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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, September 24, 1986 - Vol. 29 N° 18

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission parlementaire de l'éducation, dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, procède actuellement à une consultation générale dans le but d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Avant de débuter ces auditions, pouvez-vous nous dire, M. le secrétaire, s'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il n'y a pas de remplacements, la commission va débuter immédiatement ses travaux. Ce matin, la commission accueille l'Université Concordia. Par la suite, la commission accueillera l'Association des étudiants et étudiantes de l'Université Concordia Inc., ainsi que l'Association des professeurs à temps partiel de l'Université Concordia. À 13 heures, la commission suspendra ses travaux pour les reprendre à 15 heures avec d'autres invités.

Messieurs les représentants de l'Université Concordia, nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'avoir répondu à l'invitation de la commission de l'éducation.

La commission a prévu pour vous entendre une période de temps qui devrait se terminer vers 11 h 30. La première partie sera consacrée à l'exposé de votre sujet, à la lecture ou à la synthèse de votre mémoire, comme vous le voudrez, et le reste du temps sera réparti entre les deux formations politiques à part égale pour un échange entre les membres de la commission et les personnes qui vous accompagnent.

M. Kenniff, qui êtes le représentant et le porte-parole, je vous demanderais de nous présenter les gens qui vous accompagnent et ensuite je donnerai la parole au député de Laviolette qui vient de la demander.

M. Kenniff (Patrick): Merci, M. le Président. À ma gauche, le vice-recteur aux affaires académiques, M. Francis Whyte, à ma droite, le vice-recteur aux services, M. Charles Giguère.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous vous souhaitons la bienvenue.

M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Compte tenu que vous venez de parler de l'heure, je sais que nous recevrons trois organismes de 10 heures à 13 heures.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.

M. Jolivet: Nous n'aurions pas d'objection à dépasser 13 heures dans la mesure où on accorderait un peu plus de temps, dans la largesse que vous avez d'ailleurs, à l'Université Concordia parce que une heure et vingt minutes, c'est serré.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si j'ai parlé de une heure et vingt minutes, c'est que, avant de débuter, j'ai rencontré le porte-parole de l'Université Concordia qui m'a dit qu'il ne lirait pas son mémoire, mais qu'il en ferait un bref résumé. Naturellement, s'il manque 10 ou 15 minutes, je pense bien que, pour aller chercher le renseignement pertinent et la bonne information, on ne se limitera pas à une règle tellement rigide. Je dois rappeler aux membres de cette commission que nous avons des échéanciers à respecter et que, la nature humaine étant ce qu'elle est, il vaut mieux que les membres de cette commission soient en bonne santé et en bonne condition physique et mentale s'ils veulent continuer leurs travaux jusqu'au 14 octobre prochain.

Sur ce, monsieur le porte-parole de l'Université Concordia, nous vous écoutons.

Université Concordia

M. Kenniff: Merci, M. le Président. J'essaierai de respecter les consignes de synthèse. Vous avez reçu le mémoire de l'université. Je n'ai pas l'intention de vous en faire la lecture, mais plutôt d'en faire un bref résumé, en ajoutant un certain nombre de commentaires au passage.

La semaine dernière, au début de vos travaux, vous avez eu l'occasion d'entendre la Conférence des recteurs et le Conseil des universités qui vous ont, je pense, démontré dans quelle situation de sous-financement se trouve le réseau universitaire québécois par rapport aux autres provinces canadiennes, notamment l'Ontario où la commission Bovey,

il y a un peu plus d'un an, avait pourtant identifié cette province comme étant la moins généreuse parmi les provinces du Canada.

Vous allez entendre aujourd'hui une présentation de l'Université Concordia qui vient ici pour vous exposer que, dans ce paysage plutôt triste qui est celui du financement des universités québécoises, l'Université Concordia constitue l'arbre le plus dégarni.

Les cinq dernières années ont été marquées par des compressions, des prélèvements et des modifications annuelles des règles budgétaires souvent en cours d'exercice, parfois même après la fin de l'exercice, autant de mesures et de politiques antiplanification et anticoncertation. On nous a invités, par un certain nombre de politiques, à privilégier le court terme et le calcul comptable. Or, notre université a toujours refusé de sacrifier ses objectifs pédagogiques à des considérations comptables, ses objectifs à long terme à des politiques à courte vue, la qualité de la formation à la course aux clientèles. Ainsi, nous avons payé le prix d'être restés fidèles à l'une de nos missions d'origine, c'est-à-dire de favoriser les études à temps partiel sans céder à la tentation de multiplier les programmes courts.

M. le Président, dans notre mémoire, nous avons consacré une vingtaine de pages à un thème qui, je pense, transcende le cas particulier de l'Université Concordia, c'est le thème de l'importance de l'ensemble du réseau universitaire pour la société québécoise. Je pense qu'il est facile à démontrer que les universités contribuent sur plusieurs plans, non seulement sur le plan économique, mais sur le plan culturel et sur le plan social, à faire du Québec une société développée. C'est à nos risques et périls qu'on sacrifierait ce réseau, qu'on sacrifierait les objectifs de ce réseau pour d'autres politiques qui sont à court terme. Je pense que les dépenses qui sont effectuées dans le réseau universitaire constituent davantage des investissements. Nous avons cherché à démontrer comment cela est vrai et indiqué que nous appuyons les recommandations du Conseil des universités et celles de la Conférence des recteurs voulant que le niveau général de ressources des universités soit augmenté de différentes façons. Et il appartient au gouvernement de déterminer, vu qu'il est le principal bailleur de fonds des universités à l'heure actuelle, comment il entend procéder à l'augmentation de cette enveloppe de ressources.

Cela étant dit, après avoir consacré cette partie importante de notre mémoire è indiquer que le gouvernement se doit, dans l'établissement de ses priorités d'ordre général, de considérer le réseau universitaire comme une priorité très importante, nous avons pensé à examiner la situation particulière de l'Université Concordia, d'abord, sa vocation d'université urbaine issue en 1974 de la fusion de deux institutions beaucoup plus anciennes, l'Université Sir George Williams et le Collège Loyola, université qui, à ses débuts, était essentiellement une institution d'enseignement au 1er cycle, mais qui avait tout de même également des programmes de maîtrise et de doctorat, et de voir comment depuis douze ans l'université s'est développée sur les trois plans de la qualité de l'enseignement, de la recherche et du service â la communauté. Je pense qu'avec une population étudiante de plus de 26 000, avec un éventail de programmes de 1er, de 2e et de 3e cycles, nous avons une université dans tous les sens du terme.

En plus des informations qui sont fournies dans le mémoire et qui tracent l'évolution de l'université sur ces trois plans, je voudrais ajouter à votre intention, ce matin, un certain nombre de renseignements qui sont apparus peut-être un peu plus récemment et qui ne sont pas contenus dans le mémoire. Les étudiants de l'Université de Montréal ont effectué un sondage sur la perception qu'avaient les étudiants de la qualité de la formation qu'ils recevaient dans nos universités. Alors que les manchettes faisaient état du fait que l'Université McGill arrivait au premier rang dans l'appréciation par les étudiants de la qualité de l'enseignement qu'ils recevaient dans cet établissement, il importe de souligner que l'Université Concordia était au second rang, à 0,7 % de l'Université McGill. Je pense que, malgré toutes les difficultés de financement et les ressources que nous n'avons pas eues au cours des ans, cela indique que nous sommes fidèles à ce que plusieurs disent de nous, c'est-à-dire que nous avons fait plus avec beaucoup moins.

Depuis sa fondation, en 1974, l'Université Concordia a toujours occupé le premier rang des universités québécoises pour le taux de diplomation par rapport au nombre de professeurs réguliers. Cette statistique est intéressante. Nous n'avons pas de statistiques précises à l'heure actuelle sur le taux d'abandon des étudiants. Je sais que c'est une question qui préoccupe les membres de la commission, mais le fait que nous soyons au premier rang pour le taux de la diplomation par rapport au nombre de professeurs réguliers nous indique tout de même que le taux d'abandon demeure relativement faible par rapport à d'autres établissements du Québec.

Le troisième point sur la situation présente de Concordia: en dépit des prophéties de malheur de la fin des années soixante-dix, nos inscriptions ont continué de progresser tout au cours des années quatre-vingt, c'est-à-dire de 7,7 % de 1981 à 1985-

1986. Pour ceux qui pensent que l'Université Concordia est toujours une institution d'enseignement de 1er cycle depuis sa fondation, en 1974, le nombre d'inscriptions aux 2e et 3e cycles a progressé de 47 %.

Nous avons également développé la recherche, comme nous l'indiquons dans le mémoire. Depuis notre fondation, on a indiqué que les subventions de recherche de nos professeurs ont passé de 1 300 000 $ en 1974-1975 à 8 800 000 $ en 1985-1986, ce qui est une augmentation considérable. On profite de l'occasion pour commenter la distinction qu'a voulu faire le Conseil des universités, qui finalement est une distinction sans différence entre les universités de recherche et les autres. L'Université Concordia a quand même des centres d'excellence en matière de recherche. En psychologie et en génie mécanique, par exemple, les subventions annuelles de ces départements dépassent celles des mêmes départements à l'Université McGill pourtant reconnue comme la première université au Canada pour les subventions de recherche par professeur régulier. Dans plusieurs autres départements, comme le génie électrique, la chimie, la biologie, les communications, la gestion et les transports, les subventions dépassent largement la moyenne des autres universités du Québec. Nous avons la plus forte concentration de recherche au Québec dans le domaine des sciences appliquées, c'est 37,9 % de notre enveloppe globale et, en sciences humaines, 20,9 % par rapport à environ 9 % pour l'ensemble des universités du Québec.

Si on veut examiner le dossier de l'université au plan de la recherche, on va s'apercevoir qu'on mérite le titre d'université de recherche au même titre que d'autres institutions soeurs au Québec.

Au plan de la présence dans !e milieu, l'Université Concordia est une institution urbaine qui tire 91 % de sa clientèle de la région montréalaise et est très présente dans les domaines de la coopération entre les universités et dans le domaine de la coopération entre les universités, d'une part, et le secteur privé, d'autre part. Je signale -ce qui n'est pas dans le mémoire - entre autres faits, que l'Université Concardia était en 1983 l'instigatrice de la formation du forum entreprises-universités qui réunit à l'échelle canadienne les recteurs d'université et les chefs de direction de plusieurs grandes sociétés.

Mon collègue, le vice-recteur Charles Giguère, a été le premier directeur général du Centre de recherche informatique de Montréal qui est un consortium composé des quatre universités montréalaises et d'un certain nombre de grandes sociétés et qui oeuvre dans le domaine de la recherche en informatique. Les exemples sont multiples où nous avons collaboré avec d'autres universités au plan de la recherche et, également, au plan des programmes de 2e et 3e cycles. Évidemment, nous faisons partie du groupe des universités montréalaises qui ont un doctorat conjoint en administration. Nous sommes en train de mettre sur pied un doctorat conjoint en communications et, fait unique à signaler au Québec, nous avons tout récemment... Nous avions depuis toujours un doctorat en religion et, quand l'Université du Québec à Montréal a voulu créer un tel doctorat également, nous avons offert d'ouvrir notre programme et d'en faire un programme conjoint avec l'UQAM pour éviter la multiplication de ce genre de programme dans la région montréalaise. Encore une fois, on peut dire que notre dossier, dans ce domaine, est très positif.

Le mémoire continue à partir de la page 29 avec une partie beaucoup plus sombre, qui traite de la vocation menacée de l'Université Concordia essentiellement par, faut-il l'admettre, l'insuffisance des ressources.

Depuis sa fondation en 1974, l'Université Concordia a souffert d'un problème constant, chronique et structurel de sous-financement. Il est admis dans toutes les études qui ont été menées, tantôt par le ministère, tantôt par les universités elles-mêmes, que l'Université Concordia se trouvait en queue de peloton par rapport aux universités du Québec. Que l'on modifie les méthodes de calcul, qu'on raffine les paramètres et les variables parmi ce groupe d'universités dont le financement est en deçà de la moyenne au Québec, l'Université Concordia est toujours sur la liste. La liste peut changer selon les méthodes de calcul, mais il y a une constante, c'est que Concordia se trouve toujours sur. la liste.

Je pense que les raisons sont indiquées ou sont tracées, du moins, dans le mémoire. On indique, à partir d'un certain nombre d'études menées tantôt par le ministère, tantôt par le Conseil des universités, que la situation financière de l'Université Concordia mérite un redressement.

On en discute depuis que je suis devenu recteur de l'université en 1984, mais, jusqu'à maintenant, la situation ne s'est pas améliorée. Les calculs varient sur le manque à gagner annuel par rapport à la moyenne du Québec. Le chiffre le plus modéré que j'ai vu était de l'ordre de 8 000 000 $. Le chiffre le plus élevé que nous avons vu, c'était dans l'étude du ministère de 1982 qui indiquait qu'il y avait une différence d'au-delà de 20 000 000 $ sur le plan du financement et cela répété sur une base annuelle.

Je dois souligner aux membres de la commission que chaque année de retard à apporter un correctif à la situation de l'Université Concordia constitue une perte qui ne sera jamais récupérée. Si on veut

regarder d'autres indicateurs et d'autres données, je pense qu'on peut noter que, par rapport aux universités du Québec, entre 1980-1981 et 1984-1985, Concordia a eu le taux de croissance des dépenses le plus faible du réseau, c'est-à-dire 24 % au cours de ces années, mais aussi le taux de croissance des revenus le plus faible, à peine 16 %.

Ce qui est beaucoup plus significatif, c'est que l'écart entre le taux d'augmentation des revenus et celui des dépenses était le plus fort du réseau, 8 % de différence. En d'autres termes, la courbe des revenus est demeurée relativement horizontale, la courbe des dépenses a augmenté et le fossé s'est creusé entre les deux et cela, malgré tous les efforts que nous avons menés pour contenir les dépenses et malgré le fait que l'université jouit d'une réputation bien méritée d'être une institution, comme j'ai dit tout à l'heure, qui administre bien avec très peu de ressources.

Je vous donne quelques statistiques qui ne sont pas contenues dans le mémoire. J'ai des données depuis 1976 là-dessus; elles sont à peu près semblables. Le nombre de professeurs équivalence temps complet par rapport à chaque groupe de 1000 étudiants équivalence temps complet à l'Université Concordia en 1982-1983 était de 44,7, alors que la moyenne du Québec était de 62,3. Pour le personnel non enseignant - toujours par rapport à chaque groupe de 1000 étudiants équivalence temps complet - 77 à l'Université Concordia, 105 pour l'ensemble du Québec. Alors, quand on parle de contenir et de diminuer nos ressources, on part déjà d'une position qui est nettement en deçà de la moyenne au Québec, tant pour le personnel enseignant que pour le personnel non enseignant.

Si on poursuit dans le mémoire, une question très importante que nous avons soulevée était sur te plan des ressources matérielles également - j'ai parlé des ressources humaines - et notamment de l'espace. L'an dernier, par rapport aux normes établies par le ministère de l'Enseignement supérieur, l'Université

Concordia avait un manque de 17 000 mètres carrés net d'espace par rapport à ce qu'elle aurait dû avoir si les normes du gouvernement étaient respectées. L'université est éparpillée dans 71 locaux différents et cela peut donner une idée de ce que l'on appelle à l'Université du Québec l'éparpillement pavillonnaire. On est réparti sur deux campus en deux noyaux séparés par sept kilomètres l'un de l'autre et l'on doit maintenir une navette entre les deux campus pour les étudiants et les professeurs qui doivent voyager, ce qui, évidemment, n'est couvert par aucune subvention. (10 h 30)

Sur la question des espaces, on a souvent demandé au gouvernement de nous permettre de louer des espaces additionnels jusqu'à la norme autorisée par le gouvernement du Québec, sans dépasser la norme, et que le gouvernement finance à 100 %. Depuis quelques années, le gouvernement ne finance qu'à 80 % les nouvelles locations à partir de sa norme, ce qui voudrait dire que l'on serait obligé de couper davantage dans la base de financement si on voulait tout simplement avoir ce à quoi on a droit en vertu des normes gouvernementales. C'est un facteur d'importance et je me permets d'insister là-dessus.

Évidemment, on parle beaucoup des universités en régions, mais je voudrais vous parler de notre université dans la région montréalaise. Une des hypothèques très lourdes qui pèsent sur une université dont le campus principal se trouve au centre-ville de Montréal, c'est le coût des locations. On ne tient pas compte dans les calculs du gouvernement et dans les normes des coûts additionnels causés par la nécessité de louer des locaux au centre-ville de Montréal. Et comme l'Université Concordia a la proportion la plus élevée parmi les universités québécoises de locaux loués, évidemment cela peut être beaucoup plus lourd sur nous que sur d'autres.

Je pourrais ajouter d'autres éléments sur la question des espaces. Je mentionne tout simplement qu'à l'heure actuelle, à la bibliothèque de l'Université Concordia, les espaces sont en deçà de la norme gouvernementale de 33 %. Mais, même lorsque nous aurons réalisé les deux projets de construction de bibliothèques qui sont présentement autorisés, nous serons toujours 5 % sous la norme. Nous avons l'honneur d'être la seule université, je pense, au Canada, dont les rayons de bibliothèque à l'étage supérieur sont suspendus au plafond, parce que le plancher ne peut pas supporter le poids des livres. On dit souvent, chez nous, que si tous les professeurs et les étudiants rapportaient tous les livres qui sont sortis en même temps, l'édifice s'écroulerait. Ce sont des indications du genre de situation que nous vivons quotidiennement.

Sur le plan des frais directs et indirects de la recherche évoqués dans le mémoire, je me permets de résumer cela de la façon suivante. Pour une université dont le budget de base est aussi en deçà de la norme, il est beaucoup plus difficile pour nous d'assumer à même notre budget de base les coûts indirects de la recherche qui ne sont pas, par ailleurs, financés par le gouvernement ou par un organisme subventionnaire. Donc, les perspectives de développer la recherche sont lourdement affectées à l'université par le manque d'espace et par le manque de marge de manoeuvre dans le budget de base.

Nous avons également évoqué - je suis

sûr que c'est un sujet de discussion sur lequel nous allons revenir - la situation déficitaire de l'Université Concordia qui avait un déficit accumulé de l'ordre de 26 000 000 $ au 31 mai 1986. Ce que nous cherchons à démontrer dans le mémoire, c'est que le déficit de l'Université Concordia résulte de cette situation chronique et structurelle de sous-financement que vit l'université depuis plusieurs années. Je vous demande de considérer le déficit accumulé de l'université comme étant une faible représentation des manques à gagner successifs que nous avons eus depuis plusieurs années. C'est pour cette raison que nous avons proposé au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, en mars dernier, un projet de résorption du déficit accumulé que nous proposons de nouveau devant la commission parlementaire et qui équivaudrait, évidemment, à ce que l'université assume sur une période de temps le capital du déficit accumulé et demande au gouvernement d'en assumer les frais d'intérêt. Je pense que c'est une proposition raisonnable compte tenu du fait que, pendant plusieurs années, l'université a eu un manque à gagner annuel que je pourrais chiffrer, si vous le voulez, mais qui est de beaucoup supérieur au déficit accumulé actuel de l'université.

Nous avons, de notre côté, tout mis en oeuvre pour essayer de contenir les dépenses, à part de décréter un état général d'urgence et de demander le congédiement de professeurs et de personnel de soutien et la fermeture de programmes, ce qui aurait un effet extrêmement négatif sur l'université. Une réduction de clientèle entraîne également une réduction de subventions et nous nous engagerions dans ce cas dans une spirale de décroissance accélérée des subventions, ce qui menacerait l'existence même de l'université. Mais, à part cette solution draconienne que l'on doit écarter de prime abord, nous avons tout mis en oeuvre, à partir d'un personnel enseignant et non enseignant déjà nettement en deçà de la moyenne au Québec, pour essayer de contenir les dépenses.

Cette année nous avons enlevé au-delà de 4 000 000 $ du budget des dépenses. Certaines de ces mesures sont d'une nature non récurrente et ne pourront être répétées dans une année ultérieure. Nous avons pensé démontrer par là à cette commission la bonne foi de l'université et son sérieux dans la gestion de ses affaires mais en vous indiquant que l'université espère très fortement que cette commission apportera et recommandera au gouvernement des solutions qui seront adoptées et qui favoriseront le redressement d'une situation qui, dans le cas de l'Université Concordia, a trop duré.

Les recommandations que nous faisons à la fin résument les éléments de solution que nous trouvons un peu partout dans le mémoire, qui consistent évidemment, ce n'est pas sorcier, en une augmentation de l'enveloppe des revenus de l'université, d'une part, et, d'autre part, en une solution apportée à la situation du déficit accumulé de l'université.

Pour faire le parallèle avec d'autres institutions publiques qui ont bénéficié d'une solution semblable l'an dernier, je pense qu'on peut parler d'un premier problème qui est l'hypothèque du passé, le déficit accumulé de l'université, et d'un deuxième problème qui est celui de l'avenir, le redressement des bases de financement. Advenant qu'il soit trop difficile de trouver la formule magique qui redresse toutes les bases de financement, nous avons suggéré dans notre mémoire en 1984 à cette même commission qu'un redressement ponctuel, dans le cas de l'Université Concordia, soit apporté en attendant que la formule magique de redressement des bases de financement soit trouvée. Ces recommandations vont évidemment de pair avec une recommandation très importante qui a été agréée, je pense, par l'ensemble des universités, soit de mettre fin à la période de compressions et de prélèvements qui a eu cours pendant plusieurs années dans le réseau universitaire.

M. le Président, j'espère que je n'ai pas été trop long. J'ai essayé de résumer et d'ajouter des éléments d'information pour l'intelligence de la commission. Mes collègues et moi sommes prêts à répondre à toutes vos questions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Kenniff, nous vous remercions de la clarté de votre exposé. Je veux vous féliciter aussi pour l'effort de rationalisation des dépenses que vous avez fait à l'Université Concordia. Ce n'était peut-être pas un effort volontaire mais forcé. Vous avez quand même fait l'effort et je pense que c'est très louable.

Nous allons maintenant débuter la période d'échanges avec les membres de la commission. Je reconnais le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord m'excuser de mon retard. J'ai été retenu, pendant que M. Kenniff faisait le résumé du mémoire de l'Université Concordia, à une réunion d'un comité ministériel où l'on discutait, nous en sommes toujours convaincus, de choses très importantes. J'étais avec vous par la pensée. J'avais bien hâte de vous rencontrer pour vous dire qu'il m'est toujours agréable de reprendre contact avec l'Université Concordia dont j'ai connu les origines à la fois dans sa composante Sir George Williams et dans sa composante Loyola, deux institutions pour lesquelles j'ai eu très tôt beaucoup de sympathie et avec lesquelles j'ai eu des

relations amicales pendant un nombre d'années que je n'ose point identifier de crainte de vous faire peur.

L'Université Concordia, surtout dans sa composante Sir George Williams, qui a été la composante principale, a joué un rôle énorme dans le développement de l'éducation des adultes au Québec. Elle a été vraiment un fer de lance qui a permis de rendre les études, d'abord de niveau collégial et ensuite de niveau universitaire, accessibles à des personnes qui étaient obligées de travailler pour gagner leur vie. Pendant que dans nos institutions de langue française nous nous en tenions à des critères d'admission rigides qui parquaient des milliers de citoyens dans des situations presque inextricables, du côté de Sir George Williams on avait ouvert des avenues en empruntant ce qu'il y avait de mieux à la tradition de libéralisme américain en matière de démocratisation des études. Les résultats de cette origine nous les trouvons aujourd'hui dans l'Université Concordia qui est une de nos universités très importantes, où la proportion des élèves adultes est sans doute très élevée - je n'ai pas trouvé de chiffres là-dessus dans le mémoire mais je pense que la proportion demeure très élevée - et où, surtout, la flexibilité des programmes offerts aux étudiants demeure la plus grande de toutes les universités québécoises, à ma connaissance. Que l'on ait réussi à servir cet idéal en même temps qu'on ne versait pas dans la prolifération des cours de formation courte, qu'on maintenait l'objectif d'un cheminement académique conduisant vers la conquête d'un diplôme universitaire en bonne et due forme, je pense que c'est une réalisation qu'il y a lieu de signaler au début de cette rencontre.

Dans votre mémoire, M. Kenniff, vous avez souligné les objectifs fondamentaux que nous devons avoir à l'esprit en examinant le problème des universités. Vous avez parlé de la formation initiale, de la formation de 2e et 3e cycle, de la formation continue, de la recherche et aussi de service à la communauté. Je pense que ces cinq pôles résument très bien les attentes que la communauté doit avoir envers l'université et la perception que celle-ci doit avoir d'elle-même et de son rôle au sein de la société. Ces cinq points sont tout à fait acceptables en ce qui me touche et je serai intéressé tantôt à discuter des remarques que vous faites à propos de ces différents points, s\ cela ne prend pas trop de temps.

Vous avez souligné des points et des secteurs dans lesquels Concordia a atteint une excellence qui est très largement reconnue. Dans des domaines comme le génie, l'informatique, la psychologie, la biologie et la chimie, je pense que des réalisations remarquables sont au crédit de Concordia et font l'envie de bien d'autres institutions; je les souligne avec beaucoup de plaisir.

Vous êtes venus ce matin pour nous parler surtout des problèmes de sous-financement des universités en général et, de manière plus particulière, de l'Université Concordia. J'ai bien remarqué les choses que vous avez dites là-dessus, en particulier... Évidemment, on se fait toujours un devoir de citer des propos qu'ont déjà tenus certains membres de la commission en d'autres occasions. Il m'a été donné personnellement de constater à maintes reprises publiquement la situation de sous-financement qui a été faite à l'Université Concordia par la méthode historique que nous avons pratiquée au Québec. À quelques reprises même le gouvernement précédent avait reconnu cette situation, y avait apporté des correctifs partiels et a voulu apporter un correctif plus important en 1984-1985 qui n'a pas pu se réaliser à cause de la résistance que le projet annoncé avait suscité dans les autres institutions et surtout à cause du fait que le redressement que l'on voulait effectuer en faveur de Concordia, on l'eût réalisé en aggravant le problème de sous-financement des autres universités qui avaient également des plaintes à formuler. Le problème est resté là et nous l'avons aujourd'hui, avec les conséquences que vous signalez justement sur la situation du corps professoral, sur la situation des équipements, sur le volume des espaces dont dispose l'université pour s'acquitter de sa mission et enfin sur le bilan même de l'institution, lequel révèle actuellement un déficit de plusieurs millions de dollars. Je pense que c'est de l'ordre de 17 000 000 $ si mes souvenirs sont bons.

M. Kenniff: J'ai dit que c'est de l'ordre de 26 000 000 $ accumulés au 31 mai 1986.

M. Ryan: J'étais à 1985. Je ne sais pas quel a été le déficit pour la dernière année.

Tout cela fait partie du dossier que la commission doit examiner. Je voudrais peut-être vous poser quelques questions qui concernent plus directement le problème du sous-financement parce que c'est le plus grave. Vous dites que la charge d'enseignement, à l'Université Concordia, serait de 17 % supérieure. Est-ce qu'elle est, dans les autres universités du Québec... Il y a un renvoi entre parenthèses. J'ai regardé à la fin du mémoire et je n'ai pas trouvé. Les renvois ne sont pas dans le texte du mémoire que j'ai eu. Est-ce que vous pourriez nous donner la source de cette affirmation et, peut-être, nous fournir des explications là-dessus? Cela porte évidemment sur la charge d'enseignement des professeurs réguliers, je présume. Les chargés de cours sont payés suivant des critères entièrement différents. (10 h 45)

M. Kenniff: Sur la première question, l'origine de ces renseignements, c'est la Conférence des recteurs, et je n'ai pas la page exacte du mémoire où c'est cité. Je ne le trouve pas à l'instant. Les citations se trouvent à la fin de chaque section. C'est possible que la citation se trouve là. De toute façon, c'est la Conférence des recteurs. Si vous me permettez d'ajouter, pour M. le ministre, nous avons fait le calcul en 1985-1986 de la charge moyenne de nos professeurs réguliers, qui s'établit à l'heure actuelle à 5,3 cours par année, c'est-à-dire au-delà de seize crédits. C'est pour cela que nous sommes très à l'aise avec la recommandation du Conseil des universités de ramener la moyenne des universités du Québec à quatre cours par année, de le monter à quatre cours par année. J'ai l'impression que, si, nous, on a 5,3 cours par année, la situation ailleurs doit être différente.

M. Ryan: Je pense...

M. Kenniff: M. te ministre, je m'excuse. Votre deuxième question, je ne l'ai pas entendue. Vous aviez une deuxième question sur les chargés de cours?

M. Ryan: Non, c'était sur la charge d'enseignement des professeurs réguliers. Maintenant, les données du Conseil des universités là-dessus sont assez fragmentaires d'après ce qu'il nous a été donné de constater en causant avec le Conseil des universités. C'est pour cela que nous éprouvons le besoin de pousser cette étude plus loin. Nous allons le faire probablement de manière directe au ministère au cours des prochaines semaines de manière à ne pas laisser s'accumuler davantage de temps sur cette question. Nous aurons l'occasion de reprendre contact avec vous à ce sujet. C'est un point que j'ai noté avec beaucoup d'intérêt et qui répond à une préoccupation qui est assez largement répandue au sein du gouvernement et même dans d'autres milieux.

Au niveau de la formation initiale, au niveau du 1er cycle, est-ce qu'il y a des problèmes particuliers qui se posent à l'Université Concordia actuellement et qu'elle jugerait devoir porter à l'attention de la commission à ce moment-ci?

M. Kenniff: Les problèmes sont considérables. Sur la question de l'enseignement du 1er cycle, je l'ai signalé dans mes remarques d'ouverture, nous sommes quand même assez fiers de reconnaître que nos étudiants semblent presque aussi satisfaits de la qualité de l'enseignement à l'Université Concordia que les étudiants de McGill le sont de leur institution. Cependant, sur la question des difficultés de 1er cycle, ces difficultés, je pense, se traduisent, par exemple, par le ratio professeur-étudiants qui, à l'Université Concordia, professeur régulier-étudiants, est de 1-23 alors que nous avons déploré la semaine dernière, dans cette même commission, un ratio pour l'ensemble du Québec de 1-18 par rapport à la moyenne canadienne de 1-16. Je pense que vous pouvez constater, à ce moment, que l'Université Concordia contribue largement à faire hausser ce ratio pour l'ensemble du Québec.

Cela indique évidemment que nos groupes d'étudiants sont beaucoup plus grands. J'ai donné le chiffre tout à l'heure que par 1000 étudiants équivalence temps complet, en 1982-1983, dernière année à laquelle nous avons calculé ces statistiques, nous avons 44,7 professeurs équivalence temps complet, alors que la moyenne du Québec est de 62,3. Évidemment, cela se reflète dans le ratio professeur-étudiants. Ce que j'essaie de dire par là, c'est que nous avons toujours prétendu depuis la fondation de l'université qu'il n'y avait pas suffisamment de professeurs réguliers à Concordia par rapport à d'autres institutions universitaires. Cela a un effet nuisible sur la qualité de l'enseignement au 1er cycle. Deuxième problème au niveau du 1er cycle, ce serait tes espaces. J'ai parlé d'un déficit par rapport aux normes gouvernementales de 17 000 mètres carrés nets qui existent à l'heure actuelle, je pense, et qui ne sera pas éliminé tout à fait par la construction de nos projets de bibliothèque, la question de la vétusté des équipements de laboratoires, l'absence d'informatique et d'équipement d'informatique. À l'heure actuelle, le nombre de micro-ordinateurs par étudiant étant obligé de faire des travaux sur ordinateur à l'Université Concordia, c'est de 1 à 40 alors que la norme suggérée c'est de 1 à 20. Il y a des problèmes partout, M. le ministre.

M. Ryan: Je voudrais en venir au problème du financement. Il y a trois points sur lesquels j'aimerais vous interroger. Il y a d'abord la formule de financement qui a évidemment produit des résultats inéquitables pour l'Université Concordia. Que proposez-vous pour l'amélioration de cette formule? Quelle formule serait de nature à donner justice à toutes les universités et aussi au gouvernement?

M. Kenniff: M. le Président, en réponse au ministre, vous savez comme moi qu'il y a plusieurs formules et des tentatives de développement de formules depuis quelques années. Je ne prétends pas avoir la formule magique ici, ce matin. Je pense quand même qu'il y a un certain nombre de paramètres. Nous avons toujours prétendu, sourire en coin peut-être, que, si on appliquait à l'Université Concordia la moyenne du Québec de la subvention par tête d'étudiant et par secteur

disciplinaire, par cycle ou sans distinction à l'égard des cycles, une bonne partie des problèmes pour l'avenir serait réglée. Nous avons fait un calcul dans un document que nous avons donné au ministère, l'an dernier. Nous avons indiqué, par exemple, pour l'année 1981-1982, que si nous avions la subvention par étudiant qu'il y avait à l'Université de Montréal cette même année, en appliquant ces chiffres aux secteurs disciplinaires de l'Université Concordia, l'augmentation de notre subvention aurait été, dans cette année, de l'ordre de 16 300 000 $. Alors, ce que nous disons c'est que, d'une part, une formule basée sur le coût par étudiant, comme c'est le cas à l'heure actuelle pour les clientèles additionnelles, appliquée à l'ensemble de la population étudiante apporterait des redressements importants.

Évidemment, il y a toute la question de la formule qui veut qu'on finance sur la base des dépenses nettes, c'est-à-dire qu'on défalque de la subvention gouvernementale tout ce qui est revenu autonome; que ce soient des dons privés pour des fins de fonctionnement, que ce soient des revenus de frais de scolarité. Comme c'est une formule qui n'est pas en usage général dans les autres provinces canadiennes, il faudra s'interroger sur son maintien au Québec. Par ailleurs, la seule conclusion que je peux vous donner par rapport à la formule actuelle, et je la donne avec beaucoup de force, c'est qu'il faut l'éliminer. La base historique ne fait que nuire à l'Université Concordia et, je pense, à plusieurs autres universités du Québec. La formule historique est basée sur une situation qui est devenue de plus en plus irréelle avec le temps et nous souhaitons vivement qu'elle soit remplacée par une nouvelle formule.

M. Whyte (Francis): M. le ministre, je pourrais peut-être ajouter un autre point à cette réponse qui est, dans un sens, vraie pour toutes les universités du Québec. Les universités, ce sont des institutions avec des préoccupations à long terme. Une université ne peut pas se tourner, changer d'objectifs et changer de manière de faire du jour au lendemain. Quand on accepte un étudiant, c'est un engagement de trois ans. Alors, quelle que soit la nature de la formule de financement qui est éventuellement proposée, ce qui est absolument important pour toutes les universités, c'est que cela amène plus de stabilité de financement dans le temps si on veut prévoir les besoins de la société à l'avenir. Pour modifier les programmes et orienter dans la mesure du possible la formation pour atteindre ces objectifs, il faut qu'il y ait suffisamment de stabilisation dans le financement pour que ce soit réalisable.

M. Ryan: Je peux vous assurer que nous avons dans nos cartons actuellement de nombreux éléments d'une formule renouvelée que nous vous soumettrons en temps utile, dès que nous aurons terminé la présente étape. Je pense qu'il faut d'abord terminer le niveau de financement des universités, ensuite on pourra examiner les autres problèmes en collaboration avec les institutions concernées et les autres milieux qui peuvent avoir quelque chose à dire. Soyez assurés que le travail se poursuit au ministère et que nous avons déjà beaucoup de préparation qui est déjà faite à cet égard.

Vous avez parlé du déficit de l'Université Concordia. Je crois qu'il faut en dire un mot. Plusieurs institutions sont venues témoigner devant la commission pour demander que les déficits accumulés par les établissements soient pris en charge par ces derniers et non pas par la collectivité. Dans votre mémoire, vous demandez que ces déficits soient étudiés sur une base de cas particuliers, que chaque cas soit examiné à son mérite et que, le où le déficit aurait été causé par des politiques de sous-financement gouvernemental, une partie devrait être assumée par le gouvernement. Est-ce que vous pourriez nous expliquer davantage votre position sur ce sujet?

M. Kenniff: C'est une question très complexe. Nous n'avons jamais voulu présenter une position qui visait à ce que le gouvernement assume les déficits de tous les établissements, quelles qu'en furent les causes.

Je pense que la position de l'Université Concordia, c'est plutôt d'examiner chaque cas particulier. Nous avons toujours affirmé que nous étions prêts è défendre notre dossier au mérite. Prenons les calculs qui ont été effectués par différents organismes. Le Conseil des universités et le ministère ont des chiffres qui vont entre 8 000 000 $ et 20 000 000 $ de manque à gagner annuel pour une année de base qui était 1981-1982. Ce chiffre a sans doute augmenté depuis ces dernières années; il était inférieur pour les années précédentes. Je ne prétends pas avoir des chiffres scientifiques à un cent près, mais si on calcule grossièrement le manque à gagner annuel de l'Université Concordia depuis sa fondation, en prenant les chiffres les plus conservateurs: 8 X 12 font 96 000 000 $ de déficit accumulé de l'université; cela est l'argent que l'Université Concordia n'a pas eu parce qu'aucun gouvernement n'a voulu changer la formule. De cela, j'enlève 26 000 000 $ qui est le déficit accumulé, il y a toujours un manque de 70 000 000 $. De ces 70 000 000 $, je vais enlever les ajustements ponctuels qui ont été réalisés en 1979, en 1981 et en 1982. Là-dessus, je projette un montant de

6 000 000 $, ce serait un montant récurrent d'environ 30 000 000 $, il me reste toujours 40 000 000 $, j'enlève 5 000 000 $ pour les compressions qu'on aurait dû faire si on avait eu des subventions plus élevées, et j'arrive quand même à environ 30 000 000 $ que l'Université Concordia n'aurait pas eus au 31 mai 1986 parce qu'elle n'est pas financée au même niveau que les autres.

M. le ministre, dans l'ensemble, nous prétendons que le déficit accumulé de l'Université Concordia, c'est la pointe de l'iceberg du sous-financement que nous avons vécu depuis douze ans. Là-dedans, il y a des éléments d'information que je voudrais ajouter pour l'intelligence de la commission sur des circonstances particulières qui ont fait que des déficits ont été créés vraiment hors de notre capacité de les contrôler.

En 1983-1984, dans les règles budgétaires publiées par le ministère, on avait proposé de modifier la base historique de financement. Nous avons établi notre budget en conséquence. Nous avons traversé l'année financière avec les données qui étaient dans les règles budgétaires. Or, dans les règles budgétaires révisées et publiées à la fin de l'année, le gouvernement a décidé d'abandonner l'ajustement de la base créant ainsi un déficit de 4 000 000 $ d'un coup sec.

En 1984-1985, nous avons appliqué la sentence arbitrale qui a décrété les salaires des professeurs dans leur première convention collective. Loin de moi le fait d'argumenter que tes professeurs sont trop payés, un rattrapage important a été effectué par une sentence arbitrale, comme le Code du travail le prévoit, qui permet, dans une première convention collective, que les salaires soient établis par sentence arbitrale. Le syndicat a prétendu, à ce moment-là, devant l'arbitre que la sentence arbitrale serait exécutoire et que le gouvernement financerait le montant quel qu'il soit. La sentence arbitrale a été donnée et le gouvernement n'a pas financé. Par le fait même, nous avons écopé, parce que c'était une sentence arbitrale, à l'impact des lois 70, 105 et 111. C'était un trou récurrent dans le budget de l'université d'au-delà de 4 000 000 $. Comme j'ai dit, je ne prétends pas que c'était excessif à l'endroit des professeurs, je pense qu'ils ont eu justice à ce moment; mais, pour l'université, cela a été une situation totalement hors de notre volonté.

On peut multiplier les exemples comme cela, M. le ministre, pour vous indiquer qu'on a fait une gestion saine. Les chiffres démontrent qu'on a beaucoup moins de ressources que d'autres universités. Le déficit accumulé n'est que le reflet du sous-financement structurel et chronique. Ce n'est que justice que de demander au gouvernement de considérer la question de résorber le déficit en apportant son aide.

(11 heures)

M. Ryan: Seulement un dernier point, il y en aurait beaucoup d'autres évidemment, mais le temps nous fait défaut. Parmi les sources possibles d'un redressement financier, vous parlez d'une hausse des frais de scolarité. Vous dites que vous seriez favorables à une hausse des frais de scolarité qui viserait à porter le niveau des revenus tirés de cette source vers le niveau de la moyenne canadienne. Là, vous énoncez un certain nombre de conditions auxquelles vous seriez disposé à consentir à une mesure comme celle-là. Pourriez-vous préciser votre position là-dessus?

M. Kenniff: Sur la question des frais de scolarité, je pense que le point essentiel qu'on voudrait faire valoir, c'est que l'université demande, comme l'ensemble des universités du Québec, une augmentation de l'enveloppe de ses ressources. Cette enveloppe, à l'heure actuelle, est composée à 85 % et plus de subventions gouvernementales, à 10 %, environ, de frais de scolarité et d'autres sources.

Évidemment, la question de l'augmentation des frais de scolarité, c'est une question qui doit être finalement étudiée et décidée par le gouvernement, parce que c'est lui qui a imposé le gel des frais de scolarité, il y a tout près de vingt ans. Ce que nous disons, c'est que nous ne nous opposons pas à une hausse de frais de scolarité pourvu, premièrement, que cette hausse ne serve pas à réduire davantage l'enveloppe de subventions et donc de faire un bilan zéro pour les universités en cause. Deuxièmement - c'est très important, parce qu'il y a un objectif d'accessibilité comme vous avez dit vous-même, M. le ministre; notre université a toujours été très attachée à l'objectif d'accessibilité et voudrait le demeurer - c'est qu'il faut que l'aide aux étudiants soit améliorée de façon substantielle pour que toute personne qui a les compétences voulues pour faire des études universitaires ne soit pas privée de faire ses études.

Je pense que c'est le coeur de notre position. Mais nous ne nous concentrons pas sur les frais de scolarité comme unique source de revenu. Ce que nous disons, c'est que l'enveloppe globale des ressources doit augmenter et je pense qu'à ce moment il faudrait que le gouvernement considère quel sera le dosage de différentes sources de revenu.

Si vous me permettez une dernière remarque, comme j'ai dit tout à l'heure, c'est important de changer cette formule basée sur les dépenses nettes qui fait que, si on augmente d'un côté, on diminue de l'autre, parce que le résultat de cela, c'est un bilan zéro.

Je pense que c'est une autre formule

de calcul, quitte à donner aux universités une certaine balise pour les frais de scolarité et les frais afférents. Cela permettra aux universités d'avoir plus de marge de manoeuvre et de répondre à l'objectif d'autonomie que vous avez vous-même énoncé, M. le ministre, dans vos remarques d'ouverture la semaine dernière.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Kenniff. Je reconnais maintenant le porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'enseignement supérieure et de sciences, la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président, M. le recteur et messieurs. Cela me fait plaisir de vous voir ici à la commission parlementaire; je ne doutais pas de votre venue, d'ailleurs. Lorsqu'on parle de sous-financement dans les universités, je dois dire qu'on cite souvent le cas de l'Université Concordia. J'allais dire, même si ce n'est pas public, que ça faisait l'unanimité chez vos collègues des autres universités.

Vous nous avez rappelé un certain nombre d'éléments qui nous permettraient d'assurer à la fois la qualité et l'accessibilité du réseau univesitaire du Québec en insistant sur la nécessité de maintenir un haut niveau d'accessibilité en même temps que de qualité si on voulait être en mesure de relever le défi des prochaines années. Je l'interprète peut-être de façon un peu libre, mais ça m'a semblé être ça.

Il y a des questions sur lesquelles j'aurais aimé revenir, mais je vais essayer d'y aller un peu par ordre, je ne veux pas dire d'importance, mais de curiosité et peut-être que j'y reviendrai à la fin. Vous abordez toute la question de la formation initiale et de la formation générale. Je trouve que c'est quelque chose d'important quand on pense à certaines interventions des étudiants. J'aurais voulu avoir un peu d'information là-dessus. Vous parlez un peu d'encadrement. On comprend que vous avez des clientèles diversifiées, donc jeunes et adultes. Vous parlez de charge d'enseignement, et on y reviendra. Si vous permettez, plutôt que de relire votre mémoire par mes lunettes, je vais plutôt essayer de passer directement aux questions pour voir un peu plus vos réactions sur certaines de ces questions.

On va revenir d'abord à l'encadrement. Je voudrais savoir comment vos clientèles se partagent - parce qu'on n'a pas de données là-dessus - entre jeunes et adultes, à temps partiel et à temps complet.

M. Kenniff: Pour l'année universitaire 1984-1985, nous avons, au 1er cycle, 52,5 % dans le groupe d'âge 20-24 ans; 18,4 % dans le groupe de 25 à 29 ans, 8,9 % de 30 à 34 ans et 5,7 % de 35 à 39 ans et les autres... Bon!

Mme Blackburn: Alors donc, cela veut dire environ 48 % de votre clientèle qui est considérée comme étant une clientèle adulte.

M. Kenniff: Oui.

Mme Blackburn: Selon les critères que...

M. Kenniff: Si vous me le permettez, comme M. le ministre l'a souligné, je dirai que nous avons des critères relativement souples d'admission pour un étudiant que l'on qualifie d'adulte et la définition d'adulte, c'est un étudiant qui a quitté ses études depuis plus de 18 mois. Alors c'est relativement souple. Donc, il y a des jeunes qui nous reviennent à l'état adulte, si vous voulez. Le partage entre temps plein et temps partiel, c'est que, pour la première fois en 1985-1986, nous avons eu un peu plus de 50 % d'étudiants à temps plein. Avant, cela a toujours été une majorité d'étudiants à temps partiel. Donc, il y a à peu près 14 000 étudiants à temps complet maintenant et environ 12 000 à temps partiel. Enfin...

Mme Blackburn: J'ai cru lire un peu entre les lignes de votre mémoire que l'encadrement assuré aux étudiants à temps partiel connaissait certaines déficiences, à cause de la variété de vos clientèles. Vous l'abordez en page... Je vais essayer de la retrouver. L'encadrement, en page 9 de votre mémoire. C'est bref, mais j'aurais voulu mieux comprendre. Vous parlez d'encadrement satisfaisant mais de clientèle diversifiée, et ensuite cela revient. À votre avis, est-ce un encadrement satisfaisant et quelle que soit la clientèle à temps plein ou à temps partiel? J'aimerais que vous m'en parliez brièvement.

M. Kenniff: M. le Président, pour Mme la députée de Chicoutimi, je dois dire qu'avec les statistiques que l'on a fournies à la commission sur le nombre de professeurs et le nombre d'employés de soutien que nous avons à l'université on peut qualifier l'encadrement de façon générale de plus léger par rapport à d'autres universités.

Sur la question de la charge d'enseignement au 1er cycle, évidemment, nous avons une proportion très élevée de chargés de cours. Il y a presque autant de chargés de cours qu'il y a de professeurs réguliers, soit environ 700 dans les deux catégories. Donc, une charge d'enseignement qui dépasse le tiers de tous les cours donnés à l'université par des chargés de cours. Quant à ce groupe de chargés de cours, évidemment, on peut prétendre qu'ils sont moins disponibles pour les étudiants que ne serait un professeur régulier qui séjourne sur le campus cinq jours par semaine; cependant, c'est quand même un groupe très diversifié et très riche. Par

exemple, il y a beaucoup de chargés de cours à la Faculté des beaux-arts qui sont des artistes en exercice, si vous voulez; à la Faculté d'administration, il y a beaucoup de gens tirés du milieu des affaires, du secteur privé, qui enseignent un ou deux cours et qui apportent la richesse de leur expérience dans le milieu des affaires à l'enseignement universitaire. Il y en a beaucoup moins dans les domaines scientifiques, sciences pures, sciences appliquées. À la Faculté des arts et des sciences, dans l'enseignement aux études françaises, en anglais, par exemple, il y a un grand nombre de chargés de cours ou des étudiants de 2e et 3e cycles ou des professeurs qui enseignent dans un autre milieu. Mais, ce que je voulais vous dire, c'est que les chargés de cours apportent une contribution importante à l'université, mais cela n'est pas le même encadrement que celui fourni par un professeur régulier.

Mme Blackburn: Pour l'encadrement, de façon générale, les services sont les mêmes chez vous, que l'on soit à temps plein ou à temps partiel.

M. Kenniff: En ce qui a trait à l'administration, cela n'est pas souligné dans notre mémoire, il y a une intégration des programmes pédagogiques. Les étudiants à temps partiel sont traités exactement de la même façon que les étudiants à temps plein et, ce qui est le plus important, l'administration est intégrée. Il n'y a pas une administration séparée pour les étudiants à temps partiel.

Mme Blackburn: Bien. Je voudrais revenir sur la charge d'enseignement et peut-être un peu sur les chargés de cours. Au sujet de la charge d'enseignement, vous nous dites - si je me souviens c'est en page 38 -que la charge d'enseignement à Concordia serait de 17 % supérieure à la moyenne universitaire au Québec et de 11 % plus élevée qu'à l'université la suivant. C'est au centre du paragraphe à la page 38. Ma question est la suivante. Vous connaissez la proposition faite dans le rapport Gobeil, pour ne pas le nommer, visant à augmenter de 50 % la charge d'enseignement des professeurs. Chez vous elle est déjà plus élevée. Cela peut-il nous amener à conclure qu'avec une charge d'enseignement plus élevée vous réussissez à assurer un enseignement de qualité comparable? C'est difficilement évaluable. Le modèle chez vous pourrait, somme toute, sans pénaliser la qualité de l'enseignement dans les universités, s'appliquer un peu partout? Vous dites que vous avez 17 %... C'est un peu plus que cela que recommande le rapport Gobeil, mais quand même!

M. Kenniff: Ce que le rapport Gobeil recommande, c'est d'augmenter la charge d'enseignement de 50 % dans l'ensemble. Si la moyenne est actuellement inférieure à 4, peut-être que 5,3, comme ce l'était chez nous l'an dernier, représenterait à peu près 50 %. Mais, là-dessus, je ne pense pas qu'on puisse considérer que l'Université Concordia constitue nécessairement un modèle idéal sur ce plan. Malgré le fait qu'on ait multiplié par huit les subventions de recherche avec le même personnel depuis 1974, il reste qu'une charge d'enseignement supérieur a pour effet de diminuer le potentiel - je ne dis pas la quantité - de développement de la recherche. Chez nous, la lourde charge d'enseignement a été un facteur.

