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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Thursday, September 18, 1986 - Vol. 29 N° 16

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission de l'éducation va commencer ses travaux dans quelques minutes.

Elle reprend ses travaux ce matin dans le cadre du mandat qui lui a été confié, à savoir de tenir une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement ce matin.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il n'y a pas de remplacement, nous allons commencer par le premier groupe invité ce matin qui est la Fédération des associations des professeurs...

M. Jolivet: M. le Président, juste un moment s'il vous plaît! J'aimerais dire tout simplement que nous sommes déçus de la décision qui a été prise en comité de travail à l'effet de ne pas entendre M. Gobeil.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, M. le député de Laviolette! Vous êtes anti-réglementaire, M. le député de Laviolette, et c'est une drôle de façon de commencer une journée d'audition. C'est un comportement que j'admets difficilement.

Je reprends, M. le député de Laviolette, ne me forcez pas à vous rappeler à l'ordre.

Mme Blackburn: Imaginez-vous notre déception tantôt!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je comprends votre déception, madame, mais par contre nous sommes ici en séance publique dans le but d'entendre la Fédération des associations des professeurs des universités du Québec et l'Intersyndicale des professeurs des universités québécoises.

M. le président, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous invitons à nous présenter les gens qui vous accompagnent.

FAPUQ et Intersyndicale des professeurs des universités québécoises

M. Langlois (Paul): M. le Président, M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, mesdames et messieurs les membres de cette commission, comme président du syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Trois-Rivières et président de l'Intersyndicale des professeurs des universités québécoises, permettez-moi de vous remercier d'abord d'avoir accepté de nous entendre ce matin.

Je rappellerai au tout début que l'ensemble des 18 syndicats et associations que nous représentons aujourd'hui a déjà eu d'autres occasions de s'unir et de présenter des mémoires conjoints, ce qui fut fait entre autres lors de la précédente commission en 1984 sur ce sujet et particulièrement au sujet du sous-financement des universités. L'ensemble des associations et des syndicats des professeurs étant touché par les problèmes que le sous-financement causait a aussi, au cours de l'année dernière, en 1985, fait toute une tournée du Québec pour sensibiliser la population au problème que selon nous représentait le danger que pouvait causer le sous-financement des universités à l'enseignement universitaire.

Permettez-moi de présenter les membres de notre délégation. À ma gauche immédiate, M. Marcel Fournier, professeur à l'Université de Montréal, vice-président du Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal et président de la Fédération des associations des professeurs des universités du Québec et de l'Intersyndicale des professeurs des universités québécoises; à sa gauche, M. Benoît Beaucage, professeur à l'Université du Québec à Rimouski et vice-président du Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Rimouski; à sa gauche aussi, M. André Leblond, président du Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi et professeur de cette université; à ma droite immédiate, Mme Huguette Dagenais, professeur à l'Université Laval et vice-présidente du Syndicat des professeurs de l'Université Laval; et, à sa droite, M. Léonard Sugden, professeur à l'Université Concordia et membre de l'Association des professeurs de l'Université Concordia.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le président, de nous avoir présenté ces gens. Je vous rappelle que la commission parlementaire dispose d'environ

deux heures pour entendre votre organisme. On m'informe que la présentation de votre mémoire sera d'environ 20 ou 25 minutes. Après cela, le temps sera partagé également entre les deux formations politiques pour que le tout se termine à midi. M. le président, nous vous écoutons.

M. Langlois: Pour présenter le mémoire, trois de mes collègues le feront. Si vous me le permettez, je donnerai d'abord la parole à Mme Huguette Dagenais, qui va présenter la première partie.

Mme Dagenais (Huguette): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, dans leur mémoire auquel mon collègue faisait référence, le mémoire du mois d'octobre 1984, les syndicats et associations de professeurs des universités québécoises faisaient valoir que: depuis 1978, les universités sont devenues, à toutes fins utiles, en raison du sous-financement, le tiers monde de l'éducation du Québec; ils faisaient valoir aussi que les universités constituent un investissement social et individuel et que, de ce fait, elles ne devraient pas être considérées uniquement comme une dépense; que le non-renouvellement du corps professoral constitue un problème grave; que la formule dite "historique" de financement élaborée au début des années soixante-dix et les modifications ultérieures, spécifiquement à partir de 1978, ont provoqué la crise financière actuelle des universités; que les professeurs restaient fidèles aux principes de coordination et de concertation définis en 1981, lors des Ateliers Laurin, à savoir que la coordination doit s'inspirer des volontés de la base et que la concertation doit viser le développement plutôt que la banalisation et l'uniformité; que s'ils étaient d'accord en 1984 avec le principe d'une nouvelle formule de financement et avec certaines pistes élaborées par le ministère, ils exprimaient cependant des doutes sérieux sur la méthode proposée par ce dernier.

Sur toutes ces questions, le point de vue des professeurs n'a pas changé, mais force nous est de constater cependant 1) que les commissaires, à ce moment-là, avaient eux-mêmes reconnu qu'on ne pouvait plus, sans risquer de séquelles graves, réduire voire même maintenir simplement dans cet état le financement des universités; 2) que la situation s'est aggravée depuis octobre 1984 et à plus d'un point de vue. Cela a amené l'actuel ministre de l'Éducation, M. Claude Ryan, à confirmer, lors de la défense des crédits le 30 avril 1986, que "les universités vivent actuellement une situation de crise".

Dans le présent mémoire, les professeurs aborderont donc les questions soumises è la consultation générale, mais après un rappel de la mission spécifique de l'université et de son corollaire, le droit des citoyens et des citoyennes à l'enseignement universitaire. Les recommandations formulées ou évoquées et les pistes suggérées tout au long de ce mémoire s'inspirent de cette mission et de ce droit. Je pense que c'est important, parce que l'esprit du mémoire est contenu là-dedans.

À propos de la mission de l'université. Il faut rappeler que l'université est une organisation complexe dont le rôle spécifique consiste à développer et à transmettre le savoir dans le but d'assurer aux personnes qu'elle accueille une formation de niveau supérieur. Cette fin est poursuivie dans l'accomplissement de deux fonctions traditionnellement dévolues à l'institution universitaire c'est-à-dire l'enseignement et la recherche.

Durant la dernière décennie, une nouvelle fonction est apparue, celle des services à la communauté ou services à la collectivité. La terminologie n'est pas toujours la même d'une université à l'autre, mais l'esprit est le même. Cette avancée récente oblige à repenser les rapports entre l'université et la société qui l'entoure, à revoir aussi le rôle de la collectivité de la définition d'université, de ses fonctions et de ses obligations.

Le personnel enseignant est voué collectivement à la réalisation de ces fonctions, réalisation qui exige comme préalable la liberté universitaire. Par la formation supérieure qu'elle dispense, par le développement des arts et des sciences, par les services aux collectivités, l'université exerce une fonction critique qui justifie son existence et qualifie en même temps sa mission. À ce sujet, nous partageons entièrement la remarque suivante du Conseil supérieur de l'éducation, et je cite: "La qualité particulière de la relation au savoir qui caractérise la mission de l'université lui impose des obligations mais elle lui confère aussi des droits et des prérogatives qui lui permettent de poursuivre efficacement ses fins. "Lieu de réflexion sur la connaissance et de recherche libre de la vérité, l'université doit avoir les moyens de résister à l'asservissement de ses fins et de ses fonctions, de résister aux pressions marquées par des vues trop utilitaristes ou aux incitations abusives d'efficacité et de rentabilité. Si elle ne réussit pas à être un lieu critique, elle ne pourra longtemps favoriser le progrès de la culture, la qualité de l'éducation et l'innovation dans le domaine scientifique."

Or, l'accomplissement de cette mission ne peut se concevoir sans que ceux et celles qui en ont la charge ne jouissent de l'indépendance d'esprit ou, comme on l'appelle dans notre milieu, de la liberté universitaire ou la liberté académique. C'est un droit essentiel qui permet aux professeurs

d'accomplir pleinement et librement leur tâche d'enseignement, de recherche et de service aux collectivités.

Les professeurs veulent s'exprimer aussi sur le droit des citoyens et des citoyennes à l'enseignement universitaire. L'accessibilité aux études universitaires ne semble pas être remise en question. Personne, ouvertement du moins, ne semble rejeter cet acquis important de la révolution tranquille.

Depuis quelque temps, cependant, l'idée d'un retour à une conception plus élitiste de l'enseignement universitaire fait son chemin. Les mots qui reviennent le plus souvent sont ceux de "rationalisation", "planification", "contingentement". Quant à nous, professeurs, nous sommes convaincus, pour reprendre les mots de nos collègues que je cite: "qu'une société ne saurait faire un meilleur investissement que dans l'éducation de sa jeunesse car la croissance du nombre des titulaires d'une formation universitaire constitue un des facteurs les plus importants de développement économique, social et culturel; un des meilleurs atouts du Québec de demain réside dans cette habitude en voie de se créer du passage normal du cégep à l'université. "Sur le plan individuel, il demeure vrai que qui s'instruit s'enrichit, même si tes employeurs ne courtisent plus les titulaires d'un nouveau diplôme comme dans le passé. Les statistiques disponibles vont toutes dans le même sens que ce que nous dit le bon sens, c'est-à-dire que plus on est instruit, plus le taux de chômage est bas et plus sa durée est brève, plus le traitement est élevé et plus l'intérêt au travail est marqué, plus la reconversion éventuelle à un nouvel emploi est facile. Dès lors, l'intérêt individuel rejoignant l'intérêt collectif, comment pourrions nous hésiter? Quitte, bien sûr, à étudier les cas où la formation est particulièrement coûteuse pour la société, il importe que l'on respecte la liberté des étudiants et des étudiantes d'orienter leur propre vie. La population du Québec a tenu, depuis un quart de siècle, à ce que ses enfants bénéficient de la formation de leur choix. Nous sommes nombreux à en avoir profité et ceci nous impose de voir à ce que cela continue."

L'accessibilité devrait être possible à la fois au plan social, par des mesures d'assistance revalorisées, et au plan régional, par le maintien d'un réseau proprement universitaire dans les régions du Québec. L'accessibilité doit aussi reposer sur une variété de programmes de premier cycle suffisamment large pour correspondre aux goûts et aux besoins, de même que, là où c'est possible, sur un certain nombre de programmes de deuxième et troisième cycle, capables de produire des spécialistes tout en empêchant les universités de région de se confiner uniquement au premier cycle.

M. Fournier (Marcel): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, je veux présenter la suite du mémoire en abordant les cinq points suivants, cinq points qui sont très importants dans le cadre des discussions de cette commission parlementaire. Le premier, c'est le financement des universités; le deuxième, c'est l'endettement des institutions universitaires; troisièmement, c'est la participation du gouvernement fédéral au financement des universités; quatrièmement, le problème ou la question de l'accessibilité et des frais de scolarité et, finalement, le financement de la recherche universitaire.

Premier point, le financement des universités. L'État, vous le savez, a déjà assuré et il nous semble qu'il doit continuer d'assurer l'essentiel des coûts du système universitaire. Le sous-financement actuel empêche les universités de s'adapter au changement et rend utopiques les préoccupations d'excellence avancées ces dernières années. Certes, et nous sommes les premiers à le reconnaître, l'État investit beaucoup dans l'enseignement supérieur mais son effort, nous semble-t-il, n'est pas comparable à celui que d'autres gouvernements consentent. Puisqu'il est à la mode de faire des comparaisons, nous allons aussi céder à cette tentation.

Une étude publiée aux États-Unis en octobre 1985 fait ressortir des différences importantes dans l'évolution des subventions de fonctionnement versées aux universités canadiennes et américaines de même que dans le niveau de financement par étudiant de certaines universités. Vous allez trouver à l'annexe I du mémoire, aux pages 31 et 32, des chiffres qui sont fort éloquents. Vous observerez que 36 États américains ont accru leurs subventions aux universités à des taux plus élevés que n'importe quelle province canadienne. Vous verrez aussi que 22 États ont haussé leur appui financier à des taux supérieurs d'au moins 50 % à ceux de la province canadienne la mieux pourvue, c'est-à-dire l'Ontario. Vous verrez aussi, en regardant sur le graphique, le financement gouvernemental par étudiant de certaines universités canadiennes et de certaines universités américaines; à ce niveau, les universités des États-Unis reçoivent des subventions de beaucoup supérieures aux universités canadiennes. Enfin, dans ces tableaux, on présente une seule université québécoise - c'est un échantillon l'Université Laval. En 1984-1985, le financement était de 5680 $, un financement bien inférieur à la plupart des universités canadiennes. Par exemple, l'université d'Alberta recevait à ce moment-là 7500 $ par étudiant.

La situation continuera de se détériorer si des mesures adéquates ne sont pas envisagées et appliquées le plus rapidement

possible. À cet effet, le ministère de l'Éducation devrait reprendre l'exercice pour trouver les paramètres sensibles et les pondérations adéquates d'une nouvelle formule de financement, formule, d'ailleurs, déjà proposée par le ministère en 1984. Il y aura lieu: 1° de faire l'exercice ouvertement en consultant les acteurs du milieu, exercice qui a été aussi proposé par d'autres participants à cette commission parlementaire, les jours précédents; 2° de ne pas s'imposer a priori une enveloppe fermée, mais bien de déterminer le volume de cette dernière en fonction des besoins réels; 3° de faire en sorte que la formule de financement ne couvre que les coûts de fonctionnement, à l'exclusion des intérêts de la dette et de la location de locaux, si tel n'était pas le cas; 4° de faire le "procès" de l'application de la formule dite "historique" dans chaque institution afin que l'histoire serve de guide pour minimiser les risques de biais inhérents à cette formule et à ses modifications ultérieures.

Ne serait-il pas plus judicieux, pensons-nous, afin d'éviter les interventions ad hoc pour corriger localement et ponctuellement ces biais, que dans la mise en oeuvre d'une nouvelle formule on tienne compte de certains paramètres particuliers, spécifiques à chacune des institutions universitaires?

Ainsi, à côté des modalités de financement qui pondèrent selon les cycles d'études et selon certains secteurs, il importe d'introduire des variables tenant compte des distances, des densités de population, de l'environnement socio-économique, de l'allure inquiétante que prend le rapport professeurs-étudiants, du contexte de croissance rapide des jeunes universités et de la faiblesse des budgets d'investissement, notamment au chapitre des équipements scientifiques, élément sur lequel on reviendra et qui nous semble fort important.

Enfin, il faudrait, une fois ces priorités assurées par un financement adéquat, s'atteler à la consolidation des secteurs dits d'excellence et aux nouveaux champs d'action à développer, y compris dans les universités plus anciennes. En particulier, le développement des études de deuxième et troisième cycles, vital pour le Québec de l'an 2000, implique à la fois un effort de planification et de financement et un travail de réflexion à moyen et long termes, travail dans lequel les universitaires sont prêts à s'engager, mais è la condition que leur voix compte. J'ajouterai: toute planification sans consultation des universitaires nous apparaît illusoire. On a pu le voir tout récemment à l'Université de Sherbrooke, et d'une manière plus générale nous nous opposons à un mode de gestion autoritaire tel que le proposait hier le Conseil des universités.

Pour conclure sur cette question, nous tenons à rappeler que l'université contribue pour une bonne part à l'augmentation de la richesse collective du Québec, même si cette participation n'est pas toujours perceptible à court terme. Puisque l'enseignement supérieur est un véritable investissement, c'est en faisant le total des biens et services produits par ceux et celles qu'il a formés qu'on aura la somme, à ce jour, de sa véritable contribution. Comment expliquer, dans cette situation, le déclin relatif des budgets universitaires? Nous sommes convaincus que cela constitue à la fois une injustice et un mauvais placement qui empêchent notamment de prendre en compte dès maintenant la question de la relève du corps professoral. Cette question deviendra absolument dramatique d'ici à une quinzaine d'années. L'organisation d'un système universitaire ne s'improvise pas, il faut du temps et souvent le temps d'une génération.

Les professeurs d'université pressent le gouvernement de prendre publiquement position sur la place qu'occupe l'université dans le projet de société qu'il a pour le Québec.

Le deuxième point, l'endettement des institutions universitaires. Le récent endettement des universités québécoises est causé par deux maux conjugués: d'abord un sous-financement chronique dont les effets récurrents pèsent de plus en plus lourd sur le service de la dette des institutions et les déficiences administratives au plan local ou central, notamment le gonflement des effectifs chargés de l'administration proprement dite, selon un processus de plus en plus fréquent, qualifié parfois de "bureau-pathologie". Quoi qu'il en soit, la responsabilité de l'État dans l'actuel endettement des institutions est patente: il ne peut, selon une vieille formule, s'en laver les mains. Il y a donc lieu de résorber la dette globale sur une période relativement longue, pour partir ensuite sur des bases nouvelles avec une nouvelle formule de financement plus réaliste.

Pour l'avenir, nous suggérons, premièrement, que les coûts de location des bâtiments ne soient plus à la charge des institutions dans le budget de fonctionnement. L'État serait bien avisé, comme le suggérait le Conseil des universités, de se porter acquéreur des immeubles plutôt que d'en être locataire et de faire assumer les coûts locatifs par un tiers; deuxièmement, que les subventions versées en retard soient majorées en tenant compte du loyer de l'argent.

Le troisième point de cette partie du mémoire, la participation du gouvernement fédéral au financement des universités. Constatant que le gouvernement fédéral finance environ 50 % du coût de l'enseignement supérieur au Canada et étant conscient que les ententes fédérales-provinciales sont négociées tous les cinq ans, nous proposons, pour l'équilibre du financement des

universités québécoises, qu'une politique de transfert conditionnel paritaire - et non pas une politique de transfert constitutionnel paritaire; il y a un lapsus qui peut être significatif dans le document - donc, une politique de transfert conditionnel paritaire soit introduite sur la base de l'excédent des dépenses per capita de fonctionnement universitaire par province sur les dépenses per capita selon une base nationale. Ceci, bien sûr, dans la seule mesure où les ententes conclues en matière d'accessibilité soient respectées.

Pour de plus amples renseignements au sujet de cette question, je vous renvoie à la position de la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec à la commission Macdonald en avril 1984. Je vous renvoie aussi pour toute cette question à un document que possède le ministre de l'Enseignement supérieur, M. Ryan, réalisé par Gaétan Lévesque, en mars 1985, sur les questions de fiscalité et de transferts fiscaux au niveau de l'enseignement supérieur.

Un autre point, les sources de revenus des universités autres que les subventions gouvernementales. Il n'y a pas, de notre part, d'objection de principe au fait que des revenus d'autres sources que gouvernementales parviennent aux universités, à condition, bien sûr, que cela ne mette pas en péril la mission et l'autonomie de celles-ci. Les professeurs d'université attirent l'attention sur l'avantage qu'il y aurait à étudier de plus près les mécanismes de la fiscalité pour favoriser encore plus ceux qui s'intéressent à la dotation en faveur des universités. Par exemple, les dons et dotations pourraient être favorisés par une fiscalité appropriée. On pourra y revenir d'une manière plus précise. Aussi, on pourrait imaginer une contribution particulière des grandes entreprises à la formation universitaire et, nous pensons, sous forme de taxe. (10 h 30)

Quant aux diverses campagnes de financement, elles devraient pouvoir continuer en permettant aux donateurs d'obtenir des dégrèvements fiscaux. Cependant, nous tenons à rappeler qu'elles ne doivent pas se substituer au rôle de l'État. Le rôle de l'État, vous le voyez, est pour nous fort important dans le développement de l'enseignement supérieur et de la recherche.

L'aide financière aux étudiants, la question de l'accessibilité qui nous préoccupe tous. Hier, Mme Blackburn se posait un certain nombre de questions au sujet du degré d'accessibilité de nos universités et invitait les universitaires à effectuer des recherches. Je répondrai qu'il existe déjà quelques études à ce sujet qui montrent la relative grande ouverture du milieu universitaire depuis une dizaine d'années, entre autres, par la plus grande présence des femmes au niveau des études supérieures -elles représentent plus de 50 % des étudiants réguliers - et aussi au niveau de la participation qui est demeurée relativement stable, et on pourra en discuter, de la proportion des enfants issus des couches dites populaires qui n'a pas beaucoup bougé, même s'il y a une ouverture beaucoup plus significative que dans d'autres pays, entre autres les pays dits de l'Europe.

Je pense que sur la base d'un certain nombre de données récentes on pourrait discuter et voir qu'il y a, à ce moment, un certain nombre d'acquis. L'université québécoise sur ces plans est plus démocratique que beaucoup d'autres universités dans le monde et nous on s'interroge sur une modification des politiques d'accessibilité, on s'interroge sur les effets de ces politiques.

L'aide financière aux étudiants doit être repensée en tenant compte des nouvelles conditions socio-économiques dans lesquelles ils sont placés, où bon nombre de services autrefois gratuits entraînent maintenant des déboursés importants.

Puisque le taux de fréquentation de l'enseignement supérieur au Québec est l'un des plus bas au Canada, l'accès à cet enseignement doit être favorisé, de même que la persistance dans les études doit être encouragée. C'est tout spécialement l'obtention des grades supérieurs - 2e et 3e cycles - et le parachèvement des études a ces niveaux qui laissent à désirer, en particulier chez les francophones. Nous avons en annexe des tableaux qui le démontrent et je pense que les membres de la commission en sont déjà convaincus, quant au problème des 2e et 3e cycles au Québec.

D'où l'urgence de favoriser l'accès des moins nantis et de soutenir la persévérance dans les études et l'obtention des diplômes de niveaux supérieurs. Tout en sachant que la gratuité n'assure pas à elle seule l'égalité d'accès à l'université, il faut reconnaître que les frais de scolarité, même minimes, constituent un obstacle réel pour les plus démunis. Mais ce sont plus encore les frais de subsistance qui font obstacle à l'accès aux études universitaires et à la fréquentation à temps plein jusqu'à l'obtention du diplôme. Ainsi, il faut non seulement maintenir les frais de scolarité à leur niveau le plus bas, mais subventionner les étudiants les plus démunis au 1er cycle.

Quant au pourcentage du montant attribué en bourse, il devrait être réévalué à la hausse, car le rétrécissement des possibilités d'emploi offertes aujourd'hui aux finissants nuit considérablement au remboursement éventuel.

En conclusion - et cela indique un peu notre orientation générale sur cette question - nous disons que les étudiants doivent être

traités comme des adultes autonomes et qu'ils doivent jouir d'un revenu suffisant si cela s'avère nécessaire. Nous disons aussi que l'aide accordée aux étudiants ne doit pas être fonction des revenus des parents. Nous disons, troisièmement, que les étudiants des 2e et 3e cycles doivent être soutenus par des avantages spécifiques tels que bourses d'excellence, salaires d'assistants, salaires de moniteurs.

Enfin, il nous semble que les étudiants devraient pouvoir bénéficier de certains programmes de création d'emplois comme cela se fait en Ontario où chaque étudiant des 2e et 3e cycles entre à l'université avec une quasi-certitude de revenus d'environ 7000 $ ou 8000 $.

Le dernier point de cette section, le financement de la recherche universitaire. La recherche, nous l'avons déjà souligné, constitue une des missions spécifiques de l'université. Elle consiste d'abord dans le développement des arts, des connaissances et des sciences, mais aussi dans la diffusion des résultats. Les professeurs d'université appuient la déclaration récente du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, et je cite: "Les pays industrialisés investissent des sommes considérables dans leurs projets de recherche et de développement et le Canada, s'il veut rester concurrentiel, n'a d'autre choix que de suivre leur exemple. Les universités sont d'une importance stratégique pour la recherche canadienne". Fin de la citation.

Nous n'avons qu'une seule réserve à formuler à ce sujet: l'intervention de l'État ne doit pas signifier un contrôle sur les activités de recherche et leurs orientations, mais bien respecter la logique de développement de la recherche, le mode de fonctionnement des équipes de chercheurs et, enfin, l'autonomie des établissements universitaires.

Le sous-financement des budgets de fonctionnement des universités n'encourage certainement pas les professeur(e)s cher-cheur(e)s à développer la recherche. En effet, il y a un lien direct entre le financement des universités et le développement de la recherche puisque, dans la situation actuelle, l'aide financière des organismes gouvernementaux ne porte que sur le coût direct de la recherche. C'est un point qui a été à plusieurs reprises souligné par d'autres intervenants. Or, les universités se plaignent, et pour cause, de cette situation: elles sont incapables d'assumer les coûts indirects de la recherche. Un de nos vice-recteurs à l'enseignement et à la recherche ne faisait pas de l'ironie lorsqu'il déclarait, à la suite de l'annonce d'une importante subvention de recherche octroyée dans le cadre du programme d'actions structurantes, que son université, entre guillemets, "acceptait" ladite subvention, comme s'il s'agissait là d'un autre fardeau dont il aurait préféré sans doute se passer.

Il faut bien reconnaître que les universités ne peuvent assumer leur rôle que si ce rôle, au niveau des coûts indirects, est reconnu explicitement par le gouvernement dans sa politique de financement de l'enseignement supérieur. Qui plus est, en négligeant de comptabiliser les frais indirects de la recherche dans les subventions aux universités, le gouvernement québécois prive celles-ci des frais indirects qui pourraient provenir des sources fédérales de financement de la recherche.

Les professeur(e)s d'université n'ont pas d'objections à ce que s'établissent, au contraire, des liens entre les universités et l'entreprise, qu'elle soit privée ou publique, si la mission spécifique de l'université et son autonomie sont respectées. Je pense que ces éléments sont très importants. Les professeurs sont très ouverts à la participation avec le milieu de l'entreprise privée ou publique, mais à la condition que l'on puisse respecter la mission spécifique de l'université et son autonomie. Le gouvernement devrait même, pour stimuler davantage la recherche parrainée par l'entreprise et réalisée à l'université, consentir des points d'impôt aux entreprises qui contractent des recherches avec les institutions universitaires. Ce faisant, le gouvernement québécois utiliserait un puissant levier pour stimuler la recherche et le développement dans les universités, pour aider les entreprises à consacrer plus d'attention et de ressources à la recherche, au développement et au transfert technologique et, enfin, pour stimuler la collaboration entre les entreprises et les universités.

Je termine la présentation de cette partie en rappelant l'importance que nous accordons à la recherche. Il n'y a pas, pour nous, d'université sans recherche; il n'y a pas pour nous de véritables universitaires qui ne fassent pas aussi de la recherche. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président. Est-ce qu'il y a d'autres interventions de votre part?

M. Langlois: Oui, si vous permettez, M. Beaucage pourrait présenter la troisième partie du mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez.

M. Beaucage (Benoît): La gestion des ressources humaines et matérielles des universités. La gestion des ressources humaines et financières des universités peut être envisagée à partir de plusieurs points de vue. Pour les syndicats, cette question apparaît au coeur des principales clauses de leurs conventions collectives: ainsi, la tâche, la création de postes, la permanence, la

sécurité d'emploi, le plan de carrière, les principes d'évaluation, etc. Certains de ces points méritent qu'on s'y arrête un peu, puisque de vieux clichés relatifs au travail et au statut des professeur(e)s d'université réapparaissent comme des fantômes longtemps enfermés, qu'on ressort de temps en temps pour venir hanter nos consciences.

Commençons par la tâche.

La tâche des professeurs d'université s'articule essentiellement autour de quatre éléments principaux: l'enseignement, la recherche, l'administration pédagogique et le service à la collectivité. En ce qui concerne l'enseignement, un vieux mythe tenace (très ancien mais toujours vivant) veut que cet élément de la tâche professorale ne se limite qu'aux six heures par semaine de présence en classe. Cela est aussi absurde que de vouloir réduire le travail d'un ministre ou d'un député à ses seules heures de présence dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Les heures de préparation, qui consistent essentiellement en recherche et en lecture, pour maintenir l'enseignement à la fine pointe des connaissances, l'encadrement des étudiants, la correction des travaux et des examens multiplient plusieurs fois le temps d'enseignement.

Pour ce qui est de la recherche, on laisse parfois entendre qu'il ne s'en fait pas assez. On oublie cependant qu'on ne met souvent en lumière que la seule recherche subventionnée; c'est faire preuve d'une grande méconnaissance de l'activité réelle des universitaires pour qui la recherche libre demeure une tâche essentielle à laquelle les professeurs d'université consacrent une grande partie de leur temps. L'enseignement et la recherche constituent les éléments les plus importants de la tâche des professeurs d'université mais ne sont pas les seuls. En effet, ceux-ci doivent en outre participer à la détermination des objectifs de l'enseignement supérieur, veiller à leur application au niveau de leur propre université et de leur département, et, en même temps doivent jouer le rôle de celui qui réalise ces objectifs. En d'autres mots, il est à la fois et à tour de rôle gestionnaire, coopérant et exécutant! Directions départementales et modulaires, participation à divers comités de l'université, de la faculté, du département, du module ou même du syndicat, élaboration, évaluation et modifications de programmes: il serait assurément très long d'énumérer toutes les responsabilités que le corps professoral assume dans son ensemble pour le bon fonctionnement de l'université.

