Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission de
l'éducation va commencer ses travaux dans quelques minutes.
Elle reprend ses travaux ce matin dans le cadre du mandat qui lui a
été confié, à savoir de tenir une consultation
générale sur les orientations et le cadre de financement du
réseau universitaire québécois pour l'année
1987-1988 et pour les années ultérieures.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun
remplacement ce matin.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il n'y a pas de
remplacement, nous allons commencer par le premier groupe invité ce
matin qui est la Fédération des associations des
professeurs...
M. Jolivet: M. le Président, juste un moment s'il vous
plaît! J'aimerais dire tout simplement que nous sommes
déçus de la décision qui a été prise en
comité de travail à l'effet de ne pas entendre M. Gobeil.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît, M. le député de Laviolette! Vous êtes
anti-réglementaire, M. le député de Laviolette, et c'est
une drôle de façon de commencer une journée d'audition.
C'est un comportement que j'admets difficilement.
Je reprends, M. le député de Laviolette, ne me forcez pas
à vous rappeler à l'ordre.
Mme Blackburn: Imaginez-vous notre déception
tantôt!
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je comprends votre
déception, madame, mais par contre nous sommes ici en séance
publique dans le but d'entendre la Fédération des associations
des professeurs des universités du Québec et l'Intersyndicale des
professeurs des universités québécoises.
M. le président, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous
invitons à nous présenter les gens qui vous accompagnent.
FAPUQ et Intersyndicale des professeurs des
universités québécoises
M. Langlois (Paul): M. le Président, M. le ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science, mesdames et messieurs les
membres de cette commission, comme président du syndicat des professeurs
de l'Université du Québec à Trois-Rivières et
président de l'Intersyndicale des professeurs des universités
québécoises, permettez-moi de vous remercier d'abord d'avoir
accepté de nous entendre ce matin.
Je rappellerai au tout début que l'ensemble des 18 syndicats et
associations que nous représentons aujourd'hui a déjà eu
d'autres occasions de s'unir et de présenter des mémoires
conjoints, ce qui fut fait entre autres lors de la précédente
commission en 1984 sur ce sujet et particulièrement au sujet du
sous-financement des universités. L'ensemble des associations et des
syndicats des professeurs étant touché par les problèmes
que le sous-financement causait a aussi, au cours de l'année
dernière, en 1985, fait toute une tournée du Québec pour
sensibiliser la population au problème que selon nous
représentait le danger que pouvait causer le sous-financement des
universités à l'enseignement universitaire.
Permettez-moi de présenter les membres de notre
délégation. À ma gauche immédiate, M. Marcel
Fournier, professeur à l'Université de Montréal,
vice-président du Syndicat général des professeurs de
l'Université de Montréal et président de la
Fédération des associations des professeurs des
universités du Québec et de l'Intersyndicale des professeurs des
universités québécoises; à sa gauche, M.
Benoît Beaucage, professeur à l'Université du Québec
à Rimouski et vice-président du Syndicat des professeurs de
l'Université du Québec à Rimouski; à sa gauche
aussi, M. André Leblond, président du Syndicat des professeurs de
l'Université du Québec à Chicoutimi et professeur de cette
université; à ma droite immédiate, Mme Huguette Dagenais,
professeur à l'Université Laval et vice-présidente du
Syndicat des professeurs de l'Université Laval; et, à sa droite,
M. Léonard Sugden, professeur à l'Université Concordia et
membre de l'Association des professeurs de l'Université Concordia.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. le président, de nous avoir présenté ces gens. Je vous
rappelle que la commission parlementaire dispose d'environ
deux heures pour entendre votre organisme. On m'informe que la
présentation de votre mémoire sera d'environ 20 ou 25 minutes.
Après cela, le temps sera partagé également entre les deux
formations politiques pour que le tout se termine à midi. M. le
président, nous vous écoutons.
M. Langlois: Pour présenter le mémoire, trois de
mes collègues le feront. Si vous me le permettez, je donnerai d'abord la
parole à Mme Huguette Dagenais, qui va présenter la
première partie.
Mme Dagenais (Huguette): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, dans leur mémoire auquel mon collègue
faisait référence, le mémoire du mois d'octobre 1984, les
syndicats et associations de professeurs des universités
québécoises faisaient valoir que: depuis 1978, les
universités sont devenues, à toutes fins utiles, en raison du
sous-financement, le tiers monde de l'éducation du Québec; ils
faisaient valoir aussi que les universités constituent un investissement
social et individuel et que, de ce fait, elles ne devraient pas être
considérées uniquement comme une dépense; que le
non-renouvellement du corps professoral constitue un problème grave; que
la formule dite "historique" de financement élaborée au
début des années soixante-dix et les modifications
ultérieures, spécifiquement à partir de 1978, ont
provoqué la crise financière actuelle des universités; que
les professeurs restaient fidèles aux principes de coordination et de
concertation définis en 1981, lors des Ateliers Laurin, à savoir
que la coordination doit s'inspirer des volontés de la base et que la
concertation doit viser le développement plutôt que la
banalisation et l'uniformité; que s'ils étaient d'accord en 1984
avec le principe d'une nouvelle formule de financement et avec certaines pistes
élaborées par le ministère, ils exprimaient cependant des
doutes sérieux sur la méthode proposée par ce dernier.
Sur toutes ces questions, le point de vue des professeurs n'a pas
changé, mais force nous est de constater cependant 1) que les
commissaires, à ce moment-là, avaient eux-mêmes reconnu
qu'on ne pouvait plus, sans risquer de séquelles graves, réduire
voire même maintenir simplement dans cet état le financement des
universités; 2) que la situation s'est aggravée depuis octobre
1984 et à plus d'un point de vue. Cela a amené l'actuel ministre
de l'Éducation, M. Claude Ryan, à confirmer, lors de la
défense des crédits le 30 avril 1986, que "les universités
vivent actuellement une situation de crise".
Dans le présent mémoire, les professeurs aborderont donc
les questions soumises è la consultation générale, mais
après un rappel de la mission spécifique de l'université
et de son corollaire, le droit des citoyens et des citoyennes à
l'enseignement universitaire. Les recommandations formulées ou
évoquées et les pistes suggérées tout au long de ce
mémoire s'inspirent de cette mission et de ce droit. Je pense que c'est
important, parce que l'esprit du mémoire est contenu
là-dedans.
À propos de la mission de l'université. Il faut rappeler
que l'université est une organisation complexe dont le rôle
spécifique consiste à développer et à transmettre
le savoir dans le but d'assurer aux personnes qu'elle accueille une formation
de niveau supérieur. Cette fin est poursuivie dans l'accomplissement de
deux fonctions traditionnellement dévolues à l'institution
universitaire c'est-à-dire l'enseignement et la recherche.
Durant la dernière décennie, une nouvelle fonction est
apparue, celle des services à la communauté ou services à
la collectivité. La terminologie n'est pas toujours la même d'une
université à l'autre, mais l'esprit est le même. Cette
avancée récente oblige à repenser les rapports entre
l'université et la société qui l'entoure, à revoir
aussi le rôle de la collectivité de la définition
d'université, de ses fonctions et de ses obligations.
Le personnel enseignant est voué collectivement à la
réalisation de ces fonctions, réalisation qui exige comme
préalable la liberté universitaire. Par la formation
supérieure qu'elle dispense, par le développement des arts et des
sciences, par les services aux collectivités, l'université exerce
une fonction critique qui justifie son existence et qualifie en même
temps sa mission. À ce sujet, nous partageons entièrement la
remarque suivante du Conseil supérieur de l'éducation, et je
cite: "La qualité particulière de la relation au savoir qui
caractérise la mission de l'université lui impose des obligations
mais elle lui confère aussi des droits et des prérogatives qui
lui permettent de poursuivre efficacement ses fins. "Lieu de réflexion
sur la connaissance et de recherche libre de la vérité,
l'université doit avoir les moyens de résister à
l'asservissement de ses fins et de ses fonctions, de résister aux
pressions marquées par des vues trop utilitaristes ou aux incitations
abusives d'efficacité et de rentabilité. Si elle ne
réussit pas à être un lieu critique, elle ne pourra
longtemps favoriser le progrès de la culture, la qualité de
l'éducation et l'innovation dans le domaine scientifique."
Or, l'accomplissement de cette mission ne peut se concevoir sans que
ceux et celles qui en ont la charge ne jouissent de l'indépendance
d'esprit ou, comme on l'appelle dans notre milieu, de la liberté
universitaire ou la liberté académique. C'est un droit essentiel
qui permet aux professeurs
d'accomplir pleinement et librement leur tâche d'enseignement, de
recherche et de service aux collectivités.
Les professeurs veulent s'exprimer aussi sur le droit des citoyens et
des citoyennes à l'enseignement universitaire. L'accessibilité
aux études universitaires ne semble pas être remise en question.
Personne, ouvertement du moins, ne semble rejeter cet acquis important de la
révolution tranquille.
Depuis quelque temps, cependant, l'idée d'un retour à une
conception plus élitiste de l'enseignement universitaire fait son
chemin. Les mots qui reviennent le plus souvent sont ceux de "rationalisation",
"planification", "contingentement". Quant à nous, professeurs, nous
sommes convaincus, pour reprendre les mots de nos collègues que je cite:
"qu'une société ne saurait faire un meilleur investissement que
dans l'éducation de sa jeunesse car la croissance du nombre des
titulaires d'une formation universitaire constitue un des facteurs les plus
importants de développement économique, social et culturel; un
des meilleurs atouts du Québec de demain réside dans cette
habitude en voie de se créer du passage normal du cégep à
l'université. "Sur le plan individuel, il demeure vrai que qui
s'instruit s'enrichit, même si tes employeurs ne courtisent plus les
titulaires d'un nouveau diplôme comme dans le passé. Les
statistiques disponibles vont toutes dans le même sens que ce que nous
dit le bon sens, c'est-à-dire que plus on est instruit, plus le taux de
chômage est bas et plus sa durée est brève, plus le
traitement est élevé et plus l'intérêt au travail
est marqué, plus la reconversion éventuelle à un nouvel
emploi est facile. Dès lors, l'intérêt individuel
rejoignant l'intérêt collectif, comment pourrions nous
hésiter? Quitte, bien sûr, à étudier les cas
où la formation est particulièrement coûteuse pour la
société, il importe que l'on respecte la liberté des
étudiants et des étudiantes d'orienter leur propre vie. La
population du Québec a tenu, depuis un quart de siècle, à
ce que ses enfants bénéficient de la formation de leur choix.
Nous sommes nombreux à en avoir profité et ceci nous impose de
voir à ce que cela continue."
L'accessibilité devrait être possible à la fois au
plan social, par des mesures d'assistance revalorisées, et au plan
régional, par le maintien d'un réseau proprement universitaire
dans les régions du Québec. L'accessibilité doit aussi
reposer sur une variété de programmes de premier cycle
suffisamment large pour correspondre aux goûts et aux besoins, de
même que, là où c'est possible, sur un certain nombre de
programmes de deuxième et troisième cycle, capables de produire
des spécialistes tout en empêchant les universités de
région de se confiner uniquement au premier cycle.
M. Fournier (Marcel): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, je veux présenter la suite du mémoire en
abordant les cinq points suivants, cinq points qui sont très importants
dans le cadre des discussions de cette commission parlementaire. Le premier,
c'est le financement des universités; le deuxième, c'est
l'endettement des institutions universitaires; troisièmement, c'est la
participation du gouvernement fédéral au financement des
universités; quatrièmement, le problème ou la question de
l'accessibilité et des frais de scolarité et, finalement, le
financement de la recherche universitaire.
Premier point, le financement des universités. L'État,
vous le savez, a déjà assuré et il nous semble qu'il doit
continuer d'assurer l'essentiel des coûts du système
universitaire. Le sous-financement actuel empêche les universités
de s'adapter au changement et rend utopiques les préoccupations
d'excellence avancées ces dernières années. Certes, et
nous sommes les premiers à le reconnaître, l'État investit
beaucoup dans l'enseignement supérieur mais son effort, nous
semble-t-il, n'est pas comparable à celui que d'autres gouvernements
consentent. Puisqu'il est à la mode de faire des comparaisons, nous
allons aussi céder à cette tentation.
Une étude publiée aux États-Unis en octobre 1985
fait ressortir des différences importantes dans l'évolution des
subventions de fonctionnement versées aux universités canadiennes
et américaines de même que dans le niveau de financement par
étudiant de certaines universités. Vous allez trouver à
l'annexe I du mémoire, aux pages 31 et 32, des chiffres qui sont fort
éloquents. Vous observerez que 36 États américains ont
accru leurs subventions aux universités à des taux plus
élevés que n'importe quelle province canadienne. Vous verrez
aussi que 22 États ont haussé leur appui financier à des
taux supérieurs d'au moins 50 % à ceux de la province canadienne
la mieux pourvue, c'est-à-dire l'Ontario. Vous verrez aussi, en
regardant sur le graphique, le financement gouvernemental par étudiant
de certaines universités canadiennes et de certaines universités
américaines; à ce niveau, les universités des
États-Unis reçoivent des subventions de beaucoup
supérieures aux universités canadiennes. Enfin, dans ces
tableaux, on présente une seule université
québécoise - c'est un échantillon l'Université
Laval. En 1984-1985, le financement était de 5680 $, un financement bien
inférieur à la plupart des universités canadiennes. Par
exemple, l'université d'Alberta recevait à ce moment-là
7500 $ par étudiant.
La situation continuera de se détériorer si des mesures
adéquates ne sont pas envisagées et appliquées le plus
rapidement
possible. À cet effet, le ministère de l'Éducation
devrait reprendre l'exercice pour trouver les paramètres sensibles et
les pondérations adéquates d'une nouvelle formule de financement,
formule, d'ailleurs, déjà proposée par le ministère
en 1984. Il y aura lieu: 1° de faire l'exercice ouvertement en consultant
les acteurs du milieu, exercice qui a été aussi proposé
par d'autres participants à cette commission parlementaire, les jours
précédents; 2° de ne pas s'imposer a priori une enveloppe
fermée, mais bien de déterminer le volume de cette
dernière en fonction des besoins réels; 3° de faire en sorte
que la formule de financement ne couvre que les coûts de fonctionnement,
à l'exclusion des intérêts de la dette et de la location de
locaux, si tel n'était pas le cas; 4° de faire le "procès" de
l'application de la formule dite "historique" dans chaque institution afin que
l'histoire serve de guide pour minimiser les risques de biais inhérents
à cette formule et à ses modifications ultérieures.
Ne serait-il pas plus judicieux, pensons-nous, afin d'éviter les
interventions ad hoc pour corriger localement et ponctuellement ces biais, que
dans la mise en oeuvre d'une nouvelle formule on tienne compte de certains
paramètres particuliers, spécifiques à chacune des
institutions universitaires?
Ainsi, à côté des modalités de financement
qui pondèrent selon les cycles d'études et selon certains
secteurs, il importe d'introduire des variables tenant compte des distances,
des densités de population, de l'environnement socio-économique,
de l'allure inquiétante que prend le rapport
professeurs-étudiants, du contexte de croissance rapide des jeunes
universités et de la faiblesse des budgets d'investissement, notamment
au chapitre des équipements scientifiques, élément sur
lequel on reviendra et qui nous semble fort important.
Enfin, il faudrait, une fois ces priorités assurées par un
financement adéquat, s'atteler à la consolidation des secteurs
dits d'excellence et aux nouveaux champs d'action à développer, y
compris dans les universités plus anciennes. En particulier, le
développement des études de deuxième et troisième
cycles, vital pour le Québec de l'an 2000, implique à la fois un
effort de planification et de financement et un travail de réflexion
à moyen et long termes, travail dans lequel les universitaires sont
prêts à s'engager, mais è la condition que leur voix
compte. J'ajouterai: toute planification sans consultation des universitaires
nous apparaît illusoire. On a pu le voir tout récemment à
l'Université de Sherbrooke, et d'une manière plus
générale nous nous opposons à un mode de gestion
autoritaire tel que le proposait hier le Conseil des universités.
Pour conclure sur cette question, nous tenons à rappeler que
l'université contribue pour une bonne part à l'augmentation de la
richesse collective du Québec, même si cette participation n'est
pas toujours perceptible à court terme. Puisque l'enseignement
supérieur est un véritable investissement, c'est en faisant le
total des biens et services produits par ceux et celles qu'il a formés
qu'on aura la somme, à ce jour, de sa véritable contribution.
Comment expliquer, dans cette situation, le déclin relatif des budgets
universitaires? Nous sommes convaincus que cela constitue à la fois une
injustice et un mauvais placement qui empêchent notamment de prendre en
compte dès maintenant la question de la relève du corps
professoral. Cette question deviendra absolument dramatique d'ici à une
quinzaine d'années. L'organisation d'un système universitaire ne
s'improvise pas, il faut du temps et souvent le temps d'une
génération.
Les professeurs d'université pressent le gouvernement de prendre
publiquement position sur la place qu'occupe l'université dans le projet
de société qu'il a pour le Québec.
Le deuxième point, l'endettement des institutions universitaires.
Le récent endettement des universités québécoises
est causé par deux maux conjugués: d'abord un sous-financement
chronique dont les effets récurrents pèsent de plus en plus lourd
sur le service de la dette des institutions et les déficiences
administratives au plan local ou central, notamment le gonflement des effectifs
chargés de l'administration proprement dite, selon un processus de plus
en plus fréquent, qualifié parfois de "bureau-pathologie". Quoi
qu'il en soit, la responsabilité de l'État dans l'actuel
endettement des institutions est patente: il ne peut, selon une vieille
formule, s'en laver les mains. Il y a donc lieu de résorber la dette
globale sur une période relativement longue, pour partir ensuite sur des
bases nouvelles avec une nouvelle formule de financement plus
réaliste.
Pour l'avenir, nous suggérons, premièrement, que les
coûts de location des bâtiments ne soient plus à la charge
des institutions dans le budget de fonctionnement. L'État serait bien
avisé, comme le suggérait le Conseil des universités, de
se porter acquéreur des immeubles plutôt que d'en être
locataire et de faire assumer les coûts locatifs par un tiers;
deuxièmement, que les subventions versées en retard soient
majorées en tenant compte du loyer de l'argent.
Le troisième point de cette partie du mémoire, la
participation du gouvernement fédéral au financement des
universités. Constatant que le gouvernement fédéral
finance environ 50 % du coût de l'enseignement supérieur au Canada
et étant conscient que les ententes fédérales-provinciales
sont négociées tous les cinq ans, nous proposons, pour
l'équilibre du financement des
universités québécoises, qu'une politique de
transfert conditionnel paritaire - et non pas une politique de transfert
constitutionnel paritaire; il y a un lapsus qui peut être significatif
dans le document - donc, une politique de transfert conditionnel paritaire soit
introduite sur la base de l'excédent des dépenses per capita de
fonctionnement universitaire par province sur les dépenses per capita
selon une base nationale. Ceci, bien sûr, dans la seule mesure où
les ententes conclues en matière d'accessibilité soient
respectées.
Pour de plus amples renseignements au sujet de cette question, je vous
renvoie à la position de la Fédération des associations de
professeurs des universités du Québec à la commission
Macdonald en avril 1984. Je vous renvoie aussi pour toute cette question
à un document que possède le ministre de l'Enseignement
supérieur, M. Ryan, réalisé par Gaétan
Lévesque, en mars 1985, sur les questions de fiscalité et de
transferts fiscaux au niveau de l'enseignement supérieur.
Un autre point, les sources de revenus des universités autres que
les subventions gouvernementales. Il n'y a pas, de notre part, d'objection de
principe au fait que des revenus d'autres sources que gouvernementales
parviennent aux universités, à condition, bien sûr, que
cela ne mette pas en péril la mission et l'autonomie de celles-ci. Les
professeurs d'université attirent l'attention sur l'avantage qu'il y
aurait à étudier de plus près les mécanismes de la
fiscalité pour favoriser encore plus ceux qui s'intéressent
à la dotation en faveur des universités. Par exemple, les dons et
dotations pourraient être favorisés par une fiscalité
appropriée. On pourra y revenir d'une manière plus
précise. Aussi, on pourrait imaginer une contribution
particulière des grandes entreprises à la formation universitaire
et, nous pensons, sous forme de taxe. (10 h 30)
Quant aux diverses campagnes de financement, elles devraient pouvoir
continuer en permettant aux donateurs d'obtenir des dégrèvements
fiscaux. Cependant, nous tenons à rappeler qu'elles ne doivent pas se
substituer au rôle de l'État. Le rôle de l'État, vous
le voyez, est pour nous fort important dans le développement de
l'enseignement supérieur et de la recherche.
L'aide financière aux étudiants, la question de
l'accessibilité qui nous préoccupe tous. Hier, Mme Blackburn se
posait un certain nombre de questions au sujet du degré
d'accessibilité de nos universités et invitait les universitaires
à effectuer des recherches. Je répondrai qu'il existe
déjà quelques études à ce sujet qui montrent la
relative grande ouverture du milieu universitaire depuis une dizaine
d'années, entre autres, par la plus grande présence des femmes au
niveau des études supérieures -elles représentent plus de
50 % des étudiants réguliers - et aussi au niveau de la
participation qui est demeurée relativement stable, et on pourra en
discuter, de la proportion des enfants issus des couches dites populaires qui
n'a pas beaucoup bougé, même s'il y a une ouverture beaucoup plus
significative que dans d'autres pays, entre autres les pays dits de
l'Europe.
Je pense que sur la base d'un certain nombre de données
récentes on pourrait discuter et voir qu'il y a, à ce moment, un
certain nombre d'acquis. L'université québécoise sur ces
plans est plus démocratique que beaucoup d'autres universités
dans le monde et nous on s'interroge sur une modification des politiques
d'accessibilité, on s'interroge sur les effets de ces politiques.
L'aide financière aux étudiants doit être
repensée en tenant compte des nouvelles conditions
socio-économiques dans lesquelles ils sont placés, où bon
nombre de services autrefois gratuits entraînent maintenant des
déboursés importants.
Puisque le taux de fréquentation de l'enseignement
supérieur au Québec est l'un des plus bas au Canada,
l'accès à cet enseignement doit être favorisé, de
même que la persistance dans les études doit être
encouragée. C'est tout spécialement l'obtention des grades
supérieurs - 2e et 3e cycles - et le parachèvement des
études a ces niveaux qui laissent à désirer, en
particulier chez les francophones. Nous avons en annexe des tableaux qui le
démontrent et je pense que les membres de la commission en sont
déjà convaincus, quant au problème des 2e et 3e cycles au
Québec.
D'où l'urgence de favoriser l'accès des moins nantis et de
soutenir la persévérance dans les études et l'obtention
des diplômes de niveaux supérieurs. Tout en sachant que la
gratuité n'assure pas à elle seule l'égalité
d'accès à l'université, il faut reconnaître que les
frais de scolarité, même minimes, constituent un obstacle
réel pour les plus démunis. Mais ce sont plus encore les frais de
subsistance qui font obstacle à l'accès aux études
universitaires et à la fréquentation à temps plein
jusqu'à l'obtention du diplôme. Ainsi, il faut non seulement
maintenir les frais de scolarité à leur niveau le plus bas, mais
subventionner les étudiants les plus démunis au 1er cycle.
Quant au pourcentage du montant attribué en bourse, il devrait
être réévalué à la hausse, car le
rétrécissement des possibilités d'emploi offertes
aujourd'hui aux finissants nuit considérablement au remboursement
éventuel.
En conclusion - et cela indique un peu notre orientation
générale sur cette question - nous disons que les
étudiants doivent être
traités comme des adultes autonomes et qu'ils doivent jouir d'un
revenu suffisant si cela s'avère nécessaire. Nous disons aussi
que l'aide accordée aux étudiants ne doit pas être fonction
des revenus des parents. Nous disons, troisièmement, que les
étudiants des 2e et 3e cycles doivent être soutenus par des
avantages spécifiques tels que bourses d'excellence, salaires
d'assistants, salaires de moniteurs.
Enfin, il nous semble que les étudiants devraient pouvoir
bénéficier de certains programmes de création d'emplois
comme cela se fait en Ontario où chaque étudiant des 2e et 3e
cycles entre à l'université avec une quasi-certitude de revenus
d'environ 7000 $ ou 8000 $.
Le dernier point de cette section, le financement de la recherche
universitaire. La recherche, nous l'avons déjà souligné,
constitue une des missions spécifiques de l'université. Elle
consiste d'abord dans le développement des arts, des connaissances et
des sciences, mais aussi dans la diffusion des résultats. Les
professeurs d'université appuient la déclaration récente
du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, et je cite: "Les pays
industrialisés investissent des sommes considérables dans leurs
projets de recherche et de développement et le Canada, s'il veut rester
concurrentiel, n'a d'autre choix que de suivre leur exemple. Les
universités sont d'une importance stratégique pour la recherche
canadienne". Fin de la citation.
Nous n'avons qu'une seule réserve à formuler à ce
sujet: l'intervention de l'État ne doit pas signifier un contrôle
sur les activités de recherche et leurs orientations, mais bien
respecter la logique de développement de la recherche, le mode de
fonctionnement des équipes de chercheurs et, enfin, l'autonomie des
établissements universitaires.
Le sous-financement des budgets de fonctionnement des universités
n'encourage certainement pas les professeur(e)s cher-cheur(e)s à
développer la recherche. En effet, il y a un lien direct entre le
financement des universités et le développement de la recherche
puisque, dans la situation actuelle, l'aide financière des organismes
gouvernementaux ne porte que sur le coût direct de la recherche. C'est un
point qui a été à plusieurs reprises souligné par
d'autres intervenants. Or, les universités se plaignent, et pour cause,
de cette situation: elles sont incapables d'assumer les coûts indirects
de la recherche. Un de nos vice-recteurs à l'enseignement et à la
recherche ne faisait pas de l'ironie lorsqu'il déclarait, à la
suite de l'annonce d'une importante subvention de recherche octroyée
dans le cadre du programme d'actions structurantes, que son université,
entre guillemets, "acceptait" ladite subvention, comme s'il s'agissait
là d'un autre fardeau dont il aurait préféré sans
doute se passer.
Il faut bien reconnaître que les universités ne peuvent
assumer leur rôle que si ce rôle, au niveau des coûts
indirects, est reconnu explicitement par le gouvernement dans sa politique de
financement de l'enseignement supérieur. Qui plus est, en
négligeant de comptabiliser les frais indirects de la recherche dans les
subventions aux universités, le gouvernement québécois
prive celles-ci des frais indirects qui pourraient provenir des sources
fédérales de financement de la recherche.
Les professeur(e)s d'université n'ont pas d'objections à
ce que s'établissent, au contraire, des liens entre les
universités et l'entreprise, qu'elle soit privée ou publique, si
la mission spécifique de l'université et son autonomie sont
respectées. Je pense que ces éléments sont très
importants. Les professeurs sont très ouverts à la participation
avec le milieu de l'entreprise privée ou publique, mais à la
condition que l'on puisse respecter la mission spécifique de
l'université et son autonomie. Le gouvernement devrait même, pour
stimuler davantage la recherche parrainée par l'entreprise et
réalisée à l'université, consentir des points
d'impôt aux entreprises qui contractent des recherches avec les
institutions universitaires. Ce faisant, le gouvernement
québécois utiliserait un puissant levier pour stimuler la
recherche et le développement dans les universités, pour aider
les entreprises à consacrer plus d'attention et de ressources à
la recherche, au développement et au transfert technologique et, enfin,
pour stimuler la collaboration entre les entreprises et les
universités.
Je termine la présentation de cette partie en rappelant
l'importance que nous accordons à la recherche. Il n'y a pas, pour nous,
d'université sans recherche; il n'y a pas pour nous de véritables
universitaires qui ne fassent pas aussi de la recherche. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
président. Est-ce qu'il y a d'autres interventions de votre part?
M. Langlois: Oui, si vous permettez, M. Beaucage pourrait
présenter la troisième partie du mémoire.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez.
M. Beaucage (Benoît): La gestion des ressources humaines et
matérielles des universités. La gestion des ressources humaines
et financières des universités peut être envisagée
à partir de plusieurs points de vue. Pour les syndicats, cette question
apparaît au coeur des principales clauses de leurs conventions
collectives: ainsi, la tâche, la création de postes, la
permanence, la
sécurité d'emploi, le plan de carrière, les
principes d'évaluation, etc. Certains de ces points méritent
qu'on s'y arrête un peu, puisque de vieux clichés relatifs au
travail et au statut des professeur(e)s d'université
réapparaissent comme des fantômes longtemps enfermés, qu'on
ressort de temps en temps pour venir hanter nos consciences.
Commençons par la tâche.
La tâche des professeurs d'université s'articule
essentiellement autour de quatre éléments principaux:
l'enseignement, la recherche, l'administration pédagogique et le service
à la collectivité. En ce qui concerne l'enseignement, un vieux
mythe tenace (très ancien mais toujours vivant) veut que cet
élément de la tâche professorale ne se limite qu'aux six
heures par semaine de présence en classe. Cela est aussi absurde que de
vouloir réduire le travail d'un ministre ou d'un député
à ses seules heures de présence dans l'enceinte de
l'Assemblée nationale. Les heures de préparation, qui consistent
essentiellement en recherche et en lecture, pour maintenir l'enseignement
à la fine pointe des connaissances, l'encadrement des étudiants,
la correction des travaux et des examens multiplient plusieurs fois le temps
d'enseignement.
Pour ce qui est de la recherche, on laisse parfois entendre qu'il ne
s'en fait pas assez. On oublie cependant qu'on ne met souvent en lumière
que la seule recherche subventionnée; c'est faire preuve d'une grande
méconnaissance de l'activité réelle des universitaires
pour qui la recherche libre demeure une tâche essentielle à
laquelle les professeurs d'université consacrent une grande partie de
leur temps. L'enseignement et la recherche constituent les
éléments les plus importants de la tâche des professeurs
d'université mais ne sont pas les seuls. En effet, ceux-ci doivent en
outre participer à la détermination des objectifs de
l'enseignement supérieur, veiller à leur application au niveau de
leur propre université et de leur département, et, en même
temps doivent jouer le rôle de celui qui réalise ces objectifs. En
d'autres mots, il est à la fois et à tour de rôle
gestionnaire, coopérant et exécutant! Directions
départementales et modulaires, participation à divers
comités de l'université, de la faculté, du
département, du module ou même du syndicat, élaboration,
évaluation et modifications de programmes: il serait assurément
très long d'énumérer toutes les responsabilités que
le corps professoral assume dans son ensemble pour le bon fonctionnement de
l'université.
