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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Wednesday, October 8, 1986 - Vol. 29 N° 23

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire sur l'éducation reprend ses travaux, ce matin, dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, le 19 juin dernier, à savoir tenir une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour les années 1987-1988 et pour les années ultérieures. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chevrette (Joliette) remplace Mme Vermette (Marie-Victorin); M. Rochefort (Gouin) remplace M. Charbonneau (Verchères).

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a d'autres remplacements? Sinon, la commission parlementaire.,.

M. Ryan: Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. le député de Joliette qu'on est très heureux de voir à cette commission de l'éducation, étant donné ses antécédents.

M. Chevrette: Je voudrais remercier le député d'Argenteuil, lui dire que je l'écoute régulièrement à mon bureau par le truchement du perroquet, même à la télévision, et qu'il y a des points sur lesquels nos opinions divergent.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Ces préambules étant faits, nous accueillons le porte-parole officiel de la Centrale de l'enseignement du Québec, M. Yvon Charbonneau. M. Charbonneau, soyez le bienvenu. Je veux vous remercier, au nom des membres de cette commission parlementaire, d'avoir accepté de venir nous rencontrer afin de deviser avec nous sur un sujet qui nous intéresse tous: l'orientation du réseau universitaire québécois et, surtout, son mode de financement.

M. Charbonneau, à la suite d'ententes qui ont eu lieu entre le secrétaire de la commission et les gens de votre centrale, il a été décidé que la commission disposait d'environ une heure et demie pour entendre votre groupe. Une période d'environ 15 à 18 minutes pourrait être consacrée à la présentation de la synthèse de votre mémoire et, ensuite, la période qui restera sera divisée à part égale entre les deux formations politiques, de façon que nous puissions échanger des propos avec vous et avec les gens qui vous accompagnent. Si vous voule2 bien nous présenter les gens qui vous accompagnent et amorcer la présentation de votre mémoire.

Centrale de l'enseignement du Québec

M- Charbonneau (Yvon): Merci, M. le Président. M. le ministre, mesdames, messieurs, les personnes qui constituent notre délégation sont les suivantes: à l'extrême droite de la table, M. Gérard Guérin, de l'École polytechnique de Montréal, vice-président de la fédération du personnel de soutien; M. Jean-Claude Bourassa, de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, membre de l'exécutif de la Fédération des professionnels des collèges et des universités; Mme Louise Bédard, de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, vice-présidente de la Fédération des professeurs et chargés de cours des universités; à ma gauche, trois conseillera de la CEQ, MM. Richard Langlois, Noël Saint-Pierre et Henri Laberge.

J'ai préparé une synthèse qui reprend les grands éléments de notre mémoire qui était trop volumineux pour être lu ici de manière intégrale. Comme c'est le propre d'une synthèse, nous ne reprenons pas absolument tous les éléments, mais nous pourrons y revenir dans le cadre de la discussion, si vous le désirez.

 titre de principale organisation syndicale représentant les personnels de toutes les catégories du système d'enseignement, la CEQ a voulu contribuer à ce débat sur le financement des universités tout en insistant pour ne pas séparer ce débat du financement d'un plus large débat sur la mission même de l'université et en tenant compte aussi du contexte politique socio-économique que nous traversons actuellement.

Au niveau universitaire, nous représentons quatorze syndicats présents dans dix universités ou constituantes. Comme partie intégrante du mouvement syndical québécois, la CEQ a à coeur la promotion des aspirations et des intérêts de la majorité dans le débat sur les universités et a à coeur la construction d'un système scolaire

plus démocratique.

Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte au cours de ce débat d'un retour en force dans tous les pays industrialisés et au sein même de certains éléments du gouvernement actuel d'une idéologie qui préconise le désengagement du pouvoir politique face aux problèmes sociaux, face aux problèmes économiques. Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de pressions du monde des affaires à l'appui de cette idéologie néo-libérale dont la mise en application minerait les acquis éducatifs, culturels et sociaux de la majorité et compromettrait les intérêts collectifs du peuple québécois.

Avant donc d'aborder les questions relevant du financement proprement dit, il nous apparaît important de définir l'université dont le Québec a besoin pour mieux servir les intérêts de la majorité. Pour nous, l'université est un élément essentiel du système public de l'éducation qui se distingue des autres éléments par le niveau de son enseignement, par son apport propre à l'élaboration de nouveaux savoirs et par le rôle qu'elle doit assumer dans la diffusion démocratique des savoirs. L'Université doit donc faire de la recherche et de l'enseignement dans une perspective démocratique. Elle doit faire en sorte que ses recherches, aussi bien que son enseignement, soient orientés vers la satisfaction des besoins collectifs et non pas vers la réalisation d'intérêts privés ou des intérêts du pouvoir. Elle doit aussi s'impliquer directement dans la promotion collective des groupes populaires en les aidant à s'approprier collectivement les savoirs et les habiletés qui leur permettent de prendre leur développement en main. C'est donc dans cette perspective de promotion collective que doit être conçue, dans le prolongement des missions traditionnelles, la mission universitaire de services à la collectivité.

L'université a besoin de toute la liberté nécessaire à la réalisation d'un service public démocratique: liberté au niveau de l'enseignement pour qu'elle développe ses programmes en fonction de son analyse des besoins de la société. Nous reviendrons plus loin sur ce que nous prévoyons pour assurer que cette définition des analyses faites par l'institution universitaire soit en correspondance avec les intérêts ou les besoins réels du milieu où se situe cette université.

Liberté aussi au niveau de la recherche, de telle sorte qu'elle ne soit pas obligée, pour assurer sa survie, d'accepter des commandites de recherche qui la mettraient davantage au service de l'entreprise privée ou du pouvoir politique plutôt que des intérêts collectifs.

Liberté d'intervention sociale et communautaire, de telle sorte qu'elle ne soit pas amenée, pour des raisons d'ordre financier, à détourner les services à la communauté de leur fonction initiale et à les orienter vers un service auprès d'intérêts privés.

Liberté de critique aussi, enfin, qui devrait impliquer pour l'université la possibilité de résister victorieusement à toute suggestion qui lui serait faite de réprimer en son sein la liberté d'expression.

Donc, le premier axe de définition de notre position, c'est de demander qu'au terme de ce débat, dans le prolongement de ce débat au niveau législatif, soit établi un statut public clair pour l'université québécoise et que soit établi à travers le débat autour de cette loi, de sa mise en oeuvre, le caractère démocratique et public de l'ensemble du réseau ou des institutions universitaires et que ce caractère public et démocratique se traduise par des mesures du même ordre en ce qui a trait au financement des universités, en ce qui a trait à la composition et au fonctionnement de ses instances décisionnelles.

C'est pourquoi, entre autres mesures, nous demandons que soit adoptée et mise en vigueur une loi sur les universités établissant de manière indiscutable le statut public des universités et établissant le rattachement des universités au système public d'enseignement. Nous ne souhaitons pas pour autant que nos universités deviennent des institutions que l'on pourrait qualifier d'étatiques relevant directement du gouvernement, pas plus, d'ailleurs, que nous ne souhaitons l'étatisation des commissions scolaires ou des cégeps. Le caractère public des universités doit impliquer, d'une part, qu'elles ne se comportent pas entre elles comme des concurrentes et, d'autre part, que des normes régissent leur financement, leur style de gestion, la composition de leurs instances et la transparence de leur fonctionnement ainsi que leur indépendance face aux entreprises privées. Nous pensons qu'une loi pourrait encadrer cette définition, ce statut des universités.

L'université étant un élément essentiel du système public d'éducation, nous pensons qu'elle doit relever de la même instance ministérielle que les autres paliers du système scolaire et à plus forte raison de la même instance législative et gouvernementale. Nous faisons référence ici aux interventions du fédéral en matière de financement, d'orientation de certains programmes de recherche au niveau universitaire. Nous pensons que l'intégration sous une même responsabilité ministérielle de tous les paliers du système scolaire c'est quelque chose qui pourrait ajouter à la cohérence du système éducatif et nous permettre de discuter plus sainement de l'ensemble des priorités selon la conjoncture à accorder aux divers niveaux.

Nous pensons donc qu'il serait opportun de réunifier le ministère de l'Éducation. Nous opposons au pouvoir fédéral, qui vient conditionner son pouvoir de dépenser, l'orientation d'un niveau du système d'enseignement au Québec et nous demandons que, chaque fois que le gouvernement fédéral contribue au financement de l'éducation ou de l'enseignement au Canada, il verse au Québec, sous forme de transfert direct et inconditionnel, la part qui doit revenir au Québec et que celle-ci soit proportionnelle à la population et même qu'il y ait certaines mesures de rattrapage, étant donné ce qui s'est passé ces dernières années.

Si le ministère de l'Éducation doit conserver un rôle de coordination générale du système d'éducation, il nous apparaît important, par ailleurs, que le réseau universitaire en tant que réseau et chaque institution universitaire dispbsent d'une marge importante d'autonomie face au gouvernement, tout en adoptant un fonctionnement démocratique et transparent qui sied à des institutions publiques. Nous demandons que les instances décisionnelles de chaque université soient constituées de représentants élus des personnels et de la communauté étudiante ainsi que de personnes représentant la collectivité régionale et désignées notamment par les organisations syndicales, populaires, éducatives et socio-culturelles de la région ou de la population desservie.

Nous sommes favorables également à l'établissement d'une formule autonome de coordination et de gestion de l'ensemble du réseau universitaire répondant aux exigences d'un contrôle démocratique efficace. Ceci pour bien marquer que notre proposition ne va pas dans le sens de l'étatisation du réseau universitaire.

Si nous revendiquons l'affirmation du statut public des universités, la démocratisation de leurs structures et l'établissement de normes garantissant leur liberté d'action, c'est pour mieux assurer l'orientation démocratique des services universitaires. Pour nous, l'université n'est pas simplement un Heu où sont dispensés des services à des individus, c'est plutôt une institution dont toutes les activités doivent être accomplies au profit de l'ensemble de la population. C'est pourquoi nous formulons des recommandations quant aux champs de recherche à privilégier et quant à certaines priorités que nous voulons voir maintenues dans les programmes d'enseignement. C'est pourquoi nous insistons aussi sur la mission service à la collectivité.

Nous recommandons même qu'une structure spéciale soit prévue dans chaque université pour développer cette mission service à la collectivité. Faire de l'université un véritable service public implique aussi qu'on favorise une plus large accessibilité aux études universitaires tout en maintenant la qualité de l'enseignement et des services qui douent s'y rattacher et qu'on prenne les moyens pour établir une plus grande égalité en regard de l'accès aux études supérieures entre les diverses catégories de la population. Parmi les inégalités observées, la plus fondamentale est sans doute celle qui tient au statut socio-économique d'origine. Celui-ci conditionne tout le cheminement scolaire notamment quant au choix des filières d'enseignement, général ou professionnel, et également l'abandon des études. Il conditionne la disposition psychologique à vouloir entreprendre des études de niveau supérieur aussi bien que la capacité financière de les poursuivre.

Un autre facteur d'inégalité est celui qui semble tenir à la langue maternelle des individus. Nous estimons que malgré les progrès réalisés au cours des dernières années la population francophone du Québec continue à être défavorisée en regard des études universitaires et notamment quant à l'accès aux études à temps complet et quant à l'accès aux études de 2e et 3e cycles. Il y a aussi à souligner que certains groupes culturels minoritaires connaissent encore une situation plus défavorisée, à part la situation largement connue aussi des autochtones. Nous demandons par conséquent qu'on étudie les moyens à prendre pour contribuer à la réduction de ces inégalités. Il faudra faire en sorte notamment que les francophones aient la possibilité de poursuivre des études universitaires avancées avec l'aide d'ouvrages de référence et de matériel en leur langue à un prix raisonnable. Ce devrait être là un des champs privilégiés de la coopération avec les autres pays francophones. Dans la perspective de favoriser au maximum l'accès aux études supérieures, nous estimons que ce serait une grave erreur d'autoriser une hausse des frais de scolarité. Il faut, au contraire, tendre à leur abolition graduelle en vue de réaliser à moyen terme la gratuité scolaire à tous les niveaux. Ce serait également une erreur, croyons-nous, à court terme de réduire le montant des bourses et de rendre plus difficile leur obtention. Nous souhaitons que soit institué à moyen terme un régime de revenu minimum garanti dans lequel les étudiants et les étudiantes devraient être admis de façon qu'ils puissent étudier à l'abri des soucis financiers. En attendant, nous demandons que soient rendues plus faciles les conditions d'admissibilité aux bourses et notamment en reconnaissant aux étudiantes et aux étudiants un statut d'autonomie à l'égard de leur famille d'origine et en cessant de prendre en compte pour la détermination des besoins financiers la contribution du conjoint et les allocations familiales.

II faut encore continuer à favoriser l'accès des femmes aux études à temps complet ainsi qu'aux études du 2e et du 3e

cycle. L'égalité pour les femmes à l'université passe aussi par un meilleur accès aux emplois les plus prestigieux et les plus rémunérateurs et comportant une meilleure sécurité d'emploi. Présentement nous observons que les femmes sont encore surtout concentrées dans les rangs subalternes et dans les emplois précaires» Un sérieux coup de barre doit être donné à ce niveau. C'est pourquoi nous demandons que soient constitués dans chaque université des comités de la condition des femmes ayant le mandat de préciser et de promouvoir des programmes d'accès à l'égalité, de voir à leur mise en oeuvre et de voir à en surveiller l'application. C'est d'ailleurs toute la politique à l'égard des personnels qui doit être revue aussi. Ce sont les personnels qui constituent l'université en tant que service permanent. Leur râle doit être davantage reconnu et valorisé. Nous estimons notamment que l'accès à la permanence, en plus d'être une condition de la liberté universitaire, comme l'a expliqué ici un autre ministre, conditionne la qualité de vie, donne la satisfaction au travail et la qualité du service universitaire. Voilà donc, dans un premier temps, dessiné à grands traits le portrait de l'université; du moins, le profil de l'université que nous souhaitons pour le Québec d'aujourd'hui.

Le présent débat porte plus spécifiquement sur le financement de la vie universitaire, à un moment où il est devenu à la mode de répéter sur tous les tons que les réseaux publics d'éducation, de santé et de services sociaux coûtent trop cher. À partir d'une telle prémisse, si on l'acceptait, il n'est pas étonnant qu'on envisage ou bien de sabrer dans la qualité ou l'accessibilité, ou bien de transférer au secteur privé, directement ou d'une manière détournée, une partie des coûts ou des services. Nous refusons un tel dilemme, l'une ou l'autre de ces deux approches. Non seulement nous refusons la détérioration des services et les coupures comme hypothèse, mais nous demandons que la qualité des services soit améliorée et l'accessibilité aussi.

Somme toute, et c'est le deuxième axe de notre intervention, nous croyons en l'importance d'assurer à l'université un financement public qui protège la liberté universitaire, qui favorise le développement des services universitaires et qui soit basé sur une répartition équitable des fonds publics et de l'effort fiscal, ainsi que sur une gestion financière transparente.

Nous sommes donc opposés à toute forme de privatisation plus ou moins déguisée du service universitaire par le biais d'une nouvelle formule de financement qu'on pourrait imaginer en certains milieux, qu'il s'agisse de tarification aux usagères et usagers, d'appels aux souscriptions volontaires des entreprises pour le financement de certains services ou, encore, de recours aux commandites privées pour certaines opérations. Forcément, dans des modèles comme cela, il y a des universités qui se développeraient et d'autres qui ne se développeraient pas.

Nous n'acceptons pas la prémisse évoquée plus haut, à savoir que les services universitaires coûtent trop cher à la société québécoise. Nous disons, au contraire, que la société québécoise n'a pas vraiment (es moyens de perdre les acquis du dernier quart de siècle et de ne pas continuer à investir dans les services de qualité pour préparer son avenir. Nous contestons les allégations voulant que le déficit budgétaire de l'État québécois soit faramineux. Il faut regarder l'évolution du déficit en rapport avec l'évolution du produit intérieur brut, et le poids du déficit est moindre maintenant, à cet égard, qu'il ne l'a été ces dernières années. Nous contestons le fait que notre dette publique soit proportionnellement plus élevée que celle des États ayant une économie comparable ou, encore, que la fiscalité québécoise soit une des plus lourdes du monde occidental. On n'a qu'à voir certaines données comparatives établies avec des pays de l'OCDE. Nous produisons ces chiffres aux pages 55 et suivantes de notre mémoire. Ces chiffres ne sont pas de nous, ils sont de notoriété.

Loin de nous l'idée de prétendre qu'il ne faut pas prêter beaucoup d'attention aux débats sur l'état des finances publiques. Mais, au lieu de s'attaquer, ce faisant, à la qualité des services et à leur accessibilité ou de s'attaquer au caractère public des services, on devrait regarder plus attentivement du côté des exemptions fiscales consenties aux entreprises dans les vingt dernières années, du côté de la progressivité du dispositif fiscal d'ensemble et du côté des abris fiscaux. Nous invitons le gouvernement à entreprendre au plus tôt une réforme en profondeur de la fiscalité québécoise qui pourrait dégager des centaines de millions et qui pourrait être basée sur une plus grande progressivité à l'intérieur de l'ensemble du système fiscal, de manière à augmenter la part des entreprises dans les recettes fiscales de PÉtat et à réduire, de façon importante, l'ampleur des abris fiscaux. Cela devrait permettre à l'État, sans couper aucun autre service essentiel, d'injecter les montants nécessaires au redressement de la situation financière des universités et d'assurer, à l'avenir, un financement plus adéquat des activités universitaires. Je pense qu'il y aurait plus d'argent facile à trouver de ce côté que d'aller dans la poche des étudiants des universités.

Si nous nous opposons à ce que le financement des universités repose, même en partie, sur des contributions discrétionnaires des entreprises, ce n'est pas à dire que nous

estimons que les entreprises contribuent déjà assez au financement des universités ou qu'elles n'ont pas de responsabilités à cet égard. Au contraire, nous voulons que la contribution des entreprises soit plus grande, mais à l'intérieur d'un financement d'ordre public - et non pas d'un système de philanthropie ou de mécénat - et distribuée équitablement, selon des priorités définies collectivement et d'une manière publique à l'intérieur du réseau universitaire. Il en va de la liberté universitaire et de l'équité. Nous demandons que les contributions privées au financement des universités, s'il doit y en avoir, soient réglementées dans cette perspective d'équité et de liberté.

En concluant, M. le Président, j'ajouterai ceci. Cette synthèse a voulu insister sur la présentation de notre vision de la mission de l'université, car, quand il est question de financement d'un service public, il n'est que normal que nous discutions en même temps du produit de ce service ou de l'institution qui rend ce service. (10 h 30)

À ce titre, nous vous avons dit essentiellement notre attachement au caractère démocratique et public de l'institution universitaire qui, à notre avis, devrait être considérée comme un véritable service public, comme un véritable outil de notre développement collectif et de la promotion socio-économique et socioculturelle des Québécois et des Québécoises, donc un service public à financer.

Nous pensons que cette conception de l'université, service public et démocratique, doit se traduire dans les divers champs d'activité de l'université: enseignement - et un enseignement se situant dans la perspective d'une formation continue a assurer à des catégories croissantes de nos concitoyens et concitoyennes - activités de recherche et activités de service à la collectivité. Nous pensons que cette conception de l'université doit se traduire par les mécanismes de coordination et de gestion de l'université ou de ce que j'appellerais ici le réseau universitaire. Il faut cesser de concevoir l'université comme une série d'établissements ou de maisons en concurrence les unes avec les autres. Il faut les concevoir en complémentarité à l'intérieur d'un vaste réseau. Également, cette transparence démocratique devrait se refléter au niveau des liens avec le gouvernement par le biais d'une meilleure intégration de l'université dans l'ensemble du réseau scolaire ou éducatif.

Cette conception doit se refléter aussi par le financement. Il y a des positions à prendre plus fermes à l'égard du fédéral et il y a des clarifications à apporter pour ce qui est des sources privées de financement de manière que ces sommes, s'il doit y en avoir, encore une fois, soient réparties équitablement. De toute manière, il faut que le financement soit sous un contrôle public beaucoup plus limpide.

Cette conception doit se traduire dans la vie quotidienne de l'université par une place davantage reconnue aux personnels qui font, avec la communauté étudiante, l'université. Ces personnels, ce sont le personnel de l'enseignement, le personnel de recherche et on sait qu'il y a une bonne partie de l'enseignement qui se donne par le personnel qui a un statut de chargé de cours, le personnel professionnel et le personnel de soutien. Il faut prévoir des mécanismes assurant une meilleure participation, une meilleure implication des personnels au niveau de l'université ainsi qu'une meilleure participation des organisations syndicales qui représentent ces personnels. Une meilleure place doit être aussi faite aux étudiants et à leurs organisations.

Enfin, nous croyons que cette conception va se refléter par un consensus réaffirmé autour de l'objectif de l'accessibilité, doublé d'un sous-objectif -j'espère temporaire celui-là - de rattrapage à faire en milieu universitaire. Je pense à la situation des femmes, des francophones, des régions périphériques et à certaines minorités, et je pense, en particulier, à ce qui a trait à l'accès aux études à temps complet et aux études au niveau des 2e et 3e cycles.

Aussi, souhaitons-nous, M. le Président, qu'au terme de ce débat le gouvernement énonce clairement ses orientations en matière de politique universitaire: la mission des universités les conditions pour bâtir un plan de développement des universités, le programme particulier au chapitre de l'accessibilité à l'université, les mesures pour assurer une meilleure coordination et une gestion plus démocratique des universités prises comme réseau d'un grand service public et également, bien sûr, le plan de redressement qui s'impose en matière de financement.

Nous pensons aussi qu'il devrait y avoir un temps de réaction prévu pour que des organisations comme celles qui ont participé à ce débat à cette commission puissent réagir également et apporter leurs observations à l'énoncé de politique que nous souhaitons de la part du ministre concerné. Parce que nous luttons pour le développement économique, social et culturel le plus large et le plus équilibré de la majorité au Québec, dans toutes les régions du Québec, nous souhaitons que cette politique universitaire vienne renforcer les possibilités de plein développement de tous et chacun. Un sérieux redressement s'impose à ce niveau, comme à d'autres niveaux du système de l'éducation. L'éducation est un volet essentiel de toute stratégie économique articulée. La formation de la main-d'oeuvre

hautement qualifiée, la formation du personnel de recherche sont des atouts indispensables de notre avenir. Lésiner là-dessus, c'est reculer. Ces dépenses sont des investissements et non pas de la consommation courante.

Nous voulons, en terminant, féliciter le ministre d'avoir permis ce vaste débat public sur l'université, son financement, mais aussi ses orientations et également féliciter la commission parlementaire d'avoir favorisé l'expression de beaucoup de points de vue en cette matière. Nous avons aussi noté, puisque nous sommes dans le dernier tiers ou le dernier quart des présences en commission parlementaire, qu'il se dégage un large consensus autour du besoin de relancer le développement des universités au Québec et nous espérons que la conclusion des travaux de la commission ira dans le même sens.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président, de votre exposé. Je vais vous informer des règles de procédure, parce que la commission a établi un plan de travail. Le temps est séparé en parts égales entre les deux formations politiques. Il reste environ 55 minutes, disons qu'il reste une heure; alors, 30 minutes à chacun des partis politiques. Je vous avise immédiatement que j'ai six demandes d'intervention. La liberté de gérer le temps est laissée aux différents partis. Je reconnais maintenant le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Charbonneau et à l'équipe de dirigeants de la CEQ qui l'accompagne. Je me réjouis de constater que nous pouvons discuter avec la CEQ de problèmes qui touchent l'éducation, non seulement aux niveaux primaire et secondaire, mais également à tous les autres niveaux d'enseignement. C'est d'abord l'expression d'un intérêt authentique, je pense, de la part de la CEQ pour tout ce qui touche l'éducation et aussi, comme le dit le mémoire, l'expression du fait que la CEQ regroupe également un certain nombre de travailleurs dans le secteur universitaire, ce qui lui donne une raison de plus de s'intéresser à nos travaux.

Il me fait plaisir de signaler à la délégation de la CEQ que les travaux de la commission se sont poursuivis depuis le début dans un esprit d'application et de sérieux remarquable. Il y a toujours des saillies qui sont de caractère un peu plus partisan, mais de manière très habituelle le ton des travaux a été remarquablement consciencieux et j'espère que nous pourrons poursuivre dans cette veine jusqu'au bout. Je pense que c'est une contribution modeste mais réelle à l'amélioration de la qualité de la vie parlementaire que nous essayons de faire en marchant, comme on dit, et non pas en faisant des sermons et je ne veux pas faire d'allusion aux périodes de questions que nous avons connues avec notre ami, le député de Joliette, et notre ami, le député de Gouin, qui se joignent à nous ce matin et qui sont les bienvenus parmi nous.

Je voudrais vous signaler, M. le président de la CEQ, que du côté ministériel les travaux de la commission ont été suivis avec une grande assiduité par des membres nombreux dont plusieurs émanent du milieu de l'enseignement. Il y en a un qui est absent ce matin, malheureusement... Non, il est revenu. Le député de Richelieu a pu se joindre à nous. Il est dérangé souvent par les problèmes de Marine Industrie ces temps-ci dans son comté, mais c'est un ancien enseignant, qui l'est resté de coeur, d'ailleurs, et qui suit de très très près les problèmes de l'éducation. Il y a le député de Charlevoix également, le député d'Arthabaska, le député de Rousseau. Le député de Sherbrooke n'a pas été enseignant, mais il a oeuvré au sein du milieu universitaire pendant de nombreuses années. Le député de Rimouski a des états de service prolongés dans le secteur de l'éducation. Il a une expérience également dans le secteur privé, mais son expérience, surtout dans le secteur de la formation professionnelle, nous est très utile. Inutile d'ajouter que ma voisine immédiate, la députée de Jacques-Cartier, fut présidente pendant des années de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal et que son intérêt pour les questions de l'éducation n'a cessé de s'exprimer depuis qu'elle siège à l'Assemblée nationale. J'ajoute l'intérêt de notre collègue, la députée de Groulx, qui a été un membre remarquablement assidu de la commission et qui représente ce qu'on appelle le citoyen ordinaire dans nos rangs avec beaucoup de vivacité.

Je me réjouis de la rencontre que nous avons ce matin. Malheureusement, je devrai être bref. Je ne pourrai pas «n'étendre bien longtemps sur les commentaires que j'aimerais faire, mais je veux vous adresser deux ou trois questions, et surtout laisser un peu de place tantôt à mes collègues enseignants qui voudront vous interpeller à leur tour.

Je signalerai, dans le mémoire que vous avez présenté, que du côté gouvernemental nous sommes d'accord sur l'objectif qui vise à assurer le caractère démocratique de notre système d'enseignement à tous les niveaux, aux niveaux primaire et secondaire, au niveau collégial, au niveau universitaire également. Les formes que revêtira ce caractère démocratique sont appelées à varier d'un niveau à l'autre. Aux niveaux primaire et secondaire, nous avons de véritables gouvernements scolaires locaux élus par les citoyens au suffrage universel.

Au niveau collégial, c'est une forme de gouvernement par délégation, qui est déjà une forme de démocratie beaucoup plus limitée mais quand même non négligeable, et au niveau universitaire le modèle que nous avons se rapproche beaucoup de celui que nous avons au niveau collégial, finalement.

Nous sommes d'accord sur l'objectif qui vise à donner un caractère démocratique à notre système d'enseignement. Il y a trois éléments que je vaudrais signaler à cet égard. L'objectif d'accessibilité que vous soulignez dans votre mémoire, nous sommes d'accord sur cet objectif qui ne peut pas être appliqué comme un absolu et vers lequel on doit tendre de plus en plus. Je pense que ce serait mentir à la population que de prétendre que nous pouvons l'appliquer intégralement du jour au lendemain. Nous faisons des pas année après année. Si nous reculons, c'est bon que vous nous le disiez également, mais je pense que l'on s'entend sur l'objectif de la liberté qui doit exister à l'université en matière d'enseignement et de recherche, en matière de critique sociale. Je pense que les gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis un quart de siècle ont montré qu'ils étaient capables d'accorder à l'université une très grande marge de liberté; pas de la lui accorder, de la lui reconnaître. Je pense que ce serait plus exact et je pense que le gouvernement actuel a suffisamment montré, depuis qu'il est au pouvoir, qu'il continue dans cette voie.

L'autre dimension, celle d'imputabilité, est également traitée dans le mémoire, mais sous des aspects qui ne sont pas nécessairement complets. On ne peut pas reconnaître un caractère public à une grande institution comme l'université sans en même temps exiger que la liberté dont s'accompagne son caractère démocratique ou public soit accompagnée, en parallèle, complétée par une dimension d'imputabilité. Il faut qu'on ait des modalités par lesquelles se fera régulièrement une reddition des comptes. Ce point est peut-être traité de manière plus incomplète dans le mémoire que vous présentez, mais c'est un point sur lequel je pense que la société, à mesure qu'elle va raffermir le caractère public de notre système d'enseignement collégial et universitaire, sera appelée à demander des comptes de manière plus complète. Je pense que l'exercice que nous faisons en commission parlementaire est un excellent pas dans cette direction. Nous avions beaucoup insisté, lors d'une expérience précédente, pour que chaque établissement ait la chance de se présenter devant la commission parlementaire. L'expérience que nous faisons cette fois-ci indique que nous avions raison et que c'était très important d'entendre chaque établissement parce que, aussi longtemps qu'on en reste à la contribution des porte- parole généraux qui interviennent au niveau national, c'est très bien, c'est important, mais cela ne peut pas être aussi complet que quand chaque établissement vient avec ses porte-parole régionaux, ses associations de professeurs, d'étudiants, d'hommes d'affaires qui viennent compléter son témoignage. On a vécu des expériences magnifiques de ce côté-là et j'espère que nous pourrons trouver le moyen de continuer cette forme d'expérimentation.

Il y a bien des choses que je voudrais dire sur ces trois aspects, mais je pense en avoir dit assez pour l'instant. Je me rends compte, en lisant votre mémoire, que vous reconnaissez sans ambages l'existence d'un problème aigu de sous-financement dans nos universités québécoises. Vous dites qu'il y a urgence d'agir à ce sujet. Vous mentionnez même que nous aurions atteint un point de crise tel que c'en serait devenu très dangereux. Je crois qu'il y a beaucoup de vrai dans cette affirmation. Il suffit de circuler sur le terrain pour s'en rendre compte et j'apprécie énormément que vous l'ayez dit.

Maintenant, je voudrais en venir à quelques questions que je vais essayer de poser le plus rapidement possible. J'ai trois questions. J'ai un quart d'heure en tout, y compris tout le bavardage auquel je viens de me livrer. Si vous voulez être compréhensif, M. le président de la CEQ, je vais essayer d'être bref dans mes questions.

Premièrement, pour qu'une université soit démocratique, il faut évidemment qu'elle ait des instances décisionnelles qui le soient. Vous dites dans votre mémoire qu'il faut que les conseils d'administration ou que les instances directrices des universités soient composées à la fois de gens de l'intérieur représentant des professeurs, des cadres, des administrateurs, des étudiants, etc., et de représentants, de la communauté socio-économique. Vous n'indiquez pas de proportion. Cela pose des problèmes. Est-ce que je pourrais vous demander où serait la majorité, dans votre esprit? II faut bien établir les choses clairement. Verriez-vous qu'il y ait une majorité d'administrateurs en provenance de l'extérieur ou de l'intérieur? (10 h 45)

M. Charbonneau (Yvon): De l'extérieur.

M. Ryan: De l'extérieur. Cela n'était pas dit clairement dans votre mémoire. J'apprécie beaucoup cette précision.

Deuxièmement, en matière d'imputabilité, la suggestion la plus précise que j'ai trouvée dans votre mémoire consiste à proposer la création d'un mécanisme de coordination qui serait à une certaine distance du gouvernement, qui serait en contact avec les universités, mais vous semblez nous laisser le soin de préciser ce que cela serait. Vous indiquez à un moment

donné que cela pourrait partir de ce que fait actuellement le Conseil des universités. Pourriez-vous nous donner un peu plus de précisions sur ce que pourrait être cette manière de coordonner le travail des universités, de favoriser une concertation plus grande et peut-être de procurer une rationalité plus élevée dans les décisions et les développements que l'on observe au niveau des universités?

M. Charbonneau (Yvon): D'accord. Notre conception là-dessus, d'ailleurs, est reliée à la première question que vous m'avez posée. Ce que nous disons pour la composition des conseils d'université une par une devrait se traduire aussi au niveau de la composition de l'instance de coordination et de gestion de l'ensemble du réseau. Il devrait y avoir là aussi participation mixte de représentants de ceux qui font la communauté universitaire au jour le jour, étudiants et personnel, et aussi une participation extérieure.

Maintenant, pour votre question quant à la coordination, l'organisme en question, on pourrait, si on veut, partir de ce qu'est le Conseil des universités, mais lui donner une vocation plus définitive en matière de planification et de coordination... L'important c'est de concevoir que les universités du Québec, dans leur ensemble, forment un réseau d'établissements complémentaires, de le faire accepter par chaque université sur la base d'un consensus reposant sur l'analyse réelle des besoins de la population du Québec en cette matière et de mettre en place un organisme qui servirait de plaque tournante entre les universités une par une et le ministère de l'Éducation, d'autre part. Plaque tournante qui permettrait d'intégrer les besoins des différentes composantes de la population, des différentes régions et de développer une espèce de schéma de développement, mettant des priorités circonstancielles sur un aspect ou sur l'autre, définissant les normes de rattrapage pour certaines régions, certains enseignements» certains types de recherche. Déjà votre parti avait souligné l'intérêt qu'il y aurait pour chaque université de soumettre à tous les trois ans un plan triennal de développement. Nous disons: II faut aller un peu plus loin. Oui, chaque université, mais dans le cadre d'un plan plus général aussi qui situerait les universités comme complémentaires les unes des autres et non pas comme rivales les unes des autres.

À ce moment, on pourrait dégager d'une telle planification, d'après nous, un certain nombre de sommes qui pourraient être réinvesties du côté du rattrapage en certaines régions et tout le reste. Cette instance de coordination pourrait être un conseil, un office. Cela pourrait être le Conseil des universités restructuré ou remandaté à cette fin, mais il faut qu'à cette instance soient présents aussi les représentants de la communauté universitaire.

M. Ryan: Juste une question sur le financement. Vous dites dans votre mémoire qu'il faut injecter dans le système universitaire une somme plus grande de fonds publics à la fois pour le financement du fonctionnement des universités, pour l'aide financière aux étudiants et pour le développement de la recherche. Je vous signale ceci: Premièrement, d'après les statistiques dont nous disposons, en ce qui touche les subventions proprement dites aux universités, le Québec d'ores et déjà, malgré les problèmes de sous-financement dont nous convenons, se situe au-dessus de la moyenne canadienne, pour les subventions- Deuxièmement, en ce qui touche l'aide à la recherche, le Québec est de toutes les provinces canadiennes celle qui fournit les ressources les plus élevées à l'heure actuelle. Troisièmement, pour l'aide financière aux étudiants, la contribution du Québec est à peu près 70 % supérieure à celle de l'ensemble canadien, à la moyenne des autres provinces canadiennes. C'est pour cela qu'il y en a qui disent: Est-ce qu'on doit envisager d'autres sources de financement? Est-ce qu'on va encore aller chercher directement dans le fonds consolidé du revenu? Je vous pose la question: Nonobstant ces faits que je porte à votre attention, est-ce que vous maintenez inconditionnellement la proposition que je trouve dans votre mémoire de trouver du financement additionnel pour les universités uniquement à même des subventions gouvernementales accrues?

M. Charbonneau (Yvon): Je n'ai pas saisi exactement vos affirmations d'introduction ou bien je lis mal le texte intitulé "Un vigoureux coup de barre s'impose" que vous avez lu à l'ouverture de cette commission parlementaire. Il me semblait que les chiffres que vous avez rendus publics à ce moment indiquaient que le Québec était plutôt derrière l'Ontario pour ce qui est des subventions provinciales par étudiant.

M. Ryan: Oui, c'est en tenant compte des revenus qui viennent des frais de scolarité que j'ai dit cela.

M. Charbonneau (Yvon): Oui.

M, Ryan: Mais si vous ne tenez pas compte de cette source de revenus, les revenus qui proviennent uniquement de subventions gouvernementales situent le Québec en haut de la moyenne canadienne à l'heure actuelle.

M. Charbonneau (Yvon): Bon, si on veut le prendre sous cet angle plus large, disons

le fondement de notre pensée. D'ailleurs dans notre mémoire, c'est clair. Nous pensons que le gel, à ce moment, des frais de scolarité équivaut à un pas de plus vers un horizon "accès gratuit à l'université". Pour nous, c'est dans ce sens qu'on devrait se diriger. C'est pourquoi on pense qu'il n'y a pas lieu d'aller chercher plus d'argent étudiant par étudiant sur la base des frais de scolarité, mais il y a lieu de chercher du côté où il y a de l'argent de disponible, si l'on retouche la structure fiscale et si l'on pense à d'autres formules possibles.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Je reconnais la députée de Chicoutimi, porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et de science. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Charbonneau. Au nom de l'Opposition, je voudrais vous souhaiter la bienvenue, ici, à cette commission parlementaire et vous remercier d'avoir accepté de venir nous faire part de vos réflexions en la matière. De tout temps, je pense bien qu'on reconnaît que votre intérêt pour l'éducation ne s'est jamais démenti et cela s'explique certainement par votre mandat qui touche les enseignants du Québec. Je dois dire que vous êtes parmi les groupes qu'on a rencontrés au Québec, de façon générale, celui qui a le plus longuement réfléchi à toute cette question de la démocratisation de l'éducation au Québec. Pour cette raison, je dois dire que j'apprécie particulièrement votre présence ici. Je dois dire aussi que je me reconnais dans plusieurs de vos recommandations.

Je ne voudrais pas faire un long exposé pour reprendre l'essentiel de ce que vous avez dit. Je préférerais passer immédiatement aux questions, peut-être un peu dans le prolongement de celles que vous posait le ministre concernant le financement et les sources de financement des universités. Vous proposez non pas vraiment une réforme fiscale, mais une fiscalité progressive qui aurait comme effet de hausser la participation des entreprises au financement des universités. S'agit-il des universités de façon générale, de façon plus particulière ou s'agirait-il de hausser simplement le fardeau fiscal des entreprises? Vous vous en prenez également aux effets des abris fiscaux comme mode d'incitation au financement des universités par les entreprises. Voudriez-vous expliciter ce point?

M. Charbonneau (Yvon): Sur un point comme sur l'autre, disons que ce qu'il faut chercher ensemble ce sont des sources de financement qui sont, à notre avis, inexploitées ou insuffisamment mises à contribution. Du côté de la contribution des entreprises à l'ensemble des services publics - disons au budget général du Québec, ici on parle des universités, donc on dit au financement des universités - nous pensons que cette contribution doit être sollicitée à même une révision du régime fiscal. Donc, cela doit être une contribution d'ordre public, puisqu'on sait qu'il y a un mode de financement partiel des universités qui existe dans d'autres provinces ou aux États-Unis, où un certain nombre de grandes entreprises, de grandes corporations déboursent pour telle ou telle université de haut calibre ou de grande renommée. Si cela peut être bon - et encore là on peut en discuter sous certains aspects - parce que cela amène des millions et des millions de dollars pour telle université, qu'en est-il pour celles qui sont à 500 ou à 2000 milles de là, si je parle à l'échelle américaine? Qu'est-ce que cela donne d'avoir un afflux de 50 000 000 $ ou 100 000 OQO $ à l'Université de Montréal pour les gens qui sont à Rouyn, les gens qui sont à Chicoutimi ou les gens qui sont dans d'autres régions du Québec ou même à Québec? Donc, oui, augmentation de l'effort fiscal de la part des entreprises mais dirigée à l'intérieur d'un circuit public de manière qu'on puisse, quelque part, répartir ces sommes de manière équitable et se donner ensemble des normes, des objectifs de rattrapage, en particulier pour certains enseignements, certains champs de recherche ou certaines régions périphériques.

Les abris fiscaux, encore là cela s'inscrit dans notre recherche de zones où il pourrait y avoir de l'argent qui échappe au gouvernement et qui pourrait revenir dans le circuit public moyennant des retouches à certains régimes. Nous ne sommes pas les premiers, et nous ne serons pas les derniers à le dire non plus, il y a eu un essor d'abris fiscaux depuis quelques années; il vient de s'ajouter encore les exemptions à 500 000 $ sur le gain de capital. Déjà des organisations importantes ont fait ressortir devant le premier ministre - nos amis de la CSN pourront revenir là-dessus documents à l'appui, je ne vais pas dérober leurs données, mais cela a été rendu grandement public en avril dernier - que des centaines et des centaines de millions de dollars, et cela n'a pas été contredit par le premier ministre, sont dérivés, sortent du circuit public à travers les abris fiscaux. Des abris fiscaux qui, en plus d'engendrer une certaine forme d'iniquité ou d'être un avantage surtout pour de hauts salariés, sont assez peu efficaces sur le plan économique, dans certains cas. Ils ne signifient absolument rien, dans certains cas, sur le plan économique. Je crois qu'il y a de l'argent là, il y a plusieurs centaines de millions qui sont à la disposition du trésor public si on veut aller les chercher; le cas échéant, ce serait pas mal plus rapide

comme méthode de financement que d'aller chercher cela par le biais de la hausse des frais de scolarité, étudiant par étudiant. Hausser les frais de scolarité de 20 %, par exemple, on dit que cela donnerait 15 000 000 $, alors qu'il ne faudrait pas regarder longtemps du côté des dépenses fiscales obtenues par les abris fiscaux pour aller chercher 15 000 000 $; il faudrait à peine s'entrouvrir le coin d'un oeil.

Mme Blackburn: Mais vous savez que la tendance actuelle n'est précisément pas dans cette direction. Je pense aux deux premières décisions de ce gouvernement qui touchaient à la fois le fardeau fiscal des particuliers et des hauts salariés, en particulier, et la déduction sur les gains en capital qu'on a relevée au niveau de 500 000 $, si je me rappelle bien; c'est plutôt dans l'autre direction qu'on serait en train de s'en aller.

Sur la question des déficits, je dois dire que votre position m'a un peu étonnée. Si vous permettez, je vais essayer de revoir la page, je pense que c'est à la page 51, la recommandation 93. Ce que vous suggérez par rapport à la récupération des déficits, c'est qu'il y ait un budget particulier qui permette aux universités de se donner un plan de résorption des déficits à même une enveloppe qui leur serait consentie. Ce qu'on a beaucoup entendu ici, c'était davantage: en vertu de quoi devrions-nous aider les universités à résorber le déficit? Et en vertu de quel principe pouvaient-elles s'autoriser à avoir des dépassements? Est-ce à l'université à fixer les niveaux des enveloppes ou si c'est à l'État, du moment que c'est l'État qui subventionne à plus de 80 %? C'était à ce propos que les différentes interventions portaient: si les universités ont choisi de faire un déficit, elles vont aussi choisir les moyens de le résorber. La façon de le faire, c'est de redresser la base de financement pour leur permettre d'avoir un financement adéquat, comme quoi les universités n'avaient pas la responsabilité de déterminer le niveau de leurs enveloppes, ce que toutes les universités n'ont pas fait, si on pense, par exemple, à l'Université du Québec à Montréal, à l'Université Laval ici ou aux universités du réseau de l'UQ.

M. Charbonneau (Yvon): Là, on est en plein débat, d'une part, sur l'imputabilité et, d'autre part, sur la nation de réseau d'établissements complémentaires à créer, si on le veut. (11 heures)

Le ministre lui-même a parlé de démocratie à caractère limité pour ce qui est du niveau collégial et du niveau universitaire. Je n'oserai deviner exactement le fond de ce que comprend, dans la pensée du ministre, le terme "limité", mais j'imagine que c'est très limité. Quel est le caractère public ou le caractère de transparence que l'on peut trouver aux administrations universitaires? Ce sont les rapports qu'elles font, et je ne mets en doute aucun des rapports qui est fait ici. Il y a des universités qui vous ont dit: Nous avons tenu la ligne raide, la ligne dure et on est allé au budget, à l'équilibre, en ce qui nous concerne. Elles disent: Avons-nous eu tort? Avons-nous eu raison? On voit que d'autres ont eu des dépassements. Je ne vais pas trancher s'ils ont eu tort ou s'ils ont eu raison. Ils se sont conformés à coups de coupures et à coups de réductions de services aux normes en vigueur. Ils ont peut-être eu aussi certaines formes d'aide circonstancielle dans certains milieux pour arriver à boucler le tout.

Dans d'autres universités où la tradition historique est moindre, où le bassin d'appui au niveau communautaire est plus réduit et où la demande pour l'enseignement sous type de formation continue est très grande, ils ont peut-être été obligés d'aller un peu plus loin.

Alors, si on veut regarder ça en perspective, je pense qu'il faut regarder ça sous forme d'un réseau. On n'arrivera jamais à régler ce problème. On va être encore en train de regarder le même problème dans trois ou cinq ans si le financement n'est pas conçu comme devant être un circuit en réseau des universités. Vous allez toujours en avoir qui se débrouillent plus à cause d'une série de facteurs historiques, conjoncturels ou quoi que ce soit, et d'autres qui font face à des clientèles en croissance, qui ont du rattrapage à faire sur le plan des infrastructures de recherches ou qui ont un développement à effectuer aux 2e et 3e cycles.

On sait ce qui arrive dans nos régions périphériques. On va toujours être pris avec ce problème d'inéquité et d'inégalité de développement, à moins que l'on ne conçoive le financement comme devant être distribué à travers un réseau. À ce moment, si à la direction du réseau il y a un organisme à caractère démocratique, vous aurez toutes les justifications de parler d'imputabilité. Mais tant qu'on ne nourrit pas le cheval, on ne peut pas lui demander de faire des sauts majestueux.

Mme Blackburn: Vous dites, par rapport aux règles d'allocation des ressouces: Qu'on ait un financement conçu selon les besoins et les objectifs clairement identifiés; j'en suis. Mais ce n'était pas vraiment ma question. Les universités plus précisément qui ont choisi d'avoir des dépassements, ce ne sont pas les universités en régions. Ce sont les universités Concordia, McGill, de Sherbrooke et l'Université de Montréal. Les universités du Québec se sont conformées au budget qui leur était donné, quitte à avoir ce qu'on a

considéré comme un sous-développement dans certains secteurs d'activités, particulièrement aux 2e et 3e cycles.

Donc, la question qui se posait ici et sur laquelle les gens estimaient qu'on devait être vigilant par rapport aux modes de résorption des déficits, c'est: Est-ce qu'il serait équitable de récompenser ceux qui ont des dépassements?

M. Charbonneau (Yvon): Il y a deux formes de déficits. Il y a le déficit budgétaire et le déficit dans les services. Je comprends qu'il y en a qui, pour assurer de meilleurs services, ont fait un déficit budgétaire et il y en a d'autres qui, pour éviter de faire un déficit budgétaire, ont organisé des services déficitaires dans leur région.

Donc, je crois qu'il y a lieu de regarder les deux données. Encore une fois, ça me ramène à la notion de réseau. On ne s'en sortira pas. Il y aura toujours des gens qui vont essayer de se débrouiller d'une manière ou de l'autre, soit en allant du côté du déficit, soit en pénalisant les populations environnantes.

Également, à travers l'effort de planification et de coordination, on pourrait en arriver à avoir des données comptables comparables d'une université à l'autre. Je ne sais pas si les budgets sont toujours vraiment comparables, sujet par sujet. Je crois qu'il faudrait regarder cela. Alors, c'est dans un effort d'intégration des établissements qu'on pourra arriver à répondre à ces questions.

Je ne veux pas donner de prime à ceux qui ont dépassé leur budget, mais le gouvernement a à juger s'ils l'ont fait pour des raisons futiles ou s'ils l'ont fait pour répondre à de véritables besoins. S'il y a une mesure d'équité à apporter à ce moment, qu'elle soit apportée. Je ne suis pas en mesure d'aller plus loin là-dessus.

Mme Blackburn: Sur la question de la fiscalité, vous dites: II faudra continuer, plutôt que de parler d'abris fiscaux, à aller dans le sens de la fiscalité progressive. Dans ce sens, j'aimerais avoir vos commentaires ou vos réactions à la proposition qui est venue des jeunes de la Commission Jeunesse du Parti québécois, qui a indiqué que plutôt que d'avoir des frais de scolarité que vous avez à payer au moment où vous fréquentez l'université, il serait plus équitable et plus juste qu'on ait un impôt études de 1,5 % du revenu qui serait payé une fois que vous êtes sur le marché du travail.

M. Charbonneau (Yvon); Nous n'avons pas fait un débat en profondeur sur cette formule actuellement. Nous avons voulu attirer l'attention, d'abord, du côté d'une réforme fiscale qui répartirait mieux l'effort des différentes catégories et qui verrait à mettre davantage à contribution, sous le mode public, le secteur privé. Au moyen d'une réforme fiscale, une mesure comme celle dont vous parlez pourrait être l'objet de discussions parce qu'au fond c'est une mesure d'ordre fiscal particulière qui peut prendre un sens plus ou moins intéressant à l'intérieur d'une réforme fiscale d'ensemble. C'est un fait qu'on pourrait envisager le revenu que pourra gagner tel étudiant lorsqu'il sera gradué. On sait qu'il y a une très grande disparité de revenu entre les champs d'activité de personnes qui peuvent détenir une maîtrise ou un doctorat, une très grande disparité qui peut être d'un rapport de un à cinq parfois. Eh bien, qu'on regarde cet aspect à l'intérieur d'une réforme fiscale d'ensemble, nous sommes prêts à faire ce débat en temps opportun.

Mme Blackburn: Une dernière question sur la réforme du régime d'aide financière aux étudiants. Vous proposez l'équivalent d'un revenu - c'est en page 40, si je me rappelle - annuel garanti. Avez-vous estimé les coûts d'une proposition de cette nature?

M. Charbonneau (Yvon): Pour mieux situer le caractère global de cette mesure, je vais demander à notre conseiller, Richard Langlois, de répondre.

M. Langlois (Richard): Oui, nous n'avons pas fait d'estimation précise d'un tel programme, mais il s'agirait d'un revenu minimum garanti pour l'ensemble de la population, étant entendu que les étudiants et les étudiantes adultes pourraient être bénéficiaires d'un tel programme de transfert. II faudrait voir, pour l'ensemble, ce que cela peut coûter en incluant une participation possible du gouvernement fédéral, un peu dans les hypothèses qui sont soulevées tant au fédéral qu'au provincial sur un régime universel de sécurité du revenu. C'est dans cette optique qu'on voyait cela, mais en le rendant accessible aux étudiants et aux étudiantes pour régler ce problème qui est très aigu.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Langlois. Je reconnais maintenant le député de Charlevoix.

M. Bradet: Merci, le Président. M. le ministre, messieurs et mesdames de la CEQ, c'est avec un extrême plaisir, un double plaisir, ce matin que nous recevons la CEQ. Double plaisir parce que, d'abord, depuis tout près de trois semaines, le sang enseignant qui coule dans nos veines fait qu'on écoute avec intérêt chacun des intervenants qui nous parle de qualité d'enseignement, de choses désuètes qui se passent un peu partout et de financement. Bien sûr, j'avais hâte, je ne le vous cache pas, de rencontrer la CEQ.

Deuxièmement, comme ex-enseignant pendant dix-huit ans, je dois vous dire qu'il y a encore du sang d'enseignant et il y en aura toujours qui coulera dans mes veines.