Il ne faut pas sous-estimer l'implication du corps professoral dans les services à la collectivité: de plus en plus, les divers groupes sociaux, les organismes communautaires, les associations socio-économiques font appel aux compétences universitaires pour les aider dans la préparation, la réalisation et l'évaluation de leurs projets.

Cette esquisse de la tâche d'un professeur d'université est nécessairement sommaire: seul le vécu peut donner une idée de ce que cela représente. Elle nous permet cependant de soutenir que les horaires sont extrêmement chargés, et les semaines de travail se comparent aisément à celles de tout autre professionnel. On ne peut pas appliquer à l'enseignement, notamment à celui du niveau universitaire, où la tâche n'est pas toujours immédiatement quantifiable, le principe ou mieux la fiction selon laquelle tout abaissement des coûts est synonyme de meilleure gestion. Il en est ainsi du pourcentage croissant d'activités confiées à des chargés de cours, dont le coût est évidemment moindre, mais dont on ne peut attendre une prestation comparable à celle des professeurs réguliers. Il en est de même de certains projets de modulation des tâches qui ont pour but, nous dit-on, de spécialiser chacun dans la partie de la tâche où il excelle. Cette vision de l'esprit ignore les rapports nécessaires entre enseignement et recherche, l'une enrichissant l'autre, le premier stimulant la seconde. De plus, la modulation ne peut se réaliser qu'au détriment des activités autres que l'enseignement. Ainsi, une augmentation de la charge d'enseignement aurait non seulement une répercussion sur la recherche et sa qualité, mais aussi sur l'ensemble de la tâche professorale, et donc sur la qualité de la vie universitaire en général

L'évaluation des professeurs. Cette tâche professorale, que nous avons essayé de décomposer en ses multiples éléments, est certainement bien remplie: divers types d'évaluation s'en assurent. Contrairement à l'impression généralement répandue, le professeur d'université est certainement l'une des personnes dont le travail est le plus constamment soumis à l'évaluation, et à des évaluations exigeantes, tout au long de sa carrière. Ses cours, ses projets de recherche, ses résultats, ses publications sont en permanence soumis à la critique des pairs, des autorités, des étudiants ou du public. Notre tâche s'exerce donc dans un processus d'évaluation dont les modalités peuvent varier d'une université à l'autre mais qui, invariablement, a ses moments privilégiés dans la carrière professorale: lors de la permanence, des promotions, des publications, des demandes de subventions, etc. (10 h 45)

La permanence acquise au cours d'une période de probation de plusieurs années, au minimum quatre ans, marque l'aboutissement normal d'une démarche où toutes les précautions raisonnables ont été prises. La permanence universitaire constitue, à nos yeux, la condition essentielle et l'armature de la liberté universitaire; elle assiste le

professeur dans sa fonction essentielle de fournir des opinions scientifiques, des critiques indépendantes, à l'abri de pressions indues de source interne ou externe; elle permet aussi la critique des doctrines, dogmes et opinions tout aussi bien que des règles et politiques de l'université et des associations de professeurs et est parfaitement compatible avec l'engagement fondé sur une quête sévère et rigoureuse du savoir.

Répartition de certains coûts. Il est anormal que les coûts de certaines fonctions de l'université ne soient pas uniformément répartis entre toutes les institutions du réseau, notamment l'enseignement sur le territoire. Cela conduit à l'existence de deux types d'universités: celles où plus de 80 % des cours sont assurés par des professeurs réguliers et les autres où cette proportion avoisine les 50 %. Or, cette tendance s'accentue avec les années et se complique par un grave déséquilibre entre les disciplines. Le refus de créer les postes d'enseignants, nécessaires dans les secteurs à forte croissance, amène une concentration de chargés de cours inconciliable avec la mission de l'institution universitaire.

Voici maintenant rapidement notre avis sur les modes de concertation. Il est important que, s'il y a concertation en vue de rationaliser les programmes offerts, cela se fasse en sauvegardant l'accessibilité et la qualité fondamentale de toute université, y compris les universités régionales. La rationalisation doit faire une place, la plus large possible, à la participation des professeurs(es) et ne doit en aucun cas se faire au prix de l'accessibilité. Nous refusons une rationalisation comptable, basée sur des critères étroits de rentabilité. S'il doit y avoir rationalisation, nous demandons qu'elle soit fondée sur les besoins de la société et sur la spécificité de la mission de l'université.

Si l'objectif de la présente commission n'est finalement que d'accroître la centralisation, nous tenons à rappeler que l'efficacité et l'innovation peuvent très bien s'épanouir dans des structures à l'échelle humaine.

En guise de conclusion, la réalisation de la mission de l'université appelle selon le moment ou la conjoncture des déterminations particulières: en fonction aujourd'hui de l'évolution de la science; en fonction aussi du développement des moyens de communication modernes; en fonction enfin des transformations de l'environnement économique et social, notamment des changements qui ont affecté le marché du travail du fait des innovations technologiques et de restructuration des entreprises industrielles et commerciales.

Le défi pour l'institution universitaire est de s'adapter au changement tout en maintenant sa vacation spécifique, de répondre aux diverses demandes sociales sans perdre son autonomie. Les enjeux que représente tout énoncé de politique de l'enseignement supérieur sont considérables, beaucoup plus considérables qu'on ne le pense à première vue, il y va du progrès de la connaissance (science) aussi de l'idée que l'on se fait de la société (démocratie). Les professeurs(es) d'universités se déclarent disposés(es) à relever ce défi, à condition qu'ils et qu'elles puissent participer à l'élaboration des nouvelles politiques et qu'on ne mette pas en péril le droit des citoyens à une éducation supérieure de qualité. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie. Il serait temps à ce moment-ci de laisser la parole au ministre. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de rencontrer ce matin avec mes collègues de la commission les représentants des professeurs des universités du Québec. Dans la déclaration que j'avais le plaisir de faire à l'ouverture de nos travaux, j'ai signalé que, dans l'université, deux éléments sont essentiels, soit, d'un côté, les professeurs et, de l'autre côté, les étudiants. Si on n'a pas cette communauté de professeurs et d'étudiants, on n'a pas d'université. Il y a beaucoup d'autres intervenants qui sont au service de ces deux fonctions majeures, mais les deux fonctions majeures de l'université sont à la fois l'approfondissement de la connaissance et la transmission du savoir. Les deux facteurs clés sont évidemment les professeurs et les étudiants. C'est pour cela que, dans l'examen que nous faisons des orientations et du financement de nos établissements universitaires, il est très important que nous entendions votre point de vue.

Dans le mémoire que vous avez présenté à la commission, vous nous énoncez plusieurs orientations à caractère général au sujet desquelles je tomberais d'accord sans hésitation. J'ai particulièrement noté dans votre mémoire les passages où vous parlez des dépenses que nous faisons pour l'enseignement universitaire comme d'un investissement et non pas de dépenses au sens le plus trivial du terme. Je pense que c'est profondément vrai. Plus nous réfléchissons aux perspectives d'avenir de la société québécoise et même de la société canadienne tout entière, plus nous devons nous rendre compte que la qualité de notre avenir sera fortement conditionnée par la qualité des investissements que nous faisons aujourd'hui dans tout le secteur de l'éducation.

Dans des périodes de rareté des ressources comme celle que nous connaissons depuis maintenant quelques années, les

investissements dont la rentabilité est plus à long terme ont plus de mal à justifier leur légitimité que d'autres qui répondent à des besoins beaucoup plus visibles et beaucoup plus pressants à l'oeil nu. Mais il n'empêche que, si on veut s'arrêter pour réfléchir, on doit essayer, comme gouvernants et comme citoyens, de chercher un équilibre entre les dépenses qui répondent à des besoins très immédiats qu'on ne saurait éluder et les dépenses qui préparent l'avenir et qui ont parfois l'air de ne pas répondre à des besoins immédiats ou dans lesquelles on a l'impression de pouvoir couper plus impunément, moins douloureusement. Mais, dans une perspective de long terme, je pense qu'on se rend compte que le coût éventuel pourrait être beaucoup plus lourd qu'on ne veut l'admettre.

Le paradoxe ou le problème du Québec en matière de volume de ressources consacré aux universités me paraît être le suivant: en proportion des dépenses publiques de l'État et même en proportion de la richesse collective, le gouvernement et la collectivité investissent dans l'enseignement universitaire, mais surtout le gouvernement investit dans l'enseignement universitaire une part de son budget qui est plus forte que la moyenne dans le reste du Canada. C'est vrai si l'on se place autant sous l'angle strict du budget de l'État que sous l'angle plus large du produit intérieur brut de l'ensemble de l'économie. Mais, en même temps, si nous analysons les ressources qui sont effectivement dépensées pour chaque étudiant dans nos universités, l'effort du Québec a glissé ces dernières années derrière celui de la province voisine de l'Ontario, laquelle déclare elle-même que son effort est l'un des plus bas de tout le Canada.

Comment expliquer ce paradoxe? Je pense qu'il s'explique par la politique d'accès très ouverte que nous avons pratiquée depuis une quinzaine d'années au Québec et qui a créé pour nos universités un niveau de besoins supérieur, en moyenne, à celui de l'ensemble du Canada à cause de la hausse spectaculaire du taux de fréquentation de nos établissements universitaires par la population, en particulier, à cause de l'ouverture de l'enseignement universitaire à des catégories de plus en plus larges de citoyens.

Alors, il y a un paradoxe. D'un côté, une personne qui se situe dans une perspective rigoureuse d'examen strict des finances publiques peut dire: Nous dépensons déjà trop pour nos universités en comparaison de ce que nous faisons dans d'autres secteurs et en comparaison de ce que font les autres sociétés. D'autre part, on peut dire avec autant de fondement que nous ne consacrons pas à nos universités autant de ressources que les autres provinces canadiennes. Il faut essayer de faire voir ce problème bien clairement et, ensuite, en tirer honnêtement les conclusions qui se dégageront de l'examen du dossier.

Dans cette perspective, j'apprécie hautement l'apport que vous fournissez ce matin è notre recherche commune et je pense que, sur bien des points que nous devons examiner, votre mémoire nous apporte un éclairage qui sera très utile.

Je reviendrai tantôt à certaines questions que je voudrais vous adresser, mais avant d'en venir là je vais peut-être aborder un autre aspect sur lequel je n'ai pas l'intention de vous interroger, ce qui ne vous empêche pas de faire des excursus tantôt pour répandre à ce que j'aurai dit là-dessus. Vous avez parlé de l'endettement des universités et vous dites, avec justesse dans une bonne mesure, que cet endettement est attribuable, en grande partie, aux politiques de sous-financement qui ont été pratiquées par le gouvernement au cours des huit ou neuf dernières années.

D'autre part, un certain nombre d'établissements universitaires sont venus rencontrer la commission ou viendront la rencontrer et nous disent que cet endettement est aussi la responsabilité première des administrateurs de chaque établissement. Certaines universités n'étaient pas mieux financées que d'autres et n'ont pas accumulé de déficit, d'autres en ont accumulé. Des universités nous demandent formellement de ne pas prendre en charge, au nom de la collectivité, des déficits encourus par certaines institutions. Nous n'avons pas tiré de conclusion encore sur cette question. C'est une question que nous continuons d'examiner.

J'ai noté que, lorsque la Conférence des recteurs et principaux s'est présentée devant la commission, c'est un point sur lequel elle nous a avoué qu'il lui avait été impossible de réaliser un accord entre ses membres autour de propositions précises qui auraient pu être soumises à la commission. C'est un point qui est quand même dans le paysage. Nous connaissons tous la situation de quelques institutions en particulier qui sont très méritantes par ailleurs et qui doivent faire face à un fardeau d'endettement qui entrave sérieusement leur fonctionnement.

Je voudrais en venir peut-être maintenant à certaines questions qui se dégagent de votre présentation et qui nous intéressent plus spécialement. Vous avez parlé de la tâche de l'enseignant, du statut de l'enseignant, je pense que c'est la question principale autour de laquelle nous sommes intéressés à vous interroger. Je vais vous poser une question bien simple de ce point de vue tout en ayant lu, avec attention, ce que votre mémoire nous dit à ce sujet. C'est vrai que l'enseignement proprement dit n'est qu'un aspect de la

tâche du professeur. C'est quand même un aspect fondamental, c'est une composante tout à fait majeure de la responsabilité qui est attribuée au professeur d'université. C'est tellement important que dans le cas des chargés de cours, par exemple, c'est l'unité qui sert à mesurer la rémunération qui leur sera versée. C'est l'aune dont on se sert pour procéder à leur engagement. Je pense qu'on ne peut pas nier que cela occupe une place absolument fondamentale dans tout examen qu'on voudra faire du professeur d'université.

Maintenant, dans le mémoire qu'il a présenté à la commission, le Conseil des universités évoquait certaines données que je vais résumer brièvement. On disait, dans ce mémoire, que la tâche en nombre de cours par année du professeur d'université dans l'ensemble du Canada, selon diverses sources, serait de cinq à six par année. On disait qu'au Québec, en moyenne, elle est de quatre à cinq et que dans les universités francophones, que vous représentez surtout ce matin, d'après ce que je crois constater, elle serait de quatre.

Une voix: ...

M. Ryan: Excusez-moi. Très bien. Elle serait de quatre. Pourriez-vous expliquer cette situation? D'abord, est-ce que vous connaissez la justesse de ces données statistiques? Deuxièmement, comment peut-on l'expliquer? Troisièmement, comment peut-on la corriger de manière à effacer ou faire reculer une impression qui s'en dégage et qui contribue peut-être è alimenter certains préjugés comme ceux que vous dénoncez dans le reste de votre présentation?

Je sais très bien, vous n'avez pas à me faire la démonstration à moi, que dans le genre de travail que vous faites, si on voulait mesurer strictement en termes quantitatifs, on manquerait l'essentiel. D'autre part, ces données nous sont présentées par des organismes sérieux. Je pense que nous devons apporter une réponse claire à cette question et c'est pourquoi je vous l'adresse, M. le président.

M. Founier: J'aimerais peut-être, M. le ministre, faire une intervention un peu plus générale à la suite de votre intervention et revenir sur cette question plus spécifique. Je pense que l'analyse que l'on doit ou que l'on peut faire du système d'enseignement universitaire doit tenir compte du contexte historique. On a tous beaucoup investi, surtout dans les années soixante et, je pense, en misant sur des questions, entre autres, telles que l'accessibilité, point que vous avez souligné, de telle sorte qu'on peut expliquer en partie le coût plus élevé de l'enseignement universitaire au Québec qu'en Ontario.

(11 heures)

Par ailleurs, je pense que c'est important de le noter, la situation du Québec demeure défavorable par rapport à l'Ontario. Je me réfère ici à une étude non publiée de Mme Marie-Andrée Bertrand sur les professeurs d'université au Canada, qui a été produite pour Statistique Canada. Elle remarque que, de 1960 à 1980, le nombre de professeurs au Canada s'est multiplié par 4; en Ontario, par 5; au Québec, par 3,29; donc, un avancement moins rapide au Québec par rapport à l'Ontario et même au Canada en ce qui concerne l'augmentation du nombre de professeurs. Par ailleurs, en 1982, le Québec avait la plus faible proportion de professeurs par 1000 personnes de 18 ans et plus; le Canada, 1,9; l'Ontario, 2,1; le Québec, 1,6. Elle poursuit son étude en analysant différents indicateurs de productivité. On s'aperçoit qu'en termes d'étudiants équivalent temps plein, de 1972 è 1982, il y a une augmentation pour le Canada de 37 % et pour le Québec de plus de 50 %. Donc, vous voyez qu'avec des ressources moindres, les professeurs des universités du Québec ont réussi une performance non négligeable. Je pense qu'il faut prendre cela en considération.

Un autre élément sur lequel je pourrai revenir un peu plus tard dans la discussion concerne la réaction des étudiants et le type de relations entre les étudiants et les professeurs. Le sondage que les étudiants ont publié il y a quelques jours donne un certain nombre d'informations au grand public, mais ne touche pas toute la question du degré de satisfaction des étudiants à l'égard des universités et, entre autres, des universitaires. Je pense que c'est important d'évaluer le travail qui s'est fait dans ces termes. Le travail des professeurs est souvent négligé, mal connu. Ce qu'il est intéressant de noter - je pense qu'on doit en être au fond un peu fier parce qu'il est rare qu'on ait ce type de gratification auprès du public - c'est que la satisfaction des étudiants face à la qualité de la formation est très élevée: plus de 80 % des étudiants se disent satisfaits et très satisfaits de la qualité de la formation universitaire.

Deuxièmement, sur la capacité de motivation des professeurs, plus de 75 % des étudiants se disent satisfaits et très satisfaits. Face à l'encadrement offert par les universitaires, 73,7 % des étudiants et étudiantes se disent satisfaits et très satisfaits. Face aux outils pédagogiques, manuels, bibliothèques, 75 % sont satisfaits. Le seul point où ils sont un peu plus critiques concerne le caractère appliqué de l'enseignement. Autour de 60 % - 59,8 % -se disent satisfaits et très satisfaits, donc plus critiques à l'égard de cette dimension de l'enseignement. Globalement, il y a des efforts considérables qui ont été fournis par

les professeurs eux-mêmes et qui donnent, je pense, une productivité au niveau de la formation - on pourrait aussi voir au niveau de la recherche - relativement élevée et un taux de satisfaction qui nous étonne. Je pense qu'on doit le prendre en considération. Pour répondre à votre question d'une manière plus particulière, on peut faire différents calculs. Je laisserai la parole sur cette question à mon collègue de l'université de Trois-Rivières.

M. Beaucage: Rimouski. M. Fournier: De Rimouski.

M. Beaucage: Je regrette, je suis encore à Rimouski. Pour rappeler un peu ce que disait M. le ministre, hier, la question évoquée par le Conseil des universités suscite un petit problème de méthodologie. Je ne sais pas exactement ce qu'il mesure lorsqu'il parle de la tâche des professeurs dans les provinces autres que le Québec. Il faut bien se rendre compte que, dans les autres provinces, ce qu'on appelle ici le cégep est assimilé en partie aux universités et que ce sont des professeurs de "college" qui font à la fois des cours qu'on appellerait ici de niveau cégep et qui sont des cours universitaires. Sans déprécier en quoi que ce soit ce que font les professeurs de cégeps, il ne s'agit pas de cours de la même nature. Si on amalgame des cours de première année -première année chez les anglophones, qui est l'équivalent du cégep ici - à des cours spécialisés de troisième année de baccalauréat, ce n'est pas du tout de la même chose dont il s'agit. C'est le premier point. Comptons les mêmes choses et ensuite on saura laquelle des deux tâches est importante.

À la suite de cela, il existe - c'est ma seconde remarque - dans beaucoup d'universités anglophones, je n'ai pas de chiffres, mais j'ai des collègues, des cours qui s'échelonnent sur deux sessions. Par exemple, le cours d'histoire du Canada, vous le commencez en septembre, vous le continuez en janvier. Ce n'est pas du tout la même chose que de donner histoire du Canada en septembre et, par exemple, la révolution industrielle au Québec au XXe siècle. Il y a deux préparations extrêmement différentes. Donc, les cours de certaines universités anglophones, à ma connaissance, se prolongent sur deux sessions, ce qui diminue la préparation qui est nécessaire. Or, ce que calcule ici le Conseil des universités, c'est le nombre d'heures de présence. Évidemment, quelqu'un qui donne un cours et qui le prolonge à la deuxième session est considéré comme ayant donné deux fois les heures de présence, par amalgame, deux cours.

Le troisième et dernier élément que je soulignerai là-dessus...

M. Ryan: Voulez-vous m'excuser juste une seconde?

M. Beaucage: Oui.

M. Ryan: Ce que calcule le Conseil des universités, c'est le nombre de cours par année.

M. Beaucage: Oui, mais que font-ils avec les cours qui se répercutent sur deux sessions? Cela n'aurait plus de sens. Si les cours se répercutent sur deux sessions, ce n'est pas cinq à six cours que donneraient les anglophones, c'est huit ou dix. J'aimerais avoir des précisions là-dessus, cela ne m'apparaît pas clair.

M. Ryan: Je vais vérifier.

M. Beaucage: C'est peut-être clair pour eux.

Le troisième et dernier élément, c'est que dans les universités des autres provinces que le Québec où le degré de syndicalisation est moins important qu'ici, les cours, me dit-on, ne sont pas répartis uniformément entre les diverses catégories hiérarchiques de professeurs. Les jeunes professeurs, qui ont les classes de cégep dont je parlais tout à l'heure, ont, eux, des charges très lourdes. Les gens plus âgés, plus chenus, se contentent de groupes plus réduits, et, par conséquent, il est assez difficile de comparer le Québec où la syndicalisation est assez avancée, où les charges de cours sont relativement uniformes entre les professeurs, où il n'y a pas de hiérarchie stricte de professeurs au moins dans tout le réseau de l'Université du Québec, avec un système qui est tout à fait différent. Voilà pourquoi -cela va me rendre muet d'ailleurs - je n'ai pas été convaincu par cet argument du Conseil des universités.

M. Ryan: On va passer à une autre question à moins que vous n'ayez quelque chose à ajouter là-dessus.

M. Langlois: Un complément d'information, si vous me le permettez. Il faut penser aussi que, dans le calcul de la somme de travail qui est effectuée par les professeurs, si on s'en tient uniquement à une comptabilité d'heures de cours, cela pourrait, au regard de l'Ontario en particulier, ne pas représenter tout à fait un calcul juste dans le sens que le disait mon collègue, mais aussi on parle de syndicalisation, il faut considérer que certaines universités, certains syndicats de professeurs universitaires comportent des directeurs de département, par exemple, qui assument aussi une fraction de direction ou d'administration peut-être plus importante que dans des universités anglophones

ontariennes. Peut-être que ce facteur-là pourrait fausser quelque peu les calculs basés uniquement sur des chiffres d'heures de cours.

M. Ryan: Juste une dernière question là-dessus. Je pense que c'est la même chose dans les universités avec lesquelles on fait des comparaisons, par exemple. L'étude de Mme Bertrand dont a parlé M. le président, est-elle disponible? Vous avez dit qu'elle n'avait pas été publiée.

M. Fournier: Cette étude a été finalement rendue à Statistique Canada par Mme Marie-Andrée Bertrand au début de l'été. Elle doit d'abord rendre des comptes à cet organisme, avant que cet organisme ne diffuse ce document. Je pense qu'elle sera elle-même très disposée à faire connaître ces informations.

M. Ryan: Vous l'avez citée. Est-ce que je pourrais vous demander si, à votre connaissance, elle traite du sujet de la charge d'enseignement dans cette étude?

M. Fournier: Non, je ne pense pas qu'elle la traite comme telle. Elle traite, entre autres, de la question de l'âge du corps professoral, quelque chose de fort important, des différentes catégories de professeurs, professeurs adjoints, professeurs agrégés, professeurs titulaires, et des comparaisons entre les universités et les provinces. Je pense que c'est important de voir si le vieillissement est plus rapide ici qu'en Ontario. Il est un peu moins rapide pour l'instant.

Elle compare aussi, elle analyse la présence des femmes dans le milieu universitaire. On sait que les étudiantes sont fortement présentes dans le milieu universitaire, mais les professeurs féminins ne représentent au Québec que 15 % des professeurs d'université. Donc, il y a un rattrapage fort important à faire à ce niveau.

À la suite de votre question, j'ajouterais un point de vue additionnel concernant les charges. Je comprends que le Conseil des universités ait été très prudent sur cette question et qu'il ait immédiatement ajouté, par ailleurs, les charges de cours, c'est-à-dire le nombre d'étudiants par cours. Le ratio étudiants-professeur est beaucoup plus élevé dans les universités du Québec que dans les universités de l'Ontario. Donner des enseignements à cinq, dix, quinze ou une vingtaine d'étudiants, c'est très différent, en termes de charge d'enseignement, de la charge que je peux avoir à l'université où il y a, dans mes cours de premier cycle, des groupes de 120 à 150 étudiants. Je pense qu'il n'y a aucune commune mesure au niveau de la tâche d'enseignement entre un professeur qui a une dizaine ou une vingtaine d'étudiants... Aussi, il faut tenir compte de la différence entre le premier cycle, le deuxième cycle et le troisième cycle, la direction des étudiants des deuxième et troisième cycles, c'est-à-dire les séminaires, ainsi que la direction des thèses, qui est un travail extrêmement long qui exige une grande patience, je pense, pour en avoir dirigé plusieurs et avoir vu plusieurs de mes collègues en diriger. Cela demande des rencontres, des lectures et beaucoup de suivi jusqu'à la présentation des thèses et des mémoires. Dès le moment où une université développe beaucoup les deuxième et troisième cycles, il s'accroît considérablement des tâches d'encadrement de cet ordre qui sont non seulement la direction des travaux, mais aussi la lecture et l'évaluation des autres étudiants. Nous avons à composer des comités d'évaluation des examens au niveau du deuxième et du troisième cycle. Nous avons aussi à composer des jurys de deuxième et troisième cycles. Lorsque la recherche se développe, nous sommes aussi, en tant que professeurs-chercheurs, amenés à faire l'évaluation des projets de recherche de nos collègues, de telle sorte qu'uniquement le travail que j'appellerais d'encadrement d'évaluation de ce qu'est l'enseignement des deuxième et troisième cycles et aussi de l'ensemble de la recherche en milieu universitaire constitue, pour plusieurs de nos collègues, une tâche considérable.

M. Ryan: J'aimerais continuer là-dessus, mais il y a une couple d'autres sujets dont je veux m'entretenir avec vous, et le temps qui est imparti à chacun est assez limité.

Dans votre mémoire - je pense que c'est vers les pages 13 et 14 - vous dites que le sous-financement des universités est une cause majeure de l'endettement qu'on constate actuellement et d'un certain appauvrissement de nos institutions universitaires. Vous dites qu'il y a une deuxième cause importante et vous l'appelez la "bureaupathologie", c'est-à-dire le gonflement des charges administratives. J'aimerais que vous nous donniez des explications là-dessus et que vous nous disiez comment vous en êtes arrivés à considérer que la "bureaupathologie" est une des deux causes majeures de la situation financière difficile dans laquelle se trouvent aujourd'hui les universités du Québec.

M. Beaucage: Vous touchez là une question un peu délicate, parce que ce problème ne se ressent pas de la même façon dans toutes les institutions. Dans les petites institutions - quand on a fait le présent mémoire, c'est ce qui en est ressorti - ce mal semble moins apparent que dans les grandes. Dans les grandes institutions - je vais donner un exemple - le processus est le

suivant. Quelqu'un est nommé doyen avec une fonction et une de ses premières préoccupations consisterait - je viens d'une petite université; je tiens bien à me situer -à trouver le justificatif pour engager un doyen adjoint qui lui-même trouverait le justificatif pour engager un assistant. On peut y aller comme cela selon toute la hiérarchie, la nomenclature. Les professeurs n'ont pas cette possibilité de s'engager des assistants; ils doivent eux-mêmes faire face à la musique, à leur classe d'étudiants ou à leur groupe d'étudiants gradués.

C'est ce qu'on a voulu décrire ici par "bureaupathologie". On a quand même mis cela dans un certain ordre. Ce n'est pas un hasard. La première des causes qui nous apparaît la plus importante, c'est le sous-financement. On retrouve cette cause dans toutes les institutions, petites et grandes. Depuis le système de coupures qui date de quelques années, les universités qui bouclaient leur budget et même, dit-on sous le boisseau, parfois, faisaient quelques menus profits, les universités se sont retrouvées déficitaires. Ce déficit est récurrent et cumulatif. Cela nous apparaît la véritable cause. Qu'il y ait quelques doyens adjoints planqués en quelque lieu, il fallait le mettre parce que certains de nos membres trouvaient que c'était important, mais la vraie raison nous apparaît d'abord le sous-financement. (11 h 15)

M. Ryan: Vous ne trouvez pas que c'est une cause de même importance que la première.

M. Beaucage: Je ne crois pas.

M. Ryan: Très bien. Dites-moi donc, les salaires de nos professeurs de l'Université du Québec à l'heure actuelle, comment se situent-ils par rapport aux moyennes canadiennes? Ce qu'on observe dans les autres provinces.

M. Fournier: C'est une question aussi complexe que l'évaluation, disons, de la tâche du professeur étant donné qu'existent des variations très significatives - je dis très significatives - entre les institutions, que ce soit même sur le campus de l'Université de Montréal, entre l'Ecole polytechnique, certaines facultés, et HEC, et, d'autre part, disons d'autres facultés ou départements. Il y a une variation, selon la façon de calculer, par exemple, l'ancienneté. Entre les universités aussi il y a des variations significatives. On arrive à une moyenne générale qu'on peut dire autour de 43 000 $, 45 000 $ pour les professeurs des universités, allant jusqu'à un maximum de 60 000 $ et 65 000 $ pour les professeurs les plus vieux qui auraient poursuivi toute une carrière universitaire d'une trentaine d'année. Nous avions, à l'Université de Montréal, effectué quelques données comparatives et c'est très difficile, parce qu'il faut tenir compte aussi des strates, comparer, disons, chaque groupe d'âge les uns avec les autres et, pour beaucoup de groupes d'âge, nous avions vu que, par exemple, entre l'Université de Montréal et l'Université de Toronto - je devrais avoir les données pour cela; je ne les ai pas ici. On pourra vérifier par la suite et vous les transmettre - il y avait une variation, souvent, d'environ de 4000 $ à 6000 $ entre les professeurs de l'Université de Montréal, que l'on dit une bonne université, et ceux d'une très grande université comparable au niveau du Canada, qui est l'Université de Toronto.