Il ne faut pas sous-estimer l'implication du corps professoral dans les
services à la collectivité: de plus en plus, les divers groupes
sociaux, les organismes communautaires, les associations
socio-économiques font appel aux compétences universitaires pour
les aider dans la préparation, la réalisation et
l'évaluation de leurs projets.
Cette esquisse de la tâche d'un professeur d'université est
nécessairement sommaire: seul le vécu peut donner une idée
de ce que cela représente. Elle nous permet cependant de soutenir que
les horaires sont extrêmement chargés, et les semaines de travail
se comparent aisément à celles de tout autre professionnel. On ne
peut pas appliquer à l'enseignement, notamment à celui du niveau
universitaire, où la tâche n'est pas toujours immédiatement
quantifiable, le principe ou mieux la fiction selon laquelle tout abaissement
des coûts est synonyme de meilleure gestion. Il en est ainsi du
pourcentage croissant d'activités confiées à des
chargés de cours, dont le coût est évidemment moindre, mais
dont on ne peut attendre une prestation comparable à celle des
professeurs réguliers. Il en est de même de certains projets de
modulation des tâches qui ont pour but, nous dit-on, de
spécialiser chacun dans la partie de la tâche où il
excelle. Cette vision de l'esprit ignore les rapports nécessaires entre
enseignement et recherche, l'une enrichissant l'autre, le premier stimulant la
seconde. De plus, la modulation ne peut se réaliser qu'au
détriment des activités autres que l'enseignement. Ainsi, une
augmentation de la charge d'enseignement aurait non seulement une
répercussion sur la recherche et sa qualité, mais aussi sur
l'ensemble de la tâche professorale, et donc sur la qualité de la
vie universitaire en général
L'évaluation des professeurs. Cette tâche professorale, que
nous avons essayé de décomposer en ses multiples
éléments, est certainement bien remplie: divers types
d'évaluation s'en assurent. Contrairement à l'impression
généralement répandue, le professeur d'université
est certainement l'une des personnes dont le travail est le plus constamment
soumis à l'évaluation, et à des évaluations
exigeantes, tout au long de sa carrière. Ses cours, ses projets de
recherche, ses résultats, ses publications sont en permanence soumis
à la critique des pairs, des autorités, des étudiants ou
du public. Notre tâche s'exerce donc dans un processus
d'évaluation dont les modalités peuvent varier d'une
université à l'autre mais qui, invariablement, a ses moments
privilégiés dans la carrière professorale: lors de la
permanence, des promotions, des publications, des demandes de subventions, etc.
(10 h 45)
La permanence acquise au cours d'une période de probation de
plusieurs années, au minimum quatre ans, marque l'aboutissement normal
d'une démarche où toutes les précautions raisonnables ont
été prises. La permanence universitaire constitue, à nos
yeux, la condition essentielle et l'armature de la liberté
universitaire; elle assiste le
professeur dans sa fonction essentielle de fournir des opinions
scientifiques, des critiques indépendantes, à l'abri de pressions
indues de source interne ou externe; elle permet aussi la critique des
doctrines, dogmes et opinions tout aussi bien que des règles et
politiques de l'université et des associations de professeurs et est
parfaitement compatible avec l'engagement fondé sur une quête
sévère et rigoureuse du savoir.
Répartition de certains coûts. Il est anormal que les
coûts de certaines fonctions de l'université ne soient pas
uniformément répartis entre toutes les institutions du
réseau, notamment l'enseignement sur le territoire. Cela conduit
à l'existence de deux types d'universités: celles où plus
de 80 % des cours sont assurés par des professeurs réguliers et
les autres où cette proportion avoisine les 50 %. Or, cette tendance
s'accentue avec les années et se complique par un grave
déséquilibre entre les disciplines. Le refus de créer les
postes d'enseignants, nécessaires dans les secteurs à forte
croissance, amène une concentration de chargés de cours
inconciliable avec la mission de l'institution universitaire.
Voici maintenant rapidement notre avis sur les modes de concertation. Il
est important que, s'il y a concertation en vue de rationaliser les programmes
offerts, cela se fasse en sauvegardant l'accessibilité et la
qualité fondamentale de toute université, y compris les
universités régionales. La rationalisation doit faire une place,
la plus large possible, à la participation des professeurs(es) et ne
doit en aucun cas se faire au prix de l'accessibilité. Nous refusons une
rationalisation comptable, basée sur des critères étroits
de rentabilité. S'il doit y avoir rationalisation, nous demandons
qu'elle soit fondée sur les besoins de la société et sur
la spécificité de la mission de l'université.
Si l'objectif de la présente commission n'est finalement que
d'accroître la centralisation, nous tenons à rappeler que
l'efficacité et l'innovation peuvent très bien s'épanouir
dans des structures à l'échelle humaine.
En guise de conclusion, la réalisation de la mission de
l'université appelle selon le moment ou la conjoncture des
déterminations particulières: en fonction aujourd'hui de
l'évolution de la science; en fonction aussi du développement des
moyens de communication modernes; en fonction enfin des transformations de
l'environnement économique et social, notamment des changements qui ont
affecté le marché du travail du fait des innovations
technologiques et de restructuration des entreprises industrielles et
commerciales.
Le défi pour l'institution universitaire est de s'adapter au
changement tout en maintenant sa vacation spécifique, de répondre
aux diverses demandes sociales sans perdre son autonomie. Les enjeux que
représente tout énoncé de politique de l'enseignement
supérieur sont considérables, beaucoup plus considérables
qu'on ne le pense à première vue, il y va du progrès de la
connaissance (science) aussi de l'idée que l'on se fait de la
société (démocratie). Les professeurs(es)
d'universités se déclarent disposés(es) à relever
ce défi, à condition qu'ils et qu'elles puissent participer
à l'élaboration des nouvelles politiques et qu'on ne mette pas en
péril le droit des citoyens à une éducation
supérieure de qualité. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie. Il serait
temps à ce moment-ci de laisser la parole au ministre. M. le ministre,
vous avez la parole.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
rencontrer ce matin avec mes collègues de la commission les
représentants des professeurs des universités du Québec.
Dans la déclaration que j'avais le plaisir de faire à l'ouverture
de nos travaux, j'ai signalé que, dans l'université, deux
éléments sont essentiels, soit, d'un côté, les
professeurs et, de l'autre côté, les étudiants. Si on n'a
pas cette communauté de professeurs et d'étudiants, on n'a pas
d'université. Il y a beaucoup d'autres intervenants qui sont au service
de ces deux fonctions majeures, mais les deux fonctions majeures de
l'université sont à la fois l'approfondissement de la
connaissance et la transmission du savoir. Les deux facteurs clés sont
évidemment les professeurs et les étudiants. C'est pour cela que,
dans l'examen que nous faisons des orientations et du financement de nos
établissements universitaires, il est très important que nous
entendions votre point de vue.
Dans le mémoire que vous avez présenté à la
commission, vous nous énoncez plusieurs orientations à
caractère général au sujet desquelles je tomberais
d'accord sans hésitation. J'ai particulièrement noté dans
votre mémoire les passages où vous parlez des dépenses que
nous faisons pour l'enseignement universitaire comme d'un investissement et non
pas de dépenses au sens le plus trivial du terme. Je pense que c'est
profondément vrai. Plus nous réfléchissons aux
perspectives d'avenir de la société québécoise et
même de la société canadienne tout entière, plus
nous devons nous rendre compte que la qualité de notre avenir sera
fortement conditionnée par la qualité des investissements que
nous faisons aujourd'hui dans tout le secteur de l'éducation.
Dans des périodes de rareté des ressources comme celle que
nous connaissons depuis maintenant quelques années, les
investissements dont la rentabilité est plus à long terme
ont plus de mal à justifier leur légitimité que d'autres
qui répondent à des besoins beaucoup plus visibles et beaucoup
plus pressants à l'oeil nu. Mais il n'empêche que, si on veut
s'arrêter pour réfléchir, on doit essayer, comme
gouvernants et comme citoyens, de chercher un équilibre entre les
dépenses qui répondent à des besoins très
immédiats qu'on ne saurait éluder et les dépenses qui
préparent l'avenir et qui ont parfois l'air de ne pas répondre
à des besoins immédiats ou dans lesquelles on a l'impression de
pouvoir couper plus impunément, moins douloureusement. Mais, dans une
perspective de long terme, je pense qu'on se rend compte que le coût
éventuel pourrait être beaucoup plus lourd qu'on ne veut
l'admettre.
Le paradoxe ou le problème du Québec en matière de
volume de ressources consacré aux universités me paraît
être le suivant: en proportion des dépenses publiques de
l'État et même en proportion de la richesse collective, le
gouvernement et la collectivité investissent dans l'enseignement
universitaire, mais surtout le gouvernement investit dans l'enseignement
universitaire une part de son budget qui est plus forte que la moyenne dans le
reste du Canada. C'est vrai si l'on se place autant sous l'angle strict du
budget de l'État que sous l'angle plus large du produit intérieur
brut de l'ensemble de l'économie. Mais, en même temps, si nous
analysons les ressources qui sont effectivement dépensées pour
chaque étudiant dans nos universités, l'effort du Québec a
glissé ces dernières années derrière celui de la
province voisine de l'Ontario, laquelle déclare elle-même que son
effort est l'un des plus bas de tout le Canada.
Comment expliquer ce paradoxe? Je pense qu'il s'explique par la
politique d'accès très ouverte que nous avons pratiquée
depuis une quinzaine d'années au Québec et qui a
créé pour nos universités un niveau de besoins
supérieur, en moyenne, à celui de l'ensemble du Canada à
cause de la hausse spectaculaire du taux de fréquentation de nos
établissements universitaires par la population, en particulier,
à cause de l'ouverture de l'enseignement universitaire à des
catégories de plus en plus larges de citoyens.
Alors, il y a un paradoxe. D'un côté, une personne qui se
situe dans une perspective rigoureuse d'examen strict des finances publiques
peut dire: Nous dépensons déjà trop pour nos
universités en comparaison de ce que nous faisons dans d'autres secteurs
et en comparaison de ce que font les autres sociétés. D'autre
part, on peut dire avec autant de fondement que nous ne consacrons pas à
nos universités autant de ressources que les autres provinces
canadiennes. Il faut essayer de faire voir ce problème bien clairement
et, ensuite, en tirer honnêtement les conclusions qui se
dégageront de l'examen du dossier.
Dans cette perspective, j'apprécie hautement l'apport que vous
fournissez ce matin è notre recherche commune et je pense que, sur bien
des points que nous devons examiner, votre mémoire nous apporte un
éclairage qui sera très utile.
Je reviendrai tantôt à certaines questions que je voudrais
vous adresser, mais avant d'en venir là je vais peut-être aborder
un autre aspect sur lequel je n'ai pas l'intention de vous interroger, ce qui
ne vous empêche pas de faire des excursus tantôt pour
répandre à ce que j'aurai dit là-dessus. Vous avez
parlé de l'endettement des universités et vous dites, avec
justesse dans une bonne mesure, que cet endettement est attribuable, en grande
partie, aux politiques de sous-financement qui ont été
pratiquées par le gouvernement au cours des huit ou neuf
dernières années.
D'autre part, un certain nombre d'établissements universitaires
sont venus rencontrer la commission ou viendront la rencontrer et nous disent
que cet endettement est aussi la responsabilité première des
administrateurs de chaque établissement. Certaines universités
n'étaient pas mieux financées que d'autres et n'ont pas
accumulé de déficit, d'autres en ont accumulé. Des
universités nous demandent formellement de ne pas prendre en charge, au
nom de la collectivité, des déficits encourus par certaines
institutions. Nous n'avons pas tiré de conclusion encore sur cette
question. C'est une question que nous continuons d'examiner.
J'ai noté que, lorsque la Conférence des recteurs et
principaux s'est présentée devant la commission, c'est un point
sur lequel elle nous a avoué qu'il lui avait été
impossible de réaliser un accord entre ses membres autour de
propositions précises qui auraient pu être soumises à la
commission. C'est un point qui est quand même dans le paysage. Nous
connaissons tous la situation de quelques institutions en particulier qui sont
très méritantes par ailleurs et qui doivent faire face à
un fardeau d'endettement qui entrave sérieusement leur
fonctionnement.
Je voudrais en venir peut-être maintenant à certaines
questions qui se dégagent de votre présentation et qui nous
intéressent plus spécialement. Vous avez parlé de la
tâche de l'enseignant, du statut de l'enseignant, je pense que c'est la
question principale autour de laquelle nous sommes intéressés
à vous interroger. Je vais vous poser une question bien simple de ce
point de vue tout en ayant lu, avec attention, ce que votre mémoire nous
dit à ce sujet. C'est vrai que l'enseignement proprement dit n'est qu'un
aspect de la
tâche du professeur. C'est quand même un aspect fondamental,
c'est une composante tout à fait majeure de la responsabilité qui
est attribuée au professeur d'université. C'est tellement
important que dans le cas des chargés de cours, par exemple, c'est
l'unité qui sert à mesurer la rémunération qui leur
sera versée. C'est l'aune dont on se sert pour procéder à
leur engagement. Je pense qu'on ne peut pas nier que cela occupe une place
absolument fondamentale dans tout examen qu'on voudra faire du professeur
d'université.
Maintenant, dans le mémoire qu'il a présenté
à la commission, le Conseil des universités évoquait
certaines données que je vais résumer brièvement. On
disait, dans ce mémoire, que la tâche en nombre de cours par
année du professeur d'université dans l'ensemble du Canada, selon
diverses sources, serait de cinq à six par année. On disait qu'au
Québec, en moyenne, elle est de quatre à cinq et que dans les
universités francophones, que vous représentez surtout ce matin,
d'après ce que je crois constater, elle serait de quatre.
Une voix: ...
M. Ryan: Excusez-moi. Très bien. Elle serait de quatre.
Pourriez-vous expliquer cette situation? D'abord, est-ce que vous connaissez la
justesse de ces données statistiques? Deuxièmement, comment
peut-on l'expliquer? Troisièmement, comment peut-on la corriger de
manière à effacer ou faire reculer une impression qui s'en
dégage et qui contribue peut-être è alimenter certains
préjugés comme ceux que vous dénoncez dans le reste de
votre présentation?
Je sais très bien, vous n'avez pas à me faire la
démonstration à moi, que dans le genre de travail que vous
faites, si on voulait mesurer strictement en termes quantitatifs, on manquerait
l'essentiel. D'autre part, ces données nous sont
présentées par des organismes sérieux. Je pense que nous
devons apporter une réponse claire à cette question et c'est
pourquoi je vous l'adresse, M. le président.
M. Founier: J'aimerais peut-être, M. le ministre, faire une
intervention un peu plus générale à la suite de votre
intervention et revenir sur cette question plus spécifique. Je pense que
l'analyse que l'on doit ou que l'on peut faire du système d'enseignement
universitaire doit tenir compte du contexte historique. On a tous beaucoup
investi, surtout dans les années soixante et, je pense, en misant sur
des questions, entre autres, telles que l'accessibilité, point que vous
avez souligné, de telle sorte qu'on peut expliquer en partie le
coût plus élevé de l'enseignement universitaire au
Québec qu'en Ontario.
(11 heures)
Par ailleurs, je pense que c'est important de le noter, la situation du
Québec demeure défavorable par rapport à l'Ontario. Je me
réfère ici à une étude non publiée de Mme
Marie-Andrée Bertrand sur les professeurs d'université au Canada,
qui a été produite pour Statistique Canada. Elle remarque que, de
1960 à 1980, le nombre de professeurs au Canada s'est multiplié
par 4; en Ontario, par 5; au Québec, par 3,29; donc, un avancement moins
rapide au Québec par rapport à l'Ontario et même au Canada
en ce qui concerne l'augmentation du nombre de professeurs. Par ailleurs, en
1982, le Québec avait la plus faible proportion de professeurs par 1000
personnes de 18 ans et plus; le Canada, 1,9; l'Ontario, 2,1; le Québec,
1,6. Elle poursuit son étude en analysant différents indicateurs
de productivité. On s'aperçoit qu'en termes d'étudiants
équivalent temps plein, de 1972 è 1982, il y a une augmentation
pour le Canada de 37 % et pour le Québec de plus de 50 %. Donc, vous
voyez qu'avec des ressources moindres, les professeurs des universités
du Québec ont réussi une performance non négligeable. Je
pense qu'il faut prendre cela en considération.
Un autre élément sur lequel je pourrai revenir un peu plus
tard dans la discussion concerne la réaction des étudiants et le
type de relations entre les étudiants et les professeurs. Le sondage que
les étudiants ont publié il y a quelques jours donne un certain
nombre d'informations au grand public, mais ne touche pas toute la question du
degré de satisfaction des étudiants à l'égard des
universités et, entre autres, des universitaires. Je pense que c'est
important d'évaluer le travail qui s'est fait dans ces termes. Le
travail des professeurs est souvent négligé, mal connu. Ce qu'il
est intéressant de noter - je pense qu'on doit en être au fond un
peu fier parce qu'il est rare qu'on ait ce type de gratification auprès
du public - c'est que la satisfaction des étudiants face à la
qualité de la formation est très élevée: plus de 80
% des étudiants se disent satisfaits et très satisfaits de la
qualité de la formation universitaire.
Deuxièmement, sur la capacité de motivation des
professeurs, plus de 75 % des étudiants se disent satisfaits et
très satisfaits. Face à l'encadrement offert par les
universitaires, 73,7 % des étudiants et étudiantes se disent
satisfaits et très satisfaits. Face aux outils pédagogiques,
manuels, bibliothèques, 75 % sont satisfaits. Le seul point où
ils sont un peu plus critiques concerne le caractère appliqué de
l'enseignement. Autour de 60 % - 59,8 % -se disent satisfaits et très
satisfaits, donc plus critiques à l'égard de cette dimension de
l'enseignement. Globalement, il y a des efforts considérables qui ont
été fournis par
les professeurs eux-mêmes et qui donnent, je pense, une
productivité au niveau de la formation - on pourrait aussi voir au
niveau de la recherche - relativement élevée et un taux de
satisfaction qui nous étonne. Je pense qu'on doit le prendre en
considération. Pour répondre à votre question d'une
manière plus particulière, on peut faire différents
calculs. Je laisserai la parole sur cette question à mon collègue
de l'université de Trois-Rivières.
M. Beaucage: Rimouski. M. Fournier: De Rimouski.
M. Beaucage: Je regrette, je suis encore à Rimouski. Pour
rappeler un peu ce que disait M. le ministre, hier, la question
évoquée par le Conseil des universités suscite un petit
problème de méthodologie. Je ne sais pas exactement ce qu'il
mesure lorsqu'il parle de la tâche des professeurs dans les provinces
autres que le Québec. Il faut bien se rendre compte que, dans les autres
provinces, ce qu'on appelle ici le cégep est assimilé en partie
aux universités et que ce sont des professeurs de "college" qui font
à la fois des cours qu'on appellerait ici de niveau cégep et qui
sont des cours universitaires. Sans déprécier en quoi que ce soit
ce que font les professeurs de cégeps, il ne s'agit pas de cours de la
même nature. Si on amalgame des cours de première année
-première année chez les anglophones, qui est l'équivalent
du cégep ici - à des cours spécialisés de
troisième année de baccalauréat, ce n'est pas du tout de
la même chose dont il s'agit. C'est le premier point. Comptons les
mêmes choses et ensuite on saura laquelle des deux tâches est
importante.
À la suite de cela, il existe - c'est ma seconde remarque - dans
beaucoup d'universités anglophones, je n'ai pas de chiffres, mais j'ai
des collègues, des cours qui s'échelonnent sur deux sessions. Par
exemple, le cours d'histoire du Canada, vous le commencez en septembre, vous le
continuez en janvier. Ce n'est pas du tout la même chose que de donner
histoire du Canada en septembre et, par exemple, la révolution
industrielle au Québec au XXe siècle. Il y a deux
préparations extrêmement différentes. Donc, les cours de
certaines universités anglophones, à ma connaissance, se
prolongent sur deux sessions, ce qui diminue la préparation qui est
nécessaire. Or, ce que calcule ici le Conseil des universités,
c'est le nombre d'heures de présence. Évidemment, quelqu'un qui
donne un cours et qui le prolonge à la deuxième session est
considéré comme ayant donné deux fois les heures de
présence, par amalgame, deux cours.
Le troisième et dernier élément que je soulignerai
là-dessus...
M. Ryan: Voulez-vous m'excuser juste une seconde?
M. Beaucage: Oui.
M. Ryan: Ce que calcule le Conseil des universités, c'est
le nombre de cours par année.
M. Beaucage: Oui, mais que font-ils avec les cours qui se
répercutent sur deux sessions? Cela n'aurait plus de sens. Si les cours
se répercutent sur deux sessions, ce n'est pas cinq à six cours
que donneraient les anglophones, c'est huit ou dix. J'aimerais avoir des
précisions là-dessus, cela ne m'apparaît pas clair.
M. Ryan: Je vais vérifier.
M. Beaucage: C'est peut-être clair pour eux.
Le troisième et dernier élément, c'est que dans les
universités des autres provinces que le Québec où le
degré de syndicalisation est moins important qu'ici, les cours, me
dit-on, ne sont pas répartis uniformément entre les diverses
catégories hiérarchiques de professeurs. Les jeunes professeurs,
qui ont les classes de cégep dont je parlais tout à l'heure, ont,
eux, des charges très lourdes. Les gens plus âgés, plus
chenus, se contentent de groupes plus réduits, et, par
conséquent, il est assez difficile de comparer le Québec
où la syndicalisation est assez avancée, où les charges de
cours sont relativement uniformes entre les professeurs, où il n'y a pas
de hiérarchie stricte de professeurs au moins dans tout le réseau
de l'Université du Québec, avec un système qui est tout
à fait différent. Voilà pourquoi -cela va me rendre muet
d'ailleurs - je n'ai pas été convaincu par cet argument du
Conseil des universités.
M. Ryan: On va passer à une autre question à moins
que vous n'ayez quelque chose à ajouter là-dessus.
M. Langlois: Un complément d'information, si vous me le
permettez. Il faut penser aussi que, dans le calcul de la somme de travail qui
est effectuée par les professeurs, si on s'en tient uniquement à
une comptabilité d'heures de cours, cela pourrait, au regard de
l'Ontario en particulier, ne pas représenter tout à fait un
calcul juste dans le sens que le disait mon collègue, mais aussi on
parle de syndicalisation, il faut considérer que certaines
universités, certains syndicats de professeurs universitaires comportent
des directeurs de département, par exemple, qui assument aussi une
fraction de direction ou d'administration peut-être plus importante que
dans des universités anglophones
ontariennes. Peut-être que ce facteur-là pourrait fausser
quelque peu les calculs basés uniquement sur des chiffres d'heures de
cours.
M. Ryan: Juste une dernière question là-dessus. Je
pense que c'est la même chose dans les universités avec lesquelles
on fait des comparaisons, par exemple. L'étude de Mme Bertrand dont a
parlé M. le président, est-elle disponible? Vous avez dit qu'elle
n'avait pas été publiée.
M. Fournier: Cette étude a été finalement
rendue à Statistique Canada par Mme Marie-Andrée Bertrand au
début de l'été. Elle doit d'abord rendre des comptes
à cet organisme, avant que cet organisme ne diffuse ce document. Je
pense qu'elle sera elle-même très disposée à faire
connaître ces informations.
M. Ryan: Vous l'avez citée. Est-ce que je pourrais vous
demander si, à votre connaissance, elle traite du sujet de la charge
d'enseignement dans cette étude?
M. Fournier: Non, je ne pense pas qu'elle la traite comme telle.
Elle traite, entre autres, de la question de l'âge du corps professoral,
quelque chose de fort important, des différentes catégories de
professeurs, professeurs adjoints, professeurs agrégés,
professeurs titulaires, et des comparaisons entre les universités et les
provinces. Je pense que c'est important de voir si le vieillissement est plus
rapide ici qu'en Ontario. Il est un peu moins rapide pour l'instant.
Elle compare aussi, elle analyse la présence des femmes dans le
milieu universitaire. On sait que les étudiantes sont fortement
présentes dans le milieu universitaire, mais les professeurs
féminins ne représentent au Québec que 15 % des
professeurs d'université. Donc, il y a un rattrapage fort important
à faire à ce niveau.
À la suite de votre question, j'ajouterais un point de vue
additionnel concernant les charges. Je comprends que le Conseil des
universités ait été très prudent sur cette question
et qu'il ait immédiatement ajouté, par ailleurs, les charges de
cours, c'est-à-dire le nombre d'étudiants par cours. Le ratio
étudiants-professeur est beaucoup plus élevé dans les
universités du Québec que dans les universités de
l'Ontario. Donner des enseignements à cinq, dix, quinze ou une vingtaine
d'étudiants, c'est très différent, en termes de charge
d'enseignement, de la charge que je peux avoir à l'université
où il y a, dans mes cours de premier cycle, des groupes de 120 à
150 étudiants. Je pense qu'il n'y a aucune commune mesure au niveau de
la tâche d'enseignement entre un professeur qui a une dizaine ou une
vingtaine d'étudiants... Aussi, il faut tenir compte de la
différence entre le premier cycle, le deuxième cycle et le
troisième cycle, la direction des étudiants des deuxième
et troisième cycles, c'est-à-dire les séminaires, ainsi
que la direction des thèses, qui est un travail extrêmement long
qui exige une grande patience, je pense, pour en avoir dirigé plusieurs
et avoir vu plusieurs de mes collègues en diriger. Cela demande des
rencontres, des lectures et beaucoup de suivi jusqu'à la
présentation des thèses et des mémoires. Dès le
moment où une université développe beaucoup les
deuxième et troisième cycles, il s'accroît
considérablement des tâches d'encadrement de cet ordre qui sont
non seulement la direction des travaux, mais aussi la lecture et
l'évaluation des autres étudiants. Nous avons à composer
des comités d'évaluation des examens au niveau du deuxième
et du troisième cycle. Nous avons aussi à composer des jurys de
deuxième et troisième cycles. Lorsque la recherche se
développe, nous sommes aussi, en tant que professeurs-chercheurs,
amenés à faire l'évaluation des projets de recherche de
nos collègues, de telle sorte qu'uniquement le travail que j'appellerais
d'encadrement d'évaluation de ce qu'est l'enseignement des
deuxième et troisième cycles et aussi de l'ensemble de la
recherche en milieu universitaire constitue, pour plusieurs de nos
collègues, une tâche considérable.
M. Ryan: J'aimerais continuer là-dessus, mais il y a une
couple d'autres sujets dont je veux m'entretenir avec vous, et le temps qui est
imparti à chacun est assez limité.
Dans votre mémoire - je pense que c'est vers les pages 13 et 14 -
vous dites que le sous-financement des universités est une cause majeure
de l'endettement qu'on constate actuellement et d'un certain appauvrissement de
nos institutions universitaires. Vous dites qu'il y a une deuxième cause
importante et vous l'appelez la "bureaupathologie", c'est-à-dire le
gonflement des charges administratives. J'aimerais que vous nous donniez des
explications là-dessus et que vous nous disiez comment vous en
êtes arrivés à considérer que la "bureaupathologie"
est une des deux causes majeures de la situation financière difficile
dans laquelle se trouvent aujourd'hui les universités du
Québec.
M. Beaucage: Vous touchez là une question un peu
délicate, parce que ce problème ne se ressent pas de la
même façon dans toutes les institutions. Dans les petites
institutions - quand on a fait le présent mémoire, c'est ce qui
en est ressorti - ce mal semble moins apparent que dans les grandes. Dans les
grandes institutions - je vais donner un exemple - le processus est le
suivant. Quelqu'un est nommé doyen avec une fonction et une de
ses premières préoccupations consisterait - je viens d'une petite
université; je tiens bien à me situer -à trouver le
justificatif pour engager un doyen adjoint qui lui-même trouverait le
justificatif pour engager un assistant. On peut y aller comme cela selon toute
la hiérarchie, la nomenclature. Les professeurs n'ont pas cette
possibilité de s'engager des assistants; ils doivent eux-mêmes
faire face à la musique, à leur classe d'étudiants ou
à leur groupe d'étudiants gradués.
C'est ce qu'on a voulu décrire ici par "bureaupathologie". On a
quand même mis cela dans un certain ordre. Ce n'est pas un hasard. La
première des causes qui nous apparaît la plus importante, c'est le
sous-financement. On retrouve cette cause dans toutes les institutions, petites
et grandes. Depuis le système de coupures qui date de quelques
années, les universités qui bouclaient leur budget et même,
dit-on sous le boisseau, parfois, faisaient quelques menus profits, les
universités se sont retrouvées déficitaires. Ce
déficit est récurrent et cumulatif. Cela nous apparaît la
véritable cause. Qu'il y ait quelques doyens adjoints planqués en
quelque lieu, il fallait le mettre parce que certains de nos membres trouvaient
que c'était important, mais la vraie raison nous apparaît d'abord
le sous-financement. (11 h 15)
M. Ryan: Vous ne trouvez pas que c'est une cause de même
importance que la première.
M. Beaucage: Je ne crois pas.
M. Ryan: Très bien. Dites-moi donc, les salaires de nos
professeurs de l'Université du Québec à l'heure actuelle,
comment se situent-ils par rapport aux moyennes canadiennes? Ce qu'on observe
dans les autres provinces.
M. Fournier: C'est une question aussi complexe que
l'évaluation, disons, de la tâche du professeur étant
donné qu'existent des variations très significatives - je dis
très significatives - entre les institutions, que ce soit même sur
le campus de l'Université de Montréal, entre l'Ecole
polytechnique, certaines facultés, et HEC, et, d'autre part, disons
d'autres facultés ou départements. Il y a une variation, selon la
façon de calculer, par exemple, l'ancienneté. Entre les
universités aussi il y a des variations significatives. On arrive
à une moyenne générale qu'on peut dire autour de 43 000 $,
45 000 $ pour les professeurs des universités, allant jusqu'à un
maximum de 60 000 $ et 65 000 $ pour les professeurs les plus vieux qui
auraient poursuivi toute une carrière universitaire d'une trentaine
d'année. Nous avions, à l'Université de Montréal,
effectué quelques données comparatives et c'est très
difficile, parce qu'il faut tenir compte aussi des strates, comparer, disons,
chaque groupe d'âge les uns avec les autres et, pour beaucoup de groupes
d'âge, nous avions vu que, par exemple, entre l'Université de
Montréal et l'Université de Toronto - je devrais avoir les
données pour cela; je ne les ai pas ici. On pourra vérifier par
la suite et vous les transmettre - il y avait une variation, souvent, d'environ
de 4000 $ à 6000 $ entre les professeurs de l'Université de
Montréal, que l'on dit une bonne université, et ceux d'une
très grande université comparable au niveau du Canada, qui est
l'Université de Toronto.