J'ai même reconnu, à ta lecture de votre mémoire, la CEQ directement, sans le regarder du début, quand j'ai vu le nombre de recommandations alors que la plupart des intervenants y allaient de deux, trois, quatre, parfois dix. Quand j'en ai vu 58, je me suis senti chez moi et c'est tout à votre honneur.

J'aimerais attirer l'attention, étant donné que je suis d'une région qui est un trait d'union, ce qui cause un peu de problèmes, étant trop près des grands centres et trop loin des régions, sur la recommandation 40, à la page 91. Vous dites: "Que l'implantation du réseau universitaire dans toutes les régions du Québec et le développement des services universitaires dans les régions périphériques soient réaffirmés comme des priorités...". Ma question est la suivante: Pourriez-vous nous dire, dans votre esprit, comment on peut implanter et développer cela en régions prioritairement et de façon toute particulière? Peut-être un deuxième volet: Croyez-vous que le modèle universitaire en régions doit s'apparenter à celui implanté dans les grands centres?

M. Charbonneau (Yvon): Je crois que nous avons ici, dans notre délégation, au moins deux personnes qui proviennent d'une région éloignée des grands centres, l'Abitibi-Témiscamingue. Il me semble que ce serait une belle occasion pour ces personnes de donner un témoignage de ce que sont les difficultés d'accès à l'université, des problèmes qui se posent dans certaines régions. Mme Bédard.

Mme Bédard (Louise): Merci. J'ai l'impression que, dans les universités périphériques des grands centres - quand on parle de périphérie, je pense qu'on se réfère aux endroits à l'extérieur de Montréal et de Québec - on doit donner un apport particulier aux universités. On ne peut pas s'attendre à donner la même forme d'enseignement que dans les très grosses universités. II faut penser plus à des universités qui ont une gestion souple, qui sont capables de se déplacer, où on est capable de rejoindre les étudiants chez eux plutôt que s'attendre que les étudiants viennent chez nous. Cela veut dire de prévoir - ce sont des choses qui doivent être retenues quand on parle d'universités en régions périphériques - dans le financement même des universités une assiette budgétaire qui permette de prévoir ces déplacements, que ce soit plutôt l'université qui se déplace vers ses étudiants que l'inverse. Je pense qu'on doit faire attention aussi: lorsqu'on parle d'une université périphérique, on s'adresse beaucoup à une population adulte. On va vers les gens qui ont déjà un emploi. C'est plus une formation continue. On donne beaucoup - j'ai l'impression que c'est un peu partout au Québec - une présence forte auprès de la population adulte de rattrapage et de perfectionnement en cours d'emploi. C'est en même temps ce qui assure le développement de nos régions. Enlever la présence des universités dans les régions, cela veut dire tranquillement la mort des régions. C'est l'université qui permet aux gens en poste de direction partout de maintenir la qualité de la présence de direction, autant chez les enseignants que chez les cadres des différentes entreprises. Du fait que l'université peut être présente chez eux, ils peuvent continuer le développement. Les populations adultes des régions éloignées ne peuvent pas s'absenter un an, deux ans, trois ans pour aller compléter une maîtrise ou un doctorat; c'est impensable.

La recommandation qui serait vraiment à retenir serait de prévoir dans les mesures budgétaires un financement relié à la dispersion, c'est-à-dire d'être capable d'aller partout sur le territoire et d'avoir aussi des points de services, des lieux où les étudiants peuvent aller, dans les villes importantes, des endroits où il peut y avoir des agents de liaison avec l'université, un point de chute de l'université où les gens peuvent aller s'inscrire, suivre leur chemine- ment, être initiés à l'université, à la maison mère qui est dans les centres plus impartants. D'autre part, dans l'assiette budgétaire, qu'on prévoie aussi ce qu'on peut appeler le coût de l'éloignement qui fasse que toutes les réunions importantes de gestion, de coordination de programmes, les rencontres de direction, les rencontres de coordination, de présence aux différentes instances puissent être financées. Ce n'est certainement pas dans votre région ou chez nous, en Abitibi, que les instances provinciales se tiennent. Et même pour le perfectionnement des professionnels, des professeurs et des chargés de cours, etc., les déplacements représentent beaucoup de dépenses, en temps et en argent, pour les gens qui travaillent à l'université, pour qu'ils restent à jour avec ce qui se passe ailleurs, les centres de décision, les centres de coordination qui sont plus dans les grands centres, Montréal et Québec.

Il faudrait vraiment voir ce qu'il est possible de faire au gouvernement, de prévoir une partie du financement qui permettrait aux universités d'aller dans tes sous-centres des régions et aussi de venir aux instances de coordination à tous les niveaux.

M. Charbonneau (Yvon): Cela peut se traduire concrètement en regardant notre recommandation 24, en plus de la

recommandation 40, où on souhaite que les étudiants de toutes les régions "puissent bénéficier de services universitaires comparables, notamment de ceux qui sont dispensés par les personnels professionnel et de soutien (consultations, secrétariat, fournitures, bibliothèques, laboratoires, audiovisuel). Il y a des données qui sont bien connues qui étayent ce grand besoin pour l'ensemble des universités québécoises, mais encore davantage pour les universités de développement jeune.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Bédard. Merci, M. le président. J'entends parler de la région de l'Abitibi-Témiscamingue depuis tout à l'heure et je profite de l'occasion pour vous dire l'intérêt du député d'Abitibi-Ouest qui aurait aimé être avec nous ce matin, notre collègue, l'ex-ministre de l'Éducation, qui est retenu dans son comté, malheureusement, pour cause de décès. J'informe aussi les membres de cette commission qu'au nom de la commission, je fais parvenir l'expression de nos condoléances à la famille de notre collègue, le député d'Abitibi-Ouest. Je reconnais maintenant le député de Joliette. (11 h 15)

M. Chevrette: Merci, M. le- Président. Tout d'abord, je voudrais me réjouir du fait qu'il y a une discussion assez large, pas exclusivement restreinte* au financement. Le financement est venu pratiquement du résultat d'engagements politiques, je dirais même électoraux. Quand on s'est mis à parler de financement, c'est au moment où on cherchait de gros sous pour boucler au niveau des universités. Chaque parti politique se faisait aller en campagne électorale - on faisait partie de cela - en disant: II n'y aura pas d'augmentation des frais de scolarité. Immédiatement à la reprise, lors d'une minisession, il y a eu confirmation qu'il n'y aurait pas d'augmentation des frais de scolarité. Tout cela a au moins débouché sur une discussion assez large. Je comprends que les jeunes doivent être dans l'attente du respect des engagements électoraux maintenant.

Mais l'occasion que nous fournit le ministre de l'Éducation, cependant, de discuter plus largement me réjouit parce qu'il y a des concepts qui sont débattus et qui m'intéressent drôlement, en particulier la notion de liberté aux universités par rapport à une certaine forme de contingentement. Pour avoir été ministre de la Santé, je pense, entre autres, à la formation des étudiants en médecine. On dit qu'il y a trop de médecins au Québec, mais, par contre, les universités voudraient voir élargir le nombre de sièges possibles pour former des médecins. Tout cela est lié au fait qu'on ne contrôle pas le nombre qui entre ou le nombre d'actes que font un certain nombre de médecins. Tu te ramasses en disant: Pouvons-nous aller vers une forme de décontingentement "at large" si on n'est pas capables d'assurer une répartition équitable des ressources médicales sur ce même territoire québécois?

Cela fait allusion un peu à ce que madame disait tantôt. On n'est pas traité équitabiement et c'est drôlement vrai. Comment peut-on contrer cette liberté totale donnée à l'université et s'assurer en même temps que le résultat de la formation... Si vous demandez la gratuité totale, ce avec quoi je suis d'accord en principe, il faut être capable de donner des services de qualité comparable dans les régions. Si tu es en Gaspésie, tu es en droit d'avoir un anesthésiste autant qu'un radiologiste ou qu'un cardiologue. Pourtant, on sait très bien que la répartition des effectifs ne se fait pas de cette façon-là.

Ne trouvez-vous pas qu'il y a une contradiction apparente entre la notion de liberté totale de formation par rapport au résultat concret qui crée une disparité très grande pour ces contribuables qui sont pourtant sur un pied d'égalité?

La deuxième dimension est celle-ci: Vous parlez de permanence. Vous reliez sans doute cela aux relations du travail; c'est tout à fait normal, quand tu donnes accès à la syndicalisation, que tu reconnaisses la permanence. Je ne me souviens malheureusement pas quel groupe, mais des jeunes s'en sont pris fortement à la notion de permanence en ce qui regarde les universités sous prétexte que ce n'était pas relié à la motivation au travail. Vous en parlez précisément à la page 45 de votre texte. J'aimerais vous entendre sur ces deux points-là. Malheureusement, on n'a pas le temps nécessaire, mais on pourrait reprendre ce genre de discussion dans d'autres types de rencontres.

M. Charbonneau (Yvon): L'intéressant débat liberté et contingentement, n'est-ce pas? On ne réglera jamais ce problème coup par coup, université par université, corporation professionnelle par corporation professionnelle. Voilà ce que nous avons voulu au moins signifier. On n'a pas parlé pendant 20 pages sur cette question, mais on a souligné le désavantage que pouvait apporter la planification universitaire établissement par établissement, laquelle se fait sous les représentations des organismes les plus influents auprès de l'université actuellement: le monde de l'entreprise et le monde des corporations professionnelles.

Si la planification - la définition des besoins - se faisait par des organismes plus ouverts, plus larges, plus démocratiques, à ce moment-là je crois que le plan qui émanerait de ces discussions pourrait comporter quelques mesures d'incitation à du service en

régions, en corollaire avec une libéralisation du côté des frais de scolarité, du côté des mesures d'accessibilité, etc. On pourrait faire un équilibre là-dedans si le tout était soumis à une discussion publique et dans une vision d'ensemble.

On ne dit pas qu'il faut produire trois fois plus de tels professionnels que le besoin, mais qui évalue le besoin actuellement et pour quelle fin fait-on du contingentement dans certaines professions? Je ne veux pas trop ouvrir ce débat, mais il y a des organismes plus compétents que le nôtre qui ont, quand même, affirmé, à un moment donné, que les mesures de contingentement étaient surtout aussi des mesures de protection du revenu pour certaines professions.

Tant que cela n'est pas soumis au jugement public, démocratique, nous disons: Attention au contingentement. Cela peut empêcher certains jeunes d'avoir accès à des professions où ils seraient excellents. Regardons le tout dans un ensemble et, à ce moment, ce sont des débats qui peuvent se faire.

Le deuxième aspect se trouve couvert par le premier. J'arrive toujours à cette nécessité d'avoir un plan de développement démocratiquement élaboré qui pourra comprendre ces contraintes. Dans un plan -qui dit plan dit choix - ce qu'on choisit laisse un peu dans l'ombre pour un certain temps ce qu'on ne met pas au rang des priorités, bien sûr. C'est là le propre d'un plan, mais au moins, à ce moment, cela fait l'objet d'un consensus général. Tout le monde est au courant et tout le monde a pu participer au débat. C'est pour cela que, tout à l'heure, j'insistais quand M. le ministre a posé la question d'imputabilité. Je pense bien que, dans son concept, l'imputabilité n'est pas seulement au plan financier. C'est aussi au plan de la qualité du produit, de la qualité du service. Imputa-bilité, oui, à condition d'être partie prenante au débat qui mène aux décisions, aux orientations, au plan. Oui, nous ferons ce débat.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va? Alors, je reconnais maintenant le député de Rousseau.

M. Chevrette: Excusez-moi. La permanence des profs?

M. Charbonneau (Yvon): Les profs. Je pense que la question est traitée parfois par des organisations d'étudiants. Il y en a qui, à l'intérieur du monde étudiant, parlent pour, d'autres qui parlent contre. Je pense que la permanence, comme le disait hier le ministre Gil Rémillard, au niveau de l'université signifie en général une plus grande autonomie professionnelle, aller plus loin dans sa pensée, plus loin dans ses recherches et, finalement, faire un enseignement de meilleure qualité et également être vraiment ce qu'est l'université, un lieu de développement autonome, un développement qui passe parfois par la critique des pouvoirs et tout le reste, pouvoir à l'université, pouvoir en général, pouvoir économique.

Si les universitaires n'ont jamais accès à la permanence ou si on réduisait ces mesures, on aurait peut-être des esclaves du pouvoir, des gens qui servent les courants dominants, qui renforcent ce qui a l'air d'être la parole du plus important à tel moment donné par leur recherche, par leur enseignement. On ne veut pas des universités comme cela. On veut des universités où les gens qui y travaillent sont libres de le faire selon leur conscience professionnelle.

Mme Bédard: Est-ce que je pourrais rajouter quelque chose? C'est que, dans les universités, je pense qu'il faut être conscient qu'il y a autour, grosso modo, de 50 % de l'enseignement qui est quand même donné par des gens qui ne sont pas permanents. Je pense que le problème est plutôt l'inverse. C'est que, dans les universités, on voudrait plutôt se pencher sur la non-permanence des gens qui donnent l'enseignement et aussi qui assurent le suivi au niveau des recherches.

Parce qu'il y a aussi, attenant à chaque recherche, toute la catégorie • des professionnels et du personnel de soutien qui sont souvent juste ce qu'on appelle sous octroi ou qui arrivent dans le décor parce que la recherche est octroyée pour six mois, pour un an, pour deux ans. Alors, ces gens restent toujours comme greffés à un projet, mais ils ne sont pas dans l'université même. Alors, on peut dire qu'il y a presque la moitié du personnel de l'université qui n'est pas permanente, qui n'est pas greffée dans les structures de décisions habituelles de l'université, qui est comme en satellite des départements, des facultés, des modules, des corps de recherche, sur qui on n'a pas de prise et qui n'a pas de prise, non plus, sur le devenir des universités.

C'est cela qui est grave plutôt que la question de la permanence qui existe dans les universités. S'il y a un endroit où il n'y a pas de permanence, c'est bien dans les universités, somme toute.

M. Charbonneau (Yvon): Et le problème s'aggrave. C'est un problème au niveau des chargés de cours. C'est un problème aussi chez le personnel professionnel, le personnel de recherche et le personnel de soutien.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais maintenant M. le député de Rousseau.

M. Thérien: Merci, M. le Président. M.

le ministre, MM. les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec, moi aussi, c'est avec fierté que j'aimerais échanger certains propos avec vous, surtout me considérant comme enseignant, bénéficiaire d'un congé sans traitement qui a été longuement défendu, comme plusieurs autres collègues d'ailleurs. Comme mon collègue de Charlevoix, bien entendu, voyant 58 recommandations, je me retrouvais presque dans une journée pédagogique ou dans plusieurs, vu le nombre. Je vais surtout m'attarder à la recommandation 6 sur laquelle je vous demanderais quelques éclaircissements. Vous désirez donc que le gouvernement adopte "une loi sur les universités établissant un seul réseau public d'enseignement universitaire". Je n'ai pas à vous dire, M. Charbonneau, que cette perspective n'a pas été soulevée beaucoup à l'intérieur des débats ici. Jusqu'à présent, on se rend compte que cela va un peu à l'encontre de la vision autonomiste que toutes les universités semblent vouloir acquérir de plus en plus.

Ne croyez-vous pas que cela risque de desservir d'autres intérêts? Les services à la collectivité ne sont-ils pas fonction des initiatives propres à chaque université? D'où vient le besoin d'une loi, ici, sanctionnée par le Parlement?

M. Charbonneau (Yvon): Nous proposons une conception certainement tout à fait nouvelle du rapport entre les universités. Actuellement, il existe un certain nombre d'universités qu'on appelle les universités à caractère privé, chacune ayant son histoire. Il existe l'Université du Québec qui, elle, est d'ordre public et reconnue comme telle. Ce que nous proposons ici, c'est de concevoir le tout comme un seul réseau d'enseignement universitaire. Nous pensons que la manière d'exprimer cette reconnaissance, c'est en adoptant une loi de l'enseignement universitaire dans laquelle on situerait les responsabilités de chaque université, parce qu'il est vrai qu'elles ont des responsabilités spécifiques et nous sommes tout à fait d'accord à les reconnaître et à les développer, mais en même temps une loi qui définirait certaines exigences du côté de la coordination, de la concertation, de la planification et de l'imputabilité.

Tant qu'on n'aura pas cet instrument, comment allons-nous essayer d'exercer des contrôles de coûts, de qualité et de développement? C'est impossible. On n'a pas de prise là-dessus, personne. Sauf votre respect, même les membres de l'Assemblée nationale n'ont pas une prise directe là-dessus, mais une prise très indirecte. Pourtant, ce sont des centaines de millions de dollars des finances publiques qui sont dirigés dans ce circuit. Pour augmenter votre emprise et l'emprise démocratique au sens large sur ces millions, sur ces investissements, je crois qu'il faut un outil. Nous vous proposons de vous donner un outil et de le donner au Québec aussi.

La planification dont nous parlons n'élimine pas, prévoit la mise en place d'une instance intermédiaire, plaque tournante entre l'État et le ministère qui le représente, le ministère de l'Éducation, et les universités une par une. Une instance entre les deux qui aura cette tâche, parce que nous reconnaissons la question de l'autonomie, mais une autonomie pour faire quoi? C'est la question qui doit suivre immédiatement. On n'est pas autonome comme cela. On est autonome . avec des fonctions, surtout quand on dépend des finances publiques. On est autonome pour faire des choses, pour faire du développement équitable, etc. Il faut que le législateur donne à la population québécoise des instruments de vérification et de contrôle de cette autonomie et des finalités de cette autonomie, ce qui n'existe pas suffisamment actuellement. Voilà le sens de notre recommandation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnaîtrai deux courtes interventions de la part de la députée de Chicoutimi et du député d'Arthabaska. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci. Il resterait sans doute plusieurs autres questions, mais en voici quand même une brève sur le recours à des entreprises internes pour réaliser les travaux. La position qu'on a entendue le plus fréquemment ici et particulièrement de la part des étudiants, c'était de dire justement: On devrait avoir recours davantage au faire-faire parce que cela coûte moins cher. Ils citaient des services comme les services de la cafétéria, les services de photocopie, un certain nombre de services de cette nature qui, selon eux, faisaient des déficits lorsque c'était géré par l'interne et pouvaient connaître des surplus lorsque c'était géré, par exemple, par une coopérative étudiante. Pour vous rafraîchir la mémoire, c'est en page 47 de votre mémoire.

M. Charbonneau (Yvon): Oui, c'est toute la question de la sous-traitance et du recours à du personnel autre que le personnel de base de l'université. Je pense bien que, s'il y a un incendie dans une université, vous avez le droit d'appeler les pompiers sans qu'ils soient employés de l'université. (11 h 30)

Autrement dit, sous cette image, je veux faire comprendre qu'il peut y avoir des services très spécialisés et très ponctuels qui soient donnés à partir de l'extérieur. Nous pensons que ce n'est pas un mode à généraliser à tout bout de champ et c'est

cela, la tendance actuellement: découper ce qui existe déjà et essayer de le refiler par morceaux à toutes sortes d'entreprises. L'imputabilité et les contrôles, on les perd, à ce moment, à travers tout ce processus. Il y a des personnels dont la précarité a été soulignée par ma collègue ici, mais il y a des personnels constitués. On dit: N'allons pas du côté d'un développement qui consisterait à laminer ces services et ces personnels et à les disperser; au contraire, essayons de les consolider et, s'il reste quelques services très spécialisés ou très ponctuels pour lesquels il faut recourir à des contrats extérieurs, ma foi, c'est admis même au niveau du gouvernement qu'un pourcentage de travail se fasse comme cela pourvu que ce ne soit pas exagéré et que cela n'aille pas en s'amplifiant! Nous disons à peu près la même approche ici: Que ce ne soit pas une politique de développement du faire-faire, que ce soit d'abord une priorité à la consolidation des services qui sont déjà offerts et disponibles, quitte à les améliorer par les personnels en place.

Mme Bédard: J'aimerais juste rajouter que dans les universités, comme c'est géré là, c'est beaucoup, quand même, décentralisé dans chacun des services. Je pense qu'on peut plutôt voir que, si l'on donne en concession d'autres services, cela va effectivement coûter plus cher. Si les services étaient trop donnés en concession dans les cafétérias - c'est pareil dans les services de photocopie, etc. - il y a des étudiants à ce moment qui se plaindraient que la nourriture est plus chère. Si l'on se met vraiment à traiter les concessionnaires comme des concessionnaires et à exiger d'eux le loyer et tout cela, les étudiants vont être perdants dans cela.

Mme Blackburn: Écoutez, c'est précisément l'inverse que les étudiants sont venus nous démontrer. Il y a une chose que je voudrais juste essayer de comprendre dans cela et je voudrais voir votre position. Généralement, plus on va avoir recours au faire-faire, plus cela a des effets réels sur les salaires qui sont payés à ceux qui offrent le service. Je pense bien que c'est assez clair. Que ce soit dans les universités, que ce soit ici à l'Assemblée nationale, on n'a qu'à regarder ce qui se passe avec le service de l'entretien ici pour conclure rapidement que ceux qui sont embauchés pour faire l'entretien et qui viennent d'entreprises à l'extérieur, finalement, sont payés au salaire minimum.

Mais, au-delà de cela, la question qui se pose dans les universités et la question que posent les étudiants, c'est la suivante: Est-ce qu'une université a comme responsabilité ou comme tâche de gérer un certain nombre de services dont, en particulier, le service alimentaire? Dans la mesure où cela peut se faire faire à l'extérieur, pourquoi ne devrions-nous pas le faire faire? Ma question serait donc la suivante: Au-delà de la consolidation des effectifs qui sont déjà dans la boîte, est-ce qu'il y a des services pour lesquels on estime qu'il est indispensable qu'ils soient faits par un personnel plus permanent et plus stable à l'intérieur de la boîte - on doit penser certainement aux professeurs - et d'autres services, par ailleurs, qu'on pourrait plus facilement voir assurés par le biais de la sous-traitance?

M. Charbonneau (Yvon): On n'a pas ventilé ici d'une manière très précise toute la gamme des services qui doivent être rendus par l'université ou qui pourraient être donnés à contrat. Je dirai que d'une manière générale les services qui se rapportent à la mission de base de l'université (enseignement, recherche et services à la collectivité) me semblent d'abord de l'ordre de l'indiscutable. Du côté des services administratifs et de soutien, il me semble qu'il y a une possibilité de faire donner ces services par du personnel administratif, du personnel ouvrier et du personnel technique tel que cela existe actuellement. Il faut veiller à accorder à ces gens des conditions de travail - vous y avez fait référence - normales pour ce qui se donne dans un service public. Nous soutenons qu'il n'y a pas que les conditions de travail qui sont en cause même si c'est un volet qu'il faut souligner et je le fais avec vous; il y a aussi, je dirai, les conditions en termes de continuité et de qualité du service à travers les années. Nous pensons à la constitution d'équipes permanentes dans le plus de services possible.

Quant aux étudiants, il faut voir quelles organisations parlent. Il y a des points de vue différents selon les organisations d'étudiants qui se présentent devant vous sur ces questions. Alors, je ne vais pas faire de discussion très poussée par personne interposée avec les étudiants. Nous avons, nous aussi, nos rencontres bilatérales avec certaines organisations. Nous savons qu'il y a moyen de s'entendre là-dessus avec certaines organisations qui ont une certaine approche de la question. Il me semble que cela fait un peu le tour de la question.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président. Je reconnais, comme dernier intervenant, le député d'Arthabaska. M. le député.

M. Gardner: Merci, M. le Président. Je dois vous dire que je suis content, moi aussi, de...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous êtes un ancien enseignant, vous, je gage.

M. Gardner: Oui, M. le Président. Et je suis pris entre un député qui a du sang d'enseignant...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Du sang bleu.

M. Gardner: ...et un autre qui est en congé sans solde; la Croix-Rouge a besoin de bon sang. Sur le congé sans solde, si vous me permettez une petite parenthèse, M. le Président - il me reste encore quelques minutes - j'ai compris facilement le "sans solde", mais je n'ai jamais compris le "congé" depuis que je suis ici.

M. le Président, plus sérieusement, j'ai une question qui a rapport aux résolutions 27, 28, 30 et 31. Ce sont là des résolutions qui, à mon avis, ont des incidences financières assez fortes, si on prend la résolution 27, le maintien du gel des frais de scolarité, la gratuité scolaire à tous les niveaux; si on prend la résolution 28, "que la politique en regard des frais de scolarité pour les personnes qui ne sont pas domiciliées au Québec soit révisée" et, surtout, qu'on aide les pays en voie de développement. La résolution 30 va un peu plus loin: Que la part attribuée en bourses soit augmentée, que le calcul des allocations de subsistance soit pleinement indexé" et basé sur le salaire net effectivement gagné. Si on va à la résolution 31, c'est le statut d'autonomie. Je dois vous avouer que cela a des incidences assez fortes. Depuis quelque temps, même les syndicats ne rêvent plus en couleur, vous le savez, surtout dans la négociation actuelle. Avez-vous évalué le coût de ces quatre résolutions? Et, si oui, à combien?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Bonne question!

M. Charbonneau (Yvon): C'est une question à laquelle on pourrait trouver une réponse si on se mettait à calculer, vous et moi, dans un comité technique; on pourrait trouver une réponse à ces questions-là. Oui, il y a peut-être des coûts, mais on veut que les jeunes aillent à l'université ou on ne veut pas. Quand on dit, à la résolution 30, que les allocations de subsistance soient indexées, il y a des gens qui habitent dans la région de Montréal et qui peuvent se rendre à l'université chaque jour, à Laval, etc., dans les régions, mais, pour les autres, les frais de subsistance, c'est important. C'est même plus lourd que les frais de scolarité, et de beaucoup. Si on les attrape par ce biais, parce qu'ils sont dans des régions éloignées des universités, il y a un problème là. Il y a un problème pour les gens de Victoriaville, il y a un problème pour les gens de Mont-Laurier, il y a un problème pour les gens de La Sarre, il y a un problème pour les gens de beaucoup de régions dans le Québec, n'est-ce pas? C'est pour cela qu'on le souligne ici, c'est toujours sous l'objectif d'accessibilité et d'équité.

On dit, à la résolution 28, de faire un effort pour ce qui est des personnes domiciliées hors Québec, etc., les échanges avec les pays francophones, les pays en voie de développement. Le Québec ayant une juridiction limitée au plan international ne peut pas se livrer à de grands programmes de coopération et d'aide internationale, mais cela ne veut pas dire que nous n'avons pas un certain devoir envers ce volet-là de l'activité. Je crois que ceci est une mesure, parmi d'autres, qui peut signifier quelques millions ou quelques dizaines de millions, je ne sais pas, cela n'est pas très substantiel, mais ce serait une action en matière de coopération internationale dirigée aux bons endroits. Je crois donc que ce serait accepté par l'opinion québécoise, si c'était expliqué sous cet angle-là.

La recommandation 27: maintenir le gel; on en a parlé un peu tout à l'heure. Certains ont estimé que, si on augmentait les frais de scolarité de 20 %, cela voudrait dire 15 000 000 $. On peut savoir ce que cela veut dire si vous les doubliez. Qu'est-ce que cela donnerait, finalement? Cela donnerait quelques dizaines de millions de dollars, mais, immédiatement, vous avez dit: II faudrait retoucher le système de la proportion entre bourses et prêts. Donc, vous êtes déjà prêts à regarder l'affaire sous l'autre angle. Finalement, tout cela doit être regardé dans un cadre beaucoup plus large, tel que nous l'avons suggéré, pour aller chercher de l'argent là où il s'en cache. Il ne s'en cache pas beaucoup dans les poches des étudiants, à ma connaissance. J'ai trois étudiants à l'université, je les ai vérifiés hier soir et ils étaient en demande.

M. Gardner: Remarquez que je n'ai rien contre ces résolutions; on pourra même les étudier dans un comité restreint si le ministre nous le permet, je pense bien. Mais la résolution 31 va encore plus loin et vous n'en avez pas parlé.

M. Charbonneau (Yvon): Le statut d'autonomie?

M. Gardner: Le statut d'autonomie envers la famille.

M. Charbonneau (Yvon): Les jeunes d'âge à fréquenter les universités ont, comme règle générale, sans exception, dû fréquenter le cégep. Il y a environ une cinquantaine d'établissements de type collégial au Québec, en gros. Déjà, pour une bonne partie des jeunes qui vont au collège, il y a un besoin de quitter leur domicile à l'âge de seize, dix-sept ou dix-huit ans. Il

faut partir de Mont-Laurier et se rendre à Hull, à Saint-Jérôme, à Sainte-Thérèse. Il faut partir de plusieurs endroits. Cela existe déjà pour une grande proportion des 130 000 élèves qui sont au cégep»

Donc, l'autonomie s'acquiert à travers l'enseignement collégial. Quand il s'agit d'aller ensuite dans les universités, il y encore toute une migration de population, pour se rapprocher des centres universitaires, additionnelle à l'étape qu'on a déjà entrevue au niveau collégial; ce qui fait qu'avec le mode de développement social que l'on connaît, d'organisation du réseau éducatif que l'on connaît, il faut faire face à cette réalité que les jeunes sont appelés à se couper de leur milieu familial plus tôt que dans le passé, lorsqu'on avait un collège classique à portée de la main dans plusieurs petites localités qui n'ont plus aujourd'hui accès à l'enseignement collégial.

D'autre part, il faut tenir compte de la réalité des familles, du tissu familial et social que nous connaissons actuellement. Il y a beaucoup de jeunes qui sont appelés à "s'autonomiser" très tôt. Il faut tenir compte de ce phénomène, je crois, et évaluer leur situation comme telle.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président. J'invite maintenant la députée de Chicoutimi à conclure au nom de sa formation politique.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, mesdames et messieurs, je dois dire que votre mémoire nous interpelle beaucoup. En particulier, le souci que vous avez eu d'élargir le débat, pour dépasser largement la question du financement exclusivement m'apparaît fort pertinent.

Je déplorais, à l'ouverture de cette commission, que l'accent ait été mis presque exclusivement, du moins sur le plan de l'information, sur le financement des universités. Parler du financement des universités sans avoir, au départ, revu nos objectifs, nos priorités, sans nous être clairement prononcés sur les règles d'accessibilité, les objectifs d'accessibilité, de scolarisation au Québec, m'amenait à m'interroger beaucoup sur les objectifs finals de la démarche.

Définir un niveau d'enveloppe pertinent pour réaliser un objectif sans connaître l'objectif, c'est un peu comme aller faire son épicerie sans savoir combien vous aurez d'invités à table. Il me semble qu'on prend le débat à l'envers.

Par rapport aux questions que vous posez, plusieurs restent sans réponses. Vous interpellez le ministre de l'Éducation, lui demandant d'exiger que les transferts de fonds fédéraux destinés à l'enseignement supérieur et à la recherche soient inconditionnels, c'est-à-dire qu'ils n'aient pas comme effet d'orienter l'enseignement supérieur au Québec. On ne connaît pas, de façon officielle, la position du ministre là-dessus.

Sur une autre question également, vous réclamez comme étant source de qualité de l'enseignement l'accès à des manuels de langue française ou à des ouvrages scientifiques de langue française. J'aimerais vous dire qu'il y avait un petit programme d'aide à l'édition scientifique en français qui était géré par le FCAR et qui a été aboli, qui est réduit à zéro cette année. II était relativement modeste, il faut le reconnaître, mais c'était un début et on sait que le programme a été aboli.

Alors, c'est un certain nombre de mesures qui, prises séparément, peuvent sembler relativement mineures, mais qui, vues dans leur ensemble, nous laissent voir qu'il n'y a pas de perspective d'ensemble* dans le développement de l'enseignement supérieur au Québec aujourd'hui.

Je trouve que, si les travaux de cette commission et vos interventions nous permettaient de faire le point sur ces questions de manière qu'on puisse savoir sur quoi on porte un jugement lorsqu'on demande un niveau d'enveloppe qui permette de réaliser des objectifs, ça serait un moindre mal.

La suggestion que vous faites qu'on se donne effectivement au Québec une politique des universités, de l'enseignement universitaire, je la trouve fort intéressante. C'est peut-être, avec les résultats des travaux de cette commission , une réflexion qu'on pourrait prolonger à l'occasion d'un autre débat qui, souhaitons-le, viendra dans les prochains mois, sinon dans les prochaines années. Je vous remercie, au nom de ma formation politique, de votre participation aux travaux de cette commission. (11 h 45)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais également remercier la Centrale de l'enseignement du Québec de son apport à notre recherche commune. La Centrale de l'enseignement du Québec nous a présenté une vue très large, que j'appellerais même très ambitieuse, en un sens, de ce que pourrait être une politique universitaire au Québec.

Je pense que je ne ferai pas injure à la CEQ en disant que la vision qui nous a été présentée ce matin, dans son ensemble, est une vision de type socialiste. Je le dis sans aucune connotation péjorative. C'est une vision qui met beaucoup l'accent sur la dimension publique non seulement du système universitaire dans son ensemble, mais des institutions particulières qui le composent.

Je ne pense pas que, de côté-ci de la table, nous allions aussi loin dans cette vision. En ce qui regarde le système universitaire, nous avons chez nous évalué à partir d'institutions privées vers des institutions dont certaines sont carrément publiques, dont d'autres sont semi-publiques. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve. Je pense que diverses avenues peuvent être ouvertes pour l'avenir. Je ne sentirais pas la nécessité de les fermer complètement à l'intérieur d'une vision trop architecturale de tout cela. Je respecte la vision qui nous a été présentée. Je trouve qu'elle a été présentée avec beaucoup de logique et cela nous interpelle de ce point de vue. Mais dans la mesure où c'est une philosophie de la société qui n'est pas exactement celle du parti au pouvoir, il y a des flottements qui découlent de la discussion, qui sont inévitables et qu'on doit accepter.

Je voudrais signaler une petite nuance, ici, qui ne manque pas d'opportunité, à mon sens. J'ai remarqué que, dans votre mémoire, à plusieurs endroits, il y a des allusions à l'idéologie néolibérale. Je pense qu'il y a un peu de confusion dans les termes. Je m'excuse de faire un débat à ce sujet. Je m'identifie assez volontiers comme adhérant à l'école néolibérale, mais pas à l'école néoconservatrice. La définition qu'on a donnée du néolibéralisme dans votre mémoire, c'est plutôt la définition qu'on donne, aux États-Unis, quand on parle de cette école, c'est "the neoconservatives", les néo-conservateurs.

Je pense qu'il y a tout un courant entre le courant socialiste et le courant conservateur, surtout le courant néoconservateur, qui essaie de renouveler la philosophie de la démocratie libérale dans un sens qui tient compte des dimensions sociales beaucoup plus et qui, en même temps, met davantage de l'avant que je ne l'ai vu dans votre mémoire les valeurs d'excellence personnelle, les valeurs d'initiative, les valeurs de créativité. C'est peut-être un volet, qui n'est pas développé dans le mémoire de la CEQ de ce matin, qui m'apparaît très important pour la stimulation de la vie universitaire aussi, en particulier de la recherche.

Ce sont des désaccords honnêtes. Je voulais inscrire cette nuance, parce que ce n'est pas souvent qu'on a l'occasion de discuter de ces choses. J'apprécie énormément que la CEQ nous en fournisse l'occasion. J'inscris cette nuance en vous disant que, dans le Parti libéral du Québec, il y a plusieurs demeures, il y a de la place pour plusieurs familles d'esprit. C'est ce qui fait la richesse de notre parti, qui provoque entre nous des débats très animés que doivent nous envier parfois nos confrères de l'autre côté qui semblent vivre dans une certaine grisaille idéologique ces temps-ci.

Mme Blackburn: Est-ce une invitation? Est-ce qu'il y aurait de la place pour nous dans votre parti?

M. Ryan: Certainement, si vous voulez continuer d'évoluer, il n'y a pas de problème de ce côté. Ils ont trouvé de la place pour moi un jour, il y a de la place pour bien d'autres, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Pour vous, cela a été contesté.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît! M. le ministre, si vous voulez conclure.

M. Ryan: Je pense que nous avons discuté avec vous dans un esprit de dialogue. Nous allons continuer de chercher avec vous, nous le faisons à d'autres niveaux également. Je pense que l'essentiel, c'est de préserver un dialogue civilisé et courtois dans toute la mesure raisonnable. Le dialogue civilisé, cela veut dire que chaque partie demeure toujours ouverte au point de vue de l'autre; elle n'est jamais fermée avant de partir, parce qu'il n'y a plus de dialogue dès qu'on est replié sur soi.

C'est l'esprit dans lequel j'ai pris connaissance de votre mémoire. Je l'ai vivement apprécié. Il y a beaucoup de points que nous allons retenir également. J'espère que nous pourrons continuer cette recherche ensemble. L'expérience de la commission nous ouvre des horizons très intéressants, en particulier dans la voie de l'imputabilité sur laquelle nous convenons que des progrès importants doivent être faits. Et sur la voie du financement, je ne voudrais pas que vous pensiez que vos propos seraient tombés dans des oreilles indifférentes; au contraire, ils m'ont vivement intéressé, ainsi que mes collègues du côté ministériel. J'espère que le gouvernement trouvera le moyen d'apporter des solutions à assez court terme.

Je termine par une petite note. Je suis porté à penser dans l'immédiat que c'est plus important d'avoir une politique au niveau des moyens qu'une grande politique traitant de tous les aspects. Vous nous demandez dans votre mémoire d'énoncer une grande politique générale. Si on allait entreprendre cet exercice tout de suite, je craindrais que beaucoup de chapitres n'accrochent et qu'on ne soit reporté pour l'action concrète à un an ou deux, tandis que, dans l'immédiat, je pense que, si nous prenons les moyens appropriés, ils vont être l'expression d'une politique et, ensuite, on pourra peut-être la perfectionner au point d'embrasser tous les éléments que vous voudriez y trouver. C'est une remarque que je fais. Je suis plus préoccupé par l'aspect des moyens dans l'immédiat. Pour l'avenir, je pense qu'il y aurait lieu de préciser davantage aussi la

politique dans son sens le plus large.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. M. Charbonneau, Mme Bédard et les gens qui vous accompagnent, on vous remercie beaucoup d'avoir pris la peine de venir éclairer les membres de cette commission.

La commission parlementaire de l'éducation va maintenant suspendre ses travaux. Elle entendra dans quelques minutes la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 52)

(Reprise à 11 h 57)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux et accueille la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec, dont le porte-parole est M. Gérald Larose, président de la CSN. Bonjour, M. Larose.

M. Larose (Gérald): Bonjour.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'avoir répondu à l'invitation de la commission parlementaire de l'éducation de venir nous rencontrer et de collaborer avec nous dans notre recherche concernant l'orientation et le cadre de financement du réseau universitaire québécois.

M. Larose, la commission parlementaire a prévu environ une heure et demie d'échanges avec les représentants de votre mouvement. On me dit qu'il y a eu un arrangement pour une présentation verbale de votre part d'environ quinze minutes. Le reste de la période sera distribué entre vous, les gens qui vous accompagnent et les membres de la commission parlementaire de façon que nous puissions échanger. Alors, M. Larose, sans plus de préambule, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec la présentation de votre mémoire.

Je dois aussi vous dire que les membres de la commission parlementaire sont un peu malheureux. Votre mémoire, on l'a reçu hier seulement, alors que vous nous aviez fait connaître votre intention de participer en juin. Les gens l'attendaient avec beaucoup d'anxiété depuis le mois de juin. On aurait aimé l'avoir pendant la période des vacances pour pouvoir le lire. Malheureusement, on ne l'a eu qu'hier. C'est peut-être ce qui expliquera... Pour ma part, je ne me sens pas tellement renseigné. Je l'ai regardé en diagonale. On le regrette beaucoup.

Nous vous écoutons, M. Larose.

FNEEQ

M. Larose: M. le Président, je partage vos regrets. On m'informe qu'il devait être envoyé vendredi dernier au plus tard. Effectivement, c'est déjà très tard, mais je ne pensais pas que le délai s'était étendu jusqu'à hier.

Je vous présente tout de suite les gens qui m'accompagnent. À ma droite, Mme Rose Pellerin, présidente de la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec, et Flavie Achard qui est membre du comité d'école; à ma gauche, Paul Jones qui est le deuxième vice-président de la fédération et Jocelyn Chamard qui est membre du bureau de la fédération.

Je pense que je n'ai pas besoin de présenter très longuement l'organisation que nous représentons, la CSN, sauf pour vous donner peut-être les quelques précisions suivantes pour le secteur qui nous intéresse aujourd'hui, le secteur universitaire. Nous regroupons à l'intérieur de la fédération au-delà de 15 000 enseignants et enseignantes dont 7000 proviennent du secteur universitaire comme professeurs, chargés de cours et maîtres de langue. Il y a aussi à l'intérieur de !a fédération la majorité des cégeps du Québec, en même temps qu'une vingtaine d'institutions privées.

Si les membres de la commission n'ont pas eu l'occasion de lire en profondeur le mémoire, je vous informe qu'il est construit de façon assez simple. II cible trois aspects et je pense qu'à partir du résumé qu'on peut vous faire les gens auront rapidement les informations sur lesquelles on veut particulièrement débattre.

Il y a peut-être trois prémisses sur lesquelles on n'entend pas s'étendre, mais qu'on veut mettre dans le décor car elles expliquent les positions qui suivront. D'abord, pour nous, l'université doit être considérée comme un agent de développement économique, social, politique et culturel qui vise la démocratisation de la société québécoise. Une deuxième prémisse, l'université doit être autonome et indépendante dans sa fonction critique et de transformation face aux divers groupes d'intérêts dans la société québécoise. Troisièmement, l'université, c'est un service public qui doit être accessible à tous.

Alors, une commission parlementaire sur le financement public, il y a peut-être des tentations que cela se transforme en débat de comptables. Je vous dirai qu'on n'est pas spécialistes de cette discipline. Pour nous, il y a des aspects qui ont déjà été soulevés devant la commission qui vont nous intéresser davantage; ce sont les choix que nous faisons comme société en éducation, qui sont de véritables choix de société en même temps. Donc, le débat va concerner cette question.

Dans son avis de décembre 1985, le Conseil des universités parlait de crise au niveau des universités en termes de financement en nous parlant des déficits accumulés, du vieillissement du personnel scientifique, de la dégradation des équipements, des ressources insuffisantes. Il y a peut-être un aspect de crise, mais il faudrait prendre note que la crise, dans les années qui courent, c'est passablement différent de la crise qu'on a pu connaître au cours des années soixante et soixante-dix. C'était davantage une crise institutionnelle qui faisait en sorte que sur les campus, notamment, il y avait plutôt un branle-bas de combat.

Je rappellerai qu'à l'époque - il y en a quelques-uns qui l'ont vécu - le corps étudiant plus précisément remettait en question l'institution sous plusieurs aspects, vivant un sentiment d'insécurité, notamment, quant aux débouchés sur le marché du travail, mais aussi, je dirais, plus fondamentalement, remettant en cause l'université quant à sa fonction sociale de reproduction des inégalités ou des classes sociales dans notre société.

S'il y a crise à l'heure actuelle ou ce qu'on appelle une crise qui gravite davantage autour des ressources et du financement, il faut la situer dans un contexte - et je suis heureux que le ministre de l'Éducation l'ait soulevé à l'occasion du mémoire antérieur -de néolibéralisme - on peut faire aussi le débat sur le néoconservatisme, cela m'intéresse beaucoup - un contexte où l'entreprise privée est devenue l'alpha et l'oméga de la pratique sociale, où les lois du marché sont érigées comme les seules lois à être respectées, le tout pour le Québec gratifié dans une littérature passablement abondante en période estivale où, effectivement, le projet de société touchant aussi le secteur de l'éducation nous a été révélé peut-être un peu à cru, mais nous a quand même été révélé tel que des gens le pensaient.

Il y a crise financière. Nous estimons que les coupures budgétaires depuis 1978-. 1979, le gel de l'embauche, le développement du travail précaire, le surpeuplement des cours, les restrictions au soutien de la pratique de l'enseignement, la multiplication du travail partiel, la "rationalisation", entre guillemets, des banques de cours, ce sont toutes ces formes que la crise a prises pour s'exprimer, sans compter la baisse des salaires de 20 % qui a découlé de la loi 70.

Pour la CSN, l'enseignement universitaire, c'est une responsabilité de l'État, la responsabilité de l'État d'assurer l'éducation au niveau supérieur des Québécoises et des Québécois. Donc, le financement doit être un financement gouvernemental.

Les solutions - et le mémoire antérieur indique la direction que nous allons prendre - sont effectivement que l'État doit se donner les moyens d'assumer ses responsabilités. En termes de financement, cela veut dire une réforme de la fiscalité au Québec: taxer la richesse, les hauts revenus, les gains de capitaux, les profits et non pas trouver des solutions qui renforceraient le caractère élitiste des clientèles ou qui nous amèneraient à hiérarchiser davantage les universités les unes par rapport aux autres, les unes étant chromées, les autres écaillées, disons. S'assurer que le développement des universités va se faire de manière à rencontrer les intérêts de la communauté et des régions et non pas trouver des solutions qui amèneraient l'université à se développer suivant les intérêts dictés par le financement privé.

On résume notre position sur la fiscalité, sur le financement des universités. Le financement principal doit venir de l'État, il doit être haussé. Le financement doit être équitable entre les institutions. Il faut s'organiser pour que les institutions assument véritablement leur mission universitaire au niveau des régions et, quand on dit leur véritable mission universitaire, c'est dans l'enseignement, en assumant l'enseignement, la recherche et les services à la collectivité. Que le financement prenne aussi en compte des dimensions de la pratique scientifique qui ne soient pas seulement celles qui ont trait aux facultés qui sont davantage liées au secteur économique ou au secteur de la gestion. Bref, nous proposons que l'État s'organise pour que le Québec soit doté d'institutions de qualité.

Je fais une parenthèse qui va terminer ma présentation qui sera suivie de celle de la présidente de la FNEEQ, parce qu'il y a dans l'actualité la proposition du dégel des frais de scolarité. Dans notre tête, dans notre idée, il faut absolument séparer tout ce qui est financement universitaire de ce qui est financement de la condition étudiante. À notre avis, que l'État du Québec se dote d'un réseau universitaire et le finance et que la condition étudiante soit financée en tant que telle parce qu'un dégel ou une hausse des frais de scolarité, c'est directement une proposition régressive qui exige des classes plus populaires des efforts supplémentaires qu'ils sont incapables d'assumer par rapport à d'autres qui pourraient les assumer. Pour nous, il faut distinguer les deux opérations. Je passe la parole à Mme Pellerin.

Mme Pellerin (Rose): Comme le mémoire est arrivé tard, j'espère que vous allez nous pardonner le fait de prendre plus de temps pour la présentation. À part la crise financière, on dit qu'il y a aussi une crise de la condition étudiante et une crise de l'organisation du travail pour les enseignantes et les enseignants, les

professeurs. Je' vais faire la partie sur la condition étudiante et Paul Jones va intervenir sur l'organisation du travail.

Pour la condition étudiante, nous, ce à quoi on fait appel, c'est à la démocratisation et à l'accessibilité à l'enseignement universitaire. On sait que la réforme du système d'éducation entre 1960 et 1970 visait l'accroissement de ia scolarisation de la population. Sur cela, on peut dire qu'il y a eu des progrès. Si l'on se réfère au tableau de la page 17 de notre mémoire, on verra qu'en 20 ans le taux de francophones qui fréquentent l'université est passé de 3,4 % à 13,7 %. Donc, c'est un progrès notable, on le reconnaît. Il y a aussi l'accessibilité géographique régionale qui a rendu l'université plus accessible et aussi le type de formation que l'on donne: en adaptant les programmes, on a favorisé aussi l'intégration des adultes à l'université.

Mais ce qu'on considère - comme de raison, il y a toujours un mais - c'est que les progrès sont insuffisants et aussi qu'ils sont -surtout menacés. Menacés par les pratiques de restrictions budgétaires imposées par les gouvernements et aussi par les menaces de hausse des frais de scolarité. Menacés aussi et insuffisants pour les groupes qui sont traditionnellement discriminés.

On revient aux différences ethniques. Si l'on regarde la fréquentation francophone par rapport à la fréquentation anglophone à l'université, il y a encore du chemin à faire, c'est-à-dire qu'on a maintenant un ratio de 13,8 % par rapport à 15,8 % pour les anglophones. Pour les anglophones, c'est un chiffre qui s'est maintenu durant les 20 dernières années, quand on connaît la composition de la population du Québec. Pour les francophones, cela a augmenté. On s'aperçoit aussi que les francophones sont surtout des diplômés universitaires de 1er cycle.

Il y a aussi les différences sexuelles. Là, je crois qu'on atteint quand même un problème au niveau universitaire: c'est l'accès des femmes à l'université. Ce que l'on constate encore aujourd'hui, c'est qu'elles sont peu nombreuses au 2e cycle. On constate aussi que la proportion des femmes aux études à temps partiel par rapport au temps complet est encore inférieure; autrement dit, elle est plus forte pour les femmes que pour les hommes aux études à temps partiel. C'est aussi que l'âge moyen d'entrée est toujours plus élevé que celui des hommes. C'est aussi qu'elles sont généralement cantonnées dans des facultés et des départements qui reproduisent la division sexuelle et aussi que les modèles féminins sont peu nombreux.

Il y a aussi une autre différence, c'est celle selon les origines sociales, II semble bien que ce soit sur ce plan que la tâche de démocratisation de l'université reste encore à faire. Les classes supérieures de la société québécoise ont toujours été largement surreprésentées dans les études universitaires, en particulier dans les universités et dans les facultés qui permettent l'accès aux emplois les plus rémunérateurs et les plus prestigieux. L'enseignement universitaire joue donc encore à fond son rôle de reproduction des classes sociales. Si l'on prend le tableau à la page 22, on s'aperçoit que l'Université McGill vient en tête pour les étudiants originaires des classes supérieures, qu'à l'Université de Montréal on peut constater que trois étudiantes ou trois étudiants sur cinq proviennent des classes supérieures, tandis qu'à l'Université du Québec à Montréal c'est un sur quatre qui provient des classes supérieures. Disons que nous sommes satisfaits que l'Université du Québec ait été mise au monde, ce qui fait que les gens qui ne viennent pas des classes supérieures peuvent quand même aller dans les universités.

Ensuite, nous passons à la condition étudiante, aux conditions d'études des étudiants. Tous et toutes nous savons aussi que le problème no 1 des étudiantes et des étudiants présentement, c'est l'argent. Autant le gouvernement peut invoquer ce problème, autant les étudiantes et les étudiants peuvent l'invoquer. Il nous semble que faire un dégel des frais d'université, cela occasionnerait seulement une baisse de 2 % ou 3 % de la fréquentation universitaire, mais ce serait dramatique vu déjà le taux faible d'étudiantes et d'étudiants qui ont accès à l'université. La CSN et la FNEEQ historiquement ont toujours réclamé la gratuité à tous les niveaux d'enseignement et ce, dans une perspective de démocratisation du réseau scolaire. Par les temps actuels, cette proposition peut sembler à contre-courant, mais elle demeure pour nous la plus équitable et elle s'enracine dans la demande des classes populaires pour l'instruction en vue de travailler à leur propre émancipation matérielle et morale. (12 h 15)

Pendant que la promesse électorale dit qu'il va y avoir un gel des frais de scolarité, on a le rapport Gobeil qui, lui, dit le contraire, et M. Gobeil semble l'avoir cautionné. L'enveloppe idéologique que l'on retrouve dans le rapport Gobeil, ce sont des propositions de méritocratie et du modèle concurrentiel. "La révision des frais de scolarité aurait des conséquences importantes sur le fonctionnement de l'enseignement universitaire. L'étudiant se sentirait plus responsable de ses choix et serait plus exigeant vis-à-vis de l'enseignement qui lui serait donné. En contrepartie, les universités seraient stimulées à développer l'excellence afin d'attirer les étudiants." Selon nous, ce que veut façonner le rapport Gobeil, c'est un

modèle marchand. Les étudiantes et étudiants qui veulent aller à l'université vont commencer à aller regarder laquelle est la meilleure. Là, on se demande comment on dessert les régions quand on parle de geler les frais de scolarité; ensuite, il faut instaurer la concurrence et, là, une étudiante ou un étudiant part à la recherche de son université. Il nous semble que l'université est là pour répondre aux besoins des étudiantes et des étudiants, quel que soit le milieu d'où ils viennent.

