plus
équitable et reconnaîtrait la diversité des missions
universitaires.
L'Université du Québec remercie la commission de lui avoir
permis de présenter son point de vue et de le faire valoir. Avant de
terminer, je vous rappelle que ces propositions d'avenir qui terminaient notre
mémoire ne sont pas de simples souhaits que nous avons écrits
parce que nous devions comparaître devant votre commission, mais les
conclusions formelles d'un schéma de développement qui est le
nôtre, adopté par l'assemblée des gouverneurs et qui doit
gérer notre développement des six prochaines années.
Si vous le permettez, j'aimerais terminer par deux points qui nous
semblent importants. Je demanderais à M. Claude Hamel,
vice-président à l'enseignement et à la recherche,
d'ajouter un mot sur ce que nous faisons dans notre souci d'assurer la
qualité de l'enseignement à l'Université du Québec
et ensuite à M. Arguin de vous parler un peu de notre régime de
planification et de son histoire à l'Université du
Québec.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Hamel.
M. Hamel (Claude): Merci, M. le Président. Je vais limiter
mes remarques au niveau du premier cycle et vous indiquer ce que fait, comme le
disait M. Boulet, l'Université du Québec pour s'assurer de la
qualité de ses enseignements à ce niveau.
Nous travaillons principalement sur trois plans: les programmes, le
corps professoral et la réglementation générale et
institutionnelle. Le mode de gestion des programmes et des activités mis
en place comporte plusieurs paliers. En s'appuyant sur la double structure
modules-départements propre à l'Université du
Québec, plusieurs instances administratives sont impliquées dans
l'approbation des programmes et des cours, dans le contrôle de leur
dispensation et dans leur évaluation périodique. C'est ainsi
qu'avant même de parvenir à la commission des études d'un
établissement tout projet d'un nouveau programme de premier cycle, qu'il
soit de baccalauréat ou de certificat, fait l'objet d'un examen critique
rigoureux par les instances académiques locales: module,
département, sous-commission des études où siègent
majoritairement des membres du corps professoral.
L'établissement recourt souvent à des experts externes
pour s'assurer de la pertinence et de la qualité du programme.
Après son approbation par la commission des études de
l'établissement, le projet de programme est acheminé au conseil
des études de l'Université du Québec pour adoption. Il
fait alors l'objet d'une expertise de qualité auprès d'au moins
trois experts externes reconnus, habituellement choisis dans les autres
universités québécoises. Cette expertise est
déterminante pour la présentation et l'acceptation du
programme.
Pour les programmes existants, la supervision des activités et le
conseil auprès des étudiants sont confiés aux conseils de
modules qui regroupent, outre des professeurs et des étudiants, des
représentants socio-économiques. Le module est responsable de
l'atteinte des objectifs du programme et du cheminement des étudiants.
Il voit donc périodiquement à l'évaluation du programme.
Toutes les modifications de programme doivent être approuvées par
la sous-commission des études et la commission des études de
l'établissement. Si des modifications sont de nature fondamentale, elles
doivent, de plus, être acheminées au conseil des études de
l'Université du Québec, lequel peut les soumettre à une
expertise externe avant leur approbation.
La qualité des enseignements de premier cycle est assurée
non seulement par la qualité des programmes et des activités de
formation, mais aussi par la qualité du corps professoral chargé
de dispenser ces programmes et ces cours. Depuis sa création,
l'Université du Québec a maintenu de hauts standards de
qualification pour l'engagement et le perfectionnement de ses professeurs,
compte tenu des difficultés de recrutement dans les disciplines de
pointe et des difficultés de recrutement dans les régions
périphériques. La proportion des professeurs réguliers
détenteurs d'un diplôme de doctorat a progressé
d'année en année atteignant 56 %, selon les dernières
données disponibles, ce qui est un niveau comparable à ce que
l'on retrouve dans les autres universités. La proportion
d'activités de formation assumées par les professeurs
réguliers a augmenté lentement, bien sûr, en raison des
restrictions budgétaires qui ont, durant les dernières
années, ralenti la croissance du nombre de professeurs
réguliers.
Les chargés de cours, de leur côté, souvent porteurs
d'un doctorat, donc fort bien qualifiés, sont engagés et
encadrés par le département. Leur choix est effectué en
fonction de critères élevés, en regard de leur formation
et de leur expérience. Leurs enseignements font l'objet
d'évaluations au même titre que ceux des professeurs
réguliers.
Troisièmement, au plan de la réglementation,
l'Université du Québec a choisi de se donner des
règlements généraux exigeants pour définir les
programmes de formation et le régime des études. En
complément avec ces règlements généraux, chaque
établissement se donne des règlements institutionnels compatibles
avec les règlements généraux et détermine,
là où cela est requis, la procédure qu'il entend suivre
dans leur application. Ces règlements portent notamment sur les
conditions d'admission, les modes d'évaluation des étudiants et
les procédures d'appel.
L'application de cette réglementation générale et
institutionnelle vise elle aussi à garantir la qualité de la
formation reçue par l'étudiant et, donc, la valeur du
diplôme émis par l'Université du Québec. Cette
réglementation fait périodiquement l'objet d'un examen critique
tant par les établissements eux-mêmes que par les instances
administratives du réseau, c'est-à-dire le conseil des
études et l'assemblée des gouverneurs.
Au-delà de ces trois aspects, d'autres politiques visent aussi
à soutenir la qualité de l'enseignement. Il s'agit, par exemple,
de la gestion des banques de cours, c'est-à-dire la gestion de la
quantité d'activités offertes et de la taille des groupes. On
veut ainsi, entre autres, maintenir une taille moyenne de groupe raisonnable
tout en évitant les trop grands groupes.
Il s'agit aussi, dans ses autres politiques, de la mise en commun de
ressources physiques pour l'ensemble du réseau, comme c'est le cas pour
l'équipement informatique et les collections de bibliothèque.
Enfin, il faut le rappeler, la priorité accordée par
l'Université du Québec au développement des études
avancées et de la recherche s'inscrit également dans cette
perspective d'une préoccupation constante de la qualité des
programmes et des activités du premier cycle. À cet égard,
une enquête interne récente montrait la satisfaction des
étudiants envers leur programme d'études et la formation
reçue à l'Université du Québec.
Je termine en lisant un passage du mémoire de l'université
soumis à la commission qui se retrouve' à la page 21. Dans cette
enquête, on indiquait, entre autres, que les étudiants
reconnaissent la qualité des professeurs réguliers et leur souci
de bien encadrer les étudiants. D'ailleurs, plusieurs premières
places à des examens canadiens d'ordres professionnels témoignent
de la qualité de la formation reçue à l'université.
Qu'on se rappelle, entre autres, les succès obtenus par les
étudiants du réseau de l'Université du Québec aux
examens de l'Institut canadien des comptables agréés en 1984,
où dix se sont classés parmi les vingt premiers de tous les
candidats, avec des taux de réussite de l'ordre de 92 % et de 100 % pour
certains établissements. On peut aussi penser aux prix et aux honneurs
remportés par les étudiants dans les domaines du design, des
communications, du génie industriel, ainsi qu'aux nombreuses bourses
d'études avancées obtenues du fonds FCAR.
Voilà, M. le Président, quelques exemples de mesures
prises pour assurer, à l'intérieur de l'Université du
Québec, la qualité des programmes de premier cycle.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M.
Hamel.
M. Boulet: M. Arguin pourrait vous parler, si vous le permettez,
M. le Président, de la planification telle qu'elle se fait.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Arguin, nous vous écoutons.
M. Arguin (Gérard): Merci, M. le Président. Comme
vous le savez, il est nécessaire pour toute entreprise d'avoir un bon
plan de développement si elle veut vraiment être efficace et
productive.
À l'Université du Québec, depuis son origine, la
planification est un élément essentiel de son fonctionnement. Le
législateur a prévu dans la loi une commission de planification
composée du président et de tous les chefs d'établissement
en vue de coordonner et de planifier toutes les activités et les
programmes de ce réseau.
Étant donné que l'Université du Québec est
une université un peu différente des autres, elle a une
planification à double niveau: au niveau du réseau et au niveau
de chaque établissement. Au niveau du réseau, nous avons ce qu'on
appelle comme instrument le schéma général,
c'est-à-dire le plan directeur, ce que les universités
américaines identifient comme le "master print". Ce schéma
général, comme on l'a signalé tout à l'heure,
comprend une analyse de l'évolution de l'université lors de son
dernier cycle de planification. Il comprend aussi une analyse fine des
tendances socio-économico-culturelles qui entourent l'université
et qui se trouvent dans son milieu environnant. En plus de cette analyse,
l'Université du Québec, dans son schéma
général, évalue les forces et les faiblesses de son
université, évalue ses ressources tant professorales
qu'étudiantes, ses ressources
aussi physiques, bien sûr, en vue d'être capable
d'identifier les objectifs et la programmation nécessaires dans le cycle
de planification. Une fois qu'on a bien posé cette problématique,
une fois qu'on a bien analysé les grandes tendances et les ressources
que nous avons, nous tentons d'identifier les grandes orientations où
pourrait oeuvrer l'université pour les prochaines années.
Au niveau du réseau, le cycle de planification est de six ans.
Donc, nous prévoyons des orientations pour une période de six
ans. Par la suite, étant donné que c'est un schéma
général, donc une sorte de plan directeur, nous avons ce qu'on
appelle au niveau du réseau un cadre de développement. C'est un
plan d'action pour l'ensemble du réseau, puisque, étant
donné que nous ne pouvons pas dispenser tous les programmes et toutes
les activités dans les différentes constituantes, on essaie de
mettre en commun un certain nombre de ressources, un certain nombre de
programmes tant d'enseignement que de recherche pour pouvoir mieux
développer et le Québec et les régions. C'est ce qu'on
appelle le cadre de développement. Ce cadre de développement
identifie très bien les pôles directeurs de chaque
établissement et, en plus, les secteurs prioritaires pour l'ensemble du
réseau de l'Université du Québec. C'est ainsi que, dans le
schéma général, dans le cadre de développement
1985-1988, on a identifié un certain nombre de secteurs prioritaires
comme les biotechnologies, l'ouverture à l'organisation, le
développement des sciences de l'éducation, le
développement des ressources naturelles, etc., en vue d'identifier un ,
certain nombre d'actions prioritaires. Chaque année, la commission de
planification identifie des actions prioritaires en réseau qui
découlent de ce cadre de développement. Voilà pour le
niveau du réseau, M. le Président.
Au niveau local, à la suite a la confection de ce schéma
général, il y a ce qu'on appelle les plans de
développement de chaque établissement. Étant donné
que le cycle de planification au niveau du réseau est de six ans et
étant donné aussi que les établissements sont tout
près de l'action, le plan de développement est de trois ans;
d'est un plan triennal. Donc, dans le cycle de planification de six ans, il y a
deux plans triennaux pour chaque établissement. Le plan triennal
comprend l'étude d'une problématique où on analyse le
bilan du dernier plan, où on fait une analyse aussi des environnements
externes et internes à l'université, des grandes tendances qui se
trouvent dans le milieu ambiant de l'université pour ensuite bien
identifier les orientations et les grands objectifs pour les trois prochaines
années. (15 h 45)
Chaque établissement a ses axes de développement,
c'est-à-dire ses grandes priorités. C'est le conseil
d'administration avec l'assemblée des gouverneurs qui détermine
ces grandes priorités ou axes de développement de chaque
établissement. C'est ainsi qu'à Rimouski vous avez
l'océanographie; à Chicoutimi les ressources minérales;
à Trois-Rivières les pâtes et papiers, études
québécoises, arts et loisirs, ouverture à l'organisation;
à Hull vous avez le développement de l'informatique; en
Abitibi-Témiscamingue le développement des ressources naturelles
et le développement de la région; et à Montréal
à peu près tout, sept axes, dont le dernier qui identifie
très bien le développement des sciences appliquées.
Voilà donc un peu ce qu'on retrouve dans le plan triennal. À la
suite de ces orientations, il y a une programmation très
opérationnelle qui en découle.
En résumé, M. le Président, je dirais que
l'Université du Québec a un processus de planification bien
systématisé, cohérent et logique où participent
toutes les couches de la communauté universitaire tant au niveau de la
direction qu'au niveau des professeurs et même des étudiants
qu'à celui des représentants socio-économiques. Vous avez
aussi une planification unifiée, en ce sens que vous la retrouvez et au
niveau du réseau et au plan local, à partir d'un grand
schéma général qui est la pierre angulaire où
repose l'ensemble du processus de planification. Voilà, M. le
Président. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie
de votre exposé. Je vais vous répéter ce que je
répète à peu près à tous les groupes qui
viennent nous rencontrer ici. Maintenant est ouverte la séance de
discussion et d'échanges avec les membres de la commission. Je veux que
vous vous sentiez bien à votre aise. Si des questions n'étaient
pas claires, vous semblaient ambiguës, n'hésitez pas, demandez de
les clarifier. Les députés sont ici pour mieux se renseigner,
pour vous fournir leur point de vue et provoquer une réaction de votre
part afin d'alimenter une discussion intéressante qui nous aidera
à progresser dans ce dossier du financement des universités.
Je ne sais pas si des questions s'adresseraient à M. Boulet. Il
est devenu un habitué des commissions parlementaires. On l'a vu hier, on
le revoit aujourd'hui.
Je donne la parole au ministre de l'Éducation et la discussion
s'engage jusqu'à 16 h 50 environ, alors que je donnerai la parole
alternativement au représentant officiel de l'Opposition et au ministre
de l'Éducation pour le mot de la fin.
M. le ministre de l'Éducation.
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir, en mon nom
et en celui de mes
collègues qui font partie de la commission parlementaire du
côté ministériel, de saluer très cordialement M. le
président de l'Université du Québec et l'équipe qui
l'entoure, de même que les personnes nombreuses, la plupart en provenance
de l'Université du Québec, de ses constituantes ou de ses
institutions ou centres de recherche, qui les accompagnent cet
après-midi.
L'Université du Québec dans notre réseau
universitaire est une réalisation originale par rapport au modèle
traditionnel que nous avions suivi jusqu'à la création de
l'Université du Québec. C'est un modèle qui est largement
inspiré d'expériences américaines quant à ses
structures fondamentales, mais qui a apporté une réponse
intéressante à des problèmes particuliers qui se posaient
au Québec en matière de développement des
universités.
Je pense que l'illustration la plus éloquente qu'on puisse donner
de cette affirmation consiste en des chiffres contenus dans une des annexes de
votre document à la page 52, l'annexe 4 où vous donnez le taux de
scolarisation au niveau du baccalauréat ou grade supérieur pour
le Québec par région. Nous constatons qu'en Abitibi le taux de
scolarisation universitaire en 1981 était de 3,3 %; dans la
région de Chicoutimi 5,5 %; la région de Hull 7,5 % à
cause, évidemment, du voisinage de deux grandes universités de
l'autre côté de la rivière à Ottawa; île de
Montréal 10,2 %; Québec 10,2 %; Rimouski 5,8 %; Sherbrooke 9,2 %.
On voit que, dans les régions qui ont été dotées
plus récemment de services de formation universitaire, le taux de
scolarisation universitaire est considérablement inférieur. Et,
pour des raisons à la fois de distance et de conditions
économiques plus difficiles que nous connaissons tous, que la politique
gouvernementale des dernières années ait voulu que la chance
d'accéder à une formation universitaire soit étendue dans
les principales régions du Québec en dehors de Montréal et
de Québec, je pense que nous avons tout lieu de nous en réjouir.
Les données qu'on nous a présentées aujourd'hui illustrent
que, dans l'ensemble, l'expérience a déjà, après
à peine quelques années finalement, produit des résultats
très impressionnants. Je pense qu'on peut dire ensemble que
l'Université du Québec a bien répondu à ses
missions essentielles qui sont de créer une plus grande facilité
d'accès à l'enseignement supérieur, de favoriser le
développement régional par l'implantation du ferment
universitaire à l'intérieur même des régions et,
finalement, de favoriser également le service de la
collectivité.
Ce qui fait l'originalité de l'Université du
Québec, c'est cette bipolarité que l'on y observe entre, d'un
côté, les constituantes et, de l'autre côté, le
siège social, les deux formant ensemble un réseau. C'est une
donnée sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir tantôt, mais
c'est une donnée qui est une des différences essentielles entre
l'Université du Québec et ses constituantes, d'une part, et les
autres établissements universitaires au Québec.
J'ai eu l'occasion, depuis quelques mois, de connaître de plus
près la direction de l'Université du Québec et je dois la
remercier de la collaboration qu'elle m'a toujours apportée, de la
grande ouverture avec laquelle il nous a été donné
d'aborder plusieurs problèmes d'intérêt commun.
En relation avec l'exposé qui nous a été
présenté, c'est un exposé abondant où les
pièces les plus précieuses se trouvent dans les annexes. Pour nos
débats, pour notre information, elles sont dans la partie principale,
mais, pour les sujets que nous devons aborder en commission, elles sont surtout
dans les annexes. J'ai trouvé beaucoup d'indications quant aux positions
de l'Université du Québec; j'y reviendrai tantôt. Mais
j'aurais cinq ou six questions à vous adresser. Je vais le faire de
manière assez concise et je veux vous avertir avant pour que vous ne
preniez pas un quart d'heure sur la première question parce que vous
allez me gêner par rapport au président.
J'aimerais que vous nous expliquiez un peu cette dialectique entre les
constituantes et le siège social. Quelle est la vocation propre des
constituantes et, surtout, quels sont les problèmes particuliers de
développement qui se posent à elles? Comment voyez-vous leur
avenir? On a beaucoup fait allusion, depuis le début des travaux de la
commission, à l'impossibilité de développer tous les
services et toutes les options partout. Évidemment, quand on fait une
affirmation comme celle-là, on ne peut qu'avoir une certaine
pensée pour les établissements qui sont situés plus loin
des grands centres métropolitains. C'est évident qu'on ne peut
pas développer la même plénitude de services sur la
Côte-Nord du Québec ou en Abitibi-Témiscamingue que dans la
région de Montréal, ne serait-ce que pour des raisons
inhérentes au bassin de population fort différent. J'aimerais que
vous nous disiez comment vous voyez le développement des constituantes
à chacun des cycles.
Une voix: S'il y a des problèmes.
M. Ryan: Oui, les problèmes financiers qui se posent
à ces constituantes et les endroits où il y a peut-être des
problèmes plus aigus, plus immédiats.
M. Boulet: D'accord. Les constituantes à vocation
générale, donc les universités qui sont situées en
régions, sont celles qui sont peut-être le plus à
l'avant-garde du travail
d'accessibilité universitaire qu'essaie de réaliser
l'Université du Québec. Il faut à la fois comprendre le
rôle et la géographie du Québec. Les constituantes
situées en régions - c'est Abitibi-Témiscamingue,
Chicoutimi, Rimouski, Hull - ce sont surtout des établissements qui sont
au coeur de régions dont le territoire géographique est immense,
avec une population qui est disséminée sur ce territoire, qui
n'est centralisée nulle part, sauf un peu dans ce qu'on appelle les
capitales régionales, comme Rouyn, Chicoutimi ou Rimouski même. Le
problème de ces universités était de rendre
l'université et c'est ainsi encore - ouverte et accessible à tout
le monde. Le fait que vous ayez une université à Rimouski ou
à Rouyn ne règle pas nécessairement les problèmes
des gens qui sont à Gaspé ou à Sainte-Anne-des-Monts ou
à Chibougamau. Il y a encore des problèmes de distance, des
problèmes d'accessibilité psychologique à
l'université. C'est pourquoi les constituantes en régions ont
développé ce qu'on a appelé le modèle des
sous-centres, c'est-à-dire d'endroits où il n'y a pas de
personnel permanent, sauf peut-être une secrétaire qui est
là une journée ou deux par semaine ou, si le sous-centre est
très gros, qui y est un petit peu plus, et où les professeurs de
l'université vont offrir des cours et reçoivent les adultes aux
études.
C'est un problème d'éducation des adultes, mais je me
permets une petite anecdote. Quand j'ai été nommé
président, j'ai fait le tour des constituantes et, partout j'ai
rencontré des étudiants, des professeurs, etc. À Rimouski,
je me souviens encore, j'étais dans le sous-sol assis avec une quinzaine
d'étudiants et je leur ai demandé: C'est quoi pour vous autres
l'Université du Québec? Il y avait un gros bonhomme dont la
chaise était appuyée sur le mur et qui m'a dit: Moi, monsieur, je
viens de Sainte-Anne-des-Monts. Quand j'ai eu fini mon cégep, je me suis
dit: II faudrait bien que j'aille à l'université, mais je ne
savais pas où c'était, je ne savais pas ce qu'il fallait faire,
et il dit: J'ai rentré commis dans une épicerie. Et il dit: De
temps en temps je dis à mes "chums": Moi, j'aurais bien voulu aller
à l'université et il y a un gars qui m'a dit: Écoute,
l'Université de Rimouski donne des cours des fois le soir ici. Va voir
ce qu'il y a là. Je suis allé voir et aujourd'hui je suis
à temps plein à Rimouski finissant mon bac en administration.
Il y a une fille qui a levé la main et qui a dit: Moi, c'est la
même histoire, mais je viens des Îles-de-la-Madeleine. Voyez-vous,
l'université en régions, c'est ça et cela est
profondément important parce que la barrière de
l'université est géographique, mais elle est aussi psychologique
dans ces régions éloignées. On ne va pas à
l'université. Ce n'est pas pour nous, l'université. C'est trop
loin. Là, c'est l'université qui va chercher ces gens. C'est un
peu coûteux, je dois l'admettre. Nous pensons que c'est un coût
social qu'il est essentiel d'assumer.
Le développement - c'était la première partie de
votre question, M. le ministre -l'avenir de ces établissements, je pense
qu'il faut le maintenir dans la ligne exacte qui est prévue et qui est
très clairement présente dans les documents dont vous parlait M.
Arguin tout à l'heure. Â sa dernière réunion,
l'assemblée des gouverneurs a adopté le plan triennal de chacun
des établissements après qu'on en eut discuté, etc. Il
faut noter que jamais ses constituantes, ni l'Université du
Québec, n'ont soutenu qu'il était nécessaire que les
universités en régions se développent à gauche,
à droite, tous azimuts, aux 2e et 3e cycles. Parce que chaque
établissement a été amené à se
définir des axes précis de développement, c'est à
l'intérieur de ces axes que les établissements orientent leur
développement d'études avancées.
L'exemple le plus patent - on le donne souvent, mais on peut le
multiplier - est celui de l'Université du Québec à
Rimouski qui, dès les premières années de
l'Université du Québec, a choisi comme axe de
développement l'océanographie. Rimouski donne un doctorat en
océanographie, un programme de maîtrise en océanographie.
C'est le seul qu'il y a au Québec et, à l'intérieur de
l'Université du Québec, il est entendu que personne ne touche
à ce programme. On en a fait une exclusivité pour Rimouski en
disant: Si d'autres embarquent là-dedans, il est clair que
l'Université du Québec à Montréal ou à
Trois-Rivières, avec des moyens beaucoup plus forts, pourraient balayer
Rimouski. Personne n'y touchera, mais cela permet à Rimouski de
développer un programme de doctorat qui devient un peu le centre et le
moteur intellectuel de tout le travail.
Rimouski va faire la même chose probablement en
développement régional. C'est la première
université à avoir mis sur pied des études en
développement régional. Elle va faire la même chose. Je ne
le ferai pas parce que ce serait trop long, mais M. Arguin vous a
indiqué tout à l'heure pour chaque établissement ces axes
de développement, et c'est là-dedans. C'est donc un
développement ordonné et je pense qu'il est fondamental que l'on
saisisse cela. (16 heures)
Le développement de l'Université du Québec est un
développement très ordonné, prévu, annoncé,
analysé, discuté par l'assemblée des gouverneurs. Il ne
faut pas craindre, je pense - je sais que ce sont des craintes qui circulent
parfois - que les universités régionales essaient de s'en aller
à hue et à dia. Il y a une chose qu'elles essaient de faire et
nous sommes tous d'accord pour qu'elles essaient de le faire. Il
est nécessaire, à nos yeux, qu'au 1er cycle elles offrent
à la population un programme de base de 1er cycle qui couvre le plus de
disciplines possible. J'en exclus cependant les grandes facultés
professionnelles comme, évidemment, la médecine, le droit, l'art
dentaire, la pharmacologie, etc. Je parle des disciplines de base.