Pour une même catégorie de professeurs, prenons les
professeurs agrégés, il y avait une variation d'environ de 4000 $
à 6000 $ à l'avantage des professeurs d'université
d'Ontario.
M. Ryan: Pour quelle année?
M. Fournier: Nous l'avions fait, nous, pour l'an 1984-1985.
M. Ryan: Merci. Vous n'avez pas de raison de croire que pour
d'autres catégories, de manière générale, la
situation serait radicalement différente?
M. Fournier: Lorsque vous parlez d'autres
catégories...
M. Ryan: Là vous avez cet écart pour une
catégorie bien définie de professeurs avec tant d'années
d'enseignement, j'imagine, etc.
M. Fournier: C'est évident qu'on peut comparer - si vous
me le permettez, M. le ministre - même par rapport au cégep, on
peut dire: Bon, è certains moments c'est comparable, à d'autres
moments cela ne l'est pas. Il y a certains avantages négociés par
les syndicats des universités, par exemple, quant à la longueur
par rapport à l'enseignement collégial. On arrive à un
plafonnement, disons, à un âge beaucoup plus avancé qu'au
niveau collégial et c'est un avantage non négligeable. Par
ailleurs, pour les premières catégories de professeurs,
c'est-à-dire les professeurs adjoints, ceux qui entrent dans la fonction
à temps plein comme professeurs réguliers, on s'aperçoit
là aussi d'écarts considérables et on a actuellement dans
chacune de nos universités de la difficulté à recruter des
jeunes professeurs compétents, soit qu'ils soient tentés d'aller
vers d'autres provinces, soit qu'ils sont tentés d'aller vers
l'entreprise privée.
En ce qui concerne les catégories des jeunes professeurs, je n'ai
aucune hésitation
à dire que les échelles - tout au moins pour la
région de Montréal. Je sais qu'à l'Université Laval
il y a des variations. On a réussi à la suite de
négociations à réduire l'écart entre les plus
jeunes et les plus vieux. C'est un acquis, disons, de l'action syndicale. Je
considère que pour la région de Montréal il y a pour les
premières catégories de professeurs un retard très
important à combler si on veut assurer ce qu'on appelle le
véritable renouvellement du corps professoral en allant chercher les
individus les plus compétents de la jeune génération.
M. Ryan: J'aurais une dernière question. J'ai
regardé l'ensemble de vos propositions. Il y en a plusieurs qui sont
très intéressantes et que nous allons retenir pour un examen plus
approfondi. Vous pouvez en avoir l'assurance. Il y a une question qui me venait
a l'esprit en faisant la liste des propositions que vous avez incluses dans
votre mémoire. C'est la question des coûts. Je ne sais pas si vous
avez fait une estimation des coûts qu'impliquerait la mise en oeuvre de
toutes les propositions qui sont présentées dans votre
mémoire. Je prends seulement un exemple au chapitre de l'aide
financière aux étudiants. Il y a des propositions très
intéressantes, mais quand on propose par exemple d'accorder le statut
d'autonomie à tous les étudiants, ce statut, comme vous le savez,
est déjà accordé aux étudiants des deuxième
et troisième cycles. S'il fallait l'accorder à tous les
étudiants qui sont admis à l'université, d'après
des estimations que nous avons faites au ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science ces derniers mois, le coût pourrait
varier de 600 000 000 $ à 800 000 000 $. Il y a les autres propositions
que vous faites également, et c'est la question que je vous adresse:
Est-ce que vous avez fait une compilation au moins exploratoire du coût
éventuel de ces propositions? Deuxièmement, est-ce que vous avez
des propositions à faire quant à la manière d'assurer le
financement de ces propositions dans l'hypothèse où le
gouvernement les retiendrait?
Je remarque que vous demandez le maintien du gel des frais de
scolarité, également. Je pense que vous voulez que le gel des
frais de scolarité soit maintenu. Alors, par quels moyens? D'abord, quel
serait l'ordre de grandeur de vos propositions? Nous pourrons vous donner une
idée de cela dans quelque temps si cela vous intéresse. De plus,
si vous l'avez fait, vous autres, cela m'intéresse d'avoir le
résultat de votre exercice, et deuxièmement, par quels moyens
assurer le financement de ces mesures?
Je signale en passant - et là-dessus, si vous n'avez pas la
même opinion que nous, j'aimerais bien connaître votre
réaction aussi - que déjà, d'après les
données que nous possédons, le régime d'aide
financière aux étudiants universitaires du Québec est le
plus libéral de tous ceux qui existent au Canada.
M. Fournier: La question que vous soulevez est fort complexe. Je
pense que la perspective que nous avons dans la présentation de ce
mémoire était aussi une perspective où la dimension
financière était présente. C'est évident que les
propositions qu'on a faites... sans les calculer de manière très
précise, on a quand même tenu compte de l'ordre de grandeur
possible pour une société comme la nôtre en essayant aussi
d'équilibrer, à la fois, certaines propositions avec d'autres
propositions. Ce qui veut dire qu'on est très sensible au
problème des transferts fiscaux venant du gouvernement
fédéral et, d'autant plus sensible, que le gouvernement du
Québec a été toujours très fidèle à
cette politique et a toujours dépensé à des fins
d'éducation ce qu'il recevait du Canada - ce qui n'est pas le cas de
l'Ontario - de telle sorte qu'une baisse significative des transferts fiscaux
risque de grever d'une manière importante les budgets des
universités.
Je pense que, concernant d'autres sources de revenus, on suggère
une intervention plus forte des entreprises à travers, entre autres, des
aides à la fiscalité. C'est évident que ce sont des
sources qui peuvent venir combler et qui sont difficiles à
évaluer pour l'instant. Tout dépend, disons, des avantages
fiscaux que le gouvernement pourrait accorder aux entreprises. Donc,
l'évaluation de ce qu'on pourrait obtenir dans nos propositions est
aussi difficile à évaluer comme l'évaluation exacte des
dépenses.
Ce qui me semble important, je pense, en ce qui concerne les
étudiants, c'était évidemment la question de
l'accessibilité qui pour nous est un acquis qu'il faut préserver.
On dit dans notre mémoire que l'accessibilité est
l'élément le plus important. Viennent ensuite, évidemment,
les frais de scolarité qui doivent être évalués et
réajustés en tenant compte aussi des modalités des
prêts et bourses. Je pense que sur cette question des frais de
scolarité et de l'accessibilité, notre mémoire est
très nuancé.
Par ailleurs, je pense qu'on doit être conscients, en tant que
professeurs et vous tous aussi, ici, en tant que parents d'enfants qui peuvent
fréquenter l'université, que les études universitaires
sont quand même des moments privilégiés pour les jeunes
générations et on doit, finalement, leur permettre de pouvoir le
faire et s'y consacrer dans la mesure du possible à temps complet. Le
sondage réalisé par les étudiants montre, si je compare
avec l'étude que j'ai faite en 1978, que le nombre d'étudiants
à temps plein qui travaillent pendant l'année a tendance à
s'accroître et s'est accru d'une manière significative. C'est donc
dire que, pour les étudiants qui veulent poursuivre à
temps plein des études universitaires pendant trois, quatre ans,
une majorité ou une proportion fort importante, autour de 50 %, donc la
moitié, doit travailler les soirs ou les fins de semaine pour assumer ou
assurer la subsistance nécessaire, à la poursuite des
études. Ces données nous semblent montrer que la situation
financière faite aux étudiants est inacceptable. Je pense qu'il
est inacceptable qu'une nouvelle génération qu'on forme à
l'université ne puisse pas se consacrer à temps plein pendant
trois, quatre ans à des études universitaires
sérieuses.
M. Beaucage: J'aurais voulu ajouter simplement, à propos
du statut d'autonomie, qu'il nous apparaît un peu bizarre que des gens
qui ont atteint l'âge de perdre leur vie sur le champ de bataille ou
ailleurs et qui ont des droits complets de citoyens soient encore
considérés comme des mineurs au plan financier. Il me semble
qu'il y a quelque chose qui blesse un peu à ce sujet. Parfois les
parents ne les aident pas, parfois les parents les aident peu. Les
étudiants eux-mêmes n'ont pas de moyens concrets pour extorquer
à leurs parents les sommes qui leur seraient nécessaires et
même dues. Cela les place dans une situation relativement difficile.
À mon sens, l'État devrait intervenir là. Comment financer
la note? Lorsqu'on a rédigé le mémoire, on s'est
posé la question à plusieurs reprises. Certains d'entre eux ont
été frappés par le grand succès qu'ont
rencontré dans le public les REA et toutes sortes de systèmes qui
permettent d'acheter des actions et d'avoir des avantages fiscaux importants.
Je reviens à la notion d'investissement que vous avez soulignée
tout à l'heure. À partir du moment où on pourrait vendre
littéralement l'enseignement supérieur comme un investissement
capital, cela donnerait lieu, je crois, à des possibilités
d'investissements avec dégrèvements fiscaux. C'est une des
méthodes bien entendu. L'autre méthode, personne n'est assez
obscène pour en parler, c'est d'augmenter les impôts ou des choses
comme cela. Mais on ne parle pas de cela.
M. Ryan: Évidemment, vous laissez cela au gouvernement! On
ne traite pas des sujets disgracieux dans votre milieu. J'ai juste une
dernière question, si vous me permettez, nonobstant que j'avais dit
tantôt que j'en étais à ma dernière. Il y a un point
que je ne voudrais pas laisser passer inaperçu. Vous faites une
proposition concernant les paiements de transferts fédéraux en
faveur de l'enseignement supérieur, une proposition qui consisterait
à procurer aux provinces, si j'ai bien compris, des revenus d'appoint
qui seraient conditionnés par la mesure dans laquelle les
dépenses d'une province pour ses universités dépasseraient
la moyenne nationale per capita. J'aimerais que vous donniez des explications
sur cette proposition que vous faites et que vous nous disiez, si, selon votre
jugement, elle respecte parfaitement les principes de souveraineté
législative et administrative que le Québec a toujours voulu
défendre dans ces matières.
M. Fournier: Je pense que, sur la dernière question, M. le
ministre, je vous laisse juge et maître de la question. Si vous avez
à nous faire un reproche sur cette question vous pouvez nous le
transmettre et nous dire qu'on a erré ou non sur cette question, ce qui
ne me semble pas le cas. Cette question a été abordée en
profondeur dans le mémoire des fédérations des professeurs
d'université présenté à la même commission
ici en 1984. C'est un mémoire sur la question de la fiscalité et
sur la question du coût de fonctionnement des universités. C'est
un mémoire très bien fait et qui réunit beaucoup
d'informations. J'aimerais bien finalement que les membres de la commission
puissent aussi regarder attentivement ce mémoire dont on reprend les
grandes lignes sans nécessairement réunir l'ensemble des
données.
Le point de vue qui avait été développé
à ce moment était d'opter pour une politique d'encouragement et
non une politique de punition pour les délinquants, et de dire,
finalement, lorsqu'il y a plus d'argent qui est consenti pour
l'université et pour l'enseignement postsecondaire... Actuellement, on
risque de punir, c'est-à-dire que si une université ne donne pas
assez, ou un système québécois ou un système
gouvernemental ne fournit pas assez, on a tendance, dans la politique actuelle,
à punir. Alors que nous, on a dit que, plutôt que de jouer du
bâton, on serait beaucoup mieux de jouer de la carotte et de dire
finalement: Ceux qui font leur devoir sur ces questions et qui font plus que
leur devoir devraient bénéficier de montants additionnels en
vertu du système de transferts fiscaux. Je crois que c'était la
perspective d'ensemble. Une perspective qui est d'encourager des provinces
comme celle du Québec. À ce sujet, on était très
conscients de la qualité du travail réalisé sur ces
questions par le gouvernement du Québec au cours des dernières
années, dans une période où le gouvernement
fédéral cherche de plus en plus à réduire ses
transferts fiscaux.
M. Ryan: Merci bien.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. Fournier. Le temps qui était imparti au parti ministériel est
maintenant épuisé. Je donne la parole au porte-parole officiel de
l'Opposition, en matière d'éducation, la députée de
Chicoutimi. (11 h 30)
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
M. le président, M. Fournier, madame et messieurs, il me fait
plaisir de vous souhaiter la bienvenue en mon nom personnel et au nom de ma
formation politique. Le mémoire que vous nous présentez, la
perspective dans laquelle vous le placez me plaît bien. Il ne voulait
pas, je pense bien, comme beaucoup le souhaiteraient, apporter des
réponses à toutes les questions qu'on se pose, mais les bonnes
questions sont posées et vous apportez certains éléments
de solution.
Je ne ferai pas une longue présentation parce que je
préférerais d'abord vous entendre. J'aimerais simplement vous
dire que je partage les préoccupations du ministre de l'Éducation
quant à la nécessité d'investir dans l'avenir. II s'agit
ici, je pense, entre nous, de convaincre ce gouvernement que la seule voie qui
puisse nous assurer un développement économique certain, c'est
celle de la scolarisation, que les universités jouent un rôle
capital dans le développement économique et que
l'éducation demeure encore aujourd'hui - certaines études
américaines l'auraient démontré - l'investissement le plus
rentable. On estimait qu'il nous rapportait environ 10 % annuellement, selon
une certaine étude - il faudrait que je la retrouve - qui est
citée dans un mémoire, en termes de rendement.
Vous comprendrez donc que ma préoccupation touche à fois
la qualité, le développement de l'université et son
accessibilité. Tout à l'heure, le président rappelait les
propos que j'ai tenus hier. J'aimerais les resituer un peu. Il ne s'agissait
pas pour moi de m'interroger sur l'existence d'études qui avaient pu
être faites pour mieux comprendre la composition sociologique des
clientèles universitaires. Je ne doute pas que cela ait
déjà été fait. Ce que j'ignore -cela doit exister,
cela a dû être fait de façon un peu plus partielle et
sectorielle -c'est s'il existe des études qui nous permettent de mieux
cerner le problème, dont on connaît les principaux
éléments ou facteurs, qui fait qu'encore aujourd'hui des jeunes,
malgré que notre université soit relativement accessible et dans
plusieurs cas très ouverte, avec des frais de scolarité
relativement bas, avec une aide financière, reconnaissons-le, qui n'est
quand même pas négligeable, au Québec estiment que
l'université et l'enseignement supérieur, ce n'est pas pour eux.
Une fois qu'on a cherché, il faut aussi trouver et, à un moment
donné, essayer d'appliquer certaines solutions. Il serait souhaitable
qu'on essaie d'imaginer ce que pourraient être les scénarios qui
nous amèneraient à renverser cette situation. C'est dans cette
perspective que je voulais me placer.
Je pourrais vous dire aujourd'hui que, si l'on m'assurait qu'une partie
des nouvelles sommes d'argent injectées dans les universités nous
permettraient d'avoir, au Québec, une vision plus claire de cette
situation de même qu'une vision plus juste des solutions ou des moyens
qui pourraient être mis en place pour renverser cette situation, je
serais moins réticente lorsqu'on veut inviter les jeunes à
participer davantage au financement des universités.
Par ailleurs, vous dites disposer de données sur la composition
sociologique des étudiants dans les universités. Il serait
intéressant - en tout cas, personnellement, je serais
intéressée - d'avoir cette étude parce qu'on ne l'avait
pas refaite depuis la fin des années soixante-dix. Alors, si on pouvait
l'avoir, cela m'intéresserait particulièrement. Que la situation
au Québec soit plus démocratique qu'elle ne l'est en Europe,
c'est heureux! Notre population est moins stratifiée sociologiquement.
Le peuple québécois est un peuple jeune et j'espère qu'on
évitera le plus longtemps possible ce genre de stratification.
J'aimerais aborder avec vous la question de la tâche. Même
si le ministre l'a abordée longuement, j'aimerais l'aborder sous un
autre angle. Aux pages 24 et suivantes de votre mémoire, vous me semblez
assez réfractaires, je dirais, a ce que pourrait être une
modulation de la tâche des professeurs comme on l'a souvent entendu. Moi
je me demandais si, sans nuire à la qualité, on pourrait, si on
était vraiment dans une situation qui nous y oblige, envisager une
modulation de la tâche, un peu sous le forme que certains
étudiants, je ne dirais pas des associations, envisagent,
c'est-à-dire ceux qui ont beaucoup plus de facilité et de
qualités pour la communication, ceux qui en ont davantage pour la
recherche, qu'on essaie donc de faire une modulation qui permettrait de tenir
compte davantage de ces qualités et de ces compétences.
L'autre volet de ma question ce serait: En visant un tel exercice,
est-ce qu'il est possible d'augmenter ou de réduire de façon
significative le nombre des professeurs dans les universités, parce que
je pense bien qu'il y a une certaine recommandation qui nous y invite? Ensuite,
je reviendrai peut-être sur un autre volet des chargés de
cours.
Mme Dagenais: J'aimerais revenir sur la première partie de
votre intervention, parce que je pense que les professeurs sont très
sensibles aux questions d'accessibilité - vous vous en êtes rendu
compte - une bonne partie de notre mémoire est là-dessus.
Personnellement, j'y suis peut-être plus sensible que d'autres dans le
sens où j'ai eu une formation de l'ancienne école,
c'est-à-dire de l'école normale et ensuite l'enseignement. J'ai
fait mes cours à temps partiel à l'université, donc j'ai
travaillé en même temps, ce qui fait qu'il y a une
sensibilité,
chez un certain nombre de professeurs, qui est plus
développée pour ces questions.
Je pense qu'on n'a peut-être pas de réponse à donner
actuellement. Il faudrait effectivement des études sociologiques
beaucoup plus poussées. Je ne sais pas s'il y en a eu récemment,
mais certainement que c'est une invitation à leur faire de toute
façon, s'il n'y en a pas eu, pour vérifier l'origine des
étudiants et des étudiantes dans nos universités. Moi il y
a un facteur, je pense, qu'on ne peut plus négliger, étant
donné la conjoncture actuelle et étant donné la
réputation ou l'image négative et parfois et même
très souvent récemment transportée de l'université,
des professeurs d'université et des étudiants. Je ne pense pas
que dans une société, quelle qu'elle soit, l'image
négative d'une occupation puisse entraîner les plus jeunes et les
autres classes qui y ont moins accès à vouloir y
pénétrer.
Je pense qu'une des choses à faire est peut-être justement
de s'interroger sur les priorités qu'on a accordées aux
universités et l'image qu'on fait aux universités justement par
la dévalorisation économique de ces activités. Je pense
que c'est très important, et les professeurs, de toute façon, ont
même entrepris des actions pour changer cette image négative et
les étudiants, hier, ont beaucoup insisté sur l'aspect de la
recherche. Cela m'amène à la deuxième partie de votre
intervention; la modulation des tâches. Ce que les professeurs disent
c'est qu'il faut faire très attention de ne pas adopter pour la
modulation des tâches ce qu'on nous imposerait actuellement,
c'est-à-dire augmenter le nombre de cours. La tâche de
l'enseignant et de l'enseignante à l'université c'est tellement
plus que cela. Tant qu'on n'aura pas compris cela - parce qu'on n'aura
peut-être pas donné aux professeurs l'occasion de vraiment
expliquer ce que c'est, parce que beaucoup de gens ne le savent pas - j'ai
l'impression qu'on va toujours se retrouver avec ce genre de discours et qu'on
n'ira nulle part, parce que les professeurs vont vous dire que ce n'est pas
possible d'augmenter.
Les étudiants demandent la qualité, pas seulement la
quantité. La qualité, eh bien, cela prend du temps. Autrement
dit, vous donnez six heures de cours, cela veut dire de la préparation.
J'ai l'impression que souvent les gens s'imaginent qu'on répète
la même chose. Je regrette, j'enseigne depuis onze ans et je passe encore
beaucoup de temps à préparer mes cours. Je suis incapable
d'imaginer, en plus des autres tâches et de la recherche... Et la
recherche, peut-être aussi, il faudrait la considérer comme une
formation. Les professeurs qui font de la recherche ne s'enferment pas dans
leurs bureaux pour faire leurs recherches tout seuls. Ils travaillent avec des
étudiants et des étudiantes gradués. Cette partie de ce
travail n'est jamais inscrite nulle part. Les étudiants travaillent
beaucoup, mais les professeurs aussi. Cela prend encore du temps. Cela ne fait
pas partie de la tâche d'enseignement comme telle. C'est en plus. C'est
au niveau de la recherche qu'il faut faire cela.
L'administration des universités se fait beaucoup de façon
collégiale. Lorsque vous faites partie de comités de programmes,
de comités au niveau de la faculté, de syndicats pour faire
avancer les choses aussi à ce niveau, les 40 heures de la semaine que
font les autres travailleurs je peux vous dire que les professeurs les font
aussi. Je pense qu'il va falloir changer peut-être - nous avons
commencé le discours - parler de qualité, mais donner
peut-être plus de détails de ce que cela signifie en termes
d'heures, en termes de présence pour atteindre une qualité avec
les étudiants. Les étudiants sont très sensibles, les
professeurs aussi, mais je ne suis pas certaine que l'image qui est
renvoyée dans le public soit celle de la qualité de notre
travail. Je pense que nos efforts vont beaucoup dans ce sens-là. Notre
mémoire a beaucoup insisté sur ces aspects qui ne sont jamais mis
en cause. On a l'impression que tout ce qui compte ce sont les chiffres.
M. Beaucage: J'avais quelques remarques complémentaires
à formuler, madame. Il y a des liens, notre mémoire le montre,
entre enseignement et recherche. Vous avez presque évoqué un
mythe ici -vous me permettrez de le signaler - qui distingue parmi les
enseignants, les professeurs. Ceux-qui font de l'enseignement sont
éloquents, on les compare pratiquement à des monologuistes, des
"show men", on entend toutes sortes de choses là-dessus; et il y aurait,
à côté de cela, les chercheurs, qui ont la poitrine creuse,
qui travaillent en cabinet. Je pense qu'il faut plutôt voir les relations
entre les deux volets de cette même personne. Ce sont des structures
intellectuelles en ordre. Il est aussi difficile de parler éloquemment
que de chercher éloquemment. Les chercheurs qui ne sont pas capables de
s'exprimer ne sont pas plus capables d'écrire. On peut toujours trouver
dans des répartitions statistiques ce qu'on appelle des bouts de cloche,
donc quelqu'un qui n'est absolument pas éloquent mais qui pourrait
écrire à la limite. Mais, de manière
générale, les chercheurs sont capables d'enseigner et les
enseignants sont capables de chercher. Voilà pourquoi il faut
arrêter d'essayer de nous spécialiser. Il s'agit de la même
chose, ce qui change c'est le média, le medium. Le reste, c'est pareil.
Élaborer un plan de cours ou élaborer un article... L'article
s'élabore à partir de sources primaires, bien entendu, et le
cours s'élabore à partir d'études secondaires dans la
plupart
des cas, c'est la différence; pour le reste c'est une
démarche qui relève de la même logique. On ne peut pas
dire: Un tel, tu parles bien, tu te farciras six cours et toi tu es
bègue, tu t'en farciras un. Cela ne peut pas se diviser comme cela.
Voilà pourquoi nous résistons avec la dernière
énergie aux tentatives de modulation.
M. Fournier: Mme la députée de Chicoutimi,
j'ajouterais, si vous me le permettez, un commentaire à la suite de
votre question d'une part sur la modulation des tâches et, si vous le
souhaitez, peut-être sur la question de la démocratisation du
système d'enseignement. Sur la modulation des tâches je dirai
finalement simplement qu'elle existe déjà d'une certaine
manière mais gérée par les unités
départementales d'elles-mêmes. Lorsqu'un de nos collègues
est nommé par son assemblée pour diriger un département ou
pour diriger un module ou pour diriger un niveau, un cycle, premier ou
deuxième, on lui octroie finalement des crédits d'administration.
Lorsqu'un de nos collègues est élu à un poste au niveau
d'une association ou d'un syndicat, il est reconnu qu'une partie de son travail
sera de cet ordre-là. Il y a même des organismes subventionnaires,
je citerais le conseil de recherche en sciences humaines pour ce
secteur-là, le Conseil des sciences et aussi au Québec certaines
actions structurantes qui impliquent finalement au moment de l'obtention de ces
subventions que le professeur se transforme pour un certain temps, un an ou
deux, en chercheur à temps plein. Donc, il existe déjà un
certain nombre de formules. Personnellement - c'est un point de vue que je
dirais - je pense que cette forme de modulation gérée par les
assemblées et les unités départementales est fort
souhaitable et se réalise. Par ailleurs, il ne faut pas que ces
modulations de tâches prennent un caractère permanent. Je ne vois
pas que des professeurs d'université, pendant toute une carrière,
ne fassent que de l'administration ou une part importante d'administration. Je
souhaite toujours qu'il n'y ait pas de carrière d'administrateurs ou
même de syndicalistes dans nos milieux universitaires et que l'on puisse
revenir. Vous voyez les problèmes que pose actuellement dans nos
universités le retour à la base des anciens recteurs et
vice-recteurs. Je pense qu'il est important à ce niveau-là qu'il
n'y ait pas de modulation permanente et que la définition de
l'activité du professeur, quitte à ce que, selon un semestre,
selon une année, selon deux ans, elle soit modifiée, demeure
globalement celle que l'on définit: enseignement, recherche, service
à la collectivité, et j'inclus aussi dans cela
l'administration.
Mme Blackburn: Je m'attendais tout à fait à ce que
vous nous teniez ce discours-là, sauf que c'est la première fois
qu'on l'entend de façon plus ferme. De la part des étudiants cela
a été hier, où ils font une association très
étroite entre la qualité de l'enseignement et la qualité
du chercheur lui-même, de sa recherche. Je suis d'accord avec vous que
cela nous permet, à tout le moins, de revenir sur cette espèce de
mode qui, si je me rappelle, a pris naissance quelque part en 1981.
Cependant, cela me préoccupe parce que dans certaines
universités, 50 % de l'enseignement est dispensé par des
chargés de cours. (11 h 45)
M. Beaucage: Votre question devrait être adressée au
ministre de l'Enseignement supérieur.
Mme Blackburn: Je...
M. Beaucage: Nous avons soulevé cette question que la
moitié des enseignants... Pour être plus précis, il y a une
variante par institution, c'était 48 % à Rimouski, 47 % ou 48 %.
Cela n'a pas beaucoup de sens et c'est ce qui existe présentement. Cela
semble être le sort qui nous est réservé pour un bon nombre
d'années. C'est ce que nous déplorons, bien entendu. Les
chargés de cours font des efforts extraordinaires. On n'a pas à
défendre ici leur propre croûte, ils viendront le faire
eux-mêmes, j'imagine. Ils font des efforts extraordinaires compte tenu de
leur rétribution, quelques milliers de dollars pour préparer un
cours neuf. Mais on ne peut pas leur demander d'encadrer les étudiants.
On ne peut pas leur demander non plus de préparer des cours d'une aussi
grande ampleur que ceux des professeurs permanents puisqu'ils n'ont jamais la
certitude de répéter ces cours. C'est comme s'ils investissaient
des centaines d'heures pour une fois seulement. C'est un peu la question qui se
pose. On est inquiet, nous aussi.
Mme Blackburn: Donc, si j'accepte votre argument selon lequel il
y a un rapport étroit entre qualité et recherche et, si je me fie
à cet indicateur, on peut dire qu'au cours des dernières
années, la qualité de l'enseignement s'est
détériorée du fait qu'on a de plus en plus d'enseignement
qui est dispensé par des professeurs qui n'assurent à peu
près pas l'encadrement et qui ne font pas de recherche; je pense aux
chargés de cours.
M. Fournier: Je pourrais compléter l'intervention de mon
collègue, Mme la députée de Chicoutimi. Sur cette
question, nous sommes conscients, même si on est très contents du
taux de satisfaction des étudiants face à notre enseignement,
d'une détérioration des conditions d'enseignement,
que ce soit au sujet de l'instrumentation scientifique - je pense aux
laboratoires - que ce soit au sujet des bibliothèques. La
capacité d'obtenir rapidement des livres nouvellement publiés est
quasiment illusoire de même que la possibilité d'obtenir, pour des
travaux sérieux, la documentation sur place. Il y a au niveau des
bibliothèques un effort considérable à faire. Un effort
doit être fait immédiatement parce que, faire un rattrapage dans
ce domaine, c'est souvent très long et beaucoup plus coûteux que
le travail continuel. C'est la même chose au sujet des resssources
disponibles dans les universités. Pour l'Université de
Montréal, il y a eu le fameux rapport Lacroix sur la productivité
des professeurs. On a comparé la productivité des professeurs des
universités du Québec à d'autres universités. Les
chiffres ne sont pas mauvais. Je pense que, globalement, il y a une bonne
productivité du corps enseignant, sauf qu'on n'a pas tenu compte des
ressources et qu'on n'a pas tenté de comparer entre l'Ontario et le
Canada les ressources disponibles pour ces professeurs. Les ressources en
personnel de secrétariat sont beaucoup moins grandes
qu'antérieurement, que ce soit la photocopie, l'utilisation du
téléphone, toutes les choses qui forment l'infrastructure
quotidienne d'un professeur et d'un chercheur à l'université et,
je dirais aussi, pour l'ensemble des étudiants, si on tient compte du
système audiovisuel. Pour tous ces aspects, tous les outils, toutes les
ressources pédagogiques et matérielles qui sont offertes
habituellement au corps professoral et aux groupes de chercheurs, globalement,
on est conscient d'une très nette diminution de la qualité de ces
ressources. Et on continue, je pense, à fournir un travail que je dirais
exceptionnel en dépit de ces conditions qui paraissent, pour certains
d'entre nous, quasi insupportables.
