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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission parlementaire sur l'éducation reprend ses travaux,
ce matin, dans le cadre du mandat qui lui a été confié par
l'Assemblée nationale, le 19 juin dernier, à savoir tenir une
consultation générale sur les orientations et le cadre de
financement du réseau universitaire québécois pour les
années 1987-1988 et pour les années ultérieures. M. le
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Chevrette
(Joliette) remplace Mme Vermette (Marie-Victorin); M. Rochefort (Gouin)
remplace M. Charbonneau (Verchères).
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a
d'autres remplacements? Sinon, la commission parlementaire.,.
M. Ryan: Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. le
député de Joliette qu'on est très heureux de voir à
cette commission de l'éducation, étant donné ses
antécédents.
M. Chevrette: Je voudrais remercier le député
d'Argenteuil, lui dire que je l'écoute régulièrement
à mon bureau par le truchement du perroquet, même à la
télévision, et qu'il y a des points sur lesquels nos opinions
divergent.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Ces
préambules étant faits, nous accueillons le porte-parole officiel
de la Centrale de l'enseignement du Québec, M. Yvon Charbonneau. M.
Charbonneau, soyez le bienvenu. Je veux vous remercier, au nom des membres de
cette commission parlementaire, d'avoir accepté de venir nous rencontrer
afin de deviser avec nous sur un sujet qui nous intéresse tous:
l'orientation du réseau universitaire québécois et,
surtout, son mode de financement.
M. Charbonneau, à la suite d'ententes qui ont eu lieu entre le
secrétaire de la commission et les gens de votre centrale, il a
été décidé que la commission disposait d'environ
une heure et demie pour entendre votre groupe. Une période d'environ 15
à 18 minutes pourrait être consacrée à la
présentation de la synthèse de votre mémoire et, ensuite,
la période qui restera sera divisée à part égale
entre les deux formations politiques, de façon que nous puissions
échanger des propos avec vous et avec les gens qui vous accompagnent. Si
vous voule2 bien nous présenter les gens qui vous accompagnent et
amorcer la présentation de votre mémoire.
Centrale de l'enseignement du Québec
M- Charbonneau (Yvon): Merci, M. le Président. M. le
ministre, mesdames, messieurs, les personnes qui constituent notre
délégation sont les suivantes: à l'extrême droite de
la table, M. Gérard Guérin, de l'École polytechnique de
Montréal, vice-président de la fédération du
personnel de soutien; M. Jean-Claude Bourassa, de l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue, membre de l'exécutif de
la Fédération des professionnels des collèges et des
universités; Mme Louise Bédard, de l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue, vice-présidente de la
Fédération des professeurs et chargés de cours des
universités; à ma gauche, trois conseillera de la CEQ, MM.
Richard Langlois, Noël Saint-Pierre et Henri Laberge.
J'ai préparé une synthèse qui reprend les grands
éléments de notre mémoire qui était trop volumineux
pour être lu ici de manière intégrale. Comme c'est le
propre d'une synthèse, nous ne reprenons pas absolument tous les
éléments, mais nous pourrons y revenir dans le cadre de la
discussion, si vous le désirez.
 titre de principale organisation syndicale représentant
les personnels de toutes les catégories du système
d'enseignement, la CEQ a voulu contribuer à ce débat sur le
financement des universités tout en insistant pour ne pas séparer
ce débat du financement d'un plus large débat sur la mission
même de l'université et en tenant compte aussi du contexte
politique socio-économique que nous traversons actuellement.
Au niveau universitaire, nous représentons quatorze syndicats
présents dans dix universités ou constituantes. Comme partie
intégrante du mouvement syndical québécois, la CEQ a
à coeur la promotion des aspirations et des intérêts de la
majorité dans le débat sur les universités et a à
coeur la construction d'un système scolaire
plus démocratique.
Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte au cours de ce débat d'un
retour en force dans tous les pays industrialisés et au sein même
de certains éléments du gouvernement actuel d'une
idéologie qui préconise le désengagement du pouvoir
politique face aux problèmes sociaux, face aux problèmes
économiques. Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de pressions du
monde des affaires à l'appui de cette idéologie
néo-libérale dont la mise en application minerait les acquis
éducatifs, culturels et sociaux de la majorité et compromettrait
les intérêts collectifs du peuple québécois.
Avant donc d'aborder les questions relevant du financement proprement
dit, il nous apparaît important de définir l'université
dont le Québec a besoin pour mieux servir les intérêts de
la majorité. Pour nous, l'université est un élément
essentiel du système public de l'éducation qui se distingue des
autres éléments par le niveau de son enseignement, par son apport
propre à l'élaboration de nouveaux savoirs et par le rôle
qu'elle doit assumer dans la diffusion démocratique des savoirs.
L'Université doit donc faire de la recherche et de l'enseignement dans
une perspective démocratique. Elle doit faire en sorte que ses
recherches, aussi bien que son enseignement, soient orientés vers la
satisfaction des besoins collectifs et non pas vers la réalisation
d'intérêts privés ou des intérêts du pouvoir.
Elle doit aussi s'impliquer directement dans la promotion collective des
groupes populaires en les aidant à s'approprier collectivement les
savoirs et les habiletés qui leur permettent de prendre leur
développement en main. C'est donc dans cette perspective de promotion
collective que doit être conçue, dans le prolongement des missions
traditionnelles, la mission universitaire de services à la
collectivité.
L'université a besoin de toute la liberté
nécessaire à la réalisation d'un service public
démocratique: liberté au niveau de l'enseignement pour qu'elle
développe ses programmes en fonction de son analyse des besoins de la
société. Nous reviendrons plus loin sur ce que nous
prévoyons pour assurer que cette définition des analyses faites
par l'institution universitaire soit en correspondance avec les
intérêts ou les besoins réels du milieu où se situe
cette université.
Liberté aussi au niveau de la recherche, de telle sorte qu'elle
ne soit pas obligée, pour assurer sa survie, d'accepter des commandites
de recherche qui la mettraient davantage au service de l'entreprise
privée ou du pouvoir politique plutôt que des
intérêts collectifs.
Liberté d'intervention sociale et communautaire, de telle sorte
qu'elle ne soit pas amenée, pour des raisons d'ordre financier, à
détourner les services à la communauté de leur fonction
initiale et à les orienter vers un service auprès
d'intérêts privés.
Liberté de critique aussi, enfin, qui devrait impliquer pour
l'université la possibilité de résister victorieusement
à toute suggestion qui lui serait faite de réprimer en son sein
la liberté d'expression.
Donc, le premier axe de définition de notre position, c'est de
demander qu'au terme de ce débat, dans le prolongement de ce
débat au niveau législatif, soit établi un statut public
clair pour l'université québécoise et que soit
établi à travers le débat autour de cette loi, de sa mise
en oeuvre, le caractère démocratique et public de l'ensemble du
réseau ou des institutions universitaires et que ce caractère
public et démocratique se traduise par des mesures du même ordre
en ce qui a trait au financement des universités, en ce qui a trait
à la composition et au fonctionnement de ses instances
décisionnelles.
C'est pourquoi, entre autres mesures, nous demandons que soit
adoptée et mise en vigueur une loi sur les universités
établissant de manière indiscutable le statut public des
universités et établissant le rattachement des universités
au système public d'enseignement. Nous ne souhaitons pas pour autant que
nos universités deviennent des institutions que l'on pourrait qualifier
d'étatiques relevant directement du gouvernement, pas plus, d'ailleurs,
que nous ne souhaitons l'étatisation des commissions scolaires ou des
cégeps. Le caractère public des universités doit
impliquer, d'une part, qu'elles ne se comportent pas entre elles comme des
concurrentes et, d'autre part, que des normes régissent leur
financement, leur style de gestion, la composition de leurs instances et la
transparence de leur fonctionnement ainsi que leur indépendance face aux
entreprises privées. Nous pensons qu'une loi pourrait encadrer cette
définition, ce statut des universités.
L'université étant un élément essentiel du
système public d'éducation, nous pensons qu'elle doit relever de
la même instance ministérielle que les autres paliers du
système scolaire et à plus forte raison de la même instance
législative et gouvernementale. Nous faisons référence ici
aux interventions du fédéral en matière de financement,
d'orientation de certains programmes de recherche au niveau universitaire. Nous
pensons que l'intégration sous une même responsabilité
ministérielle de tous les paliers du système scolaire c'est
quelque chose qui pourrait ajouter à la cohérence du
système éducatif et nous permettre de discuter plus sainement de
l'ensemble des priorités selon la conjoncture à accorder aux
divers niveaux.
Nous pensons donc qu'il serait opportun de réunifier le
ministère de l'Éducation. Nous opposons au pouvoir
fédéral, qui vient conditionner son pouvoir de dépenser,
l'orientation d'un niveau du système d'enseignement au Québec et
nous demandons que, chaque fois que le gouvernement fédéral
contribue au financement de l'éducation ou de l'enseignement au Canada,
il verse au Québec, sous forme de transfert direct et inconditionnel, la
part qui doit revenir au Québec et que celle-ci soit proportionnelle
à la population et même qu'il y ait certaines mesures de
rattrapage, étant donné ce qui s'est passé ces
dernières années.
Si le ministère de l'Éducation doit conserver un
rôle de coordination générale du système
d'éducation, il nous apparaît important, par ailleurs, que le
réseau universitaire en tant que réseau et chaque institution
universitaire dispbsent d'une marge importante d'autonomie face au
gouvernement, tout en adoptant un fonctionnement démocratique et
transparent qui sied à des institutions publiques. Nous demandons que
les instances décisionnelles de chaque université soient
constituées de représentants élus des personnels et de la
communauté étudiante ainsi que de personnes représentant
la collectivité régionale et désignées notamment
par les organisations syndicales, populaires, éducatives et
socio-culturelles de la région ou de la population desservie.
Nous sommes favorables également à l'établissement
d'une formule autonome de coordination et de gestion de l'ensemble du
réseau universitaire répondant aux exigences d'un contrôle
démocratique efficace. Ceci pour bien marquer que notre proposition ne
va pas dans le sens de l'étatisation du réseau universitaire.
Si nous revendiquons l'affirmation du statut public des
universités, la démocratisation de leurs structures et
l'établissement de normes garantissant leur liberté d'action,
c'est pour mieux assurer l'orientation démocratique des services
universitaires. Pour nous, l'université n'est pas simplement un Heu
où sont dispensés des services à des individus, c'est
plutôt une institution dont toutes les activités doivent
être accomplies au profit de l'ensemble de la population. C'est pourquoi
nous formulons des recommandations quant aux champs de recherche à
privilégier et quant à certaines priorités que nous
voulons voir maintenues dans les programmes d'enseignement. C'est pourquoi nous
insistons aussi sur la mission service à la collectivité.
Nous recommandons même qu'une structure spéciale soit
prévue dans chaque université pour développer cette
mission service à la collectivité. Faire de l'université
un véritable service public implique aussi qu'on favorise une plus large
accessibilité aux études universitaires tout en maintenant la
qualité de l'enseignement et des services qui douent s'y rattacher et
qu'on prenne les moyens pour établir une plus grande
égalité en regard de l'accès aux études
supérieures entre les diverses catégories de la population. Parmi
les inégalités observées, la plus fondamentale est sans
doute celle qui tient au statut socio-économique d'origine. Celui-ci
conditionne tout le cheminement scolaire notamment quant au choix des
filières d'enseignement, général ou professionnel, et
également l'abandon des études. Il conditionne la disposition
psychologique à vouloir entreprendre des études de niveau
supérieur aussi bien que la capacité financière de les
poursuivre.
Un autre facteur d'inégalité est celui qui semble tenir
à la langue maternelle des individus. Nous estimons que malgré
les progrès réalisés au cours des dernières
années la population francophone du Québec continue à
être défavorisée en regard des études universitaires
et notamment quant à l'accès aux études à temps
complet et quant à l'accès aux études de 2e et 3e cycles.
Il y a aussi à souligner que certains groupes culturels minoritaires
connaissent encore une situation plus défavorisée, à part
la situation largement connue aussi des autochtones. Nous demandons par
conséquent qu'on étudie les moyens à prendre pour
contribuer à la réduction de ces inégalités. Il
faudra faire en sorte notamment que les francophones aient la
possibilité de poursuivre des études universitaires
avancées avec l'aide d'ouvrages de référence et de
matériel en leur langue à un prix raisonnable. Ce devrait
être là un des champs privilégiés de la
coopération avec les autres pays francophones. Dans la perspective de
favoriser au maximum l'accès aux études supérieures, nous
estimons que ce serait une grave erreur d'autoriser une hausse des frais de
scolarité. Il faut, au contraire, tendre à leur abolition
graduelle en vue de réaliser à moyen terme la gratuité
scolaire à tous les niveaux. Ce serait également une erreur,
croyons-nous, à court terme de réduire le montant des bourses et
de rendre plus difficile leur obtention. Nous souhaitons que soit
institué à moyen terme un régime de revenu minimum garanti
dans lequel les étudiants et les étudiantes devraient être
admis de façon qu'ils puissent étudier à l'abri des soucis
financiers. En attendant, nous demandons que soient rendues plus faciles les
conditions d'admissibilité aux bourses et notamment en reconnaissant aux
étudiantes et aux étudiants un statut d'autonomie à
l'égard de leur famille d'origine et en cessant de prendre en compte
pour la détermination des besoins financiers la contribution du conjoint
et les allocations familiales.
II faut encore continuer à favoriser l'accès des femmes
aux études à temps complet ainsi qu'aux études du 2e et du
3e
cycle. L'égalité pour les femmes à
l'université passe aussi par un meilleur accès aux emplois les
plus prestigieux et les plus rémunérateurs et comportant une
meilleure sécurité d'emploi. Présentement nous observons
que les femmes sont encore surtout concentrées dans les rangs
subalternes et dans les emplois précaires» Un sérieux coup
de barre doit être donné à ce niveau. C'est pourquoi nous
demandons que soient constitués dans chaque université des
comités de la condition des femmes ayant le mandat de préciser et
de promouvoir des programmes d'accès à l'égalité,
de voir à leur mise en oeuvre et de voir à en surveiller
l'application. C'est d'ailleurs toute la politique à l'égard des
personnels qui doit être revue aussi. Ce sont les personnels qui
constituent l'université en tant que service permanent. Leur râle
doit être davantage reconnu et valorisé. Nous estimons notamment
que l'accès à la permanence, en plus d'être une condition
de la liberté universitaire, comme l'a expliqué ici un autre
ministre, conditionne la qualité de vie, donne la satisfaction au
travail et la qualité du service universitaire. Voilà donc, dans
un premier temps, dessiné à grands traits le portrait de
l'université; du moins, le profil de l'université que nous
souhaitons pour le Québec d'aujourd'hui.
Le présent débat porte plus spécifiquement sur le
financement de la vie universitaire, à un moment où il est devenu
à la mode de répéter sur tous les tons que les
réseaux publics d'éducation, de santé et de services
sociaux coûtent trop cher. À partir d'une telle prémisse,
si on l'acceptait, il n'est pas étonnant qu'on envisage ou bien de
sabrer dans la qualité ou l'accessibilité, ou bien de
transférer au secteur privé, directement ou d'une manière
détournée, une partie des coûts ou des services. Nous
refusons un tel dilemme, l'une ou l'autre de ces deux approches. Non seulement
nous refusons la détérioration des services et les coupures comme
hypothèse, mais nous demandons que la qualité des services soit
améliorée et l'accessibilité aussi.
Somme toute, et c'est le deuxième axe de notre intervention, nous
croyons en l'importance d'assurer à l'université un financement
public qui protège la liberté universitaire, qui favorise le
développement des services universitaires et qui soit basé sur
une répartition équitable des fonds publics et de l'effort
fiscal, ainsi que sur une gestion financière transparente.
Nous sommes donc opposés à toute forme de privatisation
plus ou moins déguisée du service universitaire par le biais
d'une nouvelle formule de financement qu'on pourrait imaginer en certains
milieux, qu'il s'agisse de tarification aux usagères et usagers,
d'appels aux souscriptions volontaires des entreprises pour le financement de
certains services ou, encore, de recours aux commandites privées pour
certaines opérations. Forcément, dans des modèles comme
cela, il y a des universités qui se développeraient et d'autres
qui ne se développeraient pas.
Nous n'acceptons pas la prémisse évoquée plus haut,
à savoir que les services universitaires coûtent trop cher
à la société québécoise. Nous disons, au
contraire, que la société québécoise n'a pas
vraiment (es moyens de perdre les acquis du dernier quart de siècle et
de ne pas continuer à investir dans les services de qualité pour
préparer son avenir. Nous contestons les allégations voulant que
le déficit budgétaire de l'État québécois
soit faramineux. Il faut regarder l'évolution du déficit en
rapport avec l'évolution du produit intérieur brut, et le poids
du déficit est moindre maintenant, à cet égard, qu'il ne
l'a été ces dernières années. Nous contestons le
fait que notre dette publique soit proportionnellement plus
élevée que celle des États ayant une économie
comparable ou, encore, que la fiscalité québécoise soit
une des plus lourdes du monde occidental. On n'a qu'à voir certaines
données comparatives établies avec des pays de l'OCDE. Nous
produisons ces chiffres aux pages 55 et suivantes de notre mémoire. Ces
chiffres ne sont pas de nous, ils sont de notoriété.
Loin de nous l'idée de prétendre qu'il ne faut pas
prêter beaucoup d'attention aux débats sur l'état des
finances publiques. Mais, au lieu de s'attaquer, ce faisant, à la
qualité des services et à leur accessibilité ou de
s'attaquer au caractère public des services, on devrait regarder plus
attentivement du côté des exemptions fiscales consenties aux
entreprises dans les vingt dernières années, du côté
de la progressivité du dispositif fiscal d'ensemble et du
côté des abris fiscaux. Nous invitons le gouvernement à
entreprendre au plus tôt une réforme en profondeur de la
fiscalité québécoise qui pourrait dégager des
centaines de millions et qui pourrait être basée sur une plus
grande progressivité à l'intérieur de l'ensemble du
système fiscal, de manière à augmenter la part des
entreprises dans les recettes fiscales de PÉtat et à
réduire, de façon importante, l'ampleur des abris fiscaux. Cela
devrait permettre à l'État, sans couper aucun autre service
essentiel, d'injecter les montants nécessaires au redressement de la
situation financière des universités et d'assurer, à
l'avenir, un financement plus adéquat des activités
universitaires. Je pense qu'il y aurait plus d'argent facile à trouver
de ce côté que d'aller dans la poche des étudiants des
universités.
Si nous nous opposons à ce que le financement des
universités repose, même en partie, sur des contributions
discrétionnaires des entreprises, ce n'est pas à dire que
nous
estimons que les entreprises contribuent déjà assez au
financement des universités ou qu'elles n'ont pas de
responsabilités à cet égard. Au contraire, nous voulons
que la contribution des entreprises soit plus grande, mais à
l'intérieur d'un financement d'ordre public - et non pas d'un
système de philanthropie ou de mécénat - et
distribuée équitablement, selon des priorités
définies collectivement et d'une manière publique à
l'intérieur du réseau universitaire. Il en va de la
liberté universitaire et de l'équité. Nous demandons que
les contributions privées au financement des universités, s'il
doit y en avoir, soient réglementées dans cette perspective
d'équité et de liberté.
En concluant, M. le Président, j'ajouterai ceci. Cette
synthèse a voulu insister sur la présentation de notre vision de
la mission de l'université, car, quand il est question de financement
d'un service public, il n'est que normal que nous discutions en même
temps du produit de ce service ou de l'institution qui rend ce service. (10 h
30)
À ce titre, nous vous avons dit essentiellement notre attachement
au caractère démocratique et public de l'institution
universitaire qui, à notre avis, devrait être
considérée comme un véritable service public, comme un
véritable outil de notre développement collectif et de la
promotion socio-économique et socioculturelle des
Québécois et des Québécoises, donc un service
public à financer.
Nous pensons que cette conception de l'université, service public
et démocratique, doit se traduire dans les divers champs
d'activité de l'université: enseignement - et un enseignement se
situant dans la perspective d'une formation continue a assurer à des
catégories croissantes de nos concitoyens et concitoyennes -
activités de recherche et activités de service à la
collectivité. Nous pensons que cette conception de l'université
doit se traduire par les mécanismes de coordination et de gestion de
l'université ou de ce que j'appellerais ici le réseau
universitaire. Il faut cesser de concevoir l'université comme une
série d'établissements ou de maisons en concurrence les unes avec
les autres. Il faut les concevoir en complémentarité à
l'intérieur d'un vaste réseau. Également, cette
transparence démocratique devrait se refléter au niveau des liens
avec le gouvernement par le biais d'une meilleure intégration de
l'université dans l'ensemble du réseau scolaire ou
éducatif.
Cette conception doit se refléter aussi par le financement. Il y
a des positions à prendre plus fermes à l'égard du
fédéral et il y a des clarifications à apporter pour ce
qui est des sources privées de financement de manière que ces
sommes, s'il doit y en avoir, encore une fois, soient réparties
équitablement. De toute manière, il faut que le financement soit
sous un contrôle public beaucoup plus limpide.
Cette conception doit se traduire dans la vie quotidienne de
l'université par une place davantage reconnue aux personnels qui font,
avec la communauté étudiante, l'université. Ces
personnels, ce sont le personnel de l'enseignement, le personnel de recherche
et on sait qu'il y a une bonne partie de l'enseignement qui se donne par le
personnel qui a un statut de chargé de cours, le personnel professionnel
et le personnel de soutien. Il faut prévoir des mécanismes
assurant une meilleure participation, une meilleure implication des personnels
au niveau de l'université ainsi qu'une meilleure participation des
organisations syndicales qui représentent ces personnels. Une meilleure
place doit être aussi faite aux étudiants et à leurs
organisations.
Enfin, nous croyons que cette conception va se refléter par un
consensus réaffirmé autour de l'objectif de
l'accessibilité, doublé d'un sous-objectif -j'espère
temporaire celui-là - de rattrapage à faire en milieu
universitaire. Je pense à la situation des femmes, des francophones, des
régions périphériques et à certaines
minorités, et je pense, en particulier, à ce qui a trait à
l'accès aux études à temps complet et aux études au
niveau des 2e et 3e cycles.
Aussi, souhaitons-nous, M. le Président, qu'au terme de ce
débat le gouvernement énonce clairement ses orientations en
matière de politique universitaire: la mission des universités
les conditions pour bâtir un plan de développement des
universités, le programme particulier au chapitre de
l'accessibilité à l'université, les mesures pour assurer
une meilleure coordination et une gestion plus démocratique des
universités prises comme réseau d'un grand service public et
également, bien sûr, le plan de redressement qui s'impose en
matière de financement.
Nous pensons aussi qu'il devrait y avoir un temps de réaction
prévu pour que des organisations comme celles qui ont participé
à ce débat à cette commission puissent réagir
également et apporter leurs observations à l'énoncé
de politique que nous souhaitons de la part du ministre concerné. Parce
que nous luttons pour le développement économique, social et
culturel le plus large et le plus équilibré de la majorité
au Québec, dans toutes les régions du Québec, nous
souhaitons que cette politique universitaire vienne renforcer les
possibilités de plein développement de tous et chacun. Un
sérieux redressement s'impose à ce niveau, comme à
d'autres niveaux du système de l'éducation. L'éducation
est un volet essentiel de toute stratégie économique
articulée. La formation de la main-d'oeuvre
hautement qualifiée, la formation du personnel de recherche sont
des atouts indispensables de notre avenir. Lésiner là-dessus,
c'est reculer. Ces dépenses sont des investissements et non pas de la
consommation courante.
Nous voulons, en terminant, féliciter le ministre d'avoir permis
ce vaste débat public sur l'université, son financement, mais
aussi ses orientations et également féliciter la commission
parlementaire d'avoir favorisé l'expression de beaucoup de points de vue
en cette matière. Nous avons aussi noté, puisque nous sommes dans
le dernier tiers ou le dernier quart des présences en commission
parlementaire, qu'il se dégage un large consensus autour du besoin de
relancer le développement des universités au Québec et
nous espérons que la conclusion des travaux de la commission ira dans le
même sens.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
président, de votre exposé. Je vais vous informer des
règles de procédure, parce que la commission a établi un
plan de travail. Le temps est séparé en parts égales entre
les deux formations politiques. Il reste environ 55 minutes, disons qu'il reste
une heure; alors, 30 minutes à chacun des partis politiques. Je vous
avise immédiatement que j'ai six demandes d'intervention. La
liberté de gérer le temps est laissée aux
différents partis. Je reconnais maintenant le ministre de
l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue à M. Charbonneau et à l'équipe de
dirigeants de la CEQ qui l'accompagne. Je me réjouis de constater que
nous pouvons discuter avec la CEQ de problèmes qui touchent
l'éducation, non seulement aux niveaux primaire et secondaire, mais
également à tous les autres niveaux d'enseignement. C'est d'abord
l'expression d'un intérêt authentique, je pense, de la part de la
CEQ pour tout ce qui touche l'éducation et aussi, comme le dit le
mémoire, l'expression du fait que la CEQ regroupe également un
certain nombre de travailleurs dans le secteur universitaire, ce qui lui donne
une raison de plus de s'intéresser à nos travaux.
Il me fait plaisir de signaler à la délégation de
la CEQ que les travaux de la commission se sont poursuivis depuis le
début dans un esprit d'application et de sérieux remarquable. Il
y a toujours des saillies qui sont de caractère un peu plus partisan,
mais de manière très habituelle le ton des travaux a
été remarquablement consciencieux et j'espère que nous
pourrons poursuivre dans cette veine jusqu'au bout. Je pense que c'est une
contribution modeste mais réelle à l'amélioration de la
qualité de la vie parlementaire que nous essayons de faire en marchant,
comme on dit, et non pas en faisant des sermons et je ne veux pas faire
d'allusion aux périodes de questions que nous avons connues avec notre
ami, le député de Joliette, et notre ami, le député
de Gouin, qui se joignent à nous ce matin et qui sont les bienvenus
parmi nous.
Je voudrais vous signaler, M. le président de la CEQ, que du
côté ministériel les travaux de la commission ont
été suivis avec une grande assiduité par des membres
nombreux dont plusieurs émanent du milieu de l'enseignement. Il y en a
un qui est absent ce matin, malheureusement... Non, il est revenu. Le
député de Richelieu a pu se joindre à nous. Il est
dérangé souvent par les problèmes de Marine Industrie ces
temps-ci dans son comté, mais c'est un ancien enseignant, qui l'est
resté de coeur, d'ailleurs, et qui suit de très très
près les problèmes de l'éducation. Il y a le
député de Charlevoix également, le député
d'Arthabaska, le député de Rousseau. Le député de
Sherbrooke n'a pas été enseignant, mais il a oeuvré au
sein du milieu universitaire pendant de nombreuses années. Le
député de Rimouski a des états de service prolongés
dans le secteur de l'éducation. Il a une expérience
également dans le secteur privé, mais son expérience,
surtout dans le secteur de la formation professionnelle, nous est très
utile. Inutile d'ajouter que ma voisine immédiate, la
députée de Jacques-Cartier, fut présidente pendant des
années de la Commission des écoles protestantes du Grand
Montréal et que son intérêt pour les questions de
l'éducation n'a cessé de s'exprimer depuis qu'elle siège
à l'Assemblée nationale. J'ajoute l'intérêt de notre
collègue, la députée de Groulx, qui a été un
membre remarquablement assidu de la commission et qui représente ce
qu'on appelle le citoyen ordinaire dans nos rangs avec beaucoup de
vivacité.
Je me réjouis de la rencontre que nous avons ce matin.
Malheureusement, je devrai être bref. Je ne pourrai pas
«n'étendre bien longtemps sur les commentaires que j'aimerais
faire, mais je veux vous adresser deux ou trois questions, et surtout laisser
un peu de place tantôt à mes collègues enseignants qui
voudront vous interpeller à leur tour.
Je signalerai, dans le mémoire que vous avez
présenté, que du côté gouvernemental nous sommes
d'accord sur l'objectif qui vise à assurer le caractère
démocratique de notre système d'enseignement à tous les
niveaux, aux niveaux primaire et secondaire, au niveau collégial, au
niveau universitaire également. Les formes que revêtira ce
caractère démocratique sont appelées à varier d'un
niveau à l'autre. Aux niveaux primaire et secondaire, nous avons de
véritables gouvernements scolaires locaux élus par les citoyens
au suffrage universel.
Au niveau collégial, c'est une forme de gouvernement par
délégation, qui est déjà une forme de
démocratie beaucoup plus limitée mais quand même non
négligeable, et au niveau universitaire le modèle que nous avons
se rapproche beaucoup de celui que nous avons au niveau collégial,
finalement.
Nous sommes d'accord sur l'objectif qui vise à donner un
caractère démocratique à notre système
d'enseignement. Il y a trois éléments que je vaudrais signaler
à cet égard. L'objectif d'accessibilité que vous soulignez
dans votre mémoire, nous sommes d'accord sur cet objectif qui ne peut
pas être appliqué comme un absolu et vers lequel on doit tendre de
plus en plus. Je pense que ce serait mentir à la population que de
prétendre que nous pouvons l'appliquer intégralement du jour au
lendemain. Nous faisons des pas année après année. Si nous
reculons, c'est bon que vous nous le disiez également, mais je pense que
l'on s'entend sur l'objectif de la liberté qui doit exister à
l'université en matière d'enseignement et de recherche, en
matière de critique sociale. Je pense que les gouvernements qui se sont
succédé à Québec depuis un quart de siècle
ont montré qu'ils étaient capables d'accorder à
l'université une très grande marge de liberté; pas de la
lui accorder, de la lui reconnaître. Je pense que ce serait plus exact et
je pense que le gouvernement actuel a suffisamment montré, depuis qu'il
est au pouvoir, qu'il continue dans cette voie.