Pour une même catégorie de professeurs, prenons les professeurs agrégés, il y avait une variation d'environ de 4000 $ à 6000 $ à l'avantage des professeurs d'université d'Ontario.

M. Ryan: Pour quelle année?

M. Fournier: Nous l'avions fait, nous, pour l'an 1984-1985.

M. Ryan: Merci. Vous n'avez pas de raison de croire que pour d'autres catégories, de manière générale, la situation serait radicalement différente?

M. Fournier: Lorsque vous parlez d'autres catégories...

M. Ryan: Là vous avez cet écart pour une catégorie bien définie de professeurs avec tant d'années d'enseignement, j'imagine, etc.

M. Fournier: C'est évident qu'on peut comparer - si vous me le permettez, M. le ministre - même par rapport au cégep, on peut dire: Bon, è certains moments c'est comparable, à d'autres moments cela ne l'est pas. Il y a certains avantages négociés par les syndicats des universités, par exemple, quant à la longueur par rapport à l'enseignement collégial. On arrive à un plafonnement, disons, à un âge beaucoup plus avancé qu'au niveau collégial et c'est un avantage non négligeable. Par ailleurs, pour les premières catégories de professeurs, c'est-à-dire les professeurs adjoints, ceux qui entrent dans la fonction à temps plein comme professeurs réguliers, on s'aperçoit là aussi d'écarts considérables et on a actuellement dans chacune de nos universités de la difficulté à recruter des jeunes professeurs compétents, soit qu'ils soient tentés d'aller vers d'autres provinces, soit qu'ils sont tentés d'aller vers l'entreprise privée.

En ce qui concerne les catégories des jeunes professeurs, je n'ai aucune hésitation

à dire que les échelles - tout au moins pour la région de Montréal. Je sais qu'à l'Université Laval il y a des variations. On a réussi à la suite de négociations à réduire l'écart entre les plus jeunes et les plus vieux. C'est un acquis, disons, de l'action syndicale. Je considère que pour la région de Montréal il y a pour les premières catégories de professeurs un retard très important à combler si on veut assurer ce qu'on appelle le véritable renouvellement du corps professoral en allant chercher les individus les plus compétents de la jeune génération.

M. Ryan: J'aurais une dernière question. J'ai regardé l'ensemble de vos propositions. Il y en a plusieurs qui sont très intéressantes et que nous allons retenir pour un examen plus approfondi. Vous pouvez en avoir l'assurance. Il y a une question qui me venait a l'esprit en faisant la liste des propositions que vous avez incluses dans votre mémoire. C'est la question des coûts. Je ne sais pas si vous avez fait une estimation des coûts qu'impliquerait la mise en oeuvre de toutes les propositions qui sont présentées dans votre mémoire. Je prends seulement un exemple au chapitre de l'aide financière aux étudiants. Il y a des propositions très intéressantes, mais quand on propose par exemple d'accorder le statut d'autonomie à tous les étudiants, ce statut, comme vous le savez, est déjà accordé aux étudiants des deuxième et troisième cycles. S'il fallait l'accorder à tous les étudiants qui sont admis à l'université, d'après des estimations que nous avons faites au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science ces derniers mois, le coût pourrait varier de 600 000 000 $ à 800 000 000 $. Il y a les autres propositions que vous faites également, et c'est la question que je vous adresse: Est-ce que vous avez fait une compilation au moins exploratoire du coût éventuel de ces propositions? Deuxièmement, est-ce que vous avez des propositions à faire quant à la manière d'assurer le financement de ces propositions dans l'hypothèse où le gouvernement les retiendrait?

Je remarque que vous demandez le maintien du gel des frais de scolarité, également. Je pense que vous voulez que le gel des frais de scolarité soit maintenu. Alors, par quels moyens? D'abord, quel serait l'ordre de grandeur de vos propositions? Nous pourrons vous donner une idée de cela dans quelque temps si cela vous intéresse. De plus, si vous l'avez fait, vous autres, cela m'intéresse d'avoir le résultat de votre exercice, et deuxièmement, par quels moyens assurer le financement de ces mesures?

Je signale en passant - et là-dessus, si vous n'avez pas la même opinion que nous, j'aimerais bien connaître votre réaction aussi - que déjà, d'après les données que nous possédons, le régime d'aide financière aux étudiants universitaires du Québec est le plus libéral de tous ceux qui existent au Canada.

M. Fournier: La question que vous soulevez est fort complexe. Je pense que la perspective que nous avons dans la présentation de ce mémoire était aussi une perspective où la dimension financière était présente. C'est évident que les propositions qu'on a faites... sans les calculer de manière très précise, on a quand même tenu compte de l'ordre de grandeur possible pour une société comme la nôtre en essayant aussi d'équilibrer, à la fois, certaines propositions avec d'autres propositions. Ce qui veut dire qu'on est très sensible au problème des transferts fiscaux venant du gouvernement fédéral et, d'autant plus sensible, que le gouvernement du Québec a été toujours très fidèle à cette politique et a toujours dépensé à des fins d'éducation ce qu'il recevait du Canada - ce qui n'est pas le cas de l'Ontario - de telle sorte qu'une baisse significative des transferts fiscaux risque de grever d'une manière importante les budgets des universités.

Je pense que, concernant d'autres sources de revenus, on suggère une intervention plus forte des entreprises à travers, entre autres, des aides à la fiscalité. C'est évident que ce sont des sources qui peuvent venir combler et qui sont difficiles à évaluer pour l'instant. Tout dépend, disons, des avantages fiscaux que le gouvernement pourrait accorder aux entreprises. Donc, l'évaluation de ce qu'on pourrait obtenir dans nos propositions est aussi difficile à évaluer comme l'évaluation exacte des dépenses.

Ce qui me semble important, je pense, en ce qui concerne les étudiants, c'était évidemment la question de l'accessibilité qui pour nous est un acquis qu'il faut préserver. On dit dans notre mémoire que l'accessibilité est l'élément le plus important. Viennent ensuite, évidemment, les frais de scolarité qui doivent être évalués et réajustés en tenant compte aussi des modalités des prêts et bourses. Je pense que sur cette question des frais de scolarité et de l'accessibilité, notre mémoire est très nuancé.

Par ailleurs, je pense qu'on doit être conscients, en tant que professeurs et vous tous aussi, ici, en tant que parents d'enfants qui peuvent fréquenter l'université, que les études universitaires sont quand même des moments privilégiés pour les jeunes générations et on doit, finalement, leur permettre de pouvoir le faire et s'y consacrer dans la mesure du possible à temps complet. Le sondage réalisé par les étudiants montre, si je compare avec l'étude que j'ai faite en 1978, que le nombre d'étudiants à temps plein qui travaillent pendant l'année a tendance à s'accroître et s'est accru d'une manière significative. C'est donc dire que, pour les étudiants qui veulent poursuivre à

temps plein des études universitaires pendant trois, quatre ans, une majorité ou une proportion fort importante, autour de 50 %, donc la moitié, doit travailler les soirs ou les fins de semaine pour assumer ou assurer la subsistance nécessaire, à la poursuite des études. Ces données nous semblent montrer que la situation financière faite aux étudiants est inacceptable. Je pense qu'il est inacceptable qu'une nouvelle génération qu'on forme à l'université ne puisse pas se consacrer à temps plein pendant trois, quatre ans à des études universitaires sérieuses.

M. Beaucage: J'aurais voulu ajouter simplement, à propos du statut d'autonomie, qu'il nous apparaît un peu bizarre que des gens qui ont atteint l'âge de perdre leur vie sur le champ de bataille ou ailleurs et qui ont des droits complets de citoyens soient encore considérés comme des mineurs au plan financier. Il me semble qu'il y a quelque chose qui blesse un peu à ce sujet. Parfois les parents ne les aident pas, parfois les parents les aident peu. Les étudiants eux-mêmes n'ont pas de moyens concrets pour extorquer à leurs parents les sommes qui leur seraient nécessaires et même dues. Cela les place dans une situation relativement difficile. À mon sens, l'État devrait intervenir là. Comment financer la note? Lorsqu'on a rédigé le mémoire, on s'est posé la question à plusieurs reprises. Certains d'entre eux ont été frappés par le grand succès qu'ont rencontré dans le public les REA et toutes sortes de systèmes qui permettent d'acheter des actions et d'avoir des avantages fiscaux importants. Je reviens à la notion d'investissement que vous avez soulignée tout à l'heure. À partir du moment où on pourrait vendre littéralement l'enseignement supérieur comme un investissement capital, cela donnerait lieu, je crois, à des possibilités d'investissements avec dégrèvements fiscaux. C'est une des méthodes bien entendu. L'autre méthode, personne n'est assez obscène pour en parler, c'est d'augmenter les impôts ou des choses comme cela. Mais on ne parle pas de cela.

M. Ryan: Évidemment, vous laissez cela au gouvernement! On ne traite pas des sujets disgracieux dans votre milieu. J'ai juste une dernière question, si vous me permettez, nonobstant que j'avais dit tantôt que j'en étais à ma dernière. Il y a un point que je ne voudrais pas laisser passer inaperçu. Vous faites une proposition concernant les paiements de transferts fédéraux en faveur de l'enseignement supérieur, une proposition qui consisterait à procurer aux provinces, si j'ai bien compris, des revenus d'appoint qui seraient conditionnés par la mesure dans laquelle les dépenses d'une province pour ses universités dépasseraient la moyenne nationale per capita. J'aimerais que vous donniez des explications sur cette proposition que vous faites et que vous nous disiez, si, selon votre jugement, elle respecte parfaitement les principes de souveraineté législative et administrative que le Québec a toujours voulu défendre dans ces matières.

M. Fournier: Je pense que, sur la dernière question, M. le ministre, je vous laisse juge et maître de la question. Si vous avez à nous faire un reproche sur cette question vous pouvez nous le transmettre et nous dire qu'on a erré ou non sur cette question, ce qui ne me semble pas le cas. Cette question a été abordée en profondeur dans le mémoire des fédérations des professeurs d'université présenté à la même commission ici en 1984. C'est un mémoire sur la question de la fiscalité et sur la question du coût de fonctionnement des universités. C'est un mémoire très bien fait et qui réunit beaucoup d'informations. J'aimerais bien finalement que les membres de la commission puissent aussi regarder attentivement ce mémoire dont on reprend les grandes lignes sans nécessairement réunir l'ensemble des données.

Le point de vue qui avait été développé à ce moment était d'opter pour une politique d'encouragement et non une politique de punition pour les délinquants, et de dire, finalement, lorsqu'il y a plus d'argent qui est consenti pour l'université et pour l'enseignement postsecondaire... Actuellement, on risque de punir, c'est-à-dire que si une université ne donne pas assez, ou un système québécois ou un système gouvernemental ne fournit pas assez, on a tendance, dans la politique actuelle, à punir. Alors que nous, on a dit que, plutôt que de jouer du bâton, on serait beaucoup mieux de jouer de la carotte et de dire finalement: Ceux qui font leur devoir sur ces questions et qui font plus que leur devoir devraient bénéficier de montants additionnels en vertu du système de transferts fiscaux. Je crois que c'était la perspective d'ensemble. Une perspective qui est d'encourager des provinces comme celle du Québec. À ce sujet, on était très conscients de la qualité du travail réalisé sur ces questions par le gouvernement du Québec au cours des dernières années, dans une période où le gouvernement fédéral cherche de plus en plus à réduire ses transferts fiscaux.

M. Ryan: Merci bien.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. Fournier. Le temps qui était imparti au parti ministériel est maintenant épuisé. Je donne la parole au porte-parole officiel de l'Opposition, en matière d'éducation, la députée de Chicoutimi. (11 h 30)

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

M. le président, M. Fournier, madame et messieurs, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue en mon nom personnel et au nom de ma formation politique. Le mémoire que vous nous présentez, la perspective dans laquelle vous le placez me plaît bien. Il ne voulait pas, je pense bien, comme beaucoup le souhaiteraient, apporter des réponses à toutes les questions qu'on se pose, mais les bonnes questions sont posées et vous apportez certains éléments de solution.

Je ne ferai pas une longue présentation parce que je préférerais d'abord vous entendre. J'aimerais simplement vous dire que je partage les préoccupations du ministre de l'Éducation quant à la nécessité d'investir dans l'avenir. II s'agit ici, je pense, entre nous, de convaincre ce gouvernement que la seule voie qui puisse nous assurer un développement économique certain, c'est celle de la scolarisation, que les universités jouent un rôle capital dans le développement économique et que l'éducation demeure encore aujourd'hui - certaines études américaines l'auraient démontré - l'investissement le plus rentable. On estimait qu'il nous rapportait environ 10 % annuellement, selon une certaine étude - il faudrait que je la retrouve - qui est citée dans un mémoire, en termes de rendement.

Vous comprendrez donc que ma préoccupation touche à fois la qualité, le développement de l'université et son accessibilité. Tout à l'heure, le président rappelait les propos que j'ai tenus hier. J'aimerais les resituer un peu. Il ne s'agissait pas pour moi de m'interroger sur l'existence d'études qui avaient pu être faites pour mieux comprendre la composition sociologique des clientèles universitaires. Je ne doute pas que cela ait déjà été fait. Ce que j'ignore -cela doit exister, cela a dû être fait de façon un peu plus partielle et sectorielle -c'est s'il existe des études qui nous permettent de mieux cerner le problème, dont on connaît les principaux éléments ou facteurs, qui fait qu'encore aujourd'hui des jeunes, malgré que notre université soit relativement accessible et dans plusieurs cas très ouverte, avec des frais de scolarité relativement bas, avec une aide financière, reconnaissons-le, qui n'est quand même pas négligeable, au Québec estiment que l'université et l'enseignement supérieur, ce n'est pas pour eux. Une fois qu'on a cherché, il faut aussi trouver et, à un moment donné, essayer d'appliquer certaines solutions. Il serait souhaitable qu'on essaie d'imaginer ce que pourraient être les scénarios qui nous amèneraient à renverser cette situation. C'est dans cette perspective que je voulais me placer.

Je pourrais vous dire aujourd'hui que, si l'on m'assurait qu'une partie des nouvelles sommes d'argent injectées dans les universités nous permettraient d'avoir, au Québec, une vision plus claire de cette situation de même qu'une vision plus juste des solutions ou des moyens qui pourraient être mis en place pour renverser cette situation, je serais moins réticente lorsqu'on veut inviter les jeunes à participer davantage au financement des universités.

Par ailleurs, vous dites disposer de données sur la composition sociologique des étudiants dans les universités. Il serait intéressant - en tout cas, personnellement, je serais intéressée - d'avoir cette étude parce qu'on ne l'avait pas refaite depuis la fin des années soixante-dix. Alors, si on pouvait l'avoir, cela m'intéresserait particulièrement. Que la situation au Québec soit plus démocratique qu'elle ne l'est en Europe, c'est heureux! Notre population est moins stratifiée sociologiquement. Le peuple québécois est un peuple jeune et j'espère qu'on évitera le plus longtemps possible ce genre de stratification.

J'aimerais aborder avec vous la question de la tâche. Même si le ministre l'a abordée longuement, j'aimerais l'aborder sous un autre angle. Aux pages 24 et suivantes de votre mémoire, vous me semblez assez réfractaires, je dirais, a ce que pourrait être une modulation de la tâche des professeurs comme on l'a souvent entendu. Moi je me demandais si, sans nuire à la qualité, on pourrait, si on était vraiment dans une situation qui nous y oblige, envisager une modulation de la tâche, un peu sous le forme que certains étudiants, je ne dirais pas des associations, envisagent, c'est-à-dire ceux qui ont beaucoup plus de facilité et de qualités pour la communication, ceux qui en ont davantage pour la recherche, qu'on essaie donc de faire une modulation qui permettrait de tenir compte davantage de ces qualités et de ces compétences.

L'autre volet de ma question ce serait: En visant un tel exercice, est-ce qu'il est possible d'augmenter ou de réduire de façon significative le nombre des professeurs dans les universités, parce que je pense bien qu'il y a une certaine recommandation qui nous y invite? Ensuite, je reviendrai peut-être sur un autre volet des chargés de cours.

Mme Dagenais: J'aimerais revenir sur la première partie de votre intervention, parce que je pense que les professeurs sont très sensibles aux questions d'accessibilité - vous vous en êtes rendu compte - une bonne partie de notre mémoire est là-dessus. Personnellement, j'y suis peut-être plus sensible que d'autres dans le sens où j'ai eu une formation de l'ancienne école, c'est-à-dire de l'école normale et ensuite l'enseignement. J'ai fait mes cours à temps partiel à l'université, donc j'ai travaillé en même temps, ce qui fait qu'il y a une sensibilité,

chez un certain nombre de professeurs, qui est plus développée pour ces questions.

Je pense qu'on n'a peut-être pas de réponse à donner actuellement. Il faudrait effectivement des études sociologiques beaucoup plus poussées. Je ne sais pas s'il y en a eu récemment, mais certainement que c'est une invitation à leur faire de toute façon, s'il n'y en a pas eu, pour vérifier l'origine des étudiants et des étudiantes dans nos universités. Moi il y a un facteur, je pense, qu'on ne peut plus négliger, étant donné la conjoncture actuelle et étant donné la réputation ou l'image négative et parfois et même très souvent récemment transportée de l'université, des professeurs d'université et des étudiants. Je ne pense pas que dans une société, quelle qu'elle soit, l'image négative d'une occupation puisse entraîner les plus jeunes et les autres classes qui y ont moins accès à vouloir y pénétrer.

Je pense qu'une des choses à faire est peut-être justement de s'interroger sur les priorités qu'on a accordées aux universités et l'image qu'on fait aux universités justement par la dévalorisation économique de ces activités. Je pense que c'est très important, et les professeurs, de toute façon, ont même entrepris des actions pour changer cette image négative et les étudiants, hier, ont beaucoup insisté sur l'aspect de la recherche. Cela m'amène à la deuxième partie de votre intervention; la modulation des tâches. Ce que les professeurs disent c'est qu'il faut faire très attention de ne pas adopter pour la modulation des tâches ce qu'on nous imposerait actuellement, c'est-à-dire augmenter le nombre de cours. La tâche de l'enseignant et de l'enseignante à l'université c'est tellement plus que cela. Tant qu'on n'aura pas compris cela - parce qu'on n'aura peut-être pas donné aux professeurs l'occasion de vraiment expliquer ce que c'est, parce que beaucoup de gens ne le savent pas - j'ai l'impression qu'on va toujours se retrouver avec ce genre de discours et qu'on n'ira nulle part, parce que les professeurs vont vous dire que ce n'est pas possible d'augmenter.

Les étudiants demandent la qualité, pas seulement la quantité. La qualité, eh bien, cela prend du temps. Autrement dit, vous donnez six heures de cours, cela veut dire de la préparation. J'ai l'impression que souvent les gens s'imaginent qu'on répète la même chose. Je regrette, j'enseigne depuis onze ans et je passe encore beaucoup de temps à préparer mes cours. Je suis incapable d'imaginer, en plus des autres tâches et de la recherche... Et la recherche, peut-être aussi, il faudrait la considérer comme une formation. Les professeurs qui font de la recherche ne s'enferment pas dans leurs bureaux pour faire leurs recherches tout seuls. Ils travaillent avec des étudiants et des étudiantes gradués. Cette partie de ce travail n'est jamais inscrite nulle part. Les étudiants travaillent beaucoup, mais les professeurs aussi. Cela prend encore du temps. Cela ne fait pas partie de la tâche d'enseignement comme telle. C'est en plus. C'est au niveau de la recherche qu'il faut faire cela.

L'administration des universités se fait beaucoup de façon collégiale. Lorsque vous faites partie de comités de programmes, de comités au niveau de la faculté, de syndicats pour faire avancer les choses aussi à ce niveau, les 40 heures de la semaine que font les autres travailleurs je peux vous dire que les professeurs les font aussi. Je pense qu'il va falloir changer peut-être - nous avons commencé le discours - parler de qualité, mais donner peut-être plus de détails de ce que cela signifie en termes d'heures, en termes de présence pour atteindre une qualité avec les étudiants. Les étudiants sont très sensibles, les professeurs aussi, mais je ne suis pas certaine que l'image qui est renvoyée dans le public soit celle de la qualité de notre travail. Je pense que nos efforts vont beaucoup dans ce sens-là. Notre mémoire a beaucoup insisté sur ces aspects qui ne sont jamais mis en cause. On a l'impression que tout ce qui compte ce sont les chiffres.

M. Beaucage: J'avais quelques remarques complémentaires à formuler, madame. Il y a des liens, notre mémoire le montre, entre enseignement et recherche. Vous avez presque évoqué un mythe ici -vous me permettrez de le signaler - qui distingue parmi les enseignants, les professeurs. Ceux-qui font de l'enseignement sont éloquents, on les compare pratiquement à des monologuistes, des "show men", on entend toutes sortes de choses là-dessus; et il y aurait, à côté de cela, les chercheurs, qui ont la poitrine creuse, qui travaillent en cabinet. Je pense qu'il faut plutôt voir les relations entre les deux volets de cette même personne. Ce sont des structures intellectuelles en ordre. Il est aussi difficile de parler éloquemment que de chercher éloquemment. Les chercheurs qui ne sont pas capables de s'exprimer ne sont pas plus capables d'écrire. On peut toujours trouver dans des répartitions statistiques ce qu'on appelle des bouts de cloche, donc quelqu'un qui n'est absolument pas éloquent mais qui pourrait écrire à la limite. Mais, de manière générale, les chercheurs sont capables d'enseigner et les enseignants sont capables de chercher. Voilà pourquoi il faut arrêter d'essayer de nous spécialiser. Il s'agit de la même chose, ce qui change c'est le média, le medium. Le reste, c'est pareil. Élaborer un plan de cours ou élaborer un article... L'article s'élabore à partir de sources primaires, bien entendu, et le cours s'élabore à partir d'études secondaires dans la plupart

des cas, c'est la différence; pour le reste c'est une démarche qui relève de la même logique. On ne peut pas dire: Un tel, tu parles bien, tu te farciras six cours et toi tu es bègue, tu t'en farciras un. Cela ne peut pas se diviser comme cela. Voilà pourquoi nous résistons avec la dernière énergie aux tentatives de modulation.

M. Fournier: Mme la députée de Chicoutimi, j'ajouterais, si vous me le permettez, un commentaire à la suite de votre question d'une part sur la modulation des tâches et, si vous le souhaitez, peut-être sur la question de la démocratisation du système d'enseignement. Sur la modulation des tâches je dirai finalement simplement qu'elle existe déjà d'une certaine manière mais gérée par les unités départementales d'elles-mêmes. Lorsqu'un de nos collègues est nommé par son assemblée pour diriger un département ou pour diriger un module ou pour diriger un niveau, un cycle, premier ou deuxième, on lui octroie finalement des crédits d'administration. Lorsqu'un de nos collègues est élu à un poste au niveau d'une association ou d'un syndicat, il est reconnu qu'une partie de son travail sera de cet ordre-là. Il y a même des organismes subventionnaires, je citerais le conseil de recherche en sciences humaines pour ce secteur-là, le Conseil des sciences et aussi au Québec certaines actions structurantes qui impliquent finalement au moment de l'obtention de ces subventions que le professeur se transforme pour un certain temps, un an ou deux, en chercheur à temps plein. Donc, il existe déjà un certain nombre de formules. Personnellement - c'est un point de vue que je dirais - je pense que cette forme de modulation gérée par les assemblées et les unités départementales est fort souhaitable et se réalise. Par ailleurs, il ne faut pas que ces modulations de tâches prennent un caractère permanent. Je ne vois pas que des professeurs d'université, pendant toute une carrière, ne fassent que de l'administration ou une part importante d'administration. Je souhaite toujours qu'il n'y ait pas de carrière d'administrateurs ou même de syndicalistes dans nos milieux universitaires et que l'on puisse revenir. Vous voyez les problèmes que pose actuellement dans nos universités le retour à la base des anciens recteurs et vice-recteurs. Je pense qu'il est important à ce niveau-là qu'il n'y ait pas de modulation permanente et que la définition de l'activité du professeur, quitte à ce que, selon un semestre, selon une année, selon deux ans, elle soit modifiée, demeure globalement celle que l'on définit: enseignement, recherche, service à la collectivité, et j'inclus aussi dans cela l'administration.

Mme Blackburn: Je m'attendais tout à fait à ce que vous nous teniez ce discours-là, sauf que c'est la première fois qu'on l'entend de façon plus ferme. De la part des étudiants cela a été hier, où ils font une association très étroite entre la qualité de l'enseignement et la qualité du chercheur lui-même, de sa recherche. Je suis d'accord avec vous que cela nous permet, à tout le moins, de revenir sur cette espèce de mode qui, si je me rappelle, a pris naissance quelque part en 1981.

Cependant, cela me préoccupe parce que dans certaines universités, 50 % de l'enseignement est dispensé par des chargés de cours. (11 h 45)

M. Beaucage: Votre question devrait être adressée au ministre de l'Enseignement supérieur.

Mme Blackburn: Je...

M. Beaucage: Nous avons soulevé cette question que la moitié des enseignants... Pour être plus précis, il y a une variante par institution, c'était 48 % à Rimouski, 47 % ou 48 %. Cela n'a pas beaucoup de sens et c'est ce qui existe présentement. Cela semble être le sort qui nous est réservé pour un bon nombre d'années. C'est ce que nous déplorons, bien entendu. Les chargés de cours font des efforts extraordinaires. On n'a pas à défendre ici leur propre croûte, ils viendront le faire eux-mêmes, j'imagine. Ils font des efforts extraordinaires compte tenu de leur rétribution, quelques milliers de dollars pour préparer un cours neuf. Mais on ne peut pas leur demander d'encadrer les étudiants. On ne peut pas leur demander non plus de préparer des cours d'une aussi grande ampleur que ceux des professeurs permanents puisqu'ils n'ont jamais la certitude de répéter ces cours. C'est comme s'ils investissaient des centaines d'heures pour une fois seulement. C'est un peu la question qui se pose. On est inquiet, nous aussi.

Mme Blackburn: Donc, si j'accepte votre argument selon lequel il y a un rapport étroit entre qualité et recherche et, si je me fie à cet indicateur, on peut dire qu'au cours des dernières années, la qualité de l'enseignement s'est détériorée du fait qu'on a de plus en plus d'enseignement qui est dispensé par des professeurs qui n'assurent à peu près pas l'encadrement et qui ne font pas de recherche; je pense aux chargés de cours.

M. Fournier: Je pourrais compléter l'intervention de mon collègue, Mme la députée de Chicoutimi. Sur cette question, nous sommes conscients, même si on est très contents du taux de satisfaction des étudiants face à notre enseignement, d'une détérioration des conditions d'enseignement,

que ce soit au sujet de l'instrumentation scientifique - je pense aux laboratoires - que ce soit au sujet des bibliothèques. La capacité d'obtenir rapidement des livres nouvellement publiés est quasiment illusoire de même que la possibilité d'obtenir, pour des travaux sérieux, la documentation sur place. Il y a au niveau des bibliothèques un effort considérable à faire. Un effort doit être fait immédiatement parce que, faire un rattrapage dans ce domaine, c'est souvent très long et beaucoup plus coûteux que le travail continuel. C'est la même chose au sujet des resssources disponibles dans les universités. Pour l'Université de Montréal, il y a eu le fameux rapport Lacroix sur la productivité des professeurs. On a comparé la productivité des professeurs des universités du Québec à d'autres universités. Les chiffres ne sont pas mauvais. Je pense que, globalement, il y a une bonne productivité du corps enseignant, sauf qu'on n'a pas tenu compte des ressources et qu'on n'a pas tenté de comparer entre l'Ontario et le Canada les ressources disponibles pour ces professeurs. Les ressources en personnel de secrétariat sont beaucoup moins grandes qu'antérieurement, que ce soit la photocopie, l'utilisation du téléphone, toutes les choses qui forment l'infrastructure quotidienne d'un professeur et d'un chercheur à l'université et, je dirais aussi, pour l'ensemble des étudiants, si on tient compte du système audiovisuel. Pour tous ces aspects, tous les outils, toutes les ressources pédagogiques et matérielles qui sont offertes habituellement au corps professoral et aux groupes de chercheurs, globalement, on est conscient d'une très nette diminution de la qualité de ces ressources. Et on continue, je pense, à fournir un travail que je dirais exceptionnel en dépit de ces conditions qui paraissent, pour certains d'entre nous, quasi insupportables.