Mme Blackburn: II y a une question que vous abordez dans votre
mémoire et qui touche l'évaluation, à la page 25, si je me
rappelle bien. Vous dites: "Notre tâche s'exerce donc dans un processus
d'évaluation dont les modalités peuvent varier d'une
université à l'autre mais qui, invariablement, a ses moments
privilégiés dans la carrière professorale: lors de la
permanence, des promotions, des publications et des demandes de subventions,
etc." Vous connaissez la position des étudiants là-dessus, les
jeunes de façon générale, plus particulière, je
dirais. Je sais que dans plusieurs universités, il y a un mode
d'évaluation qui associe beaucoup les étudiants à
l'évaluation des professeurs et de l'enseignement de façon
particulière. Vous n'avez pas donné de précisions
là-dessus.
M. Beaucage: Je peux expliquer pourquoi. Les modalités qui
existent dans chacune des universités varient assez
considérablement. Dans le réseau de l'Université du
Québec, auquel j'appartiens, il y a, pour chaque cours, une
évaluation de l'enseignement qui est faite par les étudiants,
parfois même deux fois dans la session. Or, ce n'est pas le cas dans
toutes les autres universités. C'est une partie du processus
d'évaluation. Les étudiants évaluent le cours. Ensuite,
ces évaluations ou leurs synthèses - là encore, il y a
beaucoup de modalités - sont concentrées à la direction du
programme ou du module et servent ou peuvent servir lors de l'évaluation
du professeur. Encore une fois, dans le réseau de l'Université du
Québec, les professeurs sont évalués par leurs pairs, par
des membres de l'assemblée départementale, tous les trois ans.
S'ils demandent une promotion ou la permanence, ils sont évalués
d'une manière spéciale à cette occasion. On voit donc
déjà l'évaluation par les étudiants et
l'évaluation par les pairs.
Il y a un autre volet de l'évaluation par les pairs qui est
très important, celui qui entoure la production scientifique. Dans des
colloques, des congrès, des jurys, des arbitrages de revues, chez les
éditeurs des comités de lecture, tous ces processus convergent
pour faire de notre métier - c'est ce que nous soutenions d'ailleurs
dans une version précédente, je pense, qui est restée sur
les tablettes - l'un des métiers les plus évalués: chacun
des cours, chaque session. Je vous mets au défi: Est-ce qu'il y a un
fonctionnaire qui est évalué autant que cela?Est-ce
qu'il y a un professionnel libéral qui est évalué autant
que cela, sinon par des procès? Je n'ai jamais vu cela. On est les
seuls, je pense.
Une voix: ...
M. Beaucage: Pardon?
Une voix: Les politiciens.
M. Beaucage: Non, tous les quatre ans, vous autres.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Beaucage: Parfois, vous êtes bien évalués
et parfois pas.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Parent, Sauvé): Messieurs, s'il
vous plaît, si vous voulez éviter ces discrétions.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous ai dit au
début que c'était dans un cadre formel et qu'on pouvait discuter
d'une
façon informelle, mais, quand même, il ne faut pas aller
trop loin. Je vous écoute.
M. Beaucage: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Ne vous excusez
pas.
M. Beaucage: Donc, il y a des mécanismes
d'évaluation qui sont è tous les niveaux, qui font intervenir
plusieurs secteurs, y compris les organismes auxquels on fournit les services,
à l'occasion, comme experts de certains types de questions. Ils peuvent
tout à fait envoyer a nos comités d'évaluation les
rapports qu'ils veulent en disant: M. Untel a participé; on n'est pas
contents de sa participation. Cela va dans nos rapports d'évaluation. On
est donc très évalués, y compris à chaque session,
dans chaque cours. C'est vraiment assez lourd. Mais ce n'est pas, en
général, le genre de discours que tiennent les directions
universitaires. On passe pour des gens qui ne sont pas trop
évalués et ce n'est pas le cas. On tient à rassurer la
commission là-dessus, mais les mécanismes varient d'une
institution è l'autre.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Madame.
Mme Blackburn: Je le sais pour avoir travaillé dans un
organisme où on parlait beaucoup d'évaluation. Je connais
passablement les modes d'évaluation existant chez vous. Je suis
également assez sensible et assez informée, je pense, par rapport
à la tâche des professeurs. Il me semble aujourd'hui et ce qui
semble être véhiculé beaucoup, ce sont des jugements
fondés sur une méconnaissance. Je me demandais jusqu'à
quel point ce n'était pas beaucoup parce que les universités ne
s'étaient pas suffisamment ouvertes sur leur milieu; j'allais dire
qu'elles n'étaient pas suffisamment transparentes. Je ne sais pas
comment je l'exprimerais, mais il y a certainement quelque chose qui fait
qu'aujourd'hui, au Québec, comme un peu ailleurs aussi, mais
particulièrement au Québec, on a une méconnaissance que je
trouverais nocive ou négative de la tâche et l'importance du
travail effectué par les professeurs dans les universités.
J'aimerais revenir un peu sur toute la question de... D'abord,
très brièvement, sur le financement. Lorsque vous parlez des
déficits, vous ne semblez pas favoriser un plan de résorption des
déficits qui serait aux frais de l'université déficitaire.
Ce que j'ai cru comprendre dans votre mémoire, c'est que l'État a
des responsabilités; donc, il devrait résorber les
déficits. Est-ce que je vais trop loin?
M. Fournier: Vous avez en partie raison en ce sens que -
là, il faudrait peut-être faire la comparaison entre ce qui s'est
fait dans d'autres secteurs - l'idée est la suivante. C'est que l'on
fasse pour le milieu universitaire ce que l'on a fait finalement pour le milieu
hospitalier. C'est à peu près l'intention générale
en ce qui concerne le déficit.
Mme Blackburn: Je vais revenir brièvement, parce que je
veux laisser le temps à mes collègues d'intervenir sur toute la
question de l'accessibilité et de la démocratisation. Vous avez
tout un chapitre qui traite de cette question et vous parlez d'un certain
nombre de mesures devant favoriser l'accessibilité, des mesures
d'assistance revalorisée. Vous en indiquez un certain nombre, mais on
sait que le problème que j'évoquais tout à l'heure prend
sa source très jeune et bien avant l'université et que la
sélection se fait, je dirais, dès la petite enfance.
Cependant, une fois que les jeunes sont rendus dans les
universités, on sait qu'il persiste des écarts parce que,
même rendus là, ils s'y adaptent moins bien. Ils arrivent avec des
dossiers scolaires moins bons et moins de support à la maison. Donc,
plus de difficulté à poursuivre, à terminer des
études. Est-ce que vous avez des études qui nous permettraient
d'établir l'origine socio-économique de ceux qui connaissent le
plus d'échecs et d'abandons qui nous permettraient de voir qu'il y a un
rapport entre les jeunes issus des milieux populaires par rapport aux autres
à ce niveau?
M. Fournier: Si vous me permettez, Mme Blackburn, rapidement,
parce qu'on pourrait, sur cette question, s'engager dans un séminaire de
recherches très approfondies. Vous connaissez peut-être
très bien l'ensemble des travaux faits par le groupe ASOPE, qui avaient
été financés par le ministère de
l'Éducation, dirigés par M, Rocher et M. Bélanger. Il y a
un chercheur ici de l'Université Laval, M. Massot, qui est un
spécialiste de ces questions.
Personnellement, j'ai travaillé aussi sur les questions
d'accès à l'enseignement universitaire. Les données que
j'ai demandent une analyse un peu plus fine. On s'aperçoit qu'il y a un
accès relativement élevé des jeunes filles et
garçons des milieux dit populaires, c'est-à-dire filles et fils
de cois bleus, à peu près 27 %; filles et fils de cols blancs,
secrétariat, commis, etc., de l'ordre de 21 %. Ce qui veut dire qu'il y
aurait 40 % à 48 % de jeunes issus des couches un peu plus
démunies de la société globalement. Cela n'a pas
bougé depuis 1978, ce qui ne veut pas dire que l'université pour
autant est démocratique. Si on compare avec l'ensemble au niveau de la
population dite active, il y a
encore une sous-représentation importante des fils et filles de
la classé ouvrière. Je pense que c'est important de dire
cela.
Donc, ces analyses sont complexes, il faut aller plus loin et voir
ensuite par faculté et par secteur diciplinaire et voir que, par
exemple, en santé ou en droit, c'est différent du secteur
éducation. Donc, c'est une analyse complexe. Je terminerais en disant
qu'au niveau universitaire on peut faire des choses importantes par des
politiques d'accessibilité à l'université, mais je pense
que cela s'inscrit, et vous en êtes consciente, dans une politique
générale qui doit intervenir dès les niveaux du primaire,
du secondaire et aussi du collégial.
On a très peu parlé ici du collégial et c'est aussi
une des questions qu'on aurait bien aimé aborder, mais cela s'inscrit,
comme on le voit en Californie et comme on le voit même sur l'île
de Montréal, dans des politiques éducatives, sociales et
culturelles beaucoup plus larges. Cela nous concerne, mais c'est évident
qu'à l'université on est rendu au bout de la chaîne. On
peut changer certaines choses à ce niveau, mais, si on veut que ce bout
de chaîne fonctionne selon les paramètres que l'on s'est
donnés, c'est évident qu'il faut travailler sur la base d'une
politique sociale, éducative et culturelle générale.
Mme Blackburn: J'ai été un moment distraite, est-ce
que vous possédez des études qui nous permettraient
d'établir un rapport entre l'origine socio-économique et les
abandons et échecs?
M. Fournier: Sur cette question, je pense que dans
l'enquête ASOPE on peut, si mes souvenirs sont bons, trouver un certain
nombre de données, parce qu'elle a fait une étude de cohorte,
elle a suivi les étudiants en partant du secondaire jusqu'à
l'université et elle a analysé les abandons à
différentes étapes du cheminement scolaire. Donc, c'est une
étude qui a été longue, complexe et qui fournit sur ces
questions un éclairage qui m'apparaît intéressant.
Mme Blackburn: Cela m'amène à cette question,
c'est-à-dire que le rôle de l'université, il me semblait...
C'était là-dessus que je me demandais si vous aviez des mesures
particulières d'encadrement, de soutien, d'assistance aux
étudiants qui éprouvent certaines difficultés ou si,
finalement, c'est un peu la loi du plus fort, c'est-à-dire, s'il ne
réussit pas à s'en sortir rendu à l'université,
qu'il retourne un peu chez lui faire ses classes.
M. Fournier: Présentement, si vous me permettez,
rapidement, vous parlez du cas des classes défavorisées. II faut
aussi, lorsqu'il s'agit d'accessibilité, tenir compte de
différentes paramètres: accessibilité selon les
régions, accessibilité selon les groupes hommes-femmes,
accessibilité selon aussi les groupes ethniques, et c'est fort
important. On sait que, actuellement, dans des universités de la
région de Montréal, Concordia entre autres, on retrouve des
proportions élevées d'enfants issus de familles dites
néo-québécoises et je pense que c'est très
important de regarder cela et d'appuyer ces populations qui
s'intéressent de plus en plus, "investissent", entre guillemets, de plus
en plus dans l'éducation pour leurs enfants et, évidemment, selon
les classes sociales. (12 heures)
Je ne pense pas qu'il y ait de mesures, parce que cette variable, la
variable origine sociale, n'est pas comme telle contrôlée par les
institutions elles-mêmes, même pas sur les fiches d'inscription. Il
est même, actuellement, difficile d'obtenir ces informations compte tenu
de la loi du droit à l'information. Il faut faire une enquête
auprès des étudiants. C'est de plus en plus complexe. Cette
donnée est difficile d'accès et elle n'est pas prise en
considération par les administrations, si ce n'est par le biais, je
pense, de certaines interventions au niveau des capacités, je dirais,
intellectuelles, par exemple au niveau de la maîtrise de la langue
française.
Dans les universités, actuellement, on a des programmes. Par
exemple, à Montréal vous avez le programme CAFÉ et il y en
a dans d'autres institutions. Il y a des institutions qui pensent: Est-ce que
c'est bon de mettre sur pied des examens? Mais ce sont souvent des mesures, je
dirais, qui interviennent, non pas en fonction de l'origine sociale, mais en
fonction de capacités intellectuelles particulières.
Mme Dagenais J'aimerais ajouter, pour le bénéfice
des personnes ici présentes, que les universités ont quand
même fait des efforts. Là, je n'ai pas de chiffres, parce que je
ne me suis pas préparée pour cela, mais je sais qu'il y a des
efforts qui sont faits notamment pour recevoir des étudiants et des
étudiantes adultes qui ont abandonné peut-être et qui ont
eu ensuite des cheminements différents, pour reconnaître les
acquis durant les années où ces personnes n'étaient pas
à l'université.
Il y a aussi un autre aspect qui n'entre pas dans les statistiques non
plus, que moi je vis et que beaucoup de professeurs, j'en suis sûr,
vivent. C'est que souvent les étudiants et les étudiantes qui ont
des problèmes au premier cycle ou au deuxième, mais souvent au
premier, viennent voir les professeurs pour en discuter. Cela arrive
qu'effectivement des personnes qui ont des difficultés viennent,
simplement sur le plan humain, discuter avec nous. Cela aussi, ça prend
du temps. Je pense que cela n'est inscrit nulle
part dans nos tâches, mais cela se fait. C'est un genre de
"counselling", si vous voulez, qui peut aider, mais c'est très
individuel. Il n'y a pas de structure, qu'on sache, pour l'instant.
Par contre, ce que j'ai constaté, c'est que souvent les
problèmes des étudiants sont des problèmes d'argent. J'en
témoigne parce que j'ai eu des étudiantes qui ont
travaillé avec moi et qui ont des problèmes, mais vraiment au
point où elles ne peuvent pas... Cela devient un cercle vicieux,
c'est-à dire qu'il faut gagner des sous, donc on ne peut pas travailler
sur la thèse; on menace que sa thèse ne pourra pas se poursuivre
parce que cela fait trop de trimestres qu'elle est inscrite. Je pense à
un cas tout à fait particulier, c'est un cercle vicieux: il faut
travailler pour vivre et gagner de l'argent, et pendant ce temps là on
ne peut pas étudier. Au premier cycle, il y a des cas. Moi, je connais
des gens qui travaillent en même temps ou qui arrivent en retard à
une session parce qu'ils avaient un emploi qui devait se poursuivre.
Je pense que c'est très important de le dire. Cela fait partie
des priorités à développer, de considérer les
étudiantes comme des adultes. On l'a dit et je pense qu'il faut le
répéter.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme
Dagenais. Je reconnais maintenant le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, Bonjour à chacun et chacune d'entre vous.
Juste un mot - très simplement parce qu'il ne reste pas beaucoup de
temps - pour vous remercier au moins, à tout le moins, sans porter un
jugement de fond sur la qualité de votre mémoire. En ce qui me
concerne, pour quelqu'un qui arrive de Vancouver, cela me prendrait plus de
temps pour l'analyser, mais une chose qui est certaine, c'est qu'au niveau, par
exemple, de la représentativité, c'est sûrement un
mémoire qui méritait d'être entendu, compte tenu de la
très large couverture qu'il a au niveau de sa
représentativité. En cela, je suis très heureux que vous
ayez eu au moins l'amabilité et également l'effort intellectuel
de contribuer positivement à cette commission par un mémoire
articulé, étoffé qui est très
représentatif.
J'aurais deux questions rapidement. Une première, c'est sûr
que la question est fondamentale: les difficultés financières
vécues par le milieu universitaire. On aura beau prendre plusieurs
semaines pour regarder cela et essayer de colliger les éléments
sur lesquels il y a lieu de se questionner conjointement pour en
déterminer les principales causes, on arrivera toujours, je pense,
quelles que soient les carences du système, à la
nécessité de demander plus à quelqu'un quelque part.
Alors, ce sera le gouvernement, les étudiants, cela va être un
effort au niveau des profs, au niveau de l'administration. Mais, ce n'est pas
possible de retoucher à fond ce dossier sans être obligé,
premièrement, pas nécessairement de demander plus de sacrifices
à quelqu'un, mais il y a une partie du gâteau qui devrait
être plus largement assumée par quelqu'un. Ce serait qui,
d'après-vous, le quelqu'un qui devrait prendre la plus grande part
à un moment donné dans ce dossier?
M. Fournier: On pourrait répondre par une boutade en
disant: Étant donné que les étudiants sont nos
électeurs, ne touchez pas è nos étudiants, quoi.
M. Gendron: Ce ne serait pas une boutade.
M. Fournier: Mais, je pense que dans le rapport on fait
référence quand même à un certain nombre de moyens.
On touche, évidemment... Un deuxième élément, qui
n'a pas été comme tel souligné, c'est que vous avez
utilisé le terme sacrifice. Je pense qu'au niveau salarial, depuis
1982-1983, les professeurs réalisent et font sur cette question-la, un
sacrifice réel quant aux conditions salariales. Je pense qu'il ne faut
pas le négliger. Nous avons peut-être été, nous, les
professeurs, ceux qui ont, pour une part impartante, porté le poids des
difficultés financières, à qui on doit faire porter,
disons, le poids.
Je pense qu'il faut jouer, nous disions, à la fois du bâton
et de la carotte. Je pense qu'il faut inciter des groupes a subventionner et
à appuyer l'université avec les mesures fiscales, entre autres,
les entreprises, soit par des incitations, soit par des taxes. Il me semble
important que les grandes entreprises, l'entreprise au Québec,
contribuent d'une manière beaucoup plus significative qu'elles ne l'ont
fait au développement de l'ensemble du réseau universitaire.
On fait référence au rôle de la bureaucratie et des
administrations. Je pense qu'on est conscient de la nécessité
d'une administration plus rigoureuse de ces fonds qui sont des fonds publics
par chacune des universités. Nous sommes les premiers lorsque nous avons
une participation à des assemblées ou à des sénats
à exiger des comptes de nos administrations.
Je pense que, lorsque le gouvernement exige des comptes, nous sommes
très sensibles et très ouverts à ce type de chose et il y
a des possibilités. Globalement, il faut aussi - c'est notre perspective
considérer l'éducation comme un investissement collectif,
à moyen et à long terme et que l'éducation et, entre
autres, l'éducation supérieure et la recherche deviennent une
priorité. On se dit, à ce moment, l'État doit continuer
à subventionner d'une manière
significative l'ensemble du réseau.
M. Gendron: Cela me satisfait, parce que je sais qu'il y avait
des éléments de solutions dans votre mémoire. Par contre,
je voulais vous faire réaffirmer une orientation assez rapide
au-delà des nuances qu'on peut faire. Il n'en reste pas moins que vous
concluez, pas ex cathedra, en disant de ne pas regarder d'autre chose, mais, en
gros, il faut augmenter la part de l'État, ce n'est pas assez
significatif si effectivement l'enseignement universitaire doit être une
priorité et surtout considéré comme un investissement
qu'une société doit faire si elle veut progresser, et ainsi de
suite.
Deuxième question, toujours assez rapidement: Je ne peux ne pas
revenir sur la tâche, même si vous avez touché à
cela, pour toutes sortes de raisons. D'abord, vous-mêmes, vous allez
être d'accord, parce que vous dites: Le préjugé est
tellement bien ancré, voulant qu'un prof universitaire ressemble
davantage à un prof du secondaire. Cela fait encore moins que rien.
Excusez, je parle du préjugé populaire; je ne suis pas d'accord
là-dessus pour avoir été moi-même professeur pendant
dix ou douze ans.
J'écoutais Mme Dagenais en disant: ce n'est pas tout de regarder
les temps d'enseignement, il y a d'autres responsabilités qui sont
nôtres et il faut les exercer. Je suis d'accord, et je pense qu'on pourra
encore apprécier ça pendant des heures, on arriverait presque
toujours, quand on est concerné, à la conclusion qu'il n'est pas
envisageable d'améliorer ou d'augmenter les temps d'enseignement, compte
tenu que ce n'est qu'un élément de la tâche de
l'enseignant, quel que soit le niveau auquel il travaille: collégial,
universitaire, primaire ou secondaire.
Je voudrais, cependant, vous poser une question un peu bête, mais
très précise. À un moment donné, dans le milieu de
l'enseignement primaire et secondaire, fatigué d'entendre constamment le
préjugé social au sens exact que vous reprenez, la Centrale de
l'enseignement du Québec s'était tannée avec d'autres
organismes et elle avait fait une vérification très
serrée, très poussée, pour arriver à conclure et
dire qu'en moyenne, au Québec, les temps d'enseignement tournent
alentour - je ne veux pas m'enfarger ce matin - de 18 ou 20 heures par semaine.
Je parle des temps d'enseignement.
Il faut ajouter à ça, à tout le moins -c'est
confirmé, c'est consacré par beaucoup d'études et
d'analyses dans tout le Québec -au moins en moyenne 10 à 15
heures de tout le reste. Ce n'est pas péjoratif. Temps dans
l'encadrement, de préparation, un peu de recherche - quoique c'est tout
à fait à un autre niveau - et de correction, et ainsi de suite.
Je parle toujours du primaire et du secondaire.
Que je sache, à moins que je fasse erreur, je n'ai jamais pu
mettre la main -j'ai quand même touché à ce domaine assez
attentivement pour un petit bout de temps -sur des études palpables,
très sérieuses qui nous permettraient de conclure que,
effectivement, des analyses nous amènent au même jugement que vous
avez fait à la page 22 de votre mémoire, à savoir, qu'il
faut multiplier - vous en avez ajouté, mais là je vous comprends
- plusieurs fois le temps d'enseignement.
Alors, la question précise, c'est: Sur quelles données
vous êtes-vous basés pour conclure ce que vous concluez et est-ce
que vous pourriez quantifier le nombre de fois? Est-ce que c'est une fois et
demie? Est-ce une pondération de 1,25, deux, trois ou quatre fois vos
six heures d'enseignement? C'est quoi? J'aimerais que ce soit dit ici à
la commission.
Mme Dagenais; Je veux juste ajouter -cela fait suite à ce
que je disais tantôt -qu'il me semble, encore là, qu'on retombe
dans la même mentalité. Or, c'est justement ce qu'il faut cesser
de répandre. Vous-même, en tant qu'enseignant, je pense bien que
vous serez d'accord sur cela. Il y aurait évidemment des
disparités d'un individu à l'autre mais, globalement, lorsqu'on
fait l'énumération des tâches et qu'on les détaille
un peu plus comme on l'a fait aujourd'hui, vous pourriez toujours les compter
mais vous arriveriez certainement à beaucoup plus que ce que vous dites,
c'est-à-dire deux fois ou trois fois. Un nouveau cours, par exemple,
demande beaucoup plus que simplement ouvrir et lire des notes. Je ne connais
pas, d'ailleurs, de professeur qui, après plusieurs années, peut
se contenter de lire des notes quand on sait tout ce qui se publie dans tous
les domaines actuellement. Donc, ne serait-ce que les variations d'un cours
à l'autre, d'un séminaire gradué à un cours de
premier cycle, il faudrait peut-être poser la question surtout sur la
qualité et se dire que tant qu'on restera au niveau des questions
comptables on passera à côté de l'éducation
véritable au niveau universitaire.
M. Gendron: S'il y a quelqu'un qui veut sortir les livres
comptables du gouvernement, c'est bien celui qui vous parle!
Mme Dagenais: Alors, je vous encourage à le faire.
M. Gendron: Mais justement parce qu'on a affaire à un
gouvernement de comptables, c'est peut-être important de temps en temps
d'avoir des données. Écoutez, là, vous me donnez une trop
belle occasion.
M. Gardner: Sortez votre livre!
M. Jolivet: M. le Président, on parle, de l'autre bord!
Regardez donc celai
M. Gendron: Très sérieusement, Mme Dagenais, je
suis complètement d'accord qu'on ne peut pas toujours rester dans cette
analyse chiffrée, etc. D'un autre côté, si vous me le
permettez - ce n'est pas contre vous - c'est également un peu trop
facile de toujours revenir et nous donner une réponse très large,
valable, mais qui ne permet pas à des élus politiques de faire un
travail et, à un moment donné, prendre des décisions par
rapport à d'autres éléments où les bases en termes
de comparaison sont toujours des chiffres. On ne peut pas prendre quelque chose
en soi. Vous avez toujours raison. Quiconque nous fait l'analyse d'un
problème en soi, nous sommes presque toujours portés à lui
donner raison, mais il faut quand même avoir des critères de
comparaison.
Je ne pense pas tomber dans un cercle vicieux en disant qu'il y a quand
même sûrement nécessité de creuser davantage une
étude pour être capable de mesurer plus adéquatement cette
espèce de jugement que vous portez. Je suis convaincu - je le regrette
et je le déplore - que, règle générale, cela ne
s'applique pas à la majorité. Cela s'applique plutôt
à l'excellence et, par définition, la société n'est
pas excellente. La société par définition a comme objectif
de devenir excellente, mais elle ne l'est sûrement pas pour toutes sortes
d'autres raisons. C'est la même chose pour une équipe de
professeurs, quel que soit le niveau universitaire. Ils doivent viser
l'excellence, j'espère, mais compte tenu qu'on ne vit pas dans un monde
artificiel, on vit dans un monde très concret, j'aurais aimé que
ce soit un peu plus fouillé, cherché en disant: On s'appuie
vraiment sur des études dans lesquelles on a fait toutes ces nuances que
vous me donniez dans votre réponse. Il faut tenir compte de cela, un
nouveau cours, ce n'est pas comme un cours qu'on répète. Je suis
au courant de cela. Il y a des distinctions. Même avec toutes ces
distinctions au primaire et au secondaire, on est capable d'établir
d'une façon assez ferme... Vous allez arrêter de charrier; on
parlait au public en général en disant: 20 ans d'enseignement
plus environ dix ou quinze heures. Je vous pose la question: À
l'université, c'est quoi?
Mme Dagenais: Je n'ai toujours pas plus de réponse.
Simplement pour vous dire que notre syndicat a été très
sensible aux questions que vous posez là, on a mis sur pied un
comité de la tâche qui va se pencher sur cela cette année.
On prévoit justement de très grandes difficultés à
cause de cela, les projets de recherche, etc. Je ne suis pas certaine
même qu'on puisse vous donner une réponse aussi précise que
vous semblez le vouloir. Je pense qu'on pourra au moins documenter
qualitativement ce que cela représente.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme
Dagenais. Le temps étant écoulé aussi pour cette formation
politique et le temps de la commission étant pratiquement
écoulé, j'inviterais la députée de Chicoutimi
à conclure rapidement.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je me permets de
revenir brièvement sur la tâche. Je comprends la difficulté
que pose l'exercice que vous suggère mon collègue d'Abitibi-Ouest
pour avoir essayé de le faire au niveau collégial, où les
variables sont beaucoup moins nombreuses. C'est une tâche qui est
difficile mais que je trouve intéressante. Quand vous aurez les
données, je pense que tout le monde sera intéressé de voir
comment on peut cerner un peu mieux cette réalité. Mais,
déjà, je sais qu'on peut vous souhaiter bonne chance parce que je
sais que c'est extrêmement variable pour avoir essayé de faire
l'exercice à un autre niveau. (12 h 15)
Madame, M. le président, je voudrais vous remercier de votre
participation à cette commission. La qualité de votre
mémoire, le ton de nos échanges, je dirais la
sérénité également nous ont permis de jeter un peu
plus d'éclairage sur l'objet des travaux de cette commission:
l'orientation et le financement des universités. Les grandes questions
qui touchent l'avenir du Québec et le rapport quant à l'avenir de
nos universités ont été bien posés.
L'accessibilité aux études, la persévérance dans
les études, c'en est une autre parce qu'il n'y a pas seulement d'y avoir
accès, on sait que la persévérance n'est pas ce qu'elle
est dans les autres provinces et que le taux de diplomation, par exemple, au
1er cycle est plus bas. Les inscriptions sont plus fréquentes dans les
programmes courts de certificat qu'elles ne le sont dans les bacs.
Il y a le développement de la recherche de 2e et de 3e cycle, le
développement aussi, ce que je n'ai pas abordé, mais que vous
avez assez bien abordé dans votre mémoire, des services à
la collectivité qui, pour moi, a un rapport assez étroit avec le
développement social et économique.
Je le répète à la suite de mon collègue, si
on estime que les universités ont un rôle important à jouer
dans le développement économique et social, que
l'éducation constitue l'outil vital pour le développement d'une
société, on devra poser les gestes en conséquence et y
consentir les ressources qui permettent d'atteindre cet objectif. C'est
toujours étonnant, et je me permets de le répéter ici,
quand on parle de développement des ressources humaines, cela ne semble
pas
évident qu'on puisse penser à un investissement qui vous
rapporte à long terme, alors que dans d'autres secteurs c'est devenu de
plus en plus évident lorsqu'il s'agit de protéger, je le
rappelle, nos eaux, nos terres agricoles, notre forêt. On accepte
d'investir en attendant les résultats sur une période de 20 ou 30
ans. Je pense que c'est dans cette perspective qu'il faut poser la question de
l'éducation et de l'enseignement supérieur; je pense que vous
l'avez bien fait. Les quelques études que vous vous apprêtez
à faire et qui sont en cours nous donneraient évidemment plus
d'éclairage.
J'aimerais quand même revenir brièvement sur ce que
j'appellerais le rôle des universités, une certaine
sensiblité que j'aimerais voir chez les professeurs d'université
à l'endroit des jeunes qui éprouvent plus de difficulté.
Mme Oagenais faisait tantôt un rapport entre les difficultés et la
persévérance et la situation économique des
étudiants. Il me semble donc qu'une certaine sensibilité à
cet endroit et des mesures plus concrètes prises par les
universités pourraient nous permettre de mieux cerner le problème
de la persévérance ou de la non-persévérance et
peut-être y trouver des remèdes qui permettraient aux
étudiants, lorsqu'ils sont rendus dans les universités, d'aller
chercher une diplomation. Je vous remercie, messieurs et madame.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Je
reconnais maintenant le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement
supérieur et de la Science.
M. Ryan: Merci M. le Président. Nous avons franchi une
étape à la fois importante et très utile de notre travail
à l'occasion de la rencontre que nous avons eue ce matin avec les
professeurs de nos universités. Je les remercie bien cordialement de
l'excellente contribution qu'ils ont fournie à notre démarche.
J'espère que ce n'est qu'un premier pas qui va se poursuivre.
Il me semble que deux grandes questions se dégagent de nos
échanges de ce matin: d'abord, la question des objectifs quant au niveau
de financement, des moyens d'atteindre cet objectif. Sur ces deux points, des
compléments d'information de la part de nos interlocuteurs pourraient
être très utiles. Comme il y a beaucoup d'économistes parmi
nos professeurs syndiqués de nos universités et beaucoup de
comptables également - ils ne sont pas tous au gouvernement, M. le
député d'Abitibi-Ouest...