L'autre dimension, celle d'imputabilité, est également
traitée dans le mémoire, mais sous des aspects qui ne sont pas
nécessairement complets. On ne peut pas reconnaître un
caractère public à une grande institution comme
l'université sans en même temps exiger que la liberté dont
s'accompagne son caractère démocratique ou public soit
accompagnée, en parallèle, complétée par une
dimension d'imputabilité. Il faut qu'on ait des modalités par
lesquelles se fera régulièrement une reddition des comptes. Ce
point est peut-être traité de manière plus
incomplète dans le mémoire que vous présentez, mais c'est
un point sur lequel je pense que la société, à mesure
qu'elle va raffermir le caractère public de notre système
d'enseignement collégial et universitaire, sera appelée à
demander des comptes de manière plus complète. Je pense que
l'exercice que nous faisons en commission parlementaire est un excellent pas
dans cette direction. Nous avions beaucoup insisté, lors d'une
expérience précédente, pour que chaque
établissement ait la chance de se présenter devant la commission
parlementaire. L'expérience que nous faisons cette fois-ci indique que
nous avions raison et que c'était très important d'entendre
chaque établissement parce que, aussi longtemps qu'on en reste à
la contribution des porte- parole généraux qui interviennent au
niveau national, c'est très bien, c'est important, mais cela ne peut pas
être aussi complet que quand chaque établissement vient avec ses
porte-parole régionaux, ses associations de professeurs,
d'étudiants, d'hommes d'affaires qui viennent compléter son
témoignage. On a vécu des expériences magnifiques de ce
côté-là et j'espère que nous pourrons trouver le
moyen de continuer cette forme d'expérimentation.
Il y a bien des choses que je voudrais dire sur ces trois aspects, mais
je pense en avoir dit assez pour l'instant. Je me rends compte, en lisant votre
mémoire, que vous reconnaissez sans ambages l'existence d'un
problème aigu de sous-financement dans nos universités
québécoises. Vous dites qu'il y a urgence d'agir à ce
sujet. Vous mentionnez même que nous aurions atteint un point de crise
tel que c'en serait devenu très dangereux. Je crois qu'il y a beaucoup
de vrai dans cette affirmation. Il suffit de circuler sur le terrain pour s'en
rendre compte et j'apprécie énormément que vous l'ayez
dit.
Maintenant, je voudrais en venir à quelques questions que je vais
essayer de poser le plus rapidement possible. J'ai trois questions. J'ai un
quart d'heure en tout, y compris tout le bavardage auquel je viens de me
livrer. Si vous voulez être compréhensif, M. le président
de la CEQ, je vais essayer d'être bref dans mes questions.
Premièrement, pour qu'une université soit
démocratique, il faut évidemment qu'elle ait des instances
décisionnelles qui le soient. Vous dites dans votre mémoire qu'il
faut que les conseils d'administration ou que les instances directrices des
universités soient composées à la fois de gens de
l'intérieur représentant des professeurs, des cadres, des
administrateurs, des étudiants, etc., et de représentants, de la
communauté socio-économique. Vous n'indiquez pas de proportion.
Cela pose des problèmes. Est-ce que je pourrais vous demander où
serait la majorité, dans votre esprit? II faut bien établir les
choses clairement. Verriez-vous qu'il y ait une majorité
d'administrateurs en provenance de l'extérieur ou de l'intérieur?
(10 h 45)
M. Charbonneau (Yvon): De l'extérieur.
M. Ryan: De l'extérieur. Cela n'était pas dit
clairement dans votre mémoire. J'apprécie beaucoup cette
précision.
Deuxièmement, en matière d'imputabilité, la
suggestion la plus précise que j'ai trouvée dans votre
mémoire consiste à proposer la création d'un
mécanisme de coordination qui serait à une certaine distance du
gouvernement, qui serait en contact avec les universités, mais vous
semblez nous laisser le soin de préciser ce que cela serait. Vous
indiquez à un moment
donné que cela pourrait partir de ce que fait actuellement le
Conseil des universités. Pourriez-vous nous donner un peu plus de
précisions sur ce que pourrait être cette manière de
coordonner le travail des universités, de favoriser une concertation
plus grande et peut-être de procurer une rationalité plus
élevée dans les décisions et les développements que
l'on observe au niveau des universités?
M. Charbonneau (Yvon): D'accord. Notre conception
là-dessus, d'ailleurs, est reliée à la première
question que vous m'avez posée. Ce que nous disons pour la composition
des conseils d'université une par une devrait se traduire aussi au
niveau de la composition de l'instance de coordination et de gestion de
l'ensemble du réseau. Il devrait y avoir là aussi participation
mixte de représentants de ceux qui font la communauté
universitaire au jour le jour, étudiants et personnel, et aussi une
participation extérieure.
Maintenant, pour votre question quant à la coordination,
l'organisme en question, on pourrait, si on veut, partir de ce qu'est le
Conseil des universités, mais lui donner une vocation plus
définitive en matière de planification et de coordination...
L'important c'est de concevoir que les universités du Québec,
dans leur ensemble, forment un réseau d'établissements
complémentaires, de le faire accepter par chaque université sur
la base d'un consensus reposant sur l'analyse réelle des besoins de la
population du Québec en cette matière et de mettre en place un
organisme qui servirait de plaque tournante entre les universités une
par une et le ministère de l'Éducation, d'autre part. Plaque
tournante qui permettrait d'intégrer les besoins des différentes
composantes de la population, des différentes régions et de
développer une espèce de schéma de développement,
mettant des priorités circonstancielles sur un aspect ou sur l'autre,
définissant les normes de rattrapage pour certaines régions,
certains enseignements» certains types de recherche. Déjà
votre parti avait souligné l'intérêt qu'il y aurait pour
chaque université de soumettre à tous les trois ans un plan
triennal de développement. Nous disons: II faut aller un peu plus loin.
Oui, chaque université, mais dans le cadre d'un plan plus
général aussi qui situerait les universités comme
complémentaires les unes des autres et non pas comme rivales les unes
des autres.
À ce moment, on pourrait dégager d'une telle
planification, d'après nous, un certain nombre de sommes qui pourraient
être réinvesties du côté du rattrapage en certaines
régions et tout le reste. Cette instance de coordination pourrait
être un conseil, un office. Cela pourrait être le Conseil des
universités restructuré ou remandaté à cette fin,
mais il faut qu'à cette instance soient présents aussi les
représentants de la communauté universitaire.
M. Ryan: Juste une question sur le financement. Vous dites dans
votre mémoire qu'il faut injecter dans le système universitaire
une somme plus grande de fonds publics à la fois pour le financement du
fonctionnement des universités, pour l'aide financière aux
étudiants et pour le développement de la recherche. Je vous
signale ceci: Premièrement, d'après les statistiques dont nous
disposons, en ce qui touche les subventions proprement dites aux
universités, le Québec d'ores et déjà,
malgré les problèmes de sous-financement dont nous convenons, se
situe au-dessus de la moyenne canadienne, pour les subventions-
Deuxièmement, en ce qui touche l'aide à la recherche, le
Québec est de toutes les provinces canadiennes celle qui fournit les
ressources les plus élevées à l'heure actuelle.
Troisièmement, pour l'aide financière aux étudiants, la
contribution du Québec est à peu près 70 %
supérieure à celle de l'ensemble canadien, à la moyenne
des autres provinces canadiennes. C'est pour cela qu'il y en a qui disent:
Est-ce qu'on doit envisager d'autres sources de financement? Est-ce qu'on va
encore aller chercher directement dans le fonds consolidé du revenu? Je
vous pose la question: Nonobstant ces faits que je porte à votre
attention, est-ce que vous maintenez inconditionnellement la proposition que je
trouve dans votre mémoire de trouver du financement additionnel pour les
universités uniquement à même des subventions
gouvernementales accrues?
M. Charbonneau (Yvon): Je n'ai pas saisi exactement vos
affirmations d'introduction ou bien je lis mal le texte intitulé "Un
vigoureux coup de barre s'impose" que vous avez lu à l'ouverture de
cette commission parlementaire. Il me semblait que les chiffres que vous avez
rendus publics à ce moment indiquaient que le Québec était
plutôt derrière l'Ontario pour ce qui est des subventions
provinciales par étudiant.
M. Ryan: Oui, c'est en tenant compte des revenus qui viennent des
frais de scolarité que j'ai dit cela.
M. Charbonneau (Yvon): Oui.
M, Ryan: Mais si vous ne tenez pas compte de cette source de
revenus, les revenus qui proviennent uniquement de subventions gouvernementales
situent le Québec en haut de la moyenne canadienne à l'heure
actuelle.
M. Charbonneau (Yvon): Bon, si on veut le prendre sous cet angle
plus large, disons
le fondement de notre pensée. D'ailleurs dans notre
mémoire, c'est clair. Nous pensons que le gel, à ce moment, des
frais de scolarité équivaut à un pas de plus vers un
horizon "accès gratuit à l'université". Pour nous, c'est
dans ce sens qu'on devrait se diriger. C'est pourquoi on pense qu'il n'y a pas
lieu d'aller chercher plus d'argent étudiant par étudiant sur la
base des frais de scolarité, mais il y a lieu de chercher du
côté où il y a de l'argent de disponible, si l'on retouche
la structure fiscale et si l'on pense à d'autres formules possibles.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Je reconnais la députée de Chicoutimi, porte-parole
officielle de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et
de science. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, M.
Charbonneau. Au nom de l'Opposition, je voudrais vous souhaiter la bienvenue,
ici, à cette commission parlementaire et vous remercier d'avoir
accepté de venir nous faire part de vos réflexions en la
matière. De tout temps, je pense bien qu'on reconnaît que votre
intérêt pour l'éducation ne s'est jamais démenti et
cela s'explique certainement par votre mandat qui touche les enseignants du
Québec. Je dois dire que vous êtes parmi les groupes qu'on a
rencontrés au Québec, de façon générale,
celui qui a le plus longuement réfléchi à toute cette
question de la démocratisation de l'éducation au Québec.
Pour cette raison, je dois dire que j'apprécie particulièrement
votre présence ici. Je dois dire aussi que je me reconnais dans
plusieurs de vos recommandations.
Je ne voudrais pas faire un long exposé pour reprendre
l'essentiel de ce que vous avez dit. Je préférerais passer
immédiatement aux questions, peut-être un peu dans le prolongement
de celles que vous posait le ministre concernant le financement et les sources
de financement des universités. Vous proposez non pas vraiment une
réforme fiscale, mais une fiscalité progressive qui aurait comme
effet de hausser la participation des entreprises au financement des
universités. S'agit-il des universités de façon
générale, de façon plus particulière ou
s'agirait-il de hausser simplement le fardeau fiscal des entreprises? Vous vous
en prenez également aux effets des abris fiscaux comme mode d'incitation
au financement des universités par les entreprises. Voudriez-vous
expliciter ce point?
M. Charbonneau (Yvon): Sur un point comme sur l'autre, disons que
ce qu'il faut chercher ensemble ce sont des sources de financement qui sont,
à notre avis, inexploitées ou insuffisamment mises à
contribution. Du côté de la contribution des entreprises à
l'ensemble des services publics - disons au budget général du
Québec, ici on parle des universités, donc on dit au financement
des universités - nous pensons que cette contribution doit être
sollicitée à même une révision du régime
fiscal. Donc, cela doit être une contribution d'ordre public, puisqu'on
sait qu'il y a un mode de financement partiel des universités qui existe
dans d'autres provinces ou aux États-Unis, où un certain nombre
de grandes entreprises, de grandes corporations déboursent pour telle ou
telle université de haut calibre ou de grande renommée. Si cela
peut être bon - et encore là on peut en discuter sous certains
aspects - parce que cela amène des millions et des millions de dollars
pour telle université, qu'en est-il pour celles qui sont à 500 ou
à 2000 milles de là, si je parle à l'échelle
américaine? Qu'est-ce que cela donne d'avoir un afflux de 50 000 000 $
ou 100 000 OQO $ à l'Université de Montréal pour les gens
qui sont à Rouyn, les gens qui sont à Chicoutimi ou les gens qui
sont dans d'autres régions du Québec ou même à
Québec? Donc, oui, augmentation de l'effort fiscal de la part des
entreprises mais dirigée à l'intérieur d'un circuit public
de manière qu'on puisse, quelque part, répartir ces sommes de
manière équitable et se donner ensemble des normes, des objectifs
de rattrapage, en particulier pour certains enseignements, certains champs de
recherche ou certaines régions périphériques.
Les abris fiscaux, encore là cela s'inscrit dans notre recherche
de zones où il pourrait y avoir de l'argent qui échappe au
gouvernement et qui pourrait revenir dans le circuit public moyennant des
retouches à certains régimes. Nous ne sommes pas les premiers, et
nous ne serons pas les derniers à le dire non plus, il y a eu un essor
d'abris fiscaux depuis quelques années; il vient de s'ajouter encore les
exemptions à 500 000 $ sur le gain de capital. Déjà des
organisations importantes ont fait ressortir devant le premier ministre - nos
amis de la CSN pourront revenir là-dessus documents à l'appui, je
ne vais pas dérober leurs données, mais cela a été
rendu grandement public en avril dernier - que des centaines et des centaines
de millions de dollars, et cela n'a pas été contredit par le
premier ministre, sont dérivés, sortent du circuit public
à travers les abris fiscaux. Des abris fiscaux qui, en plus d'engendrer
une certaine forme d'iniquité ou d'être un avantage surtout pour
de hauts salariés, sont assez peu efficaces sur le plan
économique, dans certains cas. Ils ne signifient absolument rien, dans
certains cas, sur le plan économique. Je crois qu'il y a de l'argent
là, il y a plusieurs centaines de millions qui sont à la
disposition du trésor public si on veut aller les chercher; le cas
échéant, ce serait pas mal plus rapide
comme méthode de financement que d'aller chercher cela par le
biais de la hausse des frais de scolarité, étudiant par
étudiant. Hausser les frais de scolarité de 20 %, par exemple, on
dit que cela donnerait 15 000 000 $, alors qu'il ne faudrait pas regarder
longtemps du côté des dépenses fiscales obtenues par les
abris fiscaux pour aller chercher 15 000 000 $; il faudrait à peine
s'entrouvrir le coin d'un oeil.
Mme Blackburn: Mais vous savez que la tendance actuelle n'est
précisément pas dans cette direction. Je pense aux deux
premières décisions de ce gouvernement qui touchaient à la
fois le fardeau fiscal des particuliers et des hauts salariés, en
particulier, et la déduction sur les gains en capital qu'on a
relevée au niveau de 500 000 $, si je me rappelle bien; c'est
plutôt dans l'autre direction qu'on serait en train de s'en aller.
Sur la question des déficits, je dois dire que votre position m'a
un peu étonnée. Si vous permettez, je vais essayer de revoir la
page, je pense que c'est à la page 51, la recommandation 93. Ce que vous
suggérez par rapport à la récupération des
déficits, c'est qu'il y ait un budget particulier qui permette aux
universités de se donner un plan de résorption des
déficits à même une enveloppe qui leur serait consentie. Ce
qu'on a beaucoup entendu ici, c'était davantage: en vertu de quoi
devrions-nous aider les universités à résorber le
déficit? Et en vertu de quel principe pouvaient-elles s'autoriser
à avoir des dépassements? Est-ce à l'université
à fixer les niveaux des enveloppes ou si c'est à l'État,
du moment que c'est l'État qui subventionne à plus de 80 %?
C'était à ce propos que les différentes interventions
portaient: si les universités ont choisi de faire un déficit,
elles vont aussi choisir les moyens de le résorber. La façon de
le faire, c'est de redresser la base de financement pour leur permettre d'avoir
un financement adéquat, comme quoi les universités n'avaient pas
la responsabilité de déterminer le niveau de leurs enveloppes, ce
que toutes les universités n'ont pas fait, si on pense, par exemple,
à l'Université du Québec à Montréal,
à l'Université Laval ici ou aux universités du
réseau de l'UQ.
M. Charbonneau (Yvon): Là, on est en plein débat,
d'une part, sur l'imputabilité et, d'autre part, sur la nation de
réseau d'établissements complémentaires à
créer, si on le veut. (11 heures)
Le ministre lui-même a parlé de démocratie à
caractère limité pour ce qui est du niveau collégial et du
niveau universitaire. Je n'oserai deviner exactement le fond de ce que
comprend, dans la pensée du ministre, le terme "limité", mais
j'imagine que c'est très limité. Quel est le caractère
public ou le caractère de transparence que l'on peut trouver aux
administrations universitaires? Ce sont les rapports qu'elles font, et je ne
mets en doute aucun des rapports qui est fait ici. Il y a des
universités qui vous ont dit: Nous avons tenu la ligne raide, la ligne
dure et on est allé au budget, à l'équilibre, en ce qui
nous concerne. Elles disent: Avons-nous eu tort? Avons-nous eu raison? On voit
que d'autres ont eu des dépassements. Je ne vais pas trancher s'ils ont
eu tort ou s'ils ont eu raison. Ils se sont conformés à coups de
coupures et à coups de réductions de services aux normes en
vigueur. Ils ont peut-être eu aussi certaines formes d'aide
circonstancielle dans certains milieux pour arriver à boucler le
tout.
Dans d'autres universités où la tradition historique est
moindre, où le bassin d'appui au niveau communautaire est plus
réduit et où la demande pour l'enseignement sous type de
formation continue est très grande, ils ont peut-être
été obligés d'aller un peu plus loin.
Alors, si on veut regarder ça en perspective, je pense qu'il faut
regarder ça sous forme d'un réseau. On n'arrivera jamais à
régler ce problème. On va être encore en train de regarder
le même problème dans trois ou cinq ans si le financement n'est
pas conçu comme devant être un circuit en réseau des
universités. Vous allez toujours en avoir qui se débrouillent
plus à cause d'une série de facteurs historiques, conjoncturels
ou quoi que ce soit, et d'autres qui font face à des clientèles
en croissance, qui ont du rattrapage à faire sur le plan des
infrastructures de recherches ou qui ont un développement à
effectuer aux 2e et 3e cycles.
On sait ce qui arrive dans nos régions
périphériques. On va toujours être pris avec ce
problème d'inéquité et d'inégalité de
développement, à moins que l'on ne conçoive le financement
comme devant être distribué à travers un réseau.
À ce moment, si à la direction du réseau il y a un
organisme à caractère démocratique, vous aurez toutes les
justifications de parler d'imputabilité. Mais tant qu'on ne nourrit pas
le cheval, on ne peut pas lui demander de faire des sauts majestueux.
Mme Blackburn: Vous dites, par rapport aux règles
d'allocation des ressouces: Qu'on ait un financement conçu selon les
besoins et les objectifs clairement identifiés; j'en suis. Mais ce
n'était pas vraiment ma question. Les universités plus
précisément qui ont choisi d'avoir des dépassements, ce ne
sont pas les universités en régions. Ce sont les
universités Concordia, McGill, de Sherbrooke et l'Université de
Montréal. Les universités du Québec se sont
conformées au budget qui leur était donné, quitte à
avoir ce qu'on a
considéré comme un sous-développement dans certains
secteurs d'activités, particulièrement aux 2e et 3e cycles.
Donc, la question qui se posait ici et sur laquelle les gens estimaient
qu'on devait être vigilant par rapport aux modes de résorption des
déficits, c'est: Est-ce qu'il serait équitable de
récompenser ceux qui ont des dépassements?
M. Charbonneau (Yvon): Il y a deux formes de déficits. Il
y a le déficit budgétaire et le déficit dans les services.
Je comprends qu'il y en a qui, pour assurer de meilleurs services, ont fait un
déficit budgétaire et il y en a d'autres qui, pour éviter
de faire un déficit budgétaire, ont organisé des services
déficitaires dans leur région.
Donc, je crois qu'il y a lieu de regarder les deux données.
Encore une fois, ça me ramène à la notion de
réseau. On ne s'en sortira pas. Il y aura toujours des gens qui vont
essayer de se débrouiller d'une manière ou de l'autre, soit en
allant du côté du déficit, soit en pénalisant les
populations environnantes.
Également, à travers l'effort de planification et de
coordination, on pourrait en arriver à avoir des données
comptables comparables d'une université à l'autre. Je ne sais pas
si les budgets sont toujours vraiment comparables, sujet par sujet. Je crois
qu'il faudrait regarder cela. Alors, c'est dans un effort d'intégration
des établissements qu'on pourra arriver à répondre
à ces questions.
Je ne veux pas donner de prime à ceux qui ont
dépassé leur budget, mais le gouvernement a à juger s'ils
l'ont fait pour des raisons futiles ou s'ils l'ont fait pour répondre
à de véritables besoins. S'il y a une mesure
d'équité à apporter à ce moment, qu'elle soit
apportée. Je ne suis pas en mesure d'aller plus loin
là-dessus.
Mme Blackburn: Sur la question de la fiscalité, vous
dites: II faudra continuer, plutôt que de parler d'abris fiscaux,
à aller dans le sens de la fiscalité progressive. Dans ce sens,
j'aimerais avoir vos commentaires ou vos réactions à la
proposition qui est venue des jeunes de la Commission Jeunesse du Parti
québécois, qui a indiqué que plutôt que d'avoir des
frais de scolarité que vous avez à payer au moment où vous
fréquentez l'université, il serait plus équitable et plus
juste qu'on ait un impôt études de 1,5 % du revenu qui serait
payé une fois que vous êtes sur le marché du travail.
M. Charbonneau (Yvon); Nous n'avons pas fait un débat en
profondeur sur cette formule actuellement. Nous avons voulu attirer
l'attention, d'abord, du côté d'une réforme fiscale qui
répartirait mieux l'effort des différentes catégories et
qui verrait à mettre davantage à contribution, sous le mode
public, le secteur privé. Au moyen d'une réforme fiscale, une
mesure comme celle dont vous parlez pourrait être l'objet de discussions
parce qu'au fond c'est une mesure d'ordre fiscal particulière qui peut
prendre un sens plus ou moins intéressant à l'intérieur
d'une réforme fiscale d'ensemble. C'est un fait qu'on pourrait envisager
le revenu que pourra gagner tel étudiant lorsqu'il sera gradué.
On sait qu'il y a une très grande disparité de revenu entre les
champs d'activité de personnes qui peuvent détenir une
maîtrise ou un doctorat, une très grande disparité qui peut
être d'un rapport de un à cinq parfois. Eh bien, qu'on regarde cet
aspect à l'intérieur d'une réforme fiscale d'ensemble,
nous sommes prêts à faire ce débat en temps opportun.
Mme Blackburn: Une dernière question sur la réforme
du régime d'aide financière aux étudiants. Vous proposez
l'équivalent d'un revenu - c'est en page 40, si je me rappelle - annuel
garanti. Avez-vous estimé les coûts d'une proposition de cette
nature?
M. Charbonneau (Yvon): Pour mieux situer le caractère
global de cette mesure, je vais demander à notre conseiller, Richard
Langlois, de répondre.
M. Langlois (Richard): Oui, nous n'avons pas fait d'estimation
précise d'un tel programme, mais il s'agirait d'un revenu minimum
garanti pour l'ensemble de la population, étant entendu que les
étudiants et les étudiantes adultes pourraient être
bénéficiaires d'un tel programme de transfert. II faudrait voir,
pour l'ensemble, ce que cela peut coûter en incluant une participation
possible du gouvernement fédéral, un peu dans les
hypothèses qui sont soulevées tant au fédéral qu'au
provincial sur un régime universel de sécurité du revenu.
C'est dans cette optique qu'on voyait cela, mais en le rendant accessible aux
étudiants et aux étudiantes pour régler ce problème
qui est très aigu.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M.
Langlois. Je reconnais maintenant le député de Charlevoix.
M. Bradet: Merci, le Président. M. le ministre, messieurs
et mesdames de la CEQ, c'est avec un extrême plaisir, un double plaisir,
ce matin que nous recevons la CEQ. Double plaisir parce que, d'abord, depuis
tout près de trois semaines, le sang enseignant qui coule dans nos
veines fait qu'on écoute avec intérêt chacun des
intervenants qui nous parle de qualité d'enseignement, de choses
désuètes qui se passent un peu partout et de financement. Bien
sûr, j'avais hâte, je ne le vous cache pas, de rencontrer la
CEQ.
Deuxièmement, comme ex-enseignant pendant dix-huit ans, je dois
vous dire qu'il y a encore du sang d'enseignant et il y en aura toujours qui
coulera dans mes veines.
J'ai même reconnu, à ta lecture de votre mémoire, la
CEQ directement, sans le regarder du début, quand j'ai vu le nombre de
recommandations alors que la plupart des intervenants y allaient de deux,
trois, quatre, parfois dix. Quand j'en ai vu 58, je me suis senti chez moi et
c'est tout à votre honneur.
J'aimerais attirer l'attention, étant donné que je suis
d'une région qui est un trait d'union, ce qui cause un peu de
problèmes, étant trop près des grands centres et trop loin
des régions, sur la recommandation 40, à la page 91. Vous dites:
"Que l'implantation du réseau universitaire dans toutes les
régions du Québec et le développement des services
universitaires dans les régions périphériques soient
réaffirmés comme des priorités...". Ma question est la
suivante: Pourriez-vous nous dire, dans votre esprit, comment on peut implanter
et développer cela en régions prioritairement et de façon
toute particulière? Peut-être un deuxième volet:
Croyez-vous que le modèle universitaire en régions doit
s'apparenter à celui implanté dans les grands centres?
M. Charbonneau (Yvon): Je crois que nous avons ici, dans notre
délégation, au moins deux personnes qui proviennent d'une
région éloignée des grands centres,
l'Abitibi-Témiscamingue. Il me semble que ce serait une belle occasion
pour ces personnes de donner un témoignage de ce que sont les
difficultés d'accès à l'université, des
problèmes qui se posent dans certaines régions. Mme
Bédard.
Mme Bédard (Louise): Merci. J'ai l'impression que, dans
les universités périphériques des grands centres - quand
on parle de périphérie, je pense qu'on se réfère
aux endroits à l'extérieur de Montréal et de Québec
- on doit donner un apport particulier aux universités. On ne peut pas
s'attendre à donner la même forme d'enseignement que dans les
très grosses universités. II faut penser plus à des
universités qui ont une gestion souple, qui sont capables de se
déplacer, où on est capable de rejoindre les étudiants
chez eux plutôt que s'attendre que les étudiants viennent chez
nous. Cela veut dire de prévoir - ce sont des choses qui doivent
être retenues quand on parle d'universités en régions
périphériques - dans le financement même des
universités une assiette budgétaire qui permette de
prévoir ces déplacements, que ce soit plutôt
l'université qui se déplace vers ses étudiants que
l'inverse. Je pense qu'on doit faire attention aussi: lorsqu'on parle d'une
université périphérique, on s'adresse beaucoup à
une population adulte. On va vers les gens qui ont déjà un
emploi. C'est plus une formation continue. On donne beaucoup - j'ai
l'impression que c'est un peu partout au Québec - une présence
forte auprès de la population adulte de rattrapage et de
perfectionnement en cours d'emploi. C'est en même temps ce qui assure le
développement de nos régions. Enlever la présence des
universités dans les régions, cela veut dire tranquillement la
mort des régions. C'est l'université qui permet aux gens en poste
de direction partout de maintenir la qualité de la présence de
direction, autant chez les enseignants que chez les cadres des
différentes entreprises. Du fait que l'université peut être
présente chez eux, ils peuvent continuer le développement. Les
populations adultes des régions éloignées ne peuvent pas
s'absenter un an, deux ans, trois ans pour aller compléter une
maîtrise ou un doctorat; c'est impensable.
La recommandation qui serait vraiment à retenir serait de
prévoir dans les mesures budgétaires un financement relié
à la dispersion, c'est-à-dire d'être capable d'aller
partout sur le territoire et d'avoir aussi des points de services, des lieux
où les étudiants peuvent aller, dans les villes importantes, des
endroits où il peut y avoir des agents de liaison avec
l'université, un point de chute de l'université où les
gens peuvent aller s'inscrire, suivre leur chemine- ment, être
initiés à l'université, à la maison mère qui
est dans les centres plus impartants. D'autre part, dans l'assiette
budgétaire, qu'on prévoie aussi ce qu'on peut appeler le
coût de l'éloignement qui fasse que toutes les réunions
importantes de gestion, de coordination de programmes, les rencontres de
direction, les rencontres de coordination, de présence aux
différentes instances puissent être financées. Ce n'est
certainement pas dans votre région ou chez nous, en Abitibi, que les
instances provinciales se tiennent. Et même pour le perfectionnement des
professionnels, des professeurs et des chargés de cours, etc., les
déplacements représentent beaucoup de dépenses, en temps
et en argent, pour les gens qui travaillent à l'université, pour
qu'ils restent à jour avec ce qui se passe ailleurs, les centres de
décision, les centres de coordination qui sont plus dans les grands
centres, Montréal et Québec.
Il faudrait vraiment voir ce qu'il est possible de faire au
gouvernement, de prévoir une partie du financement qui permettrait aux
universités d'aller dans tes sous-centres des régions et aussi de
venir aux instances de coordination à tous les niveaux.
M. Charbonneau (Yvon): Cela peut se traduire concrètement
en regardant notre recommandation 24, en plus de la
recommandation 40, où on souhaite que les étudiants de
toutes les régions "puissent bénéficier de services
universitaires comparables, notamment de ceux qui sont dispensés par les
personnels professionnel et de soutien (consultations, secrétariat,
fournitures, bibliothèques, laboratoires, audiovisuel). Il y a des
données qui sont bien connues qui étayent ce grand besoin pour
l'ensemble des universités québécoises, mais encore
davantage pour les universités de développement jeune.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme
Bédard. Merci, M. le président. J'entends parler de la
région de l'Abitibi-Témiscamingue depuis tout à l'heure et
je profite de l'occasion pour vous dire l'intérêt du
député d'Abitibi-Ouest qui aurait aimé être avec
nous ce matin, notre collègue, l'ex-ministre de l'Éducation, qui
est retenu dans son comté, malheureusement, pour cause de
décès. J'informe aussi les membres de cette commission qu'au nom
de la commission, je fais parvenir l'expression de nos condoléances
à la famille de notre collègue, le député
d'Abitibi-Ouest. Je reconnais maintenant le député de Joliette.