Mme Blackburn: II y a une question que vous abordez dans votre mémoire et qui touche l'évaluation, à la page 25, si je me rappelle bien. Vous dites: "Notre tâche s'exerce donc dans un processus d'évaluation dont les modalités peuvent varier d'une université à l'autre mais qui, invariablement, a ses moments privilégiés dans la carrière professorale: lors de la permanence, des promotions, des publications et des demandes de subventions, etc." Vous connaissez la position des étudiants là-dessus, les jeunes de façon générale, plus particulière, je dirais. Je sais que dans plusieurs universités, il y a un mode d'évaluation qui associe beaucoup les étudiants à l'évaluation des professeurs et de l'enseignement de façon particulière. Vous n'avez pas donné de précisions là-dessus.

M. Beaucage: Je peux expliquer pourquoi. Les modalités qui existent dans chacune des universités varient assez considérablement. Dans le réseau de l'Université du Québec, auquel j'appartiens, il y a, pour chaque cours, une évaluation de l'enseignement qui est faite par les étudiants, parfois même deux fois dans la session. Or, ce n'est pas le cas dans toutes les autres universités. C'est une partie du processus d'évaluation. Les étudiants évaluent le cours. Ensuite, ces évaluations ou leurs synthèses - là encore, il y a beaucoup de modalités - sont concentrées à la direction du programme ou du module et servent ou peuvent servir lors de l'évaluation du professeur. Encore une fois, dans le réseau de l'Université du Québec, les professeurs sont évalués par leurs pairs, par des membres de l'assemblée départementale, tous les trois ans. S'ils demandent une promotion ou la permanence, ils sont évalués d'une manière spéciale à cette occasion. On voit donc déjà l'évaluation par les étudiants et l'évaluation par les pairs.

Il y a un autre volet de l'évaluation par les pairs qui est très important, celui qui entoure la production scientifique. Dans des colloques, des congrès, des jurys, des arbitrages de revues, chez les éditeurs des comités de lecture, tous ces processus convergent pour faire de notre métier - c'est ce que nous soutenions d'ailleurs dans une version précédente, je pense, qui est restée sur les tablettes - l'un des métiers les plus évalués: chacun des cours, chaque session. Je vous mets au défi: Est-ce qu'il y a un fonctionnaire qui est évalué autant que cela?Est-ce qu'il y a un professionnel libéral qui est évalué autant que cela, sinon par des procès? Je n'ai jamais vu cela. On est les seuls, je pense.

Une voix: ...

M. Beaucage: Pardon?

Une voix: Les politiciens.

M. Beaucage: Non, tous les quatre ans, vous autres.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Beaucage: Parfois, vous êtes bien évalués et parfois pas.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Messieurs, s'il vous plaît, si vous voulez éviter ces discrétions.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous ai dit au début que c'était dans un cadre formel et qu'on pouvait discuter d'une

façon informelle, mais, quand même, il ne faut pas aller trop loin. Je vous écoute.

M. Beaucage: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Ne vous excusez pas.

M. Beaucage: Donc, il y a des mécanismes d'évaluation qui sont è tous les niveaux, qui font intervenir plusieurs secteurs, y compris les organismes auxquels on fournit les services, à l'occasion, comme experts de certains types de questions. Ils peuvent tout à fait envoyer a nos comités d'évaluation les rapports qu'ils veulent en disant: M. Untel a participé; on n'est pas contents de sa participation. Cela va dans nos rapports d'évaluation. On est donc très évalués, y compris à chaque session, dans chaque cours. C'est vraiment assez lourd. Mais ce n'est pas, en général, le genre de discours que tiennent les directions universitaires. On passe pour des gens qui ne sont pas trop évalués et ce n'est pas le cas. On tient à rassurer la commission là-dessus, mais les mécanismes varient d'une institution è l'autre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Madame.

Mme Blackburn: Je le sais pour avoir travaillé dans un organisme où on parlait beaucoup d'évaluation. Je connais passablement les modes d'évaluation existant chez vous. Je suis également assez sensible et assez informée, je pense, par rapport à la tâche des professeurs. Il me semble aujourd'hui et ce qui semble être véhiculé beaucoup, ce sont des jugements fondés sur une méconnaissance. Je me demandais jusqu'à quel point ce n'était pas beaucoup parce que les universités ne s'étaient pas suffisamment ouvertes sur leur milieu; j'allais dire qu'elles n'étaient pas suffisamment transparentes. Je ne sais pas comment je l'exprimerais, mais il y a certainement quelque chose qui fait qu'aujourd'hui, au Québec, comme un peu ailleurs aussi, mais particulièrement au Québec, on a une méconnaissance que je trouverais nocive ou négative de la tâche et l'importance du travail effectué par les professeurs dans les universités.

J'aimerais revenir un peu sur toute la question de... D'abord, très brièvement, sur le financement. Lorsque vous parlez des déficits, vous ne semblez pas favoriser un plan de résorption des déficits qui serait aux frais de l'université déficitaire. Ce que j'ai cru comprendre dans votre mémoire, c'est que l'État a des responsabilités; donc, il devrait résorber les déficits. Est-ce que je vais trop loin?

M. Fournier: Vous avez en partie raison en ce sens que - là, il faudrait peut-être faire la comparaison entre ce qui s'est fait dans d'autres secteurs - l'idée est la suivante. C'est que l'on fasse pour le milieu universitaire ce que l'on a fait finalement pour le milieu hospitalier. C'est à peu près l'intention générale en ce qui concerne le déficit.

Mme Blackburn: Je vais revenir brièvement, parce que je veux laisser le temps à mes collègues d'intervenir sur toute la question de l'accessibilité et de la démocratisation. Vous avez tout un chapitre qui traite de cette question et vous parlez d'un certain nombre de mesures devant favoriser l'accessibilité, des mesures d'assistance revalorisée. Vous en indiquez un certain nombre, mais on sait que le problème que j'évoquais tout à l'heure prend sa source très jeune et bien avant l'université et que la sélection se fait, je dirais, dès la petite enfance.

Cependant, une fois que les jeunes sont rendus dans les universités, on sait qu'il persiste des écarts parce que, même rendus là, ils s'y adaptent moins bien. Ils arrivent avec des dossiers scolaires moins bons et moins de support à la maison. Donc, plus de difficulté à poursuivre, à terminer des études. Est-ce que vous avez des études qui nous permettraient d'établir l'origine socio-économique de ceux qui connaissent le plus d'échecs et d'abandons qui nous permettraient de voir qu'il y a un rapport entre les jeunes issus des milieux populaires par rapport aux autres à ce niveau?

M. Fournier: Si vous me permettez, Mme Blackburn, rapidement, parce qu'on pourrait, sur cette question, s'engager dans un séminaire de recherches très approfondies. Vous connaissez peut-être très bien l'ensemble des travaux faits par le groupe ASOPE, qui avaient été financés par le ministère de l'Éducation, dirigés par M, Rocher et M. Bélanger. Il y a un chercheur ici de l'Université Laval, M. Massot, qui est un spécialiste de ces questions.

Personnellement, j'ai travaillé aussi sur les questions d'accès à l'enseignement universitaire. Les données que j'ai demandent une analyse un peu plus fine. On s'aperçoit qu'il y a un accès relativement élevé des jeunes filles et garçons des milieux dit populaires, c'est-à-dire filles et fils de cois bleus, à peu près 27 %; filles et fils de cols blancs, secrétariat, commis, etc., de l'ordre de 21 %. Ce qui veut dire qu'il y aurait 40 % à 48 % de jeunes issus des couches un peu plus démunies de la société globalement. Cela n'a pas bougé depuis 1978, ce qui ne veut pas dire que l'université pour autant est démocratique. Si on compare avec l'ensemble au niveau de la population dite active, il y a

encore une sous-représentation importante des fils et filles de la classé ouvrière. Je pense que c'est important de dire cela.

Donc, ces analyses sont complexes, il faut aller plus loin et voir ensuite par faculté et par secteur diciplinaire et voir que, par exemple, en santé ou en droit, c'est différent du secteur éducation. Donc, c'est une analyse complexe. Je terminerais en disant qu'au niveau universitaire on peut faire des choses importantes par des politiques d'accessibilité à l'université, mais je pense que cela s'inscrit, et vous en êtes consciente, dans une politique générale qui doit intervenir dès les niveaux du primaire, du secondaire et aussi du collégial.

On a très peu parlé ici du collégial et c'est aussi une des questions qu'on aurait bien aimé aborder, mais cela s'inscrit, comme on le voit en Californie et comme on le voit même sur l'île de Montréal, dans des politiques éducatives, sociales et culturelles beaucoup plus larges. Cela nous concerne, mais c'est évident qu'à l'université on est rendu au bout de la chaîne. On peut changer certaines choses à ce niveau, mais, si on veut que ce bout de chaîne fonctionne selon les paramètres que l'on s'est donnés, c'est évident qu'il faut travailler sur la base d'une politique sociale, éducative et culturelle générale.

Mme Blackburn: J'ai été un moment distraite, est-ce que vous possédez des études qui nous permettraient d'établir un rapport entre l'origine socio-économique et les abandons et échecs?

M. Fournier: Sur cette question, je pense que dans l'enquête ASOPE on peut, si mes souvenirs sont bons, trouver un certain nombre de données, parce qu'elle a fait une étude de cohorte, elle a suivi les étudiants en partant du secondaire jusqu'à l'université et elle a analysé les abandons à différentes étapes du cheminement scolaire. Donc, c'est une étude qui a été longue, complexe et qui fournit sur ces questions un éclairage qui m'apparaît intéressant.

Mme Blackburn: Cela m'amène à cette question, c'est-à-dire que le rôle de l'université, il me semblait... C'était là-dessus que je me demandais si vous aviez des mesures particulières d'encadrement, de soutien, d'assistance aux étudiants qui éprouvent certaines difficultés ou si, finalement, c'est un peu la loi du plus fort, c'est-à-dire, s'il ne réussit pas à s'en sortir rendu à l'université, qu'il retourne un peu chez lui faire ses classes.

M. Fournier: Présentement, si vous me permettez, rapidement, vous parlez du cas des classes défavorisées. II faut aussi, lorsqu'il s'agit d'accessibilité, tenir compte de différentes paramètres: accessibilité selon les régions, accessibilité selon les groupes hommes-femmes, accessibilité selon aussi les groupes ethniques, et c'est fort important. On sait que, actuellement, dans des universités de la région de Montréal, Concordia entre autres, on retrouve des proportions élevées d'enfants issus de familles dites néo-québécoises et je pense que c'est très important de regarder cela et d'appuyer ces populations qui s'intéressent de plus en plus, "investissent", entre guillemets, de plus en plus dans l'éducation pour leurs enfants et, évidemment, selon les classes sociales. (12 heures)

Je ne pense pas qu'il y ait de mesures, parce que cette variable, la variable origine sociale, n'est pas comme telle contrôlée par les institutions elles-mêmes, même pas sur les fiches d'inscription. Il est même, actuellement, difficile d'obtenir ces informations compte tenu de la loi du droit à l'information. Il faut faire une enquête auprès des étudiants. C'est de plus en plus complexe. Cette donnée est difficile d'accès et elle n'est pas prise en considération par les administrations, si ce n'est par le biais, je pense, de certaines interventions au niveau des capacités, je dirais, intellectuelles, par exemple au niveau de la maîtrise de la langue française.

Dans les universités, actuellement, on a des programmes. Par exemple, à Montréal vous avez le programme CAFÉ et il y en a dans d'autres institutions. Il y a des institutions qui pensent: Est-ce que c'est bon de mettre sur pied des examens? Mais ce sont souvent des mesures, je dirais, qui interviennent, non pas en fonction de l'origine sociale, mais en fonction de capacités intellectuelles particulières.

Mme Dagenais J'aimerais ajouter, pour le bénéfice des personnes ici présentes, que les universités ont quand même fait des efforts. Là, je n'ai pas de chiffres, parce que je ne me suis pas préparée pour cela, mais je sais qu'il y a des efforts qui sont faits notamment pour recevoir des étudiants et des étudiantes adultes qui ont abandonné peut-être et qui ont eu ensuite des cheminements différents, pour reconnaître les acquis durant les années où ces personnes n'étaient pas à l'université.

Il y a aussi un autre aspect qui n'entre pas dans les statistiques non plus, que moi je vis et que beaucoup de professeurs, j'en suis sûr, vivent. C'est que souvent les étudiants et les étudiantes qui ont des problèmes au premier cycle ou au deuxième, mais souvent au premier, viennent voir les professeurs pour en discuter. Cela arrive qu'effectivement des personnes qui ont des difficultés viennent, simplement sur le plan humain, discuter avec nous. Cela aussi, ça prend du temps. Je pense que cela n'est inscrit nulle

part dans nos tâches, mais cela se fait. C'est un genre de "counselling", si vous voulez, qui peut aider, mais c'est très individuel. Il n'y a pas de structure, qu'on sache, pour l'instant.

Par contre, ce que j'ai constaté, c'est que souvent les problèmes des étudiants sont des problèmes d'argent. J'en témoigne parce que j'ai eu des étudiantes qui ont travaillé avec moi et qui ont des problèmes, mais vraiment au point où elles ne peuvent pas... Cela devient un cercle vicieux, c'est-à dire qu'il faut gagner des sous, donc on ne peut pas travailler sur la thèse; on menace que sa thèse ne pourra pas se poursuivre parce que cela fait trop de trimestres qu'elle est inscrite. Je pense à un cas tout à fait particulier, c'est un cercle vicieux: il faut travailler pour vivre et gagner de l'argent, et pendant ce temps là on ne peut pas étudier. Au premier cycle, il y a des cas. Moi, je connais des gens qui travaillent en même temps ou qui arrivent en retard à une session parce qu'ils avaient un emploi qui devait se poursuivre.

Je pense que c'est très important de le dire. Cela fait partie des priorités à développer, de considérer les étudiantes comme des adultes. On l'a dit et je pense qu'il faut le répéter.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Dagenais. Je reconnais maintenant le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, Bonjour à chacun et chacune d'entre vous. Juste un mot - très simplement parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps - pour vous remercier au moins, à tout le moins, sans porter un jugement de fond sur la qualité de votre mémoire. En ce qui me concerne, pour quelqu'un qui arrive de Vancouver, cela me prendrait plus de temps pour l'analyser, mais une chose qui est certaine, c'est qu'au niveau, par exemple, de la représentativité, c'est sûrement un mémoire qui méritait d'être entendu, compte tenu de la très large couverture qu'il a au niveau de sa représentativité. En cela, je suis très heureux que vous ayez eu au moins l'amabilité et également l'effort intellectuel de contribuer positivement à cette commission par un mémoire articulé, étoffé qui est très représentatif.

J'aurais deux questions rapidement. Une première, c'est sûr que la question est fondamentale: les difficultés financières vécues par le milieu universitaire. On aura beau prendre plusieurs semaines pour regarder cela et essayer de colliger les éléments sur lesquels il y a lieu de se questionner conjointement pour en déterminer les principales causes, on arrivera toujours, je pense, quelles que soient les carences du système, à la nécessité de demander plus à quelqu'un quelque part. Alors, ce sera le gouvernement, les étudiants, cela va être un effort au niveau des profs, au niveau de l'administration. Mais, ce n'est pas possible de retoucher à fond ce dossier sans être obligé, premièrement, pas nécessairement de demander plus de sacrifices à quelqu'un, mais il y a une partie du gâteau qui devrait être plus largement assumée par quelqu'un. Ce serait qui, d'après-vous, le quelqu'un qui devrait prendre la plus grande part à un moment donné dans ce dossier?

M. Fournier: On pourrait répondre par une boutade en disant: Étant donné que les étudiants sont nos électeurs, ne touchez pas è nos étudiants, quoi.

M. Gendron: Ce ne serait pas une boutade.

M. Fournier: Mais, je pense que dans le rapport on fait référence quand même à un certain nombre de moyens. On touche, évidemment... Un deuxième élément, qui n'a pas été comme tel souligné, c'est que vous avez utilisé le terme sacrifice. Je pense qu'au niveau salarial, depuis 1982-1983, les professeurs réalisent et font sur cette question-la, un sacrifice réel quant aux conditions salariales. Je pense qu'il ne faut pas le négliger. Nous avons peut-être été, nous, les professeurs, ceux qui ont, pour une part impartante, porté le poids des difficultés financières, à qui on doit faire porter, disons, le poids.

Je pense qu'il faut jouer, nous disions, à la fois du bâton et de la carotte. Je pense qu'il faut inciter des groupes a subventionner et à appuyer l'université avec les mesures fiscales, entre autres, les entreprises, soit par des incitations, soit par des taxes. Il me semble important que les grandes entreprises, l'entreprise au Québec, contribuent d'une manière beaucoup plus significative qu'elles ne l'ont fait au développement de l'ensemble du réseau universitaire.

On fait référence au rôle de la bureaucratie et des administrations. Je pense qu'on est conscient de la nécessité d'une administration plus rigoureuse de ces fonds qui sont des fonds publics par chacune des universités. Nous sommes les premiers lorsque nous avons une participation à des assemblées ou à des sénats à exiger des comptes de nos administrations.

Je pense que, lorsque le gouvernement exige des comptes, nous sommes très sensibles et très ouverts à ce type de chose et il y a des possibilités. Globalement, il faut aussi - c'est notre perspective considérer l'éducation comme un investissement collectif, à moyen et à long terme et que l'éducation et, entre autres, l'éducation supérieure et la recherche deviennent une priorité. On se dit, à ce moment, l'État doit continuer à subventionner d'une manière

significative l'ensemble du réseau.

M. Gendron: Cela me satisfait, parce que je sais qu'il y avait des éléments de solutions dans votre mémoire. Par contre, je voulais vous faire réaffirmer une orientation assez rapide au-delà des nuances qu'on peut faire. Il n'en reste pas moins que vous concluez, pas ex cathedra, en disant de ne pas regarder d'autre chose, mais, en gros, il faut augmenter la part de l'État, ce n'est pas assez significatif si effectivement l'enseignement universitaire doit être une priorité et surtout considéré comme un investissement qu'une société doit faire si elle veut progresser, et ainsi de suite.

Deuxième question, toujours assez rapidement: Je ne peux ne pas revenir sur la tâche, même si vous avez touché à cela, pour toutes sortes de raisons. D'abord, vous-mêmes, vous allez être d'accord, parce que vous dites: Le préjugé est tellement bien ancré, voulant qu'un prof universitaire ressemble davantage à un prof du secondaire. Cela fait encore moins que rien. Excusez, je parle du préjugé populaire; je ne suis pas d'accord là-dessus pour avoir été moi-même professeur pendant dix ou douze ans.

J'écoutais Mme Dagenais en disant: ce n'est pas tout de regarder les temps d'enseignement, il y a d'autres responsabilités qui sont nôtres et il faut les exercer. Je suis d'accord, et je pense qu'on pourra encore apprécier ça pendant des heures, on arriverait presque toujours, quand on est concerné, à la conclusion qu'il n'est pas envisageable d'améliorer ou d'augmenter les temps d'enseignement, compte tenu que ce n'est qu'un élément de la tâche de l'enseignant, quel que soit le niveau auquel il travaille: collégial, universitaire, primaire ou secondaire.

Je voudrais, cependant, vous poser une question un peu bête, mais très précise. À un moment donné, dans le milieu de l'enseignement primaire et secondaire, fatigué d'entendre constamment le préjugé social au sens exact que vous reprenez, la Centrale de l'enseignement du Québec s'était tannée avec d'autres organismes et elle avait fait une vérification très serrée, très poussée, pour arriver à conclure et dire qu'en moyenne, au Québec, les temps d'enseignement tournent alentour - je ne veux pas m'enfarger ce matin - de 18 ou 20 heures par semaine. Je parle des temps d'enseignement.

Il faut ajouter à ça, à tout le moins -c'est confirmé, c'est consacré par beaucoup d'études et d'analyses dans tout le Québec -au moins en moyenne 10 à 15 heures de tout le reste. Ce n'est pas péjoratif. Temps dans l'encadrement, de préparation, un peu de recherche - quoique c'est tout à fait à un autre niveau - et de correction, et ainsi de suite. Je parle toujours du primaire et du secondaire.

Que je sache, à moins que je fasse erreur, je n'ai jamais pu mettre la main -j'ai quand même touché à ce domaine assez attentivement pour un petit bout de temps -sur des études palpables, très sérieuses qui nous permettraient de conclure que, effectivement, des analyses nous amènent au même jugement que vous avez fait à la page 22 de votre mémoire, à savoir, qu'il faut multiplier - vous en avez ajouté, mais là je vous comprends - plusieurs fois le temps d'enseignement.

Alors, la question précise, c'est: Sur quelles données vous êtes-vous basés pour conclure ce que vous concluez et est-ce que vous pourriez quantifier le nombre de fois? Est-ce que c'est une fois et demie? Est-ce une pondération de 1,25, deux, trois ou quatre fois vos six heures d'enseignement? C'est quoi? J'aimerais que ce soit dit ici à la commission.

Mme Dagenais; Je veux juste ajouter -cela fait suite à ce que je disais tantôt -qu'il me semble, encore là, qu'on retombe dans la même mentalité. Or, c'est justement ce qu'il faut cesser de répandre. Vous-même, en tant qu'enseignant, je pense bien que vous serez d'accord sur cela. Il y aurait évidemment des disparités d'un individu à l'autre mais, globalement, lorsqu'on fait l'énumération des tâches et qu'on les détaille un peu plus comme on l'a fait aujourd'hui, vous pourriez toujours les compter mais vous arriveriez certainement à beaucoup plus que ce que vous dites, c'est-à-dire deux fois ou trois fois. Un nouveau cours, par exemple, demande beaucoup plus que simplement ouvrir et lire des notes. Je ne connais pas, d'ailleurs, de professeur qui, après plusieurs années, peut se contenter de lire des notes quand on sait tout ce qui se publie dans tous les domaines actuellement. Donc, ne serait-ce que les variations d'un cours à l'autre, d'un séminaire gradué à un cours de premier cycle, il faudrait peut-être poser la question surtout sur la qualité et se dire que tant qu'on restera au niveau des questions comptables on passera à côté de l'éducation véritable au niveau universitaire.

M. Gendron: S'il y a quelqu'un qui veut sortir les livres comptables du gouvernement, c'est bien celui qui vous parle!

Mme Dagenais: Alors, je vous encourage à le faire.

M. Gendron: Mais justement parce qu'on a affaire à un gouvernement de comptables, c'est peut-être important de temps en temps d'avoir des données. Écoutez, là, vous me donnez une trop belle occasion.

M. Gardner: Sortez votre livre!

M. Jolivet: M. le Président, on parle, de l'autre bord! Regardez donc celai

M. Gendron: Très sérieusement, Mme Dagenais, je suis complètement d'accord qu'on ne peut pas toujours rester dans cette analyse chiffrée, etc. D'un autre côté, si vous me le permettez - ce n'est pas contre vous - c'est également un peu trop facile de toujours revenir et nous donner une réponse très large, valable, mais qui ne permet pas à des élus politiques de faire un travail et, à un moment donné, prendre des décisions par rapport à d'autres éléments où les bases en termes de comparaison sont toujours des chiffres. On ne peut pas prendre quelque chose en soi. Vous avez toujours raison. Quiconque nous fait l'analyse d'un problème en soi, nous sommes presque toujours portés à lui donner raison, mais il faut quand même avoir des critères de comparaison.

Je ne pense pas tomber dans un cercle vicieux en disant qu'il y a quand même sûrement nécessité de creuser davantage une étude pour être capable de mesurer plus adéquatement cette espèce de jugement que vous portez. Je suis convaincu - je le regrette et je le déplore - que, règle générale, cela ne s'applique pas à la majorité. Cela s'applique plutôt à l'excellence et, par définition, la société n'est pas excellente. La société par définition a comme objectif de devenir excellente, mais elle ne l'est sûrement pas pour toutes sortes d'autres raisons. C'est la même chose pour une équipe de professeurs, quel que soit le niveau universitaire. Ils doivent viser l'excellence, j'espère, mais compte tenu qu'on ne vit pas dans un monde artificiel, on vit dans un monde très concret, j'aurais aimé que ce soit un peu plus fouillé, cherché en disant: On s'appuie vraiment sur des études dans lesquelles on a fait toutes ces nuances que vous me donniez dans votre réponse. Il faut tenir compte de cela, un nouveau cours, ce n'est pas comme un cours qu'on répète. Je suis au courant de cela. Il y a des distinctions. Même avec toutes ces distinctions au primaire et au secondaire, on est capable d'établir d'une façon assez ferme... Vous allez arrêter de charrier; on parlait au public en général en disant: 20 ans d'enseignement plus environ dix ou quinze heures. Je vous pose la question: À l'université, c'est quoi?

Mme Dagenais: Je n'ai toujours pas plus de réponse. Simplement pour vous dire que notre syndicat a été très sensible aux questions que vous posez là, on a mis sur pied un comité de la tâche qui va se pencher sur cela cette année. On prévoit justement de très grandes difficultés à cause de cela, les projets de recherche, etc. Je ne suis pas certaine même qu'on puisse vous donner une réponse aussi précise que vous semblez le vouloir. Je pense qu'on pourra au moins documenter qualitativement ce que cela représente.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Dagenais. Le temps étant écoulé aussi pour cette formation politique et le temps de la commission étant pratiquement écoulé, j'inviterais la députée de Chicoutimi à conclure rapidement.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je me permets de revenir brièvement sur la tâche. Je comprends la difficulté que pose l'exercice que vous suggère mon collègue d'Abitibi-Ouest pour avoir essayé de le faire au niveau collégial, où les variables sont beaucoup moins nombreuses. C'est une tâche qui est difficile mais que je trouve intéressante. Quand vous aurez les données, je pense que tout le monde sera intéressé de voir comment on peut cerner un peu mieux cette réalité. Mais, déjà, je sais qu'on peut vous souhaiter bonne chance parce que je sais que c'est extrêmement variable pour avoir essayé de faire l'exercice à un autre niveau. (12 h 15)

Madame, M. le président, je voudrais vous remercier de votre participation à cette commission. La qualité de votre mémoire, le ton de nos échanges, je dirais la sérénité également nous ont permis de jeter un peu plus d'éclairage sur l'objet des travaux de cette commission: l'orientation et le financement des universités. Les grandes questions qui touchent l'avenir du Québec et le rapport quant à l'avenir de nos universités ont été bien posés. L'accessibilité aux études, la persévérance dans les études, c'en est une autre parce qu'il n'y a pas seulement d'y avoir accès, on sait que la persévérance n'est pas ce qu'elle est dans les autres provinces et que le taux de diplomation, par exemple, au 1er cycle est plus bas. Les inscriptions sont plus fréquentes dans les programmes courts de certificat qu'elles ne le sont dans les bacs.

Il y a le développement de la recherche de 2e et de 3e cycle, le développement aussi, ce que je n'ai pas abordé, mais que vous avez assez bien abordé dans votre mémoire, des services à la collectivité qui, pour moi, a un rapport assez étroit avec le développement social et économique.

Je le répète à la suite de mon collègue, si on estime que les universités ont un rôle important à jouer dans le développement économique et social, que l'éducation constitue l'outil vital pour le développement d'une société, on devra poser les gestes en conséquence et y consentir les ressources qui permettent d'atteindre cet objectif. C'est toujours étonnant, et je me permets de le répéter ici, quand on parle de développement des ressources humaines, cela ne semble pas

évident qu'on puisse penser à un investissement qui vous rapporte à long terme, alors que dans d'autres secteurs c'est devenu de plus en plus évident lorsqu'il s'agit de protéger, je le rappelle, nos eaux, nos terres agricoles, notre forêt. On accepte d'investir en attendant les résultats sur une période de 20 ou 30 ans. Je pense que c'est dans cette perspective qu'il faut poser la question de l'éducation et de l'enseignement supérieur; je pense que vous l'avez bien fait. Les quelques études que vous vous apprêtez à faire et qui sont en cours nous donneraient évidemment plus d'éclairage.

J'aimerais quand même revenir brièvement sur ce que j'appellerais le rôle des universités, une certaine sensiblité que j'aimerais voir chez les professeurs d'université à l'endroit des jeunes qui éprouvent plus de difficulté. Mme Oagenais faisait tantôt un rapport entre les difficultés et la persévérance et la situation économique des étudiants. Il me semble donc qu'une certaine sensibilité à cet endroit et des mesures plus concrètes prises par les universités pourraient nous permettre de mieux cerner le problème de la persévérance ou de la non-persévérance et peut-être y trouver des remèdes qui permettraient aux étudiants, lorsqu'ils sont rendus dans les universités, d'aller chercher une diplomation. Je vous remercie, messieurs et madame.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Je reconnais maintenant le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Merci M. le Président. Nous avons franchi une étape à la fois importante et très utile de notre travail à l'occasion de la rencontre que nous avons eue ce matin avec les professeurs de nos universités. Je les remercie bien cordialement de l'excellente contribution qu'ils ont fournie à notre démarche. J'espère que ce n'est qu'un premier pas qui va se poursuivre.