Deuxièmement, ce sont les espaces qui manquent pour établir des laboratoires de recherche. Nous avons un Centre d'études sur le bâtiment à la Faculté de génie qui est logé dans des locaux loués avec de l'équipement lourd de recherche. Pensez à ce que cela signifie quand on vient pour renégocier un bail avec le propriétaire qui dit: On va augmenter votre loyer; sinon, enlevez votre équipement. Ce sont des problèmes extrêmement difficiles qu'on a à vivre présentement.

À propos de la charge d'enseignement, d'un côté, c'est normal pour nos professeurs de souhaiter une certaine parité avec l'ensemble du réseau du Québec. Nos professeurs souhaitent également avoir la possibilité de faire davantage de recherche. Je pense que c'est légitime qu'ils aspirent à cela. À l'heure actuelle, nous avons établi dans la convention collective qui est en voie de renégociation - c'est pour cela que je surveille mes remarques à ce stade-ci - que la charge de base du professeur est de six cours par année et que, pour avoir une charge de quatre cours par année, le professeur doit démontrer qu'il (ou elle) est productif en recherche, et cette productivité est évaluée par le département. Il y a eu un certain nombre de griefs sur la question et on a été assez rigide sur l'évaluation de la productivité qui doit être clairement démontrée. En ce qui nous concerne, je pense que c'est un modèle qui permet d'évaluer la productivité du professeur en recherche et de le récompenser dans sa charge d'enseignement, dans une certaine mesure, pour favoriser un développement accru de la recherche. Est-ce que c'est le modèle idéal pour tout le monde? Cela, il faudrait y voir. Je ne veux pas porter de jugement sur les conventions collectives des autres universités.

Mme Blackburn: Vous ne nous avez pas parlé - peut-être l'avez-vous fait - du vieillissement du corps professoral chez vous. J'imagine que vous êtes moins affectés en raison de la jeunesse réelle de votre université. J'aimerais un peu parler des

chargés de cours. Il y a de plus en plus de chargés de cours et, dans de plus en plus d'universités, on estime que 50 % de l'enseignement serait donné par des chargés de cours. Par ailleurs, il y a à la fois des étudiants et des professeurs et également des administrateurs qui nous ont dit qu'il y avait un rapport étroit entre la recherche et la qualité de l'enseignement. On sait que les chargés de cours, à quelques exceptions près, ne s'adonnent pas à la recherche, soit qu'ils travaillent à l'extérieur, soit qu'ils ne bénéficient pas des conditions pour en faire. Dans le fond, par rapport aux informations que vous avez données tout à l'heure, je trouve qu'il y a un certain enrichissement à aller chercher des professeurs à l'extérieur du réseau qui ont des expériences de travail variées; cela peut constituer un enrichissement certain. Je pense qu'il ne faudrait pas tomber dans le discours inverse, à savoir qu'il faudrait complètement vider l'université de tout ce monde. Ce serait une fort mauvaise décision. Par ailleurs, est-ce qu'on a essayé d'établir ce qui serait un ratio d'enseignement temps plein - temps partiel qui nous permette de protéger à la fois la qualité et la diversité?

M. Whyte: Je pense que la réalité à laquelle vous vous référez est effectivement une réalité assez complexe. Comme vous l'avez indiqué, c'est un peu difficile de donner des réponses très tranchées sur cette question. Je pourrais répondre à la première partie de votre question. J'ai des statistiques ici pour l'année 1982-1983 où l'âge moyen des professeurs chercheurs du réseau universitaire québécois était de 42,9 ans alors qu'à Concordia, pour la même année, l'âge moyen était de 44,3 ans. (11 h 15)

Sur la question plus générale à propos des chargés de cours, je pense que si on regarde le phénomène de façon extrêmement globale, donc, avec toutes les nuances qu'une telle affirmation comprend, la prolifération des chargés de cours représente effectivement, dans une certaine mesure, un autre indice du sous-financement du réseau entier. Il n'y a aucun doute que le nombre de professeurs réguliers - c'est certainement vrai à Concordia et je ne doute pas que ce soit vrai dans d'autres universités - est insuffisant pour maintenir des ratios professeur-étudiants normalement considérés comme étant indicatif d'un enseignement de qualité. Cependant, je pense qu'il faut beaucoup nuancer cette affirmation. Premièrement, si je prends l'exemple de Concordia, la situation est très différente d'une faculté à une autre, alors que nous avons, en termes de nombre de personnes, légèrement plus... On a à peu près 730 professeurs réguliers alors qu'on a 820 chargés de cours ou professeurs à temps partiel, et le nombre d'heures d'enseignement donné par des chargés de cours est légèrement inférieur à 50 %.

Cependant, dans ce bloc de chargés de cours, vous avez effectivement une proportion de personnes qui apportent un renouvellement à l'enseignement. Ce n'est pas nécessairement un renouvellement par le biais de la recherche, comme c'est compris pour un professeur régulier à l'intérieur, mais c'est un renouvellement parce que cette personne est à l'extérieur. Elle voit des développements dans le secteur privé au sein de sa profession, etc. Donc, son enseignement est renouvelé, si je peux m'exprimer ainsi.

Je pense que le lien extrêmement important qu'on veut faire entre la recherche et la qualité de l'enseignement s'applique, de prime abord, aux professeurs réguliers à l'intérieur de l'institution. Pour eux, qui sont professeurs de carrière, qui enseignent régulièrement, c'est par la recherche qu'on arrive à ce renouvellement de l'enseignement. Les chargés de cours peuvent atteindre cela d'autres façons. II faut cependant admettre qu'il y a un certain nombre de chargés de cours, surtout ceux qu'on pourrait identifier comme étant là parce que les ressources ne permettaient pas d'avoir des professeurs réguliers à leur place, où ce renouvellement souhaité de l'enseignement peut ne pas avoir lieu. Je dirais que la qualité de l'enseignement, à mon avis, est protégée à ce moment-là uniquement par le climat intellectuel qui peut entourer l'ensemble du programme de l'étudiant. On a souvent interprété l'affirmation que la recherche et l'enseignement sont étroitement liés, en voulant dire que tout professeur doit faire de la recherche de pointe. Je pense que ce n'est pas vrai, et, d'ailleurs, les statistiques démontrent que ce n'est pas ce qui se passe.

Il est très important qu'il y ait suffisamment de recherche dans l'institution pour que ce climat se crée, pour que les professeurs dans les départements sentent ce renouvellement des idées et ces questions qui se posent. Au fond, je pense que c'est cela dans les programmes réguliers qui protège la qualité de l'enseignement.

M. Giguère (Charles): Si je pouvais ajouter qu'en 1978 j'ai eu l'occasion de faire le tour de plusieurs écoles de génie en France. La première école qu'on a visitée était Ponts et Chaussées. La première question qu'on pose: Quel est le nombre de professeurs à temps plein que vous avez?Zéro. Par contre, Ponts et Chaussées est reconnue comme étant la meilleure école d'ingénierie en France. C'est un honneur d'être invité à enseigner à temps partiel à Ponts et Chaussées. Donc, ce sont tous des chercheurs de qualité, de renommée qui

viennent y enseigner.

La question des professeurs à temps partiel par rapport aux professeurs réguliers est complexe, c'est vrai. Nous avons, par exemple, à notre Faculté de génie informatique, le directeur de la recherche de CAE qui est professeur à temps partiel. M. Whyte disait qu'il est bon de les avoir, il faut les avoir mais, si on le fait parce qu'on est obligé, c'est une tout autre question.

Mme Blackburn: Peut-être pour essayer de mieux cerner - je vois que le temps passe et j'ai plusieurs questions - toute la question du financement, selon des études qu'on a eues sous la main, les coûts... J'aurais trois questions. D'abord je voudrais connaître l'impact estimé sur votre déficit des subventions de 1986-1987, la fraction du budget consacrée à l'administration, aux coûts administratifs, comparativement... Je sais qu'on a tenté de faire ces comparaisons tout en ajoutant la nuance, que tout le monde connaît, qu'il est difficile de faire des comparaisons entre les universités parce qu'on n'impute pas toujours les mêmes dépenses à ces postes.

Ensuite, comment associer... Vous avez parlé tout à l'heure des règles d'allocation des ressources qui devaient tenir compte d'un certain nombre d'indicateurs; cela paraît dans votre mémoire. Ce sont d'abord les niveaux d'enseignement et ce que j'appelle le poids des programmes. On dit qu'un programme en génie coûte plus cher qu'un doctorat en religion. J'informe le ministre, qui n'était pas là au moment où vous l'avez dit. Je suis sûre que cela l'aurait fort intéressé. Il y a un doctorat conjoint en religion avec l'UQAM. On peut penser qu'il y a des cours qui coûtent plus cher. Alors, un certain nombre d'indicateurs... Je me dis: Comment obtenir ces indicateurs pour établir des règles d'allocation qui soient les plus équitables possible et, à la fois, protéger l'autonomie que vous réclamez? Pour obtenir un certain nombre d'indicateurs, il me semble qu'il va falloir entrer un peu dans les universités.

M. Kenniff: Voilà les questions. J'essaierai de répondre rapidement. Comme le temps file...

D'abord, concernant l'impact des mesures gouvernementales annoncées en avril dernier, pour le déficit 1986-1987, nous avions déposé au conseil un budget qui ramenait le déficit à 4 800 000 $. Évidemment, vous pouvez penser que 4 800 000 $, c'est beaucoup d'argent; c'est vrai. Par rapport au déficit de l'exercice précédent qui était de 10 000 000 $, c'est une opération de taille. Cependant, les mesures annoncées par le gouvernement après le dépôt de ce budget ont fait en sorte que, si nous n'avions pas fait autre chose, le déficit aurait grimpé au-delà de 9 000 000 $. L'impact sur le budget de l'Université Concordia était de l'ordre de 4 000 000 $, à ce moment-là. Ce que nous avons fait, cela a été de prendre la décision que ce niveau était inacceptable. Tout niveau de déficit, dans une certaine mesure, est inacceptable, mais nous avons cherché quand même à faire l'opération qui consiste à ramener le déficit à son niveau projeté initialement. Pour faire cela, nous avons, malgré nous, dû instaurer des frais de matériel pour les étudiants. Nous avons dû suspendre les contributions de l'employeur au régime de retraite, ce qui est une mesure qui sera non récurrente parce que c'est évident que ce genre de mesure n'est possible que dans le cas où, de façon ponctuelle, il y a un surplus actuariel dans le régime de retraite. Nous avons également coupé un certain nombre de dépenses. Nous avons pris des décisions en ce qui concerne les postes vacants qui vont ramener le budget à environ 1 400 000 $.

Globalement, nous avons réussi à ramener le déficit à un niveau de 4 800 000 $ à 5 000 000 $. Ce sont des mesures qui, dans certains cas, ne pourront se répéter. Nous avons également adopté un plan d'option de retraite anticipée qui a été offert aux employés de l'université et dont plusieurs ont profité. Évidemment, cela implique des coûts non récurrents parce qu'il faut évidemment une prime de séparation, et cela il faut l'assumer. On aurait souhaité, si le gouvernement voulait favoriser la diminution de l'effectif, bien que nous soyons déjà très diminués par rapport à d'autres, qu'il accepte de financer ce coût non récurrent, mais, hélas non, il faut l'assumer.

Sur le déficit de cette année, de 4 900 000 $, il y a tout de même 3 300 000 $ de frais d'intérêt sur le déficit accumulé, pour lesquels nous ne recevrons aucune subvention. Je pense que cela démontre qu'un effort est fait, à l'Université Concordia, pour rétablir un semblant d'équilibre financier.

Votre deuxième question porte sur la fraction du budget qui est attribuée aux coûts administratifs. Vous avez raison de souligner que chaque université attribue ces coûts suivant des formules différentes. Chez nous, nous avons essayé d'être le plus transparents possible sur ce plan en mettant, par exemple, les salaires des administrateurs au compte de l'administration et non pas de leur faculté d'origine. Essentiellement, je ne pourrais pas vous donner le pourcentage de la fraction du budget consacrée aux coûts administratifs, sauf de dire que c'est très bas par rapport aux universités québécoises. Nous avons eu des discussions avec les membres du Conseil des universités sur cette question parce qu'ils ont avancé des chiffres qui ne se sont pas révélés tout à fait exacts,

il y a quelques mois. Disons que - pour citer un chiffre - nous avons établi que le coût administratif se chiffrait pour l'ensemble de l'université à environ 520 $ par étudiant équivalent temps complet. C'est, je pense, pour 1985-1986,

En ce qui a trait au poids des programmes, c'est évident que, depuis quelques années, le gouvernement finance les clientèles nouvelles suivant un coût estimé par étudiant par secteur d'étude. Il y a, je pense, neuf secteurs d'étude pour le réseau universitaire. Quand on compare les coûts aux données de l'Université Concordia, on se rend compte que, dans la plupart des secteurs, on se trouve ou bien avec les coûts les plus bas, ou bien avec les coûts qui sont en deuxième place au bas de l'échelle. De cette façon, on arrive à établir un certain nombre de données. En tout cas, on peut en citer si vous voulez par rapport à la moyenne. J'en prends un seul. Dans le secteur des sciences pures, alors que la moyenne du Québec - et ce sont des chiffres pour 1981-1982 qui ont été utilisés par le ministère pour établir les chiffres pour les clientèles additionnelles - la moyenne du Québec était de 4932 $ par étudiant équivalent temps complet, c'était 4056 $ pour l'Université Concordia.

J'en passe. Je pourrais vous en citer. Je réitère ce que j'ai dit au ministre tout à l'heure, c'est que, si on avait une formule qui tenait compte des secteurs d'étude et qui était réaliste par rapport à la moyenne actuelle du Québec, on réglerait un grand nombre de problèmes. Je ne pense pas que cela porte atteinte nécessairement à l'autonomie de l'université, sauf évidemment si le gouvernement s'avisait de dire qu'on va établir des distinctions quant au secteur par rapport au niveau de financement. Si on disait, comme on a dit depuis quelques années, on va financer le secteur technologique, on ne financera pas le secteur des sciences humaines, etc., si on poussait cela â un raffinement extrême, je pense qu'il y aurait des dangers que les politiques gouvernementales s'imposent dans le réseau universitaire au-delà de ce qui est requis pour assurer une imputabilité raisonnable vis-à-vis de la dépense de fonds publics.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Giguère, pour un complément de réponse.

M. Giguère: Complément de réponse. Je voudrais dire au départ que c'est à la mode aujourd'hui de pousser les établissements publics à adopter les modèles du secteur privé. Malheureusement, nous n'avons pas les moyens de le faire. On n'a aucun contrôle sur nos revenus qui continuent toujours de baisser. On n'a aucun contrôle sur plusieurs catégories de nos dépenses. Je vous citerai seulement quelques exemples. Les taux horaires des contractuels pour l'entretien des bâtiments sont fixés par décret. Ceux-ci ont augmenté de 5,50 $ en 1981 à 9,65 $ en 1986. Le décret sur les agents de sécurité du 29 janvier 1986 accordait une augmentation de 20,8 % pour une période de deux ans. On vient tout juste d'apprendre que les primes qu'on a à verser à la CSST augmenteront de 22 %. Les montants autorisés pour les baux ainsi que pour le maintien de nos cours sont fixés par le gouvernement. Les dépenses sont largement déterminées par les fournisseurs de locaux et d'énergie. Je suis un partisan de l'entreprise libre. Il nous faut les moyens pour suivre les modèles du secteur privé.

Mme Blackburn: Toujours sur le financement, j'ai deux questions rapides. Oui, les questions sont rapides. Disons que cela appelle des développements. Vous demandez, en invoquant le fait que vous avez toujours été sous-financé, et je le rappelle, cela semble faire l'unanimité, que le gouvernement participe au programme, au plan de résorption de votre déficit. Par ailleurs, je vous dirais deux choses, si vous me permettez. Vous demandez cela et vous n'avez pas de plan de développement ou vous n'en faîtes pas état si vous en avez un. La seconde chose, c'est qu'on pense à l'UQAM, et c'est toujours un peu désagréable de se faire comparer, à l'UQAM qui aussi souffre de sous-financement et qui quand même n'a pas de déficit. On connaît la politique de l'UQ de façon générale qui ne t'autorisait pas. Ils n'ont quand même pas le choix, eux. Ce n'était pas le gouvernement qui les restreignait, c'était le siège social. Quand même, cela nous amène, je pense, légitimement à nous interroger sur la responsabilité de l'État en matière de résorption des déficits. (11 h 30)

M. Kenniff: M. le Président, en réponse à la députée de Chicoutimi, sur la question des plans de développement, je pense qu'il y a une différence à faire entre un plan et la planification. Il est vrai que l'Université Concordia n'a pas de document de plan de développement à l'heure actuelle. Depuis le début de son histoire, il n'a jamais été question d'un développement mais beaucoup plus de survie face aux contraintes qui lui étaient imposées. Il reste tout de même que les grandes orientations de l'Université Concordia sont clairement démontrées dans le mémoire que nous avons soumis è la commission parlementaire. Nous avons des organismes qui font enquête sur les données du marché pour essayer de comprendre. Je suis, je pense, le seul recteur d'une université québécoise à avoir établi - on était les premiers - un comité consultatif aux recteurs sur les grandes orientations de l'université composé de gens du secteur privé et du secteur public, qui est un organisme

consultatif autre que le Conseil de l'université. Nous cherchons à dégager les tendances du marché. Le sénat de l'université se penche régulièrement sur l'orientation des programmes académiques et nous avons fait des choix à travers les exercices budgétaires qui ont été douloureux et qui peuvent constituer - si on les réunit dans un cahier - ce qu'on pourrait appeler un plan. Nous avons indiqué aux représentants du gouvernement que s'ils veulent un cahier relié indiquant les orientations de l'université, ils l'auront. Nous avons fait tout de même un exercice de planification tout au cours de notre histoire.

Sur la deuxième question, je ne voudrais pas commenter l'état de sous-financement de l'Université du Québec à Montréal, c'est évident. C'est vrai que c'est de commune renommée qu'il y a un problème là. Nous avons un ratio professeur-étudiants à peu près semblable. Je croîs qu'il y a des différences qu'il faut indiquer. Premièrement, l'Université du Québec à Montréal a été un gagnant net dans l'exercice que nous avons vécu pendant plusieurs années de prélever à même les budgets de base les sommes requises pour financer les clientèles nouvelles. Une augmentation considérable de la clientèle à l'UQAM a été financée à même les sommes d'argent qui ont été retirées des budgets de base des autres universités. Même si la clientèle de l'Université Concordia a augmenté, elle a augmenté moins rapidement qu'à l'UQAM, de sorte qu'on a été des perdants nets dans l'exercice de prélèvement depuis 1981.

Un deuxième point, ce n'est peut-être pas un poids énorme dans la balance, mais il reste tout de même que le siège social de l'Université du Québec fournit à l'UQAM des services administratifs qu'elle n'a pas à financer et que nous avons à financer à l'Université Concordia. Ce n'est pas un élément majeur mais c'est aussi un élément dont il faut tenir compte en étudiant cette question.

Troisièmement, les deux universités ont un poids différent dans les différents secteurs académiques. Par exemple, à l'Université Concordia, nous avons une Faculté de génie et d'informatique, ce qu'il n'y a pas à l'Université du Québec à Montréal; nous avons également un secteur très développé des sciences pures, des sciences avec laboratoires comprenant la psychologie qui sont des secteurs peu développés à l'UQAM. Ce sont des secteurs qui coûtent très cher. D'ailleurs, au Québec, nous sommes l'université avec la plus forte proportion d'étudiants dans les secteurs scientifiques avec laboratoires, sciences pures et sciences appliquées. Nous n'avons pas de faculté de médecine, mais tout de même 33 % de nos étudiants sont dans les secteurs scientifiques, tandis qu'à l'Université du

Québec à Montréal, les sciences humaines, les sciences sociales, les sciences administratives sont les principaux secteurs mais dont le coût administratif et académique est inférieur.

Un dernier point. Comme l'a souligné M. le ministre, nous avons choisi pour des raisons pédagogiques de ne pas nous précipiter dans la multiplication des programmes courts, des programmes de certificats. C'est pour des raisons pédagogiques. Si vous me permettez, comme disait M. le ministre, nous avons été à l'origine de toute la philosophie de la politique des études à temps partiel, non seulement au Québec mais dans l'ensemble du Canada par l'Université Sir George Williams. C'était des études à temps partiel conduisant à des diplômes de 1er, de 2e et de 3e cycles. Nous avons toujours voulu maintenir cette philosophie. Nous prétendons que cela nous a coûté cher et nous avons quand même la satisfaction d'avoir respecté nos orientations pédagogiques depuis les origines.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Avant de donner la parole pour les deux dernières interventions, je voudrais profiter de l'occasion pour souligner la présence, parmi nous dans la salle, du ministre de l'Éducation nationale de la République Centre africaine, son Excellence M. Jean-Paul N'Goubande. M. le ministre bienvenue. Je reconnais maintenant le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): M. le recteur, dans votre exposé du début, vous avez indiqué que toute réduction de clientèle vous amènerait une diminution de financement. Cela semble être une très grande préoccupation pour vous nécessairement. Dans votre rapport à la page 53, vous dites: "Un manque d'espace et de personnel enseignant conduisant à l'impossibilité d'accroître suffisamment les inscriptions pour compenser le sous-financement". Dans les rapports antérieurs des autres universités, plusieurs semblaient mettre en doute la qualité du recensement de la clientèle. Ma question est la suivante. Si on ouvre toutes grandes les portes et qu'on admet les gens, plus on va augmenter la clientèle, plus vous serez en mesure de donner les services ou si cela ne viendra pas plutôt augmenter votre déficit?

M. Kenniff: M. le Président, en réponse au député de Rimouski, nous ne proposons pas une formule visant à accroître nos clientèles pour accroître nos subventions. Voici ce que nous disons. Pendant la période où nous avons financé des clientèles additionnelles par prélèvements, toute université, y compris la nôtre, devait chercher à accroître ses clientèles pour maintenir son niveau de subvention. L'argent pour financer

les clientèles nouvelles était puisé dans les budgets de base des universités, mis dans un fonds commun et redistribué. On était comme sur une trame, on était en course. Si on bloquait les inscriptions, on reculait, il fallait courir vers l'avant pour rester en place. C'était une période très difficile pour nous,

Nous disons qu'on ne chercherait pas nécessairement, comme orientation de l'université, à accroître les clientèles, sauf si c'est le seul moyen de régler les problèmes de base. Nous avons un problème d'espace. On ne peut pas loger plus d'étudiants. Si vous venez au pavillon Hall, n'importe quel jour de la semaine, de 8 heures le matin à minuit, vous allez voir des hordes d'étudiants qui montent et qui descendent les escaliers roulants. C'est un édifice universitaire qui est utilisé pleinement. Les étudiants sont assis dans les corridors. On a un réel problème d'espace, on ne peut pas en admettre plus. On a eu ce problème la semaine dernière. Pour un cours en système informatique, on n'a pas réussi à obtenir un local pour faire l'enseignement; on a été obligé de louer un local dans un édifice voisin pour donner le cours, parce qu'il n'y avait aucune place disponible dans l'horaire à l'université.

On ne cherche pas à augmenter les clientèles. On dit que c'est un financement qui permet aux universités de faire des choix. Si notre choix, c'est de maintenir les inscriptions à leur niveau actuel ou même si le choix est de permettre un certain recul, qu'il n'y ait pas des conséquences financières désastreuses pour l'université. Actuellement, si on s'engage dans une spirale de décroissance, ce sera la décroissance des revenus également et on n'aura solutionné aucun problème pour l'université.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Kenniff. Je reconnais maintenant le vice-président de la commission de l'éducation, le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est un commentaire qui peut devenir une question et qui amènera peut-être un autre commentaire ou une réponse.

Les années soixante-dix ont apporté une formule historique de financement. Quand vous êtes arrivé en 1974, vous avez subi cette formule de financement comme tout le monde, ce qui fait qu'avec les ajustements qu'il y a eu en cours de route, il est apparu, dans bien des cas, une formule qui amenait, dans certaines universités, un sous-financement.

Comme le ministre nous l'a dit l'autre jour, concernant les crédits, lui-même avait aussi fait des ponctions additionnelles cette année et il y a eu des effets - vous en avez fait mention tout à l'heure - sur votre financement. Comme le ministre aussi l'a ajouté la semaine dernière, sur une promesse électorale faite par le Parti libéral durant la campagne électorale, de ne pas augmenter les frais de scolarité, mais de les geler, il nous a dit que l'erreur qui avait été commise en faisant cette promesse électorale ne demandait pas qu'une erreur additionnelle soit commise en la perpétuant.

Dans ce contexte-là, nous avons devant nous un financement qu'il a lui-même continué de la même façon que les ministres antérieurs depuis les années soixante-dix. Il a même ajouté des compressions budgétaires à la demande du président du Conseil du trésor. S'il fallait suivre les recommandations du rapport Gobeil, on irait encore plus loin. Dans ce contexte-là, vous seriez probablement heureux que le ministre ne perpétue pas l'erreur qu'il a commise au mois d'avril dernier. En conséquence, il trouve une solution qui permet un meilleur financement des universités - peut-être que différentes personnes, dont les étudiants, auront d'autres occasions de nous le dire - sans, cependant demander de corriger l'erreur qu'il a, dit-il, commise en campagne électorale de demander le gel des frais de scolarité. C'est tout simplement pour vous dire qu'effectivement, vous ne seriez pas en désaccord si la formule de financement était changée et si cette formule permettait un meilleur financement à la fois de votre université et des autres universités.

M. Kenniff: M. le Président, je cherche dans ce commentaire du député de Laviolette la question.

M. Jolivet: Je vous ai dit que c'était pour avoir un commentaire et peut-être une réponse.

M. Kenniff: Le seul commentaire que je ferai, c'est que j'ai dit tout à l'heure quel était l'objectif de l'Université Concordia en comparaissant devant cette commission. C'est une augmentation de l'enveloppe de ses ressources. Je pense qu'il y a des décisions d'orientation politique à prendre de la part du gouvernement sur la manière de procéder à cette augmentation.

Évidemment, j'invite la commission à faire des recommandations au gouvernement dans ce sens. Une chose est claire: ce que nous demandons, c'est la disparition de la formule historique - quand je suis fatigué, j'ai tendance à l'appeler la formule hystérique - de financement des universités et son remplacement par une formule beaucoup plus adaptée à la réalité d'aujourd'hui de nos universités.

Je pense que l'autre remarque contenue, si vous permettez, dans votre intervention, c'était la perspective d'une application prochaine du rapport Gobeil.

Toutes les universités vont s'accorder pour dire que nous vivons une situation de crise réelle et que si le gouvernement s'avisait de sabrer davantage dans l'aide qu'il apporte aux universités, cela provoquerait une situation absolument catastrophique au sein de nos universités.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci de votre commentaire. Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je vois le temps passer et je constate qu'il faudrait peut-être réaménager notre horaire de manière à donner un peu plus de temps aux universités. Il me restait de nombreuses questions. Il y en a quelques-unes en particulier sur lesquelles j'aurais voulu vous entendre, dont celle des frais de scolarité qu'on n'a pas abordée.

Il me semble qu'il y a toujours un discours un peu contradictoire entre l'établissement de frais de scolarité et la nécessité de hausser l'accessibilité. Je le rappelle pour dire que je m'étonne toujours un peu que les recteurs des établissements se soient engagés dans ces discussions, parce que si on fait une comparaison avec les établissements du réseau des Affaires sociales, il m'étonnerait qu'on puisse les amener à nous parler de tarification des services. C'est dans cette perspective.

Il y a autre chose qui me préoccupe par rapport à toute la question des frais de scolarité. On en parle peu ici. C'est l'accès aux études pour les adultes dont, vous le savez - cela ne doit pas être différent chez vous - la clientèle est composée de 50 % à 60 % de femmes. Elles n'ont pas les mêmes revenus. On le sait et je pense qu'on peut le répéter ici en commission parlementaire. Cela risque peut-être d'être un peu plus entendu.

On est en train de découvrir et de réaliser - cela se comptabilise - qu'il y a de nouvelles catégories de pauvres: les femmes et les enfants. Lorsqu'on sait que l'éducation, par ailleurs, c'est une des meilleures façons d'augmenter son revenu, je trouve que ce serait important qu'on examine les effets que pourraient avoir les frais de scolarité sur ces clientèles.

Il y a toute la question des étudiants étrangers et des frais de scolarité qui sont exigés de ceux-ci. J'aurais aimé vous entendre là-dessus. Par ailleurs, le ministre dans sa présentation tout à l'heure vous disait qu'avant d'établir les règles d'allocation de l'enveloppe, il fallait établir le niveau de l'enveloppe.

Je suis assez d'accord avec lui, mais je dis qu'il y a un préalable à l'établissement du niveau de l'enveloppe. Ce sont des décisions claires et précises sur les objectifs et la mission des universités. Est-ce qu'on préserve l'accessibilité? Est-ce qu'on veut s'assurer d'une meilleure qualité? Est-ce qu'on veut développer le deuxième et le troisième cycle?

Je pense qu'avant de parler de niveau d'enveloppe, il faut vraiment qu'on soit clair là-dessus parce que, autrement, ça m'apparaît difficile de passer à la seconde étape.

Messieurs, ça m'a fait plaisir de vous rencontrer. Au nom de ma formation politique, je vous remercie. Je dois dire qu'à l'instar du ministre de l'Éducation, j'ai beaucoup d'estime pour le travail que vous faîtes et particulièrement à l'endroit de vos clientèles, quelles qu'elles soient. Je connais un peu la composition de votre clientèle. Cela m'a fait plaisir, et je vous remercie de votre collaboration aux travaux de cette commission. (11 h 45)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant, comme dernier intervenant, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je vous remercie, M. le Président. Je remercie l'Université Concordia des explications qu'elle nous a apportées ce matin, en sus du mémoire très substantiel qu'elle nous avait communiqué avant la rencontre de ce matin. Les explications qui ont été données nous ont permis de mieux saisir l'acuité des problèmes qui se posent à l'Université Concordia en particulier et dans nos universités d'une manière plus générale.

Je veux simplement faire une petite correction à ce que disait la députée de Chicoutimi qui a assez souvent du mal à m'interpréter. J'ai bien dit tantôt que l'on réviserait la formule de financement quand on aurait établi une décision quant au niveau de financement, pas quant au niveau de l'enveloppe parce que, s'il y a d'autres sources de financement que les subventions gouvernementales, l'enveloppe sera une chose bien différente de ce que cela serait s'il n'y avait pas d'autres sources, si tout devait dépendre uniquement des subventions gouvernementales. Alors, les décisions que nous prendrons concernant le mode de distribution de subventions seront évidemment conditionnées par la décision plus fondamentale sur le niveau de financement qui devrait être jugé désirable pour le système universitaire et sur les différentes sources de revenus qui devraient être envisagées à cette fin.

Faisant allusion à la philosophie d'accessibilité qui a été caractéristique à l'Université Concordia depuis longtemps, la députée de Chicoutimi disait que nous devrions préciser nos objectifs en matière de développement universitaire avant de commencer à jouer sur les critères de

partage des subventions. Je pense qu'il y a beaucoup de vrai là-dedans. Je suis prêt à accepter une bonne part de ce que la députée de Chicoutimi a dit là-dessus avec peut-être la nuance suivante, et cela me permet de préciser un peu ce que j'ai dit antérieurement à propos d'accessibilité. Je ne pense pas qu'un gouvernement sérieux pourrait aller à tout vent aujourd'hui, proclamant qu'il entend pratiquer une politique d'accessibilité absolue à l'université. Le temps des grandes proclamations absolues est fini au Québec. On en a fait trop dans le passé sans toujours prévoir toutes les implications, non seulement au point de vue des coûts, mais aussi au point de vue de l'aménagement des structures administratives, publiques et parapubliques.

Si mes souvenirs sont exacts, j'ai bien dit dans mon exposé d'ouverture qu'une de nos responsabilités sera de concrétiser les objectifs d'une politique d'accessibilité pour la prochaine décennie, pour les prochaines années, je ne sais pas l'expression que j'ai employée au juste. Il faut que nous nous fixions des cibles peut-être beaucoup plus précises et que nous évitions de nous enfermer dans des propositions de caractère absolu dont les implications dépassent ensuite les ressources que nous avons. Cela a été une des erreurs du Québec au cours des vingt dernières années de souvent fixer des objectifs dont les coûts à long terme allaient être supérieurs à ses ressources réelles. C'est une des caractéristiques de l'effort de redressement des politiques publiques que nous avons amorcé ces dernières années. L'ancien gouvernement l'avait commencé lui aussi parce qu'il se rendait compte que, lorsqu'on se présente à la banque ou chez les fournisseurs de fonds, on a beau avoir l'idéologie, la religion et la langue que l'on voudra, ils regardent la capacité de payer. Ils disent "the bottom line", la ligne au-delà de laquelle nous n'irons point est la suivante.

Il n'y a aucune société qui échappe à cela. Cela nous a pris un certain nombre d'années pour nous en rendre compte. Pourquoi? Parce qu'il y avait une marge de crédit qui avait été accumulée pendant des années d'inaction qui nous a permis d'étirer l'élastique pour ainsi dire, mais on s'est rendu compte à un moment donné que l'élastique allait casser, puis il a fallu en prendre un peu moins. C'est la règle qui s'impose à nous pour les prochaines années. C'est pour cela que je suis d'accord avec la députée de Chicoutimi, mais en ce qui touche le présent gouvernement, il va s'employer à fixer des objectifs d'accessibilité qui seront atteignables, compatibles avec les ressources de notre société et qui par conséquent ne seront pas tous azimuts. C'est aussi bien de le dire clairement maintenant, ils ne seront pas tous azimuts. Ils vont être fixés en consultation avec les milieux intéressés, mais on va cependant essayer de faire en sorte que, comme je l'ai dit dans mon exposé d'ouverture, l'université demeure accessible à ceux qui ont le talent pour se rendre à ce niveau d'études, qui ont des dispositions de personnalité et ce n'est pas nécessairement synonyme de talent. Il y en a qui peuvent avoir énormément de talent et se sentir mieux disposés pour des carrières pratiques qui n'exigent pas qu'ils aillent jusqu'à l'université; il y en a beaucoup. Il y en a qui peuvent préférer une formation de niveau secondaire ou collégial au stade plus jeune de leur développement et, ensuite, revenir à l'université plus tard. Il y a toutes sortes de cheminements qui sont possibles aujourd'hui et pour lesquels nos politiques doivent prévoir une certaine marge de flexibilité. Encore une fois, cela ne doit pas être rendu impossible à ceux qui ont le talent et, deuxièmement, à ceux qui ont la volonté de se prendre en main.

L'accès à l'université doit être conçu dans une perspective de responsabilité également pour ceux qui ont la volonté de se prendre en main, d'abord au point de vue académique. On ne va pas là pour traîner sur les bancs de l'université indéfiniment. On ne va pas là seulement pour faire des expériences et dire ensuite: Je m'en retourne chez moi, cela ne faisait pas mon affaire. Il faut aller là avec une certaine volonté d'arriver au terme. Je pense qu'il faut avoir aussi la volonté de prendre en charge une partie de ce que cela coûte. Cela ne peut pas être entièrement à la charge de la société. C'est impensable, étant donné les catégories de citoyens qui ont des besoins encore beaucoup plus aigus et auxquels on doit apporter une réponse avec des ressources, encore une fois, très limitées. Nous le savons, nous du gouvernement, parce que nous travaillons actuellement sous la direction du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu à un projet de réforme de l'aide sociale. Il faut mesurer tout changement que nous faisons, d'abord aux besoins des personnes concernées et, deuxièmement, aux ressources dont diposent le gouvernement et la communauté. Souvent, les idées généreuses que chacun d'entre nous aurait viennent se heurter au contact de la réalité qui nous oblige à y penser deux et trois fois. C'est pour cela que, quelquefois, cela prend un peu plus de temps à sortir; il faut qu'on mesure bien attentivement les liens de chaque chose qu'on fait avec l'ensemble de l'appareil gouvernemental, l'ensemble de la fiscalité, l'ensemble des finances publiques.

C'est dans cette perspective, M. le recteur de l'Université Concordia, que nous prenons un peu de temps pour en venir à des conclusions. Nous sommes au pouvoir depuis seulement neuf mois et je vous assure que

nous travaillons très fort et de la manière la plus rapide possible pour en venir â des conclusions satisfaisantes. Dans cette perspective, la rencontre que nous avons eue avec vous et vos collègues, ce matin, a été très utile et je vous en remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M, le ministre. M. Giguère, M. Whyte, M. Kenniff, merci beaucoup de vos interventions. La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 53)

(Reprise à 11 h 54)

Association des étudiants et étudiantes de l'Université Concordia

Le Président (M. Parent (Sauvé): La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux et accueille l'Association des étudiants et étudiantes de l'Université Concordia.

M. Desrosiers (François): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, merci d'avoir accepté de nous entendre ce matin. L'objectif de notre présence ici est de démontrer que l'Université Concordia et le système d'éducation universitaire ont besoin d'un meilleur financement qui doit garantir l'accessibilité la plus grande possible, qui serait basée sur la capacité d'apprendre et non pas sur celle de payer des individus.

Nous avons décidé de venir ici car, selon nous, une tendance existe dans différents milieux à vouloir déplacer le fardeau financier de la crise des universités sur le dos des étudiants. Selon nous, cette crise...

Le Président (M. Parent (Sauvé): M. le président, je regrette. Pourriez-vous, s'il vous plaît! messieurs? Merci.

On vous reconnaît, monsieur.

M. Desrosiers: Merci. Selon nous, la crise financière des universités n'a pas été créée par les étudiants et la solution ne doit donc pas venir principalement de la part des étudiants.

Je vais vous exposer maintenant les grandes lignes de notre mémoire. Pour nous, les universités doivent garder leur caractère universel. Cela veut donc dire qu'une spécialisation et une rationalisation des programmes iraient à l'encontre de cet objectif social qui doit prédominer le futur du Québec.

Lorsqu'on parle de spécialisation et de rationalisation, on introduit des conséquences et des variables dans le futur du Québec qui doivent être évaluées très sérieusement. La rationalisation des programmes et la spécialisation à outrance défavorisent le développement intellectuel des étudiants, car ceux-ci ne seraient pas exposés à une gamme accrue de cours connexes ou de cours qu'on appelle "facultatifs".

Si, selon certains, la rationalisation permettrait de réduire les dépenses, elle permettrait aussi de réduire la compréhension des interrelations sociales qui existent chez les étudiants. Si on commence à parler de rationalisation, autant parler d'instituts spécialisés d'éducation supérieure et ne plus parler d'universités, car à ce moment-là nous aurons enlevé le caractère universaliste desdites universités.

Une rationalisation diminue aussi la mobilité qui peut exister chez les étudiants et la possibilité de choisir des cours qui sont è l'extérieur de leur spécialisation. Pour nous c'est un avantage majeur que de permettre aux étudiants de pouvoir étudier ou d'assister à des cours qui ne sont pas essentiellement axés vers leur spécialisation. Un étudiant en comptabilité profite tout autant d'un cours de philosophie qu'un étudiant en philosophie peut profiter d'un cours de finance. Selon nous, cela permet une vision plus globaliste des enjeux sociaux et cela permet un développement des futurs cadres et dirigeants de la société qui est beaucoup plus...

La dévalorisation du baccalauréat au premier cycle est quelque chose qui est constaté depuis quelques années et qui, selon nous, est une conséquence directe du sous-financement qui a été introduit à partir de la fin des années soixante-dix.

La formule de financement qui est la source principale des revenus pour les universités est désuète. Qu'elle soit modifiée chaque année n'en est qu'une preuve évidente. Le sous-financement et la désuétude de la formule de financement ont des effets que nous trouvons immédiats sur la qualité de l'éducation. De plus en plus d'employeurs critiquent ouvertement et publiquement la mauvaise ou la pauvre éducation de leurs nouveaux employés qui sont des diplômés universitaires. Plusieurs disent que ces étudiants ne peuvent communiquer d'une façon correcte, soit par écrit ou verbalement, avec leurs nouveaux employeurs. Pour nous, cela est une conséquence directe du sous-financement et empêche, défavorise la création de nouveaux emplois et la venue de nouvelles entreprises. Lorsqu'une nouvelle entreprise veut s'installer au Québec, elle regarde le potentiel d'employés qu'elle peut avoir et si le potentiel d'employés est "sous-éduqué" entre guillemets - alors il y a un certain recul à installer cette nouvelle entreprise au Québec. À long terme, un sous-financement de l'éducation universitaire cause des problèmes de développement économique pour

le Québec et on ne peut pas se le permettre dans la situation où l'on est aujourd'hui.

Plusieurs ont fait des comparaisons entre le Québec et l'Ontario en ce qui concerne l'accessibilité à l'éducation supérieure. Selon nous, ces études sont quelque peu biaisées lorsqu'on fait des comparaisons statistiques au lieu de faire des comparaisons en chiffres réels. Il y a près de deux fois plus d'étudiants à temps plein en Ontario qu'au Québec et ce n'est sûrement pas parce qu'il y a deux fois plus de gens qui vivent en Ontario. Nous expliquons ce phénomène par une tendance culturelle qui existe en Ontario de pousser davantage vers des études avancées, alors qu'au Québec, cette tradition n'existe pas. Ce phénomène a été reconnu au milieu des années soixante et a permis la commission parlementaire de 1967-1968 qui a, entre autres choses, introduit le réseau des universités du Québec.

Pour pallier cette différence d'accessibilité, nous avons décidé d'investir, en tant que société, des sommes énormes dans notre système d'éducation universitaire pour rattraper le retard que nous avions accumulé au cours des ans.

Si, selon certains, notre taux de progression d'accessibilité à l'université est le même que celui qui existe en Ontario, cela ne veut pas dire que le niveau d'accessibilité est le même chez nous ou en Ontario. Selon nous, il reste encore des efforts à faire pour augmenter l'accessibilité aux études supérieures. Donc, le gouvernement doit investir les sommes nécessaires dans le réseau universitaire. Ce sont des décisions politiques qui sont difficiles à prendre, mais qui doivent être prises, car c'est l'avenir du Québec qui en dépend. On ne peut pas lésiner quant à l'avenir du Québec pour des raisons de compressions budgétaires à court terme.

Le sous-financement des universités a créé certains phénomènes très récents, comme l'introduction de frais afférents que nous appelons des frais indirects. Ces frais ont servi à pallier les récentes compressions budgétaires chez certaines universités. À l'Université Concordia, nos frais indirects ont été introduits sous le nom de "frais de matériel didactique ou académique", et ont pour objectif majeur de réduire le déficit courant de l'université d'environ 1 200 000 $. Si ces sommes d'argent sont dirigées vers une réduction des déficits et que ces déficits viennent des frais de fonctionnement, alors pour nous cesdits frais de matériel deviennent des frais de scolarité directs, mais appelés par un autre nom.

On parle aussi dans notre mémoire de la gestion des ressources humaines. Selon nous, le corps professoral, dans notre université du moins a besoin d'être évalué et évalué par les étudiants. Les étudiants sont dans une position privilégiée pour reconnaître la capacité d'enseigner de leurs professeurs car après environ quinze années d'étude, on peut reconnaître assez facilement si un professeur est capable d'enseigner ou s'il en est incapable. Si le professeur est incapable d'enseigner adéquatement une matière quelconque, ce n'est pas parce qu'il est ignorant de la matière, mais peut-être parce que ledit professeur n'a pas reçu une éducation ou un enseignement lui montrant comment enseigner.

Nous pensons que c'est adéquat de mettre sur pied un système d'enseignement pour les professeurs qui, après avoir été évalués par les étudiants, auraient reçu une mauvaise évaluation de leur enseignement. Nous ne devons pas faire la chasse aux sorcières, mais étant donné la position budgétaire du gouvernement du Québec et que c'est le gouvernement qui finance en majorité les universités, on ne peut que demander ce qu'il y a de mieux de la part des personnes qui reçoivent leurs salaires de cesdites subventions gouvernementales.

Nous croyons aussi que les chargés de cours ou les professeurs à temps partiel ont des conditions de travail inhumaines. Qu'on leur donne au moins six mois d'avis pour préparer un cours et ne permette pas la situation qui existe aujourd'hui où certains professeurs reçoivent deux semaines de préavis avant de commencer à enseigner à l'université.

Six mois pour permettre aux professeurs de se préparer adéquatement, et la qualité de l'enseignement qu'ils offriraient à leurs étudiants serait maximisée. Deux semaines de préavis ce n'est pas assez long pour permettre une préparation adéquate de l'enseignant. Qui en souffre en fin de compte? Ce sont les étudiants et, plus tard, la société québécoise.

Pour passer au déficit universitaire, à l'Université Concordia du moins, le déficit universitaire de notre institution vient principalement, comme l'a exposé le Dr. Kenniff, du sous-financement chronique de la part du gouvernement. Nous demandons au gouvernement d'absorber le déficit de l'Université Concordia selon une grille d'évaluation où le gouvernement établirait quelle part du déficit vient d'un sous-financement gouvernemental et quelle part vient d'une mauvaise gestion des fonds par l'administration universitaire.

Dans notre cas, nous ne croyons pas que la portion de mauvaise gestion soit trop impartante, étant donné notre réputation d'université la plus efficiente au Québec. En ce qui concerne l'aide financière, nous croyons qu'elle devrait être changée presque radicalement et que l'accent doit être mis sur la capacité d'apprendre des étudiants et non pas sur leur capacité de payer leurs études à court terme. Que la situation financière des parents soit prise en ligne de

compte pour évaluer la capacité de payer de l'étudiant, pour nous c'est une philosophie aberrante. Nous trouvons que l'accent doit être mis sur la capacité de payer de l'étudiant et non pas la capacité de payer des parents car le système actuel peut permettre une situation où un étudiant de 35 ans ne vivant pas chez lui serait toujours considéré à la charge de ses parents, ce que nous trouvons plutôt illogique.

Le système d'aide financière doit aussi offrir une accessibilité aux étudiants à temps partiel, car ce ne sont pas tous les étudiants à temps partiel qui travaillent avec des revenus de 30 000 $ par année. Il y a une bonne proportion d'entre eux qui sont des étudiants qui étudieraient à temps plein s'ils étaient capables de passer les critères d'admissibilité au système d'aide financière tel qu'il existe aujourd'hui. Donc, si l'on parle d'aide financière à l'intérieur du cadre de cette commission, que l'on ne parle pas de changer les modalités du système d'aide financière mais qu'on parle de changer les critères ou la philosophie même de l'aide financière.

En ce qui concerne les frais de scolarité comme source de revenus pour les universités, nous considérons, à l'Université Concordia, que passer la majeure partie du problème du financement des universités sur le dos des étudiants n'est pas une solution juste et humaine. Comme je l'ai mentionné au tout début, ce ne sont pas les étudiants qui ont créé la situation financière présente des universités. Alors on ne doit pas demander aux étudiants de régler la majeure partie des problèmes financiers des universités. Si le gouvernement s'engage, si le gouvernement garantit qu'il y aura un financement public supérieur à 25 000 000 $, selon l'avis du Conseil des universités, si les professeurs sont assurés d'un meilleur salaire, étant donné qu'à l'Université Concordia ils ont une charge de cours supérieure aux autres professeurs universitaires, si les professeurs à temps partiel reçoivent des conditions de travail que nous appelons minimales, si le système d'aide financière est réformé et permet une accessibilité aux étudiants à temps partiel, s'il y a des fonds débloqués pour permettre l'achat de matériel nécessaire pour les étudiants et l'achat d'espace qui est fondamentalement manquant à l'Université Concordia, alors, à ce moment, nous, les étudiants de l'Université Concordia, serions prêts à discuter d'une augmentation modérée ou intelligente des frais de scolarité, car dans la perspective du Conseil des universités dans son dernier avis, faire passer sur le dos des étudiants environ 65 % à 70 % du fardeau financier pour renflouer le système universitaire est tout à fait aberrant. C'est illogique et c'est inacceptable pour nous.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que vous avez terminé?

M. Desrosiers: J'ai terminé.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, je vous remercie beaucoup. Vous avez commencé très rapidement et je n'ai pas eu le temps de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier d'avoir répondu à l'invitation de la commission parlementaire sur l'éducation et de venir nous aider dans notre recherche pour trouver des solutions en ce qui a trait à l'orientation et au financement du réseau universitaire québécois. Je veux aussi vous féliciter de la façon dont vous avez présenté votre mémoire et de la façon intelligente dont vous l'avez synthétisé en touchant tous les points et en laissant le plus grand laps de temps possible aux membres de la commission pour vous interroger et aussi pour le courage que vous avez eu. Ce n'est pas facile de préparer un mémoire comme le vôtre et de venir en commission parlementaire, dans un cadre formel, dans un Parlement comme ici, défendre une cause. Je crois que l'on doit vous féliciter.

La commission a prévu consacrer environ une heure. Nous avons commencé vers 11 h 48 ou 11 h 47. Nous prévoyons terminer à 13 heures. Votre mémoire étant présenté, nous allons maintenant procéder à une période d'échange de propos avec les membres de la commission. Le temps sera réparti à part égale entre les deux formations politiques. Nous débutons avec le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre. (12 h 15)

M. Ryan: M. le Président, je suis très heureux de l'occasion qui nous est fournie de causer avec les représentants de l'Association des étudiants et étudiantes de l'Université Concordia.

Le mémoire qu'on nous a présenté ce matin est intitulée "Justice pour tous". C'est l'objectif que nous devons poursuivre ensemble: Justice pour tous les citoyens, y compris des étudiants de l'université. Et pour tous, sans exception, parce que autrement ce n'est pas une vraie justice. j'ai pris connaissance de votre mémoire avec beaucoup d'intérêt, un mémoire substantiel, long. Les pages sont bien remplies; on ne peut pas vous reprocher de gaspiller l'espace. Les marges sont étroites et vous commencez en haut de la page et vous finissez très bas. Vous avez fait une utilisation judicieuse de la ressource naturelle qu'est le papier.

Ce que j'ai bien apprécié en lisant votre mémoire, et à certains moments j'étais porté à me rebeller, je me disais: Ils vont trop fort et, après cela, je lisais la page suivante et l'autre qui venait plus loin et je

trouvais qu'il y avait des éléments de nuance et de modération même qui témoignaient d'un effort de recherche très sérieux. Dans ce sens-là, je peux vous dire que les critiques, quand elles sont dures, on n'a pas de raison de s'en plaindre, surtout quand elles sont suivies de recommandations qui témoignent d'une démarche sincère et honnête pour essayer de proposer des solutions. C'est l'esprit que j'ai trouvé dans votre mémoire, M. le président, et je vous le dis en toute simplicité.