(11 h 15)
M. Chevrette: Merci, M. le- Président. Tout d'abord, je
voudrais me réjouir du fait qu'il y a une discussion assez large, pas
exclusivement restreinte* au financement. Le financement est venu pratiquement
du résultat d'engagements politiques, je dirais même
électoraux. Quand on s'est mis à parler de financement, c'est au
moment où on cherchait de gros sous pour boucler au niveau des
universités. Chaque parti politique se faisait aller en campagne
électorale - on faisait partie de cela - en disant: II n'y aura pas
d'augmentation des frais de scolarité. Immédiatement à la
reprise, lors d'une minisession, il y a eu confirmation qu'il n'y aurait pas
d'augmentation des frais de scolarité. Tout cela a au moins
débouché sur une discussion assez large. Je comprends que les
jeunes doivent être dans l'attente du respect des engagements
électoraux maintenant.
Mais l'occasion que nous fournit le ministre de l'Éducation,
cependant, de discuter plus largement me réjouit parce qu'il y a des
concepts qui sont débattus et qui m'intéressent drôlement,
en particulier la notion de liberté aux universités par rapport
à une certaine forme de contingentement. Pour avoir été
ministre de la Santé, je pense, entre autres, à la formation des
étudiants en médecine. On dit qu'il y a trop de médecins
au Québec, mais, par contre, les universités voudraient voir
élargir le nombre de sièges possibles pour former des
médecins. Tout cela est lié au fait qu'on ne contrôle pas
le nombre qui entre ou le nombre d'actes que font un certain nombre de
médecins. Tu te ramasses en disant: Pouvons-nous aller vers une forme de
décontingentement "at large" si on n'est pas capables d'assurer une
répartition équitable des ressources médicales sur ce
même territoire québécois?
Cela fait allusion un peu à ce que madame disait tantôt. On
n'est pas traité équitabiement et c'est drôlement vrai.
Comment peut-on contrer cette liberté totale donnée à
l'université et s'assurer en même temps que le résultat de
la formation... Si vous demandez la gratuité totale, ce avec quoi je
suis d'accord en principe, il faut être capable de donner des services de
qualité comparable dans les régions. Si tu es en Gaspésie,
tu es en droit d'avoir un anesthésiste autant qu'un radiologiste ou
qu'un cardiologue. Pourtant, on sait très bien que la répartition
des effectifs ne se fait pas de cette façon-là.
Ne trouvez-vous pas qu'il y a une contradiction apparente entre la
notion de liberté totale de formation par rapport au résultat
concret qui crée une disparité très grande pour ces
contribuables qui sont pourtant sur un pied d'égalité?
La deuxième dimension est celle-ci: Vous parlez de permanence.
Vous reliez sans doute cela aux relations du travail; c'est tout à fait
normal, quand tu donnes accès à la syndicalisation, que tu
reconnaisses la permanence. Je ne me souviens malheureusement pas quel groupe,
mais des jeunes s'en sont pris fortement à la notion de permanence en ce
qui regarde les universités sous prétexte que ce n'était
pas relié à la motivation au travail. Vous en parlez
précisément à la page 45 de votre texte. J'aimerais vous
entendre sur ces deux points-là. Malheureusement, on n'a pas le temps
nécessaire, mais on pourrait reprendre ce genre de discussion dans
d'autres types de rencontres.
M. Charbonneau (Yvon): L'intéressant débat
liberté et contingentement, n'est-ce pas? On ne réglera jamais ce
problème coup par coup, université par université,
corporation professionnelle par corporation professionnelle. Voilà ce
que nous avons voulu au moins signifier. On n'a pas parlé pendant 20
pages sur cette question, mais on a souligné le désavantage que
pouvait apporter la planification universitaire établissement par
établissement, laquelle se fait sous les représentations des
organismes les plus influents auprès de l'université
actuellement: le monde de l'entreprise et le monde des corporations
professionnelles.
Si la planification - la définition des besoins - se faisait par
des organismes plus ouverts, plus larges, plus démocratiques, à
ce moment-là je crois que le plan qui émanerait de ces
discussions pourrait comporter quelques mesures d'incitation à du
service en
régions, en corollaire avec une libéralisation du
côté des frais de scolarité, du côté des
mesures d'accessibilité, etc. On pourrait faire un équilibre
là-dedans si le tout était soumis à une discussion
publique et dans une vision d'ensemble.
On ne dit pas qu'il faut produire trois fois plus de tels professionnels
que le besoin, mais qui évalue le besoin actuellement et pour quelle fin
fait-on du contingentement dans certaines professions? Je ne veux pas trop
ouvrir ce débat, mais il y a des organismes plus compétents que
le nôtre qui ont, quand même, affirmé, à un moment
donné, que les mesures de contingentement étaient surtout aussi
des mesures de protection du revenu pour certaines professions.
Tant que cela n'est pas soumis au jugement public, démocratique,
nous disons: Attention au contingentement. Cela peut empêcher certains
jeunes d'avoir accès à des professions où ils seraient
excellents. Regardons le tout dans un ensemble et, à ce moment, ce sont
des débats qui peuvent se faire.
Le deuxième aspect se trouve couvert par le premier. J'arrive
toujours à cette nécessité d'avoir un plan de
développement démocratiquement élaboré qui pourra
comprendre ces contraintes. Dans un plan -qui dit plan dit choix - ce qu'on
choisit laisse un peu dans l'ombre pour un certain temps ce qu'on ne met pas au
rang des priorités, bien sûr. C'est là le propre d'un plan,
mais au moins, à ce moment, cela fait l'objet d'un consensus
général. Tout le monde est au courant et tout le monde a pu
participer au débat. C'est pour cela que, tout à l'heure,
j'insistais quand M. le ministre a posé la question
d'imputabilité. Je pense bien que, dans son concept,
l'imputabilité n'est pas seulement au plan financier. C'est aussi au
plan de la qualité du produit, de la qualité du service.
Imputa-bilité, oui, à condition d'être partie prenante au
débat qui mène aux décisions, aux orientations, au plan.
Oui, nous ferons ce débat.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va? Alors, je
reconnais maintenant le député de Rousseau.
M. Chevrette: Excusez-moi. La permanence des profs?
M. Charbonneau (Yvon): Les profs. Je pense que la question est
traitée parfois par des organisations d'étudiants. Il y en a qui,
à l'intérieur du monde étudiant, parlent pour, d'autres
qui parlent contre. Je pense que la permanence, comme le disait hier le
ministre Gil Rémillard, au niveau de l'université signifie en
général une plus grande autonomie professionnelle, aller plus
loin dans sa pensée, plus loin dans ses recherches et, finalement, faire
un enseignement de meilleure qualité et également être
vraiment ce qu'est l'université, un lieu de développement
autonome, un développement qui passe parfois par la critique des
pouvoirs et tout le reste, pouvoir à l'université, pouvoir en
général, pouvoir économique.
Si les universitaires n'ont jamais accès à la permanence
ou si on réduisait ces mesures, on aurait peut-être des esclaves
du pouvoir, des gens qui servent les courants dominants, qui renforcent ce qui
a l'air d'être la parole du plus important à tel moment
donné par leur recherche, par leur enseignement. On ne veut pas des
universités comme cela. On veut des universités où les
gens qui y travaillent sont libres de le faire selon leur conscience
professionnelle.
Mme Bédard: Est-ce que je pourrais rajouter quelque chose?
C'est que, dans les universités, je pense qu'il faut être
conscient qu'il y a autour, grosso modo, de 50 % de l'enseignement qui est
quand même donné par des gens qui ne sont pas permanents. Je pense
que le problème est plutôt l'inverse. C'est que, dans les
universités, on voudrait plutôt se pencher sur la non-permanence
des gens qui donnent l'enseignement et aussi qui assurent le suivi au niveau
des recherches.
Parce qu'il y a aussi, attenant à chaque recherche, toute la
catégorie des professionnels et du personnel de soutien qui sont
souvent juste ce qu'on appelle sous octroi ou qui arrivent dans le décor
parce que la recherche est octroyée pour six mois, pour un an, pour deux
ans. Alors, ces gens restent toujours comme greffés à un projet,
mais ils ne sont pas dans l'université même. Alors, on peut dire
qu'il y a presque la moitié du personnel de l'université qui
n'est pas permanente, qui n'est pas greffée dans les structures de
décisions habituelles de l'université, qui est comme en satellite
des départements, des facultés, des modules, des corps de
recherche, sur qui on n'a pas de prise et qui n'a pas de prise, non plus, sur
le devenir des universités.
C'est cela qui est grave plutôt que la question de la permanence
qui existe dans les universités. S'il y a un endroit où il n'y a
pas de permanence, c'est bien dans les universités, somme toute.
M. Charbonneau (Yvon): Et le problème s'aggrave. C'est un
problème au niveau des chargés de cours. C'est un problème
aussi chez le personnel professionnel, le personnel de recherche et le
personnel de soutien.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais
maintenant M. le député de Rousseau.
M. Thérien: Merci, M. le Président. M.
le ministre, MM. les représentants de la Centrale de
l'enseignement du Québec, moi aussi, c'est avec fierté que
j'aimerais échanger certains propos avec vous, surtout me
considérant comme enseignant, bénéficiaire d'un
congé sans traitement qui a été longuement défendu,
comme plusieurs autres collègues d'ailleurs. Comme mon collègue
de Charlevoix, bien entendu, voyant 58 recommandations, je me retrouvais
presque dans une journée pédagogique ou dans plusieurs, vu le
nombre. Je vais surtout m'attarder à la recommandation 6 sur laquelle je
vous demanderais quelques éclaircissements. Vous désirez donc que
le gouvernement adopte "une loi sur les universités établissant
un seul réseau public d'enseignement universitaire". Je n'ai pas
à vous dire, M. Charbonneau, que cette perspective n'a pas
été soulevée beaucoup à l'intérieur des
débats ici. Jusqu'à présent, on se rend compte que cela va
un peu à l'encontre de la vision autonomiste que toutes les
universités semblent vouloir acquérir de plus en plus.
Ne croyez-vous pas que cela risque de desservir d'autres
intérêts? Les services à la collectivité ne sont-ils
pas fonction des initiatives propres à chaque université?
D'où vient le besoin d'une loi, ici, sanctionnée par le
Parlement?
M. Charbonneau (Yvon): Nous proposons une conception certainement
tout à fait nouvelle du rapport entre les universités.
Actuellement, il existe un certain nombre d'universités qu'on appelle
les universités à caractère privé, chacune ayant
son histoire. Il existe l'Université du Québec qui, elle, est
d'ordre public et reconnue comme telle. Ce que nous proposons ici, c'est de
concevoir le tout comme un seul réseau d'enseignement universitaire.
Nous pensons que la manière d'exprimer cette reconnaissance, c'est en
adoptant une loi de l'enseignement universitaire dans laquelle on situerait les
responsabilités de chaque université, parce qu'il est vrai
qu'elles ont des responsabilités spécifiques et nous sommes tout
à fait d'accord à les reconnaître et à les
développer, mais en même temps une loi qui définirait
certaines exigences du côté de la coordination, de la
concertation, de la planification et de l'imputabilité.
Tant qu'on n'aura pas cet instrument, comment allons-nous essayer
d'exercer des contrôles de coûts, de qualité et de
développement? C'est impossible. On n'a pas de prise là-dessus,
personne. Sauf votre respect, même les membres de l'Assemblée
nationale n'ont pas une prise directe là-dessus, mais une prise
très indirecte. Pourtant, ce sont des centaines de millions de dollars
des finances publiques qui sont dirigés dans ce circuit. Pour augmenter
votre emprise et l'emprise démocratique au sens large sur ces millions,
sur ces investissements, je crois qu'il faut un outil. Nous vous proposons de
vous donner un outil et de le donner au Québec aussi.
La planification dont nous parlons n'élimine pas, prévoit
la mise en place d'une instance intermédiaire, plaque tournante entre
l'État et le ministère qui le représente, le
ministère de l'Éducation, et les universités une par une.
Une instance entre les deux qui aura cette tâche, parce que nous
reconnaissons la question de l'autonomie, mais une autonomie pour faire quoi?
C'est la question qui doit suivre immédiatement. On n'est pas autonome
comme cela. On est autonome . avec des fonctions, surtout quand on
dépend des finances publiques. On est autonome pour faire des choses,
pour faire du développement équitable, etc. Il faut que le
législateur donne à la population québécoise des
instruments de vérification et de contrôle de cette autonomie et
des finalités de cette autonomie, ce qui n'existe pas suffisamment
actuellement. Voilà le sens de notre recommandation.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je
reconnaîtrai deux courtes interventions de la part de la
députée de Chicoutimi et du député d'Arthabaska.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci. Il resterait sans doute plusieurs autres
questions, mais en voici quand même une brève sur le recours
à des entreprises internes pour réaliser les travaux. La position
qu'on a entendue le plus fréquemment ici et particulièrement de
la part des étudiants, c'était de dire justement: On devrait
avoir recours davantage au faire-faire parce que cela coûte moins cher.
Ils citaient des services comme les services de la cafétéria, les
services de photocopie, un certain nombre de services de cette nature qui,
selon eux, faisaient des déficits lorsque c'était
géré par l'interne et pouvaient connaître des surplus
lorsque c'était géré, par exemple, par une
coopérative étudiante. Pour vous rafraîchir la
mémoire, c'est en page 47 de votre mémoire.
M. Charbonneau (Yvon): Oui, c'est toute la question de la
sous-traitance et du recours à du personnel autre que le personnel de
base de l'université. Je pense bien que, s'il y a un incendie dans une
université, vous avez le droit d'appeler les pompiers sans qu'ils soient
employés de l'université. (11 h 30)
Autrement dit, sous cette image, je veux faire comprendre qu'il peut y
avoir des services très spécialisés et très
ponctuels qui soient donnés à partir de l'extérieur. Nous
pensons que ce n'est pas un mode à généraliser à
tout bout de champ et c'est
cela, la tendance actuellement: découper ce qui existe
déjà et essayer de le refiler par morceaux à toutes sortes
d'entreprises. L'imputabilité et les contrôles, on les perd,
à ce moment, à travers tout ce processus. Il y a des personnels
dont la précarité a été soulignée par ma
collègue ici, mais il y a des personnels constitués. On dit:
N'allons pas du côté d'un développement qui consisterait
à laminer ces services et ces personnels et à les disperser; au
contraire, essayons de les consolider et, s'il reste quelques services
très spécialisés ou très ponctuels pour lesquels il
faut recourir à des contrats extérieurs, ma foi, c'est admis
même au niveau du gouvernement qu'un pourcentage de travail se fasse
comme cela pourvu que ce ne soit pas exagéré et que cela n'aille
pas en s'amplifiant! Nous disons à peu près la même
approche ici: Que ce ne soit pas une politique de développement du
faire-faire, que ce soit d'abord une priorité à la consolidation
des services qui sont déjà offerts et disponibles, quitte
à les améliorer par les personnels en place.
Mme Bédard: J'aimerais juste rajouter que dans les
universités, comme c'est géré là, c'est beaucoup,
quand même, décentralisé dans chacun des services. Je pense
qu'on peut plutôt voir que, si l'on donne en concession d'autres
services, cela va effectivement coûter plus cher. Si les services
étaient trop donnés en concession dans les
cafétérias - c'est pareil dans les services de photocopie, etc. -
il y a des étudiants à ce moment qui se plaindraient que la
nourriture est plus chère. Si l'on se met vraiment à traiter les
concessionnaires comme des concessionnaires et à exiger d'eux le loyer
et tout cela, les étudiants vont être perdants dans cela.
Mme Blackburn: Écoutez, c'est précisément
l'inverse que les étudiants sont venus nous démontrer. Il y a une
chose que je voudrais juste essayer de comprendre dans cela et je voudrais voir
votre position. Généralement, plus on va avoir recours au
faire-faire, plus cela a des effets réels sur les salaires qui sont
payés à ceux qui offrent le service. Je pense bien que c'est
assez clair. Que ce soit dans les universités, que ce soit ici à
l'Assemblée nationale, on n'a qu'à regarder ce qui se passe avec
le service de l'entretien ici pour conclure rapidement que ceux qui sont
embauchés pour faire l'entretien et qui viennent d'entreprises à
l'extérieur, finalement, sont payés au salaire minimum.
Mais, au-delà de cela, la question qui se pose dans les
universités et la question que posent les étudiants, c'est la
suivante: Est-ce qu'une université a comme responsabilité ou
comme tâche de gérer un certain nombre de services dont, en
particulier, le service alimentaire? Dans la mesure où cela peut se
faire faire à l'extérieur, pourquoi ne devrions-nous pas le faire
faire? Ma question serait donc la suivante: Au-delà de la consolidation
des effectifs qui sont déjà dans la boîte, est-ce qu'il y a
des services pour lesquels on estime qu'il est indispensable qu'ils soient
faits par un personnel plus permanent et plus stable à
l'intérieur de la boîte - on doit penser certainement aux
professeurs - et d'autres services, par ailleurs, qu'on pourrait plus
facilement voir assurés par le biais de la sous-traitance?
M. Charbonneau (Yvon): On n'a pas ventilé ici d'une
manière très précise toute la gamme des services qui
doivent être rendus par l'université ou qui pourraient être
donnés à contrat. Je dirai que d'une manière
générale les services qui se rapportent à la mission de
base de l'université (enseignement, recherche et services à la
collectivité) me semblent d'abord de l'ordre de l'indiscutable. Du
côté des services administratifs et de soutien, il me semble qu'il
y a une possibilité de faire donner ces services par du personnel
administratif, du personnel ouvrier et du personnel technique tel que cela
existe actuellement. Il faut veiller à accorder à ces gens des
conditions de travail - vous y avez fait référence - normales
pour ce qui se donne dans un service public. Nous soutenons qu'il n'y a pas que
les conditions de travail qui sont en cause même si c'est un volet qu'il
faut souligner et je le fais avec vous; il y a aussi, je dirai, les conditions
en termes de continuité et de qualité du service à travers
les années. Nous pensons à la constitution d'équipes
permanentes dans le plus de services possible.
Quant aux étudiants, il faut voir quelles organisations parlent.
Il y a des points de vue différents selon les organisations
d'étudiants qui se présentent devant vous sur ces questions.
Alors, je ne vais pas faire de discussion très poussée par
personne interposée avec les étudiants. Nous avons, nous aussi,
nos rencontres bilatérales avec certaines organisations. Nous savons
qu'il y a moyen de s'entendre là-dessus avec certaines organisations qui
ont une certaine approche de la question. Il me semble que cela fait un peu le
tour de la question.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
président. Je reconnais, comme dernier intervenant, le
député d'Arthabaska. M. le député.
M. Gardner: Merci, M. le Président. Je dois vous dire que
je suis content, moi aussi, de...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous êtes un
ancien enseignant, vous, je gage.
M. Gardner: Oui, M. le Président. Et je suis pris entre un
député qui a du sang d'enseignant...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Du sang bleu.
M. Gardner: ...et un autre qui est en congé sans solde; la
Croix-Rouge a besoin de bon sang. Sur le congé sans solde, si vous me
permettez une petite parenthèse, M. le Président - il me reste
encore quelques minutes - j'ai compris facilement le "sans solde", mais je n'ai
jamais compris le "congé" depuis que je suis ici.
M. le Président, plus sérieusement, j'ai une question qui
a rapport aux résolutions 27, 28, 30 et 31. Ce sont là des
résolutions qui, à mon avis, ont des incidences
financières assez fortes, si on prend la résolution 27, le
maintien du gel des frais de scolarité, la gratuité scolaire
à tous les niveaux; si on prend la résolution 28, "que la
politique en regard des frais de scolarité pour les personnes qui ne
sont pas domiciliées au Québec soit révisée" et,
surtout, qu'on aide les pays en voie de développement. La
résolution 30 va un peu plus loin: Que la part attribuée en
bourses soit augmentée, que le calcul des allocations de subsistance
soit pleinement indexé" et basé sur le salaire net effectivement
gagné. Si on va à la résolution 31, c'est le statut
d'autonomie. Je dois vous avouer que cela a des incidences assez fortes. Depuis
quelque temps, même les syndicats ne rêvent plus en couleur, vous
le savez, surtout dans la négociation actuelle. Avez-vous
évalué le coût de ces quatre résolutions? Et, si
oui, à combien?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Bonne
question!
M. Charbonneau (Yvon): C'est une question à laquelle on
pourrait trouver une réponse si on se mettait à calculer, vous et
moi, dans un comité technique; on pourrait trouver une réponse
à ces questions-là. Oui, il y a peut-être des coûts,
mais on veut que les jeunes aillent à l'université ou on ne veut
pas. Quand on dit, à la résolution 30, que les allocations de
subsistance soient indexées, il y a des gens qui habitent dans la
région de Montréal et qui peuvent se rendre à
l'université chaque jour, à Laval, etc., dans les régions,
mais, pour les autres, les frais de subsistance, c'est important. C'est
même plus lourd que les frais de scolarité, et de beaucoup. Si on
les attrape par ce biais, parce qu'ils sont dans des régions
éloignées des universités, il y a un problème
là. Il y a un problème pour les gens de Victoriaville, il y a un
problème pour les gens de Mont-Laurier, il y a un problème pour
les gens de La Sarre, il y a un problème pour les gens de beaucoup de
régions dans le Québec, n'est-ce pas? C'est pour cela qu'on le
souligne ici, c'est toujours sous l'objectif d'accessibilité et
d'équité.
On dit, à la résolution 28, de faire un effort pour ce qui
est des personnes domiciliées hors Québec, etc., les
échanges avec les pays francophones, les pays en voie de
développement. Le Québec ayant une juridiction limitée au
plan international ne peut pas se livrer à de grands programmes de
coopération et d'aide internationale, mais cela ne veut pas dire que
nous n'avons pas un certain devoir envers ce volet-là de
l'activité. Je crois que ceci est une mesure, parmi d'autres, qui peut
signifier quelques millions ou quelques dizaines de millions, je ne sais pas,
cela n'est pas très substantiel, mais ce serait une action en
matière de coopération internationale dirigée aux bons
endroits. Je crois donc que ce serait accepté par l'opinion
québécoise, si c'était expliqué sous cet
angle-là.
La recommandation 27: maintenir le gel; on en a parlé un peu tout
à l'heure. Certains ont estimé que, si on augmentait les frais de
scolarité de 20 %, cela voudrait dire 15 000 000 $. On peut savoir ce
que cela veut dire si vous les doubliez. Qu'est-ce que cela donnerait,
finalement? Cela donnerait quelques dizaines de millions de dollars, mais,
immédiatement, vous avez dit: II faudrait retoucher le système de
la proportion entre bourses et prêts. Donc, vous êtes
déjà prêts à regarder l'affaire sous l'autre angle.
Finalement, tout cela doit être regardé dans un cadre beaucoup
plus large, tel que nous l'avons suggéré, pour aller chercher de
l'argent là où il s'en cache. Il ne s'en cache pas beaucoup dans
les poches des étudiants, à ma connaissance. J'ai trois
étudiants à l'université, je les ai vérifiés
hier soir et ils étaient en demande.
M. Gardner: Remarquez que je n'ai rien contre ces
résolutions; on pourra même les étudier dans un
comité restreint si le ministre nous le permet, je pense bien. Mais la
résolution 31 va encore plus loin et vous n'en avez pas
parlé.
M. Charbonneau (Yvon): Le statut d'autonomie?
M. Gardner: Le statut d'autonomie envers la famille.
M. Charbonneau (Yvon): Les jeunes d'âge à
fréquenter les universités ont, comme règle
générale, sans exception, dû fréquenter le
cégep. Il y a environ une cinquantaine d'établissements de type
collégial au Québec, en gros. Déjà, pour une bonne
partie des jeunes qui vont au collège, il y a un besoin de quitter leur
domicile à l'âge de seize, dix-sept ou dix-huit ans. Il
faut partir de Mont-Laurier et se rendre à Hull, à
Saint-Jérôme, à Sainte-Thérèse. Il faut
partir de plusieurs endroits. Cela existe déjà pour une grande
proportion des 130 000 élèves qui sont au cégep»
Donc, l'autonomie s'acquiert à travers l'enseignement
collégial. Quand il s'agit d'aller ensuite dans les universités,
il y encore toute une migration de population, pour se rapprocher des centres
universitaires, additionnelle à l'étape qu'on a
déjà entrevue au niveau collégial; ce qui fait qu'avec le
mode de développement social que l'on connaît, d'organisation du
réseau éducatif que l'on connaît, il faut faire face
à cette réalité que les jeunes sont appelés
à se couper de leur milieu familial plus tôt que dans le
passé, lorsqu'on avait un collège classique à
portée de la main dans plusieurs petites localités qui n'ont plus
aujourd'hui accès à l'enseignement collégial.
D'autre part, il faut tenir compte de la réalité des
familles, du tissu familial et social que nous connaissons actuellement. Il y a
beaucoup de jeunes qui sont appelés à "s'autonomiser" très
tôt. Il faut tenir compte de ce phénomène, je crois, et
évaluer leur situation comme telle.
Le Président (M.
Parent, Sauvé): Merci, M.
le président. J'invite maintenant la députée de Chicoutimi
à conclure au nom de sa formation politique.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
président, mesdames et messieurs, je dois dire que votre mémoire
nous interpelle beaucoup. En particulier, le souci que vous avez eu
d'élargir le débat, pour dépasser largement la question du
financement exclusivement m'apparaît fort pertinent.
Je déplorais, à l'ouverture de cette commission, que
l'accent ait été mis presque exclusivement, du moins sur le plan
de l'information, sur le financement des universités. Parler du
financement des universités sans avoir, au départ, revu nos
objectifs, nos priorités, sans nous être clairement
prononcés sur les règles d'accessibilité, les objectifs
d'accessibilité, de scolarisation au Québec, m'amenait à
m'interroger beaucoup sur les objectifs finals de la démarche.
Définir un niveau d'enveloppe pertinent pour réaliser un
objectif sans connaître l'objectif, c'est un peu comme aller faire son
épicerie sans savoir combien vous aurez d'invités à table.
Il me semble qu'on prend le débat à l'envers.
Par rapport aux questions que vous posez, plusieurs restent sans
réponses. Vous interpellez le ministre de l'Éducation, lui
demandant d'exiger que les transferts de fonds fédéraux
destinés à l'enseignement supérieur et à la
recherche soient inconditionnels, c'est-à-dire qu'ils n'aient pas comme
effet d'orienter l'enseignement supérieur au Québec. On ne
connaît pas, de façon officielle, la position du ministre
là-dessus.
Sur une autre question également, vous réclamez comme
étant source de qualité de l'enseignement l'accès à
des manuels de langue française ou à des ouvrages scientifiques
de langue française. J'aimerais vous dire qu'il y avait un petit
programme d'aide à l'édition scientifique en français qui
était géré par le FCAR et qui a été aboli,
qui est réduit à zéro cette année. II était
relativement modeste, il faut le reconnaître, mais c'était un
début et on sait que le programme a été aboli.
Alors, c'est un certain nombre de mesures qui, prises
séparément, peuvent sembler relativement mineures, mais qui, vues
dans leur ensemble, nous laissent voir qu'il n'y a pas de perspective
d'ensemble* dans le développement de l'enseignement supérieur au
Québec aujourd'hui.
Je trouve que, si les travaux de cette commission et vos interventions
nous permettaient de faire le point sur ces questions de manière qu'on
puisse savoir sur quoi on porte un jugement lorsqu'on demande un niveau
d'enveloppe qui permette de réaliser des objectifs, ça serait un
moindre mal.
La suggestion que vous faites qu'on se donne effectivement au
Québec une politique des universités, de l'enseignement
universitaire, je la trouve fort intéressante. C'est peut-être,
avec les résultats des travaux de cette commission , une
réflexion qu'on pourrait prolonger à l'occasion d'un autre
débat qui, souhaitons-le, viendra dans les prochains mois, sinon dans
les prochaines années. Je vous remercie, au nom de ma formation
politique, de votre participation aux travaux de cette commission. (11 h
45)
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais
maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais
également remercier la Centrale de l'enseignement du Québec de
son apport à notre recherche commune. La Centrale de l'enseignement du
Québec nous a présenté une vue très large, que
j'appellerais même très ambitieuse, en un sens, de ce que pourrait
être une politique universitaire au Québec.
Je pense que je ne ferai pas injure à la CEQ en disant que la
vision qui nous a été présentée ce matin, dans son
ensemble, est une vision de type socialiste. Je le dis sans aucune connotation
péjorative. C'est une vision qui met beaucoup l'accent sur la dimension
publique non seulement du système universitaire dans son ensemble, mais
des institutions particulières qui le composent.
Je ne pense pas que, de côté-ci de la table, nous allions
aussi loin dans cette vision. En ce qui regarde le système
universitaire, nous avons chez nous évalué à partir
d'institutions privées vers des institutions dont certaines sont
carrément publiques, dont d'autres sont semi-publiques. Je ne sais pas
ce que l'avenir nous réserve. Je pense que diverses avenues peuvent
être ouvertes pour l'avenir. Je ne sentirais pas la
nécessité de les fermer complètement à
l'intérieur d'une vision trop architecturale de tout cela. Je respecte
la vision qui nous a été présentée. Je trouve
qu'elle a été présentée avec beaucoup de logique et
cela nous interpelle de ce point de vue. Mais dans la mesure où c'est
une philosophie de la société qui n'est pas exactement celle du
parti au pouvoir, il y a des flottements qui découlent de la discussion,
qui sont inévitables et qu'on doit accepter.
Je voudrais signaler une petite nuance, ici, qui ne manque pas
d'opportunité, à mon sens. J'ai remarqué que, dans votre
mémoire, à plusieurs endroits, il y a des allusions à
l'idéologie néolibérale. Je pense qu'il y a un peu de
confusion dans les termes. Je m'excuse de faire un débat à ce
sujet. Je m'identifie assez volontiers comme adhérant à
l'école néolibérale, mais pas à l'école
néoconservatrice. La définition qu'on a donnée du
néolibéralisme dans votre mémoire, c'est plutôt la
définition qu'on donne, aux États-Unis, quand on parle de cette
école, c'est "the neoconservatives", les néo-conservateurs.
Je pense qu'il y a tout un courant entre le courant socialiste et le
courant conservateur, surtout le courant néoconservateur, qui essaie de
renouveler la philosophie de la démocratie libérale dans un sens
qui tient compte des dimensions sociales beaucoup plus et qui, en même
temps, met davantage de l'avant que je ne l'ai vu dans votre mémoire les
valeurs d'excellence personnelle, les valeurs d'initiative, les valeurs de
créativité. C'est peut-être un volet, qui n'est pas
développé dans le mémoire de la CEQ de ce matin, qui
m'apparaît très important pour la stimulation de la vie
universitaire aussi, en particulier de la recherche.