Je ne sais pas si un étudiant de Gaspé, pour qui l'université la plus proche est à Rimouski, ne demandera pas de cette université qu'elle lui donne les mêmes services que les universités qui sont centrées à Montréal ou à Québec où il pourrait y avoir de la concurrence. Il nous semble que cette étudiante ou cet étudiant a droit à la même qualité d'enseignement dans les universités et de recevoir un produit semblable. Quand on abolit le péage sur les grandes routes, on ne se met pas à faire la route la meilleure pour concurrencer les routes. La route est un service public, on donne aux gens de bonnes routes. On dit: Donnons aux jeunes de bonnes universités. Pour nous, l'université n'est pas un supermarché. Elle doit offrir aux jeunes ce dont ils ont besoin, selon leur origine et le milieu social dans lequel ils sont impliqués. Donc, elle doit toujours être accessible aux jeunes.

Après avoir fait cette démonstration, il nous semble que le rapport Gobeil mériterait... En tout cas, le sort qu'on voudrait bien lui donner, nous, c'est qu'il n'aurait jamais dû exister.

Le Conseil des universités dit la même chose que nous; il parle du "caractère régressif du financement actuel des universités, les citoyens les moins favorisés en retirant moins qu'ils n'en mettent". Par contre, ce qu'il demande comme correction, c'est le dégel des frais de scolarité et leur hausse, ce qui permet de hausser la contribution des plus favorisés, tandis que la hausse des bourses évite de mettre à contribution les moins favorisés. Ce que dit le Conseil des universités, c'est: Faisons payer les riches. On se surprendrait que la CSN et la FNEEQ n'adhèrent pas à cela, de faire payer les riches, mais nous n'y adhérons pas. L'effet correcteur recherché, pour nous, risque plutôt de renforcer l'accès différentiel des classes sociales à l'université. L'application sélective de mesures sociales n'entraîne pas la réduction des coûts directs ou indirects. Quand on dit que les frais de scolarité n'ont pas augmenté dans les universités, on sait fort bien que, par les frais indirects, ils ont augmenté. Quand on paie 40 $ des services qu'on pourrait nous rendre au point de vue des livres ou des manuels et qu'en classe on est encore obligé de payer pour recevoir les 'photocopies, on peut dire que c'est gelé, les frais de scolarité, mais indirectement il y en a. Cela n'entraînerait pas la réduction des coûts directs ou indirects.

Loin d'atténuer l'inégalité, on l'accentuera puisqu'il ne s'agit pas ici uniquement de besoins financiers, mais aussi de problèmes de barrières socio-économiques. Pour nous, la seule réponse, c'est de financer les établissements comme on finance les routes, avec le moins possible de contrôle à l'accessibilité et de bureaucratie, et de se diriger vers l'élimination des frais de scolarité, même si à court terme on pput accepter leur gel, le tout accompagné d'une structure fiscale plus égalitaire.

J'ai dit tantôt qu'on a aboli le péage sur les routes, justement, pour ne pas faire payer les usagers; on les finance maintenant pour que les routes soient bonnes. C'est la même chose pour l'université. Qu'on finance l'établissement et non pas les étudiantes et les étudiants.

De plus, aucun projet explicite de réforme du régime de prêts et bourses n'est proposé actuellement. Si le gouvernement donne suite aux tendances qui s'expriment bruyamment en son sein, il y a tout lieu de croire que le soutien aux étudiantes et étudiants démunis verra grandir la partie prêt et diminuer la partie bourse. C'est ce qu'a fait le dernier budget. Quand on voit la rareté grandissante des emplois d'été, on peut envisager de terminer ses études fortement endetté.

On confirme le phénomène de la féminisation de la pauvreté parce que 60 % des femmes vivent sous le seuil de la pauvreté. Il nous semble aussi tendancieux de comparer avec ailleurs. Il nous semble que "l'État doit soutenir l'université s'il veut éviter de perpétuer la dépendance passée et les conséquences qui y sont rattachées".

Alors, pour nous, augmenter la partie prêt et diminuer la partie bourse, ce n'est pas aider les étudiantes et étudiants qui s'endettent plus et qui devront emprunter pour remettre l'argent qu'ils ont déjà eu comme prêt. C'est juste rendre les choses plus difficiles.

On parle également de l'émergence de nouveaux pauvres, car on parle beaucoup de la misère étudiante présentement. Il nous semble que, pour ça, ce serait important de procéder à une mise à jour de l'examen des conditions de vie de la population étudiante pour voir si réellement ce qu'on a l'intention de faire aide ces étudiants.

II y a une autre mission sur laquelle on voudrait revenir un peu. C'est la mission de services à la collectivité. De ce que nous connaissons de ce qui reste de la mission de services à la collectivité - en plus de répondre aux adultes, il me semble qu'on doit répondre à des groupes populaires et à

des groupes sans but lucratif - il y a un protocole UQAM-CSN-FTQ. Pour nous, ça demeure très important. C'est très bien organisé, très bien structuré et on sait que certaines recherches demandent des compétences universitaires et nous trouvons ça bien. Nous savons que c'est très bien structuré et ça travaille bien. Nous ne connaissons pas beaucoup d'autres missions à la collectivité qui fonctionnent. La Faculté de l'éducation permanente à l'Université de Montréal offrait des services à la collectivité, mais son budget est maintenant à zéro. Alors, il est assez difficile d'offrir des services à la collectivité.

En ce qui concerne la condition étudiante, je crois qu'il y a une chose qu'on peut retenir, c'est que le problème des jeunes, c'est l'argent et qu'on semble vouloir solutionner leur problème par l'argent. Il nous semble qu'un jour il va falloir arrêter de parler d'éducation en termes d'argent et plutôt en termes de services aux jeunes. Ce sont nos futurs travailleuses et travailleurs. Paul va y aller sur l'organisation.

M. Jones (Paul): M. le Président, je vais essayer de résumer cette partie de notre mémoire et conclure nos présentations par une série de questions à la commission, un questionnaire général.

Dans cette partie de notre mémoire, nous voulons vous présenter la condition des chargés de cours comme révélatrice d'une crise dans l'allocation des ressources humaines à l'université et dans le fonctionnement de la vie universitaire. Nous constatons, au départ, que les rôles, les fonctions et la contribution des chargés de cours à la vie universitaire sont souvent mal compris et de plus en plus mal représentés dans les débats des universités au Québec. Qui sont les chargés de cours? Il y a au moins 6000 chargés de cours syndiqués à la FNEEQ-CSN. Mais c'est difficile de vous donner le nombre total des chargés de cours dans les universités au Québec, parce que les données sont incomplètes et non rassemblées.

On peut constater que ces personnes dispensent près de la moitié de l'enseignement au 1er cycle et plus de la moitié de l'enseignement des certificats. Nous constatons, dans notre mémoire, que les chargés de cours sont, à toutes fins utiles, une composante structurelle de l'université et non pas une composante de passage, en transition. Nous ne pouvons continuer de prétendre que les chargés de cours sont un phénomène transitoire, compensatoire, ni accessoire dans nos universités. Je cite notre mémoire. "Le phénomène d'un corps enseignant d'appoint, non stable, à statut précaire et aux moyens limités, qui s'accroît en périphérie de l'institution académique, est apparu critique lorsque les universités on dû faire face à une croissance marquée des clientèles étudiantes et suivre une politique d'austérité."

Aujourd'hui, Ies chargés de cours sont au coeur de l'enseignement universitaire au Québec et nous sommes scandalisés par le manque de reconnaissance de leur contribution à la communauté universitaire. Les chargés de cours sont omniprésents dans la vie académique des étudiants. Ils donnent nombre de cours obligatoires et optionnels ou des cours théoriques et supervisent aussi des stages de formation pratique. Elles et ils facilitent ainsi l'intégration de certains étudiants et étudiantes sur le marché du travail et contribuent à l'accession d'autres étudiants et étudiantes aux études supérieures.

Devant cette réalité d'une présence massive des chargés de cours et de leur contribution irremplaçable et de qualité à la vie académique, nous constatons que les choix gestionnaires et institutionnels des universités ont créé une situation éhontée d'exploitation qui les confine à des emplois précaires sans perspectives de carrière à la mesure de leur compétence.

Nous constatons que, pour les gestionnaires universitaires, le statut actuel des chargés de cours sert une fonction classique de "cheap labor", c'est-à-dire une grande flexibilité des ressources humaines et financières sans nécessiter des engagements à long terme; en somme, un personnel malléable.

M. le Président, les conditions de travail des chargés de cours sont résumées aux pages 41 à 44 de notre mémoire. Nous pouvons donner le portrait suivant des chargés de cours au Québec qui est un genre de résumé de leurs conditions actuelles. Précaires et sans avenir prévisible, leurs jobs sont sujets aux variations des clientèles étudiantes et des décisions institutionnelles prises sur une base sessionnelle. L'embauche est toujours sur la base d'une session et souvent à la dernière minute. On exige de plus en plus un professionnalisme accru des chargés de cours et on refuse de leur accorder les ressources financières et matérielles pour accomplir ces exigences.

Ce sont les chargés de cours eux-mêmes, avec leur propre portefeuille, qui financent leur propre perfectionnement et leurs propres recherches liées à l'enseignement. Une partie majeure de leur tâche est non rémunérée. Ils font un travail pour lequel ils ne sont pas payés: l'encadrement des étudiants et toute la tâche transparente d'un enseignant.

Souvent, ces enseignants n'ont pas de bureau ou n'ont pas accès à la base minimale de matériaux nécessaires pour donner un enseignement de qualité. Au plan de la rémunération, finalement, il y a une non-reconnaissance des qualifications professionnelles et académiques des chargés

de cours. Autrement dit - et je pense que c'est cela qui résume la crise que l'on veut souligner - pour un chargé de cours syndiqué - et la vaste majorité ne l'est pas - à la CSN, avec une pleine charge par session, ce qui est rare à cause des difficultés d'avoir une charge pendant deux sessions d'une année scolaire dans une université, le salaire maximum est de 18 000 $ par année.

Nous terminons cette partie de notre mémoire en soulignant et en dénonçant la non-représentation des chargés de cours dans les structures décisionnelles des universités. C'est une question à deux volets. Premièrement, il y a la question de la représentation dans les structures décisionnelles de l'institution, c'est-à-dire le conseil d'administration et les autres parties de la structure institutionnelle.

Mais il y a aussi la question pédagogique. C'est un problème important pour nous. Ce qui en ressort, c'est l'isolement des chargés de cours. Les chargés de cours sont absents des lieux où se prennent les décisions pédagogiques. Ainsi, dans la plupart des universités, il y a des mécanismes de consultation entre professeurs et étudiants concernant les programmes.

Le problème, c'est que la moitié du personnel enseignant est exclue d'une telle consultation, ce qui n'est pas sans conséquence sur la cohérence des programmes tant au niveau de la conception qu'à celui de la réalisation pratique. Il est difficile de réussir un enseignement de qualité intégré dans un tel contexte. Mais il y a toujours une chose qui mérite d'être soulignée, c'est que les chargés de cours, face à ces conditions inacceptables, réussissent quand même à donner un enseignement de qualité. (12 h 30)

J'aimerais attirer l'attention de la commission sur les recommandations. Je ne les lirai pas toutes, mais je ferai référence aux recommandations 3 et 4. 3. Devant les difficultés énormes que rencontrent les personnels non encore syndiqués des universités dans leur organisation en syndicat, la CSN et la FNEEQ dénoncent les administrations universitaires qui utilisent des fonds publics en contestations juridiques répétées dans le but d'empêcher l'exercice du droit d'association.

Si vous me le permettez, je vais essayer d'expliquer cela à mes collègues. Est-ce que vous connaissez le phénomène des "bounty hunters" aux États-Unis? Actuellement, comme centrale syndicale, on est convaincu que le même phénomène se présente à l'égard du droit à la syndicalisation des travailleurs dans l'enseignement et ailleurs. Aux États-Unis, les "bounty hunters" sont les individus qui prennent le contrat d'aller chercher les gens et de les ramener devant les tribunaux. Ils sont souvent impliqués dans les chicanes de divorces, par exemple. Le contractant dit à un "bounty hunter": Je te donne 5000 $; j'ai un objectif, c'est de gagner mon divorce et de ne pas payer cher. Voilà les 5000 $, fais ce que tu voudras pour t'assurer que je réussisse. Actuellement, face aux demandes de syndicalisation des chargés de cours, on est devant le même phénomène, mais les "bounty hunters" sont des bureaux d'avocats. L'université donne un montant à un certain bureau d'avocats. La commande est simple, claire et nette: On ne veut pas qu'ils soient syndiqués. C'est cela, la situation. On connaît bien la situation de sept ans des chargés de cours de l'Université de Montréal et tous les enjeux juridiques mis de l'avant par un bureau d'avocats au service de l'université pour empêcher leur syndicalisation. Cela a pris, finalement, la Cour suprême du Canada pour leur donner ce droit qui est démocratiquement accessible pour toute la population. 4. Attendu la méconnaissance de3 administrations et du gouvernement de la réalité des chargés de cours, nous demandons une enquête publique ' sur la condition des chargés de cours. Que, pour outiller cette enquête, le gouvernement exige des universités la publication du profil statistique des chargés de cours et qu'ensuite ce profil soit publié régulièrement.

J'ai lu les réactions de la commission à la présentation des gens de Rimouski, hier, un de nos syndicats qui est venu présenter un mémoire. Il y avait certaines questions sur le nombre de chargés de cours, leur statut, le travail qu'ils font. Je peux vous dire que, comme organisation syndicale, on a de la difficulté à mettre la main sur les chiffres, principalement parce que les chargés de cours, comme phénomène réel et structurel, n'existent pas dans les chiffres disponibles. C'est pour cela qu'on trouve important de mettre de l'avant les chiffres nécessaires pour faire les analyses correctement à ce sujet.

Je vais terminer le mémoire en rappelant nos questions. Je suis un peu long, je m'excuse.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Prenez le temps qu'il vous faut. Vous avez une certaine période et c'est à vous de l'utiliser comme bon vous semblera.

M. Jones: Je voulais mettre beaucoup d'emphase sur nos interventions concernant les chargés de cours.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.

M. Jones: J'admets que le mémoire est arrivé en retard. On est toujours une

organisation démocratique et syndicale et cela impose un grand nombre de consultations des gens qu'on représente. C'est l'explication principale du retard de notre mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Ce n'était pas un reproche, M. Jones...

M. Jones: Non, je comprends.

Le Président (M. Parent, Sauvé): ...c'était une constatation. Je me devais de vous le pour justifier la qualité du débat.

M. Jones: Oui. L'analyse que nous avons présentée dans le texte soulève un grand nombre de questions. Je vais les lire: Quels sont les nouveaux liens qui se tissent entre les universités et les entreprises et le marché du travail? L'université devient-elle un simple rouage de l'économie et du marché? Les performances de l'université se mesurent-elles simplement selon des critères économiques et à court terme? Selon leurs réponses à la demande du marché et à la division du travail?

Que deviennent alors ses fonctions de démocratisation de la production et de la transmission de la connaissance? L'université abdique-t-elle sa fonction critique, sa fonction de transformation de la société, sa fonction de créativité pour devenir purement fonctionnelle pour d'anciens et de nouveaux intérêts? Que devient alors ce qu'on appelle l'autonomie de l'université? L'université est-elle encore un lieu où les débats sociaux sur les enjeux collectifs doivent prendre place et où les finalités de la recherche scientifique doivent être questionnées?

S'il y a transformation des fonctions enseignement et recherche, quels sont les impacts sur les différents corps constitutifs de l'université? Comment se mesure maintenant leur performance, en fonction de quels critères? Quels sont les impacts sur les disciplines universitaires, leur place respective et leurs liens?

L'accès et l'utilisation des ressources universitaires par les collectivités qui n'ont pas accès à l'université - milieux populaires, dominés - risquent-ils de demeurer une fonction marginale de l'activité universitaire plutôt qu'une fonction à part entière? En contrepartie, verra-t-on la mainmise traditionnelle des entreprises, des associations professionnelles redevenir la norme unique? La mission des services à la collectivité va-t-elle enfin recevoir tout le support institutionnel et financier de la part des administrations universitaires et du gouvernement?

Le constat que la présence massive des adultes, en particulier des femmes à l'université, va devenir un trait caractéristique de là vie universitaire et, considérant les exigences qui en découlent, soit pour assurer des services - services d'accueil, d'information, de secrétariat, de bibliothèque - adaptés à cette clientèle, soit des voies pédagogiques particulières, est-ce que le gouvernement est prêt à assurer des ressources humaines et financières pour répondre à ces nouvelles exigences?

Le gouvernement entend-il supporter les universités implantées en régions pour s'assurer qu'elles répondent aux exigences d'un véritable établissement universitaire, aux caractéristiques spécifiques des clientèles étudiantes de leur région et qu'elles disposent des ressources humaines en fonction des exigences de l'ensemble des fonctions des universités?

En terminant, assurément, pour répondre à ces questions et à d'autres, le développement des activités universitaires exige une vision globale et une planification adéquate. Pour consolider et pour améliorer les progrès accomplis depuis 20 ans, l'effort que nous demandons au gouvernement est d'accepter de parier pour l'avenir. Nous savons que la société de demain, le Québec qui s'en vient, se prépare aussi à l'université et, comme organisations syndicales, la CSN et la FNEEQ veulent dire aux membres de cette commission que les orientations de l'enseignement supérieur nous préoccupent et nous concernent aussi, et que nous n'accepterons pas que l'université s'inscrive à l'extérieur de la démocratisation de l'éducation. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. Jones. J'imagine que cela termine l'intervention?

M. Jones: Oui. En voulez-vous plus?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Non, non. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. Encore une fois, les questions s'adresseront à M. Larose, mais, si vos collègues jugent à propos de répondre, qu'ils se sentent bien à l'aise.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer la présence à notre commission de la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec, de sa présidente, Mme Pellerin, d'une collaboratrice de langue date, Mme Achard, et de M. Jones et M. Chamard. Évidemment, cette délégation est accompagnée, guidée, inspirée par le président général de la CSN, M. Larose, que nous sommes heureux de voir parmi nous.

Je m'inquiétais jusqu'à ce matin de l'absence de la CSN et de la FTQ de nos débats. La CEQ nous avait déjà fait part de son intention de participer à nos travaux,

mais nous n'avions pas eu de signe directement des deux autres grandes centrales. Je suis bien content que le président de la CSN ait décidé de se joindre ce matin à la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec pour cette présentation qui a permis également, je pense, d'exposer la philosophie générale de la CSN en matière d'éducation.

Nous avons eu un débat sur ce sujet tantôt avec la CEQ. Je ne voudrais pas le reprendre pour ne pas faire des redites. Il a été question des orientations générales du système d'enseignement québécois, en particulier du système d'enseignement universitaire. J'ai indiqué qu'il y avait certaines différences d'opinions entre le parti qui dirige présentement le gouvernement du Québec et les positions présentées par la CEQ, lesquelles sont très voisines de celles que vous avez présentées dans votre mémoire en matière de caractère démocratique du système d'enseignement, en matière d'accessibilité, en matière de financement du système universitaire.

Il reste quand même que les convergences sont, à mon point de vue, plus importantes que les points de désaccord. Je peux vous assurer que l'orientation générale du Parti libéral du Québec en matière d'éducation, c'est une orientation qui va dans le sens d'une affirmation claire de la dimension publique, communautaire, collective de la fonction d'éducation et d'enseignement dans notre société. Cela ne se réalise pas exactement de la même manière, selon les mêmes nuances, à chaque niveau, mais l'orientation générale est nettement dans ce sens et je pense bien qu'elle est appelée à le demeurer aussi.

Quand Mme Pellerin nous a dit tantôt que, du point de vue de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec, l'université ne doit pas être conçue comme un supermarché, j'étais tout à fait d'accord avec elle. On peut être porté, quand on examine ces choses d'un point de vue technocratique, à se les représenter à partir d'équations algébriques qui font bien dans un "computer", dans un ordinateur. L'ordinateur peut ramener la réalité à des proportions qui la rendent complètement méconnaissable.

Je pense bien que la première caractéristique de l'université, c'est d'être une communauté de vie. On parle beaucoup de la fonction d'enseignement, de la fonction de recherche, de la fonction de services à la collectivité. Dès qu'on commence à parler de fonction, on risque de fonctionnaliser et on risque aussi de fonctionnariser. Je pense que les fonctions découlent de ce qu'est un organisme. Et essentiellement, encore une fois, je pense que l'université tout comme l'école à son niveau doivent être des communautés de vie et de travail, des communautés de recherche également. Pour qu'on ait une communauté, il ne faut pas qu'on pense uniquement en termes de comptabilité. Il ne faut pas qu'on pense uniquement à se précipiter sur l'ordinateur. Je pense qu'il y a des travaux beaucoup plus profonds que cela qui sont au coeur même de la vie universitaire, et vous l'avez rappelé dans des termes simples qui m'ont personnellement touché et avec lesquels je suis pas mal d'accord.

Au sujet de l'accès à l'université, vous avez rappelé des faits qui sont à la fois encourageants et interpellants pour nous. D'un côté, nous avons fait des progrès énormes au cours des 20 dernières années, c'est incontestable et plusieurs des statistiques que vous citez dans votre mémoire le confirment. Mais il y a encore des pas à faire. Je suis content que vous ayez souligné de manière particulière les pas qu'il reste à faire du côté des communautés ethniques. Les communautés ethniques sont celles qui accusent actuellement en matière d'accès à la formation postsecondaire le retard le plus prononcé. Il existe encore également des écarts à combler en ce qui touche tes francophones, en ce qui touche les femmes, en ce qui touche les régions.

Nous n'aurons jamais l'égalité parfaite d'accès. L'égalité parfaite est un idéal qui demeure, à mon point de vue, inaccessible concrètement à moins que nous ne vivions dans une société littéralement parfaite; il y aura toujours, toujours, de nouveaux phénomènes d'inégalité qui se manifesteront, même si nous avons réglé les anciens. Vous nous rappelez des points qui peuvent être source de préoccupation pour les gouvernants et pour tous ceux qu'intéresse le progrès de l'éducation chez nous.

Sur la condition étudiante, je ne m'étendrai pas longtemps. Non pas parce que les passages de votre mémoire qui en traitent ne sont pas importants. Parce que nous aurons l'occasion d'ici la fin des travaux de la commission de causer avec des organismes qui sont des porte-parole plus immédiats du corps étudiant dans leurs milieux respectifs. Je pense que nous pourrons aller au fond de cette question. C'est uniquement une question de temps qui m'empêche de m'attarder là-dessus, à ce moment-ci. (12 h 45)

Tout cela, évidemment, pour en venir à la question principale soulevée dans votre mémoire, c'est-à-dire la condition des personnes que vous représentez plus immédiatement, les personnes que l'on appelle des chargés de cours dans nos universités. Vous avez rappelé avec raison que les chargés de cours assument une partie très importante de la mission de l'université. On traduit généralement cette partie qu'ils assument en heures de cours. On dit qu'ils

donnent, dans certaines universités, un peu plus que ta moitié de l'ensemble des cours qui sont donnés dans d'autres universités, proportion qui varie de 33 % à 50 %. Vous signalez, justement, qu'on ne peut pas assumer une proportion aussi forte de l'enseignement proprement dit sans en même temps assumer des responsabilités concomitantes,, On ne va pas se présenter devant une classe d'étudiants universitaires sans avoir fait un travail de préparation considérable. Les contacts qu'on a entraînent d'autres travaux par la suite.

Vous avez raison de signaler qu'il y a un problème aigu de ce côté. Je pense qu'on doit l'examiner. Le problème est peut-être plus complexe que vous ne l'avez indiqué dans votre présentation, M. Jones. J'interrogeais les gens de l'Université du Québec à Rimouski, hier. Le syndicat des chargés de cours est venu nous faire une présentation. J'ai demandé: Comment se compose votre groupe? De qui se compose-t-il exactement? Il y a toutes sortes de monde là-dedans. Il y a 40 % des chargés de cours à Rimouski qui sont des personnes qui ont déjà des emplois réguliers ailleurs, dont la très grande majorité, par conséquent, n'aspire apparemment pas à devenir des professeurs à temps complet. Ce n'est pas le même problème. Les conditions qui sont faites à ces personnes ne sont pas comparables, à mon point de vue, aux conditions qui seront faîtes à des personnes qui, à toutes fins utiles, donnent peut-être les deux tiers, les trois quarts, des fois la totalité de leur temps à cette fonction qu'ils accomplissent et demeurent chargés de cours parce que l'université n'a pas les moyens de les accueillir à titre de professeurs réguliers.

On me disait qu'il y en a d'autres qui sont des pigistes de divers types. Par exemple, il y en a qui sont des pigistes dans le domaine de la rédaction, de la communication, de la consultation en matière de management. Ces gens, il y en a qui se plaisent dans le condition de pigiste. Nous le savons tous, c'est une condition qui s'est beaucoup développée de nos jours et, avec la mobilité que l'économie prend, il y en a qui préfèrent cela. Il ne faudrait pas les forcer, à cause d'une logique syndicale impitoyable, à centrer absolument dans le rang des conventions que vous autres vouiez obtenir. Il y a un problème de ce côté. Ce n'est peut-être pas aussi simple que le laisse entendre le mémoire. Je vous donne ma réaction en toute franchise. Vous me connaissez assez. Je vous pose le problème, pour en venir à la question suivante: Quand vous dites que vous demandez la pleine reconnaissance des chargés de cours dans votre recommandation qui est contenue à la page 46 de votre mémoire, vous semblez aller plus loin que certains passages de votre mémoire ne le faisaient antérieurement. Antérieurement, vous disiez: On veut qu'ils soient davantage intégrés, à tout le moins associés. Il y avait des nuances qui étaient importantes. Mais, à la fin, la recommandation est catégorique et il y a toute une série de points qui sont énumérés. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous entendez par cela. Est-ce que vous entendez appliquer le même traitement à tout le monde sans tenir compte des distinctions comme celles qui m'étaient proposées hier par les chargés de cours de l'Université du Québec à Rimouski?

M. Larose: Jocelyn Chamard va vous donner les éléments de réponse.

M. Chamard (Jocelyn); En 1979, dans le rapport de la commission Angers qui faisait une évaluation du système universitaire -alors que les chargés de cours commençaient déjà à être un phénomène massif au niveau de l'enseignement universitaire - il y a environ deux pages qui sont consacrées aux chargés de cours. On indiquait que les chargés de cours étaient en général des praticiens et des intervenants du milieu qui apportaient une contribution reliée au milieu pratique. C'était aussi des gens qui étaient dans une démarche de carrière à l'université vers l'accès à la permanence. C'était le constat de la commission Angers. Face à la crise qu'on a subie dans les universités, le phénomène de l'accès à la permanence S'est bloqué, c'est-à-dire qu'on assiste à un statut éternel de chargé de cours. C'est un premier aspect. Tous les chargés de cours ne subissent pas une instabilité et une précarité d'emploi, mais c'est un phénomène massif. Au-delà de la moitié des enseignants chargés de cours sont en situation réelle de précarité d'emploi, c'est-à-dire qu'on enseigne à une session et on est incertain de pouvoir enseigner à la session suivante. Plus souvent qu'à son tour, on est assuré d'aller au bureau de l'assurance-chômage. Pour cela, on a une garantie. On n'a pas de plancher d'emploi, on n'a pas de sécurité. Cela peut faire trois ans, quatre ans qu'on enseigne à l'université et, selon l'évolution des programmes et l'offre de cours, on peut se retrouver sans aucun lien institutionnel. C'est l'aspect précaire de notre travail.

D'autre part, par rapport au statut du groupe collectif qui assume 50 % de l'enseignement, on n'est pas nommé dans les lois fondamentales, par exemple la Loi sur l'Université du Québec. On n'est pas nommé, non plus, dans les chartes des universités. On n'a aucune participation à la vie académique et à la vie professionnelle d'une université. M. Ryan, vous indiquiez qu'une vie universitaire, c'est une vie de communauté. Par exemple, la participation à tous les échanges relatifs aux objectifs des cours, des programmes, des directions et de l'agencement des cours entre les chargés de cours et

les professeurs n'est pas organiquement intégrée à la vie universitaire et cela peu importe le statut des chargés de cours au niveau de leur emploi, qu'il soit ponctuel ou continu à l'université. On est en relation d'extériorité complète.

Je pense que les universités n'ont pas encore fait de pas suffisants pour vraiment nous intégrer. Il y a eu des amorces, il y a eu des statuts d'observateurs qui ont été reconnus à certaines instances académiques, mais on le fait bénévolement. Déjà, on a un salaire de misère comme chargés de cours; on n'est jamais assurés d'un revenu annuel qui nous permette d'avoir un revenu relatif à nos compétences et, en plus, on fait du bénévolat pour participer à ces instances. Alors! Normalement, le phénomène qu'an a vu, c'est que les chargés de cours ne se sont pas alignés pour assumer ces possibilités de statuts d'observateurs étant donné qu'il n'y a aucune rémunération en conséquence. On nous demande aussi d'être à jour dans la connaissance universitaire. On nous demande de faire des créations dans le domaine artistique, on nous demande de faire des articles de recherche pour démontrer nos compétences à être qualifiés pour donner des cours, mais on n'a aucune ressource financière pour assumer ces tâches qui sont essentielles au niveau universitaire.

Le Conseil des universités dit dans son mémoire que la séparation entre l'enseignement et la recherche est rendue un fait massif et que c'est viable. Depuis dix ans, les chargés de cours affirment le contraire. On ne peut pas faire de l'enseignement universitaire sans être à jour au niveau des connaissances, sans faire des recherches, sans créer, sans avoir une expertise dans le milieu et on n'a aucune ressource financière pour ces activités-là.

Mme Pellerin: Je vaudrais ajouter ceci. C'est sûr qu'à la fédération on est contre le double emploi. Le Syndicat des chargés de cours de l'Université du Québec à Montréal, qui est notre plus vieux syndicat, a sa clause sur le double emploi. C'est sûr qu'on ne sera jamais contre les gens qui viennent donner ce qu'ils ont pour enseigner dans des domaines bien spécifiques. On a besoin de spécialistes. On n'est pas contre cela. Mais l'utilisation que I'université fait des chargés de cours parce que cela aide les finances quand tu paies moins cher un chargé de cours qu'un prof, donc l'introduction massive des chargés de cours, amène qu'on doit faire quelque chose pour ces gens-là. On ne peut pas les laisser enseigner sans aucun support, sans endroit pour travailler.

Si l'on dit que plus de la moitié de l'enseignement est fait par des chargés de cours et qu'un chargé de cours qu'on appellerait régulier, qui fait cela comme travail, est payé 18 000 $ pour six charges de cours dans un an, comment traite-t-on l'enseignement à l'université, si on le paie si peu? Et aussi, pourquoi les universités s'acharnent-elles tant contre leur syndicalisation? Cela a pris sept ans à l'Université de Montréal. Ils ont fini par être syndiqués et encore, cela a été jusqu'au mois d'octobre avant qu'on ait une réponse définitive. Ce sont maintenant les chargés de cours de l'Université Laval. On intervient pour eux aussi cet après-midi, parce qu'ils ont le même problème. II est sûr que du "cheap labor", cela aide à financer, mais je crois que ce n'est pas une façon de donner un bon enseignement à l'université.

Les chargés de cours travaillent dans des conditions pénibles et ils fournissent un très bon enseignement. Pourquoi les traite-ton de cette façon-là? Parce que cela aide à financer l'université. C'est pour cela qu'on intervient. On n'est pas contre les chargés de cours, les gens qui viennent donner des cours, des spécialistes, mais contre la façon dont on les utilise. On est aussi contre le double emploi.

M. Jones: Puis-je faire une intervention rapide?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, monsieur.

M. Jones: La question de la composition des chargés de cours est souvent soulignée, M. le ministre. En arrière de cela, il y a, à mon avis, un effort de justifier les conditions d'exploitation des chargés de cours. À mon avis, la question se pose dans un autre sens. Même si on constate que 40 % des chargés de cours ou même plus sont des gens qui ont des jobs ailleurs, qui sont pigistes ou qui trouvent un revenu ailleurs, est-ce que c'est causé par le fait qu'ils sont chargés de cours ou est-ce que c'est un effet de cela? Autrement dit, est-ce qu'ils sont obligés de travailler ailleurs parce que les conditions de travail comme chargés de cours ne leur donnent pas une rémunération décente ou est-ce qu'ils travaillent ailleurs parce qu'ils font le jab de chargés de cours comme hobby? Pardonnez-moi, je ne connais pas le mot français, mais un hobby, c'est une activité à part leurs occupations.

En résumé, offrez des conditions de travail décentes, des jobs à temps plein aux chargés de cours et je vous garantis que le pourcentage des gens qui travaillent ailleurs et qui continuent d'être pigistes va diminuer à presque zéro.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez terminé? Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Larose, madame, messieurs, ça me fait

plaisir de vous accueillir au nom de l'Opposition. Comme l'a dit le ministre tout à l'heure, effectivement, sur le fond, je pense bien qu'il y a beaucoup de similitudes avec le mémoire qui nous a été présenté par la CEQ. Cela m'amène à penser que ceux qui sont le plus près de l'action sont probablement ceux qui sont souvent les plus capables d'identifier la nature des actions qu'on devrait prendre comme société. Qu'ils aillent dans le même sens a quelque chose de rassurant. Je dois dire que, sur plusieurs points, je partage votre lecture des choses en même temps que vos préoccupations. L'idée d'élargir le débat de cette commission sur l'avenir des universités m'apparaît indispensable.

J'aimerais quand même revenir sur deux points particuliers qui me préoccupent. C'est toute la question de l'origine socio-économique des étudiants et des étudiantes, de même que la place qui est faite aux femmes dans les universités, que ce soit dans le corps professoral ou comme étudiantes, et toute la question des chargés de cours.

En page 22 et, ensuite, ça revient en page 34, si je me le rappelle, vous parlez des différences qui demeurent quant à l'origine sociale des étudiants, quant à la langue maternelle d'enseignement. Vous faites un rapport entre la fréquentation de l'université des anglophones et des francophones. Il demeure encore un écart important.

J'aurais juste une petite question de clarification en page 17 et, ensuite, je viens à la question. En page 17, dans le tableau que vous avez là, francophones et anglophones, vous estimez - non pas que vous estimiez, j'imagine que vous avez pris votre référence ailleurs - à 17 000 le nombre d'anglophones qui poursuivraient des études à temps partiel en 1985-1986. Je pense que c'est très surestimé parce que le rapport n'est pas aussi élevé que cela. Le phénomène des études à temps partiel est beaucoup plus marqué chez les francophones que chez les anglophones. Je m'interrogeais sur la valeur de ce chiffre. Par ailleurs, par rapport aux autres données, effectivement, il demeure un écart important.

Dans les fiches signalétiques qui nous ont été adressées avant le début des travaux de cette commission, on annonçait une enquête qui avait été faite par le Bureau de la statistique du Québec sur le statut socio-économique des étudiants. Si je me fie au texte que j'ai en main, ses données proviennent de la compilation préliminaire de la synthèse statistique de l'enquête sur le mode de vie des étudiants du Bureau de la statistique du Québec devant paraître en juillet prochain. On a communiqué au bureau pour savoir où en était cette étude. Je trouverais extrêmement important, avant que se terminent les travaux de cette commission, qu'on puisse avoir en main cette enquête sur le statut des étudiants. Cela devait paraître en juillet. Nous sommes rendus en octobre. À moins qu'il n'y ait des raisons particulières - et je ne pense pas que ce soit le cas - de ne pas la communiquer, il serait important, pour l'éclairage des travaux de cette commission, qu'on puisse avoir en main cette étude, parce que vous recommandez, à la page 34 de votre mémoire, d'effectuer une enquête de mise à jour de la condition étudiante. Je pense que, si on avait ce document en main, puisque l'enquête a été faite à partir d'une enquête semblable qui avait été faite en 1979 - en fait, ce serait la troisième - cela nous permettrait de voir l'évolution dans la fréquentation et le profil socio-économique des étudiants. (13 heures)

Cependant, on avait quelques fiches dans les informations qui nous ont été fournies. Ce n'était que quelques indications, cela ne nous permet pas de faire des analyses plus approfondies. Il demeure que les fils et les filles des ouvriers, des commis, des vendeurs, des techniciens ne représentent pas tout à fait 40 % des clientèles étudiantes dans les universités. Cela démontrerait qu'il n'y a pas eu une très grande évolution.

Il y a une autre statistique qui me préoccupe particulièrement, c'est celle sur le milieu familial. Elle est intéressante, mais préoccupante également parce que 88,5 % des étudiants et des étudiantes viennent soit de familles où les parents vivent ensemble ou de familles dont l'un des conjoints est décédé. Cela veut dire que vous avez 9,8 % d'étudiants issus de familles monoparentales. On sait que la proportion est beaucoup plus grande que cela dans la société. On sait aussi que 80 % des familles monoparentales, ce sont des femmes. Il y a un rapport qui semble se faire - évidemment, il faudrait voir des analyses plus approfondies là-dessus - entre l'accessibilité, le fait que vous soyez dans un milieu défavorisé, le fait que ce soient des femmes qui sont chefs de famille et leur accès à l'université. Évidemment, cela peut sembler un peu échevelé comme présentation, mais si on ne réalise pas rapidement que toute la société va être pénalisée parce que les femmes ne sont pas dans des circuits qui leur permettent d'avoir un salaire décent pour élever leurs enfants dans des conditions qui leur permettent d'aspirer à l'enseignement supérieur, on va revenir à ce cercle qui est, à notre avis, extrêmement pénalisant pour toute la société.

 la page 35, vous proposez un certain nombre de mesures pour favoriser l'accès des femmes à l'université. À la 7e recommandation, on dit: "Au niveau des

différents programmes, du matériel pédagogique, des conditions d'études aux 2e et 3e cycles et au niveau des personnels". Vous en parlez un peu plus longuement dans la présentation. Voudriez-vous nous expliciter davantage ce que seraient des mesures précises, selon vous?

M. Larose: Mme Achard.

Mme Achard (Flavie): Les chiffres estimés dont vous parliez, soit les 17 000, à la page 17, nous ont été communiqués par téléphone, par les services du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. C'est cette personne qui nous a dit qu'eux-mêmes avaient établi ce chiffre. Il se peut fort bien que ce chiffre soit surestimé si l'on fait la corrélation avec la page 24 où l'on indique l'âge moyen d'entrée à l'université des anglophones par rapport aux francophones. L'âge moyen d'entrée à l'université des francophones est de 27,93 ans, soit 28 ans, alors que celui des anglophones est d'environ 25 ans. Il faut dire que ce sont des statistiques qui mélangent les études à temps partiel et les études à temps complet. C'est un indice très fort qui fait que les francophones sont plus pauvres que les anglophones et qu'ils sont obligés de venir à l'université très souvent à temps partiel, donc de travailler en même temps qu'ils étudient. C'est un aspect fondamental, je pense, de la condition étudiante des francophones au Québec.

Quant à l'autre question...

Mme Blackburn: Elle concernait l'accès des femmes à l'université.

Mme Achard: Je vais laisser le soin à Mme Pellerin d'y répondre.

Mme Pellerin: D'accord. Je pense que la plus grande difficulté qu'on a présentement est de trouver des façons d'introduire les femmes dans l'éducation, dans les études. Si on commençait tôt, disons au niveau collégial, à faire des programmes d'accès à l'égalité pour que les femmes commencent à enseigner au niveau collégial... Ce qui arrive dans les négociations du secteur public, c'est que ce sont toujours les femmes qui sortent du collégial, parce que les mesures qu'on prend, c'est de sortir les femmes vu qu'elles sont entrées les dernières.

Ce qui arrive aussi, c'est que les étudiantes qui sont au collégial n'ont pratiquement pas de modèles féminins, sinon dans les ghettos féminins. Chez les infirmières, par exemple, il n'y a pas de difficulté. Mais ailleurs... Tout ce qu'on entre comme nouvelles technologies au niveau collégial s'adresse toujours aux hommes. Que l'on parle de la navigation, de l'aérospatiale, etc., c'est toujours comme cela. Les jeunes filles n'ont pas de modèles féminins pour entrer au collégial. Il n'y a pratiquement pas de femmes qui enseignent au niveau collégial. C'est donc dire, quand on va au niveau universitaire, que cela nous pose encore un problème. Les femmes n'y sont pas plus nombreuses et les jeunes filles ont commencé au niveau collégial des cours traditionnellement féminins. Elles continuent donc à l'intérieur de cela.

Il y a aussi le fait que, comme il n'y a pas de réseau de garderies et que les femmes ne peuvent pas aller à l'université avec leurs enfants, il y a un problème. Peut-être que les hommes se sont maintenant améliorés et qu'ils travaillent un peu à la maison, mais disons que ce sont encore les femmes qui sont les plus grandes gardiennes. Comme je le disais, il n'y a pas de réseau de garderies. Mais, si on commençait par régler des problèmes semblables, on pourrait peut-être régler les problèmes au niveau universitaire. On croit que la formation courte a résolu un problème. Elle s'adresse aux adultes. Si vous faites un certificat, c'est moins long. 5i vous voulez vous recycler pour aller sur le marché du travail, vous passez par la formation courte et c'est plus facile.

Pourquoi ne vont-elles pas plus loin qu'un premier cycle? Je croîs que c'est ce que je disais tantôt. C'est que pour aller aux 2e et 3e cycles cela demande beaucoup de temps. Souvent, on est pauvre, parce que 60 % des femmes vivent en dessous du seuil de la pauvreté au Canada. Comme les foyers monoparentaux sont surtout dirigés par les femmes, vous ne pouvez pas non plus passer votre vie à l'université, il faut aussi gagner de l'argent à un moment donné. Je crois que cela commence plus tôt qu'au niveau de l'université pour pouvoir créer des choses à l'université. C'est pourquoi les programmes d'accès à l'égalité au niveau collégial sont importants. Le réseau de garderies est important. Le fait aussi de donner aux femmes des conditions d'entrée à l'université qui ne seraient pas similaires à celles des hommes serait important. Parce qu'on sait que c'est plus facile pour les hommes que pour les femmes. Mais je dis quand même que l'on doit commencer plus tôt qu'à l'université.

Je pense qu'au niveau collégial on a déjà un problème et il se répercute donc ensuite à l'université.

Mme Blackburn: À la 8e recommandation ou revendication, page 35, vous proposez que les universités et le gouvernement publicisent davantage cette mission de l'université, notamment auprès des groupes concernés afin qu'ils puissent solliciter ce type de services à l'université. Il s'agit des services à la collectivité. Mais ne croyez-vous pas, lorsque vous dites que

cela devrait commencer plus tôt, qu'il faudrait avoir davantage de mesures qui soient prises beaucoup plus tôt, soit dans le milieu familial, dès les premières années, finalement? Parce que cela se détermine souvent dès les premières années de fréquentation scolaire, quand ce n'est pas plus tôt. Cela dépend beaucoup de la stimulation familiale.

Mais j'aimerais revenir brièvement, puisque le temps passe, sur les chargés de cours. Il y a quelques années, au moment où l'Université du Québec ouvrait ses premières constituantes, on s'était interrogé dans les universités sur un niveau acceptable d'activités d'enseignement à être dispensé par les chargés de cours. C'était variable. On connaissait la pratique là-dedans. À un moment donné, on avait convenu du pourcentage 40-60, c'est-à-dire que 40 % pour le chargé de cours était le maximum qu'on devait atteindre et 60 % par le professeur permanent à temps complet. On s'est fait dire ici que c'était très variable, à présent, que c'était plus près de 50 %. Même que dans certains départements cela va jusqu'à 70 %. Il y a même des représentants de l'Université du Québec à Montréal qui nous ont dit, je pense, qu'il y avait, dans certains cas, un prof permanent pour encadrer 40 chargés de cours. Là, cela ne paraît plus être une question qui soit marginale et réservée à quelques universités. Cela commence à devenir un problème sérieux. Je ne pense pas que l'on puisse continuer à faire comme s'il n'y avait pas de problème dans toute cette question des chargés de cours et du recours à ce type d'emploi pour assurer les activités d'enseignement.

À la page 46, vous proposez, et peut-être parce que le ministre n'a pas eu le temps de lire votre mémoire, à la 4e recommandation, une enquête publique sur la condition des chargés de cours. À quoi pensez-vous quand vous parlez d'une enquête publique? Je sais à quoi se réfère une enquête publique, mais c'est quand même quelque chose. Avez-vous pensé à une formule qui nous permettrait de mieux comprendre et de mieux connaître à !a fois le profil du chargé de cours, ses attentes, sa pratique à l'extérieur de la province ou dans d'autres pays pour voir un peu ce que cela peut représenter et dans quelle direction on devrait aller par rapport à l'utilisation et à l'embauche de ces chargés de cours?

M. Larose: M. Jocelyn Chamard va vous répondre.

M. Chamard: Par exempte, ce pourrait être le Conseil des universités qui ferait une étude sur les modalités. Ce pourrait être cela ou quelqu'un d'autre. Ce qui me semble évident, c'est qu'on essaie de voir qui sont les chargés de cours. Combien sont-ils? Quelles sont les allocations financières des masses salariales qui leur sont imputées? Quand on tente de travailler à partir des statistiques du ministère ou de la CREPUQ, c'est un maquis. On ne sait pas qui sont les chargés de cours. Combien sont-ils? Quelle est leur évolution dans l'enseignement, leurs aspirations? Pourquoi viennent-ils à l'université? Pourquoi enseignent-ils? Pourquoi certains persévèrent-ils cinq, huit, dix ans sans être certains d'y demeurer, sans accès à aucune permanence? On ne comprend même pas leur présence à l'université. On se demande même parfois entre nous pourquoi on persiste.

En ce qui concerne les chargés de cours, je vais vous donner un exemple. Il ne s'agit pas de viser le réseau de l'Université du Québec plus qu'un autre, mais cet exemple illustre un peu ce qui se passe. Dans la publicité du journal Le Réseau, qui est l'organe d'information du réseau UQ, on parle de l'Université du Québec et on décrit la communauté universitaire en mentionnant qu'elle comprend 74 000 étudiants, 1800 professeurs réguliers et 3000 employés non enseignants. Aucune mention de la présence des chargés de cours. C'est un peu révélateur. On ne retrouve dans aucun règlement la reconnaissance de la nomination des chargés de cours. La présence des chargés de cours à l'UQAM était de 57 % à l'automne 1985. Dans les années soixante-dix - j'ai pensé que vous étiez généreuse en parlant de 40 % - on visait plutôt 30 %. Je me souviens que le Syndicat des professeurs de l'Université du Québec voulait diminuer le ratio des chargés de cours. C'était un des objectifs du syndicat à l'époque. Cela a disparu avec les événements de la crise financière, notamment.

Connaître la réalité des chargés de cours, c'est connaître la réalité de leur travail, de leur contribution, parce qu'il y a des aspects invisibles. Souvent, on sert de boucs émissaires pour dire qu'il y a des problèmes de qualité dans le domaine de l'enseignement universitaire. On dit que les chargés de cours ne font pas d'encadrement. Cela n'est pas évident à prime abord. Comment se fait-il qu'il y ait autant d'étudiants qui passent aux 2e et 3e cycles avec autant d'enseignants chargés de cours? Comment se fait-il que le problème de l'encadrement y est lié? 5ouvent, les étudiants ne savent même pas si le professeur devant eux est un chargé de cours ou un professeur régulier. Comment peut-on identifier que ce sont les chargés de cours qui ne font pas d'encadrement? C'est le mystère.

Les chargés de cours sont obligés, par exemple en arts, de faire de la création pour se faire reconnaître qualifiés. Mais ce n'est pas une tâche reconnue pour laquelle ils sont

payés. Mais ils doivent quand même l'assumer. Pour se faire reconnaître qualifié, on doit, par exemple, pour donner des cours en histoire, en sociologie ou dans d'autres domaines, faire des articles de recherche. Mais on n'a aucun soutien institutionnel. Vous devez assumer cela personnellement. C'est la situation des chargés de cours qui est inconnue. C'est ce qu'on veut qui soit corrigé. Dans un premier temps, on pense que c'est une réalité encore inconnue.

Si je demandais au ministre ou au ministère de l'Éducation de nous donner des chiffres précis sur le nombre de chargés de cours et la part de l'enseignement assumé, je suis sûr que les zones d'ombre apparaîtraient aisément. Je vais vous donner un exemple. En 1982-1983, selon le réseau UQ, il y aurait eu une décroissance du nombre de chargés de cours dans le domaine universitaire. Bien oui. Nos listes de rappels ont diminué de 24 mois à 16 mois; cela a éliminé du monde. Mais la part de l'enseignement a augmenté - vous avez eu des chiffres de l'UQAM - de 33 % à plus de 50 %. C'est ce qui est important car c'est la part de l'enseignement assumé. On essaie de trouver les masses salariales dévolues aux chargés de cours dans les chiffres du ministère, au chapitre des finances. On a confié cette tâche à un recherchiste de la CSN cet été. Il était découragé et il a dit qu'il ne pouvait pas faire les "computations".

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. Chamard. J'inviterais maintenant Mme la députée de Chicoutimi à conclure au nom de sa formation politique.

Mme Blackburn: Je vous remercie, au nom de ma formation politique, de votre participation aux travaux de cette commission. Cela nous demanderait sans doute plus de temps pour mieux cerner cette situation qui devient majeure dans les universités, soit la prestation de cours par les chargés de cours. Je pense que la recommandation que vous faites mérite d'être sérieusement considérée. Il nous paraît évident qu'il y a un rapport entre les conditions de travail qui sont faites aux chargés de cours et la qualité de l'enseignement et des services.

Il est vrai de dire que le profil des chargés de cours est fort variable. Il y en a qui sont déjà professeurs à temps complet et qui ont aussi des charges additionnelles de cours. Il y a également ceux qui le font parce qu'ils sont spécialistes en certaines matières. Il y a aussi ceux qui en font quasiment un emploi, insécurisant sûrement, mais à temps complet. Je pense que c'est cette réalité qu'il faudrait mieux connaître.