Il serait trop long de vouloir résumer votre mémoire, vous l'avez fait vous-même. Je vais m'en tenir à ce moment-ci à vous adresser quelques questions sur des points qui m'apparaissent centraux dans la présentation que vous nous avez faite.

Je voudrais tout d'abord exclure du champ de la discussion de ce matin le projet POET que vous nous avez soumis, non pas parce qu'il ne fait pas partie du champ de la discussion, au contraire, et si vous voulez en parler, sentez-vous entièrement libre, mais vous n'avez pas insisté outre mesure vous-même ce matin. C'est un programme qui n'a pas de possibilité d'être appliqué à court terme en ce qui touche le gouvernement, parce que c'est un programme qui, peut-être sur une base de dix ans, pourrait offrir beaucoup d'intérêt, mais à court terme il aggraverait les problèmes de liquidité du président du Conseil du trésor au lieu de les améliorer. Je ne crois pas qu'on puisse envisager une perspective comme celle-là. Mais il y a des éléments intéressants dans ce programme. Je peux vous assurer que nous en faisans une étude au ministère de l'Enseignement supérieur et dès que nous aurons complété nos études à ce sujet, nous aurons l'occasion d'en parler avec vous autres. Ce n'est pas une perspective que nous excluons, loin de là.

D'ailleurs, comme vous le signalez dans votre mémoire, la commission Bovey dans son rapport sur le financement des universités ontariennes a retenu certaines suggestions qui vont dans le sens de votre mémoire - cela ne va pas aussi loin - et elle les avait retenues en s'appuyant, si mes souvenirs sont bons, sur des recommandations de la Ontario Federation of Labour.

La Ontario Federation Labour s'est prononcée assez étonnamment en faveur d'une hausse des frais de scolarité pour les universités ontariennes. Elle a dit: II faudrait qu'on envisage un système de remboursement, un ajustement du système d'aide financière et des ajustements au système de remboursement éventuel qui tiendrait compte des différentes classes de revenus en signalant, par exemple, que pour un diplômé d'université qui fera 100 000 $ ou 200 000 $ par année, il devrait y avoir un niveau de remboursement plus élevé que pour celui qui va aller enseigner la sociologie ou l'histoire au niveau secondaire et dont le revenu va être beaucoup plus limité. Il y avait des choses intéressantes à examiner de ce côté. Nous les examinerons au cours des prochains mois. Nous allons continuer de les examiner, mais je vous dis honnêtement, pour les sujets d'intérêt plus immédiat que nous avons, le reste de vos recommandations va retenir davantage notre attention, y compris évidemment les recommandations que vous faites sur les ajustements à apporter au régime de l'aide financière.

Il y en a un qu'on doit exclure - je vais commencer par ce point si vous me permettez - dans l'immédiat. C'est l'universalisation du statut d'autonome pour l'étudiant. En principe, je pense que tout le monde autour de la table serait favorable à ça. Vous avez parfaitement raison de souligner que quand une personne est habilitée à voter, elle devrait également être considérée comme autonome dans le reste de son fonctionnement. Mais les études de coûts que nous faisons au ministère sur les implications financières d'une telle mesure nous inclinent à croire que le coût éventuel pourrait être de l'ordre de 600 000 000 $ à 800 000 000 $.

Évidemment, nous ne sommes pas capables d'envisager des coûts comme ceux-là dans l'avenir prévisible. Par conséquent, j'aime mieux vous dire tout de suite qu'il n'est pas question de passer à une mesure comme celle-là. Mais les autres mesures, les ajustements plus ponctuels proposés dans votre mémoire, nous sommes très intéressés à les examiner avec vous. Je pense qu'on ne pourra pas les passer un après l'autre ce matin, ce serait trop long, mais je peux vous dire que là-dessus, n'importe quand, nous serons à votre disposition pour en discuter d'une manière approfondie. Vous n'aurez qu'à faire signe au responsable de notre ministère, par l'intermédiaire de mon chef de cabinet, M. André Portier, et nous nous ferons un plaisir d'organiser des rencontres qui permettront d'aller au fond de vos propositions et qui nous permettront aussi de vous indiquer les implications que nous y voyons et les possibilités d'action surtout qui pourraient être envisagées.

Dans vos recommandations plus à court terme, vous dites vers le début de votre mémoire que vous recommandez un investissement immédiat de 160 000 000 $ dans les universités. Je pense que c'est vers la page 12 ou 13. Mais vous ne donnez pas de précisions sur ce que serait le contenu de cet investissement, les objets précis. Je ne sais pas si vous pourriez nous donner des précisions sur cette recommandation que vous faites dans votre mémoire. C'est au bas de la page 14.

M. Desrosiers: Cette recommandation a été faite dans la perspective de l'avis du

Conseil des universités qui date du mois de décembre, qui recommandait un investissement d'environ 156 000 000 $ dans le système universitaire québécois d'une façon immédiate. Selon nous, c'était une recommandation qui avait beaucoup de poids et qui était intelligente et qui a été changée à la suite de l'avis qui a suivi, au mois de juillet, du Conseil des universités et qui recommandait un investissement d'environ 100 000 000 $ dans le réseau universitaire québécois.

Selon nous, les coupures budgétaires qui ont existé depuis 1979 jusqu'à aujourd'hui ont créé un taux financier qui est plus élevé que ce montant de 160 000 000 $ qui serait minimalement requis pour retrouver la situation financière qui existait en 1979 mais faite présentement, aujourd'hui. Donc, pour nous, c'est un minimum de voir au moins 160 000 000 $ investis dans le système universitaire québécois.

M. Ryan: Très bien. Cela me satisfait; j'ai la source de votre recommandation. Comme nous en avons déjà discuté avec le Conseil des universités et que nous étudions de près, avec beaucoup d'attention, les suggestions qui émanent du Conseil des universités, je peux vous assurer que, dans le même esprit, votre recommandation sera étudiée sérieusement. Il y avait l'étalement de ce montant qui n'était pas parfaitement clair dans le texte du Conseil des universités, comme vous l'aurez peut-être remarqué vous-même. Il faudra en discuter de manière plus précise.

Encore une fois, on va l'étudier, mais je ne peux pas prendre d'engagement de le faire, parce que ça ne dépend pas uniquement de celui qui vous parle. Cela dépend du gouvernement tout entier qui doit prendre ses décisions dans la perspective de ses autres obligations qui sont très onéreuses. Mais, de toute manière, comptez que ça va être étudié sérieusement.

Vous parlez des frais de scolarité d'une manière extrêmement responsable, je pense bien. Vous dites que, à la rigueur - je pense que nous ne sommes pas loin d'être à la rigueur; nous faisons l'examen complet de toutes les possibilités - vous seriez prêts à consentir à une hausse des frais de scolarité, à condition qu'elle soit de caractère raisonnable, comme vous le dites et à condition qu'elle soit assortie de toute une série de mesures visant à l'amélioration de la situation de nos universités.

Je n'ai pas besoin de vous dire que les mesures que vous proposez - je pense que c'est à la page 24 de votre mémoire, il y en a toute une série: Que les professeurs de l'Université Concordia soient compensés pour la charge de travail supérieur qu'ils assument; que les professeurs à temps partiel deviennent soit professeurs à temps plein, soit soumis à des conditions de travail améliorées, avec un meilleur salaire, etc.; qu'ils aient des bureaux à l'intérieur de l'université; que le personnel de soutien reçoive des compensations pour enrayer l'effet des coupures des cinq dernières années, etc.; que le système des frais afférents soit aboli.

Je crois bien que la recommandation que vous faites est d'aligner l'augmentation des frais de scolarité sur l'augmentation du salaire minimum depuis 1977. Vous dites: Cela équivaut à peu près à 45 %. D'après vos calculs, cela donnerait un revenu brut de 30 000 000 $. Je mentionne ces chiffres parce qu'ils sont dans votre mémoire. J'apprécie au plus haut point l'effort que vous avez fait pour chiffrer ces choses-là. Vous dites qu'il faudrait partager cela: une partie pour améliorer l'aide financière; une partie pour améliorer le financement des universités. Mon point est le suivant. Supposons que l'on partage cela en deux parts égales pour les fins de la discussion, 15 000 000 $ pour l'amélioration de l'aide financière, 15 000 000 $ pour l'amélioration du financement des universités, on ne va pas chercher grand-chose. Je me demande, au point de vue politique, si cela vaudrait la peine d'encourir toutes les critiques de l'Opposition et de toutes sortes de milieux pour aller chercher finalement une somme de 15 000 000 $.

Je ne sais pas ce que vous en pensez. Par exemple, si vous aviez ajusté l'augmentation à l'évolution du coût de la vie pendant la même période de 1977 à nos jours, vous arriveriez à un pourcentage plus près de celui que proposait le Conseil des universités. Je vous pose la question.

M. Desrosiers: M. le Président, pour répondre à M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science, je dirai que la perspective dans laquelle on a amené cette hypothèse de travail, car c'est une hypothèse de travail, semblait, selon nous, très rationnelle. Pourquoi le salaire minimum, tout d'abord? C'est que le salaire minimum représente pour beaucoup d'étudiants le salaire qu'ils peuvent espérer avoir pendant leur période d'emploi estival lorsqu'ils ou elles décrochent un emploi. Ensuite, la question de la décision politique, à savoir si cela en vaut la peine à cause des problèmes que cela peut causer à l'intérieur du milieu universitaire et du côté de l'Opposition, pour nous, n'est pas une question de fond. Ce qu'il reste à déterminer, c'est de savoir jusqu'à quel point les étudiants sont responsables de la situation financière des universités d'aujourd'hui. Selon nous, ils n'en sont pas responsables, mais alors là vraiment pas beaucoup, et notre proposition dans cet état de choses se trouve presque radicale ou extrémiste, étant donné

votre connaissance du milieu étudiant.

M. Ryan: Très bien. J'apprécie énormément la démarche qui est décrite dans votre mémoire. Je comprends cela. Je vous soulève seulement cette difficulté du point de vue de ceux qui auront à prendre des décisions éventuellement. Je note quand même la position de principe qui est adoptée dans votre mémoire et qui doit être signalée avec beaucoup de respect.

Il y a un autre point qui m'intéresse dans ce que vous avez signalé, c'est le problème de la permanence et de l'évaluation des professeurs. Il y a des passages extrêmement intéressants dans votre mémoire sur ce sujet. D'abord, vous nous rappelez qu'il existe déjà des formes d'évaluation des professeurs, mais il ne faut pas penser que l'on part de zéro de ce côté-là. Il y a beaucoup de modalités qui sont déjà en vigueur dans plusieurs universités, dont la vôtre, mais vous trouvez que l'on devrait aller plus loin et que l'on devrait pondérer peut-être autrement les critères d'appréciation. Allez-vous jusqu'à dire que l'on devrait remettre la permanence en question? Je n'ai pas saisi clairement jusqu'où vous allez à propos de la permanence.

M. Desrosiers: En ce qui concerne la permanence des professeurs, je m'excuse, j'étais occupé à parler à ma consoeur.

M. Ryan: Je voudrais que vous nous expliquiez un peu votre situation sur l'évaluation des professeurs, puis l'impact que pourraient avoir les propositions que vous faites sur le régime des permanences.

M. Desrosiers: Pour nous, le régime de permanence est introduit pour permettre une liberté d'expression et une liberté de travail aux professeurs. Cette philosophie de la permanence doit être conservée. Mais, selon nous, il existe quand même certains cas où un professeur peut "se cacher" - entre guillemets - derrière sa permanence pour ne pas avoir à justifier un enseignement de qualité envers ses étudiants. (12 h 30)

Selon nous, il est important que les étudiants reçoivent un enseignement de qualité maximum à cause, surtout, des sacrifices économiques qu'ils font durant leurs études à l'université. Nous croyons qu'il est possible d'introduire un système d'évaluation des professeurs de la part des étudiants en conservant le principe de base de la permanence des professeurs qui est de les protéger de toute influence externe qui pourrait leur faire dire des choses qu'eux ne pensent pas pouvoir dire durant leur cours.

M. Ryan: Je vous remercie. Je vous dirai en toute simplicité que j'incline à penser dans la même ligne que vous. Je pense qu'avant de chambarder le principe de la permanence, il faudrait voir toutes les implications d'une décision contraire. Moi, j'incline plutôt vers le maintien de ce principe. D'autre part, je pense qu'il faut, dans la pratique, introduire des choses plus sérieuses au point de vue de l'évaluation, en particulier la participation des étudiants au processus. De ce point de vue, les propositions que vous faites nous intéressent au plus haut point.

Une dernière question. Vous proposez que le gouvernement verse ce que vous appelez un dédommagement rétroactif à l'Université Concordia pour les problèmes de sous-financement des années passées, je pense. Est-ce que vous proposez que ce soit applicable à toutes les universités qui ont des déficits, y compris les universités qui, sans avoir de déficit, ont souffert de sous-financement mais ont pris des décisions qui évitaient d'en venir à un déficit?

M. Desrosiers: Oui, M. le ministre, pour nous, c'est une solution qui doit être appliquée à toutes les universités, qu'elles aient des déficits budgétaires ou non. Nous avons introduit une grille d'analyse qui devrait être appliquée par le gouvernement pour déterminer quelle part du déficit universitaire vient d'un sous-financement gouvernemental et quelle part vient d'une mauvaise gestion des fonds gouvernementaux. On doit reconnaître que chaque université est distincte, a une mission différente et une façon différente d'administrer ses fonds. Pour nous, de l'Université Concordia, il est évident que la plus grosse partie du déficit de notre institution vient d'un sous-financement gouvernemental et qu'une certaine portion dans le passé, il y a peut-être quatre ou cinq ans, peut être expliquée par une mauvaise gestion des fonds gouvernementaux. Nous savons que dans d'autres institutions la situation est différente et que dans le système du réseau de l'Université du Québec il n'y a presque pas de déficit budgétaire, car le réseau a décidé d'appliquer des coupures d'une façon différente plutôt que de subir des déficits, pour conserver un certain niveau de qualité et de service. Donc, il semble que la solution doit être appliquée selon la spécificité de l'institution et que soit déterminée quelle part vient d'un sous-financement gouvernemental et quelle part vient d'une mauvaise gestion des fonds.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Desrosiers. J'en profite aussi pour souligner la présence de Mme Takacs, de M. White et de M. Wheeland. Je reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue et vous dire que cela nous fait toujours plaisir de recevoir les étudiants, parce que, finalement, les universités trouvent leur raison d'être en fonction des clientèles que constituent les étudiants. Malheureusement, on a souvent tendance ou souvent l'impression que ce n'est pas toujours considéré comme cela devrait l'être. Alors, de vous avoir ici, cela me fait plaisir et je dois dire que j'ai été agréablement surprise par votre mémoire. Cela ne se veut pas un jugement trop sévère à l'endroit des étudiants, mais j'ai, à d'autres occasions, lu des mémoires qui nous venaient des associations étudiantes et qui étaient davantage tournés vers eux-mêmes et pour eux-mêmes alors que ce que vous nous présentez, c'est un mémoire qui fait montre de beaucoup d'ouverture d'esprit. Les préoccupations que vous avez, de même que les solutions que vous suggérez, démontrent un esprit d'ouverture ainsi qu'une bonne compréhension des enjeux que constituent actuellement les questions qui font l'objet des débats de cette commission.

J'ai été agréablement surprise, je le répète, de la place que vous avez faite aux étudiants adultes, aux étudiants étrangers, aux difficultés qu'éprouve votre administration par rapport au sous-financement, à la situation des chargés de cours, à l'orientation de l'éducation et du développement des programmes qui ne devraient pas se faire exclusivement en fonction des besoins immédiats mais davantage pour assurer une formation plus fondamentale, plus solide. Pour ces raisons, je dois vous féliciter et vous dire que j'en ai apprécié la lecture.

Vous abordez la question dans votre mémoire... Je voudrais quand même passer assez rapidement aux questions pour qu'on ait le temps de vous entendre expliquer ou donner un éclairage additionnel sur les propositions que vous avancez. Quant à l'accessibilité, vous parlez des étudiants à temps partiel et de l'impact d'une hausse des frais de scolarité. On sait que chez vous, c'est 50 % de la clientèle qui sont des étudiants à temps partiel. En quoi estimez-vous qu'une hausse des frais de scolarité aurait des effets sur l'accessibilité?

On a vu le sondage qui a été rendu public il y a deux semaines, je pense. En fait, il y en a eu deux de rendus publics: un qui émanait des étudiants de l'Université de Montréal et un d'une compagnie de sondage canadienne de Winnipeg. Finalement, à notre grand étonnement, les conclusions convergeaient, parce que c'est 76 % des Canadiens qui seraient contre un dégel des frais de scolarité - une hausse des frais de scolarité parce que cela ne se présente pas de la même façon ailleurs - et ici c'est 77 %. Le ministre nous dit qu'il ne fait pas confiance aux sondages, même s'ils sont scientifiques. Il préfère les petits carnets avec des notes et des observations sur le quotidien. Je trouve que la démarche peut être intéressante, mais sa validité scientifique ne résiste pas à une longue analyse.

Je voudrais savoir si vous avez des informations plus particulières par rapport aux effets d'un dégel des frais de scolarité sur les étudiants adultes. Ensuite, je reviendrai sur ce que pourrait être une consultation préalable à l'établissement des frais de scolarité.

M. Desrosiers: M. le Président, pour répondre à la question de Mme la députée, chez nous, comme vous l'avez mentionné, il y a une population étudiante qui se divise à peu près en parts égales d'étudiants à temps plein et à temps partiel. Quant à savoir si une hausse des frais de scolarité aurait un impact sur le niveau d'accessibilité des étudiants à l'université, pour nous la question est évidente, il y aurait un impact quelconque. Quant à la grandeur de l'impact, cela reste toujours à déterminer, et, selon nous, l'étude qui a été subventionnée ou commanditée par la FAECUM reste quand même valide.

Si, au cours des années soixante, le gouvernement et la population québécoise avaient accepté un certain niveau de frais de scolarité pour permettre un rattrapage qui était exigé de la part de la population québécoise face aux autres provinces pour l'éducation supérieure, il reste que le même argument est toujours valide aujourd'hui. Si les frais de scolarité sont restés gelés pendant une période de 17 années jusqu'à tout récemment, c'était pour une raison bien simple. Il fallait conserver et toujours augmenter cette accessibilité à tous les niveaux socio-économiques. C'est une philosophie qui avait été comprise en 1967-1968. Nous trouvons quelque peu bizarre de voir que cette philosophie est maintenant incomprise par plusieurs intervenants lorsqu'ils ne croient pas qu'il y aurait un impact quelconque sur l'accessibilité en augmentant les frais de scolarité. Les frais de scolarité représentent une barrière économique pour bien des individus qui viennent de couches socio-économiques différentes ou moins privilégiées que la majorité des étudiants qui fréquentent l'université. L'université reste toujours fréquentée par des étudiants qui viennent en grande majorité des classes moyenne supérieure et supérieure de la population québécoise.

Il faut toujours essayer de garantir une accessibilité équitable à toutes les couches socio-économiques, car pour nous, la capacité d'apprendre n'est pas en relation avec la capacité de payer des frais de scolarité plus

élevés. Si, pour contredire ce que M. Jean-Guy Dubuc disait la semaine dernière, soit que "seulement les meilleurs resteront", selon nous, seulement les meilleurs qui ont la capacité de payer pourront rester. Ceux qui sont intelligents et qui ont la capacité d'apprendre et qui sont capables de décrocher un baccalauréat valide et de se joindre à la société québécoise d'une façon intelligente, d'une façon qui permettrait une augmentation de notre situation économique, alors nous ne leur mettons pas des bâtons dans les roues en augmentant leurs frais de scolarité. Rendons-leur la chose le plus facile possible en maintenant les frais de scolarité à un niveau qui soit intelligent, qui soit adéquat, qui soit modéré, et qui représente une compréhension de la part de la société québécoise aux problèmes de ces étudiants.

Dans cette perspective de financement à court terme et à long terme et des décisions qui doivent être prises en conséquence, pour nous, POET doit être considérée par cette commission d'une façon immédiate. La commission doit se pencher sur notre proposition POET, car cela représente une solution créative à une forme de financement et d'aide financière pour les étudiants. Nous avions compris que cette commission recherchait des solutions intelligentes et créatives aux problèmes des universités et nous avons décidé d'en proposer quelques-unes. Donc, nous demandons que la commission se penche sérieusement sur la validité de notre recommandation POET.

Mme Blackburn: Sur toute cette question de l'accessibilité, je pense que c'est le premier mémoire - il me reste quelques mémoires à lire, mais je ne l'ai pas retrouvé dans aucun mémoire - qui touche l'accessibilité. Vous dites, à la page 14 de votre mémoire, en situant bien la question, que, finalement, le problème de la représentation ou de la sous-représentation du milieu moyen et à revenu moyen faible à l'université, c'est beaucoup plus tôt et c'est aussi culturel. Vous proposez quelques mesures qui viseraient davantage l'information et la sensibilisation et qui devraient être adressées aux étudiants des niveaux collégial et secondaire. C'est un programme intéressant auquel je me suis particulièrement intéressée parce que je me dis qu'effectivement, au Québec l'écart demeure encore important par rapport à la scolarisation en Ontario avec des conditions plus favorables. Je pense que cela devrait parler et cela ne semble pas parler de façon égale à tout le monde. Si on a comme objectif de hausser l'accessibilité, il faut prendre un certain nombre de mesures et je suis d'accord avec vous qu'un certain nombre de mesures devraient commencer par une sensibilisation et une information destinées à des clientèles beaucoup plus jeunes. Est-ce que vous avez pensé aller plus loin et suggérer ce que pourrait être un programme de sensibilisation? Quelles modalités cela pourrait-il prendre?

M. Desrosiers: Nous n'avons pas formulé formellement un mode d'introduction d'un tel programme, mais nous croyons qu'un tel programme devrait être incorporé à l'intérieur des institutions universitaires et que cela devrait être une des tâches ou un des services qu'offre l'université que de démystifier ce qu'est une université au niveau collégial universitaire. Il semble que de cette façon, on peut remédier à certains problèmes de représentativité socio-économique à l'université, si l'université va sur le terrain chercher les étudiants où ils sont en leur démontrant que l'université est accessible à ceux qui sont capables d'apprendre et non pas à ceux qui sont capables de payer. Il y a beaucoup de monde encore, pour reprendre vos termes - et lorsque vous parlez, on vous entend - qui croit que l'université, c'est ouvert seulement aux personnes qui sont capables de payer. C'est une différence culturelle qui existe entre le milieu anglophone, qui a une tradition d'études avancées plus poussée, qui est plus longue, et le milieu francophone qui, jusqu'au début des années soixante, avait seulement certaines voies d'accès à l'éducation supérieure. (12 h 45)

On reconnaît ce phénomène culturel et on parle d'introduire un programme pour peut-être changer un peu la direction de ce phénomène culturel pour permettre d'avoir un niveau d'accessibilité de toutes les couches socio-économiques au Québec qui soit à peu près la même chose qu'il peut y avoir en Ontario.

Mme Blackburn: Dans votre mémoire, toujours sur cette question des frais afférents de scolarité, vous avez au moins un reproche et je dirais un doute. Un reproche parce qu'on impose des frais afférents sans véritable consultation. "On impose ces frais afférents alors que notre contrat est déjà signé avec l'université, c'est-à-dire qu'on a déjà fait une demande d'admission et reçu une réponse." Par ailleurs, vous dites en page 21: "Nous devons avouer notre désenchantement quant à la validité de la commission lorsque le gouvernement, en permettant l'imposition de frais afférents, nous donne une bonne indication de la direction de ces débats." Voudriez-vous détailler ou dire tout simplement que selon vous - parce que j'apprécie votre démarche, la qualité de votre rapport - une remarque comme cela signifie que vous n'avez pas confiance aux résultats des travaux de cette commission.

M. Desrosiers: Ce commentaire a été énoncé à la suite justement de l'imposition et de la façon dont ont été imposés et acceptés les frais afférents de la part du gouvernement. Selon nous, lorsque nous avons démontré précédemment que les revenus générés par les frais afférents allaient aller en majorité pour payer une partie du déficit courant de l'université, on n'appelle pas cela des frais de matériel didactique ou académique quelconque, ce sont des revenus qui sont levés pour compenser certaines dépenses de fonctionnement. Les dépenses de fonctionnement d'une université, selon les critères gouvernementaux, viennent d'abord de subventions gouvernementales, de frais de scolarité en majorité. Si les étudiants, à l'intérieur de frais afférents ou de frais indirects, paient plus de frais de fonctionnement, ce sont des frais de scolarité réels et ils doivent être appelés par ce nom.

Donc, lorsqu'on voit que, quelques mois avant le début de la commission parlementaire qui doit réviser le financement et les sources de revenus des universités, on permet l'introduction d'une nouvelle source de revenus qui, selon les critères gouvernementaux, devrait être illégale, on se dit: Les dés sont pipés quelque peu. Il y a déjà une certaine indication de la direction des recommandations qui vont sortir. Lorsque le Conseil des universités, depuis environ un an, demande une augmentation des frais de scolarité et que la promesse du Parti libéral de conserver le gel des frais de scolarité pendant quatre ans a été quelque peu malmenée depuis ce temps, cela nous indique qu'il y a déjà un mouvement qui existe quant à savoir s'il y aura ou non un dégel des frais de scolarité. Le fait d'avoir des frais afférents, que nous appelons des frais de scolarité indirects présents indique déjà qu'il y a une certaine décision qui a été prise quant à faire participer d'une façon supérieure les étudiants au financement des universités. C'est juste une conclusion qui est là avec les choses qui ont été mises en place.

Mme Blackburn: Vous proposez, advenant l'hypothèse où il y aurait effectivement le gel des frais de scolarité, une formule d'augmentation qui serait basée sur l'augmentation du revenu minimum. Est-ce que vous avez examiné l'hypothèse qui a été avancée par des jeunes touchant l'impôt-éducation de 1,5 % une fois leurs études terminées?

M. Desrosiers: M. le Président, je vais amorcer la réponse et mon confrère Peter va la développer un peu plus. Effectivement, nous avons été agréablement surpris de voir que le caucus des jeunes péquistes est arrivé avec une telle proposition, la semaine dernière. Nous avons été agréablement surpris, parce qu'à l'Université Concordia nous avions déjà développé un programme, qu'on appelle POET, il y a au moins un an avant la mise sur place de ce que les jeunes péquistes ont annoncé la semaine dernière. Donc, pour nous, on avait déjà considéré l'introduction d'un système de taxation quelconque pour générer des revenus additionnels pour les universités. Ce n'était pas quelque chose de nouveau. On reconnaissait une similarité dans le principe et des différences dans l'application. Les différences dans l'application vont être expliquées par Peter.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Wheeland.

M. Wheeland (Peter): C'est vrai que la proposition POET est vraiment semblable à celle qui a été adoptée par la Commission Jeunesse du Parti québécois. Sauf que, par rapport à la section qui est, au moins pour moi, la plus importante dans POET, c'est un changement majeur dans le régime de prêt-bourse, pour qu'il devienne un régime de bourse seulement et non pas de prêt. Cette portion de POET a été oubliée ou ignorée par la Commission Jeunesse du Parti québécois. Je crois aussi que c'est important qu'il y ait un lien entre le nombre des années où on doit payer les taxes et le nombre d'années d'études au secondaire. Sinon si tu étudies trois ans à l'université ou si tu étudies six ans à l'université et que tu paies exactement les mêmes taxes pour la même période de temps. Ce n'est pas un système qui est vraiment égal, parce qu'il y a certaines personnes qui peuvent bénéficier d'une éducation presque permanente, plus longue que la durée normale. Alors, c'est vraiment seulement les étudiants qui étudient trois ans qui vont payer en fin de compte plus que les autres. Je m'excuse si mon français n'est pas toujours très clair, ce n'est pas ma langue maternelle.

Donc, à partir de cette proposition ou de ce que nous avons essayé de dire aujourd'hui concernant POET - c'est la même chose pour la proposition du caucus des jeunes du Parti québécois - on pense que c'est le temps d'étudier un tel type d'idée, mais il faut approcher le projet lentement pour s'assurer que le résultat final d'une telle réforme soit en rapport avec le principe de l'accessibilité et un système d'éducation accessible à toutes les couches sociales.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va? Je reconnais maintenant le député de Rousseau.

M. Thérien: Merci, M. le Président. Dans votre document, vous faites trois

grandes réflexions: premièrement, vous contestez les frais de scolarité, à juste titre; deuxièmement, vous faites porter la réflexion sur la permanence des enseignants et, troisièmement, vous souhaitez une meilleure gestion; vous utilisez même les termes "gestion obscure des universités". Ma question est simple: Avez-vous envisagé un processsus? Par quoi eommence-t-on? Pensez-vous que cela doive se faire de façon simultanée, la question des frais de scolarité, celle de la réflexion sur la permanence et celle de la gestion?

M. Desrosiers: Je crois que l'un des buts fondamentaux de la commission est, justement, de travailler sur tous les fronts à la fois et, donc, d'approcher chacun des points que vous avez relevés conjointement avec les autres. Je vous ferai remarquer qu'on considère les frais de scolarité comme étant une source de revenus possible et qu'il ne faut pas quand même mettre l'emphase sur une augmentation des frais de scolarité, ce qui semble être la tendance générale.

Les frais de scolarité peuvent être augmentés si le gouvernement garantit et démontre qu'il y aura une amélioration de la qualité des services offerts aux étudiants et pas seulement à partir de revenus provenant des étudiants. Si ce sont seulement les revenus de frais de scolarité additionnels qui vont changer la qualité de l'éducation que les étudiants recevront à l'université, alors c'est une certaine façon de dire que la crise financière des universités a été créée par des étudiants et, donc, qu'ils doivent payer. Nous sommes tout à fait en désaccord avec cette position.

Nous savons pertinemment qu'il y a de plus en plus de pression pour faire augmenter les frais de scolarité et que c'est presque un fait accompli, mais nous voulons garantir que l'augmentation des frais de scolarité, possiblement, sera humaine et plus en accord avec la situation économique que vivent les étudiants chaque jour.

En ce qui concerne la gestion des universités et la permanence des professeurs, le tout doit être fait maintenant; c'est une situation de crise, on ne peut plus attendre. Il y a différentes variables qui affectent la qualité de l'éducation et toutes ces variables doivent être approchées en même temps. On ne peut pas retarder l'une pour travailler sur l'autre. Il faut voir tous les aspects maintenant parce que, peut-être, dans deux ou trois ans, on va être trop derrière les autres provinces pour rester à un niveau compétitif. Il faut le faire maintenant et on n'a pas le choix. Il faut faire les sacrifices nécessaires et prendre les décisions nécessaires.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Desrosiers. Je reconnais maintenant la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: M. Desrosiers, j'aimerais vous féliciter pour la qualité de votre mémoire. Je crois que c'est un des meilleurs mémoires que nous ayons reçus. Je suis très heureuse que vous ayez soulevé la question des étudiants étrangers, surtout l'impact négatif des frais de scolarité excessifs, malgré l'enrichissement considérable que cette population représente pour notre société.

Il n'est pas largement reconnu peut-être, ici, au Québec que les ententes qui existent entre le Québec et les pays francophones n'existent pas pour les étudiants des pays anglophones. Donc, la situation dans les universités anglophones est tout à fait différente de celle des universités francophones. C'est une discrimination qui existe depuis longtemps et qui mérite, je crois, notre attention.

J'aimerais vous demander si vous avez des chiffres sur cette population ou une idée générale du nombre d'étudiants étrangers à Concordia. Deuxièmement, quel est leur statut financier? Est-ce qu'il y en a quelques-uns qui sont subventionnés par leur pays d'origine? Troisièmement, quel est leur statut en général en ce qui concerne leur droit au travail? Vous avez mentionné ce problème dans votre mémoire, mais est-ce que ça s'applique à tous les étudiants étrangers et est-ce qu'il y en a quelques-uns qui ont le droit de travailler?

M. Desrosiers: L'effet des frais de scolarité différents pour les étudiants étrangers a eu un impact considérable sur la population globale de ces étudiants à l'Université Concordia. En 1978, nous avions environ 2000 étudiants que nous appelons des étudiants étrangers. En 1985-1986, le niveau était descendu à 863 étudiants. Vous pouvez remarquer que les frais de scolarité ont un impact ou un effet direct sur l'accessibilité à l'éducation universitaire. Nous admettons que le cas des étudiants étrangers est un cas extrême, mais il n'empêche que le principe s'applique à tous les niveaux d'augmentation de frais de scolarité, selon nous.

En ce qui concerne les ententes avec les pays francophones, nous avons remarqué il y a déjà plusieurs années qu'effectivement il y avait une forme de discrimination non mentionnée à l'égard des pays de langue anglophone. Nous n'avons jamais su ou entendu la raison pour laquelle cette situation existait, mais nous reconnaissions que cela avait un impact néfaste sur les étudiants étrangers qui voulaient venir étudier à l'Université Concordia. Nous considérons que l'apport de ces étudiants est un bénéfice qui doit être conservé et surtout encouragé de nos jours, étant donné la perspective internationale que semblent

développer les différents pays et provinces.

Si l'on met des bâtons dans les roues ou que l'on empêche des relations amicales entre les différents pays, on ne peut que se créer des problèmes pour l'avenir dans d'autres domaines, économiques, culturels ou commerciaux. Nous croyons qu'il devrait être reconnu comme fondamental que le milieu de l'éducation favorise la venue d'étudiants étrangers, car ceux-ci amènent avec eux leurs bagages culturels et possiblement des ententes économiques, culturelles et commerciales pour plus tard. Ils devraient aussi recevoir un permis d'emploi temporaire pour la période où ils sont au Québec, car ces étudiants, devant payer des frais de scolarité astronomiques, en plus de payer des frais de subsistance, des frais de loyer et des frais de vêtements, doivent être capables de se garantir un certain revenu. Ce ne sont pas tous les étudiants étrangers qui ont des familles capables de leur garantir des revenus adéquats pour leur période d'études et certains d'entre eux - nous avons certains cas - mangent des biscuits à la semaine longue et du macaroni en boîte Kraft, pour ne pas le mentionner, à longueur d'année. Cela ne devrait pas être des contraintes que l'on impose à des étudiants en leur demandant de payer des frais de scolarité élevés et en ne leur donnant pas l'occasion d'avoir un revenu. Les étudiants étrangers sont aussi capables que n'importe quelle autre personne que je connaisse de remplir un emploi d'une façon intelligente et, si ces étudiants sont motivés à demeurer au Québec et à continuer des études de 2e et 3e cycles, cela crée de la recherche, cela crée des chercheurs. Cela crée aussi une diversification de la recherche et de la compréhension de cette recherche et le Québec ne peut qu'en bénéficier globalement.

Dans cette perspective, nous espérons qu'il soit possible de permettre aux étudiants étrangers de gagner leur vie au Québec sans avoir à sacrifier leur santé.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. Desrosiers. Et avec le consentement de la porte-parole officielle de l'Opposition de dépasser 13 heures, je vais lui reconnaître une dernière intervention.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier, au nom de ma formation politique, de votre participation aux travaux de cette commission. Tant votre mémoire que les réponses que vous avez données à nos questions nous apportent un éclairage intéressant aux travaux de cette commission et peut-être obligeront les aînés à une plus longue réflexion avant de passer à l'action. Je pense plus particulièrement au dégel des frais de scolarité.

Dans votre mémoire, vous avez échappé à ce que je disais tout à l'heure, à ce penchant facile de défendre exclusivement vos intérêts et d'acheter toutes les propositions qui ont comme effet de réduire les activités ou les conditions des autres groupes; je pense en particulier aux professeurs. À nouveau, je voudrais vous en féliciter.

Vous avez parlé de deux choses sur lesquelles il me semble qu'il serait intéressant qu'on puisse réfléchir et, si vous aviez des réflexions à nous communiquer après là-dessus, je serais intéressée à les recevoir. Vous tenez pour acquis, je pense bien, c'est ce que vous nous avez dit, que les frais de scolarité, c'est pour ainsi dire un fait accompli. Donc, vous dites: Essayons de réduire au minimum les effets négatifs en proposant une formule comme celle que vous nous proposez.

Connaissant le souci que vous avez touchant toute cette question de l'accessibilité des milieux moins favorisés aux études supérieures, est-ce que vous pensez qu'advenant un dégel des frais de scolarité une partie des sommes - un pourcentage à déterminer - ainsi recueillies pourrait être consacrée à des programmes de sensibilisation destinés à ces clientèles? Si vous aviez une réflexion là-dessus, je serais intéressée que vous me la communiquiez.

Par ailleurs, quant à vos remarques touchant la situation des étudiants étrangers, je pense que votre recteur tout à l'heure aurait souhaité pouvoir aborder cette question, parce que c'est arrivé à la toute fin de la présentation. Je pense que vous avez répondu à une partie de la problématique là-dessus. Il en demeure une. Je pense que ce qui était proposé comme formule, c'était des accords de réciprocité avec les autres pays. Donc, cela demandait l'accord du pays pour recevoir des étudiants étrangers dans nos universités.

Cette formule a un désavantage important, parce que, connaissant la situation démocratique, en partie non démocratique, de certains pays, cela limite l'accès des étudiants étrangers à nos universités dans ce sens que seuls ceux qui sont agréés par leur gouvernement y auraient droit ou y auraient accès. C'est pourquoi il faut vraiment revoir, je pense, toute cette question des frais de scolarité aux étudiants étrangers. Je partage votre opinion, en ce sens que c'est un enrichissement certain de nos programmes et, au plan économique, cela a des retombées non négligeables.

Pour la qualité de votre présentation, votre présence ici et l'effort que vous avez mis dans la rédaction de votre mémoire, je vous remercie.

Le Président (M- Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée. M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je pense bien qu'il est trop tard pour vouloir reprendre la discussion sur les questions de fond qui ont été abordées jusqu'à maintenant. Je vais agir très brièvement.

Je veux vous remercier de cette discussion que nous avons eue ensemble. Je voudrais vous dire seulement une chose. À un moment donné, vous mentionnez dans votre mémoire que tout cela se déroule à portes closes dans les bureaux du ministère. Je pense que votre présence ici, aujourd'hui, est la contradiction de cette affirmation. Au contraire, le débat se poursuit bien ouvertement dans un climat d'accueil envers tous les points de vue qui peuvent être exprimés. Je pense que vous avez été complètement libres d'exprimer vos points de vue. On va continuer à les discuter. Je ne voudrais pas que vous pensiez que c'est l'esprit dans lequel on travaille, parce qu'on ne vous aurait pas invités ici.

Cela m'a fait bien plaisir et, encore une fois, je vous remercie infiniment. J'espère que le gouvernement va continuer à travailler dans une atmosphère la plus ouverte possible. Je maintiens l'affirmation que le député de Laviolette m'attribuait justement. Il disait que j'aurais dit - et je crois l'avoir dit - que si on a pu à une occasion ou l'autre faire une erreur, mieux vaut la reconnaître franchement et rapidement que de la perpétuer, surtout d'en perpétuer les effets mauvais. Je lui rappelle que son ancien chef nous disait souvent en Chambre, quand nous étions en face de certaines contradictions, qu'il y avait seulement les imbéciles qui ne changeaient jamais d'opinion. De ce côté-là, je suis sûr que l'Opposition commence, devant des interventions éclairantes comme la vôtre, à se poser certaines questions, et cela va être très bon pour tout le monde. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Madame, messieurs, nous vous remercions. La commission permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 15 heures alors qu'elle entendra l'Association des professeurs (es) à temps partiel de l'Université Concordia.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si vous voulez prendre place, nous débutons dans quelques secondes. La commission parlementaire de l'éducation, dans le cadre du mandat qui lui a été confié, à savoir de tenir une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement des universités québécoises, reprend ses travaux.

Nous accueillons cet après-midi les représentants de l'Association des professeurs (es) à temps partiel de l'Université Concordia. D'abord, je veux m'excuser auprès de ces personnes que nous devions accueillir avant l'heure du dîner. Malheureusement, la commission a pris un peu de retard.

Alors, nous avons une heure à consacrer aux représentants de l'association des professeurs. Si vous voulez bien, M. le porte-parole, nous présenter la personne qui vous accompagne et enchaîner.

Association des professeurs (es)

à temps partiel de l'Université Concordia

M. Lavigne (Jean-François): Oui, M. le Président. J'aimerais vous présenter la présidente de l'Association des professeurs à temps partiel de l'Université Concordia, Mme Susan Murray.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Madame, bonjour.

M. Lavigne: Je suis Jean-François Lavigne. Je suis moi-même trésorier de l'association.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Lavigne, soyez le bienvenu, et, encore une fois, sentez-vous bien è votre aise. C'est une consultation formelle, dans un cadre formel, devrais-je dire, mais qu'on voudrait voir le plus informel possible à l'intérieur de nos règlements, de façon que nous puissions discuter franchement, è la recherche de solutions. Nous vous écoutons.

M. Lavigne: Merci, M. le Président. Je vais essayer de dire à la commission, rapidement, quelle est la nature de notre association. C'est une association qui a été fondée è l'automne 1985. Elle est née d'un groupe d'enseignants qui avaient à coeur la qualité de l'enseignement et les conditions faites à leurs pairs au sein de l'Université Concordia. CUPFA n'est pas un syndicat, c'est une association de promotion des enseignants et des enseignantes à temps partiel. Deuxièmement, j'aimerais attirer votre attention sur deux erreurs qui se sont glissées dans notre texte. La première est en page 2, ligne 11. On devrait y lire: "Au moment où les cours dispensés par des enseignants à temps partiel atteignent 50 % et plus de tout l'enseignement de 1er cycle dans plusieurs universités au Québec...

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Pouvez-vous nous situer un peu è la page 2?

M. Lavigne: "...les conditions, etc." La page 2, ligne 11.

Le Président (M. Parent, Sauvé): La ligne 11, pardon, très bien. Oui, cela va.

M. Lavigne: On devrait y lire: "...tout l'enseignement de 1er cycle dans plusieurs universités au Québec." Une autre erreur s'est glissée à la page 4, ligne 3.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.

M. Lavigne: "Cela signifie qu'il y a beaucoup plus de femmes qui enseignent à temps partiel que de femmes enseignant à temps plein." Voilà.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui. La correction, c'est quoi?

M. Lavigne: Pardon? La correction, c'est le "plus" qui est absent...

Le Président (M. Parent, Sauvé):

D'accord, très bien.

M. Lavigne: ...et qui me semble important dans cette phrase-là.

J'aimerais essayer de situer tout d'abord la position des travailleurs à temps partiel sur le plan de l'emploi en général. On sait qu'il y a une augmentation rapide de la proportion de travailleurs qui travaillent à temps partiel, qui travaillent sur des contrats courts, donc, depuis quelques années au Québec. De 7 % de l'ensemble des travailleurs en 1975, la proportion des gens à temps partiel a augmenté à 12,1 % en 1982 et cette proportion est en train de croître rapidement actuellement.

Les conditions de travail des employés à temps partiel sont assez typiques. C'est, en général, de bas salaires, peu ou pas de sécurité d'emploi et, généralement, pas d'avantages sociaux, c'est-à-dire qu'on essaie toujours d'inclure le moins possible d'avantages à l'intérieur des contrats courts, ce qui a pour résultat d'en priver ces employés.

Dans le contexte d'un ralentissement économique prolongé, le recours au travail à temps partiel peut permettre aux corporations de l'entreprise privée de maintenir leur marge de profit en ajustant le personnel aux lois du marché. Les universités, quant à elles, faisant face aux mêmes pressions économiques, ont de plus en plus recours aux mêmes méthodes. Les enseignants à temps partiel jouent donc, croyons-nous, un rôle primordial dans le maintien à flot des universités québécoises. Cependant, en ayant recours aux professeurs à temps partiel, les universités procèdent à des changements fondamentaux dans leurs structures d'emploi et aussi dans leur rôle en tant qu'institutions d'enseignement, c'est-à-dire, par voie de conséquence, dans la qualité de l'enseignement qu'elles dispensent.

Il y a donc, en plus des enseignants à temps plein, du personnel de soutien et d'une hiérarchie administrative, une quatrième catégorie qu'on distingue très rarement, mais qui occupe une part importante et croissante de la structure, les enseignants à temps partiel. Chaque jour nous amène des articles dans les journaux où on peut lire: Les professeurs, les professeurs, les professeurs. Il n'y aque très rarement des nuances dissociant les professeurs qui sont assurés de la permanence de ceux qui sont engagés sur des contrats courts. Alors, l'une des premières démystifications qu'on doit faire quand on s'attache à la question de l'enseignement universitaire, c'est de départager les deux groupes. Ces deux groupes ont bien des choses en commun, cela va sans dire.

Nous croyons que la dépendance accrue des universités face aux professeurs à temps partiel est une solution improvisée. Nous croyons que c'est une solution à courte vue face è un problème de financement qui est un problème à long terme.

En novembre 1985, nous avons envoyé un questionnaire aux quelque 800 professeurs à temps partiel de l'université portant sur leurs conditions de travail pour essayer de connaître un peu les conditions dans lesquelles nos membres travaillent. Alors, sur 150 questionnaires retournés, on a pu dresser un tableau, somme toute assez sombre, de la situation actuelle des enseignants à temps partiel à l'Université Concordia. Parmi les problèmes mentionnés, il y avait des problèmes de nature humaine certainement: l'isolation, l'insécurité face au réengagement, la pauvreté dans bien des cas, le manque de représentation à tous les échelons de l'université, le manque d'espace et, ensuite, une certaine marginalisation face aux autres groupes de la communauté universitaire. Je passerai sous silence, pour le moment, les différences d'ordre salarial pour y revenir par la suite.

Alors, au moment où les cours dispensés par des enseignants à temps partiel atteignent 50 % et plus chez nous à Concordia et aussi dans plusieurs autres universités québécoises, quoique la moyenne provinciale soit inférieure à ce chiffre, les conditions de travail et salariales extrêmement difficiles faites aux professeurs à temps partiel ne peuvent qu'avoir un effet néfaste sur eux-mêmes, la génération montante des professeurs, sur les étudiants et, donc, sur la qualité de l'éducation, en général. Ces effets se manifestent principalement où les professeurs à temps partiel enseignent, c'est-à-dire au niveau du 1er cycle.

La thèse que nous défendons, c'est que le 1er cycle est stratégiquement important pour toutes les études universitaires et que, s'il y a là un laisser-aller dans la qualité de

l'éducation, c'est toute la chaîne qui s'ensuit. Donc, nous voyons un lien direct entre les conditions d'emploi des gens qui enseignent au 1er cycle et qui sont, pour la moitié, des gens a temps partiel, et la qualité de l'éducation. Nous demandons donc à la commission de se pencher sur la condition des professeurs à temps partiel en gardant à l'esprit ces quelques considérations.

Parmi les mythes qui entourent la condition d'enseignant à temps partiel, il y a, bien sûr, celui de l'emploi réel de ces gens-là. Beaucoup de personnes disent - et je pense que c'est monnaie courante de l'entendre dire - que les gens qui enseignent â temps partiel vont chercher là-dedans une masse salariale supplémentaire et disposent d'un autre emploi. D'après l'information qu'on a recueillie parmi les gens qui enseignent à temps partiel à Concordia, cela nous semble complètement faux. La plupart des gens qui enseignent à temps partiel enseignent suffisamment à temps partiel pour s'assurer un salaire minimum. Ils n'ont pas le temps, ni l'énergie et c'est très difficile pour eux de travailler à l'extérieur de l'université. Ironiquement, plusieurs enseignants à temps partiel ont des charges de cours combinées résultant de leur emploi dans plusieurs départements qui équivalent ou qui dépassent celles de certains enseignants à temps plein.

Une autre question particulièrement d'actualité, c'est que plusieurs enseignants à temps partiel sont des femmes. En général, il y a beaucoup plus d'enseignantes à temps partiel que d'enseignants à temps partiel. On observe le phénomène inverse chez les professeurs à temps plein. Par exemple, durant la période 1981-1983, il y avait six fois plus de professeurs à temps plein masculins que féminins. Donc, cela vous donne une idée de la composition des enseignants à temps partiel, en général. Il est certain que ce n'est pas un groupe homogène. Il y a effectivement des gens qui viennent de l'industrie pour donner un cours du soir. Il y a des gens qui sont à temps plein, des enseignants à temps partiel qui donnent plusieurs cours et qui font là une carrière dans l'enseignement. À défaut de pouvoir être engagés à temps plein, ils le font à temps partiel.

Nous allons parler maintenant un peu de la tâche. À Concordia, environ 50 % de l'enseignement de 1er cycle est fait par des enseignants à temps partiel. C'est un chiffre approximatif et, quant à nous, assez exorbitant. Souvent, tes enseignants à temps partiel ont à faire un travail additionnel de supervision et d'administration, quoiqu'on ne leur reconnaisse pas, dans leur contrat d'engagement, l'obligation de faire ce travail. La structure est faite de telle manière que les départements desquels dépendent les enseignants à temps partiel exigent souvent des tâches reliées à la supervision des assistants de recherche, des étudiants gradués, etc., qui deviennent donc des tâches supplémentaires, extérieures au contrat, pour lesquelles tes enseignants à temps partiel ne reçoivent pas de rémunération. Il y a plusieurs de ces tâches additionnelles; nous y reviendrons,

II y a un autre problème particulièrement criant concernant les contrats d'engagement des enseignants à temps partiel, il s'agit de la durée des contrats. Certains enseignants sont engagés la veille de leur premier cours pour une durée de trois mois, c'est-à-dire un trimestre. Parfois, on les engage pour la durée des deux trimestres académiques. On leur demande parfois, à court terme, de préparer un nouveau cours qui n'a jamais été donné et, donc, pour lequel il n'existe pas de contenu, sans aucune rémunération supplémentaire. On leur fait comprendre que, s'ils ne procèdent pas à une préparation suffisante, le contrat pourrait ne pas leur être accordé tout simplement, ce qui revient à les inviter à le faire en subsistant d'une autre manière à leurs besoins.