M. Gendron: Les meilleurs sont au gouvernement.
M. Ryan: Les meilleurs, on va les chercher
généralement pour le gouvernement.
M. Jolivet: C'est moins sûr.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît! S'il vous plaît!
M. Ryan: Si vous pouviez poursuivre cet exercice plus loin d'ici
la fin de nos travaux, cela pourrait être un complément
d'information très utile qui nous intéresserait grandement.
Deuxièmement, nous avons fait un autre pas sur un sujet qui est
au coeur du débat, celui de la tâche du professeur
d'université. Je ne pense pas que la commission pourrait se contenter de
laisser les choses au point où elles en sont actuellement. Vous avez dit
que votre fédération a mis sur pied un comité de travail
sur ce sujet. Je l'apprécie beaucoup, mais je serais enclin à
vous faire une invitation peut-être plus précise à ce
moment-ci. Je crois que si nous attelions ensemble les principaux organismes
intéressés à une étude qui pourrait être
faite dans des délais peut-être plus rapides que celle qu'un
organisme particulier peut faire, on pourrait possiblement colliger les
données essentielles qui nous permettraient, au moins, de situer le
débat à un niveau de connaissance commune de la
réalité qui permettrait de franchir d'autres étapes,
ensuite.
Je voudrais vous dire que si c'était possible d'envisager un
projet comme celui-là, de notre côté je pense que nous
pourrions en faciliter la mise en route très rapidement. Cela pourrait
être un des éléments de notre travail commun, un
élément qui viendrait s'ajouter à la démarche de la
commission proprement dite qui pourrait être très
intéressant.
Je vais causer de cette question avec mes collaborateurs du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et nous
reprendrons contact avec vous, fort possiblement au cours des prochains jours.
Si vous pouviez y penser de votre côté également et nous
faire des suggestions à ce point de vue... C'est une cause commune, je
pense que nous sommes tous attelés à la même mission. Il
n'y a aucune espèce d'acrimonie dans le climat de nos échanges,
aucune espèce de mentalité de chasse gardée. Je pense que
nous sommes, surtout au niveau de l'université, au service de la
vérité. Je pense que c'est ce qui conditionne tout le travail de
l'université: primo Veritas, en premier lieu la vérité.
Dans cette mentalité, dans cet esprit, j'aimerais* que nous puissions
regarder ensemble comment nous pourrions trouver un mode de travail en commun
qui nous permettrait d'avancer plus vite sur cette question. Ce sont les deux
points que je voulais souligner.
En terminant, je voudrais vous assurer que je suis parfaitement
conscient que si les normes quantifiées dont nous parlons devaient
servir de critère ultime pour la
détermination de nos décisions, cela serait infiniment
déplorable et, à très court terme, je pense qu'il
s'ensuivrait une diminution généralisée de la
qualité du travail qui s'accomplit dans nos universités et
à d'autres niveaux du système d'enseignement aussi.
D'autre part, le facteur qui nous conditionne - je pense que le
député d'Abitibi-Ouest qui en a fait l'expérience pendant
un certain temps, l'a bien souligné - c'est que nous devons, en fin
compte, traduire en donnée quantifiée la contribution que la
collectivité doit faire au développement de l'enseignement
à chaque niveau. C'est évident par exemple que, disons, le nombre
de cours dispensés dans une année par un professeur
régulier a un impact sur le nombre de chargés de cours qu'il
faudra engager dans chaque institution. Ces deux facteurs ne se
développent pas comme des voies complètement divorcées
l'une de l'autre; il y a une espèce de phénomène de
communication entre les deux.
Et nous constatons qu'il y a une tendance à alourdir la
proportion qui va du côté des chargés de cours. Quoique
moi, je trouve que les chargés de cours c'est très important. II
peut arriver qu'un chargé de cours génial ou extrêmement
créateur vienne perturber le climat de confort qui peut se créer,
chez les professeurs réguliers. Cela peut être bon, mais je pense
qu'il ne faut pas aller trop loin dans cette direction non plus, parce
qu'à un moment donné, on peut créer des conditions qui ne
seront pas propices à la mission fondamentale de l'université,
j'en suis bien conscient.
Je vous adresse ces propos sur un ton -je pense que vous le voyez - de
collaboration ou de recherche commune. Si nous pouvions faire un bout de chemin
là-dessus, je pense que cela rendrait un grand service dans la recherche
des objectifs que nous poursuivons ensemble. Je vous remercie très
cordialement encore une fois.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre, Mme le porte-parole officiel de l'Opposition, Mme Dagenais,
messieurs, je vous remercie beaucoup.
La commission apprécie beaucoup le geste que vous avez
posé de venir nous rencontrer pour mieux nous informer. Je dois aussi
vous féliciter en son nom pour la qualité de votre intervention
et aussi pour la pertinence de vos propos.
La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise à 12 h 28)
Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission
parlementaire sur l'éducation poursuit actuellement ses travaux. Nous
allons commencer dans quelques minutes. J'inviterais à prendre place les
représentants du Mouvement pour l'enseignement privé. Je
demanderais aussi la collaboration des spectateurs et des collaborateurs des
groupements pour faire en sorte que la commission puisse commencer
immédiatement ses travaux en toute quiétude.
Messieurs les députés de tous les comtés, on vous
demande de prendre vos places.
La commission parlementaire sur l'éducation reprend ses travaux
dans le cadre du mandat qui lui a été confié par
l'Assemblée nationale, à savoir de procéder à une
consultation générale sur les orientations et le cadre de
financement du réseau universitaire québécois pour
l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures. Pour les
besoins de la cause, la commission accueille, ce matin, les
représentants du Mouvement pour l'enseignement privé. Le
porte-parole de ce mouvement est M. Robert. M. Robert, nous vous souhaitons la
bienvenue et nous vous invitons à nous présenter les gens qui
vous accompagnent.
Mouvement pour l'enseignement privé
M. Robert (Yvon): Merci, M. le Président. M. le ministre,
Mme la porte-parole de l'Opposition, Mesdames et Messieurs les
députés membres de la commission, je veux vous présenter
de notre conseil d'administration qui est à ma droite, Mme Denise
Lapointe, qui est aussi présidente de l'Association de parents des
élèves du Petit Séminaire de Québec, M.
l'abbé Jean-Marie Drouin, le recteur du collège de
Saint-Georges-de-Beauce. (12 h 30)
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
l'abbé.
M. Robert: À ma gauche, M. Rosaire Legault qui est
secrétaire du mouvement. Nous accompagne aussi aujourd'hui, dans la
salle, M. Fernand Girard, adjoint au recteur du collège de Lévis,
qui est ici maintenant.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Girard, soyez le bienvenu. Avant de commencer, M. le président,
d'abord, on s'excuse. La commission parlementaire devait vous entendre à
midi. On a un léger retard d'environ une demi-heure. Alors, nous allons
vous entendre jusqu'à une heure. Après ça, la commission
va suspendre ses travaux et les reprendre à 15 heures.
Je vais expliquer brièvement de quelle façon nous
procédons, de façon qu'on se comprenne bien. On m'informe que la
présentation de votre mémoire est d'environ 15 à 25
minutes, selon le rythme et ce qui
peut se passer. Après ça, nous procéderons à
une période de questions, de façon que la rencontre entre nous
dure une heure trente.
On va commencer par l'exposé; après ça, une
période d'échange avec les membres de la commission suivra
jusqu'à l'épuisement du temps. Dix minutes avant
l'épuisement du temps, je donnerai la parole à la
représentante de l'Opposition pour le mot de la fin et la même
chose au ministre du côté ministériel.
M. le président, la commission parlementaire de
l'éducation vous salue et vous écoute.
M. Robert: Merci, M. le Président. Le Mouvement pour
l'enseignement privé a été fondé en 1982 à
partir des aspirations des parents et de trois associations
d'établissements privés, soit celles du collégial, du
secondaire et du primaire-secondaire. Incorporé en 1983, le mouvement
compte actuellement environ 30 000 membres répartis dans six
régions du Québec; il représente les parents d'environ 100
000 étudiants aux niveaux primaire, secondaire et collégial.
La principale préoccupation du groupe de parents, c'est bien
sûr la qualité de l'éducation, l'excellence, en mettant de
l'avant pour y arriver la liberté de choix en éducation,
l'autonomie et la responsabilité des établissements, une certaine
décentralisation qui donne du pouvoir à l'usager et un
financement qui rend exerçables les droits mentionnés plus
haut.
L'affinité qui existe entre l'université et le
privé en éducation est un des motifs qui nous a amenés
à nous présenter devant la commission. Il y a aussi
l'intérêt de la clientèle du privé qui se destine en
grande partie aux études universitaires; l'incidence sur le
collégial, le secondaire et le primaire privé des modes de
financement que régira l'université par rapport aux principes que
nous défendons vu, précisément, l'apparition durant les
derniers mois de deux rapports qui ont touché au financement de
l'éducation: le dernier, le rapport Gobeil, sur les niveaux primaire et
secondaire et, quelques mois auparavant, le rapport Macdonald qui touchait au
financement postsecondaire en particulier.
Selon notre mouvement, il importe de procurer aux institutions
d'enseignement des conditions financières propices à leur
développement dans le respect de leur autonomie et des droits de leur
clientèle. Les principes qui devaient orienter la grande réforme
scolaire étaient suffisamment clairs pour laisser espérer que
l'autonomie des institutions serait l'un des facteurs de son succès et
qu'il y aurait place pour des choix libres entre des institutions
différentes, plus développées, mieux
équipées, mieux adaptées à la diversité des
besoins. On s'était promis la polyvalence, la diversité des
options. La réforme devait s'appuyer sur les institutions existantes
toutes plus anciennes que le ministère de l'Éducation:
commissions scolaires, collèges, écoles
spécialisées, universités. Ce n'est donc pas au niveau des
principes que les problèmes sont posés. Les institutions ont
perdu leur autonomie ou leur autonomie a été réduite
à presque rien. Les quelques écoles privées qui ont
subsisté ont eu à lutter contre toutes sortes de mesures
vexatoires plus ou moins explicites allant jusqu'à leur interdire de se
développer malgré la demande. Le portrait d'ensemble des
résultats est bien plus proche de celui d'un système
centralisé et uniformisé, paralysé par toutes sortes de
normes et de contrôles que de celui d'un système polyvalent
capable de répondre à la diversité des besoins. Le moyen
ou, si vous voulez, ce qui a contribué selon nous le plus à ce
résultat, c'est, pour l'essentiel, le mode de financement.
La question à laquelle il importe le plus de répondre
maintenant ce n'est pas tant de savoir combien d'argent il faut ajouter pour
l'enseignement, mais de savoir comment concilier le financement public de
l'enseignement et la nécessité de créer les institutions
responsables capables de répondre à la diversité de la
demande. Selon nous, il faut en fait inverser le mécanisme de
financement. Ce n'est pas parce que l'État a assumé directement
la totalité des coûts de l'enseignement que le système a
été orienté vers la centralisation et l'uniformité.
Les commissions scolaires avaient leurs propres sources de financement et le
complément de ressources qu'elles recevaient du gouvernement
était relativement faible. Les subventions étaient des
subventions d'équilibre budgétaire plus ou moins importantes.
Elles avaient pour fonction d'assurer l'équilibre de tout le budget.
Pour obtenir une telle subvention, la commission, en principe autonome
et responsable directement à ses contribuables, devait d'abord
administrer tout son budget selon les normes et selon la liste des
dépenses admissibles. Avec un tel système, le résultat
était inévitable. Quelle que soit la part du financement autonome
d'une institution, ce sont les normes imposées pour obtenir la
subvention d'équilibre qui régissent toute la gestion scolaire.
Autre résultat inévitable, l'irresponsabilité. En effet,
dans ce cadre, il suffit de faire un rapport comptable conforme aux normes et
le gros déficit fait de dépenses admissibles est comblé
aussi bien que le petit. Par contre, l'initiative nouvelle échappe aux
normes et est automatiquement pénalisée.
Les universités ont été financées selon les
mêmes principes. C'est pourquoi les frais de scolarité et autres
sources de financement autonomes ne contribuent plus à laisser aux
universités une marge quelconque d'autonomie. II est donc tout
à fait logique, dans un tel système, que les frais de
scolarité soient fixés par l'État comme n'importe quelle
autre taxe.
Il nous paraît qu'on ne pourra pas créer des conditions qui
favoriseraient le dynamisme des universités sans d'abord commencer par
changer la conception du financement public de l'enseignement. À ce
point de vue, on croit que les principes de la Loi sur l'enseignement
privé sont plus valables que ceux qu'on a appliqués aux
commissions scolaires et aux universités. En changeant ces normes d'une
année à l'autre, en interprétant les définitions de
façon arbitraire, en y ajoutant à l'occasion des règles
abusives, l'État a rendu le développement des écoles
presque impossible et a laissé planer le doute sur leur avenir. Bien des
énergies se sont perdues pour obtenir seulement en partie ce sur quoi on
devait pouvoir compter selon la loi. Malgré cela, cette loi a eu
l'avantage d'assurer un financement de base.
Dans ce cadre, si une école peut obtenir d'autres revenus ou
réaliser une gestion plus efficace, ou compter sur un personnel plus
disponible, elle travaille alors à augmenter la qualité de ses
services. Si elle fait un déficit, c'est à elle qu'incombe la
responsabilité de retrouver l'équilibre. De cette façon,
le financement public d'une école n'est pas une incitation à
l'irresponsabilité. C'est pourquoi les écoles privées ont
su maintenir et développer des qualités qui leur sont
propres.
Il n'y a aucun doute qu'une part importante du financement de
l'enseignement à tous les niveaux doit être publique. Les raisons
en sont d'abord historiques. C'est dans ce sens que les choses se sont
graduellement organisées dans tous les pays développés. De
plus, les mécanismes de redistribution des revenus déjà en
place ne pourraient pas être changés rapidement. Nous ne remettons
donc pas en question le fait que la plus grande partie des fonds
consacrés à l'enseignement soit recueillie, puis
redistribuée par l'État. Mais, on ne peut pas déduire de
là que toutes les institutions d'enseignement ne doivent être rien
d'autre que des succursales du ministère de l'Éducation.
Nous ne mettons pas en doute, non plus, que l'État a un
rôle à jouer pour établir des normes nationales, exercer
des contrôles, évaluer des résulats et aussi pour procurer
une aide spéciale à des zones en retard sur un mouvement
général. Ce sont là des tâches importantes et elles
appartiennent naturellement au pouvoir politique, mais ce sont des tâches
complémentaires, de suppléance, d'assistance ou d'arbitrage.
Elles doivent compléter les tâches accomplies par des institutions
autonomes, et non pas remplacer ces institutions. De la même
façon, le législateur établit des règles sur le
commerce, délivre des permis et a ses inspecteurs, sans pour cela
développer un réseau exclusif d'épiceries
d'État.
Inverser le mécanisme actuel de financement du système
scolaire, ce n'est pas nier à l'État son rôle moderne, ni
proposer d'en revenir à une situation ancienne où seul le
dévouement de certains groupes privés a permis le
développement de l'éducation, mais c'est accepter l'idée
que le rôle de l'État est limité et que, dans une
société démocratique, d'autres institutions ont des
rôles spécifiques à jouer. Les institutions d'enseignement,
même si elles doivent compter sur un financement public, sont par leur
nature des institutions extérieures à l'État. Nous
proposons seulement de chercher un mécanisme de financement qui tienne
compte des rôles distincts de l'État et des institutions
d'enseignement.
En résumé, le financement public des institutions
reconnues leur procure un budget de base pour leurs opérations
courantes. Ce financement public est proportionnel au nombre
d'étudiants; il est le plus égalitaire possible et défini
selon des critères objectifs.
Quant au financement des universités, l'État
établit la subvention annuelle par étudiant et laisse aux
universités le devoir d'organiser les services en conséquence de
la demande. Les frais de scolarité ne sont pas fixés par
l'État. L'université peut organiser des cours par groupes
restreints avec des équipements sophitisqués, elle peut, pour une
discipline différente, offrir un enseignement de masse avec des
équipements économiques. Les frais de scolarité varieront
pour chaque cas: deux besoins différents, deux voies différentes.
Il n'y a pas de raison d'imposer une voie plutôt que l'autre a priori. Si
une université fait une erreur ce sera une erreur limitée et
l'ensemble du système universitaire ne courra aucun danger. Cependant,
chaque université ou composante sera incitée à chercher
les moyens les plus efficaces, aux meilleurs coûts pour satisfaire les
besoins de sa clientèle potentielle.
Le calcul de la subvention annuelle par étudiant sera basé
sur des moyennes, les budgets d'immobilisation tenant compte du coût plus
ou moins élevé des équipements selon les disciplines. Pour
les opérations courantes, les différences doivent se
refléter dans les frais de scolarité et la répartition des
autres sources de revenus. L'intervention de l'État doit prendre la
forme la plus neutre possible. C'est le jugement des responsables
universitaires et, ultimement, celui de la clientèle qui
détermineront l'évolution des universités.
Pour ce qui est de l'égale accessibilité de
l'université sans égard aux différences de fortune, cette
question relève d'une politique sociale réglable par un bon
système de prêts
et de bourses.
La part des fonds publics dans le financement universitaire semble avoir
atteint au Québec un plafond difficilement dépassable.
Pour procurer de nouvelles ressources, il nous apparaît
raisonnable de proposer l'augmentation des frais de scolarité, à
condition qu'elle soit laissée à la décision des
institutions qui en jugeront en fonction des besoins de leurs
clientèles. En redéfinissant le financement public comme
financement de base, le gouvernement redéfinirait son rôle
vis-à-vis des institutions d'enseignement et redonnerait à
celles-ci une responsabilité financière réelle. Elles
auraient à déterminer leur niveau de dépenses et à
se procurer les revenus supplémentaires nécessaires à leur
équilibre budgétaire. (12 h 45)
Un autre changement qui est proposé, et celui-ci est dans la
foulée du rapport Macdonald, c'est que dans cette perspective,
l'État aide les individus à poursuivre des études au lieu
de financer directement et presque gérer les institutions dont les
revenus sont presque gratuits pour ,les usagers. Nous croyons que le bon
d'éducation rendrait service dans l'hypothèse où le
gouvernement opterait pour subventionner l'individu plutôt que
l'institution d'enseignement.
Sur la révision des fonctions et des organisations
gouvernementales, la description qui est faite du bon d'éducation dans
le rapport Gobeil nous semble suffisante. Il y en a une autre qui est beaucoup
plus développée dans le rapport Macdonald qui a paru quelques
mois précédemment, qui porte d'une façon plus exclusive la
définition qu'ils en font et les modalités pour le niveau
postsecondaire.
Valable pour tous les degrés d'enseignement, le bon
d'éducation serait une formule qui s'appliquerait plus simplement au
niveau universitaire, puisqu'il n'impliquerait que le candidat aux
études et l'université de son choix. Nous pensons qu'il aiderait
à la planification et au relevé des inscriptions.
La formule contribuerait à clarifier les rapports entre l'usager,
les institutions et l'État, et contribuerait à l'éducation
civique en opposant la valeur réelle des études à
l'illusion de la gratuité. Le jugement de la clientèle serait la
meilleure garantie de la qualité des services et l'État n'aurait
pas à se substituer aux universités pour déterminer
l'orientation des universités.
En résumé, l'objectif premier de notre mouvement demeure
la qualité de l'éducation et son excellence. Pour y arriver, on
croit que, comme sous-objectif, on doit garder ou avoir en vue de faire des
usagers les juges de la qualité, assurer l'autonomie des institutions et
la responsabilité des établissements. Pour y arriver, notre
mouvement fait déjà depuis plus d'un an la promotion du bon
d'éducation. On est encouragé parce que, depuis ce
temps-là, on a été suivi dans la même foulée.
Le rapport Macdonald, d'une part, le rapport Gobeil, plus récemment.
C'est dans ce contexte qu'on a cru nécessaire d'intervenir, et on vous
en remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
président. Est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part des gens
qui vous accompagnent?
Je passe maintenant la parole au ministre de l'Éducation qui
pourra intervenir jusqu'à 12 h 59.
M. Jolivet: Est-ce qu'on pourrait présenter les
membres...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela a
été fait au début, M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Je l'ai manqué, je m'excuse, cela arrive des
fois.
M. Ryan: Je consentirais volontiers à ce que le
président le répète parce que le député de
Laviolette ne paraît pas spécialement familier avec l'enseignement
privé.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Pour l'information
des membres de cette commission nous retrouvons à la table, à
titre d'invités, M. Yvon Robert, Mme Denise Lapointe, M. l'abbé
Jean-Marie Drouin, M. Rosaire Legault et M. Fernand Girard.
Je cède la parole au ministre de l'Éducation.
M. Ryan: M. le Président, je remercie le Mouvement pour
l'enseignement privé de l'intérêt qu'il porte aux travaux
de la commission sur les orientations et le financement de l'enseignement
universitaire. Nous avons pris connaissance avec beaucoup
d'intérêt des opinions exprimées dans le mémoire qui
nous a été présenté ce matin. Je pense que, plus
l'éventail des opinions soumises à la commission sera large, plus
les chances d'en venir à des conclusions équilibrées
seront augmentées. Dans cette perspective, je pense que l'attention que
tous les membres de la commission portent aux travaux et aux interventions de
ceux qui se présentent devant nous est un très bon signe quant
aux résultats éventuels de nos travaux.
En ce qui touche l'enseignement privé, la position du parti qui
forme présentement le gouvernement a été
énoncée avec assez de précisions pendant la
dernière campagne électorale et au cours des mois qui l'avaient
précédée. Cette position demeure. Esentiellement je pense
pouvoir la résumer comme ceci: Le Parti libéral du Québec
accorde une
priorité incontestable à l'enseignement public aux niveaux
primaire et secondaire. Je parlerai du niveau universitaire par la suite. Il
veut faire une place raisonnable à l'enseignement privé et il
s'est employé déjà, au cours des premiers mois de son
mandat, à faire tomber certaines contraintes étouffantes qui
gênaient considérablement le développement de
l'enseignement privé.
Sans laisser entrevoir, d'autre part, qu'on veut aller dans cette
direction à bride complètement dégagée, je pense
qu'il faut qu'on établisse progressivement des paramètres qui
permettent de garder la priorité du côté de l'enseignement
public, tout en assurant un développement raisonnable de l'enseignement
privé. C'est notre position de fond. Lorsque nous disposerons de
ressources financières plus abondantes, nous serons prêts à
réexaminer le mode actuel de financement des institutions d'enseignement
privé de manière à corriger, dans la mesure du possible,
des écarts de plus en plus grands qui se sont créés par
suite d'un budget instauré par le gouvernement précédent
au lendemain de l'élection de 1981. Je pense que c'est tout de suite
après l'élection qu'on a changé la base de financement des
institutions d'enseignement privé d'une manière qui a
réduit progressivement la part du financement public, dans le cas des
institutions d'enseignement privé qui sont déclarées
d'intérêt public, de 80 % qu'elle était sous la loi 56
à un taux qui varie actuellement de 65 % à 70 % et, dans le cas
des institutions qui sont reconnues pour fins de subventions, de 60 % à
quelque 50 % actuellement, si mes souvenirs sont bons. Quoi qu'il en soit, nous
discutons d'enseignement universitaire ce matin. Il n'est pas question de
discuter d'enseignement primaire et secondaire, sauf sous l'angle de la
philosophie générale de l'éducation que le gouvernement
entend incarner et réaliser dans ses décisions.
En ce qui touche l'enseignement universitaire, je pense qu'il s'impose
qu'on fasse un tableau d'ensemble rapide. À vrai dire, nous avons trois
systèmes en matière de financement au Québec. Pour
l'enseignement primaire et secondaire, nous avons un enseignement public
dispensé par les commissions scolaires qui est prioritaire, qui est
fondamental. Nous avons ensuite un enseignement privé, surtout au niveau
secondaire, qui est financé dans des proportions variables par
l'État. Dans certains cas, les institutions déclarées
d'intérêt public ont un financement dont je viens d'indiquer
l'importance, les institutions reconnues pour fins de subventions
également. Cela, c'est surtout au niveau secondaire. Au niveau
universitaire... Au niveau collégial, d'abord - je m'excuse d'avoir
oublié ce niveau - c'est à peu près le même
régime qu'au niveau secondaire. Nous avons un financement qui s'adresse
d'abord aux collèges à caractère public. Ensuite, il y a
un certain nombre de collèges privés - je pense qu'il y en a une
bonne trentaine - qui sont reconnus pour fins de subventions et qui tombent
sous le coup de la même loi de l'enseignement privé qui
régit les institutions privées d'enseignement primaire et
secondaire. Les normes de financement sont les mêmes.
En ce qui touche l'enseignement universitaire, nous n'avons plus
d'institutions privées au Québec au sens rigoureux du terme.
À toutes fins utiles, ce sont des institutions publiques ou
parapubliques. On peut toujours dire que l'Université de Montréal
n'est pas une institution publique au sens fort du terme; on peut dire la
même chose de l'Université Laval ou de l'Université
Concordia. Mais ces universités, à toutes fins utiles, sont des
universités à caractère public ou semi-public. Je ne pense
pas qu'on puisse envisager dans un avenir prévisible la création
d'universités privées qui seraient le résultat
d'initiatives complètement libres de citoyens. J'ai même
laissé entrevoir, dans une intervention que j'ai faite
antérieurement, que nous envisageons sérieusement la
possibilité de définir par voie législative des balises
qui empêcheront le "champignonnage", le développement champignon
de services universitaires d'enseignement sur le territoire du
Québec.
Nous sommes témoins présentement de certains faits qui
sont de nature à préoccuper le gouvernement. Il y a une
institution américaine qui dispense des cours de formation qu'elle
appelle universitaire qui s'est installée dans la banlieue de Hull et
qui, éventuellement, aimerait couvrir tout le territoire, qui s'arroge
la liberté - c'est son droit - de décerner des diplômes de
baccalauréat, de maîtrise et de doctorat. On ne peut pas laisser
proliférer ces choses sans qu'il y ait un minimum de
réglementation, de régulation. Actuellement, le champ est
complètement libre du point de vue législatif. Moi-même,
comme ministre de l'Enseignement supérieur, si je voulais dire à
ces gens-là: Vous n'avez pas le droit de fonctionner au Québec,
je ne serais pas autorisé à le faire par la loi.
Il y a un problème qui se pose, qui a été
porté à mon attention, d'ailleurs, par la Conférence des
recteurs et des principaux et également par l'Association canadienne des
collèges et universités. Le Québec est une des seules
provinces qui n'ait pas ce genre de balise et, pour ceux que ces tendances
socialisantes pourraient inquiéter, je vous informe qu'en Ontario et en
Alberta, deux provinces qui ont été assez conservatrices
jusqu'à maintenant, on a des lois de cette nature. La raison en est bien
simple. C'est qu'on peut commencer à décerner des
diplômes et on dit: On va se passer de fonds publics plutôt,
mais, au bout d'un certain temps, soit qu'on distribue des diplômes
à rabais à ce moment-là on dévalue l'enseignement
universitaire - soit qu'on se sente obligés de recourir à l'aide
de l'État, et il n'y a rien de pire que d'être obligés de
faire face à un problème une fois que le précédent
a été créé et qu'il faut ramasser les marbres une
fois qu'ils ont été dispersés ici et là par des
improvisateurs qui n'avaient pas toujours vu les conséquences de leurs
actions.
Ce sont des points qu'il me paraît important de signaler à
ce moment-ci. Par conséquent, en ce qui regarde l'enseignement
universitaire, non seulement je n'entrevois pas de place pour des institutions
privées au cours de la prochaine, j'allais dire la prochaine
décennie, parce qu'en général un gouvernement dure une
dizaine d'années au Québec...
Une voix: ...
M. Ryan: Mais, au témoignage même de ceux que nous
avons entendus ici jusqu'à maintenant, en particulier des
autorités de l'Université du Québec, on n'envisage pas
d'implantation majeure de nouveaux établissements universitaires sur le
territoire du Québec dans l'avenir prévisible. Par
conséquent, j'affirme une chose qui peut avoir l'air grosse
théoriquement, mais qui, en pratique, décrit l'évidence.
Je me dispense de formuler une grande déclaration de principe,
peut-être que dans 50 ans ou dans 100 ans, ce sera très
différent. Dans l'avenir immédiat, je pense qu'il n'y a pas de
problème. Il n'y a pas de matière à débat pour les
cinq à dix prochaines années là-dessus.
Le problème est celui du financement. J'ai écouté
attentivement ce que vous aviez à nous dire là-dessus et, si j'ai
bien compris votre position, elle se ramène à ceci. Vous dites:
II faut un financement public qui va constituer le gros du financement des
universités. Mais vous dites qu'il s'agirait de définir un
certain niveau de financement et, ensuite, que les universités soient
laissées libres de trouver les revenus additionnels dont elles ont
besoin par la voie des frais de scolarité ou, éventuellement, par
d'autres moyens. Je pense que cela résume l'essentiel de votre
position.
Il y a une question à laquelle vous ne répondez pas en
faisant cette affirmation. Je ne sais pas si vous avez fait les études
voulues pour y répondre. À quel niveau va se situer la part du
gouvernement? En ce qui touche l'enseignement de niveau secondaire, les
institutions privées nous disent régulièrement: Notre
financement est à 70 %, disons, pour les DIP, à 50 % ou 55 % pour
les RFS; on voudrait que vous remontiez cela au niveau de la loi 56,
c'est-à-dire à 60 % et 80 %. Voilà un objectif clair.
J'aimerais que vous nous disiez à quel niveau vous verriez que la part
du gouvernement devrait se situer en ce qui touche le financement des
universités. Si vous n'avez pas les données pour le faire ce
matin, je comprends très bien, mais ça, c'est notre
problème à nous.
M. Robert: C'est une position de principe, M. le
Président, qui est dans notre mémoire, qui est la suivante. On a
examiné un peu les données, par exemple les données
américaines. Aux États-Unis, vous avez deux systèmes
universitaires: un système privé et un système public, et
le financement public est à environ 50 %. Actuellement, notre position,
ce n'est pas celle-là. C'est de dire qu'on croit que, quant aux
ressources que l'État québécois, le gouvernement consacre
actuellement à l'éducation universitaire, le niveau est
probablement suffisant. Il y a peut-être un problème de
modalités de répartition, un mode de répartition qui
donnerait plus d'autonomie aux institutions. C'est là-dessus qu'on
insiste. On ne pense pas qu'on doive présentement remonter ce
niveau.