Il faudrait aussi s'interroger sur ce qu'est un niveau acceptable. Parce qu'on ne pourra pas parler de qualité sans se demander jusqu'à quel point on peut confier une partie importante de l'enseignement à des personnes qui n'ont pas suffisamment l'occasion à la fois de faire de la recherche, de se perfectionner et de contribuer à des travaux pour augmenter leurs compétences et les mettre à jour. Je pense que cette question mérite toute l'attention que vous souhaitez. J'estime que la recommandation que vous faites dans le sens qu'il y ait une enquête, qu'elle soit menée par le Conseil des universités ou par un autre organisme, est fort pertinente et j'espère que le ministre responsable la prendra en considération, comme il l'a fait à d'autres occasions. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de donner suite immédiatement aux propos que vient de tenir la députée de Chicoutimi. Comme elle l'a signalé justement, lorsque des problèmes sérieux ont été soumis à l'attention des membres de la commission depuis le début de nos travaux, nous avons essayé d'en tenir compte et de prendre l'engagement de les examiner plus à fond quand les données n'étaient pas toutes réunies.

Dans le cas des chargés de cours, je pense que nous allons greffer ce sujet à l'étude que nous allons faire sur la tâche de travail des professeurs d'université. Nous allons constituer un groupe de travail très prochainement sur ce sujet. Je vais demander que l'on inclue parmi les sujets que nous examinerons tout le problème des chargés de cours. Parce qu'on ne peut pas discuter des tâches de travail des professeurs réguliers sans examiner également le volet que représente le travail des chargés de cours. Je pense que ce sont des composantes maintenant vitales de la fonction de l'enseignement et de la recherche à l'université. Ce qui fait que je pense pouvoir vous dire que la dimension que vous avez portée à notre attention de façon plus explicite ce matin sera prise en considération dans cet examen qui sera fait au cours des prochaines semaines. On n'a pas eu le temps de constituer encore ce groupe de travail parce qu'on a été pris presque continuellement par la commission depuis un mois, mais on va le faire très prochainement. C'est un élément qui pourra, je pense, nous être très utile pour déterminer la politique du gouvernement.

Je voudrais ajouter sur ce point une remarque de caractère général. Je pense que dans notre société, comme dans la société américaine, les ententes collectives des dernières générations, surtout de ta dernière génération, avaient donné lieu, dans plusieurs

secteurs de l'économie, à des rigidités excessives qui ont fini par éclater d'une manière ou de l'autre, parce qu'elles ne pouvaient pas résister dans le statisme qu'elles causaient sauvent au mouvement impétueux des changements sociaux, technologiques et économiques qui se produisaient autant au plan international qu'au plan national. Mais la contrepartie de cet éclatement de plusieurs structures que l'on croyait installées à demeure, c'est la prolifération du travail que vous avez appelé le "cheap labour". Il est vrai qu'on avait besoin de plus de souplesse dans plusieurs secteurs de l'activité économique mais souvent la souplesse se traduisait pour plusieurs par la création d'emplois très faiblement rémunérés et qui, finalement, réduisaient le niveau de vie d'un grand nombre de personnes.

Je voyais un article dans le Globe and Mail de samedi, qui n'était pas spécialement original, mais qui l'était toutefois par son application dans la réalité économique canadienne. On disait qu'autrefois on allait vers un modèle en Amérique du Nord où la classe moyenne était majoritaire, la classe pauvre minoritaire, d'un côté, et la classe riche, de l'autre. Mais, maintenant, la classe moyenne s'amenuise de plus en plus. Le nombre des pauvres augmente et la richesse des riches augmente aussi. Là, il y a un problème très grave qui nous préoccupe tous. Je pense qu'on doit le voir se développer sous nos yeux et je pense que ce que vous nous avez dit se rattache à ce phénomène. On va essayer de l'étudier et de le comprendre. Maintenant, il faudrait nuancer les solutions parce qu'on ne peut pas apporter de solutions globales à un problème comme celui que vous posiez. M. Jones disait tantôt: C'est évident, donnez-leur la permanence, intégrez-les à temps complet dans le travail, cela va être formidable. S'il avait les ressources ce serait magnifique mais il n'a évidemment pas les ressources pour intégrer. Je pense qu'en tout il doit y avoir de 8000 à 10 000 personnes qui sont chargées de cours d'une manière ou de l'autre dans nos universités et on a 7000 professeurs permanents.

Là, il y a un problème. On va l'examiner. C'est une des données essentielles. Je vous remercie de l'avoir porté à notre attention avec autant de civilité et de fermeté en même temps. Je pense que vous nous rendez un service très précieux et je voudrais adresser des salutations spéciales, en terminant, au président de la Confédération des syndicats nationaux que je suis bien content d'avoir rencontré à cette occasion.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre, M. Larose, Mme Pellerin, Mme Achard, M. Jones, M. Chamard. La commission parlementaire sur l'éducation vous remercie d'être venus nous aider à réfléchir sur la problématique du financement des universités et de l'orientation du réseau. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures alors que nous accueillerons l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingueoe.

(Suspension de la séance à 13 h 22)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, mesdames et messieurs! La commission de l'éducation poursuit ses travaux toujours dans le cadre du mandat qui lui a été confié le 19 juin dernier par l'Assemblée nationale, soit de procéder à une consultation générale sur l'orientation et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et les années ultérieures.

Cet après-midi, la commission parlementaire de l'éducation accueille l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Le porte-parole en est M. Rémy Trudel, recteur. M. Trudel, soyez le bienvenu et merci d'avoir répondu à l'invitation de la commission parlementaire de l'éducation de venir rencontrer les députés et discuter avec eux d'un problème qui nous intéresse tous, je crois, à savoir l'orientation du réseau universitaire québécois et son cadre de financement.

La commission a prévu, M. Trudel, d'entendre votre université durant environ une heure trente. C'est donc dire que selon les ententes - on m'informe qu'il y a eu entente avec le secrétaire - vous feriez une présentation verbale d'environ 15 ou 20 minutes et, par la suite, le reste de la période serait séparée à part égale entre tes deux groupes parlementaires de façon que vous puissiez échanger sur le sujet qui nous intéresse.

M. Trudel, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec la présentation de votre mémoire. Merci.

Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

M. Trudel (Rémy): Je vous remercie, M. le Président. M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, mesdames et messieurs les députés de cette commission parlementaire, il me fait bien plaisir de vous présenter mes collaborateurs et les gens qui seront avec moi aujourd'hui pour présenter nos opinions sur le mandat qui a été confié à cette commission.

À mon extrême gauche, M. Daniel Carie, qui est membre socio-économique du

conseil d'administration de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et agronome dans la région de La Sarre, conseiller au ministère de l'Agriculture. Également, M. Jean Descarreaux, qui est géologue à la firme-conseil en géologie Jean Descarreaux, de la région de Val-d'Or; le Dr Descarreaux est président de notre conseil d'administration à titre de membre socio-économique.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Docteur, soyez le bienvenu.

M. Trudel (Rémy): À ma gauche, également, M. Roger Claux, qui est vice-recteur à l'enseignement et à la recherche de notre université. Immédiatement à ma droite, M. Robert Simard, qui est vice-recteur à l'administration et aux finances de notre université.

Le Président (M. Parent, Sauvé): MM. Claux et Simard.

M. Trudel (Rémy): Finalement, à l'extrême droite, M. Bernard Le Régent, qui est aussi membre socio-économique du conseil d'administration de l'université et directeur général de la commission scolaire Joutel-Matagami et Nouveau-Québec.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je me souviens très bien de M. Le Régent. Il me fait plaisir de vous revoir.

M. Le Régent (Bernard): Merci.

M. Trudel (Rémy): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscarningue est heureuse d'avoir l'occasion d'exposer, aujourd'hui, ses opinions sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois. L'UQAT rappellera, dans un premier temps, le contenu de sa mission, de ses orientations et les motifs qui sont à l'origine de sa création dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Elle tracera ensuite une rétrospective de son évolution et de ses réalisations tant au niveau de l'accessibilité que de l'évolution de ses clientèles, de l'éventail et de la qualité des programmes qu'elle offre, que du développement de la recherche, de la composition de son corps professoral et du rôle de soutien qu'elle joue dans le développement régional.

Dans un deuxième temps, elle aimerait dresser le portrait de sa situation financière et préciser les causes qui ont rendu cette situation financière anémique. Elle rappellera aussi l'unanimité des différentes études concluant à son sous-financement et aimerait bien décrire les particularités qui caractérisent son fonctionnement.

Elle terminera cette présentation en soulignant le très faible pourcentage des dépenses per capita consacré à l'enseignement universitaire dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, malgré des statistiques fort peu éloquentes sur le degré de scolarisation dans cette région. L'UQAT soumettra ensuite quelques éléments qui devraient être pris en compte, à notre avis, pour déterminer le montant des subventions accordées aux universités de petite taille et situées en régions périphériques. Elle fera aussi la démonstration de l'importance des coûts reliés à la taille, à l'éloignement et à la poursuite de sa mission régionale et abordera aussi le développement de la recherche. L'UQAT rappellera également quelques caractéristiques de la pratique ontarienne à cet égard. Finalement, souhaitant que les déficiences des bases de financement actuelles des petites universités situées en périphérie soient révisées, elle présentera les grandes lignes des développements qu'elle aimerait bien envisager.

D'abord, un rappel du rôle de cette université dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Érigée en constituante de l'Université du Québec en 1983, au titre d'université à vocation générale, l'UQAT a d'abord défini sa mission, ses orientations et ses axes prioritaires de développement à l'intérieur du réseau universitaire québécois. L'essentiel de sa mission de formation et de recherche se concentre autour du développement des ressources humaines lié à la mise en valeur des ressources naturelles et à la gestion de l'environnement sur les plans social, éducatif, culturel et économique dans un territoire, on s'en doute bien, caractérisé par sa situation géographique, sa nordicité, sa faible densité démographique et l'importance des ressources de la terre.

Pour réaliser cette mission d'enseignement et de recherche nous avons, bien sûr, adopté un certain nombre d'orientations qui sont, d'abord, de vouloir rendre accessible à la communauté régionale la connaissance de niveau universitaire dans un certain nombre de secteurs disciplinaires fondamentaux. Deuxièmement, comme orientation pour réaliser cette mission, reconnaître les ressources limitées d'une institution de petite dimension et la nécessité de prendre appui sur la communauté scientifique du réseau universitaire québécois pour réaliser cette mission d'enseignement et de recherche. Troisièmement, offrir une contribution significative au milieu régional par la mise sur pied de programmes ou de lieux d'appui pour assurer son développement à cette région de l'Abitibi-Témiscamingue.

Présente dans la région depuis 1970 à la demande du gouvernement, l'Université du Québec est donc profondément engagée, par sa constituante en région, à relever de façon rationnelle et planifiée le défi de la

formation et de la recherche de niveau supérieur pour une population historiquement défavorisée à cet égard. D'ailleurs, l'étude des taux de fréquentation universitaire nous permet de constater un net retard de cette région sur l'ensemble du Québec. Alors que le taux de scolarisation universitaire à Montréal et à Québec atteint 10,2 %, l'Abitibi-Témiscamingue atteint faiblement 3,7 % au niveau de la fréquentation universitaire.

Nous aimerions donc, à la suite de ce bref rappel historique de la mission et des orientations de l'université, vous parler de l'évolution et des réalisations de cette université depuis qu'elle a été créée ou, du moins, depuis que l'Université du Québec est présente dans la région de PAbitibi-Témiscamingue.

Forte de la volonté gouvernementale de vouloir promouvoir l'accessibilité aux études universitaires et de prendre en considération de façon particulière les besoins des communautés régionales, notre université orienta très tôt son action vers la déconcentration de ses services et la décentralisation des enseignements comme moyens privilégiés de desserte d'une clientèle répartie sur son vaste territoire de plus de 110 000 kilomètres carrés en excluant, bien sûr, le territoire de la Baie-James. C'est ainsi que notre université, en plus des services qu'elle dispense à Rouyn-Noranda, dessert l'immense région de l'Abitibi-Témiscamingue à partir de neuf centres régionaux dont quatre bénéficient d'un secrétariat permanent en collaboration avec des organismes du milieu. Cette dispersion de la clientèle, répartie dans plusieurs programmes, rend difficile l'application des règles de fonctionnement en vigueur dans les institutions de plus grande taille. Elle exige une plus grande rigueur administrative, bien sûr, et aussi, faut-il le souligner, une participation du corps professoral, nous semble-t-il, plus grande puisque environ 40 % des activités d'enseignement se donnent dans les centres régionaux autres que Rouyn-Noranda.

Quelle est donc l'évolution des clientèles qui fréquentent cette université? L'examen de l'évolution des clientèles au cours des cinq dernières années, de 1980 à 1985, nous indique qu'elles ont connu un taux de croissance de plus de 41 %. Le nombre d'étudiants équivalent temps complet est passé de 773 en 1980 à 1093 en 1985. Les plus fortes hausses de clientèles ont été obtenues dans les secteurs des sciences appliquées, des sciences de la santé, de la comptabilité et de l'administration et des sciences du comportement humain.

Le tableau III que nous présentons à la page 13 de notre mémoire nous montre clairement l'importance des clientèles des centres régionaux qui constituent, nous le disions il y a quelques moments, 40 % des clientèles totales de l'UQAT et démontre aussi, je pense, l'importance de favoriser l'accessibilité à l'enseignement universitaire qui est une réalité très concrète dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue.

Quels sont les programmes que nous offrons à cette clientèle? L'UQAT dispose d'un patrimoine académique actif de quelque 37 programmes au 1er cycle dans le domaine de l'administration et de la comptabilité, de l'éducation et du comportement humain, de la santé, des sciences sociales, des sciences appliquées et, enfin, des arts. Quatorze de ces programmes sont des baccalauréats, vingt-trois sont des certificats.

De plus, l'UQAT compte au total seize programmes qui font partie de son patrimoine mais qui sont fermés aux admissions pour cause de faiblesse de clientèles ou encore d'absence de pertinence de poursuivre la dispensation de ces programmes à la suite d'une décision du conseil d'administration qui a été prise en ce sens.

L'UQAT dispense aussi, en collaboration avec d'autres institutions, trois programmes de 2e cycle, une maîtrise en éducation avec l'Université du Québec à Rimouski, une maîtrise en gestion des petites et moyennes organisations en collaboration avec Chicoutirni et une maîtrise en gestion de projet en collaboration avec les unités du réseau situées à Chicoutimi, à Hull, à Montréal et à Trois-Rivières.

Quelques mots, bien sûr, sur la qualité des programmes que nous dispensons dans cette université. L'excellence de la formation est à la base même du développement des programmes offerts à cette université. Il est souvent difficile d'évaluer la qualité des programmes d'une institution donnée comparativement à d'autres à cause des nombreux facteurs suggestifs qui peuvent intervenir dans toute comparaison. Par contre, lorsque tous les étudiants d'un programme sont soumis à un même examen uniforme au Canada, l'évaluation des résultats est alors beaucoup plus aisée ou plus objective et représentative, nous semble-t-il, de la qualité de la formation dispensée.

Ainsi en est-il, par exemple, de la performance des étudiants, dans le domaine des sciences comptables à notre université, qui se présentent à l'examen final uniforme de l'Institut canadien des comptables agréés et ce, depuis plusieurs années. En 1981, le taux de réussite des étudiants de l'université a atteint 81,8 %. Ce taux de réussite ne devait pas être égalé au Québec et l'UQAT obtint une première place en termes de taux de succès. En 1982, c'est 80 % des étudiants qui se sont présentés à cet examen de l'Institut canadien des comptables agréés et qui ont réussi cet examen pour être admis à l'intérieur de cette profession. En 1983,

presque un malheur, c'est 70 % de nos étudiants qui ont réussi, mais c'était encore au-dessus de la moyenne canadienne. En 1984, avec un taux de réussite de 92 % et 5 de ses étudiants se classant parmi les 20 premiers au Canada, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue n'eut aucun mal à reprendre le premier rang des universités en termes de réussite de ses étudiants à ces examens uniformes. Cette performance exceptionnelle, je pense qu'il faut bien le souligner, attira l'attention de toute la communauté universitaire canadienne sur le Québec, plus particulièrement sur le réseau des Universités du Québec et sur l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, en particulier. Pour bien saisir toute la réalité de cette magistrale performance, mentionnons que 4000 étudiants environ au Canada se sont présentés à cet examen uniforme en 1984, dont 5 des étudiants parmi les 20 premiers au Canada étaient en provenance de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. En 1985, c'est tout près de 70 % de ces étudiants qui ont également réussi à cet examen uniforme. Cette performance annuelle n'est donc pas le fruit du hasard. Elle est l'aboutissement de la motivation, de l'acharnement et de la volonté qu'ont mis les étudiants dans la poursuite de leur formation et, bien sûr aussi, le signe du sérieux et de la compétence du corps professoral et de la qualité de l'encadrement qu'ils reçoivent à notre université.

Les étudiants en génie de notre université nous donnent aussi un autre témoignage de la qualité de la formation dispensée en Abitibi-Témiscamingue. Les étudiants en génie sont soumis aux mêmes programmes et aux mêmes examens que ceux de l'École polytechnique de Montréal, à la suite d'une entente intervenue entre les deux institutions en 1984. Les étudiants de notre université ont affiché depuis le début du programme une moyenne générale supérieure de 40 % à celle de leurs confrères et consoeurs de l'École polytechnique de Montréal en 1984 et de 12 % supérieure à la moyenne générale de ces mêmes étudiants en 1985. Au niveau plus général, mentionnons que les finissants de 1er cycle de l'UQAT n'ont aucune difficulté aussi à être admis à des études de 2e ou 3e cycle dans d'autres universités. L'Université de Montréal admettait en 1983, en scolarité de doctorat, quelque 20 étudiants qui avaient obtenu une maîtrise en éducation de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Ces signes, nous semble-t-il, nous donnent un aperçu de la réputation enviable que s'est bâtie notre université auprès des autres universités du réseau.

De 1970 à 1985 notre université a décerné à ses étudiants 3274 diplômes, 1900 certificats, 1354 baccalauréats et plus de 20 maîtrises. Compte tenu du faible taux de scolarisation en Abitibi-Témiscamingue et compte tenu du taux élevé de rétention des diplômés en régions qu'une récente étude évaluait à 91 %, c'est une bonne performance, nous semble-t-il, qu'a réalisée l'UQAT en Abitibi-Témiscamingue en l'enrichissant de plus de 3000 nouveaux diplômés.

Qu'en est-il maintenant du volet de la recherche dans cette université à vocation générale? L'augmentation progressive du corps professoral, la hausse des critères d'embauche et l'obtention du diplôme de doctorat chez plusieurs des professeurs ont permis, au cours des six dernières années, d'atteindre la masse critique nécessaire au développement de la recherche dans certains secteurs disciplinaires. À ce chapitre, la seule observation de l'évolution du volume des subventions, contrats et commandites de recherche est éloquente. Totalisant en 1982-1983 la somme de 308 000 $, les subventions, contrats et commandites ont pas3é à 472 000 $ en 1983-1984, à 712 000 $ en 1984-1985 pour atteindre tout près de 1 000 000 $, soit 944 000 $, en 1985-1986. Voilà quelque chose de plus significatif encore, croyons-nous: Alors qu'il y a quatre ou cinq ans la totalité des subventions provenait des fonds internes, des contributions de l'Université du Québec ou du ministère de l'Éducation, on assiste aujourd'hui à une prédominance de subventions en provenance d'organismes extérieurs incluant, bien sûr, les subventions des organismes majeurs.

Que fait-on dans le domaine de la recherche dans cette université? Très rapidement, dans les secteurs suivants: Dans le domaine des sciences du comportement humain les recherches ont d'abord porté sur les mécanismes du bio-feedback (relaxation, réflexes et myothérapie). Les chercheurs se concentrent maintenant sur les mécanismes de prévention psychosociale souples et sur les alternatives éducatives aux algies lombaires chroniques puisque nous vivons - je pense que tout le monde le sait - dans une région de forêts et de mines en particulier et que ce problème des maux de dos est particulièrement chronique dans notre région. Les chercheurs dans ce secteur s'orientent et orientent leurs travaux de façon pratique dans ce secteur problématique.

En ce qui concerne les sciences de l'éducation, la recherche porte principalement sur le développement des services éducatifs dans les régions périphériques à faible densité de population, ce volet incluant le développement des services éducatifs chez les populations autochtones.

Dans te domaine des sciences sociales, la recherche est principalement axée sur l'expérimentation sociale. Les principaux sujets portent sur le développement des

coopératives, le développement régional en soi et la prise en charge chez les Amérindiens.

Au niveau des sciences de l'administration, la recherche se concentre principalement sur les phénomènes de la petite et moyenne organisation, ou petite et moyenne entreprise, le diagnostic-intervention dans les entreprises et l'entrepreneurship au féminin.

Dans le domaine des sciences appliquées, finalement, les principales activités de recherche touchent trois secteurs bien distincts: les sciences et technologies minières; on y poursuit des recherches en géologie et des analyses pétrographiques, des recherches en mécanique des roches, des recherches sur la modélisation des gisements et de l'exploitation par ordinateur. L'UQAT a concrétisé la mise sur pied d'une unité de recherche en sciences et technologies minières en collaboration avec le collège de l'Abitibi-Témiscamingue et les représentants ou les membres de l'industrie minière. Cette industrie minière est en pleine expansion et implique donc un soutien technologique très fort pour continuer ce développement.

Le domaine des sciences appliquées poursuit aussi différentes recherches dans le secteur des sciences et technologies forestières. On concentre les recherches sur trois types de projets: principalement sur la régénération et la croissance des plants, la génétique forestière, mais aussi l'amendement organique des sols avec les résidus de sciage, en collaboration avec l'Institut Armand-Frappier, ainsi que sur la problématique de la santé et de la sécurité du travail en milieu forestier à l'intérieur du Centre multirégional de recherche en sciences et technologies forestières du réseau de l'Université du Québec.

Finalement, la recherche opérationnelle et l'informatique sont des sujets de préoccupation dans ce regroupement disciplinaire et ils portent sur la modélisation et l'aide à la décision, avec, comme spécialité, l'analyse multicritère, et des applications sont en cours dans le secteur minier. (15 h 30)

Au niveau de la recherche, en dépit de la faiblesse des ressources mises à la disposition des professeurs-chercheurs, l'UQAT a effectué une progression notable au chapitre des subventions extérieures et ne cesse de manifester son désir de développer te secteur de la recherche dans cette région, principalement sous l'angle de la recherche appliquée.

Qu'en est-il du corps professoral impliqué dans cette université au niveau de l'enseignement, de la recherche et du volet service à la collectivité? Les ressources humaines pour l'enseignement et la recherche font appel à quelque 60 professeurs réguliers et à une centaine de chargés de cours pour chacune des sessions académiques. Le tableau de la page 28 de notre mémoire nous indique la progression qualitative importante du corps professoral régulier qui peut maintenant compter sur une proportion de 65 % de ressources possédant une scolarité de doctorat ou encore un doctorat complété. Les enseignements à l'université sont par ailleurs dispensés pour plus de la moitié par des chargés de cours. Dans certains secteurs, comme les sciences de la gestion, cette proportion est cependant beaucoup plus élevée et soulève certaines inquiétudes dans la maison. Notre situation financière nous empêche, à cet égard, de songer dans l'immédiat à quelque changement notable que ce soit.

Le troisième volet de l'action de l'université, l'appui au développement régional ou les services à la collectivité. L'UQAT, notre université, tente de répondre avec lucidité et dynamisme à sa mission dont un des objectifs premiers est d'accroître les compétences du capital humain dans sa région d'implantation. L'UQAT est ouverte à la vie régionale. Elle en a épousé les problèmes spécifiques et elle constitue un élément important de développement technologique, socio-économique et culturel dans cette région. L'UQAT s'acquitte de sa mission universitaire en Abitibi-Témiscamin-gue en développant d'abord le meilleur éventail de disciplines possible, compte tenu de ses limites, et en rejoignant le plus grand nombre de personnes en régions par l'utilisation de l'enseignement hors campus.

En ce qui concerne la recherche, une partie importante de cette activité est reliée aux ressources et problématiques régionales. L'insertion sociale de l'UQAT en régions la rend directement participante aux diverses préoccupations de développement dans ce milieu et entraîne des activités spécifiques qui se situent dans le prolongement - nous voulons bien insister là-dessus - de sa mission fondamentale sur le plan de l'enseignement et de la recherche. Qu'il suffise de mentionner l'implication et la contribution de notre université dans un programme d'autodiagnostic des petites et moyennes entreprises, les Groupes de soutien à l'entreprise jeunesse, le Sommet socio-économique de l'Abitibi-Témiscamingue, l'organisation sur le plan culturel du Salon du livre, le Conseil régional de développement, le soutien informatique à l'entreprise, le soutien aux communautés autochtones, sans compter les nombreux cours de perfectionnement mis sur pied pour certaines entreprises, la gestion de projets industriels ou, encore, les projets de recherche mis en place pour résoudre certains problèmes du milieu sur le plan social, éducatif, culturel ou de la santé des travailleurs. Somme toute, l'UQAT, en

dépit de la faiblesse de ses moyens, essaie de contribuer, à son niveau et suivant les responsabilités qui lui ont été confiées par l'État surtout en ce qui concerne l'enseignement et la recherche, au développement de sa région d'appartenance. Le volet des services à la collectivité à cet égard s'exerce comme un prolongement de ses activités d'enseignement et de recherche de niveau universitaire.

Abordons, maintenant que nous avons fait un peu le tour de cette université, quelle est sa situation financière. Le sous-financement dont souffre cette université s'est particulièrement manifesté en 1982-1983, 1983-1984 et 1984-1985 par l'enregistrement successif de déficits de fonctionnement atteignant 173 000 $ en 1982-1983, 168 000 $ en 1983-1984 et 834 000 $ en 1984-1985.

D'ailleurs, sans la contribution du réseau de l'Université du Québec, une contribution de 886 000 $ en 1983-1984 et de 563 000 $ en 1984-1985, ce déficit, bien sûr, eût été beaucoup plus important. Ces déficits comptables nous semblent n'être que le pâle reflet des conséquences néfastes de ce sous-financement sur le développement de la plus jeune constituante du réseau universitaire québécois.

L'Assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec connaissant à la fois l'engagement de l'UQAT, au même titre que les autres constituantes du réseau, à l'équilibre budgétaire en 1984-1985 et en 1985-1986 et les efforts que nous avons déployés pour respecter nos engagements a accepté les dépôts successifs de deux budgets déficitaires pour les exercices financiers de 1984-1985 et de 1985-1986. Cette "tolérance" de la part de l'Assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec nous démontre, avons-nous l'impression, sa compréhension profonde du sous-financement chronique qui mine la santé financière de notre université et la poursuite de sa mission en Abitibi-Témiscamingue.

Cependant, les gouverneurs de l'Université du Québec, dans l'optique d'un redressement des bases de financement universitaire, avaient accepté le dépôt d'un budget de prévisions budgétaires déficitaires de l'ordre de 750 000 $ pour 1985-1986. Notre université, avec le réseau de l'Université du Québec, réalisant que le redressement des bases de financement des universités ne se réaliserait pas en 1985-1986, a pris la décision de réduire énergiquement les dépenses de cet exercice afin de résorber le déficit d'exercice prévu à un niveau tolérable. En mettant en place cette politique de résorption du déficit, l'UQAT n'a eu d'autres choix que de freiner son développement et réduire l'offre de cours universitaires dans une région par ailleurs si marquée par son faible taux de scolarisation.

Aux prévisions de 750 000 $ déficitaires pour 1985-1986, au 31 mai dernier, l'UQAT terminait son année financière avec un léger déficit de 10 000 $.

Nous aimerions bien traiter devant cette commission de l'origine de ce sous-financement chronique pour la plus petite des universités du réseau universitaire québécois et ce qui a amené la situation vraiment difficile au point de vue financier dans cette université. Nous Voulons, bien sûr, faire l'historique de comment s'est dessinée la base de financement sur laquelle maintenant nous devons travailler en termes d'université en région périphérique.

Si la base de financement de la plupart des établissements de l'Université du Québec a été, établie, en 1970, à partir de variables comme les coûts d'infrastructure, une moyenne normée par activité, le nombre de programmes, les espaces requis, etc., cela n'a pu être le cas de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue compte tenu que cette institution n'a obtenu son autonomie budgétaire qu'à partir du 1er juin 1981. Pour sa part, un seul critère a été utilisé pour définir sa base de financement, c'est-à-dire 36,4 % des sommes qui étaient dévolues au Centre d'études universitaires dans l'Ouest québécois pour l'année 1980-1981 puisqu'au 1er juin 1981, lorsque nous avons divisé cette institution qui, dans la région de l'Outaouais, est devenue l'Université du Québec à Hull et, plus tard, en Abitibi-Témiscamingue, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, on nous a laissés avec 36,4 % d'un budget pour faire une université. C'est à partir de cette base que nous travaillons et nous pensons que cela est un élément majeur considéré dans la problématique du sous-financement de cette institution. Cette base de financement ne tenait aucunement compte des infrastructures nécessaires, du type de clientèle, des programmes, du niveau d'étude et encore moins, bien sûr, de la taille, de l'éloignement et de la dispersion des activités de cette université en région périphérique. Cette méthode a donc contribué fortement et contribue toujours au sous-financement important de notre université.

De plus, en 1981, alors que le Centre d'études universitaires d'Abitibi-Témiscamingue s'orientait véritablement vers un statut de constituante et mettait en place les différents services capables de lui faire franchir les derniers obstacles vers son autonomie, le ministère de l'Éducation appliquait, cette même année, à toutes les universités, une compression de leurs revenus de l'ordre de 3,5 % et une autre compression de 3 % pour financer les clientèles additionnelles de 1982-1983.

Ces compressions étaient de l'ordre de 2,1 % et de 3 % pour 1983-1984 et 1984-1985. En trois ans, une compression générale

de plus de 10 % était imposée à notre université malgré ce départ difficile avec des conditions financières difficiles. À ces premières compressions, il allait s'en ajouter d'autres de près de 1 % en 1985-1986 et 1986-1987. Si on fait le total, c'est un peu au-delà de 14 % et près de 15 % les compressions que notre université aura eu à subir au cours des dernières années à l'intérieur d'une base de financement déficiente quant au départ du calcul.

Signalons enfin que pour les années 1985-1986 ainsi que pour la présente année financière, 1986-1987, les constituantes du réseau de l'Université du Québec contribuent volontairement à réduire la marge déficitaire de l'université par l'injection de près de 900 000 $ pour chacune de ces deux années. Cette aide substantielle aura tout juste permis de survivre dans le contexte des compressions budgétaires.

Lorsque nous parlons du sous-financement de cette université, nous aimerions bien nous référer à d'autres études que ce que nous prétendons nous-mêmes ou l'analyse que nous avons faite. Partout, toujours, ce que nous retrouvons, c'est l'unanimité quant au sous-financement de cette université. Les différentes études sur le financement universitaire réalisées au cours des dernières années par le ministère de l'éducation et l'Université du Québec concluent toutes, sans exception, au sous-financement de cette université. En 1982, déjà, le réseau de l'Université du Québec, constatant un pourcentage de subvention per capita de 26 % inférieur au coût moyen du réseau universitaire québécois, estimait le sous-financement de cette université à 2 221 000 $. En 1983, une étude du ministère de l'Éducation pour établir les coûts unitaires d'enseignement par secteur disciplinaire concluait, elle aussi, à un sous-financement de cette université d'un minimum de 141 000 $. En novembre 1983, l'Université du Québec, dans sa réaction à cette étude du ministère, estimait, pour sa part, le sous-financement de cette université à 2 153 000 $. Pour sa part, le nouveau cadre de financement proposé par le ministère en 1984 l'évaluait, encore une fois, pour cette institution ou cette université à 2 221 000 $. Le mémoire présenté par l'Université du Québec en juin 1984, en réaction à cette proposition, estimait pour sa part ce manque à gagner, dans le cas de notre université, à 2 243 000 $. L'UQAT n'est donc pas seule à décrier son sous-financement si elle s'en réfère aux conclusions de ces études qui reconnaissent, de façon unanime, ses besoins de financement supplémentaire. Elle souhaite que toute méthode de calcul de nouvelles bases de financement des universités accorde une équitable pondération aux différents paramètres, pour tenir compte de la réalité d'une université en région, une région qui est périphérique.

Nous aimerions aussi souligner que, par ces déficiences du financement, notre université présente un certain nombre de particularités et que nous pouvons énumérer quelques indicateurs de performance qui sont au-dessus de la moyenne de fonctionnement dans le réseau universitaire québécois. Pour l'année 1983-1984, notre université aura réalisé ses objectifs avec une équivalence de 9,24 étudiants équivalent temps complet par employé alors que la moyenne des autres universités au Québec était de 8,48 étudiants équivalent temps complet par employé. Chez les employés de soutien, l'UQAT présentait cette année-là un ratio de 18 étudiants équivalent temps complet par employé en comparaison de 14,25 pour les autres universités. Compte tenu de cette situation financière difficile, l'UQAT s'est donc donné aussi une politique de gestion de ses groupes-cours très stricte. En annexe à notre mémoire, vous retrouverez cette politique en vue de hausser, malgré tout, encore davantage son niveau de productivité. Le Conseil des universités lui-même énonçait, dans son récent avis sur le financement du réseau universitaire, que le per capita moyen en termes de subventions et droits de scolarité à l'UQAT pour l'année 1983-1984 était de 5027 $ par rapport à une moyenne de 6374 $ per capita pour le reste du réseau universitaire québécois.

Autre exemple de la performance ou de la situation particulière de notre université. En ce qui a trait aux installations physiques, l'UQAT, pour l'année 1983-1984, disposait de 5,58 mètres carrés par étudiant pour une moyenne de 9,58 mètres carrés, en moyenne, pour les autres universités. Voilà quelques exemples qui illustrent à la fois la productivité de notre université, nous semble-t-il, et la déficience du soutien financier qui lui est historiquement accordé pour accomplir ses missions.

Autre fait majeur que nous aimerions bien souligner aux membres de cette commission, c'est le degré de dépenses per capita en Abitibi-Témiscamingue en comparaison avec d'autres régions périphériques du Québec. Avec ses 153 000 habitants recensés en 1981 et ses dépenses de base considérées pour le ministère de l'Éducation en 1984-1985 de l'ordre de 6 000 000 $, le ministère de l'Éducation a dépensé 39,27 $ per capita au chapitre du financement de l'université en Abitibi-Témiscamingue. En Mauricie, il y consacrait 79,77 $; en Outaouais, 48,27 $; dans le Bas-du-Fleuve, 68,98 $, et, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, 81,61 $. L'ordre de grandeur du déséquilibre nous indique bien la difficile situation que doit affronter quotidiennement l'UQAT et ce, depuis un bon nombre d'années.

(15 h 45)

En tenant compte de son histoire, de sa mission, de sa situation géographique, de sa taille et de la dispersion de ses clientèles sur un immense territoire, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue demande à être considérée comme une université à part entière et réclame que la population de sa région d'appartenance bénéficie des services pour lesquels elle contribue, semble-t-il, elle aussi pour sa juste part sans recevoir tout ce qui devrait lui revenir. Cela nous semble une question de justice distributive.

Au niveau des travaux de cette commission, quels sont donc les appels que nous voulons inscrire et les facteurs particuliers qui, nous semble-t-il, devraient être pris en considération lorsqu'il s'agira, pour le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, d'élaborer les critères en particulier d'une nouvelle formule de financement? D'abord, nous aimerions soumettre au ministère et aux membres de cette commission que toute nouvelle formule de financement des universités au Québec devrait considérer un premier facteur que nous appelons le facteur taille. Le ministère de l'Education du Québec pondérait, d'ailleurs, dans sa proposition de formule de financement de 1984, la taille et les cycles dans chacune des universités et reconnaissait à l'UQAT, à ce chapitre, un sous-financement de 1 359 000 $.

Une autre façon que nous aurions d'illustrer ce paramètre taille à prendre en considération dans toute nouvelle formule de financement serait de calculer les coûts différenciés pour la taille pour le secteur de l'enseignement et de l'envisager à partir des économies d'échelle pour une université comptant 18 500 étudiants, c'est-à-dire la plus grosse université ou l'université accueillant le plus grand nombre d'étudiants au 1er cycle au Québec. Cette méthode nous permet d'identifier pour de petites universités des coûts différenciés selon la taille moyenne de leurs groupes-cours qui peuvent varier de 15 % à 70 % de plus. Ce coût différencié appliqué à l'UQAT pour l'année 1981-1982 totaliserait 2 567 000 $. Nous voulons simplement dire ici en termes d'illustration que, si nous faisions une analyse de régression à partir de l'obligation de maintenir des groupes-cours souvent plus petits à l'intérieur d'une université comptant 1100 étudiants à temps complet au lieu de 18 500, il y aurait là des effets au niveau du calcul, bien sûr, de la taille ou encore de ce qui est souvent appelé l'infrastructure minimale à maintenir pour toute institution universitaire qui désire remplir sa mission dans quelque région du Québec que ce soit.

Les réclamations de l'UQAT à ce chapitre lui apparaissent légitimes et reflètent une juste pondération à accorder au facteur taille essentielle à la survie des universités en régions.

Également, il y a un autre facteur qui nous semble devoir être pris en considération dans le calcul des modes de financement ou de la répartition du financement entre les universités, ce sont les coûts reliés à la taille. L'accessibilité à des services universitaires dans une région comme l'Abitibi-Témiscamingue implique nécessairement des coûts supplémentaires de deux catégories. Ainsi, on doit supporter les dépenses supplémentaires reliées au phénomène de l'éloignement des grands centres tels les frais de voyage, de perfectionnement, de communication, etc. On doit également supporter les coûts reliés à la dispersion géographique pour la desserte de la population régionale. Ainsi, de façon très concrète, le pourcentage des budgets de fonctionnement consacrés par notre université en 1984-1985 aux frais de déplacement pour la fonction enseignement est onze fois supérieure à la moyenne des autres universités du Québec, soit 11,3 % par rapport à 1 % alors que ce même pourcentage, au niveau de la fonction soutien, est de 3,6 fois supérieur à la moyenne des universités du Québec.

En 1985-1986, notre université a dû encourir des dépenses réelles - ce ne sont pas là des projections - reliées strictement à l'éloignement, de l'ordre de 455 000 $, soit quelque 4,8 % de ses budgets de fonctionnement globaux de cette année-là. L'UQAT demande donc au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, qui reconnaissait ce concept d'éloignement, du moins en termes qualitatifs dans son premier cadre présenté en 1984, de bien vouloir le reconnaître aussi du point de vue quantitatif et de compenser pleinement les coûts réels dus à l'éloignement pour les universités situées en régions périphériques,

À ces coûts, pour une université dans un territoire hors des grands centres, s'ajoutent également des coûts reliés à ce que nous appelons la réalisation de la mission régionale, c'est-à-dire la dispersion des communautés humaines, dans une région comme l'Abitibi-Témîscamingue.

L'UQAT doit encourir chaque année des dépenses importantes pour continuer à dispenser ses services sur l'immense territoire de la région. Ainsi doit-elle assumer les dépenses reliées au maintien de l'accessibilité pour les citoyens des agglomérations de son vaste territoire. Ceci implique, bien sûr, toujours des frais de voyage supplémentaires, les salaires de personnels, à l'exception du personnel enseignant où nous les calculons à la base, qui y sont affectés, les frais d'entretien des locaux, les loyers, etc. Un relevé des dépenses pour 1985-1986 totalise 605 000 $ au chapitre de la dispersion sur le territoire. Nous aimerions aussi, donc, souligner au

ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science et aux membres de cette commission que des ajustements nous apparaissent nécessaires à la base de financement de cette université pour tenir compte des charges particulières que la situation géographique de son territoire lui impose.

Nous aimerions également soumettre à cette commission l'importance de prendre en compte le facteur d'émergence de la recherche dans une petite université située dans une région périphérique comme élément à prendre en considération dans toute formule de financement à être définie dans les mois qui viennent. La priorité de notre université dans ses premières années a été de développer des études de 1er cycle. La recherche ne fut pas pour autant dédaignée et différentes activités de recherche furent entreprises dans des limites financières bien évidentes. L'UQAT se doit de développer ce volet essentiel de sa mission universitaire. Elle est consciente que la nature et la qualité des services offerts en régions sont largement influencées par la présence et la qualité de la recherche et des chercheurs qui assument également ce volet dans le premier volet d'enseignement. L'UQAT connaît aussi très bien les liens intimes qui relient les études avancées à la productivité scientifique et au développement des activités de recherche. Comment l'UQAT peut-elle espérer générer des revenus externes au même niveau qu'une université plus ancienne sans qu'auparavant elle ait pu bénéficier de subventions nécessaires au développement d'infrastructures minimales?

Nous aimerions aussi mentionner aux membres de cette commission que les éléments que nous avons soulevés quant aux éléments à prendre en compte pour définir une nouvelle formule de financement trouvent quelques applications où nous avons quelques exemples près de nous. Nous aimerions bien faire référence à la pratique ontarienne du financement des universités du Nord. Les universités du Nord en Ontario reçoivent une subvention annuelle de l'ordre de 11 % de leur budget de fonctionnement, une subvention supplémentaire, pour faire face aux dépenses reliées à leur situation géographique particulière (l'éloignement des grands centres et la nordicité). Une subvention supplémentaire est aussi accordée pour qu'il soit possible de dispenser des cours dans des centres éloignés. C'est ainsi que sont soutenus les cours offerts dans des lieux distants de plus de 120 kilomètres du campus principal. Dans le cadre de cette subvention, un minimum de huit étudiants par activité est requis, du moins dans le secteur du nord-est ontarien que nous connaissons bien en termes géographiques aussi.

De plus, dans cette référence à la pratique ontarienne, il faut se rappeler qu'en 1984 les recommandations du rapport Bovey, loin d'infirmer cette politique de subventions particulières pour les universités du Nord ou les universités en régions périphériques, en rappelaient l'importance. Cette commission recommandait également qu'une future formule de financement encourage la poursuite de certains objectifs d'intérêt public et mentionnait précisément au gouvernement de l'Ontario la possibilité qui doit être donnée à de plus petits établissements universitaires de rester viables.

Maintenant que nous avons présenté les principales dimensions de cette université, sa situation financière, les éléments que nous soumettons aux membres de cette commission en termes de révision des paramètres de financement des universités au Québec, nous aimerions bien, aussi, vous entretenir des éléments de développement de cette université pour les quelques années à venir si tant est que nous révisions sa base de financement et qu'on puisse avoir les possibilités d'engager ces développements.

Au niveau de l'enseignement, la priorité institutionnelle sera nettement d'envisager l'augmentation des capacités d'accueil à l'intérieur des programmes généraux de formation au niveau du 1er et du 2e cycle dans les secteurs suivants: un programme de baccalauréat général en sciences humaines, qui est déjà à l'examen devant le Conseil des universités; poursuivre notre développement en génie et y développer un baccalauréat en génie permettant une polyvalence des ressources humaines liée à l'exploitation des ressources naturelles en collaboration avec d'autres universités du réseau, nous tenons bien à le mentionner, e,au 2e cycle, compléter l'éventail des programmes de maîtrise que nous avons actuellement - nous avons trois programmes de maîtrise simplement pour le secteur des sciences sociales et y ajouter, en collaboration avec une autre institution, un programme de maîtrise en prévention et en intervention psychosociale.

Au niveau de la recherche, la préoccupation majeure sera tournée vers la poursuite de la formation des chercheurs et du développement d'équipes au de groupes de recherche ou de problématiques qui trouvent racine dans la communauté d'insertion de notre université. L'atteinte d'un seuil minimal de professeurs détenant des diplômes de 3e cycle nous laisse espérer des développements majeurs. Les programmes d'études avancées en administration, en sciences appliquées et en sciences de l'éducation et, bientôt, nous l'espérons, en intervention psychosociale constituent un apport quantitatif et qualitatif important dans le développement d'un effort de recherche substantiel et significatif au sein de notre université, dans le réseau universitaire québécois.

Au niveau des services à la collectivité,

l'UQAT se propose de resserrer encore davantage, avec le peu de moyens qu'elle a, ses liens avec les organismes et les entreprises de la région. L'UQAT, tout en affirmant qu'elle a un rôle spécifique à jouer dans le domaine des services à la collectivité en Abitibi-Témiscamingue, réalise aussi, cependant, qu'elle n'a pas seule cette responsabilité d'offrir des services éducatifs et culturels d'appoint à la collectivité régionale et, en ce sens, agira en complémentarité avec les autres organismes régionaux responsables du soutien de la qualité de vie en régions. Dans ses projets d'avenir - il faut aussi parler du très concret il nous faut, je pense, donner la contrepartie de ce que notre université a l'intention de faire avec ce déficit budgétaire de quelque 1 200 000 $ qu'elle a accumulé au cours des dernières années.

Nous vous avons donc fait part de cette situation financière assez dramatique et assez difficile pour notre université. Nous avons également fait part de notre point de vue sur les paramètres qui devraient être retenus pour réviser la base de financement des universités en périphérie. Dans ce contexte, l'UQAT ne réclame à aucun moment des ajustements pour rembourser ce déficit accumulé. Ce qu'elle souhaite, c'est une révision du cadre de son financement actuel et, dès lors, les membres du conseil d'administration et la direction de cette université sommes déterminés à mettre en oeuvre un plan de résorption de ce déficit sur une période d'au plus cinq ans, tel que le suggérait d'ailleurs le Conseil des universités devant cette commission.

Un élément spécifique que nous aimerions bien traiter aussi devant les membres de cette commission, c'est la collaboration avec le niveau collégial au niveau de l'enseignement supérieur. Je terminerai avec ce point la présentation de notre mémoire. L'UQAT accorde une importance toute particulière à la collaboration avec le collège de l'Abitibi-Témiscamingue. La concertation collège-université dans notre région a dépassé depuis fort longtemps le stade des voeux et des souhaits. Depuis 1982, les deux institutions maintiennent un comité permanent de liaison pour articuler les relations entre ces deux institutions de niveau d'enseignement supérieur. Au plan des services, l'université et le collège maintiennent une bibliothèque conjointe dont le fonctionnement, avec des ajustements périodiques normaux, est à la satisfaction des deux clientèles. En collaboration toujours, les deux établissements ont créé et développé un centre de documentation unique sur la nordicité québécoise, à la suite du retrait de la Société d'énergie de la Baie James et de la Société de développement de la Baie James des activités pour lesquelles elles avaient été créées sur le territoire. (16 heures)

Les facilités sportives du collège accueillent, par entente, les étudiants de l'université désireux de participer à des activités sportives ou d'utiliser les installations existantes. Encore plus important, au niveau de l'enseignement et de la recherche, des collaborations depuis cinq ans ont abouti à la création d'une unité de recherche conjointe avec l'industrie en technologie minérale. Les deux institutions sont également partenaires avec la municipalité de la Baie-James et HydroQuébec dans un consortium d'intérêt pour le développement de la recherche sur le territoire de la Baie-James. En ce qui a trait à l'enseignement proprement dit ou aux facilités d'enseignement dans la région de Val-d'Or, l'université partage ses installations physiques avec le service d'éducation des adultes du collège de l'Abitibi-Témicamingue. La concertation permanente des directions de ces deux établissements d'enseignement supérieur permet de tenter d'éviter les dédoublements de services et de rationaliser au maximum l'utilisation des ressources humaines et matérielles.

En conclusion, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, le développement de notre établissement universitaire a connu et connaît encore des périodes difficiles. Le bilan des réalisations et des résultats obtenus au cours des dernières années nous indique cependant une progression quantitative et surtout qualitative importante dans ces interventions. Les ententes de collaboration au plan de l'enseignement et de la recherche démontrent, je pense, éloquemment le statut de véritable partenaire universitaire que lui reconnaissent maintenant les autres établissements de même niveau au Québec. Les ressources humaines et matérielles dont elle dispose aujourd'hui par ailleurs, quoique fort réduites, demeurent une base solide pour concrétiser les projets dans lesquels elle s'est engagée depuis quelques années. La présence d'une université dans une région médio-nordique à faible densité de population représente un défi de grande taille que la communauté universitaire de l'Abitibi-Témicamingue et du Nord du Québec entend relever, avec, comme objectif fondamental, la poursuite de l'excellence et de la performance.

Voilà, M. le Président, les principaux éléments que nous voulions soumettre aux membres de cette commission et, bien sûr, nous demeurons à votre disposition pour répondre à toutes les questions qui se poseront et procéder à l'échange que vous mentionniez au début.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. le recteur. Juste avant de

donner la parole au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, je voudrais avoir le consentement pour que le député d'Ungava agisse comme membre de cette commission et remplace aujourd'hui le député de Laviolette. Il y a consentement? Merci. M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M, le Président, je voudrais tout d'abord souhaiter la plus cordiale bienvenue à la délégation de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et en particulier à M, le recteur. Je veux m'excuser tout de suite, je vais être obligé de m'absenter dans quelques minutes parce qu'il y a une réunion du Conseil des ministres cet après-midi que nous avions prévue à 16 heures. J'espérais que la présentation aurait été un petit peu plus brève pour avoir le temps de commenter et d'interroger avant de partir. Là, je suis déjà un peu en retard. Je vais être obligé de partir dans quelques minutes, je m'en excuse. Par un concours de circonstances malheureux, M. Savoie me prie de vous informer qu'il est retenu à l'extérieur du Québec actuellement et qu'il ne pourra pas être avec nous pour la séance de cet après-midi, et il en est ainsi de M. Baril, le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, qui est également à l'extérieur du Québec.

J'ai étudié avec beaucoup d'intérêt le mémoire que vous nous avez résumé tantôt. C'est un mémoire très substantiel qui nous apporte une mine de renseignements sur le travail de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, et je vous en félicite. Je pense que vous faites oeuvre de pionnier en matière d'enseignement universitaire. Les chiffres que vous avez donnés sur le taux de scolarisation universitaire qui existait à l'origine dans votre région en comparaison avec le taux qu'on observe dans les régions qui ont eu plus de chance, en particulier celles de Montréal et de Québec, sont très impressionnants. Je pense qu'ils justifient la décision qui a été prise d'implanter un centre universitaire en Abitibi. J'ai noté également ce que vous avez dit à propos du niveau de financement. Nous en sommes conscients. C'est un facteur que nous allons étudier. Vous avez suggéré qu'il y ait une certaine pondération dans les critères qui servent à déterminer le partage des subventions. Nous allons examiner ces critères de manière très attentive. Vous allez jusqu'à mentionner des chiffres dans certains cas qui peuvent être très utiles. J'ai lu le rapport de la commission Bovey en Ontario qui confirme les orientations que vous avez évoquées dans votre mémoire et qui suggère de les maintenir.

J'aurais quelques questions à vous poser, si vous me permettez. Je veux me faire bref. Je remarque que la clientèle d'étudiants à temps complet se situe, pour la dernière année, autour de 428. Pouvez-vous me dire s'il y a eu évolution de cette clientèle au cours des quatre ou cinq dernières années?

M. Trudel (Rémy): Oui, M. le ministre. Au cours des quatre ou cinq dernières années, il y a eu une évolution assez importante. Par exemple, les derniers chiffres que nous avons pour cette année, l'année scolaire que nous avons entreprise il y a quelques semaines, nous allons atteindre près de 600 étudiants à temps complet. Â titre d'exemple, cela veut dire une augmentation de 10 %, en tout cas, par rapport à l'an dernier sur le nombre d'étudiants que nous accueillions. Je dois seulement ajouter rapidement que nous avons l'objectif particulier dans cette université de maintenir notre service pour ce qu'on pourrait appeler les clientèles à temps partiel, mais nous voulons mettre le gros de nos efforts sur le développement des études à temps complet dans les différents programmes que nous avons dans cette université.