Plus l'université est petite, plus la tendance actuellement -
l'université d'Abitibi-Témiscamingue en est un exemple et pourra
vous en parler quand elle comparaîtra devant vous - est à essayer
de développer des programmes de baccalauréat qui soient de plus
en plus généralisés, de façon qu'avec des moyens
moindres on offre à ces populations des régions
éloignées un cours de formation qui leur permette de continuer
ailleurs. Parce que en se disant: On a peu de moyens, on a peu de professeurs,
on va offrir seulement un ou deux programmes, on ne répond pas du tout
aux besoins de la population, surtout à ces étudiants qui
voudraient faire d'autres types d'études. On essaie de
généraliser la programmation de base. Voilà, je pense, M.
le ministre, qui répond aux deux parties de votre question.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Ryan: Merci. Peut-être pourriez-vous nous donner
quelques indications sur le rôle du siège social. Je ferais juste
une parenthèse, si vous me le permettez ici, parce que vous vous
attendez peut-être que je vous donne ma propre opinion sur cette
question, étant donné les suggestions qui intéressent
particulièrement la députée de Chicoutimi et qui ont
émané de certains documents non signés par un certain
ministre qu'elle a attaqué devant nous.
Nous allons profiter des travaux de cette commission pour nous
renseigner de la manière la plus précise possible sur la place du
siège social dans le fonctionnement du réseau. Je me fais un
devoir de vous demander votre avis à ce sujet. Je ferai la même
chose avec les constituantes qui viendront témoigner devant nous. Quand
nous aurons entendu toute la panoplie de témoignages que la commission
nous permettra d'ausculter, ce sera plus facile pour nous de faire des
recommandations éclairées au gouvernement.
Le Président (M. Jolivet): M. Boulet.
M. Boulet: M. le Président, le rôle du siège
social, il est d'abord défini par la Loi sur l'Université du
Québec. Le siège social, c'est, en somme, un groupe de personnes
qui assistent le président et les vice-présidents que la loi
définit. C'est la loi qui dit qu'il faut qu'il y ait un
président, un vice- président enseignement et recherche, etc., et
qui dit: II y a une assemblée des gouverneurs, un conseil des
études et une commission de planification.
Alors, le siège social, c'est le président, les
vice-présidents, le personnel qui les assiste et qui sert aussi de
soutien aux travaux de l'assemblée des gouverneurs, du conseil des
études et de la commission de planification, qui sert aussi de soutien
pour l'application des règlements généraux que la loi
demande à l'assemblée des gouverneurs de voter dans un certain
nombre de domaines.
Le rôle du siège social est donc intimement lié
à celui des organismes de direction centrale: assemblée des
gouverneurs, conseil des études et commission de planification. C'est un
rôle, à mes yeux, qui est vécu. Le recteur d'une des
constituantes est maintenant à la présidence de
l'Université du Québec. C'est un rôle qui est
fondamentalement de coordination d'un ensemble d'établissements
universitaires. Il y a d'autres rôles que la loi spécifie. On a un
rôle de contrôle, par exemple, des états financiers, des
budgets. Mais, fondamentalement et essentiellement, pour qui a vécu
l'Université du Québec, le rôle du siège social est
un rôle de coordination et d'une coordination qui se fait d'autant mieux
que l'assemblée des gouverneurs a les pouvoirs légaux d'y
procéder. Cela, c'est important.
Une assemblée d'universitaires, fussent-ils professeurs ou
administrateurs, c'est une assemblée de personnes qui ont beaucoup
d'idées, beaucoup d'orientations, beaucoup de suggestions, beaucoup de
propositions, d'hypothèses de travail. Les consensus peuvent s'y
réussir; ils sont parfois difficiles. Vous avez pu le constater
hier.
À l'intérieur de l'Université du Québec,
chacun sait que l'assemblée des gouverneurs, dont chacun fait partie
d'ailleurs, a le pouvoir et le devoir d'organiser une coordination d'ensemble
fondamentale et nécessaire et, à cause de cela, cette
coordination devient une sorte d'élément quotidien de la vie de
l'Université du Québec. Le rôle du siège social,
c'est donc d'abord un rôle de coordonnateur. C'est lui qui, à
partir d'individus et de personnes qui n'appartiennent pas à l'une des
constituantes, fait un ensemble de propositions ou analyse les propositions et
les hypothèses de travail des constituantes et essaie de les mettre en
parallèle les unes avec les autres de façon qu'on ne double pas
les mêmes cours, qu'on ne double pas les mêmes programmes de
recherche, qu'on ne double pas inutilement les mêmes programmes
d'enseignement; qu'on les double là où c'est nécessaire de
les doubler, qu'on empêche un établissement d'entrer sur le
terrain d'un autre parce que cela l'affaiblirait, qu'on amène les
constituantes à travailler les unes avec les autres dans des programmes
d'enseignement,
dans des programmes de recherche et dans des échanges de
professeurs, etc. Fondamentalement, c'est cela.
Deuxièmement, il y a un rôle - je vous le disais - de
contrôle qui se double d'un rôle de rationalisation. Par exemple,
à partir de l'enveloppe qui est distribuée par l'assemblée
des gouverneurs et, donc, proposée à l'assemblée des
gouverneurs par la présidence à partir des règles de la
loi, on doit procéder à l'approbation des budgets et à
l'approbation des états financiers. Ceci nous amène à
mettre sur pied des règles de financement qui ont toujours
été extrêmement rigides, et je pèse chacun de mes
mots et l'adverbe et l'adjectif. À l'Université du Québec,
les règlements généraux disent très clairement
qu'on ne doit pas faire de déficits. S'il y en a, ils doivent être
approuvés par l'assemblée des gouverneurs et, de temps à
autre, il y en a. Si ces déficits ont tendance à s'accumuler, il
y a un règlement qui dit qu'un comité de l'assemblée des
gouverneurs, formé du vice-président, du vice-président
(administration et finances) et d'un membre socio-économique, va
rencontrer la direction de l'établissement, discute avec elle de ses
difficultés et fait un certain nombre d'hypothèses et de
propositions avec elle de façon à redresser la situation.
À la suite de la visite de ce comité, si la situation
apparaît très difficile, le comité va même proposer
à l'assemblée des gouverneurs d'aider cet établissement et
cela va loin.
La chose s'est faite - vous en discuterez avec les gens de cet
établissement à l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue qui avait des problèmes énormes. Le
comité est allé la visiter pour lui dire: Bon, il ne peut plus
avoir de déficits de ce genre. L'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue cette année est arrivée avec un
budget équilibré et elle termine l'année de façon
équilibrée, mais l'assemblée des gouverneurs, avec
l'accord des autres établissements de l'Université du
Québec, lui a fourni, à même les budgets des autres
établissements, 1 000 000 $ par année pendant deux ans pour
l'aider à se remettre sur pied. Donc, rationalisation et exigences
très dures.
On vous dira peut-être: L'Université du Québec n'a
pas de déficit ou elle a peu de déficit, elle est donc
très à l'aise. Ce serait le jugement le plus atroce que l'on
puisse porter sur la gérance universitaire parce que, à cause de
règles extrêmement rigides - et vous en parlerez à chacun
des chefs d'établissement puisque ceux-ci ont procédé
à des coupures allant parfois jusqu'à 1 000 000 $ ou 1 500 000 $
dans une année budgétaire sur un budget de 25 000 000 $ ou 30 000
000 $, année après année - les exigences centrales avec
lesquelles tout le monde est d'accord - n'oubliez pas que ces exigences
centrales sont votées par l'assemblée des gouverneurs dont chaque
chef d'établissement est membre - nous ont maintenus à flot,
quelles que soient les compressions et les coupures. Il faut dire aussi - on
l'a indiqué - qu'on soutient d'un établissement à l'autre
celles qui ont le plus de difficultés. Voilà, c'est
peut-être un peu long, M. le ministre, et je n'en ai pas dit la
moitié.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Ryan: Je vais juste compléter ce point par une question
à laquelle la réponse pourrait être beaucoup plus
brève. Combien de personnel avez-vous au siège social et quel est
le budget annuel du siège social?
Le Président (M. Jolivet): M. le président.
M. Boulet; Sur la quantité de personnel, M.
Lefrançois sera plus précis que moi. C'est environ...
M. Lefrançois (Roger): 127.
M. Boulet; 127 personnes. Le budget du siège social est de
14 000 000 $ environ. Le siège social - vous m'amenez à ajouter
une chose que je n'avais pas mise parce que j'avais peur d'être trop long
- a organisé, en collaboration avec les constituantes, beaucoup de
services aux constituantes. Par exemple, la mise en commun des services de
catalogage, d'identification des volumes des bibliothèques. Je ne sais
pas quel montant on met dans la section de la vice-présidence aux
communications. Nous avons un système d'intercommunications entre nous
qui va assez loin, M. le ministre, pour que le vice-président aux
communications m'affirme il y a quelques semaines: M. le président, il y
a plus de volumes qui se prêtent entre la bibliothèque de
l'Université du Québec à Chicoutimi et celle de Rimouski
qu'entre toutes les universités de Montréal entre elles. Nous
avons tout un système intégré de bibliothèques et
de références. Un étudiant à Rimouski peut trouver
un volume à l'UQAM dont il a besoin et le faire venir pour travailler
chez lui. Cela est courant et commun. Quelques millions vont dans ce service
des communications, qui sert aussi au traitement des données, à
l'administration, etc.
Nous avons des services communs de gestion du personnel, de
négociation du personnel, de discussions avec le personnel, et plusieurs
des membres de l'équipe du siège social siègent aux 52
tables de négociations que nous avons dans le réseau. Il y a des
services de la vice-présidence à l'enseignement et à la
recherche qui procèdent à l'analyse des programmes
d'enseignement, des programmes de recherche avant leur
présentation à l'extérieur. Enfin, il y a un certain
nombre de choses. Nous avons fait des analyses et nous pourrions vous fournir
ces données, M. le ministre; je sais que M. Lefrançois les a.
Nous pensons qu'il y a environ 4 000 000 $ de notre budget qui vont
à l'administration propre de la loi et le reste du budget sert à
des choses qui sont ou de type coopératif comme les sytèmes de
communications interbibliothèques etc., ou qui sont du type
services.
Je tiens à signaler cependant que, depuis huit ans, la proportion
du budget du siège social par rapport à l'ensemble du budget de
l'Université du Québec, qui était d'environ 6 % quand je
suis arrivé a la présidence, est passée à 2 % de
l'ensemble depuis que je suis là. Et pas simplement parce que l'un a
grandi et que l'autre n'a pas grandi, mais parce qu'on a procédé
chaque année à des compressions et a des coupures, entre autres
pour faire surgir à même le budget du siège social un
montant de 1 000 000 $ qui est maintenant, depuis cette année,
disponible chaque année au développement de la recherche dans les
constituantes et qui est distribué par l'assemblée des
gouverneurs.
Le Président (M. Jolivet): D'autres questions, M. le
ministre?
M. Ryan: Oui, deux autres questions. En matière de
financement, à l'annexe E de votre mémoire, vous dites qu'il
faudrait augmenter les revenus en provenance d'autres sources que des
subventions. La formulation est un peu sibylline; je n'ai pas compris si vous
incluiez les frais de scolarité là-dedans ou non.
M. Boulet: Nous le disons dans les trois premières lignes:
Les différentes sources de revenus sont "les subventions
gouvernementales, les frais de scolarité et les autres revenus."
Là-dessus, M. le ministre, notre position est la suivante: il est
évident que les universités québécoises,
l'Université du Québec comme les autres et peut-être plus
que d'autres, ont besoin que l'on redresse leur financement au niveau de
l'opération et de l'immobilisation. Le besoin est extrêmement
sérieux.
J'ai fait allusion hier, en réponse à une question de la
députée de Chicoutimi, à une hypothèse qui est
venue sur la table de la conférence des recteurs et qui était
d'arrêter l'acceptation de nouveaux étudiants dans les
universités du Québec. Cela n'a pas passé parce que la
conférence des recteurs ne fonctionne que sur consensus et il y a eu un
vote contre. Les universités en sont rendues là, et elles ont
raison d'en être rendues là; elles craignent de ne pas offrir la
qualité que l'université doit offrir aux étudiants. (16 h
15)
La solution est simple, bien que très complexe. Si cette
commission, si le gouvernement du Québec juge qu'il faut donner de
nouveaux fonds ou redresser le financement des universités du
Québec, il faut qu'il trouve cet argent quelque part. Ou cet argent
provient des fonds de la province, si le gouvernement juge qu'il a les fonds
suffisants et que les universités sont suffisamment prioritaires pour le
faire, ou il cherche d'autres sources de financement. Si le gouvernement juge
qu'il n'a pas les fonds, que les possibilités de l'État
québécois ne lui permettent pas d'aller plus loin, je pense
qu'à ce moment, il doit dégeler ce qu'il a lui-même
gelé, c'est-à-dire demander aux étudiants de participer
davantage au financement des universités pour assurer cette
qualité.
M. Ryan: Je veux vous comprendre exactement. Est-ce que vous avez
bien dit que, si le gouvernement, dans l'examen de l'ensemble de ses
ressources, devait en venir à la conclusion qu'il n'a pas d'argent
supplémentaire à mettre dans les universités, plutôt
que de ne pas injecter d'argent nouveau dans les universités, la
position de l'Université du Québec serait qu'il envisage
l'augmentation des frais de scolarité?
M. Boulet: C'est juste, M. le Président. Ceci est
accompagné, évidemment de remarques que tout le monde vous a"
faites et que je vous ai faites moi-même lors d'une rencontre à la
conférence des recteurs, à la condition que cet argent aille aux
universités et que le système de prêts et bourses
fonctionne de telle façon que de nouveaux tarifs n'empêchent pas
certains étudiants d'aller à l'université.
M. Ryan: Très bien, je vous remercie. Dernière
question: M. Arguin a parlé du plan de développement des cinq ou
des six prochaines années, je ne m'en souviens pas exactement. Est-ce
que je pourrais vous demander s'il y a des nouvelles implantations qui sont
prévues dans ce plan ou si ce sont surtout des développements
dans les constituantes et instituts existants?
M. Boulet: Les plans ne prévoient aucune implantation
nouvelle. Ici, je dois dire une chose qui est importante. L'Université
du Québec ne peut pas mettre sur pied un nouvel établissement
sans, selon sa loi, obtenir une charte ad hoc du gouvernement. Le dernier
exempte d'une démarche en ce sens a été celui des
démarches faîtes pour un établissement universitaire
à Laval. Depuis deux ans, on n'en entend plus parler parce que j'ai eu
l'occasion, à la fin des
discussions, d'en causer avec le ministre de l'Éducation d'alors
qui m'a dit qu'il n'y était pas favorale. À ce moment-là,
l'Université du Québec a cessé d'en parler parce que la
charte doit venir du gouvernement. Ce n'est donc qu'en accord avec le
gouvernement que l'on peut faire des démarches semblables.
C'était le seul développement qu'envisageait l'Université
du Québec. Actuellement, elle n'en envisage pas, sauf peut-être
des démarches, qui ne sont pas le développement de nouveaux
établissements, comme d'offrir quelques cours pour les adultes, sur la
Côte-Nord ou en Beauce, ce qui se fait déjà. Ce ne sont que
des cours pour les adultes. Ce ne sont pas des établissements; c'est un
certain nombre de cours.
M. Ryan: Merci.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Cela me fait
plaisir, messieurs, de vous saluer, en mon nom et au nom des membres de
l'Opposition. Vous connaissez l'attachement que j'ai au réseau
universitaire de façon générale, mais, je pense que tout
le monde le sait, de façon plus particulière à l'endroit
du réseau de l'Université du Québec.
J'aurais souhaité, aujourd'hui, que vous n'ayez pas à
faire la preuve de l'indispensabilité" - si je puis me permettre le
terme -du réseau et du siège social de l'UQ. Voyez-vous, l'on
voudrait oublier que l'ombre du président du Conseil du trésor se
profile sur les travaux de cette commission. Le silence du ministre par rapport
à l'avenir du siège social de l'UQ est préoccupant. Je
pense qu'ici on pose les bonnes questions, mais que les réponses se
trouvent ailleurs.
La recommandation du rapport Gobeil me semble illustrer plus qu'il n'est
nécessaire une méconnaissance totale de l'organisation. Je vous
la lis parce que tout le monde n'a peut-être pas eu l'occasion de le
faire. "Enfin, le comité désire soulever une dernière
question concernant la gestion du réseau de l'éducation. Dans la
mesure où il existe un ministère distinct de l'Enseignement
supérieur, l'existence du siège social de l'Université du
Québec devrait être remise en question."
D'abord, je pense qu'il ignore le programme du député
d'Argenteuil et actuel ministre de l'Éducation qui avait pris, entre
autres engagements, celui de fusionner le ministère de
l'Éducation et le ministère de l'Enseignement supérieur.
Je vais le retrouver; c'est bien ce que j'ai vu dans les engagements. La
deuxième chose, c'est confondre le rôle d'un ministère avec
le rôle du siège social de l'Université du Québec
qui en est un de planification, de coordination, de mise en commun de certains
services et de coordination. Je veux l'ajouter, parce que ici je pense que le
président a fait état largement des rôles de coordination,
de planification, d'évaluation, de mise en commun des services; il a peu
parlé des rôles de concertation. Abolir le siège social de
l'UQ, c'est priver les universités en régions d'un lieu de
concertation pour la défense des intérêts et du
développement des universités en régions. On a
déjà quasiment mis la clé sur Radio-Québec, qui
était un organisme davantage tourné vers les régions. On
connaît le sort de Quebecair et on connaît les nombreuses
recommandations qui touchent les organismes de concertation régionaux
qui s'appellent les CRD, le CPDQ. On est en train de vider les régions
de leurs organismes de concertation.
Ce qui m'étonne dans cette recommandation, c'est que tout ce
document parle largement de la nécessité d'une plus grande
rationalisation, d'une plus grande planification. La mission, le travail
essentiel de l'UQ va directement dans cette direction. J'ai beaucoup de
difficulté à la comprendre et je dois dire que je m'attendais,
aujourd'hui... Parce que le ministre connaît bien le réseau de
l'UQ et connaît bien le siège social de l'UQ, je pensais que, sur
cette question, il aurait pu lever le doute qui plane encore sur l'avenir du
siège social de l'UQ. Il y a quand même quelques questions. Je ne
vous ramènerai pas sur le rôle du siège social de l'UQ. Je
pense que l'essentiel a été dit et on retrouve dans votre
mémoire un certain nombre d'indications qui nous laissent voir que cela
demeure indispensable si on veut parler d'un réseau.
J'aimerais revenir brièvement sur l'accessibilité. Je sais
qu'hier, au moment où vous étiez avec la CREPUQ, les questions
étaient davantage d'un ordre plus général. Cette question
demeure quand même pour moi extrêmement préoccupante, parce
qu'elle devrait préoccuper toute la collectivité. Si, je le
répète, il y a un rapport étroit entre notre
capacité de nous développer au plan économique et la
scolarisation de notre population, il y a des hésitations, il y a des
décisions que je comprends mal.
Vous avez fait état d'un sondage qui a été fait
chez vous sur la provenance de vos étudiants par groupes
socio-économiques et vous nous dites que 50 % de votre clientèle
se retrouve chez les fils, les filles d'ouvriers spécialisés, en
descendant. Est-ce que vous avez des données pour faire des comparaisons
avec les autres universités? Est-ce que vous savez si cette étude
a été faite dans les universités traditionnelles?
M. Boulet: Nous avons nous-mêmes fait cette étude.
Nous avons des chiffres sur les autres universités mais qui datent de
la
même époque. Je ne voudrais pas, si vous le permettez - je
les ai avec moi - faire état de comparaisons qui auraient Pair de dire:
Nous, on va dans telle direction; elles vont dans telle autre direction,
d'autant plus que ces chiffres qui, à nos yeux, sont éloquents
datent de dix ans. Alors, j'aurais beaucoup plus l'air d'un petit batailleur de
rue si je les sortais. Je préférerais m'en tenir à ce que
j'ai donné pour nous.
Mme Blackburn: Quand même, il serait intéressant
qu'on puisse mettre à jour ces données de manière à
savoir où on se trouve actuellement par rapport à toute la
question de l'accès aux études supérieures pour les
groupes socio-économiques faibles.
En partie, à tout le moins pour votre université en ce qui
concerne l'accessibilité, je constate que sans pouvoir dire mission
accomplie, à tout le moins c'est bien engagé. J'aurais quand
même deux questions. Si le dégel des frais de scolarité
avait les effets négatifs que laisse voir le sondage qui a
été publié hier, dont on a trouvé des extraits dans
les journaux hier, est-ce que vous maintiendriez votre position?
Vous parlez longuement dans votre mémoire, et avec force, du
retard persistant du Québec sur le plan de la fréquentation
universitaire, particulièrement de la diplômation. Vous conservez
cet objectif d'accessibilité. Vous dites qu'il est toujours pertinent.
Est-ce que vous avez des actions précises qui visent à
élargir l'accessibilité encore dans vos universités du
réseau?
M. Boulet: Un des objectifs premiers de l'Université du
Québec demeure l'accessibilité, nous le disons très
clairement dans le mémoire et nous l'avons affirmé à
nouveau a plusieurs reprises. J'aimerais entrer là-dedans, M. le
Président, en essayant d'oublier pour un temps les préoccupations
pécuniaires que nous avons tous. Ces préoccupations de
financement, de compressions, etc., nous amènent souvent è des
prises de position entre universités qui sont basées sur les
hypothèses que ceci améliore notre financement ou le diminue, de
sorte que chaque université, à un moment donné, prend des
positions qui ont l'air profondément philosophiques et qui sont
entachées ou viciées par les intérêts financiers de
la chose.
Nous pensons que le système universitaire québécois
est en train de bien réaliser sa mission. Nous pensons que toutes les
universités sont en train de bien réaliser leur mission. Autour
de cette affirmation, je vais faire deux ou trois petites réflexions. Si
je passe par là, madame, ce n'est pas pour éviter votre question,
c'est pour vous dire: Continuons comme nous le faisons, c'est-à-dire
continuons à être accessibles, à être ouverts aux
étudiants, allons les. chercher là où ils sont. Je pense
que c'est la bonne voie.
On fait, par exemple, assez fréquemment chez nous, dans les
milieux universitaires en particulier, la discussion des études
avancées. Le Québec a assez fait au niveau des adultes. Le
Québec a assez fait au niveau du baccalauréat, il faut qu'il
consacre ses efforts désormais aux 2e et 3e cycles où nous sommes
en retard. L'Université du Québec est tout à fait d'accord
avec tout le monde, il faut que les 2e et 3e cycles, leur développement,
leur fréquentation et le taux de diplômation demeurent la
priorité. Donc, je n'ai pas envie d'aller parler contre cela. Cependant,
il faut dire les choses comme elles sont. À la page 5 de notre
mémoire, nous parlons de la fréquentation universitaire aux
études avancées. Il y a un tout petit tableau. On dit
fréquemment qu'en Ontario il y a beaucoup plus d'étudiants aux
études avancées qu'au Québec. Nous avons demandé
à Statistique Canada qui a ces détails quelle serait la
différence si on ne parlait que des autochtones, c'est-à-dire des
Ontariens vivant en Ontario et des Québécois, anglophones ou
francophones, vivant au Québec et qu'on soustrayait de la
fréquentation universitaire des études avancées les
étudiants qui viennent de pays étrangers. Si on le fait, on
corrige considérablement l'impression et on en arrive à la
constatation que pour le nombre global d'étudiants, aucune distinction
n'étant considérée, l'Ontario dépasse
légèrement le Québec. Un taux de 0,63 % contre 0,65 % en
Ontario dans le nombre d'étudiants qui fréquentent les
études avancées. Mais si on enlève tous les
étudiants étrangers et qu'on ne s'en tienne qu'aux Ontariens et
qu'aux Québécois, la fréquentation des études
avancées au Québec est plus forte qu'en Ontario. C'est 0,45 %
comme taux ajusté en Ontario et 0,51 % au Québec. (16 h 30)
Donc, le Québec n'est pas en retard dans la fréquentation
aux études avancées. Il l'est cependant dans le taux de
diplômation et, nous ne le cachons pas, le tableau correspondant pour la
diplômation apparaît en annexe, bien qu'en enlevant les
étudiants étrangers on diminue considérablement
l'écart de plus de la moitié.
J'ai lu les mémoires de mes collègues des autres
universités. J'ai en main une page du mémoire que vous
présentera l'Université de Montréal pour des fins de
discussion qui lui sont propres et qui sont bien soutenues dans son
mémoire, mais que j'aimerais utiliser à une autre fin. Si M. le
Président juge que c'est utile, j'en ai des copies pour les membres de
la commission qu'on pourrait distribuer.
Ce tableau donne une idée, fort bien faite d'ailleurs, des
inscriptions aux études supérieures par université au
Canada. Il
commence par l'Université Bishop qui est celle qui en a le moins
et il termine par l'Université de Montréal qui est celle qui en a
le plus. On voit la courbe. Or, vous pourrez le constater en regardant
vous-mêmes le tableau, les cinq dernières universités,
c'est-à-dire les cinq universités qui ont le plus
d'étudiants inscrits aux études supérieures, tel que
l'indique ce tableau, ce sont l'Université du Québec,
l'Université Laval, l'Université McGill, l'Université de
Toronto et l'Université de Montréal, c'est-à-dire quatre
universités québécoises sur cinq. Je ne me leurre pas. Je
ne suis pas en train de vous dire que si on mettait toutes les
universités de l'Ontario ensemble et toutes les universités du
Québec ensemble - c'est l'autre tableau de notre mémoire... Mais
je me dis: Notre système est quand même en bonne voie, ma foi! II
n'y a que l'Université de Toronto parmi les cinq dernières qui
n'est pas du Québec.