Il me semble que deux grandes questions se dégagent de nos échanges de ce matin: d'abord, la question des objectifs quant au niveau de financement, des moyens d'atteindre cet objectif. Sur ces deux points, des compléments d'information de la part de nos interlocuteurs pourraient être très utiles. Comme il y a beaucoup d'économistes parmi nos professeurs syndiqués de nos universités et beaucoup de comptables également - ils ne sont pas tous au gouvernement, M. le député d'Abitibi-Ouest...

M. Gendron: Les meilleurs sont au gouvernement.

M. Ryan: Les meilleurs, on va les chercher généralement pour le gouvernement.

M. Jolivet: C'est moins sûr.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Ryan: Si vous pouviez poursuivre cet exercice plus loin d'ici la fin de nos travaux, cela pourrait être un complément d'information très utile qui nous intéresserait grandement.

Deuxièmement, nous avons fait un autre pas sur un sujet qui est au coeur du débat, celui de la tâche du professeur d'université. Je ne pense pas que la commission pourrait se contenter de laisser les choses au point où elles en sont actuellement. Vous avez dit que votre fédération a mis sur pied un comité de travail sur ce sujet. Je l'apprécie beaucoup, mais je serais enclin à vous faire une invitation peut-être plus précise à ce moment-ci. Je crois que si nous attelions ensemble les principaux organismes intéressés à une étude qui pourrait être faite dans des délais peut-être plus rapides que celle qu'un organisme particulier peut faire, on pourrait possiblement colliger les données essentielles qui nous permettraient, au moins, de situer le débat à un niveau de connaissance commune de la réalité qui permettrait de franchir d'autres étapes, ensuite.

Je voudrais vous dire que si c'était possible d'envisager un projet comme celui-là, de notre côté je pense que nous pourrions en faciliter la mise en route très rapidement. Cela pourrait être un des éléments de notre travail commun, un élément qui viendrait s'ajouter à la démarche de la commission proprement dite qui pourrait être très intéressant.

Je vais causer de cette question avec mes collaborateurs du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et nous reprendrons contact avec vous, fort possiblement au cours des prochains jours. Si vous pouviez y penser de votre côté également et nous faire des suggestions à ce point de vue... C'est une cause commune, je pense que nous sommes tous attelés à la même mission. Il n'y a aucune espèce d'acrimonie dans le climat de nos échanges, aucune espèce de mentalité de chasse gardée. Je pense que nous sommes, surtout au niveau de l'université, au service de la vérité. Je pense que c'est ce qui conditionne tout le travail de l'université: primo Veritas, en premier lieu la vérité. Dans cette mentalité, dans cet esprit, j'aimerais* que nous puissions regarder ensemble comment nous pourrions trouver un mode de travail en commun qui nous permettrait d'avancer plus vite sur cette question. Ce sont les deux points que je voulais souligner.

En terminant, je voudrais vous assurer que je suis parfaitement conscient que si les normes quantifiées dont nous parlons devaient servir de critère ultime pour la

détermination de nos décisions, cela serait infiniment déplorable et, à très court terme, je pense qu'il s'ensuivrait une diminution généralisée de la qualité du travail qui s'accomplit dans nos universités et à d'autres niveaux du système d'enseignement aussi.

D'autre part, le facteur qui nous conditionne - je pense que le député d'Abitibi-Ouest qui en a fait l'expérience pendant un certain temps, l'a bien souligné - c'est que nous devons, en fin compte, traduire en donnée quantifiée la contribution que la collectivité doit faire au développement de l'enseignement à chaque niveau. C'est évident par exemple que, disons, le nombre de cours dispensés dans une année par un professeur régulier a un impact sur le nombre de chargés de cours qu'il faudra engager dans chaque institution. Ces deux facteurs ne se développent pas comme des voies complètement divorcées l'une de l'autre; il y a une espèce de phénomène de communication entre les deux.

Et nous constatons qu'il y a une tendance à alourdir la proportion qui va du côté des chargés de cours. Quoique moi, je trouve que les chargés de cours c'est très important. II peut arriver qu'un chargé de cours génial ou extrêmement créateur vienne perturber le climat de confort qui peut se créer, chez les professeurs réguliers. Cela peut être bon, mais je pense qu'il ne faut pas aller trop loin dans cette direction non plus, parce qu'à un moment donné, on peut créer des conditions qui ne seront pas propices à la mission fondamentale de l'université, j'en suis bien conscient.

Je vous adresse ces propos sur un ton -je pense que vous le voyez - de collaboration ou de recherche commune. Si nous pouvions faire un bout de chemin là-dessus, je pense que cela rendrait un grand service dans la recherche des objectifs que nous poursuivons ensemble. Je vous remercie très cordialement encore une fois.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre, Mme le porte-parole officiel de l'Opposition, Mme Dagenais, messieurs, je vous remercie beaucoup.

La commission apprécie beaucoup le geste que vous avez posé de venir nous rencontrer pour mieux nous informer. Je dois aussi vous féliciter en son nom pour la qualité de votre intervention et aussi pour la pertinence de vos propos.

La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

(Reprise à 12 h 28)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission parlementaire sur l'éducation poursuit actuellement ses travaux. Nous allons commencer dans quelques minutes. J'inviterais à prendre place les représentants du Mouvement pour l'enseignement privé. Je demanderais aussi la collaboration des spectateurs et des collaborateurs des groupements pour faire en sorte que la commission puisse commencer immédiatement ses travaux en toute quiétude.

Messieurs les députés de tous les comtés, on vous demande de prendre vos places.

La commission parlementaire sur l'éducation reprend ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, à savoir de procéder à une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures. Pour les besoins de la cause, la commission accueille, ce matin, les représentants du Mouvement pour l'enseignement privé. Le porte-parole de ce mouvement est M. Robert. M. Robert, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous invitons à nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Mouvement pour l'enseignement privé

M. Robert (Yvon): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mme la porte-parole de l'Opposition, Mesdames et Messieurs les députés membres de la commission, je veux vous présenter de notre conseil d'administration qui est à ma droite, Mme Denise Lapointe, qui est aussi présidente de l'Association de parents des élèves du Petit Séminaire de Québec, M. l'abbé Jean-Marie Drouin, le recteur du collège de Saint-Georges-de-Beauce. (12 h 30)

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. l'abbé.

M. Robert: À ma gauche, M. Rosaire Legault qui est secrétaire du mouvement. Nous accompagne aussi aujourd'hui, dans la salle, M. Fernand Girard, adjoint au recteur du collège de Lévis, qui est ici maintenant.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Girard, soyez le bienvenu. Avant de commencer, M. le président, d'abord, on s'excuse. La commission parlementaire devait vous entendre à midi. On a un léger retard d'environ une demi-heure. Alors, nous allons vous entendre jusqu'à une heure. Après ça, la commission va suspendre ses travaux et les reprendre à 15 heures.

Je vais expliquer brièvement de quelle façon nous procédons, de façon qu'on se comprenne bien. On m'informe que la présentation de votre mémoire est d'environ 15 à 25 minutes, selon le rythme et ce qui

peut se passer. Après ça, nous procéderons à une période de questions, de façon que la rencontre entre nous dure une heure trente.

On va commencer par l'exposé; après ça, une période d'échange avec les membres de la commission suivra jusqu'à l'épuisement du temps. Dix minutes avant l'épuisement du temps, je donnerai la parole à la représentante de l'Opposition pour le mot de la fin et la même chose au ministre du côté ministériel.

M. le président, la commission parlementaire de l'éducation vous salue et vous écoute.

M. Robert: Merci, M. le Président. Le Mouvement pour l'enseignement privé a été fondé en 1982 à partir des aspirations des parents et de trois associations d'établissements privés, soit celles du collégial, du secondaire et du primaire-secondaire. Incorporé en 1983, le mouvement compte actuellement environ 30 000 membres répartis dans six régions du Québec; il représente les parents d'environ 100 000 étudiants aux niveaux primaire, secondaire et collégial.

La principale préoccupation du groupe de parents, c'est bien sûr la qualité de l'éducation, l'excellence, en mettant de l'avant pour y arriver la liberté de choix en éducation, l'autonomie et la responsabilité des établissements, une certaine décentralisation qui donne du pouvoir à l'usager et un financement qui rend exerçables les droits mentionnés plus haut.

L'affinité qui existe entre l'université et le privé en éducation est un des motifs qui nous a amenés à nous présenter devant la commission. Il y a aussi l'intérêt de la clientèle du privé qui se destine en grande partie aux études universitaires; l'incidence sur le collégial, le secondaire et le primaire privé des modes de financement que régira l'université par rapport aux principes que nous défendons vu, précisément, l'apparition durant les derniers mois de deux rapports qui ont touché au financement de l'éducation: le dernier, le rapport Gobeil, sur les niveaux primaire et secondaire et, quelques mois auparavant, le rapport Macdonald qui touchait au financement postsecondaire en particulier.

Selon notre mouvement, il importe de procurer aux institutions d'enseignement des conditions financières propices à leur développement dans le respect de leur autonomie et des droits de leur clientèle. Les principes qui devaient orienter la grande réforme scolaire étaient suffisamment clairs pour laisser espérer que l'autonomie des institutions serait l'un des facteurs de son succès et qu'il y aurait place pour des choix libres entre des institutions différentes, plus développées, mieux équipées, mieux adaptées à la diversité des besoins. On s'était promis la polyvalence, la diversité des options. La réforme devait s'appuyer sur les institutions existantes toutes plus anciennes que le ministère de l'Éducation: commissions scolaires, collèges, écoles spécialisées, universités. Ce n'est donc pas au niveau des principes que les problèmes sont posés. Les institutions ont perdu leur autonomie ou leur autonomie a été réduite à presque rien. Les quelques écoles privées qui ont subsisté ont eu à lutter contre toutes sortes de mesures vexatoires plus ou moins explicites allant jusqu'à leur interdire de se développer malgré la demande. Le portrait d'ensemble des résultats est bien plus proche de celui d'un système centralisé et uniformisé, paralysé par toutes sortes de normes et de contrôles que de celui d'un système polyvalent capable de répondre à la diversité des besoins. Le moyen ou, si vous voulez, ce qui a contribué selon nous le plus à ce résultat, c'est, pour l'essentiel, le mode de financement.

La question à laquelle il importe le plus de répondre maintenant ce n'est pas tant de savoir combien d'argent il faut ajouter pour l'enseignement, mais de savoir comment concilier le financement public de l'enseignement et la nécessité de créer les institutions responsables capables de répondre à la diversité de la demande. Selon nous, il faut en fait inverser le mécanisme de financement. Ce n'est pas parce que l'État a assumé directement la totalité des coûts de l'enseignement que le système a été orienté vers la centralisation et l'uniformité. Les commissions scolaires avaient leurs propres sources de financement et le complément de ressources qu'elles recevaient du gouvernement était relativement faible. Les subventions étaient des subventions d'équilibre budgétaire plus ou moins importantes. Elles avaient pour fonction d'assurer l'équilibre de tout le budget.

Pour obtenir une telle subvention, la commission, en principe autonome et responsable directement à ses contribuables, devait d'abord administrer tout son budget selon les normes et selon la liste des dépenses admissibles. Avec un tel système, le résultat était inévitable. Quelle que soit la part du financement autonome d'une institution, ce sont les normes imposées pour obtenir la subvention d'équilibre qui régissent toute la gestion scolaire. Autre résultat inévitable, l'irresponsabilité. En effet, dans ce cadre, il suffit de faire un rapport comptable conforme aux normes et le gros déficit fait de dépenses admissibles est comblé aussi bien que le petit. Par contre, l'initiative nouvelle échappe aux normes et est automatiquement pénalisée.

Les universités ont été financées selon les mêmes principes. C'est pourquoi les frais de scolarité et autres sources de financement autonomes ne contribuent plus à laisser aux

universités une marge quelconque d'autonomie. II est donc tout à fait logique, dans un tel système, que les frais de scolarité soient fixés par l'État comme n'importe quelle autre taxe.

Il nous paraît qu'on ne pourra pas créer des conditions qui favoriseraient le dynamisme des universités sans d'abord commencer par changer la conception du financement public de l'enseignement. À ce point de vue, on croit que les principes de la Loi sur l'enseignement privé sont plus valables que ceux qu'on a appliqués aux commissions scolaires et aux universités. En changeant ces normes d'une année à l'autre, en interprétant les définitions de façon arbitraire, en y ajoutant à l'occasion des règles abusives, l'État a rendu le développement des écoles presque impossible et a laissé planer le doute sur leur avenir. Bien des énergies se sont perdues pour obtenir seulement en partie ce sur quoi on devait pouvoir compter selon la loi. Malgré cela, cette loi a eu l'avantage d'assurer un financement de base.

Dans ce cadre, si une école peut obtenir d'autres revenus ou réaliser une gestion plus efficace, ou compter sur un personnel plus disponible, elle travaille alors à augmenter la qualité de ses services. Si elle fait un déficit, c'est à elle qu'incombe la responsabilité de retrouver l'équilibre. De cette façon, le financement public d'une école n'est pas une incitation à l'irresponsabilité. C'est pourquoi les écoles privées ont su maintenir et développer des qualités qui leur sont propres.

Il n'y a aucun doute qu'une part importante du financement de l'enseignement à tous les niveaux doit être publique. Les raisons en sont d'abord historiques. C'est dans ce sens que les choses se sont graduellement organisées dans tous les pays développés. De plus, les mécanismes de redistribution des revenus déjà en place ne pourraient pas être changés rapidement. Nous ne remettons donc pas en question le fait que la plus grande partie des fonds consacrés à l'enseignement soit recueillie, puis redistribuée par l'État. Mais, on ne peut pas déduire de là que toutes les institutions d'enseignement ne doivent être rien d'autre que des succursales du ministère de l'Éducation.

Nous ne mettons pas en doute, non plus, que l'État a un rôle à jouer pour établir des normes nationales, exercer des contrôles, évaluer des résulats et aussi pour procurer une aide spéciale à des zones en retard sur un mouvement général. Ce sont là des tâches importantes et elles appartiennent naturellement au pouvoir politique, mais ce sont des tâches complémentaires, de suppléance, d'assistance ou d'arbitrage. Elles doivent compléter les tâches accomplies par des institutions autonomes, et non pas remplacer ces institutions. De la même façon, le législateur établit des règles sur le commerce, délivre des permis et a ses inspecteurs, sans pour cela développer un réseau exclusif d'épiceries d'État.

Inverser le mécanisme actuel de financement du système scolaire, ce n'est pas nier à l'État son rôle moderne, ni proposer d'en revenir à une situation ancienne où seul le dévouement de certains groupes privés a permis le développement de l'éducation, mais c'est accepter l'idée que le rôle de l'État est limité et que, dans une société démocratique, d'autres institutions ont des rôles spécifiques à jouer. Les institutions d'enseignement, même si elles doivent compter sur un financement public, sont par leur nature des institutions extérieures à l'État. Nous proposons seulement de chercher un mécanisme de financement qui tienne compte des rôles distincts de l'État et des institutions d'enseignement.

En résumé, le financement public des institutions reconnues leur procure un budget de base pour leurs opérations courantes. Ce financement public est proportionnel au nombre d'étudiants; il est le plus égalitaire possible et défini selon des critères objectifs.

Quant au financement des universités, l'État établit la subvention annuelle par étudiant et laisse aux universités le devoir d'organiser les services en conséquence de la demande. Les frais de scolarité ne sont pas fixés par l'État. L'université peut organiser des cours par groupes restreints avec des équipements sophitisqués, elle peut, pour une discipline différente, offrir un enseignement de masse avec des équipements économiques. Les frais de scolarité varieront pour chaque cas: deux besoins différents, deux voies différentes. Il n'y a pas de raison d'imposer une voie plutôt que l'autre a priori. Si une université fait une erreur ce sera une erreur limitée et l'ensemble du système universitaire ne courra aucun danger. Cependant, chaque université ou composante sera incitée à chercher les moyens les plus efficaces, aux meilleurs coûts pour satisfaire les besoins de sa clientèle potentielle.

Le calcul de la subvention annuelle par étudiant sera basé sur des moyennes, les budgets d'immobilisation tenant compte du coût plus ou moins élevé des équipements selon les disciplines. Pour les opérations courantes, les différences doivent se refléter dans les frais de scolarité et la répartition des autres sources de revenus. L'intervention de l'État doit prendre la forme la plus neutre possible. C'est le jugement des responsables universitaires et, ultimement, celui de la clientèle qui détermineront l'évolution des universités.

Pour ce qui est de l'égale accessibilité de l'université sans égard aux différences de fortune, cette question relève d'une politique sociale réglable par un bon système de prêts

et de bourses.

La part des fonds publics dans le financement universitaire semble avoir atteint au Québec un plafond difficilement dépassable.

Pour procurer de nouvelles ressources, il nous apparaît raisonnable de proposer l'augmentation des frais de scolarité, à condition qu'elle soit laissée à la décision des institutions qui en jugeront en fonction des besoins de leurs clientèles. En redéfinissant le financement public comme financement de base, le gouvernement redéfinirait son rôle vis-à-vis des institutions d'enseignement et redonnerait à celles-ci une responsabilité financière réelle. Elles auraient à déterminer leur niveau de dépenses et à se procurer les revenus supplémentaires nécessaires à leur équilibre budgétaire. (12 h 45)

Un autre changement qui est proposé, et celui-ci est dans la foulée du rapport Macdonald, c'est que dans cette perspective, l'État aide les individus à poursuivre des études au lieu de financer directement et presque gérer les institutions dont les revenus sont presque gratuits pour ,les usagers. Nous croyons que le bon d'éducation rendrait service dans l'hypothèse où le gouvernement opterait pour subventionner l'individu plutôt que l'institution d'enseignement.

Sur la révision des fonctions et des organisations gouvernementales, la description qui est faite du bon d'éducation dans le rapport Gobeil nous semble suffisante. Il y en a une autre qui est beaucoup plus développée dans le rapport Macdonald qui a paru quelques mois précédemment, qui porte d'une façon plus exclusive la définition qu'ils en font et les modalités pour le niveau postsecondaire.

Valable pour tous les degrés d'enseignement, le bon d'éducation serait une formule qui s'appliquerait plus simplement au niveau universitaire, puisqu'il n'impliquerait que le candidat aux études et l'université de son choix. Nous pensons qu'il aiderait à la planification et au relevé des inscriptions.

La formule contribuerait à clarifier les rapports entre l'usager, les institutions et l'État, et contribuerait à l'éducation civique en opposant la valeur réelle des études à l'illusion de la gratuité. Le jugement de la clientèle serait la meilleure garantie de la qualité des services et l'État n'aurait pas à se substituer aux universités pour déterminer l'orientation des universités.

En résumé, l'objectif premier de notre mouvement demeure la qualité de l'éducation et son excellence. Pour y arriver, on croit que, comme sous-objectif, on doit garder ou avoir en vue de faire des usagers les juges de la qualité, assurer l'autonomie des institutions et la responsabilité des établissements. Pour y arriver, notre mouvement fait déjà depuis plus d'un an la promotion du bon d'éducation. On est encouragé parce que, depuis ce temps-là, on a été suivi dans la même foulée. Le rapport Macdonald, d'une part, le rapport Gobeil, plus récemment. C'est dans ce contexte qu'on a cru nécessaire d'intervenir, et on vous en remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président. Est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part des gens qui vous accompagnent?

Je passe maintenant la parole au ministre de l'Éducation qui pourra intervenir jusqu'à 12 h 59.

M. Jolivet: Est-ce qu'on pourrait présenter les membres...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela a été fait au début, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Je l'ai manqué, je m'excuse, cela arrive des fois.

M. Ryan: Je consentirais volontiers à ce que le président le répète parce que le député de Laviolette ne paraît pas spécialement familier avec l'enseignement privé.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Pour l'information des membres de cette commission nous retrouvons à la table, à titre d'invités, M. Yvon Robert, Mme Denise Lapointe, M. l'abbé Jean-Marie Drouin, M. Rosaire Legault et M. Fernand Girard.

Je cède la parole au ministre de l'Éducation.

M. Ryan: M. le Président, je remercie le Mouvement pour l'enseignement privé de l'intérêt qu'il porte aux travaux de la commission sur les orientations et le financement de l'enseignement universitaire. Nous avons pris connaissance avec beaucoup d'intérêt des opinions exprimées dans le mémoire qui nous a été présenté ce matin. Je pense que, plus l'éventail des opinions soumises à la commission sera large, plus les chances d'en venir à des conclusions équilibrées seront augmentées. Dans cette perspective, je pense que l'attention que tous les membres de la commission portent aux travaux et aux interventions de ceux qui se présentent devant nous est un très bon signe quant aux résultats éventuels de nos travaux.

En ce qui touche l'enseignement privé, la position du parti qui forme présentement le gouvernement a été énoncée avec assez de précisions pendant la dernière campagne électorale et au cours des mois qui l'avaient précédée. Cette position demeure. Esentiellement je pense pouvoir la résumer comme ceci: Le Parti libéral du Québec accorde une

priorité incontestable à l'enseignement public aux niveaux primaire et secondaire. Je parlerai du niveau universitaire par la suite. Il veut faire une place raisonnable à l'enseignement privé et il s'est employé déjà, au cours des premiers mois de son mandat, à faire tomber certaines contraintes étouffantes qui gênaient considérablement le développement de l'enseignement privé.

Sans laisser entrevoir, d'autre part, qu'on veut aller dans cette direction à bride complètement dégagée, je pense qu'il faut qu'on établisse progressivement des paramètres qui permettent de garder la priorité du côté de l'enseignement public, tout en assurant un développement raisonnable de l'enseignement privé. C'est notre position de fond. Lorsque nous disposerons de ressources financières plus abondantes, nous serons prêts à réexaminer le mode actuel de financement des institutions d'enseignement privé de manière à corriger, dans la mesure du possible, des écarts de plus en plus grands qui se sont créés par suite d'un budget instauré par le gouvernement précédent au lendemain de l'élection de 1981. Je pense que c'est tout de suite après l'élection qu'on a changé la base de financement des institutions d'enseignement privé d'une manière qui a réduit progressivement la part du financement public, dans le cas des institutions d'enseignement privé qui sont déclarées d'intérêt public, de 80 % qu'elle était sous la loi 56 à un taux qui varie actuellement de 65 % à 70 % et, dans le cas des institutions qui sont reconnues pour fins de subventions, de 60 % à quelque 50 % actuellement, si mes souvenirs sont bons. Quoi qu'il en soit, nous discutons d'enseignement universitaire ce matin. Il n'est pas question de discuter d'enseignement primaire et secondaire, sauf sous l'angle de la philosophie générale de l'éducation que le gouvernement entend incarner et réaliser dans ses décisions.

En ce qui touche l'enseignement universitaire, je pense qu'il s'impose qu'on fasse un tableau d'ensemble rapide. À vrai dire, nous avons trois systèmes en matière de financement au Québec. Pour l'enseignement primaire et secondaire, nous avons un enseignement public dispensé par les commissions scolaires qui est prioritaire, qui est fondamental. Nous avons ensuite un enseignement privé, surtout au niveau secondaire, qui est financé dans des proportions variables par l'État. Dans certains cas, les institutions déclarées d'intérêt public ont un financement dont je viens d'indiquer l'importance, les institutions reconnues pour fins de subventions également. Cela, c'est surtout au niveau secondaire. Au niveau universitaire... Au niveau collégial, d'abord - je m'excuse d'avoir oublié ce niveau - c'est à peu près le même régime qu'au niveau secondaire. Nous avons un financement qui s'adresse d'abord aux collèges à caractère public. Ensuite, il y a un certain nombre de collèges privés - je pense qu'il y en a une bonne trentaine - qui sont reconnus pour fins de subventions et qui tombent sous le coup de la même loi de l'enseignement privé qui régit les institutions privées d'enseignement primaire et secondaire. Les normes de financement sont les mêmes.

En ce qui touche l'enseignement universitaire, nous n'avons plus d'institutions privées au Québec au sens rigoureux du terme. À toutes fins utiles, ce sont des institutions publiques ou parapubliques. On peut toujours dire que l'Université de Montréal n'est pas une institution publique au sens fort du terme; on peut dire la même chose de l'Université Laval ou de l'Université Concordia. Mais ces universités, à toutes fins utiles, sont des universités à caractère public ou semi-public. Je ne pense pas qu'on puisse envisager dans un avenir prévisible la création d'universités privées qui seraient le résultat d'initiatives complètement libres de citoyens. J'ai même laissé entrevoir, dans une intervention que j'ai faite antérieurement, que nous envisageons sérieusement la possibilité de définir par voie législative des balises qui empêcheront le "champignonnage", le développement champignon de services universitaires d'enseignement sur le territoire du Québec.

Nous sommes témoins présentement de certains faits qui sont de nature à préoccuper le gouvernement. Il y a une institution américaine qui dispense des cours de formation qu'elle appelle universitaire qui s'est installée dans la banlieue de Hull et qui, éventuellement, aimerait couvrir tout le territoire, qui s'arroge la liberté - c'est son droit - de décerner des diplômes de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat. On ne peut pas laisser proliférer ces choses sans qu'il y ait un minimum de réglementation, de régulation. Actuellement, le champ est complètement libre du point de vue législatif. Moi-même, comme ministre de l'Enseignement supérieur, si je voulais dire à ces gens-là: Vous n'avez pas le droit de fonctionner au Québec, je ne serais pas autorisé à le faire par la loi.

Il y a un problème qui se pose, qui a été porté à mon attention, d'ailleurs, par la Conférence des recteurs et des principaux et également par l'Association canadienne des collèges et universités. Le Québec est une des seules provinces qui n'ait pas ce genre de balise et, pour ceux que ces tendances socialisantes pourraient inquiéter, je vous informe qu'en Ontario et en Alberta, deux provinces qui ont été assez conservatrices jusqu'à maintenant, on a des lois de cette nature. La raison en est bien simple. C'est qu'on peut commencer à décerner des

diplômes et on dit: On va se passer de fonds publics plutôt, mais, au bout d'un certain temps, soit qu'on distribue des diplômes à rabais à ce moment-là on dévalue l'enseignement universitaire - soit qu'on se sente obligés de recourir à l'aide de l'État, et il n'y a rien de pire que d'être obligés de faire face à un problème une fois que le précédent a été créé et qu'il faut ramasser les marbres une fois qu'ils ont été dispersés ici et là par des improvisateurs qui n'avaient pas toujours vu les conséquences de leurs actions.

Ce sont des points qu'il me paraît important de signaler à ce moment-ci. Par conséquent, en ce qui regarde l'enseignement universitaire, non seulement je n'entrevois pas de place pour des institutions privées au cours de la prochaine, j'allais dire la prochaine décennie, parce qu'en général un gouvernement dure une dizaine d'années au Québec...

Une voix: ...

M. Ryan: Mais, au témoignage même de ceux que nous avons entendus ici jusqu'à maintenant, en particulier des autorités de l'Université du Québec, on n'envisage pas d'implantation majeure de nouveaux établissements universitaires sur le territoire du Québec dans l'avenir prévisible. Par conséquent, j'affirme une chose qui peut avoir l'air grosse théoriquement, mais qui, en pratique, décrit l'évidence. Je me dispense de formuler une grande déclaration de principe, peut-être que dans 50 ans ou dans 100 ans, ce sera très différent. Dans l'avenir immédiat, je pense qu'il n'y a pas de problème. Il n'y a pas de matière à débat pour les cinq à dix prochaines années là-dessus.

Le problème est celui du financement. J'ai écouté attentivement ce que vous aviez à nous dire là-dessus et, si j'ai bien compris votre position, elle se ramène à ceci. Vous dites: II faut un financement public qui va constituer le gros du financement des universités. Mais vous dites qu'il s'agirait de définir un certain niveau de financement et, ensuite, que les universités soient laissées libres de trouver les revenus additionnels dont elles ont besoin par la voie des frais de scolarité ou, éventuellement, par d'autres moyens. Je pense que cela résume l'essentiel de votre position.

Il y a une question à laquelle vous ne répondez pas en faisant cette affirmation. Je ne sais pas si vous avez fait les études voulues pour y répondre. À quel niveau va se situer la part du gouvernement? En ce qui touche l'enseignement de niveau secondaire, les institutions privées nous disent régulièrement: Notre financement est à 70 %, disons, pour les DIP, à 50 % ou 55 % pour les RFS; on voudrait que vous remontiez cela au niveau de la loi 56, c'est-à-dire à 60 % et 80 %. Voilà un objectif clair. J'aimerais que vous nous disiez à quel niveau vous verriez que la part du gouvernement devrait se situer en ce qui touche le financement des universités. Si vous n'avez pas les données pour le faire ce matin, je comprends très bien, mais ça, c'est notre problème à nous.

M. Robert: C'est une position de principe, M. le Président, qui est dans notre mémoire, qui est la suivante. On a examiné un peu les données, par exemple les données américaines. Aux États-Unis, vous avez deux systèmes universitaires: un système privé et un système public, et le financement public est à environ 50 %. Actuellement, notre position, ce n'est pas celle-là. C'est de dire qu'on croit que, quant aux ressources que l'État québécois, le gouvernement consacre actuellement à l'éducation universitaire, le niveau est probablement suffisant. Il y a peut-être un problème de modalités de répartition, un mode de répartition qui donnerait plus d'autonomie aux institutions. C'est là-dessus qu'on insiste. On ne pense pas qu'on doive présentement remonter ce niveau.