M. Ryan: Avez-vous des projections pour les années futures?

M. Trudel (Rémy): Oui, nous avons une projection de clientèles pour les années futures. Nous pensons être capables d'augmenter nos clientèles ou de répondre aux besoins de ces clientèles pour environ 10 % d'augmentation pour les deux prochaines années. Je dois cependant ajouter que cela est lié de très près aux approbations de programmes que nous attendons depuis fort longtemps, dans certains secteurs, du conseil; en fait, nous attendons des avis favorables du Conseil des universités. Je veux mentionner en particulier ce programme général en sciences humaines, qui est un programme qui répondrait à de très grands besoins dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue et qui veut répondre aussi à ce type de formation beaucoup plus généraliste que l'on devrait rechercher dans notre société. Cela fait bien longtemps que c'est à l'examen devant le Conseil des universités. Si on a ces approbations de programmes dans les années futures, je pense que nous pourrons répondre à 10 % de plus d'étudiants dans les différents programmes de base que nous avons dans cette université pour les prochaines années et de façon à atteindre un rythme de croisière au niveau de l'Abitibi-Témiscamingue, si la population n'explose pas, de 800 à 1000 étudiants au maximum à temps complet.

M. Ryan: On m'informe que le programme de baccalauréat en sciences humaines a fait l'objet d'un premier examen

au Conseil des universités. D'après ce que je crois comprendre, le dossier aurait été retourné à votre établissement pour des précisions additionnelles ou des compléments d'information ou d'explication. Est-ce juste?

M. Trudel (Rémy): Oui, c'est juste. Cela nous a été retourné au réseau de l'Université du Québec et nous avons présenté ces nouvelles informations nécessaires pour le conseil.

M. Ryan: En jetant un coup d'oeil sur la structure des programmes que vous offrez, il y a une chose qui me frappait; il me semble qu'il y a deux carences importantes, vous en mentionnez une, et tout le domaine des humanités est complètement laissé de côté, à toutes fins utiles. Il me semble qu'il y a quelque chose de très préoccupant pour le concept même de l'université. Il me semble qu'à l'université, même si aujourd'hui on va beaucoup plus du côté de la technologie, il faut toujours qu'il y ait un "core", un noyau central, que j'appellerais éternel, des disciplines fondamentales. Je m'excuse, j'ai scandalisé ma collègue de Jacques-Cartier, qui est une scientifique pure.

Je remarque également que les sciences pures n'occupent pas une grosse place non plus dans le curriculum.

M. Trudel (Rémy); J'ai deux observations à votre remarque. D'abord, c'est très vrai, nous sommes préoccupés profondément par l'absence de ce secteur que nous appelons les sciences humaines ou les humanités et c'est pourquoi nous avons soumis ce programme. Depuis deux ans, maintenant, il est, comme on dit dans le jargon, dans la machine. Nous avons une demande assez extraordinaire de la part des gens qui s'intéressent à ce secteur disciplinaire dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue et cela nous semble, nous aussi, essentiel pour qu'on puisse parler d'une véritable université possédant un certain nombre de programmes fondamentaux.

Pour ce qui est des sciences pures, M. le ministre, nous nous sommes posé cette question assez profondément au cours des deux dernières années. Nous aussi, la première réflexion que nous faisons, c'est de dire: Une université doit pouvoir compter sur un spectre de programmes qui va des sciences exactes ou des sciences naturelles jusqu'aux sciences humaines, un spectre minimum de programmes. Cependant, la population de la région de l'Abitibi-Témiscaminge qui totalise 153 000 habitants, pensons-nous, ne peut pas fournir le nombre d'étudiants nécessaires à des programme de sciences pures. Nous serions probablement obligés de maintenir des programmes avec des ratios d'étudiants tellement bas que cela serait vraiment problématique.

Cependant, toute cette recherche nous a amenés à constater que dans ce que nous appelons le secteur des sciences appliquées, en particulier dans le domaine du génie, il y avait une demande assez extraordinaire et que nous pouvions penser à développer, avec l'équipe professorale que nous pouvions mettre en place, un programme relié en termes d'application des sciences pour la mise en valeur des ressources naturelles. C'est pourquoi nous avons développé, à la fois à titre d'essai et d'entrée dans ce secteur, cette entente avec l'École polytechnique de Montréal qui nous permet maintenant de dispenser une première année du programme de l'École polytechnique. Les réponses que nous avons eues de la part des étudiants et de la population sont suffisamment enthousiastes pour penser que nous pouvons aller pas mal loin dans ce secteur et que nous pourrions donc penser occuper ce volet sciences, à partir de la conception des sciences appliquées ou d'un programme de base dans le domaine des sciences appliquées.

M. Ryan: C'est sûrement une chose que nous allons examiner avec vous attentivement au cours des mois à venir, parce que, si nous faisons l'option pour un établissement universitaire en Abibiti-Témiscamingue, il faut aussi assurer l'essentiel.

Il y a un point qui m'a frappé dans les statistiques que nous avons colligées. C'est le taux de diplomation chez vos étudiants. Je remarque que le taux de diplomation comparé au nombre des étudiants à temps complet est beaucoup plus élevé chez vous que dans les autres constituantes régionales de l'Université du Québec. Il y en avait à peu près 50 %, tandis qu'à Chicoutimi c'est à peu près 25 %. À Hull, c'est à peu près 25 %, à Rimouski, c'est à peu près 33 % ou 35 %.

Je pense que c'est une très bonne constatation. Je vous en félicite. La question que je voudrais vous poser est la suivante: Parmi ceux qui ont obtenu des baccalauréats l'an dernier, est-ce que vous pourriez me dire combien étaient des étudiants à temps complet et combien étaient des étudiants à temps partiel?

M. Trudel (Rémy): Malheureusement, je n'ai pas la réponse très exacte sous la main. Je pense que dans notre mémoire on pourrait regarder. En tout, ce que je peux dire tout de suite, c'est que ça ne rejoint pas le nombre de certificats que nous avons émis l'an passé. Le nombre de baccalauréats est inférieur au nombre de certificats que nous avons dispensés.

M. Ryan: Ma question n'est pas celle-là.

M. Trudel (Rémy): Â temps complet?

M. Ryan: Non, c'est le partage, les baccalauréats. Combien sont allés à des étudiants à temps complet et combien à des étudiants à temps partiel?

M. Trudel (Rémy): Pour être bien rigoureux, je pourrai vous faire parvenir cette information assez facilement.

M. Ryan: Nous allons la demander à toutes les constituantes parce que, pour toute la question de programmes courts et de programmes de certificat, c'est une donnée qui va être importante pour nous, pour savoir dans quelle direction on s'en va. On entend toutes sortes de choses et quand on la chance des les vérifier cela nous intéresse grandement, inutile de vous le dire.

M. Trudel (Rémy); M. le ministre, peut-être un complément de réponse. Nous sommes à étudier profondément ce phénomène de la programmation, de ce qu'on dit des programmes courts dans notre université et en particulier essayer d'identifier de façon très précise le passage des gens qui sont entrés à l'université via un programme de formation courte et qui passent ensuite à un programme de baccalauréat. Ces programmes sont généralement du niveau du baccalauréat et permettent de passer à des études de baccalauréat. Par les indices que nous avons jusqu'à maintenant - notre étude n'est pas complétée - c'est extrêmement intéressant de constater que la politique ou les programmes de certificat permettent, pour une population comme celle de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, de s'introduire à l'université, de la démystifier et ensuite, par les habitudes de qualité, de poursuivre des programmes de baccalauréat, souvent d'ailleurs à temps complet. Pour l'instant on parle d'exemples mais on aura bientôt les statistiques là-dessus.

M. Ryan: Vous avez parlé de l'exemple de Polytechnique qui est très intéressant. Est-ce que vous avez d'autres expériences avec des établissements universitaires situés ailleurs qu'en Abitibi-Témiscamingue? (16 h 15)

M. Trudel (Rémy): Oui, effectivement, M. le ministre. C'est une orientation générale de l'université, comme je l'ai mentionné au départ, de s'appuyer aussi sur la communauté scientifique québécoise pour faire des développements intéressants dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Il y a cette maîtrise en éducation au 2e cycle que nous poursuivons avec l'Université du Québec à Rimouski depuis une dizaine d'années. Il y a, avec Chicoutimi, ce programme assez particulier en petite et moyenne organisation, qui colle bien à nos besoins. Également, ce programme de 2e cycle pour la maîtrise en gestion de projets que nous dispensons en collaboration avec Hull, Montréal, Chicoutimi et les autres universités qui sont partenaires dans ce programme. Et, également, je ne voudrais pas oublier de mentionner les programmes de baccalauréat en informatique de gestion que nous dispensons en collaboration avec l'Université du Québec à Montréal. Ce que je tiens à mentionner au niveau 'de ces collaborations, c'est que notre souci premier c'est celui de la qualité des enseignements et de faire en sorte que lorsque nous débutons dans un secteur disciplinaire nous puissions aussi nous appuyer sur des compétences qui existent déjà dans le réseau universitaire québécois.

Nous sommes bien satisfaits de l'acceptation ou de la façon dont nous sommes reçus dans les universités qui nous donnent un coup de main pour partir et qui nous laissent voler de nos propres ailes dès que nos équipes professorales ou nos différents intervenants sont en mesure de le faire. Nous sommes, à cet égard, assez sûrs de la qualité des programmes et des diplômes que nous décernons lorsque nous élaborons de telles ententes avec d'autres universités.

M. Ryan: Je vous remercie beaucoup. Je vais devoir m'excuser avec votre bienveillante permission. Je reviens tantôt pour le reste de la journée avec les organismes qui vous accompagnent.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, M. Trudel.

Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi, porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et de science. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, M. le recteur. Il me fait plaisir de vous voir à cette commission parlementaire d'autant plus que je vois aussi des visages connus puisqu'on a eu l'occasion de se rencontrer à une commission parlementaire le printemps dernier. Je pense aux membres socio-économiques de votre conseil d'administration. Vous êtes également président, je pense, M. Le Régent.

M. Trudel (Rémy): II est membre du conseil d'administration. C'est le Dr Descarreaux qui est le président du conseil.

Mme Blackburn: Cela me fait plaisir de vous accueillir. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le mémoire que vous nous avez présenté. J'estimais que c'était indispensable pour mieux comprendre toutes vos activités et particulièrement vos difficultés même si je prétends avoir une assez bonne

connaissance des universités en régions. Vous nous avez tracé un tableau qui est à la fois réaliste, qui exprime de nombreuses difficultés mais qui laisse voir également beaucoup de dynamisme. Je pense que c'est cela qui est important.

Tout à l'heure, le ministre s'inquiétait de la situation de ta faible scolarisation de votre région. Si je me rappelle, parce qu'on avait déjà réfléchi à cette question alors que j'étais au Conseil des collèges, la situation commence très tôt, finalement. Vous avez un nombre très élevé de jeunes qui ne terminent pas leur secondaire. Ensuite, vous avez un taux de passage entre le secondaire et le collège qui est beaucoup moins élevé que dans les autres régions et de façon assez marquée. Évidemment, cela se reflète sur la fréquentation à l'université. Il n'y a pas de mal à reconnaître que c'est vraiment la région qui éprouve, à cet égard, le plus grand nombre de difficultés.

Ce qui m'a impressionnée dans le mémoire que vous nous avez remis, c'est le tableau qui démontre qu'on investit plus dans certaines régions, dont la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean ou celle de Trots-Rivières, qu'on investit proportionnellement chez vous. Cela se comprend parce que vous avez moins d'étudiants. Mais c'est aussi un cercle vicieux; moins on investit, moins il en vient. Dans certains pays... Au plan de l'équité, il y a quelque chose là-dedans qui est discutable parce que les gens qui habitent dans votre région paient les mêmes impôts qu'ailleurs. Ils n'ont ni les mêmes routes, ni les mêmes services éducatifs, ni les mêmes services sociaux. Il y a là-dedans une certaine inéquité. Cependant, je dois reconnaître que le ministre est assez conscient de la situation particulière qui est la vôtre. Je sais pour avoir lu les autres mémoires que la ville de Val-d'Or est particulièrement préoccupée de la situation qui est la sienne; je pense entre autres à l'absence d'un campus ou d'un collège. C'est une vieille histoire, mais ils n'ont pas complètement tort non plus, je dois le dire tout de suite.

Comme on a peu de temps, je vais passer à quelques questions. J'en aurais plusieurs, mais il y en a quelques-unes sur lesquelles j'aimerais avoir vos remarques. Vous avez de nombreux sous-centres. C'est dix, et onze avec le siège social.

M. Trudel (Rémy): Dix avec le siège social.

Mme Blackburn: C'est dix avec le siège social. Alors, vous maintenez des secrétariats permanents, nous dites-vous, avec la collaboration des commissions scolaires, des collèges. Avec qui cette collaboration s'établit-elle? Qu'est-ce que cela représente? J'ai vu que vous aviez des coûts relative- ment élevés sur le plan administratif. Est-ce que vous pourriez nous en parler brièvement? J'aurais une seconde question sur le même volet.

M. Trudel (Rémy): Mme la députée, il me fait bien plaisir de répondre à cette question puisque, effectivement, une des caractéristiques de cette université, c'est d'être présente dans plusieurs centres de la région et, sur le plan financier, cela impose des charges particulièrement lourdes. Nous avons voulu dans notre région aller jusqu'au bout de la collaboration que nous pouvions trouver dans le milieu pour maintenir une sorte de permanence, de point de relais de l'université dans chacune des communautés. Pour ce faire, nous avons dû faire appel à la collaboration de toutes sortes d'organismes de tous les niveaux, de tous tes secteurs économiques dans la région pour maintenir cette présence nécessaire, la connexion de l'université avec les gens qui sont situés géographiquement ailleurs que dans la municipalité de Rouyn-Noranda.

En termes très concrets, cela veut dire que, par exemple, dans la région d'Amos, nous maintenons ce que nous appelons ce secrétariat permanent, ce sous-centre, grâce à la collaboration de la commission scolaire et du conseil économique: partage de secrétariats, partage de frais au niveau administratif, partage de locaux. Donc, la communauté scolaire et la communauté économique font aussi leur part pour maintenir cette liaison dans la région de Val-d'Or. Nous partageons, parce que nous ne pourrions le faire seuls, nos installations physiques avec la Commission de formation professionnelle et le collège de l'Abitibi-Témiscamingue, ce qui nous permet d'amoindrir les coûts, de faire ce que nous pensons devoir faire dans cette région avec les faibles moyens que nous avons. Également, dans la région du Témiscamingue, à Ville-Marie, en collaboration avec la municipalité régionale de comté et le conseil économique de développement. Et nous allons pas mal plus loin que cela: dans la région de La Sarre, le collaborateur qui nous accueille, c'est le député fédéral du comté. Parce que nous n'avons pas les moyens de maintenir des locaux permanents dans cette région, nous avons fait un arrangement avec le député fédéral du comté qui, lui, par ailleurs, doit souvent être aux Communes à Ottawa et nous occupons ses bureaux une partie du temps. Cela nous permet, avec toute cette volonté et cette collaboration, de maintenir ce lien permanent avec les communautés de notre région et d'être sûrs que nous sommes capables de répondre aux besoins justes qui nous sont manifestés dans cette région de l'Abitibi-Témiscamingue.

Qu'est-ce que cela peut vouloir signifier en termes financiers? C'est une estimation

assez rapide puisque les formules sont très différentes selon les sous-centres, mais, à notre avis, cela peut représenter jusqu'à 60 000 $ par année de collaboration. Donc, des organismes, des entreprises, des groupes, des conseils nous aident financièrement aussi à maintenir cette liaison et cette présence universitaire dans toute la grande région de l'Abitibi-Témiscamingue.

Mme Blackburn: Oui. Une toute petite question. Vous connaissez la recommandation touchant le siège social de l'UQ. Qu'est-ce que cela voudrait dire pour vous si cette recommandation était appliquée? La recommandation contenue dans le rapport Gobeil, pour la répéter - je vais en profiter, le ministre n'est pas là, il se hérisse chaque fois qu'on nomme M. Gobeil voudrait qu'on abolisse le siège social de l'UQ. Qu'est-ce cela représenterait pour une université comme la vâtre?

M. Trudel (Rémy): Mme la députée, pour nous, la disparition du siège social de l'Université du Québec poserait des problématiques assez difficiles sur deux plans en particulier. D'abord, cette corporation centrale qui anime en quelque sorte le réseau de l'Université du Québec, c'est aussi une centrale de services que nous nous donnons conjointement. Dans le cas de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, je pourrais citer beaucoup d'exemples d'aide qui nous est donnée par cet instrument de concertation au plan des services qu'est le réseau des Universités du Québec. Je vais en mentionner quelques-uns pour bien vous faire saisir ce que cela veut dire. Quand on a des relations du travail ou des négociations collectives à réaliser avec nos différents groupes d'employés dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, cela deviendrait lourd, bien sûr, au plan administratif si nous devions avoir toute une équipe de relations du travail. Nous faisons appel aux compétences qui existent au siège social et on nous donne régulièrement un très bon coup de main, de l'aide pour la négociation de nos conventions collectives puisque nous ne sommes pas différents des autres unités du réseau de l'Université du Québec. Nous avons quatre unités syndicales. Je pense qu'on peut imaginer facilement ce que cela voudrait dire au plan des investissements si on devait maintenir des personnels dans ce secteur-là.

D'autres exemples que je mentionnais dans le mémoire: Cette université, et cela est très clair, n'aurait pas survécu à la crise financière au cours des quatre dernières années si le réseau de l'Université du Québec, la corporation centrale n'avait pas joué son rôle de concertation et invité les autres unités du réseau à nous appuyer financièrement. C'est plus que moralement, ça. C'est facile quelquefois de donner un appui moral, mais, là, c'est très concret, c'est de l'argent, c'est près de 900 000 $. C'est le réseau, la corporation centrale de ce grand instrument qu'est l'Université du Québec qui l'a réalisé.

Le deuxième plan sur lequel c'est très important, nous vous avons mentionné l'importance que nous donnons à la collaboration avec la communauté universitaire québécoise. Je pense qu'on comprendra facilement qu'une université dans une région comme l'Abitibi-Témiscamingue doit absolument s'appuyer sur ce réseau universitaire que nous avons bâti au Québec pour pouvoir atteindre ce seuiï de maturité, de développement et de compétence. Encore là, vous avez vu, avec les exemples que je donnais tantôt à M. le ministre, les programmes que nous partageons, les compétences pédagogiques. Donc, le réseau de l'Université du Québec, pour nous, sur un autre plan, c'est aussi une communauté scientifique, et cela est extrêmement important.

Je terminerai, Mme la députée, en disant que je pense que la corporation centrale est aussi très consciente de ce rôle de concertation au niveau pédagogique. C'est pourquoi, au cours des trois dernières années au moins, on a dégagé au-delà de 1 000 000 $ pour permettre, par exemple, à des chercheurs, à des professeurs de la région de l'Abitibi-Témiscamingue d'être en contact au plan scientifique, et non pas au plan administratif, avec des chercheurs de Rimouski, Chicoutimi, Montréal et Trois-Rivières et développer des équipes et atteindre cette masse critique dans un certain nombre de secteurs pour nous permettre d'aller beaucoup plus loin au plan du travail que nous avons à réaliser comme université au plein sens du terme, mais dans une région et dans des conditions particulières. C'est un peu cela, Mme la députée, le siège social ou la corporation centrale de l'Université du Québec, pour nous, en Abitibi-Témiscamingue.

Le Président (M. Parent (Sauvé): Merci, M. Trudel. Je reconnais maintenant le député de Sherbrooke.

M. Hamel: M. le recteur, aux pages 49 et suivantes de votre mémoire, vous évoquez le problème de la dispersion géographique auquel vous faites face. Vous mentionnez également votre intention de développer un certain nombre de secteurs d'excellence et en particulier les sciences et technologies forestières. Comment prévoyez-vous concilier votre problème de dispersion géographique avec votre volonté de développer des secteurs d'excellence qui impliquent une certaine masse critique?

M. Trudel (Rémy): M. le député, évidemment, il s'agit d'une question fort importante lorsqu'on envisage des développements à réaliser dans une région comme l'Abitibi-Témiscamingue. D'abord, il faut bien établir que tous les développements que nous avons réalisés dans cette université et ceux que nous prévoyons ou que nous aimerions réaliser, par exemple, dans le domaine des sciences ou de la technologie forestière, nous concevons que cela doit d'abord et avant tout s'appuyer sur un programme et sur un groupe d'étudiants, au 1er cycle au strict minimum, à temps complet au campus central de cette université pour développer cette espèce de masse critique, cette équipe de professeurs nécessaires et que, dans certains cas, bien sûr, comme nous le faisons actuellement, il ne sera pas possible d'offrir un certain nombre d'activités à l'extérieur du campus principal puisque dans certaines disciplines cela devient extrêmement difficile et dangereux, à la limite. Cela mettrait en danger la qualité de ces programmes et des diplômés que nous formons si nous nous dispersions trop sur le territoire au niveau de certains programmes. (16 h 30)

On peut citer un exemple à cet égard qui nous cause bien de la misère à l'université et qui est bien difficile. On a une demande très forte d'une sous-région de notre grande région de l'Abitibi-Témiscamingue pour dispenser une maîtrise en gestion de projet. Les membres du conseil d'administration et de la commission des études - les officiers - à cet égard, ont préféré la prudence et dire que nous allions d'abord concentrer nos efforts au campus principal, là où sont logés la plupart des professeurs et les membres de l'équipe professorale.

Il faut bien distinguer les mouvements et les temps de développement qu'il peut y avoir lorsque nous abordons le développement des programmes par rapport aux services que nous devons donner en régions, dans les centres distincts de Rouyn-Noranda. Cependant, je pense qu'il faut décrire en même temps la situation qui est faite à ces communautés et à ces populations. S'il y a un certain nombre de secteurs qui sont déjà bien appuyés à l'intérieur de l'établissement - je pense aux sciences de l'éducation, aux sciences administratives, aux sciences comptables, aux sciences du comportement humain - il y a aussi, dans chacune des communautés, des besoins auxquels nous pouvons répondre avec des objectifs de qualité, les mêmes objectifs que nous poursuivons à l'intérieur des programmes de baccalauréat, par exemple, à temps complet ou à temps partiel, au campus principal, les mêmes mécanismes d'évaluation de programmes, d'évaluation de cours, d'évaluation de professeurs, etc. Nous avons le devoir de répondre, dans la mesure de nos capacités, avec les moyens que nous avons, à ce que nous pourrions appeler ce perfectionnement ou cette seconde chance que les gens qui ont fait cette région veulent se donner: avoir accès eux aussi au savoir, à la connaissance d'un niveau universitaire.

En répondant à cette question, M. le député, cela me permettrait peut-être de faire une remarque. On l'a vu à quelques endroits, dans certains écrits, au cours des dernières semaines et des derniers mois: L'enseignement universitaire, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, coûte les yeux de la tête. Il en coûte les yeux de la tête en tout, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Quand on achète les journaux, on les paie 45 % plu3 cher qu'à Québec. Il en coûte les yeux de la tête d'acheter le Soleil en Abitibi-Témiscamingue. C'est comme cela, parce qu'il y a une distance géographique. Je pense que l'on pourrait établir facilement que la différence du coût, en termes d'investissement que l'on fait dans les jeunes et dans les adultes, pour la connaissance et le savoir, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, pour mettre en valeur les richesses naturelles relativement aux mines, à la forêt, à l'agriculture... C'est, pour la région, mais surtout et aussi, pour le Québec, très important.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Je reconnais maintenant le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. M. le recteur, vous ne tarissez pas d'éloges sur vos sous-centres régionaux, et avec raison d'ailleurs. Je pense que c'est là une initiative et un mode de fonctionnement qui est très intéressant pour une région comme celle de l'Abitibi-Témiscamingue. Par contre, j'ai été informé que vous aviez dû abandonner certains services que vous donniez déjà sur le territoire. Est-ce que vous pourriez nous préciser les raisons qui vous ont amené à abandonner ces services?

M. Trudel (Rémy): M. te député, je pense bien que vous faites directement allusion aux sous-centres ou au centre de Radisson, dans le Nord québécois, que nous avons dû abandonner et également, très récemment - non pas en termes d'abandon, en termes d'offre de cours, dirais-je - au centre de Matagami et aussi, à un moindre niveau, au centre de Lebel-sur-Quévillon.

D'abord, deux cas distincts, nous avions prévu et on nous avait demandé de desservir, sur le plan du perfectionnement, le centre de Radisson. De façon très rapide et très concrète, nous ne pouvons pas desservir ce centre et la population qui y est, compte tenu des coûts qui sont impliqués et de la

subvention gouvernementale que nous recevons par étudiant équivalent temps complet. Cela devient prohibitif et, à moins de subventions particulières pour réaliser l'enseignement dans un certain nombre de secteurs très limités, cela nous est impossible. Nous avons dit que nous ne pouvions répondre à ces besoins.

Cependant, c'est intéressant que vous souleviez la question dans le cas de communautés comme celle de Matagami. Voici la situation très concrète. À l'automne 1986 - l'automne que nous vivons - nous avons eu une demande pour dispenser, comme aux autres sessions par les années passées, trois ou quatre activités, dans un certain nombre de programmes bien cadrés, bien définis, dans le centre de Matagami. Je disais tantôt que nous avions abordé l'année 1985-1986 avec une perspective de déficit de 750 000 $. Je pense que nous avons été un bon citoyen corporatif, en dépit des problèmes de financement que nous avions et du fait que nous avons décidé de réduire au maximum nos dépenses. Pour cela, en particulier, il a fallu se donner ce que nous appelons une politique de gestion des groupes-cours. Actuellement, nous sommes incapables d'ouvrir un quelconque programme à une cohorte d'étudiants, à un groupe à moins qu'il soit formé de 30 étudiants admis dans un centre, peu importe où il se trouve en Abitibi-Témiscamingue. Nous n'acceptons plus, non plus, de dispenser un cours à moins qu'il y ait 20 étudiants non pas d'inscrits, mais d'assis dans la salle et qui peuvent suivre ce cours.

Dieu sait que c'est fort difficile pour de petites communautés qui font leur part pour le Québec, bien sûr, mais c'est difficile pour ces communautés de regrouper dans un certain nombre de secteurs 20 étudiants de façon continue pour suivre un programme. Malheureusement, le conseil d'administration de l'université a dû adopter cette politique extrêmement difficile, extrêmement regrettable. Mais nous devions faire face à une situation financière pénible et nous avons des réclamations de ces communautés. Dans le cas de Matagami, en particulier, il n'y aura pas à l'automne 1986 une quelconque activité de niveau universitaire, compte tenu de l'insuffisance du nombre de personnes qui se sont présentées. Leur nombre était légèrement en dessous du seuil que nous avions fixé.

Dernière remarque à cet égard, M. le député. Je dois répéter que la pratique ontarienne à cet égard est beaucoup plus réaliste pour les communautés du Nord. Lorsque je rencontre mes collègues de l'Université de Sudbury, de l'Université Laurentienne, de l'Université Lakehead, ils nous mentionnent que c'est possible, en Ontario, lorsqu'on est distant de plus de 120 kilomètres du campus principal, de dispenser des activités à huit étudiants; on leur accorde une subvention spécifique pour réaliser ce travail.

Si j'ai encore quelques minutes, M. le Président, j'aimerais même ajouter que j'ai eu l'occasion de rencontrer M. Bovey, président de la commission Bovey qui a produit un rapport fort important au Canada et en Ontario en particulier, en décembre 1984. Ce dernier présidait donc la commission chargée d'étudier l'avenir des universités de l'Ontario. Or, je lui demandais un peu candidement: Mais pourquoi un gouvernement décide-t-il de subventionner un petit groupe de huit étudiants dans une région comme le Nord de l'Ontario? M. Bovey me répondait essentiellement! Parce que nous avons pris conscience dans cette province que l'investissement que nous réalisons chez les jeunes dans une région comme le Nord de l'Ontario, au bout du compte, est pas mal plus payant que de les amener à Toronto car on n'est plus capable de garder leurs parents dans cette région qui est liée aussi à la mise en valeur des ressources de la terre, et non seulement on perd le capital humain qui est dans cette région chez les jeunes, mais on a beaucoup de difficultés, sinon une impossibilité de retenir les parents parce que les conditions ne sont pas avantageuses... 11 dit: C'est donc une question d'investissement et, au fond, notre altruisme, notre générosité de coeur qui peut paraître de prime abord très grande, c'est aussi sur le plan économique un très gros investissement. Il ajoutait: Dans cette province, le Nord étant tellement important en termes de développement, nous nous sommes • même donné un ministère des Affaires du Nord avec une politique de développement; ce sont des éléments en termes d'éducation qui nous permettent de faire en sorte que le Nord de l'Ontario ait aussi une communauté forte au niveau du développement de cette province et du Canada aussi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le recteur.

M. Claveau: Je retiens de votre réponse, M. le recteur, que vous revendiquez fermement devant le gouvernement la possibilité de pouvoir baisser les barèmes pour être accessible à des groupes plus petits surtout dans les places éloignées comme Matagami, Quévillon, Chapais, Chibougamau, Radisson, etc. Vous pouvez compter sur notre participation et notre appui total, afin d'en arriver à ce que de tels critères, beaucoup plus raisonnables pour les régions éloignées, puissent un jour être acceptés par le gouvernement et être appliqués pour le bien de tout le monde. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, mais j'ai l'impression que le facteur distance et le facteur coût

- dont on a parlé tout à l'heure aussi avec l'exemple des journaux - sont deux raisons qui peuvent être à la base du fait que l'on ait juste 3,7 % d'universitaires dans les régions telles que l'Abitibi-Témicamingue étant donné les coûts prohibitifs que représente l'accès au système universitaire pour les gens des régions éloignées. Je me permettrai un commmentaire en ce sens. J'ai pu vérifier moi-même que depuis que l'on a une composante du cégep à Chibougamau on augmente beaucoup la scolarité des jeunes de la place. Ce n'est pas tout le monde qui était capable de se payer le cégep à l'extérieur. Alors aujourd'hui on a plus de 100 jeunes de Chibougamau-Chapais qui fréquentent le cégep à Chibougamau même. La plupart était des jeunes qui ne pouvaient pas avoir accès au cégep, parce qu'aller au cégep à l'extérieur c'est prohibitif surtout quand on est deux, trois ou quatre d'une même famille et que les parents ne travaillent pas. D'ailleurs, je suis un peu surpris du fait qu'entre autres à Matagami on ne donne plus de services. Vous n'êtes quand même pas sans connaître le problème économique que vit Matagami actuellement et la difficulté qui en découle pour les parents de Matagami de permettre à leurs jeunes d'avoir accès à l'université. La conjoncture économique que vit Matagami, malheureusement, ne semble pas préoccuper beaucoup le gouvernement parce qu'on tarde beaucoup à s'en mêler actuellement et surtout dans le domaine forestier. Je sors de la commission parlementaire sur la forêt, j'en sais quelque chose.

Ceci dit, j'aimerais savoir comment, en tant qu'administrateurs d'université en régions éloignées, vous vous sentez. Quel est - j'utiliserai un terme anglais, vous allez m'excuser - votre "feeling" par rapport aux autres universités plus centrales, peut-être mieux vues et peut-être plus appréciées par le ministre, je ne sais pas, enfin des universités qui ont une certaine cote? Vous, dans cela, comment vous sentez-vous en tant qu'administrateurs? Est-ce que vous êtes à l'aise avec ces grosses universités ou bien si vous avez l'air de parents pauvres?

M. Trudel (Rémy): Évidemment, c'est une question qui dépend du point de vue où l'on se place. Disons qu'en termes pédagogiques, en ce qui a trait au fonctionnement, j'ai donné des démonstrations ou des éléments de démonstration, il y a quelques minutes dans le mémoire, en ce qui touche la qualité, où nous sommes très à l'aise avec ce qu'on appelle les grandes universités ou les universités collègues dans le réseau de l'Université du Québec. Nous offrons donc une qualité de programmes et de diplômes qui est bien démontrée maintenant et nous sommes très à l'aise quant aux travaux que nous poursuivons à l'intérieur de cette université. Au plan financier, évidemment, c'est un peu différent. On a toujours l'impression de devoir courir plus vite pour rester sur place et pour garder au moins ce que nous avons actuellement et c'est extrêmement difficile.

Si vous parlez de sentiments, de comment nous nous sentons en termes d'administrateurs lorsque nous avons à rencontrer les membres des communautés concernées, là, M. le député, je vous prie de croire que cela ne va pas très bien et que nous avons un peu la tête baissée lorsque nous rencontrons ces communautés. Écoutez, ce n'est pas facile.

Ce n'est pas facile d'aller rencontrer des gens de Matagami, des gens de Lebel-sur-Quévillon, des gens de Chapais-Chibougamau, des gens de Senneterre, des gens de Val-d'Or et d'aller rencontrer des communautés qui ont cette volonté, comme dit un slogan dans la région de l'Abitibi-Témicamingue, une volonté de fer pour vouloir avoir de la formation et non pas simplement de l'information. Ces gens veulent avoir des programmes de formation, ils sont disposés à sacrifier du temps, à mettre de l'énergie et à franchir des distances, et, malheureusement, on doit leur répondre: Écoutez, on ne peut faire plus que cela, nous ne pouvons pas comme institution publique dépenser bien au-delà de ce que nous avons comme autorisation en termes de fonctionnement. Quand on pense à ce que tous ces gens font pour le Québec et font pour leur région, c'est très difficile. (16 h 45)

Nous avons eu à rencontrer et à affronter des groupes, En ce sens nous avons une petite consolation. Les gens qui ont fait l'Abitibi-Témicamingue sont des pionniers qui se sont toujours battus pour obtenir leur juste part aussi dans la société québécoise en rapport avec le travail et les richesses naturelles qu'ils produisent pour l'ensemble du Québec et l'ensemble du Canada. Mais nous pensons que nous devons, nous aussi, faire notre bout et maintenant c'est moins à coups de bras qu'à coups d'intelligence, de matière grise, de cerveau, que nous allons donner aux enfants de ces pionniers une véritable chance non seulement d'atteindre le niveau universitaire d'enseignement supérieur et d'atteindre un niveau de connaissances qui leur permette d'avoir dans la vie une place, un endroit, une situation, ce que tout le monde espère, une chance égale finalement, et non seulement cela, mais ils vont pouvoir demeurer sur place, !à où ils sont nés dans leur famille, dans leur groupe de référence. Ces gens-là vont tous nous aider à faire en sorte qu'on va être mieux partout et qu'on aura un meilleur développement parce que nous aurons des ressources humaines, compétentes, pour les entreprises, pour les groupes, pour les organismes dans cette

région qui est un peu plus éloignée de Montréal ou de Québec. Dans ce sens-là, pour nous, c'est très difficile lorsqu'on rencontre les communautés. Vous avez vu aussi que c'est pourquoi nous n'hésitons pas à adopter toutes les solutions possibles pour maintenir une présence en termes d'activités dans ces centres.

Une dernière remarque, M. le député, lorsque nous rencontrons ces gens, je vous prie de croire que ce qu'ils nous demandent comme services universitaires, je m'excuse d'employer le terme mais ce ne sont pas des cours de macramé, ce ne sont pas des cours de tricot, ce ne sont pas des cours de loisirs, ce sont de véritables activités de formation de niveau universitaire évaluées dans des programmes avec des objectifs particuliers qui sont évalués et reconnus. Ils sont très critiques quant au niveau de connaissances que nous devons, en tant qu'université, leur transmettre. On nous le soulève constamment et, cela, je pense que c'est peut-être la partie intéressante, au moins cette partie quand nous avons à rencontrer les gens dans les différentes communautés, cette volonté de véritablement recevoir des activités, des cours, une formation, des enseignements et des connaissances de niveau supérieur. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le recteur. J'invite maintenant la députée de Chicoutimi à conclure au nom de sa formation politique.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je ne saurais mieux conclure que par ce que vient de faire le recteur par rapport à l'importance de son université. Je ne pourrais qu'ajouter à ce qu'a dit le député d'Ungava sur la problématique que vous développez et l'importance que constitue la présence de l'Université du Québec dans votre région. Soyez assuré que, dans la mesure où on peut encore avoir de l'influence, on va certainement travailler à faire des pressions pour que vous ayez un financement qui va vous permettre de vous développer.

Plutôt que de prendre mes cinq minutes, je poserais plutôt une question. J'ai remarqué dans la liste des participants que vous aviez de nombreux membres socio-économiques. J'arrêterais là, ce serait en même temps ma question et ma conclusion.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député d'Ungava a dépassé de beaucoup, alors là...

Mme Blackburn: Bien.

Le Président (M. Parent, Sauvé): On y va, on y va. On termine cela.

Mme Blackburn: Voilà.

Le Président (M. Parent, Sauvé): On va aller chercher les renseignements qu'il nous faut.

Mme Blackburn: Le Conseil des universités, dans le mémoire qu'il nous a présenté ici, recommandait qu'on renforce la présence de membres socio-économiques au sein des conseils d'administration. Vous qui êtes ici, je pense que vous êtes trois membres du conseil d'administration. D'abord, j'aimerais que vous nous parliez du rôle que vous jouez au conseil d'administration, de l'importance et de la place qu'occupent les membres socio-économiques et peut-être en même temps pourriez-vous me dire si vous estimez qu'on devrait ajouter ou augmenter le nombre de membres socio-économiques au sein de votre conseil d'administration.

M. Trudel (Rémy): Dr Descarreaux, M. le Président.

M. Descarreaux (Jean): Les représentants du milieu sont au nombre de trois dans un conseil qui compte quatorze membres. Je ne pense pas que ce soit suffisants cela pourrait être facilement augmenté. Mais, même à trois, notre influence se fait sentir. Je pense que notre rôle principal est de faire connaître au conseil les besoins du milieu. Les trois membres du milieu viennent de trois parties différentes du Nord-Ouest. Pour répondre à votre question, ce nombre de 20 % pourrait être facilement augmenté à 35 % peut-être.

Mme Blackburn: Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Oui, allez.

M. Trudel (Rémy): M. Le Régent aurait peut-être un complément de réponse.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Le Régent, nous vous écoutons.

M. Le Régent: Comme membre socio-économique j'abonderais dans le même sens que M. le président, à savoir que la représentation des socio-économiques de par mon expérience ne m'apparaît pas tout à fait suffisante. Étant donné que nous pouvons parfois nous retrouver en des conseils d'administration où en majorité les gens sont de l'interne, il peut se trouver des conflits d'intérêts dans la gestion de l'université. Un renforcement des socio-économiques permettrait peut-être de donner plus d'autorité à la direction par des jeux de délégation de pouvoir, mais les règles du jeu seraient plus claires. Cela m'apparaît curieux, pour un système d'autogestion des fonds publics, et on parle de 1 000 000 000 $, si des membres socio-

économiques éclairés et expérimentés n'ont pas suffisamment de poids pour infléchir le cours des événements et de la gestion.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la députée de Jacques-Cartier, si vous voulez conclure.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Alors, une très courte question avant de terminer. Si les règles de financement comme pour les universités du Nord de l'Ontario, si ces règles du jeu étaient appliquées ici au Québec dans votre région, quel serait l'impact sur l'expansion de votre clientèle?

M. Trudel (Rémy): D'abord, Mme la députée, si nous appliquions cette norme qui est faite au Nord de l'Ontario pour l'enseignement universitaire, cela voudrait dire grosso modo 1 000 000 $ qui seraient ajustés dans la base de financement de cette université. Si on met cela en relation avec les développements possibles au sein de l'université, je parlerais beaucoup plus de consolidation qu'il nous faudrait compléter dans cette université. Nous avons, dans beaucoup de secteurs, des seuils qui sont vraiment au minimum. Nous avons un certain nombre de services, par exemple, aux étudiants, des services dans les sous-centres qui n'ont pas suffisamment de force. Alors, l'ajustement de cette subvention à un niveau comparable à celui du niveau du Nord de l'Ontario nous permettrait d'abord de consolider. Ou je pourrais aussi le prendre sous un autre angle et dire: II serait difficile, même avec l'ajustement de cette subvention, de se lancer dans de grands développements. Vous avez vu aussi tantôt que ce que nous prévoyons, ce que nous aimerions envisager en termes de développement comme service à la population, c'est vraiment frugal, je pense, comme intention de développement compte tenu de la population que nous desservons. Il y a ce secteur des sciences, il y a ce secteur des humanités qui sont fondamentaux dans une université, qui doivent être développés et, d'abord, il nous faut consolider. Cela nous permettrait de consolider ce que nous avons et cela ne nous permettrait pas d'aller au-delà. Je dirais en terminant: Et déjà il y en aurait un bon bout d'hypothéqué parce qu'il nous faut adopter un plan de résorption de notre déficit qui grugera déjà dans ce que nous avons fait en termes d'investissement au cours des dernières années dans nos différents programmes de formation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord. Si vous voulez conclure, madame.

Mme Dougherty: Au nom du ministre, j'aimerais remercier l'équipe de l'université d'Abitibi-Témiscamingue de nous avoir tracé un portrait très substantiel de ses activités. J'aimerais vous féliciter de la quantité, mais surtout de la qualité de vos services, malgré les problèmes, évidemment, très aigus que vous vivez à cause de votre éloignement et de la dispersion de votre population. Merci d'être venus.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée, merci, Mme la députée de Chicoutimi. M. le recteur et tous les gens qui vous accompagnent, nous vous remercions beaucoup de la collaboration que vous nous avez accordée en venant nous aider à réfléchir sur la problématique de l'orientation et du financement des universités. Quelquefois on semble précipiter, ce n'est pas qu'on veut précipiter, c'est qu'on est pris par un horaire de travail. Après cela, les étudiants s'en viennent; ce soir, il y en a d'autres. Soyez certains que, si vous avez la sensation de ne pas avoir livré votre message complètement, il y a toujours possibilité de communiquer avec nous après, de nous envoyer tous les documents pertinents, de nous appeler et on peut se revoir. Merci beaucoup encore une fois.

La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux pour quelques minutes et nous entendrons le prochain groupe, l'Association étudiante de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamîngue, laquelle j'invite à prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 55)

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission reprend ses travaux et accueille l'Association étudiante de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue dont le porte-parole est M. Serge Boulet. M. Boulet, bonjour.

M. Boulet (Serge): Bonjour.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous êtes accompagné par M. Dents Poudrier, votre vice-président.

M. Boulet: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Poudrier, bonjour.

Un mot pour vous remercier d'avoir répondu à l'invitation de la commission parlementaire de l'éducation et d'être partis de votre beau pays, l'Abitibi, pour venir nous rencontrer ici. Soyez certains que nous sommes très touchés par le geste que vous avsz posé, vous qui êtes en fait les

principaux intervenants dans le monde de l'éducation. Vous êtes les clients, l'université existe pour vous. Alors, entendre le témoignage d'étudiants fait toujours plaisir et on en sort toujours beaucoup mieux éclairés.

La commission a prévu une heure pour vous entendre. C'est donc dire que vous pourrez présenter votre mémoire et le reste du temps sera partagé à parts égales entre les deux formations politiques pour que vous puissiez échanger des propos avec les députés. Je rappelle aux députés que chaque parti est responsable de l'utilisation de son temps. Alors, ce n'est pas moi qui vais décider s'il reste deux ou trois minutes. Mais rappelez-vous une chose: lorsque l'un de vos collègues, principalement vos porte-parole, demande la parole pour deux minutes, il faut toujours considérer qu'il y a une réponse lorsqu'on pose une question. Alors, il faut essayer de demeurer dans le temps sans rien précipiter.

Messieurs, si vous voulez présenter votre mémoire. Allez-y, nous vous écoutons.

Association étudiante de l'UQAT

M. Boulet: M. le Président, M. le ministre, messieurs et mesdames les députés, au départ, nous aimerions remercier les membres de cette commission parlementaire de nous permettre d'exprimer nos opinions concernant les orientations et le financement du réseau universitaire québécois.

Notre association représente les étudiants à temps complet et à temps partiel qui fréquentent l'UQAT. Compte tenu de la dispersion de nos membres sur l'ensemble du territoire de l'Abitibi-Témiscamingue et de la Baie-James, nos services sont surtout concentrés au campus de Rouyn-Noranda. En plus de représenter les étudiants à différents comités et regroupements chargés d'organiser les activités étudiantes sur le campus, notre association maintient depuis ses débuts un Centre étudiant de services communautaires, le CESC. Nous reviendrons, d'ailleurs, sur ce sujet particulier dans la présentation de notre mémoire.

La création de l'UQAT: une nécessité pour les jeunes de l'Abitibi-Témiscamingue. Notre université a été créée officiellement en 1983. Notre association a, d'ailleurs, été très active dans la préparation des différents dossiers qui ont conduit à cette reconnaissance juridique de l'enseignement universitaire en Abitibi-Témiscamingue. Notre participation a toujours visé à réaffirmer notre volonté de disposer d'une institution de niveau supérieur dans la région afin de nous permettre, à nous aussi, gens de l'Abitibi-Témiscamingue, de réaliser des études universitaires près de notre milieu de vie et d'évolution. Nous croyons plus que jamais que notre constituante de l'Université du Québec demeure une nécessité fondamentale si nous voulons assurer avec équité l'accès des jeunes de notre région à l'enseignement universitaire et, ainsi, participer avec efficacité et compétence au développement de notre région.

Pour plusieurs d'entre nous, la création de l'UQAT aura permis de réaliser des études de niveau universitaire, ce qui aurait été, dans plusieurs cas, impossible si nous avions été dans l'obligation de nous déplacer vers les grands centres urbains du Québec. Nous pouvons aussi affirmer que nous avons des exemples dans nos familles d'étudiants qui ont réussi des études de niveau universitaire à l'extérieur de la région et qui ne sont jamais revenus par la suite en Abitibi-Témiscamingue pour faire profiter la région de leurs connaissances et de leurs compétences.

Les régions périphériques comme l'Abitibi-Témiscamingue ont toujours eu de la difficulté à retenir les jeunes dans leur région d'appartenance. L'impossibilité que nous avions de réaliser des études universitaires chez nous ne faisait que contribuer à augmenter le taux d'exode des jeunes à l'extérieur de la région et, ainsi, à appauvrir une région déjà aux prises avec de nombreuses difficultés pour assurer sa consolidation et son développement.

Le mandat de cette commission étant d'examiner les orientations du réseau universitaire au Québec, nous désirons réaffirmer avec force que l'UQAT est une institution essentielle pour les jeunes de la région et nous espérons qu'on lui donnera suffisamment de moyens afin d'offrir les programmes et les services auxquels les jeunes et les adultes de la région ont droit.

Les frais de scolarité à l'université. La question des frais de scolarité à l'université nous intéresse, évidemment, au plus haut point. Le Conseil des universités a même suggéré devant cette commission de doubler la contribution des étudiants pour avoir accès aux études universitaires. Nou3 comprenons vraiment mal comment on peut faire une telle recommandation quand on connaît le rattrapage que nous devons réaliser au Québec en général et dans la région en particulier au niveau de la fréquentation et de la diplomation universitaire.

Compte tenu du niveau de revenu disponible per capita en Abitibi-Témiscamingue pour 1983, qui a été de 8907 $ par rapport à 9810 $ en moyenne au Québec - source, le ministère de l'Expansion industrielle régionale publiée dans le "Financial Past" de juin 1986 - nous trouvons inadmissible de songer à doubler les frais de scolarité pour pouvoir faire des études à l'université. Pour un bon nombre d'entre nous, nos parents ne peuvent tout simplement pas supporter le fardeau financier que représentent deux années au collège et trois années à l'université. Pour ceux et celles qui

sont originaires de l'extérieur de Rouyn-Noranda et qui souhaitent suivre un programme qui n'est pas offert en Abitibi-Térniscamingue, cela représente une somme globale d'environ 25 000 $. Même si plusieurs peuvent compter sur une bourse ou un prêt du gouvernement, la somme que représente la contribution de l'étudiant ou celle de ses parents demeure encore trop élevée si on examine attentivement le niveau du revenu moyen en Abitibi-Témiscamingue.

Pour les adultes qui, souvent, ont déjà un revenu, ce qui apparaît surtout important, c'est de pouvoir compter sur des services qui leur soient accessibles compte tenu de leur situation en milieu de travail. Les efforts qui sont requis pour se perfectionner et les obligations auxquelles ils sont souvent astreints sont déjà des barrières difficiles à surmonter pour réussir un grade de niveau universitaire. Ajouter à ces barrières des frais financiers assez importants serait peut-être de nature à restreindre le nombre de ceux et celles qui veulent se donner une seconde chance d'acquérir les connaissances qui les aideront à progresser dans leur carrière professionnelle. Nous sommes donc opposés à une augmentation des frais de scolarité pour les étudiants de l'université, parce qu'essentiellement nous pensons qu'elle aura pour effet de limiter l'accès à des études supérieures, en particulier dans une région périphérique comme la nôtre qui a beaucoup à faire pour rattraper les grandes régions du Québec.

Le support aux étudiants à l'UQAT. Nous sommes heureux que l'Université du Québec puisse nous permettre d'entreprendre et de compléter des études en Abitibi-Témiscamingue. Cependant, les conditions dans lesquelles nous sommes placés pour réaliser ces études laissent souvent à désirer et les services qui nous sont offerts pour compléter nos études sont radicalement différents de ceux que retrouvent nos collègues dans les grandes universités.

Le service de bibliothèque est partagé avec le Collège de l'Abitibi-Témiscamingue. Au-delà des fréquents déplacements que nous devons faire pour avoir accès à la documentation, l'absence de véritables lieux de travail pour compléter les différents travaux en relation avec nos programmes d'études pose des problèmes que nous considérons anormaux pour les étudiants qui désirent obtenir les meilleurs résultats possible au niveau académique.

Nous déplorons aussi que la situation financière de l'université ne puisse permettre qu'un minimum vraiment insuffisant de services personnels aux étudiants inscrits à l'université. L'absence de services de santé, de services socioculturels et sportifs, de services de placement, de services de consultation personnelle et un service véritablement restreint au niveau de l'aide financière rendent souvent l'UQAT moins attrayante que d'autres universités québécoises pour ceux et celles de la région qui en ont les moyens.

Les conditions de logement sont aussi difficiles et très souvent extrêmement dispendieuses. L'absence de toute résidence destinée aux étudiants à l'université cause un sérieux préjudice aux étudiants d'une grande région qui doivent, pour la très grande majorité, se déplacer en dehors de leur localité d'origine pour suivre leurs programmes d'études. Nous pouvons constater régulièrement des cas vraiment difficiles d'étudiants qui doivent vivre dans des conditions matérielles qui sont certainement de nature à décourager la poursuite d'études à temps complet au campus central de l'université.

Sur le plan de l'enseignement, nous déplorons que l'université soit obligée de faire appel à un si grand nombre de chargés de cours. Malgré leur compétence dans la majorité des cas, la disponibilité fort limitée de ces professeurs à la leçon fait en sorte que l'encadrement nécessaire pour réaliser des études de haute qualité fait souvent défaut. De plus, nous déplorons fortement qu'il soit bien difficile de faire valoir l'opinion des étudiants lorsque nous avons à déplorer l'incompétence ou le rendement insuffisant d'un professeur ou d'un chargé de cours. Malgré l'évaluation qui est effectuée à la fin de chacun des cours, nous avons l'impression qu'il y a toujours quelque part une clause de convention collective qui empêche de faire quoi que ce soit pour changer la situation. Les étudiants ne croient plus à ces évaluations et constatent que c'est l'administration et la bureaucratie qui finissent toujours par avoir raison. Le pouvoir de représentation des étudiants aux différents conseils de l'université nous laisse perplexes sur la véritable attention qui est accordée à l'opinion de ceux et celles qui sont à la base de cette université.