Ce sont des désaccords honnêtes. Je voulais inscrire cette
nuance, parce que ce n'est pas souvent qu'on a l'occasion de discuter de ces
choses. J'apprécie énormément que la CEQ nous en fournisse
l'occasion. J'inscris cette nuance en vous disant que, dans le Parti
libéral du Québec, il y a plusieurs demeures, il y a de la place
pour plusieurs familles d'esprit. C'est ce qui fait la richesse de notre parti,
qui provoque entre nous des débats très animés que doivent
nous envier parfois nos confrères de l'autre côté qui
semblent vivre dans une certaine grisaille idéologique ces temps-ci.
Mme Blackburn: Est-ce une invitation? Est-ce qu'il y aurait de la
place pour nous dans votre parti?
M. Ryan: Certainement, si vous voulez continuer d'évoluer,
il n'y a pas de problème de ce côté. Ils ont trouvé
de la place pour moi un jour, il y a de la place pour bien d'autres, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Pour vous, cela a été
contesté.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît! M. le ministre, si vous voulez conclure.
M. Ryan: Je pense que nous avons discuté avec vous dans un
esprit de dialogue. Nous allons continuer de chercher avec vous, nous le
faisons à d'autres niveaux également. Je pense que l'essentiel,
c'est de préserver un dialogue civilisé et courtois dans toute la
mesure raisonnable. Le dialogue civilisé, cela veut dire que chaque
partie demeure toujours ouverte au point de vue de l'autre; elle n'est jamais
fermée avant de partir, parce qu'il n'y a plus de dialogue dès
qu'on est replié sur soi.
C'est l'esprit dans lequel j'ai pris connaissance de votre
mémoire. Je l'ai vivement apprécié. Il y a beaucoup de
points que nous allons retenir également. J'espère que nous
pourrons continuer cette recherche ensemble. L'expérience de la
commission nous ouvre des horizons très intéressants, en
particulier dans la voie de l'imputabilité sur laquelle nous convenons
que des progrès importants doivent être faits. Et sur la voie du
financement, je ne voudrais pas que vous pensiez que vos propos seraient
tombés dans des oreilles indifférentes; au contraire, ils m'ont
vivement intéressé, ainsi que mes collègues du
côté ministériel. J'espère que le gouvernement
trouvera le moyen d'apporter des solutions à assez court terme.
Je termine par une petite note. Je suis porté à penser
dans l'immédiat que c'est plus important d'avoir une politique au niveau
des moyens qu'une grande politique traitant de tous les aspects. Vous nous
demandez dans votre mémoire d'énoncer une grande politique
générale. Si on allait entreprendre cet exercice tout de suite,
je craindrais que beaucoup de chapitres n'accrochent et qu'on ne soit
reporté pour l'action concrète à un an ou deux, tandis
que, dans l'immédiat, je pense que, si nous prenons les moyens
appropriés, ils vont être l'expression d'une politique et,
ensuite, on pourra peut-être la perfectionner au point d'embrasser tous
les éléments que vous voudriez y trouver. C'est une remarque que
je fais. Je suis plus préoccupé par l'aspect des moyens dans
l'immédiat. Pour l'avenir, je pense qu'il y aurait lieu de
préciser davantage aussi la
politique dans son sens le plus large.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. M. Charbonneau, Mme Bédard et les gens qui vous accompagnent,
on vous remercie beaucoup d'avoir pris la peine de venir éclairer les
membres de cette commission.
La commission parlementaire de l'éducation va maintenant
suspendre ses travaux. Elle entendra dans quelques minutes la
Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du
Québec. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 52)
(Reprise à 11 h 57)
Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission
parlementaire de l'éducation reprend ses travaux et accueille la
Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du
Québec, dont le porte-parole est M. Gérald Larose,
président de la CSN. Bonjour, M. Larose.
M. Larose (Gérald): Bonjour.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous vous
souhaitons la bienvenue et vous remercions d'avoir répondu à
l'invitation de la commission parlementaire de l'éducation de venir nous
rencontrer et de collaborer avec nous dans notre recherche concernant
l'orientation et le cadre de financement du réseau universitaire
québécois.
M. Larose, la commission parlementaire a prévu environ une heure
et demie d'échanges avec les représentants de votre mouvement. On
me dit qu'il y a eu un arrangement pour une présentation verbale de
votre part d'environ quinze minutes. Le reste de la période sera
distribué entre vous, les gens qui vous accompagnent et les membres de
la commission parlementaire de façon que nous puissions échanger.
Alors, M. Larose, sans plus de préambule, si vous voulez bien nous
présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec la
présentation de votre mémoire.
Je dois aussi vous dire que les membres de la commission parlementaire
sont un peu malheureux. Votre mémoire, on l'a reçu hier
seulement, alors que vous nous aviez fait connaître votre intention de
participer en juin. Les gens l'attendaient avec beaucoup
d'anxiété depuis le mois de juin. On aurait aimé l'avoir
pendant la période des vacances pour pouvoir le lire. Malheureusement,
on ne l'a eu qu'hier. C'est peut-être ce qui expliquera... Pour ma part,
je ne me sens pas tellement renseigné. Je l'ai regardé en
diagonale. On le regrette beaucoup.
Nous vous écoutons, M. Larose.
FNEEQ
M. Larose: M. le Président, je partage vos regrets. On
m'informe qu'il devait être envoyé vendredi dernier au plus tard.
Effectivement, c'est déjà très tard, mais je ne pensais
pas que le délai s'était étendu jusqu'à hier.
Je vous présente tout de suite les gens qui m'accompagnent.
À ma droite, Mme Rose Pellerin, présidente de la
Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du
Québec, et Flavie Achard qui est membre du comité d'école;
à ma gauche, Paul Jones qui est le deuxième vice-président
de la fédération et Jocelyn Chamard qui est membre du bureau de
la fédération.
Je pense que je n'ai pas besoin de présenter très
longuement l'organisation que nous représentons, la CSN, sauf pour vous
donner peut-être les quelques précisions suivantes pour le secteur
qui nous intéresse aujourd'hui, le secteur universitaire. Nous
regroupons à l'intérieur de la fédération
au-delà de 15 000 enseignants et enseignantes dont 7000 proviennent du
secteur universitaire comme professeurs, chargés de cours et
maîtres de langue. Il y a aussi à l'intérieur de !a
fédération la majorité des cégeps du Québec,
en même temps qu'une vingtaine d'institutions privées.
Si les membres de la commission n'ont pas eu l'occasion de lire en
profondeur le mémoire, je vous informe qu'il est construit de
façon assez simple. II cible trois aspects et je pense qu'à
partir du résumé qu'on peut vous faire les gens auront rapidement
les informations sur lesquelles on veut particulièrement
débattre.
Il y a peut-être trois prémisses sur lesquelles on n'entend
pas s'étendre, mais qu'on veut mettre dans le décor car elles
expliquent les positions qui suivront. D'abord, pour nous, l'université
doit être considérée comme un agent de développement
économique, social, politique et culturel qui vise la
démocratisation de la société québécoise.
Une deuxième prémisse, l'université doit être
autonome et indépendante dans sa fonction critique et de transformation
face aux divers groupes d'intérêts dans la société
québécoise. Troisièmement, l'université, c'est un
service public qui doit être accessible à tous.
Alors, une commission parlementaire sur le financement public, il y a
peut-être des tentations que cela se transforme en débat de
comptables. Je vous dirai qu'on n'est pas spécialistes de cette
discipline. Pour nous, il y a des aspects qui ont déjà
été soulevés devant la commission qui vont nous
intéresser davantage; ce sont les choix que nous faisons comme
société en éducation, qui sont de véritables choix
de société en même temps. Donc, le débat va
concerner cette question.
Dans son avis de décembre 1985, le Conseil des universités
parlait de crise au niveau des universités en termes de financement en
nous parlant des déficits accumulés, du vieillissement du
personnel scientifique, de la dégradation des équipements, des
ressources insuffisantes. Il y a peut-être un aspect de crise, mais il
faudrait prendre note que la crise, dans les années qui courent, c'est
passablement différent de la crise qu'on a pu connaître au cours
des années soixante et soixante-dix. C'était davantage une crise
institutionnelle qui faisait en sorte que sur les campus, notamment, il y avait
plutôt un branle-bas de combat.
Je rappellerai qu'à l'époque - il y en a quelques-uns qui
l'ont vécu - le corps étudiant plus précisément
remettait en question l'institution sous plusieurs aspects, vivant un sentiment
d'insécurité, notamment, quant aux débouchés sur le
marché du travail, mais aussi, je dirais, plus fondamentalement,
remettant en cause l'université quant à sa fonction sociale de
reproduction des inégalités ou des classes sociales dans notre
société.
S'il y a crise à l'heure actuelle ou ce qu'on appelle une crise
qui gravite davantage autour des ressources et du financement, il faut la
situer dans un contexte - et je suis heureux que le ministre de
l'Éducation l'ait soulevé à l'occasion du mémoire
antérieur -de néolibéralisme - on peut faire aussi le
débat sur le néoconservatisme, cela m'intéresse beaucoup -
un contexte où l'entreprise privée est devenue l'alpha et
l'oméga de la pratique sociale, où les lois du marché sont
érigées comme les seules lois à être
respectées, le tout pour le Québec gratifié dans une
littérature passablement abondante en période estivale où,
effectivement, le projet de société touchant aussi le secteur de
l'éducation nous a été révélé
peut-être un peu à cru, mais nous a quand même
été révélé tel que des gens le
pensaient.
Il y a crise financière. Nous estimons que les coupures
budgétaires depuis 1978-. 1979, le gel de l'embauche, le
développement du travail précaire, le surpeuplement des cours,
les restrictions au soutien de la pratique de l'enseignement, la multiplication
du travail partiel, la "rationalisation", entre guillemets, des banques de
cours, ce sont toutes ces formes que la crise a prises pour s'exprimer, sans
compter la baisse des salaires de 20 % qui a découlé de la loi
70.
Pour la CSN, l'enseignement universitaire, c'est une
responsabilité de l'État, la responsabilité de
l'État d'assurer l'éducation au niveau supérieur des
Québécoises et des Québécois. Donc, le financement
doit être un financement gouvernemental.
Les solutions - et le mémoire antérieur indique la
direction que nous allons prendre - sont effectivement que l'État doit
se donner les moyens d'assumer ses responsabilités. En termes de
financement, cela veut dire une réforme de la fiscalité au
Québec: taxer la richesse, les hauts revenus, les gains de capitaux, les
profits et non pas trouver des solutions qui renforceraient le caractère
élitiste des clientèles ou qui nous amèneraient à
hiérarchiser davantage les universités les unes par rapport aux
autres, les unes étant chromées, les autres
écaillées, disons. S'assurer que le développement des
universités va se faire de manière à rencontrer les
intérêts de la communauté et des régions et non pas
trouver des solutions qui amèneraient l'université à se
développer suivant les intérêts dictés par le
financement privé.
On résume notre position sur la fiscalité, sur le
financement des universités. Le financement principal doit venir de
l'État, il doit être haussé. Le financement doit être
équitable entre les institutions. Il faut s'organiser pour que les
institutions assument véritablement leur mission universitaire au niveau
des régions et, quand on dit leur véritable mission
universitaire, c'est dans l'enseignement, en assumant l'enseignement, la
recherche et les services à la collectivité. Que le financement
prenne aussi en compte des dimensions de la pratique scientifique qui ne soient
pas seulement celles qui ont trait aux facultés qui sont davantage
liées au secteur économique ou au secteur de la gestion. Bref,
nous proposons que l'État s'organise pour que le Québec soit
doté d'institutions de qualité.
Je fais une parenthèse qui va terminer ma présentation qui
sera suivie de celle de la présidente de la FNEEQ, parce qu'il y a dans
l'actualité la proposition du dégel des frais de
scolarité. Dans notre tête, dans notre idée, il faut
absolument séparer tout ce qui est financement universitaire de ce qui
est financement de la condition étudiante. À notre avis, que
l'État du Québec se dote d'un réseau universitaire et le
finance et que la condition étudiante soit financée en tant que
telle parce qu'un dégel ou une hausse des frais de scolarité,
c'est directement une proposition régressive qui exige des classes plus
populaires des efforts supplémentaires qu'ils sont incapables d'assumer
par rapport à d'autres qui pourraient les assumer. Pour nous, il faut
distinguer les deux opérations. Je passe la parole à Mme
Pellerin.
Mme Pellerin (Rose): Comme le mémoire est arrivé
tard, j'espère que vous allez nous pardonner le fait de prendre plus de
temps pour la présentation. À part la crise financière, on
dit qu'il y a aussi une crise de la condition étudiante et une crise de
l'organisation du travail pour les enseignantes et les enseignants, les
professeurs. Je' vais faire la partie sur la condition étudiante
et Paul Jones va intervenir sur l'organisation du travail.
Pour la condition étudiante, nous, ce à quoi on fait
appel, c'est à la démocratisation et à
l'accessibilité à l'enseignement universitaire. On sait que la
réforme du système d'éducation entre 1960 et 1970 visait
l'accroissement de ia scolarisation de la population. Sur cela, on peut dire
qu'il y a eu des progrès. Si l'on se réfère au tableau de
la page 17 de notre mémoire, on verra qu'en 20 ans le taux de
francophones qui fréquentent l'université est passé de 3,4
% à 13,7 %. Donc, c'est un progrès notable, on le
reconnaît. Il y a aussi l'accessibilité géographique
régionale qui a rendu l'université plus accessible et aussi le
type de formation que l'on donne: en adaptant les programmes, on a
favorisé aussi l'intégration des adultes à
l'université.
Mais ce qu'on considère - comme de raison, il y a toujours un
mais - c'est que les progrès sont insuffisants et aussi qu'ils sont
-surtout menacés. Menacés par les pratiques de restrictions
budgétaires imposées par les gouvernements et aussi par les
menaces de hausse des frais de scolarité. Menacés aussi et
insuffisants pour les groupes qui sont traditionnellement
discriminés.
On revient aux différences ethniques. Si l'on regarde la
fréquentation francophone par rapport à la fréquentation
anglophone à l'université, il y a encore du chemin à
faire, c'est-à-dire qu'on a maintenant un ratio de 13,8 % par rapport
à 15,8 % pour les anglophones. Pour les anglophones, c'est un chiffre
qui s'est maintenu durant les 20 dernières années, quand on
connaît la composition de la population du Québec. Pour les
francophones, cela a augmenté. On s'aperçoit aussi que les
francophones sont surtout des diplômés universitaires de 1er
cycle.
Il y a aussi les différences sexuelles. Là, je crois qu'on
atteint quand même un problème au niveau universitaire: c'est
l'accès des femmes à l'université. Ce que l'on constate
encore aujourd'hui, c'est qu'elles sont peu nombreuses au 2e cycle. On constate
aussi que la proportion des femmes aux études à temps partiel par
rapport au temps complet est encore inférieure; autrement dit, elle est
plus forte pour les femmes que pour les hommes aux études à temps
partiel. C'est aussi que l'âge moyen d'entrée est toujours plus
élevé que celui des hommes. C'est aussi qu'elles sont
généralement cantonnées dans des facultés et des
départements qui reproduisent la division sexuelle et aussi que les
modèles féminins sont peu nombreux.
Il y a aussi une autre différence, c'est celle selon les origines
sociales, II semble bien que ce soit sur ce plan que la tâche de
démocratisation de l'université reste encore à faire. Les
classes supérieures de la société québécoise
ont toujours été largement surreprésentées dans les
études universitaires, en particulier dans les universités et
dans les facultés qui permettent l'accès aux emplois les plus
rémunérateurs et les plus prestigieux. L'enseignement
universitaire joue donc encore à fond son rôle de reproduction des
classes sociales. Si l'on prend le tableau à la page 22, on
s'aperçoit que l'Université McGill vient en tête pour les
étudiants originaires des classes supérieures, qu'à
l'Université de Montréal on peut constater que trois
étudiantes ou trois étudiants sur cinq proviennent des classes
supérieures, tandis qu'à l'Université du Québec
à Montréal c'est un sur quatre qui provient des classes
supérieures. Disons que nous sommes satisfaits que l'Université
du Québec ait été mise au monde, ce qui fait que les gens
qui ne viennent pas des classes supérieures peuvent quand même
aller dans les universités.
Ensuite, nous passons à la condition étudiante, aux
conditions d'études des étudiants. Tous et toutes nous savons
aussi que le problème no 1 des étudiantes et des étudiants
présentement, c'est l'argent. Autant le gouvernement peut invoquer ce
problème, autant les étudiantes et les étudiants peuvent
l'invoquer. Il nous semble que faire un dégel des frais
d'université, cela occasionnerait seulement une baisse de 2 % ou 3 % de
la fréquentation universitaire, mais ce serait dramatique vu
déjà le taux faible d'étudiantes et d'étudiants qui
ont accès à l'université. La CSN et la FNEEQ
historiquement ont toujours réclamé la gratuité à
tous les niveaux d'enseignement et ce, dans une perspective de
démocratisation du réseau scolaire. Par les temps actuels, cette
proposition peut sembler à contre-courant, mais elle demeure pour nous
la plus équitable et elle s'enracine dans la demande des classes
populaires pour l'instruction en vue de travailler à leur propre
émancipation matérielle et morale. (12 h 15)
Pendant que la promesse électorale dit qu'il va y avoir un gel
des frais de scolarité, on a le rapport Gobeil qui, lui, dit le
contraire, et M. Gobeil semble l'avoir cautionné. L'enveloppe
idéologique que l'on retrouve dans le rapport Gobeil, ce sont des
propositions de méritocratie et du modèle concurrentiel. "La
révision des frais de scolarité aurait des conséquences
importantes sur le fonctionnement de l'enseignement universitaire.
L'étudiant se sentirait plus responsable de ses choix et serait plus
exigeant vis-à-vis de l'enseignement qui lui serait donné. En
contrepartie, les universités seraient stimulées à
développer l'excellence afin d'attirer les étudiants." Selon
nous, ce que veut façonner le rapport Gobeil, c'est un
modèle marchand. Les étudiantes et étudiants qui
veulent aller à l'université vont commencer à aller
regarder laquelle est la meilleure. Là, on se demande comment on dessert
les régions quand on parle de geler les frais de scolarité;
ensuite, il faut instaurer la concurrence et, là, une étudiante
ou un étudiant part à la recherche de son université. Il
nous semble que l'université est là pour répondre aux
besoins des étudiantes et des étudiants, quel que soit le milieu
d'où ils viennent.
Je ne sais pas si un étudiant de Gaspé, pour qui
l'université la plus proche est à Rimouski, ne demandera pas de
cette université qu'elle lui donne les mêmes services que les
universités qui sont centrées à Montréal ou
à Québec où il pourrait y avoir de la concurrence. Il nous
semble que cette étudiante ou cet étudiant a droit à la
même qualité d'enseignement dans les universités et de
recevoir un produit semblable. Quand on abolit le péage sur les grandes
routes, on ne se met pas à faire la route la meilleure pour concurrencer
les routes. La route est un service public, on donne aux gens de bonnes routes.
On dit: Donnons aux jeunes de bonnes universités. Pour nous,
l'université n'est pas un supermarché. Elle doit offrir aux
jeunes ce dont ils ont besoin, selon leur origine et le milieu social dans
lequel ils sont impliqués. Donc, elle doit toujours être
accessible aux jeunes.
Après avoir fait cette démonstration, il nous semble que
le rapport Gobeil mériterait... En tout cas, le sort qu'on voudrait bien
lui donner, nous, c'est qu'il n'aurait jamais dû exister.
Le Conseil des universités dit la même chose que nous; il
parle du "caractère régressif du financement actuel des
universités, les citoyens les moins favorisés en retirant moins
qu'ils n'en mettent". Par contre, ce qu'il demande comme correction, c'est le
dégel des frais de scolarité et leur hausse, ce qui permet de
hausser la contribution des plus favorisés, tandis que la hausse des
bourses évite de mettre à contribution les moins
favorisés. Ce que dit le Conseil des universités, c'est: Faisons
payer les riches. On se surprendrait que la CSN et la FNEEQ n'adhèrent
pas à cela, de faire payer les riches, mais nous n'y adhérons
pas. L'effet correcteur recherché, pour nous, risque plutôt de
renforcer l'accès différentiel des classes sociales à
l'université. L'application sélective de mesures sociales
n'entraîne pas la réduction des coûts directs ou indirects.
Quand on dit que les frais de scolarité n'ont pas augmenté dans
les universités, on sait fort bien que, par les frais indirects, ils ont
augmenté. Quand on paie 40 $ des services qu'on pourrait nous rendre au
point de vue des livres ou des manuels et qu'en classe on est encore
obligé de payer pour recevoir les 'photocopies, on peut dire que c'est
gelé, les frais de scolarité, mais indirectement il y en a. Cela
n'entraînerait pas la réduction des coûts directs ou
indirects.
Loin d'atténuer l'inégalité, on l'accentuera
puisqu'il ne s'agit pas ici uniquement de besoins financiers, mais aussi de
problèmes de barrières socio-économiques. Pour nous, la
seule réponse, c'est de financer les établissements comme on
finance les routes, avec le moins possible de contrôle à
l'accessibilité et de bureaucratie, et de se diriger vers
l'élimination des frais de scolarité, même si à
court terme on pput accepter leur gel, le tout accompagné d'une
structure fiscale plus égalitaire.
J'ai dit tantôt qu'on a aboli le péage sur les routes,
justement, pour ne pas faire payer les usagers; on les finance maintenant pour
que les routes soient bonnes. C'est la même chose pour
l'université. Qu'on finance l'établissement et non pas les
étudiantes et les étudiants.
De plus, aucun projet explicite de réforme du régime de
prêts et bourses n'est proposé actuellement. Si le gouvernement
donne suite aux tendances qui s'expriment bruyamment en son sein, il y a tout
lieu de croire que le soutien aux étudiantes et étudiants
démunis verra grandir la partie prêt et diminuer la partie bourse.
C'est ce qu'a fait le dernier budget. Quand on voit la rareté
grandissante des emplois d'été, on peut envisager de terminer ses
études fortement endetté.
On confirme le phénomène de la féminisation de la
pauvreté parce que 60 % des femmes vivent sous le seuil de la
pauvreté. Il nous semble aussi tendancieux de comparer avec ailleurs. Il
nous semble que "l'État doit soutenir l'université s'il veut
éviter de perpétuer la dépendance passée et les
conséquences qui y sont rattachées".
Alors, pour nous, augmenter la partie prêt et diminuer la partie
bourse, ce n'est pas aider les étudiantes et étudiants qui
s'endettent plus et qui devront emprunter pour remettre l'argent qu'ils ont
déjà eu comme prêt. C'est juste rendre les choses plus
difficiles.
On parle également de l'émergence de nouveaux pauvres, car
on parle beaucoup de la misère étudiante présentement. Il
nous semble que, pour ça, ce serait important de procéder
à une mise à jour de l'examen des conditions de vie de la
population étudiante pour voir si réellement ce qu'on a
l'intention de faire aide ces étudiants.
II y a une autre mission sur laquelle on voudrait revenir un peu. C'est
la mission de services à la collectivité. De ce que nous
connaissons de ce qui reste de la mission de services à la
collectivité - en plus de répondre aux adultes, il me semble
qu'on doit répondre à des groupes populaires et à
des groupes sans but lucratif - il y a un protocole UQAM-CSN-FTQ. Pour
nous, ça demeure très important. C'est très bien
organisé, très bien structuré et on sait que certaines
recherches demandent des compétences universitaires et nous trouvons
ça bien. Nous savons que c'est très bien structuré et
ça travaille bien. Nous ne connaissons pas beaucoup d'autres missions
à la collectivité qui fonctionnent. La Faculté de
l'éducation permanente à l'Université de Montréal
offrait des services à la collectivité, mais son budget est
maintenant à zéro. Alors, il est assez difficile d'offrir des
services à la collectivité.
En ce qui concerne la condition étudiante, je crois qu'il y a une
chose qu'on peut retenir, c'est que le problème des jeunes, c'est
l'argent et qu'on semble vouloir solutionner leur problème par l'argent.
Il nous semble qu'un jour il va falloir arrêter de parler
d'éducation en termes d'argent et plutôt en termes de services aux
jeunes. Ce sont nos futurs travailleuses et travailleurs. Paul va y aller sur
l'organisation.
M. Jones (Paul): M. le Président, je vais essayer de
résumer cette partie de notre mémoire et conclure nos
présentations par une série de questions à la commission,
un questionnaire général.
Dans cette partie de notre mémoire, nous voulons vous
présenter la condition des chargés de cours comme
révélatrice d'une crise dans l'allocation des ressources humaines
à l'université et dans le fonctionnement de la vie universitaire.
Nous constatons, au départ, que les rôles, les fonctions et la
contribution des chargés de cours à la vie universitaire sont
souvent mal compris et de plus en plus mal représentés dans les
débats des universités au Québec. Qui sont les
chargés de cours? Il y a au moins 6000 chargés de cours
syndiqués à la FNEEQ-CSN. Mais c'est difficile de vous donner le
nombre total des chargés de cours dans les universités au
Québec, parce que les données sont incomplètes et non
rassemblées.
On peut constater que ces personnes dispensent près de la
moitié de l'enseignement au 1er cycle et plus de la moitié de
l'enseignement des certificats. Nous constatons, dans notre mémoire, que
les chargés de cours sont, à toutes fins utiles, une composante
structurelle de l'université et non pas une composante de passage, en
transition. Nous ne pouvons continuer de prétendre que les
chargés de cours sont un phénomène transitoire,
compensatoire, ni accessoire dans nos universités. Je cite notre
mémoire. "Le phénomène d'un corps enseignant d'appoint,
non stable, à statut précaire et aux moyens limités, qui
s'accroît en périphérie de l'institution académique,
est apparu critique lorsque les universités on dû faire face
à une croissance marquée des clientèles étudiantes
et suivre une politique d'austérité."
Aujourd'hui, Ies chargés de cours sont au coeur de l'enseignement
universitaire au Québec et nous sommes scandalisés par le manque
de reconnaissance de leur contribution à la communauté
universitaire. Les chargés de cours sont omniprésents dans la vie
académique des étudiants. Ils donnent nombre de cours
obligatoires et optionnels ou des cours théoriques et supervisent aussi
des stages de formation pratique. Elles et ils facilitent ainsi
l'intégration de certains étudiants et étudiantes sur le
marché du travail et contribuent à l'accession d'autres
étudiants et étudiantes aux études supérieures.
Devant cette réalité d'une présence massive des
chargés de cours et de leur contribution irremplaçable et de
qualité à la vie académique, nous constatons que les choix
gestionnaires et institutionnels des universités ont créé
une situation éhontée d'exploitation qui les confine à des
emplois précaires sans perspectives de carrière à la
mesure de leur compétence.
Nous constatons que, pour les gestionnaires universitaires, le statut
actuel des chargés de cours sert une fonction classique de "cheap
labor", c'est-à-dire une grande flexibilité des ressources
humaines et financières sans nécessiter des engagements à
long terme; en somme, un personnel malléable.
M. le Président, les conditions de travail des chargés de
cours sont résumées aux pages 41 à 44 de notre
mémoire. Nous pouvons donner le portrait suivant des chargés de
cours au Québec qui est un genre de résumé de leurs
conditions actuelles. Précaires et sans avenir prévisible, leurs
jobs sont sujets aux variations des clientèles étudiantes et des
décisions institutionnelles prises sur une base sessionnelle. L'embauche
est toujours sur la base d'une session et souvent à la dernière
minute. On exige de plus en plus un professionnalisme accru des chargés
de cours et on refuse de leur accorder les ressources financières et
matérielles pour accomplir ces exigences.
Ce sont les chargés de cours eux-mêmes, avec leur propre
portefeuille, qui financent leur propre perfectionnement et leurs propres
recherches liées à l'enseignement. Une partie majeure de leur
tâche est non rémunérée. Ils font un travail pour
lequel ils ne sont pas payés: l'encadrement des étudiants et
toute la tâche transparente d'un enseignant.
Souvent, ces enseignants n'ont pas de bureau ou n'ont pas accès
à la base minimale de matériaux nécessaires pour donner un
enseignement de qualité. Au plan de la rémunération,
finalement, il y a une non-reconnaissance des qualifications professionnelles
et académiques des chargés
de cours. Autrement dit - et je pense que c'est cela qui résume
la crise que l'on veut souligner - pour un chargé de cours
syndiqué - et la vaste majorité ne l'est pas - à la CSN,
avec une pleine charge par session, ce qui est rare à cause des
difficultés d'avoir une charge pendant deux sessions d'une année
scolaire dans une université, le salaire maximum est de 18 000 $ par
année.
Nous terminons cette partie de notre mémoire en soulignant et en
dénonçant la non-représentation des chargés de
cours dans les structures décisionnelles des universités. C'est
une question à deux volets. Premièrement, il y a la question de
la représentation dans les structures décisionnelles de
l'institution, c'est-à-dire le conseil d'administration et les autres
parties de la structure institutionnelle.
Mais il y a aussi la question pédagogique. C'est un
problème important pour nous. Ce qui en ressort, c'est l'isolement des
chargés de cours. Les chargés de cours sont absents des lieux
où se prennent les décisions pédagogiques. Ainsi, dans la
plupart des universités, il y a des mécanismes de consultation
entre professeurs et étudiants concernant les programmes.
Le problème, c'est que la moitié du personnel enseignant
est exclue d'une telle consultation, ce qui n'est pas sans conséquence
sur la cohérence des programmes tant au niveau de la conception
qu'à celui de la réalisation pratique. Il est difficile de
réussir un enseignement de qualité intégré dans un
tel contexte. Mais il y a toujours une chose qui mérite d'être
soulignée, c'est que les chargés de cours, face à ces
conditions inacceptables, réussissent quand même à donner
un enseignement de qualité. (12 h 30)
J'aimerais attirer l'attention de la commission sur les recommandations.