Pour ce qui est de l'intégration des enseignants à temps partiel à la structure universitaire en général, on peut dire qu'il y a la question de l'isolement qui vient du fait que ces gens-là ne viennent généralement à l'intérieur de la structure que pour enseigner parce qu'ils sont rarement invités à participer à la vie départementale ou à la vie facultaire. Néanmoins, à Concordia, nous avons fait récemment un peu de progrès de ce côté-là. Nous avons maintenant deux représentants au conseil de la Faculté des arts et des sciences, ce qui est un précédent pour nous. Nous espérons travailler à avoir des représentants aux quatre conseils de facultés, de même qu'au niveau des départements.

Il est assez rare, c'est même l'exception, qu'on consulte l'enseignant à temps partiel sur le contenu des cours qu'il doit dispenser. Il n'y a donc pas là de place pour l'exercice des affinités personnelles ou des compétences personnelles. Quand je parle de compétence, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que tout le processus d'engagement des professeurs à temps partiel est fait par des individus, les chefs de département, qui n'ont à répondre que devant le doyen de leur faculté. C'est donc un processus qui ne se fait pas par le biais de comités, de la façon consacrée dans le milieu universitaire, ce qui veut dire que nous avons des cas, par exemple, où une enseignante va être remerciée de ses services après douze années d'enseignement à temps partiel, sans raison, sans motivation sérieuse, tout simplement parce que la personne responsable de l'engagement en aura décidé ainsi.

Les conséquences de , ces conditions d'engagement sur la qualité de l'éducation sont nombreuses. Les contrats courts amènent évidemment des préparations hâtives, des remises de syllabus tardives, des commandes de manuels tardives aussi. Souvent, les premières semaines du trimestre doivent être improvisées parce que le professeur n'a pas été avisé ou n'a reçu son contrat qu'après la première séance de cours. C'est pourquoi nous recommandons, à la fin du mémoire, que le contrat minimal d'engagement d'une personne à temps partiel soit de douze mois dans le cas d'une personne qui enseignerait durant deux semestres.

Si je regarde maintenant du côté des différences salariales, toutes proportions gardées, le salaire d'un enseignant à temps partiel est beaucoup plus bas que celui d'un enseignant à temps plein pour la même tâche. C'est un fait qui résulte, premièrement, du fait que les universités gèrent elles-mêmes l'enseignement à temps partiel et n'ont pas à en répondre au gouvernement. Ce sont les universités qui planifient les budgets alors que, par exemple, les salaires des professeurs à temps plein ont été fixés par décret, ce qui est une problématique totalement différente dans l'établissement des salaires.

J'aimerais ouvrir une petite parenthèse pour dire que nous avons reçu de l'administration - qui, nous le reconnaissons, essaie de nous offrir des conditions acceptables malgré les très difficiles situations financières que l'université a dû traverser depuis au moins les cinq dernières années - en janvier dernier un "mémo" nous disant que les enseignants à temps partiel allaient recevoir 5 % d'augmentation cette année, ce qui semble faramineux compte tenu du fait que dans le secteur public cela semblerait beaucoup. Cette augmentation a été simplement abolie à la fin d'août, faute de fonds. J'ajouterais à cela que la dernière augmentation faite aux enseignants à temps partiel remonte à 1982. C'était une augmentation de 2 %. Depuis ce temps-là, les gages sont restés fixes. Cela vous donne un peu l'idée de la diminution progressive, par rapport au coût de la vie, du salaire accordé à ces gens-là.

Parlons bénéfices maintenant. Il y a des aspects des contrats d'engagement qui sont assez discutables. Par exemple, en cas de maladie, les enseignants à temps partiel engagés sur des contrats doivent payer eux-mêmes, de leur poche, un substitut ou reporter leurs cours à une date ultérieure. Le report est souvent très difficile parce qu'on ne peut pas se permettre d'empiler des sessions additionnelles à la fin du trimestre. En cas de maladie prolongée, les conséquences personnelles de ces conditions peuvent être assez dramatiques. Une bonne santé reste, en fait, la seule alternative au bien-être social dans certains cas, parce que l'enseignant peut perdre sa source de revenu, il peut être obligé de débourser pour compenser son absence. En plus, il perd sa place dans l'ordre. Il y a une espèce d'ordre tacite présent à l'intérieur des départements. On accorde une priorité d'engagement à ceux qui ont pratiqué à l'intérieur du département depuis un certain nombre d'années, tout cela n'étant pas réglementé.

Question budget d'enseignement: si je regarde l'ensemble de la situation financière de Concordia - je me permets de mentionner encore que les professeurs à temps partiel à l'Université Concordia assument 50 % de l'enseignement au 1er cycle - en ce moment moins de 6 % de tout le budget de l'université sont affectés aux salaires des professeurs à temps partiel. Avec 6 % du budget de l'Université Concordia, les professeurs à temps partiel assument la moitié de l'enseignement de 1er cycle. Je pense que c'est un fait assez édifiant. J'aimerais bien que la commission réfléchisse aux conséquences à long terme de cette particularité.

Si on regarde maintenant le problème de l'espace, je pense que l'administration de l'université vous a bien expliqué dans quelle situation critique l'Université Concordia se trouve actuellement. Nous parlerons pour les enseignants à temps partiel. Disons qu'en général les enseignants à temps partiel ne jouissent d'aucun espace personnel. Cela rend très difficile toute consultation individuelle avec les étudiants. Souvent, les consultations avec les étudiants doivent se faire à l'arrière de salles de classe vides ou même à la cafétéria.

La distribution de charge de cours. La pratique à l'Université Concordia, comme dans bien d'autres universités québécoises, est la suivante. L'ensemble des cours de programmes est attribué aux enseignants à temps plein et les cours qui sont en sus des capacités d'enseignement, de la tâche prévisible des enseignants à temps plein, sont attribués aux enseignants à temps partiel. Il y a plusieurs conséquences à ce fait. D'abord, comme je le disais, on ne se soucie que très peu de l'affinité ou de la compétence des professeurs à temps partiel pour enseigner tel cours. Ensuite, il est pratiquement impossible de consolider un cours, parce que vous ne savez jamais, d'une année à l'autre, ce que vous allez enseigner. On reconnaît dans le milieu que, pour roder un cours universitaire, cela prend au moins trois ans afin d'être capable d'en tirer le maximum et que les étudiants en retirent aussi le maximum. S'il faut improviser tous les deux trimestres un nouveau contenu de cours ou s'adapter à un syllabus qui nous est imposé de l'extérieur, dans lequel on n'a eu

absolument rien à dire, on ne peut consolider l'enseignement. Donc, les étudiants ont à vivre avec une situation qui est difficile et les professeurs ont à s'y adapter, à faire le lien entre les conditions de travail que nous trouvons très difficilement acceptables et la réalité de la salle de cours. C'est ce que j'entends par ballottage. Quand on parle de ballottage des enseignants d'un cours à l'autre, c'est de cela qu'il s'agit.

Malgré tout, il y a des retombées positives au système de l'enseignement à temps partiel. D'abord, c'est certainement un système qui permet aux universités de garder leur vitesse de croisière, d'offrir des programmes relativement étoffés, tout en ayant une croissance de leurs coûts reliés à l'enseignement modeste ou contrôlé, je devrais dire. En général, les professeurs à temps partiel sont très motivés, parce qu'ils ont tout à prouver. Ils veulent se tailler une place. Ils veulent se tailler une carrière au sein des universités. Ils ont un défi personnel à relever. Ils essaient de le faire le mieux possible, compte tenu des conditions qui leur sont faites.

Parlons des correctifs à apporter à cette situation dont j'ai essayé de vous donner quelques aspects; il y en aurait tant à dire si on entrait dans les détails. Je pense que le mémoire est assez étoffé d'exemples concrets. Pour en venir à résoudre certains de ces problèmes à court terme et d'autres peut-être sur une base échelonnée, nous recommandons, tout d'abord, qu'il y ait plus de volonté de la part du gouvernement de connaître les conditions faites aux enseignants à temps partiel. À cela, je dois dire que nous sommes très heureux d'avoir été invités par la commission. Nous aimerions voir de la part de la commission une volonté de situer toute la question de l'enseignement à temps partiel à l'intérieur du contexte de l'enseignement de 1er cycle. Qu'on arrête de nous mettre dans le même sac que les autres groupes d'enseignants. Qu'on voie quels sont les problèmes spécifiques aux professeurs que Susan et moi représentons. (15 h 30)

Cela pourrait se faire par le biais d'une enquête ou le ministère pourrait agir directement pour colliger les informations nécessaires sur la condition des enseignants à temps partiel. Nous ne disposons pas des appareils de recherche qui seraient nécessaires pour donner à la commission un compte rendu plus étoffé des conditions actuelles d'enseignement pour les chargés de cours.

La deuxième recommandation que nous aimerions faire à la commission est au niveau des inégalités salariales. C'est là, finalement, que les enseignants à temps partiel paient le plus le prix de la différence de statut qu'on leur fait. Là-dessus, je suis prêt à admettre qu'une des raisons pour lesquelles la différence de statut est si forte, c'est que les enseignants è temps partiel ne sont pas mobilisés jusqu'à présent, n'ont pas essayé de faire valoir leurs revendications d'une façon globale. Les années se sont écoulées. On n'en parle pas tellement, des enseignants à temps partiel. Au niveau des inégalités salariales, ce que nous aimerions voir, c'est que, quand on demande à un professeur d'enseigner un cours, on devrait reconnaître sa compétence professionnelle d'enseignant. On devrait donc le payer proportionnellement è sa charge de cours. S'il est à temps partiel, c'est évident qu'il gagnera moins, mais pas pour faire le même travail. Il gagnera moins parce qu'il enseignera moins.

Parmi les tâches impayées dont j'ai parlé tout à l'heure, on trouve, évidemment, la participation à l'élaboration du curriculum, ta supervision, la planification, la préparation, l'entraînement, la correction. Toutes ces tâches qui sont situées à l'extérieur des contrats d'enseignement devraient être reconnues comme nécessaires è l'accomplissement de la tâche d'enseignement. Puisqu'on nous le demande de toute façon dans les faits, qu'on nous le reconnaisse officiellement et qu'on nous verse donc soit une allocation ô l'intérieur du contrat, soit un dédommagement extérieur au contrat qui compense dans une certaine mesure pour ces tâches additionnelles dont on ne tient pas compte généralement dans l'octroi des masses salariales. Il y a, évidemment, des questions qui relèvent de la gestion interne des universités et il y a d'autres questions qui relèvent plus d'une volonté du gouvernement de voir s'améliorer la situation globale des enseignants à temps partiel.

J'aimerais en terminant, pour qu'on puisse en débattre plus longuement, dire que notre association endosse pleinement les lignes directrices de l'Association canadienne des professeurs d'universités, la CAUT qui, en quelques points, place le débat là où nous croyons qu'il devrait se trouver. En page 14, vous trouverez ces éléments, je les mentionnerai brièvement. La CAUT recommande que tes mêmes garanties de liberté académique et de non-discrimination des professeurs à temps plein soient données aux professeurs à temps partiel; que l'accès à tous les services de soutien de l'université soit le même pour les enseignants à temps partiel. Pourquoi faut-il qu'un enseignant à temps partiel se voie dire qu'il doit payer de sa poche pour ses photocopies, qu'il ne peut pas utiliser les services de secrétariat alors qu'il accomplit la même tâche qu'un professeur à temps plein, toutes proportions gardées?

De même, au niveau des avantages sociaux, la CAUT recommande que les

enseignants à temps partiel y aient accès sur une base proportionnelle. Nous sommes bien conscients que cela implique des coûts. Nous voulons simplement dénoncer la situation actuelle qui veut qu'un enseignant puisse travailler pendant vingt ans à temps partiel et se retirer sans aucun fonds de retraite puisque l'université n'en souscrit pas au nom de ses enseignants à temps partiel.

En terminant, je mentionnerai brièvement que nous aimerions aussi qu'au niveau universitaire - et nous travaillons très fort pour que ce soit aussi aux niveaux facultaire et départemental - les enseignants à temps partiel aient accès à une procédure de grief, qu'il y ait donc une gestion plus rationnelle des ressources humaines en ce qui a trait aux enseignants à temps partiel. Sur cela, je termine mon exposé et je vous invite à me poser les questions qui pourraient vous éclairer.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. Lavigne, de votre exposé. Je dois quand même vous rappeler quelque chose. Lorsque vous avez accepté et qu'on a accepté de vous entendre en commission parlementaire, en fin de compte, c'était pour le plus grand bien de la cause. On vous avait quand même fait connaître les règles du jeu et, dans un télégramme qui vous était adressé, le 17 septembre dernier, le secrétaire vous informait qu'on avait environ quinze minutes pour votre exposé. Il faut tenir pour acquis que votre mémoire avait été lu par les autres membres de la commission. Ce que je trouve malheureux, c'est qu'il y a un échange très enrichissant qui pourrait découler d'une rencontre comme la vôtre et nous sommes limités à peine à 30 ou 35 minutes. J'inviterais les gens à poser des questions brèves et des questions pertinentes de façon qu'on puisse aller chercher le plus d'information possible.

Mme la députée de Jacques-Cartier, adjointe parlementaire au ministre de l'Éducation.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Au nom du ministre, j'aimerais remercier l'Association des professeurs(es) à temps partiel de l'Université Concordia pour son mémoire. J'aimerais vous dire que le ministre s'excuse de son absence à cause de délibérations importantes au Conseil des ministres cet après-midi. Il sera ici plus tard. Pardon?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, madame.

M. Jolivet: C'est sur les frais de scolarité?

Mme Dougherty: Pas sur les frais de scolarité. On discute des frais de scolarité ici.

M. Jolivet: Ah bon!

Mme Dougherty: Ce matin, nous avons beaucoup parlé de vous et de votre situation, et, cet après-midi, c'est à votre tour de parler de vous-mêmes. Nous avons appris ce matin que votre présence à l'Université Concordia constitue une des spécificités importantes qui différencient Concordia par rapport aux autres universités. Comme vous l'avez souligné dans votre mémoire, les enseignants à temps partiel jouent donc un râle primordial dans le maintien à flot des universités québécoises.

Votre mémoire est axé surtout sur la réalité de votre vécu au sein de l'Université Concordia. Vous avez dessiné un portrait assez noir de vos conditions de travail - je n'aimerais pas répéter ces conditions - le manque d'avantages sociaux, les bas salaires, aucune sécurité d'emploi, isolement, etc. Ce matin, malgré tout cela, on a parlé d'un avantage; vous apportez aux étudiants un certain enrichissement parce que vos expériences à l'extérieur de l'université sont différentes de celles des professeurs à temps plein à l'intérieur. On n'a pas parlé de cet avantage, mais je crois qu'en raison de votre présence l'Université Concordia est capable d'une certaine souplesse et est sensibilisée aux besoins de la communauté pour laquelle l'Université Concordia est renommée.

Dans votre mémoire, vous avez dit à plusieurs reprises que votre situation avait un impact négatif sur la qualité de l'éducation, mais vous en avez parlé très peu effectivement. J'aimerais que vous précisiez cet impact négatif sur la qualité de l'éducation. Quels sont les impacts négatifs pour les étudiants? Si ma mémoire est bonne, les étudiants n'ont pas mentionné cet aspect ce matin.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Lavigne.

M. Lavigne: D'abord, M. le Président, j'aimerais dire qu'il est certain que l'enseignement à l'université s'enrichit de contacts avec l'extérieur. À l'Université Concordia, c'est particulièrement vrai parce que beaucoup de gens sont impliqués dans le milieu. De plus, comme association, nous ne défendons pas tous les professeurs à temps partiel de la même façon. C'est-à-dire qu'il y a des groupes de professeurs à temps partiel qui ont besoin d'être défendus plus que d'autres. Cela vient du fait qu'il y a des différences départementales et facultaires très importantes: dans certains départements, les conditions sont meilleures que dans d'autres. C'est donc dire que dans certains départements les conditions sont pires.

L'ensemble des commentaires que j'ai

faits vise donc à sensibiliser la commission à une série de contradictions présentes dans le régime d'engagement des professeurs à temps partiel. J'ai mentionné quelques conséquences néfastes sur la qualité de l'éducation; j'ai parlé de la durée des contrats, des délais que l'on donne aux professeurs, du ballottement des professeurs d'un cours à l'autre qui les empêche de consolider leur enseignement, donc qui a une conséquence directe sur les étudiants, parce qu'un cours qui n'est pas rodé, que l'on enseigne pour la première fois, n'est jamais d'aussi bonne qualité qu'un cours que l'on enseigne depuis trois ans. Enseigner depuis trois ans le même cours, c'est une rareté pour un professeur à temps partiel. Souvent, vous avez enseigné d'une année à l'autre deux sections totalement différentes, parfois des cours nouveaux. Alors, il y a beaucoup d'improvisation à ce niveau.

D'autres conséquences pratiques des conditions de travail des enseignants à temps partiel sur la qualité de l'éducation. J'ai parlé de la possibilité pour l'étudiant de rencontrer son professeur dans des conditions acceptables. À toutes fins utiles, l'absence d'espace personnel chez les enseignants à temps partiel résulte en des contacts très difficiles avec les étudiants. Je pourrais continuer longtemps comme cela. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

Mme Dougherty: Ce seraient plutôt l'improvisation et le manque de stabilité, le manque de continuité, etc., qui influencent la qualité de l'éducation pour les étudiants, selon votre analyse.

M. Lavigne: II y a un problème global de prise en compte des enseignants è temps partiel dans la planification des services d'enseignement. Je pense que l'université donne des services d'enseignement au même titre qu'une entreprise donne d'autres genres de services.

Si on considérait les enseignants à temps partiel non pas comme des bouche-trous, mais plutôt comme des êtres humains, des professionnels de l'enseignement dévoués à ce qu'ils font, on leur donnerait l'occasion de se prononcer sur le contenu des cours qu'ils enseignent, on leur donnerait aussi le loisir de se prononcer sur les horaires. On a des enseignants qui finissent à 22 h 30 et qui enseignent encore à 8 h 30 le lendemain matin, parce que tout cela résulte d'un horaire qu'on a comblé en dernière minute, une fois la tâche d'enseignement à temps plein établie.

Mme Dougherty: Alors, quels sont les problèmes réels que vous avez soulevés qui relèvent de la responsabilité de l'administration de l'université qui est responsable de la gestion interne par rapport aux problèmes qui relèvent des responsabilités gouvernementales, c'est-à-dire le financement de l'université? J'ai de la difficulté à les démêler, parce qu'il me semble qu'il y a plusieurs problèmes qui relèvent de l'université même. (15 h 45)

M. Lavigne: Cependant, il était nécessaire de brosser un tableau d'ensemble des problèmes et des conditions de travail. Cela dit, je pense que les problèmes d'ordre financier sont peut-être plus spécialement du ressort du gouvernement dans l'immédiat, alors que les problèmes de gestion des ressources humaines, les problèmes d'ordre pédagogique sont plus du ressort de l'université. D'une façon très concrète, comment se fait-il qu'on puisse donner la moitié des cours, donc engager le personnel nécessaire dans une université pour donner la moitié des cours, sans qu'il y ait de ligne directrice issue du ministère de l'Éducation et que les universités aient la pleine responsabilité de faire ce qu'elles veulent avec ce groupe d'enseignants, alors qu'on daigne pour l'autre groupe établir au niveau ministériel toute une série de normes?

J'aimerais faire une courte parenthèse pour dire que la croissance rapide de l'enseignement à temps partiel a un peu débordé les prévisions à un certain moment, au début des années quatre-vingt, et qu'on se retrouve dans un univers très peu réglementé. Il y a tout à faire dans ce domaine, je pense.

Mme Dougherty: En ce qui concerne la situation ailleurs - c'est évident que cette situation existe dans d'autres universités ailleurs - the Canadian Association of University Teachers s'est penchée sur ce problème et vous avez inclus quelques-unes de ses recommandations à la fin dans une annexe. Est-ce qu'il y a des universités ailleurs qui ont réussi à régler ce problème? D'abord, est-ce qu'il y a une situation parallèle à celle que vous vivez à Concordia et comment a-t-on réglé le problème?

M. Lavigne: Mon Dieu, régler le problème, je pense c'est un voeu qu'on ne peut que faire actuellement. Je ne pense pas qu'il y ait de solution permanente à ce problème. Il y a des universités québécoises où les chargés de cours ou les professeurs à temps partiel, selon le nom qu'on leur donne, se sont regroupés au sein de syndicats. Cela n'a pas résulté en une solution universelle à tous les problèmes. Il y a beaucoup de travail à faire au niveau local. C'est l'un des buts de notre association. Les lignes directrices de l'Association canadienne des professeurs d'universités nous semblent un encadrement raisonnable des conditions d'enseignement des professeurs à temps partiel. Il est certain que ce sont des principes. D'ici là, il y a beaucoup

d'adaptation qui doit être faite. Alors, je ne pourrais pas vous répondre qu'il existe quelque part une université qui nous sert actuellement de modèle. Nous luttons face à nos conditions locales et à nos problèmes locaux de la meilleure façon. C'est tout ce qu'on peut faire pour le moment.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Lavigne. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Monsieur, madame, cela me fait plaisir de vous accueillir. Je pense qu'il y a un deuxième groupe de chargés de cours de l'Université de Rimouski qui viendra faire des représentations devant nous. Je ne reprendrai pas les principaux éléments de votre mémoire. Je pense que vous nous avez dressé un tableau relativement complet et, je dirais, relativement sombre des conditions de travail des professeurs à temps partiel ou de ce qu'on appelle les chargés de cours. Vous avez souligné un fait qui ne semble pas avoir retenu l'attention, mais qui me préoccupe toujours lorsqu'on examine les questions de travail à temps partiel, c'est la représentation des femmes dans ces secteurs. Je disais ce matin que, selon des études américaines, on constate qu'il y a deux nouvelles classes de pauvreté, ce sont les femmes et les enfants. C'est directement associé, parce que, évidemment, les femmes étant dans cette condition et responsables de famille dans plusieurs cas, cela nous prépare un avenir plutôt sombre.

J'ai deux questions. D'abord, Mme la députée de Jacques-Cartier, je pense qu'il faut faire une distinction entre engager des professeurs à temps partiel pour aller chercher expressément une expertise particulière dans un domaine donné, comme cela se fait dans certaines grandes institutions françaises, de même qu'ici, et en faire une politique. Ici, ce qui nous concerne par rapport aux conditions qui sont faites aux gens qui travaillent à temps partiel, c'est que, souvent, cette politique veut tout simplement avoir un personnel qui permette de boucler le budget de l'université - je pense qu'il faut faire attention lorsqu'on examine ce genre de question - et que les conditions de travail telles que vous nous les avez présentées aient des effets sur la qualité de l'enseignement, cela m'apparaît indéniable. On ne peut pas demander à des gens de préparer à la dernière minute des cours tout à fait au point. Et, sans contact avec leurs collègues, c'est encore plus difficile.

Je n'irai pas plus loin que cela mais il y a deux questions qui me... On dit que quatre cours c'est l'équivalent temps complet pour des professeurs qui ont leur permanence parce qu'on estime qu'à quatre cours c'est 50 % à l'enseignement, 35 % à la recherche et 15 % à l'encadrement, à l'administration. Si on voulait évaluer ce que valent vos services, à ce moment-là on dirait, si je me base sur ces 50 %, c'est 50 % du salaire d'un prof qui entre à l'université pour la première année. J'essayais d'avoir une base. C'est difficile à évaluer tel que présenté mais on sait que c'est entre 9000 $ et 12 000 $ à quatre cours parce que selon les facultés c'est variable.

M. Lavigne: Je ne suis pas certain d'avoir bien compris votre question. Il y a en effet une norme qui limite le nombre de crédits qu'un enseignant à temps partiel peut donner à l'intérieur d'une année académique. Le nombre est de douze crédits.

Mme Blackburn: Oui, je pense que c'est trois ou quatre.

M. Lavigne: On limite le nombre probablement pour qu'il n'y ait pas de situation contradictoire où les enseignants à temps partiel enseigneraient autant et plus, dans un même département, que des enseignants à temps plein, pour la moitié du salaire.

Mme Blackburn: Par rapport à la tâche globale d'un professeur régulier, les quatre cours - parce que c'est le maximum, c'est la limite - que vous offrez, cela représente quelle portion de la tâche d'un professeur à temps complet?

M. Lavigne: II existe plusieurs façons de calculer cela. Il est certain que si on prend en compte les professeurs qui sont en année sabbatique, ce qui est estimé à un professeur sur sept durant chaque année académique, les professeurs à temps plein enseignent moins de cours que l'ensemble des professeurs à temps partiel. Au niveau de la comparaison des crédits enseignés, un professeur à temps plein enseigne généralement 18 crédits mais il y a toute la procédure de réduction de la charge de cours pour entreprendre des recherches. Donc, cette proportion normale de 18 crédits par professeur à temps plein est souvent réduite pour fins de recherche ou d'administration, c'est-à-dire de contribution à la gestion des départements.

Mme Blackburn: Cela va. Je comprends votre réponse parce que j'avais oublié que chez vous c'étaient six cours pour * les professeurs et non pas quatre.

Deux brèves questions. Vous dites dans votre texte en page 3: "D'autres, une minorité si l'on se fie à nos données, détiennent un emploi rémunéré à temps plein à l'extérieur de l'université en plus de la charge de cours." Avez-vous des données plus précises sur cette question?

M. Lavigne: Je n'ai pas de chiffres mais on a posé cette question dans le questionnaire qu'on a distribué à tous les enseignants à temps partiel. Ils étaient rares ceux qui se réclamaient de travailler à temps plein à l'extérieur de l'université.

Mme Blackburn: Qui faisaient double emploi.

M. Lavigne: Souvent ils étaient engagés pour deux cours, donc c'était leur base principale de subsistance.

Mme Blackburn: Dans vos recommandations - je ne voudrais pas porter de jugement sur la valeur, parce que cela me semble quasiment des conditions généralement reconnues dans la société; cependant, vous comprendrez que cela relève davantage de l'administration que de la présente commission - à la page 14, la 12e recommandation, droits des enseignantes, commission parlementaire sur la condition des enseignants - j'imagine que cela concerne aussi les enseignantes - à temps partiel. Cela concerne davantage les travaux de cette commission. Je pense que le ministre pourrait probablement là-dessus, comme il l'a fait pour un groupe de professeurs la semaine dernière, imaginer une façon de recueillir des données qui nous permettraient d'avoir, par rapport à cette question des professeurs à temps partiel, des chargés de cours, une vision un peu plus d'ensemble de ce qui se fait dans nos différentes universités et des conditions qui leur permettraient d'assurer un enseignement de qualité. Si le ministre veut simplement prêter attention une petite minute, je l'inviterais à examiner la recommandation 12. Sans penser nécessairement à une commission parlementaire, quoique cela pourrait être fort intéressant, on pourrait certainement penser à un groupe de travail qui nous permettrait de faire la lumière sur cette question, de proposer ou d'avoir une idée de ce que devrait être un minimum d'encadrement et de conditions de travail pour ces employés.

Le temps file. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est encore à vous pour conclure, madame.

Mme Blackburn: Bien. Je veux vous remercier. Je pense que la balle est dans le camp du ministre et je ne pourrais pas répondre à sa place, mais je veux simplement vous dire que je suis particulièrement préoccupée de l'ampleur que ce phénomène a prise dans plusieurs universités è l'occasion du développement des jeunes universités et, évidemment, encouragé, si on peut parler ainsi, par les compressions budgétaires. La grande question qui se pose, c'est: Si c'est une bonne chose, quelles sont les conditions qui permettraient de préserver la qualité de l'enseignement? La deuxième question à laquelle il faudra répondre, c'est: Dans quelle proportion est-ce souhaitable, que l'enseignement soit dispensé à 40 %, 50 % ou 60 %? Je pense que c'est essayer d'établir ce qui serait à peu près une norme acceptable. Je sais que cela a déjà été établi par rapport à ce que devait constituer le minimum de professeurs à temps complet, réguliers, mais dire qu'on a fait cette démarche et cette réflexion par rapport à l'ensemble des universités du Québec pour avoir un portrait un peu plus juste, je ne connais pas d'étude là-dessus.

Je trouverais cela intéressant, puisque cette commission a comme responsabilité, comme mandat, d'examiner à la fois les orientations et le financement. Quand on parle d'orientations, j'imagine qu'on s'intéresse aussi à la qualité.

Je vous remercie infiniment de votre participation aux travaux de cette commission et soyez assurés que, pour nous, par rapport au portrait que vous avez dressé des conditions qui étaient les vôtres, cela pourra certainement en faire réfléchir plusieurs et nous amener à chercher des solutions. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame.

Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérÀeur et de la Science pour le mot de la fin.

M. Ryan: Je voudrais tout d'abord m'excuser d'avoir dû m'absenter pour assister à une réunion du Cabinet tantôt. Cela m'a empêché d'être présent pour la présentation de votre mémoire, mais j'en avais pris connaissance avant la réunion de cet après-midi, évidemment. J'ai pris bonne note des conditions que vous décrivez dans le mémoire de même que des recommandations que vous y formulez.

Nous ne sommes pas en mesure pour l'instant de tirer de conclusions. Le volume d'activités que les chargés de cours représentent dans nos institutions d'enseignement universitaire est très élevé dans plusieurs cas. À Concordia, vous autres, vous dites que c'est 50 %. L'université nous disait ce matin que c'était autour de 33 % du total des cours. On vérifiera cela de plus près, mais c'est sûrement quelque part entre 33 % et 50 %. C'est déjà une proportion considérable qui entraîne des conséquences pour vous, pour la formation qui est donnée aux étudiants également à toutes sortes de points de vue. Je pense que nous avons intérêt à examiner ces conséquences de près, de même que les problèmes qui ont été soumis à notre attention dans votre mémoire.

À l'occasion de l'étude que nous ferons sur la tâche d'enseignement des professeurs

réguliers, nous trouverons le moyen de faire une étude sur le volet que vous avez porté à notre attention aujourd'hui. Je ne connais pas pour l'instant les modalités précises que cet examen revêtira, mais il me fait plaisir de dire à la députée de Chicoutimi que nous allons examiner ce volet du problème avec attention au cours des prochaines semaines et nous comptons sur votre collaboration.

Une chose que je remarquais dans votre mémoire: vous avez fait une enquête. Je pense qu'il y a quelque 800 professeurs à temps partiel, chargés de cours plutôt, et professeurs à temps partiel, à Concordia. II y en a seulement 150 qui ont répondu à votre consultation. Il va falloir qu'on ait des indications assez claires sur la situation de l'ensemble et cela prendra sans doute des renseignements plus complets. Je pense que ce que vous avez donné reflète un portrait qui nous interpelle et auquel nous devons nous intéresser. Je vous remercie infiniment. Le volet que vous avez présenté est très important non seulement pour Concordia, mais pour l'ensemble des universités aussi. On ne peut pas jouer l'autruche toujours. Ce problème, je pense qu'il nous est posé et il faut l'examiner. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, Mme la députée, M. Lavigne, Mme Murray. La commission parlementaire sur l'éducation suspend ses travaux pour quelques minutes et dans quelques minutes nous allons entendre - un instant -le National Union of Sir George Williams University's Employees.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

(Reprise à 16 h 3)

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, veuillez prendre place. La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux et accueille le National Union of Sir George Williams University's Employees qui a comme porte-parole Mme Claire Delisle.

Mme Delisle, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions d'avoir répondu à l'invitation de la commission parlementaire sur l'éducation.

La commission a prévu de vous entendre durant une heure. C'est donc dire que vers 17 heures, nous suspendrons pour entendre un autre groupe. La période de temps est divisée comme suit: vous avez environ 15 minutes pour faire votre présentation et après cela suivra une période d'échange de propos de 45 minutes environ avec les membres de la commission.

Mme Delisle, si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne et commencer votre présentation. NUSGWUE

Mme Delisle (Claire): J'aimerais présenter M. Peter Randell, qui est mon confrère siégeant au comité de négociations présentement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Randell, bonjour. Allez, madame.

Mme Delisle: M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les délégués de la commission, je tiens è vous remercier au nom de tous les membres de notre syndicat des employés de soutien de l'Université Concordia de l'occasion de nous faire entendre. S'il n'y a pas d'objection, je vais passer à la lecture du mémoire.

Nous sommes un petit syndicat d'employés de soutien de la bibliothèque à l'Université Concordia, campus George Williams. NUSGWUE est affilié depuis 1970, et nous avons témoigné des grands changements dans l'éducation universitaire. Notre inquiétude pour l'avenir des universités au Québec reflète l'accroissement d'un consensus général, mais aussi nous avons une perspective particulière. Nous voulons profiter de l'occasion pour expliquer notre point de vue et présenter un cas qui, peut-être, n'est pas toujours pris en considération par ceux qui décident du destin et de la direction de l'enseignement supérieur dans cette province.

Le National Union of Sir George Williams University's Employees (CSN) représente 105 employés de soutien de la bibliothèque qui travaillent dans trois édifices au centre-ville. Ceux-ci sont la bibliothèque des sciences et génie, la bibliothèque Norris qui comprend un service de prêts, un département de référence, de publications gouvernementales, de prêts entre bibliothèques, un département de matériaux non imprimés, les services techniques qui comprennent les départements de catalogage et d'acquisition. Nos classes d'emploi sont variées quant aux responsabilités et comprennent des surveillants, des secrétaires, des bibliotechniciens, des spécialistes en publications gouvernementales et en matériaux non imprimés, et des commis, etc.

Nous croyons que la bibliothèque est une partie essentielle de la structure universitaire, qui joue un rôle central de support dans le processus d'éducation. Par conséquent, depuis presque deux décennies, nous avons observé et participé à la dynamique de l'éducation au Québec.

Il y a eu un progrès au cours des années, dans le sens que le peuple québécois a eu l'opportunité de poursuivre une éducation supérieure. Malheureusement, depuis peu, ce progrès est menacé. Ces

menaces s'attaquent à la fois aux étudiants et à ceux qui rendent les services à la clientèle. C'est dans ce contexte qu'on s'adresse à vous.

Les employés de soutien de la bibliothèque à Concordia n'ont peut-être pas reçu la reconnaissance qu'ils méritent, c'est-à-dire, pas dans un sens positif. C'est regrettable que, dans un climat syndical, une situation de confrontation soit presque toujours obligatoire. Cette situation va à l'encontre des principes de coopération entre la gérance et les travailleuses et les travailleurs, l'enrichissement de travail et la productivité. Il nous apparaît que si on est régi par une convention collective, cela doit créer la stabilité, augmenter la qualité de travail et améliorer les communications. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas.

Les conditions de travail qui se détériorent, les délais pour combler les postes vacants qui, de plus en plus, sont prolongés et les augmentations des charges de travail contribuent au stress pour les gens concernés.

Nous croyons que cette situation est directement reliée au sous-octroi des subventions depuis des années à l'Université Concordia.

Depuis des années, le nombre d'étudiants augmente au même rythme que les subventions du per capita diminuent. Cette situation est grave et amoindrit le râle que l'université doit jouer dans notre société, c'est-à-dire de fournir une éducation universelle et accessible à tous. Par conséquent, la bibliothèque, qui a la responsabilité de fournir les services à la communauté universitaire, en souffre plus.

Il devient difficile d'offrir le meilleur service possible à une clientèle toujours exigeante, c'est-à-dire les étudiants, les professeurs et le public, en faisant face à des coupures budgétaires de plus en plus sévères. Tout le système fonctionne sous une très grande pression. Faire son possible au travail devient frustrant quand on est toujours assujettis à des subventions incertaines et aux conséquences que cela entraîne.

Nous sommes au courant de la situation économique globale dans laquelle se trouve le gouvernement. Cependant, nous rejetons l'implantation des solutions à court terme pour les problèmes à long terme. Aussi, nous ne sommes pas du tout d'accord avec les coupures de salaire imposées par - le gouvernement précédent. Faut-il dire que cela ne fait rien de bon pour le moral des employés de soutien de savoir qu'il est impossible pour eux de se maintenir avec le coût de la vie?

Nous sommes d'accord avec les études et les recommandations du Conseil des universités qui soulignent clairement la menace qu'entraîne le sous-octroi imposé aux universités. Offrir la meilleure éducation possible avec les meilleures facilités et équipements possible est d'une suprême importance pour garantir aux futures générations qu'elles seront capables d'être sur un pied d'égalité avec le monde entier sur les bases intellectuelles, techniques et spécialisées.

L'avis du Conseil des universités au ministre sur les orientations du financement universitaire recommandait fortement des changements immédiats à la méthode de subventionner les universités québécoises. Toutefois, nous avons certaines réserves à propos d'une hausse des frais de scolarité et du réaménagement du système de prêts et bourses. On court le risque de rendre les universités accessibles seulement à l'élite qui a les moyens de payer.

Un des domaines les plus importants qui ne devrait pas être négligé est celui des nouvelles technologies. C'est absolument nécessaire d'obtenir suffisamment de subventions pour assurer non seulement l'entretien de l'équipement mais aussi l'acquisition de nouveau matériel logiciel. Au cours des années, à la bibliothèque, nous avons acquis des systèmes automatisés et des matériaux lisibles à la machine. Cependant, il nous en faut plus, étant donné que le changement pour un système d'entreposage et récupération d'information est dynamique.

On peut peut-être supposer qu'avec le "bureau du futur" et le rôle que jouent de plus en plus les appareils modernes qui allègent le travail, une organisation aurait besoin de moins d'employés pour fonctionner avec la même efficacité. Mais, quand on examine les statistiques du service à la clientèle durant les cinq dernières années, on s'aperçoit qu'il y a eu une augmentation dans presque tous les départements de la bibliothèque quant aux services dispensés au public, ce qui a eu un effet de balance, l'un élimine l'autre. Nous avons besoin d'au moins du même nombre d'employés ainsi que des améliorations technologiques pour demeurer au même niveau d'efficacité et de compétence dans lequel nous nous trouvons maintenant.

Les récentes études démographiques nous donnent une idée de la population probable des universités dans le futur. Également, le nombre d'étudiants admis sur une base adulte qui entrent ou retournent aux études augmente d'année en année. Le portrait démographique changeant des clients des universités doit être pris en considération quand on parle d'organisation et de financement pour le futur. L'Université Concordia a toujours été au premier rang dans l'attraction de ce type de clientèle. Alors, afin de fournir un service supérieur, nous devons maintenir un ratio d'employés/technologies optimal.

Bien sûr, la direction de la bibliothèque, étant forcée par les autorités de l'université, a, durant les dernières années, employé des pratiques un peu douteuses quant au niveau de la main-d'oeuvre. Beaucoup d'employés à temps partiel ont été embauchés au salaire minimum pour faire un travail équivalent au travail des employés à temps plein. Cette situation a eu pour effet de retarder ou même d'empêcher l'affectation de plusieurs postes vacants dans les secteurs technique et public. Il y a eu un laps de temps inexcusable avant que les postes temporairement vacants, à cause de congés de maternité ou d'autres congés autorisés, soient comblés. Nous commençons à craindre que la direction ne soit pas vraiment intéressée à fournir le meilleur service possible pendant qu'elle décime systématiquement notre main-d'oeuvre. Maintenir un niveau de consistance quant aux services rendus est très difficile dans ces circonstances. Ceci est le résultat regrettable de coupures sévères.

Il nous paraît qu'on s'est servi de nous comme émissaires pour cette partie du déficit. De plus, ces pratiques de la direction nous ont forcés à soumettre un nombre immodéré de procédures de griefs et d'arbitrage. Inutile de dire que ceci n'encourage ni des relations de travail décentes, ni un climat de travail productif.

Nous espérons que le nouvel édifice de la bibliothèque qui nous est promis sur le campus Sir George Williams va enfin résoudre la plupart des problèmes de l'édifice principal, c'est-à-dire le manque chronique d'espace pour étudier et pour loger la collection, des facilités trop étendues, une atmosphère de travail affreuse dans les édifices Norris et Schuchat. Malheureusement, nous avons même des réserves quant à ladite situation. La planification du nouvel édifice procède très lentement pour une variété de raisons qui nous restent mystérieuses. Oui, mystérieuses, parce qu'on ne nous a pas inclus à aucun des comités de planification. Cette situation nous est inacceptable, parce que nous croyons être bien équipés pour fournir des recommandations concrètes et réelles pour le fonctionnement de la nouvelle bibliothèque, étant donné notre expérience de jour en jour dans le service. Quand on s'attend à travailler là un jour, il est frustrant de demeurer en dehors de toute planification. Il nous semblerait plutôt raisonnable d'utiliser toutes les expertises possibles avant que les problèmes se soulèvent.

Nous espérons avoir touché plusieurs domaines d'intérêt dans cette présentation. Dans le panorama macro-économique et sociopolitique d'éducation au Québec, nous jouons un rôle important.

C'est peut-être difficile de réaliser que nous sommes concernés par l'effet des politiques gouvernementales sur la société en général et non pas seulement sur notre petit groupe. En effet, nous croyons fortement que notre intérêt reflète les intérêts de la population québécoise. La promotion et l'entretien du meilleur climat de travail possible afin de fournir un service optimal au plus large spectrum de notre société, les futures générations en bénéficieront et récompenseront la nation.

Nous voulons déposer les recommandations suivantes: Augmenter les subventions dans toutes les universités au Québec et surtout Concordia; négocier de bonne foi avec les syndicats dans le secteur public; promouvoir la qualité des services et du travail; alléger le déficit budgétaire; améliorer les ratios entre étudiants et professeurs; implanter des stratégies à long terme; atteindre un équilibre entre les travailleurs, les travailleuses et la technologie et permettre aux universités de se maintenir avec les améliorations technologiques. (16 h 15)

Alors, j'aimerais souligner que le plus gros problème que l'on a est que l'on n'a pas comblé les postes vacants pendant la période 1985-1986. Alors, notre syndicat, qui comptait 108 employés, a maintenant 12 postes de coupés, je crois, et ceci est inexcusable. C'est une situation qu'on ne peut pas tolérer; les charges de travail ont augmenté quelque chose de rare, puis il y a aussi d'autres problèmes quant au manque chronique d'espace. On se répète un peu parce qu'on est la quatrième organisation de l'Université Concordia qui présente un mémoire, mais je vais tout de même le répéter: Le manque d'espace est affreux, ainsi que les postes vacants. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, madame. Maintenant, nous allons procéder à la période d'échange de points de vue. Je reconnais le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Mme Delisle, il me fait plaisir de vous rencontrer, ainsi que celui qui vous accompagne et dont le nom m'échappe.

Une voix: M. Randell.

M. Ryan: Très bien. Il me fait plaisir de vous rencontrer. Je suis bien content que vous soyez venus rencontrer la commission parce que nous voulons que tous ceux qui oeuvrent dans le milieu universitaire aient la chance de dire leur mot à l'occasion des audiences de la commission. Dans le message que j'avais livré à la commission et à nos concitoyens au début de nos travaux, j'avais bien dit que nous envoyions nos salutations à tous les membres de la communauté

universitaire, y compris les employés de soutien. Par conséquent, soyez bien chez vous avec nous. "You belong", comme on dit.

Vous nous avez particulièrement parlé dans votre mémoire de la situation de la bibliothèque et des conséquences qui ont découlé des politiques des dernières années pour la catégorie de travailleurs que vous représentez. Le problème que vous soulevez est assez général. Il n'existe pas seulement à l'Université Concordia, il existe maintenant dans les municipalités, dans la fonction publique, dans le système d'enseignement aux autres niveaux, collégial, secondaire et primaire, il existe aussi dans les hôpitaux et dans les services sociaux. En gros, ce qui est arrivé, d'après moi, c'est que, pendant un certain nombre d'années, on y est allé très libéralement avec les conventions collectives, surtout au chapitre de la sécurité d'emploi. On avait donné aux travailleurs des garanties qui avec le temps se sont révélées trop fortes pour ce que nos institutions pouvaient porter. Depuis quelques années - il n'y a pas eu de directive d'émise; cela a commencé avec le gouvernement précédent et cela continue dans une certaine mesure sous le gouvernement actuel - il y a tendance à resserrer. Les services public et parapublic sont enclins à engager de moins en moins de permanents. Ils procèdent de plus en plus par l'engagement de travailleurs occasionnels, de travailleurs surnuméraires, de travailleurs à temps partiel, etc. On l'a vu dans le secteur de l'enseignement, il y a une multiplication des chargés de cours et des professeurs à temps partiel. Dans les hôpitaux, on s'aperçoit que des engagements de nouveau personnel infirmier ou de nouveau personnel de soutien, il ne s'en fait pratiquement pas sur une base permanente. Il y a un roulement de personnel beaucoup plus élevé que ce que l'on voyait autrefois.

Ceux qui sont chargés des fonctions de gestion ont senti le besoin d'avoir une plus grande mobilité dans la gestion de ces grands ensembles public et parapublic. De la manière dont nous étions partis, nous allions tout droit vers un corporatisme étouffant. Il a fallu élargir les voies et, comme il n'y avait pas beaucoup de possibilités, c'est celle-là qui a été prise. C'est malheureux, car dans bien des cas cela entraîne des décisions regrettables, cela empêche aussi des choix rationnels.

Il va falloir qu'un changement d'atmosphère se produise, surtout dans les rapports entre syndicats et employeurs. Vous le dites au début de votre mémoire, d'ailleurs, qu'il faudrait que ces choses puissent être discutées dans un climat d'ouverture, de collaboration. Je pense qu'il va falloir créer ce climat de part et d'autre. Il y a des responsabilités de part et d'autre, mais je pense que, sous-jacent à tout ce que vous avez évoqué dans votre mémoire, il y a ce phénomène qu'on constate qui est à l'oeuvre dans plusieurs secteurs de l'administration publique et parapublique et, à plus forte raison, évidemment, dans le secteur privé. On a perdu de bons travailleurs avec cela. Il y en a beaucoup qu'on laisse à la porte pendant des années. Je rencontre toutes les semaines plusieurs travailleurs, soit dans le secteur de l'éducation, soit dans le secteur de la santé et des services sociaux, soit dans celui de la fonction publique qu'on engage pendant un certain temps, qu'on renvoie chez eux, qu'on fait revenir ensuite, qu'on renvoie chez eux, qu'on fait revenir. On joue avec eux pendant des années sans qu'ils puissent jamais avoir accès à la permanence. Arrive un point où cela n'a pas de bon sens. Je pense qu'on va être obligé de s'examiner là-dessus; il y a des pratiques qui sont allées trop loin. On avait eu un excès dans un certain sens pendant des années. Là, on dirait qu'on a un retour du balancier qui entraîne des excès dans l'autre sens. En tout cas, vous nous avez posé le problème. Je voudrais au moins que vous sachiez que nous en sommes conscients et que nous allons l'examiner avec les universités en particulier pour voir comment il se pose à ce niveau et ce que les universités pourraient faire pour alléger les conséquences du problème.

En ce qui touche la bibliothèque que vous avez discutée de manière particulière dans votre intervention, je voudrais tout d'abord rappeler que, sous le gouvernement précédent, le ministre qui m'a précédé - il ne m'a pas précédé; il avait été remplacé par M. Rodrigue, je m'excuse, il est passé vite celui-là, j'étais porté à l'oublier, mais il m'est revenu à temps - M. Bérubé...

Une voix: ...

M. Ryan: Non, c'était M. Bérubé qui était allé, je crois que c'est à l'été de 1985, faire l'annonce de l'octroi d'une autorisation pour construire la nouvelle bibliothèque, projet qui traînait dans l'air depuis longtemps. Évidemment, la décision fut annoncée à ce moment-là, mais les décisions n'étaient pas prises pour l'année 1986-1987. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, c'est l'un des points dont j'ai été saisi et nous avons décidé de retenir dans la programmation quinquennale 1986-1991 le projet de bibliothèque à l'Université Concordia, qui est un projet considérable. Nous avons fait part de cette décision aux autorités de l'université. Il y a des provisions plutôt faibles qui sont dans le budget d'immobilisation de 1986-1987 parce que, comme vous semblez le soupçonner dans votre mémoire, il faut d'abord tracer des plans. On leur a dit de nous présenter des plans précis. Ils ont constaté, quand on est arrivé là, qu'il y avait encore du travail à

faire et je crois qu'ils travaillent sur ces plans actuellement, qu'ils doivent nous soumettre au moment de leur choix. Dans ces cas, je n'ai pas besoin de vous dire qu'on ne court pas après les établissements. S'ils sont en retard, cela nous épargne un peu d'argent; on ne court après eux, pour être franc avec vous. Pardon?

M. Jolivet: Vous ne faites pas cela? Vous devriez.

M. Ryan: Ha! Ha! Ha! À la veille d'une élection, les gouvernements sont tentés de faire cela, comme vous le savez. Mais, au lendemain d'une élection, on regarde les choses d'une manière plus rationnelle. On liquide les engagements qui nous ont été laissés. Il faut mettre de l'ordre dans tout cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, messieurs! S'il vous plaît, M. le ministre!

M. Ryan: II faut mettre de l'ordre dans . tout cela.

M. Jolivet: Oui, oui, dans vos promesses.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Laviolette, s'il vous plaît! Je reconnais le ministre de l'Éducation.

M. Jolivet: On gagne des élections avec des promesses de ce côté-là.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Laviolette, je vous fais remarquer que la parole est au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Jolivet: Merci. Je m'excuse, je me suis laissé emporter.

M. Ryan: J'ai remarqué que vous aimeriez être consulté à propos des plans d'aménagement qui sont présentement en voie de définition. Je pense que c'est une requête qui est fort raisonnable. J'ose espérer que les autorités de l'université voudront la recevoir. Je ne sais pas si vous l'avez déjà présentée comme telle aux autorités de l'université. Je n'ai pas à leur donner de directives en matière de relations du travail; c'est à elles de diriger leur établissement. Mais, je n'ai pas d'hésitation à reconnaître publiquement que la demande que vous faites d'avoir l'occasion de présenter vos projets, ou votre façon de voir l'aménagement de cette bibliothèque, aurait tout intérêt à être entendue sous des modalités, sous des formes qui doivent être arrêtées, je pense, par les autorités de l'université. C'est ma réponse à la question que vous posez dans votre document. Je constate avec vous qu'il y a eu, en contrepartie d'une demande accrue de services qui s'explique facilement, une diminution dans la qualité et le volume des services offerts. Ce n'est pas le cas seulement chez vous; c'est assez général dans tout le Québec. Toutes les institutions que j'ai rencontrées m'ont parlé de ce problème-là. On essaie de trouver des moyens, en ajustant le niveau de financement, qui permettront d'élargir un peu les possibilités de ce côté mais c'est un problème réel que vous avez souligné, je pense, à fort juste titre.