On a un système universitaire qui est en voie, je pense, de
réaliser ses missions au premier cycle, au deuxième cycle et au
troisième cycle, avec les étudiants adultes et, s'il a
réussi, parce que ces chiffres sont récents, c'est parce que sa
dynamique est correcte. Je ne vois pas pourquoi on diminuerait
l'accessibilité, on forcerait les adultes à ne plus suivre de
programmes courts, on empêcherait que les constituantes en régions
éloignées aient des sous-centres, on se demanderait s'il n'en
coûte pas trop cher d'amener tel type d'étudiants à
l'université alors que le système, tel qu'il fonctionne
actuellement, a des succès comme ceux-ci. Je pense que notre
système est en bonne voie et il est correct. Si on pose les questions
fondamentales, les réponses sont là.
Il est évident - je vous ai dit tout à l'heure que
j'aimerais échapper au carcan du financement pour poser les vraies
questions -que les vraies questions, c'est cela. Si on se pose la question du
financement, on dit: Oui, c'est bien beau, mais il faut en enlever quelque
part. Là, c'est autre chose. Je pense que le système
québécois, si on le prend en lui-même, il est correct et il
fait très bien son travail.
Il faut ajouter à cela, madame, les succès de chacune des
universités selon leur mission propre, selon leur situation
géographique, selon leur capacité, selon leur milieu. J'aimerais
en profiter, si vous me le permettez - c'est en réaction à votre
question, ce n'est pas dans la ligne directe de votre question - pour demander
à M. Hamel d'ajouter un mot sur l'université de recherche. Il y a
des thèmes qui circulent dans les milieux universitaires - je les ai
personnellement entendus des dizaines de fois - où on se met à
faire des distinctions toujours pour les questions de financement. On dit: Cela
coûte cher; qu'est-ce qu'on ferait? Il y en a qui disent: Écoutez,
on va déclarer qu'il y a des universités de recherche, et c'est
nous, et qu'il y a des universités qui devraient faire moins de
recherche ou moins d'enseignement, et c'est d'autres. J'aimerais beaucoup que
vous entendiez M. Hamel là-dessus.
Mme Blackburn: Si vous me le permettez, M. le Président,
une minute. Voyez-vous, le temps passe. J'ai plaisir à vous entendre et
je veux entendre M. Hamel, mais si vous me le permettez, j'aimerais qu'on
procède d'une façon un peu plus brève de manière
que je puisse aussi avoir des réponses à quelques autres
questions. M. Hamel.
M. Hamel (Claude): Très brièvement, alors. II y a
certaines notions qui, du côté de l'Université du
Québec, en ce qui concerne le développement de la recherche, nous
préoccupent à partir, entre autres, du mémoire que le
Conseil des universités lui-même a déposé hier
devant votre commission et qui comporte des analyses concernant le financement
de la recherche, le niveau de subventions reçues. Nous pensons à
l'Université du Québec qu'il y a lieu de faire des distinctions
avant de tirer des conclusions, distinctions qui, essentiellement, doivent
tenir compte des différences de structures disciplinaires des
universités.
Il s'agit de savoir, par exemple, qu'en 1982-1983, je crois, les
universités du Québec ont reçu toutes ensemble 113 000 000
$ de subventions de recherche. Des 113 000 000 $, il y en avait 52 000 000 $
qui étaient dirigés vers le secteur médical. Or, selon que
l'on défalque ou que l'on ne défalque pas ces données
quand on fait des comparaisons entre universités, puisque seulement
quatre universités ont des facultés de médecine, on arrive
à des résultats fort différents. Nous pensons
également que, selon que l'on tient compte de la présence
importante d'un secteur d'ingénierie dans une université ou de
l'absence d'un tel secteur, nous arrivons aussi à des données
différentes. Ce que nous souhaitons, c'est que dans ce genre d'analyse,
comme on le fait pour d'autres fins, par exemple des analyses de calculs de
coûts unitaires, que dans ce secteur-là aussi nous fassions des
distinctions qui nous apparaissent importantes: qu'on aille, par exemple, par
grands secteurs, secteur médical, secteur sciences naturelles et
génie, secteur sciences humaines pour faire les analyses et tirer les
conclusions de façon sectorielle aussi. À ce moment, on verra que
l'Université du Québec, compte tenu de la composition interne de
ses programmes, de ses disciplines, est aussi fort bien
développée en recherche et surtout en progrès rapide
depuis quelques années.
Cet élément est également important
au plan du financement. Car les universités, de façon
générale, soit collectivement soit prochainement
individuellement, vous diront qu'elles sont d'accord avec l'occasion de tenir
compte des frais indirects de recherche pour fins de financement
général. Là aussi il faut tenir compte de ces
distinctions, parce que les frais indirects de recherche posent un
problème fort différent selon les secteurs disciplinaires.
Lorsqu'on s'appuie par exemple, comme on le fait généralement,
sur une étude faite au niveau canadien par l'Association des
universités et collèges du Canada, il faudra se rappeler, quand
on appliquera les résultats de cette étude, qu'elle ne comportait
pas d'analyse du secteur médical. En conséquence, les conclusions
de l'étude ne sont pas pertinentes pour ce secteur.
Mme Blackburn: Bien. Je vais ramener, si vous me permettez, deux
questions quoique je sais que c'est délicat. On a parlé, tout
à l'heure, des effets négatifs que pourrait avoir un dégel
des frais de scolarité. Comme vous êtes parmi les
universités les plus performantes en matière de formation des
étudiants adultes, est-ce qu'on connaît les effets sur les
étudiants adultes d'une hausse des frais de scolarité? Ma
deuxième question, j'y reviendrai - c'est parce que celle-ci est dans le
prolongement un peu de la réponse que vient de nous faire M. Hamel -
comment réagissez-vous à la proposition du Conseil des
universités à savoir de spécialiser les universités
les grandes universités de recherche, les universités à
accessibilité générale, si je me rappelle le terme, et les
autres, les autres étant, évidemment, les universités en
région, lesquelles, on le voyait, limitent leur enseignement au premier
cycle?
M. Boulet: En réponse à la première
question, nous n'avons pas d'étude sur les impacts que l'augmentation
des frais scolaires pourrait avoir sur la population adulte. J'aimerais
seulement faire une remarque là-dessus. Quelqu'un a dit hier que la
majorité des étudiants adultes étaient des gens qui
étaient dans le milieu du travail et donc qu'ils pourraient plus
facilement supporter des augmentations de frais de scolarité. Je suis
assez d'accord avec la dernière partie de cette affirmation, mais
j'aimerais que, si une augmentation des frais de scolarité pour les
adultes devait avoir lieu, on prenne bien soin, chez nous ou au
ministère, ou les deux ensemble, d'analyser le nombre de femmes au foyer
qui suivent ces cours - je pense que ce nombre est impressionnant - et
peut-être qu'il y aurait intelligemment moyen de prévoir que le
système de bourses qui est aujourd'hui à la disposition des
étudiants à plein temps pourrait peut-être se voir
doublé d'un système de bourses pour les gens adultes qui veulent
suivre des cours qui ne sont pas des travailleurs. Enfin, je ne sais pas sur
quel terrain je m'avance, mais je pense qu'il faudra avoir l'intelligence de
bien distinguer.
Quant à la deuxième question, M. Hamel en a donné
les grands principes tout à l'heure. Nous pensons qu'une
université, cela ne peut pas être un endroit où on limite
les gens. Une université, cela doit être ouvert sur l'ensemble des
cycles, et la recherche qui se fait au niveau des 2e et 3e cycles, la
performance des professeurs qui y sont, etc., je vous le disais tout à
l'heure, constituent un moteur intellectuel pour toute la communauté
universitaire.
Nous croyons cependant que, selon la dimension des universités -
et nous le faisons, je vous l'ai dit, quotidiennement -nous pensons que chaque
université doit le faire dans un certain nombre de domaines
précis, à certain moment donné restreint, de façon
à ne pas dilapider les forces et les ressources ou, encore, en se
mettant ensemble.
Nous avons entre les mains - nous n'aurons pas le temps d'en parler - un
document sur les mises en commun à l'Université du Québec.
Il y a cinq ou six doctorats qui se donnent grâce à la
collaboration de deux ou trois universités. Il y a, M. Hamel, à
peu près dix programmes de maîtrise, treize programmes de
maîtrise qui se donnent par collaboration. Donc, en jouant de cette
façon, il n'y a aucune crainte. On ne dilapide pas les fonds; on ne
dilue par les forces? on ne va pas tous azimuts, mais on essaie d'avoir de
véritables universités en régions.
Mme Blackburn; Sur une toute autre question, je voudrais revenir
un peu aux bases de dépenses et de fonctionnement. Elles devraient
être évaluées, et vous avez une liste, une série de
paramètres en page 9 de votre résumé. Je n'ai pas vu non
plus dans votre mémoire que vous reteniez, que vous aviez un de ces
paramètres qui devait tenir compte de la mission de contribution des
universités en régions ou de développement
régional.
M. Boulet: Vous avez raison, cela n'est pas là. Nous avons
cependant publié un document complet sur la mission de
l'université en régions où nous développons
beaucoup - il a été fait d'ailleurs, je dis "nous", mais il a
été écrit par un groupe de quatre recteurs
d'universités régionales - où nous développons
beaucoup cette importante mission de l'université régionale qui
est d'intervenir dans le développement socio-économique de son
milieu. Cependant, il nous semble difficile dans les bases de financement
proprement universitaire de l'y introduire. Nous pensons qu'il faut qu'au
niveau d'un gouvernement, on accepte cet
aspect de la mission des universités régionales et qu'on y
réponde, au choix du gouvernement, soit par exemple par l'Office de
planification du Québec ou soit par le ministère de
l'Enseignement supérieur ou par d'autres moyens. Mais, il est clair
qu'il faut qu'on aide l'université à maintenir cette
présence qui en fait indiscutablement un moteur socio-économique
dans chaque région.
Mme Blackburn; Tout à l'heure, M. le président
faisait état du coût relativement élevé de la
formation dans les régions à cause des distances, de
l'éloignement, de la taille, ainsi de suite. Je suis consciente de la
difficulté qu'on aurait de recueillir ce genre de données, mais
est-ce qu'on a tenté d'identifier de façon un peu plus
quantifiable les retombées de la présence de l'université
en régions sur le développement économique? (16 h 45)
M. Boulet: Non, je ne pense pas qu'on ait de données de
façon quantifiable suffisamment sur toutes les retombées pour en
faire état dans une assemblée comme celle-ci. Je ne voudrais pas
m'attarder à des retombées faciles, mais correctes, comme par
exemple l'effet qu'a un budget de 30 000 000 $ ou 40 000 000 $, les salaires
que cela comporte, etc. Les vraies retombées ne sont pas là. Les
vraies retombées c'est par l'action des diplômés qui,
venant d'une région, vont à l'université dans leur
région et demeurent dans leur région et deviennent le moteur
social, culturel et économique de leur propre région. C'est
là les vraies retombées et ce n'est pratiquement pas
quantifiable. Cependant, peut-être que mes collègues, les recteurs
de chacun des établissements, auront-ils là-dessus des
réponses pour leur propre établissement.
Mme Blackburn: Une dernière question, et on pourra la
poser quand même à l'organisme lorsqu'il se présentera ici.
Le rapport Gobei! - toujours ce rapport -recommande une modification profonde
à la mission de l'École nationale d'administration publique.
M. Boulet: Ce serait, madame, vraiment dommage que l'on fasse
cela. Au fond, ce que l'on propose, c'est qu'une école qui est
actuellement universitaire et qui a l'autonomie d'une université
devienne une école gouvernementale qui, donc, perd cette autonomie
universitaire. Les deux modèles existent. En france, l'ENA est
gouvernementale. Au Québec, elle est non gouvernementale. Il y a eu de
profondes discussions dans les milieux gouvernementaux et universitaires au
moment de la fondation de l'École nationale d'administration publique.
Le gouvernement, à l'époque, le ministre de l'époque, qui
était le ministre Masse, a nettement tranché en disant: II faut
qu'elle soit de type universitaire. Enlevez ce caractère et
l'école continuerait probablement à donner de bons cours de
formation mais il est essentiel que cette école, dans l'organisation de
ses cours et de sa recherche, puisse garder la distance que lui permet son
statut universitaire d'avec le gouvernement et demeurer critique de la fonction
publique, des pratiques d'administration, etc., quels que soient par ailleurs
les gouvernements qui sont là. Il y a plusieurs gouvernements qui ont
passé depuis que l'École nationale d'administration publique
existe et l'école a maintenu, je pense, dignement... Le modèle
est si intéressant qu'actuellement, dans les pays latins ou
latino-américains ou francophones d'Afrique ou d'ailleurs et en
particulier en Afrique francophone où on a accès au modèle
de l'ENA, on préfère le modèle de l'ENAP. On vient nous
demander non seulement d'en installer là où il n'y en a pas mais
on nous a même demandé - et c'est en voie - d'en installer une
là où il y a déjà une ENA, parce qu'on veut ce type
d'école, ce modèle universitaire et indépendant. Ce serait
vraiment dommage pour la qualité de l'enseignement de l'administration
publique que l'on aille jusque-là.
Mme Blackburn: Ce que vous nous dites, c'est que cette
recommandation a une caractère hautement improvisé?
M. Boulet: Je ne me permettrai pas, madame, je n'ai pas
travaillé avec les gens qui ont préparé ce document.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M,
Boulet. Je reconnais maintenant la députée de Groulx.
M. Ryan: M. le Président, me permettriez-vous de faire une
petite rectification, sur une question de règlement?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous
écoute, M. le ministre.
M. Ryan: Je crois que le règlement nous autorise à
corriger des choses fausses qu'on a entendues. Tantôt, la
députée de Chicoutimi affirmait...
M. Jolivet: M. le Président, nous sommes en commission
parlementaire.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, vous
invoquez quoi pour redemander la parole, M. le député de
Laviolette?
M. Jolivet: C'est justement le même...
Le Président (M. Parent, Sauvé):
J'écoute le ministre, sur une question de règlement.
M. Jolivet: Juste un instant, c'est une question de
règlement, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): ...je vous
écoute sur une question de règlement.
M. Jolivet: Excusez-moi. Vous savez qu'en commission
parlementaire le seul moyen qu'a le ministre de rectifier c'est de le faire au
cours de son intervention. Il n'est pas question de question de
règlement pour faire une rectification.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre,
sur une question de règlement,
M. Ryan: M. le Président, j'avais compté sur la
courtoisie du député de Lavîolette pour me permettre de
faire cela dans l'esprit général de notre
réglementation.
Mme Blackburn: Allez-y donc, je n'ai pas d'objection.
M. Ryan: Mais j'attendrai à tantôt et la correction
sera encore meilleure, elle aura été annoncée. Vous aurez
été avertis.
Le Président (M. Parent, Sauvé): À ce
moment, M. le ministre, vous serez selon nos règlements. J'écoute
Mme la députée de Groulx.
Mme Bleau: M. le Président, à l'heure actuelle,
j'aimerais savoir si les coupures que vous avez dû faire pour
équilibrer certains budgets des universités ont contribué
à une baisse de qualité dans l'enseignement de ces
universités ou si la qualité de l'enseignement est restée
la même.
M. Boulet: II est difficile de le dire, n'est-ce pas? Cela ne se
mesure pas avec un thermomètre. Je pense que l'on peut dire que nous
avons été amenés successivement à augmenter notre
productivité. On a passé, pour vous donner un exemple, à
des groupes d'étudiants par professeur qui avaient une moyenne de 17
dans certaines de nos constituantes et qui sont montées a 28. On est
passé en moyenne de 20 à 29 ou à 30 comme groupes
d'étudiants moyens par professeur, etc. Les professeurs continuent
à donner leurs cours. Ils le font avec autant de conscience qu'ils le
faisaient auparavant et autant de préparation, mais l'encadrement
diminue d'autant. Sur le plan des équipements, je pense que la
qualité de l'enseignement diminue forcément. Les
équipements que nous avons commencent à Être dans un
état de désuétude qui ne permet pas vraiment aux
professeurs, surtout dans des domaines comme les sciences appliquées,
d'être vraiment à la pointe de l'enseignement dont l'industrie a
besoin. Je pense qu'il y a une qualité qui s'est au mieux
stabilisée et qui, dans certains domaines, a commencé à
diminuer en raison de certains aspects des compressions.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la
députée, avez-vous terminé?
Mme Bleau: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Dans le
résumé que vous nous avez fourni tout à l'heure, M. le
président, vous dites, à la page 10: "Les bases de
dépenses des universités calculées selon la méthode
suggérée ci-haut doivent annuellement être modifiées
pour tenir compte des caractéristiques et objectifs suivants." J'aurais
deux questions qui ont trait à ce débat. À la page 41 de
votre mémoire, on lit: "Respecter l'autonomie des universités."
Le deuxième point se trouve à la page 43: "Éliminer
certains revenus admissibles et laisser aux universités les autres
revenus perçus." J'aimerais que vous précisiez davantage ces deux
points.
M. Boulet: Comme c'est technique, M. Lefrançois va
répondre a ces questions techniques. Oui, M. Lefrançois.
M. Lefrançois: M. le député, on veut
indiquer par là que dans les enveloppes de financement qui sont
accordées aux universités, il arrive parfois qu'on décide
d'y faire certains prélèvements à des actions
particulières. En le faisant, il y aurait lieu que cela puisse
être discuté au préalable avec les universités pour
essayer d'harmoniser cela dans le cadre des plans et des priorités que
le gouvernement veut retenir. Ces prélèvements viennent
réduire évidemment l'enveloppe disponible alors que
déjà il y a des difficultés pour assurer la
continuité des opérations régulières.
M. Jolivet: Cela fait partie de la discussion qu'on a eue hier
soir et qui va se perpétuer, je pense, dans les jours à venir,
à l'effet de dire que si on augmentait certains frais et que, en
conséquence, on n'enlève pas, on ne diminue pas en contrepartie
les revenus subventionnaires... On parle donc de l'enveloppe globale, si j'ai
bien compris.
M. Lefrançois C'est exact.
M. Jolivet: Dans la première question -je ne sais pas si
c'est vous qui devez répondre ou quelqu'un d'autre - celle de respecter
l'autonomie des universités, c'est plus précis à la page
41 de votre document initial, mais j'aimerais quand même que vous m'en
disiez davantage.
M. Boulet: C'est toujours une préoccupation, M. le
Président, pour les universités, quelles que soient les demandes
qu'elles aient à faire, d'ajouter qu'elles désirent qu'on
protège et qu'on maintienne la protection de leur autonomie. Nous
pensons que le gouvernement d'un État qui a conscience que les
universités sont l'un des éléments de pointe de son
développement n'obtiendra d'elles leur meilleur rendement que s'il leur
permet d'oeuvrer en toute liberté, en toute autonomie, en particulier
dans l'enseignement et la recherche des professeurs.
Quand on parle de financement, il y a toujours un danger que le
financement soit accompagné d'exigences qui risquent de brimer cette
autonomie. Il est normal et régulier qu'un gouvernement ait des
priorités, qu'il le dise et qu'il demande aux universités de
l'appuyer dans ses priorités, mais il y a toujours un risque qu'au
moment où on joue finance, on joue un peu sur l'autonomie de
l'enseignement et de la recherche universitaire et nous tenons simplement
à rappeler qu'il faut y faire attention.
M. Jolivet: Une autre question qui a trait au financement. On a
cru comprendre que vous parliez de différentes sources de revenus qui
pourraient provenir en particulier de l'Office de planification et de
développement du Québec pour les universités en
régions en particulier. Vous êtes au courant que le budget de
l'office a été, cette année, diminué de près
du tiers, de 33 %. Une décision qui avait été prise en
1985 par le Conseil des ministres d'augmenter de 3 600 000 $ le budget pour les
universités en régions et que ce décret a
été révoqué par le nouveau gouvernement
libéral. De quelle façon, avec ces éléments devant
soi, peut-on espérer augmenter encore le budget de l'Office de
planification et de développement du Québec ou, par un
décret spécifique, obtenir des sommes d'argent additionnelles, en
termes de revenus, pour les universités en régions?
M. Boulet: Écoutez, je ne voudrais pas entrer dans les
discussions de décisions administratives du gouvernement, je ne suis pas
suffisamment spécialiste des finances pour cela. Ce que je disais tout
à l'heure, en réponse à Mme la députée de
Chicoutimi, c'était que nous pensons que les universités en
région ont une mission de moteur socio-économique très
évidente. Nous pensons que ceci devrait être reconnu dans leur
financement. Nous nous demandons cependant si la voie du financement proprement
universitaire est la véritable voie pour faire cela. Je disais que cela
fait deux ou trois ans, vous le savez, que l'Université du Québec
essaie de faire que l'Office de planification et de développement du
Québec participe peut-être à l'aide à cette mission
des universités. Il y a peut-être d'autres voies, mais je pense
qu'il appartient au gouvernement de décider.
M. Jolivet: J'ai une dernière question avant de passer la
parole à d'autres. Toujours dans le rapport Gobeil... Même si le
ministre soutient qu'il n'a pas été signé par celui qui
était le président du comité, il reste quand même
que ce sont des propos qui circulent et qui suscitent des craintes chez tout le
monde. Le ministre responsable du Conseil du trésor en a fait mention
à d'autres tribunes que, par l'intermédiaire de son rapport, on
parle d'une augmentation de 50 % la tâche d'enseignement. On en a fait
mention hier. J'aimerais connaître, de la part de l'Université du
Québec, ses impressions sur cette hypothèse qui est actuellement
sur la table et qui pourrait devenir réalité si les gens ne s'y
opposent pas ou si les gens ne font pas valoir d'autres points.
M. Boulet: Si M. le Président me le permet, je vais
demander à mon collègue, M. Leclerc, de répondre plus
précisément à cette question.
J'aimerais, au départ, faire une réflexion. Je vous avoue
que je trouve difficile de toujours discuter d'enseignement universitaire en
termes d'heures, de minutes, etc. La productivité des grands chercheurs,
des grands professeurs d'université, ce n'est pas la productivité
d'une usine de chaussures, c'est autre chose. Cependant, il faut bien que les
administrateurs publics comme les membres du gouvernement discutent du
financement des universités. Il faut bien qu'ils touchent à des
choses comme celle-là. Mais j'aimerais que l'on puisse amener certaines
distinctions dans notre discussion et non pas constamment mesurer à
l'aune le rendement des chercheurs et des professeurs d'université.
De toute façon, en réponse directe à votre
question, je demanderais à M. Leclerc de vous faire part de ses
réflexions.
M. Leclerc (Michel): M. le Président, d'abord, je vous
ferais remarquer que nous sommes en négociation avec un certain nombre
de nos syndicats dans un certain nombre de constituantes. Il faut tenir compte
de cela, premièrement.
Deuxièmement, compte tenu que nous avons signé un certain
nombre de conventions collectives et que vous savez que nous établissons
des mandats avec les recteurs, je pense que l'on peut dire qu'à
l'Université du Québec nous n'avons pas de problème de
productivité dans l'ensemble du corps professoral. Nous travaillons
actuellement à ce que l'on appelle la modulation, à une meilleure
répartition de la tâche auprès des différents
individus qui enseignent. On n'a
pas de problème de productivité, globalement. À
preuve, entre autres, le tableau, à la page 53, des déclarations
de l'ancien ministre qui avait affirmé en commission parlementaire que
le système était devenu plus productif que celui de l'Ontario.
Cela devient difficile de faire des récupérations dans ce
contexte, vous l'admettrez.
Il y a aussi une nuance qui est importante, c'est que l'on est toujours
porté à analyser la tâche des professeurs
d'université d'abord en tenant compte uniquement de la fonction
enseignement alors qu'il faut tenir compte de la fonction recherche, de la
fonction administration pédagogique et de la fonction services à
la collectivité. Quand on regarde la fonction enseignement, on est
toujours porté à compter le nombre d'heures et à ne pas
faire comme on le fait pour le primaire et le secondaire, à regarder le
nombre d'étudiants par professeur. Or, le nombre d'étudiants par
professeur - on doit le dire et on le dit à nos tables de
négociation, qu'est-ce que vous voulez. (17 heures)
À Rimouski, par exemple, en 1978, il y avait une moyenne de 17,2
% étudiants aux cours de premier cycle, moyenne qui est passée
à 28 % en 1984. II y a eu une augmentation évidente de
productivité par le nombre d'étudiants dans les salles de
cours.
Une dernière remarque de ce côté, c'est que nous
avons un rapport professeurs réguliers-chargés de cours qui,
à notre avis, est insuffisant, c'est-à-dire que nous avons trop
de chargés de cours et pas suffisamment de professeurs réguliers.