L'autre question qu'on a commencé à regarder, et on n'est
pas tellement avancés, c'est tout l'aspect des transferts. Vous savez
qu'une partie de l'enseignement postsecondaire est financée par le
gouvernement fédéral. Ce qui est suggéré et ce qui
nous semble intéressant, c'est la possibilité qu'on augmente les
frais de scolarité. C'est une suggestion qui est faite dans le rapport
Macdonald et qu'une partie des frais que l'étudiant aurait à
payer de plus puisse être financée par le gouvernement
fédéral, mais directement à l'étudiant, à
l'individu, parce qu'un étudiant, cela peut être autant un jeune
qu'un adulte au niveau de la formation professionnelle. On trouve la
proposition intéressante, en d'autres termes, d'amener un transfert de
fonds plus important du gouvernement fédéral non pas à
l'université comme telle, mais plutôt à l'individu. Cela
est l'essentiel de notre message. On ne vient pas ici pour dire au
gouvernement: Mettez plus d'argent dans le financement des universités.
On dit: il y aurait lieu d'examiner une autre façon de rendre l'argent
accessible aux universités.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur,
de votre intervention. Je fais remarquer qu'il est 12 h 59. La commission
suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À
l'ordre, s'il vous plaît!
La commission parlementaire de l'éducation continue ses travaux
qu'elle avait entrepris ce matin en continuant l'audition du groupe
représentant le Mouvement pour l'enseignement privé. Je reconnais
la députée de Chicoutimi, porte-parole officiel de l'Opposition
en matière d'éducation. Mme la députée.
Mme Blackburn: Merci. M. Robert, madame, messieurs, M. le
recteur, cela me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue et de vous
remercier d'avoir souhaité participer à cette commission. Comme
le soulignait le ministre, tout à l'heure, j'estime également
qu'il est important qu'on entende ici la plus grande variété
possible d'opinions. Indépendamment de ce qu'on peut avoir comme opinion
personnelle, il est évident que, si elles étaient
arrêtées avant même toute audition, on n'aurait pas lieu
d'entendre tout le monde ici. Â cet égard, toutes les opinions
sont ici les bienvenues.
Je vais revenir sur quelques éléments de votre rapport.
Vous faites un certain nombre de remarques à la fois qui portent sur les
frais de scolarité, sur le bon d'éducation, sur ce que pourrait
être le financement fédéral dans l'attribution de
ressources, les modes d'allocation des ressources pour l'enseignement
supérieur. Vous réclamez, pour les universités comme pour
les écoles, une plus grande autonomie en rappelant un certain glissement
qui s'est passé tant pour les commissions .scolaires, pour les
municipalités que pour les universités.
Je me permets quand même, avant de poser quelques questions, de
revenir sur un élément de votre présentation. Vous parlez
des préoccupations que vous avez à la fois pour la qualité
de l'éducation et son excellence. Je dois dire que ce sont des valeurs
que je partage et qu'il est toujours heureux que l'on retrouve dans nos
institutions d'enseignement. Je voudrais cependant ajouter qu'elles ne sont
quand même pas exclusives au réseau de l'enseignement
privé, sauf qu'elles sont peut-être plus difficiles à
atteindre dans certains réseaux publics où, finalement, il n'y a
pas de critères d'accessibilité au primaire, au secondaire. Ils
doivent recevoir toutes les clientèles sans faire aucune
sélection, ce qui ne rend pas toujours facile l'atteinte d'objectifs
tels que la qualité et l'excellence.
Cela étant dit, vous faites de nombreuses
références au rapport Gobeil dans votre présentation. J'ai
cru comprendre que, sur l'essentiel, en ce qui concernait à tout le
moins l'éducation, vous êtes d'accord avec ces recommandations.
Vous avez surtout fait référence aux bons d'éducation, aux
frais de scolarité, mais je me demandais... Il y a un certain nombre
d'autres recommandations dans le rapport Gobeil qui touchent ce que j'appelle
le ticket modérateur, mais ce n'est pas vraiment comme cela qu'on
l'appelle. On appelle cela des mesures visant à réduire la
durée des études au niveau collégial, mesures qui, si
elles étaient appliquées, auraient comme effet de faire payer aux
étudiants leurs études ou des frais de scolarité s'ils
excèdent une certaine durée ou prolongent un peu plus leurs
études.
Il y a des mesures également qui touchent les organismes
consultatifs, mais on pourrait les passer sous silence. Est-ce que, dans
l'ensemble, vous vous déclarez favorables aux recommandations du rapport
Gobeil, même si ces recommandations avaient comme effet de restreindre
l'accès aux études?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
président.
M. Robert: Pour ce qui est du rapport Gobeil, vous allez recevoir
durant les prochaines jours, si vous ne l'avez pas déjà
reçu, une étude comparative entre nos positions comme mouvement.
On a pris deux pages pour bien établir, par rapport aux recommandations
de l'éducation, la position du mouvement qui a été
définie dans un petit manifeste publié en novembre dernier pour
ce qui est de l'éducation. On a fait une étude comparative
simplement des recommandations touchant l'éducation,
particulièrement les niveaux primaire et secondaire.
Quand on parle de bons d'éducation dans notre mémoire, on
fait référence à la définition qui a
été faite dans le rapport Gobeil. On dit qu'elle est tout
à fait conforme et juste. Tandis que dans les modalités on pense
que la référence ou, si vous voulez, la mécanique pour
atteindre des objectifs cités comme tels dans le rapport Macdonald... On
dit: Les gouvernements provinciaux pourraient peut-être encourager les
universités et les collèges à atteindre l'excellence et
à s'adapter en leur permettant d'augmenter les frais de scolarité
sans s'exposer à des réductions de subvention provinciale. Pour
cette partie du bon d'éducation, on a davantage à emprunter nos
exemples et une certaine mécanique telle qu'expliquée dans le
rapport Macdonald. La recommandation du rapport Gobeil en ce qui concerne les
frais de scolarité ne touchait que les niveaux primaire et secondaire.
On disait: Éventuellement le niveau collégial. Donc, on ne s'est
pas arrêté à d'autres parties en disant: ticket
modérateur pour le collégial et ces choses, on n'a pas
touché encore à cette partie du rapport Gobeil en ce qui concerne
notre mouvement.
Mme Blackburn: Si j'aborde les questions touchant à
l'accessibilité c'est que
votre mémoire est absolument muet sur une partie du mandat de
cette commission qui concerne les orientations.
M. Robert: Au sujet de l'accessibilité on a
peut-être une réponse qui est partielle. On va vous donner
l'exemple qu'on a vécu en ce qui a trait à l'enseignement
privé. Vous savez que depuis dix ans, par toutes sortes de mesures qui
ont été exercées, que ce soit des lois ou des
règlements ou des directives, le coût des frais de
scolarité pour les élèves du secteur privé a
augmenté de 65 %. Malgré cette augmentation et surtout aux
niveaux secondaire et collégial la clientèle a continué
à augmenter. Dans une institution, l'an passé par exemple, il y a
eu 900 demandes alors que l'institution pouvait en accueillir 130. On ne croit
pas que l'accessibilité soit nécessairement reliée autant
qu'on le croit à l'augmentation des frais de scolarité.
Mme Blackburn: Ceux qui ont le moyen de payer!
M. Robert: C'est un peu les affirmations qui ont
été colligées par les recherchistes du rapport Macdonald.
On dit: Ce n'est pas sûr que l'augmentation des frais de scolarité
aurait un effet direct sur l'accessibilité. Au contraire, s'il y avait
un ajustement... Il y a des facultés où la demande est
très grande. On dit: Dans ces facultés, même une
augmentation des frais de scolarité ne pourrait pas réduire
l'accessibilité. L'augmentation de ces frais permettrait peut-être
d'ouvrir d'autres cours et d'autres secteurs d'activité. Mais il y a
d'autres mesures que les frais de scolarité pour compenser pour
l'accessibilité. Pour rendre l'accessibilité plus facile on peut
peut-être penser à améliorer le système de
prêts et de bourses et à d'autres moyens que les frais de
scolarité.
Mme Blackburn: II me semble que c'est un peu court comme analyse
pour conclure que le fait de la croissance des frais de scolarité dans
les écoles secondaires du secteur privé n'a pas eu d'effets sur
l'accessibilité et qu'on pourrait tirer nécessairement les
mêmes conclusions. Je pense qu'on ne s'adresse pas tout a fait aux
mêmes clientèles.
Par ailleurs, concernant le collégial, la croissance des frais de
scolarité dans les collèges a été somme toute
absorbée, à tout le moins pour le tiers de ces frais, par le
biais de l'aide financière aux étudiants. On sait que pour les
étudiants qui fréquentent les collèges privés et
qui ont accès à l'aide financière aux étudiants,
les frais de scolarité exigés par les collèges
privés sont admissibles. Ce qui fait que les collèges sont, en
somme, subventionnés à la fois par le biais d'une subvention de
base et à la fois également, pour le tiers des inscriptions, par
le biais de l'aide financière aux étudiants.
Vous proposez comme mode de financement une modalité qui
apparaît dans le rapport Macdonald et qui viserait, si j'ai bien compris,
à subventionner l'étudiant, à accorder la subvention
à l'étudiant plutôt qu'à l'institution. Si je
comprends bien, cette subvention se ferait sans égard au revenu.
Une voix: Oui.
Mme Blackburn: Une dernière petite question qui, à
mon avis, prendrait plus de temps qu'on en a pour trouver une réponse
adéquate, mais quand même. Vous proposez la libéralisation
totale des frais de scolarité dans les universités. Si je
comprends bien votre pensée, c'est que l'université pourrait ici
facturer 5000 $ à 6000 $, une autre, 1000 $, selon sa popularité
et sa situation géographique ainsi de suite.
M. Robert: On rencontre les extrêmes, parmi la
clientèle de l'enseignement privé, dans une région, dans
une même ville. On peut trouver l'institution privée qui demande
le moins cher au Québec et celle qui demande le plus cher dans une
région donnée du Québec; autant l'une que l'autre a une
clientèle. C'est dans ce contexte-là qu'on fait notre
recommandation.
Au sujet de la question que vous avez soulevée tout à
l'heure: l'augmentation des frais de scolarité, je demanderais au
recteur de Saint-Georges-de-Beauce d'apporter un complément de
réponse parce qu'il a vécu un exemple dans son
collège.
M. Drouin (Jean-Marie): Ici, à Saint-Georges, on a les
deux niveaux, le niveau secondaire et le niveau collégial. Au
secondaire, en 1976-1977, on demandait aux parents des étudiants 425 $
comme frais de scolarité, et cette année on a demandé 950
$ dans un milieu où le salaire moyen ne dépasse pas 20 000 $.
Souvent, les parents ont un, deux ou trois enfants au séminaire; cela
devient une facture assez élevée.
Mme Blackburn: Ce que vous proposez comme modèle de
développement des universités est essentiellement fondé
sur le modèle de la libre entreprise, du chacun pour soi et de la loi du
plus fort.
M. Robert: Disons que vous allez un peu loin. Je pense que nous
avons apporté d'autres nuances et vous avez justement raison de dire que
ça prendrait peut-être une bonne partie de l'après-midi
pour rétablir la situation. On reconnaît à l'État,
dans notre mémoire, un rôle de planification, de
réglementation, un rôle complémentaire.
Mais ce que nous disons, c'est de ne
pas occuper toute la place. Il y a une question de balancier,
d'équilibre là-dedans. En voulant corriger certaines choses au
moment de la révolution tranquille, on a tout fait disparaître. Il
y avait une expression qui était employée par l'ancien premier
ministre. Il disait: En jetant l'eau, on a jeté le bébé
avec. C'est un peu l'expression qu'il employait, pour dire qu'en voulant
corriger une situation, rendre l'accessibilité plus grande, on a
peut-être amené l'État à prendre toute la place.
Dans notre mémoire, on dit: On devrait revenir à un juste
équilibre. On dit: La concurrence, ce n'est pas nécessairement
négatif, c'est sain. Cela peut aider a augmenter la qualité.
C'est dans ce contexte qu'on a situé notre mémoire.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur.
Je reconnais maintenant comme interlocuteur le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Bonjour. Compte tenu encore des contraintes
d'horaire, cela va être court. J'ai une question: J'ai beaucoup de
difficulté à concilier l'ensemble de votre mémoire,
quoique je pense qu'il n'y aura pas de cachette à partir du moment
où vous êtes passablement favorable aux recommandations du rapport
Gobeil, pour ce qui est particulièrement du bon d'éducation.
Vous avez sûrement entendu parler de nos immenses réserves
au rapport Gobeil, mais nous ne sommes pas d'accord du tout comme formation
politique avec ce qui est recommandé. Je pense que, de plus en plus, les
appuis vont dans ce sens. Plus particulièrement pour ce qui est des
suggestions dans le domaine de l'éducation, on a acquis la conviction
que ce ne sont sûrement pas les quatre meilleurs conseillers en
matière éducative qui ont fait des recommandations dans le
rapport Gobeil
Mais cela étant dit, ma préoccupation est a un endroit.
D'ailleurs, même le ministre de l'Éducation est d'accord avec
nous. Bien oui! Il va avoir l'occasion de parler un peu plus. Il a juste dit
qu'il prenait ses distances, mais, à un moment donné, il va les
marquer davantage.
Mais au-delà de ça, lorsque vous mentionnez que les frais
de scolarité doivent être variables d'une université
à l'autre et d'un genre d'enseignement à un autre et que vous
ajoutez que, pour vous, l'égale accessibilité de
l'université pour tous doit être sans égard aux
différences de fortune et la façon de compenser serait un bon
système de prêts et bourses, je voudrais vous poser la question
suivante: Est-ce que vous pensez qu'avec, pas l'abolition des frais
universitaires, mais une variation très grande des frais
d'université, quand on a à concilier cela avec une
présence universitaire dans les régions du Québec, est-ce
à dire qu'on aurait un système de prêts et bourses qui
pourrait être variable, tout comme les frais universitaires, qui serait
non plus universel au Québec, mais régional et qui tiendrait
compte des coûts plus élevés? Cela permettrait aux
régions du Québec d'avoir également un droit
d'accessibilité à des études universitaires et, je
l'espère, pas uniquement les confiner aux secteurs de premier cycle avec
une spécialisation ne permettant plus d'offrir cette
accessibilité générale à nos jeunes, garçons
ou filles, des régions du Québec qui, eux et elles, ont le droit
d'accéder à des études universitaires sans
nécessairement être obligés constamment, pour ce qu'on
appelle les programmes à caractère plus général que
spécifique, de se spécialiser. On ne demande pas des
facultés de médecine dans toutes les régions du
Québec, on comprend cela.
J'aimerais entendre de vous quelques phrases là-dessus, parce
que, relativement à votre recommandation, je dis: Si votre logique
n'accepte pas un système de prêts et bourses différent dans
les régions du Québec pour compenser ces écarts de
coûts plus grands pour de la formation universitaire, personnellement, je
serais complètement en désaccord avec votre recommandation
d'éliminer les frais de scolarité, non pas de les
éliminer, mais de les rendre variables d'une université à
l'autre.
M. Robert: Je pense que vous avez déjà dans votre
question des réponses en disant: Dans les régions
éloignées, actuellement, on donne davantage des diplômes
d'études de premier cycle qui, effectivement, dans bien des cas,
coûtent moins cher à organiser pour l'université et
devraient coûter moins cher aussi aux étudiants.
La deuxième partie, la question du système de prêts
et bourses, comme on l'a fait dans d'autres domaines, vous savez très
bien que, dans le domaine des conventions d'enseignants ou de personnel, on a
prévu des primes d'éloignement, des prîmes pour tenir
compte des coûts de vie différents d'une région à
l'autre. Je ne vois pas pourquoi, dans un système de prêts et
bourses renouvelé, il n'y a pas ce type de préoccupation qui
pourrait être envisagée. On n'a pas été aussi loin
que cela dans notre réflexion.
Vous avez soulevé aussi toute la possibilité d'organiser
des études de deuxième cycle et de troisième cycle- Cela
pose encore d'autres questions pas mal plus complexes que celles des
prêts et bourses. Il n'est pas sûr que, même si on rend les
études accessibles parce que les gens ont de l'argent pour le faire, on
puisse développer, dans une région éloignée,
l'environnement. Je pense aux bibliothèques auxquelles les professeurs
faisaient allusion, l'équipe de professeurs, le centre de recherche
qui
permettrait de former des étudiants de deuxième ou de
troisième cycle.
Vous abordez toute une question qui est excessivement complexe et je ne
pense pas qu'elle puisse être résolue exclusivement par des
questions de prêts et bourses.
M. Gendron: Si le gouvernement décide de maintenir le
réseau UQ, cela devrait faciliter l'élément que vous
soulevez en termes de banque de ressources et de données universitaires
par rapport aux équipements, etc. Je conclurais cependant en disant que
je connais les conventions collectives et que je ne pensais pas
nécessairement à des régions très
éloignées comme Schefferville ou Ungava, le Grand-Nord.
Là, on a effectivement des conditions spécifiques de travail qui
tiennent compte des primes d'éloignement. Mais, à Chicoutimi,
à Rimouski, dans la région de l'Outaouais, d'autres
mémoires nous ont fourni la preuve que les coûts universitaires,
même au premier cycle, sont plus élevés, parce que les
universités régionales ont une responsabilité autre que
strictement enseignement et recherche. Il y a le soutien aux activités
du milieu qui est très important dans ces régions pour lesquelles
elles ne reçoivent pas beaucoup de financement de l'État du
Québec. À partir du moment où l'État ne contribue
pas à les aider à assumer cette responsabilité, quand
elles décident de le faire, elles sont obligées de le faire avec
d'autres sources de financement. Dans ce sens, cela signifie que ce sont les
étudiants qui sont, à un moment donné, obligés
d'absorber les coûts plus élevés. Si les frais
universitaires étaient variables, je voulais savoir si vous étiez
d'accord qu'il y ait proportionnellement une même variation dans le
système de prêts et bourses. On arriverait avec un système
de prêts et bourses régional plutôt que national. Vous
n'avez pas regardé cela?
M. Robert: On n'a pas été loin dans une question
comme celle-là, parce qu'on n'a pas eu le temps de le faire et, d'un
autre côté, ce n'est pas notre domaine pour le moment. On n'a pas
d'objection à ce que cela soit examiné.
Le Président (M. Parent, Sauvé):
Dernière intervention de la part de Mme la députée
de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je vais être très brève,
compte tenu, comme le rappelait mon collègue, des contraintes de
l'horaire. Je voudrais vous remercier d'avoir participé à cette
commission parlementaire. L'exercice que vous nous disiez avoir fait tout
à l'heure, il m'intéresserait d'en avoir les résultats si
cela n'est pas réservé à votre association. Merci, M. le
recteur, messieurs, madame.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Je remercie M. Robert et les gens qui l'accompagnent de
la contribution qu'ils ont apportée à notre discussion. II y a
certaines idées qui, a priori, soulèvent des interrogations dans
notre esprit, parce que je ne pense pas que, même du côté
gouvernemental, nous soyons prêts à aller aussi loin que le
propose la délégation. Mais ce sont des idées qui sont
mises sur la table pour qu'on les examine. On va les discuter et les scruter
attentivement. Il y a des éléments qui resteront peut-être.
Il y en a d'autres qu'on ne pourra pas retenir pour l'instant. Je pense que
votre idée, par exemple, à savoir qu'il n'y a pas lieu
d'accroître le niveau de financement public, est pour le moins sujette
à examen très attentif, parce que tout le poids des opinions
entendues jusqu'à maintenant va plutôt dans le sens contraire. On
va la regarder quand même. Mais cela devient une question de chiffres -
ce n'est plus une question d'opinion - dans une grande mesure et on verra cela
attentivement. Je pense que finalement on sera tous conditionnés par le
langage des chiffres en ce qui touche l'appréciation de la situation
actuelle. On en tirera des conclusions. C'est intéressant que les
idées s'entrechoquent et s'entrecroisent. Je pense que c'est le but
d'une commission parlementaire. Vous nous avez rendu un service très
utile en venant nous rencontrer aujourd'hui et je vous en remercie.
Le Président (M. Parent (Sauvé): Merci M. le
président, madame, messieurs. La commission parlementaire sur
l'éducation a apprécié votre témoignage et suspend
ses travaux pour quelques minutes pour les reprendre avec l'audition du
groupement Fonds pour la formation des chercheurs et l'aide à la
recherche.
(Suspension de la séance à 15 h 31)
(Reprise à 15 h 35)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
Je demanderais à nos invités de prendre place. Encore une
fois, j'inviterais Mme Quérido, M. Boisvert, M. Léonard, Mme
Gendreau et M. Lallier à prendre place.
La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux
dans le cadre du mandat qui lui a été confié par
l'Assemblée nationale, à savoir tenir une consultation
générale sur les orientations et le cadre de financement du
réseau universitaire québécois pour l'année
1987-
1988 et pour les années ultérieures.
La commission entendra le Fonds pour la formation de chercheurs et
l'aide à la recherche.
Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide
à la recherche
Madame, nous vous souhaitons ia bienvenue. La commission vous - remercie
d'avoir répondu à son invitation. Nous avons prévu une
heure et demie d'échanges entre vous et les membres de la commission. On
m'informe que la présentation de votre document durera environ 20
minutes. Au bout de 20 minutes, le dialogue s'engagera et le temps sera
séparé en parts égales entre les deux formations
politiques. C'est donc dire qu'à 16 h 50 je mettrai fin aux
échanges et j'inviterai le porte-parole officiel de l'Opposition et le
ministre à conclure. Normalement, à 17 heures, tout le monde
devra avoir terminé. Si jamais vous sentiez que vous n'avez pas eu le
temps de livrer tout votre message, à ce moment-là, soyez bien
à l'aise de nous avertir et vous allez voir que, même si nous
siégeons dans un cadre formel, nos échanges peuvent prendre une
forme informelle afin d'aller chercher le plus de renseignements passible.
Madame, je vous souhaite la bienvenue et je vous invite à nous
présenter les gens qui vous accompagnent.
Mme Quérido (Christiane): Je vous remercie, M. le
Président. À ma gauche, M. Jacques Léonard, professeur
à l'Université Laval et membre du conseil d'administration; M.
Maurice Boisvert, vice-président du conseil; Mme Andrée Gendreau,
secrétaire générale du conseil; M. Alain Lailier,
directeur général du cégep de Trois-Rivières et
également membre du conseil d'administration.
Le Président (M. Parent, Sauvé):
Bienvenue. Nous vous écoutons.
Mme Quérido: Merci, M. le Président. Je voudrais,
si vous me le permettez, avant d'aborder le sujet de notre mémoire,
faire une remarque d'ordre général. Le Fonds FCAR se
présente devant cette commission portant sur les orientations et le
cadre de financement du réseau universitaire pour parler à partir
d'un point de vue particulier, celui de la recherche et de la formation des
chercheurs. Il le fait sans présumer du bien-fondé des autres
priorités du développement du réseau universitaire et
également en tenant pour acquis que le développement de ce
secteur ne doit pas se faire au détriment des autres besoins du
système universitaire, c'est-à-dire en particulier des
préoccupations actuelles concernant les études de 1er cycle, ni
au détriment du maintien des objectifs d'accessibilité pour notre
réseau.
Un autre aspect et une autre particularité concernant lesecteur de la recherche qui marque les positions prises par le fonds dans
ce mémoire, c'est que celui-ci ne peut pas se développer d'une
façon isolée. Contrairement, par exemple, à une politique
concernant les études de 1er cycle où un gouvernement, un
État peut décider d'avoir une politique particulière
autonome qui ne tient pas compte du contexte dans lequel elle se situe, toute
politique concernant le développement de la recherche doit
nécessairement tenir compte du contexte plus global dans lequel elle
s'insère et des facteurs qui, dans ce contexte, président
à son développement, en l'occurrence, en ce qui nous concerne,
des politiques et des mécanismes fédéraux du financement
de la recherche, des standards nationaux d'évaluation,
d'exécution de la recherche, ainsi de suite.
Dans ce mémoire, dont je me permettrai de ne faire qu'un
très bref résumé pour laisser plus de temps à la
discussion, le Fonds FCAR, à partir de l'analyse de l'état des
besoins du réseau universitaire québécois au chapitre de
la formation des chercheurs et de la recherche, a voulu faire ressortir les
actions immédiates, tant au niveau des politiques que du financement,
qu'il considère comme essentielles pour assurer le développement
de la recherche universitaire.
Dans ce mémoire, le fonds précise également le
rôle et les moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour permettre
d'atteindre les objectifs que se fixe notre réseau universitaire au
chapitre de la formation des chercheurs et de la recherche. Le malaise
fondamental actuel de la recherche universitaire est, comme celui des
universités dans leur ensemble, d'ordre financier, comme il a
été souligné et reconnu par cette commission et par tous
les intervenants. Le fonds croit que la recherche universitaire vit
actuellement une véritable crise de son développement, et non pas
simplement des difficultés passagères.
Cependant - ceci constitue un aspect essentiel que nous avons voulu
faire ressortir - la relance de la recherche universitaire
québécoise en tant que milieu scientifique compétitif sur
la scène nationale et internationale - à cause des enjeux actuels
qui touchent le développement scientifique, ne se fera pas uniquement
par l'ajout de crédits nouveaux, même si ceux-ci sont essentiels.
C'est à un véritable changement dans la stratégie de
soutien à la recherche qu'il importe d'arriver, ce qui ne peut prendre
forme sans une concertation plus affermie et une coordination plus soutenue des
efforts impliquant à la fois le pouvoir politique, les institutions
d'enseignement et de recherche et les organismes
subventionnaires.
Pour bien faire ressortir les enjeux et les défis actuels
concernant le développement de la recherche universitaire, il faut tenir
compte des différentes caractéristiques structurelles du
réseau universitaire québécois. Il s'agit d'un
système jeune, un des plus jeunes en Amérique du Nord, qui a
dû répondre aux besoins d'une société distincte. Il
s'agit d'un réseau différencié, traversé par une
double structure collégiale et universitaire et par une dualité
linguistique. De plus, le degré de développement diffère
considérablement, avec des universités plus anciennes aux assises
bien établies et des universités plus récentes dont les
besoins ne sont pas de même nature.
Si cette différenciation a bien servi les objectifs que
s'était donnés la société québécoise
en termes d'accessibilité et de scolarisation, elle a eu aussi son
revers: un développement inégal. Parce que cette structuration
n'a pas toujours fait l'objet de l'intégration nécessaire en
matière de concertation, elle a produit un éclatement et un
éparpillement des ressources et des actifs qui ont nui au
développement et à l'essor des programmes d'études
graduées et de la recherche.
Or, malgré ce contexte limitatif, des pas de géant ont
été accompli et la recherche universitaire au Québec a
connu, surtout depuis ces quinze dernières années, une croissance
extraordinaire qu'il est important de souligner. Dans tous les domaines
scientifiques, dans toutes les universités, il se fait au Québec
de la recherche d'excellence. Le problème qui se pose face au
développement de la recherche universitaire ne se pose donc pas en
termes de qualité de la recherche, mais de performance du système
universitaire. C'est donc d'abord un problème qui touche le
système universitaire en tant que système, dans son mode
d'organisation et de développement de la recherche et des études
graduées.
Aux contraintes structurelles, d'autres déterminations,
celles-là plus conjecturelles, viennent également faire obstacle
aux tentatives menées en vue de développer la recherche. Les
politiques de financement des universités et les compressions
budgétaires des dernières années ont causé de
sérieuses difficultés aux établissements universitaires.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire que nous revenions sur ces
données. Cependant, ce que nous voulons faire ressortir, c'est que
l'impact de ces mesures s'est fait plus directement ressentir au niveau de la
recherche et de la formation des étudiants gradués parce que,
durant cette même période, les universités ont
cherché à équilibrer leurs budgets en comprimant leurs
dépenses d'infrastructure de recherche, personnel de soutien, achats,
entretien des installations, puisque là se trouvait leur seule marge de
manoeuvre. Sans doute que les universités et les unités
administratives donnant le moins de priorité à la recherche et
aux études avancées ont comprimé ce type de
dépenses plus vite et de façon plus importante que les autres,
avec tous les effets sérieux que l'on devine. (15 h 45)
Faut-il insister pour dire, ici, que la double pression conjoncturelle
sur le financement des infrastructures de recherche, l'une, plus ancienne,
liée à la politique de financement du fonctionnement des
universités, l'autre, plus récente, liée à la
période des compressions budgétaires, risque d'avoir pour effet
de transformer une réduction passagère des activités de
recherche et de formation en une incapacité plus fondamentale? On sait,
en effet, que les laboratoires, les équipes, les programmes de doctorat
mettent énormément de temps à se développer: ils
exigent donc une stabilité dans leur financement plutôt que des
subventions ponctuelles.
Autre sujet d'inquiétude maintes fois souligné, la
désuétude de l'appareillage scientifique dans nos
universités. Ce problème, déjà grave il y a dix
ans, a pris de l'ampleur à mesure que les budgets universitaires
servaient moins à la recherche et davantage aux études de 1er
cycle. Cette situation est particulièrement grave dans les
universités où il se fait beaucoup de recherche et plus
aiguë dans les domaines de recherche récents, comme l'informatique,
la biotechnologie, qui n'ont pas reçu d'aide importante des
universités dans les années 1966 à 1970, la période
du développement majeur des budgets d'infrastructures dans nos
universités.
Des programmes de recherches com pétitifs et des programmes de
formation de chercheurs de grand calibre exigent des appareils
perfectionnés, des bibliothèques bien documentées, nous
l'avons souvent répété ici. Le manque d'outils
adéquats exerce une influence défavorable sur tous les aspects de
la recherche et restreint l'impact des programmes de financement direct de la
recherche.
Un autre facteur limitatif dont il faut tenir compte quand on pense
à une politique de développement de la recherche universitaire
est relié aux ressources humaines. Le corps professoral des
universités québécoises demeure, par rapport à
celui des universités canadiennes, sous-qualifié en
matière de diplomation malgré les efforts et les progrès
accomplis par nos universités à ce chapitre, ces dernières
années. De plus, il faut rappeler qu'au moins le tiers de l'effectif
professoral de nos universités - ce qui est une conséquence
directe des politiques budgétaires de ces dernières années
- est constitué de chargés de cours. Le bassin de chercheurs
potentiels
de nos universités se trouve donc doublement limité.