Je ne les lirai pas toutes, mais je ferai référence aux
recommandations 3 et 4. 3. Devant les difficultés énormes que
rencontrent les personnels non encore syndiqués des universités
dans leur organisation en syndicat, la CSN et la FNEEQ dénoncent les
administrations universitaires qui utilisent des fonds publics en contestations
juridiques répétées dans le but d'empêcher
l'exercice du droit d'association.
Si vous me le permettez, je vais essayer d'expliquer cela à mes
collègues. Est-ce que vous connaissez le phénomène des
"bounty hunters" aux États-Unis? Actuellement, comme centrale syndicale,
on est convaincu que le même phénomène se présente
à l'égard du droit à la syndicalisation des travailleurs
dans l'enseignement et ailleurs. Aux États-Unis, les "bounty hunters"
sont les individus qui prennent le contrat d'aller chercher les gens et de les
ramener devant les tribunaux. Ils sont souvent impliqués dans les
chicanes de divorces, par exemple. Le contractant dit à un "bounty
hunter": Je te donne 5000 $; j'ai un objectif, c'est de gagner mon divorce et
de ne pas payer cher. Voilà les 5000 $, fais ce que tu voudras pour
t'assurer que je réussisse. Actuellement, face aux demandes de
syndicalisation des chargés de cours, on est devant le même
phénomène, mais les "bounty hunters" sont des bureaux d'avocats.
L'université donne un montant à un certain bureau d'avocats. La
commande est simple, claire et nette: On ne veut pas qu'ils soient
syndiqués. C'est cela, la situation. On connaît bien la situation
de sept ans des chargés de cours de l'Université de
Montréal et tous les enjeux juridiques mis de l'avant par un bureau
d'avocats au service de l'université pour empêcher leur
syndicalisation. Cela a pris, finalement, la Cour suprême du Canada pour
leur donner ce droit qui est démocratiquement accessible pour toute la
population. 4. Attendu la méconnaissance de3 administrations et du
gouvernement de la réalité des chargés de cours, nous
demandons une enquête publique ' sur la condition des chargés de
cours. Que, pour outiller cette enquête, le gouvernement exige des
universités la publication du profil statistique des chargés de
cours et qu'ensuite ce profil soit publié
régulièrement.
J'ai lu les réactions de la commission à la
présentation des gens de Rimouski, hier, un de nos syndicats qui est
venu présenter un mémoire. Il y avait certaines questions sur le
nombre de chargés de cours, leur statut, le travail qu'ils font. Je peux
vous dire que, comme organisation syndicale, on a de la difficulté
à mettre la main sur les chiffres, principalement parce que les
chargés de cours, comme phénomène réel et
structurel, n'existent pas dans les chiffres disponibles. C'est pour cela qu'on
trouve important de mettre de l'avant les chiffres nécessaires pour
faire les analyses correctement à ce sujet.
Je vais terminer le mémoire en rappelant nos questions. Je suis
un peu long, je m'excuse.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Prenez le temps
qu'il vous faut. Vous avez une certaine période et c'est à vous
de l'utiliser comme bon vous semblera.
M. Jones: Je voulais mettre beaucoup d'emphase sur nos
interventions concernant les chargés de cours.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Très
bien.
M. Jones: J'admets que le mémoire est arrivé en
retard. On est toujours une
organisation démocratique et syndicale et cela impose un grand
nombre de consultations des gens qu'on représente. C'est l'explication
principale du retard de notre mémoire.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Ce n'était
pas un reproche, M. Jones...
M. Jones: Non, je comprends.
Le Président (M. Parent, Sauvé): ...c'était
une constatation. Je me devais de vous le pour justifier la qualité du
débat.
M. Jones: Oui. L'analyse que nous avons présentée
dans le texte soulève un grand nombre de questions. Je vais les lire:
Quels sont les nouveaux liens qui se tissent entre les universités et
les entreprises et le marché du travail? L'université
devient-elle un simple rouage de l'économie et du marché? Les
performances de l'université se mesurent-elles simplement selon des
critères économiques et à court terme? Selon leurs
réponses à la demande du marché et à la division du
travail?
Que deviennent alors ses fonctions de démocratisation de la
production et de la transmission de la connaissance? L'université
abdique-t-elle sa fonction critique, sa fonction de transformation de la
société, sa fonction de créativité pour devenir
purement fonctionnelle pour d'anciens et de nouveaux intérêts? Que
devient alors ce qu'on appelle l'autonomie de l'université?
L'université est-elle encore un lieu où les débats sociaux
sur les enjeux collectifs doivent prendre place et où les
finalités de la recherche scientifique doivent être
questionnées?
S'il y a transformation des fonctions enseignement et recherche, quels
sont les impacts sur les différents corps constitutifs de
l'université? Comment se mesure maintenant leur performance, en fonction
de quels critères? Quels sont les impacts sur les disciplines
universitaires, leur place respective et leurs liens?
L'accès et l'utilisation des ressources universitaires par les
collectivités qui n'ont pas accès à l'université -
milieux populaires, dominés - risquent-ils de demeurer une fonction
marginale de l'activité universitaire plutôt qu'une fonction
à part entière? En contrepartie, verra-t-on la mainmise
traditionnelle des entreprises, des associations professionnelles redevenir la
norme unique? La mission des services à la collectivité va-t-elle
enfin recevoir tout le support institutionnel et financier de la part des
administrations universitaires et du gouvernement?
Le constat que la présence massive des adultes, en particulier
des femmes à l'université, va devenir un trait
caractéristique de là vie universitaire et, considérant
les exigences qui en découlent, soit pour assurer des services -
services d'accueil, d'information, de secrétariat, de
bibliothèque - adaptés à cette clientèle, soit des
voies pédagogiques particulières, est-ce que le gouvernement est
prêt à assurer des ressources humaines et financières pour
répondre à ces nouvelles exigences?
Le gouvernement entend-il supporter les universités
implantées en régions pour s'assurer qu'elles répondent
aux exigences d'un véritable établissement universitaire, aux
caractéristiques spécifiques des clientèles
étudiantes de leur région et qu'elles disposent des ressources
humaines en fonction des exigences de l'ensemble des fonctions des
universités?
En terminant, assurément, pour répondre à ces
questions et à d'autres, le développement des activités
universitaires exige une vision globale et une planification adéquate.
Pour consolider et pour améliorer les progrès accomplis depuis 20
ans, l'effort que nous demandons au gouvernement est d'accepter de parier pour
l'avenir. Nous savons que la société de demain, le Québec
qui s'en vient, se prépare aussi à l'université et, comme
organisations syndicales, la CSN et la FNEEQ veulent dire aux membres de cette
commission que les orientations de l'enseignement supérieur nous
préoccupent et nous concernent aussi, et que nous n'accepterons pas que
l'université s'inscrive à l'extérieur de la
démocratisation de l'éducation. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. Jones. J'imagine que cela termine l'intervention?
M. Jones: Oui. En voulez-vous plus?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Non, non. Je
reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science. Encore une fois, les questions s'adresseront à M. Larose, mais,
si vos collègues jugent à propos de répondre, qu'ils se
sentent bien à l'aise.
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer la
présence à notre commission de la Fédération
nationale des enseignants et des enseignantes du Québec, de sa
présidente, Mme Pellerin, d'une collaboratrice de langue date, Mme
Achard, et de M. Jones et M. Chamard. Évidemment, cette
délégation est accompagnée, guidée, inspirée
par le président général de la CSN, M. Larose, que nous
sommes heureux de voir parmi nous.
Je m'inquiétais jusqu'à ce matin de l'absence de la CSN et
de la FTQ de nos débats. La CEQ nous avait déjà fait part
de son intention de participer à nos travaux,
mais nous n'avions pas eu de signe directement des deux autres grandes
centrales. Je suis bien content que le président de la CSN ait
décidé de se joindre ce matin à la
Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du
Québec pour cette présentation qui a permis également, je
pense, d'exposer la philosophie générale de la CSN en
matière d'éducation.
Nous avons eu un débat sur ce sujet tantôt avec la CEQ. Je
ne voudrais pas le reprendre pour ne pas faire des redites. Il a
été question des orientations générales du
système d'enseignement québécois, en particulier du
système d'enseignement universitaire. J'ai indiqué qu'il y avait
certaines différences d'opinions entre le parti qui dirige
présentement le gouvernement du Québec et les positions
présentées par la CEQ, lesquelles sont très voisines de
celles que vous avez présentées dans votre mémoire en
matière de caractère démocratique du système
d'enseignement, en matière d'accessibilité, en matière de
financement du système universitaire.
Il reste quand même que les convergences sont, à mon point
de vue, plus importantes que les points de désaccord. Je peux vous
assurer que l'orientation générale du Parti libéral du
Québec en matière d'éducation, c'est une orientation qui
va dans le sens d'une affirmation claire de la dimension publique,
communautaire, collective de la fonction d'éducation et d'enseignement
dans notre société. Cela ne se réalise pas exactement de
la même manière, selon les mêmes nuances, à chaque
niveau, mais l'orientation générale est nettement dans ce sens et
je pense bien qu'elle est appelée à le demeurer aussi.
Quand Mme Pellerin nous a dit tantôt que, du point de vue de la
Fédération nationale des enseignantes et enseignants du
Québec, l'université ne doit pas être conçue comme
un supermarché, j'étais tout à fait d'accord avec elle. On
peut être porté, quand on examine ces choses d'un point de vue
technocratique, à se les représenter à partir
d'équations algébriques qui font bien dans un "computer", dans un
ordinateur. L'ordinateur peut ramener la réalité à des
proportions qui la rendent complètement méconnaissable.
Je pense bien que la première caractéristique de
l'université, c'est d'être une communauté de vie. On parle
beaucoup de la fonction d'enseignement, de la fonction de recherche, de la
fonction de services à la collectivité. Dès qu'on commence
à parler de fonction, on risque de fonctionnaliser et on risque aussi de
fonctionnariser. Je pense que les fonctions découlent de ce qu'est un
organisme. Et essentiellement, encore une fois, je pense que
l'université tout comme l'école à son niveau doivent
être des communautés de vie et de travail, des communautés
de recherche également. Pour qu'on ait une communauté, il ne faut
pas qu'on pense uniquement en termes de comptabilité. Il ne faut pas
qu'on pense uniquement à se précipiter sur l'ordinateur. Je pense
qu'il y a des travaux beaucoup plus profonds que cela qui sont au coeur
même de la vie universitaire, et vous l'avez rappelé dans des
termes simples qui m'ont personnellement touché et avec lesquels je suis
pas mal d'accord.
Au sujet de l'accès à l'université, vous avez
rappelé des faits qui sont à la fois encourageants et
interpellants pour nous. D'un côté, nous avons fait des
progrès énormes au cours des 20 dernières années,
c'est incontestable et plusieurs des statistiques que vous citez dans votre
mémoire le confirment. Mais il y a encore des pas à faire. Je
suis content que vous ayez souligné de manière
particulière les pas qu'il reste à faire du côté des
communautés ethniques. Les communautés ethniques sont celles qui
accusent actuellement en matière d'accès à la formation
postsecondaire le retard le plus prononcé. Il existe encore
également des écarts à combler en ce qui touche tes
francophones, en ce qui touche les femmes, en ce qui touche les
régions.
Nous n'aurons jamais l'égalité parfaite d'accès.
L'égalité parfaite est un idéal qui demeure, à mon
point de vue, inaccessible concrètement à moins que nous ne
vivions dans une société littéralement parfaite; il y aura
toujours, toujours, de nouveaux phénomènes
d'inégalité qui se manifesteront, même si nous avons
réglé les anciens. Vous nous rappelez des points qui peuvent
être source de préoccupation pour les gouvernants et pour tous
ceux qu'intéresse le progrès de l'éducation chez nous.
Sur la condition étudiante, je ne m'étendrai pas
longtemps. Non pas parce que les passages de votre mémoire qui en
traitent ne sont pas importants. Parce que nous aurons l'occasion d'ici la fin
des travaux de la commission de causer avec des organismes qui sont des
porte-parole plus immédiats du corps étudiant dans leurs milieux
respectifs. Je pense que nous pourrons aller au fond de cette question. C'est
uniquement une question de temps qui m'empêche de m'attarder
là-dessus, à ce moment-ci. (12 h 45)
Tout cela, évidemment, pour en venir à la question
principale soulevée dans votre mémoire, c'est-à-dire la
condition des personnes que vous représentez plus immédiatement,
les personnes que l'on appelle des chargés de cours dans nos
universités. Vous avez rappelé avec raison que les chargés
de cours assument une partie très importante de la mission de
l'université. On traduit généralement cette partie qu'ils
assument en heures de cours. On dit qu'ils
donnent, dans certaines universités, un peu plus que ta
moitié de l'ensemble des cours qui sont donnés dans d'autres
universités, proportion qui varie de 33 % à 50 %. Vous signalez,
justement, qu'on ne peut pas assumer une proportion aussi forte de
l'enseignement proprement dit sans en même temps assumer des
responsabilités concomitantes,, On ne va pas se présenter devant
une classe d'étudiants universitaires sans avoir fait un travail de
préparation considérable. Les contacts qu'on a entraînent
d'autres travaux par la suite.
Vous avez raison de signaler qu'il y a un problème aigu de ce
côté. Je pense qu'on doit l'examiner. Le problème est
peut-être plus complexe que vous ne l'avez indiqué dans votre
présentation, M. Jones. J'interrogeais les gens de l'Université
du Québec à Rimouski, hier. Le syndicat des chargés de
cours est venu nous faire une présentation. J'ai demandé: Comment
se compose votre groupe? De qui se compose-t-il exactement? Il y a toutes
sortes de monde là-dedans. Il y a 40 % des chargés de cours
à Rimouski qui sont des personnes qui ont déjà des emplois
réguliers ailleurs, dont la très grande majorité, par
conséquent, n'aspire apparemment pas à devenir des professeurs
à temps complet. Ce n'est pas le même problème. Les
conditions qui sont faites à ces personnes ne sont pas comparables,
à mon point de vue, aux conditions qui seront faîtes à des
personnes qui, à toutes fins utiles, donnent peut-être les deux
tiers, les trois quarts, des fois la totalité de leur temps à
cette fonction qu'ils accomplissent et demeurent chargés de cours parce
que l'université n'a pas les moyens de les accueillir à titre de
professeurs réguliers.
On me disait qu'il y en a d'autres qui sont des pigistes de divers
types. Par exemple, il y en a qui sont des pigistes dans le domaine de la
rédaction, de la communication, de la consultation en matière de
management. Ces gens, il y en a qui se plaisent dans le condition de pigiste.
Nous le savons tous, c'est une condition qui s'est beaucoup
développée de nos jours et, avec la mobilité que
l'économie prend, il y en a qui préfèrent cela. Il ne
faudrait pas les forcer, à cause d'une logique syndicale impitoyable,
à centrer absolument dans le rang des conventions que vous autres vouiez
obtenir. Il y a un problème de ce côté. Ce n'est
peut-être pas aussi simple que le laisse entendre le mémoire. Je
vous donne ma réaction en toute franchise. Vous me connaissez assez. Je
vous pose le problème, pour en venir à la question suivante:
Quand vous dites que vous demandez la pleine reconnaissance des chargés
de cours dans votre recommandation qui est contenue à la page 46 de
votre mémoire, vous semblez aller plus loin que certains passages de
votre mémoire ne le faisaient antérieurement.
Antérieurement, vous disiez: On veut qu'ils soient davantage
intégrés, à tout le moins associés. Il y avait des
nuances qui étaient importantes. Mais, à la fin, la
recommandation est catégorique et il y a toute une série de
points qui sont énumérés. J'aimerais que vous nous disiez
ce que vous entendez par cela. Est-ce que vous entendez appliquer le même
traitement à tout le monde sans tenir compte des distinctions comme
celles qui m'étaient proposées hier par les chargés de
cours de l'Université du Québec à Rimouski?
M. Larose: Jocelyn Chamard va vous donner les
éléments de réponse.
M. Chamard (Jocelyn); En 1979, dans le rapport de la commission
Angers qui faisait une évaluation du système universitaire -alors
que les chargés de cours commençaient déjà à
être un phénomène massif au niveau de l'enseignement
universitaire - il y a environ deux pages qui sont consacrées aux
chargés de cours. On indiquait que les chargés de cours
étaient en général des praticiens et des intervenants du
milieu qui apportaient une contribution reliée au milieu pratique.
C'était aussi des gens qui étaient dans une démarche de
carrière à l'université vers l'accès à la
permanence. C'était le constat de la commission Angers. Face à la
crise qu'on a subie dans les universités, le phénomène de
l'accès à la permanence S'est bloqué, c'est-à-dire
qu'on assiste à un statut éternel de chargé de cours.
C'est un premier aspect. Tous les chargés de cours ne subissent pas une
instabilité et une précarité d'emploi, mais c'est un
phénomène massif. Au-delà de la moitié des
enseignants chargés de cours sont en situation réelle de
précarité d'emploi, c'est-à-dire qu'on enseigne à
une session et on est incertain de pouvoir enseigner à la session
suivante. Plus souvent qu'à son tour, on est assuré d'aller au
bureau de l'assurance-chômage. Pour cela, on a une garantie. On n'a pas
de plancher d'emploi, on n'a pas de sécurité. Cela peut faire
trois ans, quatre ans qu'on enseigne à l'université et, selon
l'évolution des programmes et l'offre de cours, on peut se retrouver
sans aucun lien institutionnel. C'est l'aspect précaire de notre
travail.
D'autre part, par rapport au statut du groupe collectif qui assume 50 %
de l'enseignement, on n'est pas nommé dans les lois fondamentales, par
exemple la Loi sur l'Université du Québec. On n'est pas
nommé, non plus, dans les chartes des universités. On n'a aucune
participation à la vie académique et à la vie
professionnelle d'une université. M. Ryan, vous indiquiez qu'une vie
universitaire, c'est une vie de communauté. Par exemple, la
participation à tous les échanges relatifs aux objectifs des
cours, des programmes, des directions et de l'agencement des cours entre les
chargés de cours et
les professeurs n'est pas organiquement intégrée à
la vie universitaire et cela peu importe le statut des chargés de cours
au niveau de leur emploi, qu'il soit ponctuel ou continu à
l'université. On est en relation d'extériorité
complète.
Je pense que les universités n'ont pas encore fait de pas
suffisants pour vraiment nous intégrer. Il y a eu des amorces, il y a eu
des statuts d'observateurs qui ont été reconnus à
certaines instances académiques, mais on le fait
bénévolement. Déjà, on a un salaire de
misère comme chargés de cours; on n'est jamais assurés
d'un revenu annuel qui nous permette d'avoir un revenu relatif à nos
compétences et, en plus, on fait du bénévolat pour
participer à ces instances. Alors! Normalement, le
phénomène qu'an a vu, c'est que les chargés de cours ne se
sont pas alignés pour assumer ces possibilités de statuts
d'observateurs étant donné qu'il n'y a aucune
rémunération en conséquence. On nous demande aussi
d'être à jour dans la connaissance universitaire. On nous demande
de faire des créations dans le domaine artistique, on nous demande de
faire des articles de recherche pour démontrer nos compétences
à être qualifiés pour donner des cours, mais on n'a aucune
ressource financière pour assumer ces tâches qui sont essentielles
au niveau universitaire.
Le Conseil des universités dit dans son mémoire que la
séparation entre l'enseignement et la recherche est rendue un fait
massif et que c'est viable. Depuis dix ans, les chargés de cours
affirment le contraire. On ne peut pas faire de l'enseignement universitaire
sans être à jour au niveau des connaissances, sans faire des
recherches, sans créer, sans avoir une expertise dans le milieu et on
n'a aucune ressource financière pour ces activités-là.
Mme Pellerin: Je vaudrais ajouter ceci. C'est sûr
qu'à la fédération on est contre le double emploi. Le
Syndicat des chargés de cours de l'Université du Québec
à Montréal, qui est notre plus vieux syndicat, a sa clause sur le
double emploi. C'est sûr qu'on ne sera jamais contre les gens qui
viennent donner ce qu'ils ont pour enseigner dans des domaines bien
spécifiques. On a besoin de spécialistes. On n'est pas contre
cela. Mais l'utilisation que I'université fait des chargés de
cours parce que cela aide les finances quand tu paies moins cher un
chargé de cours qu'un prof, donc l'introduction massive des
chargés de cours, amène qu'on doit faire quelque chose pour ces
gens-là. On ne peut pas les laisser enseigner sans aucun support, sans
endroit pour travailler.
Si l'on dit que plus de la moitié de l'enseignement est fait par
des chargés de cours et qu'un chargé de cours qu'on appellerait
régulier, qui fait cela comme travail, est payé 18 000 $ pour six
charges de cours dans un an, comment traite-t-on l'enseignement à
l'université, si on le paie si peu? Et aussi, pourquoi les
universités s'acharnent-elles tant contre leur syndicalisation? Cela a
pris sept ans à l'Université de Montréal. Ils ont fini par
être syndiqués et encore, cela a été jusqu'au mois
d'octobre avant qu'on ait une réponse définitive. Ce sont
maintenant les chargés de cours de l'Université Laval. On
intervient pour eux aussi cet après-midi, parce qu'ils ont le même
problème. II est sûr que du "cheap labor", cela aide à
financer, mais je crois que ce n'est pas une façon de donner un bon
enseignement à l'université.
Les chargés de cours travaillent dans des conditions
pénibles et ils fournissent un très bon enseignement. Pourquoi
les traite-ton de cette façon-là? Parce que cela aide à
financer l'université. C'est pour cela qu'on intervient. On n'est pas
contre les chargés de cours, les gens qui viennent donner des cours, des
spécialistes, mais contre la façon dont on les utilise. On est
aussi contre le double emploi.
M. Jones: Puis-je faire une intervention rapide?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, monsieur.
M. Jones: La question de la composition des chargés de
cours est souvent soulignée, M. le ministre. En arrière de cela,
il y a, à mon avis, un effort de justifier les conditions d'exploitation
des chargés de cours. À mon avis, la question se pose dans un
autre sens. Même si on constate que 40 % des chargés de cours ou
même plus sont des gens qui ont des jobs ailleurs, qui sont pigistes ou
qui trouvent un revenu ailleurs, est-ce que c'est causé par le fait
qu'ils sont chargés de cours ou est-ce que c'est un effet de cela?
Autrement dit, est-ce qu'ils sont obligés de travailler ailleurs parce
que les conditions de travail comme chargés de cours ne leur donnent pas
une rémunération décente ou est-ce qu'ils travaillent
ailleurs parce qu'ils font le jab de chargés de cours comme hobby?
Pardonnez-moi, je ne connais pas le mot français, mais un hobby, c'est
une activité à part leurs occupations.
En résumé, offrez des conditions de travail
décentes, des jobs à temps plein aux chargés de cours et
je vous garantis que le pourcentage des gens qui travaillent ailleurs et qui
continuent d'être pigistes va diminuer à presque zéro.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez
terminé? Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Larose, madame,
messieurs, ça me fait
plaisir de vous accueillir au nom de l'Opposition. Comme l'a dit le
ministre tout à l'heure, effectivement, sur le fond, je pense bien qu'il
y a beaucoup de similitudes avec le mémoire qui nous a été
présenté par la CEQ. Cela m'amène à penser que ceux
qui sont le plus près de l'action sont probablement ceux qui sont
souvent les plus capables d'identifier la nature des actions qu'on devrait
prendre comme société. Qu'ils aillent dans le même sens a
quelque chose de rassurant. Je dois dire que, sur plusieurs points, je partage
votre lecture des choses en même temps que vos préoccupations.
L'idée d'élargir le débat de cette commission sur l'avenir
des universités m'apparaît indispensable.
J'aimerais quand même revenir sur deux points particuliers qui me
préoccupent. C'est toute la question de l'origine
socio-économique des étudiants et des étudiantes, de
même que la place qui est faite aux femmes dans les universités,
que ce soit dans le corps professoral ou comme étudiantes, et toute la
question des chargés de cours.
En page 22 et, ensuite, ça revient en page 34, si je me le
rappelle, vous parlez des différences qui demeurent quant à
l'origine sociale des étudiants, quant à la langue maternelle
d'enseignement. Vous faites un rapport entre la fréquentation de
l'université des anglophones et des francophones. Il demeure encore un
écart important.
J'aurais juste une petite question de clarification en page 17 et,
ensuite, je viens à la question. En page 17, dans le tableau que vous
avez là, francophones et anglophones, vous estimez - non pas que vous
estimiez, j'imagine que vous avez pris votre référence ailleurs -
à 17 000 le nombre d'anglophones qui poursuivraient des études
à temps partiel en 1985-1986. Je pense que c'est très
surestimé parce que le rapport n'est pas aussi élevé que
cela. Le phénomène des études à temps partiel est
beaucoup plus marqué chez les francophones que chez les anglophones. Je
m'interrogeais sur la valeur de ce chiffre. Par ailleurs, par rapport aux
autres données, effectivement, il demeure un écart important.
Dans les fiches signalétiques qui nous ont été
adressées avant le début des travaux de cette commission, on
annonçait une enquête qui avait été faite par le
Bureau de la statistique du Québec sur le statut socio-économique
des étudiants. Si je me fie au texte que j'ai en main, ses
données proviennent de la compilation préliminaire de la
synthèse statistique de l'enquête sur le mode de vie des
étudiants du Bureau de la statistique du Québec devant
paraître en juillet prochain. On a communiqué au bureau pour
savoir où en était cette étude. Je trouverais
extrêmement important, avant que se terminent les travaux de cette
commission, qu'on puisse avoir en main cette enquête sur le statut des
étudiants. Cela devait paraître en juillet. Nous sommes rendus en
octobre. À moins qu'il n'y ait des raisons particulières - et je
ne pense pas que ce soit le cas - de ne pas la communiquer, il serait
important, pour l'éclairage des travaux de cette commission, qu'on
puisse avoir en main cette étude, parce que vous recommandez, à
la page 34 de votre mémoire, d'effectuer une enquête de mise
à jour de la condition étudiante. Je pense que, si on avait ce
document en main, puisque l'enquête a été faite à
partir d'une enquête semblable qui avait été faite en 1979
- en fait, ce serait la troisième - cela nous permettrait de voir
l'évolution dans la fréquentation et le profil
socio-économique des étudiants. (13 heures)
Cependant, on avait quelques fiches dans les informations qui nous ont
été fournies. Ce n'était que quelques indications, cela ne
nous permet pas de faire des analyses plus approfondies. Il demeure que les
fils et les filles des ouvriers, des commis, des vendeurs, des techniciens ne
représentent pas tout à fait 40 % des clientèles
étudiantes dans les universités. Cela démontrerait qu'il
n'y a pas eu une très grande évolution.
Il y a une autre statistique qui me préoccupe
particulièrement, c'est celle sur le milieu familial. Elle est
intéressante, mais préoccupante également parce que 88,5 %
des étudiants et des étudiantes viennent soit de familles
où les parents vivent ensemble ou de familles dont l'un des conjoints
est décédé. Cela veut dire que vous avez 9,8 %
d'étudiants issus de familles monoparentales. On sait que la proportion
est beaucoup plus grande que cela dans la société. On sait aussi
que 80 % des familles monoparentales, ce sont des femmes. Il y a un rapport qui
semble se faire - évidemment, il faudrait voir des analyses plus
approfondies là-dessus - entre l'accessibilité, le fait que vous
soyez dans un milieu défavorisé, le fait que ce soient des femmes
qui sont chefs de famille et leur accès à l'université.
Évidemment, cela peut sembler un peu échevelé comme
présentation, mais si on ne réalise pas rapidement que toute la
société va être pénalisée parce que les
femmes ne sont pas dans des circuits qui leur permettent d'avoir un salaire
décent pour élever leurs enfants dans des conditions qui leur
permettent d'aspirer à l'enseignement supérieur, on va revenir
à ce cercle qui est, à notre avis, extrêmement
pénalisant pour toute la société.
 la page 35, vous proposez un certain nombre de mesures pour
favoriser l'accès des femmes à l'université. À la
7e recommandation, on dit: "Au niveau des
différents programmes, du matériel pédagogique, des
conditions d'études aux 2e et 3e cycles et au niveau des personnels".
Vous en parlez un peu plus longuement dans la présentation.
Voudriez-vous nous expliciter davantage ce que seraient des mesures
précises, selon vous?
M. Larose: Mme Achard.
Mme Achard (Flavie): Les chiffres estimés dont vous
parliez, soit les 17 000, à la page 17, nous ont été
communiqués par téléphone, par les services du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. C'est
cette personne qui nous a dit qu'eux-mêmes avaient établi ce
chiffre. Il se peut fort bien que ce chiffre soit surestimé si l'on fait
la corrélation avec la page 24 où l'on indique l'âge moyen
d'entrée à l'université des anglophones par rapport aux
francophones. L'âge moyen d'entrée à l'université
des francophones est de 27,93 ans, soit 28 ans, alors que celui des anglophones
est d'environ 25 ans. Il faut dire que ce sont des statistiques qui
mélangent les études à temps partiel et les études
à temps complet. C'est un indice très fort qui fait que les
francophones sont plus pauvres que les anglophones et qu'ils sont
obligés de venir à l'université très souvent
à temps partiel, donc de travailler en même temps qu'ils
étudient. C'est un aspect fondamental, je pense, de la condition
étudiante des francophones au Québec.
Quant à l'autre question...
Mme Blackburn: Elle concernait l'accès des femmes à
l'université.
Mme Achard: Je vais laisser le soin à Mme Pellerin d'y
répondre.
Mme Pellerin: D'accord. Je pense que la plus grande
difficulté qu'on a présentement est de trouver des façons
d'introduire les femmes dans l'éducation, dans les études. Si on
commençait tôt, disons au niveau collégial, à faire
des programmes d'accès à l'égalité pour que les
femmes commencent à enseigner au niveau collégial... Ce qui
arrive dans les négociations du secteur public, c'est que ce sont
toujours les femmes qui sortent du collégial, parce que les mesures
qu'on prend, c'est de sortir les femmes vu qu'elles sont entrées les
dernières.