L'autre question qu'on a commencé à regarder, et on n'est pas tellement avancés, c'est tout l'aspect des transferts. Vous savez qu'une partie de l'enseignement postsecondaire est financée par le gouvernement fédéral. Ce qui est suggéré et ce qui nous semble intéressant, c'est la possibilité qu'on augmente les frais de scolarité. C'est une suggestion qui est faite dans le rapport Macdonald et qu'une partie des frais que l'étudiant aurait à payer de plus puisse être financée par le gouvernement fédéral, mais directement à l'étudiant, à l'individu, parce qu'un étudiant, cela peut être autant un jeune qu'un adulte au niveau de la formation professionnelle. On trouve la proposition intéressante, en d'autres termes, d'amener un transfert de fonds plus important du gouvernement fédéral non pas à l'université comme telle, mais plutôt à l'individu. Cela est l'essentiel de notre message. On ne vient pas ici pour dire au gouvernement: Mettez plus d'argent dans le financement des universités. On dit: il y aurait lieu d'examiner une autre façon de rendre l'argent accessible aux universités.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur, de votre intervention. Je fais remarquer qu'il est 12 h 59. La commission suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À

l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'éducation continue ses travaux qu'elle avait entrepris ce matin en continuant l'audition du groupe représentant le Mouvement pour l'enseignement privé. Je reconnais la députée de Chicoutimi, porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'éducation. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci. M. Robert, madame, messieurs, M. le recteur, cela me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier d'avoir souhaité participer à cette commission. Comme le soulignait le ministre, tout à l'heure, j'estime également qu'il est important qu'on entende ici la plus grande variété possible d'opinions. Indépendamment de ce qu'on peut avoir comme opinion personnelle, il est évident que, si elles étaient arrêtées avant même toute audition, on n'aurait pas lieu d'entendre tout le monde ici. Â cet égard, toutes les opinions sont ici les bienvenues.

Je vais revenir sur quelques éléments de votre rapport. Vous faites un certain nombre de remarques à la fois qui portent sur les frais de scolarité, sur le bon d'éducation, sur ce que pourrait être le financement fédéral dans l'attribution de ressources, les modes d'allocation des ressources pour l'enseignement supérieur. Vous réclamez, pour les universités comme pour les écoles, une plus grande autonomie en rappelant un certain glissement qui s'est passé tant pour les commissions .scolaires, pour les municipalités que pour les universités.

Je me permets quand même, avant de poser quelques questions, de revenir sur un élément de votre présentation. Vous parlez des préoccupations que vous avez à la fois pour la qualité de l'éducation et son excellence. Je dois dire que ce sont des valeurs que je partage et qu'il est toujours heureux que l'on retrouve dans nos institutions d'enseignement. Je voudrais cependant ajouter qu'elles ne sont quand même pas exclusives au réseau de l'enseignement privé, sauf qu'elles sont peut-être plus difficiles à atteindre dans certains réseaux publics où, finalement, il n'y a pas de critères d'accessibilité au primaire, au secondaire. Ils doivent recevoir toutes les clientèles sans faire aucune sélection, ce qui ne rend pas toujours facile l'atteinte d'objectifs tels que la qualité et l'excellence.

Cela étant dit, vous faites de nombreuses références au rapport Gobeil dans votre présentation. J'ai cru comprendre que, sur l'essentiel, en ce qui concernait à tout le moins l'éducation, vous êtes d'accord avec ces recommandations. Vous avez surtout fait référence aux bons d'éducation, aux frais de scolarité, mais je me demandais... Il y a un certain nombre d'autres recommandations dans le rapport Gobeil qui touchent ce que j'appelle le ticket modérateur, mais ce n'est pas vraiment comme cela qu'on l'appelle. On appelle cela des mesures visant à réduire la durée des études au niveau collégial, mesures qui, si elles étaient appliquées, auraient comme effet de faire payer aux étudiants leurs études ou des frais de scolarité s'ils excèdent une certaine durée ou prolongent un peu plus leurs études.

Il y a des mesures également qui touchent les organismes consultatifs, mais on pourrait les passer sous silence. Est-ce que, dans l'ensemble, vous vous déclarez favorables aux recommandations du rapport Gobeil, même si ces recommandations avaient comme effet de restreindre l'accès aux études?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président.

M. Robert: Pour ce qui est du rapport Gobeil, vous allez recevoir durant les prochaines jours, si vous ne l'avez pas déjà reçu, une étude comparative entre nos positions comme mouvement. On a pris deux pages pour bien établir, par rapport aux recommandations de l'éducation, la position du mouvement qui a été définie dans un petit manifeste publié en novembre dernier pour ce qui est de l'éducation. On a fait une étude comparative simplement des recommandations touchant l'éducation, particulièrement les niveaux primaire et secondaire.

Quand on parle de bons d'éducation dans notre mémoire, on fait référence à la définition qui a été faite dans le rapport Gobeil. On dit qu'elle est tout à fait conforme et juste. Tandis que dans les modalités on pense que la référence ou, si vous voulez, la mécanique pour atteindre des objectifs cités comme tels dans le rapport Macdonald... On dit: Les gouvernements provinciaux pourraient peut-être encourager les universités et les collèges à atteindre l'excellence et à s'adapter en leur permettant d'augmenter les frais de scolarité sans s'exposer à des réductions de subvention provinciale. Pour cette partie du bon d'éducation, on a davantage à emprunter nos exemples et une certaine mécanique telle qu'expliquée dans le rapport Macdonald. La recommandation du rapport Gobeil en ce qui concerne les frais de scolarité ne touchait que les niveaux primaire et secondaire. On disait: Éventuellement le niveau collégial. Donc, on ne s'est pas arrêté à d'autres parties en disant: ticket modérateur pour le collégial et ces choses, on n'a pas touché encore à cette partie du rapport Gobeil en ce qui concerne notre mouvement.

Mme Blackburn: Si j'aborde les questions touchant à l'accessibilité c'est que

votre mémoire est absolument muet sur une partie du mandat de cette commission qui concerne les orientations.

M. Robert: Au sujet de l'accessibilité on a peut-être une réponse qui est partielle. On va vous donner l'exemple qu'on a vécu en ce qui a trait à l'enseignement privé. Vous savez que depuis dix ans, par toutes sortes de mesures qui ont été exercées, que ce soit des lois ou des règlements ou des directives, le coût des frais de scolarité pour les élèves du secteur privé a augmenté de 65 %. Malgré cette augmentation et surtout aux niveaux secondaire et collégial la clientèle a continué à augmenter. Dans une institution, l'an passé par exemple, il y a eu 900 demandes alors que l'institution pouvait en accueillir 130. On ne croit pas que l'accessibilité soit nécessairement reliée autant qu'on le croit à l'augmentation des frais de scolarité.

Mme Blackburn: Ceux qui ont le moyen de payer!

M. Robert: C'est un peu les affirmations qui ont été colligées par les recherchistes du rapport Macdonald. On dit: Ce n'est pas sûr que l'augmentation des frais de scolarité aurait un effet direct sur l'accessibilité. Au contraire, s'il y avait un ajustement... Il y a des facultés où la demande est très grande. On dit: Dans ces facultés, même une augmentation des frais de scolarité ne pourrait pas réduire l'accessibilité. L'augmentation de ces frais permettrait peut-être d'ouvrir d'autres cours et d'autres secteurs d'activité. Mais il y a d'autres mesures que les frais de scolarité pour compenser pour l'accessibilité. Pour rendre l'accessibilité plus facile on peut peut-être penser à améliorer le système de prêts et de bourses et à d'autres moyens que les frais de scolarité.

Mme Blackburn: II me semble que c'est un peu court comme analyse pour conclure que le fait de la croissance des frais de scolarité dans les écoles secondaires du secteur privé n'a pas eu d'effets sur l'accessibilité et qu'on pourrait tirer nécessairement les mêmes conclusions. Je pense qu'on ne s'adresse pas tout a fait aux mêmes clientèles.

Par ailleurs, concernant le collégial, la croissance des frais de scolarité dans les collèges a été somme toute absorbée, à tout le moins pour le tiers de ces frais, par le biais de l'aide financière aux étudiants. On sait que pour les étudiants qui fréquentent les collèges privés et qui ont accès à l'aide financière aux étudiants, les frais de scolarité exigés par les collèges privés sont admissibles. Ce qui fait que les collèges sont, en somme, subventionnés à la fois par le biais d'une subvention de base et à la fois également, pour le tiers des inscriptions, par le biais de l'aide financière aux étudiants.

Vous proposez comme mode de financement une modalité qui apparaît dans le rapport Macdonald et qui viserait, si j'ai bien compris, à subventionner l'étudiant, à accorder la subvention à l'étudiant plutôt qu'à l'institution. Si je comprends bien, cette subvention se ferait sans égard au revenu.

Une voix: Oui.

Mme Blackburn: Une dernière petite question qui, à mon avis, prendrait plus de temps qu'on en a pour trouver une réponse adéquate, mais quand même. Vous proposez la libéralisation totale des frais de scolarité dans les universités. Si je comprends bien votre pensée, c'est que l'université pourrait ici facturer 5000 $ à 6000 $, une autre, 1000 $, selon sa popularité et sa situation géographique ainsi de suite.

M. Robert: On rencontre les extrêmes, parmi la clientèle de l'enseignement privé, dans une région, dans une même ville. On peut trouver l'institution privée qui demande le moins cher au Québec et celle qui demande le plus cher dans une région donnée du Québec; autant l'une que l'autre a une clientèle. C'est dans ce contexte-là qu'on fait notre recommandation.

Au sujet de la question que vous avez soulevée tout à l'heure: l'augmentation des frais de scolarité, je demanderais au recteur de Saint-Georges-de-Beauce d'apporter un complément de réponse parce qu'il a vécu un exemple dans son collège.

M. Drouin (Jean-Marie): Ici, à Saint-Georges, on a les deux niveaux, le niveau secondaire et le niveau collégial. Au secondaire, en 1976-1977, on demandait aux parents des étudiants 425 $ comme frais de scolarité, et cette année on a demandé 950 $ dans un milieu où le salaire moyen ne dépasse pas 20 000 $. Souvent, les parents ont un, deux ou trois enfants au séminaire; cela devient une facture assez élevée.

Mme Blackburn: Ce que vous proposez comme modèle de développement des universités est essentiellement fondé sur le modèle de la libre entreprise, du chacun pour soi et de la loi du plus fort.

M. Robert: Disons que vous allez un peu loin. Je pense que nous avons apporté d'autres nuances et vous avez justement raison de dire que ça prendrait peut-être une bonne partie de l'après-midi pour rétablir la situation. On reconnaît à l'État, dans notre mémoire, un rôle de planification, de réglementation, un rôle complémentaire.

Mais ce que nous disons, c'est de ne

pas occuper toute la place. Il y a une question de balancier, d'équilibre là-dedans. En voulant corriger certaines choses au moment de la révolution tranquille, on a tout fait disparaître. Il y avait une expression qui était employée par l'ancien premier ministre. Il disait: En jetant l'eau, on a jeté le bébé avec. C'est un peu l'expression qu'il employait, pour dire qu'en voulant corriger une situation, rendre l'accessibilité plus grande, on a peut-être amené l'État à prendre toute la place.

Dans notre mémoire, on dit: On devrait revenir à un juste équilibre. On dit: La concurrence, ce n'est pas nécessairement négatif, c'est sain. Cela peut aider a augmenter la qualité. C'est dans ce contexte qu'on a situé notre mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Je reconnais maintenant comme interlocuteur le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Bonjour. Compte tenu encore des contraintes d'horaire, cela va être court. J'ai une question: J'ai beaucoup de difficulté à concilier l'ensemble de votre mémoire, quoique je pense qu'il n'y aura pas de cachette à partir du moment où vous êtes passablement favorable aux recommandations du rapport Gobeil, pour ce qui est particulièrement du bon d'éducation.

Vous avez sûrement entendu parler de nos immenses réserves au rapport Gobeil, mais nous ne sommes pas d'accord du tout comme formation politique avec ce qui est recommandé. Je pense que, de plus en plus, les appuis vont dans ce sens. Plus particulièrement pour ce qui est des suggestions dans le domaine de l'éducation, on a acquis la conviction que ce ne sont sûrement pas les quatre meilleurs conseillers en matière éducative qui ont fait des recommandations dans le rapport Gobeil

Mais cela étant dit, ma préoccupation est a un endroit. D'ailleurs, même le ministre de l'Éducation est d'accord avec nous. Bien oui! Il va avoir l'occasion de parler un peu plus. Il a juste dit qu'il prenait ses distances, mais, à un moment donné, il va les marquer davantage.

Mais au-delà de ça, lorsque vous mentionnez que les frais de scolarité doivent être variables d'une université à l'autre et d'un genre d'enseignement à un autre et que vous ajoutez que, pour vous, l'égale accessibilité de l'université pour tous doit être sans égard aux différences de fortune et la façon de compenser serait un bon système de prêts et bourses, je voudrais vous poser la question suivante: Est-ce que vous pensez qu'avec, pas l'abolition des frais universitaires, mais une variation très grande des frais d'université, quand on a à concilier cela avec une présence universitaire dans les régions du Québec, est-ce à dire qu'on aurait un système de prêts et bourses qui pourrait être variable, tout comme les frais universitaires, qui serait non plus universel au Québec, mais régional et qui tiendrait compte des coûts plus élevés? Cela permettrait aux régions du Québec d'avoir également un droit d'accessibilité à des études universitaires et, je l'espère, pas uniquement les confiner aux secteurs de premier cycle avec une spécialisation ne permettant plus d'offrir cette accessibilité générale à nos jeunes, garçons ou filles, des régions du Québec qui, eux et elles, ont le droit d'accéder à des études universitaires sans nécessairement être obligés constamment, pour ce qu'on appelle les programmes à caractère plus général que spécifique, de se spécialiser. On ne demande pas des facultés de médecine dans toutes les régions du Québec, on comprend cela.

J'aimerais entendre de vous quelques phrases là-dessus, parce que, relativement à votre recommandation, je dis: Si votre logique n'accepte pas un système de prêts et bourses différent dans les régions du Québec pour compenser ces écarts de coûts plus grands pour de la formation universitaire, personnellement, je serais complètement en désaccord avec votre recommandation d'éliminer les frais de scolarité, non pas de les éliminer, mais de les rendre variables d'une université à l'autre.

M. Robert: Je pense que vous avez déjà dans votre question des réponses en disant: Dans les régions éloignées, actuellement, on donne davantage des diplômes d'études de premier cycle qui, effectivement, dans bien des cas, coûtent moins cher à organiser pour l'université et devraient coûter moins cher aussi aux étudiants.

La deuxième partie, la question du système de prêts et bourses, comme on l'a fait dans d'autres domaines, vous savez très bien que, dans le domaine des conventions d'enseignants ou de personnel, on a prévu des primes d'éloignement, des prîmes pour tenir compte des coûts de vie différents d'une région à l'autre. Je ne vois pas pourquoi, dans un système de prêts et bourses renouvelé, il n'y a pas ce type de préoccupation qui pourrait être envisagée. On n'a pas été aussi loin que cela dans notre réflexion.

Vous avez soulevé aussi toute la possibilité d'organiser des études de deuxième cycle et de troisième cycle- Cela pose encore d'autres questions pas mal plus complexes que celles des prêts et bourses. Il n'est pas sûr que, même si on rend les études accessibles parce que les gens ont de l'argent pour le faire, on puisse développer, dans une région éloignée, l'environnement. Je pense aux bibliothèques auxquelles les professeurs faisaient allusion, l'équipe de professeurs, le centre de recherche qui

permettrait de former des étudiants de deuxième ou de troisième cycle.

Vous abordez toute une question qui est excessivement complexe et je ne pense pas qu'elle puisse être résolue exclusivement par des questions de prêts et bourses.

M. Gendron: Si le gouvernement décide de maintenir le réseau UQ, cela devrait faciliter l'élément que vous soulevez en termes de banque de ressources et de données universitaires par rapport aux équipements, etc. Je conclurais cependant en disant que je connais les conventions collectives et que je ne pensais pas nécessairement à des régions très éloignées comme Schefferville ou Ungava, le Grand-Nord. Là, on a effectivement des conditions spécifiques de travail qui tiennent compte des primes d'éloignement. Mais, à Chicoutimi, à Rimouski, dans la région de l'Outaouais, d'autres mémoires nous ont fourni la preuve que les coûts universitaires, même au premier cycle, sont plus élevés, parce que les universités régionales ont une responsabilité autre que strictement enseignement et recherche. Il y a le soutien aux activités du milieu qui est très important dans ces régions pour lesquelles elles ne reçoivent pas beaucoup de financement de l'État du Québec. À partir du moment où l'État ne contribue pas à les aider à assumer cette responsabilité, quand elles décident de le faire, elles sont obligées de le faire avec d'autres sources de financement. Dans ce sens, cela signifie que ce sont les étudiants qui sont, à un moment donné, obligés d'absorber les coûts plus élevés. Si les frais universitaires étaient variables, je voulais savoir si vous étiez d'accord qu'il y ait proportionnellement une même variation dans le système de prêts et bourses. On arriverait avec un système de prêts et bourses régional plutôt que national. Vous n'avez pas regardé cela?

M. Robert: On n'a pas été loin dans une question comme celle-là, parce qu'on n'a pas eu le temps de le faire et, d'un autre côté, ce n'est pas notre domaine pour le moment. On n'a pas d'objection à ce que cela soit examiné.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Dernière intervention de la part de Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Je vais être très brève, compte tenu, comme le rappelait mon collègue, des contraintes de l'horaire. Je voudrais vous remercier d'avoir participé à cette commission parlementaire. L'exercice que vous nous disiez avoir fait tout à l'heure, il m'intéresserait d'en avoir les résultats si cela n'est pas réservé à votre association. Merci, M. le recteur, messieurs, madame.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Je remercie M. Robert et les gens qui l'accompagnent de la contribution qu'ils ont apportée à notre discussion. II y a certaines idées qui, a priori, soulèvent des interrogations dans notre esprit, parce que je ne pense pas que, même du côté gouvernemental, nous soyons prêts à aller aussi loin que le propose la délégation. Mais ce sont des idées qui sont mises sur la table pour qu'on les examine. On va les discuter et les scruter attentivement. Il y a des éléments qui resteront peut-être. Il y en a d'autres qu'on ne pourra pas retenir pour l'instant. Je pense que votre idée, par exemple, à savoir qu'il n'y a pas lieu d'accroître le niveau de financement public, est pour le moins sujette à examen très attentif, parce que tout le poids des opinions entendues jusqu'à maintenant va plutôt dans le sens contraire. On va la regarder quand même. Mais cela devient une question de chiffres - ce n'est plus une question d'opinion - dans une grande mesure et on verra cela attentivement. Je pense que finalement on sera tous conditionnés par le langage des chiffres en ce qui touche l'appréciation de la situation actuelle. On en tirera des conclusions. C'est intéressant que les idées s'entrechoquent et s'entrecroisent. Je pense que c'est le but d'une commission parlementaire. Vous nous avez rendu un service très utile en venant nous rencontrer aujourd'hui et je vous en remercie.

Le Président (M. Parent (Sauvé): Merci M. le président, madame, messieurs. La commission parlementaire sur l'éducation a apprécié votre témoignage et suspend ses travaux pour quelques minutes pour les reprendre avec l'audition du groupement Fonds pour la formation des chercheurs et l'aide à la recherche.

(Suspension de la séance à 15 h 31)

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais à nos invités de prendre place. Encore une fois, j'inviterais Mme Quérido, M. Boisvert, M. Léonard, Mme Gendreau et M. Lallier à prendre place.

La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, à savoir tenir une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-

1988 et pour les années ultérieures.

La commission entendra le Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche.

Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche

Madame, nous vous souhaitons ia bienvenue. La commission vous - remercie d'avoir répondu à son invitation. Nous avons prévu une heure et demie d'échanges entre vous et les membres de la commission. On m'informe que la présentation de votre document durera environ 20 minutes. Au bout de 20 minutes, le dialogue s'engagera et le temps sera séparé en parts égales entre les deux formations politiques. C'est donc dire qu'à 16 h 50 je mettrai fin aux échanges et j'inviterai le porte-parole officiel de l'Opposition et le ministre à conclure. Normalement, à 17 heures, tout le monde devra avoir terminé. Si jamais vous sentiez que vous n'avez pas eu le temps de livrer tout votre message, à ce moment-là, soyez bien à l'aise de nous avertir et vous allez voir que, même si nous siégeons dans un cadre formel, nos échanges peuvent prendre une forme informelle afin d'aller chercher le plus de renseignements passible.

Madame, je vous souhaite la bienvenue et je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Mme Quérido (Christiane): Je vous remercie, M. le Président. À ma gauche, M. Jacques Léonard, professeur à l'Université Laval et membre du conseil d'administration; M. Maurice Boisvert, vice-président du conseil; Mme Andrée Gendreau, secrétaire générale du conseil; M. Alain Lailier, directeur général du cégep de Trois-Rivières et également membre du conseil d'administration.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Bienvenue. Nous vous écoutons.

Mme Quérido: Merci, M. le Président. Je voudrais, si vous me le permettez, avant d'aborder le sujet de notre mémoire, faire une remarque d'ordre général. Le Fonds FCAR se présente devant cette commission portant sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire pour parler à partir d'un point de vue particulier, celui de la recherche et de la formation des chercheurs. Il le fait sans présumer du bien-fondé des autres priorités du développement du réseau universitaire et également en tenant pour acquis que le développement de ce secteur ne doit pas se faire au détriment des autres besoins du système universitaire, c'est-à-dire en particulier des préoccupations actuelles concernant les études de 1er cycle, ni au détriment du maintien des objectifs d'accessibilité pour notre réseau.

Un autre aspect et une autre particularité concernant lesecteur de la recherche qui marque les positions prises par le fonds dans ce mémoire, c'est que celui-ci ne peut pas se développer d'une façon isolée. Contrairement, par exemple, à une politique concernant les études de 1er cycle où un gouvernement, un État peut décider d'avoir une politique particulière autonome qui ne tient pas compte du contexte dans lequel elle se situe, toute politique concernant le développement de la recherche doit nécessairement tenir compte du contexte plus global dans lequel elle s'insère et des facteurs qui, dans ce contexte, président à son développement, en l'occurrence, en ce qui nous concerne, des politiques et des mécanismes fédéraux du financement de la recherche, des standards nationaux d'évaluation, d'exécution de la recherche, ainsi de suite.

Dans ce mémoire, dont je me permettrai de ne faire qu'un très bref résumé pour laisser plus de temps à la discussion, le Fonds FCAR, à partir de l'analyse de l'état des besoins du réseau universitaire québécois au chapitre de la formation des chercheurs et de la recherche, a voulu faire ressortir les actions immédiates, tant au niveau des politiques que du financement, qu'il considère comme essentielles pour assurer le développement de la recherche universitaire.

Dans ce mémoire, le fonds précise également le rôle et les moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour permettre d'atteindre les objectifs que se fixe notre réseau universitaire au chapitre de la formation des chercheurs et de la recherche. Le malaise fondamental actuel de la recherche universitaire est, comme celui des universités dans leur ensemble, d'ordre financier, comme il a été souligné et reconnu par cette commission et par tous les intervenants. Le fonds croit que la recherche universitaire vit actuellement une véritable crise de son développement, et non pas simplement des difficultés passagères.

Cependant - ceci constitue un aspect essentiel que nous avons voulu faire ressortir - la relance de la recherche universitaire québécoise en tant que milieu scientifique compétitif sur la scène nationale et internationale - à cause des enjeux actuels qui touchent le développement scientifique, ne se fera pas uniquement par l'ajout de crédits nouveaux, même si ceux-ci sont essentiels. C'est à un véritable changement dans la stratégie de soutien à la recherche qu'il importe d'arriver, ce qui ne peut prendre forme sans une concertation plus affermie et une coordination plus soutenue des efforts impliquant à la fois le pouvoir politique, les institutions d'enseignement et de recherche et les organismes

subventionnaires.

Pour bien faire ressortir les enjeux et les défis actuels concernant le développement de la recherche universitaire, il faut tenir compte des différentes caractéristiques structurelles du réseau universitaire québécois. Il s'agit d'un système jeune, un des plus jeunes en Amérique du Nord, qui a dû répondre aux besoins d'une société distincte. Il s'agit d'un réseau différencié, traversé par une double structure collégiale et universitaire et par une dualité linguistique. De plus, le degré de développement diffère considérablement, avec des universités plus anciennes aux assises bien établies et des universités plus récentes dont les besoins ne sont pas de même nature.

Si cette différenciation a bien servi les objectifs que s'était donnés la société québécoise en termes d'accessibilité et de scolarisation, elle a eu aussi son revers: un développement inégal. Parce que cette structuration n'a pas toujours fait l'objet de l'intégration nécessaire en matière de concertation, elle a produit un éclatement et un éparpillement des ressources et des actifs qui ont nui au développement et à l'essor des programmes d'études graduées et de la recherche.

Or, malgré ce contexte limitatif, des pas de géant ont été accompli et la recherche universitaire au Québec a connu, surtout depuis ces quinze dernières années, une croissance extraordinaire qu'il est important de souligner. Dans tous les domaines scientifiques, dans toutes les universités, il se fait au Québec de la recherche d'excellence. Le problème qui se pose face au développement de la recherche universitaire ne se pose donc pas en termes de qualité de la recherche, mais de performance du système universitaire. C'est donc d'abord un problème qui touche le système universitaire en tant que système, dans son mode d'organisation et de développement de la recherche et des études graduées.

Aux contraintes structurelles, d'autres déterminations, celles-là plus conjecturelles, viennent également faire obstacle aux tentatives menées en vue de développer la recherche. Les politiques de financement des universités et les compressions budgétaires des dernières années ont causé de sérieuses difficultés aux établissements universitaires. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire que nous revenions sur ces données. Cependant, ce que nous voulons faire ressortir, c'est que l'impact de ces mesures s'est fait plus directement ressentir au niveau de la recherche et de la formation des étudiants gradués parce que, durant cette même période, les universités ont cherché à équilibrer leurs budgets en comprimant leurs dépenses d'infrastructure de recherche, personnel de soutien, achats, entretien des installations, puisque là se trouvait leur seule marge de manoeuvre. Sans doute que les universités et les unités administratives donnant le moins de priorité à la recherche et aux études avancées ont comprimé ce type de dépenses plus vite et de façon plus importante que les autres, avec tous les effets sérieux que l'on devine. (15 h 45)

Faut-il insister pour dire, ici, que la double pression conjoncturelle sur le financement des infrastructures de recherche, l'une, plus ancienne, liée à la politique de financement du fonctionnement des universités, l'autre, plus récente, liée à la période des compressions budgétaires, risque d'avoir pour effet de transformer une réduction passagère des activités de recherche et de formation en une incapacité plus fondamentale? On sait, en effet, que les laboratoires, les équipes, les programmes de doctorat mettent énormément de temps à se développer: ils exigent donc une stabilité dans leur financement plutôt que des subventions ponctuelles.

Autre sujet d'inquiétude maintes fois souligné, la désuétude de l'appareillage scientifique dans nos universités. Ce problème, déjà grave il y a dix ans, a pris de l'ampleur à mesure que les budgets universitaires servaient moins à la recherche et davantage aux études de 1er cycle. Cette situation est particulièrement grave dans les universités où il se fait beaucoup de recherche et plus aiguë dans les domaines de recherche récents, comme l'informatique, la biotechnologie, qui n'ont pas reçu d'aide importante des universités dans les années 1966 à 1970, la période du développement majeur des budgets d'infrastructures dans nos universités.

Des programmes de recherches com pétitifs et des programmes de formation de chercheurs de grand calibre exigent des appareils perfectionnés, des bibliothèques bien documentées, nous l'avons souvent répété ici. Le manque d'outils adéquats exerce une influence défavorable sur tous les aspects de la recherche et restreint l'impact des programmes de financement direct de la recherche.

Un autre facteur limitatif dont il faut tenir compte quand on pense à une politique de développement de la recherche universitaire est relié aux ressources humaines. Le corps professoral des universités québécoises demeure, par rapport à celui des universités canadiennes, sous-qualifié en matière de diplomation malgré les efforts et les progrès accomplis par nos universités à ce chapitre, ces dernières années. De plus, il faut rappeler qu'au moins le tiers de l'effectif professoral de nos universités - ce qui est une conséquence directe des politiques budgétaires de ces dernières années - est constitué de chargés de cours. Le bassin de chercheurs potentiels

de nos universités se trouve donc doublement limité. L'absence de masses critiques de chercheurs en plusieurs domaines constitue un des problèmes majeurs auxquels il faut s'attaquer.