Évidemment, nous avons aussi des syndicats de chargés de cours et
nous sommes également en négociation avec ces syndicats de
chargés de cours qui trouvent que la main-d'oeuvre n'est pas
payée assez cher.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Leclerc.
Je reconnais maintenant M. le ministre de l'Éducation.
M. Ryan: Sur le point que vous venez de mentionner, M. Leclerc,
quand vous dites que la moyenne est rendue à... 28 %, vous avez dit?
M. Leclerc: À Rimouski. M. Ryan: À Rimouski?
M. Leclerc: Oui.
M. Ryan: C'est le nombre d'élèves par professeur
régulier. Cela ne tient pas compte des chargés de cours.
M. Leclerc: Oui, oui, oui. C'est un indicateur qui est
différent de celui de la page 53. L'indicateur à la page 53,
c'est le rapport du nombre de professeurs réguliers, en excluant les
chargés de cours, sur le nombre d'étudiants équivalents
à temps complet. On indique à la page 53 de notre mémoire,
à l'annexe 5, que le ratio est de 1-25 à l'Université du
Québec alors qu'il est au total, pour l'ensemble des universités
de 1-22. Cela exclut les chargés de cours. Mais on peut faire des
calculs qui incluent les chargés de cours également.
Quand je parle de la moyenne au premier cycle, c'est autre chose c'est
le nombre d'activités que nous donnons au premier cycle. Le nombre de
tâches que nous autorisons fait que l'ensemble des professeurs qui
enseignent au premier cycle, professeurs réguliers et chargés de
cours, ont en moyenne, au niveau des études de premier cycle, 35
étudiants par exemple, ou 34 à l'Université du
Québec à Montréal, 28 à l'Université du
Québec à Rimouski.
M. Ryan: À l'Université du Québec, on
remarque que le pourcentage de l'enseignement qui est assuré par des
chargés de cours est élevé. Est-ce que vous avez des
études sur les effets de cette situation sur la qualité de
l'enseignement et de la recherche?
M. Leclerc: On n'a pas d'étude là-dessus. On a eu,
M. le ministre, énormément de discussions, les recteurs, le
président et moi-même là-dessus. Nous avons des syndicats
de chargés de cours; nous avons des syndicats de professeurs. Les
syndicats de professeurs disent que le nombre de chargés de cours est
beaucoup trop élevé. On est très près de penser
cela également.
Nous pensons qu'il y a toutes sortes d'effets à avoir moins de
professeurs, en moyenne, que dans d'autres universités. Cela a des
effets, par exemple, sur Je nombre de pieds carrés. Plus vous avez de
personnel, plus vous avez à l'immobilisation de pieds carrés,
etc. Notre objectif est évidemment d'augmenter le nombre de professeurs
réguliers, sauf que, pour quatre charges d'enseignement au premier
cycle, lorsqu'on engage actuellement un professeur régulier qui ne fait
pas que de l'enseignement, répétons-le, le coût est
d'environ 45 000 $ alors que, pour quatre charges de cours, c'est 12 000 $.
Faites la soustraction. C'est beaucoup plus économique, c'est
évident, d'engager quatre chargés de cours que d'engager un
professeur régulier. Si on avait le choix, je pense qu'on augmenterait -
pas je pense, je suis sûr - le nombre de professeurs réguliers et
qu'on diminuerait le nombre de chargés de cours.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur.
Je reconnais la députée de Jacques-Cartier pour une
dernière intervention.
Mme Dougherty: II me semble que les
missions de l'INRS et de l'Institut Armand-Frappier sont fort
différentes des missions des autres constituantes du réseau de
l'Université du Québec. La question est un peu
délicate» mais j'aimerais vous demander de commenter la pertinence
de leur présence dans le réseau.
M. Boulet: La pertinence des instituts de recherche est
très simple: la recherche est un élément de
l'activité universitaire. Les instituts de recherche ont
été fondés de façon à correspondre, au
moment de la création de l'Université du Québec, à
des besoins précis du gouvernement. C'est le gouvernement qui a
décidé de cette situation, parce qu'il voulait qu'a
l'intérieur de l'Université du Québec, il y ait des
établissements qui se consacrent davantage que d'autres à des
projets de recherche qui correspondaient et qui correspondent encore aux
besoins de développement du Québec. Ces instituts se sont
développés et constituent au sein de l'Université du
Québec des endroits où la recherche est davantage
privilégiée. Les universités à vocation
générale font de l'enseignement et beaucoup de recherche et
appuient l'un par l'autre. Les instituts de recherche font davantage de
recherche mais reçoivent aussi des étudiants au niveau de la
maîtrise et du doctorat. II est évident que la fonction formelle
d'un institut de recherche se distingue en partie de la fonction d'un
établissement à vocation générale, mais, dans la
vocation globale de l'université qu'est l'Université du
Québec, il est, non seulement tout à fait correct, il va de soi
qu'il peut y avoir des instituts de recherche et des établissements
où la recherche et l'enseignement sont davantage
équilibrés.
M. Hamel pourrait ajouter là-dessus.
M. Hamel: En fait, à strictement parler, ces deux
organismes ne sont pas des instituts de recherche comme on l'entend
habituellement au sens de centres de recherche où l'on ne fait que de la
recherche, centres que l'on retrouve occasionnellement en dehors des milieux
universitaires. Il y a des centres de recherche gouvernementaux, il y a des
centres de recherche privés. L'Institut national de la recherche
scientifique comme l'Institut Armand-Frappier ont une vocation universitaire
d'enseignement au niveau des études avancées. Donc, une mission
universitaire de formation de chercheurs par des programmes de maîtrise
et de doctorat et, bien sûr, une mission de recherche, mais ce sont des
organismes qui se situent à mi-chemin entre des centres de recherche non
universitaires et des universités à vocation
générale qui assument des programmes de 1er cycle. Les deux
organismes dont nous parlons, les deux instituts de l'Université du
Québec, n'offrent pas de programme de 1er cycle, mais, pour le
reste, ils sont fondamentalement de type universitaire.
Le Président (M. Parent (Sauvé): Merci, M. Hamel.
Je reconnais la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je dois dire
messieurs, que je partage avec vous ce malaise de voir la commission
parlementaire faire porter l'essentiel de ses propos et de ses discussions sur
la question du financement, alors que, je vais me répéter, il me
semble que, pour déterminer ce qui devrait être un niveau de
financement acceptable, encore faudrait-il qu'on ait fait un certain consensus
social sur ce qu'on voudrait voir faire à l'université, les
objectifs qu'on maintient et ceux qu'on voudrait développer. À
cet égard j'aurais souhaité qu'on puisse... Et vous l'avez fait
assez largement tout à l'heure, certains intervenants l'ont fait, mais
on a l'impression que, finalement, l'essentiel des discussions va finir par
tourner quasi exclusivement autour des questions de gros sous et de
financement.
Vous connaissez ma préoccupation pour toute la question de
l'accessibilité. Je ne saurais trop le répéter, c'est une
question de développement économique et social. Je dirai aussi
que ce sont des préoccupations qu'on partage et qui ont constitué
l'essentiel, je dirais, de votre action. Je me demandais s'il était
possible de penser que, éventuellement, on pourrait faire des recherches
sur cette question pour mieux cerner ce phénomène qui fait que
certains enfants qui auraient les capacités estiment encore aujourd'hui
que, malgré qu'on ait un régime d'aide financière
acceptable, les études supérieures, ce n'est pas fait pour eux.
Il me semble qu'il faudra commencer quelque part pour mieux cerner ce
phénomène-là, parce que, autrement, penser à un
développement économique, penser à une relance en
même temps qu'on a une population, on doit se le dire, à la fois
sous-scolarisée dans certains domaines et d'assistés sociaux pour
une trop large part... Aujourd'hui il y a 230 000 enfants de moins de 18 ans
qui vivent dans des familles d'assistés sociaux. Dans une telle
circonstance, à la fois ils auraient, s'ils avaient la stimulation
nécessaire, probablement la même capacité que d'autres de
fréquenter l'université, mais on sait comment cela se passe et,
finalement, ce n'est certainement pas un milieu duquel on sort facilement. Par
ailleurs, une façon de le faire, c'est beaucoup par la scolarisation. Si
des recherches se faisaient sur ce sujet et qu'elles essayaient de bien camper
la problématique, de voir par expérience, sur le terrain ou
autrement, ce qui pourrait être des voies de solution, cela pourrait
être,
pour l'avenir, fort intéressant.
C'est le voeu que je me permets de formuler. Je n'ai certainement pas
d'ordre à donner aux universités et je n'ai pas non plus à
leur indiquer quel devrait être leur choix de thèmes de recherche,
mais je me permets de formuler ce voeu. Cela m'a fait plaisir de vous entendre
et, M. le Président, au siège social de l'UQ, je souhaite longue
vie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. La dernière intervention revient au
ministre de l'Éducation. M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, je ne veux pas être
désagréable, mais, comme vous m'avez confiné à ces
cinq petites minutes de la fin pour corriger l'erreur dont je parlais plus
tôt, je vais être obligé de le faire maintenant. La
députée de Chicoutimi disait tantôt que le programme du
Parti libérai prévoyait la réunification des deux
ministères de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur.
Ce n'est pas vrai. Ce que le programme disait, c'est que nous unifierions
l'autorité politique sur l'ensemble du secteur de
l'éducation...
Mme Blackburn: ...
M. Ryan: ...ce que nous avons fait, crois-je pouvoir constater,
tout en enregistrant les réserves de l'Opposition au sujet du rôle
que certains de mes collègues se voient attribuer faussement par elle
dans ce secteur-là. Je crois que la situation est très claire et
toutes les personnes le moindrement informées savent très bien
que cet engagement du Parti libéral a été
réalisé dès la formation du gouvernement et continue de
l'être.
J'entendais également la députée de Chicoutimi se
plaindre qu'on aurait discuté seulement de finances cet
après-midi. On ne devait pas être à la même
discussion, parce que c'est une des séances où nous avons le
moins parlé de finances, cet après-midi. Nous avons
parlé...
M. Jolivet: ...
M. Ryan: Pardon?
Le Président (M. Parent, Sauvé): ...M. le
député de Laviolette. M. le ministre de l'Éducation.
M. Ryan: Si j'ai mal compris, je m'en excuse et je retire toutes
mes remarques, parce que je pense que cet après-midi, justement, nous
sommes entrés dans un aspect du mandat de la commission qui est
très important, celui qui nous amène à nous informer sur
l'état de développement, des projets de développement et
les problèmes d'organisation et d'orientation des institutions qui
composent le réseau universitaire québécois. Nous avons eu
une discussion très instructive cet après-midi au sujet de
l'organisation générale du réseau de l'Université
du Québec. Je pense que nous avons noté avec beaucoup
d'intérêt les renseignements qui nous furent communiqués.
Nous avons eu des réponses à un grand nombre de questions qui se
posent à nos esprits. Nous allons continuer l'exploration en rencontrant
chacune des constituantes, chacune des grandes institutions, des grands
instituts qui se rattachent à l'Université du Québec et,
au bout de l'examen, nous aurons une vue beaucoup plus complète qui est
nécessaire avant de tirer les moindres conclusions au sujet du
financement.
Je dois rappeler que le problème du financement est crucial. Pour
employer une expression anglaise, il est "pregnant" à peu près
tout ce que nous discutons, parce que, dès que nous voulons faire un
pas... Il n'y a pas beaucoup d'universitaires qui font des pas de
manière entièrement gratuite, sauf dans la recherche pure de la
vérité, mais, dès qu'ils se mettent à enseigner
dans une salle de cours, il faut que la caisse fonctionne. Je pense qu'il faut
être réaliste. C'est pour cela qu'on est obligé de discuter
cette dimension-là aussi. Je pense que cela fait partie de notre
responsabilité. On va essayer d'explorer les deux dimensions
parallèlement et je pense qu'au bout de la ligne on va peut-être
avoir des résultats intéressants.
En tout cas, je suis très content de la rencontre que nous avons
eue cet après-midi. Encore une fois, nous aurons l'occasion de reprendre
ces discussions au cours des semaines à venir. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre de l'Éducation.
M. Boulet, M. Hamel, et les gens qui vous accompagnent, nous vous
remercions beaucoup de votre présence à cette commission
parlementaire.
La commission suspend ses travaux pour quelques minutes et elle entendra
le prochain groupe, soit le Conseil de la science et de la technologie.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise à 17 h 19)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît! Si vous voulez prendre place. La commission
parlementaire de l'éducation va reprendre ses travaux incessamment,
c'est-à-dire immédiatement. Mesdames, messieurs les
députés, MM. les représentants du conseil, si vous voulez
prendre place.
Si nos invités veulent bien s'asseoir, la
commission reprend ses travaux. La commission parlementaire de
l'éducation reprend ses travaux et accueille le Conseil supérieur
de la science et de la technologie. Le Conseil supérieur de la science
et de la technologie est représenté à la table par M.
Maurice L'Abbé et M. Yves Rousseau, qui en est le secrétaire
général.
Nous avons prévu, M. L'Abbé... S'il vous plaît! S'il
vous plaît! La commission siège. S'il vous plaît, les gens
en arrière, je vous rappelle que la commission a commencé ses
travaux. Merci. Je m'excuse, M. L'Abbé, je m'excuse, M. Rousseau, de ce
brouhaha. Je vous rappelle qu'on a environ... Normalement, on avait
prévu une heure. Il est actuellement 17 h 19. Si à 18 heures, on
n'a pas terminé, on continuera à 20 heures. Vous avez la latitude
de commencer immédiatement, de nous présenter votre document et,
après, l'échange de propos commenceront avec les membres de la
commission parlementaire. M. L'Abbé, nous vous écoutons.
Conseil supérieur de la science et de la
technologie
M. L'Abbé (Maurice): M. le Président, juste un mot,
avant de résumer le mémoire, sur le Conseil de la science et de
la technologie qui est, comme vous le savez, un organisme dont le mandat est
relativement horizontal. La loi prévoit que cet organisme avise ou
conseille le gouvernement sur toute question qui touche le développement
scientifique ou technologique au Québec et, bien sûr, ceci
implique les trois secteurs traditionnels scientifiques et technologiques: le
secteur gouvernemental, le secteur universitaire et le secteur industriel. Le
conseil aime voir son mandat surtout au niveau intersectoriel, par exemple, au
niveau des relations entre le secteur universitaire et le secteur industriel ou
au niveau des relations entre les secteurs gouvernemental et industriel,
etc.
Le conseil, aujourd'hui, vient témoigner devant votre commission
sur un sujet, évidemment, qui touche le secteur universitaire. Nous
l'avons fait, après une certaine concertation avec le Conseil des
universités, et nous avons choisi, avec leur accord et leur support, de
traiter le sujet du financement de la recherche universitaire qui peut
résulter de la collaboration entre le secteur industriel et le secteur
universitaire.
Je me permettrai, avant de commencer le résumé de notre
mémoire, qui est relativement bref, puisqu'il s'adresse à un
aspect assez spécialisé de votre mandat, de commencer par une
anecdote que j'emprunte à nos collègues, à nos voisins du
Sud aux États-Unis et qui me semble montrer justement l'importance du
mandat de votre commission pour le Québec et la société en
général.
II y a une couple d'années, le conseiller présidentiel en
matière de science et technologie aux États-Unis a demandé
au conseil de la science américain de faire une étude sur la
santé des collèges et des universités aux
États-Unis. Le rapport a été remis au printemps dernier et
ce rapport, qui est assez remarquable, est précédé d'une
lettre dont j'aimerais lire des extraits.
C'est une lettre que le président des États-Unis,
lui-même, M. Ronald Reagan, adressait au président du
comité qui avait préparé ce rapport, marquant ainsi
l'extrême importance que nos voisins attribuent au développement
universitaire et particulièrement à la recherche universitaire.
Le comité en question était présidé par M. Dave
Packard qui est celui qui a créé Hewlett Packard. La lettre de M.
Reagan se lit comme suit: "Cher Dave, je suis profondément reconnaissant
pour l'effort que vous et vos collègues avez consacré à
l'étude de la santé des collèges et des universités
aux États-Unis. "Dans l'environnement technologique hautement
compétitif qui caractérise le monde d'aujourd'hui, nous devons
faire tout ce que nous pouvons pour assurer le maintien de l'excellence de nos
collèges et de nos universités. Ils sont la source principale de
nos réalisations scientifiques et techniques, le fondement même de
notre excellence technologique. "Votre rapport apporte une contribution majeure
à la définition de la nécessaire collaboration entre le
gouvernement, l'industrie et les universités. "Vous pouvez être
assuré que je ferai le nécessaire pour que vos résultats
et vos recommandations soient étudiés par les organismes
responsables du gouvernement et que ceux-ci en assurent le suivi et la mise en
oeuvre. "Félicitations pour un travail superbe! "Sincèrement,
Ron."
Je me suis parfois demandé si on verrait, au Canada, un premier
ministre ou encore mieux, puisque l'enseignement supérieur est de
juridiction provinciale, un premier ministre d'une province comme le
Québec s'intéresser suffisamment aux objectifs de l'enseignement
supérieur pour écrire ce genre de lettre et donner toute la
crédibilité du plus haut poste au gouvernement à
l'importance du mandat de votre commission.
Je me permettrai maintenant, M. le Président, de résumer
rapidement notre mémoire. Notre mémoire rappelle d'abord la
situation de la recherche universitaire au Québec, sa stagnation depuis
un certain temps et même son déclin relatif par rapport au Canada
en général et plus particulièrement par rapport à
l'Ontario.
Le tableau que nous avons donné à la
page 3 de ce mémoire qui indique les indices d'intensité
de la recherche universitaire au Québec est éloquent pour montrer
à quel point la situation s'est détériorée depuis
une dizaine d'années, surtout depuis les huit dernières
années. L'indice qui est rapporté dans ces statistiques est tout
simplement le rapport en quelque sorte de la subvention moyenne, disons, d'un
professeur d'université au Québec par rapport à la
subvention moyenne du national, c'est-à-dire d'un professeur canadien,
qui est obtenu tout simplement en divisant l'ensemble des subventions
données au Canada, par l'ensemble des professeurs et la même chose
dans les universités.
Si ce rapport est plus grand que 1, ceci prouve que dans une institution
donnée ou dans une région donnée comme le Québec,
l'intensité de la recherche est plus élevée que ce qu'on a
attendrait du nombre des professeurs. S'il est plus faible que un, bien
sûr, ceci indique qu'il y a une faiblesse et que la région ou
l'université en question est moins concurrente à ce point de
vue.
Dans tous les cas, comme vous allez voir, sauf pour les
universités anglophones, il y a eu un déclin assez important. Il
y a d'autres indices qu'on pourrait accumuler pour qualifier l'état ou
la situation de la recherche universitaire au Québec. Le Conseil de la
science et de la technologie a publié le printemps dernier, au mois de
mal, le premier rapport de conjoncture sur la situation scientifique et
technologique au Québec. Une analyse assez approfondie de ces questions
se trouve dans ce rapport.
Par ailleurs, la situation de l'industrie ou de la recherche
industrielle au Québec présente également des faiblesses.
Nous savons d'ailleurs que la RD dans le monde industriel au Canada est
relativement faible par rapport à tous les pays de l'OCDE, par rapport
aux pays en particulier qui sont en concurrence avec le Canada; mais le
Québec accuse à ce point de vue également, à cause
de sa structure industrielle, un déficit important
particulièrement par rapport à l'Ontario. La part du produit
national brut que le Québec consacre à la recherche industrielle
est de 63 % moins élevée que celle que l'Ontario y consacre. Ceci
a une certaine importance. J'en dirai un mot tout à l'heure lorsque nous
parlerons du nouveau programme de financement de la recherche universitaire
préparé par le gouvernement fédéral.
Dans le mémoire, nous avons énuméré les
différentes formes de collaboration entre les universités et les
industries au Québec. Nous constatons que beaucoup de mécanismes
sont actuellement en oeuvre pour favoriser cette collaboration. Surtout depuis
quelques années, des progrès considérables ont
été faits dans le renforcement des liens entre ces deux secteurs
de la société.
D'ailleurs, le gouvernement y a contribué par des programmes
spécifiquement destinés à favoriser ces liens ou ces
liaisons. Un de ces programmes malheureusement se termine cette année.
Il restera donc un certain vacuum pour le moment au niveau d'un programme pour
promouvoir ces relations. Le gouvernement fédéral, bien
sûr, a aussi ses propres programmes qui sont largement utilisés au
Québec et ce, pour promouvoir toujours les liaisons entre les deux
secteurs. Nous avons fait état des avantages multiples de cette
collaboration, que nous appuyons entièrement. Ces avantages ne sont pas
seulement de type financier, comme nous l'avons remarqué; ils existent
surtout, en fait, au niveau de la formation des étudiants, ils
permettent une formation plus pertinente en ce qui concerne les
étudiants qui iront après sur le marché du travail, une
stimulation intellectuelle mutuellement valable pour l'industrie comme pour
l'université; et il y a évidemment des avantages d'ordre
financier puisque l'université peut financer un certain nombre de
recherches par ce moyen et également un certain nombre de chaires de
professeur et la présence d'équipements plus sophitisqués
provenant de dons du secteur privé, Cependant, nous avons voulu essayer
d'évaluer la contribution réelle au financement de la recherche
universitaire.
Nous avons, par des comparaisons entre le Québec, l'Ontario, le
Canada et même les États-Unis, essayé de montrer que cette
contribution reste modeste de toute façon au point de vue du
financement. Les chiffres que nous avons donnés à la page 13, au
tableau 2, montrent que nous sommes à peu près dans le même
ordre de grandeur, que ce soit aux États-Unis, au Canada, en Ontario ou
au Québec. C'est moins de 5 % en moyenne que la contribution de
l'entreprise privée. Remarquez bien que ceci inclut non seulement
l'entreprise privée à but commercial mais également les
sociétés d'État qu'on assimile souvent à des
organismes industriels. Le pourcentage au Québec est de 3,3 % en
moyenne; il est de 3,9 % en Ontario et il est de 3,9 % aux États-Unis
également. Ceci correspond à une moyenne. Il faut être bien
prudent. La répartition de ce soutien des entreprises varie beaucoup
d'une université à l'autre, d'une région à l'autre
et, également, d'une discipline à l'autre dans une même
université.
Les universités de recherche, celles qui ont un très fort
pourcentage de fonds de recherche à leur disposition contribuent
davantage à aider l'entreprise et reçoivent donc plus de contrats
et de subventions. En général, dans une université comme
Waterloo, comme l'École polytechnique qui est une constituante de
l'Université de Montréal mais qui est administrativement
indépendante, le
soutien se situe à environ 10 %. Quand vous regardez aux
États-Unis, même au MIT, qui est considéré comme
l'université technologique par excellence dans le monde entier, la
contribution des entreprises se situe à 10 % également.
Évidemment, en ce qui concerne particulièrement le MIT, comme le
budget de recherche est de 200 000 000 $, 10 % des 200 000 000 $
équivalent à 20 000 000 $, c'est presque le montant que le Canada
reçoit de l'industrie dans son ensemble.
La répartition par discipline est évidemment très
différente aussi. Les écoles de génie sont surtout les
destinataires de ces subventions et de ces contrats, ainsi que des secteurs
comme celui de la santé ou de l'administration.
Une autre particularité de ce financement de la recherche par
l'entreprise, c'est la discontinuité. L'entreprise fonctionne par
contrat et selon ses besoins qui peuvent varier beaucoup d'une année
à l'autre. Alors, la subvention ou le contrat qui vient à
l'université peut être complètement absent l'année
suivante. Nous remarquons donc des discontinuités tout à fait
flagrantes dans le graphique 3 de la page 18 où vous voyez des
déficits et des augmentations subites de sorte que, en plus d'être
relativement modestes, les variations annuelles de ce financement sont assez
aléatoires.
Nous avons, par conséquent, tiré de ces observations la
remarque que le gouvernement s'illusionnerait beaucoup s'il comptait sur
l'entreprise privée pour prendre la relève ou même une
partie de la relève du financement de la recherche ou de l'enseignement
supérieur des gouvernements.
À la fin, avant de passer aux recommandations de notre rapport,
nous avons jeté un coup d'oeil sur deux aspects qui nous semblent
importants dans le contexte actuel et qui aussi relèvent d'un aspect
intersectoriel université-industrie, celui des nouvelles règles
de financement du gouvernement fédéral pour ses conseils
subventionnaires. Une décision de grande importante a été
prise en février dernier, au moment du budget Wilson, de jumeler en
quelque sorte, les contributions du gouvernement fédéral à
celles de l'entreprise privée. Cette décision avait
été évidemment prise sans que l'on en ait
évalué l'impact, ni même surtout étudié sa
mise en application et les règles qui pourraient...