Ce qui arrive aussi, c'est que les étudiantes qui sont au
collégial n'ont pratiquement pas de modèles féminins,
sinon dans les ghettos féminins. Chez les infirmières, par
exemple, il n'y a pas de difficulté. Mais ailleurs... Tout ce qu'on
entre comme nouvelles technologies au niveau collégial s'adresse
toujours aux hommes. Que l'on parle de la navigation, de l'aérospatiale,
etc., c'est toujours comme cela. Les jeunes filles n'ont pas de modèles
féminins pour entrer au collégial. Il n'y a pratiquement pas de
femmes qui enseignent au niveau collégial. C'est donc dire, quand on va
au niveau universitaire, que cela nous pose encore un problème. Les
femmes n'y sont pas plus nombreuses et les jeunes filles ont commencé au
niveau collégial des cours traditionnellement féminins. Elles
continuent donc à l'intérieur de cela.
Il y a aussi le fait que, comme il n'y a pas de réseau de
garderies et que les femmes ne peuvent pas aller à l'université
avec leurs enfants, il y a un problème. Peut-être que les hommes
se sont maintenant améliorés et qu'ils travaillent un peu
à la maison, mais disons que ce sont encore les femmes qui sont les plus
grandes gardiennes. Comme je le disais, il n'y a pas de réseau de
garderies. Mais, si on commençait par régler des problèmes
semblables, on pourrait peut-être régler les problèmes au
niveau universitaire. On croit que la formation courte a résolu un
problème. Elle s'adresse aux adultes. Si vous faites un certificat,
c'est moins long. 5i vous voulez vous recycler pour aller sur le marché
du travail, vous passez par la formation courte et c'est plus facile.
Pourquoi ne vont-elles pas plus loin qu'un premier cycle? Je croîs
que c'est ce que je disais tantôt. C'est que pour aller aux 2e et 3e
cycles cela demande beaucoup de temps. Souvent, on est pauvre, parce que 60 %
des femmes vivent en dessous du seuil de la pauvreté au Canada. Comme
les foyers monoparentaux sont surtout dirigés par les femmes, vous ne
pouvez pas non plus passer votre vie à l'université, il faut
aussi gagner de l'argent à un moment donné. Je crois que cela
commence plus tôt qu'au niveau de l'université pour pouvoir
créer des choses à l'université. C'est pourquoi les
programmes d'accès à l'égalité au niveau
collégial sont importants. Le réseau de garderies est important.
Le fait aussi de donner aux femmes des conditions d'entrée à
l'université qui ne seraient pas similaires à celles des hommes
serait important. Parce qu'on sait que c'est plus facile pour les hommes que
pour les femmes. Mais je dis quand même que l'on doit commencer plus
tôt qu'à l'université.
Je pense qu'au niveau collégial on a déjà un
problème et il se répercute donc ensuite à
l'université.
Mme Blackburn: À la 8e recommandation ou revendication,
page 35, vous proposez que les universités et le gouvernement
publicisent davantage cette mission de l'université, notamment
auprès des groupes concernés afin qu'ils puissent solliciter ce
type de services à l'université. Il s'agit des services à
la collectivité. Mais ne croyez-vous pas, lorsque vous dites que
cela devrait commencer plus tôt, qu'il faudrait avoir davantage de
mesures qui soient prises beaucoup plus tôt, soit dans le milieu
familial, dès les premières années, finalement? Parce que
cela se détermine souvent dès les premières années
de fréquentation scolaire, quand ce n'est pas plus tôt. Cela
dépend beaucoup de la stimulation familiale.
Mais j'aimerais revenir brièvement, puisque le temps passe, sur
les chargés de cours. Il y a quelques années, au moment où
l'Université du Québec ouvrait ses premières
constituantes, on s'était interrogé dans les universités
sur un niveau acceptable d'activités d'enseignement à être
dispensé par les chargés de cours. C'était variable. On
connaissait la pratique là-dedans. À un moment donné, on
avait convenu du pourcentage 40-60, c'est-à-dire que 40 % pour le
chargé de cours était le maximum qu'on devait atteindre et 60 %
par le professeur permanent à temps complet. On s'est fait dire ici que
c'était très variable, à présent, que
c'était plus près de 50 %. Même que dans certains
départements cela va jusqu'à 70 %. Il y a même des
représentants de l'Université du Québec à
Montréal qui nous ont dit, je pense, qu'il y avait, dans certains cas,
un prof permanent pour encadrer 40 chargés de cours. Là, cela ne
paraît plus être une question qui soit marginale et
réservée à quelques universités. Cela commence
à devenir un problème sérieux. Je ne pense pas que l'on
puisse continuer à faire comme s'il n'y avait pas de problème
dans toute cette question des chargés de cours et du recours à ce
type d'emploi pour assurer les activités d'enseignement.
À la page 46, vous proposez, et peut-être parce que le
ministre n'a pas eu le temps de lire votre mémoire, à la 4e
recommandation, une enquête publique sur la condition des chargés
de cours. À quoi pensez-vous quand vous parlez d'une enquête
publique? Je sais à quoi se réfère une enquête
publique, mais c'est quand même quelque chose. Avez-vous pensé
à une formule qui nous permettrait de mieux comprendre et de mieux
connaître à !a fois le profil du chargé de cours, ses
attentes, sa pratique à l'extérieur de la province ou dans
d'autres pays pour voir un peu ce que cela peut représenter et dans
quelle direction on devrait aller par rapport à l'utilisation et
à l'embauche de ces chargés de cours?
M. Larose: M. Jocelyn Chamard va vous répondre.
M. Chamard: Par exempte, ce pourrait être le Conseil des
universités qui ferait une étude sur les modalités. Ce
pourrait être cela ou quelqu'un d'autre. Ce qui me semble évident,
c'est qu'on essaie de voir qui sont les chargés de cours. Combien
sont-ils? Quelles sont les allocations financières des masses salariales
qui leur sont imputées? Quand on tente de travailler à partir des
statistiques du ministère ou de la CREPUQ, c'est un maquis. On ne sait
pas qui sont les chargés de cours. Combien sont-ils? Quelle est leur
évolution dans l'enseignement, leurs aspirations? Pourquoi viennent-ils
à l'université? Pourquoi enseignent-ils? Pourquoi certains
persévèrent-ils cinq, huit, dix ans sans être certains d'y
demeurer, sans accès à aucune permanence? On ne comprend
même pas leur présence à l'université. On se demande
même parfois entre nous pourquoi on persiste.
En ce qui concerne les chargés de cours, je vais vous donner un
exemple. Il ne s'agit pas de viser le réseau de l'Université du
Québec plus qu'un autre, mais cet exemple illustre un peu ce qui se
passe. Dans la publicité du journal Le Réseau, qui est l'organe
d'information du réseau UQ, on parle de l'Université du
Québec et on décrit la communauté universitaire en
mentionnant qu'elle comprend 74 000 étudiants, 1800 professeurs
réguliers et 3000 employés non enseignants. Aucune mention de la
présence des chargés de cours. C'est un peu
révélateur. On ne retrouve dans aucun règlement la
reconnaissance de la nomination des chargés de cours. La présence
des chargés de cours à l'UQAM était de 57 % à
l'automne 1985. Dans les années soixante-dix - j'ai pensé que
vous étiez généreuse en parlant de 40 % - on visait
plutôt 30 %. Je me souviens que le Syndicat des professeurs de
l'Université du Québec voulait diminuer le ratio des
chargés de cours. C'était un des objectifs du syndicat à
l'époque. Cela a disparu avec les événements de la crise
financière, notamment.
Connaître la réalité des chargés de cours,
c'est connaître la réalité de leur travail, de leur
contribution, parce qu'il y a des aspects invisibles. Souvent, on sert de boucs
émissaires pour dire qu'il y a des problèmes de qualité
dans le domaine de l'enseignement universitaire. On dit que les chargés
de cours ne font pas d'encadrement. Cela n'est pas évident à
prime abord. Comment se fait-il qu'il y ait autant d'étudiants qui
passent aux 2e et 3e cycles avec autant d'enseignants chargés de cours?
Comment se fait-il que le problème de l'encadrement y est lié?
5ouvent, les étudiants ne savent même pas si le professeur devant
eux est un chargé de cours ou un professeur régulier. Comment
peut-on identifier que ce sont les chargés de cours qui ne font pas
d'encadrement? C'est le mystère.
Les chargés de cours sont obligés, par exemple en arts, de
faire de la création pour se faire reconnaître qualifiés.
Mais ce n'est pas une tâche reconnue pour laquelle ils sont
payés. Mais ils doivent quand même l'assumer. Pour se faire
reconnaître qualifié, on doit, par exemple, pour donner des cours
en histoire, en sociologie ou dans d'autres domaines, faire des articles de
recherche. Mais on n'a aucun soutien institutionnel. Vous devez assumer cela
personnellement. C'est la situation des chargés de cours qui est
inconnue. C'est ce qu'on veut qui soit corrigé. Dans un premier temps,
on pense que c'est une réalité encore inconnue.
Si je demandais au ministre ou au ministère de l'Éducation
de nous donner des chiffres précis sur le nombre de chargés de
cours et la part de l'enseignement assumé, je suis sûr que les
zones d'ombre apparaîtraient aisément. Je vais vous donner un
exemple. En 1982-1983, selon le réseau UQ, il y aurait eu une
décroissance du nombre de chargés de cours dans le domaine
universitaire. Bien oui. Nos listes de rappels ont diminué de 24 mois
à 16 mois; cela a éliminé du monde. Mais la part de
l'enseignement a augmenté - vous avez eu des chiffres de l'UQAM - de 33
% à plus de 50 %. C'est ce qui est important car c'est la part de
l'enseignement assumé. On essaie de trouver les masses salariales
dévolues aux chargés de cours dans les chiffres du
ministère, au chapitre des finances. On a confié cette
tâche à un recherchiste de la CSN cet été. Il
était découragé et il a dit qu'il ne pouvait pas faire les
"computations".
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. Chamard. J'inviterais maintenant Mme la députée de Chicoutimi
à conclure au nom de sa formation politique.
Mme Blackburn: Je vous remercie, au nom de ma formation
politique, de votre participation aux travaux de cette commission. Cela nous
demanderait sans doute plus de temps pour mieux cerner cette situation qui
devient majeure dans les universités, soit la prestation de cours par
les chargés de cours. Je pense que la recommandation que vous faites
mérite d'être sérieusement considérée. Il
nous paraît évident qu'il y a un rapport entre les conditions de
travail qui sont faites aux chargés de cours et la qualité de
l'enseignement et des services.
Il est vrai de dire que le profil des chargés de cours est fort
variable. Il y en a qui sont déjà professeurs à temps
complet et qui ont aussi des charges additionnelles de cours. Il y a
également ceux qui le font parce qu'ils sont spécialistes en
certaines matières. Il y a aussi ceux qui en font quasiment un emploi,
insécurisant sûrement, mais à temps complet. Je pense que
c'est cette réalité qu'il faudrait mieux connaître.
Il faudrait aussi s'interroger sur ce qu'est un niveau acceptable. Parce
qu'on ne pourra pas parler de qualité sans se demander jusqu'à
quel point on peut confier une partie importante de l'enseignement à des
personnes qui n'ont pas suffisamment l'occasion à la fois de faire de la
recherche, de se perfectionner et de contribuer à des travaux pour
augmenter leurs compétences et les mettre à jour. Je pense que
cette question mérite toute l'attention que vous souhaitez. J'estime que
la recommandation que vous faites dans le sens qu'il y ait une enquête,
qu'elle soit menée par le Conseil des universités ou par un autre
organisme, est fort pertinente et j'espère que le ministre responsable
la prendra en considération, comme il l'a fait à d'autres
occasions. Je vous remercie infiniment.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M.
le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de donner
suite immédiatement aux propos que vient de tenir la
députée de Chicoutimi. Comme elle l'a signalé justement,
lorsque des problèmes sérieux ont été soumis
à l'attention des membres de la commission depuis le début de nos
travaux, nous avons essayé d'en tenir compte et de prendre l'engagement
de les examiner plus à fond quand les données n'étaient
pas toutes réunies.
Dans le cas des chargés de cours, je pense que nous allons
greffer ce sujet à l'étude que nous allons faire sur la
tâche de travail des professeurs d'université. Nous allons
constituer un groupe de travail très prochainement sur ce sujet. Je vais
demander que l'on inclue parmi les sujets que nous examinerons tout le
problème des chargés de cours. Parce qu'on ne peut pas discuter
des tâches de travail des professeurs réguliers sans examiner
également le volet que représente le travail des chargés
de cours. Je pense que ce sont des composantes maintenant vitales de la
fonction de l'enseignement et de la recherche à l'université. Ce
qui fait que je pense pouvoir vous dire que la dimension que vous avez
portée à notre attention de façon plus explicite ce matin
sera prise en considération dans cet examen qui sera fait au cours des
prochaines semaines. On n'a pas eu le temps de constituer encore ce groupe de
travail parce qu'on a été pris presque continuellement par la
commission depuis un mois, mais on va le faire très prochainement. C'est
un élément qui pourra, je pense, nous être très
utile pour déterminer la politique du gouvernement.
Je voudrais ajouter sur ce point une remarque de caractère
général. Je pense que dans notre société, comme
dans la société américaine, les ententes collectives des
dernières générations, surtout de ta dernière
génération, avaient donné lieu, dans plusieurs
secteurs de l'économie, à des rigidités excessives
qui ont fini par éclater d'une manière ou de l'autre, parce
qu'elles ne pouvaient pas résister dans le statisme qu'elles causaient
sauvent au mouvement impétueux des changements sociaux, technologiques
et économiques qui se produisaient autant au plan international qu'au
plan national. Mais la contrepartie de cet éclatement de plusieurs
structures que l'on croyait installées à demeure, c'est la
prolifération du travail que vous avez appelé le "cheap labour".
Il est vrai qu'on avait besoin de plus de souplesse dans plusieurs secteurs de
l'activité économique mais souvent la souplesse se traduisait
pour plusieurs par la création d'emplois très faiblement
rémunérés et qui, finalement, réduisaient le niveau
de vie d'un grand nombre de personnes.
Je voyais un article dans le Globe and Mail de samedi, qui
n'était pas spécialement original, mais qui l'était
toutefois par son application dans la réalité économique
canadienne. On disait qu'autrefois on allait vers un modèle en
Amérique du Nord où la classe moyenne était majoritaire,
la classe pauvre minoritaire, d'un côté, et la classe riche, de
l'autre. Mais, maintenant, la classe moyenne s'amenuise de plus en plus. Le
nombre des pauvres augmente et la richesse des riches augmente aussi.
Là, il y a un problème très grave qui nous
préoccupe tous. Je pense qu'on doit le voir se développer sous
nos yeux et je pense que ce que vous nous avez dit se rattache à ce
phénomène. On va essayer de l'étudier et de le comprendre.
Maintenant, il faudrait nuancer les solutions parce qu'on ne peut pas apporter
de solutions globales à un problème comme celui que vous posiez.
M. Jones disait tantôt: C'est évident, donnez-leur la permanence,
intégrez-les à temps complet dans le travail, cela va être
formidable. S'il avait les ressources ce serait magnifique mais il n'a
évidemment pas les ressources pour intégrer. Je pense qu'en tout
il doit y avoir de 8000 à 10 000 personnes qui sont chargées de
cours d'une manière ou de l'autre dans nos universités et on a
7000 professeurs permanents.
Là, il y a un problème. On va l'examiner. C'est une des
données essentielles. Je vous remercie de l'avoir porté à
notre attention avec autant de civilité et de fermeté en
même temps. Je pense que vous nous rendez un service très
précieux et je voudrais adresser des salutations spéciales, en
terminant, au président de la Confédération des syndicats
nationaux que je suis bien content d'avoir rencontré à cette
occasion.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre, M. Larose, Mme Pellerin, Mme Achard, M. Jones, M. Chamard. La
commission parlementaire sur l'éducation vous remercie d'être
venus nous aider à réfléchir sur la problématique
du financement des universités et de l'orientation du réseau.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures alors que nous
accueillerons l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingueoe.
(Suspension de la séance à 13 h 22)
(Reprise à 15 h 10)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
mesdames et messieurs! La commission de l'éducation poursuit ses travaux
toujours dans le cadre du mandat qui lui a été confié le
19 juin dernier par l'Assemblée nationale, soit de procéder
à une consultation générale sur l'orientation et le cadre
de financement du réseau universitaire québécois pour
l'année 1987-1988 et les années ultérieures.
Cet après-midi, la commission parlementaire de l'éducation
accueille l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
Le porte-parole en est M. Rémy Trudel, recteur. M. Trudel, soyez le
bienvenu et merci d'avoir répondu à l'invitation de la commission
parlementaire de l'éducation de venir rencontrer les
députés et discuter avec eux d'un problème qui nous
intéresse tous, je crois, à savoir l'orientation du réseau
universitaire québécois et son cadre de financement.
La commission a prévu, M. Trudel, d'entendre votre
université durant environ une heure trente. C'est donc dire que selon
les ententes - on m'informe qu'il y a eu entente avec le secrétaire -
vous feriez une présentation verbale d'environ 15 ou 20 minutes et, par
la suite, le reste de la période serait séparée à
part égale entre tes deux groupes parlementaires de façon que
vous puissiez échanger sur le sujet qui nous intéresse.
M. Trudel, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous
accompagnent et enchaîner avec la présentation de votre
mémoire. Merci.
Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue
M. Trudel (Rémy): Je vous remercie, M. le
Président. M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science, mesdames et messieurs les députés de cette commission
parlementaire, il me fait bien plaisir de vous présenter mes
collaborateurs et les gens qui seront avec moi aujourd'hui pour
présenter nos opinions sur le mandat qui a été
confié à cette commission.
À mon extrême gauche, M. Daniel Carie, qui est membre
socio-économique du
conseil d'administration de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue et agronome dans la région de La Sarre,
conseiller au ministère de l'Agriculture. Également, M. Jean
Descarreaux, qui est géologue à la firme-conseil en
géologie Jean Descarreaux, de la région de Val-d'Or; le Dr
Descarreaux est président de notre conseil d'administration à
titre de membre socio-économique.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Docteur, soyez le
bienvenu.
M. Trudel (Rémy): À ma gauche, également, M.
Roger Claux, qui est vice-recteur à l'enseignement et à la
recherche de notre université. Immédiatement à ma droite,
M. Robert Simard, qui est vice-recteur à l'administration et aux
finances de notre université.
Le Président (M. Parent, Sauvé): MM. Claux et
Simard.
M. Trudel (Rémy): Finalement, à l'extrême
droite, M. Bernard Le Régent, qui est aussi membre
socio-économique du conseil d'administration de l'université et
directeur général de la commission scolaire Joutel-Matagami et
Nouveau-Québec.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je me souviens
très bien de M. Le Régent. Il me fait plaisir de vous revoir.
M. Le Régent (Bernard): Merci.
M. Trudel (Rémy): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs les députés, l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscarningue est heureuse d'avoir l'occasion
d'exposer, aujourd'hui, ses opinions sur les orientations et le cadre de
financement du réseau universitaire québécois. L'UQAT
rappellera, dans un premier temps, le contenu de sa mission, de ses
orientations et les motifs qui sont à l'origine de sa création
dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Elle tracera ensuite
une rétrospective de son évolution et de ses réalisations
tant au niveau de l'accessibilité que de l'évolution de ses
clientèles, de l'éventail et de la qualité des programmes
qu'elle offre, que du développement de la recherche, de la composition
de son corps professoral et du rôle de soutien qu'elle joue dans le
développement régional.
Dans un deuxième temps, elle aimerait dresser le portrait de sa
situation financière et préciser les causes qui ont rendu cette
situation financière anémique. Elle rappellera aussi
l'unanimité des différentes études concluant à son
sous-financement et aimerait bien décrire les particularités qui
caractérisent son fonctionnement.
Elle terminera cette présentation en soulignant le très
faible pourcentage des dépenses per capita consacré à
l'enseignement universitaire dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue, malgré des statistiques fort peu
éloquentes sur le degré de scolarisation dans cette
région. L'UQAT soumettra ensuite quelques éléments qui
devraient être pris en compte, à notre avis, pour
déterminer le montant des subventions accordées aux
universités de petite taille et situées en régions
périphériques. Elle fera aussi la démonstration de
l'importance des coûts reliés à la taille, à
l'éloignement et à la poursuite de sa mission régionale et
abordera aussi le développement de la recherche. L'UQAT rappellera
également quelques caractéristiques de la pratique ontarienne
à cet égard. Finalement, souhaitant que les déficiences
des bases de financement actuelles des petites universités
situées en périphérie soient révisées, elle
présentera les grandes lignes des développements qu'elle aimerait
bien envisager.
D'abord, un rappel du rôle de cette université dans la
région de l'Abitibi-Témiscamingue. Érigée en
constituante de l'Université du Québec en 1983, au titre
d'université à vocation générale, l'UQAT a d'abord
défini sa mission, ses orientations et ses axes prioritaires de
développement à l'intérieur du réseau universitaire
québécois. L'essentiel de sa mission de formation et de recherche
se concentre autour du développement des ressources humaines lié
à la mise en valeur des ressources naturelles et à la gestion de
l'environnement sur les plans social, éducatif, culturel et
économique dans un territoire, on s'en doute bien,
caractérisé par sa situation géographique, sa
nordicité, sa faible densité démographique et l'importance
des ressources de la terre.
Pour réaliser cette mission d'enseignement et de recherche nous
avons, bien sûr, adopté un certain nombre d'orientations qui sont,
d'abord, de vouloir rendre accessible à la communauté
régionale la connaissance de niveau universitaire dans un certain nombre
de secteurs disciplinaires fondamentaux. Deuxièmement, comme orientation
pour réaliser cette mission, reconnaître les ressources
limitées d'une institution de petite dimension et la
nécessité de prendre appui sur la communauté scientifique
du réseau universitaire québécois pour réaliser
cette mission d'enseignement et de recherche. Troisièmement, offrir une
contribution significative au milieu régional par la mise sur pied de
programmes ou de lieux d'appui pour assurer son développement à
cette région de l'Abitibi-Témiscamingue.
Présente dans la région depuis 1970 à la demande du
gouvernement, l'Université du Québec est donc profondément
engagée, par sa constituante en région, à relever de
façon rationnelle et planifiée le défi de la
formation et de la recherche de niveau supérieur pour une
population historiquement défavorisée à cet égard.
D'ailleurs, l'étude des taux de fréquentation universitaire nous
permet de constater un net retard de cette région sur l'ensemble du
Québec. Alors que le taux de scolarisation universitaire à
Montréal et à Québec atteint 10,2 %,
l'Abitibi-Témiscamingue atteint faiblement 3,7 % au niveau de la
fréquentation universitaire.
Nous aimerions donc, à la suite de ce bref rappel historique de
la mission et des orientations de l'université, vous parler de
l'évolution et des réalisations de cette université depuis
qu'elle a été créée ou, du moins, depuis que
l'Université du Québec est présente dans la région
de PAbitibi-Témiscamingue.
Forte de la volonté gouvernementale de vouloir promouvoir
l'accessibilité aux études universitaires et de prendre en
considération de façon particulière les besoins des
communautés régionales, notre université orienta
très tôt son action vers la déconcentration de ses services
et la décentralisation des enseignements comme moyens
privilégiés de desserte d'une clientèle répartie
sur son vaste territoire de plus de 110 000 kilomètres carrés en
excluant, bien sûr, le territoire de la Baie-James. C'est ainsi que notre
université, en plus des services qu'elle dispense à
Rouyn-Noranda, dessert l'immense région de
l'Abitibi-Témiscamingue à partir de neuf centres régionaux
dont quatre bénéficient d'un secrétariat permanent en
collaboration avec des organismes du milieu. Cette dispersion de la
clientèle, répartie dans plusieurs programmes, rend difficile
l'application des règles de fonctionnement en vigueur dans les
institutions de plus grande taille. Elle exige une plus grande rigueur
administrative, bien sûr, et aussi, faut-il le souligner, une
participation du corps professoral, nous semble-t-il, plus grande puisque
environ 40 % des activités d'enseignement se donnent dans les centres
régionaux autres que Rouyn-Noranda.
Quelle est donc l'évolution des clientèles qui
fréquentent cette université? L'examen de l'évolution des
clientèles au cours des cinq dernières années, de 1980
à 1985, nous indique qu'elles ont connu un taux de croissance de plus de
41 %. Le nombre d'étudiants équivalent temps complet est
passé de 773 en 1980 à 1093 en 1985. Les plus fortes hausses de
clientèles ont été obtenues dans les secteurs des sciences
appliquées, des sciences de la santé, de la comptabilité
et de l'administration et des sciences du comportement humain.
Le tableau III que nous présentons à la page 13 de notre
mémoire nous montre clairement l'importance des clientèles des
centres régionaux qui constituent, nous le disions il y a quelques
moments, 40 % des clientèles totales de l'UQAT et démontre aussi,
je pense, l'importance de favoriser l'accessibilité à
l'enseignement universitaire qui est une réalité très
concrète dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
Quels sont les programmes que nous offrons à cette
clientèle? L'UQAT dispose d'un patrimoine académique actif de
quelque 37 programmes au 1er cycle dans le domaine de l'administration et de la
comptabilité, de l'éducation et du comportement humain, de la
santé, des sciences sociales, des sciences appliquées et, enfin,
des arts. Quatorze de ces programmes sont des baccalauréats, vingt-trois
sont des certificats.
De plus, l'UQAT compte au total seize programmes qui font partie de son
patrimoine mais qui sont fermés aux admissions pour cause de faiblesse
de clientèles ou encore d'absence de pertinence de poursuivre la
dispensation de ces programmes à la suite d'une décision du
conseil d'administration qui a été prise en ce sens.
L'UQAT dispense aussi, en collaboration avec d'autres institutions,
trois programmes de 2e cycle, une maîtrise en éducation avec
l'Université du Québec à Rimouski, une maîtrise en
gestion des petites et moyennes organisations en collaboration avec Chicoutirni
et une maîtrise en gestion de projet en collaboration avec les
unités du réseau situées à Chicoutimi, à
Hull, à Montréal et à Trois-Rivières.
Quelques mots, bien sûr, sur la qualité des programmes que
nous dispensons dans cette université. L'excellence de la formation est
à la base même du développement des programmes offerts
à cette université. Il est souvent difficile d'évaluer la
qualité des programmes d'une institution donnée comparativement
à d'autres à cause des nombreux facteurs suggestifs qui peuvent
intervenir dans toute comparaison. Par contre, lorsque tous les
étudiants d'un programme sont soumis à un même examen
uniforme au Canada, l'évaluation des résultats est alors beaucoup
plus aisée ou plus objective et représentative, nous semble-t-il,
de la qualité de la formation dispensée.
Ainsi en est-il, par exemple, de la performance des étudiants,
dans le domaine des sciences comptables à notre université, qui
se présentent à l'examen final uniforme de l'Institut canadien
des comptables agréés et ce, depuis plusieurs années. En
1981, le taux de réussite des étudiants de l'université a
atteint 81,8 %. Ce taux de réussite ne devait pas être
égalé au Québec et l'UQAT obtint une première place
en termes de taux de succès. En 1982, c'est 80 % des étudiants
qui se sont présentés à cet examen de l'Institut canadien
des comptables agréés et qui ont réussi cet examen pour
être admis à l'intérieur de cette profession. En 1983,
presque un malheur, c'est 70 % de nos étudiants qui ont
réussi, mais c'était encore au-dessus de la moyenne canadienne.
En 1984, avec un taux de réussite de 92 % et 5 de ses étudiants
se classant parmi les 20 premiers au Canada, l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue n'eut aucun mal à
reprendre le premier rang des universités en termes de réussite
de ses étudiants à ces examens uniformes. Cette performance
exceptionnelle, je pense qu'il faut bien le souligner, attira l'attention de
toute la communauté universitaire canadienne sur le Québec, plus
particulièrement sur le réseau des Universités du
Québec et sur l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue, en particulier. Pour bien saisir toute la
réalité de cette magistrale performance, mentionnons que 4000
étudiants environ au Canada se sont présentés à cet
examen uniforme en 1984, dont 5 des étudiants parmi les 20 premiers au
Canada étaient en provenance de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue. En 1985, c'est tout près de 70 % de ces
étudiants qui ont également réussi à cet examen
uniforme. Cette performance annuelle n'est donc pas le fruit du hasard. Elle
est l'aboutissement de la motivation, de l'acharnement et de la volonté
qu'ont mis les étudiants dans la poursuite de leur formation et, bien
sûr aussi, le signe du sérieux et de la compétence du corps
professoral et de la qualité de l'encadrement qu'ils reçoivent
à notre université.
Les étudiants en génie de notre université nous
donnent aussi un autre témoignage de la qualité de la formation
dispensée en Abitibi-Témiscamingue. Les étudiants en
génie sont soumis aux mêmes programmes et aux mêmes examens
que ceux de l'École polytechnique de Montréal, à la suite
d'une entente intervenue entre les deux institutions en 1984. Les
étudiants de notre université ont affiché depuis le
début du programme une moyenne générale supérieure
de 40 % à celle de leurs confrères et consoeurs de l'École
polytechnique de Montréal en 1984 et de 12 % supérieure à
la moyenne générale de ces mêmes étudiants en 1985.
Au niveau plus général, mentionnons que les finissants de 1er
cycle de l'UQAT n'ont aucune difficulté aussi à être admis
à des études de 2e ou 3e cycle dans d'autres universités.
L'Université de Montréal admettait en 1983, en scolarité
de doctorat, quelque 20 étudiants qui avaient obtenu une maîtrise
en éducation de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue. Ces signes, nous semble-t-il, nous donnent un
aperçu de la réputation enviable que s'est bâtie notre
université auprès des autres universités du
réseau.
De 1970 à 1985 notre université a décerné
à ses étudiants 3274 diplômes, 1900 certificats, 1354
baccalauréats et plus de 20 maîtrises. Compte tenu du faible taux
de scolarisation en Abitibi-Témiscamingue et compte tenu du taux
élevé de rétention des diplômés en
régions qu'une récente étude évaluait à 91
%, c'est une bonne performance, nous semble-t-il, qu'a réalisée
l'UQAT en Abitibi-Témiscamingue en l'enrichissant de plus de 3000
nouveaux diplômés.