Parler des obstacles au développement de la recherche universitaire, c'est, au niveau de la réalisation de la recherche, reconnaître la désuétude des infrastructures, l'absence de masses critiques et la faible capacité de relève. En conséquence, le grand objectif qui, à nos yeux, doit mobiliser tous les intervenants concernés est de rendre nos universités plus compétitives sur le plan de la recherche et de combler notre retard au niveau de la formation du 3e cycle.

En ce qui concerne le Fonds FCAR, le phénomène de rareté des ressources a mis une pression additionnelle sur notre organisme et ceci de deux façons: en entraînant le gel de nos propres budgets et une augmentation de la demande de la part de notre clientèle, augmentation due en grande partie aux politiques institutionnelles d'incitation à faire appel le plus possible aux sources externes de financement de la recherche.

Dès lors, è la suite du diagnostic posé et compte tenu de la pression financière à laquelle nous avons été soumis, il nous apparaît que la stratégie nouvelle à élaborer passe par un réalignement de l'action gouvernementale, impliquant celle des organismes subventionnaires, par un nouveau leadership de la part des établissements et par une concertation accrue entre les différents partenaires. C'est pourquoi, le fonds, dans son mémoire, recommande que la formule historique de financement soit modifiée sur la base d'un financement plus sélectif, par secteur et par niveau d'études, en y incluant un paramètre qui tienne compte de l'intensité de la recherche réalisée dans les universités.

La mise en oeuvre de ce principe implique que l'on reconnaisse que les coûts reliés à la formation varient selon les disciplines et les niveaux d'étude et que les institutions performantes en regard des priorités du système d'enseignement supérieur doivent être encouragées de façon privilégiée.

La légitimité de ce principe vient de l'exigence de performance qui doit nous guider d'ores et déjà. Nous avons reconnu que notre système universitaire était différencié; il ne s'agit pas ici d'accentuer le développement inégal des universités, mais d'opérer les choix et de définir les stratégies qui permettront à l'ensemble de notre réseau de fournir la meilleure contribution possible au développement de la société québécoise. Les années que nous vivons doivent nous permettre de faire accéder notre réseau universitaire à la phase 2 de son développement, la première ayant été celle de son implantation en vue de rendre accessible l'éducation universitaire au plus grand nombre d'entre nous.

Nous croyons également que le gouvernement doit investir davantage en vue de répondre aux besoins urgents de renouvellement des équipes scientifiques; ceci pourrait se faire sous forme d'une action ponctuelle dans les termes d'un fonds spécial. Nous croyons également que le gouvernement doit accepter de financer les coûts indirects de la recherche.

Cependant, de tous les intervenants concernés les universitaires eux-mêmes demeurent le facteur principal à qui revient la tâche de réviser la stratégie québécoise en matière de formation des chercheurs et de soutien è la recherche par la poursuite d'une politique de consolidation et de concentration des ressources pour notre système universitaire dans des institutions ou des unités offrant des garanties de haute performance, afin de faciliter le regroupement des compétences, la création de milieux intellectuellement les plus stimulants possible et pouvant fournir des encadrements de meilleure qualité et plus propices à la formation des chercheurs. Cet impératif d'établissement d'un objectif général de consolidation et de concentration des ressources doit reposer sur une indispensable planification institutionnelle.

Un leadership plus affirmé des directions universitaires devrait se traduire dans les mesures suivantes, que l'on trouve identifiées dans les divers avis du Conseil des universités: le recrutement de professeurs qualifiés en recherche; l'application des critères de modulation des tâches, qui permettrait une plus grande spécialisation en recherche; la mise en place pour les professeurs de normes d'accréditation dans les programmes d'études graduées; l'organisation de mécanismes d'évaluation des programmes et des activités de formation de 2e et 3e cycle; et principalement, je crois, l'élaboration d'un plan de développement qui explique les priorités de chaque institution et les moyens d'action envisagés.

Ce sont là, à nos yeux, les principaux moyens pour arriver à une consolidation efficace et durable du secteur de la recherche et des études avancées au sein du réseau.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela termine, madame?

Mme Quérido: Est-ce que j'ai épuisé mon temps?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, il n'est pas question de temps, madame. Je croyais que vous aviez terminé.

Mme Quérido: II restait un dernier

point...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, sentez-vous bien à l'aise!

Mme Quérido: ...que je désirais souligner qui était le rôle et les moyens d'action que se propose le fonds. L'objectif fondamental du fonds est de promouvoir la recherche fondamentale et appliquée compatible avec les missions universitaires de développement du corpus de connaissances et de formation d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Son mandat se pose encore aujourd'hui dans les mêmes termes que ceux pour lesquels il a été institué il y a quinze ans, c'est-à-dire accentuer par la vole d'un programme spécifique à peu près unique au Canada, le soutien à la recherche universitaire et à la formation de chercheurs, dans le but de rétrécir l'écart de notre développement par rapport à celui du reste du Canada.

La première phase de cette mission est désormais accomplie, même s'il reste des besoins tant au niveau de l'établissement des nouveaux chercheurs qu'à celui de l'émergence de nouveaux secteurs en recherche ou de nouvelles institutions auxquels il faudra répondre.

Cependant, il faut aujourd'hui, pour rattraper les retards par rapport aux autres provinces, réviser nos stratégies et nos moyens d'action en privilégiant les deux pôles suivants. D'abord, l'investissement à moyen terme dans la formation et l'établissement de nouveaux chercheurs. C'est pourquoi le fonds verra à consolider son programme de bourses d'excellence et à mieux l'intégrer au soutien apporté aux étudiants dans le cadre de ses programmes de subventions. Le fonds donnera également la priorité au développement de son programme de bourses postdoctorales. Il proposera de mettre en oeuvre un nouveau programme d'établissement de nouveaux chercheurs complémentaire aux programmes qu'administre déjà le fonds et qui vise le regroupement des équipes de chercheurs expérimentés.

De leur côté, c'est par des mesures spécifiques visant le soutien à l'émergence que les institutions devront collaborer à cette stratégie de relève, d'où l'importance que le fonds accorde au plan de développement institutionnel.

Le fonds compte également centrer son action en agissant sur les modes mêmes d'organisation de la recherche par une politique sélective de concentration des ressources aux mains des chercheurs les plus qualifiés. En axant son action sur ces formes spécifiques d'aide, le fonds croit qu'il peut constituer un levier important, un catalyseur qui peut accélérer l'atteinte des objectifs prioritaires du réseau en termes d'études graduées et de recherche.

Le fonds veut valoriser la recherche en équipe et le développement des centres d'excellence en donnant à cette forme de soutien sa priorité. Dans le contexte actuel, il devient essentiel que les chercheurs se regroupent autour de thèmes ou de domaines d'intérêt commun pour effectuer une percée ou se tailler une place intéressante dans un secteur très compétitif et aussi pour disposer des ressources nécessaires dans une conjoncture qui, au plan financier, devient plus serrée. En formant de telles équipes, les chercheurs pourront créer l'atmosphère intellectuelle esentielle à la poursuite de la recherche et à la formation des futurs chercheurs.

C'est par ce biais également que nous croyons que les petites universités pourront développer des secteurs d'excellence en recherche pourvu que les établissements fassent des choix et décident de privilégier certains domaines en tenant compte de la complémentarité à établir entre les différents éléments du réseau. D'ailleurs, de telles équipes sont les points d'appui au développement ultérieur de la recherche dans des centres d'excellence.

C'est par ces moyens d'action spécifiques que le fonds croit qu'il jouera le mieux son rôle de complémentarité par rapport aux autres intervenants du financement de la recherche, qu'ils soient de niveau provincial ou fédéral. C'est autour de ces orientations que s'articulera le nouveau plan triennal d'activités que le fonds déposera au cours de cet automne.

De nouveaux investissements du gouvernement dans le financement direct de la recherche demeurent essentiels pour permettre à la communauté québécoise d'atteindre un niveau de performance comparable à celui des autres provinces. Cependant, ces fonds doivent être attribués de manière à s'attaquer systématiquement aux causes du retard plutôt que de permettre d'en atténuer les effets.

Cependant - le mémoire conclut sur cet aspect - ce travail de recentrement de l'aide publique à la recherche ne pourra se faire que si les partenaires concernés acceptent les contraintes d'une concertation plus efficace. À cet égard, le fonds croit qu'une réflexion devra être faite concernant la multiplicité des programmes sectoriels d'aide à la recherche. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Quérido. Je m'excuse si j'ai brisé le rythme de votre présentation. Je demanderais maintenant au ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science de prendre la parole. (16 heures)

M. Ryan: M. le Président, je vous remercie. Nous avons écouté avec beaucoup

d'intérêt le mémoire dont Mme la présidente du Fonds FCAR vient de nous donner l'essentiel. Nous connaissons tous le rôle très important qui a été confié par le gouvernement du Québec au Fonds FCAR dans la gestion des sommes visant à promouvoir le développement de la recherche et à promouvoir aussi l'excellence dans le travail universitaire en général. Depuis déjà plusieurs années, le Fonds FCAR est chargé, en particulier, de la distribution d'un programme très important de bourses d'études aux niveaux de la maîtrise et du doctorat. On peut dire, en toute vérité, qu'il s'est acquitté de cette tâche avec objectivité et impartialité.

Le fonds est également responsable de programmes qui visent a stimuler la recherche de l'excellence en équipe à l'intérieur des établissements universitaires et, encore ici, les contributions qu'il a fournies dans les universités ont été très importantes pour favoriser des développements qui, autrement, n'auraient probablement pas pu avoir lieu.

Je vous remercie, Mme la présidente, ainsi que ceux qui vous accompagnent, de ce travail qui est fait au service de la recherche dans nos universités et même dans d'autres milieux, parce qu'il y a certains programmes du Fonds FCAR qui débordent les cadres de l'université pour offrir des chances aussi à des chercheurs oeuvrant dans d'autres milieux, parfois même à leur compte. Je trouve que c'est excellent parce que, tout en accordant une importance centrale à l'université, il faut toujours éviter de lui conférer un monopole. C'est souvent de l'extérieur de l'université que jaillissent des lumières qui finissent par trouver certaines consécrations à l'université elle-même.

Alors, ce volet de l'action du fonds, même s'il est plutôt récent, est très important et pour l'avenir vous pouvez être sûr que, dans la mesure où j'aurai une certaine influence sur ces choses, ce volet est appelé à demeurer.

Je voudrais profiter de votre présence parmi nous pour résumer certaines données qui me paraissent fondamentales dans la discussion que nous avons sur le volet travail de recherche qui se fait à l'université. Dans votre mémoire, j'ai noté au début que vous parlez de stagnation et peut-être même de recul de la recherche dans nos universités. Dans un certain sens, je pense pouvoir souscrire à votre affirmation. Si vous nous dites, par exemple, comme vous le faites, que les compressions imposées aux universités ont donné lieu à des réductions de dépenses qui ont affecté particulièrement les ressources mises à la disposition du travail de recherche dans les universités, cela ne se traduira peut-être pas dans les statistiques brutes, mais, en fin de compte, il y a une diminution de la qualité et même du volume de la recherche qui est extrêmement importante.

Pour illustrer ce point, je dirais peut-être ceci: On calcule que la source principale de financement de la recherche qui se fait dans nos universités demeure les organismes subventionnaires fédéraux. Les organismes subventionnaires fédéraux pour l'année 1984-1985 ont fourni à nos organismes de recherche québécois la somme de 169 000 000 $ sur environ 212 000 000 $ qui ont été dépensés à des fins de recherche dans nos universités. Cela fait près de 80 %.

Dans l'ensemble du pays, les contributions fédérales équivalent à 60 % de l'ensemble des dépenses faites pour la recherche dans les universités. En Ontario, c'est 61 %. Chez nous, je m'excuse, j'ai dit 80 %; j'étais dans l'erreur. C'est 56 %. Il me semblait que quelque chose ne fonctionnait pas; j'avais de la difficulté à m'avancer plus loin! C'est 56 %. En Ontario, 61 % et, pour l'ensemble du pays, 60 %.

Par conséquent, l'Ontario a plus que le Québec, proportionnellement. Nous avons fait quand même pas mal de rattrapage de ce côté et la différence s'explique principalement par le fait que la majorité des installations fédérales qui s'intéressent à la recherche ou qui collaborent avec les universités de ce côté sont situées en Ontario.

Ce qu'il y a d'intéressant à noter pour nous, c'est que la contribution du gouvernement québécois est maintenant de près de 50 000 000 $ par année. Elle représente 23 % de toutes les dépenses faites dans nos universités en matière de recherche universitaire. En 1980-1981, c'est-à-dire il y a six ans, elle était de 22 %. Donc, en chiffres absolus, elle est passée de 26 000 000 $ à 48 000 000 $. Par conséquent, je pense qu'on doit reconnaître qu'en argent explicitement consacré à la recherche il y a eu une augmentation sensible.

D'autre part, ce qu'on ne doit pas oublier - je pense que cela explique votre remarque - c'est qu'il ne se fait pas de recherche autre que celle qui est directement et explicitement subventionnée à même les budgets spéciaux. Il se fait toutes sortes d'autres travaux de recherche dans les universités. Au ministère, nous estimons à quelque 200 000 000 $ la valeur des travaux de recherche qui se font dans les universités par-delà ces programmes explicites et directs de subventions. Je pense que c'est là que le "pinch", comme on dit en anglais, que l'effet dévastateur des politiques des dernières années se fait sentir particulièrement. S'il y a moins de ressources, moins de temps, moins de personnel qualifié pour les travaux de recherche, c'est évident qu'au bout de la

ligne il se fait moins de recherche. Il faut aller jusque dans ces chiffres pour le comprendre.

Sur ce, je vous remercie d'avoir porté cet aspect de la situation des universités à l'attention de la commission. Tout complément d'information que vous pourriez fournir à ce sujet serait très utile, je pense, pour que nous ayons une vue complète de ce problème.

Je ne veux pas continuer davantage pour l'instant. Avec le consentement de nos amis de l'Opposition, je voudrais que les premières questions que je poserais normalement moi-même vous soient adressées par ma collègue, la députée de Jacques-Cartier, Mme Joan Dougherty, pour deux raisons. D'abord, à cause de l'intérêt spécial qu'elle a toujours porté au développement de la recherche. Je pense que, parmi les députés des deux côtés de la Chambre, elle peut vraiment être considérée parmi les pionnières de l'intérêt des parlementaires pour ce secteur d'activité. Deuxièmement, elle doit partir tout à l'heure pour attraper un vol qui la conduira vers sa ville préférée. C'est pour cela que j'aimerais bien lui donner la chance de dialoguer quelque peu avec vous. Si on n'a pas d'objection du côté de l'Opposition, je compléterai quelques trous que vous aurez laissés...

Mme Dougherty: II n'y en aura pas.

M. Ryan: ...après que vous serez partie, pour être sûr de ne pas encourir vos foudres. Si vous voulez rester jusqu'à la fin, vous êtes la bienvenue. Merci beaucoup.

Le Président (M. Thérien): Nous avons le consentement. Je cède maintenant la parole à la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le ministre, de m'avoir donné la chance de poser les premières questions. Ma première question porte sur la mission du Fonds FCAR. Le Fonds FCAR a été créé au début, si je comprends bien, pour favoriser le rattrapage du Québec et, en particulier, des universités francophones en matière de recherche. Selon vos analyses, est-ce que vous avez effectivement accompli la mission prévue au début?

Mme Quérido: Je pense qu'on l'a mentionné très brièvement dans le mémoire. La mission du fonds reste, aujourd'hui, ce qu'elle était au début. Simplement une première étape du travail est accomplie, c'est-à-dire cette forme de rattrapage généralisé, c'est-à-dire de donner les premières bases de développement de la recherche dans nos universités. Le constat actuel et les chiffres que M. le ministre vient de citer montrent qu'à cet égard nous avons contribué à cette performance, puisque nous avons dans toutes nos universités, dans tous les secteurs disciplinaires, des chercheurs et de la recherche d'excellence. Cependant, il nous reste encore - les faits et les données le démontrent - une certaine forme de rattrapage à faire dans la position relative du Québec par rapport aux autres provinces puisque, comme je l'ai mentionné au début, nous ne pouvons jamais parler du secteur de la recherche ou du développement de la recherche d'une façon isolée. Elle s'insère nécessairement dans un contexte plus large à cause des enjeux qui se posent à la recherche vis-à-vis du développement économique et scientifique.

Cependant notre mandat reste le même, mais nos moyens d'action doivent être révisés. Nous restons toujours prioritairement un fonds qui a pour mission de subvenir à la recherche universitaire fondamentale ou appliquée en mettant l'accent sur la formation des chercheurs, donc en donnant la priorité à nos bourses et à tous nos programmes touchant la formation scientifique, et en mettant également, comme au début, l'action sur la formation en équipe et des centres d'excellence. Seulement, là, il faut focaliser de nouveau ces actions à partir des enjeux d'aujourd'hui. Il nous faut former des équipes fortes avec des masses critiques.

Ce qu'on remarque trop souvent, c'est que l'on a de nombreuses équipes excellentes au Québec qui performent d'une façon exceptionnelle sur le plan international, mais souvent elles reposent trop uniquement sur un seul chercheur. Leur devenir n'est jamais assuré. Qu'il arrive quelque chose à ce leadership et la survie des équipes n'est pas assurée. Donc, ce sont ces assises qu'il faut consolider. Il faut s'assurer que chaque équipe, chaque centre d'excellence ait une relève pour avoir une certaine stabilité dans la performance.

Je crois que la première mission de notre mandat est accomplie, mais le système universitaire évolue, les enjeux évoluent. Il faut repenser nos actions et les focaliser. C'est dans ce sens qu'on dit "plus sélective". On ne veut pas dire "plus sélective" dans le sens d'une politique plus élitiste, mais une politique plus spécifique en termes de moyens d'action. Le rôle du fonds à cet égard est très spécifique. C'est pour cela que, si on n'avait que la mission de subventionner la recherche, il n'y aurait pas besoin d'un autre organisme subventionnaire. Je pense que, si on a au Québec un organisme subventionnaire, c'est parce que celui-ci devrait être partie prenante des enjeux du Québec et déterminer des moyens d'action qui puissent être des incitatifs pour corriger des situations. C'est dans ce sens-là, je crois, que le mandat du fonds reste toujours le même et son action toujours aussi essentielle.

Mme Dougherty: Merci. Si j'interprète bien votre mémoire, vous vous interrogez sur la pertinence et le bien-fondé des politiques du gouvernement depuis trois ans de ne pas augmenter le montant consacré au FCAR et de prendre d'autres initiatives, notamment le développement des liaisons universités-industries. Je suis à la page 16. Le gouvernement a mis en vigueur le programme d'actions structurantes dans le but de renforcer la masse critique qui, tout le monde est d'accord, est nécessaire pour l'excellence dans nos efforts de recherche. De plus, le gouvernement a créé des centres de recherche. Il y en a plusieurs maintenant.

Vous parlez ici du risque - c'est mon mot, pas le vôtre - que présentent ces initiatives pour nos efforts. Vous parlez d'incohérence, de risque de morcellement, d'inefficacité, etc. Voudriez-vous expliquer un peu cette perspective? En dedans de cette perspective, voudriez-vous nous expliquer exactement le rôle, la mission que vous privilégieriez pour le FCAR à l'avenir? (16 h 15)

Mme Quérido: D'abord, peut-être un commentaire général. Je dois dire que, pendant que le gouvernement a multiplié ses formes d'action, de développement et d'investissement, le fonds - je le déplore sans présumer de la pertinence - a vu ses budgets gelés, ce qui, par rapport è ces enjeux, lui a apporté des contraintes additionnelles, d'autant plus, comme je l'explique dans le mémoire, que, pendant cette même période, les universités étant moins en mesure de suppléer à certains frais concernant la recherche, les organismes subventionnai res, pas simplement le nôtre, ont été amenés à jouer ce que j'appellerais une certaine forme de rôle de suppléance, c'est-à-dire que les universitaires ont fait de plus en plus porter aux organismes subventionnaires et sur les frais directs de la recherche des dépenses qui, traditionnellement, étaient prises en charge par les universités. Pendant cette période, la dernière période, la situation de notre organisme a été très difficile.

Quant à l'autre question que vous posez, effectivement, ces dernières années, il y a eu, dans le cadre des politiques scientifiques du Québec, de nombreuses actions ponctuelles et spécifiques de développement de secteurs, de nouveaux centres. Je crois qu'il ne faut pas d'une façon absolue condamner ces actions, bien au contraire. Comme on l'a souligné à cette commission, ces nouvelles structures, c'étaient peut-être les incitatifs nécessaires et il faut voir maintenant comment elles vont se développer.

Cependant, ce que j'ai voulu mettre en lumière, c'est qu'il faudra dans l'avenir voir à faire le tour de l'ensemble de ces programmes, de ces moyens d'action, voir s'il n'y aurait pas lieu de faire une meilleure coordination de ces programmes, voir aussi s'il n'y aurait pas lieu de confier aux organismes et aux secteurs dont c'est le mandat principal certains types d'action, comme la gestion de ces programmes lorsqu'ils correspondent à des objectifs similaires aux leurs dans le but d'une plus grande cohérence des moyens d'action, peut-être pour éviter ces dangers qui restent du dédoublement des actions, de l'éparpillement, c'est-à-dire une espèce de formule de guichet unique, et peut-être aussi, dans ce cas-là, de confier aux organismes subventionnaires, qui ont la compétence et dont c'est le mandat de faire de l'évaluation scientifique, la participation à la gestion de ces programmes en termes d'évaluation scientifique. Ceci s'est déjà fait dans le programme d'actions structurantes, et on a un bel exemple, je crois, de concertation de différents milieux: le gouvernement, le Conseil des universités, notre propre organisme, qui ont participé à la définition et à la gestion de ce programme. On devra voir, à l'avenir, à une meilleure concertation et à une meilleure utilisation des ressources, mais aussi, je dirais, de la compétence de certains organismes dans la gestion des programmes financiers.

Mme Dougherty: Vous avez parlé du guichet unique. À l'autre bout, est-ce que vous aimeriez aller aussi loin que de regrouper la responsabilité des subventions pour la recherche en dedans d'un organisme qui pourrait être le FCAR?

Mme Quérido: Vous me posez la question, vous me demandez ma réaction.

Mme Dougherty: En principe, théoriquement, est-ce que nos efforts seraient plus efficaces, plus cohérents - oubliez le FCAR pour le moment, si c'est possible - plus efficaces si toute cette responsabilité était regroupée en dedans d'un organisme?

Mme Quérido: Je pense qu'on peut répondre à cette question de deux façons. Si vous me dites "théoriquement", on peut dire qu'en termes d'une cohérence d'une politique il est bien évident qu'il est plus facile, si c'est le même chapeau, de planifier et, à cet égard, je pourrais répondre oui. Cependant, dans les faits, si vous me demandiez cela par rapport à la situation au Québec et aux différents mécanismes de financement qui sont au Québec, je vous dirais que, peut-être, ma préférence serait que l'on respecte les structures de financement actuelles, c'est-à-dire les organismes tels qu'ils sont, en particulier si on fait référence aux deux principaux organismes, un qui touche la recherche médicale et l'autre qui touche le fonds.

D'une façon, ma réponse est peut-être très pragmatique. C'est que nous sommes des organismes jeunes qui avons subi dans notre courte existence déjà plusieurs changements administratifs. D'ailleurs, le FCAR, qui existe depuis un an et demi, n'a pas fini de s'adapter aux changements de structures à la suite de la loi 19 et de sa création. Peut-être, par exemple, si on regarde les organismes fédéraux, leur grande force vient de leur stabilité. Certains existent depuis 75 ans. Ils ont donc pu acquérir en dehors de ces changements de structures une certaine stabilité. Je pense que cela est essentiel. À l'heure actuelle, vous avez deux organismes qui fonctionnent bien, qui commencent à prendre... Je pense que ce serait plus facile de tabler sur ces structures, quitte à avoir entre eux une bien meilleure coordination. Je dois dire qu'on le fait de plus en plus et cela s'était fait avant, mais on le fait dans des structures plus formelles comme on fait maintenant dans une structure plus formelle de la concertation avec les organismes fédéraux.

Je pense qu'il serait peut-être plus productif à l'heure actuelle de laisser les organismes sous leur forme actuelle tout en revoyant peut-être leur mode de coordination.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, Mme la députée de Jacques-Cartier. Je céderai maintenant la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci. Je voudrais d'abord, au nom de ma formation politique, vous souhaiter la plus cordiale bienvenue. Je ne peux m'empêcher de souligner que, parmi les organismes qu'on a entendus depuis déjà mardi, c'est la première femme qui est responsable et chargée de nous faire une présentation.

Écoutez, j'ai lu avec beaucoup d'attention votre mémoire. Il nous permet de situer l'importance du rôle que vous avez joué en matière d'aide au développement de la recherche et ce, à différents niveaux. Au moment où on a constitué cet organisme, au moment où on a modifié également son mandat, sa structure administrative, j'avais suivi ces débats avec beaucoup d'intérêt à la fois parce que c'est un outil de développement important dans la recherche au Québec, mais aussi parce que c'était par le biais de cet organisme qu'on avait reconnu le réseau d'enseignement collégial comme faisant partie des réseaux de recherche.

Je ne voudrais pas prendre plus de temps qu'il ne faut pour rappeler les éléments du rapport. Je pense que vous l'avez bien campé et bien rappelé. Je passerai immédiatement aux questions. Nous avons rencontré, c'est hier si je ne m'abuse - on finit par perdre un peu la notion du temps -l'Association des étudiants gradués qui ont abondamment fait état, évidemment, du Fonds FCAR et des bourses qui étaient distribuées. À présent, ce qu'on nous disait -et je voudrais là-dessus avoir un peu votre réflexion - les boursiers en maîtrise, pour 50 %, ne terminaient pas leurs études. Les raisons qu'on invoquait c'est souvent qu'ils devaient travailler en même temps qu'ils étudiaient. Les bourses n'étaient pas suffisamment élevées, un certain nombre de raisons étaient reliées à l'encadrement dans leur département. J'aimerais avoir votre réflexion. Si vous aviez des modifications ou des améliorations à apporter aux bourses destinées aux 2e et 3e cycles, elles seraient de quelle nature?

Mme Quérido: Je pense que le taux de terminaison des études, c'est un sujet de préoccupation au Québec, comme le temps pris pour obtenir un diplôme qui dans plusieurs secteurs constitue par rapport aux moyennes nationales un an et parfois deux ans de plus. Ce qui est un coût social énorme. C'est une préoccupation du fonds. D'ailleurs, dans les premières études d'analyse et d'évaluation de son programme de bourses, c'est une question qu'il s'est posée, les moyens qu'il devrait prendre et les incitatifs qu'il devrait y avoir dans ces systèmes de bourses pour permettre, si vous voulez, de s'attaquer à ces deux problèmes.

D'une part, il est vrai - c'est un fait d'ailleurs que nous avons souligné - que nos bourses d'excellence auraient besoin d'être indexées. Nos bourses d'excellence à la maîtrise ont une valeur de 7500 $ et de 8500 $ alors que les bourses équivalentes au fédéral sont de l'ordre de 12 000 $. On sait que le système de bourses au Québec, c'est volontairement qu'on le maintient un peu inférieur à celui des bourses fédérales, parce que l'optique est que c'est un programme subsidiaire au programme fédéral. Donc, on veut d'abord pousser les étudiants à accepter et à demander les bourses fédérales. Cela, c'est un aspect. Donc, la valeur de notre bourse n'est pas intéressante pour les étudiants, et, bien souvent vous savez, les étudiants acceptent une bourse et puis après ils la refusent parce qu'ils trouvent un moyen autre de travail qui leur donne de meilleures ressources financières. C'est un problème qui est connu et que nous avons souvent souligné.

L'autre problème qui est, lui, plus fondamental, c'est la façon dont on peut utiliser notre système de bourses au Québec pour corriger ces situations? Nous envisageons des mesures dans notre programme de réforme, comme par exemple que nos bourses soient données à des équipes "performantes" de sorte que les étudiants

seront dans un milieu de formation et d'encadrement qui pourront voir. Nous pensons à mettre des mesures beaucoup plus incitatives et utiliser notre programme de bourses en combinaison avec notre programme d'équipe pour, si vous voulez, créer les incitatifs et le milieu pour s'attaquer à ce problème du temps.

Je vais passer la parole à M. Boisvert qui, peut-être, pourrait ajouter quelques commentaires.

M. Boisvert (Maurice): Je voudrais ajouter, madame, que, malgré les efforts que peut faire FCAR pour atténuer ce problème des abandons par les actions que nous prenons actuellement au sujet des bourses, je ne crois pas que nous puissions résoudre ce problème de façon complète par nos actions sur les bourses.