L'absence de masses critiques de chercheurs en plusieurs domaines constitue un
des problèmes majeurs auxquels il faut s'attaquer.
Parler des obstacles au développement de la recherche
universitaire, c'est, au niveau de la réalisation de la recherche,
reconnaître la désuétude des infrastructures, l'absence de
masses critiques et la faible capacité de relève. En
conséquence, le grand objectif qui, à nos yeux, doit mobiliser
tous les intervenants concernés est de rendre nos universités
plus compétitives sur le plan de la recherche et de combler notre retard
au niveau de la formation du 3e cycle.
En ce qui concerne le Fonds FCAR, le phénomène de
rareté des ressources a mis une pression additionnelle sur notre
organisme et ceci de deux façons: en entraînant le gel de nos
propres budgets et une augmentation de la demande de la part de notre
clientèle, augmentation due en grande partie aux politiques
institutionnelles d'incitation à faire appel le plus possible aux
sources externes de financement de la recherche.
Dès lors, è la suite du diagnostic posé et compte
tenu de la pression financière à laquelle nous avons
été soumis, il nous apparaît que la stratégie
nouvelle à élaborer passe par un réalignement de l'action
gouvernementale, impliquant celle des organismes subventionnaires, par un
nouveau leadership de la part des établissements et par une concertation
accrue entre les différents partenaires. C'est pourquoi, le fonds, dans
son mémoire, recommande que la formule historique de financement soit
modifiée sur la base d'un financement plus sélectif, par secteur
et par niveau d'études, en y incluant un paramètre qui tienne
compte de l'intensité de la recherche réalisée dans les
universités.
La mise en oeuvre de ce principe implique que l'on reconnaisse que les
coûts reliés à la formation varient selon les disciplines
et les niveaux d'étude et que les institutions performantes en regard
des priorités du système d'enseignement supérieur doivent
être encouragées de façon privilégiée.
La légitimité de ce principe vient de l'exigence de
performance qui doit nous guider d'ores et déjà. Nous avons
reconnu que notre système universitaire était
différencié; il ne s'agit pas ici d'accentuer le
développement inégal des universités, mais d'opérer
les choix et de définir les stratégies qui permettront à
l'ensemble de notre réseau de fournir la meilleure contribution possible
au développement de la société québécoise.
Les années que nous vivons doivent nous permettre de faire
accéder notre réseau universitaire à la phase 2 de son
développement, la première ayant été celle de son
implantation en vue de rendre accessible l'éducation universitaire au
plus grand nombre d'entre nous.
Nous croyons également que le gouvernement doit investir
davantage en vue de répondre aux besoins urgents de renouvellement des
équipes scientifiques; ceci pourrait se faire sous forme d'une action
ponctuelle dans les termes d'un fonds spécial. Nous croyons
également que le gouvernement doit accepter de financer les coûts
indirects de la recherche.
Cependant, de tous les intervenants concernés les universitaires
eux-mêmes demeurent le facteur principal à qui revient la
tâche de réviser la stratégie québécoise en
matière de formation des chercheurs et de soutien è la recherche
par la poursuite d'une politique de consolidation et de concentration des
ressources pour notre système universitaire dans des institutions ou des
unités offrant des garanties de haute performance, afin de faciliter le
regroupement des compétences, la création de milieux
intellectuellement les plus stimulants possible et pouvant fournir des
encadrements de meilleure qualité et plus propices à la formation
des chercheurs. Cet impératif d'établissement d'un objectif
général de consolidation et de concentration des ressources doit
reposer sur une indispensable planification institutionnelle.
Un leadership plus affirmé des directions universitaires devrait
se traduire dans les mesures suivantes, que l'on trouve identifiées dans
les divers avis du Conseil des universités: le recrutement de
professeurs qualifiés en recherche; l'application des critères de
modulation des tâches, qui permettrait une plus grande
spécialisation en recherche; la mise en place pour les professeurs de
normes d'accréditation dans les programmes d'études
graduées; l'organisation de mécanismes d'évaluation des
programmes et des activités de formation de 2e et 3e cycle; et
principalement, je crois, l'élaboration d'un plan de
développement qui explique les priorités de chaque institution et
les moyens d'action envisagés.
Ce sont là, à nos yeux, les principaux moyens pour arriver
à une consolidation efficace et durable du secteur de la recherche et
des études avancées au sein du réseau.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela termine,
madame?
Mme Quérido: Est-ce que j'ai épuisé mon
temps?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, il n'est
pas question de temps, madame. Je croyais que vous aviez terminé.
Mme Quérido: II restait un dernier
point...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, sentez-vous
bien à l'aise!
Mme Quérido: ...que je désirais souligner qui
était le rôle et les moyens d'action que se propose le fonds.
L'objectif fondamental du fonds est de promouvoir la recherche fondamentale et
appliquée compatible avec les missions universitaires de
développement du corpus de connaissances et de formation d'une
main-d'oeuvre hautement qualifiée. Son mandat se pose encore aujourd'hui
dans les mêmes termes que ceux pour lesquels il a été
institué il y a quinze ans, c'est-à-dire accentuer par la vole
d'un programme spécifique à peu près unique au Canada, le
soutien à la recherche universitaire et à la formation de
chercheurs, dans le but de rétrécir l'écart de notre
développement par rapport à celui du reste du Canada.
La première phase de cette mission est désormais
accomplie, même s'il reste des besoins tant au niveau de
l'établissement des nouveaux chercheurs qu'à celui de
l'émergence de nouveaux secteurs en recherche ou de nouvelles
institutions auxquels il faudra répondre.
Cependant, il faut aujourd'hui, pour rattraper les retards par rapport
aux autres provinces, réviser nos stratégies et nos moyens
d'action en privilégiant les deux pôles suivants. D'abord,
l'investissement à moyen terme dans la formation et
l'établissement de nouveaux chercheurs. C'est pourquoi le fonds verra
à consolider son programme de bourses d'excellence et à mieux
l'intégrer au soutien apporté aux étudiants dans le cadre
de ses programmes de subventions. Le fonds donnera également la
priorité au développement de son programme de bourses
postdoctorales. Il proposera de mettre en oeuvre un nouveau programme
d'établissement de nouveaux chercheurs complémentaire aux
programmes qu'administre déjà le fonds et qui vise le
regroupement des équipes de chercheurs expérimentés.
De leur côté, c'est par des mesures spécifiques
visant le soutien à l'émergence que les institutions devront
collaborer à cette stratégie de relève, d'où
l'importance que le fonds accorde au plan de développement
institutionnel.
Le fonds compte également centrer son action en agissant sur les
modes mêmes d'organisation de la recherche par une politique
sélective de concentration des ressources aux mains des chercheurs les
plus qualifiés. En axant son action sur ces formes spécifiques
d'aide, le fonds croit qu'il peut constituer un levier important, un catalyseur
qui peut accélérer l'atteinte des objectifs prioritaires du
réseau en termes d'études graduées et de recherche.
Le fonds veut valoriser la recherche en équipe et le
développement des centres d'excellence en donnant à cette forme
de soutien sa priorité. Dans le contexte actuel, il devient essentiel
que les chercheurs se regroupent autour de thèmes ou de domaines
d'intérêt commun pour effectuer une percée ou se tailler
une place intéressante dans un secteur très compétitif et
aussi pour disposer des ressources nécessaires dans une conjoncture qui,
au plan financier, devient plus serrée. En formant de telles
équipes, les chercheurs pourront créer l'atmosphère
intellectuelle esentielle à la poursuite de la recherche et à la
formation des futurs chercheurs.
C'est par ce biais également que nous croyons que les petites
universités pourront développer des secteurs d'excellence en
recherche pourvu que les établissements fassent des choix et
décident de privilégier certains domaines en tenant compte de la
complémentarité à établir entre les
différents éléments du réseau. D'ailleurs, de
telles équipes sont les points d'appui au développement
ultérieur de la recherche dans des centres d'excellence.
C'est par ces moyens d'action spécifiques que le fonds croit
qu'il jouera le mieux son rôle de complémentarité par
rapport aux autres intervenants du financement de la recherche, qu'ils soient
de niveau provincial ou fédéral. C'est autour de ces orientations
que s'articulera le nouveau plan triennal d'activités que le fonds
déposera au cours de cet automne.
De nouveaux investissements du gouvernement dans le financement direct
de la recherche demeurent essentiels pour permettre à la
communauté québécoise d'atteindre un niveau de performance
comparable à celui des autres provinces. Cependant, ces fonds doivent
être attribués de manière à s'attaquer
systématiquement aux causes du retard plutôt que de permettre d'en
atténuer les effets.
Cependant - le mémoire conclut sur cet aspect - ce travail de
recentrement de l'aide publique à la recherche ne pourra se faire que si
les partenaires concernés acceptent les contraintes d'une concertation
plus efficace. À cet égard, le fonds croit qu'une
réflexion devra être faite concernant la multiplicité des
programmes sectoriels d'aide à la recherche. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme
Quérido. Je m'excuse si j'ai brisé le rythme de votre
présentation. Je demanderais maintenant au ministre de
l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science de
prendre la parole. (16 heures)
M. Ryan: M. le Président, je vous remercie. Nous avons
écouté avec beaucoup
d'intérêt le mémoire dont Mme la présidente
du Fonds FCAR vient de nous donner l'essentiel. Nous connaissons tous le
rôle très important qui a été confié par le
gouvernement du Québec au Fonds FCAR dans la gestion des sommes visant
à promouvoir le développement de la recherche et à
promouvoir aussi l'excellence dans le travail universitaire en
général. Depuis déjà plusieurs années, le
Fonds FCAR est chargé, en particulier, de la distribution d'un programme
très important de bourses d'études aux niveaux de la
maîtrise et du doctorat. On peut dire, en toute vérité,
qu'il s'est acquitté de cette tâche avec objectivité et
impartialité.
Le fonds est également responsable de programmes qui visent a
stimuler la recherche de l'excellence en équipe à
l'intérieur des établissements universitaires et, encore ici, les
contributions qu'il a fournies dans les universités ont
été très importantes pour favoriser des
développements qui, autrement, n'auraient probablement pas pu avoir
lieu.
Je vous remercie, Mme la présidente, ainsi que ceux qui vous
accompagnent, de ce travail qui est fait au service de la recherche dans nos
universités et même dans d'autres milieux, parce qu'il y a
certains programmes du Fonds FCAR qui débordent les cadres de
l'université pour offrir des chances aussi à des chercheurs
oeuvrant dans d'autres milieux, parfois même à leur compte. Je
trouve que c'est excellent parce que, tout en accordant une importance centrale
à l'université, il faut toujours éviter de lui
conférer un monopole. C'est souvent de l'extérieur de
l'université que jaillissent des lumières qui finissent par
trouver certaines consécrations à l'université
elle-même.
Alors, ce volet de l'action du fonds, même s'il est plutôt
récent, est très important et pour l'avenir vous pouvez
être sûr que, dans la mesure où j'aurai une certaine
influence sur ces choses, ce volet est appelé à demeurer.
Je voudrais profiter de votre présence parmi nous pour
résumer certaines données qui me paraissent fondamentales dans la
discussion que nous avons sur le volet travail de recherche qui se fait
à l'université. Dans votre mémoire, j'ai noté au
début que vous parlez de stagnation et peut-être même de
recul de la recherche dans nos universités. Dans un certain sens, je
pense pouvoir souscrire à votre affirmation. Si vous nous dites, par
exemple, comme vous le faites, que les compressions imposées aux
universités ont donné lieu à des réductions de
dépenses qui ont affecté particulièrement les ressources
mises à la disposition du travail de recherche dans les
universités, cela ne se traduira peut-être pas dans les
statistiques brutes, mais, en fin de compte, il y a une diminution de la
qualité et même du volume de la recherche qui est
extrêmement importante.
Pour illustrer ce point, je dirais peut-être ceci: On calcule que
la source principale de financement de la recherche qui se fait dans nos
universités demeure les organismes subventionnaires
fédéraux. Les organismes subventionnaires fédéraux
pour l'année 1984-1985 ont fourni à nos organismes de recherche
québécois la somme de 169 000 000 $ sur environ 212 000 000 $ qui
ont été dépensés à des fins de recherche
dans nos universités. Cela fait près de 80 %.
Dans l'ensemble du pays, les contributions fédérales
équivalent à 60 % de l'ensemble des dépenses faites pour
la recherche dans les universités. En Ontario, c'est 61 %. Chez nous, je
m'excuse, j'ai dit 80 %; j'étais dans l'erreur. C'est 56 %. Il me
semblait que quelque chose ne fonctionnait pas; j'avais de la difficulté
à m'avancer plus loin! C'est 56 %. En Ontario, 61 % et, pour l'ensemble
du pays, 60 %.
Par conséquent, l'Ontario a plus que le Québec,
proportionnellement. Nous avons fait quand même pas mal de rattrapage de
ce côté et la différence s'explique principalement par le
fait que la majorité des installations fédérales qui
s'intéressent à la recherche ou qui collaborent avec les
universités de ce côté sont situées en Ontario.
Ce qu'il y a d'intéressant à noter pour nous, c'est que la
contribution du gouvernement québécois est maintenant de
près de 50 000 000 $ par année. Elle représente 23 % de
toutes les dépenses faites dans nos universités en matière
de recherche universitaire. En 1980-1981, c'est-à-dire il y a six ans,
elle était de 22 %. Donc, en chiffres absolus, elle est passée de
26 000 000 $ à 48 000 000 $. Par conséquent, je pense qu'on doit
reconnaître qu'en argent explicitement consacré à la
recherche il y a eu une augmentation sensible.
D'autre part, ce qu'on ne doit pas oublier - je pense que cela explique
votre remarque - c'est qu'il ne se fait pas de recherche autre que celle qui
est directement et explicitement subventionnée à même les
budgets spéciaux. Il se fait toutes sortes d'autres travaux de recherche
dans les universités. Au ministère, nous estimons à
quelque 200 000 000 $ la valeur des travaux de recherche qui se font dans les
universités par-delà ces programmes explicites et directs de
subventions. Je pense que c'est là que le "pinch", comme on dit en
anglais, que l'effet dévastateur des politiques des dernières
années se fait sentir particulièrement. S'il y a moins de
ressources, moins de temps, moins de personnel qualifié pour les travaux
de recherche, c'est évident qu'au bout de la
ligne il se fait moins de recherche. Il faut aller jusque dans ces
chiffres pour le comprendre.
Sur ce, je vous remercie d'avoir porté cet aspect de la situation
des universités à l'attention de la commission. Tout
complément d'information que vous pourriez fournir à ce sujet
serait très utile, je pense, pour que nous ayons une vue complète
de ce problème.
Je ne veux pas continuer davantage pour l'instant. Avec le consentement
de nos amis de l'Opposition, je voudrais que les premières questions que
je poserais normalement moi-même vous soient adressées par ma
collègue, la députée de Jacques-Cartier, Mme Joan
Dougherty, pour deux raisons. D'abord, à cause de l'intérêt
spécial qu'elle a toujours porté au développement de la
recherche. Je pense que, parmi les députés des deux
côtés de la Chambre, elle peut vraiment être
considérée parmi les pionnières de l'intérêt
des parlementaires pour ce secteur d'activité. Deuxièmement, elle
doit partir tout à l'heure pour attraper un vol qui la conduira vers sa
ville préférée. C'est pour cela que j'aimerais bien lui
donner la chance de dialoguer quelque peu avec vous. Si on n'a pas d'objection
du côté de l'Opposition, je compléterai quelques trous que
vous aurez laissés...
Mme Dougherty: II n'y en aura pas.
M. Ryan: ...après que vous serez partie, pour être
sûr de ne pas encourir vos foudres. Si vous voulez rester jusqu'à
la fin, vous êtes la bienvenue. Merci beaucoup.
Le Président (M. Thérien): Nous avons le
consentement. Je cède maintenant la parole à la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le ministre, de m'avoir donné la
chance de poser les premières questions. Ma première question
porte sur la mission du Fonds FCAR. Le Fonds FCAR a été
créé au début, si je comprends bien, pour favoriser le
rattrapage du Québec et, en particulier, des universités
francophones en matière de recherche. Selon vos analyses, est-ce que
vous avez effectivement accompli la mission prévue au début?
Mme Quérido: Je pense qu'on l'a mentionné
très brièvement dans le mémoire. La mission du fonds
reste, aujourd'hui, ce qu'elle était au début. Simplement une
première étape du travail est accomplie, c'est-à-dire
cette forme de rattrapage généralisé, c'est-à-dire
de donner les premières bases de développement de la recherche
dans nos universités. Le constat actuel et les chiffres que M. le
ministre vient de citer montrent qu'à cet égard nous avons
contribué à cette performance, puisque nous avons dans toutes nos
universités, dans tous les secteurs disciplinaires, des chercheurs et de
la recherche d'excellence. Cependant, il nous reste encore - les faits et les
données le démontrent - une certaine forme de rattrapage à
faire dans la position relative du Québec par rapport aux autres
provinces puisque, comme je l'ai mentionné au début, nous ne
pouvons jamais parler du secteur de la recherche ou du développement de
la recherche d'une façon isolée. Elle s'insère
nécessairement dans un contexte plus large à cause des enjeux qui
se posent à la recherche vis-à-vis du développement
économique et scientifique.
Cependant notre mandat reste le même, mais nos moyens d'action
doivent être révisés. Nous restons toujours prioritairement
un fonds qui a pour mission de subvenir à la recherche universitaire
fondamentale ou appliquée en mettant l'accent sur la formation des
chercheurs, donc en donnant la priorité à nos bourses et à
tous nos programmes touchant la formation scientifique, et en mettant
également, comme au début, l'action sur la formation en
équipe et des centres d'excellence. Seulement, là, il faut
focaliser de nouveau ces actions à partir des enjeux d'aujourd'hui. Il
nous faut former des équipes fortes avec des masses critiques.
Ce qu'on remarque trop souvent, c'est que l'on a de nombreuses
équipes excellentes au Québec qui performent d'une façon
exceptionnelle sur le plan international, mais souvent elles reposent trop
uniquement sur un seul chercheur. Leur devenir n'est jamais assuré.
Qu'il arrive quelque chose à ce leadership et la survie des
équipes n'est pas assurée. Donc, ce sont ces assises qu'il faut
consolider. Il faut s'assurer que chaque équipe, chaque centre
d'excellence ait une relève pour avoir une certaine stabilité
dans la performance.
Je crois que la première mission de notre mandat est accomplie,
mais le système universitaire évolue, les enjeux évoluent.
Il faut repenser nos actions et les focaliser. C'est dans ce sens qu'on dit
"plus sélective". On ne veut pas dire "plus sélective" dans le
sens d'une politique plus élitiste, mais une politique plus
spécifique en termes de moyens d'action. Le rôle du fonds à
cet égard est très spécifique. C'est pour cela que, si on
n'avait que la mission de subventionner la recherche, il n'y aurait pas besoin
d'un autre organisme subventionnaire. Je pense que, si on a au Québec un
organisme subventionnaire, c'est parce que celui-ci devrait être partie
prenante des enjeux du Québec et déterminer des moyens d'action
qui puissent être des incitatifs pour corriger des situations. C'est dans
ce sens-là, je crois, que le mandat du fonds reste toujours le
même et son action toujours aussi essentielle.
Mme Dougherty: Merci. Si j'interprète bien votre
mémoire, vous vous interrogez sur la pertinence et le bien-fondé
des politiques du gouvernement depuis trois ans de ne pas augmenter le montant
consacré au FCAR et de prendre d'autres initiatives, notamment le
développement des liaisons universités-industries. Je suis
à la page 16. Le gouvernement a mis en vigueur le programme d'actions
structurantes dans le but de renforcer la masse critique qui, tout le monde est
d'accord, est nécessaire pour l'excellence dans nos efforts de
recherche. De plus, le gouvernement a créé des centres de
recherche. Il y en a plusieurs maintenant.
Vous parlez ici du risque - c'est mon mot, pas le vôtre - que
présentent ces initiatives pour nos efforts. Vous parlez
d'incohérence, de risque de morcellement, d'inefficacité, etc.
Voudriez-vous expliquer un peu cette perspective? En dedans de cette
perspective, voudriez-vous nous expliquer exactement le rôle, la mission
que vous privilégieriez pour le FCAR à l'avenir? (16 h 15)
Mme Quérido: D'abord, peut-être un commentaire
général. Je dois dire que, pendant que le gouvernement a
multiplié ses formes d'action, de développement et
d'investissement, le fonds - je le déplore sans présumer de la
pertinence - a vu ses budgets gelés, ce qui, par rapport è ces
enjeux, lui a apporté des contraintes additionnelles, d'autant plus,
comme je l'explique dans le mémoire, que, pendant cette même
période, les universités étant moins en mesure de
suppléer à certains frais concernant la recherche, les organismes
subventionnai res, pas simplement le nôtre, ont été
amenés à jouer ce que j'appellerais une certaine forme de
rôle de suppléance, c'est-à-dire que les universitaires ont
fait de plus en plus porter aux organismes subventionnaires et sur les frais
directs de la recherche des dépenses qui, traditionnellement,
étaient prises en charge par les universités. Pendant cette
période, la dernière période, la situation de notre
organisme a été très difficile.
Quant à l'autre question que vous posez, effectivement, ces
dernières années, il y a eu, dans le cadre des politiques
scientifiques du Québec, de nombreuses actions ponctuelles et
spécifiques de développement de secteurs, de nouveaux centres. Je
crois qu'il ne faut pas d'une façon absolue condamner ces actions, bien
au contraire. Comme on l'a souligné à cette commission, ces
nouvelles structures, c'étaient peut-être les incitatifs
nécessaires et il faut voir maintenant comment elles vont se
développer.
Cependant, ce que j'ai voulu mettre en lumière, c'est qu'il
faudra dans l'avenir voir à faire le tour de l'ensemble de ces
programmes, de ces moyens d'action, voir s'il n'y aurait pas lieu de faire une
meilleure coordination de ces programmes, voir aussi s'il n'y aurait pas lieu
de confier aux organismes et aux secteurs dont c'est le mandat principal
certains types d'action, comme la gestion de ces programmes lorsqu'ils
correspondent à des objectifs similaires aux leurs dans le but d'une
plus grande cohérence des moyens d'action, peut-être pour
éviter ces dangers qui restent du dédoublement des actions, de
l'éparpillement, c'est-à-dire une espèce de formule de
guichet unique, et peut-être aussi, dans ce cas-là, de confier aux
organismes subventionnaires, qui ont la compétence et dont c'est le
mandat de faire de l'évaluation scientifique, la participation à
la gestion de ces programmes en termes d'évaluation scientifique. Ceci
s'est déjà fait dans le programme d'actions structurantes, et on
a un bel exemple, je crois, de concertation de différents milieux: le
gouvernement, le Conseil des universités, notre propre organisme, qui
ont participé à la définition et à la gestion de ce
programme. On devra voir, à l'avenir, à une meilleure
concertation et à une meilleure utilisation des ressources, mais aussi,
je dirais, de la compétence de certains organismes dans la gestion des
programmes financiers.
Mme Dougherty: Vous avez parlé du guichet unique. À
l'autre bout, est-ce que vous aimeriez aller aussi loin que de regrouper la
responsabilité des subventions pour la recherche en dedans d'un
organisme qui pourrait être le FCAR?
Mme Quérido: Vous me posez la question, vous me demandez
ma réaction.
Mme Dougherty: En principe, théoriquement, est-ce que nos
efforts seraient plus efficaces, plus cohérents - oubliez le FCAR pour
le moment, si c'est possible - plus efficaces si toute cette
responsabilité était regroupée en dedans d'un
organisme?
Mme Quérido: Je pense qu'on peut répondre à
cette question de deux façons. Si vous me dites "théoriquement",
on peut dire qu'en termes d'une cohérence d'une politique il est bien
évident qu'il est plus facile, si c'est le même chapeau, de
planifier et, à cet égard, je pourrais répondre oui.
Cependant, dans les faits, si vous me demandiez cela par rapport à la
situation au Québec et aux différents mécanismes de
financement qui sont au Québec, je vous dirais que, peut-être, ma
préférence serait que l'on respecte les structures de financement
actuelles, c'est-à-dire les organismes tels qu'ils sont, en particulier
si on fait référence aux deux principaux organismes, un qui
touche la recherche médicale et l'autre qui touche le fonds.
D'une façon, ma réponse est peut-être très
pragmatique. C'est que nous sommes des organismes jeunes qui avons subi dans
notre courte existence déjà plusieurs changements administratifs.
D'ailleurs, le FCAR, qui existe depuis un an et demi, n'a pas fini de s'adapter
aux changements de structures à la suite de la loi 19 et de sa
création. Peut-être, par exemple, si on regarde les organismes
fédéraux, leur grande force vient de leur stabilité.
Certains existent depuis 75 ans. Ils ont donc pu acquérir en dehors de
ces changements de structures une certaine stabilité. Je pense que cela
est essentiel. À l'heure actuelle, vous avez deux organismes qui
fonctionnent bien, qui commencent à prendre... Je pense que ce serait
plus facile de tabler sur ces structures, quitte à avoir entre eux une
bien meilleure coordination. Je dois dire qu'on le fait de plus en plus et cela
s'était fait avant, mais on le fait dans des structures plus formelles
comme on fait maintenant dans une structure plus formelle de la concertation
avec les organismes fédéraux.
Je pense qu'il serait peut-être plus productif à l'heure
actuelle de laisser les organismes sous leur forme actuelle tout en revoyant
peut-être leur mode de coordination.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Je céderai maintenant la
parole à Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci. Je voudrais d'abord, au nom de ma formation
politique, vous souhaiter la plus cordiale bienvenue. Je ne peux
m'empêcher de souligner que, parmi les organismes qu'on a entendus depuis
déjà mardi, c'est la première femme qui est responsable et
chargée de nous faire une présentation.
Écoutez, j'ai lu avec beaucoup d'attention votre mémoire.
Il nous permet de situer l'importance du rôle que vous avez joué
en matière d'aide au développement de la recherche et ce,
à différents niveaux. Au moment où on a constitué
cet organisme, au moment où on a modifié également son
mandat, sa structure administrative, j'avais suivi ces débats avec
beaucoup d'intérêt à la fois parce que c'est un outil de
développement important dans la recherche au Québec, mais aussi
parce que c'était par le biais de cet organisme qu'on avait reconnu le
réseau d'enseignement collégial comme faisant partie des
réseaux de recherche.
Je ne voudrais pas prendre plus de temps qu'il ne faut pour rappeler les
éléments du rapport. Je pense que vous l'avez bien campé
et bien rappelé. Je passerai immédiatement aux questions. Nous
avons rencontré, c'est hier si je ne m'abuse - on finit par perdre un
peu la notion du temps -l'Association des étudiants gradués qui
ont abondamment fait état, évidemment, du Fonds FCAR et des
bourses qui étaient distribuées. À présent, ce
qu'on nous disait -et je voudrais là-dessus avoir un peu votre
réflexion - les boursiers en maîtrise, pour 50 %, ne terminaient
pas leurs études. Les raisons qu'on invoquait c'est souvent qu'ils
devaient travailler en même temps qu'ils étudiaient. Les bourses
n'étaient pas suffisamment élevées, un certain nombre de
raisons étaient reliées à l'encadrement dans leur
département. J'aimerais avoir votre réflexion. Si vous aviez des
modifications ou des améliorations à apporter aux bourses
destinées aux 2e et 3e cycles, elles seraient de quelle nature?
Mme Quérido: Je pense que le taux de terminaison des
études, c'est un sujet de préoccupation au Québec, comme
le temps pris pour obtenir un diplôme qui dans plusieurs secteurs
constitue par rapport aux moyennes nationales un an et parfois deux ans de
plus. Ce qui est un coût social énorme. C'est une
préoccupation du fonds. D'ailleurs, dans les premières
études d'analyse et d'évaluation de son programme de bourses,
c'est une question qu'il s'est posée, les moyens qu'il devrait prendre
et les incitatifs qu'il devrait y avoir dans ces systèmes de bourses
pour permettre, si vous voulez, de s'attaquer à ces deux
problèmes.
D'une part, il est vrai - c'est un fait d'ailleurs que nous avons
souligné - que nos bourses d'excellence auraient besoin d'être
indexées. Nos bourses d'excellence à la maîtrise ont une
valeur de 7500 $ et de 8500 $ alors que les bourses équivalentes au
fédéral sont de l'ordre de 12 000 $. On sait que le
système de bourses au Québec, c'est volontairement qu'on le
maintient un peu inférieur à celui des bourses
fédérales, parce que l'optique est que c'est un programme
subsidiaire au programme fédéral. Donc, on veut d'abord pousser
les étudiants à accepter et à demander les bourses
fédérales. Cela, c'est un aspect. Donc, la valeur de notre bourse
n'est pas intéressante pour les étudiants, et, bien souvent vous
savez, les étudiants acceptent une bourse et puis après ils la
refusent parce qu'ils trouvent un moyen autre de travail qui leur donne de
meilleures ressources financières. C'est un problème qui est
connu et que nous avons souvent souligné.
L'autre problème qui est, lui, plus fondamental, c'est la
façon dont on peut utiliser notre système de bourses au
Québec pour corriger ces situations? Nous envisageons des mesures dans
notre programme de réforme, comme par exemple que nos bourses soient
données à des équipes "performantes" de sorte que les
étudiants
seront dans un milieu de formation et d'encadrement qui pourront voir.
Nous pensons à mettre des mesures beaucoup plus incitatives et utiliser
notre programme de bourses en combinaison avec notre programme d'équipe
pour, si vous voulez, créer les incitatifs et le milieu pour s'attaquer
à ce problème du temps.
Je vais passer la parole à M. Boisvert qui, peut-être,
pourrait ajouter quelques commentaires.
M. Boisvert (Maurice): Je voudrais ajouter, madame, que,
malgré les efforts que peut faire FCAR pour atténuer ce
problème des abandons par les actions que nous prenons actuellement au
sujet des bourses, je ne crois pas que nous puissions résoudre ce
problème de façon complète par nos actions sur les
bourses.