Après six ou huit mois de travaux, les règles n'ont pas
encore été établies. Elles le seront sans doute cet
automne. Nous prévoyons que ces nouvelles règles de financement
auront un impact considérable, non seulement sur les conseils
subventionnaires, mais sur les universités qui reçoivent ces
subventions et en particulier sur celles du Québec. Il est fort
possible, d'après les indices que nous avons en main, que la
distribution par les conseils subventionnaires des fonds qui seront obtenus par
ce programme de jumelage entre l'industrie et le gouvernement, soit
dirigée principalement vers les universités qui ont
évidemment de fortes contributions de l'industrie,
particulièrement celles de l'Ontario qui, comme je le disais tout
à l'heure, a un volume de recherches industrielles beaucoup plus
important que le Québec.
L'autre aspect sur lequel nous avons voulu attirer l'attention de la
commission -mais nous avons réalisé qu'il ne s'agissait pas d'un
point très original, parce que je crois que la plupart de ceux qui ont
soumis des mémoires y ont fait allusion - c'est l'importance que toute
méthode nouvelle de financement des universités tienne compte des
responsabilités, sur le plan des frais indirects, des institutions qui
reçoivent des subventions. Nous avons essayé de montrer quelle
était la base de calcul de ces frais indirects qui, au Canada, ne sont
pas assumés par les conseils subventionnaires. Ceux-ci ne couvrent
même pas les frais directs au complet, encore moins les frais
indirects.
Les conclusions auxquelles notre mémoire en est arrivé, je
me permettrai, M. le Président, de les lire rapidement. Elles sont
à la fin, à la page 25.
Le Conseil de la science et de la technologie croit fermement que cette
formule de financement, cette formule que vous serez amenés à
rédiger pour le financement futur des universités, doit
être élaborée en tenant compte, entre autres, des quatre
principes suivants:
Premièrement, le gouvernement doit promouvoir un rapprochement
entre l'université et le milieu industriel, dans le respect de la
mission générale de l'université et non d'abord et avant
tout pour des raisons uniquement financières.
Deuxièmement, compte tenu du caractère limité,
voire modeste, des revenus générés par la collaboration
université-entreprise en Amérique du Nord, le gouvernement ne
doit pas compter sur ce rapprochement pour améliorer le financement de
la recherche universitaire de façon significative.
Troisièmement, la meilleure façon pour le gouvernement de
stimuler le rapprochement université-entreprise souhaité est de
créer des conditions qui, précisément, permettent le
développement d'équipes de chercheurs universitaires de fort
calibre, à la fine pointe des récents développements de
leur discipline.
Enfin, la formule de financement des universités doit tenir
compte des frais indirects de la recherche.
Voilà, essentiellement, M. le Président, l'objet de notre
mémoire. Il nous fera plaisir
de répondre aux questions que vous pourriez avoir.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M.
L'Abbé. Les membres de la commission vont vous interroger. Ils vont vous
poser toutes sortes de questions afin d'aller chercher le plus de
renseignements possible. Encore une fois, même si cela se déroule
dans un cadre formel, je vous informe d'être bien à votre aise.
C'est un échange de points de vue entre nous, dans le but d'une
recherche d'une solution.
M. le député d'Argenteuil et ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science.
M. Ryan: M. le Président, j'accueille avec beaucoup de
plaisir le président du Conseil de la science et de la technologie et
son équipe qui est ici. Je pense que la mission confiée au
conseil est une mission dont a besoin un gouvernement moderne. Peut-être
les formes sous lesquelles cette mission a été confiée au
conseil et accomplie ces dernières années seront-elles
appelées à certaines modifications au cours des mois à
venir. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec le conseil à l'occasion
d'une rencontre récente. Nous nous interrogeons sur la meilleure
façon de situer la politique scientifique et technologique dans un
gouvernement. Certaines fluctuations ont pu être perceptibles au cours
des derniers mois. Je le constate avec d'autant plus d'aisance qu'il n'y a pas
de gouvernement, à ma connaissance, qui a trouvé une ligne de
conduite stable, définitive de ce côté. Les gouvernements
sont en recherche. Il y a des gouvernements très importants, comme le
gouvernement américain, par exemple, qui n'ont pas de structures de ce
point de vue, qui fonctionnent au jour le jour, pour ainsi dire; ils ont des
structures extrêmement légères. Cela ne veut pas dire
qu'ils ne sont pas préoccupés de science, ils le sont au plus
haut point, mais ils préfèrent le faire par
l'intermédiaire des différents départements
réguliers du gouvernement. Ici, au Canada, le gouvernement
fédéral a un ministère de la Science et de la Technologie
dont la vocation est plutôt horizontale que verticale,
c'est-à-dire une vocation de coordination plutôt que de
réalisation immédiate. Nous avions créé pour
commencer un ministère de la Science et de la Technologie. Lors de la
formation du cabinet, la dimension technologique a été
confiée à un ministère et la dimension scientifique
à un autre, ce qui fait que le Conseil de la science et de la
technologie se trouve à chevaucher, de par son mandat originel, sur deux
ministères.
Ce sont des choses que nous devrons clarifier au cours des mois à
venir. C'est l'un des points sur lesquels le rapport que n'a point signé
M. Gobeil nous adresse une question qui peut être
considérée comme fort pertinente. Ensemble, dans un climat de
consultation, nous trouverons des solutions appropriées au cours des
mois a venir. Je veux dire qu'en ce qui me touche, étant donné
que je suis ministre responsable de l'Enseignement supérieur et de la
Science, je suis préoccupé au plus haut point de la
présence de la dimension scientifique dans l'activité du
gouvernement. C'est dans cet esprit que je lis avec beaucoup
d'intérêt les avis que m'adresse le conseil que j'ai eu l'occasion
de rencontrer très récemment pour une conversation très
profitable et que j'accueille aujourd'hui, au nom du gouvernement, dans cet
échange de vues que nous allons avoir ensemble.
Dans le mémoire que vous nous avez présenté, il y a
un point qui m'a particulièrement frappé. C'est la partie
où vous traitez de la participation de l'entreprise privée au
financement de la recherche universitaire. On entend toutes sortes de choses de
nos jours. Même à lire certains mémoires qui ont
été présentés à la commission, on serait
porté à penser qu'il y a eu des développements
phénoménaux de ce côté. Il y a des
développements intéressants, il y a des initiatives qui valent la
peine d'être suivies de très près. Mais je pense que vous
indiquez dans votre mémoire une juste mesure de ce qu'on peut attendre
de cette source dans l'avenir prévisible. Si un gouvernement se disait:
Maintenant, l'entreprise privée commence à s'intéresser
à la recherche universitaire et on va se fier là-dessus pour
fonctionner, je pense qu'on n'irait pas très loin dans l'avenir
prévisible. On ne sait pas ce que l'avenir lointain nous réserve.
Même aux États-Unis, j'ai été très surpris de
constater dans les chiffres que vous avez publiés ces derniers temps et
que vous avez inclus dans ce mémoire qu'un organisme comme le MIT, le
Massachusetts Institute of Technology, ne retire qu'à peu près 7
% de ses revenus totaux de source privée. Je pense que c'est important,
parce que cela oblige à voir la réalité dans une
perspective plus juste et à se rendre compte que la
responsabilité publique en matière de développement de la
recherche est absolument inévitable. On ne peut pas l'éluder.
Elle est une dimension essentielle de tout effort de recherche scientifique qui
se respecte.
On parle souvent aux États-Unis des grands travaux de recherche
qui se font dans les entreprises. Je pense que M. le président du
Conseil de la science et de la technologie corroborera ce que je vais dire:
qu'une grosse partie de cette activité de recherche peut se
réaliser à cause des contrats gouvernementaux qui sont
confiés à l'entreprise privée pour le
développement, malheureusement majoritaire, d'appareils militaires. Il
ne faut pas oublier toute cette perspective quand on discute de science et
technologie. (17 h 45)
J'apprécie beaucoup les réserves inscrites dans votre
mémoire de ce côté-là» pas parce que je ne
souhaiterais pas qu'ils s'y fient davantage du côté de
l'entreprise privée. Je souhaiterais que le rapport fût plus fort,
mais il faudra le développer a force de contacts, d'éducation, de
persuasion, d'expérimentation. En attendant, il faut que notre effort de
recherche se maintienne.
Dans les données que vous présentez au début de
votre mémoire, il y en a une dont je serais porté à
douter, parce qu'elle ne concorde pas tout à fait avec les
données que j'ai présentées moi-même hier et si je
me suis trompé, j'aimerais bien m'en confesser publiquement, corriger
mon erreur, étant donné que c'est ma théorie que,
lorsqu'on fait une erreur, mieux vaut la corriger que de faire payer la
communauté indéfiniment pour l'orgueil qu'on retirerait à
y rester fidèle.
M. Jolivet: C'est déjà plus clair.
M. Ryan: Non, c'est assez enveloppé, merci.
Je reviens à mon sujet immédiat. Dans l'exposé que
je présentais hier, je disais qu'en matière de recherche le
Québec avait pratiquement maintenu sa position dans l'ensemble canadien
depuis 1979-1980 et dans votre mémoire vous dites le contraire. Vous
dîtes que le Conseil de la science constate une stagnation et même
un déclin de la position relative des universités
québécoises sur le plan de l'intensité de la recherche au
cours des dernières années. Je pense que nous avons
procédé à partir d'indices différents. La mesure
que je vais vous demander d'expliquer, c'est comment vous êtes
arrivé à cette conclusion-là. Je voudrais dire que
d'après les statistiques dont nous disposons au ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science, en 1979-1980 les sommes qui
avaient été recueillies pour le financement direct de la
recherche universitaire au Québec s'élevaient en tout à
103 000 000 $ sur un total de 411 000 000 $ au Canada et 169 000 000 $ en
Ontario. L'Ontario était en avance sur nous par à peu près
65 %. Sur l'ensemble canadien, nous avions à peu près 25 % et je
constate qu'en 1984-1985 les rapports étaient à peu près
exactement les mêmes: 211 000 000 $ au Québec, 346 000 000 $ en
Ontario et 856 000 000 $ pour l'ensemble du Canada.
Je pense que ces données-ci sont assez fiables. C'est tiré
des statistiques financières des universités et collèges.
ACPAU, est-ce l'Association canadienne des professeurs... Professional
Administrators. En tout cas, ACPAU.
M. L'Abbé: C'est bien connu. M. Ryan: Pardon?
M. L'Abbé: C'est bien connu. C'est l'Association des
officiers administratifs des universités.
M. Ryan: Très bien. C'est cela. C'est l'Association of
Business Administrators des universités.
M. L'Abbé: Oui.
M. Ryan: Très bien. Ce sont des statistiques que nous
avons. Je ne sais pas si vous pourriez apporter un éclaircissement sur
ce point-là pour commencer, M. L'Abbé, pour que nous soyons
exactement sur la même ligne de perception.
M. L'Abbé: Oui. Il suffit de s'être frotté un
peu à des statistiques et aux différentes sources de statistiques
pour s'apercevoir de la difficulté d'interpréter les
incohérences ou les dissimilitudes apparentes et réelles souvent
qu'il y a dans ces statistiques. Nous avons en général pris les
statistiques de Statistique Canada, qui sont bâties à partir de
l'ACPAU, des rapports annuels que chaque université fait à
l'ACPAU et qui sont corrigés nationalement.
Une autre source d'information se trouve au niveau
québécois, au niveau de votre ministère, qui corrige
annuellement toutes les subventions accordées aux universités du
Québec. Il y a des inconsistences entre les deux systèmes, des
questions de définition. Par exemple, Statistique Canada, à un
moment donné, inclut une partie du salaire des professeurs pour essayer
d'évaluer l'ensemble de la contribution de chaque université
à la recherche. Le salaire des professeurs, évidemment, c'est une
contribution directe qu'on peut ne pas utiliser ou qu'on peut utiliser.
Évidemment, les chiffres varient beaucoup si on les inclut; ils
augmentent beaucoup.
Par ailleurs, j'ai ici une statistique qui vient également de
Statistique Canada, publiée en août 1984, qui fournit, depuis les
dix dernières années, l'augmentation en pourcentage du montant
total de la RD subventionnée au Canada, en dollars constants.
L'augmentation au niveau canadien a été de 66 % dans les dix
dernières années. Au niveau du Québec, elle a
été de 45 %. Donc, il y a une différence assez
appréciable. En Ontario, elle est encore plus élevée; elle
a été de 70 %.
Nos remarques, évidemment, s'inspirent de ces séries
chronologiques définissant en dollars constants les augmentations de la
recherche subventionnée, à partir des données de
Statistique Canada, au Canada, au Québec
et en Ontario. Au tableau de la page 3, où vous avez ces indices
globaux d'intensité de la recherche universitaire au Québec - la
comparaison se fait par rapport aux huit dernières années - pour
l'ensemble des universités québécoises, pour les
subventions de toutes provenances, l'indice est passé de 1,23 à
1,07, de sorte que cet indice montre qu'en un certain sens, ce n'était
pas quantitativement comparable à ce que vous dites. Cela signifie que
par professeur, en quelque sorte, nous avons une certaine faiblesse,
c'est-à-dire que si nous calculons la valeur moyenne de la subvention
d'un professeur du Québec, elle est plus faible qu'elle était en
1974-1975.
M. Ryan: Je pense qu'on va peut-être se rejoindre
là. Si on tient compte du fait qu'au cours de ces dix années, le
nombre de professeurs a probablement augmenté plus vite au Québec
que dans les autres provinces, il y a peut-être un élément
d'explication qui nous aide à voir clair. Je ne le sais pas. En tout
cas, on note cela. Je pense que les chiffres que nous avons sont bons. Ceux que
vous avez sont bons également. Je ne veux pas prolonger le débat.
Je ne veux pas que cela devienne une discussion technique. On va enregistrer la
difficulté et on va essayer de la clarifier.
M. L'Abbé: Nos chiffres, en partie, mesurent des
réalités un peu différentes.
M. Ryan: Je ne voudrais pas que les gens aient l'impression que
le gouvernement affirme des choses. S'il ne s'agissait que de moi, vous savez,
cela ne ferait absolument rien. Un autre point qui est intéressant. Vous
n'en parlez pas dans votre mémoire, mais je crois devoir le soulever
parce qu'il m'apparaît relié directement au mandat de la
commission. Dans une publication dont nous avons eu l'occasion de discuter
ensemble récemment, Science conjoncture et technologie 1985,
c'est-à-dire le rapport que vous devez remettre au gouvernement, je
pense que c'est tous les deux ans, c'est tous les ans, mais je pense qu'on a
discuté si ce ne serait pas préférable de le faire tous
les deux ans, sur l'état de la conjoncture scientifique au
Québec. Dans ce rapport que vous avez publié, je pense que c'est
vers le mois d'avril dernier, vous émettiez des opinions sur les
conditions qui affectent le développement de la recherche au
Québec. C'est dans le volume 1, chapitre 2, à la page 35. Vous
l'avez sans doute avec vous. Voulez-vous, on va aller à la page 38, si
vous permettez? La partie qui est intitulée "Rationalisation du
réseau". Là, il y avait des choses qui intéressent
directement le mandat que nous essayons de réaliser ensemble. Je vais
citer. C'est un peu long. Cela va prendre deux minutes, mais je pense que tout
le monde va comprendre la pertinence: "Mais, au-delà de la
multiplication des programmes et de l'accroissement des budgets d'aide à
la recherche, certaines carences ou faiblesses de la recherche que l'on a
décelées dans le réseau des établissements
d'enseignement supérieur ne sont pas directement visées par les
actions en cours." Ce sont des actions des programmes du gouvernement qui
visaient, par exemple, à établir de meilleures relations avec
l'entreprise, faire profiter davantage les entreprises des ressources
scientifiques que nous avons dans nos universités, etc. "De fait, comme
nous l'avons constaté précédemment, la faiblesse de
l'intensité de la recherche, spécifique aux universités
francophones, s'explique aussi par des facteurs d'ordre structurel, soit un
ensemble de raisons autres que la disponibilité des fonds de recherche.
Les causes d'ordre structurel se manifestent par la dispersion du réseau
universitaire francophone québécois, composé d'un grand
nombre de petites unités ou de constituantes universitaires rivalisant
au sein d'un éventail restreint de champs disciplinaires. Il est donc
plus compliqué de réunir une masse critique de chercheurs dans
des champs disciplinaires donnés. On déplore dans le même
esprit l'absence d'interdisciplinarité essentielle à beaucoup
d'activités de recherche et la qualification insuffisante du corps
professoral dans plusieurs champs disciplinaires. "L'un des
éléments majeurs pouvant favoriser le développement de la
recherche universitaire au Québec dépend de la volonté des
universités et du gouvernement de rationaliser le réseau
universitaire et son développement futur. Le problème est
extrêmement délicat car une telle rationalisation suppose la
définition de champs de spécialisation propres à chacune
des universités, ce qui entraînerait probablement la
révision, voire l'élimination de certaines disciplines ou de
cycles menant à des diplômes existant actuellement dans certaines
universités. Cela suppose que des universités acceptent de
baliser leur développement futur et qu'enfin elles admettent de ne pas
être investies de la même mission de formation ni de la même
mission de développement et de recherche."
J'aimerais que vous nous expliquiez quelle est la vision qui sous-tend
ces affirmations que je trouvais dans votre rapport de conjoncture du printemps
dernier. Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous parlez de la
nécessité d'une volonté des universités et du
gouvernement de rationaliser le réseau des universités et son
développement futur?
M. L'Abbé: Bien, M. le Président, M. le ministre,
cette constatation que nous avons
faite résulte d'un certain nombre d'avis soit du Conseil des
universités au gouvernement ou soit d'un certain nombre d'actions du
gouvernement qui ont tenté, tout au moins qui ont affirmé tenter
cette espèce de rationalisation du réseau. Remarquez que nous
avons ajouté tout de suite après un autre paragraphe que vous
n'avez pas lu qui est assez important. En l'occurrence, vous me permettrez de
le lire. On continuait ainsi: II est peu probable qu'un tel processus de
rationalisation puisse se faire sans heurt et selon un scénario de
concertation entre les intéressés. La concertation
n'apparaît pas possible lorsque, par ailleurs, le système
d'éducation supérieure favorise, par la voie de son financement,
la concurrence des établissements sur le plan des programmes et des
clientèles.
Dans un environnement où l'information sur la qualité des
services n'existe pratiquement pas, on ne peut imaginer de mécanismes de
concurrence institutionnelle qui puissent assurer le développement
adéquat de l'excellence.
Je crois que c'est un peu une constatation qui avait l'air pessimiste de
dire: En l'absence d'évaluation objective des programmes universitaires
une fois qu'ils sont mis sur pied... Il y a toujours une évaluation du
projet de créer un programme mais les programmes anciens n'ont jamais
été beaucoup réévalués. En l'absence de
mécanismes d'évaluation, il est très difficile de laisser
la force, en quelque sorte, du marché, la concurrence décider de
cette rationalisation. Par ailleurs, l'autocoordination du réseau
pourrait se faire si ces mécanismes d'évaluation étaient
disponibles.
En ce qui concerne la possibilité que le gouvernement
lui-même, par un organisme comme le Conseil des universités,
puisse aller au-delà de simples recommandations et proposer un plan de
rationalisation, nous sommes aussi sceptiques dans les circonstances actuelles.
Mais le problème est extrêmement important et, comme vous le
dites, il touche fondamentalement au mandat de votre commission. On parle
d'excellence et on a parlé beaucoup d'accessibilité. Ce ne sont
pas toujours deux objectifs qui peuvent être menés de front. Il y
aura forcément, du point de vue politique, un compromis à faire
entre le degré d'accessibilité où le réseau devra
aller et le degré d'excellence qui est souvent un degré de
concentration des ressources.
M. le Président, je me permettrai de noter que le Québec,
à ce point de vue, je pense, et historiquement a pris des
décisions qui ont largement favorisé l'accessibilité. Vous
avez justement noté, hier, le rattrapage important qui s'est fait en ce
qui concerne la scolarisation au Québec depuis que ces mesures ont
été prises. La première de ces mesures, c'est la
création de cégeps qui a permis, au fond, la gratuité
scolaire au moins pour la première année universitaire
puisqu'elle se fait dans les cégeps.
La deuxième décision extrêmement importante a
été la création de l'Université du Québec et
sa mission précisément d'accessibilité régionale
qui a été développée, comme on l'a entendu tout
à l'heure, avec beaucoup de consistance et de pertinence et qui a
donné des résultats remarquables. Sans doute une autre
décision importante historiquement au Québec qui a
favorisé l'accessibilité, cela a été justement le
gel des frais de scolarité qui a, avec l'inflation, réduit ces
frais à peut-être un tiers de ce qu'ils étaient
anciennement.
Ces décisions qui ont été prises dans le
passé ont évidemment été dans le sens de
l'accessibilité et de la déconcentration, de la
régionalisation. Comme les ressources étaient limitées et
qu'il y avait une enveloppe dont il fallait tirer parti, il est possible que
dans les circonstances l'allocation des ressources n'ait pas favorisé
des concentrations et des rationalisations qui auraient mené, disons,
à des universités plus vigoureuses en ce qui concerne la
recherche et qui auraient rattrapé, pour certaines des grandes
institutions francophones, l'institution la plus remarquable que nous ayons au
Québec au niveau de la recherche, qui est McGill, et dont nous sommes
loin. Il suffit de regarder les statistiques.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
L'Abbé, nous vous remercions de ces explications. Étant
donné que les membres de la commission n'ont pas tous eu l'occasion de
vous poser des questions, nous allons suspendre nos travaux et nous allons les
reprendre à 20 heures précises en cette salle.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
(Reprise à 20 h 10)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, veuillez prendre place.
Nous continuons à entendre le Conseil de la science et de la
technologie. La commission de l'éducation reprend officiellement ses
travaux. La première intervention sera faite par l'adjointe
parlementaire au ministre de l'Éducation, la députée de
Jacques-Cartier. Mme la députée.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. M. L'Abbé,
vous avez dit dans votre mémoire qu'il ne faut pas compter sur le
rapprochement entre les universités et les industries pour
améliorer le financement de la recherche universitaire de façon
significative. Néanmoins, il semble qu'un
certain pourcentage des coûts indirects est inclus dans les
contrats entre les universités et les industries. Il me semble que ce
montant pourrait représenter une somme d'argent importante pour les
universités. Je vous demande de clarifier ce conflit apparent.
Le Président (M. Parent, Sauvé):
Monsieur.
M. L'Abbé: De fait, c'est une source de financement
additionnelle pour l'université, si elle est capable de
récupérer ses coûts indirects à même des
contrats. Normalement, l'entreprise est habituée à cela parce
que, quand elle réalise un contrat pour le gouvernement, elle facture
entièrement tous les coûts, les coûts directs et les
coûts indirects. Elle s'attend, donc, que l'université fasse la
même chose. Sauf que, dans ce pourcentage d'à peu près 4 %
qui vient de l'entreprise et des sociétés d'Etat - des
sociétés de la couronne à Ottawa ou des
sociétés d'État au Québec - la part venant
strictement des organismes industriels, donc à vocation commerciale, est
plus petite que cela. Pour l'ensemble du Canada, cela peut être à
peu près 30 000 000 $. Alors, théoriquement, les coûts
indirects qui se chiffrent peut-être à 100 % des coûts des
salaires - si on enlève tes salaires des professeurs - pourraient donner
le même montant aux universités canadiennes.
En pratique, beaucoup d'universités, parce qu'elles cherchent ces
contrats et parce qu'elles y trouvent un avantage intellectuel
intéressant ou un avantage pour la formation des étudiants, sont
prêtes à diminuer cette récupération des frais
indirects. Elles vont donc demander beaucoup moins que 100 %.
Tout à fait récemment, j'ai appris, justement cette
semaine, que les universités de l'Ontario, collectivement,
s'étaient imposé la discipline que, lorsqu'elles signeraient un
contrat avec une entreprise industrielle, elles demanderaient 100 % des
salaires qui sont stipulés au contrat. Or, celui qui me parlait de cela
me disait que, avant que cette politique concertée soit
appliquée, cela va prendre plusieurs années parce qu'il y a des
occasions qu'on ne voudra pas rater.
Remarquez que ce n'est pas seulement en ce qui concerne la recherche
industrielle. Le ministère des Approvisionnements et Services à
Ottawa, qui, comme vous le savez, est l'organisme qui signe les contrats pour
la polique de faire-faire, la politique d'impartition du gouvernement
fédéral, a accepté récemment de hausser sa
contribution aux coûts indirects à 65 % des salaires de sorte que
lorsqu'un ministère fédéral signe un contrat avec
l'université, il accepte de payer 65 %. Donc, selon votre raisonnement,
les universités, tranquillement, auront des revenus relativement souples
provenant de cela.
Les politiques universitaires, à ce sujet, varient beaucoup.