La formation pratique à l'université. La formation que nous recevons dans les différents programmes qui nous sont offerts à l'UQAT est très souvent trop théorique et nous prépare mal à intervenir sur le marché du travail. Devant cette plainte souvent répétée de la part des étudiants, notre association étudiante a décidé de mettre sur pied un Centre étudiant de services communautaires pour pallier cette difficulté. La possibilité pour un étudiant de faire un stage ou des interventions dans des entreprises ou encore des organismes de services, à partir des connaissances théoriques déjà acquises à l'université, est maintenant possible pour ceux et celles qui le désirent à l'UQAT.

En effet, le CESC, le Centre étudiant de services communautaires de l'asssociation étudiante de l'UQAT, recueille les demandes

et les besoins des organismes de la région qui souhaitent obtenir de l'aide de la part des étudiants en cours de formation à l'université. Notre travail consiste alors à mettre en contact un étudiant dans le secteur disciplinaire approprié avec l'organisme ou l'entreprise qui requiert de l'aide.

Au cours des deux dernières années, nous avons réalisé plus de 50 interventions qui ont impliqué au-delà de 150 étudiants inscrits dans un programme d'études de 1er ou de 2e cycle à l'UQAT. À titre d'exemple, nous pouvons rappeler que des étudiants sont intervenus avec une grande satisfaction de la part des organismes qui les ont recueillis dans le domaine de la consommation, de la mise en marché des produits, d'implantation de services informatiques, d'études de faisabilité, de l'organisation de services communautaires de prévention, de coopération ou encore de l'organisation de services comptables dans des petites entreprises.

Cette action de type communautaire sert bien à la fois l'étudiant qui recherche un milieu d'application pratique d'études ou de ses connaissances théoriques et aussi l'entreprise ou l'organisme qui souhaite pouvoir compter sur une ressource externe à l'entreprise pour réaliser des travaux qui exigent une compétence particulière. Les deux parties y retrouvent leur compte dans la réalisation de semblables stages et, souvent, l'étudiant en particulier y trouvera l'occasion de prendre contact avec un organisme qui deviendra peut-être son employeur à la fin de la période de formation. On trouvera, d'ailleurs, en annexe au mémoire une liste des projets qui ont été présentés depuis septembre 1984.

Malheureusement, notre association est maintenant, elle aussi, placée devant l'impossibilité financière de supporter ce service d'intervention des étudiants au niveau des organismes du milieu et, si aucune aide du gouvernement ne lui vient d'ici quelques semaines, nous serons dans l'impossibilité de poursuivre ce volet de notre action auprès de la clientèle étudiante.

Les nombreuses interventions que nous avons faites auprès de l'UQAT et du ministère de l'Enseignement supérieur au cours des derniers mois ne nous ont pas encore apporté de réponse positive. Cependant, nous continuons toujours ces démarches parce que nous croyons que ce service est important pour compléter la formation théorique que nous recevons à l'université.

Le financement des universités. Notre institution universitaire s'est vue dans l'obligation de couper beaucoup de services au cours des dernières années pour tenter d'équilibrer son budget. Nous sommes conscients de ses difficultés et nous sommes également enclins à penser que la mission générale de notre université est vraiment fort différente de la plupart des autres universités du Québec.

Nous ne sommes pas des spécialistes de la question du financement et des différentes formules pour ce faire dans les universités au Québec. Nous pensons, cependant, que chacune des grandes régions du Québec doit pouvoir compter sur une université adéquatement financée par le gouvernement pour assurer le minimum de programmes de niveau universitaire dans une région donnée.

Nous avons aussi l'impression que l'UQAT en tant qu'université est toute jeune au Québec et n'a pas reçu les moyens nécessaires pour véritablement s'implanter de façon solide et permanente dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Même si nous payons les mêmes frais de scolarité et les mêmes impôts que les autres citoyens du Québec, nous considérons que nous sommes bien défavorisés par rapport à d'autres régions du Québec souvent plus populeuses, mais aussi plus rapprochées des grandes villes de base du Québec.

Il est assez facile de comprendre que l'université en Abitibi-Témiscamingue est aussi essentielle que dans n'importe quelle autre région du Québec. Même si le nombre d'étudiants qu'elle dessert est moindre que dans les grandes agglomérations, nous pensons qu'il est équitable que nous puissions aussi, en régions éloignées, non seulement fournir les matières premières aux industries canadiennes, mais aussi compter sur des institutions éducatives suffisamment bien organisées pour répondre aux besoins de base des citoyens de la région.

Nous espérons pouvoir compter sur les membres de cette commission pour faire en sorte que notre université sorte de son étranglement financier et qu'elle puisse offrir les services d'éducation universitaire si nécessaires à notre région.

En tant qu'étudiants de la région, nous considérons que nous sommes les . sous-développés du réseau universitaire québécois et que cette situation inéquitable qui nous est faite a assez duré.

Considérant l'ensemble des points que nous avons soulevés dans ce bref mémoire, nous désirons soumettre à votre attention les recommandations suivantes...

Mon collègue va poursuivre la lecture du mémoire.

M. Poudrier (Denis): Les services universitaires en Abitibi-Témiscamingue. Compte tenu de l'incertitude qui plane sur l'avenir des universités en régions et de l'UQAT en particulier, nous pensons qu'il est maintenant urgent que le ministère de l'Enseignement supérieur s'engage clairement et publiquement sur le maintien des universités situées en régions périphériques.

Au-delà des problèmes financiers et des orientations du système universitaire québécois, notre association réclame une prise de position ferme du gouvernement sur l'existence et la poursuite des activités universitaires dans les régions du Québec. (17 h 15)

Les adultes de la région de l'Abitibi-Témiscamingue réclament à ce même titre que soit clairement énoncé le principe de la poursuite de la politique de l'accessibilité des adultes à la formation universitaire au Québec et en régions. Nous pensons qu'il faut aussi assurer aux adultes de notre grande région que l'université, qui a été développée pour répondre à certains de leurs besoins, pourra continuer à assumer ses responsabilités auprès de cette clientèle.

Les frais de scolarité. À partir de l'argumentation que nous faisons valoir dans notre mémoire, nous pensons qu'une augmentation substantielle des frais de scolarité sera de nature à fermer la porte aux étudiants et aux étudiantes qui, autrement, auraient eu l'intention de fréquenter l'université. Le rattrapage qui reste à réaliser en termes de formation universitaire en Abitibi-Témiscamingue n'est pas encore complété, loin de là. Nous sommes persuadés que le dégel des frais de scolarité aura un effet négatif sur la fréquentation universitaire en Abitibi-Témiseamingue et aura aussi pour effet d'annuler ou presque l'effet recherché par la création de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Les services de support aux étudiants et aux étudiantes de l'UQAT. Nous constatons que notre condition étudiante est mal supportée à l'UQAT. Au niveau des services de bibliothèque, nous demandons que soit débloquée une subvention spécifique pour l'UQAT afin de pouvoir développer sur le campus de l'université un fichier informatique interactif permettant aux étudiants et aux étudiantes d'avoir accès aux ressources documentaires de la bibliothèque conjointe du collège et de l'université. De façon encore plus urgente, nous réclamons que cette subvention d'appoint puisse permettre à l'UQAT l'aménagement de locaux décents pour le travail de type recherche en bibliothèque pour les étudiants et les étudiantes en formation de notre université. On comprendra facilement la situation intolérable dans laquelle sont placés les étudiants et les étudiantes pour s'assurer d'un minimum de qualité de vie pour accomplir avec efficacité leur travail quotidien.

Au plan du logement étudiant, la situation est très difficile et inéquitable pour les étudiants et les étudiantes, en particulier ceux et celles qui ont pour origine des municipalités à l'extérieur de la région de Rouyn-Noranda. Ce que nous demandons au gouvernement, c'est de créer avec l'entreprise privée un fonds d'investissement pour la construction d'une résidence étudiante sur le campus de Rouyn-Noranda. Nous pensons que les municipalités concernées pourraient également être partie prenante d'un tel projet. L'accessibilité aux études universitaires, c'est aussi de fournir des conditions adéquates pour compléter ses études dans un contexte le plus facilitant possible.

Du côté de l'enseignement, nous déplorons toujours le fort taux de chargés de cours que nous rencontrons dans les différents programmes de l'université. Il nous faut souligner ici la situation particulièrement difficile des étudiants et des étudiantes en sciences de la gestion. Nous demandons au gouvernement d'établir un régime de prime pour les nouveaux professeurs qui choisissent de s'établir en Abitibi pour enseigner à l'université et dans ses centres.

Nous demandons également que les chargés de cours qui interviennent à l'université soient dans l'obligation de fournir des heures de disponibilité pour répondre aux besoins des étudiants et des étudiantes et que cette disponibilité soit définie dans les conventions collectives. Du côté des professeurs réguliers, nous demandons que l'évaluation des étudiants et des étudiantes soit réellement prise en compte pour le renouvellement des contrats et l'obtention de la permanence. De plus, nous demandons que les heures de disponibilité pour l'encadrement pédagogique soient régies par convention collective et appliquées à la lettre.

La formation pratique. Nous avons rappelé dans notre mémoire que la formation que nous recevons est très souvent théorique. Pour pallier cette difficulté, les étudiants de l'UQAT se sont donné un mécanisme souple et efficace, le Centre étudiant de services communautaires, afin de concrétiser dans un milieu d'application les connaissances acquises dans les différents cours.

Nous demandons au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science une aide financière minimale à laquelle contribuent déjà les entreprises et les groupes de notre région. Cette expérience originale et fort peu coûteuse, finalement, doit être poursuivie, d'autant plus que notre université ne peut plus compter, depuis juin dernier, sur les services de placement de Travail-Québec pour réaliser la liaison études et marché du travail. Les millions que le gouvernement investit dans la formation universitaire méritent certainement que l'on traite notre demande avec attention, ne serait-ce que pour assurer un service de support à des groupes ou entreprises qui parfois, dans une région éloignée comme l'Abitibi-Témiscamingue, fait gravement défaut.

Le financement de l'université. Les services offerts par notre université sont souvent déficients par rapport à ce que nous retrouvons dans la plupart des autres universités et cégeps du Québec. Cette injustice devrait être corrigée. Nous demandons que soit analysée la situation particulière de l'UQAT dans le réseau universitaire québécois et que la subvention pour faire évoluer normalement notre université soit prise en considération de façon urgente. La situation des étudiants et des étudiantes d'une université dans une région périphérique ne peut être comparée avec la situation à Montréal ou à Québec.

Toute université doit être en mesure d'offrir des services de qualité qui répondent de façon minimale aux besoins des étudiants et des étudiantes qui fréquentent cette institutionc En tant qu'étudiants et étudiantes et membres d'un regroupement provincial d'associations étudiantes, nous sommes en mesure d'affirmer que ce niveau minimum n'est pas atteint en Abitibi-Témiscamingue en comparaison avec les autres universités du Québec. Nous pensons être en droit de demander au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science de rétablir rapidement une situation qui frise parfois le ridicule pour notre université. Nous pensons également être en droit d'exiger que notre institution soit en mesure d'offrir des services de support que nous retrouvons dans les autres institutions au Québec. Nous sommes bien disposés à contribuer à la mise en valeur de la région de l'Abitibi-Témiscamingue; nous estimons cependant que les moyens qui sont mis à notre disposition par l'UQAT sont insuffisants et que nous sommes vraiment défavorisés lorsque nous choisissons de poursuivre nos études dans notre région. Nous sommes convaincus que l'argent qui doit être investi pour normaliser notre situation est un placement qui sera vraiment productif pour les années à venir.

J'inviterais M. Boulet à conclure.

M. Boulet: En conclusion, nous aimerions remercier les membres de cette commission de nous avoir permis de nous exprimer sur la situation de notre université. Nous désirons que des mécanismes soient rapidement mis en application pour tenir compte des particularités de la région de l'Abitibi-Témiscamingue et ainsi engendrer de meilleures performances à tous les niveaux: gestion, enseignement, recherche, service aux étudiants. Nous espérons que notre appel sera entendu et que nous pouvons espérer des jours meilleurs pour les étudiants de notre région. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. le président. Je reconnais maintenant l'adjointe parlementaire au ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. Au nom du ministre, j'aimerais remercier l'Association étudiante de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue de nous avoir tracé un portrait de la situation chez elle. Au début de votre mémoire, vous avez parlé de l'exode que je pourrais peut-être qualifier de traditionnel dans votre région et qui a diminué à cause de l'implantation de l'université dans votre région. Je ne sais pas si vous avez des chiffres, mais est-ce que vous pourriez nous donner une idée du taux d'exode d'il y a dix ans comparé à aujourd'hui?

M. Boulet: Mme la députée, je répondrai à cette question. Première des choses, je ne puis vous remettre les chiffres comme tels, mais nous sommes conscients que la région a beaucoup de misère à garder ses étudiants. Le taux d'exode est beaucoup trop élevé. Nous, on a des expériences personnelles, car on connaît plusieurs copains qui sont partis et qui ne sont pas revenus. Ils ont développé une vie sociale à l'extérieur avec tout ce que cela amène. Dans le fond, ce qu'on essaie de dire, c'est que, si notre université avait plus de moyens, plus de facilités, de services, on attirerait l'attention de nos étudiants dans la région et que peut-être, par la suite, on pourrait les garder dans notre région pour travailler dans nos entreprises. Mais pour ce qui est des chiffres, je ne puis vous en donner comme tels.

Mme Dougherty: Mais vous avez l'impression que c'est amélioré, que ce taux a diminué substantiellement depuis l'arrivée de l'université?

M. Boulet: Ce n'est pas depuis l'arrivée de l'université.

Mme Dougherty: Non?

M. Boulet: Non. Cela a toujours été. Il y a eu une amélioration depuis que l'université est en place. Je crois que l'amélioration n'est pas encore assez positive. Il y a eu une certaine amélioration, mais il reste encore beaucoup à faire. Ce n'est pas la venue de l'université qui a fait que des étudiants quittent la région.

Mme Dougherty: À la page 6, je n'ai pas tout à fait compris ce que vous voulez dire. En bas de la page, vous parlez de "l'incompétence, du rendement insuffisant d'un professeur ou d'un chargé de cours". Vous dites: "Malgré l'évaluation qui est réalisée à la fin de chacun des cours, nous avons l'impression qu'il y a toujours à

quelque part une clause de convention collective qui empêche de faire quoi que ce soit pour changer la situation". Voudriez-vous expliquer ce que vous voulez dire?

M. Boulet: Mme la députée, ce qu'on a essayé d'expliquer, c'est qu'à la fin de chaque cours on a une évaluation à faire sur le professeur en question. Or, même si, pour nous, ce professeur semble inadéquat et, donc, répond négativement à cette évaluation, à chaque session on revoit toujours le même professeur qui revient. Donc, on se demande si c'est nous qui avons le dernier mot ou quoi. C'est un peu ce que nous essayons d'expliquer.

Mme Dougherty: C'est le manque de stabilité?

M. Boulet: Non.

Mme Dougherty: Je n'ai pas compris.

M. Boulet: Les chargés de cours viennent de l'extérieur pour nous enseigner.

Mme Dougherty: Oui.

M. Boulet: À la fin de chaque cours, on fait une évaluation des chargés de cours ou des professeurs comme tels. Chaque étudiant remplit une formule et fait l'évaluation d'un professeur. Même si ce professeur semble inadéquat pour l'ensemble des étudiants, l'année suivante on revoit toujours le même professeur qui revient donner encore le même cours ou d'autres cours. Dans le fond, on se dit: Où est notre part et sommes-nous écoutés dans ce sens? C'est ce que nous nous demandons. C'est pour cela qu'on dit que peut-être il y a une convention collective qui, d'un côté, nous dit: Vous avez un droit de parole, mais on n'écoute pas ce qu'on dit. C'est dans ce sens qu'on dit cela.

Mme Dougherty: Merci. Une dernière question. Évidemment, vous êtes contre un changement des frais de scolarité, mais c'est évident que votre université, ainsi que les autres universités ont besoin d'argent. Si vous étiez à la place des députés, où est-ce que vous trouveriez l'argent pour les universités?

M. Boulet: Je répondrais à cette question en disant que c'est quand même assez difficile de notre part, car nous avons chacun notre position sur la question. Ce n'est pas pour prendre parti comme tel, mais la solution qui a été proposée par les jeunes du Parti québécois nous semble assez intéressante. Ceci vous apporterait l'argent qui manque et nous, on le remettrait avec l'impôt par la suite.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous parlez de l'impôt étudiant, là?

M. Boulet: Oui, de l'impôt étudiant qui serait ajouté à notre impôt fiscal en tant que contribuables. Nous voyons cela de cette façon. Disons que c'est, quand même, assez compliqué. On n'est pas dans la même paire de pantalons, mais, de notre côté, cela nous semble inadmissible d'augmenter les frais de scolarité car ils nous semblent trop élevés. Dans notre position on n'a pas beaucoup les moyens et, en Abitibi-Témicamingue, les services sont beaucoup moindres que dans les grandes universités et il nous semble qu'on est dans une inégalité. Donc, ce serait, sans parti pris, la solution des jeunes du Parti québécois qui nous intéresserait dans ce cas.

Mme Dougherty: Est-ce que vous croyez qu'il y a certaines dépenses faites par le gouvernement qui ne sont pas nécessaires? Croyez-vous qu'il y a un certain gaspillage que vous aimeriez couper? C'est exactement le problème auquel nous faisons face. Est-ce qu'il y a des générosités du gouvernement que vous aimeriez éliminer? (17 h 30)

M. Boulet: Je crois qu'aujourd'hui notre mission n'est pas de remettre en question le gouvernement et les erreurs qu'il pourrait faire. Non, je ne peux répondre à cette question. Cela me semble quand même bien géré, mais on ne comprend pas que, à ce niveau-là, les universités ne puissent pas avoir plus de subventions. C'est tout sur le sujet.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va? Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Monsieur, il me fait plaisir, au nom de ma formation politique, de vous accueillir à cette commission parlementaire. Ce qui m'a frappé dans votre mémoire, et il me semble important de le souligner pour les membres de cette commission parlementaire, c'est le niveau de vos demandes. On a vu tellement d'autres mémoires et, pour avoir circulé passablement dans les universités et dans les collèges, on voit des associations étudiantes qui vous demandent des locaux, des espaces, des services, une multitude de choses, finalement. Vous, ce que vous demandez, c'est une bibliothèque. En plus, vous dites: Subventionnez donc le collège pour qu'au moins on ait là des collections qui nous permettent de poursuivre décemment des recherches. C'est la même chose pour quelque chose qui m'apparaît tout à fait élémentaire: des résidences dans cette région. C'est ce qui frappe quand on voit

votre demande: vous avez l'habitude, vous n'avez pas été gâtés, cela paraît. C'est peut-être ce qu'il est important de souligner dans un mémoire comme cela. Cela m'impressionne considérablement.

En plus, il y a les efforts que vous faites pour essayer d'assurer une meilleure adéquation entre votre formation et le marché du travail. Vous semblez avoir poussé assez loin, je pense bien, l'expérience du Centre étudiant de services communautaires; peut-être parce que c'est plus petit, cela a été plus facile de le faire, mais il me semble que vous êtes passablement avancés. Quelques étudiants sont venus et nous ont parlé également de ce projet fort intéressant, mais nous ont dit qu'il y avait quelques difficultés avec les professeurs, quelquefois aussi avec l'université qui hésitait un peu à s'embarquer dans ce genre de projet, à en reconnaître la valeur et à mettre l'énergie et le temps qu'il faut pour encadrer les activités. Comment cela se passe-t-il chez vous? Toujours par rapport au Centre étudiant de services communautaires, vous dites: Là, on n'arrive plus, on ne réussira pas à poursuivre ces activités qui nous paraissent quasi indispensables et vous demandez des subventions. De quel ordre seraient-elles? Donc, quelle est la collaboration que vous recevez de vos professeurs et de l'administration? Et de quel ordre est votre demande de subvention?

M. Boulet: Mme la députée, pour répondre au premier volet de votre question, je dirais que c'est toujours le même problème qui revient. Étant donné que nous avons beaucoup de chargés de cours, il est compliqué pour nous de les sensibiliser car ils n'ont pas d'encadrement comme tel. Ils viennent le matin et retournent le soir dans leur habitation. On fait le plus passible. On remet une lettre au début de chaque session parlant du Centre étudiant de services communautaires, dans laquelle on décrit un peu ce qu'on vous expliquait tout à l'heure, les pour, ce que cela donne à l'étudiant en pratique. On fait un peu de pressions auprès du professeur pour qu'il en parle aux étudiants, qu'il les invite à venir au Centre étudiant de services communautaires pour effectuer leurs travaux pratiques afin qu'on les place dans des entreprises. Mais pour les chargés de cours, c'est difficile pour nous de faire cela, car les chargés de cours donnent leurs cours et repartent. C'est le problème que nous avons, encore avec les chargés de cours, pour pouvoir faire pression pour leur présenter ce projet qui est intéressant pour nous. C'est pour répondre au premier volet de votre question.

Le deuxième, c'est que, l'an dernier, on avait une subvention de l'ancien gouvernement qui était de 40 000 $ pour les trois CESC. Cette année, on n'a eu aucune nouvelle à ce sujet. Pour garder notre CESC dans la région, étant donné que c'est la seule chose pratique que nous avons pour l'étudiant, nous demandons un salaire équivalent à 25 000 $ pour une personne pour une année. C'est la subvention que nous demandons pour garder notre CESC parce que cela nous semble très important.

Mme Blackburn: Donc, l'an dernier, vous étiez subventionnés pour une somme d'environ 40 000 $

M. Boulet: 40 000 $ pour les trois CESC. Les autres associations étudiante: de l'École polytechnique et de Laval, étant donné qu'elles avaient plus de subventions que nous et plus de cotisations étudiantes, ont pu débourser le reste pour garder leur CESC, mais nous nous n'avons pas les moyens. Alors, si nous n'avons pas de subvention, on n'aura plus de CESC, c'est tout.

Mme Blackburn: Vous n'avez pas eu de nouvelles là?

M. Boulet: On n'a pas eu de nouvelles.

Mme Blackburn: Malheureusement, le ministre n'est pas là, il pourrait peut-être nous dire à quelle place cela a bloqué, peut-être quelque part au Conseil du trésor. Il serait intéressant là-dessus de lui poser la question au moment où il se joindra à nous. En ce qui concerne le Centre étudiant de services communautaires, vous nous avez parlé des difficultés que posait la participation des chargés de cours, mais qu'en est-il de vos professeurs réguliers et permanents?

M. Boulet: Pour eux, cela va assez bien. Ce qui arrive, c'est que, étant donné qu'on n'a pas beaucoup de professeurs permanents, ils doivent s'impliquer dans l'administration, dans des conseils administratifs, ce qui fait qu'ils ont plus ou moins le temps pour l'encadrement de l'étudiant. C'est dans ce sens qu'on a le plus de problèmes. Mais, à ce niveau, les permanents, c'est mieux.

Mme Blackburn: Pour ce qui est de la situation du logement - je sais que c'est un problème qui avait déjà été évoqué - il n'y en pas, non plus, pour le collège chez vous? Est-ce qu'il y a aussi des résidences pour le collège?

M. Boulet: Oui, au collège, ils ont des résidences. Peut-être pas suffisamment, mais ils en ont, des résidences pour les garçons, les filles, des "bachelors". Nous, on n'a aucune résidence comme telle à l'université et nous devons défrayer les loyers. Je ne

sais pas si vous êtes au courant un peu, mais à Rouyn les loyers sont très élevés et les logements plus ou moins adéquats.

Mme Blackburn: Est-ce que vous avez des comparaisons entre le coût d'un logement pour un étudiant chez vous par rapport a Montréal, à Québec et peut-être au Saguenay? Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus?

M. Poudrier: Je répondrai à la question de la façon suivante. On a juste à aller à Sherbrooke et on voit très bien que les logements sont plus adéquats. On va prendre par comparaison un logement de trois pièces ou quatre pièces et demie; à Sherbrooke, on va le payer 300 $ et il aura l'air d'un logement. Chez nous, on va avoir un beau une pièce et demie qu'on va payer 300 $ et rien n'est fourni. Quand on dit beau, le mot est large, cela veut dire que c'est notre plus beau. On est dans le même bateau, on est là depuis cinq ans et je considère qu'on ne se bat pas... Là-bas, on a un deux pièces et demie, mais c'est juste pour dire qu'on a un toit sur la tête. Ce sont des prix exorbitants. Je n'en veux pas aux propriétaires. Ils disent: Cela se loue comme des pains chauds. C'est normal. Il y a un fort taux d'étudiants qui vont à l'université. Ils n'ont pas de résidences. Les propriétaires disent: Ils vont venir me voir chez mot, on ne rénove pas cela, cela ne vaut pas la peine, c'est sûr que je loue cela. D'année en année, cela se loue. Cela reste toujours, excusez le mot, mais on appelle cela des piaules. Excusez l'expression, c'est comme cela qu'on appelle cela chez nous.

Mme Blackburn: C'est tout à fait français.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous n'avons rien contre les piaules.

M. Poudrier: C'est comme cela qu'on représente nos logements chez nous.

Mme Blackburn: Vous savez que dans certaines régions - je pense qu'il y avait une expérience ici, je ne sais pas à quelle phase de développement elle est rendue, il me semble que c'est à Sainte-Foy - ils avaient essayé de répondre à un besoin assez semblable par le biais d'un projet d'habitation coopérative. Il semble que cela avait fonctionné. Écoutez, je vous donne juste l'idée comme cela. Pourriez-vous nous dire le pourcentage d'étudiants à l'université chez vous qui sont obligés d'avoir un logement, qui ne sont pas dans leur famille?

M. Boulet: Facilement 60 %.

Mme Blackburn: 60 %. D'accord. Vous nous avez parlé tout à l'heure de l'évaluation des professeurs et l'impression que vous avez, c'est que cela ne change pas beaucoup la situation, même si l'évaluation n'est pas toujours positive. Vous n'êtes pas allés jusqu'où vont certaines associations étudiantes, à remettre en question la permanence des professeurs. Iriez-vous jusque-là? Ensuite, vous parlez des régimes de primes, ce qu'on appelle les primes d'éloignement; est-ce que dans votre région on accorde des primes d'éloignement dans d'autres secteurs d'activité, par exemple, dans le secteur hospitalier?

M. Boulet: D'accord. Pour répondre au premier volet de votre question, Mme la députée, disons que nous n'avons pas fait de pressions, un peu comme vous le disiez, aller jusqu'à remettre en question les permanents comme tels. On sent qu'il y a un gros problème là. On n'a pas fait de pressions, mais peut-être qu'on pourrait l'envisager, à un moment donné, si on est obligé d'en venir à cette situation.

Deuxièmement, les primes d'éloignement. Les médecins ont des primes d'éloignement pour venir travailler en régions. Je me dis que, peut-être, si les professeurs avaient un allégement fiscal, peut-être 1,5 % ou une prime, cela les encouragerait à prendre une permanence et à venir habiter en Abitibi-Témiscamingue afin de nous donner les services adéquats dont nous voulons profiter.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Je veux vous féliciter pour votre mémoire. Je peux vous assurer que c'est très motivant pour nous de voir des étudiants aussi intéressés au bon fonctionnement de leur université, surtout pour ceux qui, comme vous, étudient dans des universités éloignées. Mme la députée de Chicoutimi disait avec à propos que vous n'aviez pas été gâtés, mais je pense que cela fait assez longtemps, cela fait au moins neuf ans, que nous n'êtes pas gâtés.

Ma question était à la page 1. Vous dites que "l'UQAT maintient dix sous-centres, en plus du centre de Rouyn". Selon vous, est-ce que l'UQAT a de la difficulté à maintenir une certaine qualité académique? Comment cela se traduit-il?

M. Boulet: Pour répondre à votre question, Mme ta députée, nous disons que l'UQAT fait quand même un bon effort à ce niveau pour essayer de donner la meilleure qualité possible, mais étant donné que ce sont encore des chargés de cours qui vont dans les sous-centres, c'est toujours le même problème d'encadrement qui revient. Si un étudiant a un problème une semaine, il doit

attendre la semaine suivante pour avoir une réponse à son problème ou peut-être communiquer, faire des interurbains. Ce sont encore des coûts qui s'additionnent pour l'étudiant pour, bien souvent, ne pas rejoindre la personne. C'est à ce niveau que nous disons que les services sont déficients pour ce qui est de la pédagogie. Comme tels, je crois que ces sous-centres sont utiles car les étudiants, qui sont la plupart du temps des gens à temps partiel qui travaillent, ont la chance d'en profiter. Si ces sous-centres étaient fermés, ils n'auraient aucune chance; ils devraient lâcher leur travail pour retourner aux études, tandis que là ils peuvent suivre des cours à temps partiel tout en continuant leur travail. C'est l'importance que nous voyons de garder ces sous-centres dans la région.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. Boulet. Cela conclut votre question, Mme la députée.

Alors, je reconnais maintenant le député d'Ungava.

M. Claveau: Dans un premier temps, je voudrais dire, en réponse à Mme la députée de Groulx, que, contrairement à l'ancien gouvernement d'avant 1976, nous avons eu confiance en l'Abitibi et on n'a jamais proposé de la fermer.

Cela étant dit, j'aimerais que vous me disiez - parce que je suppose qu'entre étudiants vous avez l'occasion de discuter et d'échanger des points de vue - quelles sont les raisons qui reviennent le plus souvent lorsque vous discutez entre vous qui font qu'un étudiant reste faire son université en Abitibi ou va à l'extérieur. Quelles sont les principales raisons qui font que vous restez en Abitibi-Témiscamingue pour faire vos études?

M. Boulet: J'apprécie votre question, M. le député. Les principales raisons sont simples. Premièrement, un étudiant qui est en régions a juste à regarder les autres universités qui ont des grands services sportifs adéquats; à l'université de Rouyn, il n'y en a aucun. Aussi, pour les services de bibliothèque, on doit aller à la bibliothèque du cégep qui, elle, ne tient souvent même pas les livres dont on a besoin; c'est une autre chose. Aussi, il y a toute la vie étudiante comme telle. Étant donné qu'on n'a pa3 de campus, on n'a aucune vie étudiante, qui se tient, aucune activité pour le plaisir étudiant, c'est-à-dire pour avoir des études intéressantes. C'est de cette façon que je peux répondre à votre question. Il me semble que c'est toujours ce qui tourne autour des services, de ce qui est intéressant à l'université. Quant à payer le même prix, les étudiants se disent: Pourquoi irais-je à Rouyn-Noranda pour payer le même prix qu'à

Québec ou à Montréal, souvent même moins cher, car je peux avoir accès aux résidences et au complexe sportif? À Rouyn-Noranda, on est obligé de payer 200 $, 300 $, 400 $ par année pour aller s'entraîner dans un centre de culturisme ou pour faire partie d'un club interaction, ou quoi que ce soit. On se dit qu'il faut vraiment être un pionnier et le vouloir vraiment pour rester en Abitibi. C'est pourquoi on défend cette situation. Si on avait les services adéquats, les mêmes services que dans les autres universités, les étudiants seraient beaucoup plus intéressés à demeurer en régions étant donné que leur famille, leurs amis sont en régions.

M. Claveau: D'accord. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez terminé, M. le député d'Ungava? M. le député de Sherbrooke. (17 h 45)

M. Hamel: Merci. M. Boulet, à la page 5 de votre mémoire, vous soulignez que les conditions dans lesquelles vous êtes placés pour réaliser vos études laissent souvent à désirer. Est-ce que vous pouvez développer davantage cette affirmation?

M. Boulet: On veut parler surtout des conditions concernant les résidences. Nous, on doit louer des logements, comme le disait mon collègue, à des coûts exorbitants, des piaules. Ces conditions ne sont pas intéressantes pour les étudiants qui préféreraient rester dans de belles résidences. Cela revient un peu à la même question que le député d'Ungava a posée. Nous référons aux conditions concernant l'équipement sportif, les résidences. C'est toujours la même chose qui revient, dans le fond.

M. Poudrier: Si vous me le permettez, M. le Président...

Le Président (M- Parent, Sauvé): Oui, M. Poudrier.

M. Poudrier: ...je voudrais faire une parenthèse pour dire qu'il y a aussi le service de la bibliothèque qui entre en ligne de compte. Un étudiant est surtout brimé dans le sens que, lorsqu'il vient pour faire des recherches, il fait face à un manque de locaux; s'il n'y a pas de local, les services sont inadéquats. L'étudiant est obligé d'aller étudier à la cafétéria ou en bas, là où la musique joue. Des étudiants vont se plaindre et dire: Baissez la musique, on fait notre recherche ici; on n'a pas d'autre place, on n'a pas de locaux pour faire nos recherches. D'autres disent: Allez-vous-en ailleurs, c'est une cafétéria ici; ce n'est pas une place pour faire des recherches. Les uns disent:

C'est la seule place qu'on a pour faire nos recherches - il y a une controverse. Les autres disent: Nous, on vient ici pour relaxer et vous, vous êtes ici pour travailler.

Il faudrait qu'on ait des locaux appropriés. Ce sont des services qui manquent. Il faut se rendre à l'évidence: on manque de locaux. C'est ce qui est important. Il faudrait avoir des locaux pour faire des recherches. Un étudiant devrait avoir des locaux appropriés pour bien travailler.

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord.

M. Mamel: Si je comprends bien, entre autres, les inconvénients que vous voyez dans le service de bibliothèque, qui est partagé avec le collège, sont dus aux déplacements et à l'absence de lieux véritablement identifiés pour faire vos travaux de recherche. Est-ce que ce sont surtout ces deux inconvénients qui vous paraissent les plus évidents ou s'il y en a d'autres?

M. Poudrier: Les plus évidents restent quand même ces deux-là. Il reste encore le fait que, malgré que le cégep ait des locaux appropriés, lorsque l'étudiant qui étudie à l'université se déplace pour se rendre au cégep, vu le fort taux d'étudiants au cégep, tous les locaux sont pris et toute la place à la bibliothèque est comble, à longueur de journée. Même si on a les locaux appropriés au cégep, les étudiants du cégep ont priorité dans le sens qu'ils sont dans la bâtisse et ils prennent les locaux. Ils n'attendent pas de savoir si on a besoin des locaux. Ce qu'on aimerait, c'est avoir un étage spécifiquement réservé aux étudiants de l'université pour qu'ils aient leurs locaux...

M. Boulet: Ou agrandir directement l'université et peut-être avoir une salle d'étude.

M. Poudrier: II serait bon d'avoir des locaux près de l'université, à notre campus, pour qu'on n'ait pas toujours à se déplacer l'hiver lorsqu'il fait -30 degrés. Il faudrait avoir des locaux appropriés. Lorsqu'il pleut, ce n'est pas très intéressant d'aller chercher un livre à la bibliothèque. On n'a pas les moyens d'avoir une automobile; alors, on marche.

M. Hamel: Vous me permettez, M. le Président?

Le Président (M. Parent (Sauvé): Oui, rapidement, M. le député.

M. Hamel: Très rapidement. Vous souhaitez aussi qu'on construise des résidences centrales. D'autre part, l'uni- versité veut étendre ses services dans les sous-centres. Comment conciliez-vous ce3 deux objectifs?

M. Boulet: Les résidences seraient pour les étudiants à Rouyn-Noranda. Les étudiants qui doivent se déplacer, peut-être de Val-d'Or ou Rouyn, pour suivre un baccalauréat à temps plein ont besoin de résidences. C'est sûr que ce serait bien d'étendre les services aux sous-centres, mais pas les résidences parce que ces étudiants restent chez eux, tandis que pour nous c'est essentiel d'avoir des résidences à Rouyn-Noranda, la maison mère.

Le Président (M. Parent (Sauvé): Merci, M. Boulet.

Je reconnais maintenant la porte-parole officielle en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. J'aurais juste le goût de réagir un peu à la question du député de Sherbrooke quand il dit: Pourquoi des résidences si vous décentralisez vos activités? Je pense que cela illustre que le député de Sherbrooke vient d'une ville où on ne sait pas ce que représentent les sous-centres et les activités qui s'y déroulent par rapport au siège social central. Ce n'est pas une contradiction de décentraliser les activités et d'avoir besoin de résidences tout près du campus principal. Les études à temps complet se déroulent là.

Je trouve que ce que les jeunes nous ont dit par rapport à l'exode est important. Il faut dire que, par rapport à l'Abitibi, cet exode est double: il se fait en direction des grands centres qui sont Montréal et Québec, et il se fait également en direction de l'Ontario. Il a été, jusqu'à tout récemment, difficile d'avoir des données sur la scolarisation dans cette région-là parce qu'après le secondaire il y en a qui s'en allaient du côté de l'Ontario. Le problème est donc double dans cette région.

Je trouve que c'est important. Vous savez qu'il y a 400 ou 500 personnes qui poursuivent et qui terminent leurs études dans cette région-là. Cela veut dire que les problèmes de recrutement de personnel seront tantôt moins difficiles et pour l'université et pour les entreprises. C'est toute la base du développement économique, finalement. Par ailleurs, je le rappelle, vos revendications sont tout à fait raisonnables et légitimes.

Mais les remarques que vous faisiez à l'endroit de vos professeurs me laissent un petit peu sceptique quand on connaît les résultats, qui dépassent largement chez vous ce qu'on voit dans les autres universités, tant par rapport au niveau de diplomation que par rapport à l'excellence dans certains programmes où vous remportez la palme

depuis déjà quelques années. Cela ne veut pas dire, pour autant, qu'il n'y a pas de problème. En fait, ce que cela tend à démontrer ici - je trouve cela à la fois dangereux et intéressant - c'est que, dan3 des conditions véritablement minimales, vous réussissez à être très performants. Cela démontre certainement chez vous beaucoup de volonté et beaucoup de détermination. Il est certain qu'avec des ressources un peu plus abondantes, un peu plus intéressantes, un peu plus adéquates vous seriez certainement en mesure d'augmenter encore cette performance.

Je ne peux que répéter ce que j'ai dit tout à l'heure pour l'université: J'espère que, lorsqu'on se donnera de nouvelles règles d'allocation des ressources, on pourra effectivement tenir compte, dans les paramètres d'allocation, à la fois de l'éloignement, de la taille et de la situation particulière qui prévaut à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Au nom de ma formation politique, je vous remercie infiniment de votre participation aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant l'adjointe parlementaire au ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: M. Boulet et M. Poudrier, au nom du ministre, j'aimerais vous remercier d'être venus afin de représenter vos collègues de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Malgré l'absence du ministre, je vous assure qu'il a bien lu votre mémoire, comme tous les autres mémoires, et qu'il a pris bonne note de vos suggestions. Merci d'être venus.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée. M. Boulet et M. Poudrier, nous vous remercions d'être venus nous rencontrer. Nous vous souhaitons bonne chance et, de ce temps-ci, bonne chasse.

M. Boulet: Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 13 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 54)

(Reprise à 20 h 4)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demande aux invités de prendre place. La commission parlementaire de l'éducation va reprendre ses travaux.

La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux, toujours dans le cadre du mandat qui lui a été confié le 19 juin dernier par l'Assemblée nationale, savoir: de tenir une consultation générale dans le cadre de l'orientation et du financement du réseau québécois des universités pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Ce soir, la commission parlementaire accueille un groupe d'organismes de la région de l'Abitibi-Témiscamingue en commençant par le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, représenté par Mme Jeannette Dupuis-Lessard qui en est la présidente; la Fondation de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, représentée par M. Hilaire Boissé, qui en est le directeur? la municipalité régionale de comté de Rouyn-Noranda, représentée par M» Gilles Cloutier, membre du conseil; la ville de Val-d'Or, représentée par M. André Pelletier, son maire; l'Association des commissions scolaires de l'Abitibi-Témiscamingue, représentée par M. Jean-Paul Rouleau, qui en est le président; aussi, la Corporation de développement industriel et commercial de Rouyn-Noranda régional, représentée M. Mario Detilly, commissaire industriel ainsi que la Corporation de développement économique du Témiscamingue, représentée par Mme Monique Barrette, représentante du CDET.

Vous allez voir, membres de la commission parlementaire, que c'est la première fois que l'on reçoit un groupe aussi imposant venant d'une région du Québec. Il y a des ententes qui ont eu lieu entre nos invités et le secrétaire de la commission à savoir que la commission accordera environ deux heures, deux heures cinq minutes à nos invités. Ceux-ci feront chacun leur présentation en deux temps. La première période durera environ 45 minutes et la deuxième période environ 20 minutes dans les présentations. Les résidus de temps qui demeureront seront répartis encore une fois en parts égales entre les deux formations politiques. J'imagine, Mme Lessard, que c'est vous qui débutez.

Mme Dupuis-Lessard (Jeannette): Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Lessard, nous vous écoutons.

CROAT

Mme Dupuis-Lessard: Merci. M. le Président de la commission, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés membres de la commission, c'est à titre de présidente du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, mieux

connu sous l'appellation CRDAT que nous nous présentons ce soir devant cette commission. Je suis également directrice du Centre d'éducation des adultes le Filon à Rouyn-Noranda. La délégation régionale que le CRDAT chapeaute représente différents organismes comme des municipalités, des commissions scolaires, des corporations de développement et le reste. Je suis accompagnée de Mme Denise Thibault, ici à ma gauche, qui a collaboré à la préparation du mémoire de notre organisme et qui est avantageusement connue par son implication au point de vue éducatif, économique et socioculturel dans notre région. Nous sommes aussi accompagnées de représentants de divers groupes de la région, soit M. Hilaire Boissé qui agira comme représentant de la Fondation de l'UQAT dont il est le directeur-général bénévole. Mme Monique Barrette, représentante d'organismes du Témiscamingue et également agente de liaison de l'université, du même secteur. M. Noël Théberge, qui remplace ici M. Gilles Cloutier. M. Noël Théberge, conseiller municipal, représentant de la MRC de Rouyn-Noranda et M. Mario Detilly, commissaire industriel de la corporation de développement du Rouyn-Noranda régional.

Vous aurez, lors de la deuxième ronde, l'occasion d'entendre de façon particulière les représentants de l'Association des commissions scolaires de l'Abitibi-Témiscamingue et ceux de la ville de Val-d'Or.

Avant de laisser la parole aux organismes qui nous accompagnent, nous aimerions faire part des grandes lignes du mémoire du CRDAT. Le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue apprécie grandement l'occasion qui lui est offerte de vous démontrer l'importance de l'université dans le développement de notre région et la nécessité de trouver des solutions réalistes aux problèmes financiers que rencontre l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Nous ne sommes pas évidemment des spécialistes de toutes les questions universitaires au Québec, mais des gens du milieu qui croient en une relation étroite entre le développement des ressources humaines d'une région et la croissance socio-économique de cette dernière. Pour se développer, une société moderne a besoin d'un certain nombre d'instruments et la présence d'institutions d'enseignement postsecondaire est considérée comme un outil indispensable au développement socio-économique d'une communauté. C'est donc à partir de ce principe que le CRDAT vous soumet respectueusement sa réflexion sur le financement et l'orientation de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue qui oeuvre, ne l'oublions pas, dans une région périphérique.

Le résultat d'une volonté régionale. Lorsque le gouvernement du Québec accorda en octobre 1983 les lettres patentes de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, tout un cheminement régional avait précédé cet heureux événement. En effet, dès l'avènement en 1970 des services universitaires dans notre région, la population a compris l'importance de cette institution comme outil de développement. Cette volonté régionale de bâtir l'université en relation étroite avec les priorités régionales s'est continuellement manifestée bien que les structures de I'université d'avant 1983 ne correspondaient pas toujours aux besoins spécifiques de notre région.

Nous croyons que le support manifesté par l'ensemble de la population régionale pour son université a été déterminant dans la décision gouvernementale d'octroyer les lettres patentes à l'UQAT. Ce support de la population a dû être fort pour contrebalancer les préjugés défavorables à l'implantation dans notre région d'une constituante de l'Université du Québec, notamment la taille de la population régionale et l'éloignement des grands centres.

L'éloignement de notre région par rapport aux grands centres universitaires du Québec ne favorisait pas l'accès aux études postsecondaires pour les jeunes ainsi que pour les adultes. Â cet égard, on peut rappeler que la population régionale possède l'un des plus bas taux de scolarisation au Québec. Au recensement fédéral de 1981, 56 % de la population de 15 ans et plus de l'Abitibi-Témiscamingue ne détenait pas de diplôme d'études secondaires alors que ce pourcentage s'élevait à 46 % pour le Québec. En Abitibi-Témiscamingue, 3,7 % de la population possède un baccalauréat ou un diplôme d'études avancées, alors qu'au Québec la moyenne est de 7,1 %. La fréquentation universitaire dans la région est de 8,1 %, alors qu'au Québec elle est de 13,5 %. L'université a encore beaucoup à faire pour que de telles différences entre régions périphériques et grands centres s'amenuisent.

En ce qui concerne les jeunes étudiants, l'expérience nous montre qu'un grand nombre d'entre eux ne revenaient pas dans la région après avoir suivi leurs cours à l'extérieur. Cette situation chez les jeunes s'expliquait beaucoup plus par l'attraction des grands centres que par les problèmes de chômage en région. Par le fait même, notre région a perdu un grand nombre de personnes qualifiées en plus d'avoir eu de sérieuses difficultés de recrutement et de rétention de personnel spécialisé.

Pour vous parler plus particulièrement de l'apport de l'université à la région, je demanderais à Mme Thibault de vous présenter cette partie du mémoire.

Mme Thibault (Denise): Merci, Mme

Lessard. M. le Président, M. le ministre et distingués membres de la commission. Conscient de l'importance grandissante que prend avec les années notre université régionale, le CRDAT croit que la tenue de cette commission parlementaire est l'occasion de mettre en évidence les données les plus significatives de la performance régionale de l'UQAT concernant la formation académique, les activités de recherche, la planification régionale et l'économie, et cela depuis son implantation en Abitibi-Témiscamingue.

Nous devons tout d'abord parler de l'apport de l'université par la formation universitaire qu'elle dispense depuis maintenant plus de seize ans. La présence de l'université en région s'ajoutant à celle du collège de l'Abitibi-Témiscamingue a été définitivement un incitatif majeur à la poursuite d'études universitaires pour un très grand nombre d'adultes dans la région, ces adultes qui étaient sur le marché du travail et, donc, immobilisés en région et aussi pour des jeunes qui ont été influencés par le climat créé par la présence universitaire en région. Il y a également une mentalité incitant à poursuivre des études supérieures pour affronter l'avenir.

Depuis les débuts de l'UQAT et malgré le choix limité des programmes offerts maintenant, quelque 2860 personnes ont obtenu un diplôme universitaire dans les secteurs les plus urgents à développer dans la région, c'est-à-dire l'administration, les sciences humaines, l'éducation, les sciences sociales et de la santé et quelques programmes en sciences pures et appliquées. Il nous faut souligner que ces personnes proviennent à 95 % de notre région et que le diplômé de l'UQAT, selon le résultat d'une étude, demeure et travaille dans la région à la fin de ses études dans une proportion de 85 %. Actuellement, l'université accueille 53 % des étudiants finissants en provenance du collège de la région. Ces quelques statistiques sont des indicateurs que l'université remplit son mandat de formation des personnes en région et contribue par son accessibilité à doter la région de compétences additionnelles et à réduire avec le temps et petit à petit l'écart de scolarisation entre régions éloignées et grands centres.

Nous parlerons maintenant de l'apport de l'université à la recherche en région. Comme vous l'a déjà présenté l'UQAT cet après-midi, la recherche y est encore jeune et dans une première phase de structuration. Un bilan de l'activité scientifique et technologique de la région d'Abitibi-Témiscamingue a été effectué en 1984-1985 et ce, en étroite collaboration avec l'UQAT et notre organisme et différents organismes et secteurs d'activités régionales. Ce bilan dégage l'état de la recherche dans la région et nous pouvons la résumer comme suit: actuellement, très peu de recherches sont faites sur place, dans les entreprises, en Abitibi-Témiscamingue alors que l'on reconnaît l'importance primordiale de l'adaptation des technologies de pointe pour le développement des secteurs d'activité primaire et secondaire afin de rendre nos entreprises compétitives au plan économique, national et international. (20 h 15)

Nous croyons fermement que l'avenir de notre région doit s'orienter vers la recherche appliquée au secteur des mines, de l'agriculture et de la forêt.

Des priorités de recherche ont été identifiées dans le secteur de l'agriculture concernant la création d'une base solide de planification et d'utilisation de nos sols, les essais et développements d'espèces et de cultivars de plantes et du potentiel céréalier et horticole de la région; dans le secteur des mines, concernant la recherche et le développement au niveau de la technologie minérale, de l'exploration et de l'exploitation, l'extraction et le traitement du minerai et la nécessité d'un centre de recherche des mines dans la région, région qui est naturelle pour ce secteur d'activité, l'Abitibi-Témiscamingue, La recherche dans le secteur de la forêt place en priorité des problèmes d'aménagement et, surtout, de reboisement; la recherche de nouveaux procédés de transformation de la matière première et de l'industrie secondaire de la fabrication. De plus, le secteur de la nordicité et de l'environnement fait partie des préoccupations de l'UQAT et émerge lentement, en collaboration avec d'autres intervenants de ce territoire - Hydro-Québec, SEBJ, le collège - par la création d'un centre de documentation sur la nordicité. Ces recherches visent principalement à l'amélioration de la productivité régionale.

Si le CRDAT insiste ce soir sur des éléments qui ont déjà été apportés devant cette commission, c'est dans le but de mieux faire ressortir la nécessité de développer à l'UQAT certains programmes d'études avancées pour soutenir le développement de la recherche appliquée dans notre région, avec des professeurs de chez nous, pour les entreprises de chez nous. C'est pourquoi, lorsqu'il est question de limiter les enseignements de l'UQAT uniquement à des programmes de premier cycle, l'ensemble du milieu intervient pour insister sur la nécessité primordiale de la recherche dans le développement régional et pour voir se bâtir en Abitibi-Témiscamingue une université au plein sens du terme.

Nous aimerions également souligner l'apport de l'université à la planification régionale, institution qui, par son expertise et en collaboration avec les divers organismes socio-économiques et culturels, tisse un réseau d'information, de concertation

et de participation des différents intervenants de la région. Il est également indéniable que la formation transmise par l'UQAT à plus de 3000 gradués, dont quelque 800 diplômés en administration, a un impact économique sur le développement de la région. De plus, on peut dire qu'à titre d'organisme, l'apport financier de l'université à l'économie locale et régionale est de 132 employés sur une base régulière, et les revenus avec subventions se situent à 8 000 000 $.

Un autre apport important que nous voulons souligner, en terminant, c'est la présence des services universitaires sur le territoire et les avantages en découlant au plan de l'éducation des jeunes et des adultes concourent fortement à intéresser des personnes de l'extérieur à venir s'installer en Abitibi-Témiscamingue. Aussi, les apports de l'UQAT vous ayant été démontrés, nous croyons que dans les prochaines années la formation et la recherche devront posséder une base de financement réaliste respectant les particularités de notre région afin d'assurer le développement institutionnel de cette université et ce, au profit du progrès social et économique régional. Pour ce faire, je repasse la parole à Mme Jeannette Dupuis-Lessard.