Je voudrais que vous nous donniez peut-être des explications - ce sera la question que je voudrais vous adresser et si mes confrères ont d'autres questions ils pourront le faire volontiers - sur les services de bibliothèque, les politiques de personnel. Comment cela affecte-t-il le service offert aux étudiants et aux professeurs en matière de bibliothèque? J'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous avez constaté par le fait que vous êtes dans ce secteur-là principalement.

M. Randell (Peter): Premièrement je veux souligner qu'au centre-ville, au campus George Williams, il y a trois établissements. Cela est compris dans un barème de onze rues au centre-ville. De ces trois établissements de huit étages, il y en a trois qui ne sont pas accessibles aux étudiants ni aux professeurs. Donc, pour aller chercher des livres dont les étudiants et les professeurs ont besoin pour leurs recherches, si on coupe des postes à chaque année et qu'en même temps il y a plus de monde dans les bibliothèques, depuis les dernières cinq années, la présence dans les bibliothèques est montée de 125 %... On a perdu huit postes, on en a perdu encore deux et il y en a une couple en arbitrage. Avec toutes ces coupures de postes, avec ta possibilité qu'on ne peut pas acheter tous les livres dont on a besoin, on veut offrir des services d'éducation de qualité au niveau de l'université. D'un côté, les demandes, les questions, les exigences montent; mais d'un autre côté, cela descend et les gens qui y travaillent sont tous démoralisés. Us pensent que ni le gouvernement ni l'université ne considèrent la profondeur de leurs plaintes contre le système. On voudrait bien aider l'université à faire quelque chose pour donner l'éducation qu'on devrait donner, mais de la façon dont le système fonctionne maintenant, on n'a rien inclus dans les décisions qui affectent la qualité des services et les politiques de la bibliothèque. On doit recevoir toutes les plaintes et les travaux qui existent dans la bibliothèque même.

En même temps à la bibliothèque de sciences et génie, comme l'a dit ce matin

M. Kenniff, la présence a augmenté de 33 % durant les dernières quatre années. On avait coupé quatre postes à cette bibliothèque. Il fallait déménager des livres chaque été parce qu'il ne reste qu'à peu près un pouce et demi sur chaque rayon de toute la bibliothèque. On a des livres par terre, on n'a plus de place. Quand on parvient à mettre les livres en ordre, cela commence à être la fin de la bibliothèque. Tous les étudiants qui ont besoin de livres ne peuvent même pas les trouver, parce qu'il n'y a pas de place. Pour les gens qui travaillent là à longueur de journée ils restent d'un côté du comptoir et disent: On s'excuse, on ne peut pas faire grand-chose. On n'aime pas cela, plus que vous autres, mais cela nous laisse dans une position intenable. Ce n'est pas raisonnable non plus.

Le Président (M. Parent (Sauvé): Merci. Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi, porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation supérieure. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour madame et monsieur. Je voudrais vous remercier d'avoir répondu à notre invitation et d'être venus porter à notre attention la situation qui est vôtre à votre bibliothèque en particulier.

J'aurais eu tendance à nuancer un peu les propos du ministre lorsqu'il justifie le besoin plus grand de mobilité dans le personnel pour expliquer l'accroissement du recours à l'engagement d'occasionnels ou de temps partiel, mais ce serait trop simple s'il ne s'agissait que de cela. Â cela se sont certainement ajoutées les compressions budgétaires et je pense qu'il faut le comprendre. C'est en vue de faire des économies qu'on se retrouve devant la situation qui est la vôtre.

Je dois dire que, pour une part de vos recommandations, cela relève beaucoup -vous nous l'avez dit ainsi que les personnes qui vous ont précédés - de la gestion interne. Vous comprendrez que sur ces questions, je n'aurais pas le goût de vous interroger. (16 h 30)

Cependant, je vois que vous êtes aussi sensibilisés à d'autres questions qui dépassent largement exclusivement vos conditions de travail et qui touchent le niveau de subvention et, je dirais, la qualité des services offerts aux clientèles, ainsi que toute la question de l'accessibilité, c'est-à-dire des frais de scolarité, une hausse des frais de scolarité, et ce que cela pourrait avoir comme conséquence sur l'accessibilité. Vous allez jusqu'à dire que cela pourrait réserver l'université à l'élite qui a le moyen de payer pour y aller. On voit que votre préoccupation dépasse les cadres exclusifs de votre travail.

J'aimerais savoir, mais c'est probablement à votre recteur que j'aurais dû poser la question, s'il y a, par rapport à l'utilisation des universités... Sur l'île de Montréal, je sais qu'il y a des services de mise en commun, de rationalisation des services, et donc la possibilité pour vos étudiants d'aller chercher des volumes dans les bibliothèques des autres universités. On sait qu'à Montréal - vous avez McGill, vous avez Montréal, vous avez l'UQAM - dans les grandes universités, il doit y avoir déjà un nombre de volumes assez important. Dans une volonté d'une plus grande rationalisation des ressources, n'y aurait-il pas avantage à un moment donné de spécialiser certaines bibliothèques?

M. Randell: C'est une question qu'on n'a pas su poser et qu'on n'a pas posée à nos membres non plus. On est venu ici pour représenter nos membres dans des conditions - comme je l'ai dit avant - où, à présent, ce n'est quasiment plus tenable pour nous autres. À la suite de ce que vous avez dit en rapport avec les autres universités, etc., selon les statistiques qu'on a devant nous, on laisse des étudiants en maîtrise, en deuxième cycle, des autres universités du Québec venir chez nous prendre des livres, utiliser nos services. Depuis 1981 jusqu'à maintenant, il y a eu une augmentation de 221 % des étudiants des autres universités qui sont venus chez nous pour avoir des équipements, comme je l'ai dit, et tout ce qu'on a à offrir comme services. Quand de nouveaux étudiants viennent chez nous pour le premier semestre, vu qu'on est une université qui possède quatre bibliothèques, deux à Loyola et deux au centre-ville, ils nous posent la question: Où est située la meilleure bibliothèque? Au centre-ville ou à Loyola? Nous, il faudrait quasiment dire que c'est à McGill; que ce n'est pas chez nous, Je connais assez la misère de tout ce qu'on a dît dans le mémoire. En réponse à la question que vous avez posée, comme je l'ai dit, on n'a jamais étudié cette question. C'est notre situation à l'Université Concordia qui nous amène à venir ici.

Mme Blackburn: Je dois dire que je vous comprends et je comprends que vous ayez voulu porter cette situation à l'attention des membres de la commission. Je laisserai à mon collègue, le député de Laviolette, s'il le souhaite, les prochaînes interventions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté ministériel?

Je reconnais le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je

partage l'inquiétude de ma collègue sur la façon dont le ministre a parlé du changement qui est survenu dans l'histoire, tout récemment en particulier, du personnel à temps plein par rapport au personnel è temps partiel et occasionnel, et il faut encore commencer à partager temps partiel et occasionnel...

Mme Delisle: On partage l'inquiétude aussi.

M. Jolivet: Un des exemples typiques de cela, c'est l'utilisation que l'on fait des gens qui sont précisément occasionnels ou temporaires. Il y a des temporaires quasiment permanents et il y a des permanents qui ont aussi d'autres difficultés à un autre niveau. Prenons l'exemple typique des temporaires permanents. C'est ce qui s'est produit, à l'arrivée du gouvernement en place, avec les professionnels du gouvernement du Québec dont la négociation avec l'ancien gouvernement était réglée en partie, mais dont il restait encore des points à régler. Tous ceux qui pendant cinq, dix et parfois même quinze ans étaient rappelés à tous les ans, sans avoir aucune forme de sécurité, sans avoir aucune autre forme d'avantages sociaux, se retrouvent du jour au lendemain sur le carreau. On en a dans l'ensemble du territoire du Québec. On a profité de cela pour évacuer une série de fonctionnaires ou de professionnels qui n'étaient pas à ce moment essentiels, d'après le gouvernement nouvellement élu. Sauf que ces gens se retrouvent sur le marché du travail actuellement à la recherche d'un emploi et non pas à un travail permis.

Deuxièmement, quand vous parlez du nombre. Au début de votre mémoire vous en faites mention, vous parlez du nombre. On est 105. Je dois vous dire que provenant d'un secteur de région éloignée, un des plus grands comtés au Québec qui compte des municipalités comme Clova ou Lac-Edouard, de 100 ou de 400 personnes, je sais de quoi vous parlez et je sais aussi que pour un homme ou une femme politique, la tentation de les oublier en disant: II y a une plus grosse concentration à La Tuque ou è Grand-Mère, je vais m'occuper d'eux autres. C'est justement par l'inverse que j'agis toujours. Je pense que vous avez raison de vous inquiéter aussi à ce sujet en disant: Est-ce qu'on peut être considéré comme les parents pauvres. Ce matin on nous faisait mention que certains planchers étaient tellement peu solides qu'on accrochait au plafond, si j'ai bien compris, les rayons de bibliothèque. Là, ça m'a fait penser un peu aux jardins de Babylone, mais un peu plus pesant. Je comprends aussi, à ce moment, votre inquiétude. Je vous remercie d'être venus l'exprimer. J'aimerais vous entendre quand même davantage sur les conditions de travail que vous avez à vivre à temps partiel, comme occasionnel et comme difficulté que vous avez au niveau de vos volumes.

Mme Delisle: On aimerait partager la réponse. Premièrement, moi aussi, je partage l'inquiétude à propos de ce que M. le ministre Ryan vient de dire. Si la qualité du service n'était pas en question, peut-être que je serais prête à écouter cela. Mais la qualité du service s'est détériorée énormément au cours des dernières années et cela tombe toujours sur le dos des employés de soutien et des étudiants, des professeurs aussi. C'est toujours nous qui en souffrons. À propos du genre d'employés qu'on a, dans notre syndicat, ce sont des employés permanents et des employés temporaires. On a deux catégories d'employés. Mais ce qui est arrivé durant les deux dernières années, parce qu'on n'a pas comblé les postes parce qu'on nous a dit qu'il y avait eu un gel d'effectifs, on a embauché des étudiants qui sont payés 4 $ l'heure, et s'ils travaillent au-dessus de 400 heures, 4,20 $, je crois.

Je n'ai pas besoin de vous rappeler l'intervention de François tout à l'heure qui était préoccupé à propos de la hausse des frais de scolarité. Nous travaillons ensemble avec ces gens qui sont en train de faire notre travail à nous, qui sont payés 4 $ l'heure, ce qui est deux fois moins de ce qu'on reçoit comme salaire.

Ces étudiants crèvent de faim. Je vous l'assure. Ce n'est pas parce que des étudiants d'université demeurent chez eux avec maman et papa et ont besoin d'assez d'argent pour sortir en fin de semaine... Ces étudiants doivent payer le loyer, doivent payer leurs comptes. Nous autres, on travaille juste à côté d'eux et cela crée un stress énorme parce qu'on témoigne de l'injustice qui se passe de deux façons. D'une façon, ce sont des postes à temps complet qui devraient être comblés par des permanents, ou au moins des temporaires qui ont plus de droits parce que les employés à temps partiel ne sont pas syndiqués, d'une manière. Aussi, d'une autre manière, on voit ces gens travailler aussi fort que nous et amener 40 $, 50 $ par semaine chez eux. C'est une situation inacceptable pour nous,

M. Randell: Juste pour ajouter quelque chose à ce que Claire vient de dire. C'est qu'avec une situation qui existe comme cela, vous pouvez vous imaginer qu'après quelques semaines de temps partiel, ils essaient de trouver d'autres travaux qui paient plus, évidemment. Donc, cela nous laisse avec la situation que, toutes les quelques semaines, il faut réembaucher du monde, entraîner tout ce monde et essayer de le garder, pour qu'il fasse les travaux comme il faut, et là, après quelques semaines, il va trouver un autre travail qui paie plus. Là, nous autres, on

reste toujours avec la même situation où la qualité du service ne vaut quasiment plus rien. C'est une situation, comme je l'ai dit, qui, après quatre ans maintenant de coupures de budget, de coupures de salaires en 1981-1982, de postes qui restent vacants, qui ne sont pas comblés, diminue le moral du monde et la qualité des services et on est pris avec la situation qu'on connaît aujourd'hui.

M. Jolivet: Au risque que le ministre vous reprenne comme il l'a fait avec le rassemblement des étudiants et dire que vous n'avez pas de statistiques pour le prouver, malgré le fait qu'hier soir, la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain nous a dit aussi sans avoir aucune autre forme de statistique ou d'information, sans que le ministre les rabroue à ce moment-là, je vous pose la question. Aux pages 3 et 4, vous faites mention de ce que disait ma collègue: "Toutefois, nous avons certaines réserves à propos de l'implantation d'une hausse des frais de scolarité et leréaménagement du système des prêts et bourses" tel qu'on le connaît actuellement où on transfert plus aux prêts qu'aux bourses. La tendance est amorcée dans ce sens. "On court toujours le risque de mettre les universités seulement à la disposition de l'élite qui a les moyens de payer pour ses études". Je vous pose la question. Vous ne vous basez peut-être pas sur une étude approfondie, sur une recherche fouillée, mais vous avez quand même l'occasion de voir ces jeunes qui viennent à vos bibliothèques et de corroborer ce que vous avez écrit dans le texte. Est-ce que vous pouvez m'expliquer quels sont les dangers qu'une hausse des frais de scolarité, même avec le réaménagement du service des prêts et bourses, aurait sur la capacité pour des jeunes de continuer leurs études et par le fait même, dans certains cas, de les obliger à arrêter? Je vous parlerais probablement de la même façon que je le fais quand je rencontre ces jeunes dans mon bureau et qu'ils me disent: II me manque 200 $, 300 $ parce qu'on me refuse des prêts et bourses en fin de compte et mon père ne peut pas me le payer. Je n'irai pas à l'université si je ne peux pas me trouver un emploi en plus. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

M. Randell: Pour les employés à temps partiel, comme je l'ai dit, il y a trois édifices distincts au centre-ville. Pour les employés qui travaillent à temps partiel à la bibliothèque où je travaille, c'est-à-dire la bibliothèque des sciences et génie, je sais que probablement neuf sur dix, s'il y a hausse de frais de scolarité, n'iront plus à l'école. Ils devient rester chez eux pendant deux, trois ans pour ramasser de l'argent. À ce moment-ci, ils peuvent garder leur tête juste un peu au-dessus du niveau de l'eau. À cette question et è toutes les autres à propos des frais de scolarité, les recherches sur les impôts des corporations, toutes ces choses-là, on ne les a pas amenées avec nous. Donc, sur ce point, on ne peut répondre tout à fait.

M. Jolivet: D'accord, je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie. S'il n'y a pas d'autres interventions, je demanderais à la députée de Chicoutimi de conclure.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. En lisant votre mémoire et en vous écoutant, je réalise que la meilleure façon de bien saisir ce que veut dire la détérioration de la qualité des services, c'est de l'entendre exprimer par, je dirais, des gens qui travaillent beaucoup plus à la base. En ce sens, je trouve importante votre présence ici en commission parlementaire. Vous nous permettez de mieux saisir les rapports qu'il y a entre la détérioration des conditions de vie de ceux qui dispensent les services et la détérioration de la qualité de la formation.

Au cours des travaux de cette commission, tous ont attiré notre attention sur les conditions qui se détériorent de plus en plus dans les universités; d'une situation précaire qui était reconnue et dénoncée par l'actuel ministre de l'Éducation alors qu'il était dans l'Opposition, d'une situation précaire qu'il trouvait apocalyptique qu'on a tenté de redresser en 1985-1986. On se retrouve devant une situation encore beaucoup plus précaire puisque le Conseil des universités estimait que les dernières compressions s'élevaient à environ 34 000 000 $. Alors, c'est pour vous dire que la situation est encore plus précaire qu'elle ne l'était l'an passé.

Il est certain qu'une commission parlementaire peut rendre l'attente d'un redressement un peu moins longue, moins pénible, mais pour autant cela ne rend pas pour le moment vos conditions de travail plus favorables ou plus équitables. Vous avoir entendus nous permet, je dirais, d'arrêter de flotter à des niveaux où finalement on travaille souvent un peu dans l'abstrait pour voir dans le concret ce que cela veut dire dans un service.

Au nom des collègues de ma formation politique, je voudrais vous remercier et vous remercier aussi pour votre contribution aux travaux de cette commission. (16 h 45)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée. M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: II me reste à vous remercier de la discussion que nous avons eue qui a été malheureusement brève. Comme vous le

savez, nous avons une grande quantité d'organismes à rencontrer. Il faut que l'horaire suive inexorablement son cours. Je crois qu'on a dit l'essentiel. Ce que j'ai mentionné tantôt à propos de la tendance de l'emploi dans le secteur public ces dernières années ce n'était pas une thèse que je faisais, c'est une constatation que j'ai faite. Elle est à la portée de tout le monde, de tous ceux qui veulent regarder. Il y a une chose que je voudrais vous dire bien simplement. J'ajoute un point. Cela n'améliore pas les choses, de mon point de vue. Un des facteurs qui ont contribué à ce développement, cela a été aussi le fait qu'un certain nombre qui jouissaient de la permanence étaient assis sur un coussin et un peu paresseusement. Cela a contribué à provoquer la réaction contraire.

Il y a une chose que les événements des trois ou quatre dernières années nous enseignent, c'est que nous devons tous être sur un pied de vigilance et que nous devons nous rendre compte que la concurrence était à notre porte. Il y en a beaucoup qui ne la voyaient pas, mais elle est entrée dans nos murs maintenant. Autant le secteur public que le secteur privé doivent se battre les flancs littéralement pour avancer plus vite et servir plus efficacement et de manière plus économique. C'est un ensemble de contraintes qui pèsent très fort sur les entreprises du secteur privé et de plus en plus sur les services du secteur public également. Là, ce n'est même pas une question de doctrine ou de théorie; c'est une question de fait. En fin de compte, on arrive à un point où les gens ne veulent plus payer de taxes, ne veulent plus prêter d'argent à l'État s'il ne resserre pas sa discipline. Je ne nie pas la validité de ce que vous dites, mais c'est une constatation de caractère général que je faisais et qui devait être faite à un stade ou l'autre des travaux de cette commission. Comme je vous le disais aussi, si on peut trouver un équilibre plus satisfaisant... Il y a une question d'équilibre dans cela aussi. En tout cas, on va le chercher avec tout le zèle nécessaire. Ce que vous avez dit pour les services auxiliaires ou les services de soutien à l'Université Concordia, on va le retenir et on apprécie beaucoup que vous soyez venus nous le dire vous-mêmes. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, Mme Delisle et M. Randell. La commission parlementaire de l'éducation suspend temporairement ses travaux.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

(Reprise à 16 h 52)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission permanente de l'éducation poursuivra ses travaux dans quelques minutes, mesdames et messieurs les députés

La commission permanente de l'éducation reprend sa consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

La commission parlementaire accueille actuellement l'École de technologie supérieure. Le porte-parole du groupe sera M. Alain Soucy, qui en est le directeur général. M. Soucy, bienvenue chez nous à cette commission parlementaire et merci beaucoup d'avoir répandu à l'invitation de la commission pour venir nous aider et fournir un éclairage nouveau ou supplémentaire en ce qui regarde l'orientation et le financement du réseau des universités du Québec.

M. Soucy, la commission a environ une heure à consacrer à l'écoute de votre mémoire et aux discussions. Nous vous invitons à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à amorcer immédiatement avec nous la discussion par la présentation ou la lecture de votre mémoire. M. Soucy.

École de technologie supérieure

M. Soucy (Alain): Merci, M. le Président, je voudrais tout d'abord, comme vous l'avez demandé, présenter M. Jocelyn Gagnon, qui est le secrétaire général de l'école...

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Monsieur, bonjour.

M. Soucy: ...qui m'accompagne. M. Georges Piedboeuf, le directeur de l'enseignement et de la recherche.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Piedboeuf.

M. Soucy: M. Marcel Hébert, directeur des communications et de la recherche institutionnelle et M. Daniel Gagnier, président de l'Association des diplômés de l'École de technologie supérieure.

Également, nous avons ici présents, et il me fait plaisir de le souligner, deux représentants de nos étudiants, nous montrant par là qu'il y a une bonne relation entre l'administration de l'école et ses étudiants, en la personne de Mme Janick Gauthier, présidente de l'Association des étudiants, et de M. Carol Boivin, qui est en même temps membre du conseil d'administration de l'école et du conseil des études de l'Université du Québec.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Alors, mesdames et messieurs, bienvenue. À mon tour, je vous présente les porte-parole

officiels de cette commission parlementaire: le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, pour le côté ministériel, et Mme la députée de Chicoutimi, porte-parole en matière d'éducation, de science et d'enseignement supérieur, pour le côté de l'Opposition. Alors, M. le président, nous vous écoutons.

M. Soucy: Merci, M. le Président. Qu'il me soit tout d'abord permis d'exprimer à l'endroit de cette commission toute l'appréciation de la part de l'École de technologie supérieure d'être reçue à cette audience afin d'y présenter son point de vue sur la problématique du financement universitaire. Nous tenterons également de mettre en lumière les particularités qui caractérisent la mission de l'ETS dans la perspective d'une meilleure compréhension des problèmes spécifiques que nous voulons porter à votre attention.

La mission de l'ETS. Constituante de l'Université du Québec, l'ETS est un établissement universitaire à vocation spécialisée dont la mission est axée principalement sur les besoins industriels du Québec en regard de la technologie. Elle fut créée le 6 mars 1974 par un arrêté en conseil par suite de nombreuses études du Conseil supérieur de l'éducation, de l'Opération sciences appliquées et du Conseil des universités.

Les lettres patentes de l'ETS énoncent de façon précise les missions et les mandats spécialisés confiés à l'école ainsi que son rôle dans le réseau universitaire québécois. Ses mandats touchent l'enseignement supérieur et la recherche appliquée dans tous les domaines liés à la technologie et à l'ingénierie d'application.

C'est donc la technologie avec ses méthodes, ses procédés et ses utilisations pratiques dans l'industrie, le commerce et les services publics qui constitue le mandat général et spécifique de l'ETS. Cela, sans restreindre l'étendue de ses activités d'enseignement et de recherche dans tout le Québec d'où découle sa mission provinciale pouvant s'étendre à toutes les régions du Québec.

Les principales caractéristiques de l'ETS peuvent être résumées ainsi: Après une douzaine d'opérations, d'expériences et d'insertions dans la réalité universitaire et industrielle du Québec, l'ETS apparaît comme le seul établissement universitaire québécois à vocation exclusivement axée sur la technologie et offrant des programmes conduisant au grade de bachelier en technologie. Au Canada, nous partageons ce privilège avec l'Institut Ryerson de Toronto.

Les milieux industriels sont très liés à l'ETS. Ils contribuent de multiples façons à la réalisation de sa mission, soit au conseil d'administration, è la commission des études et au comité consultatif des programmes. On compte en somme présentement plus d'une cinquantaine de représentants. Ces programmes de baccalauréat et de certificat en technologie visent à former des professionnels compétents sur le plan de la réalisation et de la gestion des projets d'ingénierie et sur le plan de la direction et du contrôle des opérations de production industrielle ou de construction.

Les programmes de baccalauréat ont un contenu technologique appliqué auquel s'intègrent des composantes en administration, en science et en communication.

L'ETS a opté dès le début pour l'enseignement coopératif obligatoire. Elle organise donc pour ses étudiants des stages dans l'industrie qui leur permettent d'obtenir une formation pratique complémentaire et de bien s'insérer dans le marché du travail.

Les programmes de l'ÉTS sont les seuls à avoir été créés principalement en fonction des acquis et des besoins de formation des technologues issus des programmes collégiaux dans le domaine des techniques physiques. Les professeurs de l'ETS possèdent des qualifications et une formation de premier ordre combinées à une bonne expérience de travail en milieu industriel. On compte actuellement que, pour l'ensemble des professeurs, la moyenne d'expérience industrielle est d'environ huit années. La recherche effectuée par les professeurs de l'ETS est avant tout de type appliqué et orientée vers les besoins industriels; elle vise principalement le transfert technologique vers la PME.

Je voudrais maintenant souligner l'importance de la formation particulière dispensée aux bacheliers en technologie. Même si elle en est le complément indispensable, la formation offerte aux étudiants de l'ETS diffère de celle qui est offerte dans les écoles traditionnelles de génie au Québec non pas tellement par la nature des sujets qui y sont abordés, mais par leurs contenus qui se veulent plus appliqués et par une approche pédagogique cherchant à mettre constamment l'étudiant en situation de fait. C'est pour cette raison que la majorité de ses enseignements comporte une composante avec travaux pratiques et laboratoire, en plus de l'obligation pour l'étudiant d'être confronté è la réalité du milieu de travail à l'occasion de deux stages de formation en industrie.

Concernant les contenus, les programmes du baccalauréat visent à donner une formation technologique très avancée tout en fournissant à l'étudiant une connaissance de base et des actifs plus généraux lui assurant une capacité d'adaptation aux fonctions stratégiques qu'il occupera dans l'industrie. C'est ainsi que sa formation scientifique est approfondie, que sa

formation technologique de base reçue au cégep professionnel est complétée dans le sens des méthodes quantitatives afin que l'étudiant puisse évaluer, calculer, contrôler les diverses techniques qu'il utilise et en développer de nouvelles. Des cours de formation administrative permettent à l'étudiant de situer, de comprendre et d'aborder les problèmes humains et administratifs reliés aux fonctions de direction et de gérance au sein des entreprises.

Enfin, des cours de concentration technologique rendent le diplômé apte à remplir les fonctions dans une branche spécialisée des sciences de l'ingénierie en réponse aux besoins spécifiques des entreprises québécoises et de la région à laquelle il se destine. Notons que ces programmes ont été conçus et mis à jour périodiquement en étroite collaboration avec le milieu industriel dans la perspective de combler un besoin complémentaire à celui du génie traditionnel de nature plus théorique. C'est ainsi que les diplômés de l'ETS sont fort bien accueillis dans l'industrie qui reconnaît en eux des professionnels et des cadres compétents aptes à répondre aux nombreux problèmes pratiques que pose la rentabilité d'une entreprise de production. (17 heures)

De l'avis de nombreux experts dans le domaine, les programmes de l'ETS se comparent avantageusement aux meilleurs programmes américains d'"engineering technology". Les modifications qui viennent d'être apportées à nos programmes qui passent de 72 à 90 crédits les rendent encore plus attrayants et, sur le plan des normes canadiennes relatives à la durée des études de baccalauréat universitaire, certainement indiscutables.

La situation des réalisations de l'ETS à ce jour. Malgré les progrès réalisés par l'ETS au cours des dernières années après l'acquisition de son statut permanent en 1979, alors que le nombre de ses étudiants a plus que doublé passant de quelque 500 étudiants inscrits en 1979 à plus de 1200 étudiants à l'automne 1986, dont environ 700 étudiants à temps complet, l'école demeure une institution de petite taille dont les services de soutien à l'enseignement et à la recherche, et les services d'encadrement sont loin d'être adéquats.

Si la qualité du corps professoral se compare très bien avec celle des professeurs d'institutions à vocation semblable, il reste que le nombre de ces professeurs est nettement insuffisant. Le ratio étudiants-professeur dépasse 28 alors que la norme acceptable pour une faculté de génie serait de 16 selon une récente étude sur la formation en génie au Canada qui était dédiée au Conseil des sciences.

La progression du pourcentage de cours offerts par des chargés de cours nous inquiète également. Il dépasse le 57 % en 1985-1986 à l'ETS. Par ailleurs, malgré la diversité des cours que nous devons offrir en technologie, l'école a réussi à maintenir un ratio d'étudiants par cours qui se compare avantageusement avec les performances de l'ensemble du réseau universitaire. Il atteint 27,5 % en 1986-1987.

En ce qui a trait aux diplômés, plus de 1000 diplômés de l'ETS sont maintenant sur le marché du travail. Une relance effectuée au cours de l'été 1984 auprès de nos diplômés a démontré que 97 d'entre eux avaient trouvé un travail professionnel ou de cadre, pour la plupart, correspondant à leur formation, à leurs aspirations et à des salaires comparables à ceux des ingénieurs. Ce succès est dû pour une bonne part à notre système coopératif de stages et de placement qui a organisé jusqu'à maintenant plus de 2000 stages dans diverses industries du Québec.

Sur le plan de la recherche, les activités en sont encore à leur tout début et leur développement pose plusieurs problèmes en l'absence d'un 2e cycle universitaire à l'école. On note toutefois une progression significative au cours des trois dernières années. Nul doute que l'approche que l'ETS privilégie en s'associant au projet de recherche et de développement en liaison avec l'industrie donnera bientôt d'intéressants résultats. La récente création du CEP et du laboratoire CQIP en matériel de transport en sont des exemples probants.

Afin de bien remplir sa mission consistant à offrir des enseignements universitaires en technologie dans tout le Québec, l'école possède un atout de première valeur en faisant partie du vaste réseau de l'Université du Québec auquel elle est fière d'appartenir d'ailleurs.

Comme premier jalon, l'ETS a étendu à la ville de Québec une partie de ses enseignements à l'hiver 1985 et elle y offre présentement, en plus de la première année de trois de ses programmes, un programme complet en électricité à une soixantaine d'étudiants.

Des études sont présentement en cours pour évaluer de semblables extensions dans la région de Rimouski en collaboration avec l'UQAR et éventuellement dans la région de Hull avec l'UQAH.

Les priorités de développement. Les réalisations de l'école que je viens d'énumérer sont encore loin de satisfaire les objectifs de ceux qui ont pensé et voulu l'ETS. Les besoins de notre industrie sont amplifiés aujourd'hui par l'accélération du virage technologique et par le support qu'il faut apporter aux petites et moyennes entreprises qui constituent une part de plus en plus significative dans la structure industrielle du Québec.

Dans un récent rapport du Conseil des universités pour l'étude sectorielle du génie, publié en avril 1985, on dit: "Une comparaison avec les Nord-Américains permet de constater que le Québec suit assez bien les tendances observées en ce qui concerne le nombre d'ingénieurs proprement dit par rapport à la population. Il n'en est pas de même en technologie du génie, alors que la proportion de ces diplômés dans ta population est beaucoup plus faible au Québec. Compte tenu de la formation particulière des diplômés en technologie du génie, orientés vers les applications du génie, il constitue une ressource assez importante dans le domaine industriel. II faut donc prévoir une demande de plus en plus forte à mesure que se résorberont les difficultés qui les ont empêchés d'occuper la place qui leur revient sur le marché du travail.

En plus d'apporter une attention particulière à l'amélioration de ses programmes existants, à la qualité des enseignements ainsi qu'à l'encadrement des étudiants, l'école envisage la mise en place d'activités nouvelles dont les priorités à retenir sont: l'ouverture au deuxième cycle universitaire par l'approbation d'une maîtrise en technologie spécifique à l'ETS, par la collaboration avec d'autres institutions dans le cadre de maîtrise conjointe ou d'une concentration technique dans une maîtrise existante; deuxièmement, l'ouverture à de nouvelles clientèles, en particulier celle du cégep général, par des ententes avec certains cégeps afin d'offrir à ceux qui désirent suivre la filière technologique un programme intensif d'intégration; troisièmement, la mise au point de nouveaux programmes de premier cycle afin de répondre aux besoins de plus en plus diversifiés que commande le développement technologique des industries. On envisage ainsi le champ prometteur des bio-industries dont les cadres techniques devant en assumer la production rentable restent à être formés; enfin, l'extension en régions du type d'enseignement dispensé par l'ETS dans la perspective d'une harmonisation avec les besoins particuliers à chaque région et en collaboration avec les autres institutions universitaires qui y sont implantées.

Pour réaliser ces objectifs, évidemment il y a des conditions de réalisation que nous avons abondamment décrites dans le mémoire et dont je voudrais vous en faire un court sommaire. D'abord, en ce qui concerne la formule de financement des budgets de fonctionnement, l'École de technologie a été assujettie aux mêmes règles de financement que les autres établissements du réseau universitaire sans que soit établie préalablement une base de financement tenant compte de particularités importantes pour rectifier la situation. Il y aurait lieu d'apporter les trois correctifs suivants.

D'abord, considérer le facteur taille dans la base de financement.

Deuxièmement, apporter un correctif dans la base de financement pour corriger la situation créée en 1982-1983 et 1983-1984. Je vous rappelle qu'à cette époque de croissance importante pour l'ETS où le nombre d'étudiants a presque doublé, c'est à ce moment-là que le financement des clientèles supplémentaires a été financé à 30 %, ce qui représentait pour nous è peu près 20 % du coût réel. Au moment, donc, où nous avons connu une croissance, nous avons intégré dans notre base de financement une proportion extrêmement faible du coût réel de ces étudiants. Cela a créé, si vous voulez, une certaine injustice que je dirais conjoncturelle, mais qu'il faudrait revoir et corriger, puisque nous avons à assumer ce manque à gagner d'une façon récurrente.

Troisièmement, financer de façon particulière les clientèles nouvelles découlant de nouvelles activités. L'ETS est un jeune établissement universitaire créé pour répondre à des besoins de formation professionnelle prioritaires pour le renouveau technologique du Québec. Son développement est loin d'être encore complété et plusieurs activités et programmes nouveaux sont en voie d'élaboration, comme je vous l'ai cité précédemment.

Si, d'une part, nous sommes disposés à nous accommoder des formules utilisées pour le financement des variations de clientèle dans les programmes existants, il lui est, d'autre part, impossible de se satisfaire de ces formules pour financer les clientèles nouvelles découlant de la mise en place d'activités nouvelles.

À cet égard, l'école est d'avis que la formule utilisée pour le financement de ces clientèles nouvelles découlant d'activités nouvelles doit être élaborée à partir de paramètres spécifiques qui prennent mieux en considération les coûts réels de développement.

Finalement, le financement des équipements de laboratoire. L'historique de ce dossier a été abondamment décrit dans notre mémoire à l'article 5.2. Rappelons qu'à ce jour, l'école n'a reçu que 912 000 $ sur les 5 400 000 $ qu'elle réclame. Ce sont des besoins que nous avons d'abord exprimés au tout début lorsque nous avions environ 400 étudiants équivalent à temps complet et dont nous avons réitéré la demande lorsque ce nombre d'étudiants a doublé chez nous, ce qui a fait porter le budget au double. Nous avons, de plus, fait une étude très exhaustive de chaque appareil, chaque appareil vis-à-vis de chaque table dans chaque laboratoire, en fonction d'un nombre d'étudiants avec un taux d'utilisation, une étude qui nous a quand même pris plusieurs mois. On constate aujourd'hui, à cause du système des investissements et des plans quinquennaux

d'investissement qui sont, semble-t-it, assez lourds à administrer, que nous nous trouvons dans la situation où nos laboratoires, pourtant spacieux parce que nous venons d'aménager dans de nouveaux locaux qui nous conviennent, disons-le - de ce point de vue, nous sommes très satisfaits de la collaboration que nous avons eue du ministère - restent, quand même, pour le moment, partiellement vides et on ne peut pas réellement accomplir notre tiche de formation avec laboratoire, ce qui est le propre même de l'enseignement en technologie. Il y a donc là un correctif à apporter dans les plus brefs délais.

Finalement, !e point de la reconnaissance professionnelle. À la période des questions, je pense que M. Gagnier pourra donner aussi son point de vue à ce niveau. Rappelons que l'évolution des clientèles de l'école a toujours été liée à ce dossier de la reconnaissance qui a eu un impact au moment des grands débats avec l'Ordre des ingénieurs. Aujourd'hui, nous nous sentons quand même dans une position un peu plus confortable avec l'adoption, en décembre 1984, de l'amendement à l'article 5 à la Loi sur les ingénieurs. Mais il n'a pas eu l'impact qu'il aurait dû avoir. C'est une première mesure, si vous voulez, qui permettait à nos diplômés d'être au moins sur le plan légal à l'abri. Donc, c'est une solution à court terme.

Pour nous, il nous apparaît qu'à la suite de cet amendement il y aurait lieu d'examiner de très près la création d'une corporation ad hoc à titre réservé et à exercice partagé dans un champ de pratique évocateur regroupant les bacheliers en technologie de l'ETS et leurs équivalents. Cela nous apparaît être la solution susceptible d'avoir un impact positif et de relancer la croissance et l'intérêt des étudiants au niveau de la formation à l'ETS. La création d'une telle corporation a été demandée par l'Association des diplômés de l'École de technologie supérieure. La direction de l'ETS appuie fortement cette demande, sans préjudice toutefois à l'appel, compte tenu de l'importance déterminante que revêt la solution de la question de la reconnaissance professionnelle du bachelier en technologie pour le développement futur de l'école et, surtout, du milieu technologique québécois.

Je vous remercie, mesdames et messieurs les membres de la commission de l'éducation, de votre excellente attention. M. le Président, nous sommes prêts maintenant à répondre aux questions.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, M. Soucy. Justement, dans le but d'aller plus rapidement vers les questions, je passerai maintenant la parole au député d'Argenteuil et ministre.

M. Ryan: Merci. Je vous salue avec plaisir, messieurs de l'École de technologie supérieure. Il y a déjà un certain temps que nous projetions de nous rencontrer. Nous avons une rencontre publique aujourd'hui, j'en suis très heureux. Elle sera suivie, dès que les circonstances et le programme le permettront, d'une rencontre privée où on pourra aborder les problèmes d'une manière encore plus approfondie.

J'ai été témoin de l'origine de votre école. Je l'ai vue non seulement au berceau, mais dans le sein de ceux qui l'ont enfantée pendant de nombreuses années. M. Gérard Letendre, un des principaux promoteurs, était un de mes vieux amis et que de fois il est venu me voir au Devoir pour me parler de son projet dont j'avais, d'ailleurs, vu l'équivalent, avant même la fondation, dans ces écoles supérieures de formation de métiers qu'on avait en France. J'étais allé en visiter moi-même. Le projet m'avait intéressé particulièrement parce que j'avais vu en action en France des écoles comme la vôtre qui ne préparaient pas directement à la profession de génie civil, mais qui préparaient des techniciens pour le travail en industrie, pour des fonctions beaucoup plus concrètes souvent que la formation générale qui se donnait dans les écoles de génie. J'avais suivi avec beaucoup d'intérêt toutes les démarches qui ont précédé la fondation de l'école et votre premier directeur était un vieil ami aussi que j'avais connu dans les mouvements de jeunes autrefois, Nous avons cheminé ensemble pendant des années. J'ai pu suivre les progrès de l'école avec non moins d'intérêt.

Je pense qu'il y a une place pour une institution comme la vôtre dont vous définissez très bien l'objectif dans le mémoire que vous nous avez présenté. Je pense que c'est important de le rappeler: sa mission principale est de "former les spécialistes dans les méthodes et procédés d'application des connaissances scientifiques et technologiques au service de l'industrie, du commerce et des services publics." L'école s'est bien acquittée de son mandat jusqu'à maintenant. Je pense que des perspectives intéressantes s'ouvrent pour l'avenir. Elle est maintenant installée, comme vous l'avez dit verbalement. Je pense que ce n'était pas dans le mémoire - à moins que je ne l'aie lu de travers - ou très cursivement mentionné. Il y a une installation beaucoup plus intéressante que celle que vous aviez auparavant. Il reste à compléter au point de vue des laboratoires, comme vous le dites. Il y a des carences considérables qu'il faudrait évaluer de très près. Une première démarche a été faite par le gouvernement l'an dernier mais cela répondait de manière partielle aux besoins que vous aviez fait valoir. (17 h 15)

Je pense que c'est important qu'on souligne, pour les députés et nos concitoyens, le type d'études que vous mettez à la disposition de vos clientèles. Ce sont des études très coûteuses. C'est important qu'on s'en rende compte aussi. Il faut voir le côté positif de l'effort qui se fait au Québec pour l'enseignement supérieur.

Je faisais des calculs rapides tantôt. Savez-vous que, pour un élève qui est a l'École de technologie supérieure, les subventions pour l'année 1985-1986, cela va chercher à peu près 9600 $ par étudiant équivalence temps complet. Si on prend l'ensemble des revenus de l'école, le coût de chaque étudiant est à peu près de 10 400 $. Je comparais avec l'École polytechnique où on a quand même l'enseignement des 2e et 3e cycles sur une base assez élaborée. On a plus de 1000 étudiants inscrits aux 2e et 3e cycles. Le coût moyen par étudiant est de 11 340 $. Il y a une différence de 900 $ seulement. La valeur des subventions gouvernementales est de 7864 $, c'est-à-dire 1800 $ de moins parce qu'il y a d'autres sources de revenus à l'École polytechnique qui sont importantes, que vous autres n'avez pas eu le temps de développer encore.

Je ne vous en fais pas de reproche, au contraire, je comprends très bien les circonstances. Je veux souligner ce fait, pour en venir à une deuxième considération que je vous livre bien simplement. J'ai suivi dans les journaux, il y a quelque temps, le début de polémique qui avait semblé devoir s'élever au sujet de l'implantation de l'École de technologie supérieure à Québec. Je crois que ces choses avaient peut-être été discutées avec mon prédécesseur ou mes prédédesseurs parce qu'ils se succédaient vers la fin à un rythme assez rapide, mais elles n'ont pas été discutées avec moi.

Là, je vous entends parler de projets de développement à Rimouski. Je pense que vous avez mentionné un autre endroit. Est-ce que c'est Trois-Rivières ou Hull?

M. Soucy: Hull.

M. Ryan: Hull. Il faudrait faire attention. Je vous dis cela bien simplement. D'ailleurs, je ne peux pas vous faire de reproche parce que vous m'avez invité autant comme autant. Il n'y a pas eu de manque de votre côté. Là, il faut que nous nous voyions avant longtemps. J'aimerais que nous fassions le point sur toutes ces choses parce qu'il nous faut mesurer les implications en coûts au cours des dix, quinze prochaines années. Je pense que c'est bien important qu'on voie ce point.

Je ferais une remarque de même nature à propos des développements de 2e cycle. Je vois que vous annoncez ces développements pour un avenir rapproché. Je pense que c'est important qu'on en parle. D'un point de vue strictement légal, pour l'implantation è Québec, il n'y avait pas d'obligation parce que c'est un peu le phénomène que je soulignais à propos des institutions privées. Une institution privée a un certificat ou un statut qui l'habilite à toucher des subventions et après cela elle peut se développer. C'était permis ces dernières années, il n'y avait pas de problème. Mais quelqu'un veut fonder une institution, lui on lui disait: On ne peut pas parce qu'on est limité, on n'a pas d'argent, et tout cela. Il y en a qui voyaient leurs subventions augmenter considérablement pendant cette période de vaches maigres qui valait seulement pour ceux qui étaient en dehors de la cour et non pas pour ceux qui étaient en dedans.

Vous autres, vous êtes dans le secteur public, c'est différent. Vous êtes rattachés à l'Université du Québec. Vous êtes déjà soumis à une planification qui est assez rigoureuse, je le reconnais très bien. Je pense qu'en fin de compte il est important... On n'a pas eu l'occasion de le faire jusqu'à maintenant avec l'Université du Québec dans son ensemble, encore une fois pas parce qu'ils n'ont pas voulu, mais parce que nous sommes un gouvernement relativement nouveau encore et que l'échéancier ne nous a pas permis de faire cette opération. Récemment, mon chef de cabinet est allé participer à une journée de planification avec la Commission de planification de l'Université du Québec. Il a trouvé cela très intéressant. Il a sans doute été question de vos problèmes, au cours de cette journée. On n'a pas eu le temps d'en discuter en détail encore. Cela s'est passé la semaine dernière.

Je termine cette partie de mon intervention en soulignant ce point. Le travail qui se fait à l'École de technologie supérieure est excellent. Je crois que la qualité du travail est attestée en grande partie par la facilité avec laquelle les diplômés de l'École de technologie supérieure trouvent des débouchés sur le marché du travail. C'est un critère qui, en fin de compte, ne trompe pas beaucoup. De ce point de vue, votre place est déjà taillée d'une manière remarquable. J'aimerais que vous nous donniez des précisions - tantôt, si vous en avez - sur la longueur moyenne de la période de chômage pour vos diplômés. Cela m'intéresserait. Qu'il y en ait qui cherchent pendant un certain temps, c'est toujours pénible, mais ce n'est pas la fin du monde.

J'aimerais que vous me donniez des précisions sur cela. Autant j'apprécie le travail qui se fait et autant vous pouvez compter que, moi, je suis intéressé, comme ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, à promouvoir cette voie de formation supérieure, autant j'aimerais, pour les développements à venir, que nous ayons l'occasion d'en parler très près et que ce

soit vu avec toute la rigueur nécessaire pendant que c'est le temps, c'est-à-dire avant qu'on ait le pied dans l'eau et qu'il faille mettre le deuxième.

Un autre point sur lequel vous vous attendez légitimement à un commentaire de ma part, c'est le problème de la reconnaissance professionnelle de vos diplômés. Il y a un problème qui traîne dans le paysage depuis plusieurs années maintenant. Le gouvernement précédent avait apporté une solution. Il avait décidé que les diplômés de votre école auraient droit d'être admis à l'intérieur de l'Ordre des ingénieurs. Je crois qu'il avait dit qu'il pourrait y avoir deux listes et ils auraient été reconnus comme ingénieurs, comme membres de l'Ordre des ingénieurs. Cela a été contesté devant les tribunaux et cela a fait des procédures continues. Hier soir, l'Ordre des ingénieurs est venu nous rencontrer. Les porte-parole m'ont parlé du problème également. De part et d'autre, je crois qu'on souhaite bien un déblocage. Je vais vous dire une chose. Là, je n'ai pas eu le temps jusqu'à maintenant de reprendre ce dossier que nous avions examiné à maintes reprises quand nous étions dans l'Opposition, mais nous allons le reprendre avant longtemps, dès que nous aurons tiré des conclusions qui s'imposent de l'étude sur le financement des universités. C'est un problème qui va recevoir une attention prioritaire de ma part. Évidemment, cela veut dire que nous établirons un dialogue avec vous et avec les membres de l'Ordre des ingénieurs.

Je disais, hier soir, aux membres de l'Ordre des ingénieurs que ma disponibilité sera d'autant plus fervente que je trouverai de part et d'autre un esprit d'honnête composition. Il n'y a pas de doctrine absolue dans cela qui donne tous les droits à un et qui fait de l'autre un partenaire de troisième ou de quatrième classe. Je pense qu'on va se rencontrer, on va se retrouver dans un esprit de dialogue. J'ai bonne confiance que nous pourrons trouver une solution au problème sans attendre que ce soit rendu jusqu'en Cour suprême et qu'on soit pris avec des jugements de cour qui nous lieraient peut-être pour des générations. Nous sommes très attentifs à ce problème. Soyez assurés que dans un avenir pas trop éloigné, nous aurons l'occasion d'en parler d'une manière constructive.

Je crois avoir dit l'essentiel pour l'instant. Si vous vouiez réagir à ce que j'ai dit. Je ne le formule pas sous forme de question mais j'ai dit des choses assez... et qui nous engagent de part et d'autre un peu. J'aimerais que vous réagissiez et que vous me disiez comment vous voyez ces choses. Si vous trouvez que c'est trop rigide. Soyez bien à l'aise, on est ici pour discuter. Encore une fois, comptez sur ma profonde sympathie pour le travail de fond qui s'accomplit à l'école.

Le Président (M. Thérien): M. Soucy.

M. Soucy: M. le Président, je vous remercie de ces bons mots, M. le ministre. Je constate votre intérêt pour l'école, et je pense que vous en avez une bonne compréhension pour, peut-être, l'avoir suivie même de loin. Je dois dire que, peut-être sur certains points, j'aimerais apporter quelques réactions et demander, d'ailleurs, à ceux qui m'accompagnent, de rn'apporter leur aide. En premier lieu, au niveau des études très coûteuses auxquelles vous faites allusion, à l'ETS, il est vrai que ces études sont plus coûteuses que ce qu'on peut trouver dans d'autres secteurs, comme celui des sciences humaines, compte tenu de la dimension de la technologie et des équipements que nous devons avoir pour le faire. Mais si on fait une analyse plus serrée de ces coûts, on en arrive à trouver quand même qu'ils restent comparables et même raisonnables à l'intérieur du réseau universitaire.

Je ne sais pas si M. Hébert pourrait ajouter quelques chiffres à ce sujet, décomposer les chiffres que vous avez donnés en coût par étudiant équivalent à temps complet.

M. Hébert (Marcel E.): Oui. Si on fait une décomposition tout d'abord en considérant l'enseignement d'une part et l'administration et le personnel de soutien d'autre part, il y a ceci de particulier que l'École de technologie, pour ce qui est de l'enseignement, a un coût per capita - on parlait de Polytechnique tantôt - très comparable à celui de Polytechnique et de beaucoup inférieur au coût per capita dans les autres universités dans le secteur des sciences appliquées. Donc, à cet égard, il n'y a aucun problème. Toutefois, au niveau de l'administration, c'est une question de fait que si on fait une comparaison par rapport à l'ensemble des universités, nous sommes supérieurs, mais à un moment donné nous avons fait une courbe de régression où on considérait la taille - cela a été soulevé dans notre rapport - et si on tient compte de la taille, il nous apparaît que c'est très comparable.

M. Ryan: Je soulevais ce problème-là tantôt, l'implantation ailleurs, parce qu'il faut tenir compte de cela également. La taille va être petite si vous vous implantez ailleurs et ces frais vont être proportionnellement beaucoup plus élevés. Il faut regarder cela comme il faut. J'admets ce que vous dites, je pense que cela saute aux yeux.

M. Soucy: Évidemment, si vous me permettez, M. le ministre, quand nous

parlons de développement à Rimouski et à Hull, nous envisageons cela dans une perspective d'étude actuellement. Nous comptons bien réaliser cela à l'intérieur des structures universitaires déjà existantes, où là il y aura des effets d'échelle. Il est sûr qu'à Rimouski, cela se fera en étroite collaboration avec l'UQAR et à Hull avec l'UQAH dans le cadre du réseau à ce moment-ci. Donc là il y a certainement, à l'intérieur de ces structures, des effets d'échelle qui feront que les coûts supplémentaires ne seront pas aussi énormes. C'est dans cette perspective que nous voyons l'extension de l'enseignement de l'école.

Concernant la prudence que vous avez manifestée à l'ouverture du 2e cycle, je peux comprendre qu'il y a encore du développement à faire à l'école au niveau du 1er cycle, mais il reste quand même qu'un établissement universitaire comme le nôtre, qui est en technologie, ne doit pas être déconnecté de ce qui se passe en recherche et en développement et que, à cet effet, il doit avoir ses propres activités de recherche. Ces activités de recherche, comme vous le savez, dans la structure universitaire sont toujours supportées par des programmes de 2e cycle. Les règles de jeu sont ainsi faites qu'il est très difficile de faire autrement.

Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas faire de la recherche de type industriel où on a des attachés de recherche et des chargés de recherche, mais il reste quand même que cet aspect nous apparaît très important pour que les professeurs puissent, en même temps qu'ils font de la recherche, former aussi des chercheurs de type appliqué. C'est un prolongement naturel à une vocation universitaire.

Nous voulons toutefois là-dessus y aller aussi prudemment. Nous envisageons justement - je le disais tout à l'heure - de regarder l'extension de maîtrises existantes, de les partager avec d'autres dans des secteurs qui sont près de nous. Je pense à l'Université du Québec à Trois-Rivières, par exemple, dans le secteur manufacturier; je pense également, du côté de la gestion, à la maîtrise en gestion de projets, concernant la construction, des choses comme cela. Donc, il y a des possibilités d'extension et de collaboration.

Il y a un point que vous avez soulevé que je constate concernant la facilité d'accès au marché du travail. Vous avez parfaitement raison de le souligner. Vous avez demandé quelques précisions à cet effet. Je pourrais vous répondre parce que - peut-être qu'il n'y a pas beaucoup d'universités qui font cela - nous faisons de la relance auprès de nos diplômés d'une façon assez systématique à tous les deux ans. Au dernier exercice, qui date de 1984, nous avions comme résultat que 72 % des diplômés n'ont éprouvé aucune difficulté ou peu de difficulté à obtenir leur premier emploi tout de suite après leur diplômation. Le délai, pour 75 % des diplômés à trouver leur premier emploi, a été de moins de trois mois. Au niveau du premier emploi, 65 % d'entre eux étaient donc satisfaits, parce qu'ils avaient des emplois de professionnels ou de cadres, ce qui correspondait à leur formation, finalement, et après cela une progression se fait dans le temps. (17 h 30)

Ce sont les chiffres que nous avons qui nous font penser que le délai n'est pas considérable, mais on pourrait, d'après un mémoire que nous avons et qui est plus complet que celui-ci, vous donner une information beaucoup plus fine. Si cela vous intéresse, on vous la fera certainement parvenir.

M. Ryan: J'ai une autre question. Sur le terrain, vos diplômés font-ils souvent face à des frottements avec des membres de l'Ordre des ingénieurs, au point de vue du partage des tâches, des rôles respectifs à l'intérieur d'une entreprise ou sur un chantier, par exemple? Est-ce que la délimitation des rôles se fait assez facilement ou s'il y a des difficultés?

M. Soucy: J'ai l'impression que cela se fait assez bien partout où il n'y a pas ce type de syndicat d'ingénieurs où on a un peu fermé le champ de pratique par des structures internes. Mais même là, au niveau du travail en tout cas, l'harmonisation se fait relativement bien. Peut-être que M. Gagnier, qui est un diplômé, pourrait vous donner plus de précisions à cet effet,

M. Gagnier (Daniel): Dans l'ensemble, les diplômés en technologie de l'ETS se placent très bien dans l'industrie, font régulièrement le travail d'ingénieurs. Le problème qui se pose en réalité, ce n'est pas nécessairement un frottement, mais c'est plutôt lorsque vient le temps de signer ou de prendre la responsabilité d'un projet ou une étude. Souvent, certains fonctionnaires ou des gens à l'intérieur de l'industrie et même du gouvernement du Québec bloquent systématiquement tout ce qui n'est pas signé par un membre de l'Ordre des ingénieurs du Québec, même si ce n'est pas toujours demandé spécifiquement par la loi. Dernièrement, on a commencé à offrir un service d'aide juridique pour les diplômés; cela fait environ une semaine et demie qu'on a officiellement sorti ce service et on a déjà deux cas de diplômés qui ont eu des problèmes avec des fonctionnaires de la ville de Laval, entre autres, et avec deux ministères du gouvernement du Québec, et qui ont été bloqués.

M. Ryan: Est-ce qu'il y a des cas, à

votre connaissance, où ce serait vous qui feriez le travail et l'ingénieur serait seulement amené à mettre sa signature*?

M. Gagnier: Dans quelques cas dans l'industrie, lorsque des employés qui sont bacheliers en technologie font un travail, selon la structure de l'industrie, ils peuvent être supervisés par un membre de l'Ordre des ingénieurs du Québec et, parfois, c'est même l'inverse, ce sont les bacheliers en technologie qui supervisent le travail d'un ingénieur. Mais le problème devient aigu lorsque, pour des petites entreprises, il n'y a pas d'ingénieur. Parfois, ce sont les bacheliers en technologie qui sont obligés de payer de leur poche un ingénieur pour simplement contresigner, sans rajouter un point è leur travail, ce qu'ils ont fait ou encore les municipalités sont obligées de passer par voie de règlement pour essayer de trouver une manière de faire passer les projets préparés par un bachelier en technologie, et c'est toujours la même procédure où un ingénieur contresigne finalement un travail sans rien modifier.

M. Ryan: M. Soucy, j'ai cru comprendre que votre désir, au point de vue de l'organisation professionnelle, serait d'évoluer vers un ordre professionnel à titre réservé qui serait, par conséquent, complètement autonome vis-à-vis de l'Ordre des ingénieurs, Ai-je bien compris?

M. Gagnier: L'objectif premier des diplômés serait d'être capables d'offrir nos services sans contrainte. Nous pensons que, pour les entreprises publiques, parapubliques et privées, et pour la société en général, présentement, cela pose des problèmes. Nous croyons qu'il y a deux solutions possibles pour régler ce problème. Ce serait, premièrement, l'intégration à l'Ordre des ingénieurs du Québec comme ingénieurs, comme, d'ailleurs, le stipule le décret du gouvernement du Québec de 1981 qui est contesté en Cour d'appel présentement. Ou, s'il s'avère que cette position soit trop problématique et engendre trop de débats publics, on aimerait bien essayer de négocier quand même une entente. On est prêts à envisager la formation d'une nouvelle corporation professionnelle qui nous serait propre, avec un champ d'exercice partagé avec les ingénieurs et un titre exclusif.

Le Président (M. Thérien): Merci, M. le ministre. J'inviterais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi, à prendre la parole.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le directeur général, messieurs, cela me fait plaisir de vous accueillir à cette commission parlementaire et de vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique.

J'ai lu attentivement votre mémoire et j'ai écouté votre présentation. De façon générale, j'essaie d'accorder plus de temps aux questions qu'aux commentaires. Je préfère avoir vos réactions plutôt que de commenter votre mémoire. Tout à l'heure, en présentant ses commentaires, le ministre, selon son habitude, n'a pu s'empêcher de glisser une petite remarque partisane pour justifier un trou de mémoire en invoquant le fait que les ministres du gouvernement précédent changeaient souvent, ce qui fait qu'il ne se rappelait plus si c'était M. Bérubé ou M. Rodrigue. Je lui ferais remarquer qu'il a certainement fait face suffisamment longtemps à M. Bérubé pour retenir un peu ses méthodes de travail, puisque je l'ai vu avec sa calculatrice tout à î'heure.

Cela m'amène à la question suivante, parce que, quand on fait ce genre de calcul, il y a quelque chose qui sonne chez moi. Quand on essaie d'évaluer le coût de l'éducation exclusivement par le nombre d'élèves et le budget - ce qu'on a fait tout à l'heure et qui donne un certain éclairage -il me semble que cela ne tient pas compte du taux de diplômation et ce qui est important, c'est le taux de diplomation. Ce qu'il faut savoir, c'est ce que nous coûtent dans l'ensemble du système les étudiants qu'on a menés à terme. Cela doit tenir compte, par exemple, du taux d'abandon et du taux d'échec, parce que, selon que vous ayez un taux d'abandon et d'échec élevé... Je pense que, dans certaines facultés, cela va jusqu'à 50 %; je dirais même plus, il y a un certain temps, entre les étudiants inscrits en première et ceux qu'on diplômait, il en restait 25 %. Donc, on peut penser qu'à ce moment-là tous les coûts de formation, ceux de la première année, celui de la deuxième, avec l'attrition qu'il y a eu, sont là sans vraiment rapporter, dans le sens qu'on n'a pas de diplômés. Ma question est la suivante: Quel est le taux d'abandon et d'échec chez vous?

M. Soucy: Nous avons des chiffres globaux, si vous voulez, là-dessus. Je pense qu'il faut peut-être faire une petite distinction. Â l'École de technologie, comme je vous l'ai expliqué, nos étudiants sont en forte proportion - je dirais 45 % - à temps partiel. Il faut comprendre aussi que nos étudiants proviennent du cégep professionnel; donc, ils ont un DEC les rendant aptes au marché du travail. Or, il arrive que beaucoup de nos étudiants commencent des études, les abandonnent temporairement pour aller faire un travail rémunérateur, parce que la conjoncture économique a fait que la demande est très forte et on leur fait une

offre qu'ils ne peuvent pas refuser, pour revenir ensuite à l'école finaliser leur enseignement et étudier à temps partiel, dans certains cas. De sorte qu'il est assez difficile pour nous de suivre chaque étudiant à la trace et de dire quel a été le taux de diplomation de ce type d'individus. Toutefois, on peut dire qu'en moyenne 50 % de nos étudiants terminent leurs études de baccalauréat.

Mme Blackburn: Quel pourcentage?

M. Soucy: En moyenne, c'est 50 % de ceux qui sont à temps complet. Ceux qui sont à temps partiel, dans les certificats, car nous avons aussi des certificats... Plusieurs étudiants prennent d'abord un certificat et, ensuite, transfèrent au programme de baccalauréat, parce qu'il y a des affinités. Nous avons tenu à garder ces affinités entre nos programmes de certificat et nos programmes de baccalauréat. Donc, il est possible à quelqu'un qui commence par un certificat de continuer dans un programme du baccalauréat en ayant un certain nombre de crédits pour les cours qu'il a suivis et qui sont les mêmes que ceux du baccalauréat. Voilà en gros le taux de promotion si on le regarde d'une façon purement statistique. Mais, comme je l'ai dit, chez nous, il faut tenir compte de cette particularité du va-et-vient de nos étudiants entre le marché du travail et les études.

Mme Blackburn: D'accord. Pour les étudiants à temps complet, c'est 50 %?

M. Soucy: Oui.

Mme Blackburn: Bien. Cela m'amène à une question que j'ai l'intention de poser aussi ailleurs. On parle beaucoup dans plusieurs mémoires des règles d'allocation des ressources en disant que cela a entraîné ce qu'ils appellent une course aux clientèles par une publicité plus agressive et que sais-je encore! Par ailleurs, je suis toujours étonnée car, si la clientèle, et la clientèle stable encore plus, jouait un rôle dans l'allocation des ressources, pourquoi les universités ne se sont-elles pas davantage préoccupées des abandons? C'était une clientèle qui était déjà dans la boîte, qui était déjà reconnue dans les règles d'allocation des ressources alors que les clientèles nouvelles étaient financées, comme on le sait, à 50 % avec 18 mois de retard. Je suis étonnée un peu qu'on n'ait pas compris et saisi cela plus rapidement pour porter une attention plus particulière à l'encadrement de manière à conserver des clientèles. Je n'ai pas eu connaissance qu'il y ait eu beaucoup d'études faites sur ce phénomène-là, à la fois pour le comprendre et pour l'endiguer un peu.

M. Hébert: M. le Président, le seul commentaire que je pourrais ajouter est celui-ci. Effectivement je ne connais pas d'étude sérieuse à cet égard. Nous avons fait une étude à l'École de technologie supérieure pour essayer de séparer la clientèle à temps partiel du temps complet. Nous avons constaté que les étudiants à temps partiel qui quittent l'école ne quittent pas parce qu'ils ne sont pas capables de suivre le cours. Ils avaient une moyenne de réussite bien au-delà du seuil requis pour continuer leurs études. Nous avons mesuré cela au niveau de la clientèle à temps partiel. Nous ne l'avons pas fait pour celle à temps complet.

Mme Blackburn: Bien. Je vais aborder une tout autre question, celle de la charge d'enseignement. Chez vous, 57 % de l'enseignement seraient assurés par des chargés de cours. Selon vous, est-ce que cela a des conséquences ou des effets sur la qualité de l'enseignement? Quelle est la charge d'enseignement chez vous? Est-ce qu'elle se compare à celle des professeurs des universités, c'est-à-dire quatre cours? Comment serait reçue, chez vous, une proposition, si tant est que ce soit quatre cours, du rapport Gobeil visant à hausser de 50 % la charge d'enseignement?

M. Soucy: Je vais, si vous me le permettez, peut-être répondre à la deuxième partie de votre question tout d'abord et demander ensuite à M. Piedboeuf de répondre d'une façon un peu plus particulière sur les effets des chargés de cours sur la qualité de l'enseignement. Au niveau de la charge de cours de nos professeurs, nous venons, en fait, de terminer la négociation d'une première convention collective avec eux. Je dois dire qu'à l'École de technologie supérieure, comme ailleurs dans le réseau de l'Université du Québec, nos professeurs ont douze crédits de charge de cours. Il faut bien comprendre aussi que 80 % des cours ont un contenu de laboratoire qui dure trois heures. Ce contenu de laboratoire, le professeur en est entièrement responsable. Nous avons voulu le rendre responsable dans la convention collective, en tout cas.

Nous avons également à y ajouter, a cause de notre système coopératif, le tutorat des stagiaires. Chaque professeur est tenu d'encadrer treize stagiaires ou étudiants en stage, ce qui l'amène à aller dans l'industrie visiter l'étudiant, à examiner le travail qu'il y fait en partie, à évaluer son rapport de stage, à évaluer aussi les travaux qu'il peut avoir réalisés durant cette période.

Donc, il y a cette particularité à l'école où l'encadrement des étudiants par les professeurs est peut-être assez important. Comme je le disais tantôt, ce sont des cours que j'appellerais assez lourds en termes de

crédits puisqu'il y a beaucoup d'heures de laboratoire qui y sont associées en plus des cours magistraux.

S'ajoutent à cela, évidemment, comme partout ailleurs, les services à la communauté et la charge de la recherche. Chez nous, du côté de la charge de la recherche, comme c'est de la recherche appliquée, on peut ajouter une composante de liaisons, qui n'est quand même pas négligeable, avec les entreprises, liaisons qui naissent, d'ailleurs, bien souvent de la présence du professeur qui va visiter l'entreprise, voir ses stagiaires et qui, en même temps, établit des contacts. Il naît de là des besoins et, à ce moment-là, un certain nombre de projets appliqués qui sont très intéressants.

Là-dessus, si on veut faire des comparaisons strictement en termes de crédits, il faudrait regarder un peu, en tout cas chez nous, l'importance que prend l'encadrement en ce qui concerne les laboratoires et le tutorat des stagiaires.

Voilà, en gros, ma réponse en ce qui concerne la charge. Maintenant, quel est l'effet de nos chargés de cours sur la qualité de l'enseignement? M. Piedboeuf pourrait y répondre. (17 h 45)

M. Piedboeuf (Georges): D'une façon générale, je crois que les chargés de cours donnent chez nous un très bon enseignement qui est, dans les grandes lignes, comparable avec celui que peut donner le professeur régulier. Quand on dit, dans les dernières statistiques, que 57 % des enseignements sont donnés par des chargés de cours, c'est 57 % des cours-groupes. Cela veut dire qu'essentiellement, chez nous, ce sont les cours de mathématiques et les cours de sciences humaines et administratives qui sont donnés par des chargés de cours. Ces cours étant ce qu'on appelle les cours relevant du tronc commun et qui s'adressent généralement à toutes les spécialités peuvent se répéter cinq, six, sept ou huit fois par session. En réalité, ce sont surtout ces cours-là qu'ils donnent, les cours technologiques étant, en grande majorité -notre objectif étant de 75 % pour les cours technologiques - assurés par des professeurs réguliers.

Pour ce qui est de la qualité, globalement, dans l'ensemble, nos chargés de cours font un bon travail. Je dirais, d'ailleurs, que la majorité, c'est presque des chargés de cours permanents, certains étant chargés de cours depuis le début de l'école. On a déjà pensé à intégrer certaines choses, mais nos ressources ne nous ont pas permis de porter notre corps professoral à un niveau suffisant pour pouvoir intégrer, par exemple, des professeurs de mathématiques, ce qui avait déjà été envisagé à un moment. Pour ce faire, il nous faudrait des ressources supplé- mentaires pour pouvoir les faire passer, disons, au cadre de professeurs réguliers.

Mme Blackburn: Vous parlez de liens avec l'industrie. Il me semble que vous parlez également d'un Centre d'expérimentation en productique. Est-ce que vous pourriez développer cela? Est-ce qu'on peut parler d'un autofinancement et d'une rentabilisation dans ces secteurs? Est-ce que vous avez d'autres projets en vue?

M. Soucy: M. le Président, à ce sujet, c'est une création récente et je dois dire que nous avons dû, à cause de cette commission parlementaire, remettre la première réunion du conseil d'administration qui devait avoir lieu ce matin. Le CEP, le Centre d'expérimentation en productique, a été conçu comme une structure mise sur pied à l'intérieur des cadres de l'université, mais avec la collaboration de l'industrie. Nous avons donc demandé à cet égard que l'industrie elle-même crée et, jusqu'à un certain point, dirige les destinées de l'évolution de ce centre à l'intérieur des structures mêmes de l'école, évidemment, avec notre présence et notre collaboration, dans une perspective d'y réaliser des projets qui l'intéresse, elle, et non pas des projets qu'on pourrait faire comme cela simplement par intérêt.

Jusqu'à maintenant, je pense que la réponse est excellente. Nous en sommes, évidemment, au tout début. Dans un premier temps, ce centre va surtout se concentrer sur les activités de ce que j'appellerais le laboratoire CQIP sur le matériel de transport, qui est en gestation et qui vient d'être créé, pour lequel, d'ailleurs, nous avons eu une approbation officielle. Il reste à finaliser les dernières étapes de mise en place. Ce laboratoire va porter, justement, sur quelque chose que je trouve, moi, extrêmement intéressant et nouveau comme approche; il s'agit, en somme, d'utiliser la grande entreprise qui a de l'expertise en technologie, comme General Motors, Bombardier, Pratt & Whitney, Canadair et bien d'autres et à l'intérieur de la structure universitaire que nous mettons en place et en collaboration aussi avec d'autres universités et les cégeps, de faire un transfert technologique vers la sous-traitance de ces entreprises, si vous voulez, vers les PME, afin d'obtenir des objectifs de rentabilité en termes d'inventaire zéro, par exemple, et défaut zéro.

Cela intéresse vivement ces entreprises. Cela implique non seulement de l'équipement, du transfert d'équipement, des choses comme cela, cela implique de la formation, cela implique de l'entraînement sur place, de la démonstration de façon de faire et aussi des études d'impact que les nouvelles technologies peuvent entraîner. À ce sujet,

dans le cadre de notre projet, c'est l'Université du Québec à Montréal qui s'occupe de cet aspect des impacts sur la main-d'oeuvre et sur les aspects économiques de l'entreprise. Si vous vouliez plus de détails, M, Hébert, qui a piloté ce projet, pourrait certainement développer davantage,

M. Hébert: Peut-être la seule remarque additionnelle que j'ajouterais, c'est qu'au-delà des grandes entreprises, dans ce concept d'utiliser les grandes pour aller aux petites dans le concept de la sous-traitance, nous avons pensé aussi - et à cet égard on rejoint les mêmes idées que le CQIP - concerter les efforts des divers intervenants du milieu de l'éducation, en particulier, les universités et les cégeps. Dans le cas particulier de ce laboratoire CQIP, nous avons trois établissements de niveau universitaire, l'École polytechnique, le département des sciences administratives de l'UQAM et l'École de technologie supérieure. Nous avons aussi, dans un concept régional, cette fois, trois cégeps, l'École d'aéronautique de la rive sud du cégep Saint-Hubert, l'Institut CAO-FAO du cégep Vanier, qui est en plein centre de Montréal, et, au nord de Montréal, nous avons le cégep Saint-Laurent.

Nous avons établi une entente qui spécifie le râle de chacun. Cela fait partie intégrante de l'entente. Nous sommes rendus au stade d'avoir des projets. Les grosses entreprises ont identifié des petites entreprises. Les projets sont en train d'être finalisés au point de vue du concept de sorte que ce que nous voulons, c'est que cela soit la grosse entreprise et la petite, à l'intérieur des programmes existants de subventions gouvernementales pour le développement technologique, qui aillent faire des demandes de subventions. Mais, à ce moment-là, dans leur demande, elles pourront tenir compte de toutes les ressources universitaires ou des ressources des collèges qui pourront être mises à leur disposition et prévoir les dépenses en conséquence.

Évidemment, cela pose un problème, c'est qu'il y a une infrastructure et nous sommes au stade de discuter, avec les grosses entreprises, une forme de contribution à l'infrastructure des trois premières années, étant entendu que nous voudrions que chacun des projets s'autofinance dans la mesure du possible.

Mme Blackburn: Une dernière question en ce qui me concerne. Vous êtes, comme école, rattachés à l'Université du Québec. Vous connaissez sans doute la recommandation du rapport Gobeil qui veut abolir le siège social. Qu'est-ce que cela veut dire pour une école comme la vôtre?

M. Soucy: J'ai dit quelque part que, suivant les perspectives que nous entrevoyons de développement de l'école, faire partie du réseau de l'Université du Québec, nous en étions très fiers et, en même temps, nous trouvions là un avantage important pour réaliser notre mission à l'échelle du Québec.

Je dois dire aussi que, à cause de notre petite taille, nous trouvons bien utiles les services mis en commun par l'université, par le réseau, en somme, et par le siège social de l'Université du Québec. Il y a certainement beaucoup de problèmes que nous aurions eu de la difficulté à résoudre, si vous voulez, ou qu'on aurait résolus quand même, mais à de très gros coûts, si nous avions été obligés d'engager tantôt des professionnels, tantôt des conseillers pour nous aider, parce qu'on n'a pas nécessairement la capacité d'avoir des gens à temps plein pour régler certains problèmes. Donc, on va chercher, dans ce réseau et dans les ressources du siège social, toute l'expertise nécessaire pour appuyer notre action et réussir, finalement, à remplir notre mandat et à passer à travers des problèmes assez difficiles comme celui des négociations collectives, et j'en passe.

Pour nous qui sommes une organisation de petite taille, nous trouvons d'une très grande utilité le réseau de l'Université du Québec. D'une part, on y trouve aussi des collaborations. On y trouve également des prolongements que nous ne pouvons pas avoir parce qu'on n'a pas cette dimension polydisciplinaire d'une grande université. On peut aller rechercher là des complémentarités, créer à l'intérieur de ce réseau des liens qui font que l'École de technologie supérieure ne se trouve pas complètement isolée, si vous voulez, d'un contexte universitaire qui se veut quand même beaucoup plus polyvalent que simplement la technologie, moins enfermé, si vous voulez, à ce moment dans la problématique de notre mission particulière. Donc, je l'ai déjà dit, si le réseau ou le siège social n'existait pas, il faudrait l'inventer. Nous serions là les premiers initiateurs d'une organisation comme celle-là. Si on devait y toucher, nous ferions des efforts pour créer quelque chose d'équivalent certainement quelque part, à un moment donné. Merci.

Le Président (M. Thérien): Avant de passer la parole à la députée de Marie-Victorin qui l'avait demandée, je céderai la parole à M. le ministre qui a un message un peu spécial.

M. Ryan: Je voudrais seulement m'excuser de devoir partir maintenant. J'ai promis d'aller faire une émission de radio à 18 heures sur le thème des travaux de la commission. C'est un prolongement qui m'apparaît utile dans les circonstances. Je pense que vous allez comprendre cela facilement. Je vous adresse mes remerciements.

Ma collègue, la députée de Jacques-Cartier, complétera tantôt quand ce sera mon tour. Merci beaucoup.

Le Président (M. Thérien): Donc, nous revenons avec la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Comme perspective d'avenir, vous répondez réellement à la réalité du développement économique du Québec par le rôle que vous jouez. Compte tenu du contexte actuel chez les étudiants, c'est-à-dire de la difficulté à trouver du travail, vous répondez encore grandement à cette autre mission puisque la plupart de vos étudiants trouvent de l'emploi. J'imagine qu'ils doivent avoir des salaires assez décents. Quelle est la moyenne de salaire pour la plupart de vos jeunes diplômés? En termes aussi d'échelles progressives, cela se situe où?

M. Soucy: En moyenne, les salaires que nos diplômés gagnent se comparent à ceux des ingénieurs des autres facultés plus traditionnelles de génie. J'ai des chiffres ici qui montrent depuis 1976-1977 la progression des salaires, c'est-à-dire à partir de l'année de diplômation. Par exemple, un étudiant en 1983-1984 était embauché aux alentours de 25 000 $; celui qui est diplômé en 1976-1977, soit huit ans plus tôt, son salaire se situe aux alentours de 36 000 $. Nous avons des statistiques sur cela. Nous avons l'impression que ces salaires se comparent avantageusement à ceux des ingénieurs.

Mme Vermette: Cela m'amène à poser une autre question. Sur le nombre de vos admissions, combien y a-t-il de femmes par rapport à la moyenne des hommes et quels sont les critères d'évaluation en ce qui concerne, justement, l'égalité des chances entre les femmes et les hommes?

M. Soucy: Excusez-moi?

Mme Vermette: En ce qui concerne l'accessibilité aux études pour les femmes et hommes.

M. Soucy: II n'y a pas de limite chez nous à l'accès de la part de femmes ou d'hommes. La limite vient plus de la nature de la clientèle que nous recrutons du cégep professionnel. On se rend compte que les étudiants de ce secteur sont en plus grande majorité de sexe masculin et qu'il y a moins de diplômés féminins. Ainsi, il est presque normal, puisque nous recrutons actuellement exclusivement dans ce secteur, que la gent masculine soit beaucoup plus importante que la représentation féminine au sein des étudiants. Cela ne nous empêche pas de dire que celles qui viennent sont d'excellente qualité, puisque le président des étudiants est justement une étudiante. On déplore un peu la faible attirance des femmes pour notre type d'enseignement. On a récemment demandé de regarder cela et de voir s'il n'y aurait pas de correctif à apporter. Il y a certainement un enseignement qui peut convenir aux deux.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup. Je demanderais le consentement, étant donné qu'il est 18 heures, pour qu'on dépasse de quelques minutes. J'ai le consentement des deux côtés pour qu'on puisse conclure. Je cède la parole à Mme la députée de Chicoutimi pour la conclusion.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique, je dois vous dire merci de votre participation à cette commission parlementaire. Cependant -peut-être pourrez-vous me fournir tantôt les réponses - vous n'avez que partiellement répondu à la question de ma collègue, la députée de Marie-Victorin. Vous ne nous avez pas dit combien il y avait de filles effectivement chez vous. C'est probablement un peu gênant et je vous comprends. (18 heures)

Une voix: C'est quarante-cinq.

Mme Blackburn: Sur?

M. Piedboeuf: Sur 1200 et quelques étudiants. Ce n'est pas beaucoup.

Mme Blackburn: Je comprends la gêne. Ma question, parce qu'on aurait pu ajouter cela comme question, c'est! Est-ce que vous avez une politique d'information destinée aux filles? Je dois vous dire que cette réflexion m'est venue tout à l'heure lorsque j'ai regardé votre cahier qui est, comme outil de promotion, bien fait, intéressant et dans lequel on ne voit que des hommes. On a vu tout à l'heure un coin qui ressemblait à peu à une cafétéria et je me suis dit que, si c'était une cafétéria, en arrière du comptoir, on devait peut-être retrouver des femmes. Cela pour dire que, dans des secteurs d'activités et de formation comme le vôtre, il y a des salaires intéressants et il serait extrêmement important qu'on retrouve plus de filles, plus de femmes, parce que -personne, je pense bien, ne pourra nier cela - elles seront de plus en plus souvent chefs de famille. Il me semble que, quant à votre école et à ses facultés, je dirais, plus prometteuses d'avenir, il devrait y avoir des incitations ou des façons, une promotion, une sensibilisation qui devraient être davantage adressées aux jeunes filles dans les collèges.

J'ai eu plaisir à vous entendre malgré que je pense que le ministre ait jeté tantôt un peu une douche froide sur vos projets d'expansion. Cela m'amenait à une autre question, mais on pourra toujours y répondre

tantôt. J'imagine que votre plan de développement avait été un peu vu par l'UQ; cependant, je pense que ce n'est pas tout à fait fermé. J'espère que vous trouverez ailleurs davantage de dynamisme par rapport au défi qui va vous être posé en regard de votre développement. Je vous remercie infiniment de votre participation à cette commission.

Le Président (M. Thérien): Merci. Maintenant, du côté ministériel, je passerai la parole è l'adjointe parlementaire en matière d'éducation, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président-Avant de terminer, j'ai une question. Il s'agit de votre avenir. Il me semble que vous rendez un service très important afin de faciliter notre capacité de nous adapter au développement technologique. Et comme les besoins de formation, mais surtout de perfectionnement risquent d'augmenter de plus en plus, j'aimerais vous demander ce que vous prévoyez pour l'avenir de votre école. Quelles sont les orientations que vous privilégieriez?

M. Soucy: Si vous me le permettez, M. le Président, je vais répondre à cette question. Effectivement, nous avons mis sur pied, il y a deux ans, un service de perfectionnement axé sur des formations sur mesure vers l'industrie. En 1985-1986, nous avions neuf activités dont deux séminaires qui nous ont donné quand même des revenus en frais de scolarité de l'ordre de 73 000 $ avec une centaine de participants.

En 1986-1987, nous avons 25 activités dont 16 séminaires et nous espérons atteindre environ 250 participants. Pour nous, c'est une partie importante - je n'en ai pas parlé dans mon mémoire; on en a parlé un peu, mais disons que je n'ai pas développé ce point -et, si vous voulez, on pourrait vous remettre...

Une voix: Cela a été remis.

M. Soucy: Cela a été remis. ...un petit exemplaire de notre programme de perfectionnement qui est actuellement véhiculé et qui est offert à la fois à Montréal et dans la région de Québec actuellement. En matière de perfectionnement, voilà actuellement nos activités, donc, ce que nous appelons le perfectionnement complémentaire au programme de baccalauréat et de certificat qui donne des unités universitaires d'éducation continue, ce qu'on appelle les CEU.

Mme Dougherty: Est-ce que la demande excède votre capacité de répondre, à l'heure actuelle?

M. Soucy: À l'heure actuelle, je dirais peut-être que l'offre est assez importante parce que nous ne sommes pas les seuls à faire ce type d'offre. Il y a aussi...

Mme Dougherty: Qui sont vos principaux compétiteurs, si on peut utiliser ce terme?

M. Soucy: II y a des compétiteurs universitaires, évidemment. L'Université McGill quand même a un très fort programme d'enseignement et de perfectionnement; Polytechnique, également, dans des secteurs techniques et il y a aussi beaucoup d'entreprises privées qui font ce type de perfectionnement. Cela nous étonne et cela ne nous étonne pas, mais avec l'avantage qu'ont eu récemment les cégeps de pouvoir s'équiper d'une façon peut-être un peu plus intéressante que les universités par des programmes spéciaux, les cégeps ont pu offrir, grâce à des équipements modernes plus sophistiqués, des cours de perfectionnement en CAO-FAO, par exemple, en dessin assisté par ordinateur, etc., de sorte qu'il y a là aussi une certaine compétition qui existe et qui n'existait pas il y a quelques années.

Le Président (M. Thérien): J'inviterais Mme la députée à conclure.

Mme Dougherty: Merci infiniment d'être venus et de nous avoir informés sur les activités de votre école. Personnellement, j'ai appris beaucoup et on va suivre votre progrès et vos activités avec beaucoup d'intérêt à l'avenir. Merci d'être venus.

Mme Blackburn: M. le Président... Le Président (M. Thérien): Avant de... Mme Blackburn: ...en conclusion...

Le Président (M. Thérien): Avec la permission...

Mme Blackburn: ...avec votre permission. Tout à l'heure, le directeur général nous disait que les filles inscrites à son école étaient performantes, ce dont je ne doute pas. À cet égard, vous me permettez certainement en votre nom, mesdames et messieurs, d'adresser mes compliments et mes félicitations à la présidente de l'association des étudiants et étudiantes de l'école. 45 sur 1200 et que cela soit une fille, on n'avait pas à faire plus de démonstration de la compétence des filles.

Le Président (M. Thérien): Je me joins à Mme la députée pour vous féliciter, madame.

Mme Blackburn: J'en doute un peu.

Le Président (M. Thérien): Au nom de la commission, je veux personnellement vous remercier, tous les représentants de l'École de technologie supérieure. Comme vous avez pu le remarquer, les conclusions étaient de forme interrogative. Donc, c'était très intéressant et il y aurait sûrement du temps qui aurait été nécessaire pour élaborer davantage. Merci beaucoup encore une fois.

La commission suspend ses débats jusqu'à 20 heures, alors qu'elle accueillera les représentants de l'École polytechnique.

(Suspension de la séance à 18 h 8)

(Reprise à 20 h 12)

Le Président (M. Thérien): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux. Je voudrais rappeler aux parlementaires le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale dans le but d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Cela nous fait plaisir d'accueillir les représentants de l'École polytechnique de Montréal et en même temps de signaler la présence d'un auditeur libre et objectif, le député d'Outremont, ministre délégué à la Privatisation.

Je demanderais à M. le président de nous présenter ses collaborateurs et je vous indique que nous avons une heure (il est 20 h 10, donc on aura jusqu'à 21 h 10). Comme on l'a manifesté, vous avez à peu près 15 à 20 minutes, selon votre bon gré, on est assez souple là-dessus, pour après passer à la période de questions qui est partagée moitié-moitié entre la partie ministérielle et la partie de l'Opposition. Donc, M. le président, vous avez la parole.

École polytechnique de Montréal

M. Bouthillette (Roland): M. le Président, mesdames et messieurs les ministres et députés, il nous fait plaisir de vous présenter notre mémoire. Je suis chef de la délégation de l'École polytechnique. Mon nom est Roland Bouthillette. Je suis président et principal de l'école. Je me suis fait accompagner de deux jeunes hommes: à ma droite le directeur de l'école, diplômé en 1960 de l'École polytechnique qui a fait beaucoup de chemin depuis ce temps-là, et M. Jean Baulne, président de l'Association des diplômés de l'École polytechnique. Je vous souligne tout de suite que l'École polytechnique compte 10 000 diplômés. C'est donc au nom de tout un groupe d'étudiants, qui est de l'ordre actuellement de 5000, et de 10 000 de nos diplômés que nous vous adressons ce mémoire.

Si vous me le permettez je vais passer la parole au directeur de l'école, qui très activement a participé avec beaucoup de soin à la rédaction du mémoire.

Le Président (M. Thérien): Merci. Donc, cela nous fait plaisir de vous accueillir. La parole est à vous, M. Doré.

M. Doré (Roland): M. le Président, M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, c'est en qualité de professeur actif en recherche et en enseignement et de directeur de l'école que je me présente devant vous. J'ai compris qu'une lecture exhaustive du mémoire n'était peut-être pas la forme d'intervention idéale ce soir, compte tenu que vous avez eu à subir probablement de très nombreuses lectures. Je vais essayer de résumer les points les plus importants de notre mémoire.

Pour ce qui est de l'importance de la formation scientifique et technologique, je crois que ce n'est pas nécessaire de reprendre les arguments de plusieurs groupes qui ont noté que l'avenir de notre province et l'avenir de notre pays au point de vue économique était certainement lié à l'industrie des connaissances. Les ingénieurs, bien sûr, se retrouvent aux confins ou au carrefour de ces développements technologiques.

Laissez-moi illustrer mon propos par une anecdote. J'étais, l'an passé, à Ottawa, assis à la table d'un chef d'entreprise de haute technologie qui me disait: M. Doré, ce qui me cause le plus de souci lorsque je vois mes employés quitter l'usine, le soir, entre 5 et 7 heures, c'est toujours la peur de ne pas les voir revenir le lendemain, parce que mon unique capital et le capital le plus impartant pour mon entreprise, ce sont ces personnes qui contribuent à l'avancement de ma compagnie. Cela tout simplement pour renforcer cette thèse que les connaissances sont aujourd'hui capitales dans le développement d'une nation.

Ce qu'est l'École polytechnique? L'école est actuellement la plus importante parmi les 32 facultés et écoles d'ingénieurs au Canada, il y en a 7 au Québec. Bien sûr, l'École polytechnique est celle qui compte le plus d'étudiants au premier cycle et le plus d'étudiants aux deuxième et troisième cycles. Elle se situe au Canada au premier rang pour le nombre d'étudiants au premier cycle et au deuxième rang pour le nombre d'étudiants à la maîtrise et au doctorat. Enfin, l'école compte 4000 étudiants au premier cycle, près de 1000 étudiants à la maîtrise et au doctorat, 1000 étudiants à l'éducation permanente et un peu plus de

1100 ingénieurs qui suivent les cours de perfectionnement intensifs. Donc, nous comptons environ 7200 étudiants de toutes catégories. Nous avons 750 employés dont 210 professeurs. Les dépenses de l'école s'établissent à environ 60 000 000 $ par année et le gouvernement en finance 40 000 000 $. Je crois que ce sont des chiffres importants.

Le sous-financement de l'École polytechnique - sans faire une liste qui devient fastidieuse à écouter - s'est traduit par une réduction de 39 % du coût de formation par étudiant entre 1978-1979 et 1985-1986. Je dois dire que les compressions que nous avons subies au début de cette période ont eu des effets bénéfiques sur la gestion de l'École polytechnique. Mais les compressions que nous subissons depuis les quelques dernières années font des torts que je vais essayer de démontrer au cours de ce mémoire. Ce sont des torts au niveau de la qualité des services que nous pouvons offrir à nos étudiants. Donc, une période qui a été bénéfique parce que nous avons pris conscience de l'importance de l'argent, je crois, c'est important de le reconnaître. Nous avons actuellement atteint des limites dangereuses. Bien sûr, nous avons eu une diminution sensible des dépenses en équipements, j'y reviendrai tout à l'heure. Nous avons des problèmes d'espace. Nous avons en chantier sur la table à dessin un projet d'agrandissement qui pourra régler une partie de ces problèmes d'espace.

Nous avons un rapport étudiants-professeur qui est beaucoup plus élevé que toutes les normes proposées pour les écoles d'ingénieurs. Nous avons actuellement un facteur de 22,5 étudiants par professeur, sans appliquer de facteur de pondération pour les étudiants de maîtrise et de doctorat. Je répète que nous avons à l'école 1000 étudiants à la maîtrise et au doctorat.

Bien sûr nous avons des problèmes de vieillissement du corps professoral et un problème pour maintenir des infrastructures de services: bibliothèque, atelier et secrétariat surtout.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse pour résumer une partie des propos de l'annexe - je suis en page A-2 de l'annexe -pour vous parler de l'état de nos laboratoires. Après les espaces, le problème le plus aigu de l'École polytechnique est un problème d'équipements scientifiques et d'espaces de laboratoires. Nous disons dans cette annexe que nos laboratoires sont devenus, pour plusieurs d'entre eux, des musées. Vous pourrez peut-être trouver le mot fort mais c'est effectivement le cas. Nos étudiants vont faire actuellement des laboratoires dans les cégeps. Nous n'avons pas d'objection majeure à ce que nos étudiants fassent des travaux, des laboratoires dans les cégeps. Lorsque cela se multiplie et lorsqu'on doit déplacer des groupes de 240 étudiants par année, comme le groupe de génie mécanique, pour aller dans les cégeps, on doit le faire sur plusieurs journées, et il y a une quantité énorme d'énergie qui est perdue dans de tels échanges avec les cégeps.

Pour illustrer aussi nos problèmes d'équipement, nous notons - page A-3 de l'annexe - que certains de nos professeurs en recherche doivent faire ou ont fait l'acquisition d'équipements que les cégeps considèrent désuets. Ce n'est pas pour vous dire que les cégeps sont suréquipés. Non, les cégeps ne sont pas suréquipés. Mais lorsque nous sommes obligés, de façon importante, de nous servir des équipements des cégeps, je crois que cela dénote une situation peut-être pas catastrophique, mais du moins très difficile pour l'École polytechnique.

Nos locaux sont utilisés le plus possible 365 jours par année, 24 heures par jour. Nos locaux sont ouverts 24 heures par jour. Notre centre de calcul est utilisé aussi 24 heures par jour et 365 jours par année. C'est tout simplement pour vous souligner que nous essayons d'utiliser nos équipements au maximum.

Les doyens de l'ingénierie du Canada forment un groupe très actif et très uni. Nous faisons des enquêtes annuellement pour savoir de quelle façon nous sommes pourvus au point de vue de budget de fonctionnement et de budget d'équipement. Des études qui ont été faites par ce comité des doyens de l'ingénierie du Canada montrent que les ressources mises à la disposition des facultés d'ingénierie du Québec - je ne parle pas uniquement des polytechniques; je parle pour l'ensemble des facultés du Québec; les polytechniques se trouvent dans cette moyenne - les ressources mises à la disposition de ces facultés-écoles, sont bien en deçà de la moyenne nationale. Elles sont en deçà des ressources mises à la disposition des facultés de l'Ontario qui ne sont pas très bien pourvues elles non plus. Je ne veux pas insister parce qu'il y a d'autres institutions universitaires, entre autres, le Conseil des universités qui ont fait de telles comparaisons.

Quels sont les efforts que l'École polytechnique a faits pour essayer de s'adapter à cette situation? Une chose très importante, c'est qu'on a pu établir un régime qui n'est pas un régime d'équilibre budgétaire. Nous sommes en régime de déficit annuel, mais nous n'avons pas de déficit accumulé à l'École polytechnique, et ce, grâce à l'appui du personnel de l'école et des étudiants. Les étudiants ont accepté des conditions de vie à l'École polytechnique que des étudiants d'autres institutions n'auraient peut-être pas acceptées. Maintenant, le groupe qui a le plus contribué à cet état de quasi-équilibre, c'est le corps professoral qui

a accepté des augmentations de tâche assez appréciables, et j'ai ici des documents que je pourrais déposer et que nous pourrions discuter lors de ta période des questions.

J'ai parlé tout à l'heure de l'utilisation maximale des locaux. Nous avons aboli des postes, offert des programmes de préretraite. Nous avons davantage fait appel à des chargés de cours. Nous avons demandé à nos professeurs de diriger plus d'étudiants de 2e et 3e cycles.

Maintenant, pour ce qui est de la diversification des sources de financement, bien sûr, nous avons fait appel à l'industrie. Nous sommes peut-être - l'École polytechnique - placés dans une situation privilégiée par rapport aux autres institutions universitaires du fait que, de par nos activités, nous intéressons a priori plus les industries. Nous sommes une institution monolithique. Nous ne touchons que l'ingénierie et, bien sûr, les industries se rapprochent de nous comme nous essayons de nous rapprocher d'elles. Les nouveaux programmes de spécialisation ou des nouvelles orientations que nous avons créés au cours des cinq dernières années ont été, dans la plupart des cas, créés grâce à un appui direct des industries. Donc, elles ont mis de l'argent dans le démarrage des programmes. Ou nous l'avons fait en collaboration avec d'autres universités ou nous avons mis ces deux moyens ensemble. Un exemple, c'est la création d'un programme de maîtrise avec McGill et Concordia qui est supporté en partie par les compagnies d'aviation dans la région de Montréal. Nous essayons aussi de profiter de notre capacité de donner certains services aux industries pour négocier des contrats. Ce n'est pas, au point de vue du volume un chiffre d'affaires très important. C'est quand même 3 000 000 $ par année. Ces opérations s'autofinancent malgré le fait que d'autres groupes disent que ça ne s'autofinance pas, mais vous allez en entendre parler ce soir de toute façon.

Nous avons aussi essayé d'avoir des dons. Nous notons dans notre mémoire que nous avons pu avoir 6 000 000 $ de dons d'équipement au cours des trois dernières années. Ceci s'est fait grâce au travail d'approche des professeurs de l'école qui avaient des contacts avec les entreprises et qui savaient que peut-être certaines de ces entreprises pouvaient donner des logiciels ou faire des dons d'équipement à l'école. La direction de l'école, ce n'est qu'en dernier recours que nous avons mis notre grain de sel, si vous voulez, pour approcher les présidents de compagnie ou les personnes clés de façon à finaliser ces dons.

Le programme de coopération internationale est quand même un programme très impartant à l'école. Nous sommes présents de façon importante au Sénégal. Nous avons mis sur pied l'École polytechnique de Thiès.

C'est un projet qui date de 1973. Nous étions cet après-midi, M. Bouthillette et moi, avec le ministre de l'Éducation du Sénégal qui nous soulignait l'importance de ce projet particulier pour le développement économique de son pays.

La rationalisation des activités. Je vous ai mentionné tout à l'heure les interactions que l'école a eues avec d'autres universités. Nous avons des projets de collaboration pour mettre sur pied des programmes d'enseignement avec plusieurs universités dont l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, entre autres, pour faire démarrer une première année d'ingénierie. Nous avons fait la même chose, il y a vingt ans - je regarde Mme Blackburn - à l'Université du Québec à Chicoutimi pour instaurer le programme d'ingénierie là-bas. Nous sommes très ouverts à ces collaborations.

Il vaut la peine de noter, je crois, que pour toutes les subventions de recherche d'actions structurantes - l'école est impliquée dans neuf ou dix actions structurantes - nous avons fait la recherche en collaboration avec d'autres universités.

Conséquences du sous-financement. En fait ce qu'on veut dire, c'est que malgré tous les efforts que nous avons faits pour chercher du financement et trouver du financement additionnel à l'extérieur, pour diversifier, pour utiliser au maximum nos ressources internes et pour rationaliser nos activités en collaborant avec d'autres universités, nous croyons que l'École polytechnique est rendue au bout de son rouleau et qu'il n'est plus possible de demander plus à notre personnel ou d'avoir, si vous voulez, un rendement de beaucoup accru pour ce qui est des collaborations avec d'autres ou du financement provenant d'autres sources.

Maintenant, nous avons proposé certains éléments de solution au problème de financement en page 11. Les trois premières suggestions ou propositions on les a entendues de la bouche du Conseil des universités, donc nous les appuyons. Par contre, je crois qu'il vaudrait la peine d'exposer les vues de l'École polytechnique pour ce qui est de l'accroissement des populations et le financement de l'accroissement de ces populations. Nous croyons que l'État du Québec fait face à un dilemme qui est celui de donner un plus grande accessibilité à l'université tout en se voyant contraint de limiter son apport financier. C'est réellement un dilemme. Si l'État du Québec décide de continuer sa politique d'accessibilité universelle aux universités, je crois qu'il devra faire face à des obligations dont une augmentation du financement des universités. Donc, bien sûr que les sources de financement peuvent provenir du gouvernement et peut-être d'autres sources. Nous pouvons essayer et je crois qu'il est possible

encore d'avoir un financement accru provenant des entreprises, mais quand même on a très bien exploité ce filon.

La question des frais de scolarité, en page 14. Nous disons que nous sommes favorables à l'augmentation des frais de scolarité mais à certaines conditions. Il est certain qu'une solution qui serait une injection importante de fonds de l'État pourrait limiter l'augmentation de ces frais de scolarité à un niveau assez raisonnable. Nous disons que nous sommes prêts encore à collaborer avec les autres universités pour le développement de nouvelles activités et nous répétons dans le mémoire - et je le dis encore aujourd'hui - notre volonté de faire cela. (20 h 30)

Une certaine rationalisation. L'étude sectorielle sur le génie nous a indiqué certaines pistes et nous avons déjà assuré le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science que nous étions pour faire notre travail de rationalisation et nous le ferons.

Un dernier point, celui du financement des frais indirects de la recherche. On en a parlé. Pour l'École polytechnique c'est un élément très important des problèmes de financement que nous avons actuellement. Bien sûr que plus les universités acceptent -je dis acceptent parce que maintenant, lorsque nous acceptons ou lorsqu'on nous fait une offre de subvention de recherche, nous réfléchissons si on doit l'accepter ou ne pas l'accepter. Nous ne pourrions plus actuellement prendre une autre équipe structurante à l'École polytechnique, parce que malgré le fait que le financement de ce programme soit généreux, cela coûte quand même à l'École polytechnique des montants assez importants.

En terminant, je voulais tout simplement dire que nous avons en main des documents que nous pourrions déposer et discuter si vous le voulez et qui touchent les charges d'enseignement des professeurs de l'École polytechnique et des chargés d'enseignement. Nous avons des chiffres de 1976-1977 et jusqu'à cette année. Nous avons des chiffres et des données sur le relevé des charges d'enseignement; comment cela se fait à l'école; depuis quand nous faisons cela; sur les coûts d'administration, sur la politique relative à l'évaluation de l'enseignement. Je sais que pour les étudiants c'est un sujet très important et pour nous aussi d'ailleurs. Nous avons des données que nous pourrions transmettre verbalement sur la réussite dans les cours, Mme Blackburn, sur le taux de diplômation ainsi que sur le contingentement que nous faisons à l'admission à l'École polytechnique. Voici, M. le Président.

Le Président (M. Thérien): Vous pouvez faire le dépôt; j'accepte le dépôt des documents.

On est en train de distribuer le document que M. le directeur vient de déposer. Vous voulez continuer votre exposé ou on passe à la période de questions?

M. Doré: J'ai terminé.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, M. Doré, de votre exposé qui a été fort intéressant. Pourrait-on en passer un au ministre et un aux représentants de l'Opposition?

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Thérien): Je donne donc la parole au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, je ne veux pas retarder nos travaux, mais je serais bien tenté de consacrer quelques minutes à examiner ce tableau sur la charge moyenne d'enseignement des professeurs dans chacun des départements de l'École polytechnique. On va le faire à mesure qu'on avance. Ce sont des renseignements qui répondent évidemment à des inquiétudes ou des interrogations maintes fois formulées depuis le début de nos travaux. Je suis bien content que vous nous ayez apporté cela de votre propre initiative; je l'apprécie beaucoup.

Je voudrais signaler que c'est un grand plaisir pour la commission parlementaire de l'éducation et pour les membres de l'équipe ministérielle en particulier de rencontrer ce soir les représentants de l'École polytechnique de Montréal. Je voudrais signaler la présence parmi nous ce soir dans l'équipe ministérielle de M. Pierre Fortier, député d'Outremont et ministre d'État ou délégué...?