Le problème des abandons est mal connu parce que mal
étudié dans notre système universitaire. Les
universités commencent à peine à étudier les
abandons et les causes, aussi bien au niveau des études de 2e et 3e
cycles qu'au niveau du 1er cycle. De toute façon, tes mesures que nous
proposons, qui, encore une fois, selon la remarque initiale de la
présidente au début de cette présentation, consiste
à nous ajuster à ce qui se fait généralement au
Canada, dans d'autres provinces, et dans des États américains au
point de vue bourse, va remédier de façon partielle seulement
à la situation des abandons,
Mme Blackburn: Peut-être, juste en complément de
cette première question. Est-ce que vous avez des données sur
l'origine socio-économique des jeunes qui abandonnent, qui ont tendance
davantage à ne pas poursuivre leurs études? Non, vous n'avez pas
fait d'étude.
Mme Quérido: Non, puisqu'on n'a pas... Nous, au fonds, ce
sont les universités qui pourraient nous fournir ces données.
Nous, nous n'avons que des données sur nos propres boursiers,
c'est-à-dire sur ceux à qui nous attribuons des bourses. Je ne
pense pas qu'on ait l'origine sociale et économique de ces bourses.
Mme Blackburn: Mme Quérido, vous nous parlez beaucoup dans
votre mémoire de développement sélectif, de concentration
des ressources. Quoique je le retrouve aux pages 9, 10 et 14 - à 14 cela
me semble un petit peu plus clair - mais j'aimerais quand même que vous
nous précisiez votre pensée, à la fois sur le rôle
de la recherche dans les universités en régions et la
nécessité de maintenir les 2e et 3e cycles, de façon un
peu plus ramassée.
Mme Quérido: Je sais qu'à plusieurs reprises au
cours de ces assises, on a discuté de ce problème du rôle
de la recherche dans les universités en régions. D'abord, moi,
j'ai peut-être une position plus pragmatique. Vous savez, la recherche
dans les universités en régions, elle existe déjà.
Il y a même, dans chacune des universités régionales, des
centres d'excellence. Donc, je pense que c'est un fait. Il y a aussi dans les
universités en régions certains programmes d'études de 3e
cycle. (16 h 30)
Je pense que la question qu'il faut nous poser, aujourd'hui, c'est:
Comment va-t-on maintenir et développer ces secteurs qui existent
déjà? Je dois vous dire que les défis sont plus grands que
les défis qui sont déjà très grands pour notre
réseau universitaire de maintenir et de développer nos secteurs
d'excellence dans un environnement scientifique beaucoup plus large comme notre
réseau universitaire urbain. Comme je l'ai dit, souvent ces centres
d'excellence qui existent ne reposent que sur un chercheur. On sait qu'il est
extrêmement difficile, au-delà des ressources financières
que l'on peut y mettre, d'attirer des chercheurs de haute compétence
dans des milieux éloignés. C'est un fait au Québec comme
dans toutes les autres situations. C'est également difficile dans les
régions d'attirer des étudiants de 2e et de 3e cycles. Et, cela
reste là le défi. Bien sûr, il y a la population locale
régionale qui participe à ces programmes, mais il faut aussi que
des étudiants externes viennent pour qu'il y ait la masse critique. Je
pense qu'on les a maintenant, il reste à savoir comment on va les
maintenir et comment on va les développer.
L'autre question plus fondamentale se pose pour tout notre
réseau: Quels autres types de domaines d'excellence pouvons-nous
développer à l'heure actuelle dans les régions et dans
notre système étant donné ces exigences qu'a la recherche
et étant donné les coûts énormes de
développement des secteurs d'excellence?
Mme Blackburn: À la page 12 de votre mémoire, vous
dites que le leadership des directions des universités devrait se
traduire par un certain nombre de mesures et vous parlez de la modulation des
tâches. On a entendu affirmer ici, tant de la part des étudiants
que des professeurs, qu'il y avait un rapport étroit entre la
qualité de l'enseignement d'un professeur et le fait qu'il s'adonnait
à la recherche. Alors, l'idée qu'on puisse moduler les
tâches de manière qu'il y ait des professeurs qui enseignent un
peu plus et d'autres qui cherchent un peu plus, d'après les professeurs
qu'on a entendus et les étudiants - je le rappelle et je trouve que
c'est important - ils estiment qu'on ne peut pas en faire une
généralité et que déjà la tâche des
professeurs - on le sait - est en
partie modulée parce qu'il y en a qui, à cause d'une
subvention spéciale, s'adonnent davantage à la recherche pour un
temps ou ensuite ou encore à l'administration. Il faudrait
peut-être me préciser votre pensée sur cela afin que je
puisse voir où elle se situe par rapport à ce qu'on a entendu
depuis le début de ces travaux?
Mme Quérido: Ce qu'on a à dire - je laisserai aussi
la parole a mes collègues sur cette question - quand on parle de
modulation de tâches, on ne préconise pas, par exemple, une
spécialisation outrée du corps professoral où on aurait
des professeurs de 1er cycle et des professeurs de 2e et de 3e cycles qui
seraient des professeurs de recherche comme dans certains systèmes
universitaires. On ne préconise pas non plus une modulation de
carrière en termes de répartition. Dans la vie d'un professeur
universitaire, il y a des temps forts de recherche, il y a des temps plus forts
d'enseignement. C'est de varier selon les exigences et les investissements
qu'il met dans un poids plus lourd du côté de l'enseignement ou un
poids plus lourd du cûté de la recherche. Donc, c'est tenir compte
des variations des temps de carrière et des investissements d'un
professeur pour adapter sa tâche, soit à l'enseignement, soit
à la recherche. Mais au-delà de cela, il est évident que
dans l'ensemble de notre système universitaire, à l'heure
actuelle, il y a quand même une proportion importante de professeurs qui
sont peu actifs en recherche et ceux-là pourraient en termes
d'organisation totale des ressources humaines d'une université avoir des
tâches plus importantes d'enseignement. Donc, c'est une modulation de la
tâche, une répartition de la tâche en termes de
système, cela ne veut pas dire nécessairement en termes
d'intensité. Je ne sais s'il y a quelques-uns de mes collègues
qui, sur cette question fort discutée... parce qu'il y a toutes sortes
d'aspects à la fois syndical et... reconnus. Une chose est certaine,
c'est qu'il faut qu'on évalue mieux dans la tâche d'un professeur
le temps consacré à la formation et à la recherche dans
nos politiques universitaires de définition de tâches
professorales. Ceci n'est pas toujours fait d'une façon très
systématique dans l'ensemble de nos universités. Le temps de
formation des 2e et 3e cycles est mal évalué dans notre
système universitaire en tant que tâche professorale. Dans
certaines universités, c'est crédité comme activité
de formation; dans d'autres universités, cette tâche
n'apparaît même pas en termes de crédit professoral. Il y a
là un travail à faire. Je ne sais pas si...
M. Boisvert: C'est que, actuellement, madame, on fait la
modulation de tâches dans certains départements où
l'activité de recherche est intense et où les professeurs sont
convaincus de la valeur de cette recherche et où on a réussi
à quantifier l'encadrement des étudiants des 2e et 3e cycles. On
en tient compte au moment de distribuer les tâches aux professeurs du
département. Ce ne sont pas cependant les conditions qui
prévalent de façon générale dans tous les
départements de l'université à cause de l'intensité
de la recherche qui est plus ou moins forte dans l'un ou l'autre de ces
départements. Ce ne sont pas des politiques institutionnelles. Alors il
faudrait commencer par une comptabilisation exacte de ce que
représentent les activités de 2e et de 3e cycles et l'encadrement
des étudiants, en tenir compte au moment de la location des tâches
à chacun des professeurs, ce qui modulerait la tâche
d'enseignement de premier cycle d'un professeur qui se trouve très actif
en recherche, qui dirige plusieurs étudiants au doctorat et qui,
parfois, peut être le directeur d'un centre de recherche et le pivot de
ce noyau. Il pourrait justifier une réduction à zéro de
son enseignement de premier cycle pendant une certaine période, alors
qu'il est très actif et le pivot de la recherche dans un secteur
donné.
Mme Blackburn: Je voudrais une réponse brève parce
que tantôt, on va me donner des coups de pied en dessous de la table.
Vous comprendrez que toute cette question de la modulation de la tâche
est très liée à la question de l'augmentation de la
tâche, celle proposée dans un rapport qu'on nous invite à
ne plus nommer mais auquel on a fait référence tout à
l'heure. Le calcul semble simple. Vous augmentez la tâche de 50 % et vous
faites une économie égale. La question que je me pose est la
suivante: Est-ce possible? Est-ce envisageable? Car on attache beaucoup la
question de la modulation ou de la spécialisation à cette
capacité de doubler la tâche. Petite réaction.
Mme Quérido: Je vais laisser l'un des professeurs actifs
à l'université répondre à cette question.
M. Léonard (Jacques): Je pense que ce que nous avons
comptabilisé dans le rapport auquel on fait allusion ici, c'est une
partie de la tâche des professeurs d'université. Je viens d'un
département où effectivement la modulation se pratique depuis de
nombreuses années. Ceci ne veut pas dire une compartimentation ou une
exclusivité d'une certaine activité universitaire par certaines
personnes tout au long de leur carrière. Comme le disait tout à
l'heure notre présidente, la situation de quelqu'un dont la
carrière universitaire évolue et la partie enseignement comme
tel, celle que l'on peut comptabiliser et qu'on retrouve dans
certaines conventions collectives de professeurs d'universités,
c'est celle-là que l'on retient avant tout. Bien souvent, la formation
de chercheur et toute la contribution que peuvent apporter les membres du corps
professoral à l'administration de l'institution, ceci n'apparaît
nulle part. Il faudrait essayer d'obtenir une concertation de la part des
principaux intervenants, soit les syndicats de professeurs, les institutions et
même le ministère, afin de reconnaître le principe d'une
modulation de la tâche non pas basé sur l'exclusivité d'une
certaine pratique, mais sur une certaine intensité d'une partie de la
tâche universitaire par rapport à d'autres. Une fois reconnu ce
principe, que l'on agisse en conséquence.
Mme Blackburn: Tout à l'heure, la députée de
Jacques-Cartier vous a un peu amené sur ce terrain de la concertation et
de ce que j'appellerais la restructuration des organismes subventionnaires et
recherche. Il y a une recommandation qui propose de créer deux grands
organismes subventionnaires, un sur la recherche fondamentale et la recherche
appliquée et un sur la recherche et le développement, parce que
je dois comprendre de ce rapport que, généralement, on attache
recherche et développement davantage à
l'industrie-université ou l'industrie-collège. Je voudrais
brièvement avoir votre réaction sur l'existence de deux grands
organismes subventionnaires.
Mme Quérido: Le problème de regrouper sous un seul
organisme subventionnaire la recherche fondamentale à partir des
différents organismes, je pense que j'ai déjà un peu
répondu à cela. Maintenant, quant a la répartition entre
ce ou ces organismes de recherche fondamentale et l'autre, recherche et
développement, il m'apparaît - ça aussi on le souligne
à la fin du mémoire - qu'il serait important dans cette
dichotomie de la recherche appliquée, la recherche et le
développement et la recherche fondamentale, que la mission universitaire
de cette recherche soit sous l'égide du même organisme.
Il m'apparaîtrait dangereux, en tout cas difficile que certains
aspects concernant l'université et ses ressources humaines soient
départis du ministère responsable de l'enseignement
supérieur pour appartenir à un ministère à vocation
économique. Donc, dans ce départage des responsabilités,
toute la mission universitaire et tout ce qui touche l'université et les
ressources humaines de l'université, étudiants et professeurs,
cela devrait rester sous la responsabilité du ministère de
l'Enseignement supérieur.
Mme Blackburn: Donc, cela ne relèverait pas du commerce
extérieur et du développement technologique. Une formule a
été proposée par les organismes subventionnaires
fédéraux qu'on appelle le "pairage". Vous n'avez pas
envisagé une telle éventualité dans le cas de votre fonds
pour distribuer les subventions?
Mme Quérido: Je pense que c'est une préoccupation,
mais c'est une préoccupation actuelle et non pas, je dirais, une
tradition de notre fonds qui est d'abord un fonds de recherche fondamentale et
appliquée, de recherche libre. Cependant, nous avons des programmes.
Nous avons déjà un programme qui pourrait nous permettre de
diversifier nos ressources, qui est le programme d'action stratégique,
d'action thématique, recherche et action concertées.
À l'heure actuelle, les seuls partenaires, si je peux dire, de ce
programme conjoint sont les ministères. Mais nous envisageons d'attirer,
si vous voulez, ou de voir comment nous pourrions développer ce type
d'actions à l'intérieur de ce programme mais avec l'industrie, et
diversifier. Mais je dois vous dire que, pour notre organisme, c'est une
préoccupation tout à fait nouvelle, puisqu'elle ne s'était
pas insérée jusqu'à maintenant dans ses mandats et ses
programmes.
Le Président (M. Thérien): J'imagine qu'il y a
consensus pour qu'il y ait une question du député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Sans privilège. Il nous reste du temps pour
notre formation politique.
Le Président (M. Thérien): Je voulais juste faire
remarquer, M. le député...
M. Ryan: II leur reste du temps effectivement. (16 h 45)
M. Gendron: Oui, il nous reste effectivement du temps.
Le Président (M. Thérien): II vous reste une
minute, plus cinq minutes.
Mme Blackburn: C'est-à-dire que je prendrai une minute
pour la fin mais on laisse cinq minutes pour la question, M. le
Président. Voila! Elles vont se répartir et j'accepte...
M. Ryan: On va vous laisser cinq minutes quand même mais on
voulait faire le compte juste avant parce que, connaissant votre
habileté, on sentait le besoin de bien vous entourer!
Le Président (M. Thérien): M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: II est donc gentil, mon... Un commentaire parce qu'en
cinq minutes on n'a pas le temps de faire des débats de fond.
M. Ryan: D'ailleurs, il n'y aucune difficulté. Depuis le
début de la journée, il parle souvent dans notre sens.
Le Président (M. Thérien): Disons que, pour
conserver les six minutes, j'inviterais les autres parlementaires à
donner la parole a M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. À partir du moment où vous n'avez
pas voulu faire comparaître M. Gobeil, on est obligé d'aller dans
le même sens. Ce qui nous fatigue, c'est le rapport Gobeil.
Le Président (M. Thérien): M. le
député d'Abitibi-Ouest, je vous demanderais de...
M. Gendron: Un commentaire général. Je pense
qu'effectivement on doit vous remercier très sincèrement, parce
que, lorsqu'on connaît l'importance de la recherche dans le monde
universitaire, un organisme comme le vôtre devait, je pense, venir nous
donner son point de vue et il est passablement éclairant. Vous
mentionnez à la fin de votre mémoire que, de vos
éléments les plus importants - vous avez appelé cela
"l'urgence d'agir" - c'est la nécessité d'un nouveau leadership
de même que la mise en place d'une plus grande concertation. La question
bien précise que je veux vous poser, c'est: À partir du moment
où on conviendrait tous que l'État doit effectivement faire un
effort additionnel au niveau des ressources financières... Je pense que
c'est un consensus qui se dégage et je suis loin d'être convaincu
qu'on va avoir besoin de tenir une commission parlementaire - sur cet aspect,
j'entends - pour dégager le consensus. Si on veut que l'éducation
soit davantage un investissement qu'autre chose, c'est sûr que cela va
prendre des ressources additionnelles. Il va falloir non seulement le dire mais
surtout le faire. Dans l'urgence d'agir, la question que je veux poser, c'est
la suivante: Demain matin, on fait l'hypothèse que de l'argent
additionnel doit être versé d'une façon plus substantielle.
Je le verse globalement, par exemple, dans la problématique qu'on a
étudiée sur les difficultés du financement universitaire.
C'est quoi, à votre avis, la proportion assez précise qui devrait
être affectée - je vais l'appeler ainsi - au fonds
général du financement universitaire, par rapport à la
recherche universitaire? Est-ce que cela serait dans des proportions de 50-50
ou de 20-80? Quel est votre point de vue à titre d'organisme de
chercheurs?
Mme Quérido: Dans la recherche universitaire, il faut
considérer plusieurs niveaux. Si vous parlez de financement direct de la
recherche, tes organismes subventionnaires, c'est un aspect. Mais on a aussi
souligné d'autres aspects. Il faudrait investir dans l'équipement
scientifique de nos universités. C'est un type d'investissement qui va
demander peut-être, même si on n'est pas encore arrivé
à comptabiliser les besoins d'équipements... Il y a des groupes
gouvernementaux et universitaires qui y travaillent. Là, il y aura
besoin d'une action et d'un investissement majeurs.
Dans le fond, le financement global des universités, étant
donné la structure de ce financement de base des universités, se
trouve à financer aussi la recherche et la formation de chercheurs.
Donc, ces trois catégories de financement finalement touchent le
financement direct de la recherche. On avait déjà
mentionné dans d'autres avis qu'en fonction du manque à gagner
général des universités, cela demanderait un
investissement de 100 000 000 $ à court terme. Dans le financement des
équipements scientifiques, il m'apparaîtrait difficile d'avancer
un chiffre à l'heure actuelle, tant que ces études fort complexes
que l'on fait ne sont pas terminées. On sait que c'est majeur, que cela
peut être substantiel, mais il paraît que personne ne peut
déterminer exactement le chiffre de cet investissement. En ce qui a
trait à notre propre organisme, nous nous apprêtons à
déterminer, dans le cadre du plan, les besoins financiers à court
terme qui devraient y être inclus.
M. Gendron: À vous une autre et à M. Boisvert
peut-être une autre sur ce qu'il a évoqué tantôt.
Vous avez évoqué à plusieurs reprises, Mme la
présidente, la nécessité d'un nouveau leadership. Cela est
exprimé assez souvent dans votre mémoire, à moins que
j'aie mal saisi ou mal lu. J'ai de la difficulté, par exemple, à
saisir de façon très précise quel leader devrait exercer
le nouveau leadership. Il n'est pas tout d'en parler, à un moment
donné, il faut que ce soit assez présent dans l'esprit de ceux
qui prétendent qu'on corrigerait beaucoup dans l'action universitaire
s'il y avait un nouveau leadership d'exercé. Est-ce que vous en
attribuez la responsabilité davantage à l'État
québécois, aux universités, aux chercheurs? J'aimerais
savoir qui, très précisément, d'après vous, devrait
exercer davantage de leadership dans ce qu'on a à discuter.
Je veux poser une question à M. Léonard sur l'autre volet.
Je voudrais qu'il revienne un peu. Il y a quand même beaucoup de
professeurs universitaires, de cadres universitaires ou d'universités
qui ont la prétention que, dans l'encadrement de la tâche des
professeurs universitaires, il faut voir là, non seulement des temps
d'enseigne-
ment, mais des temps de préparation, de soutien, d'apport
administratif - vous avez appelé cela comme cela - à la gestion
même de la boîte et, bien sûr, des temps de recherche. Sur le
plan théorique, tout le monde est capable de vivre avec cela. Dans le
concret, je n'ai pas d'expérience comme professeur universitaire mais
j'en ai une petite de dix années dans l'enseignement primaire et
secondaire. Je ne suis pas sûr que, même si nous portions tous
l'étiquette de professeur et que chacun dût s'acquitter le mieux
possible de sa responsabilité, on aurait la même capacité
de faire ce qu'on appelle notre charge d'enseignement qui déborde
strictement nos temps d'enseignement. En termes clairs, je doute
énormément que, dans le monde d'aujourd'hui, sans porter de
jugement sur les personnes, elles ont toutes ou à peu près la
capacité de développer cette dimension de chercheur à
l'intérieur du système universitaire, qui est plus requise.
Pourquoi pas alors, et c'est là ma question précise
à un professeur qui connaît le milieu, continuer à avoir
cette prétention qu'on ne peut pas baser des responsabilités
exclusives? Il me semble qu'on serait plus en mesure de faire des
évaluations et d'offrir plus à ceux qui ont, d'une part, le
vouloir de faire de la recherche universitaire, probablement les
antécédents et la capacité, si on s'entendait pour dire
que la recherche universitaire, même sur le plan théorique de la
fonction, surtout aux 2e et 3e cycles universitaire, c'est une mission qui
appartient au professorat mais beaucoup plus sur le plan théorique que
dans les faits. Comment pourrait-on contrer cela et s'assurer qu'il y a des
professeurs universitaires qui ne font que de la recherche universitaire, et ce
sont ceux qui en feraient moins, même si aujourd'hui ils peuvent
prétendre qu'ils en font sans en faire - vous comprenez? - qui
pourraient, dans leur tâche, dégager du temps ou de l'argent pour
que ceux qui ont à la faire l'assument mieux.
Mme Quérido: Vous pouvez peut-être répondre
à la question.
M. Léonard: Je peux répondre immédiatement
à ceci. Quand on engage quelqu'un pour le corps professoral dans une
université, on demande à ces personnes de faire à la fois
de la recherche et de l'enseignement. C'est assez particulier parce que vous
avez des centres de recherche où on demande aux gens tout simplement de
faire de la recherche. Il y a aussi des institutions d'enseignement où
on demande aux gens de ne faire que de l'enseignement. Mais le milieu
universitaire a ceci de particulier qu'on leur demande de faire à la
fois de la recherche et de l'enseignement. De plus, avec le temps, d'ailleurs
quand on a des conseils à donner aux jeunes personnes qui entrent dans
le corps professoral, c'est de ne pas se laisser prendre
prématurément par des tâches administratives. Parfois, on
engage des gens qui sont un peu entrepreneurs et il faut les retenir un peu de
ne pas trop se lancer dans cette voie-là. Il reste qu'essentiellement,
quand on engage des gens pour le corps professoral, on leur demande de faire
à la fois de la recherche et de l'enseignement.
Avec toutes les tâches qui nous tombent dessus au niveau
universitaire, cela devient fatigant de faire de la recherche, parce que,
essentiellement, quand vous faites de la recherche, cela veut dire vous tenir
en avant des autres. Chez certaines personnes, les tâches
supplémentaires aidant, la fatigue aidant, effectivement au cours de
leur carrière, on s'aperçoit - d'ailleurs, des statistiques ont
été établies là-dessus -qu'avec l'âge, le
nombre de personnes qui font de la recherche diminue. C'est là
l'avantage d'une modulation de tâches qui n'est pas coulée dans le
ciment. Â un moment donné, on peut demander à quelqu'un qui
se désintéresse de la recherche, qui demeure quelqu'un
d'extrêmement compétent, d'apporter davantage au niveau de
l'enseignement ou encore de certaines tâches administratives. C'est ainsi
qu'il faut voir l'ensemble de la carrière universitaire et la modulation
de tâches dont il est question. Personnellement, je n'aime pas voir
apparaître dans une convention collective des professeurs les fatales six
heures d'enseignement qui sont gelées là, alors qu'à
côté, on ne reconnaît aucunement toutes les autres
tâches de l'enseignant.
Mme Quérido: Votre question sur le leadership.
M. Gendron: ...un autre leader.
Mme Quérido: Je pense que cela ressort également
dans le texte parce qu'un nouveau leadership, je dirais, de la part du
gouvernement, dans la concrétisation, dans ses politiques de financement
des universités, des priorités que se donne le système.
Mais surtout il est question aussi dans le mémoire d'un nouveau
leadership des administrations universitaires, de nos responsables
universitaires qui, au sein de leur institution, définissent avec plus
de rigueur et d'efficacité que par le passé le cadre de
développement de la recherche, les critères et les mesures
nécessaires qui assurent le développement.
On a parlé de plusieurs aspects qui retardent le
développement de la recherche. On a parlé de celui de la
modulation des tâches, on a parlé d'absence de critères
très explicites d'accréditation des professeurs. On a
parlé d'un ensemble de mesures. Je pense
que les institutions et les administrations doivent voir à ce
qu'effectivement la recherche et les étude9 graduées aient une
place bien structurée dans les universités. C'est eux aussi qui
doivent voir par une politique, parce que c'est eux qui font le choix, à
développer des secteurs d'excellence, à faire des choix, au sein
de leurs universités, de concentration des ressources dans des secteurs
plus excellents,
C'est à eux aussi, aux universitaires, que revient le choix de
mieux se concerter pour ne pas développer tous la même chose, mais
pour mieux répartir les forces. Je pense en somme que nous, comme disait
M. Boisvert, on peut amener des incitatifs, on peut être un levier
important, on peut leur donner des mesures, mais il reste que sans ce
leadership des institutions, les organismes subventionnaires ne peuvent pas
répondre ou corriger des situations. Elles peuvent financer, elles
peuvent aider, mais elles ne peuvent pas corriger seules certaines
situations.
Le Président (M. Thérien): J'inviterais donc Mme la
députée de Chicoutimi à faire une conclusion très
brève.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mme Quérido,
M. Boisvert, Mme Gendron, M. Lallier et M. Léonard, je voudrais vous
remercier de votre participation à cette commission parlementaire. La
contribution que vous avez apportée aux travaux de cette commission nous
sera certainement très précieuse. J'espère qu'elle le
sera, à tout le moins, pour le ministre lorsqu'il aura à prendre
des décisions touchant les orientations et le financement des
universités, c'est-à-dire la recherche et l'enseignement.
J'ai été particulièrement touchée, j'allais
dire, par votre préoccupation, particulièrement exprimée
par M. Boisvert, à savoir qu'il fallait trouver des moyens pour contrer,
pour réduire le taux d'abandon des études des deuxième et
troisième cycles. Sans qu'on puisse considérer que le fait
d'abandonner après une année ou deux ans dans le cas du
troisième cycle, soit une perte complète, on peut estimer que
cela n'est pas terminé et qu'on a intérêt au Québec,
d'abord, à mieux cerner les causes des abandons, de la durée des
études et à mettre en place les mécanismes qui nous
permettront dans ces domaines, sur cette question, d'être plus
performants.
Mesdames, messieurs, je vous remercie.
Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, Mme la
députée de Chicoutimi. Je donne maintenant la parole à M.
le ministre et député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je me dispenserai de poser des
questions à ce moment-ci, parce qu'il y a des députés qui
ont des rendez-vous dans leurs circonscriptions respectives. À mesure
que nous approchons de la fin de semaine, les devoirs de base nous sollicitent
de manière plus pressante.
Je voudrais vous remercier de la collaboration que vous apportez
à la recherche qui a été confiée à la
commission. Je pense que certains problèmes ont été
posés. On va continuer de les examiner avec beaucoup d'attention. La
question qui nous préoccupe le plus là-dedans, c'est la suivante:
Comment distribuer les ressources disponibles pour la recherche de
manière qu'elle produise les résultats les plus
élevés?II y a un dilemme considérable qui se
pose. Est-ce qu'on va répandre de manière horizontale ou si on va
travailler davantage en vertical, en profondeur. Il y a certains jalons dans
votre mémoire. Ce n'est pas facile de trancher ces choses-là au
couteau, mais je pense que le Québec devra faire face à des choix
qui sont exigeants. On ne peut pas tout faire, on l'a dit dès le
début des travaux de la commission. On ne peut pas vous faire dire plus
que vous n'en avez dit aujourd'hui. Les choses sont là. Comme on dit:
Celui qui veut lire peut comprendre. On essaiera d'obtenir des
précisions utiles en temps et lieu.
Je voudrais souligner peut-être, en terminant, qu'un travail
d'évaluation important est en cours au sujet de la mission du Fonds
FCAR. De votre côté, vous préparez un plan triennal que
nous recevrons avec beaucoup d'intérêt dès qu'il sera
prêt. J'en ai vu des petites indications ici ou là dans votre
mémoire. De l'autre côté aussi, je pense que l'Opposition
en est informée, mais au cas où elle ne le serait point,
peut-être que cela vaut la peine de le rappeler. Nous avons
demandé au Conseil des universités une évaluation sur le
Fonds FCAR. Nous voulions avoir une opinion indépendante en plus des
suggestions que le Fonds FCAR peut être intéressé à
nous communiquer. Nous avons demandé au Conseil des universités
de procéder à un travail d'évaluation qui est en cours
maintenant et dont le rapport devrait nous être livré d'ici le
printemps.
Parallèlement nous recevrons le plan triennal conçu par
les dirigeants du Fonds FCAR qui est, à sa manière aussi, un
exercice d'évaluation parce qu'on prépare les projets d'action
pour le prochain triennat en partant un jugement sur ce qu'on a fait
jusque-là. Je pense qu'on aura des éléments très
intéressants pour peut-être définir avec plus de
précision la contribution attendue du Fonds FCAR au cours des prochaines
années. Jusqu'à maintenant il s'est fait déjà
beaucoup.
Mme la présidente, vous avez souligné, non sans raison, la
déception que les
responsables du Fonds FCAR ont éprouvée devant le gel des
ressources attribuées au Fonds FCAR à même le budget du
gouvernement pour la présente année. Cela aurait pu être
pire étant donné le contexte général où nous
évoluions. Je me dispense d'évaluer le contexte plus large dont
nous héritions. Soyez assurés que l'intérêt du
gouvernement pour la recherche demeure très grand. Nous nous rendons
compte qu'il n'y aura pas de travail universitaire de qualité s'il n'y a
pas un travail de recherche très développé. Une des
leçons que nous pouvons retenir de toute la journée et
peut-être même de la semaine, c'est qu'on ne peut pas trancher au
couteau les choses, certaines modulations de travail qui s'imposent de par la
nature même des choses à l'échelon des départements,
des services spécialisés. On ne peut pas concevoir de plans
d'ensemble disant: Bien là il y en a un groupe qui s'adonnera à
la recherche et l'autre à l'enseignement. Il y a des tâcherons de
la parole et il y aura les autres qui travailleront en profondeur. C'est
complètement ridicule de concevoir le travail de cette manière.
Je pense que même au premier cycle, pour que l'enseignement soit
dynamique, il faut qu'il procède d'un travail de recherche fait par des
professeurs aussi. Autrement, je crois que c'est la signification même de
l'université qui est considérablement appauvrie.
C'est une des conclusions que nous pouvons tirer de cette
première semaine qu'il y a un lien vital entre ces deux poumons de
l'activité universitaire et qu'il faut assurer qu'ils puissent se
développer dans une complémentarité créatrice,
c'est-à-dire dans des conditions qui permettent à chaque volet de
donner sa pleine mesure.
Je vous remercie infiniment. Nous aurons plaisir à vous retrouver
avant longtemps sous d'autres cieux.
Le Président (M. Thérien): C'est donc à mon
tour de vous remercier, mesdames et messieurs. La commission ajourne ses
travaux pour les reprendre le mardi 23 septembre, à 10 heures.
(Fin de la séance à 17 h 4)