Mme Dupuis-Lessard: Alors que l'UQAT doit tenter de répondre à des besoins importants de la région, son financement y est négativement disproportionné. Dans le cas de l'UQAT, on devrait plutôt parler de sous-financement. Les autorités de l'UQAT nous indiquaient qu'au mois de mai 1986, le déficit accumulé était de 1 200 000 $ sur un budget global de 8 000 000 $. Ce déficit équivaut à près de 15 % du budget global. C'est pour le moins une situation financière extrêmement difficile. Le CRDAT ne prétend pas avoir la compétence pour effectuer une analyse de l'ensemble des éléments en cause dans le sous-financement actuel de l'UQAT. Cependant, compte tenu de sa connaissance et de son expérience régionale, il peut souligner les particularités de la région de l'Abitibi-Témiscamingue qui concourent à placer l'université dans une situation de fonctionnement différente des universités situées dans les grands centres.

Selon nous, le problème provient des critères de financement des universités. La dispersion de la population et l'éloignement des centres urbains sont le lot de l'Abitibi-Témiscamingue, Or, une université doit offrir ses services à la population et l'UQAT a dû s'adapter à ces spécificités. Cependant, le mode de financement actuel ne semble pas respecter ces mêmes spécificités de la région et ceci expliquerait donc son énorme déficit. Il faudrait donc changer son mode de financement. À moyen et long termes, il ne servirait à rien d'effacer la dette de l'UQAT si la base de son mode de financement reste inchangée. Mais plus que des chiffres, le sous-financement actuel de l'UQAT est une menace pour sa survie et pour la vie socio-économique de l'Abitibi-Témiscamingue.

Parmi les gens qui nous suivront, certains vous parleront en particulier des problèmes que connaissent les sous-centres de l'UQAT. Ces problèmes, comme vous le constaterez, sont en relation directe avec le sous-financement de cette institution. Si la situation n'est pas corrigée bientôt, les résultats seront catastrophiques pour notre région. L'Abitibi-Témiscamingue est en transformation tant au plan social qu'économique.

D'une région avec une économie basée sur les activités du secteur primaire, l'Abitibi-Témiscamingue se tourne de plus en plus vers la transformation de ses richesses naturelles, sur la recherche adaptée à ses besoins et vers les services tertiaires. C'est une économie qui doit se moderniser, car il en va de sa viabilité et de sa survie. Pour atteindre cet objectif de développement socio-économique régional, l'Abitibi-Témiscamingue, tout comme les autres régions du Québec, a besoin non seulement de capitaux, mais également et probablement davantage de ressources humaines compétentes.

Pour atteindre cet objectif et devenir une région économique forte au Québec, l'Abitibi-Témiscamingue a besoin d'institutions postsecondaires solidement implantées qui puissent répondre à ses particularités. Avec tout le respect que nous avons pour les universités du sud du Québec, nous ne croyons pas qu'elles soient aptes à répondre à nos besoins régionaux et à contribuer efficacement à tresser un tissu social fort et bien intégré aux forces majeures de notre région. Des progrès ont été accomplis jusqu'à ce jour, mais il ne faudrait pas gâcher tout cet immense travail par un sous-financement déficient et inadéquat.

Nous tenons à vous signaler que l'enseignement et la recherche universitaire, dans une région périphérique comme l'Abitibi-Témiscamingue, sont aussi importants pour notre région qu'ils peuvent l'être pour le reste du Québec. Le CRDAT demande donc aux membres de cette commission et au gouvernement du Québec de répondre positivement aux demandes de la région vis-à-vis de son université.

À cet égard, pour vous démontrer que notre demande ne s'adresse pas seulement au gouvernement, mais que le milieu de l'Abitibi-Témiscamingue fait également son effort, je demanderais à M. Hilaire Boissé, directeur général de la Fondation de l'UQAT, de vous le préciser. M. Boissé.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Boissé, nous vous écoutons.

Fondation de l'UQAT

M. Boissé (Hilaire): M. le Président, M. le ministre, mesdames les députées, messieurs les députés, Mme Lessard, j'aurais aimé que la présidente de notre fondation soit ici ce soir pour nous faire la lecture du mémoire que vous avez recu et que vous avez sans doute lu. Cependant, comme je sais que vous avez fait beaucoup de lecture depuis le début de cette commission, j'ai ta tentation de vous faire grâce de relire ce mémoire sauf, peut-être, les derniers paragraphes de la dernière page. Je pense que ce mémoire contient beaucoup de choses qui ont été dites au cours de la journée, puisque j'ai assisté, cet après-midi, aux auditions de cette commission. Simplement, je voudrais vous faire part que les recommandations qui ont été faites par d'autres organismes qui se sont présentés devant vous, le message a déjà été saisi par notre population. Je veux simplement vous souligner tout le dynamisme que vous retrouvez chez nous, en Abitibi-Témiscamingue, puisque la direction de notre université, après avoir obtenu les lettres patentes, s'est rapidement rendu compte, qu'on aurait beaucoup de difficultés à atteindre les objectifs de sensibilisation et d'éducation qu'on s'est proposés sans faire appel à d'autres sources de revenus que celles qui nous viennent de l'État. C'est pourquoi à la fin de l'année 1984, un groupe de personnes de l'Abitibi-Témiscamingue ont créé la Fondation de recherche de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. C'était au même moment où je décidais de prendre ma retraite après avoir fait carrière dans l'assurance générale pendant 35 ans. Alors, il m'a fait plaisir d'accueillir ce poste de directeur général de cette institution afin de servir la population de notre région pour qu'elle continue de se développer.

J'avais compris, depuis les quelque 38 années que je suis en Abitibi-Témiscamingue, qu'on ne pouvait pas tellement compter sur le gouvernement et d'autres institutions pour se développer en régions périphériques. Il fallait se donner des outils chez nous. C'est pourquoi, grâce au dynamisme de notre population, nous avons l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Pour qu'elle se développe, on s'est donné cette fondation. C'était une première expérience où un groupe d'hommes d'affaires et de personnes se réunissaient en région, répartis dans un peu tous les coins où notre population se situe, pour lancer un projet de souscription pour un montant de 1 000 000 $. On s'était dit que, peut-être dans cinq ans, nous atteindrions notre objectif. Alors, il n'y a qu'un an et demi que cette fondation existe et il me fait plaisir de vous faire part, mes amis de la commission qui êtes ici ce soir, qu'au cours des dernières semaines, nous avons atteint et même dépassé l'objectif de ce premier million de dollars.

Je tiens à vous faire part de ceci, non pas pour nous vanter, mais simplement pour vous montrer tout le dynamisme que vous retrouvez dans notre population. Vous en avez eu un exemple, cet après-midi, par le personnel de l'université qui vous a fait part de ses doléances, ainsi que de nos deux étudiants qui nous ont si bien représentés. Vous avez une autre preuve du dynamisme de notre région.

Pour compléter les derniers 100 000 $ qui nous manquaient pour atteindre notre premier million de dollars, nous avons eu la collaboration ou plutôt le témoignage de toute l'importance de la recherche pour le développement minier, forestier et agricole de notre région. Je veux parler ici d'un événement qui s'est passé il y a deux semaines au congrès de l'Association provinciale des prospecteurs, alors que notre président, lui-même intéressé non seulement dans l'exploration mais dans le développement minier, a proposé au monde minier -c'est-à-dire à ce genre de congrès qui réunit les actionnaires des compagnies minières juniors - M. Hébert, notre président, a proposé à ces compagnies de souscrire comme contribution à la Fondation de recherche de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue 10 000 actions du trésor de leur compagnie. Alors, sur-le-champ même, au cours des deux jours, treize de ces compagnies juniors ont souscrit 10 000 actions au capital du trésor. Il me fait plaisir de vous citer ces compagnies dont les administrateurs ont compris toute l'importance de la recherche en région. Ce sont celles qui ont répondu sur-le-champ. Les autres, on n'a pas pu les rencontrer encore, mais on va le faire d'ici le 31 décembre. Ce sont Ressources Rouyn, Ressources Audrey, Vior, Mazarin, Dufresnoy, Ressources Yorbeau, Ressources La Pause, Ressources Radisson, Ressources Normétal, Explorateurs du Nord, Ressources JAG, Ressources Maufort, Ormisco. C'est ce qui nous a permis de compléter notre premier million et nous n'avons pas terminé. Comme la présidente du CROAT l'a mentionné tantôt, c'est un outil additionnel qu'on voulait se donner. (20 h 30)

On espère, avec cet apport de capital supplémentaire, être capable de développer la recherche dans le domaine minier, agricole et forestier. Bien sûr, an ne veut pas réinventer la roue. Nous voulons simplement stimuler la recherche à même l'argent que le gouvernement met déjà à la disposition de notre université. Nous, les gens de la fondation, serions très peinés de voir notre

université traitée d'une façon inférieure par rapport aux autres universités en province. Je représente ici la population de l'Abitibi-Témiscamingue et nous ne voudrions pa3 retrouver, après avoir recueilli les capitaux que je viens de vous mentionner, notre université comme une coquille vide parce qu'on manquerait d'argent pour amener des chercheurs et des professeurs. On vous a fait état cet après-midi de certaines coupures de services. Nous sommes très sensibles à ces coupures de services en régions. C'est pourquoi je voulais ce soir vous démontrer toute la sensibilité de la population en rapport avec l'utilité d'une université dans notre région pour continuer notre développement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Maintenant, nous allons entendre Mme Monique Barrette, représentante de la Corporation de développement économique du Témiscamingue.

Corporation de développement économique du Témiscamingue

Mme Barrette (Monique): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, je suis déléguée par les municipalités et aussi par la Corporation de développement économique du

Témiscamingue. Je suis aussi agent de liaison de l'UQAT au Témiscamingue. C'est-à-dire que c'est moi qui recueille les demandes des gens, qui fait les commandes de cours à l'université, bref, qui essaie de répondre aux besoins de la population du Témiscamingue au niveau universitaire. Je travaille, comme on dit dans notre coin, sur le terrain. Je voudrais attirer votre attention sur des points qui me semblent importants. Le premier point, c'est l'accessibilité de l'enseignement universitaire en régions. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire l'accessibilité des petits groupes.

Les normes de groupes-cours qui ont été acceptées par l'UQAT à l'été 1986 sont difficiles sinon impossibles à rencontrer en régions. Il y a aussi la distance dont il faut tenir compte. Si Rouyn-Noranda est loin des grands centres, nous, au Témiscamingue, nous sommes aussi loin du campus de l'université à Rouyn. L'encadrement doit aussi être soigné au niveau des chargés de cours. Souvent, faute de ressources dans la région, nous devons faire appel à des chargés de cours qui viennent de l'extérieur. C'est souvent très difficile. Ils vont arriver chez nous le vendredi soir pour repartir le dimanche après-midi, prendre l'avion le dimanche soir pour ne revenir que deux ou trois semaines plus tard. Si les étudiants, entre-temps, ont de la difficulté, il est impossible de rejoindre ces personnes pour de l'aide. Il faut tenir compte aussi, en régions, des populations mouvantes. Souvent, un groupa qui répond au début aux critères va avoir de la difficulté à terminer un certificat à cause des nombreux départs qui se font pour d'autres régions. Il y a aussi le service à la collectivité. C'est presque inaccessible. Nous avons de la difficulté à avoir l'accessibilité aux ressources professorales à cause des coûts et aussi des distances.

Un autre point que je voudrais souligner, c'est l'importance de maintenir des certificats pour favoriser l'accessibilité et surtout démystifier l'université à des adultes qui sont sans tradition à cet égard.

En terminant, je voudrais vous dire aussi que les types de cours et de programmes que les adultes nous réclament en régions sont surtout des cours de formation et non seulement des cours d'information ou de type culturel. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Maintenant, nous entendrons le représentant de la municipalité régionale de comté de Rouyn-Noranda, M. Noël Théberge.

MRC de Rouyn-Noranda

M. Théberge (Noël): M. le Président, M. le ministre, messieurs et mesdames les députés, au nom de la MRC de Rouyn-Noranda et de la nouvelle ville de Rouyn-Noranda, je me permets de vous livrer notre message.

En créant l'Université du Québec au début des années soixante-dix, le gouvernement s'était fixé comme objectif de répondre aux besoins spécifiques des Québécois. Quelle que soit la région qu'elle habite, favoriser l'accès à une éducation supérieure à la population des régions constitue donc une des missions fondamentales que doit mener une université, tout particulièrement dans une zone excentrique comme la nôtre. Étant l'une des régions du Québec les plus éloignées des pôles centraux, l'Abitibi-Témiscamingue se confronte à de multiples difficultés entravant considérablement ses possibilités de développement et sa compétitivité face aux autres régions.

Les quelque 150 000 habitants qui peuplent l'Abitibi-Témiscamingue se regroupent principalement autour d'un pôle, soit Rouyn-Noranda. D'une part, il s'agit d'une région jeune dont l'économie se fonde principalement sur l'exploitation de ses ressources premières, soit la forêt et les mines. Cette vocation de région-ressource l'expose aux moindres fluctuations des marchés extérieurs dont nous sommes largement dépendants. Cette dépendance engendre un chômage latent que seule une diversification de notre base économique pourra contrer. Cette diversification passe

par un plus large accès à une éducation supérieure afin, de corriger un problème de sous-scolarisation qui affecte notre région. La région doit être dotée non seulement d'une université mais également d'une infrastructure développant des centres de compétence en harmonie avec son milieu d'insertion. L'incidence est directe sur l'ensemble du développement économique; social et scientifique de la région.

Dans ce climat, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue est venue consolider notre capacité de rétention du personnel spécialisé. Il est donc indispensable que l'individu venant travailler en région puisse avoir accès à des services dont une possibilité de poursuivre sa spécialisation et d'en acquérir de nouvelles dispensées par l'université. Nous considérons ce droit comme fondamental et essentiel à notre développement. Il ne faut cependant pas négliger l'impact pour la clientèle locale qui utilise de plus en plus les services de l'université.

La présence en région d'une institution universitaire joue un rôle prépondérant à bien des égards. Regroupant plusieurs spécialités, l'université devient donc un bassin de ressources compétentes qui rayonnent sur l'ensemble de la région. Plusieurs organismes des domaines privé, public ou parapublic font déjà appel aux services de l'université. Cette collaboration se développe au même rythme que l'université elle-même pourra élargir ses champs de compétence. Il importe donc de favoriser la consolidation des disciplines actuelles des 1er et 2e cycles et envisager d'y greffer de nouveaux champs en corrélation directe avec les besoins spécifiques de la région.

Cette étroite collaboration deviendra une source de dynamisme incontestable et favorisera une plus grande cohérence des efforts des différents intervenants impliqués dans le développement régional.

Le rôle de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue demeure donc d'assurer un soutien au projet innovateur d'une initiative régionale qui vise la concrétisation du rapport théorie-pratique dans les programmes et les activités particulières. Lorsqu'il s'agit de la formation continue, 2e et 3e cycles parallèlement, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue doit continuellement parfaire son mandat en recherche.

Le Conseil des maires de la MRC de Rouyn-Noranda formé de représentants de seize municipalités regroupées autour du pôle central, soit Rouyn-Noranda, demande à votre commission de recommander au gouvernement de consolider la vocation régionale de l'université. Reconnu à titre de pôle régional, Rouyn-Noranda joue un rôle déterminant en Abitibi-Témiscamingue. Nous devons donc poursuivre nos efforts afin de favoriser l'évolution de cette vocation en spécialisant son rôle. Ainsi, dans la réflexion enclenchée dans le cadre du sommet économique, tous sont d'accord pour reconnaître à Rouyn-Noranda une vocation de pôle de recherche justement reliée è la double présence du collège de l'Abitibi-Témiscamingue et de l'université. Ce que nous prônons donc pour notre région, c'est une université adaptée à nos besoins et fortement intégrée au contexte de région éloignée. Cela implique donc le maintien des disciplines actuelles des 1er et 2e cycles et l'implantation de nouvelles disciplines en relation directe avec les besoins de notre milieu. Cela implique également un financement adéquat et nous devrons inventer ou innover dans ce domaine.

Soyez assurés que Rouyn-Noranda continuera de jouer son rôle de capitale régionale et partagera les services que vous voudrez bien lui confier. M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les membres de cette commission, c'est une question d'équité sociale. Merci.

CDIC de Rouyn-Noranda régional

Le Président (M. Parent, Sauvé): Maintenant, la commission va entendre M. Mario Detilly, qui est le commissaire industriel représentant la Corporation de développement industriel et commercial de Rouyn-Noranda. M. Detilly.

M. Detilly (Mario): M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, M. le ministre, je profite de ces quelques minutes mises à ma disposition pour vous expliquer la position de notre commissariat industriel quant à l'apport économique de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Depuis l'obtention de ses lettres patentes en 1983, l'Université du Québec a été d'un apport considérable à la région qu'elle dessert. Avant son implantation, le taux de rétention de la main-d'oeuvre spécialisée dans notre région n'était que de l'ordre de 10 %. Aujourd'hui, on considère que, grâce à la présence de l'UQAT, ce taux se chiffre maintenant à 85 %. De plus, 95 % des finissants se trouvent un emploi en Abitibi-Témiscamingue. Soulignons que la majorité d'entre eux oeuvrent dans le secteur privé.

En plus de former des jeunes professionnels, l'UQAT offre différents services de recherche qui contribuent à l'amélioration et à l'avancement des entreprises régionales. Ces services, tels que le Centre de diagnostic et de gestion de PME et l'Unité de recherche et de service en technologie minérale de l'Abitibi-Témiscamingue, ont été créés en collaboration avec l'entreprise privée. Depuis l'instauration de ces services, nombreuses sont les entreprises qui en ont profité.

L'UQAT privilégie également la recherche appliquée. Nous croyons que la mise en valeur des richesses naturelles de notre région du nord du Québec doit pouvoir continuer à compter sur l'expertise scientifique que constitue l'université. D'ailleurs, celle-ci participe activement au consortium nordique qui regroupe des représentants des municipalités, d'Hydro-Québec et du Collège de l'Abitibi-Témiscamingue. Ce consortium se consacre au développement de projets de recherche sur le territoire nordique.

Toutes ces recherches profitent grandement aux entreprises régionales et permettent à l'Abitibi-Témiscamingue de progresser sur le plan économique. Par contre, cette progression sera ralentie si l'UQAT doit continuer de fonctionner dans les conditions actuelles.

Notre main-d'oeuvre spécialisée devra se perfectionner. L'UQAT se doit aussi de se garder à la fine pointe de la technologie afin de former des experts qui contribueront à l'avancement de nos entreprises. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement du Québec d'accorder à notre université une base de financement qui lui permettra de répondre adéquatement aux besoins régionaux.

Il ne faut pas oublier que l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue est née d'une volonté populaire. Elle a comme principal mandat de contribuer au développement de toute une région. Si elle ne peut atteindre cet objectif, faute de financement, ce n'est pas une minorité qui en subira les frais, mais plutôt une population tout entière.

Je vais sauter aussi sur l'occasion pour vous parler de la tenue du sommet socio-économique, présentement, en Abitibi-Témiscamingue. Lors du colloque de zone, la volonté populaire s'est penchée sur la possibilité d'implanter un programme complet en génie à l'UQAT et ce projet était priorisé numéro deux au colloque de zone de Rouyn-Noranda.

Pour notre région, cet instrument de développement que constitue l'UQAT est essentiel. Notre présence ici aujourd'hui en témoigne. C'est pourquoi nous croyons que notre demande est légitime et nous espérons que vous saurez y accéder. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie beaucoup, M. Detilly. Maintenant, nous allons commencer la période d'échanges de propos avec les membres de la commission.

Je vous informe qu'on a prévu environ 40 minutes. C'est donc dire que, vers 21 h 25, j'inviterai les représentants de l'association des commissions scolaires ainsi que ceux de la ville de Val-d'Or à se joindre à vous à la table.

Alors, M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, la parole est à vous.

(20 h 45)

M. Ryan: Nous venons d'entendre, M. le Président, les représentants d'abord du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, ensuite, la Fondation de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue; ensuite, un groupe du Témiscamingue, les représentants de la MRC de Rouyn-Noranda et, finalement, les représentants de la Corporation de développement industriel et commercial de Rouyn-Noranda régional. En même temps que je vous écoutais, j'ai essayé de faire un relevé des principales recommandations que vous faites à la commission parlementaire. Je pense que vos recommandations sont assez convergentes et, loin de contredire celles de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, viennent plutôt les appuyer, les compléter au besoin, en les enrichissant surtout par des exemples concrets et par l'évocation de problèmes qui sont très réels. Je pense que tous ces témoignages que nous avons entendus seront très utiles.

Je voudrais faire un certain nombre de commentaires sur les recommandations qui ont été présentées. Avant de les faire, je voudrais clarifier une situation. C'est bon qu'on ait une vue nette des choses également. On a beaucoup entendu parler de sous-financement, aujourd'hui. Dans une certaine mesure, c'est probablement vrai. Mais, je regardais les chiffres du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science pour l'année 1985-1986 et voici ce que je constatais.

Nous calculons nos subventions par étudiant équivalence temps complet. Nous transposons toutes les personnes inscrites aux programmes ou aux cours d'une université en étudiants équivalence temps complet, c'est-à-dire que, si vous avez une personne qui suit des cours à peu près le tiers du temps, elle compte pour un tiers d'étudiant à temps complet. Cela veut dire que cela prend trois personnes comme cela pour faire un étudiant équivalence temps complet. En transcrivant toutes les inscriptions en inscriptions à temps complet ou l'équivalent, nous arrivons à ceci: la moyenne des subventions versées aux universités per capita, en 1985-1986, était de 6558 $. Pour l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, elle était de 6710 $. À l'Université de Montréal, qui est une très grande université avec des facultés de médecine, de génie et de sciences très développées, avec des laboratoires, avec le plus grand nombre d'étudiants de deuxième et de troisième cycles au Canada, la subvention moyenne était de 6920 $ par étudiant.

Je mentionne ce point pour vous indiquer qu'on ne peut pas chercher la lune non plus. On peut bien vous faire des

promesses, faire toutes sortes d'ouvertures. Ce serait facile de ne pas parler de chiffres et de vous dire: Ne vous inquiétez pas, on vous comprend, on a tout examiné cela et comptez sur nous, on va faire un bon travail. Mais je pense qu'on va partir de là. On va tenir compte de facteurs comme ceux que vous avez mentionnés. Il y a celui de l'éloignement, celui du degré de développement d'une institution. Une université qui est en départ, ce n'est pas la même chose qu'une autre qui est arrivée à un point de stabilité. Il y a l'étendue du territoire qui doit être desservi. Il faudra essayer de trouver un facteur identifié avec le plus de précisions possible. Cela ne pourra pas aller très loin non plus. Je pense qu'il faut être réalistes.

Vous parlez du facteur de distance et d'éloignement. Je pense qu'en Ontario, on a mentionné que c'était 11 % de la subvention de base. Il ne faut pas oublier que le genre de programmes que vous avez actuellement est parmi les moins coûteux. Ce n'est pas parmi les plus coûteux qu'une université peut mettre sur pied; c'est, jusqu'à maintenant, parmi les moins coûteux. Par conséquent, je vous donne cette considération en toute franchise, par souci de vérité. Ce sont des éléments dont nous allons devoir tenir compte. Si nous avions des ressources illimitées, nous pourrions dire: Très bien, on va aller le plus loin possible.

J'entendais parler des études de génie, par exemple. Nous, il va falloir qu'on se dise; Est-ce que cela va coûter moins cher d'avoir' un certain nombre d'étudiants en génie en provenance d'Abitibi-Témiscamingue à l'Université de Montréal, à l'Université McGill, à l'Université Laval ou si cela va coûter plus cher d'avoir une faculté de génie complète en Abitibi-Témiscamingue? Je n'ai pas la réponse à la question ce soir, mais cela va être une question de gros chiffres dans une grosse mesure. On va être obligé de faire cela. Il y a d'autres programmes qui peuvent être développés. D'abord, au premier cycle. On en a parlé cet après-midi dans le bref échange d'idées que j'ai pu avoir avec M. le recteur. Je pense qu'il y a un élargissement des programmes qui s'impose si on veut que l'université atteigne sa vocation de base, l'université dans le sens le plus plein du terme.

Au niveau des deuxième et troisième cycles, il y a plusieurs recommandations. Je voyais mon bon ami M. Boissé qui nous parlait de la nécessité de développer les études de deuxième et troisième cycles. Il va falloir y aller avec infiniment de prudence. On ne pourra pas vous dire: On s'en va dans toutes les directions. Il y a une recommandation qui dit: II faut que l'université ait des pouvoirs institutionnels de développer des programmes de deuxième et troisième cycles. Oui, mais à la condition que ce soit soumis à l'approbation de l'autorité compétente à un autre niveau évidemment. Je pense qu'on va se comprendre là-dessus sans difficulté. Il faudra que cela passe au Conseil des universités et que soit porté non seulement un jugement sur le contenu objectif mais aussi un jugement d'opportunité et de faisabilité dans le contexte où nous sommes.

Pour le Québec et le Canada tout entier, le facteur de distance est un immense obstacle - un grand défi aussi à certains points de vue - pour le développement de plusieurs services. On n'a jamais pu vaincre ce facteur-là totalement. C'est impossible de transposer dans chacune des régions la plénitude des services qu'on va retrouver dans des grands centres urbains, et ce pour des raisons d'économie pure et simple que nous allons tous comprendre facilement. On peut toujours dire: On va partager, on va faire de la péréquation, mais finalement, le coût de fonctionnement de la société devient beaucoup plus élevé et à un moment donné, si on s'effondre tous ensemble, on n'est pas plus avancé.

C'est un peu le problème du Canada avec ses finances publiques: des déficits de 35 000 000 000 $ par année. On en a mis, on en a mis. On prend un exemple comme Radio-Canada, cela coûte terriblement cher. Là, ils parlent de nous en donner une deuxième. Je vais leur demander d'y penser comme il faut. J'aimerais mieux avoir un peu plus d'argent pour les universités. Mais il y a bien des gens qui participent aux décisions, on n'est jamais seul là-dedans.

Je vous donne ces facteurs-là pour qu'on soit de bon compte ce soir, qu'on se parle franchement entre nous. Je veux vous féliciter de l'intérêt que vous portez à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Je félicite les promoteurs de la fondation d'avoir déjà recueilli près de 1 000 000 $. C'est énorme. Cependant, c'est vite dépensé dans le domaine de la recherche. Mais c'est quand même un bon fondement. J'espère que vous pourrez continuer et que vous pourrez même toucher des contributions d'entreprises qui ont des activités chez vous mais dont le siège social est souvent ailleurs. Vous avez droit à une part des profits ou des surplus de ces entreprises sous forme de contributions comme celles que vous demandez. Je pense que cela peut être excellent.

Je n'ai pas de question spéciale à vous adresser à ce moment-ci, parce qu'on a toute une série d'autres groupes à rencontrer tantôt. La seule question que je serais porté à vous poser et peut-être chacun peut-il me répondre: Si on vous demandait quels sont les développements les plus urgents que vous souhaiteriez voir à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, quelle serait, chacun, votre priorité? Vous êtes six et je ne veux

pas avoir l'air d'avoir de préférence pour un groupe ou l'autre. Quelle serait la première nécessité pour chacun, ce qui devrait se faire pour que cette université avance dans le sens de ce que vous voulez?

Mme Thibault: M. le ministre, je me permets de répondre la première. Je verrais, comme priorité, le développement des sciences appliquées. Cela devrait permettre à la région, dans les différents secteurs de ses ressources naturelles, de développer une technologie de pointe appliquée aux entreprises et d'utiliser les technologies qui sont déjà en place ailleurs pour les transposer dans nos entreprises chez nous. Je pense que cette dimension servirait la région grandement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Théberge.

M. Théberge: Pour compléter, ce serait surtout dans le génie minier ou forestier.

M. Detilly: Le développement des sciences liées au génie, bien sûr, avec l'instauration...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Le développement des sciences géophysiques?

M. Detilly: Le développement des sciences liées au génie, le programme à temps complet.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Boissé.

M. Boissé: Cela complète un peu ce que mes collègues viennent de mentionner, mais ce à quoi j'ai le plus hâte - et les gens de la fondation aussi - c'est que, le plus rapidement possible, on établisse une politique de financement pour les universités pour que la population ne remette pas toujours en question l'existence de notre université. Cela fait un an que les journaux parlent du sous-financement de notre université. La population commence à s'interroger: Vont-ils la fermer? Vont-ils la garder? J'ai très hâte et tous mes collègues, à la fondation, ont très hâte qu'il y ait une politique d'établie concernant le financement des universités.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Boissé. Mme Barrette.

Mme Barrette: Mon avis rejoint un peu celui de M. Boissé, en ce sens que cela permettrait l'accessibilité pour un plus grand nombre de gens à l'université, en finançant des plus petits groupes. Quand je vois, en Ontario - vous citez La Laurentienne de Sudbury - ou dans les milieux nordiques, que l'on peut ouvrir des programmes à des groupes de huit étudiants et plus, même si c'était seulement le double, cela nous permettrait d'avoir un beaucoup plus grand nombre de gens qui auraient accès à l'université.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Lessard.

Mme Dupuis-Lessard: Ce que j'aimerais beaucoup, c'est que l'université de chez nous puisse obtenir une subvention spéciale pour pouvoir vraiment desservir toute la région, dans tous les sous-centres et tenir compte de la particularité de notre région. Il est extrêmement important que les gens de chez nous soient formés chez nous. Quand les gens doivent parcourir 150 milles, à un moment donné, ce n'est plus accessible. Si l'on veut que la région soit vraiment forte, on doit avoir la formation de nos gens chez nous, parce que ce sont les ressources humaines qui sont le pivot de notre développement économique. Si l'on avait une subvention spéciale pour bien desservir les sous-centres et être capable - comme Mme Barrette le disait - de donner la formation à de plus petits groupes de gens pour que, finalement, tous nos gens puissent en bénéficier et que ce soit vraiment accessible à toute la population de l'Abitibi-Témiscamingue...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, madame. Je reconnais maintenant Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, les membres de !a commission parlementaire ne comprendraient sûrement pas si je ne soulignais pas la place importante qu'occupent les femmes, ce soir, dans cette délégation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): On l'a remarqué, madame.

Mme Blackburn: Ils l'attendaient; si je ne l'avais pas fait, ils s'en seraient étonnés. Cela s'explique, c'est une population jeune, probablement que ces gens ont moins les défauts des populations plus âgées.

D'abord, avant de commencer une brève présentation et quelques commentaires, je voudrais de façon plus officielle, tel que me l'a demandé M. François Gendron, excuser son absence. Cela a été fait un peu par le président, mais je m'y étais engagée. M. Gendron, comme vous le savez, a de la mortalité dans sa famille. Il voulait tellement venir que je lui ai dit: Je pense que, vraiment, ils vont comprendre que tu dois assister aux funérailles. Elles avaient lieu cet après-midi. II était vraiment dans l'incapacité de venir et il était vraiment très désolé. Il vous fait ses salutations. Il m'a assurée... Il

a dit: De toute façon, je les sais capables de très bien défendre la cause. Voilà, le message est fait.

À la lecture des mémoires, ce que je constatais, qui m'apparaît important, que l'on doit retenir et qu'il me semble doit être retenu sinon dans les critères, à tout le moins dans les indicateurs qui nous permettent d'évaluer la nécessité, l'importance ou la pertinence d'intervenir, c'est l'âge de la population. Je ne sais pas s'il y en a dont cela a retenu l'attention, mais il y a un tableau dans le mémoire du Conseil régional de développement qui illustre précisément que les jeunes de moins de 19 ans, aujourd'hui, au moment où l'on se parle, forment 28 % dans la province de Québec et 33,9 % dans votre région. Je me dis: C'est un critère qui m'apparaît important, il y a là une population jeune.

Ensuite, le ministre - avec raison, je pense bien - s'interrogeait sur la différence des coûts pour former quelqu'un dans votre région, alors qu'il comparait l'Université de Montréal qui, avec des coûts égaux, sinon plus bas, avait une gamme de programmes. On sait qu'il y a des économies d'échelle qui se font quand vous avez une grosse institution et qui ne sont pas pensables dans une région. (21 heures)

Par ailleurs, il serait important de rappeler au ministre que la formation et la scolarisation coûtent cher, effectivement, mais que la sous-scolarisation coûte encore plus cher. Selon des économistes - on a vu une partie de cette étude dans les principaux journaux il y a sept ou huit mois - on estimait qu'une personne qui vivait de l'aide sociale ne coûtait pas les 6000 $, 7000 $ ou 8000 $, mais qu'elle coûtait, parce que non productive, entre 30 000 $ et 40 000 $.

Donc, il est vrai que la scolarisation coûte cher, mais la sous-scolarisation nous coûte très cher au Québec. Je pense que c'est beaucoup dans cette perspective qu'il faut situer l'avenir des universités, leur importance et leur rôle dans le développement économique. Vous l'avez fait ressortir. Pour une région comme la vôtre -d'autres l'ont fait un peu avant vous, également - la scolarisation, cela veut dire aussi une main-d'oeuvre compétente, disponible chez vous, qui est moins attirée par les grands centres et que vous êtes capables de conserver dans vos entreprises et dans vos institutions.

Vous parlez de taux de rétention. J'avais une petite question. Le taux de rétention, actuellement, est assez élevé; c'est 85 % de vos diplômés, c'est-à-dire des diplômés de l'UQAT. Est-ce que vous avez des données sur le retour dans votre région de ceux qui sont diplômés dans les autres universités?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y en a qui peuvent répondre à madame?

M. Detilly: Nous n'avons pas cette statistique.

Mme Blackburn: Non? Vous n'avez rien là-dessus, d'accord.

Mme Dupuis-Lessard: Nous n'avons pas cette statistique. Je ne sais pas si l'université l'a, mais nous ne l'avons pas.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Le recteur me fait signe qu'il ne l'a pas non plus.

Mme Blackburn: Bien. Il y a peut-être une autre question - j'essaie de me le rappeler - je pense qu'elle sera adressée à M. Detilly. Dans votre mémoire, en conclusion: voua dites: "Nous considérons - je le lis parce que cela me demandera des explications - que le gouvernement du Québec devrait répartir plus adéquatement les enveloppes budgétaires du réseau universitaire. Nous ne demandons pas nécessairement plus d'argent. Tout ce que nous voulons, c'est une répartition équitable...". Mais, vous estimez quand même qu'une répartition équitable devrait nécessairement vous amener un peu plus d'argent. Comment dois-je lire votre recommandation?

M. Detilly: Malheureusement, pour ce qui est des statistiques, elles diffèrent un peu de celles que le ministre nous a fournies. Nous insistions surtout sur le fait que, malheureusement, nous occupons un territoire qui est très grand et nous devons offrir des services à des populations qui sont souvent isolées, lesquels coûtent extrêmement cher. Je considère que le facteur d'éloignement et la dimension du territoire que l'université doit desservir, cela fait en sorte qu'il est très important que, effectivement, nous puissions avoir des sommes adéquates pour nous permettre de le faire, étant donné que le mandat nous a quand même été donné par le réseau.

Mme Blackburn: Donc, si je dois lire votre recommandation: "Nous ne demandons pas nécessairement plus d'argent"...

M. Detilly: C'est que, comme je vous le disais, pour ce qui est des statistiques quant à la moyenne des subventions offertes per capita, nous avions une statistique qui différait à ce moment-là.

Mme Blackburn: Ce que vous demandez, c'est de l'argent qui tienne compte de votre situation, mais pas plus qu'il...

M. Detilly: C'est cela.

Mme Blackburn: ...n'en faudrait pour y répondre. Très bien. Vous avez fait largement état de toute la question de l'accessibilité, particulièrement des besoins liés à l'éducation des adultes. Je dirais que cela a quasiment été un grand absent; les étudiants adultes, on en a peu parlé autrement qu'en statistiques. Mais qu'est-ce que la population adulte représente dans les cours qui sont dispensés dans les sous-centres?

Mme Barrette: Si je peux parler pour le Témiscamingue, des cours dans notre région, je pourrais dire que pour la session automne-hiver de 1985-1986, j'avais de 200 à 250 adultes qui fréquentaient l'université à temps partiel. Alors, sur une population de 18 000, c'est quand même...

Mme Blackburn: Oui, c'est important. Mme Barrette: ...un bon pourcentage.

Mme Blackburn: Très bien, je vous remercie; on pourra y revenir. Oui?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, allez, monsieur.

M. Detilly: Le pourcentage est de 40 %,

Le Président (M. Parent, Sauvé): De 40 %?

M. Detilly: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. 40 %.

M. Detilly: Quarante.

Le Président (M. Parent, Sauvé): II y a 40 % de la population qui suit des cours à l'extérieur.

M. Théberge: II y a 40 % des étudiants qui sont des adultes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord. Merci. Y a-t-il des interventions du côté ministériel? M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Je ne suis pas du côté ministériel, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est parce que je n'en ai pas du côté ministériel. M. le député d'Ungava, je sais fort bien que vous êtes de l'Opposition.

M. Claveau: Merci. D'ailleurs, à ce sujet, j'aurais justement quelque chose à dire. C'est que finalement, moi en tant que régional pure laine, j'ai été particulièrement choqué par les propos que le ministre a tenus tout à l'heure en nous annonçant d'avance ses couleurs. Il a félicité l'organisation, et tout cela, il nous a bien dit que vous faites du beau travail, mais vous savez, cela coûte cher et je ne suis pas seul à décider. C'est à peu près cela qu'il nous a dit. On peut se demander jusqu'à quel point ce qui est là sera pris en considération parce que quand on parle de tous ces documents, on parle vraiment d'un présence accrue, d'une volonté politique ferme d'intervenir en région, de soutenir, de maintenir en région des institutions de formation professionnelle et de formation de recherche pure et appliquée qui vont permettre un meilleur développement. Jusqu'à maintenant, je trouve que l'on semble branler dans le manche un peu du côté ministériel en ce qui concerne une volonté de vraiment vouloir maintenir ces infrastructures en région.

Cela dit, j'aurais une première question à poser - excusez, j'ai oublié le nom - à monsieur de la Corporation de développement industriel et commercial de Rouyn-Noranda régional. Dans le chapitre 2, Collaboration UQAT-entreprises, vous avez un paragraphe qui dit: "L'université participe aussi activement au consortium nordique, qui regroupe des représentants des municipalités, d'Hydro-Québec et du collège de l'Abitibi-Témiscamingue. Ce consortium se consacre au développement de projets de recherche et au développement sur le territoire nordique." J'aimerais savoir ce que vous voulez dire par là. Quel est l'impact réel, l'implication réelle de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue actuellement dans le développement nordique et avec quels partenaires?

M. Detilly: Vous avez énuméré les partenaires. Ce sont Hydro-Québec et le collège de l'Abitibi-Témiscamingue.

M. Claveau: Vous permettez que je complète un peu ma question?

M. Detilly: Oui.

M. Claveau: Est-ce que vous prenez en considération aussi les gens qui habitent sur ces territoires et qui auraient peut-être quelque chose à dire?

M. Detilly: Oui, bien sûr, ils travaillent en étroite collaboration avec ces gens, les autochtones, les Inuit. C'est sur les conditions spécifiques liées à la nordicité du Québec.

M. Claveau: Est-ce qu'on pourrait avoir plus de précisions sur ce genre de réserve? Je pense que c'est important encore là pour

identifier, creuser plus à fond le rôle et la viabilité d'une institution comme l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue ou à Rouyn-Noranda par rapport au problème du développement nordique.

M. Detilly: D'accord. Disons que l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, entre autres, a un mandat très large, c'est-à-dire qu'elle couvre un territoire très large qui va jusqu'à la baie James et bien au-delà jusqu'à Kuujjuaq. Ces gens éprouvent de sérieux problèmes sur tous les fronts. On sait quels peuvent être les problèmes des gens qui habitent le Grand-Nord du Québec. Ces gens ont comme objectif de voir à l'amélioration des conditions de vie de ces populations.

M. Claveau: Je vous remercie. J'aurais une deuxième question à poser à M. Boissé. D'ailleurs, je tiens à féliciter l'ensemble des participants pour ce qui se fait à la Fondation de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Je pense que c'est là une preuve vivante de l'intérêt de la région à maintenir et à développer cette infrastructure nécessaire et que cela devrait être en soi un élément motivateur pour amener le gouvernement à prendre une position politique ferme et définitive sur le maintien de ces infrastructures en région. Ce qui, malheureusement, ne semble pas percer Beaucoup jusqu'à maintenant.

Je voudrais avoir plus d'explications sur l'utilisation de ces sommes. De quelle façon pensez-vous finalement faire entrer ces sommes d'argent dans la machine universitaire?

M. Boissé: Les sommes d'argent que nous recueillons sont investies et seulement le capital va être utilisé à des subventions de recherches qui vont nous être présentées par des chercheurs ou des entreprises. Notre intention n'est pas de subventionner à 100 % ces projets, nous voulons, du moins au cours des premières années, agir un peu en complémentarité avec les besoins du projet de recherche. Exemple: Si on nous arrive avec un projet de recherche qui peut coûter 50 000 $, si les chercheurs ont déjà trouvé d'autres sources de financement pour 40 000 $, disons que nous irons pour les 10 000 $ qui peuvent manquer. De cette façon, nous améliorerons notre crédibilité envers nos souscripteurs. Parce que nous leur avons toujours promis que l'argent serait dépensé à bon escient et que lorsque nous le dépenserions, c'est seulement après que le projet aura passé le test de la crédibilité. Ce test, nous le retrouvons à travers la volonté de souscrire de la part d'autres instituts de recherche, que ce soit à l'échelle provinciale, canadienne ou privée.

M. Claveau: Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je voudrais juste ajouter un bref commentaire, M. le Président, à l'intention du député d'Ungava qui n'a pas eu le temps de suivre les travaux de la commission. On ne lui en veut pas, il est venu aujourd'hui parce qu'il y avait une délégation de sa région. Nous comprenons très bien. S'il avait été témoin des discussions que nous avons eues depuis le début des travaux de la commission avec les universités qui sont venues de chaque région, il saurait que l'intérêt est très grand pour le développement de nos universités en région.

M. Claveau: Cela me fait plaisir de vous l'entendre dire.

M. Ryan: S'il a suivi les débats politiques depuis son entrée à l'Assemblée nationale, il est sans doute conscient également de l'héritage que nous a laissé l'ancien gouvernement en matière financière. Sans doute qu'on est conscient des contraintes extrêmement serrées auxquelles nous devons faire face quand nous établissons nos priorités. Nous essaierons, dans ce corridor étroit que nous devons emprunter pour au moins un certain temps, de faire quand même des choses convenables pour le secteur universitairec C'est ce que nous cherchons à établir ensemble et nous devons regarder avec une lunette qui comprend deux champs de vision et non pas seulement un. C'est parce que nous voulons tenir un langage responsable que nous parlons comme cela. Comme je le disais tantôt, il serait bien plus facile... Je pourrais demander le développement de services dans ma propre région. Ma propre région n'est pas servie comme il le faudrait. Ce n'est pas plus intéressant pour quelqu'un d'Huberdeau d'aller suivre un cours à Montréal, que pour quelqu'un de Val-d'Or de ne pas être satisfait de tous les services que l'université lui apporte à partir de Rouyn-Noranda. Ce n'est pas plus drôle.

Une voix: Ce n'est pas la même chose.

M. Ryan: Non, il y en a dans cette région...

Une voix: N'exagérons pas.

M. Ryan: ...qui sont aussi intéressés, on n'a pas les moyens d'aller leur porter cela là-bas. Il va falloir qu'on regarde cela en pensant à tout l'ensemble. 11 y en a des contraintes dans le Québec, il y en a. On ne peut pas installer tout ce qu'on voudrait partout, mais on a déjà un très bon point de

départ avec l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue qu'il faut développer. On leur a dit que le principe de base qui a présidé à la décision d'implanter des universités en région est maintenu. S'il est maintenu, il faut tirer certaines conséquences qui vont leur permettre d'avoir une existence convenable. Cela va?

M. Claveau: C'est exactement ce que je souhaitais, M. le ministre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il n'y a pas d'autres interventions... Oui, Monsieur.

M. Théberge: J'aurais juste peut-être une intervention, parce il semblerait qu'on est ici pour parler argent et financement...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Orientation aussi, monsieur; très important.

M. Théberge: Orientation. Vous savez qu'en ce qui concerne le Québec, les commissions scolaires taxent avec un maximum de 25 cents pour 100 $ d'évaluation; par contre, il y a des régions qui sont très favorisées et les commissions scolaires ne taxent absolument pas, ou d'autres taxent à 5, 10, 15 ou 18 cents. Il serait peut-être pensable que dans les régions qui sont favorisées ou qui ne sont pas taxées, on garde le cap de 25 cents, mais il y aurait peut-être 1, 2 ou 5 cents qui pourraient être ajoutés à cette taxe, spécifiquement pour financer les universités et l'éducation. Je pense que cela ne dérangerait pas tellement ces régions qui sont favorisées, parce qu'elles paient seulement 10 cents. Cela serait sur la taxe foncière. Si on prend l'évaluation foncière de tout le Québec, peut-être que cela ne sera pas important, cela sera peut-être juste 1, 2 ou 5 cents. Je n'ai pas fait l'équation mais il faudrait peut-être se pencher sur une équation semblable. Je sais qu'on paie 25 cents chez nous. On paye le maximum parce que l'on a tout à développer. On ne serait pas frappés, mais il y a des régions qui sont favorisées et ce sont ces régions qui devraient payer, celles que l'industrie favorise. (21 h 15)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Théberge. Y a-t-il une réaction? Je suis prêt à accorder une réaction. M. le ministre, oui.

M. Ryan: Je me dois de donner une brève réaction à cette suggestion qui part d'un bon naturel, mais je ne pense pas qu'elle soit applicable. Je vous dirai pourquoi: D'abord, la grande majorité des commissions scolaires sont rendues au plafond maintenant ou tout proche. Deuxièmement, les commissions scolaires nous demandent avec insistance de porter le plafond à un niveau plus élevé parce qu'elles étouffent sous le plafond qui existe depuis la loi 57 de 1979. Là, il y aura un effort... On entendra le maire de Val-d'Or tantôt. S'il est prêt à nous dire qu'il veut faire une campagne auprès de l'Union des municipalités pour la convaincre, cela fera un bon point de départ. Mais on a une grosse côte à monter du côté des maires. Dès que l'on fait la moindre mention de cela, ils se hérissent littéralement sur leur siège. Je vous remercie quand même de la suggestion; je ne vois pas beaucoup de possibilités dans l'immédiat, mais l'idée de péréquation qui la sous-tend est intéressante. D'ailleurs, elle est déjà appliquée à 94 % dans l'ensemble du système.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chicoutimi aimerait réagir. Mme la députée.

Mme Blackburn: On pourrait peut-être entendre Mme Lessard qui a demandé la parole.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame, oui.

Mme Dupuis-Lessard: On dit qu'on n'a pas les moyens, c'est sûr qu'on ne les a pas. C'est sûr qu'on n'a pas amplement d'argent pour faire tout ce que l'on voudrait faire, mais c'est extrêmement important de se donner des priorités. La première priorité pour l'avenir serait vraiment de mettre l'accent sur la formation de notre main-d'oeuvre. Cela serait vraiment un capital bien investi et qui serait très rentable, en fin de compte. Concernant les priorités, il faudrait se donner celle-là d'abord et avant tout.

C'est sûr que l'on pourrait couper ailleurs, je ne pourrais pas vous dire où, je n'ai pas poussé plus loin cette idée-là, mais je pense que l'on devrait se donner des priorités et la formation devrait être notre première priorité. Le fer de lance de notre économie, c'est vraiment la formation de notre main-d'oeuvre...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, merci...

Mme Dupuis-Lessard: ...d'une part. D'autre part, lorsque l'on parlait des moyennes per capita, an disait que chez nous on n'avait pas des programmes qui coûtaient tellement cher. Il faut faire aussi le contrepoids ou l'équilibre, à savoir qu'il faut vraiment tenir compte de notre taille, de la dispersion de notre clientèle et de notre éloignement. Cela fait vraiment le contrepoids au fait qu'on n'ait peut-être pas

les programmes les plus dispendieux. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Lessard. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Comme source de financement, l'École polytechnique se demandait si on ne pouvait pas faire comme la France a fait, c'est-à-dire avoir un impôt de 2 % dans l'industrie pour la formation de la main-d'oeuvre. Je me demande comment vous réagiriez à ce sujet.

M. Théberge: Il existe en Allemagne un impôt des industries pour financer la recherche aux universités. D'ailleurs, l'an passé ou l'année avant, nous avons eu un programme avec l'école La Source en recherche électronique et des gens d'Allemagne sont venus nous visiter et ont payé des étudiants pour un programme. Ce sont eux qui m'ont mis au fait que, dans leur pays, les industries ont une taxe spéciale, soit sur capital ou autrement, pour financer la recherche dans les universités. C'est une obligation.

Mme Blackburn: Serait-ce pensable au Québec?

M. Théberge: C'est aussi dangereux. Il faut toujours rester concurrentiel. Si on taxe toujours les industries, il faut quand même demeurer concurrentiel avec les autres industries canadiennes et vous savez que l'on parle présentement de libre-échange entre les États-Unis et le Canada, donc, il faut également rester concurrentiel. C'est pour cela que l'on ne peut pas dire demain matin qu'on taxe l'industrie.

Mme Blackburn: Vous savez que le fardeau fiscal des entreprises... Et malgré que le ministre m'ait dit que j'avais tort l'autre jour, nous sommes allés aux vérifications et cela nous a été rappelé ce matin dans le mémoire que j'estime fort sérieux, le fardeau fiscal des entreprises est ici au Québec de 2,6 plus bas que celui de l'Ontario. Comme on se compare constamment à l'Ontario, y compris et incluant la fiscalité indirecte, parce que cela aussi, je voulais le voir, la CSST et tout, effectivement...

Une voix: ...

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, à l'ordre! Mme la députée de Chicoutimi a toujours la parole.

Mme Blackburn: La fiscalité indirecte est de 7,56 ou 7,75 en Ontario et 7,23 et le fardeau fiscal est de 2,2 plus bas, ce qui donne 2,6 ou 2,7 plus bas pour la fiscalité des entreprises au Québec, contrairement à ce qu'an laisse souvent paraître qu'il y a un fardeau fiscal beaucoup plus lourd. Ce n'e3t pas juste. D'ailleurs, le ministre des Finances nous Pavait dit au moment où il déposait son budget. Aux Êtat3-Unis, parce qu'on parle aussi de demeurer concurrentiel, on envisage une réforme fiscale qui viserait à faire participer davantage les entreprises à la fiscalité. Vous avez certainement pris connaissance du rapport qui a été fait pour le NPD sur la fiscalité des entreprises au Canada et qui démontre qu'environ 14 000 000 000 $ de bénéfices ne sont pas taxés dans nos entreprises canadiennes. Us échappent complètement à l'impôt. Cela ne me défrise pas plus que ça de penser qu'on pourrait éventuellement les taxer.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, mesdames et messieurs, merci beaucoup. J'invite maintenant les représentants de la ville de Val-D'or et l'Association des commissions scolaires Abitibi-Témiscamingue à prendre place à l'avant.

On va suspendre pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 22)

(Reprise à 21 h 25)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux incessamment.

La commission parlementaire sur l'éducation reprend ses travaux et accueille l'Association des commissions scolaires de l'Abitibi-Témiscamingue ainsi que les représentants de la ville de Val-d'Or. Le porte-parole de l'association des commissions scolaires est M. Le Régent.