Mais, actuellement, les universités tendent à retourner une bonne
partie de ces fonds au chercheur qui les a produits pour l'encourager ou pour
le stimuler à continuer; d'autres, évidemment, sont
utilisées par l'administration centrale pour, de fait, diminuer la
charge des véritables frais indirects que l'université a. Mais,
il reste que c'est très limité, puisque cela équivaut
è 4 % ou 5 % de l'ensemble des subventions universitaires. Alors, la
majorité des frais indirects, c'est pour les autres 95 % qui ne sont
payés d'aucune façon.
Mme Dougherty: Alors, l'autre question qui touche les frais
indirects. Les actions structurantes du ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science commencées par le gouvernement
précédent représentent un apport considérable aux
universités afin de créer des équipes de 40,
éventuellement, de créer cette masse critique dont nous avons
parlé cet après-midi. Étant donné l'importance du
coût indirect de la recherche, est-ce que vous avez examiné ou
considéré la possibilité qu'effectivement les montants
considérables versés aux universités sous forme d'actions
structurantes pénalisent les universités parce qu'ils augmentent
le fardeau sur l'infrastructure? Autrement dit, est-ce que les montants
consacrés aux universités par les subventions pour les actions
structurantes sont suffisants pour compenser le fardeau additionnel
imposé aux universités?
M. L'Abbé: Non. Vous avez parfaitement raison. Il s'agit
d'un exemple intéressant d'un cadeau donné aux
universités, mais qui leur coûte assez cher. Je me souviens de ta
réflexion d'un vice-recteur d'une université ayant un gros
déficit, qui avait été un des plus choyés au niveau
des actions structurantes et qui devait recevoir au moins 3 000 000 $ ou 4 000
000 $ au cours des prochaines années. Sa réaction a
été de dire: II faudra maintenant que je convainque le conseil
d'administration de payer 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ pour utiliser à
bonnes fins ces subventions. Remarquez que cela n'est pas tout è fait
déraisonnable, parce que ces subventions d'actions structurantes servent
à la recherche pure, à la recherche fondamentale et donc à
la formation des chercheurs. C'est un programme axé sur la formation des
chercheurs et des jeunes chercheurs qui sont incorporés dans ces
équipes. C'est une vocation de l'université de faire cela.
Qu'elle paie pour utiliser ces fonds n'est pas déraisonnable, par
ailleurs. Ce n'est pas comme lorsqu'elle a un contrat
à court terme pour une industrie ou pour le gouvernement et
qu'elle ne peut pas en tirer elle-même de profit au niveau de la
formation des chercheurs ou au niveau de l'enseignement supérieur.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur.
Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
vous saluer et vous souhaiter la bienvenue en mon nom personnel et au nom de
l'Opposition. Cela nous fait plaisir de vous avoir avec nous, et que vous ayez
choisi de venir prendre position et de présenter un mémoire
devant cette commission. Le ministre, tout à l'heure, nous a fait part
de ses intentions quant à l'avenir de votre conseil. Étant
donné la décision qui a été prise de scinder
science et technologie le printemps dernier, il est certain que le rôle
d'un organisme consultatif en matière de recherche devra être
repensé. Du moment où le ministre et le Conseil des ministres
-parce que c'est à ce niveau que la décision aété prise - maintient sa décision de séparer
science et technologie, on est obligé de penser qu'il devra aussi revoir
un peu le mandat du Conseil de la science et de la technologie. Par ailleurs,
je rappelle ici la position que j'avais prise en commission parlementaire
à l'occasion de l'étude des crédits. C'est une
décision que je m'explique mal, qu'on ait pu, comme cela, de
façon un peu arbitraire, très certainement arbitraire, diviser la
science de la technologie et surtout confier la technologie au Commerce
extérieur. Bon, on peut penser qu'il y a des arguments ou des raisons
qui échappent à ma connaissance. Ce n'est pas l'objet de la
rencontre de ce soir.
J'aimerais aborder brièvement quelques questions. En page 4 en
particulier, vous parlez du vieillissement du corps professoral. Vous faites
allusion au décret gouvernemental qui permet désormais aux
professeurs de poursuivre leur carrière au-delà de l'âge de
la retraite. J'ai vu un document là-dessus qui faisait état de la
situation, mais je ne me rappelle pas bien ce que cela représentait par
rapport aux professeurs qui décidaient de poursuivre après
l'âge de la retraite. Est-ce que vous avez des données
là-dessus?
M. L'Abbé: Vous me demandez si j'ai des
données?
Mme Blackburn: Des données sur les professeurs, parce que
vous semblez inclure dans les causes du vieillissement du corps professoral ce
décret qui permet de poursuivre au-delà de l'âge de la
retraite.
M. L'Abbé: Nous n'avons pas de données statistiques
sur le nombre de professeurs qui, ayant atteint 65 ans, décident de
continuer leur carrière à l'université, ce qu'ils ont le
droit de faire avec le nouveau décret. Apparemment, la situation varie
d'une université à l'autre. Certaines universités essaient
de décourager les professeurs ayant atteint cet âge de continuer
et leur facilitent une retraite prématurée, si on peut dire,
à ce point de vue-là. Mais il semble que les syndicats vont
certainement protéger les professeurs contre des mesures qui seraient un
peu discriminatoires après l'âge de 65 ans. On peut s'attendre
que, de plus en plus, il y ait des professeurs qui continuent à assumer
leurs tâches après cet âge et, dans un certain sens,
étant donné la situation qui prévaut, cela
empêcherait l'entrée de jeunes professeurs dans le réseau
universitaire, bien sûr, pour un certain nombre d'années parce
qu'éventuellement j'imagine qu'il vient un âge où on
préfère...
Mme Blackburn: De toute façon, on prend sa retraite de
gré ou de force.
Tout à l'heure, à une question du ministre qui portait sur
le recul des universités francophones en matière de recherche,
où on faisait référence au tableau de la page 3, vous avez
invoqué un certain nombre de raisons. C'étaient la dispersion des
universités, l'impossibilité de faire une certaine planification,
une certaine rationalisation des cycles et des diplômes existants,
l'absence de mécanismes d'évaluation objectifs. On ne pouvait pas
trop, trop, dans les circonstances, faire confiance à une
autocoordination du réseau, il y avait absence de plan de
rationalisation qu'on aurait dû situer soit au Conseil des
universités ou au ministère. J'aimerais que, par rapport à
ce que vous nous dites là, vous me précisiez votre pensée
sur le rôle de la recherche dans les universités en région
parce que vous connaissez un peu...
M. L'Abbé: En régions?
Mme Blackburn: En régions. Vous connaissez un peu la
position du Conseil des universités qui pense qu'on devrait avoir trois
types d'universités, les grandes universités dites de recherche,
celles à accès général, comme l'UQAM et Concordia,
et les autres, les autres étant celles de 1er cycle. Je voudrais avoir
votre opinion là-dessus, que vous précisiez votre
pensée.
M. L'Abbé: Je crois bien que tout le monde accepte qu'un
professeur dans une institution, un établissement universitaire, que ce
soit un établissement qui se consacre surtout au 1er cycle ou qui peut
atteindre le 2e et, finalement, le 3e cycle, puisse exercer le métier de
chercheur. Il n'est pas nécessaire, pour qu'un professeur fasse une
recherche et obtienne des subventions, d'avoir nécessairement des
étudiants de recherche bien que, dans plusieurs programmes, ce soit
là une exigence. Mais ce n'est pas en général la
règle.
Un professeur d'une université dite régionale qui se
consacre surtout aux études du 1er cycle peut fort bien disposer de
subventions de recherche qui l'amènent à faire des travaux aussi
valables qu'ailleurs et qu'il peut, d'ailleurs, faire souvent en collaboration
avec des collègues d'autres universités.
Maintenant, la question du mandat de l'université en
régions peut se poser aussi non seulement par rapport à la
formation des étudiants, mais par rapport aux services à rendre
à la communauté environnante. Le Conseil de la science et de la
technologie, comme vous le savez, a fait un ensemble de bilans des
régions du Québec du point de vue scientifique et technologique,
des régions périphériques par rapport à
Montréal, par conséquent, des régions surtout où
l'Université du Québec est implantée. Je pense à
l'Abitibi-Témiscamingue, à la région de l'Outaouais,
à la région de Chicoutimi, à la Gaspésie et
à l'Est, etc. Ces bilans ont toujours montré que
l'université à caractère régional s'impliquait dans
les problèmes locaux beaucoup plus souvent qu'une université dite
urbaine qui a un bassin ou un rayon d'action beaucoup plus national ou
même souvent international. De sorte qu'au niveau d'une certaine forme de
recherche appliquée, cela peut être certainement une vocation, de
l'avis de notre conseil, d'une université de type régional. Quand
il s'agit de faire de la recherche très fondamentale où les
instruments de laboratoire sont essentiels, une telle université peut
être extrêmement défavorisée, forcément, parce
qu'elle n'a pas l'infrastructure nécessaire pour accomplir ces travaux
de laboratoire qu'une grande université possède.
Mme Blackburn: Vous avez fait le tour des régions.
J'imagine que vous avez été à même d'examiner
certains centres de recherche, certains programmes ou certaines
activités de recherche. Je pense à la génétique des
populations à l'Université du Québec à Chicoutimi,
ressources minérales, techniques forestières - je ne me rappelle
plus - à l'Université de Trois-Rivières. Est-ce que vous
estimez qu'ils sont pénalisés du fait de l'éloignement ou
si on devrait maintenir un certain nombre de programmes de recherche dans ces
universités du moment... Je comprends ceci de votre intervention: c'est
une recherche appliquée qui a son domaine d'application
évidemment dans le milieu, cela va. Si on parle de recherche plus
fondamentale, vous pensez que c'est difficile, sinon impossible. Est-ce que je
vous comprends bien?
M. L'Abbé: Oui, mais c'est à cause des
circonstances. Si vous voulez faire de la recherche en physique, c'est
très difficile d'en faire sans les équipements
sophistiqués qu'on retrouve seulement dans des universités, qui
les reçoivent des conseils subventionnai res à la condition
qu'ils aient la masse critique nécessaire. Cependant, dans des domaines
plus appliqués, le professeur peut développer une certaine
expertise qui serait très utile à son milieu. Dans ce sens,
l'université de type régional qui se consacre surtout au niveau
de la formation aux étudiants du 1er cycle peut déborder cette
vocation par un travail qui est utile à la communauté locale et
qui pourrait dans certains cas, évidemment, aboutir à une
expérience qui est aussi valable pour d'autres. Je pense à
Trois-Rivières qui a développé des travaux dans un centre
de recherche sur les pâtes et papiers. C'est une université qui
est entourée de clients à ce point de vue parfaits, de sorte que
la ils peuvent développer probablement une compétence qui
déborderait nettement la région.
Mme Blackburn: Oui, mais à ce moment-là est-ce que
vous verriez davantage des universités qui seraient
spécialisées exclusivement au 1er cycle dans les régions?
Iriez-vous jusque-là? (20 h 30)
M. L'Abbé: Bien, écoutez, on a beaucoup
parlé de l'Université du Québec qui s'était
développée comme un réseau à l'exemple de, je ne
sais pas, on a cité 70 réseaux américains. II y a de
très bons réseaux américains qui sont très connus
et qui ont été stratifiés. Par exemple, le réseau
classique de l'Université de Californie est un réseau dit
stratifié. Il y a des universités complètes qui ont le
droit de donner des doctorats. Il y a des universités, qu'on appelle des
"colleges", qui ne donnent que le 1er cycle et qui n'ont pas le droit, n'ont
pas le mandat d'aller plus loin. Il y a même des "junior colleges" dans
ce réseau, qui ne font que les deux premières années du
"college"; mais leurs étudiants, qui sont souvent dans les
régions, peuvent accéder en troisième année au
"college", lesquels après peuvent accéder aux universités
comme Berkeley et ailleurs. C'est une forme de réseau dit
stratifié qui s'adapte assez facilement à un développement
régional très poussé.
L'Université du Québec, je crois, selon les
critères établis par la commission Parent, n'a pas voulu opter
pour ce modèle-là et chaque constituante de caractère
général est autorisée et même encouragée non
seulement à développer le 1er cycle, mais à aller autant
que possible au niveau de certaines spécialités en maîtrise
et même possiblement au niveau du doctorat par le biais d'un programme
réseau. C'est une autre formule
et il est difficile de savoir, pour un milieu donné comme le
Québec, pour une situation donnée, quelle est la formule qui est
la plus valable. Il y a des formules qui sont plus coûteuses que
d'autres, bien sûr, et on arrive forcément à devoir juger
s'il vaut mieux allouer les sommes que le gouvernement a à mettre pour
financer l'enseignement supérieur dans telle forme régionale
plutôt que de créer une université de très haut
niveau, national ou international, qui permettrait d'avoir des retombées
peut-être économiques qui couvriraient l'ensemble du
Québec.
Vous savez, la question du développement régional est une
question extrêmement complexe. Nous l'étudions à la demande
du ministre. Nous avons fait ces bilans à la demande du ministre
précédent. M. Bérubé nous avait demandé
d'élaborer une politique en matière de sciences, technologie et
développement régional, et d'essayer de formuler des guides, des
éléments, en tout cas, qui pourraient guider le gouvernement dans
l'allocation des ressources. Et, dans ce compromis, ce "trade-off" qu'il faut
toujours faire entre le meilleur et ce qu'on peut faire en fait... Nous n'avons
pas terminé cette étude, nous espérons pouvoir aboutir
à une consultation sur un document préliminaire à la fin
de cet automne. J'avais assuré que tous les présidents des
comités des bilans régionaux seraient consultés sur cette
politique avant que nous l'adoptions. C'est certainement ce que nous ferons cet
automne.
Mme Blackburn: Bien. Dans votre mémoire, vous nous
rappelez que le Québec accuse des retards. Qu'est-ce qui vous
paraîtrait être nos principaux atouts en matière de
recherche universitaire sur lesquels on pourrait miser pour favoriser un nouvel
essor de la recherche universitaire au Québec?
M. L'Abbé: Écoutez, je ne voudrais pas tout de
même donner l'impression qu'au niveau de la recherche universitaire le
Québec est mal en point. Il y a des symptômes de stagnation comme
on l'a dit ce matin, dans certains cas, de déclin. Les chiffres que nous
avons inclus en apparence ne concordent pas avec ceux que le ministre a
cités hier. Nous nous proposons d'éclaircir avec les
fonctionnaires du ministère cette question de façon à
éviter toute ambiguïté. Ce que nous avons voulu indiquer
dans notre mémoire à la page 3 est un peu différent, comme
on le disait cet après-midi. Il s'agit là de la performance
moyenne des professeurs d'université du Québec. Or, bien
sûr, plus nous augmentons le nombre de professeurs au Québec,
peut-être à cause du fait que la population étudiante a
augmenté beaucoup, plus la subvention moyenne peut diminuer et, par
conséquent, se refléter dans ces indicateurs comme une certaine
faiblesse.
Il est bien clair - et nous l'avons indiqué dans le rapport de
conjoncture - que quant à la qualification des professeurs les
universités du Québec ne sont pas au niveau, disons, des
universités anglophones et des universités ontariennes, pour une
raison très simple: c'est que nos universités sont plus jeunes
que ces universités ontariennes et avant que l'ensemble des professeurs
soient suffisamment qualifiés pour faire de la recherche et pour obtenir
des subventions du fédéral, disons, il faudra peut-être
attendre une autre génération. C'est assez normal.
Mme Blackburn: Ma question était un peu plus large. Je
faisais, un peu comme vous, le constat qu'on avait probablement à se
développer davantage en matière de recherche. La question que je
vous posais était la suivante. Est-ce que vous estimez qu'on a un
certain nombre d'atouts et, si on devait aller dans certaines directions, dans
quelle direction irions-nous?
M. L'Abbé: Je ne sais pas exactement ce que vous voulez
dire.
Mme Blackburn: Le développement de la recherche.
M. L'Abbé: Dans quelle direction disciplinaire, dans
quelle...
Mme Blackburn: Je veux dire quel secteur est-ce qu'on pourrait
privilégier?
M. L'Abbé: II n'y a pas encore eu d'étude
très sérieuse sur les priorités que devrait se donner le
développement scientifique au Québec. Remarquez que ce n'est pas
seulement au Québec que de telles études n'ont pas
été faites. On connaît très peu de pays, de
provinces ou de sociétés qui ont pu déterminer d'avance
quels étaient les secteurs où il faudrait qu'ils investissent
davantage. Il y a un risque énorme de se tromper.
Par exemple, on a beaucoup parlé de l'optique ces derniers temps.
L'Université Laval s'est obstinée, dans le passé, à
faire de l'optique alors que personne n'en faisait plus dans les
universités. C'était un sujet désuet. Or,
récemment, depuis une dizaine d'années, l'optique est devenue un
des sujets les plus importants pour le développement technologique
prochain. En quelque sorte, Laval recueille les récompenses d'une
certaine obstination. Si on avait essayé de prévoir que
l'optique, dans le temps, n'était plus une priorité, Laval n'en
aurait pas fait et nous aurions manqué une chance que nous atteignons
maintenant.
La programmation, la planification de priorités en matière
de recherche est un sujet qui n'a jamais pu être résolu
correctement. Vous savez, la meilleure façon de
faire de la recherche, c'est d'obtenir de bons chercheurs et, une fois
que vous les avez, de leur donner les moyens de faire ce qu'ils croient
important dans leur domaine de recherche. Les meilleurs chercheurs savent
toujours ce qui, dans leur domaine, est le point central, le courant principal
de leur discipline qui rapportera des fruits tôt ou tard.
Mme Blackburn: Une dernière question. Le rapport Gobeil
propose une réorganisation majeure des organismes oeuvrant dans le
secteur de la recherche. Il propose, en fait, deux organismes, un sur la
recherche fondamentale et appliquée et un second sur la recherche et le
développement. Pourriez-vous nous faire part de vos réactions et
de vos réflexions là-dessus, par rapport à la proposition
qui est avancée?
M. L'Abbé: Tout d'abord, il doit y avoir une petite
remarque, peut-être superficielle, sur une petite ambiguïté
sémantique, parce que la recherche fondamentale et la recherche
appliquée, c'est ce que l'on appelle la R dans la R-D. De sorte que
parler de R-D, c'est aussi parler de recherche fondamentale et de recherche
appliquée. Par-delà cette petite ambiguïté
sémantique, je présume que ce qu'on voulait dire, c'est qu'on
voulait avoir un fonds qui finance la recherche fondamentale dans les
universités et un fonds qui finance la recherche de type plutôt
industriel et technologique, que ce soit dans les institutions de recherche ou
dans l'industrie proprement dite.
La proposition de créer un fonds unique pour financer la
recherche universitaire peut apparaître a priori intéressante au
point de vue d'une rationalisation: avoir un seul ministre qui serait
responsable de la recherche financée tant en santé qu'en sciences
sociales et en sciences physiques, etc. C'est un essai que l'on a voulu faire
à Ottawa depuis trente ans sans jamais y réussir. Chaque
ministre... Le ministre de la Santé voulait vraiment pouvoir disposer de
l'organisme qui finançait les recherches en santé dans les
universités. C'est la même chose pour la recherche en sciences
sociales et la recherche en sciences physiques et en ingénierie.
Il peut y avoir, dans ce modèle, une économie de moyens,
mais c'est peu probable. Cette idée de fusionner les fonds en un seul
fonds ne semble pas être impérative pour le moment, si elle ne
rapporte pas d'économies et si elle ne permet pas une plus grande
efficacité dans la direction de la recherche ou dans l'allocation des
ressources.
L'autre fonds, c'est une autre question. Le fonds qui aiderait la
recherche plus technologique est certainement très intéressant,
mais il devait s'ajouter et non pas ss substituer, à notre avis, aux
centres qui ont été créés récemment. Parce
que le raisonnement, apparemment, du comité est de dire que, si nous
créons un centre, nous sommes gelés dans une situation
donnée -disons, pour la biomasse - pour des années; on ne pourra
jamais rien y substituer.
Or, je trouve étonnant qu'on ne se soit pas aperçu que les
deux centres qui ont été créés par le gouvernement
du Québec ont une clause précisément crépusculaire,
comme on dit, c'est-à-dire une clause qui fait que le centre est
automatiquement aboli au bout de cinq ans si on ne l'a pas renouvelé.
C'est une innovation importante parce que c'est la première fois qu'on
créait des centres temporaires avec un défi de résister,
en quelque sorte, à l'évaluation qui sera faite au bout de trois
ans pour obtenir un nouveau mandat.
Alors, en un certain sens, ces centres ont justement la
caractéristique que le comité cherche à donner aux fonds
qui sont alloués à des domaines technologiques, de ne pas, en
quelque sorte, assigner à un organisme un mandat indéfini dans un
domaine donné. Au bout de cinq ans, il est possible que le mandat du
centre sur la biomasse soit réglé, de sorte que l'on passera
à un autre centre.
Alors, ce sont mes réactions. Ce n'est pas mon conseil, disons,
qui a étudié ces recommandations; je les donne plutôt
à titre personnel, bien que ces réflexions soient une
prolongation des réflexions mêmes du conseil dans d'autres avis
qui vous ont été donnés. Je pense que le sujet qui a
été abordé dans cette réorganisation est tellement
complexe et lourd de conséquences que, si le gouvernement voulait donner
une certaine attention à ce modèle, la première chose
qu'il devrait faire, c'est demander qu'une étude soit faite sur leur
impact avant de les appliquer, ce qui n'a pas été fait,
manifestement, dans le temps imparti au comité.
Mme Blackburn: Bien, M. le Président, cela va. Je voudrais
vous remercier, peut-être un peu nous excuser de vous avoir
rappelés après le souper; cela retarde d'autant ta
rentrée. On vous remercie infiniment, cela nous a permis d'avoir cet
éclairage vu du bout de la lorgnette des conseils consultatifs. C'est
généralement un éclairage que j'apprécie beaucoup;
il m'apparaît, dans la plupart des cas, pour ne pas dire toujours,
beaucoup plus objectif et avec le recul que n'ont pas nécessairement les
organismes mêmes, les centres de recherche ou le ministère. Alors,
je vous remercie infiniment.
M. L'Abbé: Bienvenue.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Pour le mot
de la fin, une brève intervention du ministre.
M. Ryan: Je vous remercie beaucoup M. le président, M.
Rousseau également. Je pense que nous avons discuté des points
essentiels que nous voulions aborder. Il y en a un sur lequel nous aurons
à revenir, tout le problème des rapports entre la recherche
universitaire et l'industrie. C'est dommage qu'on n'ait pas eu le temps de
discuter beaucoup là-dessus. Il y avait des choses importantes dans
votre mémoire, comme je l'ai souligné au début.
Je voudrais ajouter seulement un petit complément, ici, en
prolongement de ce que vous avez dit sur les centres spécialisés
qui ont été mis sur pied ces dernières années, en
particulier des organismes comme le Centre québécois de
valorisation de la biomasse ou le Centre pour l'informatisation de la
production. Ce sont des centres qui fonctionnent dans un contexte
d'étroite association - on pourrait dire la même chose du Centre
de recherche sur l'informatique à Montréal - entre les
institutions d'enseignement universitaire ou collégial, selon le cas, et
les entreprises. Je pense que ce sont des exemples très
intéressants.
Vous avez noté la clause crépusculaire qui existe dans les
cas du Centre pour l'informatisation de la production et du Centre
québécois de valorisation de la biomasse. Cette clause aide
à comprendre qu'il ne faut pas jouer avec ces organismes; ils sont en
voyage, actuellement, ils font leur exploration et ce n'est pas le temps de
commencer à changer leur vocation ou leur statut. Je pense que tout le
monde va reconnaître cela facilement. Quelqu'un qui n'est pas au courant
de cette clause crépusculaire peut avoir n'importe quelle idée;
c'est son droit. (20 h 45)
Mais, je pense qu'on a des choses intéressantes qui vont nous
instruire pour les phases à venir. Je pense aux centres
spécialisés que nous créons dans les cégeps avec le
Centre québécois pour l'informatisation de la production. Chacun
de ces centres donne lieu au développement de relations avec les
entreprises de la région. Mais, une chose bien importante à
souligner dans tous ces cas, c'est que, s'il n'y avait pas eu la chiquenaude
initiale de la part de l'organisme universitaire ou collégial, ou de la
part d'une structure créée de toutes pièces par le
gouvernement, on attendrait probablement encore. Je pense qu'il y a un
rôle de leadership, un rôle de rampe de lancement qui doit
être joué par le secteur public dans ces cas. Ensuite, on souhaite
qu'à mesure que l'activité des organismes se développe,
ils puissent devenir de plus en plus capables de fonctionner par
eux-mêmes. Éventuellement même, certains d'entre eux
pourront s'en aller dans le secteur privé, on n'a pas d'objection. S'ils
étaient capables de le faire, dans bien des cas, ce pourrait être
intéressant. Mais il y a une dynamique à développer. Nous
commençons à peine dans ce domaine au Québec. Il faut y
aller avec prudence.