Le problème des abandons est mal connu parce que mal étudié dans notre système universitaire. Les universités commencent à peine à étudier les abandons et les causes, aussi bien au niveau des études de 2e et 3e cycles qu'au niveau du 1er cycle. De toute façon, tes mesures que nous proposons, qui, encore une fois, selon la remarque initiale de la présidente au début de cette présentation, consiste à nous ajuster à ce qui se fait généralement au Canada, dans d'autres provinces, et dans des États américains au point de vue bourse, va remédier de façon partielle seulement à la situation des abandons,

Mme Blackburn: Peut-être, juste en complément de cette première question. Est-ce que vous avez des données sur l'origine socio-économique des jeunes qui abandonnent, qui ont tendance davantage à ne pas poursuivre leurs études? Non, vous n'avez pas fait d'étude.

Mme Quérido: Non, puisqu'on n'a pas... Nous, au fonds, ce sont les universités qui pourraient nous fournir ces données. Nous, nous n'avons que des données sur nos propres boursiers, c'est-à-dire sur ceux à qui nous attribuons des bourses. Je ne pense pas qu'on ait l'origine sociale et économique de ces bourses.

Mme Blackburn: Mme Quérido, vous nous parlez beaucoup dans votre mémoire de développement sélectif, de concentration des ressources. Quoique je le retrouve aux pages 9, 10 et 14 - à 14 cela me semble un petit peu plus clair - mais j'aimerais quand même que vous nous précisiez votre pensée, à la fois sur le rôle de la recherche dans les universités en régions et la nécessité de maintenir les 2e et 3e cycles, de façon un peu plus ramassée.

Mme Quérido: Je sais qu'à plusieurs reprises au cours de ces assises, on a discuté de ce problème du rôle de la recherche dans les universités en régions. D'abord, moi, j'ai peut-être une position plus pragmatique. Vous savez, la recherche dans les universités en régions, elle existe déjà. Il y a même, dans chacune des universités régionales, des centres d'excellence. Donc, je pense que c'est un fait. Il y a aussi dans les universités en régions certains programmes d'études de 3e cycle. (16 h 30)

Je pense que la question qu'il faut nous poser, aujourd'hui, c'est: Comment va-t-on maintenir et développer ces secteurs qui existent déjà? Je dois vous dire que les défis sont plus grands que les défis qui sont déjà très grands pour notre réseau universitaire de maintenir et de développer nos secteurs d'excellence dans un environnement scientifique beaucoup plus large comme notre réseau universitaire urbain. Comme je l'ai dit, souvent ces centres d'excellence qui existent ne reposent que sur un chercheur. On sait qu'il est extrêmement difficile, au-delà des ressources financières que l'on peut y mettre, d'attirer des chercheurs de haute compétence dans des milieux éloignés. C'est un fait au Québec comme dans toutes les autres situations. C'est également difficile dans les régions d'attirer des étudiants de 2e et de 3e cycles. Et, cela reste là le défi. Bien sûr, il y a la population locale régionale qui participe à ces programmes, mais il faut aussi que des étudiants externes viennent pour qu'il y ait la masse critique. Je pense qu'on les a maintenant, il reste à savoir comment on va les maintenir et comment on va les développer.

L'autre question plus fondamentale se pose pour tout notre réseau: Quels autres types de domaines d'excellence pouvons-nous développer à l'heure actuelle dans les régions et dans notre système étant donné ces exigences qu'a la recherche et étant donné les coûts énormes de développement des secteurs d'excellence?

Mme Blackburn: À la page 12 de votre mémoire, vous dites que le leadership des directions des universités devrait se traduire par un certain nombre de mesures et vous parlez de la modulation des tâches. On a entendu affirmer ici, tant de la part des étudiants que des professeurs, qu'il y avait un rapport étroit entre la qualité de l'enseignement d'un professeur et le fait qu'il s'adonnait à la recherche. Alors, l'idée qu'on puisse moduler les tâches de manière qu'il y ait des professeurs qui enseignent un peu plus et d'autres qui cherchent un peu plus, d'après les professeurs qu'on a entendus et les étudiants - je le rappelle et je trouve que c'est important - ils estiment qu'on ne peut pas en faire une généralité et que déjà la tâche des professeurs - on le sait - est en

partie modulée parce qu'il y en a qui, à cause d'une subvention spéciale, s'adonnent davantage à la recherche pour un temps ou ensuite ou encore à l'administration. Il faudrait peut-être me préciser votre pensée sur cela afin que je puisse voir où elle se situe par rapport à ce qu'on a entendu depuis le début de ces travaux?

Mme Quérido: Ce qu'on a à dire - je laisserai aussi la parole a mes collègues sur cette question - quand on parle de modulation de tâches, on ne préconise pas, par exemple, une spécialisation outrée du corps professoral où on aurait des professeurs de 1er cycle et des professeurs de 2e et de 3e cycles qui seraient des professeurs de recherche comme dans certains systèmes universitaires. On ne préconise pas non plus une modulation de carrière en termes de répartition. Dans la vie d'un professeur universitaire, il y a des temps forts de recherche, il y a des temps plus forts d'enseignement. C'est de varier selon les exigences et les investissements qu'il met dans un poids plus lourd du côté de l'enseignement ou un poids plus lourd du cûté de la recherche. Donc, c'est tenir compte des variations des temps de carrière et des investissements d'un professeur pour adapter sa tâche, soit à l'enseignement, soit à la recherche. Mais au-delà de cela, il est évident que dans l'ensemble de notre système universitaire, à l'heure actuelle, il y a quand même une proportion importante de professeurs qui sont peu actifs en recherche et ceux-là pourraient en termes d'organisation totale des ressources humaines d'une université avoir des tâches plus importantes d'enseignement. Donc, c'est une modulation de la tâche, une répartition de la tâche en termes de système, cela ne veut pas dire nécessairement en termes d'intensité. Je ne sais s'il y a quelques-uns de mes collègues qui, sur cette question fort discutée... parce qu'il y a toutes sortes d'aspects à la fois syndical et... reconnus. Une chose est certaine, c'est qu'il faut qu'on évalue mieux dans la tâche d'un professeur le temps consacré à la formation et à la recherche dans nos politiques universitaires de définition de tâches professorales. Ceci n'est pas toujours fait d'une façon très systématique dans l'ensemble de nos universités. Le temps de formation des 2e et 3e cycles est mal évalué dans notre système universitaire en tant que tâche professorale. Dans certaines universités, c'est crédité comme activité de formation; dans d'autres universités, cette tâche n'apparaît même pas en termes de crédit professoral. Il y a là un travail à faire. Je ne sais pas si...

M. Boisvert: C'est que, actuellement, madame, on fait la modulation de tâches dans certains départements où l'activité de recherche est intense et où les professeurs sont convaincus de la valeur de cette recherche et où on a réussi à quantifier l'encadrement des étudiants des 2e et 3e cycles. On en tient compte au moment de distribuer les tâches aux professeurs du département. Ce ne sont pas cependant les conditions qui prévalent de façon générale dans tous les départements de l'université à cause de l'intensité de la recherche qui est plus ou moins forte dans l'un ou l'autre de ces départements. Ce ne sont pas des politiques institutionnelles. Alors il faudrait commencer par une comptabilisation exacte de ce que représentent les activités de 2e et de 3e cycles et l'encadrement des étudiants, en tenir compte au moment de la location des tâches à chacun des professeurs, ce qui modulerait la tâche d'enseignement de premier cycle d'un professeur qui se trouve très actif en recherche, qui dirige plusieurs étudiants au doctorat et qui, parfois, peut être le directeur d'un centre de recherche et le pivot de ce noyau. Il pourrait justifier une réduction à zéro de son enseignement de premier cycle pendant une certaine période, alors qu'il est très actif et le pivot de la recherche dans un secteur donné.

Mme Blackburn: Je voudrais une réponse brève parce que tantôt, on va me donner des coups de pied en dessous de la table. Vous comprendrez que toute cette question de la modulation de la tâche est très liée à la question de l'augmentation de la tâche, celle proposée dans un rapport qu'on nous invite à ne plus nommer mais auquel on a fait référence tout à l'heure. Le calcul semble simple. Vous augmentez la tâche de 50 % et vous faites une économie égale. La question que je me pose est la suivante: Est-ce possible? Est-ce envisageable? Car on attache beaucoup la question de la modulation ou de la spécialisation à cette capacité de doubler la tâche. Petite réaction.

Mme Quérido: Je vais laisser l'un des professeurs actifs à l'université répondre à cette question.

M. Léonard (Jacques): Je pense que ce que nous avons comptabilisé dans le rapport auquel on fait allusion ici, c'est une partie de la tâche des professeurs d'université. Je viens d'un département où effectivement la modulation se pratique depuis de nombreuses années. Ceci ne veut pas dire une compartimentation ou une exclusivité d'une certaine activité universitaire par certaines personnes tout au long de leur carrière. Comme le disait tout à l'heure notre présidente, la situation de quelqu'un dont la carrière universitaire évolue et la partie enseignement comme tel, celle que l'on peut comptabiliser et qu'on retrouve dans

certaines conventions collectives de professeurs d'universités, c'est celle-là que l'on retient avant tout. Bien souvent, la formation de chercheur et toute la contribution que peuvent apporter les membres du corps professoral à l'administration de l'institution, ceci n'apparaît nulle part. Il faudrait essayer d'obtenir une concertation de la part des principaux intervenants, soit les syndicats de professeurs, les institutions et même le ministère, afin de reconnaître le principe d'une modulation de la tâche non pas basé sur l'exclusivité d'une certaine pratique, mais sur une certaine intensité d'une partie de la tâche universitaire par rapport à d'autres. Une fois reconnu ce principe, que l'on agisse en conséquence.

Mme Blackburn: Tout à l'heure, la députée de Jacques-Cartier vous a un peu amené sur ce terrain de la concertation et de ce que j'appellerais la restructuration des organismes subventionnaires et recherche. Il y a une recommandation qui propose de créer deux grands organismes subventionnaires, un sur la recherche fondamentale et la recherche appliquée et un sur la recherche et le développement, parce que je dois comprendre de ce rapport que, généralement, on attache recherche et développement davantage à l'industrie-université ou l'industrie-collège. Je voudrais brièvement avoir votre réaction sur l'existence de deux grands organismes subventionnaires.

Mme Quérido: Le problème de regrouper sous un seul organisme subventionnaire la recherche fondamentale à partir des différents organismes, je pense que j'ai déjà un peu répondu à cela. Maintenant, quant a la répartition entre ce ou ces organismes de recherche fondamentale et l'autre, recherche et développement, il m'apparaît - ça aussi on le souligne à la fin du mémoire - qu'il serait important dans cette dichotomie de la recherche appliquée, la recherche et le développement et la recherche fondamentale, que la mission universitaire de cette recherche soit sous l'égide du même organisme.

Il m'apparaîtrait dangereux, en tout cas difficile que certains aspects concernant l'université et ses ressources humaines soient départis du ministère responsable de l'enseignement supérieur pour appartenir à un ministère à vocation économique. Donc, dans ce départage des responsabilités, toute la mission universitaire et tout ce qui touche l'université et les ressources humaines de l'université, étudiants et professeurs, cela devrait rester sous la responsabilité du ministère de l'Enseignement supérieur.

Mme Blackburn: Donc, cela ne relèverait pas du commerce extérieur et du développement technologique. Une formule a été proposée par les organismes subventionnaires fédéraux qu'on appelle le "pairage". Vous n'avez pas envisagé une telle éventualité dans le cas de votre fonds pour distribuer les subventions?

Mme Quérido: Je pense que c'est une préoccupation, mais c'est une préoccupation actuelle et non pas, je dirais, une tradition de notre fonds qui est d'abord un fonds de recherche fondamentale et appliquée, de recherche libre. Cependant, nous avons des programmes. Nous avons déjà un programme qui pourrait nous permettre de diversifier nos ressources, qui est le programme d'action stratégique, d'action thématique, recherche et action concertées.

À l'heure actuelle, les seuls partenaires, si je peux dire, de ce programme conjoint sont les ministères. Mais nous envisageons d'attirer, si vous voulez, ou de voir comment nous pourrions développer ce type d'actions à l'intérieur de ce programme mais avec l'industrie, et diversifier. Mais je dois vous dire que, pour notre organisme, c'est une préoccupation tout à fait nouvelle, puisqu'elle ne s'était pas insérée jusqu'à maintenant dans ses mandats et ses programmes.

Le Président (M. Thérien): J'imagine qu'il y a consensus pour qu'il y ait une question du député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Sans privilège. Il nous reste du temps pour notre formation politique.

Le Président (M. Thérien): Je voulais juste faire remarquer, M. le député...

M. Ryan: II leur reste du temps effectivement. (16 h 45)

M. Gendron: Oui, il nous reste effectivement du temps.

Le Président (M. Thérien): II vous reste une minute, plus cinq minutes.

Mme Blackburn: C'est-à-dire que je prendrai une minute pour la fin mais on laisse cinq minutes pour la question, M. le Président. Voila! Elles vont se répartir et j'accepte...

M. Ryan: On va vous laisser cinq minutes quand même mais on voulait faire le compte juste avant parce que, connaissant votre habileté, on sentait le besoin de bien vous entourer!

Le Président (M. Thérien): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: II est donc gentil, mon... Un commentaire parce qu'en cinq minutes on n'a pas le temps de faire des débats de fond.

M. Ryan: D'ailleurs, il n'y aucune difficulté. Depuis le début de la journée, il parle souvent dans notre sens.

Le Président (M. Thérien): Disons que, pour conserver les six minutes, j'inviterais les autres parlementaires à donner la parole a M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui. À partir du moment où vous n'avez pas voulu faire comparaître M. Gobeil, on est obligé d'aller dans le même sens. Ce qui nous fatigue, c'est le rapport Gobeil.

Le Président (M. Thérien): M. le député d'Abitibi-Ouest, je vous demanderais de...

M. Gendron: Un commentaire général. Je pense qu'effectivement on doit vous remercier très sincèrement, parce que, lorsqu'on connaît l'importance de la recherche dans le monde universitaire, un organisme comme le vôtre devait, je pense, venir nous donner son point de vue et il est passablement éclairant. Vous mentionnez à la fin de votre mémoire que, de vos éléments les plus importants - vous avez appelé cela "l'urgence d'agir" - c'est la nécessité d'un nouveau leadership de même que la mise en place d'une plus grande concertation. La question bien précise que je veux vous poser, c'est: À partir du moment où on conviendrait tous que l'État doit effectivement faire un effort additionnel au niveau des ressources financières... Je pense que c'est un consensus qui se dégage et je suis loin d'être convaincu qu'on va avoir besoin de tenir une commission parlementaire - sur cet aspect, j'entends - pour dégager le consensus. Si on veut que l'éducation soit davantage un investissement qu'autre chose, c'est sûr que cela va prendre des ressources additionnelles. Il va falloir non seulement le dire mais surtout le faire. Dans l'urgence d'agir, la question que je veux poser, c'est la suivante: Demain matin, on fait l'hypothèse que de l'argent additionnel doit être versé d'une façon plus substantielle. Je le verse globalement, par exemple, dans la problématique qu'on a étudiée sur les difficultés du financement universitaire. C'est quoi, à votre avis, la proportion assez précise qui devrait être affectée - je vais l'appeler ainsi - au fonds général du financement universitaire, par rapport à la recherche universitaire? Est-ce que cela serait dans des proportions de 50-50 ou de 20-80? Quel est votre point de vue à titre d'organisme de chercheurs?

Mme Quérido: Dans la recherche universitaire, il faut considérer plusieurs niveaux. Si vous parlez de financement direct de la recherche, tes organismes subventionnaires, c'est un aspect. Mais on a aussi souligné d'autres aspects. Il faudrait investir dans l'équipement scientifique de nos universités. C'est un type d'investissement qui va demander peut-être, même si on n'est pas encore arrivé à comptabiliser les besoins d'équipements... Il y a des groupes gouvernementaux et universitaires qui y travaillent. Là, il y aura besoin d'une action et d'un investissement majeurs.

Dans le fond, le financement global des universités, étant donné la structure de ce financement de base des universités, se trouve à financer aussi la recherche et la formation de chercheurs. Donc, ces trois catégories de financement finalement touchent le financement direct de la recherche. On avait déjà mentionné dans d'autres avis qu'en fonction du manque à gagner général des universités, cela demanderait un investissement de 100 000 000 $ à court terme. Dans le financement des équipements scientifiques, il m'apparaîtrait difficile d'avancer un chiffre à l'heure actuelle, tant que ces études fort complexes que l'on fait ne sont pas terminées. On sait que c'est majeur, que cela peut être substantiel, mais il paraît que personne ne peut déterminer exactement le chiffre de cet investissement. En ce qui a trait à notre propre organisme, nous nous apprêtons à déterminer, dans le cadre du plan, les besoins financiers à court terme qui devraient y être inclus.

M. Gendron: À vous une autre et à M. Boisvert peut-être une autre sur ce qu'il a évoqué tantôt. Vous avez évoqué à plusieurs reprises, Mme la présidente, la nécessité d'un nouveau leadership. Cela est exprimé assez souvent dans votre mémoire, à moins que j'aie mal saisi ou mal lu. J'ai de la difficulté, par exemple, à saisir de façon très précise quel leader devrait exercer le nouveau leadership. Il n'est pas tout d'en parler, à un moment donné, il faut que ce soit assez présent dans l'esprit de ceux qui prétendent qu'on corrigerait beaucoup dans l'action universitaire s'il y avait un nouveau leadership d'exercé. Est-ce que vous en attribuez la responsabilité davantage à l'État québécois, aux universités, aux chercheurs? J'aimerais savoir qui, très précisément, d'après vous, devrait exercer davantage de leadership dans ce qu'on a à discuter.

Je veux poser une question à M. Léonard sur l'autre volet. Je voudrais qu'il revienne un peu. Il y a quand même beaucoup de professeurs universitaires, de cadres universitaires ou d'universités qui ont la prétention que, dans l'encadrement de la tâche des professeurs universitaires, il faut voir là, non seulement des temps d'enseigne-

ment, mais des temps de préparation, de soutien, d'apport administratif - vous avez appelé cela comme cela - à la gestion même de la boîte et, bien sûr, des temps de recherche. Sur le plan théorique, tout le monde est capable de vivre avec cela. Dans le concret, je n'ai pas d'expérience comme professeur universitaire mais j'en ai une petite de dix années dans l'enseignement primaire et secondaire. Je ne suis pas sûr que, même si nous portions tous l'étiquette de professeur et que chacun dût s'acquitter le mieux possible de sa responsabilité, on aurait la même capacité de faire ce qu'on appelle notre charge d'enseignement qui déborde strictement nos temps d'enseignement. En termes clairs, je doute énormément que, dans le monde d'aujourd'hui, sans porter de jugement sur les personnes, elles ont toutes ou à peu près la capacité de développer cette dimension de chercheur à l'intérieur du système universitaire, qui est plus requise.

Pourquoi pas alors, et c'est là ma question précise à un professeur qui connaît le milieu, continuer à avoir cette prétention qu'on ne peut pas baser des responsabilités exclusives? Il me semble qu'on serait plus en mesure de faire des évaluations et d'offrir plus à ceux qui ont, d'une part, le vouloir de faire de la recherche universitaire, probablement les antécédents et la capacité, si on s'entendait pour dire que la recherche universitaire, même sur le plan théorique de la fonction, surtout aux 2e et 3e cycles universitaire, c'est une mission qui appartient au professorat mais beaucoup plus sur le plan théorique que dans les faits. Comment pourrait-on contrer cela et s'assurer qu'il y a des professeurs universitaires qui ne font que de la recherche universitaire, et ce sont ceux qui en feraient moins, même si aujourd'hui ils peuvent prétendre qu'ils en font sans en faire - vous comprenez? - qui pourraient, dans leur tâche, dégager du temps ou de l'argent pour que ceux qui ont à la faire l'assument mieux.

Mme Quérido: Vous pouvez peut-être répondre à la question.

M. Léonard: Je peux répondre immédiatement à ceci. Quand on engage quelqu'un pour le corps professoral dans une université, on demande à ces personnes de faire à la fois de la recherche et de l'enseignement. C'est assez particulier parce que vous avez des centres de recherche où on demande aux gens tout simplement de faire de la recherche. Il y a aussi des institutions d'enseignement où on demande aux gens de ne faire que de l'enseignement. Mais le milieu universitaire a ceci de particulier qu'on leur demande de faire à la fois de la recherche et de l'enseignement. De plus, avec le temps, d'ailleurs quand on a des conseils à donner aux jeunes personnes qui entrent dans le corps professoral, c'est de ne pas se laisser prendre prématurément par des tâches administratives. Parfois, on engage des gens qui sont un peu entrepreneurs et il faut les retenir un peu de ne pas trop se lancer dans cette voie-là. Il reste qu'essentiellement, quand on engage des gens pour le corps professoral, on leur demande de faire à la fois de la recherche et de l'enseignement.

Avec toutes les tâches qui nous tombent dessus au niveau universitaire, cela devient fatigant de faire de la recherche, parce que, essentiellement, quand vous faites de la recherche, cela veut dire vous tenir en avant des autres. Chez certaines personnes, les tâches supplémentaires aidant, la fatigue aidant, effectivement au cours de leur carrière, on s'aperçoit - d'ailleurs, des statistiques ont été établies là-dessus -qu'avec l'âge, le nombre de personnes qui font de la recherche diminue. C'est là l'avantage d'une modulation de tâches qui n'est pas coulée dans le ciment. Â un moment donné, on peut demander à quelqu'un qui se désintéresse de la recherche, qui demeure quelqu'un d'extrêmement compétent, d'apporter davantage au niveau de l'enseignement ou encore de certaines tâches administratives. C'est ainsi qu'il faut voir l'ensemble de la carrière universitaire et la modulation de tâches dont il est question. Personnellement, je n'aime pas voir apparaître dans une convention collective des professeurs les fatales six heures d'enseignement qui sont gelées là, alors qu'à côté, on ne reconnaît aucunement toutes les autres tâches de l'enseignant.

Mme Quérido: Votre question sur le leadership.

M. Gendron: ...un autre leader.

Mme Quérido: Je pense que cela ressort également dans le texte parce qu'un nouveau leadership, je dirais, de la part du gouvernement, dans la concrétisation, dans ses politiques de financement des universités, des priorités que se donne le système. Mais surtout il est question aussi dans le mémoire d'un nouveau leadership des administrations universitaires, de nos responsables universitaires qui, au sein de leur institution, définissent avec plus de rigueur et d'efficacité que par le passé le cadre de développement de la recherche, les critères et les mesures nécessaires qui assurent le développement.

On a parlé de plusieurs aspects qui retardent le développement de la recherche. On a parlé de celui de la modulation des tâches, on a parlé d'absence de critères très explicites d'accréditation des professeurs. On a parlé d'un ensemble de mesures. Je pense

que les institutions et les administrations doivent voir à ce qu'effectivement la recherche et les étude9 graduées aient une place bien structurée dans les universités. C'est eux aussi qui doivent voir par une politique, parce que c'est eux qui font le choix, à développer des secteurs d'excellence, à faire des choix, au sein de leurs universités, de concentration des ressources dans des secteurs plus excellents,

C'est à eux aussi, aux universitaires, que revient le choix de mieux se concerter pour ne pas développer tous la même chose, mais pour mieux répartir les forces. Je pense en somme que nous, comme disait M. Boisvert, on peut amener des incitatifs, on peut être un levier important, on peut leur donner des mesures, mais il reste que sans ce leadership des institutions, les organismes subventionnaires ne peuvent pas répondre ou corriger des situations. Elles peuvent financer, elles peuvent aider, mais elles ne peuvent pas corriger seules certaines situations.

Le Président (M. Thérien): J'inviterais donc Mme la députée de Chicoutimi à faire une conclusion très brève.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mme Quérido, M. Boisvert, Mme Gendron, M. Lallier et M. Léonard, je voudrais vous remercier de votre participation à cette commission parlementaire. La contribution que vous avez apportée aux travaux de cette commission nous sera certainement très précieuse. J'espère qu'elle le sera, à tout le moins, pour le ministre lorsqu'il aura à prendre des décisions touchant les orientations et le financement des universités, c'est-à-dire la recherche et l'enseignement.

J'ai été particulièrement touchée, j'allais dire, par votre préoccupation, particulièrement exprimée par M. Boisvert, à savoir qu'il fallait trouver des moyens pour contrer, pour réduire le taux d'abandon des études des deuxième et troisième cycles. Sans qu'on puisse considérer que le fait d'abandonner après une année ou deux ans dans le cas du troisième cycle, soit une perte complète, on peut estimer que cela n'est pas terminé et qu'on a intérêt au Québec, d'abord, à mieux cerner les causes des abandons, de la durée des études et à mettre en place les mécanismes qui nous permettront dans ces domaines, sur cette question, d'être plus performants.

Mesdames, messieurs, je vous remercie.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, Mme la députée de Chicoutimi. Je donne maintenant la parole à M. le ministre et député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je me dispenserai de poser des questions à ce moment-ci, parce qu'il y a des députés qui ont des rendez-vous dans leurs circonscriptions respectives. À mesure que nous approchons de la fin de semaine, les devoirs de base nous sollicitent de manière plus pressante.

Je voudrais vous remercier de la collaboration que vous apportez à la recherche qui a été confiée à la commission. Je pense que certains problèmes ont été posés. On va continuer de les examiner avec beaucoup d'attention. La question qui nous préoccupe le plus là-dedans, c'est la suivante: Comment distribuer les ressources disponibles pour la recherche de manière qu'elle produise les résultats les plus élevés?II y a un dilemme considérable qui se pose. Est-ce qu'on va répandre de manière horizontale ou si on va travailler davantage en vertical, en profondeur. Il y a certains jalons dans votre mémoire. Ce n'est pas facile de trancher ces choses-là au couteau, mais je pense que le Québec devra faire face à des choix qui sont exigeants. On ne peut pas tout faire, on l'a dit dès le début des travaux de la commission. On ne peut pas vous faire dire plus que vous n'en avez dit aujourd'hui. Les choses sont là. Comme on dit: Celui qui veut lire peut comprendre. On essaiera d'obtenir des précisions utiles en temps et lieu.

Je voudrais souligner peut-être, en terminant, qu'un travail d'évaluation important est en cours au sujet de la mission du Fonds FCAR. De votre côté, vous préparez un plan triennal que nous recevrons avec beaucoup d'intérêt dès qu'il sera prêt. J'en ai vu des petites indications ici ou là dans votre mémoire. De l'autre côté aussi, je pense que l'Opposition en est informée, mais au cas où elle ne le serait point, peut-être que cela vaut la peine de le rappeler. Nous avons demandé au Conseil des universités une évaluation sur le Fonds FCAR. Nous voulions avoir une opinion indépendante en plus des suggestions que le Fonds FCAR peut être intéressé à nous communiquer. Nous avons demandé au Conseil des universités de procéder à un travail d'évaluation qui est en cours maintenant et dont le rapport devrait nous être livré d'ici le printemps.

Parallèlement nous recevrons le plan triennal conçu par les dirigeants du Fonds FCAR qui est, à sa manière aussi, un exercice d'évaluation parce qu'on prépare les projets d'action pour le prochain triennat en partant un jugement sur ce qu'on a fait jusque-là. Je pense qu'on aura des éléments très intéressants pour peut-être définir avec plus de précision la contribution attendue du Fonds FCAR au cours des prochaines années. Jusqu'à maintenant il s'est fait déjà beaucoup.

Mme la présidente, vous avez souligné, non sans raison, la déception que les

responsables du Fonds FCAR ont éprouvée devant le gel des ressources attribuées au Fonds FCAR à même le budget du gouvernement pour la présente année. Cela aurait pu être pire étant donné le contexte général où nous évoluions. Je me dispense d'évaluer le contexte plus large dont nous héritions. Soyez assurés que l'intérêt du gouvernement pour la recherche demeure très grand. Nous nous rendons compte qu'il n'y aura pas de travail universitaire de qualité s'il n'y a pas un travail de recherche très développé. Une des leçons que nous pouvons retenir de toute la journée et peut-être même de la semaine, c'est qu'on ne peut pas trancher au couteau les choses, certaines modulations de travail qui s'imposent de par la nature même des choses à l'échelon des départements, des services spécialisés. On ne peut pas concevoir de plans d'ensemble disant: Bien là il y en a un groupe qui s'adonnera à la recherche et l'autre à l'enseignement. Il y a des tâcherons de la parole et il y aura les autres qui travailleront en profondeur. C'est complètement ridicule de concevoir le travail de cette manière. Je pense que même au premier cycle, pour que l'enseignement soit dynamique, il faut qu'il procède d'un travail de recherche fait par des professeurs aussi. Autrement, je crois que c'est la signification même de l'université qui est considérablement appauvrie.

C'est une des conclusions que nous pouvons tirer de cette première semaine qu'il y a un lien vital entre ces deux poumons de l'activité universitaire et qu'il faut assurer qu'ils puissent se développer dans une complémentarité créatrice, c'est-à-dire dans des conditions qui permettent à chaque volet de donner sa pleine mesure.

Je vous remercie infiniment. Nous aurons plaisir à vous retrouver avant longtemps sous d'autres cieux.

Le Président (M. Thérien): C'est donc à mon tour de vous remercier, mesdames et messieurs. La commission ajourne ses travaux pour les reprendre le mardi 23 septembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 4)

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