M. Fortier: Délégué à la Privatisation.

M. Ryan: ...délégué aux Finances et, en particulier, à la Privatisation, maintenant aux institutions financières.

M. Jolivet: C'est M. Gobeil qu'on aurait aimé avoir.

Le Président (M. Thérien): M. le député de Laviolette, vous n'avez pas la parole.

M. Ryan: J'espère que ces choses qui sont tout è fait hors d'ordre ne sont pas enregistrées, M. le Président.

Le Président (M, Thérien): ...se fier au droit de parole respectif.

M. Ryan: II me fait plaisir de souligner la présence parmi nous des représentants de l'École polytechnique en raison de la grande importance que la profession qu'ils

représentent et à laquelle ils préparent occupe dans notre vie collective et représente pour notre avenir collectif. Déjà, la profession d'ingénieur joue un rôle capital dans le développement de notre économie, dans le développement de nos entreprises, de nos grandes infrastructures publiques, de notre culture scientifique et technologique. L'École polytechnique, dans ce développement de la profession d'ingénieur que nous avons connue au Québec depuis le début du siècle a joué un rôle de leader que nous reconnaissons tous volontiers. Vous le soulignez à juste titre dans votre mémoire. Vous êtes l'école de génie la plus importante au Canada en ce qui touche les activités de premier cycle et le rayonnement international. Vous venez au deuxième rang, tout de suite après l'Université de Toronto, pour le développement du deuxième et du troisième cycle qui ont connu un développement remarquable chez vous au cours des dernières années. Cela vaut la peine de le signaler. Vous avez des choses importantes à nous dire, puis nous allons les accueillir avec beaucoup d'intérêt.

Une autre chose qu'il m'intéresse de signaler à ce moment-ci, c'est la diversification de ces sources de revenus à laquelle l'École polytechnique a procédé au cours des dernières années. J'examinais les chiffres que nous avons à notre disposition et je constate que sur des revenus totaux pour l'année 1985-1986 de 47 000 000 $, un bon 12 000 000 $ venaient de source extérieure, étaient venus s'ajouter aux revenus en provenance des subventions gouvernementales et des frais de scolarité et d'inscription. Cela veut dire un peu plus de 25 % du total. Cela vaut la peine de le signaler. Une partie a consisté en des subventions du gouvernement du Canada et d'organismes fédéraux; une autre partie a consisté en des dons de l'entreprise privée et une autre partie en des ventes de services ou produits à l'extérieur. Cela vaut la peine de le signaler.

Je voudrais profiter de cet aspect de votre présentation pour signaler un point qui a peut-être été mal compris et corriger une impression erronée qui a pu se dégager de choses dites antérieurement, non pas par nous mais par des personnes qui sont venues, puis on n'avait pas évidemment eu le temps de tout reprendre. Il y en a qui ont laissé entendre ceci: On irait bien chercher des revenus à l'extérieur, mais ils nous déduisent cela pour les fins de subvention, il n'y a pas d'incitation. Je regrette de dire, ce soir, que cela n'est pas vrai. Si une université ou une institution comme l'École polytechnique va chercher des revenus à l'extérieur sous forme de dons ou de contrats de travail ou autre, cela n'est pas déductible pour les fins de subvention. Sa subvention n'est pas affectée par cela.

Mme Blackburn: ...non plus. M. Ryan: Pardon?

Mme Blackburn: Les frais afférents non plus.

M. Ryan: Non. Les frais d'inscription et les frais de scolarité sont déductibles, les frais de matériel... Les frais afférents, Mme la députée de Chîcoutimi, cela comprend les frais d'inscription, dans ma définition; mais les définitions varient tellement d'un mois à l'autre que celle-ci n'est pas la seule bonne, j'en conviens volontiers.

Mme Blackburn: Mais cela vous l'appréciez...

M. Ryan: Par conséquent, les revenus en provenance des frais de scolarité et des frais d'inscription sont déductibles. Cela mérite d'être souligné d'une manière spéciale. M. Doré a semblé laisser entendre qu'on avait peut-être un peu épuisé un potentiel de ce côté-là; nous refusons de le croire. Nous croyons que certaines entreprises pourraient doubler à elles seules le montant des revenus qui vous sont fournis de ce côté-là, mais ce sont les entreprises qui prennent leurs décisions. Il y a déjà des pas de faits et je m'en réjouis.

Je voudrais en venir maintenant à un thème majeur de votre mémoire. Évidemment, c'est la partie qui traite des conséquences du financement. Vous avez souligné ces conséquences. Cela vaut la peine de le rappeler. Les revenus par étudiant qui constituent l'ensemble des recettes de l'école n'ont pas connu la progression qu'il eût fallu pour faire face aux dépenses accrues. En fait, les coûts de formation ont considérablement diminué au cours de la - on va le dire très bientôt - dernière décennie. Il y a eu une chute marquée. Le coût de formation d'un étudiant en 1978-1979 était de 7500 $ et, en dollars constants, en 1985-1986, il était, selon vos données, de 4600 $.

Vous avez parlé du phénomène des équipements. Nous en avons parlé à plusieurs reprises. Il y a eu certaines mesures qui ont été prises pour favoriser la modernisation des équipements mais c'est très insuffisant. Pour faire face à la situation que vous signalez, je pense pouvoir vous assurer que nous en prenons note. Vous nous signalez l'augmentation du rapport étudiants-professeur - je présume, évidemment, que c'est étudiants et professeurs réguliers. Je crois comprendre qu'il y a eu une augmentation dans la partie de l'enseignement qui est confiée à des chargés de cours. On pourra avoir des précisions là-dessus tout à l'heure, évidemment. Il faut tenir compte de cela quand on discute du rapport étudiants-professeur, à mon humble point de

vue.

Vous parlez de la détérioration du service de la bibliothèque, du service d'informatique, etc. Surtout pour une école comme la vôtre qui doit être à la fine pointe du progrès technologique, je pense que cela a peut-être plus de signification que dans d'autres facultés. II y a des facultés où on a moins besoin de l'intelligence artificielle. Ce n'est pas diminuer le recours que vous faites à l'intelligence réelle que de signaler cela, mais, dans votre cas, je pense que les deux doivent être intimement mariées pour l'efficacité de la formation en vue des défis d'aujourd'hui. Ce sont des points que nous enregistrons. Ils ont été abondamment évoqués depuis le début des audiences de la commission. Je ne m'attarderai pas, parce que je pense que nous avons le matériel qu'il nous faut sur ces points pour nous faire une opinion. Vous avez ajouté des éléments à la fin de votre mémoire sur les équipements en particulier que j'ai notés également.

Je voudrais pour la partie qui me reste pour certaines questions en venir aux éléments de solution que vous proposez à la page 11 de votre mémoire qui me semble être la page la plus importante. Tout d'abord, les deux premières recommandations ne retiendront pas mon attention, parce que je pense qu'elles vont faire partie de l'ensemble des recommandations qui nous sont présentées. Vous demandez la cessation des compressions. M. le député d'Outremont et ministre délégué aux Finances a souligné qu'il était délégué aux Finances. On espère qu'il transmettra ce message à notre collègue commun, le ministre des Finances, évidemment, pour demander l'indexation annuelle des budgets pour tenir compte de l'inflation. Cela va dans la même catégorie.

Dans la troisième recommandation, vous demandez la révision des règles de financement et de recensement des populations étudiantes. En ce qui regarde le recensement, je pense qu'on a déjà fait la discussion là-dessus ensemble au niveau des recteurs et principaux d'université et des gens du ministère. Je pense que nous sommes convenus qu'à compter de l'an prochain nous allons passer au système RECU qui répond de manière générale aux attentes des universités. Il y a encore quelques retouches à faire, mais je pense que de ce côté vous pouvez compter que le nouveau système de recensement des clientèles sera en vigueur pour l'année prochaine. On a dû suspendre l'entrée en vigueur du système pour des raisons que M. Doré connaît très bien, parce que nous étions ensemble à une réunion où ce fut discuté. Je pense que l'année prochaine on va pouvoir fonctionner.

La révision des règles de financement, j'aimerais vous demander, en ce qui touche l'École polytechnique, est-ce que, dans le système actuel de calcul des subventions, il y a des choses qui devraient être corrigées pour mieux répondre à vos besoins? 11 y a déjà des retouches qui ont été faîtes ces dernières années. Je constatais cet après-midi, en révisant nos chiffres, que la subvention moyenne par étudiant pour l'école est à peu près de 7500 $. Cela comprend autant le premier cycle que les autres. C'est la moyenne: 7500 $ ou 7400 $ si j'ai bien compté. Si vous pouviez m'indiquer les points dans les règles de financement qui demanderaient d'être retouchés pour répondre a votre réalité, cela nous rendrait service. (20 h 45)

M. Doré: M. le ministre, en fait l'École polytechnique n'a pas de point spécifique à souligner quant à la question de redéfinir les règles de financement. Je crois que par équité pour d'autres institutions universitaires... Je peux vous dire qu'on a fait les calculs et on ne sera pas gagnants dans une révision des règles. Je crois que sur une base d'équité il faut que ces règles soient révisées mais pour nous, cela ne nous servira pas.

M. Ryan: Très bien. Je suis bien content de le savoir, on va regarder ailleurs, on va essayer de vous plumer le moins possible.

M. Doré: C'est évident. En fait, on ne sortira pas gagnants, probablement, mais peut-être pas perdants. Disons que c'est par équité pour les autres qu'il faut faire cela.

M. Ryan: Je l'apprécie beaucoup, évidemment. Ensuite, vous proposez le contrôle de l'accroissement des populations étudiantes selon l'augmentation réelle du support financier accordé par l'État aux universités. Pourriez-vous préciser un petit peu votre pensée là-dessus, nous dire quel a été le rythme d'augmentation - le mouvement des inscriptions - ces dernières années, disons depuis cinq ans chez vous?

M. Doré: Nous admettrons en première année cette année, de toute provenance, environ 1000 étudiants. Nous en avons admis, il y a trois ans, 1100 et les deux autres années, l'an passé et l'année précédente, environ 1050. Nous admettons moins d'étudiants en première année parce que notre taux de rétention est meilleur. Il s'accroît actuellement parce que nous admettons de meilleurs étudiants. Nous avons eu, cette année, 2300 demandes d'admission et nous avons admis en fait à l'automne 755 nouveaux étudiants provenant de ces 2300 dossiers qui étaient tous acceptables. Il s'agit là de l'accroissement des populations à Polytechnique. Nous avons eu un très gros accroissement entre l'automne 1982 et l'automne 1985 à cause du fait que nous

avons, en 1982, augmenté notre admission, de 850 qu'elle était en 1981, à 1100 en 1982. Cet accroissement de 250 étudiants est un accroissement qui se cumule au cours des quatre années de notre cours, ce qui fait, grosso modo, une augmentation équivalente de 1000 étudiants sur les quatre années. C'est comme un escalier, il faut faire l'intégrale de cela.

Ce que nous voulons dire par le point 4, M. le ministre, c'est qu'actuellement les universités ne peuvent plus financer l'accroissement des populations. Donc, s'il n'y a pas de revenus additionnels ou de subventions additionnelles qui nous proviennent de l'État ou d'autres sources -on parle de subventions assurées; bien sûr les frais de scolarité peuvent entrer là-dedans -on l'a dit tout à l'heure, è ce moment-là on est mieux de geler les populations parce que, actuellement, on attaque la qualité et attaquer la qualité... Les ingénieurs du Québec sont actuellement dans une position très appréciée au Québec, au Canada et dans tout le monde. Nous avons un impact assez important sur notre économie à nous, et pas seulement sur notre économie mais sur l'économie d'autres pays où le Québec est présent par son corps d'ingénieurs. Nous pouvons avoir cet impact parce que les ingénieurs québécois sont reconnus comme étant des ingénieurs de qualité. Si on touche cette qualité-la, M. le ministre, ce seront les ingénieurs des autres provinces qui iront sur les marchés internationaux. Cela est réellement trancher dans le vif.

M. Ryan: Très bien. Je passe à une autre question parce que le temps est assez bref. Vous demandez, en sixième lieu, la rationalisation des activités dans le réseau universitaire québécois. Vous vous dites disposés à collaborer en particulier à la mise en oeuvre des recommandations du Conseil des universités consécutives è l'étude qui a été faite sur les études de génie au Québec. Est-ce que vous pouvez me dire s'il y a déjà un certain nombre de ces recommandations qui ont été exécutées ou si on est encore à pied d'oeuvre là-dedans? Il y a plusieurs recommandations assez importantes. On demande à telle école de se délester progressivement de telle spécialité et à telle autre de faire ceci. Du côté de l'École polytechnique est-ce qu'il y a des actions qui ont été engagées pour aller dans le sens d'une mise en vigueur des recommandations du Conseil des universités?

M. Doré: Oui, M. le ministre. Pour les deuxième et troisième cycles nous avons réduit le nombre de spécialités offertes au niveau de la maîtrise. Nous avons facilité le passage de la maîtrise au doctorat de façon à réduire la durée des études. Au premier cycle, lorsqu'on parle de programmes spécifiques qui ont été identifiés dans le document, on parlait plus spécialement du génie minier, du génie géologique, mais, dans le rapport que le conseil vous a envoyé, on laissait cela un peu de côté. On disait: Cela reviendra plus tard, lorsqu'on étudiera la géologie, le génie géologique et le génie métallurgique. Nous avons eu des discussions avec l'Université McGill de façon à rationaliser les activités en génie minier. Il y a actuellement trois départements de génie minier au Québec. Il y en a un à Laval, un à l'Université McGill et un à l'École polytechnique, et il y a un peu d'activités en génie minier à l'Université du Québec à Chicoutimi. Il y a l'équivalent de trois programmes miniers au Québec. C'est trop.

Je peux vous dire que l'École polytechnique considère que le statu quo pour son programme de génie minier est inacceptable. Ce n'est pas une solution que nous allons proposer. Nous ne voulons pas le statu quo. Il faut absolument rationaliser et la façon la plus facile de le faire, c'est de le faire avec l'Université McGill pour n'avoir qu'un seul programme. On est encore au stade des discussions exploratoires avec l'Université McGill quand même. Cela ferait deux programmes et demi de génie minier au Québec. Il y a peut-être d'autres solutions envisageables qui permettraient un regroupement encore plus important des actions en génie minier au Québec.

M. Ryan: Par exempte?

M. Doré: Je crois que la même conclusion pourrait être tirée pour les activités de génie géologique et de géologie parce que là, la diversification est encore plus grande, parce que génie géologique et géologie, cela s'apparente quand même. II y a des cours communs, il y a des activités communes et la diversité est encore plus grande. Le Conseil des universités a jugé bon de retarder ses recommandations sur ce sujet, mais nous allons collaborer lorsque cela viendra.

M. Ryan: Très bien. Une dernière question. J'ai noté qu'au chapitre des sources de financement, vous dites que vous favoriseriez l'augmentation des frais de scolarité à deux conditions: à condition que des ajustements proportionnels soient faits au régime de l'aide financière aux étudiants et, deuxièmement, à condition que les revenus devant découler d'une hausse des frais de scolarité restent aux universités et ne servent pas à combler des diminutions de la source que constituent les subventions gouvernementales. Pourriez-vous expliquer un peu votre point de vue sur ce sujet?

M. Doré: Écoutez, M. le ministre! Je crois que si l'État taxe ses étudiants pour

mettre l'argent dans les coffres de l'État, je ne peux pas voir comment l'État du Québec pourrait faire cela actuellement. Les étudiants sont quand même le groupe le plus démuni su point de vue revenus; il faut comprendre cela. Les étudiants ne sont pas des gens qui gagnent des salaires douze mois par année. Ils peuvent avoir un salaire d'été, quelques-uns, pas quelque-uns, la majorité d'entre eux, ceux de polytechnique. Certains autres ont des travaux d'été pendant deux ou trois mois. Exiger des frais de scolarité pour réduire la contribution de l'État, je trouve que c'est... Je ne veux pas qualifier cette pensée-là.

Le Président (M. Thérien): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à l'Opposition, à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M, le président, M. le directeur général, monsieur, il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission parlementaire. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt et, comme vous le savez probablement, on a parlé beaucoup de génie ces deux journées puisque, hier, on rencontrait les représentants de l'Ordre des ingénieurs qui nous ont longuement parlé de la situation de l'enseignement dans les différentes écoles de génie.

Vous constituez, je pense qu'on le reconnaît tous, par les étudiants que vous formez, la main-d'oeuvre compétente que vous formez, un élément majeur de notre développement économique et le rôle que vous jouez à l'étranger en matière de dévelopement fait de vous des ambassadeurs fort estimés. D'ailleurs, j'en profite pour le souligner, vos mérites sont reconnus non seulement ici, mais, m'a-t-on dit, également à l'étranger, puisque ces messieurs ont reçu une décoration du ministre de l'Éducation du Sénégal pour, j'allais dire, bons services rendus en matière de développement dans son pays. Je voudrais vous féliciter, messieurs, et vous dire qu'on partage l'appréciation qui est faite de votre participation.

Je n'ai pas le goût de revenir sur chacun des éléments de votre mémoire que je trouve, par ailleurs, fort intéressant, fort important. Je préfère laisser plus de temps aux questions. Si vous le permettez, sans tarder, je voudrais commencer tout de suite. Vous nous avez distribué tout à l'heure des tableaux qui font état de la charge d'enseignement des professeurs chez vous, et on voit qu'en 1985-1986, c'était 5,3 cours par année. Vous nous faites aussi état des chargés de cours. On y reviendra tantôt. Dans le rapport Gobeil, on recommande de hausser de 50 % la charge d'enseignement et, par ailleurs, on insiste - et cela a été beaucoup le discours qu'on a entendu; on l'entend moins cette semaine, mais la semaine dernière beaucoup - sur la nécessité d'une modulation de la tâche. J'ai cru comprendre que, chez vous, c'était déjà chose faite et qu'il pouvait y avoir des variations très importantes selon l'intérêt qu'on manifestait pour la recherche.

Voulez-vous nous en parler et donner des détails un peu sur cette question et voir quelle serait la réaction à une hausse de la charge qui nous hante. Je disais, la semaine dernière, qu'à cette commission, on voyait planer l'ombre de M. Gobeil. Là, il nous a envoyé une partie de son ombre, mais on aurait préféré avoir l'original. Écoutez, je voulais juste voir si c'était possible chez vous, si c'était applicable et comment ce serait reçu par vos professeurs?

M. Bouthillette: J'aimerais dire quelques mots avant de passer la parole au directeur de l'école qui connaît peut-être plus certains détails que moi. Je me permets de vous mentionner que j'ai été professeur à temps plein à Polytechnique dans les années 1948 à 1958. Cela date, mais un professeur, c'est toujours un professeur d'université, et ils ont aujourd'hui les mêmes problèmes que nous avions autrefois, multipliés par un facteur de pondération qui n'est pas négligeable.

Quand on vous dit - je ne réponds qu'à une partie de votre question, remarquez bien; je laisse à M. Doré le soin de terminer -que des professeurs ont dix heures de cours par semaine, cela n'a pas l'air très imposant. Mais je puis vous assurer que cela l'est énormément. Cela me fait un peu penser, si vous me permettiez une comparaison qui est toujours boiteuse, mais quand même, si on jugeait le travail des députés et des ministres par le temps qu'ils passent en Chambre, là on ferait des erreurs graves, n'est-ce pas? C'est un peu comme cela pour les professeurs. Un professeur qui donne une heure de cours doit passer une heure de préparation au minimum s'il a déjà donné son cours plusieurs fois, plusieurs années. S'il n'a pas donné son cours pendant plusieurs années, si c'est un nouveau cours, il doit au moins dépenser quatre, cinq, six et je puis vous dire que j'ai déjà passé - je n'étais peut-être pas très brillant - dix heures par heure de cours à donner autrefois.

En plus de cela, le professeur doit aussi consacrer du temps à la correction, à l'encadrement des étudiants. Un bon professeur ou du moins un professeur qui s'intéresse à ses étudiants devrait pouvoir les recevoir dans son bureau. Tout cela fait que dix heures, c'est beaucoup plus que 35 ou 40 heures par semaine, et de loin. Je n'ai pas parlé de recherche. Je voulais au moins mentionner cette chose avec un accent un peu particulier, celui qui date de quelques années, mais qui est encore vrai. Je cède la parole à M. Doré.

M. Doré: On pourrait ajouter aussi l'encadrement des étudiants des 2e et 3e cycles. Nous avons 1000 étudiants dont 600 poursuivent des travaux de mémoire de maîtrise ou de doctorat à temps plein pour la plupart d'entre eux. Cela veut dire que chaque professeur d'école actif en recherche - on en a 130 environ actifs en recherche sur les 210 - a accroché à lui environ cinq étudiants de maîtrise et de doctorat, et ceux-là, je vous garantis qu'ils ne vous laissent pas aller. Lorsqu'ils doivent vous voir, ils s'arrangent pour vous voir, et cela ajoute encore. (21 heures)

Effectivement, à l'école, nous avons pu moduler la tâche des professeurs pour la simple raison que nous leur avons expliqué la situation dans laquelle nous étions. Maintenant, nous sommes une petite boîte: 210 professeurs. Moi, je les connais tous. Je sais ce qu'ils font tous. Une fois par année, je rencontre leur directeur de département et je revois les dossiers de tous les professeurs. Les professeurs sont d'ailleurs payés en partie... Une partie de leur salaire fait suite à une évaluation annuelle.

Lorsque nous leur avons exposé la situation, on a dit: Écoutez, nous sommes dans une situation impossible et il y a une seule façon de pouvoir progresser, parce que dans une école d'ingénieurs, si on ne progresse pas, on régresse. Il y a de nouvelles technologies, il y a de nouveaux domaines et il faut que les gens prennent plus de charges de façon qu'on puisse dégager certains professeurs pour attaquer ces nouveaux domaines. Les professeurs l'ont fait de bonne grâce, parce que nous leur avons expliqué la situation continuellement.

Deux, trois fois par année, je regroupe le corps professoral pour lui expliquer la situation de l'école, quels sont nos plans de développement. C'est une gestion familiale, parce qu'on est un petit groupe. C'est là un très gros avantage de l'École polytechnique. Je peux vous dire qu'il y a beaucoup de facultés d'ingénierie au Canada qui nous envient. On est la seule avec ce régime. Beaucoup nous envient, parce qu'on peut bouger plus vite que les autres.

Mme Blackburn: Donc, faire des économies de ce côté-là vous semblerait difficile.

Je vais revenir sur la question des autres sources de financement. L'Ordre des ingénieurs, hier, faisait état de la contribution économique extrêmement importante des ingénieurs et particulièrement des ingénieurs-conseils, leur renommée, et l'apport également au développement économique par le biais de contrats obtenus à l'étranger dont les produits sont achetés en partie, ici, au Québec. C'est par milliards, finalement, ces revenus, ces activités économiques.

Cela m'amène à dire qu'il n'y a pas que les étudiants qui tirent avantage d'une formation de niveau universitaire et de la polytechnique, mais également les entreprises tirent un avantage économique indéniable par la présence de diplômés dans leur bureau. Si on prend pour base que les étudiants retirent des avantages de leur formation, donc ils devraient payer davantage pour cette formation. II me semble que le jugement ou le raisonnement devrait également s'appliquer aux entreprises.

Dans votre mémoire, vous recommandez davantage des incitatifs fiscaux. Si je comprends bien le rôle d'un incitatif fiscal, c'est que vous avez une déduction d'impôts relative à votre contribution. Donc, d'une façon ou d'une autre, on vient chercher cela dans les coffres de l'État - on peut s'entendre là-dessus? - par de l'impôt qui ne rentre pas. C'est quand même une subvention déguisée. Cela m'étonne toujours un peu quand on sait qu'ils en tirent des avantages certains et pour avoir leur contribution, on veut un peu acheter leur contribution. Je me demandais si on pouvait envisager, étant donné, ici, que la fiscalité est un peu plus basse pour les entreprises qu'en Ontario... parce qu'on se place comparativement à l'Ontario - on sait qu'elle est de 2,6 % en deçà de celle de l'Ontario - est-ce qu'on pourrait penser pour les entreprises à un impôt pour l'éducation dont on pourrait voir l'utilisation quelque part, 1 % par exemple?

Je ne sais pas si c'est dans votre mémoire, mais on dit que dans certains pays cela existe. Je connais la situation en France. C'est 2 %, je pense, et c'est particulièrement pour la formation de la main-d'oeuvre. Si les entreprises ne l'investissent pas dans la formation de la main-d'oeuvre, elles le retournent en impôt. Est-ce qu'on pourrait imaginer quelque chose d'équivalent?

M. Bouthillette: Permettez-vous, madame, de donner la parole à M. Jean Baulne qui, en plus d'être président de l'Association des diplômés, est dans l'industrie pour la compagnie Trane. Je pense qu'il pourra nous donner un son de cloche intéressant.

M. Baulne (Jean): Merci, M. Bouthillette. M. le Président, madame, évidemment je pense qu'il y a toujours possibilité d'avoir recours aux entreprises pour récolter des fonds sous forme d'impôt ou de taxe spéciale. Je pense que c'est au gouvernement de décider si c'est souhaitable. Pour ma part, je pense que c'est sûrement une avenue à étudier et à évaluer. Je voudrais plutôt faire valoir l'aspect de rechercher des fonds chez les industriels d'une façon plus volontaire. Hier, j'écoutais

la présentation de la Chambre de commerce de la ville de Québec devant la commission et j'ai été assez impressionné par l'enthousiasme des gens d'affaires de Québec vis-à-vis de l'Université Laval. Je vous assure que les diplômés de Polytechnique ont le même enthousiasme vis-à-vis de l'Université de Montréal et spécifiquement l'École polytechnique. Les gens d'affaires sont conscients de plus en plus de leur rôle vis-à-vis de l'université et je peux vous l'assurer pour avoir eu à demander de l'aide de ces entreprises pour aider l'École polytechnique, par exemple, lors de la campagne de souscription. Vous savez que cela a été un succès et les gens d'affaires ont bien répondu. Je crois que la façon idéale ce serait de s'assurer que les universités ont une qualité telle que les entreprises seraient fières d'être reconnues comme parrains un peu de ces universités et aussi de payer pour les services disponibles aux universités. Encore pour noter l'intérêt qu'ont les diplômés de Polytechnique vis-à-vis de l'École polytechnique, à la prochaine assemblée annuelle de l'Association des diplômés de l'École polytechnique le colloque sera tenu sous le thème de "Les services disponibles à l'industrie à Polytechnique". Alors, il y a évidemment une possibilité d'impôt mais j'aimerais davantage que les incitations soient volontaires. Je crois que l'École polytechnique fait maintenant des efforts et la réponse est de plus en plus généreuse.

Mme Blackburn: Si vous me permettez. Vous dites - et je trouve cela très adroit -c'est au gouvernement de décider d'un nouvel impôt, ce avec quoi je suis assez d'accord. Pourtant, lorsqu'il s'agit de nouveaux frais de scolarité, ce qui s'appellerait de la tarification de services, on semble plus prêts à indiquer la voie au ministre, et c'est un Impôt.

M. Doré: Mme Blackburn, ce n'est pas l'Association des diplômés qui a proposé cela, c'est l'école.

Mme Blackburn: C'est juste, là je m'excuse. Écoutez, je ne voudrais pas que vous me répondiez sur cela, on pourra toujours se revoir. Je vois que le temps coule et le président me donne des coups de pied sous la table. Je voudrais revenir à deux questions qui m'apparaissent importantes. Au début de votre mémoire, vous dites, ce que je partage d'emblée, que finalement la connaissance ou le savoir va jouer dans le développement économique le rôle que jouaient antérieurement le capital et les ressources premières - c'est ce dont j'essaie de les convaincre depuis le début de la commission, donc je le partage tout à fait - et la plupart des pays qui ont réfléchi à ces questions arrivent à la conclusion qu'il faut hausser te niveau de scolarité de la population, mais à tous les niveaux; il ne s'agit pas de le faire uniquement à l'université, on sait que les choix se font beaucoup plus tôt, mais quand même. Alors, les frais de scolarité pourraient avoir - et vraisemblablement il serait surprenant qu'il n'y en ait pas - des effets sur l'accessibilité. Vous le rappeliez tout à l'heure, les étudiants, ce ne sont quand même pas les citoyens les plus fortunés actuellement. Souvent on dit, les frais de scolarité sont plus hauts ailleurs, cela devrait avoir les mêmes effets. Moi, je ne pense pas qu'on puisse raisonner comme cela. Ils étaient plus bas et cela n'a pas eu les mêmes effets sur la scolarisation. C'est un raisonnement que je n'arrive pas à suivre. Si, donc, on doit augmenter la scolarité pour devenir plus compétitif, je me dis que toutes les mesures qui pourraient avoir comme effet de restreindre l'accessibilité devraient être envisagées avec beaucoup de prudence.

Permettez, parce qu'on a dît beaucoup de choses sur cela, je ne voudrais pas y revenir, mais il y a quand même quelque chose qui me préoccupe. Là, cela ne paraît pas dans votre mémoire mais j'en ai souvent entendu parler concernant l'École polytechnique. C'est le taux d'abandon. Sur une cohorte de 1000 étudiants, après quatre ans, il vous en reste combien? Le ministre, cet après-midi, calculait, je dirais, le coût de revient d'un finissant dans une école. Alors je me dis que, pour le calculer, ce n'est pas le nombre d'étudiants inscrits qu'il faudrait calculer. C'est beaucoup plus ou les crédits ou les diplômés parce que, selon les rumeurs, l'évaluation est telle qu'on ne contingente pas l'entrée, mais on finit par contingenter la sortie.

M. Doré: J'étais présent lors de la première journée des audiences de la commission et je savais que les gens de la commission étaient intéressés à cette question, alors j'ai fait faire une étude particulière sur les 2955 étudiants qui se trouvaient dans notre système de 1978 à 1981. Le taux de diplomation, pour ceux qui sont entrés à l'école entre 1978 et 1981, a été de 66 %. Parmi ceux qui ne sont pas diplômés, environ la moitié - un peu moins -ont abandonné tout en étant dans la position de poursuivre; c'était donc leur choix. Il y en a un peu plus de la moitié, soit 34 %, qui ont échoué. Cela est sur la diplomation. Je peux aussi vous fournir de données sur la réussite dans les cours. La question qui a été soulevée par M. le ministre lors de la première journée, je crois, c'est la réussite dans les cours à tous les niveaux: 1re année, 2e année, 3e année. J'ai des données là-dessus aussi. À l'École polytechnique, pour ce qui est des cours suivis par les étudiants de

1er cycle à l'hiver 86, donc l'hiver dernier, en 1re année, il y a eu 71,2 % de réussite. Là je parle des cours, je ne parle pas des étudiants. Supposons qu'un étudiant suivait cinq cours et qu'an fait cela pour la somme des étudiants, il y a eu 71,2 % de réussite; pour les cours de 2e année: 86,7 %; en 3e année: 90,3 % et pour les cours de 4e années: 92,1 %.

Dans les non-réussites, il y a des abandons dans la période permise d'abandon. Cela veut dire que l'étudiant, avant la cinquième semaine de cours, peut abandonner les cours. En 1re année, c'est près de 5 % et, après, 3 % et 2 %. Maintenant, ce ne sont pas réellement des gens qui n'ont pas réussi, ce sont des gens qui ont abandonné. Vous voyez que le taux d'échec dans les cours en 1re année se situerait autour de 23 %, 24 % et, après, c'est beaucoup moindre. Le taux d'échec réel à la dernière année est de 3,3 % parce qu'il y a 1,3 % d'abandons et 3,3 % de cours incomplets. C'est-à-dire, par exemple que pour un projet d'étude en dernière d'année, si l'étudiant n'a pas terminé à la fin de son trimestre, on lui donne 2, 3 ou 4 semaines de plus pour terminer, mais en fait ce n'est pas un abandon et ce n'est pas un échec.

Mme Blackburn: On doit le reconnaître, les chiffres nous montrent une performance intéressante et très comparable avec d'autres secteurs d'activité. Si je m'intéresse à toute la question des abandons, c'est qu'il me semble qu'on n'a pas beaucoup agi sur ce phénomène dans les universités et il me semble que cela aurait été rentable de le faire, à deux titres: à cause des personnes évidemment et à cause du financement également. Les nouvelles clientèles ne sont pas financées au même régime que les clientèles de l'année précédente. Alors les universités auraient eu avantage è conserver le plus possible leurs clientèles.

M. Doré: Je peux vous dire, Mme Blackburn, pour ce qui est de... Excusez-moi, je n'ai pas le droit de vous appeler Mme Blackburn, n'est-ce pas?

Mme Blackburn: Vous en avez le droit, ce sont eux qui n'en ont pas le droit.

M. Doré: Effectivement, l'École polytechnique avait un taux de rétention beaucoup plus faible il y a 25 ans que maintenant, beaucoup plus faible il y a 15 ans que maintenant et beaucoup plus faible il y a 10 ans que maintenant, donc nous avons travaillé de façon à accroître notre taux de rétention parce que c'était la politique de l'école d'être très sévère en 1re année. Maintenant - d'ailleurs Mme Fortin m'avait souligné ce problème de l'école à quelques occasions - nous travaillons è essayer d'augmenter le taux de réussite des étudiants et il y a un phénomène nouveau. C'est que la qualité de nos étudiants à l'entrée s'améliore beaucoup, ce qui nous aide dans notre taux de rétention. (21 h 15)

Mme Blackburn: Cela fait mentir le préjugé défavorable qu'on a à l'endroit de la formation dispensée par les collèges.

M. Doré: J'ai toujours dit que la formation dans les collèges était excellente.

Mme Blackburn: Je profitais de l'occasion, vous savez.

M. Doré: Elle est bonne, mais il y a moyen de l'améliorer, comme il y a moyen d'améliorer ce que l'on fait à l'université.

Mme Blackburn: Vous avez une politique d'évaluation de l'enseignement, politique qui a été adaptée, si je comprends bien, au conseil académique le 24 février. J'ai une petite question: Avez-vous également un plan de développement? Et à même cette question, parce qu'il me refuse le droit d'en poser une autre...

Le Président (M. Thérien): Je voudrais simplement, Mme la députée, que l'on respecte la convention qui était de dépasser, mais je voudrais quand même dire que je n'ai pas utilisé mes pieds, comme vous l'avez signalé tantôt.

Mme Blackburn: Non.

Le Président (M. Thérien): Mme la députée, si vous voulez...

Mme Blackburn: Merci. On va revenir au plan de développement. Dans votre mémoire, en parlant de la résorption du déficit, vous dîtes ce que plusieurs partagent, soit que cela serait comme récompenser une gestion qui n'a pas été respectueuse des contraintes. Donc l'État n'a pas à contribuer à un plan de résorption des déficits. Je voudrais seulement vous dire que vous savez que l'université mère prétend le contraire, mais vous allez nous parler de votre plan de développement.

M. Doré: Nous avons effectivement un plan de développement qui a été élaboré en 1982-1983 et qui a été appliqué en 1983 pour la période 1983-1988, un plan de développement qui n'était pas très ambitieux, c'est-à-dire que nous n'avions que trois objectifs à poursuivre et nous travaillons actuellement à un autre plan de développement triennal qui devrait être accepté ou revu par notre conseil d'administration à sa réunion de novembre prochain.

Alors donc, nous avons un plan de

développement actuellement en vigueur, celui de 1983, et nous travaillons sur un deuxième plan qui devrait être en vigueur au début de 1987.

Mme Blackburn: Le temps passe. On me donne cinq minutes pour conclure. Avec l'autorisation du président, je voudrais vous saluer et je laisserai mes cinq minutes à mon collègue... Non? Bien. Alors, on aura sûrement l'occasion, et si vous êtes disponible, cela me fera plaisir de poursuivre l'échange de points de vue pour apporter un peu plus d'éclairage sur d'autres points.

Je vous remercie au nom de mes collègues de votre participation aux travaux de cette commission et je suis assurée d'avance que les propos que vous avez tenus, particulièrement touchant l'importance de l'enseignement supérieur dans le développement économique, compte tenu de la présence privilégiée que l'on a ce soir, devraient trouver des oreilles attentives. Or, messieurs, je vous remercie.

Le Président (M. Thérien): Merci, Mme la députée de Chicoutimi, de bien comprendre la contrainte de temps et de la respecter surtout. Je céderai maintenant la parole au parti ministériel, au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, pour la conclusion.

M. Ryan: M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais céder la parole à mon collègue, M. Fortier, que j'aimerais bien entendre à l'occasion de cette rencontre très agréable que nous avons eue avec vous.

Le Président (M. Thérien): Donc, pour la conclusion on passera au ministre...

M. Fortier: Je crois que cela prend l'accord des membres de l'Opposition. S'ils ont l'amabilité de m'accorder le droit de parole, cela me fera plaisir.

M. Jolivet: Mon collègue n'a pas pu l'avoir de la part du président tout à l'heure, de la même façon, je suis prêt à vous l'accorder.

M. Fortier: Cela me fait plaisir, M. le député.

Le Président (M. Thérien): Je voudrais seulement faire remarquer que c'est faux que j'ai refusé le droit de parole. On s'est consulté à savoir que Mme la députée de Chicoutimi prenait le temps. M. le ministre délégué à la Privatisation.

M. Gendron: Vous avez raison; c'est vrai que tout s'est passé comme cela. On donne la parole...

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup.

M. Fortier: M. le Président, je remercie le ministre de l'Enseignement supérieur de me céder son droit de parole. Ceux qui me connaissent savent tout l'intérêt que j'ai pour ce dossier, étant moi-même diplômé de polytechnique et en plus député d'Outremont, circonscription dans laquelle se trouve l'École polytechnique. Au cours de mes années dans l'Opposition, j'ai également toujours porté une attention très attentive non seulement au rayonnement de Polytechnique, mais à la place qu'elle occupe au Québec et aux politiques de l'éducation qui pouvaient influencer son devenir et son action.

Vous nous avez parlé bien sûr et nous avez rappelé à juste titre que les ingénieurs oeuvrent dans le domaine économique, que le Québec, se trouve non seulement en concurrence les autres provinces, puisque vous avez évoqué des statistiques qui faisaient état des comparaisons avec les autres provinces canadiennes, mais, à juste titre, vous avez rappelé que, dans le domaine de l'économie et dans le domaine technologique surtout, nous sommes en concurrence internationale. S'il est vrai que les diplômés de l'École polytechnique ont pu rayonner dans le passé, c'est justement à cause de cette formation qu'ils ont reçue, de leur détermination, bien sûr, mais de la qualité de l'enseignement qu'ils avaient reçue. Je vois que c'est une donnée du problème qu'il est extrêmement important de rappeler à toute la population puisque, trop souvent, on ne reconnaît pas l'importance des universités et l'importance d'une école comme Polytechnique pour le mieux-être - et j'insiste là-dessus - non pas seulement des ingénieurs, mais de toute la population du Québec, que l'on doive tenir compte du fait que l'ingénieur qui anime très souvent le développement économique, que ce soit dans le domaine de la forêt, dans le domaine industriel, dans le domaine technologique, a donc un impact au point de vue de création d'emplois dans toutes les régions du Québec et pour tout le Québec dans son ensemble avec d'autres acteurs économiques, bien sûr, et ils sont nombreux au Québec.

Vous nous avez parlé du rayonnement de ces diplômés - même l'Opposition y faisait allusion - du rayonnement de l'École polytechnique au Sénégal et ailleurs, le rayonnement de ses professeurs, le rayonnement des étudiants. J'aimerais le souligner, il faut rappeler que, l'an dernier ou il y a deux ans, ce sont les étudiants de Polytechnique qui ont pris l'initiative, grâce è leur coopérative, de mettre sur pied ce programme d'utilisation des ordinateurs, qui remporte un succès extraordinaire au Québec. Mais vous nous avez rappelé - et j'aimerais le rappeler à l'Opposition, vous l'avez dit

très diplomatiquement - que si les coupures au début avaient été bénéfiques pour rappeler à tous et chacun des gestionnaires universitaires que l'argent n'était pas facile à gagner, il fallait que les gouvernants aillent le chercher dans la poche des électeurs, des contribuables. Vous nous avez rappelé que, depuis quelques années déjà et depuis trop d'années, ces coupures ont eu un impact extrêmement important et pourraient avoir dans l'avenir un impact important sur la qualité de l'enseignement que vous prodiguez.

Ce que j'ai noté pour ma part, c'est le fait que les diplômés, la direction, les professeurs et les étudiants, durant ces dernières années, ont posé des gestes pour améliorer votre situation. Mais, là, nous nous dites: On est rendu au bout du rouleau, s'il vous plaît, faites quelque chose. La direction a posé des gestes pour rationaliser les activités de l'école, les professeurs ont accepté des tâches accrues en acceptant même des gels de salaires, les étudiants acceptent d'oeuvrer dans des conditions certainement difficiles et les diplômés - le président des diplômés l'a rappelé - ont contribué largement à la campagne de financement. C'est donc dire que tous les acteurs autour de Polytechnique ont posé des gestes concrets et on remarque le dynamisme de Polytechnique, "l'esprit de Poly", comme on l'appelle. Depuis les nombreuses années où je suis allé à Polytechnique et où M. Roland Bouthillette a été mon professeur durant quelques années, je crois que cela a été cette marque de commerce du dynamisme de Polytechnique qui a joué. Je crois que les parlementaires ici présents ont pris note de votre mémoire, des commentaires que vous avez faits, et qu'ils vont réfléchir sur les données que vous nous avez transmises et qui permettront, j'en suis sûr, au ministre responsable de faire les recommandations pertinentes au Conseil des ministres.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, M. le ministre. C'est à mon tour de vous remercier, vous trois de l'École polytechnique, d'avoir contribué aux travaux de la commission parlementaire. Merci beaucoup.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Thérien): Je vais donc suspendre les débats pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 25)

(Reprise à 21 h 29)

Le Président (M. Thérien): À l'ordre, s'il vous plaîtl J'inviterais les parlementaires à prendre place, ainsi que les représentants de l'Association des étudiants de Polytechnique Inc.

M. le président Gadbois, c'est avec plaisir que nous vous accueillons, ce soir, pour contribuer aux travaux de la commission parlementaire. Je vous laisse le soin de présenter les personnes qui vous aideront dans cette présentation, tout en vous rappelant que vous avez une heure. Il est 21 h 30, donc on mettra fin aux travaux à 22 h 30. Vous décidez librement du temps qui vous est alloué dans votre présentation, tout en vous rappelant que c'est peut-être très agréable d'avoir le plus de temps possible pour les questions des parlementaires.

M. le président, la parole est à vous.

Association des étudiants de Polytechnique Inc.

M. Gadbois (Alain): Je vous remercie, M. le Président. Je veux vous présenter, tout d'abord, les gens qui sont à mes côtés. Il s'agit de Christian Lecavalier, vice-président à l'externe de notre association, et de Mario Cardinal qui a contribué à l'élaboration de ce mémoire.

L'Association des étudiants de Polytechnique Inc., est fière de vous apporter une vision très importante, c'est-à-dire une vision étudiante. Nous allons apporter des constatations, des attentes et formuler des recommandations face au financement des universités. Notre société a besoin de diplômés bien formés. Pour cela, elle doit compter sur des structures. Au moment où on remet en question la contribution de chacune des parties en jeu dans ces structures, il est bon de s'interroger. Tout le monde s'accorde sur l'importance d'une qualité dans l'enseignement supérieur. Il est bon que le rôle des gouvernements, des administrations et des étudiants soit à redéfinir.

L'Association des étudiants de Polytechnique Inc., compte 3600 membres réguliers à temps plein. Elle a été incorporée en 1963 et accréditée selon la loi 32. L'Association des étudiants de Polytechnique Inc., a toujours défendu le droit à un enseignement de qualité supérieure et, pour cela, elle compte sur des militants qui agissent à deux niveaux, c'est-à-dire au niveau de la vie étudiante en général et au niveau de la pédagogie. La qualité de leurs interventions nous pousse toujours vers des sommets plus élevés.

Il est évident - le ministre l'a dit la semaine passée - que, comme étudiants, nous évoluons dans le milieu, dans le quotidien de l'école. Nous sommes d'avis que notre implication doit être telle qu'elle révèle également un sens profond de nos responsabilités sociales.

Nous sommes membres au niveau

national de deux associations étudiantes, c'est-à-dire le RAEU qui vous a présenté son mémoire la semaine passée et aussi la COFIQ, la Coalition des facultés d'ingénierie du Québec dont nous sommes membres fondateurs. Nous pouvons jouer, à l'intérieur de ces deux associations, un rôle important au niveau national et au niveau du Québec.

L'association entretient avec les divers intervenants, dont l'école que vous avez vue tantôt, des relations basées sur la communication et la concertation. Le milieu dans lequel nous évoluons nous incite à croire que la qualité d'une relation est fonction du degré de communication qui existe entre les intervenants.

Nous ouvrons une petite parenthèse pour vous présenter les acquis de notre association. L'association voit à la supervision de la cafétéria à l'intérieur de l'école. Nous sommes, d'ailleurs, les propriétaires de toutes les installations que nous y retrouvons. Nous assurons un service complet de photocopie pour les étudiants. Nous avons à coeur la qualité de l'enseignement à l'intérieur de l'école, comme on l'a dit tantôt, et nous avons produit une politique d'évaluation des enseignements à l'intérieur de l'école, c'est-à-dire des professeurs et des cours.

On n'a pas lésiné, comme on l'a dit tantôt, à nous adapter au climat socio-économique de notre société en faisant un achat regroupé de micro-ordinateurs. Nous mettons aussi sur pied en ce moment - c'est un projet pilote - un projet qui s'appelle Collaboration Projets de fin d'études, qui vise à relier les étudiants de quatrième année, les étudiants finissants, dans leurs projets de fin d'études, à l'industrie. On essaie de faire en sorte que ces étudiants puissent faire leurs projets de fin d'études durant l'été avec ces mêmes industries. Je pense que le rapprochement étudiant-industrie profitera à l'école.

On ne peut pas passer sous silence un des acquis des membres de l'association, c'est-à-dire leur coopérative étudiante. COOPOLY est, en fait, la plus grande coopérative étudiante au Canada. En effet, elle a un chiffre d'affaires d'au-delà de 10 000 000 $ et c'est la première à avoir une succursale en dehors des murs de l'école.

Ces exemples visent à vous démontrer une chose: dans nos implications, nous pouvons faire oeuvre de bons gestionnaires.

Nos axes de développement en tant qu'association étudiante, c'est concertation avec le milieu et aussi implication dans la qualité de l'enseignement. Concertation avec qui? En premier lieu, avec l'administration. Je pense qu'il est bon qu'on puisse faire savoir nos attentes réciproques et, à cet égard, notre mémoire ne le fait peut-être pas ressortir, mais je crois qu'il y a une bonne concertation avec l'administration. Il est bon de le souligner ici. Concertation aussi avec les associations universitaires en dehors de Polytechnique. À cet égard, nous essayons de viser l'homogénéité de nos recommandations et aussi de faire profiter nos expériences réciproques. Enfin, concertation avec l'entreprise et les industries en général. Notre rôle en tant qu'ingénieurs-étudiants est de voir à ce que notre formation corresponde aux besoins de la société et aux besoins du marché du travail.

Nous avons pris en main la qualité de notre éducation et, pour ce faire, nous avons, à l'intérieur de l'association, une structure qu'on appelle la régie à l'éducation. Il y a au-delà de dix membres qui se réunissent au minimum à toutes les deux semaines pour revoir des points précis de la pédagogie à l'intérieur de l'école. Notre concertation avec le milieu et notre implication dans l'enseignement n'ont de sens que si les étudiants s'impliquent dans toutes les structures décisionnelles de l'école.

En déposant son mémoire, l'Association des étudiants de Polytechnique désire apporter la position de ses membres face au financement des universités et face au financement de Polytechnique. Je croîs que nous faisons preuve de professionnalisme dans ce que nous entreprenons. Je crois également que nous faisons preuve de professionnalisme dans notre implication au niveau pédagogique. Cependant, l'école nous refuse toujours une présence dans son conseil d'administration. N'ayant alors pas participé aux débats qui entourent les chiffres, nous nous avouons limités dans l'analyse de la gestion que nous faisons de l'école.

Comme vous le savez très bien, on s'est vu imposer une augmentation du prix à payer pour notre enseignement, alors que cet enseignement ne vaudra sûrement pas plus cher que l'année passée. Ces frais sont de 40 $. L'école emboîte ainsi le pas à d'autres universités qui ont fait de même. Le ministre de l'Éducation a pris la décision de permettre aux universités de venir puiser de l'argent dans nos poches sans nous consulter. La mauvaise gestion du réseau universitaire est un fait connu de l'association. Accorder aux universités le droit de puiser de nouveaux fonds sans exiger d'elles un assainissement de leur mode de gestion, c'est accepter passivement cet état. Le gouvernement nous oblige à investir de l'argent dans des entreprises que l'on sait mal gérées et déficitaires. Le fait est d'autant plus inacceptable que l'école a profité de la saison estivale pour imposer de tels frais. L'association s'est vue reléguée aux oubliettes lors des discussions précédant une telle imposition.

Nous sommes d'avis que ces frais, ces 40 $ ne serviront pas, comme on nous l'a affirmé, à des services, mais bien plus à

réduire un déficit de fonctionnement général. Nous nous doutons que ces faits sont connus de vous et aussi de l'école puisque vous savez très bien qu'il serait à peu près impossible de vérifier l'attribution réelle de ces sommes dans l'exercice financier de l'école. Une saine gestion est indissociable de la qualité de l'enseignement. Les événements nous montrent que la présence de l'association est jugée indésirable dans la structure décisionnelle de l'école. Nous nous interrogeons alors sur le rôle que cette dernière nous réserve lors des discussions futures qui porteront sur l'amélioration de la qualité de l'enseignement.

Dans la situation actuelle, l'Association des étudiants de Polytechnique se prononce contre l'imposition de tels frais et recommande...

M. Lecavalier (Christian): ...que le gouvernement prenne des mesures à court terme visant à empêcher l'imposition de frais de scolarité détournés par les universités.

M. Gadbois: Les universités ont actuellement un déficit accumulé de plus de 80 000 000 $. Qu'est-ce qui a pu causer cela? Peut-être une mauvaise gestion des universités et aussi un apport financier mal orchestré de la part du gouvernement.