Encore une fois, je signale qu'on ne pourrait pas concevoir des
développements importants à moins que le système
d'enseignement dans ses composantes collégiale et universitaire ne soit
impliqué de manière assez importante. J'ajoute à cela,
évidemment, le ministère de l'Enseignement supérieur et de
la Science. Les points que vous avez soulevés vont aider à
préciser nos orientations de ce côté. On y va avec
prudence, parce qu'on ne veut pas détruire les bonnes choses qui ont
été faites jusqu'à maintenant. On veut plutôt les
amener à maturation pour être ensuite en mesure de mieux voir ce
que l'avenir pourra indiquer. C'est un point que je voulais souligner, comme on
n'en a pas parlé.
Mais, d'autre part, nous devons faire le maximum pour intéresser
l'entreprise. La petite et la moyenne entreprise - vous en parlez dans votre
mémoire - ne peut pas participer beaucoup, à moins qu'il n'y ait
des bases, comme ces centres spécialisés dans les cégeps
qu'on est en train de créer. La petite et la moyenne entreprise peut
s'impliquer dans ces choses-là, passer une commande ou essayer de se
faire rendre un service. Je pense à un centre comme l'Institut
d'ordinique à Sainte-Thérèse ou à celui qu'on est
allé inaugurer pour l'électromécanique à
Saint-Jean, il y a quelque temps. Il y a des choses intéressantes. On
peut mobiliser un peu plus la petite et la moyenne entreprise avec des
initiatives comme celles-là. Mais, au départ, la petite et la
moyenne entreprise n'est pas équipée pour se doter des
instruments de recherche dont elle aurait besoin, par contre, pour être
capable de se maintenir dans une situation concurrentielle et de progresser.
Toutes ces perspectives sont absolument capitales dans l'effort qu'on doit
faire pour mettre au point des politiques. C'est très délicat,
très difficile de trouver une voie. On y va de manière
expérimentale. J'espère que, comme gouvernement, nous allons
garder une porte ouverte de ce côté-là.
Il y a d'autres éléments du côté du
gouvernement. On a parlé surtout de la recherche universitaire
aujourd'hui; c'était le but de l'exercice. Mais il y a beaucoup
d'activités de recherche qui sont du côté du
développement. Je pense au Centre de recherche industrielle du
Québec, par exemple, qui est un organisme très important, qui
relève, pour l'information de nos amis de l'Opposition, du
ministère de l'Industrie et du Commerce. Ha! Ha! Ha!
Une voix: Concluez.
M. Ryan: Oui, j'ai fini. Il y a toutes sortes d'initiatives qui
fonctionnent déjà. Je pense que nous sommes déjà
à pied d'oeuvre, mais il faut aller beaucoup plus loin encore si on veut
attraper le train du défi technologique et scientifique de l'ère
du XXIe siècle. Les travaux que vous faites nous aident dans
ce sens. Je vous en remercie.
Je signale en terminant qu'on a écouté, hier, le Conseil
des universités et, aujourd'hui, le Conseil de la science et de la
technologie et qu'ils n'ont même pas besoin de dire en venant à
l'Assemblée nationale qu'ils témoignent librement, parce que cela
se sent par ce qu'ils disent. Je pense qu'il y a un respect de la part du
gouvernement pour la vocation des organismes que vous représentez. Cela
va continuer d'être comme cela. Sous un gouvernement libéral, cela
ne pourrait pas être autrement, parce que ce serait une contradiction
dans les termes. Mais soyez assurés que nous respectons la
liberté de chacun de vos organismes et que, malgré les
modifications qui devront intervenir, surtout dans le cas du Conseil de la
science et de la technologie, pour faire face aux choix que le gouvernement a
faits et fera au cours des prochaines semaines, la fonction fondamentale que
vous remplissez doit être préservée et amplifiée.
Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. M. L'Abbé, M. Rousseau, nous vous remercions beaucoup. Nous
vous souhaitons un bon retour.
J'inviterais maintenant les membres de l'Association des
diplômés universitaires aînés à prendre la
place de leurs prédécesseurs et nous allons immédiatement
commencer notre rencontre avec ces derniers.
La commission parlementaire de l'éducation poursuit ses travaux
et accueille l'Association des diplômés universitaires
aînés dont le porte-parole est M. Marcel Thérien, je crois?
Alors, M. Thérien, si vous voulez nous présenter les gens qui
vous accompagnent.
Association des diplômés universitaires
aînés
M. Thérien (Marcel): II me fait plaisir de vous
présenter les personnes qui nous accompagnent ici aujourd'hui. Le
président de l'Association des diplômés universitaires
aînés, le Dr Conrad Godin, un homme qui, dans sa profession et
aussi dans l'éducation, a joué un rôle important pendant
au-delà de 60 ans. M. Roland Leroux, qui est un pharmacien de
profession. Il a été président de la commission scolaire,
président de l'Ordre des pharmaciens et président d'une grande
entreprise, les Pharmacies universelles. C'est donc un homme d'une longue
expérience. M. Fernand Alie, qui vient aussi du monde de l'enseignement.
Il a été propriétaire et directeur d'une école
secondaire à Montréal qui jouit d'une bonne réputation.
À nous tous, M. le Président, mesdames et messieurs de la
commission, nous représentons plus de 300 ans d'expérience. Nous
formons une partie de ce groupe grandissant dans la population qui profite des
progrès de la science, progrès rendus possibles grâce
à nos chercheurs formés par les universités, grâce
à tous ces savants de toutes les disciplines.
Ainsi que vous avez pu le voir, et je vous donne quelques renseignements
additionnels sur notre association, nous avons dans notre groupe des gens qui
viennent de différentes disciplines et ils veulent en faire profiter la
société tout en se préparant pour la vie de
l'au-delà, vie qu'aucune université n'a jamais réussi,
malheureusement, à préciser, mais où nous espérons
un jour aller.
M. Godin (Conrad): Est-ce que je pourrais intervenir à ce
moment-ci? Je pense bien qu'il s'agirait de nous localiser. Nous sommes de la
région de la Mauricie. Je n'ai pas dit de la "mort ici", mais de la
Mauricie. C'est un secteur entre Montréal et Québec.
M. Thérien (Marcel): Nous avons, évidemment, des
gens de Montréal, nous en avons également de Québec dans
notre organisation. Nous sommes non pas d'une région, mais de toute la
province.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
président, comme chaque intervenant ici, sentez vous bien libre
d'intervenir quand bon vous semblera. Je pense que je n'ai pas à vous le
dire. Allez-y.
M. Thérien (Marcel): Vous me permettrez, M. le
Président, de souligner la présence dans cette salle d'un de nos
amis de Pologne, M. Marian Kowskowski qui est le directeur de la radio
éducative en Pologne. Il a été consul
général à Montréal. Il a été
invité ici par nous parce que les programmes de radio et de
télévision de nature éducative atteignent près de
90 % de la population en Pologne. Ils sont grandement appréciés
en partie, bien sûr, par les personnes âgées et par les
handicapés et ils sont constamment utilisés également dans
les universités. Il paraît que cela coûte un peu moins
cher.
Je n'ai pas l'intention de lire le mémoire que vous avez entre
les mains. J'imagine que toute la population méditera sur les
considérations qui sont faites par des personnes aussi
représentatives que nous. Mais nos recommandations sont dictées
par l'expérience et par notre désir de voir à ce que les
finances de la province soient saines. Nous pensons que les universitaires, que
les
universités, comme tout autre citoyen, doivent contribuer
à cette tâche. Nous encourageons donc le gouvernement à
chercher à réduire les dépenses plutôt qu'à
les augmenter et è faire payer aux étudiants leur juste part. Ne
faudrait-il pas songer que le nombre d'enfants décroît
tragiquement au Québec, plus de 50 % en moins de 20 ans, et que les
universités accueilleront sans doute moins d'enfants dans les
années quatre-vingt-dix. Nous voulons bien certainement que les
universités soient les meilleures possible et les plus performantes, les
plus productives, mais aussi nous pensons qu'il faut faire disparaître le
mythe qu'une éducation universitaire est nécessaire pour
réussir dans la vie. Si un effort spécial doit être fait
dans le domaine de l'éducation, ne serait-ce pas de lutter contre
l'analphabétisme qui, selon un rapport récent, atteint un nombre
effarant de Québécois.
Nous sommes favorables à la décentralisation des
élites et, par conséquent, nous voulons conserver les
institutions de haut savoir dans les régions. Mais nous aimerions que
les universités soient plus efficaces. Il ne faut pas craindre de
supprimer certains cours qui sont plus ou moins utiles ou qui n'attirent pas
suffisamment d'élèves. Nous n'avons aucune objection au
contingentement. Nous suggérons que les universités informent
adéquatement les étudiants sur les possibilités d'emploi.
Il n'y a rien de plus triste que de voir des chômeurs instruits ou
sous-employés.
Nous croyons qu'il est important de faire dès le bas âge
une bonne sélection des enfants doués et surdoués. Les
jeunes de nos écoles secondaires et de nos cégeps doivent avoir
une meilleure formation en sciences et particulièrement en
mathématiques, en physique, en chimie, en biologie, en informatique et
en économique. Il paraît même qu'ils auraient une mauvaise
formation en français. Il y a quelques jours, une jeune fille avec un
diplôme est venue s'engager comme secrétaire d'un avocat et elle a
fait quinze fautes dans une lettre de vingt lignes. Nous demandons que les
étudiants passent un examen d'entrée en français et en
anglais pour être admis à l'université. Certains penseront
que c'est exagéré au Québec français de demander la
connaissance de l'anglais dans toutes les disciplines. Peut-être. Alors,
ne devrons-nous pas l'exiger uniquement dans les disciplines où 50 % ou
plus des livres, des documents et des publications sont en anglais? Si nous ne
le faisons pas, cela représente beaucoup de temps perdu, beaucoup de
frustrations pour les étudiants et, bien sûr, beaucoup d'argent
perdu.
Nous avons dit qu'il faut restreindre les dépenses. Nous savons
par expérience qu'il se fait des dépenses inutiles, que certaines
universités se lancent dans des investisse- ments, dans des frais qui ne
sont pas nécessaires. Les professeurs donnent-ils toujours leur plein
rendement? Ne nous demandez pas de vous donner des exemples. Nous pourrions le
faire, mais nous ne le ferons pas parce que, si quelqu'un devait le faire, il
devrait le faire après avoir fait une enquête dans toute la
province. S'il faut augmenter les frais de scolarité, nous n'avons pas
d'objection. Les étudiants sont également des contribuables et
ils doivent réaliser qu'il n'y a rien de gratuit. On devrait même
facturer le coût réel et ainsi montrer que l'État contribue
déjà beaucoup. Il est évident que l'on doit trouver
d'autres sources de financement. Nous avons l'impression que les
universités ne devraient pas se contenter de réclamer plus
d'argent, mais travailler à chercher des moyens d'augmenter les
revenus.
Nous favorisons également l'augmentation des bourses. Nous
voulons faciliter les prêts, augmenter les possibilités de travaux
rémunérés des étudiants. Peut-être
devrions-nous donner davantage aux meilleurs et ne pas subventionner ceux qui,
dans le jugement des spécialistes, ne sont pas en mesure de
réussir et qui demeureront des frustrés? Nous voulons une plus
grande implication de l'entreprise dans les universités. Il y a un
mouvement en ce moment qui s'accentue dans ce sens et nous le trouvons
excellent.
En passant, les journaux nous apprenaient la nomination par le
gouvernement de quatre administrateurs chevronnés au conseil
d'administration de l'Université de Montréal. Nous disons bravo!
Nous espérons que, partout, on choisira des personnes de même
calibre pour participer activement à la gestion de nos institutions de
haut savoir et réussir à boucler les budgets.
Nous avons le sentiment que les étudiants, que les dirigeants des
universités, que les professeurs auraient peut-être besoin
d'être mieux motivés. Selon un sondage que nous avons fait, nous
avons découvert que le parc automobile universitaire est composé
à 60 % de véhicules importés d'Asie ou d'Europe.
Pense-t-on que pareille attitude parfaitement légale et parfaitement
justifiable est de nature à aider la balance commerciale du pays, notre
économie? Si c'est là la motivation qui fait défaut, nous
aimerions voir vos chefs de file visiter les universités plus
fréquemment pour faire comprendre les enjeux et les
responsabilités aux élites. (21 heures)
En terminant ce bref résumé de notre mémoire, nous
voulons féliciter le gouvernement d'avoir organisé cette
commission qui donne aux citoyens l'occasion de réfléchir sur les
problèmes des universités et de l'État. Ces consultations
devraient être permanentes. Je veux vous assurer que les
diplômés universitaires aînés sont prêts
à faire leur part. Il y aurait, sans doute, beaucoup d'autres choses
à vous dire et nous espérons trouver d'autres occasions pour le
faire. Messieurs, mesdames, nous sommes prêts pour vos questions.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Thérien, nous vous remercions beaucoup de cet exposé.
À ceux qui nous diront que le dynamisme est le lot de la jeunesse, on
peut dire, après vous avoir entendu, qu'il en reste beaucoup chez les
aînés. La commission va débuter le dialogue avec vous. Si
vous le jugez à propos, vous-même et les gens qui vous
accompagnent pourrez répondre et fournir les éclaircissements.
Autrement dit, tout va se faire d'une façon formelle, mais sur un ton
informel si vous voulez, de façon à aller chercher le plus
possible de renseignements.
A 21 h 30, j'arrêterai la période des questions et je
demanderai aux deux porte-parole officiels de dire le mot de la fin. Cela va
vous donner en réalité à peu près 40 minutes
d'échanges avec les membres de la commission. Si jamais vous en aviez
besoin de plus, à ce moment on prendra une décision et on verra.
Alors, pour débuter, je donne la parole au député
d'Argenteuit, ministre de l'Éducation, de l'Enseignement
supérieur et de la Science.
M. Ryan: Je ne sais pas si M. Thérien a été
exact, mais il a dit que les personnes qui l'accompagnent représentent
ensemble 300 ans d'expérience.
M. Thérien (Marcel): Plus de 300 ans
d'expérience.
M. Ryan: Je félicite M. Alie d'avoir progressé
aussi vite dans l'échelle des âges. Je l'avais connu beaucoup plus
jeune, il y a peu de temps. C'est une blague que je fais.
Je veux dire que cela me fait bien plaisir de vous retrouver. Nos
chemins se sont croisés souvent au cours des années
passées. En particulier, M. Thérien et M. Alie sont de vieux
amis. M. Thérien a été d'à peu près toutes
les polémiques que nous avons eues depuis une quarantaine
d'années au Québec. Quand elles n'existent pas par
elles-mêmes, il les provoque. Quand on croit les avoir éteintes,
il les rallume. Cela réveille en moi un vieil instinct qui n'est pas
mort.
Je vous remercie de vous intéresser a l'avenir des institutions
qui vous ont donné une partie importante de votre formation. Un des
objectifs de la commission, c'est de faire en sorte que le problème des
universités soit porté par toute la communauté
québécoise, pas seulement par le ministre de l'Enseignement
supérieur ou les députés ou le gouvernement ou les
administrateurs immédiatement préposés à la gestion
des établissements universitaires, mais par toute la communauté
québécoise. C'est un des postulats fondamentaux sur lesquels nous
avons fondé la convocation de la commission.
Toutes les contributions qui nous sont fournies sont les bienvenues et
nous les accueillons avec intérêt et cordialité. J'ai pris
connaissance des opinions émises dans votre. mémoire. II y en a
quelques-unes que vous avez ajoutées en cours de route. Il y en aune qui m'a été particulièrement sensible: quand vous
avez parlé de nominations que nous avons faites récemment au
conseil d'administration de l'Université de Montréal. Vous avez
souligné que nous avons nommé quatre administrateurs de grande
qualité. Je vous remercie de l'avoir signalé. Je pense que cela
vaut la peine que le public le sache parce que c'est une chose qu'on m'avait
dite quand je suis arrivé, que parfois le gouvernement
précédent - peut-être parce qu'il était devenu un
peu fatigué - n'avait pas toujours apporté à ces
nominations toute l'attention qu'il aurait fallu.
Une des choses que je me suis dites, c'est que, dans la mesure où
cela relève de moi, on va renforcer le conseil d'administration de nos
institutions universitaires et collégiales de manière que la
participation de la communauté, qu'on veut assurer par la nomination de
personnes en provenance des milieux socio-économiques, soit la plus
vigoureuse passible.
Nous avons choisi ces quatre personnes. Il y a M. Claude Castonguay qui
est chef de la direction à la Laurentienne; M. Guy Saint-Pierre,
l'ancien ministre de l'Éducation, qui est président d'une firme
industrielle importante à Montréal. Il y a Pierre Des Marais II
qui était président de la Communauté urbaine de
Montréal jusqu'à il y a quelques mois et qui est maintenant
président d'une grande société fédérale. I!
y a aussi le président de la firme d'ingénieurs SNC, M. Gourdeau,
qui est un ingénieur et un administrateur de grande classe.
Le recteur de l'Université de Montréal, quand je lui ai
fait part de ces quatre nominations, était très heureux, la
communauté aussi. On ne s'est pas demandé: Va-t-il y avoir une
femme, va-t-il y avoir une personne de syndicat, va-t-il y en avoir une de
l'est de Montréal, une autre de l'ouest, une autre du nord, une autre du
sud? On s'est dit: On va trouver quatre bonnes personnes et on va en ajouter
d'autres. Il y a d'autres mandats qui viennent à expiration. On a de
très bonnes candidates en vue. On ne peut pas nommer de
députés, malheureusement, mais on va continuer de renforcer la
direction de nos universités de manière que les recteurs ne
soient pas seuls dans l'exercice de leur tâche, qu'ils soient
vigoureusement secondés par des personnes capables de comprendre les
problèmes
d'administration. Il me semble qu'un conseil d'administration, cela
existe d'abord pour administrer et non pas pour faire de la théorie.
Nous allons continuer et, s'il y en a des bons dans d'autres secteurs, nous
allons les choisir avec autant de fierté.
Dans les considérations que vous nous avez faites, je ne suis pas
sûr que je serais d'accord sur tous les points. J'ai l'impression que
vous y allez peut-être un petit peu fort du côté de la
sélectivité. Vous dites une chose dans votre mémoire qui
m'a intéressé et qui est vraie d'ailleurs: Les effectifs de nos
universités, au cours des 25 prochaines années, sont très
probablement appelés à diminuer à cause de la vague de
décroissance de la natalité que nous avons connue au
Québec surtout depuis une quinzaine d'années. Dans la même
mesure où le nombre des inscriptions est appelé à
diminuer, je pense que la pression qu'on a connue depuis quelques années
sera moins forte et que, par conséquent, les politiques
d'accessibilité que nous avons pratiquées, nous devons les
maintenir et même les appliquer davantage là où elles n'ont
pas pu produire les effets désirés.
L'objectif d'un gouvernement libéral, depuis le temps lointain
où des ministres libéraux qui s'appelaient secrétaires de
la province à l'époque, au début du siècle,
fondaient des institutions comme l'École des hautes études
commerciales à Montréal, comme l'École des beaux-arts
à Montréal -fonder une école des beaux-arts de niveau
universitaire à Montréal au début du siècle,
c'était tout un exploit - l'École polytechnique, également
- a toujours été la promotion de la population du Québec
par l'instruction, par le développement de l'intelligence et on a voulu
que cette possibilité soit offerte au plus grand nombre possible.
Quand on procède de manière trop sélective, je
pense qu'il y a danger qu'on abandonne, en cours de route, beaucoup de
personnes qui auraient pu se développer. C'est une chose qui m'a
frappé dans l'expérience que j'ai eu l'occasion de recueillir au
cours des années. Quand on était au collège ou è
l'université, autrefois, il y avait des personnes qui semblaient assez
modestement douées. On les retrouvait 25 ans plus tard et, souvent,
elles avaient fait beaucoup mieux que d'autres qui brillaient par le talent
à l'époque, parce que ce sont des talents qui se
développaient de manière différente, qui avaient un rythme
de croissance qui n'était pas le même que celui de ceux qui
réussissaient des examens, qui entraient dans les catégories du
système à ce moment-là. Il faut faire bien attention. Je
pense qu'on n'a pas les moyens de gaspiller du talent. C'est mieux,
peut-être, de gaspiller quelques piastres en prenant des chances un peu
plus nombreuses que de gaspiller du talent. C'est une perte infiniment plus
considérable si on laisse du talent non développé en cours
de route.
Cela, c'est un des postulats libéraux en matière de
démocratie de l'éducation auquel nous tenons beaucoup encore
aujourd'hui. Là-dessus, je pense qu'il y a une certaine
différence d'accent. Je ne pense pas qu'il y ait une différence
de fond, mais une différence d'accent par rapport au mémoire que
vous nous avez présenté.
J'aimerais bien que vous nous donniez vos commentaires là-dessus,
M. Thérien, et j'aimerais bien entendre M. Alie également qui,
comme éducateur, a beaucoup contribué à sortir de
l'ornière des étudiants qui, s'ils avaient été
laissés uniquement dans les mains du secteur public, auraient
peut-être terminé beaucoup plus rapidement leur cheminement
académique. J'ai suivi son école de près pendant plusieurs
années. J'en ai connu plusieurs qui, grâce aux services qu'ils ont
reçus à son école, ont pu reprendre le chemin d'un
développement qui les a menés beaucoup plus loin. Je ne sais pas,
mais je serais porté à vous demander peut-être un acte de
foi un peu plus grand que celui que nous apporte votre mémoire. C'est
peut-être parce que je vous ai mal compris.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Alie.
M. Alie (Fernand): M. Ryan, je vous remercie beaucoup, d'abord,
de m'avoir reconnu et, deuxièmement, d'avoir mentionné que,
malgré que je me pense encore assez jeune parce que je suis juste
à peine qualifié pour être dans les aînés,
tout de même cela fait trente-sept, trente-huit, quarante ans qu'on est
dans ce milieu. Disons que vous avez raison de souligner que, par la force des
choses, quand nous sommes arrivés, par instinct, sans trop de
connaissances, nous avions tout simplement envie de répondre aux besoins
de la population. Nous nous sommes aperçus qu'il y avait un besoin qui
s'exprimait chez des gens qui avaient laissé l'école, qui
étaient désorganisés et qui voulaient reprendre le chemin
d'une vie mieux structurée, mieux organisée et peut-être
même aller jusqu'à l'université. On a plusieurs de nos
anciens qui occupent des postes assez importants dans différents
secteurs de la société.
Ce qui a été le plus flatteur, c'est le jour où on
a signé notre arrêt de mort pour ces sections parce que le
gouvernement prenait en main le programme des adultes en ouvrant les
écoles le soir; il faisait, à toutes fins utiles, à peu
près ce que nous avions fait depuis quelques années. Je
n'étais pas le seul, M. Ryan, vous le savez bien. Il y en avait d'autres
aussi, d'autres écoles et même chez moi il y en avait d'autres. Ce
que ce que je trouve le plus formidable actuelle-
ment, c'est la télé-université. C'est, au fond, un
certain prolongement de ces cours où nous allions chercher l'adulte
désemparé où il était et où nous essayions
de le replacer sur des rails et de le faire aller plus loin, de se rajuster aux
besoins de la société et en quelque sorte de se bâtir une
carrière.
Mais il y a un point sur lequel j'ai insisté pendant qu'on
discutait ces choses-là. Remarquez que je ne suis à peu
près jamais allé à Trois-Rivières, parce qu'en
passant là aujourd'hui j'ai eu toutes les peines à me retrouver
et je me suis finalement retrouvé à Notre-Dame-du-Cap. C'est
peut-être le miracle qui s'opère. Il y a un certain aspect qui a
dû marquer le travail que j'ai fait avec mes collaborateurs,
c'était la nécessité de la productivité, la
nécessité de la rentabilité des choses que nous faisions.
J'ai un de mes anciens élèves, l'ancien directeur du personnel de
l'Université du Québec à Montréal et ancien
directeur des finances, qui est en train d'écrire une thèse de
doctorat en collaboration avec l'Université Laval ici, qui me rapportait
il y a quelques mois qu'il avait été frappé en
étudiant l'histoire des universités de savoir combien il y en a
qui, en fin de compte, sont des entreprises basées sur la
rentabilité, la productivité, même si elles sont des
universités.
Je trouve qu'il y a tellement de gens démotivés dans le
milieu universitaire et dans le milieu scolaire actuellement qu'il semble qu'on
manque de causes à donner à nos jeunes. Cela ne se crée
pas de façon artificielle. Par l'intéressement au succès
et peut-être aux insuccès et aux échecs des institutions
universitaires - c'est une suggestion qui m'a été faite par un
groupe qui travaille à l'Université de Montréal - on
pourrait peut-être intéresser le personnel... Si ce n'est pas
financièrement, il y a peut-être des techniques qu'on peut
trouver. Il y a des gens qui trouvent leur récompense d'une autre
façon que dans le domaine financier. Mais si on n'intéresse pas
les gens du milieu à recréer une certaine productivité
dans leur domaine, je pense qu'on va avoir des ennuis. (21 h 15)
II y a deux objectifs que le Québec semble poursuivre
actuellement, c'est, d'abord, qu'est-ce qu'on fait demain matin, aujourd'hui?