Qu'en est-il maintenant du volet de la recherche dans cette
université à vocation générale? L'augmentation
progressive du corps professoral, la hausse des critères d'embauche et
l'obtention du diplôme de doctorat chez plusieurs des professeurs ont
permis, au cours des six dernières années, d'atteindre la masse
critique nécessaire au développement de la recherche dans
certains secteurs disciplinaires. À ce chapitre, la seule observation de
l'évolution du volume des subventions, contrats et commandites de
recherche est éloquente. Totalisant en 1982-1983 la somme de 308 000 $,
les subventions, contrats et commandites ont pas3é à 472 000 $ en
1983-1984, à 712 000 $ en 1984-1985 pour atteindre tout près de 1
000 000 $, soit 944 000 $, en 1985-1986. Voilà quelque chose de plus
significatif encore, croyons-nous: Alors qu'il y a quatre ou cinq ans la
totalité des subventions provenait des fonds internes, des contributions
de l'Université du Québec ou du ministère de
l'Éducation, on assiste aujourd'hui à une prédominance de
subventions en provenance d'organismes extérieurs incluant, bien
sûr, les subventions des organismes majeurs.
Que fait-on dans le domaine de la recherche dans cette
université? Très rapidement, dans les secteurs suivants: Dans le
domaine des sciences du comportement humain les recherches ont d'abord
porté sur les mécanismes du bio-feedback (relaxation,
réflexes et myothérapie). Les chercheurs se concentrent
maintenant sur les mécanismes de prévention psychosociale souples
et sur les alternatives éducatives aux algies lombaires chroniques
puisque nous vivons - je pense que tout le monde le sait - dans une
région de forêts et de mines en particulier et que ce
problème des maux de dos est particulièrement chronique dans
notre région. Les chercheurs dans ce secteur s'orientent et orientent
leurs travaux de façon pratique dans ce secteur
problématique.
En ce qui concerne les sciences de l'éducation, la recherche
porte principalement sur le développement des services éducatifs
dans les régions périphériques à faible
densité de population, ce volet incluant le développement des
services éducatifs chez les populations autochtones.
Dans te domaine des sciences sociales, la recherche est principalement
axée sur l'expérimentation sociale. Les principaux sujets portent
sur le développement des
coopératives, le développement régional en soi et
la prise en charge chez les Amérindiens.
Au niveau des sciences de l'administration, la recherche se concentre
principalement sur les phénomènes de la petite et moyenne
organisation, ou petite et moyenne entreprise, le diagnostic-intervention dans
les entreprises et l'entrepreneurship au féminin.
Dans le domaine des sciences appliquées, finalement, les
principales activités de recherche touchent trois secteurs bien
distincts: les sciences et technologies minières; on y poursuit des
recherches en géologie et des analyses pétrographiques, des
recherches en mécanique des roches, des recherches sur la
modélisation des gisements et de l'exploitation par ordinateur. L'UQAT a
concrétisé la mise sur pied d'une unité de recherche en
sciences et technologies minières en collaboration avec le
collège de l'Abitibi-Témiscamingue et les représentants ou
les membres de l'industrie minière. Cette industrie minière est
en pleine expansion et implique donc un soutien technologique très fort
pour continuer ce développement.
Le domaine des sciences appliquées poursuit aussi
différentes recherches dans le secteur des sciences et technologies
forestières. On concentre les recherches sur trois types de projets:
principalement sur la régénération et la croissance des
plants, la génétique forestière, mais aussi l'amendement
organique des sols avec les résidus de sciage, en collaboration avec
l'Institut Armand-Frappier, ainsi que sur la problématique de la
santé et de la sécurité du travail en milieu forestier
à l'intérieur du Centre multirégional de recherche en
sciences et technologies forestières du réseau de
l'Université du Québec.
Finalement, la recherche opérationnelle et l'informatique sont
des sujets de préoccupation dans ce regroupement disciplinaire et ils
portent sur la modélisation et l'aide à la décision, avec,
comme spécialité, l'analyse multicritère, et des
applications sont en cours dans le secteur minier. (15 h 30)
Au niveau de la recherche, en dépit de la faiblesse des
ressources mises à la disposition des professeurs-chercheurs, l'UQAT a
effectué une progression notable au chapitre des subventions
extérieures et ne cesse de manifester son désir de
développer te secteur de la recherche dans cette région,
principalement sous l'angle de la recherche appliquée.
Qu'en est-il du corps professoral impliqué dans cette
université au niveau de l'enseignement, de la recherche et du volet
service à la collectivité? Les ressources humaines pour
l'enseignement et la recherche font appel à quelque 60 professeurs
réguliers et à une centaine de chargés de cours pour
chacune des sessions académiques. Le tableau de la page 28 de notre
mémoire nous indique la progression qualitative importante du corps
professoral régulier qui peut maintenant compter sur une proportion de
65 % de ressources possédant une scolarité de doctorat ou encore
un doctorat complété. Les enseignements à
l'université sont par ailleurs dispensés pour plus de la
moitié par des chargés de cours. Dans certains secteurs, comme
les sciences de la gestion, cette proportion est cependant beaucoup plus
élevée et soulève certaines inquiétudes dans la
maison. Notre situation financière nous empêche, à cet
égard, de songer dans l'immédiat à quelque changement
notable que ce soit.
Le troisième volet de l'action de l'université, l'appui au
développement régional ou les services à la
collectivité. L'UQAT, notre université, tente de répondre
avec lucidité et dynamisme à sa mission dont un des objectifs
premiers est d'accroître les compétences du capital humain dans sa
région d'implantation. L'UQAT est ouverte à la vie
régionale. Elle en a épousé les problèmes
spécifiques et elle constitue un élément important de
développement technologique, socio-économique et culturel dans
cette région. L'UQAT s'acquitte de sa mission universitaire en
Abitibi-Témiscamin-gue en développant d'abord le meilleur
éventail de disciplines possible, compte tenu de ses limites, et en
rejoignant le plus grand nombre de personnes en régions par
l'utilisation de l'enseignement hors campus.
En ce qui concerne la recherche, une partie importante de cette
activité est reliée aux ressources et problématiques
régionales. L'insertion sociale de l'UQAT en régions la rend
directement participante aux diverses préoccupations de
développement dans ce milieu et entraîne des activités
spécifiques qui se situent dans le prolongement - nous voulons bien
insister là-dessus - de sa mission fondamentale sur le plan de
l'enseignement et de la recherche. Qu'il suffise de mentionner l'implication et
la contribution de notre université dans un programme d'autodiagnostic
des petites et moyennes entreprises, les Groupes de soutien à
l'entreprise jeunesse, le Sommet socio-économique de
l'Abitibi-Témiscamingue, l'organisation sur le plan culturel du Salon du
livre, le Conseil régional de développement, le soutien
informatique à l'entreprise, le soutien aux communautés
autochtones, sans compter les nombreux cours de perfectionnement mis sur pied
pour certaines entreprises, la gestion de projets industriels ou, encore, les
projets de recherche mis en place pour résoudre certains
problèmes du milieu sur le plan social, éducatif, culturel ou de
la santé des travailleurs. Somme toute, l'UQAT, en
dépit de la faiblesse de ses moyens, essaie de contribuer,
à son niveau et suivant les responsabilités qui lui ont
été confiées par l'État surtout en ce qui concerne
l'enseignement et la recherche, au développement de sa région
d'appartenance. Le volet des services à la collectivité à
cet égard s'exerce comme un prolongement de ses activités
d'enseignement et de recherche de niveau universitaire.
Abordons, maintenant que nous avons fait un peu le tour de cette
université, quelle est sa situation financière. Le
sous-financement dont souffre cette université s'est
particulièrement manifesté en 1982-1983, 1983-1984 et 1984-1985
par l'enregistrement successif de déficits de fonctionnement atteignant
173 000 $ en 1982-1983, 168 000 $ en 1983-1984 et 834 000 $ en 1984-1985.
D'ailleurs, sans la contribution du réseau de l'Université
du Québec, une contribution de 886 000 $ en 1983-1984 et de 563 000 $ en
1984-1985, ce déficit, bien sûr, eût été
beaucoup plus important. Ces déficits comptables nous semblent
n'être que le pâle reflet des conséquences néfastes
de ce sous-financement sur le développement de la plus jeune
constituante du réseau universitaire québécois.
L'Assemblée des gouverneurs de l'Université du
Québec connaissant à la fois l'engagement de l'UQAT, au
même titre que les autres constituantes du réseau, à
l'équilibre budgétaire en 1984-1985 et en 1985-1986 et les
efforts que nous avons déployés pour respecter nos engagements a
accepté les dépôts successifs de deux budgets
déficitaires pour les exercices financiers de 1984-1985 et de 1985-1986.
Cette "tolérance" de la part de l'Assemblée des gouverneurs de
l'Université du Québec nous démontre, avons-nous
l'impression, sa compréhension profonde du sous-financement chronique
qui mine la santé financière de notre université et la
poursuite de sa mission en Abitibi-Témiscamingue.
Cependant, les gouverneurs de l'Université du Québec, dans
l'optique d'un redressement des bases de financement universitaire, avaient
accepté le dépôt d'un budget de prévisions
budgétaires déficitaires de l'ordre de 750 000 $ pour 1985-1986.
Notre université, avec le réseau de l'Université du
Québec, réalisant que le redressement des bases de financement
des universités ne se réaliserait pas en 1985-1986, a pris la
décision de réduire énergiquement les dépenses de
cet exercice afin de résorber le déficit d'exercice prévu
à un niveau tolérable. En mettant en place cette politique de
résorption du déficit, l'UQAT n'a eu d'autres choix que de
freiner son développement et réduire l'offre de cours
universitaires dans une région par ailleurs si marquée par son
faible taux de scolarisation.
Aux prévisions de 750 000 $ déficitaires pour 1985-1986,
au 31 mai dernier, l'UQAT terminait son année financière avec un
léger déficit de 10 000 $.
Nous aimerions bien traiter devant cette commission de l'origine de ce
sous-financement chronique pour la plus petite des universités du
réseau universitaire québécois et ce qui a amené la
situation vraiment difficile au point de vue financier dans cette
université. Nous Voulons, bien sûr, faire l'historique de comment
s'est dessinée la base de financement sur laquelle maintenant nous
devons travailler en termes d'université en région
périphérique.
Si la base de financement de la plupart des établissements de
l'Université du Québec a été, établie, en
1970, à partir de variables comme les coûts d'infrastructure, une
moyenne normée par activité, le nombre de programmes, les espaces
requis, etc., cela n'a pu être le cas de l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue compte tenu que cette institution
n'a obtenu son autonomie budgétaire qu'à partir du 1er juin 1981.
Pour sa part, un seul critère a été utilisé pour
définir sa base de financement, c'est-à-dire 36,4 % des sommes
qui étaient dévolues au Centre d'études universitaires
dans l'Ouest québécois pour l'année 1980-1981 puisqu'au
1er juin 1981, lorsque nous avons divisé cette institution qui, dans la
région de l'Outaouais, est devenue l'Université du Québec
à Hull et, plus tard, en Abitibi-Témiscamingue,
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, on nous a
laissés avec 36,4 % d'un budget pour faire une université. C'est
à partir de cette base que nous travaillons et nous pensons que cela est
un élément majeur considéré dans la
problématique du sous-financement de cette institution. Cette base de
financement ne tenait aucunement compte des infrastructures nécessaires,
du type de clientèle, des programmes, du niveau d'étude et encore
moins, bien sûr, de la taille, de l'éloignement et de la
dispersion des activités de cette université en région
périphérique. Cette méthode a donc contribué
fortement et contribue toujours au sous-financement important de notre
université.
De plus, en 1981, alors que le Centre d'études universitaires
d'Abitibi-Témiscamingue s'orientait véritablement vers un statut
de constituante et mettait en place les différents services capables de
lui faire franchir les derniers obstacles vers son autonomie, le
ministère de l'Éducation appliquait, cette même
année, à toutes les universités, une compression de leurs
revenus de l'ordre de 3,5 % et une autre compression de 3 % pour financer les
clientèles additionnelles de 1982-1983.
Ces compressions étaient de l'ordre de 2,1 % et de 3 % pour
1983-1984 et 1984-1985. En trois ans, une compression
générale
de plus de 10 % était imposée à notre
université malgré ce départ difficile avec des conditions
financières difficiles. À ces premières compressions, il
allait s'en ajouter d'autres de près de 1 % en 1985-1986 et 1986-1987.
Si on fait le total, c'est un peu au-delà de 14 % et près de 15 %
les compressions que notre université aura eu à subir au cours
des dernières années à l'intérieur d'une base de
financement déficiente quant au départ du calcul.
Signalons enfin que pour les années 1985-1986 ainsi que pour la
présente année financière, 1986-1987, les constituantes du
réseau de l'Université du Québec contribuent
volontairement à réduire la marge déficitaire de
l'université par l'injection de près de 900 000 $ pour chacune de
ces deux années. Cette aide substantielle aura tout juste permis de
survivre dans le contexte des compressions budgétaires.
Lorsque nous parlons du sous-financement de cette université,
nous aimerions bien nous référer à d'autres études
que ce que nous prétendons nous-mêmes ou l'analyse que nous avons
faite. Partout, toujours, ce que nous retrouvons, c'est l'unanimité
quant au sous-financement de cette université. Les différentes
études sur le financement universitaire réalisées au cours
des dernières années par le ministère de
l'éducation et l'Université du Québec concluent toutes,
sans exception, au sous-financement de cette université. En 1982,
déjà, le réseau de l'Université du Québec,
constatant un pourcentage de subvention per capita de 26 % inférieur au
coût moyen du réseau universitaire québécois,
estimait le sous-financement de cette université à 2 221 000 $.
En 1983, une étude du ministère de l'Éducation pour
établir les coûts unitaires d'enseignement par secteur
disciplinaire concluait, elle aussi, à un sous-financement de cette
université d'un minimum de 141 000 $. En novembre 1983,
l'Université du Québec, dans sa réaction à cette
étude du ministère, estimait, pour sa part, le sous-financement
de cette université à 2 153 000 $. Pour sa part, le nouveau cadre
de financement proposé par le ministère en 1984
l'évaluait, encore une fois, pour cette institution ou cette
université à 2 221 000 $. Le mémoire
présenté par l'Université du Québec en juin 1984,
en réaction à cette proposition, estimait pour sa part ce manque
à gagner, dans le cas de notre université, à 2 243 000 $.
L'UQAT n'est donc pas seule à décrier son sous-financement si
elle s'en réfère aux conclusions de ces études qui
reconnaissent, de façon unanime, ses besoins de financement
supplémentaire. Elle souhaite que toute méthode de calcul de
nouvelles bases de financement des universités accorde une
équitable pondération aux différents paramètres,
pour tenir compte de la réalité d'une université en
région, une région qui est périphérique.
Nous aimerions aussi souligner que, par ces déficiences du
financement, notre université présente un certain nombre de
particularités et que nous pouvons énumérer quelques
indicateurs de performance qui sont au-dessus de la moyenne de fonctionnement
dans le réseau universitaire québécois. Pour
l'année 1983-1984, notre université aura réalisé
ses objectifs avec une équivalence de 9,24 étudiants
équivalent temps complet par employé alors que la moyenne des
autres universités au Québec était de 8,48
étudiants équivalent temps complet par employé. Chez les
employés de soutien, l'UQAT présentait cette
année-là un ratio de 18 étudiants équivalent temps
complet par employé en comparaison de 14,25 pour les autres
universités. Compte tenu de cette situation financière difficile,
l'UQAT s'est donc donné aussi une politique de gestion de ses
groupes-cours très stricte. En annexe à notre mémoire,
vous retrouverez cette politique en vue de hausser, malgré tout, encore
davantage son niveau de productivité. Le Conseil des universités
lui-même énonçait, dans son récent avis sur le
financement du réseau universitaire, que le per capita moyen en termes
de subventions et droits de scolarité à l'UQAT pour
l'année 1983-1984 était de 5027 $ par rapport à une
moyenne de 6374 $ per capita pour le reste du réseau universitaire
québécois.
Autre exemple de la performance ou de la situation particulière
de notre université. En ce qui a trait aux installations physiques,
l'UQAT, pour l'année 1983-1984, disposait de 5,58 mètres
carrés par étudiant pour une moyenne de 9,58 mètres
carrés, en moyenne, pour les autres universités. Voilà
quelques exemples qui illustrent à la fois la productivité de
notre université, nous semble-t-il, et la déficience du soutien
financier qui lui est historiquement accordé pour accomplir ses
missions.
Autre fait majeur que nous aimerions bien souligner aux membres de cette
commission, c'est le degré de dépenses per capita en
Abitibi-Témiscamingue en comparaison avec d'autres régions
périphériques du Québec. Avec ses 153 000 habitants
recensés en 1981 et ses dépenses de base
considérées pour le ministère de l'Éducation en
1984-1985 de l'ordre de 6 000 000 $, le ministère de l'Éducation
a dépensé 39,27 $ per capita au chapitre du financement de
l'université en Abitibi-Témiscamingue. En Mauricie, il y
consacrait 79,77 $; en Outaouais, 48,27 $; dans le Bas-du-Fleuve, 68,98 $, et,
au SaguenayLac-Saint-Jean, 81,61 $. L'ordre de grandeur du
déséquilibre nous indique bien la difficile situation que doit
affronter quotidiennement l'UQAT et ce, depuis un bon nombre
d'années.
(15 h 45)
En tenant compte de son histoire, de sa mission, de sa situation
géographique, de sa taille et de la dispersion de ses clientèles
sur un immense territoire, l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue demande à être
considérée comme une université à part
entière et réclame que la population de sa région
d'appartenance bénéficie des services pour lesquels elle
contribue, semble-t-il, elle aussi pour sa juste part sans recevoir tout ce qui
devrait lui revenir. Cela nous semble une question de justice distributive.
Au niveau des travaux de cette commission, quels sont donc les appels
que nous voulons inscrire et les facteurs particuliers qui, nous semble-t-il,
devraient être pris en considération lorsqu'il s'agira, pour le
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science,
d'élaborer les critères en particulier d'une nouvelle formule de
financement? D'abord, nous aimerions soumettre au ministère et aux
membres de cette commission que toute nouvelle formule de financement des
universités au Québec devrait considérer un premier
facteur que nous appelons le facteur taille. Le ministère de l'Education
du Québec pondérait, d'ailleurs, dans sa proposition de formule
de financement de 1984, la taille et les cycles dans chacune des
universités et reconnaissait à l'UQAT, à ce chapitre, un
sous-financement de 1 359 000 $.
Une autre façon que nous aurions d'illustrer ce paramètre
taille à prendre en considération dans toute nouvelle formule de
financement serait de calculer les coûts différenciés pour
la taille pour le secteur de l'enseignement et de l'envisager à partir
des économies d'échelle pour une université comptant 18
500 étudiants, c'est-à-dire la plus grosse université ou
l'université accueillant le plus grand nombre d'étudiants au 1er
cycle au Québec. Cette méthode nous permet d'identifier pour de
petites universités des coûts différenciés selon la
taille moyenne de leurs groupes-cours qui peuvent varier de 15 % à 70 %
de plus. Ce coût différencié appliqué à
l'UQAT pour l'année 1981-1982 totaliserait 2 567 000 $. Nous voulons
simplement dire ici en termes d'illustration que, si nous faisions une analyse
de régression à partir de l'obligation de maintenir des
groupes-cours souvent plus petits à l'intérieur d'une
université comptant 1100 étudiants à temps complet au lieu
de 18 500, il y aurait là des effets au niveau du calcul, bien
sûr, de la taille ou encore de ce qui est souvent appelé
l'infrastructure minimale à maintenir pour toute institution
universitaire qui désire remplir sa mission dans quelque région
du Québec que ce soit.
Les réclamations de l'UQAT à ce chapitre lui apparaissent
légitimes et reflètent une juste pondération à
accorder au facteur taille essentielle à la survie des
universités en régions.
Également, il y a un autre facteur qui nous semble devoir
être pris en considération dans le calcul des modes de financement
ou de la répartition du financement entre les universités, ce
sont les coûts reliés à la taille. L'accessibilité
à des services universitaires dans une région comme
l'Abitibi-Témiscamingue implique nécessairement des coûts
supplémentaires de deux catégories. Ainsi, on doit supporter les
dépenses supplémentaires reliées au
phénomène de l'éloignement des grands centres tels les
frais de voyage, de perfectionnement, de communication, etc. On doit
également supporter les coûts reliés à la dispersion
géographique pour la desserte de la population régionale. Ainsi,
de façon très concrète, le pourcentage des budgets de
fonctionnement consacrés par notre université en 1984-1985 aux
frais de déplacement pour la fonction enseignement est onze fois
supérieure à la moyenne des autres universités du
Québec, soit 11,3 % par rapport à 1 % alors que ce même
pourcentage, au niveau de la fonction soutien, est de 3,6 fois supérieur
à la moyenne des universités du Québec.
En 1985-1986, notre université a dû encourir des
dépenses réelles - ce ne sont pas là des projections -
reliées strictement à l'éloignement, de l'ordre de 455 000
$, soit quelque 4,8 % de ses budgets de fonctionnement globaux de cette
année-là. L'UQAT demande donc au ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science, qui reconnaissait ce concept
d'éloignement, du moins en termes qualitatifs dans son premier cadre
présenté en 1984, de bien vouloir le reconnaître aussi du
point de vue quantitatif et de compenser pleinement les coûts
réels dus à l'éloignement pour les universités
situées en régions périphériques,
À ces coûts, pour une université dans un territoire
hors des grands centres, s'ajoutent également des coûts
reliés à ce que nous appelons la réalisation de la mission
régionale, c'est-à-dire la dispersion des communautés
humaines, dans une région comme
l'Abitibi-Témîscamingue.
L'UQAT doit encourir chaque année des dépenses importantes
pour continuer à dispenser ses services sur l'immense territoire de la
région. Ainsi doit-elle assumer les dépenses reliées au
maintien de l'accessibilité pour les citoyens des agglomérations
de son vaste territoire. Ceci implique, bien sûr, toujours des frais de
voyage supplémentaires, les salaires de personnels, à l'exception
du personnel enseignant où nous les calculons à la base, qui y
sont affectés, les frais d'entretien des locaux, les loyers, etc. Un
relevé des dépenses pour 1985-1986 totalise 605 000 $ au chapitre
de la dispersion sur le territoire. Nous aimerions aussi, donc, souligner
au
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science et aux
membres de cette commission que des ajustements nous apparaissent
nécessaires à la base de financement de cette université
pour tenir compte des charges particulières que la situation
géographique de son territoire lui impose.
Nous aimerions également soumettre à cette commission
l'importance de prendre en compte le facteur d'émergence de la recherche
dans une petite université située dans une région
périphérique comme élément à prendre en
considération dans toute formule de financement à être
définie dans les mois qui viennent. La priorité de notre
université dans ses premières années a été
de développer des études de 1er cycle. La recherche ne fut pas
pour autant dédaignée et différentes activités de
recherche furent entreprises dans des limites financières bien
évidentes. L'UQAT se doit de développer ce volet essentiel de sa
mission universitaire. Elle est consciente que la nature et la qualité
des services offerts en régions sont largement influencées par la
présence et la qualité de la recherche et des chercheurs qui
assument également ce volet dans le premier volet d'enseignement. L'UQAT
connaît aussi très bien les liens intimes qui relient les
études avancées à la productivité scientifique et
au développement des activités de recherche. Comment l'UQAT
peut-elle espérer générer des revenus externes au
même niveau qu'une université plus ancienne sans qu'auparavant
elle ait pu bénéficier de subventions nécessaires au
développement d'infrastructures minimales?
Nous aimerions aussi mentionner aux membres de cette commission que les
éléments que nous avons soulevés quant aux
éléments à prendre en compte pour définir une
nouvelle formule de financement trouvent quelques applications où nous
avons quelques exemples près de nous. Nous aimerions bien faire
référence à la pratique ontarienne du financement des
universités du Nord. Les universités du Nord en Ontario
reçoivent une subvention annuelle de l'ordre de 11 % de leur budget de
fonctionnement, une subvention supplémentaire, pour faire face aux
dépenses reliées à leur situation géographique
particulière (l'éloignement des grands centres et la
nordicité). Une subvention supplémentaire est aussi
accordée pour qu'il soit possible de dispenser des cours dans des
centres éloignés. C'est ainsi que sont soutenus les cours offerts
dans des lieux distants de plus de 120 kilomètres du campus principal.
Dans le cadre de cette subvention, un minimum de huit étudiants par
activité est requis, du moins dans le secteur du nord-est ontarien que
nous connaissons bien en termes géographiques aussi.
De plus, dans cette référence à la pratique
ontarienne, il faut se rappeler qu'en 1984 les recommandations du rapport
Bovey, loin d'infirmer cette politique de subventions particulières pour
les universités du Nord ou les universités en régions
périphériques, en rappelaient l'importance. Cette commission
recommandait également qu'une future formule de financement encourage la
poursuite de certains objectifs d'intérêt public et mentionnait
précisément au gouvernement de l'Ontario la possibilité
qui doit être donnée à de plus petits établissements
universitaires de rester viables.
Maintenant que nous avons présenté les principales
dimensions de cette université, sa situation financière, les
éléments que nous soumettons aux membres de cette commission en
termes de révision des paramètres de financement des
universités au Québec, nous aimerions bien, aussi, vous
entretenir des éléments de développement de cette
université pour les quelques années à venir si tant est
que nous révisions sa base de financement et qu'on puisse avoir les
possibilités d'engager ces développements.
Au niveau de l'enseignement, la priorité institutionnelle sera
nettement d'envisager l'augmentation des capacités d'accueil à
l'intérieur des programmes généraux de formation au niveau
du 1er et du 2e cycle dans les secteurs suivants: un programme de
baccalauréat général en sciences humaines, qui est
déjà à l'examen devant le Conseil des universités;
poursuivre notre développement en génie et y développer un
baccalauréat en génie permettant une polyvalence des ressources
humaines liée à l'exploitation des ressources naturelles en
collaboration avec d'autres universités du réseau, nous tenons
bien à le mentionner, e,au 2e cycle, compléter
l'éventail des programmes de maîtrise que nous avons actuellement
- nous avons trois programmes de maîtrise simplement pour le secteur des
sciences sociales et y ajouter, en collaboration avec une autre institution, un
programme de maîtrise en prévention et en intervention
psychosociale.
Au niveau de la recherche, la préoccupation majeure sera
tournée vers la poursuite de la formation des chercheurs et du
développement d'équipes au de groupes de recherche ou de
problématiques qui trouvent racine dans la communauté d'insertion
de notre université. L'atteinte d'un seuil minimal de professeurs
détenant des diplômes de 3e cycle nous laisse espérer des
développements majeurs. Les programmes d'études avancées
en administration, en sciences appliquées et en sciences de
l'éducation et, bientôt, nous l'espérons, en intervention
psychosociale constituent un apport quantitatif et qualitatif important dans le
développement d'un effort de recherche substantiel et significatif au
sein de notre université, dans le réseau universitaire
québécois.
Au niveau des services à la collectivité,
l'UQAT se propose de resserrer encore davantage, avec le peu de moyens
qu'elle a, ses liens avec les organismes et les entreprises de la
région. L'UQAT, tout en affirmant qu'elle a un rôle
spécifique à jouer dans le domaine des services à la
collectivité en Abitibi-Témiscamingue, réalise aussi,
cependant, qu'elle n'a pas seule cette responsabilité d'offrir des
services éducatifs et culturels d'appoint à la
collectivité régionale et, en ce sens, agira en
complémentarité avec les autres organismes régionaux
responsables du soutien de la qualité de vie en régions. Dans ses
projets d'avenir - il faut aussi parler du très concret il nous faut, je
pense, donner la contrepartie de ce que notre université a l'intention
de faire avec ce déficit budgétaire de quelque 1 200 000 $
qu'elle a accumulé au cours des dernières années.
Nous vous avons donc fait part de cette situation financière
assez dramatique et assez difficile pour notre université. Nous avons
également fait part de notre point de vue sur les paramètres qui
devraient être retenus pour réviser la base de financement des
universités en périphérie. Dans ce contexte, l'UQAT ne
réclame à aucun moment des ajustements pour rembourser ce
déficit accumulé. Ce qu'elle souhaite, c'est une révision
du cadre de son financement actuel et, dès lors, les membres du conseil
d'administration et la direction de cette université sommes
déterminés à mettre en oeuvre un plan de résorption
de ce déficit sur une période d'au plus cinq ans, tel que le
suggérait d'ailleurs le Conseil des universités devant cette
commission.
Un élément spécifique que nous aimerions bien
traiter aussi devant les membres de cette commission, c'est la collaboration
avec le niveau collégial au niveau de l'enseignement supérieur.
Je terminerai avec ce point la présentation de notre mémoire.
L'UQAT accorde une importance toute particulière à la
collaboration avec le collège de l'Abitibi-Témiscamingue. La
concertation collège-université dans notre région a
dépassé depuis fort longtemps le stade des voeux et des souhaits.
Depuis 1982, les deux institutions maintiennent un comité permanent de
liaison pour articuler les relations entre ces deux institutions de niveau
d'enseignement supérieur. Au plan des services, l'université et
le collège maintiennent une bibliothèque conjointe dont le
fonctionnement, avec des ajustements périodiques normaux, est à
la satisfaction des deux clientèles. En collaboration toujours, les deux
établissements ont créé et développé un
centre de documentation unique sur la nordicité
québécoise, à la suite du retrait de la
Société d'énergie de la Baie James et de la
Société de développement de la Baie James des
activités pour lesquelles elles avaient été
créées sur le territoire. (16 heures)
Les facilités sportives du collège accueillent, par
entente, les étudiants de l'université désireux de
participer à des activités sportives ou d'utiliser les
installations existantes. Encore plus important, au niveau de l'enseignement et
de la recherche, des collaborations depuis cinq ans ont abouti à la
création d'une unité de recherche conjointe avec l'industrie en
technologie minérale. Les deux institutions sont également
partenaires avec la municipalité de la Baie-James et HydroQuébec
dans un consortium d'intérêt pour le développement de la
recherche sur le territoire de la Baie-James. En ce qui a trait à
l'enseignement proprement dit ou aux facilités d'enseignement dans la
région de Val-d'Or, l'université partage ses installations
physiques avec le service d'éducation des adultes du collège de
l'Abitibi-Témicamingue. La concertation permanente des directions de ces
deux établissements d'enseignement supérieur permet de tenter
d'éviter les dédoublements de services et de rationaliser au
maximum l'utilisation des ressources humaines et matérielles.