M. Rouleau (Jean-Paul): Non, Jean-Paul Rouleau.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, M. Rouleau, nous vous écoutons.

Association des commissions scolaires de l'Abitibi-Témiscamingue

M. Rouleau: M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés membres de la commission parlementaire, il me fait plaisir, au nom de l'Association des commissions scolaires de l'Abitibi-Témiscamingue, d'aborder avec vous les trois aspects suivants concernant l'orientation et le financement des universités: l'accessibilité physique, l'accessibilité financière et M. Le Régent, membre du conseil d'administration de l'association, abordera une amorce de solution qui permettrait de sauver quelques millions de dollars aux universités.

La diminution des activités pour les étudiants à temps partiel en périphérie de

notre université et l'appréhension de la fermeture des sous-centres nous font dire que la mission de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue doit être maintenue dans sa périphérie. Les commissions scolaires de l'Abitibi-Témiscamingue continuent de solliciter de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue perfectionnement et recyclage. L'implantation des nouveaux programmes a relancé l'urgence de perfectionnement en évaluation pédagogique. L'application pédagogique de l'ordinateur continue à nécessiter de la formation universitaire. Le deuxième cycle universitaire soulève un intérêt soutenu et l'arrivée du troisième cycle en éducation soulève de grands espoirs. Avec le développement de la recherche, il s'agit d'une toute nouvelle identité universitaire régionale qui s'offre à nous ainsi que des prospectives nouvelles de développement éducationnel. Le resserrement des ratios maîtres-élèves rattaché à des contraintes budgétaires fait craindre aux commissions scolaires une atteinte directe à l'accessibilité. Notre clientèle, rappelons-le, reçoit son recyclage dans son milieu de travail ou ne le reçoit pas. Il n'y a pas d'autre possibilité, compte tenu des distances et de la dispersion des clientèles. Nous donnons notre appui à la demande de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue de voir sa base de financement reconsidérée, compte tenu de l'éloignement, de la dispersion de sa clientèle à temps partiel, de sa taille et de sa mission régionale.

En ce qui concerne l'accessibilité financière, il y a 30,7 % des jeunes qui abandonnent leurs études en Abitibi-Témiscamingue alors qu'en province, il y en a seulement 21,6 %. 31,6 % de nos jeunes choississent le professionnel au secondaire alors qu'en province, il y en a seulement 24 %; 44,8 % de nos jeunes continuent leurs études collégiales alors qu'en province, la proportion est de 53,2 %. Au niveau des études collégiales, 54 % de nos jeunes choisissent le professionnel alors qu'en province, c'est seulement 44 %. On observe les mêmes tendances dans le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie ainsi qu'au Saguenay— Lac-Saint-Jean. Nous en concluons qu'il y a une propension chez nos jeunes à en terminer au plus tôt avec les études, soit en abandonnant, soit en allant massivement vers le secteur professionnel.

Considérant que notre région connaît sa grande part de chômage et la grande difficulté de nos jeunes à se trouver du travail, nous ne pensons pas que l'augmentation des frais de scolarité soit de nature à favoriser l'accessibilité. Nous pouvons même dire, contrairement à ce que peut penser le Conseil du patronat du Québec, que nous n'avons jamais vu, selon les lois du marché et du marketing, que l'augmentation du coût d'un produit n'ait pas nui à son accessibilité. C'est nier une évidence: plus un produit est cher, moins il est accessible. Compte tenu des statistiques éloquentes du taux de scolarisation des Québécois, il y a là un danger à éviter à tout prix car on pourrait accroître dangereusement le grand fossé qui nous sépare, en termes de scolarisation, de l'Ontario, du Canada et de l'Amérique du Nord. Je demanderais à M. Le Régent de donner des précisions sur l'amorce de solution.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Le Régent. (21 h 30)

M. Le Régent: M. le Président, Mme la députée de Jacques-Cartier, cet après-midi, a posé des questions à nos étudiants sur des hypothèses de solutions financières face au problème de financement. Si on lit la Presse, on constate qu'il y a des risques à proposer des solutions. Cependant, je ne suis inquiet ni pour Provigo ni pour la Banque Nationale. Je vais maintenant m'aventurer à mon tour sur une hypothèse de solution ou de recommandation pour une solution financière de l'ordre de probablement une vingtaine de millions de dollars.

Citons d'abord le paradoxe. Quand l'étudiant étudie, l'université lui demande 550 $ de frais de scolarité. Quand le professeur étudie, l'université lui verse un montant de l'ordre de 35 000 $, soit 80 % de son salaire, sans compter les frais de déplacement et autres. Si nous faisons un compte à compte des 75 000 000 $ de frais de scolarité, 20 000 000 $ à 23 000 000 $ sont utilisés pour du perfectionnement qui se traduit essentiellement par des congés sabbatiques payé3 à 80 %, soit une somme qui représente l'équivalent du tiers des revenus des frais de scolarité.

Loin de nous l'idée...

M. Ryan: Question de règlement. Est-ce que vous pourriez répéter à partir des chiffres? J'ai manqué un petit bout ainsi que mes collègues, je pense. Voulez-vous nous lire cela tranquillement?

M. Le Régent: D'accord, avec plaisir. S'il y a des erreurs dans mes chiffres, M. le ministre, ils proviennent du service des finances de vos services. Je n'ai pas pris de chance, surtout devant la commission parlementaire.

Je répète: Quand l'étudiant étudie, l'université lui demande 550 $ de frais de scolarité. Quand le professeur étudie, l'université lui donne environ 35 000 $ de salaire, 80 %, sans compter les frais de déplacement et autres. Cela peut être les billets d'avion jusqu'à Paris ou jusqu'à

Londres, cela peut être l'entreposage de meubles et bien d'autres choses.

Si nous faisons un compte à compte des 75 Q00 000 $ de frais de scolarité, 20 000 000 $ à 23 000 000 $ sont utilisés pour du perfectionnement qui se traduit donc essentiellement par des congés sabbatiques payés à 80 %, ces 20 000 000 $ à 23 00 000 $ représentant le tiers des revenus des frais de scolarité.

Loin de nous l'idée de nous opposer aux congés sabbatiques. Il s'agit sûrement d'une excellente pratique à encourager, car le recyclage et la mise à jour en milieu universitaire sont primordiaux sinon indispensables. Cependant, il y a peut-être d'autres moyens de financer des congés sabbatiques à partir des mesures fiscales.

La proposition. En effet, le 21 février 1984, le Conseil du trésor adoptait le CT 148900 qui a pour titre: L'implantation d'un régime de congés sabbatiques à traitements différés dans les secteurs public et parapublic. Le CT du Conseil du trésor ne s'applique pas aux universités qui ont d'autres traditions.

Le budget du ministre des Finances du gouvernement fédéral, M. Michael Wilson, en date du 26 février 1986, abolit, à toutes fins utiles, les régimes de prestations aux employés à l'exception des congés sabbatiques des enseignants. Ensuite, seront exclus les congés sabbatiques des enseignants dans le budget de M. Wilson, ministre des Finances du gouvernement fédéral.

Dans un communiqué daté du 28 juillet 1986, cet été, le ministre Wilson annonce les dispositions fiscales concernant les congés sabbatiques autofinancés avec le dépôt d'un avant-projet de règlement qui autorise de différer jusqu'à 30 % du traitement par année et à condition de prendre le congé sabbatique dans un délai de six ou sept ans. Le ministre Wilson, dans son document, encourage même une telle pratique: "Ceux-ci - dit-il - doivent être encouragés."

Les appuis. Plusieurs intervenants ont suggéré d'utiliser les mesures fiscales. Parmi les intervenants, j'ai ici un avis du Conseil des universités au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, daté du 20 décembre 1985 qui mentionne, à sa recommandation no 4 î "Le Conseil des universités recommande donc au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science d'étudier la possibilité d'utiliser des mesures fiscales appropriées pour inciter les individus ou les entreprises à participer au financement des universités." Et, jusqu'aux professeurs eux-mêmes qui, ici à cette table, dans ces sièges, ont recommandé à cette commission de penser aux mesures fiscales.

Les avantages de cette formule. Elle connaît un très grand succès chez les enseignants et le personnel du primaire et du secondaire. On évalue à environ 1500 les enseignants qui seraient inscrits à cette formule. Elle est génératrice de création d'emplois ou d'absorption de surplus. La formule constitue pour le corps professoral, à notre avis, une amélioration par rapport à la situation actuelle, car chaque enseignant peut financer son propre congé sabbatique à même les déductions fiscales, sans aucune contrainte administrative ou de convention collective., Le gouvernement fédéral contribuerait pour environ 7 500 000 $, soit un tiers, et je pense que personne ne s'y opposerait. Bref, une formule basée sur la fiscalité qui ferait épargner environ 20 000 000 $ de dépenses dans le réspau universitaire et de 12 000 000 $ à 15 000 000 $ pour le gouvernement du Québec, ce qui n'est pas négligeable par rapport à un déficit de 33 000 000 $ en 1985-1986, dans le même réseau universitaire,, Tout cela, avec une formule pour les enseignants, à notre avis, basée sur des consensus. Voilà une piste que nous vous suggérons d'explorer, conscients que nous sommes des dispositions des conventions collectives existantes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. Le Régent. Maintenant, nous entendrons le maire de Val-d'Or, M. Pelletier, qui est accompagné de son conseiller municipal, M. Gauthier. M. le maire.

Ville de Val-d'Or

M. Pelletier (André): M.. le Président, M. le ministre, membres de la commission, merci à l'avance de votre bonne attention. La ville de Val-d'Or tient à se prévaloir de l'invitation lancée par la commission de l'éducation afin d'exposer son point de vue sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire. Notre municipalité désire attirer l'attention de la commission sur l'unique université qui la dessert, soit l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Nous espérons aussi vous mettre au fait des difficultés inhérentes à notre situation géographique, difficultés qui se transposent notamment sur le plan universitaire.

M. le Président, avec votre permission, je procéderai à l'accélération de la lecture du document afin de laisser, au besoin, quelques minutes de plus de disponibles pour les échanges.

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord.

M. Pelletier: Je vous inviterais à passer immédiatement à la page 2.

Le centre universitaire à Val-d'Or est l'un des dix sous-centres qui composent le réseau de l'Université du Québec en Abitibi-

Témiscamingue et le deuxième en ordre d'importance, après le campus principal. Établi au tout début de la création du Centre d'études universitaires du Nord-Ouest, devenu par la suite une constituante du réseau avec l'émission de ses lettres patentes en 1983, le sous-centre de Val-d'Or s'est développé avec l'accroissement du nombre de ses programmes et de sa clientèle. Ainsi, quinze ans plus tard, le centre universitaire de Val-d'Or offre neuf programmes à temps partiel et un seul à temps plein, Six programmes à temps partiel sont au niveau du certificat et trois au niveau du baccalauréat. L'unique programme à temps plein est celui des arts plastiques. En comparaison avec le campus central de Rouyn-Noranda qui offre une trentaine de programmes dont la moitié sont à temps plein, le sous-centre de Val-d'Or offre trois fois moins de programmes. L'ensemble des programmes offerts à Val-d'Or profite, en moyenne, à 1600 étudiants-cours chaque année et leur nombre tend à augmenter avec la présentation de nouveaux programmes. Chaque année, le sous-centre de Val-d'Or accueille en moyenne 200 nouveaux étudiants.

La présence universitaire en Abitibi-Témiscamingue a permis de former plus de 3000 nouveaux diplômés qui sont venus enrichir notre milieu régional. Il importe de faire remarquer, outre cette progression constante de la clientèle à l'université, que 90 % des finissants qui obtiennent un grade universitaire oeuvrent dans la région. Le taux de retour des étudiants qui vont étudier dans les universités du Sud, on ne l'a pas; il est probablement trop faible pour être dans les statistiques. L'université est donc l'outil privilégié de rétention de nos talents en régions et, par le fait même, devient la garantie essentielle à notre développement social et économique.

Ce qu'il faut également observer, c'est la quantité de certificats émis dont une forte proportion, 40 %, a été décernée à des étudiants inscrits à un programme offert dans un sous-centre près de chez nous. C'est dire que bon nombre d'étudiants n'auraient pu parfaire leur formation professionnelle sans s'expatrier et quitter leurs emplois, n'eût été de la présence universitaire dans leur milieu. La réputation d'excellence de certains programmes particulièrement performants dans le Québec a un effet d'entraînement positif sur le recrutement de nouveaux étudiants. La rétention de notre population scolarisée oblige par contre le réseau de l'UQAT à accroître ses services éducatifs. Nous croyons que notre université n'est pas en mesure d'assurer cette croissance pour des motifs que nous verrons plus loin.

Les ressources professorales. L'équipe professorale, à Val-d'Or, compte dix professeurs résidents. Ces effectifs représentent le cinquième des professeurs résidents du réseau de l'UQAT. Les ressources manquantes proviennent de l'extérieur de la région et la majorité des professeurs réguliers doivent, en principe, couvrir tout le réseau pour donner de la formation,, Mais, dans les faits, nous constatons que le campus central préfère déplacer une trentaine d'étudiants plutôt que de déplacer un professeur. Les distances effarantes entre les diverses municipalités de notre région nécessitent inévitablement un financement qui correspond à la mission régionale de notre réseau.

Pour ce qui est des pages 4 et 5, ces dernières mentionnent la carence d'équipements physiques et de locaux. C'est tout à fait normal que lorsqu'on manque de fonds pour les professeurs on manque davantage de fonds pour les bancs.

Je vous invite à la page 6. La problématique de l'enseignement à Val-d'Or. Le problème de l'accessibilité aux études postsecondaires dans la région de Val-d'Or n'est pas un phénomène nouveau et inconnu des autorités concernées. Les intervenants scolaires, les premiers, ont sensibilisé le public à cette question il y a déjà une quinzaine d'années. Encore aujourd'hui, notre municipalité se bat pour faire reconnaître la nécessité d'implanter un cégep à l'intérieur de ses limites et pour obtenir de nouveaux programmes universitaires.

La population et la clientèle scolaire. La région de l'Abitibi-Témiscamingue comptait, en 1982, 153 082 habitants, soit une hausse de 4,7 % comparativement à 1976 alors que l'ensemble du Québec connaissait une augmentation de 3,2 % pour la même période. Les perspectives de population du Bureau de la statistique du Québec font voir qu'au cours de la décennie quatre-vingt la population de la région connaîtra une croissance de 7,6 %. C'est donc dire qu'entre 1976 et 1991 la population du territoire devrait s'accroître plus rapidement que celle de l'ensemble du Québec. De plus, la municipalité régionale de comté de la Vallée-de-I'Or, qui est dans l'est de l'Abitibi, s'avère être la plus populeuse des cinq municipalités établies sur le territoire de l'Abitibi-Témiscamingue. Au cours des dix dernières années, la population de l'Abitibi-Témiscamingue, en général, n'a pas augmenté, sauf qu'il y a eu un glissement de population de l'ouest vers l'est.

La clientèle universitaire. La clientèle universitaire, pressée de parfaire sa formation, effectue de plus en plus de pressions sur le réseau de l'UQAT. Cette clientèle exige de l'université qu'elle lui donne accès à de nouveaux programmes. Plus que cela, nous pouvons affirmer au nom des intervenants consultés dans l'exercice de ce mémoire que la clientèle universitaire de Val-d'Or exige de la formation complète et

disponible sans être soumise aux aléas du manque des ressources financières, éducatives et humaines. De façon unanime, ils sont inquiets des chances de survie du centre de Val-d'Or devant la situation financière précaire du réseau régional. Malgré tout, cette clientèle universitaire se bat régulièrement pour tenter d'obtenir certains programmes chez elle. Ayant goûté à des services universitaires décentralisés, elle souhaite, dans un second souffle, consolider et améliorer la qualité et la quantité de ses services. Mais souvent ses efforts se butent au manque de ressources financières, humaines et éducatives ou carrément à un manque de volonté politique des autorités universitaires de dispenser des services dans la région de Val-d'Or. En période de restrictions budgétaires, le réseau accentue plus gravement son défaut de centraliser l'ensemble de ses opérations au campus de Rouyn-Noranda. Val-d'Or ne veut pas être tenue en otage ou être menacée d'une diminution des services à cause de la précarité financière du réseau régional.

La mission de notre université est dans son originalité d'être régionale. Lui enlever cette mission, c'est lui enlever sa raison d'être, la raison pour laquelle elle a été fondée. En fait, il y a deux fois moins d'hommes en Abitibi-Témiscamingue qui détiennent un baccalauréat ou un grade supérieur. Quant aux femmes, elles accusent un net retard sur les hommes. Seulement 2,8 % des femmes de la région détiennent un baccalauréat. Les tableaux qui suivent nous démontrent que le faible taux de passage aux études collégiales entraîne inévitablement un faible taux de fréquentation universitaire. Les entreprises à haute technologie comme Domtar, HydroQuébec, Forex, Forpan ou Télébec ont constamment de la difficulté à dénicher de la main-d'oeuvre qualifiée, que ce soit pour des postes administratifs ou techniques. Ces entreprises font souvent appel à l'extérieur pour combler des postes importants. Aussi, certaines entreprises hésitent tout simplement à venir s'installer en régions pour les mêmes raisons et celles qui y sont déjà retardent ou repensent leurs nouveaux investissements pour ces mêmes raisons. (21 h 45)

Je vous demanderais de passer à la page 11 où on vous donne le tableau du taux de passage du secondaire général et professionnel pour le territoire des commissions scolaires de la région. Entre autres, pour la région de Val-d'Or, le taux de passage est de 33 % par rapport à 44 % pour celui de Rouyn-Noranda. Si on compare ces taux de passage avec l'ensemble de la province, l'Abitibi a un taux de passage général de 38 % alors que pour l'ensemble de la province cela varie entre 45 % et 47 %. À la page 12, par ailleurs, seulement 23,7 % de la population de quinze ans et plus de Val-d'Or poursuit des études au-delà du niveau secondaire, alors que cette proportion est d'environ 29 % à Rouyn-Noranda et de 60 % pour les gens de Montréal. Cet écart de scolarisation place la population de Val-d'Or dans une position nettement défavorisée en régions et au Québec. Â cette situation peu reluisante s'ajoute un net retard quant à la fréquentation universitaire de la part de notre population.

Le tableau de la page 13, je le résume: le taux de fréquentation universitaire par 1000 personnes pour l'ensemble de toute l'Abitibi est de 15. Il est beaucoup moins élevé encore pour la région spécifique de Val-d'Or. Si on le compare à tout le Québec, le taux est deux fois meilleur dans l'ensemble du Québec. Si on le comparait à Montréal, ce serait probablement le triple. En d'autres mots, il y a d'énormes différences entre le taux de fréquentation universitaire de notre région, celui des autres régions du Québec et celui de Montréal. La seule place où on est vraiment égal avec tout le reste de la province, c'est au niveau de notre taux d'imposition, nos retenues à la source.

Le programme de second cycle. Depuis quelques années, des étudiants tentent désespérément d'obtenir à Val-d'Or le programme de maîtrise en gestion de projet à temps partiel. Appuyée par les milieux d'affaires et la municipalité, leur demande se bute à une fin de non-recevoir des autorités universitaires. Tantôt on évoque le manque de locaux, le manque de matériel didactique et finalement le manque de ressources humaines lorsque les étudiants trouvent des solutions aux premiers refus invoqués pour un programme somme toute assez simple à organiser puisqu'il est à temps partiel. Cette expression de mauvaise volonté est manifeste, car le programme se donne à Rouyn sans qu'aucune pression du milieu n'ait été rendue nécessaire. Les étudiants valdoriens ont pourtant fait preuve d'une persévérance assez unique dans les annales de l'UQAT.

Le recrutement. Le recrutement de nouveaux étudiants est rendu difficile par le fait que les nouveaux inscrits auront parfois à se rendre au campus central pour recevoir les cours que le centre universitaire valdorien est incapable de donner. À cet élément de taille, s'ajoute le fait que pour plusieurs il est frustrant de ne pas être persuadé de terminer le programme dans les délais normalement prévus. Ces difficultés ont un effet démobilisateur sur le recrutement. Nul doute que lorsque ces difficultés seront aplanies les efforts de recrutement porteront davantage leurs fruits.

L'agent de liaison. Ce poste important en ce qui concerne le recrutement de la

clientèle universitaire est occupé à temps partiel, chez nous, à Val-d'Or. Or, le rôle de l'agent de liaison est d'assurer la promotion de l'UQAT dans le milieu et de susciter l'inscription de nouveaux étudiants. Comme Val-d'Or est un milieu faiblement scolarisé dans son ensemble, la permanence d'un tel poste est rendu nécessaire. L'agent de liaison, en plus de faire connaître l'UQAT, doit faire des efforts supplémentaires pour solliciter la clientèle potentielle et parfaire sa formation universitaire.

La politique de gestion des groupes-cours. Cette politique demeure la principale cause du non-respect des échéanciers normaux de fin de programme. Ces quotas, quant au nombre d'étudiants admis, varient entre 20 et 30 étudiants par cours alors qu'un minimum de 30 étudiants est requis pour ouvrir un nouveau programme. Or, dans certains programmes, compte tenu de la faible scolarisation générale de notre région et de la taille de notre population, ces quotas sont exagérés. Inutile de préciser qu'ils ont pour effet de mettre un frein à l'inscription.

Les politiques de subventions. Les critères gouvernementaux de subventions per capita entraînent inévitablement l'implantation de quotas élevés d'étudiants qui ont pour effet d'empêcher la prestation de certains programmes. Subventionner l'UQAT sur cette base limite l'accessibilité, défavorise la prestation de nouveaux programmes dans les sous-centres. De plus, comme la subvention per capita est proportionnellement plus élevée pour des étudiants à temps plein, cela défavorise encore les sous-centres dont les principales activités d'enseignement sont à temps partiel. Il s'impose de revoir l'ensemble des politiques de subvention universitaire afin de les adapter à ta mission de base de l'université régionale qui est d'assurer l'enseignement là où se trouvent les étudiants. Par exemple, il serait intéressant d'en arriver à un système identique à celui qui existe en Ontario où l'université régionale touche une subvention pour les étudiants manquants. Cette formule s'applique notamment à l'Université Lakehead, à Thunder Bay, où un programme peut quand même se donner avec huit inscriptions seulement.

Le sous-financement chronique du réseau. II est de notoriété publique de considérer l'UQAT comme le parent pauvre du réseau de l'Université du Québec. De par sa situation géographique particulière qui fait de l'UQAT un réseau à l'intérieur du réseau, l'équilibre budgétaire est impossible à réaliser si on persiste à imposer les paramètres actuels, à moins, bien sûr, de couper dans la distribution de programmes. Nous craignons sérieusement cette alternative qui inviterait les autorités régionales à reconcentrer toutes les activités d'enseignement au campus central. Un tel événement viendrait réduire à néant nos quinze années d'effort consacrées au développement de notre institution locale. Mais il viendrait surtout abolir la raison d'être de l'université qui a obtenu ses lettres patentes parce qu'elle avait une mission d'enseignement décentralisé, que cette mission était originale et qu'elle était solidement appuyée par le milieu. D'autre part, sur le plan régional, cela signifierait la disparition de 40 % des activités de l'enseignement du réseau. Nous ne tenons pas à reprendre ici l'argumentation touchant le sous-financement déployé par l'UQAT auprès de cette commission parlementaire. Elle parle par elle-même, et nous sommes à même de le reconnaître. Nous précisons toutefois qu'il nous apparaît inadmissible d'utiliser la même base de calcul pour l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue que celle d'une université établie dans un grand centre. Toutes deux ne vivent pas la même réalité. Par ailleurs, il faut rappeler la conjoncture économique difficile qui a entouré la récente création de l'UQAT.

Les tendances déficitaires du réseau régional se maintiendront à la hausse tant qu'un redressement de sa base budgétaire ne sera pas établi en tenant compte des coûts reliés à l'éloignement, à la dispersion, à la taille de l'établissement, à la recherche, à la mission régionale et aux principes de la justice distributive. En effet, tant du côté collégial qu'universitaire, l'Abitibi-Témiscamingue est au Québec un parent pauvre quant aux dépenses per capita effectuées par le ministère de l'Éducation. Le tableau de la page 18, surtout le tableau au bas de la page, démontre les dépenses per capita par région pour les services d'enseignement supérieur. Elles sont de 39 $ pour la région de l'Abitibi-Témiscamîngue, de 79 $ pour la région de Trois-Rivières, de 68 $ pour Rimouski, de 81 $ pour le Saguenay—Lac-Saint-Jean. C'est donc une différence très marquée.

Néanmoins, notre municipalité ne peut pas courir le risque de reculer une fois de plus au chapitre des services éducatifs, qu'ils soient d'ordre collégial ou universitaire. Les faits énoncés plus haut démontrent hors de tout doute que nous en sommes au stade de rattrapage et encore loin de nos rêves de développement et d'expansion dans ce domaine. Quand pourrons-nous penser à des axes de développement dans le secteur de l'éducation postsecondaire, alors que les maisons d'enseignement et le gouvernement nous maintiennent en sous-développement sur le plan des services éducatifs et autres?

Nous nous inscrivons en faux devant toutes les tentatives qui auraient pour effet d'abolir la mission régionale de l'UQAT. Nous déplorons plus particulièrement la position

"colonisatrice" du Conseil des universités qui remet en question ce principe intrinsèque de notre université en déclarant dans le mémoire qu'elle a soumis à votre commission * et j'en cite seulement un petit paragraphe lorsqu'il se posait la question: Quel rôle les universités régionales peuvent-elles jouer utilement dans la recherche? Les grandes universités, quelles recherches ont-elles faites dans nos régions depuis leur naissance? Se sont-elles penchées longtemps sur nos problèmes de sous-scolarisation? Ont-elles fait certaines recherches concernant nos services de santé en régions? Ont-elles fait beaucoup de recherches en forêt: Comment faire pousser nos épinettes plus vite et plus grosses? On fait des recherches ici à Québec avec les épinettes de l'Abitibi, mais lorsqu'on les ramène en Abitibi elles poussent tout croches. Est-ce qu'on a déjà fait des recherches en mécanique des roches dans notre région minière? Peut-être que nos coûts de développement minier seraient encore moindres si on avait fait des recherches en mécanique des roches sur place depuis 25 ou 30 ans. Est-ce qu'on a déjà fait de la recherche en agriculture nordique au Québec?

On s'est pris en main assez souvent. Je vous cite très rapidement... La ville de Val-D'or, dans l'enseignement post-secondaire, collégial et universitaire, depuis quelques années, a dépensé au moins 50 000 $ pour essayer de se sortir elle-même du trou de notre sous-scolarisation en payant des recherches aux universités. Le3 universités n'ont pas fait de recherches chez nous. Ce sont nous qui les avons engagées. Dans le moment, on les engage encore pour toutes sortes d'autres recherches. À défaut que quelqu'un joue le rôle, la ville de Val D'or le joue elle-même. On fait de la recherche et on a fait un peu de recherche ou des études, devrais-je dire, sur la qualité de notre forêt et la quantité de notre forêt. Il n'y a personne qui est capable de nous dire d'une manière sûre la quantité disponible de - forêt qui nous entoure.

La mission universitaire. Notre municipalité considère également que la définition de nouveaux paramètres budgétaires doit, chez nous plus qu'ailleurs, se rattacher à la réalité propre de notre milieu et aux orientations éducatives qu'elle entend prôner.

Je vous amène à la conclusion, à la page 21. Pour notre communauté, les activités d'enseignement postsecondaire sont interreliées. Elles font partie d'une même problématique. Leur effet de rétention chez les jeunes, dans notre milieu en plein essor social et économique basé sur les richesses naturelles, est indiscutable. À long terme, cela représente également un attrait non négligeable au niveau du maintien des compétences dans une région considérée par tous, et sur tout, avec des statistiques à l'appui, comme sous-scolarisée.

La région valdorienne est reconnue pour son sens de l'entrepreneurship. Elle a démontré à plusieurs reprises sa capacité de se prendre en main. Toutefois, notre développement et la poursuite de ces efforts ont besoin d'être appuyés par de la formation postsecondaire de qualité. L'accessibilité aux services d'enseignement de ce niveau est essentielle à notre survie. Notre développement socio-économique passe nécessairement par le règlement de cette problématique d'ensemble. À cela s'ajoute une étude sur la prestation et l'implantation de services d'enseignement collégial à Val-d'Or qui démontre la nécessité d'offrir des services d'enseignement de ce niveau a notre population. Un comité cégep travaille actuellement d'arrache-pied pour dater notre communauté de services adéquats qui, à notre avis, ne peuvent nous être fournis que par un deuxième cégep autonome en Abitibi-Témiscamingue situé à Val-d'Or. Notre population ne peut se passer longtemps de la présence de services d'enseignement collégial et universitaire sans que sa survie même ne soit compromise à long terme et que son développement, en tout cas, ne se fasse par la volonté et les besoins des autres dont l'objectif primordial, on le devine aisément, est d'assurer d'abord leur propre développement. Cette vérité se vérifie également à l'intérieur de notre région où les services d'enseignement postsecondaire sont concentrés dans une même ville. En somme, il est reconnu de tous que l'Abitibi-Témiscamingue est le parent pauvre au Québec en ce qui a trait à l'enseignement postsecondaire.

Vous venez d'apprendre, si ce n'est déjà fait, que la région de Val-d'Or, la MRC de la Vallée-de-l'Or, première agglomération en importance de la région, est le parent pauvre de cette même région. C'est pourquoi nous avons suivi fidèlement les travaux de votre commission, tout comme nous persévérerons à défendre notre droit à un enseignement postsecondaire complet et disponible.

M. le Président, madame, messieurs, membres de la commission, merci. Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le maire, je vous remercie. Avant de reconnaître le ministre, nos règlements m'obligent à demander le consentement des deux partis pour dépasser 22 heures, sinon on sera obligé de suspendre. Est-ce que j'ai le consentement? Accordé. Il est 22 heures. (22 heures)

M. Ryan: M. le Président, ce sera pour un quart d'heure, avec votre permission, parce que nous avons de nombreux textes à lire pour demain. Je pense que vous

comprenez que nous avons des journées très chargées et qu'il faut être raisonnables.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va. À 22 heures 15, j'inviterai Mme la députée de Chicoutimi à conclure, suivie du ministre. M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Je voudrais tout d'abord signaler l'intérêt des propositions qui nous ont été présentées par les porte-parole de l'association des commissions scolaires. On a écouté avec beaucoup de plaisir ce qu'avait à nous dire M. Le Régent. Je voudrais tout d'abord me réjouir de l'intérêt que les commissions scolaires de la région portent à l'enseignement postsecondaire. Je sais que votre intérêt pour l'enseignement de niveau collégial existe. Il a été établi à maintes reprises. Je suis content également de l'intérêt que vous portez au développement de l'université. Si mes souvenirs sont bons, M. Le Régent, vous faisiez partie du conseil d'administration aussi. Je pense que cet intérêt de chaque secteur pour les autres secteurs, de chaque niveau pour les autres niveaux est un élément qui doit être souligné.

Votre intervention a porté surtout sur la proposition que vous vouliez faire sur une meilleure utilisation financière et fiscale des congés sabbatiques dont jouissent les professeurs d'université. C'est une proposition complexe que vous avez déposée et que nous allons faire étudier de manière systématique par le ministère des Finances. Nous verrons, de notre côté, comment elle pourrait être aménagée. II y a toutes sortes d'aménagements possibles dans les perspectives que vous avez évoquées dans votre solution. Je vous remercie beaucoup. C'est une des propositions originales dont nous avons été saisis au cours des dernières semaines. Je veux vous assurer qu'elle sera étudiée avec beaucoup d'intérêt.

Il faudrait évidemment que nous vérifiions un certain nombre de choses. Est-ce que ces congés sabbatiques font partie des conventions collectives? S'ils sont inscrits dans les conventions collectives, ce sera une tâche plus difficile parce que cela fait partie de ce qu'on appelle les droits acquis. On ne peut guère y toucher sans avoir le consentement des intéressés ou en avoir au moins discuté sérieusement avec eux. Nous examinerons la proposition avec intérêt. C'est une des formes d'intervention à incidence fiscale qui a un intérêt très direct avec le sujet que nous étudions. Je vous en remercie.

Quant à l'existence dans la région d'un comité de concertation pour l'éducation regroupant les représentants de tous les niveaux, je pense que c'est très intéressant. Il me semble que c'est une initiative qui gagnerait à être mise en oeuvre dans toutes les régions du Québec. Je pense qu'on a déjà d'autres expériences du genre qui produisent d'excellents résultats. À ce point de vue là, vous êtes parmi les régions qui battez la marche. Cela vaut de le signaler.

M. le maire, vous nous avez parlé de problèmes familiers du côté de Val-d'Or. Nous avons déjà été saisis de ces problèmes en ce qui touche le niveau collégial ces derniers temps, vous le savez très bien. Votre député, M. Savoie, qui nous a priés d'excuser son absence aujourd'hui, m'a parlé à maintes reprises des aspirations de Val-d'Or en matière d'enseignement collégial et universitaire. Comme vous le savez, nous avons mis sur pied une équipe d'étude, un comité de travail composé de trois personnes qui est chargé d'examiner les problèmes de la région au point de vue de l'enseignement collégial, en consultation avec les intéressés de chaque milieu. Inutile de vous dire que les travaux que fera ce comité nous seront très utiles pour examiner les problèmes sur le plan universitaire aussi. Nous sommes bien conscients qu'il existe plusieurs pôles d'attraction dans la région de l'Abitibi et que chaque pôle aspire à sa part de services en matière d'enseignement postsecondaire.

Il y a les coûts que nous devons considérer; je Pai mentionné tantôt, nous ne pouvons pas nous lancer tous azimuts. À cet égard, je rappelle un chiffre que j'ai mentionné tantôt. Je disais qu'une subvention moyenne par étudiant - équivalence temps complet - dans votre université est supérieure à la moyenne pour l'ensemble du Québec, déjà. Mais, si je faisais une comparaison avec une université du même type, si je prenais, par exemple, l'Université du Québec à Montréal ou l'Université Concordia qui ont des disciplines un peu semblables à celles qui sont enseignées à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, le rapport est beaucoup plus fort. La subvention moyenne, à l'Université Concordia, pour l'année 1985-1986 encore une fois, était d'environ 5000 $ et, à l'UQAM, d'environ 4800 $. Je vous ai donné un montant tantôt et je pense que c'est 6900 $ pour l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Par conséquent, il y a déjà, je pense, une différence importante qui est inscrite dans les opérations que nous faisons; nous ne partons pas de zéro.

Quand vous parlez de sous-financement, évidemment, vous parlez en fonction de la population en général. Cela se comprend, c'est un argument qui se défend aussi, mais je pense que le gouvernement ne serait pas capable d'appliquer du jour au lendemain une politique qui reposerait sur ce critère. Cela veut dire que l'on a des développements à faire chez vous. C'est pour cela que j'étais bien intéressé à demander au recteur, cet après-midi, quelles sont les perspectives de croissance de la clientèle, chez vous, au

cours des prochaines années. C'est trè3 important pour nous. J'ai eu des données intéressantes et je pense que M. le recteur sera sans doute intéressé à compléter ces données par l'envoi de données peut-être plus précises qui pourront nous permettre de tracer nos plans d'avance, de manière que l'on sache. Dans deux ou trois ans, il faut prévoir que l'on aura des charges supplémentaires de ce côté. Il faut se préparer en conséquence. On va regarder cela avec vous. On va penser à l'avenir en fonction de développements qui peuvent être nécessaires.

En matière de sous-centre, M. le maire, je veux vous donner peut-être un avertissement, mais un avertissement amical, évidemment, qui n'a pas du tout un caractère négatif. Je me souviens, dans une université de la région de Montréal, on a deux pôles, l'un dans une partie de la ville et l'autre dans l'autre partie. Lorsque l'on a conclu les arrangements qui ont amené cette bipolarité, on trouvait cela formidable. On trouvait que c'était vraiment l'idéal puisque la clientèle pourrait se retrouver à deux endroits. Mais, aujourd'hui, après dix ans, on s'aperçoit que cela crée peut-être plus de problèmes que cela n'en règle, parce qu'il faut une concentration de ressources quelque part pour que la vie universitaire se développe. Ce n'est pas qu'un enseignement qu'on va porter, suivant qu'il y a une clientèle qui se réunit ici ou là. Il faut qu'il y ait un minimum de ressources réunies pour qu'on ait une vie qui puisse se développer.

Il y a déjà dix professeurs permanents qui logent au sous-centre de Val-d'Or, d'après ce que j'ai compris. On va regarder cela de près avec les autorités de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, mais il faut qu'il y ait un centre principal qui reste à un endroit; il y en a un qui a été choisi il y a plusieurs années, je pense que personne ne le remet en cause radicalement. On va voir jusqu'où peut aller le principe de complémentarité que vous évoquez, mais il n'a pas une extension indéfinie. C'est cela que je veux vous dire: il a une extension qui doit garder certaines limites, que je ne connais pas personnellement, que nous allons chercher à préciser avec vous. Et ce à quoi vous avez droit, c'est à connaître clairement et la politique de l'université et la politique du gouvernement en ces matières. On a une responsabilité à votre endroit à ce point de vue. Il faut qu'on soit capable de vous dire: Bien, là, pour les prochaines années, voici ce à quoi vous pouvez vous attendre de nous et voici pourquoi. Quand vous n'êtes pas d'accord, on discute.

Là, vous avez vécu dans une espèce de pénombre, présentant des besoins qui vous semblent très réels et ne recevant pas, d'après ce que vous dites dans votre mémoire, des réponses que vous auriez été justifiés d'attendre. On va regarder cela avec les autorités de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. On aura l'occasion d'en reparler avec vous à Val-d'Or aussi. Mais, je vous remercie d'avoir porté ces problèmes à notre attention, je pense que cela fait partie du débat que nous faisons ici. Cela nous ouvre des horizons que nous devons examiner avec attention.

Je voudrais surtout, en terminant, féliciter les autorités municipales de Val-d'Or de l'intérêt qu'elles portent au développement de l'enseignement postsecondaire» Cela, c'est formidable. Ce n'est pas dans toutes les parties du Québec que les autorisés municipales portent un intérêt comme celui que vous avez exprimé ce soir. Ce n'était pas seulement pour avoir tant de jobs à Val-d'Or et tant de sièges remplis, c'est parce que vous vous intéressez au progrès de votre population. C'est bien clair dans les développements que j'ai trouvés dans votre mémoire. Je l'apprécie au plus haut point. Je pense que c'est un bon exemple pour nos édiles municipaux. Si on avait le même appui pour l'éducation partout dans le Québec, je pense que cela marcherait encore mieux et on aurait plus de facilité à donner satisfaction au député d'Ungava.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci. Il me semble que, quand le ministre dits Vous examinez vos dépenses au prorata de votre population, vous constatez que, par exemple, au tableau que vous présentez en page 18, per capita, pour les budgets de fonctionnement dans les collèges, c'est 28,73 $ qui sont donnés dans l'Abitibi contre 57,89 $ au Saguenay—Lac-Jean. Vous faites le même exercice, évidemment, pour l'enseignement universitaire. Ce qui me frappe dans ces tableaux, c'est qu'au Québec on fait une économie importante en raison d'un sous-développement dans votre région. C'est comme cela que...

M. Ryan: Votre héritage!

Mme Blackburn: Oui, vous pouvez encore dire cela un bout de temps, mais je me dis que vous ne pourrez toujours pas le dire pendant cinq ans. Sauf que cela ne m'empêche pas, pour autant, de le constater et il est juste de le constater. Il me semble qu'il y aurait un juste retour des choses. On sait que la sous-scolarisation, ce n'est pas juste une question de sous, comme veut me le laisser entendre le ministre. C'est aussi une question de culture. C'est aussi une question d'encouragement. C'est aussi une question de soutien.

On sait que la population chez vous est

plus jeune. Elle n'a pas les mêmes traditions. Je suis d'accord avec le maire de Val-d'Or et c'est ce que j'ai reproché à d'autres universités. Il me semble que, si les universités avaient eu une conscience un peu plus large de leurs responsabilités sociales, elles auraient investi dans des études, dans des recherches qui nous auraient permis de cerner les causes de ce phénomène et elles nous auraient amené des hypothèses de solution. Ce que je me disais qu'il serait intéressant d'envisager, ce serait possiblement la constitution de fonds de recherche dans les universités pour essayer de mieux comprendre ce phénomène et essayer d'y trouver aussi des solutions.

Par ailleurs, ce que je dis par rapport à cette question, c'est qu'à cause d'un sous-développement on est obligé de reconnaître qu'avec des règles tout à fait comparables vous avez moins de retombées, moins de sous par personne, per capita. Il me semble que cela pourrait, sur cette base, justifier un ajout de ressources qui vous permettrait à la fois de mieux connaître et de mieux comprendre le phénomène et d'y trouver des solutions, en même temps que de vous donner une structure de décentralisation des activités.

Je ne le fais pas pour faire de la politique. Je le fais fondamentalement parce que je crois que le développement du Québec passe par la scolarisation. Je l'ai répété ici quasiment tous les jours, cinq fois par jour. Je me dis bien des fois qu'il s'agit de taper longtemps sur le même clou et à un moment donné, cela entre. Cela m'apparaît important; si la scolarisation coûte cher, la sous-scolarisation au Québec nous coûte extrêmement cher.

Je n'aurai pas beaucoup de questions. Cependant, je comprends le fait que vous ayez cité un des passages du mémoire du Conseil des universités. Il y a dans cette intention, dans cette orientation quelque chose d'extrêmement préoccupant. J'ai compris les régions lorsqu'elles se sont inquiétées de l'avenir de leurs universités, du développement qu'on prévoyait pour les universités, parce qu'on connaît tous, et avec raison, le respect que le ministre porte au Conseil des universités et l'attention qu'il porte aux avis issus du Conseil des universités. Si, effectivement, le ministre avait eu l'intention de réduire la mission des universités, comme le propose le paragraphe que vous citez ici dans le mémoire du Conseil des universités, cela avait quelque chose de préoccupant. Cependant, il semble bien que le ministre et je dois le reconnaître, parce que je ne suis pas ici que pour agiter des épouvantails - a pris ses distances par rapport aux orientations proposées par le Conseil des universités. Pour autant, quand on voit ses hésitations... Je comprends qu'effectivement il va me dire:

C'est votre héritage, parce qu'il n'est pas capable de passer cinq interventions sans faire une intervention partisane. Aujourd'hui, cela a été sa meilleure journée!

Des voix: Ne commencez pas! Ça va bien.

Mme Blackburn: Ce que je me dis, c'est que, finalement, ce que vous nous présentez en termes de partage des ressources éducatives entre les régions du Québec pourrait constituer un bon argument pour justifier un plus grand développement dans votre région. Je ne poserai pas de questions, parce que vous les avez posées et vous y avez assez bien répondu. Je sais que mon collègue aurait une petite question avec l'autorisation du président. (22 h 15)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur.

M. Claveau: J'avais une question pour M. Rouleau, parce que j'étais préoccupé. Dans son mémoire, il est revenu sur un aspect dont il était question aujourd'hui avec les représentants de l'université, à savoir l'accessibilité des cours, de la formation dans les zones peut-être les moins favorisées de la région. Est-ce que M. Rouleau pourrait nous préciser son point de vue là-dessus et peut-être aussi ses réactions par rapport aux coupures qui ont été effectuées par l'université dernièrement sur ces programmes?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Rouleau.

M. Rouleau: M. le député, il est bien clair dans notre esprit que, selon la mission et l'orientation de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, telles qu'elles ont été définies cet après-midi dans le mémoire de l'université, elle a un rôle à jouer dans toute la région.

J'ai été un des premiers à être déçus d'apprendre qu'éventuellement les sous-centres tels que Lebel-sur-Quévillon, Matagami et même Val-d'Or ou d'autres sous-centres, par rapport au campus de Rouyn, perdront des avantages de cours que l'on avait chez nous. Je ne sais pas si les membres de la commission peuvent se figurer l'étendue du territoire sur lequel l'Université du Québec vient chercher sa clientèle, tant les étudiants à temps régulier que ceux à temps partiel. Si jamais quelqu'un de chez nous veut suivre - là, je parle de quelqu'un qui travaille et qui veut parfaire ses connaissances ou ses études - des cours à Rouyn, il doit conduire pendant trois heures pour y aller et trois heures pour retourner s'il veut être capable de travailler le lendemain matin. Même si M. le ministre dit

que l'on ne doit pas tenir compte du facteur de l'éloignement, pour nos personnels des commissions scolaires et pour le personnel des différentes compagnies qui sont installées un peu partout et qui veulent parfaire leurs connaissances, c'est important de dire que l'on se doit de donner des services à cette partie de la population, surtout dans la mission et l'orientation que l'Université du Québec a en Abitibi-Témiscamingue.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Rouleau. Pour le mot de la fin, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: M. le maire, Mme la présidente du CRDAT, madame, messieurs, le ministre disait, et on a eu l'occasion aussi de le constater: Si dans toutes les régions du Québec on pouvait constater le même intérêt des différents groupes socio-économiques à l'endroit de leurs maisons d'enseignement, probablement que l'on ne serait pas en train d'essayer de faire du rattrapage. Cet intérêt est particulièrement marqué dans les régions. On a peu vu, et je le rappelle, de chambres de commerce, de CRD ou d'organismes socio-économiques venant de la grande région de Montréal. Québec en avait un peu déjà. Vraiment, on n'a pas senti que la population se levait pour défendre les universités, peut-être parce qu'elle les a, qu'elle y est habituée, que cela semble normal et que cela fait partie de son paysage. Ce n'est pas le cas pour les régions et j'en sais quelque chose. On a toujours l'impression que les gains que l'on fait année après année se trouvent quasiment menacés. Comme cela demeurera toujours les gains les plus fragiles, parce que toujours les derniers venus, c'est toujours ceux-là que l'on vise au moment où on est en train de parler de compressions.

Alors, de vous voir ici ce soir - je pense qu'en ce sens-là la commission parlementaire aura été utile - aura permis aux membres de la commission parlementaire qui ont une moins bonne connaissance des régions de voir ce que c'est des régions et quelle est l'importance d'une université en régions. Vous nous avez démontré également ce soir beaucoup de dynamisme. Je le rappelle: Votre population est jeune et cela paraît dans le type d'interventions que vous faites, ainsi qu'au sein de votre délégation. La population est jeune et dynamique. Quand je pense aux résultats obtenus par votre fondation, quand je pense aux études réalisées par la ville de Val-D'or - qu'on me dise qu'il y a d'autres villes qui font des études pour savoir comment on pourrait développer les services éducatifs à l'intérieur de leur mur, je n'en trouve pas beaucoup au Québec parce que cela n'a pas été la marque de commerce de beaucoup de municipalités -c'est particulier. Vous avez chez vous tout le dynamisme qu'il faut. Je pense non seule- ment aux résultats absolument exceptionnels de vos étudiants mais à leur volonté de réussir également. Ils nous expliquaient tout à l'heure, en dehors des débats plus formels, à quoi ils attribuaient leurs succès. Ils nous disaient: Faute d'avoir des professeurs qui nous encadrent tout le temps, on finit par s'organiser en "gang," on s'aide et c'est pour cela qu'on a de bons résultats. Vous avez une population qui mérite d'être encouragée. Je souhaite ardemment avec vous que le ministre trouve des solutions qui vous conviennent et qui vous permettront, peut-être quand on se reverra dans quelques années, de dire: On a fait des gains importants dans ces domaines. Je vous remercie de votre participation aux travaux de cette commission, vous qui êtes autour de la table et tous ceux qui y sont venus précédemment.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je donne maintenant la parole au ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Je réitère mes remerciements à tous les groupes de la région de l'Abitibi-Témiscamingue qui ont participé à notre démarche, en particulier aux autorités de l'université elle-même et, de manière plus immédiate, aux groupes et aux institutions qui nous ont rencontrés ce soir, plus particulièrement aux conseils régionaux de développement économique de Rouyn-Noranda et de l'Abitibi-Témiscamingue, aux représentants des commissions scolaires, aux représentants municipaux et à tous les autres organismes que nous avons entendus ce soir.

Je pense que la conversation que nous avons eue aura été éclairante de part et d'autre pour nous aider à comprendre certaines choses. J'espère que ce qu'on vous dit vous aide à comprendre certaines choses aussi. J'ai été mal compris tantôt par l'un des derniers intervenants. Je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas tenir compte du facteur de l'éloignement. J'ai dit que nous en tenons déjà compte et que, si des correctifs peuvent être apportés, nous le ferons avec grand intérêt, avec un souci du devoir qui nous incombe de le faire. Ce n'est pas une question de caprice. Nous avons l'obligation de tenir compte d'un facteur comme celui-là. Il faudra en tenir compte dans la mesure de nos possibilités et nous devrons le faire de manière à ne pas laisser à ceux qui nous succéderont un héritage comme celui que nous avons reçu. Je pense que cela leur facilitera les choses. Il n'y a rien de pire pour une société, comme pour une entreprise ou un établissement, que de commencer des choses à un certain niveau et d'être obligée d'admettre, cinq ou dix ans après, qu'elle n'est pas capable de continuer parce qu'elle n'a plus les moyens. Que d'entreprises se

sont écroulées à cause de cela. Elles étaient très bien parties. À un moment donné, elles se sont donné des objectifs trop forts pour leur potentiel véritable et elles ont été obligées de disparaître de la course. Nous, comme gouvernement, rappelez-vous ce que nous avons fait depuis 20 ans. Cela met en cause plus que le dernier gouvernement; cela met même en cause...

Mme Blackburn: Mais l'université?

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît! Mme la députée de Chicoutimi...

M. Ryan: Je la comprends, parce que...

Le Président (M. Parent, Sauvé): ...je vous ferai remarquer que, tout à l'heure, je vous ai reconnue. Maintenant, je reconnais le ministre.

M. Ryan: ...la vérité est toujours dure à assimiler, M. le Président. Je comprends très bien cette réaction.

Mme Blackburn: II y a un groupe de l'Abitibi, là.

M. Ryan: Mais nous l'avons fait comme gouvernement, pas seulement le dernier, même des gouvernements qui ont précédé. Aujourd'hui, nous sommes obligés de tenir les guides de manière un peu plus serrée, pas par caprice, pas par plaisir, mais pour permettre aux générations qui vont nous suivre de continuer, de ne pas être obligées de faire machine arrière, comme on l'a fait dans le secteur universitaire depuis dix ans sous le gouvernement précédent, et le gouvernement actuel a bien de la misère à rattraper cela. Sa première année n'est pas complètement satisfaisante, nous en convenons volontiers; nous allons essayer de faire mieux. Mais il s'agit pour nous, tous ensemble, de trouver un rythme de développement qui pourra être maintenu à travers les beaux temps et les mauvais temps qui nous attendent dans l'avenir. Il n'y a rien de pire que de partir sur une lancée et, ensuite, d'être obligé d'arrêter. C'est cela que nous voulons éviter. C'est la contribution que je veux modestement apporter au développement de notre secteur universitaire. J'espère que nous pourrons le faire ensemble et, de part et d'autre, que nous pourrons nous retrouver à un niveau d'attente qui soit convergent. Je pense que nous pourrons faire de grandes choses ensemble. Merci,

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, M. le maire. Merci à nos invités. La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à demain, alors qu'elle accueillera le Comité national des jeunes du Parti québécois. Je veux aussi remercier d'une façon toute particulière les gens de l'Abitibi d'avoir accepté de se regrouper pour aider aux travaux de la commission. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 25)

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