Je pense que vous avez pris une très bonne attitude en nommant des
administrateurs, tellement que je me demandais: Qu'est-ce que nous allons faire
là, nous avec des administrateurs aussi chevronnés que ceux que
vous venez de mentionner, s'il y en a dans toutes les universités? Cela
règle le problème, au moins dans l'immédiat.
Vous avez parlé aussi du long terme parce que moyen terme et long
terme, c'est là que l'on peut travailler. Peut-être que, dans
l'immédiat, à court terme, il faut improviser des solutions.
Est-ce que c'est l'université que l'on veut pour demain pour nos
enfants? Est-ce qu'on veut garder les structures, le mode de pensée que
l'on rencontre dans les universités où chacun travaille plus ou
moins pour défendre sa "job", son idéal syndical? J'ai, comme
bien d'autres, été pris par le prosélytisme syndical
à certains moments et cela m'a, de temps en temps, coupé les
ailes. Il reste que ce sont des réalités avec lesquelles il faut
composer. Je pense que c'est peut-être difficile de ne pas
intéresser ceux qui sont dans le milieu en leur donnant une certaine
récompense, soit moralement, comme dirait Cyrano, ou
financièrement, en tout cas, une participation à la
productivité et à la rentabilité sociale de
l'entreprise.
M. Thérien (Marcel): J'aimerais répondre à
une objection que M. le ministre vient de soulever au sujet de notre
mémoire. Si nous demandons qu'il y ait des contingentements, cela ne
veut pas nécessairement dire que ces jeunes ne pourront pas
réussir. D'ailleurs, c'est un de nos points aussi. Il ne faut pas croire
que les universités sont le seul chemin du succès dans la vie.
Sans cela, ce serait tragique parce qu'il y a un nombre considérable de
personnes qui ne peuvent pas passer par l'université. D'ailleurs, je
pense que, si nous regardions les hommes les plus riches au Canada, nous
verrions que la plupart d'entre eux n'ont pas fait d'études
universitaires. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas qu'il y ait de gens qui
fassent des études universitaires, bien sûr. Ces gens donnent de
l'emploi à des universitaires. Il y a d'autres éléments du
succès et, malheureusement, l'université ne donne pas toujours
cet élément qui est d'abord la motivation de vouloir
réussir et également de vouloir développer une entreprise,
et aussi les talents moraux et la santé pour aller de l'avant. Je pense
que les jeunes qui auront cela, qu'ils aillent à l'université ou
ailleurs, pourront être d'excellents citoyens et pourront contribuer au
bien-être de la société.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. Thérien. Je reconnais maintenant la députée de
Chicoutimi, porte-parole officielle de l'Opposition en matière
d'éducation. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Thérien,
M. Godin, M. Leroux, M. Alie, cela me fait plaisir de vous recevoir et de vous
souhaiter la bienvenue. Comme le ministre de l'Éducation,
j'apprécie l'intérêt que vous manifestez à l'endroit
de la commission. On peut ne pas être nécessairement d'accord sur
l'approche que vous privilégiez en matière d'enseignement
supérieur, mais il n'en demeure pas moins
que votre souci de venir ici nous présenter votre position
mérite toute notre attention et notre intérêt.
Je serais assez d'accord avec un certain nombre de points que vous
soulevez dans votre mémoire. Il y en a quand même quelques-uns
avec lesquels vous me permettrez de diverger d'opinion. Je dois dire que,
là-dessus, comme à d'autres occasions, je rejoins assez l'avis du
ministre de l'Éducation. Les ressources humaines ne peuvent pas
être gaspillées, pas plus que notre forêt ou nos eaux. Dans
ce sens, on s'entend généralement pour dire que les pays qui
connaissent la meilleure performance économique sont ceux dont la
population est la plus scolarisée, et à tous les niveaux. Donc,
des mesures que le ministre appelle sélectives et que je qualifierais
quasiment d'élitistes auraient de quoi nous inquiéter s'il
fallait aller dans cette direction et faire une sélection très
hâtive des bons et des moins bons, de ceux qui devraient être des
professionnels et d'autres des ouvriers.
J'aimerais vous souligner un certain nombre de choses. Il y avait
peut-être une question. En 24, vous dites: "Les aînés quand
ils ont terminé leur période active peuvent encore être
utiles à la société." Je pense que c'est une contribution
que vous apportez ce soir, mais à quoi pensez-vous, entre autres?
M. Thérien (Marcel): Je pensais, bien sûr, à
permettre aux professeurs qui ont atteint l'âge de la retraite de
continuer, peut-être en réduisant leur salaire, cependant.
Deuxièmement, je pensais que les aînés qui ont une
expérience pourraient agir, dans certains cas, comme parrains, comme
conseillers, à titre bénévole, et aussi servir de
différentes façons. Tantôt, j'ai félicité, au
nom de notre groupe, le ministre d'avoir nommé des personnalités
éminentes; nous n'aurions eu aucune objection à ce que cesdites
personnes éminentes proviennent du monde des aînés. Ils ont
peut-être plus de temps à disposer parce que leur famille est
élevée, ils ont moins de soucis financiers et ils peuvent, par
conséquent, accorder plus de temps à certaines fonctions. En
somme, c'est à cela que je pensais.
Mme Blackburn: Vous qui êtes dans des professions
libérales, vous insistez beaucoup sur l'importance des rapports
université-industrie. Vous vous réjouissez de nominations qui
semblent, à mon avis, être trop exclusivement prises dans le
milieu de la grande entreprise, précisément. Est-ce qu'il n'y a
pas de dangers, à long terme, de voir un peu gauchir, je dirais, la
mission des universités par un mariage trop étroit entre
l'industrie et l'université qui doit conserver une certaine
indépendance vis-à-vis de tous les groupes de la
société?
M. Thérien (Marcel): D'abord, je vous dirai que nous ne
sommes pas uniquement des professionnels; moi-même, je suis un
économiste-conseil et je siège au conseil d'administration de
certaines entreprises. Les personnes qui ont été nommées
par le gouvernement pour faire partie de l'université sont, d'abord, des
hommes - ce ne sont pas des femmes, il n'y en a pas dans le moment - qui ont
une expérience non pas tant parce qu'ils sont des représentants
d'universités, mais parce qu'ils ont des qualités personnelles.
Je vous dirai que je pense que ces personnes de grande valeur peuvent venir
d'ailleurs; elles peuvent venir des caisses populaires, lesquelles ont des
administrateurs de grande valeur qui pourraient être également
nommés à des postes comme celui-là. Je pense
également que, dans les entreprises gouvernementales, nous avons des
gens de valeur qui sont là et qui pourraient également servir,
peut-être aussi dans les organismes syndicaux. En d'autres termes, nous
ne voulons exclure personne; nous voulons que le gouvernement puisse aller
chercher les meilleurs partout. Malheureusement - enfin, malheureusement -ils
sont surtout dans les organismes où ils ont réussi.
Mme Blackburn: Ils ne se trouvent pas de femmesl
M. Thérien (Marcel): Cela viendrai Cela viendrai
Mme Blackburn: Bien. Une petite dernière question. Je dois
dire que cela m'a un peu chicotée. À la dixième
recommandation, vous dites: "Rien n'est plus triste que de voir de jeunes
diplômés en chômage ou sous-employés". Seriez-vous en
train de nous dire que c'est moins triste lorsqu'ils sont
sous-scolarisés?
M. Thérien (Marcel): C'est toujours triste de voir un
jeune homme ou une jeune femme qui ne travaille pas. Mais, cependant, je pense
que cette personne est beaucoup moins frustrée si elle n'a pas fait
d'études. Au moins, elle peut s'imaginer que, si elle avait
été assez travaillante, assez sérieuse pour faire des
études, elle aurait mieux réussi. Mais...
Mme Blackburn: Vous ne pensez pas que ceux qu'on appelle les
chômeurs diplômés ont plus de chances,
éventuellement, dans six mois ou dans un peu plus de temps, de se
trouver un emploi que ceux qui ont moins de scolarité.
M. Thérien (Marcel): Ce que nous disons dans notre
mémoire, c'est que ces personnes, souvent, sont sous-employées ou
encore elles peuvent même peut-être réussir très
bien. Je
cannais quelqu'un qui, dans son domaine - il était psychologue -
n'a pas réussi à obtenir un emploi; il est devenu vendeur et il a
très bien réussi. Voilà une profession extrêmement
intéressante où il n'est pas absolument nécesssaire
d'aller à l'université pour réussir.
Mme Blackburn: Vous proposez une augmentation de 20 % de la
tâche des professeurs. Cela repose, j'imagine, sur une certaine
évaluation de la tâche actuelle. Est-ce que vous avez des
données là-dessus ou si c'est juste un peu au pif?
M. Thérien (Marcel): C'est notre expérience qui
nous permet d'affirmer que beaucoup de professeurs pourraient travailler
davantage.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que vous
avez un mot de... Vous avez terminé. Oui? M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: J'aurais pensé que mon collègue de la
Mauricie, de la rive sud, aurait eu des questions à poser à
certains représentants de la Mauricie. Mais, comme il n'en a pas et que
son "fan club" n'est pas ici ce soir, je vais donc en profiter pour en poser
quelques-unes. M. Thérien - je devrais peut-être poser la question
à M. Leroux - à la recommandation 11, à la page II, on
dit: "Même si le nombre d'enfants décroît tragiquement et
que l'on doive s'attendre à une diminution de la clientèle, il
est important que se fasse une meilleure sélection des enfants
doués et surdoués. Cela devrait se faire dès
l'école primaire afin que l'on puisse mieux former ceux qui entreront
à l'université." Peut-être que je serais tenté de
poser ma question à quelqu'un qui se trouve dans la salle et qui a
participé avec moi à des activités syndicales à
l'époque; c'est le prosélytisme dont on faisait mention tout
à l'heure. C'est pour vous dire que je suis un peu surpris de voir la
recommandation telle quelle d'une personne qui a vécu dans le milieu
scolaire.
On sait qu'on a expérimenté plusieurs façons de
voir les choses dans les écoles. Â certains moments, on s'est
retrouvé - je dois le dire comme tel, c'est comme cela que les gens
l'appelaient, malheureusement - dans des écoles où on avait
parqué du monde, des écoles qu'on appelait des écoles de
fous, des gens qui étaient considérés comme non
doués. Donc, à ces gens-là, ce n'était pas grave,
on ne donnait peut-être pas tous les services. On a vécu ces
situations comme membres de syndicat à l'époque. Cela ne fait pas
tellement longtemps; cela date des années soixante. Je suis un peu
surpris de cette proposition no 11 où on dit qu'on doit faire une
meilleure sélection dès le départ, quitte à ce
qu'on trouve le moyen d'occuper le monde en attendant pour qu'ils arrivent sur
le marché du travail comme manuels. Tous les autres, on leur donnera
plus. Je fais le joint avec l'article 13, à la page III: Â
ceux-là qui sont les mieux doués, on donnera plus de bourses; on
leur permettra d'aller plus loin et cela rapportera plus à la
société. J'essaie de voir le lien qu'il y a dans cela. Dans ce
contexte, je suis un peu surpris. Peut-être que M. Leroux ou quelqu'un
d'autre pourrait répliquer à ce que je dis.
M. Thérien (Marcel): À ce sujet, je me permets de
signaler à l'intention de M. Jolivet qu'un bon nombre de jeunes perdent
leur temps dans les écoles parce que le programme n'est pas assez fort
pour eux et deviennent des désabusés et peut-être des
enfants délinquants. Je connais pour ma part et c'est notre
expérience à nous d'avoir connu nombre de personnes qui
étaient fortes en thème... D'ailleurs, M. le ministre signalait
que, souvent, ce n'étaient pas les forts en thème qui
réussissaient dans la vie. Mais c'est justement parce que, souvent, les
forts à l'école perdaient leur temps parce qu'ils étaient
avec des gens qui les retardaient, avec la conséquence qu'ils
n'étaient pas en mesure de donner le meilleur d'eux-mêmes dans
leur travail. C'est ce que nous voulons. De la même façon que pour
développer des joueurs de hockey professionnels, vous ne les ferez pas
jouer avec des "peewee".
M. Jolivet: J'essaie de replacer cela dans le contexte où
nous avons participé, le ministre et moi-même et d'autres
députés de l'Assemblée nationale, à ce qu'on a
appelé les états généraux de l'éducation,
où on a fait mention précisément des principes de base. La
société québécoise a commencé par dire: Les
enfants devraient aller à l'école jusqu'en troisième
année, septième année, neuvième année,
onzième année jusqu'à l'âge de 16 ans. On dit que,
de façon obligatoire, l'enfant doit être à l'école
jusqu'à l'âge de 16 ans. Ce que vous semblez proposer, si je
comprends bien, c'est une façon de faire en sorte que l'école
qu'on connaît actuellement soit complètement changée pour
permettre aux plus doués de monter plus rapidement et d'aller au niveau
universitaire avec de meilleures bourses, tout en disant que, pour les moins
doués, on trouvera d'autres moyens pour les occuper. Est-ce que je
comprends bien?
M. Thérien (Marcel): II faudra sûrement les
alphabétiser. En ce moment, il y a 350 000 enfants au Québec qui
ne sont pas capables de lire. C'est une honte pour un pays qui se dit
civilisé d'avoir autant de personnes incapables de lire. (21 h 30)
M. Jolivet: L'autre question qui me revient, cela me fait penser
aussi qu'au moment où j'étais dans l'enseignement on parlait
justement - et j'essaie de faire ce lien - de l'expérience
américaine en Californie où on disait à des professeurs,
sans qu'ils connaissent les élèves: Cette année, voici les
élèves que vous allez avoir. Ces enfants sont des
élèves qui ne sont pas doués, essaie de faire ton possible
durant l'année avec eux. On ne t'en demandera pas plus. À un
autre professeur, on disait: Toi, tu as des enfants surdoués. Tu dois
leur en demander. Tu dois exiger énormément d'eux. On a
constaté, à la fin de l'année, que les moins doués
du début étaient encore moins doués et que les plus
doués étaient encore plus doués, sauf que ce que le prof
ne savait pas qui au départ parce que ce n'était pas lui qui
avait fait passer les tests de QI, quotient intellectuel, qui ne sont pas en
rapport avec la réalité des choses, à mon avis. Qu'est-ce
qui est arrivé? Les plus doués avaient été
donnés à un prof en disant qu'ils étaient
sous-doués et on avait dit des sous-doués que c'étaient
des enfants surdoués. Au bout de la course, vous auriez dû voir la
différence entre les deux. C'est une expérience qui a
été faite. C'est la façon dont on présente les
enfants qui fait que, parfois, il y a des résultats qui sont
différents, finalement.
Dans ce contexte, je reprendrais la vieille chanson qui dit que la vie
commence à 40 ans. Je fais référence à vous
à ce moment-là parce que vous dites que vous êtes
prêts à servir. Mais est-ce qu'on pourrait, sous le principe d'une
sélection faite par des gens qui reçoivent des
élèves au niveau primaire, au niveau secondaire et ensuite au
niveau du cégep et au niveau universitaire, dire: Nous décidons
que celui-ci est moins doué qu'un autre et, en conséquence, on va
l'aider plus qu'un autre, alors que dans certains cas on pourrait arriver
à des résultats totalement différents de ceux qu'on
recherche?
M. Thérien (Marcel): Mais cela se fait dans tous les
domaines, cher ami. Regardez dans le domaine de la musique, par exemple. C'est
évident que vous allez rencontrer des enfants doués à
l'âge de quatre et cinq ans et d'autres qui ne sont pas doués du
tout. Dans le domaine du sport, pensez-vous que vous êtes capable de
faire un joueur professionnel s'il n'a pas les éléments de base?
Vous aurez beau les entraîner, il y en a qui ne réussiront pas,
comme il y en aura qui ne réussiront jamais en mathématiques. H y
en a d'autres qui ne réussiront jamais dans les arts. Ne me faites pas
faire de dessin, je ne suis pas capable. Quand même vous me garderiez
à l'université pendant 25 ans, je n'y arriverais jamais, je n'ai
pas de talent pour le dessin. Si on fait cela dans certaines disciplines,
pourquoi ne pas le faire dans toutes les disciplines? Ce qui est important
surtout, c'est d'être capable de les motiver, de les faire
travailler.
Dans notre expérience, nous en avons rencontré, j'ai une
demi-douzaine d'enfants, je sais de quelle façon ils ont
travaillé et je sais que, s'ils ne sont pas avec d'autres personnes qui
sont travailleuses, ils sont en arrière. Et je suis heureux de signaler,
entre autres, que j'ai deux enfants qui sont devenus des savants internationaux
parce qu'ils ont rencontré sur leur chemin des savants polonais qui ont
su les motiver, qui ont su les faire travailler. C'est ce que je voudrais pour
tous les jeunes Québécois.
M. Jolivet: Merci, au nom de ma formation politique,
malgré qu'on a peut-être des divergences. M. le ministre dit
souvent qu'il aime la polémique, je suis un de ceux-là de temps
à autre aussi. En faisant une farce aussi, enfant pour enfant, mon
épouse et moi avons six enfants aussi. Je peux vous dire que vous avez
effectivement raison, ils ont des caractères différents, des
façons différentes de voir les choses et qu'en conséquence
il y aura aussi, en fin de compte, des résultats qui seront
différents, en espérant qu'ils feront le meilleur chemin possible
dans leur vie.
On vous remercie de la collaboration que vous avez apportée et
d'avoir accepté, malgré l'heure tardive, d'être avez nous
ce soir. Le chemin de retour est comme le nôtre dans certaines
circonstances, il est un peu long, mais soyez assurés que nous allons
prendre en considération l'ensemble de vos recommandations en disant
qu'il n'est pas nécessaire cependant d'être d'accord; sinon, si
nous étions d'accord avec tout ce que vous nous avez dit, nous n'aurions
peut-être pas eu les discussions que nous avons eues jusqu'à
maintenant. Merci beaucoup d'être venus.
M. Thérien (Marcel): Je voulais vous remercier en
terminant et vous dire que nous sommes toujours à votre disposition pour
vous apporter les lumières de notre expérience.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je demanderai au
ministre...
M. Alie: M. le représentant de l'Opposition se vante de sa
grosse famille. Je pense qu'on devrait aussi féliciter le ministre
lui-même qui a très bien donné l'exemple dans ce
domaine.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.
M. le ministre, votre droit de réplique, sur la famille!
M. Ryan: Merci. Je voudrais souligner
en terminant un certain nombre de points sur lesquels nous sommes
d'accord avec vous. Je pense qu'on a souligné des points sur lesquels il
y a des différences d'accent, comme je le disais tantôt, sinon des
désaccords absolument invincibles, mais il y a beaucoup de points dans
les observations que vous nous avez communiquées sur lesquels je suis
enclin à être d'accord. Je voudrais vous le dire avant que vous
partiez pour que notre recontre se termine sur une note positive.
Quand vous dites, par exemple, qu'il faut favoriser le rapprochement de
l'université et des professeurs avec le milieu et, en particulier, avec
les entreprises, je suis tout à fait d'accord. Quand vous dites qu'il
faut favoriser également le rapprochement avec les élus du
peuple, avec les hauts fonctionnaires, les représentants des milieux
susceptibles d'employer des diplômés, je suis tout à fait
d'accord.
J'aime rappeler è ce sujet un exemple qui m'est arrivé
dans mon propre comté. Je rencontrais l'an dernier le directeur de
l'école secondaire de Lachute et je lui disais: Savez-vous que cela fait
sept ans que je suis député ici et vous ne m'avez jamais
invité dans votre école? Il y a deux écoles qui
cohabitent, une école anglaise et une école française.
L'école anglaise m'avait invité souvent. Je ne dis pas que c'est
parce que dans cette école-là il y avait beaucoup
d'adhérents d'un autre parti. Je ne dis rien de la sorte, mais... Oui,
je vous comprends. Je lui disais: II va falloir que vous ouvriez vos
fenêtres un peu plus souvent, cela va faire du bien. Si vous ne les
ouvrez pas, on les ouvrira. Je pense que de ce côté-là il
faut qu'on mette de l'air, que cela circule dans toutes les directions et ce
n'est pas mauvais de se le faire dire par des personnes qui ont
l'expérience de la vie.
Vous dites que les bibliothèques et les laboratoires doivent
être bien équipés et, vous l'ajoutez judicieusement, bien
utilisés. Je pense que c'est important de mettre les deux concepts parce
qu'on a vu des équipements qui traînaient dans les armoires dans
plusieurs endroits, des équipements très coûteux. D'autre
part, on a vu des équipements très très vieillots, qui ne
répondent pas du tout aux besoins d'aujourd'hui. Ce n'est pas mauvais de
se faire rappeler ces choses-là.
Vous dites qu'il faut un rapprochement avec l'entreprise privée.
On le sent plus encore quand on est dans une région. Je ne pense pas que
des grandes institutions sociales puissent vivre de manière dynamique si
elles ne sont point en contact avec les entreprises qui procurent des emplois
dans la région. De ce point de vue, je peux vous assurer qu'un de mes
objectifs, comme ministre de l'Éducation et comme ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science, est de faire tout ce qui est
raisonnablement possible pour que des meilleurs rapports s'établissent
entre les milieux économiques et les milieux éducatifs.
Vous ajoutez plus loin - cela surprend à première vue,
mais je pense que cela est très réaliste aussi - qu'il faut faire
disparaître le mythe qu'un jeune rate sa vie s'il ne va pas à
l'université. D'après des statistiques que nous avons, il y a
environ 11 % de la population de 18 à 29 ans qui fréquentent
l'université, en date d'une couple d'années. C'est
peut-être rendu à 12 % maintenant, au maximum. Même si on
progressait beaucoup, je pense que, si on atteignait 20 % d'ici une dizaine
d'années, cela serait un taux assez élevé.
Actuellement, nous sommes en train de réformer l'enseignement
professionnel au niveau secondaire. C'est très important. Je pense que,
si on donne une bonne formation là, il y en a beaucoup qui n'auront
même pas besoin d'aller au cégep pendant leur période de
scolarisation formelle, ils voudront continuer leur formation après.
S'ils reçoivent une très bonne préparation è un
métier, ils vont être très utiles dans la
société. Ils en seront très heureux aussi. Ce sont des
choses qu'il est bon de se faire rappeler car parfois, lorsque nous discutons
entre nous, nous finissons par croire que ce serait possible que tout le monde
passe par le même canal, et ce n'est pas vrai. De ce point de vue
là, je pense qu'il y a des propos de sagesse dans votre mémoire
qui sont bons.
Une autre observation que j'ai trouvée: vous dites que c'est une
honte que, dans un pays comme le nôtre, il y ait encore des dizaines de
milliers d'illettrés. M. Thérien a dit, justement, qu'il y en
avait environ 350 000 au Québec. Mme la députée de
Jacques-Cartier me disait avoir vu une émission au réseau CBS la
semaine dernière où on parlait du coût économique du
phénomène de l'analphabétisme aux États-Unis, qui
est très élevé. On a un problème de ce
côté-ci qui n'est pas résolu. Nous avons des mesures
partielles, des mesures fragmentaires pour faire face à ce
problème, mais c'est évident que c'est un problème
très grave pour nous auquel nous devons nous attaquer.
Je vais terminer sur une de vos dernières remarques où
vous dites que les citoyens aînés peuvent encore être
très utiles à la société. Je pense que, si on
n'acceptait pas cette vérité d'évidence, on se
préparerait un avenir terrible parce que la population vieillit
rapidement. Le pourcentage des personnes qui auront dépassé 60
ans dans la population québécoise sera dans quelques
années supérieur à 15 %, de 8 % ou 9 % qu'il est
actuellement. Cela veut dire qu'il faut se préparer à des
changements dans les modes de distribution des tâches, le partage des
responsabilités de notre société, qui
feront en sorte qu'on ne créera pas chez toute cette
catégorie de citoyens l'impression qu'ils sont seulement dans un
état de dépendance. Il faut les mettre dans un état de
participation active également. Ce n'est pas facile.
Ce sont des propos qui peuvent nous être très utiles, je
pense, comme matériel d'arrière-plan pour nos réflexions,
et je voudrais vous remercier de nous les avoir apportés avec autant de
cordialité et de bonne humeur. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Merci, M. Thérien, M. le président Godin, M. Leroux, M.
Alie, M. Fournier. On vous remercie beaucoup de ce que vous avez apporté
à cette commission. Soyez certains que vos témoignages ont
été retenus et qu'ils serviront à aider les membres de
cette commission à se former un jugement en ce qui regarde la
problématique du financement des universités.
La commission parlementaire de l'éducation ajourne ses travaux
à demain matin, 10 heures, alors qu'elle entendra en audience publique
la Fédération des associations de professeurs des
universités du Québec et l'Intersyndicale des professeurs des
universités québécoises. La séance est
levée.
(Fin de la séance à 21 h 42)