Il semble impossible aux universités de connaître avec précision la contribution gouvernementale même quelques mois après l'adoption des budgets, entre autres, pour l'école. Il en résulte une instabilité budgétaire. Il en résulte également une mauvaise planification qui, finalement, on le voit, sera ressentie par les étudiants sur leur enseignement. Dans ce sens, l'Association des étudiants de Polytechnique recommande...

M. Cardinal (Mario): ...que le gouvernement instaure une formule de financement universitaire qui soit stable au cours des ans et sur la base de laquelle les universités devraient établir un plan de gestion à moyen terme.

M. Gadbois: L'association tient à vous souligner aussi qu'une clarification seule de la formule de financement ne serait pas suffisante. Il est acquis que des efforts devront être apportés dans le but d'assurer la venue de nouveaux fonds.

Il est possible aujourd'hui d'identifier certaines universités qui ont accumulé déficit sur déficit et d'autres qui ont réussi à maintenir un équilibre financier.

Il serait inacceptable, selon nous, que le gouvernement comble le déficit des universités comme il l'a fait pour les hôpitaux. Cela cautionnerait les déficits et les raisons qui les ont engendrés et rendrait caducs les efforts faits par les autres.

Les universités présentant un déficit devront préparer un plan de redressement à moyen terme. Cela exigera des efforts pour qu'elles se tirent de ce marasme. À ce niveau, l'Association des étudiants de Polytechnique recommande...

M. Lecavalier: ...que le gouvernement ne comble pas le déficit accumulé des institutions universitaires.

M. Cardinal: ...que le gouvernement exige de la part des institutions universitaires présentant un déficit accumulé l'élaboration et l'application d'un plan de redressement financier.

M. Gadbois: Une situation financière est fonction de la qualité de la gestion et de la quantité des fonds qui sont alloués. Avant de penser à de nouveaux fonds, il est bon de voir à une gestion plus serrée des universités. Une des choses qui touchent particulièrement les étudiants dans leur quotidien - d'accord, et cela, on a pris notre petit carnet pour le noter - c'est le personnel. Or, le personnel nous touche de très près puisque nous le côtoyons tous les jours, M. Ryan.

L'école procède annuellement à l'attribution de bourses basées sur le mérite, comme M. Doré vous l'a dit tantôt. Nous encourageons de telles pratiques et nous regrettons qu'aucun étudiant ne participe à leur attribution. Du côté de l'association, nous avons mis sur pied une politique d'évaluation des professeurs qui a été adoptée en conseil d'administration. Cette politique est une première au Québec et nous souhaitons voir les autres institutions emboîter le pas dans cette direction.

Cependant, cette évaluation n'a de sens que si des outils sont mis en place pour inciter le professeur à s'améliorer. Dans ce sens, la permanence des professeurs telle que nous la connaissons en ce moment ne permet pas de recours direct en cas d'insatisfaction répétée.

Compte tenu du fait que l'évaluation des professeurs n'a de sens que si ceux-ci ne peuvent se réfugier sous leur qualité de permanents, l'Association des étudiants de Polytechnique vous recommande...

M. Lecavalier: ...que soit instaurée, parallèlement à une évaluation continue des professeurs, une permanence modifiée de ceux-ci qui permettrait des mesures correctives en cas de diminution de la qualité de leur travail.

M. Gadbois: Une telle proposition, croyons-nous, permettrait de hausser la qualité de l'enseignement à l'intérieur de l'école. Le RAEU propose, d'ailleurs, quelque chose de fort original et de très intéressant à ce sujet. Après que le professeur aurait

passé sa période de probation, il se verrait attribuer un contrat d'une durée de sept ans. À la fin du contrat de sept ans, une évaluation serait faite de son travail, c'est-à-dire son enseignement, la qualité de sa recherche, la qualité de sa contribution au sein de l'école, la qualité de sa contribution à l'extérieur, son rayonnement en général.

Si ce travail est jugé satisfaisant, bravo, un nouveau contrat de sept ans lui est accordé. Cependant, s'il est jugé insatisfaisant, un nouveau contrat de trois ans lui est fourni dans lequel des points précis devraient être apportés pour qu'il s'améliore. Au bout des trois ans, si cette amélioration est jugée insatisfaisante, bien, on s'excuse, il serait remercié de ses services. Si, par contre, il s'est amélioré, un nouveau contrat de sept ans lui serait attribué.

D'autre part, la convention collective liant la corporation de l'École polytechnique de Montréal et le syndicat des professeurs propose des augmentations annuelles très substantielles pour un professeur évoluant au sein de l'école: entre 4 % et 15 % par an, selon l'échelon. Au moment où l'on impose des augmentations aux étudiants en invoquant des difficultés financières, l'école semble être très généreuse envers ses professeurs.

Du côté des techniciens, aucune politique d'évaluation n'est appliquée. De plus, aucun programme structuré de formation n'est prévu pour aider ceux-ci à faire face au virage technologique. Une bonne politique d'évaluation, appuyée par des programmes de formation adéquats, amènerait une augmentation du rendement dans cette catégorie d'employés et sûrement une meilleure gestion des fonds.

Au sujet du personnel-cadre, des employés de bureau et des employés de soutien, encore ici, aucune politique d'évaluation n'est fournie par l'école sur ces employés.

La provenance de nouveaux fonds. Nous allons vous présenter la provenance de nouveaux fonds selon deux secteurs: le secteur entreprise et le secteur étudiant. Au niveau du secteur entreprise, l'École polytechnique de Montréal abrite un centre de développement technologique qu'on appelle communément le CDT. Le mandat de ce centre est de promouvoir le développement technologique et les contacts avec l'industrie afin d'assurer le transfert technologique. L'association estime que la rentabilisation du CDT devrait être atteinte à court terme.

L'école favorise, d'autre part, la demande de brevets pour les découvertes de ses chercheurs. Nous savons que, dans le cas de rentabilité commerciale, la plupart des inputs d'argent vont à ses chercheurs et aux professeurs. Aucune autre entreprise que le secteur universitaire, à notre avis, n'offre un tel privilège à ses employés. L'école ne devrait pas remettre ces fonds aux propres chercheurs, mais plutôt dans le secteur de la recherche. Cela permettrait de rentabiliser le CDT. (21 h 45)

D'autre part, le gouvernement devrait favoriser la création d'incitatifs fiscaux pour intéresser les entreprises à investir dans les universités. Cependant, pour attirer les industries en plus grand nombre, les universités ont encore ici intérêt à assainir leur gestion.

Du côté fédéral. Le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada devrait augmenter sa participation au développement et au financement des infrastructures matérielles et surtout administratives de recherche.

Au sujet des secteurs étudiants qui nous intéressent et qui intéressent surtout les gens qui sont derrière nous, entre autres, l'association constate que, malgré le gel des frais de scolarité depuis 1968, la contribution des étudiants n'a cessé d'augmenter. Beaucoup de services jadis gratuits sont maintenant payants. Mentionnons les nombreux frais de photocopie qu'on nous impose au début de chaque cours, mentionnons les nombreux frais d'administration que la coordination des programmes nous impose. De plus, en augmentant la population étudiante depuis quelques années au 1er cycle, il s'ensuivit un engorgement massif du centre de calcul. Le centre de calcul, c'est névralgique pour nos études. Au moment où tout le monde parlait de virage technologique, nous, avec la formation de la Coalition des facultés d'ingénierie (COFIQ), on effectuait un achat regroupé de micro-ordinateurs qui permettaient de diminuer la pression au centre de calcul et, finalement, de diminuer les investissements que l'école aurait dû y faire pour augmenter sa capacité.

Je pense qu'ici on peut vous dire qu'en 1968 les étudiants devaient acheter une règle à calcul. M. Fortier a dû faire son cours avec une règle à calcul. Vers la fin des années quatre-vingt, on devait acheter une calculatrice et, maintenant, en 1986, plus du tiers des étudiants paieront 2000 $ pour un micro-ordinateur. On est loin de la règle à calcul! L'association est d'avis que, si une augmentation de la contribution étudiante avait lieu, qu'elle soit appelée frais de scolarité, frais afférents ou frais d'inscription ou tout autre synonyme, elle devrait s'effectuer en tenant compte des trois conditions suivantes:...

M. Cardinal: ...que la participation à toutes les structures décisionnelles soit acquise par les étudiants.

M. Lecavalier: ...que la hausse en question ne soit pas une augmentation

déguisée de taxes, en ce sens que pas un seul cent de cette augmentation ne soit retenu par le gouvernement, mais bien que la totalité de cette somme soit versée à l'institution universitaire.

M. Cardinal: ...que ces fonds ne servent pas à combler les déficits des universités, mais bien à améliorer la qualité des services et de l'enseignement,

M. Gadbois: Pour l'association il est essentiel qu'une hausse des frais de scolarité soit accompagnée d'une réforme des prêts et bourses. Cette dernière, cependant, devra faire l'objet de discussions ultérieures. Le postulat de base qui nous amenait à vous présenter ce mémoire est qu'en tant que partenaires dans nos universités les étudiants ont la responsabilité de voir à la saine gestion de leurs universités. Cette dernière est, nous l'avons souligné, directement liée à la qualité de notre éducation. À l'École polytechnique nous sommes confrontés à un refus du conseil d'administration d'accepter des représentants étudiants. En conséquence, nous recommandons...

M. Lecavalier: ...que le droit à la participation étudiante dans les conseils d'administration des institutions universitaires soit accordé dans chacune d'entre elles.

M. Gadbois: Nous avons apporté, en déposant ce mémoire, des recommandations qu'on sait opérationnelles et réalistes. Que ce soit au niveau du redressement financier, que ce soit au niveau de l'apport de nouveaux fonds ou du resserrement de la gestion ou encore de la participation aux structures par les étudiants, toutes ces recommandations visent un même but. C'est, d'ailleurs, le but de tous les gens réunis ici, soit de permettre aux universités d'atteindre des sommets d'excellence à la mesure de nos aspirations.

Le Président (M. Thérien): Je vous remercie, M. Gadbois. Je veux surtout vous dire que, comme dernier exposé de la journée, on avait besoin peut-être de ce dynamisme, de cette énergie, au moins de ce discours direct. Sans préambule, je donnerai la parole au parti gouvernemental, au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je suis sûr que le député d'Abitibi-Ouest connaît nos usages. Il en a profité longtemps de ce côté-ci de la table quand il était au pouvoir. Il n'y a pas de discussion.

M. Gendron: M. le Président, le député d'Abitibi-Ouest veut tout simplement dire qu'il n'a pas dit un mot, qu'il n'a interpellé personne. Il a écouté attentivement. Alors, je ne vois pas pourquoi votre remarque.

M. Ryan: Cela avait l'air d'un regard menaçant à l'endroit du président. Cela nous inquiétait.

M. Gendron: Est-ce que la fatigue vous atteint à ce point, M. le ministre de l'Éducation, pour voir dans mon regard quelque chose de menaçant? Ce n'est pas votre habitude!

M. Ryan: C'est cela qui m'étonnaît. Maintenant, je suis complètement rassuré.

Le Président (M. Thérien): Je voudrais juste vous ramener au débat et aussi rappeler que c'est à M. le ministre.

M. Ryan: Messieurs les étudiants de Polytechnique, nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt les représentations que nous apportait votre mémoire et, de la manière très vivante, digne des grandes cérémonies liturgiques de la semaine sainte dont vous nous avez fait la lecture à trois voix, vous nous avez gardés dans un état d'attention qui nous aura aidés à mieux comprendre vos recommandations.

Je voudrais saluer d'abord l'expérience de travail pratique que vous nous avez décrite au début de votre présentation. Le travail que fait votre association dans l'administration de certains services qui s'adressent aux étudiants, et dans d'autres formes d'activités qu'elle gère avec succès est extrêmement intéressant. Je souligne avec plaisir l'expérience que vous avez faite en matière d'acquisition de micro-ordinateurs pour les étudiants de sciences et de génie; cela a été étendu à des étudiants d'autres secteurs. Nous avons d'autres demandes qui sont à l'étude. Également, je pense que c'est un précédent qui était extrêmement intéressant. Je voudrais souligner, sans faire la moindre once de partisanerie, que vous avez réussi à faire une proposition qui aura coûté beaucoup moins cher que celle que le gouvernement avait épousée assez rapidement un certain soir, à Paris, pour l'ensemble du système scolaire, l'ancien gouvernement évidemment.

Les micro-ordinateurs dont vous faites l'acquisition sont acquis à un prix qui est d'environ 40 % inférieur à celui qu'on a payé pour l'introduction de micro-ordinateurs dans le système scolaire en vertu du fameux plan de développement des ordinateurs dans les écoles. Je vous en félicite. Je croîs que n'importe qui qui serait allé sur le marché un peu aurait pu trouver des choses équivalentes; vous en avez fait la preuve, d'ailleurs.

II y a des jugements dans votre mémoire qui sont sévères. J'ai remarqué que

cela réjouissait nos amis de l'Opposition. Vous avez dit que nous aurions imposé sans vous consulter des frais accrus pour l'acquisition de matériel didactique, pédagogique ou autre. Il est vrai que la décision a été prise au début de l'été et nous avions eu les représentations d'à peu près tout le monde à ce moment-là. Nous ' avons gardé cette augmentation dans des bornes tellement raisonnables que tout le monde convient que c'était à peine une entrée en matière, quelles que soient les décisions qui devront être prises. C'est un signal qu'il fallait faire quelque chose. C'est comme cela que je l'ai pris, mais c'était très limité et, dans une bonne mesure, la hausse qui a été instituée vient, peut-être pas chez vous, mais dans plusieurs cas, combler des coûts qui étaient déjà encourus de toute manière, en partie ou en tout. J'enregistre quand même la critique. Elle a été formulée de bonne foi et directement; je l'enregistre, je ne peux pas dire avec plaisir, mais avec intérêt.

Il y a un autre point. Vous dites, à un moment donné: On demande aux étudiants d'investir dans leur formation. C'est exactement cela, c'est très bon. On leur demande d'investir pour une partie des coûts, pas tous les coûts. Jusqu'à maintenant, les frais de matériel qu'on a institués, c'est 100 % sur le coût véritable. Vous savez combien cela coûte pour un étudiant de Polytechnique, je l'ai dît cet après-midi? Cela coûte 11 300 $ par année, par tête. Cela comprend les revenus qui viennent d'autres sources que le gouvernement, mais si on prend seulement le gouvernement, c'est 7500 $ par année. Alors, 100 $ sur 7500 $, je pense qu'on n'a pas étouffé la victime, comme je l'ai dit dans le temps. Une petite piqûre, un petit coup d'acupuncture, pas par surprise non plus, parce que cela avait été discuté tout le printemps, M. le député de Laviotette, vous le savez très bien. Mais, quand même, on enregistre ces critiques. Il est bon qu'elles soient formulées et on vous sait gré d'être venus les porter là où elles doivent être communiquées c'est-à-dire au parlement. C'est le processus démocratique à son meilleur. Vous ne me verrez pas choqué de cela, au contraire.

J'ai bien apprécié les remarques que vous faites. Je voudrais commenter les recommandations que vous présentez, parce qu'elles ont été préparées de manière si soigneuse que je pense que cela vaut la peine de les commenter l'une après l'autre, brièvement. Comme cela, vous saurez à quoi vous en tenir sur la pensée du ministre responsable au sein du gouvernement. Cela ne veut pas dire que sur tous les points cela vous donne la position finale du gouvernement. On va discuter de cela avec les collègues, évidemment. Je peux faire vite.

Recommandation no 1. "Que le gouvernement prenne des mesures à court terme visant à empêcher l'imposition de frais de scolarité détournés par les universités." Oui, à condition que cela n'embrasse pas les frais de matériel pour l'année 1986-1987. Vous pouvez être assurés que c'est une chose que j'ai dite aux recteurs quand je les ai rencontrés - M. Doré était présent quand nous avons discuté de cette chose-là au début de juillet - que je ne voulais pas qu'on institue des frais détournés de scolarité accrus. Il y avait ce cas-là dont nous avons décidé pour l'année 1986-1987 et j'ai bien insisté que toute forme de frais détournés de scolarité qui seraient augmentés ne serait pas acceptable par le gouvernement pour fins de déductibilité pour les subventions. Votre remarque est soigneusement notée. Vous pouvez compter qu'on en tient compte.

Recommandation no 2. "Que le gouvernement instaure une formule de financement universitaire qui soit stable au cours des ans et sur la base de laquelle les universités devraient établir un plan de gestion à moyen terme." Alors, nous espérons fortement que la nouvelle formule de financement procurera ces résultats de stabilité dont vous parlez. C'est nécessaire. On nous a fait la démonstration, à plusieurs reprises depuis le début des travaux de la commission, que par sa nature même la mission confiée aux universités exige qu'elles puissent prendre leurs décisions dans un certain contexte de stabilité, de continuité. Par exemple, un étudiant entre à l'université, il va en sortir trois, quatre ou cinq ans plus tard. Il faut que l'université puisse prendre des décisions sur une échelle de temps comparable; autrement, il y a trop de danger que des changements se produisent en cours de route et viennent affecter le contrat initial. C'est un point très pertinent. Je vous remercie de l'avoir signalé et on va faire notre gros possible pour produire une formule de financement qui tiendra compte de ces recommandations.

Recommandation no 3. "Que le gouvernement ne comble pas le déficit accumulé des institutions universitaires." Je prends votre recommandation en considération, mais il y a des cas particuliers. On va être obligé de faire un examen cas par cas. Je ne serais pas capable de décider ou de recommander au gouvernement sur une base uniforme de dire: Qu'ils s'arrangent avec leurs problèmes; ils ont fait des déficits, cela finit là. D'autres nous ont dit qu'ils ont des déficits accumulés, que c'était attribuable en partie à des décisions prises pas seulement par eux, mais par d'autres également. Nous allons être obligés d'examiner le problème cas par cas, mais le principe de base, c'est celui que vous dites. On ne veut pas absoudre les erreurs ou les fautes de présomption qui auraient été commises par des gens qui se seraient dit:

C'est le gouvernement, il s'arrangera avec cela éventuellement. De ce point de vue là, c'est un sain principe de gestion que vous évoquez, puis on le regarde avec intérêt.

Recommandation no 4. Vous demandez que le gouvernement exige des institutions déficitaires un plan de redressement financier. Cela va de soi. Cela a été déjà indiqué à plusieurs institutions. Vous pouvez être assurés que cela sera un des éléments du contrat.

Je continue. Que soit instaurée une permanence modifiée des professeurs parallèlement à une évaluation continue de ceux-ci. Je vais vous demander des explications là-dessus. J'ai lu le texte de la politique d'évaluation qui a été approuvée par le conseil d'administration de l'école en mars, il y a des choses extrêmement intéressantes là-dedans. Ces choses vont se faire non pas par imposition du gouvernement, parce que nous respectons le principe de l'autonomie des universités, mais je dirais par le principe des vases communicants et la persuasion. Je suis sûr que nous allons avoir des bonnes séances de travail avec les universités au cours des mois à venir pour les inciter à adopter des politiques d'évaluation plus vigoureuses. II va falloir que chacune prenne ses responsabilités, mette au point des politiques qui soient réalistes, tienne compte du point de vue des étudiants dans chaque institution, mais il n'est pas question que le gouvernement aille leur imposer un plan uniforme. Mais l'idée que vous émettez est formidable et je voudrais vous féliciter, car, d'après ce que j'ai compris, la politique d'évaluation a été influencée en bonne partie par les représentations que vous avez faîtes. Franchement, il y a quelque chose de très intéressant là-dedans. Vous pouvez être sûrs que je vais me servir de mon pouvoir de parole pour traiter de cette question avec les institutions d'enseignement universitaires.

Vous demandez la participation aux structures décisionnelles pour les étudiants. Il n'y a pas d'objection de principe de la part du gouvernement. Il y a une institution qui relève plus directement du gouvernement et qui est sa création, c'est l'Université du Québec. Au conseil d'administration de l'Université du Québec, il y a des représentants étudiants; j'ai signé la nomination de deux représentants, il y a quelque temps, qui avaient été proposés. (22 heures)

Je sers de "rubber-stamp" là-dedans, entre vous et moi, mais j'essaie de faire cela le plus élégamment possible. J'aimerais mieux avoir un petit mot à dire des fois, mais là des procédures sont instituées et moi, je suis au bout de la ligne et on me dit: Sors ta plume et marche! Alors, j'ai signé. Je pense que c'est bon qu'on ait là une représentation. Maintenant, l'École polytechnique est une corporation distincte. J'aurais voulu interroger la direction de l'école sur ce point, mais j'ai oublié. Maintenant, ses représentants écoutent en arrière, mais je leur transmets la question quand même. C'est un point qui mérite d'être étudié. Je n'en fais pas de recommandation formelle, mais moi, je n'ai pas d'objection à cela. "Que la hausse en question ne soit pas une augmentation déguisée..." La hausse des frais de scolarité. Je vous félicite de votre ouverture d'esprit. Vous regardez ce problème - j'allais dire en hommes et en femmes réalistes, mais il y a seulement trois hommes à la table - avec un esprit réaliste. Vous mettez des conditions précises, si jamais il devait y avoir une hausse. Ces conditions que vous évoquez ont déjà été mentionnées par d'autres personnes, je n'insiste point. Mais j'ai noté ce point-ci avec beaucoup d'intérêt. Je n'entends pas me servir de vous pour dire: Tout le monde est pour cela. Pas du tout. C'est une opinion qui vient s'ajouter à celles que nous entendons; il y en a qui sont pour, il y en a qui sont contre. Nous continuons notre cheminement, mais vous nous apportez un élément de réflexion précieux.

Je pense que j'ai terminé l'examen de vos conditions. J'aimerais peut-être que... Oui, c'est fini?

Le Président (M. Thérien): Je dois vous arrêter. Selon les règles, j'ai besoin du consentement des deux côtés pour continuer jusqu'à 22 h 30 pour respecter le temps qu'on avait alloué à l'association étudiante. Est-ce que j'ai le consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Thérien): M. le ministre.

M. Ryan: Moi, j'ai pratiquement terminé, M. le Président. Est-ce qu'il nous reste du temps de ce côté-ci?

Le Président (M. Thérien): II vous reste cinq minutes.

M. Ryan: On va les garder pour tantôt.

Le Président (M. Thérien): II vous reste dix minutes; cinq minutes dans la première phase...

M. Ryan: C'est ce que j'ai compris. On va les garder pour tantôt. On va laisser parler nos amis d'en face.

Le Président (M. Thérien): Parfait! Je cède maintenant la parole à la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Cela nous fait plaisir de vous voir ici. Je crois que c'est particulièrement intéressant de voir les administrateurs, les employés, les représentants des chambres de commerce, mais spécialement les clientèles, les étudiants. Je dois dire que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire. J'ai souligné qu'à la fois vous étudiez dans des conditions qui vous permettent d'aller chercher une bonne expérience et que vous avez - je pense à vos projets de fin d'études - par le biais de votre coopérative l'occasion d'apprendre les principes de gestion. Je pense bien qu'il n'y a pas beaucoup de personnes ici, à part le directeur de l'école, qui gèrent des budgets de 10 000 000 $. C'est assez impressionnant. Vous faites également preuve d'ouverture à l'endroit des autres étudiants. Je trouve que c'est intéressant dans la mesure où on ne reste pas enfermé sur soi-même. Je dirais que, dans l'ensemble, c'est un mémoire que je trouve fort intéressant.

Vous aurez remarqué que le ministre de l'Éducation ne peut jamais, mais jamais faire un commentaire - il ne peut pas s'en empêcher - sans glisser une remarque partisane et quelquefois mesquine. Quand on ne partage pas son opinion, c'est qu'on l'a mai cité, on l'a mal interprété, on a mal compris, on a mal calculé. Cependant, je voudrais lui dire que cela m'arrîve de savoir compter et, sur sa remarque touchant l'achat des ordinateurs à Paris qui était fait aux frais de l'État, je lui dirai que ce gouvernement...

M. Ryan: Gaspillage!

Mme Blackburn: ...qui n'achète pas aux frais de l'État...

M. Ryan: Gaspillagel

Mme Blackburn: ...mais dans la seule prochaine année, aura taxé les étudiants de 24 000 000 $ en réduisant les bourses et tantôt de 70 000 000 $ en imposant des frais de scolarité. Dans une seule année, ce sera donc 100 000 000 $ en 1987-1988, si le projet se réalise, qu'on sera allé chercher dans les poches des étudiants, et c'est récurrent.

M. Jolivet: Ce n'est pas une autoroute à Rimouski.

Mme Blackburn: Ce n'est pas tout à fait comme les achats de micro-ordinateurs.

Je trouvais intéressante l'idée que vous avez eue à la suite de la recommandation du ministre de faire des observations et de les noter dans votre petit carnet noir, sauf que je me dis qu'autant cela peut être intéressant, autant il ne faudrait peut-être pas le suivre trop loin là-dedans, parce qu'à un moment donné vous allez vous transformer en petits enquêteurs dénonciateurs de vos professeurs. Il y a déjà ceux qui sont dans les affaires sociales, il ne faudrait pas tomber dans ce défaut-là.

M. Jolivet: Les boubou-macoutes.

Mme Blackburn: J'ai tendance à croire plus que lui aux sondages scientifiques, malgré tout l'intérêt que peuvent avoir ces observations.

Si vous me le permettez, j'avais quelques questions qui touchent à la fois vos projets de fin d'études... Vous parlez de gestion qui devrait être plus serrée et vous invitez aussi à une réforme de l'aide financière aux étudiants. Essentiellement, j'aimerais vous entendre sur ces trois points. Vous pourriez peut-être (n'expliquer un peu en quoi consistent vos projets de collaboration, vos projets de fin d'études avec les entreprises, la durée, etc. Cela a certainement des objectifs pédagogiques, peut-être l'équivalent de stages. J'aimerais que vous m'en parliez un peu.

M. Gadbois: D'accord. À ce sujet, ce sont des étudiants du département de génie chimique qui ont mis sur pied cet été, en collaboration aussi, il faut le souligner, avec l'école qui a fourni certains montants... Les étudiants ont à faire un projet de fin d'études qui vaut trois ou six crédits, selon le cas, en fin d'année, en quatrième année. On a toujours déploré que, pour ces projets de fin d'études, des fois, les sujets choisis étaient déconnectés de la société, des vrais problèmes. Or, on a décidé de se prendre en main et d'aller voir directement là où on peut trouver de vraies solutions, c'est-à-dire dans les industries, là où la plupart de nos étudiants vont aller travailler. Le projet de fin d'études vise donc à aller voir l'industrie, à aller faire une enquête auprès de toutes les industries en génie chimique qui pourraient nous présenter des projets de fin d'études. Ce seraient des questions qu'on pourrait résoudre durant l'été. Cela durerait quatre mois, ce serait rémunéré comme un travail et cela permettrait d'aller chercher les trois crédits de projet de fin d'études. Évidemment, des professeurs suivraient la démarche de l'étudiant pour qu'il ne se perde pas dans des dédales. Je pense que cela est profitable pour tout le monde. Tout le monde y voit un intérêt certain. C'est encore un projet pilote. On a déjà des industries - deux cas en particulier - qui seraient prêtes à collaborer l'année prochaine. Cela débutera l'année prochaine. On a fait la mise en structure. Et on aimerait que cela débouche davantage encore sur tous les autres départements. Je pense qu'au niveau de la PME, qui est notre force au Québec, cela pourrait être une collaboration fort utile des

étudiants de l'École polytechnique à la société.

Mme Blackburn: Vos professeurs reçoivent favorablement cette initiative? Est-ce accepté par l'école? Est-ce que cela a passé différentes étapes?

M. Gadbois: Oui, je pense qu'il n'y a pas de problème.

Mme Blackbum: Je dis bravo. En pages 8 et 11 de votre mémoire, vous parlez de mauvaise gestion. C'est 11 sûrement: "...ac-créditerait la piètre gestion... Que le gouvernement..." Un instant! Je vais revenir, c'était sur mon autre... Page 9. J'aimerais que vous m'expliquiez dans quel sens on peut parler de mauvaise gestion et proposer des gestions plus serrées des fonds.

M. Gadbois: Lorsqu'on parle de mauvaise gestion, d'une part il est bon de reconnaître que l'École polytechnique - on va parler de cela en premier - a quand même fait des efforts dans sa gestion. Lorsqu'on parle de mauvaise gestion, on parle, d'une part, de planification. Gestion est synonyme, entre autres, de planification. On l'a dit la semaine dernière à cette commission. Lorsqu'on ne sait même pas l'attribution réelle des sommes qui nous serons données lorsqu'on prépare un budget, on peut parler de mauvaise gestion. Quand on parle de n'être même pas capable d'évaluer correctement ses employés... Chez les techniciens, il y a des employés qui n'ont pas été évalués depuis douze ans. Ce sont des situations bien claires. Or, dans ce domaine, on peut parler de mauvaise gestion. Ce sont des exemples comme cela qu'on peut vous apporter qui, pour nous, parlent de mauvaise gestion. Je pense qu'à l'intérieur de l'École polytechnique on a quand même réussi à garder un équilibre financier, mais je pense que d'autres associations universitaires vous présenteront - c'est le cas de l'Université de Montréal - des exemples vraiment criants de mauvaise gestion. Dans d'autres cas, on a dilapidé certains fonds publics, et cela est inacceptable pour nous.

Mme Blackburn: Cela me semble toujours un peu de gros jugements, si ce ne sont pas des accusations.

M. Gadbois: Oui, on peut apporter aussi... Lorsqu'on parle de mauvaise gestion, lorsqu'on fait des coupures à gauche et à droite dans les budgets qui sont alloués aux universités, on peut se demander pourquoi. Lorsqu'on veut reconnaître la qualité d'un enseignement et qu'on fait des coupures dans le système universitaire, on peut dire qu'effectivement il y a une difficulté à planifier, donc à gérer. Je suis content que le ministre Ryan nous dise qu'il y aura une clarification de la formule de gestion. On espère que ce ne sera pas dans le sens des promesses électorales qui sont difficiles à tenir en ce moment. J'espère que les recommandations - M, Ryan semble favorable à nos six recommandations - seront suivies. J'espère que ce ne sera pas des promesses électorales, parce qu'on est tannés comme étudiants d'entendre des promesses électorales qui ne sont pas suivies. Je pense que c'est une des choses. On ne veut pas que cette commission serve à justifier une hausse des frais de scolarité. Si c'est cela que la commission veut rechercher, on est contre. Ce dont on parle quand on parle de gestion, qu'il y a des choses à faire dans ce domaine, c'est qu'on peut aller chercher des fonds ailleurs. Finalement, si tout le monde fait des efforts dans le système universitaire, on serait un peu ridicule de dire: Non, on ne fera pas d'effort. Le ministre a dit tantôt qu'on était des personnes responsables, qu'on entrevoyait une certaine hausse. On dira non à une hausse si c'est la seule contribution qui est faite au niveau des universités. Cependant, si on voit réellement qu'il y a des efforts qui sont envisagés dans différents domaines, entre autres dans les recommandations et à la suite de la commission, à ce moment-là on peut parler d'efforts. Ces efforts, il y a des gens qui ont dit que cela pourrait aller au triple, au quintuple, etc. Si on est capable de me dire que, du jour au lendemain, on va tripler la qualité de l'enseignement, on est prêt à tripler nos frais de scolarité, mais j'en doute fortement. Si on parle du double, nous aussi on en doute. Si on veut dire qu'il y aura un effort dans les universités, on est prêt à faire le nôtre, mais è la mesure de celui qui sera fait par chacun des autres intervenants.

Mme Blackburn: La hausse des frais de scolarité, vous l'avez indiqué, est reliée à une amélioration de l'aide financière. Quel genre d'amélioration souhaiteriez-vous à l'aide financière?

M. Lecavalier: Premièrement, couper dans les sommes qui sont allouées au système d'aide financière, c'est une chose à éviter. Une des première réformes c'est qu'au moins l'enveloppe soit stable et aille en augmentant. Pour nous, ce serait important. Entre autres, une des modifications importantes à être envisagées, ce serait dans la partie... L'enveloppe allouée à un étudiant est calculée, premièrement, sur la base des revenus de ses parents et des revenus qu'il gagne pendant l'été, etc. Il y a de nombreux étudiants dont les parents ont des revenus assez importants grâce auxquels ils pourraient, selon le calcul de leur aide financière, subvenir aux besoins de ces étudiants. L'application du règlement est très

stricte à cet égard. Par exemple, si les parents de l'étudiant gagnent un certain montant d'argent, il ne peut recevoir aucune aide, peu importe ses besoins réels, que ses parents veuillent ou ne veuillent pas contribuer ou que lui-même veuille ou ne veuille pas recevoir de l'argent de ses parents, selon la situation. C'est un exemple de mesures d'assouplissement de ces règles qui seraient très bienvenues chez les étudiants.

Mme Blackburn: Je vous remercie.

M. Cardinal: Si vous me le permettez. La première journée de la commission parlementaire, le Conseil des universités proposait de doubler les frais de scolarité mais en liant cela à un réajustement des prêts et bourses. Les étudiants de Polytechnique, à la suite des coupures en mai, ont des doutes à savoir si l'on va vraiment réajuster en partant. On parle de doublement des frais de scolarité. Il y a une chose que je pense qu'on semble vouloir dire aux gens, à la société: Écoutez, les étudiants ce sont des gens qui sont irresponsables, ce sont des étudiants qui ne veulent pas payer. Je m'excuse, mais on a des chiffres ici comme quoi, juste au niveau du micro-ordinateur qu'on achète, on fait économiser à l'École polytechnique en investissement, au niveau de l'informatique, 50 000 000 $. Ce sont des chiffres des années 1981-1982, aujourd'hui on ne sait pas combien ce serait.

Pour chaque étudiant, cela revient à une augmentation de frais de scolarité de 200 $ par année. C'est sûr et certain que ce ne sont pas tous les étudiants qui ont acheté un micro-ordinateur, mais si on le répartit sur tous les étudiants... Il y a un autre facteur dont il faut tenir compte. Par exemple, à l'École polytechnique, il y a 2000 étudiants sur 3600 qui sont bénéficiaires de prêts, certains aussi de prêts et bourses. Quand on nous dit qu'on est des gens privilégiés, moi je vous dis: On sera privilégiés plus tard. Pour l'instant, on a déjà fait notre grosse part. Si on nous double pardessus cela... En plus de cela, on a de sérieux doutes qu'on va avoir des bourses adéquates. Le sondage de la FAECUM le prouve, l'accessibilité va être beaucoup touchée. Au niveau de Polytechnique, ce serait 482 étudiants qui quitteraient l'école. C'est un pensez-y bien. (22 h 15)

M. Gadbois: Mme Blackburn, je pense qu'au niveau des prêts et bourses c'est très complexe. Nous, ce qu'on veut faire ici c'est parler de la gestion des universités avant même de parler des prêts et bourses. C'est pour cela qu'on dit clairement dans notre mémoire: On va en reparler. Si M. Ryan nous invite à ce niveau, nous serions très heureux d'y participer, mais c'est une question très complexe. On ne veut pas tomber dans le piège de passer toute la commission à ce niveau. Merci.

Mme Blackburn: Je vous remercie.

Le Président (M. Thérien): Si on va par alternance, je passerai la parole au député de Limoilou pour un maximum de cinq minutes.

M. Després: Vous dites dans votre mémoire que vous avez déposé une nouvelle politique d'évaluation des professeurs qui a été adoptée au conseil d'administration. Â la page 11, vous dites aussi: "Cette évaluation n'a de sens que si des outils sont mis en place pour inciter le professeur à s'améliorer." Dans votre recommandation no 5, vous dites: "Que soit instaurée parallèlement à une évaluation continue des professeurs une permanence modifiée de ceux-ci qui permettrait des mesures correctives en cas de diminution de la qualité de leur travail." Vous voulez dire quoi? J'aimerais savoir ce que vous pensez de la permanence des professeurs. Cette "permanence modifiée", c'est quoi exactement?

M. Gadbois: Très bien. Je pense qu'il y a un point d'éclaircissement à ce niveau et je suis heureux que vous me posiez la question. On n'est pas contre la permanence des professeurs. Ce qu'on propose, c'est une permanence modifiée. En se promenant dans l'école, en voyant des enseignants qui parfois... Dans l'ensemble, l'enseignement est de très bonne qualité; on a des professeurs à l'intérieur de l'école qui ont vraiment une bonne expérience et qui savent nous en faire profiter. Cependant, il y a quelques cas, des cas qui sont minoritaires. Franchement, on ne sait pas pourquoi ils sont là. Le travail qu'ils effectuent en face de nous, c'est très déplorable.

Un professeur qui est plus ou moins bon dans son enseignement et aussi plus ou moins bon dans sa recherche est souvent plus ou moins bien accepté auprès de ses confrères. Lorsqu'on parle d'évaluation, c'est très bien, on va évaluer les professeurs. Si le professeur reçoit une évaluation négative et il se dit: "Tabarnouche", j'ai ma permanence, je peux rester là. Parfait. En ce moment, il faut des fautes très graves pour limoger un professeur. D'accord? À ce niveau, cela vise des professeurs qui sont médiocres. Les professeurs qui sont moyens et excellents ne seront jamais touchés par ces mesures. Ils vont avoir leur contrat de sept ans en sept ans. Cependant, les professeurs dont le travail est jugé très insatisfaisant, cela sera une dent pour venir leur dire: Améliorez-vous, sinon vous ne continuerez plus, grâce à votre permanence, à subsister à l'intérieur de

l'école. On vise les professeurs qui font un mauvais travail. Nous on parle de qualité d'enseignement.

M. Doré, dans certaines conversations qu'on a pu avoir, juge la qualité de son école par la qualité de ses employés, la qualité de ses professeurs, entre autres. Nous aussi, c'est vrai, on le dit: L'école a vraiment des professeurs de qualité. Cependant, il y en a qui ne le sont pas. On veut donner des dents à des mesures, finalement, à une évaluation qui serait négative. C'est un peu comme quand on adopte une loi, il faut quand même qu'il y ait certaines mesures pour voir à ce que cette loi soit appliquée. C'est le but de la recommandation.

M. Després: De quelle façon va-t-on faire pour savoir si on est insatisfait d'un professeur? D'après quelle évaluation et qui va faire cette évaluation?

M. Gadbois: Entre autres, l'évaluation qu'on propose, est une évaluation des enseignements. Je pense que si on regarde dans les entreprises en ce moment, si on regarde dans les grandes entreprises, il y a des mécanismes d'évaluation. Présentement, il y a de la recherche à faire de ce côté, et je crois que c'est un bon point de vue que vous amenez, à savoir comment, au niveau de la recherche, on fait pour évaluer un professeur. Je pense qu'au bout de sept ans -c'est la mesure - on voit un peu ce que le professeur peut faire dans sa recherche. On lui laisse une certaine liberté malgré tout, mais s'il ne produit rien on le sait et son travail est jugé insatisfaisant. Il y aura des mécanismes à mettre en jeu. Présentement, c'est le directeur qui, avec d'autres gens, évalue le travail des professeurs. Cela se fait selon son bon jugement. Au bout de cela, on lui accorde des bourses. Je pense qu'il y a des mécanismes plus sérieux qu'on peut mettre en oeuvre à ce sujet. On pourrait aller voir ce qui se passe dans des entreprises, créer de nouvelles façons, être original.

Mais nous croyons qu'il est possible de mettre des mécanismes en jeu pour évaluer les professeurs et au bout de cela voir, juger de la qualité. En ce moment, on ne peut pas juger de la qualité du travail d'un professeur et non plus de tous les autres employés à l'intérieur de l'école. On trouve cela inacceptable. Ce n'est pas qu'on en veuille à ces employés. On est très satisfait, on est très content de leur travail. Cependant, il y en a qui... hein! C'est ce qu'on veut dire.

Le Président (M. Thérien): Je vous remercie beaucoup. Je cède maintenant la parole pour une brève intervention au député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai été un peu surpris, même si on a donné des indications inverses à un certain moment au niveau des groupes étudiants, de votre recommandation à la page 15 où vous dites que si une augmentation de la contribution étudiante avait lieu, etc.. Il y a des conditions qui sont apportées.

Quand on entend une chambre de commerce venir dire cela, quand on entend le groupe des recteurs venir parler d'une augmentation des frais de scolarité, quand on entend d'autres groupes universitaires de parler de l'augmentation des frais de scolarité, on est surpris. Quand ce sont les étudiants qui le proposent de la façon dont vous le proposez, on peut aussi rester surpris. C'était une partie de la question que je voulais poser et j'ai eu une réponse intéressante tout à l'heure. C'est pourquoi je ne vous en demanderai pas davantage, mais je vous dirai qu'il y a d'autres propositions qui ont été faites par des groupes étudiants, des groupes de jeunes. Je vous donne comme exemple la proposition qui a été faite par le groupe des jeunes du Parti québécois qui propose un impôt universitaire. Est-ce que d'après vous cette formule est intéressante dans la mesure où elle fait l'objet d'une capacité pour les étudiants de prendre en charge une certaine partie, une fois leurs études terminées, des frais de scolarité actuels? J'aimerais connaître votre opinion sur cette proposition qui est sur la table par l'intermédiaire des journaux, actuellement?

M. Cardinal: Si vous me permettez, par rapport à la proposition des jeunes du Parti québécois, on peut faire l'historique de cette proposition. Il ne faut quand même pas donner tout le mérite au Parti québécois de l'avoir faite. Ce sont des étudiants qui étaient à Concordia qui avaient formé un premier modèle qui s'appelait le POET, Post-Obligatory Educational Tax, qui avait certaines lacunes après une étude approfondie entre autres des gens qui militent soit au RAEU, dans les associations étudiantes. Je me souviens, dans le temps que j'étais simplement étudiant, on avait discuté et regardé le pour et le contre de cette façon de voir. Il y avait des lacunes. Il semblerait qu'on aurait trouvé des solutions pour qu'il n'y ait pas de lacunes. Je dois vous avouer que je n'ai pas encore pris le temps d'étudier, de prendre des colonnes de chiffres et de faire tous les pour et les contre de cela. Cela peut être quand même assez long. On avait d'autres chats à fouetter, ce qu'on considère plus primordial pour l'instant. Il s'agira de voir, avec des preuves à l'appui, si ce système pourrait être valable.

Je considère qu'il y a une autre solution et elle a été pensée et amenée tout à l'heure. Les industries pourraient être mises à contribution dans le financement. Il

n'y a pas juste les étudiants, il n'y pas juste le gouvernement qui doivent financer. Je vous pose la question et je pourrais la poser à n'importe lequel des députés ici, c'est qui le premier qui retire le plus d'un enseignement supérieur de qualité, si ce ne sont pas les industries? Je suis d'accord, pour l'étudiant, en tant que formation, c'est intéressant. Bon, une bonne élocution, des connaissances, il peut lire ce qu'il veut. Mais l'industrie, si cela ne lui rapporte pas, je me demande bien... M. Doré le disait tout à l'heure, on considère que ce qui est le plus important ce sont les connaissances, ce sont les personnes. L'industrie au Québec - on peut faire un petit historique sur cela - à partir des années soixante-dix dans le temps où justement on avait de l'argent à jeter par les fenêtres et où on en donnait comme on voulait aux universités, l'industrie s'est dissociée d'amener des fonds. Elle s'est dit: Bien, le gouvernement en met, je n'en mettrai pas. Mais maintenant on est rendus en 1986, il va falloir que l'industrie se rebranche. On a une campagne de publicité qui dit: Des universités branchées dans la société. Les industries, il va falloir qu'elles se branchent, il va falloir qu'elles investissent. Si elles ne veulent pas, on veut bien leur donner la chance, on n'est pas des tortionnaires, on veut bien leur donner la chance d'investir mais, si elles ne veulent pas, à un moment donné il va falloir qu'il y ait des obligations qui viennent de quelque part. On ne cesse de nous comparer à l'Ontario sur le fait que les étudiants doivent faire leur part. Si on compare les industries avec l'Ontario, il va falloir qu'elles fassent leur part elles aussi. Si on compare les industries avec celles des États-Unis, c'est encore pire. À un moment donné, les industries, il va falloir littéralement qu'elles fassent leur part. On ne la voit pas leur part pour l'instant.

Le Président (M. Thérien): Je demanderais maintenant a la représentante de l'Opposition de conclure. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier pour la qualité de votre présentation, pour votre franchise, je l'ai dit tout à l'heure, également pour votre ouverture d'esprit par rapport aux hypothèses qui sont avancées et par rapport à la société de façon générale. Vous dites avec raison que les étudiants ne sont pas les seuls à bénéficier des avantages d'une formation universitaire. Je pense que cela a été largement démontré. Si vous aviez assisté à la présentation à la fois de la Chambre de commerce hier et des différents ordres, l'Ordre des agronomes, l'Ordre des ingénieurs, ces gens-là sont très conscients de leur contribution au développement de leur secteur d'activité. Dans ce sens-là, tes entreprises tirent les avantages les plus importants, plus aujourd'hui qu'il y a 20 ans parce que, comme tout le monde le reconnaît - et tout à l'heure cela nous est revenu dans le mémoire de l'École polytechnique - le savoir devient capital dans le développement économique et social. Si le savoir a cette importance, qu'il joue dans le développement économique ce que jouait le capital et l'argent antérieurement, cela a une valeur réelle.

Tout le monde reconnaît qu'aujourd'hui, dans les entreprises, ce qui fait la différence dans la rentabilité d'une entreprise, ce n'est plus la technologie parce que vous pouvez l'acquérir rapidement et qu'elle va être de plus en plus semblable, elle évolue mais il y a toujours moyen de l'acheter. Ce qui fait la différence dans la rentabilité d'une entreprise, c'est exclusivement, aujourd'hui dans beaucoup d'entreprises, la qualité des ressources humaines.

Je partage avec vous l'opinion qu'il faudrait qu'on envisage d'autres formules de financement et qu'on commence à sensibiliser également d'autres milieux. Votre ouverture d'esprit me rassure de toute façon par rapport à l'avenir à la fois du Québec, de nos entreprises mais également de nos universités. Je vous remercie.

Le Président (M. Thérien): Je céderai maintenant la parole au parti ministériel, à M. le ministre.

M. Ryan: Brièvement, je voudrais faire une couple de commentaires sur des points qui ont été soulevés au cours de la discussion. J'ai fait allusion à quelques reprises aux engagements électoraux du Parti libéral, il y en avait 22. Pour votre information, il y en a déjà au moins 15 ou 16 qui sont réalisés ou qui sont en voie très sérieuse de l'être. Par conséquent, de ce point de vue, je pense que c'est un argument que vous pouvez soulever sans crainte. La feuille de route est très bonne pour un gouvernement qui a seulement neuf mois de pouvoir, nous sommes prêts à faire face à l'électorat sur cette question n'importe quand.

Un point soulève des difficultés, c'est celui dont vous avez parlé. On l'examine dans l'ensemble du contexte où nous examinons la question du financement universitaire. Je trouve que sur ce point-là l'ouverture d'esprit dont fait montre votre mémoire est très encourageante et nous invite à faire un examen impartial, de manière à arriver aux conlusions qui seront les plus conformes au bien commun.

Je ne pense pas que nos sociétés soient arrivées à un point où elles soient en mesure d'envisager la gratuité universitaire. Là nous sommes assis entre deux chaises. Avec la

politique actuelle, si nous la maintenons, c'est une politique de gratuité que nous n'avons pas le courage de nous avouer, parce que cela nous mène tranquillement vers le point zéro et plus rapidement que plus lentement depuis une dizaine d'années; mais cela n'est pas ce que l'on dit que la société est capable d'accepter. Si cela n'est pas une politique de gratuité, il faut que cela soit une politique alignée sur quelque chose de réel et de vivant; cela ne peut pas être statique non plus. Alors, quelles que soient les conclusions de la commission, il y aura un changement de venue. Cela ne peut pas rester comme cela, c'est une politique de faiblesse qui a été pratiquée depuis une quinzaine d'années par les gouvernements. Je pense que vous comprenez mon point: au point de vue logique, c'est d'une logique élémentaire.

Un deuxième point que je voudrais souligner, parce que cela a été soulevé à bien des reprises par la députée de Chicoutimi, c'est: N'y aurait-il pas moyen d'imposer une taxe sur les entreprises pour financer l'enseignement universitaire? J'aime autant vous dire tout de suite que c'est improbable. Ce n'est pas moi qui décide de l'imposition des taxes dans le gouvernement. Il appartient au ministre des Finances de faire ces recommandations, mais il faut se souvenir que lorsqu'on parle de fiscalité, déjà le fardeau fiscal du Québécois, taxes corporatives comprises, est à l'indice d'environ 123 ou 127 par rapport à 100 qui est la moyenne canadienne. Alors nous sommes beaucoup plus élevés que les autres. Il ne peut pas être question d'ajouter de nouvelles taxes par-dessus celles qui sont déjà en vigueur. Est-ce que des échanges peuvent être faits? Il faudrait enlever d'une main ce que l'on prendrait de l'autre. Il n'y a pas beaucoup de marge du côté de la fiscalité dans l'immédiat.

On va examiner les propositions qui ont été faites par de nombreuses personnes et organismes voulant que des contributions soient demandées aux entreprises en retour d'allégements fiscaux. Une chose qui va être regardée, je vais demander à mon collègue, le ministre des Finances, d'examiner cela attentivement, mais comme je vous le dis, connaissant l'atmosphère dans laquelle se discutent les questions de fiscalité au Québec à l'heure actuelle, je ne pense pas que l'on puisse entrevoir beaucoup de choses. Celui qui s'imaginerait que l'on va financer plus, il faudrait qu'il soit prêt à nous dire où on pourrait couper pour ajouter là et ce qui financerait les activités qui ne seraient plus financées par des taxes déjà existantes. C'est un problème extrêmement aigu. Je vous le souligne en toute simplicité parce que nos échanges ont été très francs, mais j'espère qu'on aura l'occasion de continuer cela, le président l'a mentionné à une couple de reprises. Il y a des points précis que nous aurons intérêt à discuter encore, puis je voudrais que vous sachiez que nous sommes très ouverts à discuter avec vous. Ne vous gênez pas pour nous faire signe et nous ferons de même.

Le Président (M. Thérien): C'est à mon tour de vous remercier de votre contribution à la commission parlementaire. Permettez-moi de vous souhaiter, à vous ainsi qu'à tous les étudiants qui sont ici, bon succès dans cette nouvelle année scolaire.

Les travaux sont ajournés à demain, 10 heures, journée consacrée à l'Université de Montréal.

(Fin de la séance à 22 h 32)

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