En conclusion, M. le Président, M. le ministre, mesdames et
messieurs les députés, le développement de notre
établissement universitaire a connu et connaît encore des
périodes difficiles. Le bilan des réalisations et des
résultats obtenus au cours des dernières années nous
indique cependant une progression quantitative et surtout qualitative
importante dans ces interventions. Les ententes de collaboration au plan de
l'enseignement et de la recherche démontrent, je pense,
éloquemment le statut de véritable partenaire universitaire que
lui reconnaissent maintenant les autres établissements de même
niveau au Québec. Les ressources humaines et matérielles dont
elle dispose aujourd'hui par ailleurs, quoique fort réduites, demeurent
une base solide pour concrétiser les projets dans lesquels elle s'est
engagée depuis quelques années. La présence d'une
université dans une région médio-nordique à faible
densité de population représente un défi de grande taille
que la communauté universitaire de l'Abitibi-Témicamingue et du
Nord du Québec entend relever, avec, comme objectif fondamental, la
poursuite de l'excellence et de la performance.
Voilà, M. le Président, les principaux
éléments que nous voulions soumettre aux membres de cette
commission et, bien sûr, nous demeurons à votre disposition pour
répondre à toutes les questions qui se poseront et
procéder à l'échange que vous mentionniez au
début.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M.
le recteur. Juste avant de
donner la parole au ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science, je voudrais avoir le consentement pour que le député
d'Ungava agisse comme membre de cette commission et remplace aujourd'hui le
député de Laviolette. Il y a consentement? Merci. M. le ministre
de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: M, le Président, je voudrais tout d'abord
souhaiter la plus cordiale bienvenue à la délégation de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et en
particulier à M, le recteur. Je veux m'excuser tout de suite, je vais
être obligé de m'absenter dans quelques minutes parce qu'il y a
une réunion du Conseil des ministres cet après-midi que nous
avions prévue à 16 heures. J'espérais que la
présentation aurait été un petit peu plus brève
pour avoir le temps de commenter et d'interroger avant de partir. Là, je
suis déjà un peu en retard. Je vais être obligé de
partir dans quelques minutes, je m'en excuse. Par un concours de circonstances
malheureux, M. Savoie me prie de vous informer qu'il est retenu à
l'extérieur du Québec actuellement et qu'il ne pourra pas
être avec nous pour la séance de cet après-midi, et il en
est ainsi de M. Baril, le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, qui est également à
l'extérieur du Québec.
J'ai étudié avec beaucoup d'intérêt le
mémoire que vous nous avez résumé tantôt. C'est un
mémoire très substantiel qui nous apporte une mine de
renseignements sur le travail de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue, et je vous en félicite. Je pense que vous
faites oeuvre de pionnier en matière d'enseignement universitaire. Les
chiffres que vous avez donnés sur le taux de scolarisation universitaire
qui existait à l'origine dans votre région en comparaison avec le
taux qu'on observe dans les régions qui ont eu plus de chance, en
particulier celles de Montréal et de Québec, sont très
impressionnants. Je pense qu'ils justifient la décision qui a
été prise d'implanter un centre universitaire en Abitibi. J'ai
noté également ce que vous avez dit à propos du niveau de
financement. Nous en sommes conscients. C'est un facteur que nous allons
étudier. Vous avez suggéré qu'il y ait une certaine
pondération dans les critères qui servent à
déterminer le partage des subventions. Nous allons examiner ces
critères de manière très attentive. Vous allez
jusqu'à mentionner des chiffres dans certains cas qui peuvent être
très utiles. J'ai lu le rapport de la commission Bovey en Ontario qui
confirme les orientations que vous avez évoquées dans votre
mémoire et qui suggère de les maintenir.
J'aurais quelques questions à vous poser, si vous me permettez.
Je veux me faire bref. Je remarque que la clientèle d'étudiants
à temps complet se situe, pour la dernière année, autour
de 428. Pouvez-vous me dire s'il y a eu évolution de cette
clientèle au cours des quatre ou cinq dernières
années?
M. Trudel (Rémy): Oui, M. le ministre. Au cours des quatre
ou cinq dernières années, il y a eu une évolution assez
importante. Par exemple, les derniers chiffres que nous avons pour cette
année, l'année scolaire que nous avons entreprise il y a quelques
semaines, nous allons atteindre près de 600 étudiants à
temps complet. Â titre d'exemple, cela veut dire une augmentation de 10
%, en tout cas, par rapport à l'an dernier sur le nombre
d'étudiants que nous accueillions. Je dois seulement ajouter rapidement
que nous avons l'objectif particulier dans cette université de maintenir
notre service pour ce qu'on pourrait appeler les clientèles à
temps partiel, mais nous voulons mettre le gros de nos efforts sur le
développement des études à temps complet dans les
différents programmes que nous avons dans cette université.
M. Ryan: Avez-vous des projections pour les années
futures?
M. Trudel (Rémy): Oui, nous avons une projection de
clientèles pour les années futures. Nous pensons être
capables d'augmenter nos clientèles ou de répondre aux besoins de
ces clientèles pour environ 10 % d'augmentation pour les deux prochaines
années. Je dois cependant ajouter que cela est lié de très
près aux approbations de programmes que nous attendons depuis fort
longtemps, dans certains secteurs, du conseil; en fait, nous attendons des avis
favorables du Conseil des universités. Je veux mentionner en particulier
ce programme général en sciences humaines, qui est un programme
qui répondrait à de très grands besoins dans la
région de l'Abitibi-Témiscamingue et qui veut répondre
aussi à ce type de formation beaucoup plus généraliste que
l'on devrait rechercher dans notre société. Cela fait bien
longtemps que c'est à l'examen devant le Conseil des universités.
Si on a ces approbations de programmes dans les années futures, je pense
que nous pourrons répondre à 10 % de plus d'étudiants dans
les différents programmes de base que nous avons dans cette
université pour les prochaines années et de façon à
atteindre un rythme de croisière au niveau de
l'Abitibi-Témiscamingue, si la population n'explose pas, de 800 à
1000 étudiants au maximum à temps complet.
M. Ryan: On m'informe que le programme de baccalauréat en
sciences humaines a fait l'objet d'un premier examen
au Conseil des universités. D'après ce que je crois
comprendre, le dossier aurait été retourné à votre
établissement pour des précisions additionnelles ou des
compléments d'information ou d'explication. Est-ce juste?
M. Trudel (Rémy): Oui, c'est juste. Cela nous a
été retourné au réseau de l'Université du
Québec et nous avons présenté ces nouvelles informations
nécessaires pour le conseil.
M. Ryan: En jetant un coup d'oeil sur la structure des programmes
que vous offrez, il y a une chose qui me frappait; il me semble qu'il y a deux
carences importantes, vous en mentionnez une, et tout le domaine des
humanités est complètement laissé de côté,
à toutes fins utiles. Il me semble qu'il y a quelque chose de
très préoccupant pour le concept même de
l'université. Il me semble qu'à l'université, même
si aujourd'hui on va beaucoup plus du côté de la technologie, il
faut toujours qu'il y ait un "core", un noyau central, que j'appellerais
éternel, des disciplines fondamentales. Je m'excuse, j'ai
scandalisé ma collègue de Jacques-Cartier, qui est une
scientifique pure.
Je remarque également que les sciences pures n'occupent pas une
grosse place non plus dans le curriculum.
M. Trudel (Rémy); J'ai deux observations à votre
remarque. D'abord, c'est très vrai, nous sommes préoccupés
profondément par l'absence de ce secteur que nous appelons les sciences
humaines ou les humanités et c'est pourquoi nous avons soumis ce
programme. Depuis deux ans, maintenant, il est, comme on dit dans le jargon,
dans la machine. Nous avons une demande assez extraordinaire de la part des
gens qui s'intéressent à ce secteur disciplinaire dans la
région de l'Abitibi-Témiscamingue et cela nous semble, nous
aussi, essentiel pour qu'on puisse parler d'une véritable
université possédant un certain nombre de programmes
fondamentaux.
Pour ce qui est des sciences pures, M. le ministre, nous nous sommes
posé cette question assez profondément au cours des deux
dernières années. Nous aussi, la première réflexion
que nous faisons, c'est de dire: Une université doit pouvoir compter sur
un spectre de programmes qui va des sciences exactes ou des sciences naturelles
jusqu'aux sciences humaines, un spectre minimum de programmes. Cependant, la
population de la région de l'Abitibi-Témiscaminge qui totalise
153 000 habitants, pensons-nous, ne peut pas fournir le nombre
d'étudiants nécessaires à des programme de sciences pures.
Nous serions probablement obligés de maintenir des programmes avec des
ratios d'étudiants tellement bas que cela serait vraiment
problématique.
Cependant, toute cette recherche nous a amenés à constater
que dans ce que nous appelons le secteur des sciences appliquées, en
particulier dans le domaine du génie, il y avait une demande assez
extraordinaire et que nous pouvions penser à développer, avec
l'équipe professorale que nous pouvions mettre en place, un programme
relié en termes d'application des sciences pour la mise en valeur des
ressources naturelles. C'est pourquoi nous avons développé,
à la fois à titre d'essai et d'entrée dans ce secteur,
cette entente avec l'École polytechnique de Montréal qui nous
permet maintenant de dispenser une première année du programme de
l'École polytechnique. Les réponses que nous avons eues de la
part des étudiants et de la population sont suffisamment enthousiastes
pour penser que nous pouvons aller pas mal loin dans ce secteur et que nous
pourrions donc penser occuper ce volet sciences, à partir de la
conception des sciences appliquées ou d'un programme de base dans le
domaine des sciences appliquées.
M. Ryan: C'est sûrement une chose que nous allons examiner
avec vous attentivement au cours des mois à venir, parce que, si nous
faisons l'option pour un établissement universitaire en
Abibiti-Témiscamingue, il faut aussi assurer l'essentiel.
Il y a un point qui m'a frappé dans les statistiques que nous
avons colligées. C'est le taux de diplomation chez vos étudiants.
Je remarque que le taux de diplomation comparé au nombre des
étudiants à temps complet est beaucoup plus élevé
chez vous que dans les autres constituantes régionales de
l'Université du Québec. Il y en avait à peu près 50
%, tandis qu'à Chicoutimi c'est à peu près 25 %. À
Hull, c'est à peu près 25 %, à Rimouski, c'est à
peu près 33 % ou 35 %.
Je pense que c'est une très bonne constatation. Je vous en
félicite. La question que je voudrais vous poser est la suivante: Parmi
ceux qui ont obtenu des baccalauréats l'an dernier, est-ce que vous
pourriez me dire combien étaient des étudiants à temps
complet et combien étaient des étudiants à temps
partiel?
M. Trudel (Rémy): Malheureusement, je n'ai pas la
réponse très exacte sous la main. Je pense que dans notre
mémoire on pourrait regarder. En tout, ce que je peux dire tout de
suite, c'est que ça ne rejoint pas le nombre de certificats que nous
avons émis l'an passé. Le nombre de baccalauréats est
inférieur au nombre de certificats que nous avons dispensés.
M. Ryan: Ma question n'est pas celle-là.
M. Trudel (Rémy): Â temps complet?
M. Ryan: Non, c'est le partage, les baccalauréats. Combien
sont allés à des étudiants à temps complet et
combien à des étudiants à temps partiel?
M. Trudel (Rémy): Pour être bien rigoureux, je
pourrai vous faire parvenir cette information assez facilement.
M. Ryan: Nous allons la demander à toutes les
constituantes parce que, pour toute la question de programmes courts et de
programmes de certificat, c'est une donnée qui va être importante
pour nous, pour savoir dans quelle direction on s'en va. On entend toutes
sortes de choses et quand on la chance des les vérifier cela nous
intéresse grandement, inutile de vous le dire.
M. Trudel (Rémy); M. le ministre, peut-être un
complément de réponse. Nous sommes à étudier
profondément ce phénomène de la programmation, de ce qu'on
dit des programmes courts dans notre université et en particulier
essayer d'identifier de façon très précise le passage des
gens qui sont entrés à l'université via un programme de
formation courte et qui passent ensuite à un programme de
baccalauréat. Ces programmes sont généralement du niveau
du baccalauréat et permettent de passer à des études de
baccalauréat. Par les indices que nous avons jusqu'à maintenant -
notre étude n'est pas complétée - c'est extrêmement
intéressant de constater que la politique ou les programmes de
certificat permettent, pour une population comme celle de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue, de s'introduire à l'université,
de la démystifier et ensuite, par les habitudes de qualité, de
poursuivre des programmes de baccalauréat, souvent d'ailleurs à
temps complet. Pour l'instant on parle d'exemples mais on aura bientôt
les statistiques là-dessus.
M. Ryan: Vous avez parlé de l'exemple de Polytechnique qui
est très intéressant. Est-ce que vous avez d'autres
expériences avec des établissements universitaires situés
ailleurs qu'en Abitibi-Témiscamingue? (16 h 15)
M. Trudel (Rémy): Oui, effectivement, M. le ministre.
C'est une orientation générale de l'université, comme je
l'ai mentionné au départ, de s'appuyer aussi sur la
communauté scientifique québécoise pour faire des
développements intéressants dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. Il y a cette maîtrise en éducation
au 2e cycle que nous poursuivons avec l'Université du Québec
à Rimouski depuis une dizaine d'années. Il y a, avec Chicoutimi,
ce programme assez particulier en petite et moyenne organisation, qui colle
bien à nos besoins. Également, ce programme de 2e cycle pour la
maîtrise en gestion de projets que nous dispensons en collaboration avec
Hull, Montréal, Chicoutimi et les autres universités qui sont
partenaires dans ce programme. Et, également, je ne voudrais pas oublier
de mentionner les programmes de baccalauréat en informatique de gestion
que nous dispensons en collaboration avec l'Université du Québec
à Montréal. Ce que je tiens à mentionner au niveau 'de ces
collaborations, c'est que notre souci premier c'est celui de la qualité
des enseignements et de faire en sorte que lorsque nous débutons dans un
secteur disciplinaire nous puissions aussi nous appuyer sur des
compétences qui existent déjà dans le réseau
universitaire québécois.
Nous sommes bien satisfaits de l'acceptation ou de la façon dont
nous sommes reçus dans les universités qui nous donnent un coup
de main pour partir et qui nous laissent voler de nos propres ailes dès
que nos équipes professorales ou nos différents intervenants sont
en mesure de le faire. Nous sommes, à cet égard, assez sûrs
de la qualité des programmes et des diplômes que nous
décernons lorsque nous élaborons de telles ententes avec d'autres
universités.
M. Ryan: Je vous remercie beaucoup. Je vais devoir m'excuser avec
votre bienveillante permission. Je reviens tantôt pour le reste de la
journée avec les organismes qui vous accompagnent.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Merci, M. Trudel.
Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi,
porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'enseignement
supérieur et de science. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, M. le
recteur. Il me fait plaisir de vous voir à cette commission
parlementaire d'autant plus que je vois aussi des visages connus puisqu'on a eu
l'occasion de se rencontrer à une commission parlementaire le printemps
dernier. Je pense aux membres socio-économiques de votre conseil
d'administration. Vous êtes également président, je pense,
M. Le Régent.
M. Trudel (Rémy): II est membre du conseil
d'administration. C'est le Dr Descarreaux qui est le président du
conseil.
Mme Blackburn: Cela me fait plaisir de vous accueillir. J'ai lu
avec beaucoup d'intérêt le mémoire que vous nous avez
présenté. J'estimais que c'était indispensable pour mieux
comprendre toutes vos activités et particulièrement vos
difficultés même si je prétends avoir une assez bonne
connaissance des universités en régions. Vous nous avez
tracé un tableau qui est à la fois réaliste, qui exprime
de nombreuses difficultés mais qui laisse voir également beaucoup
de dynamisme. Je pense que c'est cela qui est important.
Tout à l'heure, le ministre s'inquiétait de la situation
de ta faible scolarisation de votre région. Si je me rappelle, parce
qu'on avait déjà réfléchi à cette question
alors que j'étais au Conseil des collèges, la situation commence
très tôt, finalement. Vous avez un nombre très
élevé de jeunes qui ne terminent pas leur secondaire. Ensuite,
vous avez un taux de passage entre le secondaire et le collège qui est
beaucoup moins élevé que dans les autres régions et de
façon assez marquée. Évidemment, cela se reflète
sur la fréquentation à l'université. Il n'y a pas de mal
à reconnaître que c'est vraiment la région qui
éprouve, à cet égard, le plus grand nombre de
difficultés.
Ce qui m'a impressionnée dans le mémoire que vous nous
avez remis, c'est le tableau qui démontre qu'on investit plus dans
certaines régions, dont la région du SaguenayLac-Saint-Jean
ou celle de Trots-Rivières, qu'on investit proportionnellement chez
vous. Cela se comprend parce que vous avez moins d'étudiants. Mais c'est
aussi un cercle vicieux; moins on investit, moins il en vient. Dans certains
pays... Au plan de l'équité, il y a quelque chose
là-dedans qui est discutable parce que les gens qui habitent dans votre
région paient les mêmes impôts qu'ailleurs. Ils n'ont ni les
mêmes routes, ni les mêmes services éducatifs, ni les
mêmes services sociaux. Il y a là-dedans une certaine
inéquité. Cependant, je dois reconnaître que le ministre
est assez conscient de la situation particulière qui est la vôtre.
Je sais pour avoir lu les autres mémoires que la ville de Val-d'Or est
particulièrement préoccupée de la situation qui est la
sienne; je pense entre autres à l'absence d'un campus ou d'un
collège. C'est une vieille histoire, mais ils n'ont pas
complètement tort non plus, je dois le dire tout de suite.
Comme on a peu de temps, je vais passer à quelques questions.
J'en aurais plusieurs, mais il y en a quelques-unes sur lesquelles j'aimerais
avoir vos remarques. Vous avez de nombreux sous-centres. C'est dix, et onze
avec le siège social.
M. Trudel (Rémy): Dix avec le siège social.
Mme Blackburn: C'est dix avec le siège social. Alors, vous
maintenez des secrétariats permanents, nous dites-vous, avec la
collaboration des commissions scolaires, des collèges. Avec qui cette
collaboration s'établit-elle? Qu'est-ce que cela représente? J'ai
vu que vous aviez des coûts relative- ment élevés sur le
plan administratif. Est-ce que vous pourriez nous en parler brièvement?
J'aurais une seconde question sur le même volet.
M. Trudel (Rémy): Mme la députée, il me fait
bien plaisir de répondre à cette question puisque, effectivement,
une des caractéristiques de cette université, c'est d'être
présente dans plusieurs centres de la région et, sur le plan
financier, cela impose des charges particulièrement lourdes. Nous avons
voulu dans notre région aller jusqu'au bout de la collaboration que nous
pouvions trouver dans le milieu pour maintenir une sorte de permanence, de
point de relais de l'université dans chacune des communautés.
Pour ce faire, nous avons dû faire appel à la collaboration de
toutes sortes d'organismes de tous les niveaux, de tous tes secteurs
économiques dans la région pour maintenir cette présence
nécessaire, la connexion de l'université avec les gens qui sont
situés géographiquement ailleurs que dans la municipalité
de Rouyn-Noranda.
En termes très concrets, cela veut dire que, par exemple, dans la
région d'Amos, nous maintenons ce que nous appelons ce
secrétariat permanent, ce sous-centre, grâce à la
collaboration de la commission scolaire et du conseil économique:
partage de secrétariats, partage de frais au niveau administratif,
partage de locaux. Donc, la communauté scolaire et la communauté
économique font aussi leur part pour maintenir cette liaison dans la
région de Val-d'Or. Nous partageons, parce que nous ne pourrions le
faire seuls, nos installations physiques avec la Commission de formation
professionnelle et le collège de l'Abitibi-Témiscamingue, ce qui
nous permet d'amoindrir les coûts, de faire ce que nous pensons devoir
faire dans cette région avec les faibles moyens que nous avons.
Également, dans la région du Témiscamingue, à
Ville-Marie, en collaboration avec la municipalité régionale de
comté et le conseil économique de développement. Et nous
allons pas mal plus loin que cela: dans la région de La Sarre, le
collaborateur qui nous accueille, c'est le député
fédéral du comté. Parce que nous n'avons pas les moyens de
maintenir des locaux permanents dans cette région, nous avons fait un
arrangement avec le député fédéral du comté
qui, lui, par ailleurs, doit souvent être aux Communes à Ottawa et
nous occupons ses bureaux une partie du temps. Cela nous permet, avec toute
cette volonté et cette collaboration, de maintenir ce lien permanent
avec les communautés de notre région et d'être sûrs
que nous sommes capables de répondre aux besoins justes qui nous sont
manifestés dans cette région de
l'Abitibi-Témiscamingue.
Qu'est-ce que cela peut vouloir signifier en termes financiers? C'est
une estimation
assez rapide puisque les formules sont très différentes
selon les sous-centres, mais, à notre avis, cela peut représenter
jusqu'à 60 000 $ par année de collaboration. Donc, des
organismes, des entreprises, des groupes, des conseils nous aident
financièrement aussi à maintenir cette liaison et cette
présence universitaire dans toute la grande région de
l'Abitibi-Témiscamingue.
Mme Blackburn: Oui. Une toute petite question. Vous connaissez la
recommandation touchant le siège social de l'UQ. Qu'est-ce que cela
voudrait dire pour vous si cette recommandation était appliquée?
La recommandation contenue dans le rapport Gobeil, pour la
répéter - je vais en profiter, le ministre n'est pas là,
il se hérisse chaque fois qu'on nomme M. Gobeil voudrait qu'on abolisse
le siège social de l'UQ. Qu'est-ce cela représenterait pour une
université comme la vâtre?
M. Trudel (Rémy): Mme la députée, pour nous,
la disparition du siège social de l'Université du Québec
poserait des problématiques assez difficiles sur deux plans en
particulier. D'abord, cette corporation centrale qui anime en quelque sorte le
réseau de l'Université du Québec, c'est aussi une centrale
de services que nous nous donnons conjointement. Dans le cas de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, je
pourrais citer beaucoup d'exemples d'aide qui nous est donnée par cet
instrument de concertation au plan des services qu'est le réseau des
Universités du Québec. Je vais en mentionner quelques-uns pour
bien vous faire saisir ce que cela veut dire. Quand on a des relations du
travail ou des négociations collectives à réaliser avec
nos différents groupes d'employés dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue, cela deviendrait lourd, bien sûr, au plan
administratif si nous devions avoir toute une équipe de relations du
travail. Nous faisons appel aux compétences qui existent au siège
social et on nous donne régulièrement un très bon coup de
main, de l'aide pour la négociation de nos conventions collectives
puisque nous ne sommes pas différents des autres unités du
réseau de l'Université du Québec. Nous avons quatre
unités syndicales. Je pense qu'on peut imaginer facilement ce que cela
voudrait dire au plan des investissements si on devait maintenir des personnels
dans ce secteur-là.
D'autres exemples que je mentionnais dans le mémoire: Cette
université, et cela est très clair, n'aurait pas survécu
à la crise financière au cours des quatre dernières
années si le réseau de l'Université du Québec, la
corporation centrale n'avait pas joué son rôle de concertation et
invité les autres unités du réseau à nous appuyer
financièrement. C'est plus que moralement, ça. C'est facile
quelquefois de donner un appui moral, mais, là, c'est très
concret, c'est de l'argent, c'est près de 900 000 $. C'est le
réseau, la corporation centrale de ce grand instrument qu'est
l'Université du Québec qui l'a réalisé.
Le deuxième plan sur lequel c'est très important, nous
vous avons mentionné l'importance que nous donnons à la
collaboration avec la communauté universitaire québécoise.
Je pense qu'on comprendra facilement qu'une université dans une
région comme l'Abitibi-Témiscamingue doit absolument s'appuyer
sur ce réseau universitaire que nous avons bâti au Québec
pour pouvoir atteindre ce seuiï de maturité, de
développement et de compétence. Encore là, vous avez vu,
avec les exemples que je donnais tantôt à M. le ministre, les
programmes que nous partageons, les compétences pédagogiques.
Donc, le réseau de l'Université du Québec, pour nous, sur
un autre plan, c'est aussi une communauté scientifique, et cela est
extrêmement important.
Je terminerai, Mme la députée, en disant que je pense que
la corporation centrale est aussi très consciente de ce rôle de
concertation au niveau pédagogique. C'est pourquoi, au cours des trois
dernières années au moins, on a dégagé
au-delà de 1 000 000 $ pour permettre, par exemple, à des
chercheurs, à des professeurs de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue d'être en contact au plan scientifique, et
non pas au plan administratif, avec des chercheurs de Rimouski, Chicoutimi,
Montréal et Trois-Rivières et développer des
équipes et atteindre cette masse critique dans un certain nombre de
secteurs pour nous permettre d'aller beaucoup plus loin au plan du travail que
nous avons à réaliser comme université au plein sens du
terme, mais dans une région et dans des conditions particulières.
C'est un peu cela, Mme la députée, le siège social ou la
corporation centrale de l'Université du Québec, pour nous, en
Abitibi-Témiscamingue.
Le Président (M. Parent (Sauvé): Merci, M. Trudel.
Je reconnais maintenant le député de Sherbrooke.
M. Hamel: M. le recteur, aux pages 49 et suivantes de votre
mémoire, vous évoquez le problème de la dispersion
géographique auquel vous faites face. Vous mentionnez également
votre intention de développer un certain nombre de secteurs d'excellence
et en particulier les sciences et technologies forestières. Comment
prévoyez-vous concilier votre problème de dispersion
géographique avec votre volonté de développer des secteurs
d'excellence qui impliquent une certaine masse critique?
M. Trudel (Rémy): M. le député,
évidemment, il s'agit d'une question fort importante lorsqu'on envisage
des développements à réaliser dans une région comme
l'Abitibi-Témiscamingue. D'abord, il faut bien établir que tous
les développements que nous avons réalisés dans cette
université et ceux que nous prévoyons ou que nous aimerions
réaliser, par exemple, dans le domaine des sciences ou de la technologie
forestière, nous concevons que cela doit d'abord et avant tout s'appuyer
sur un programme et sur un groupe d'étudiants, au 1er cycle au strict
minimum, à temps complet au campus central de cette université
pour développer cette espèce de masse critique, cette
équipe de professeurs nécessaires et que, dans certains cas, bien
sûr, comme nous le faisons actuellement, il ne sera pas possible d'offrir
un certain nombre d'activités à l'extérieur du campus
principal puisque dans certaines disciplines cela devient extrêmement
difficile et dangereux, à la limite. Cela mettrait en danger la
qualité de ces programmes et des diplômés que nous formons
si nous nous dispersions trop sur le territoire au niveau de certains
programmes. (16 h 30)
On peut citer un exemple à cet égard qui nous cause bien
de la misère à l'université et qui est bien difficile. On
a une demande très forte d'une sous-région de notre grande
région de l'Abitibi-Témiscamingue pour dispenser une
maîtrise en gestion de projet. Les membres du conseil d'administration et
de la commission des études - les officiers - à cet égard,
ont préféré la prudence et dire que nous allions d'abord
concentrer nos efforts au campus principal, là où sont
logés la plupart des professeurs et les membres de l'équipe
professorale.
Il faut bien distinguer les mouvements et les temps de
développement qu'il peut y avoir lorsque nous abordons le
développement des programmes par rapport aux services que nous devons
donner en régions, dans les centres distincts de Rouyn-Noranda.
Cependant, je pense qu'il faut décrire en même temps la situation
qui est faite à ces communautés et à ces populations. S'il
y a un certain nombre de secteurs qui sont déjà bien
appuyés à l'intérieur de l'établissement - je pense
aux sciences de l'éducation, aux sciences administratives, aux sciences
comptables, aux sciences du comportement humain - il y a aussi, dans chacune
des communautés, des besoins auxquels nous pouvons répondre avec
des objectifs de qualité, les mêmes objectifs que nous poursuivons
à l'intérieur des programmes de baccalauréat, par exemple,
à temps complet ou à temps partiel, au campus principal, les
mêmes mécanismes d'évaluation de programmes,
d'évaluation de cours, d'évaluation de professeurs, etc. Nous
avons le devoir de répondre, dans la mesure de nos capacités,
avec les moyens que nous avons, à ce que nous pourrions appeler ce
perfectionnement ou cette seconde chance que les gens qui ont fait cette
région veulent se donner: avoir accès eux aussi au savoir,
à la connaissance d'un niveau universitaire.
En répondant à cette question, M. le député,
cela me permettrait peut-être de faire une remarque. On l'a vu à
quelques endroits, dans certains écrits, au cours des dernières
semaines et des derniers mois: L'enseignement universitaire, dans la
région de l'Abitibi-Témiscamingue, coûte les yeux de la
tête. Il en coûte les yeux de la tête en tout, dans la
région de l'Abitibi-Témiscamingue. Quand on achète les
journaux, on les paie 45 % plu3 cher qu'à Québec. Il en
coûte les yeux de la tête d'acheter le Soleil en
Abitibi-Témiscamingue. C'est comme cela, parce qu'il y a une distance
géographique. Je pense que l'on pourrait établir facilement que
la différence du coût, en termes d'investissement que l'on fait
dans les jeunes et dans les adultes, pour la connaissance et le savoir, dans la
région de l'Abitibi-Témiscamingue, pour mettre en valeur les
richesses naturelles relativement aux mines, à la forêt, à
l'agriculture... C'est, pour la région, mais surtout et aussi, pour le
Québec, très important.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur.
Je reconnais maintenant le député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. M. le recteur, vous ne
tarissez pas d'éloges sur vos sous-centres régionaux, et avec
raison d'ailleurs. Je pense que c'est là une initiative et un mode de
fonctionnement qui est très intéressant pour une région
comme celle de l'Abitibi-Témiscamingue. Par contre, j'ai
été informé que vous aviez dû abandonner certains
services que vous donniez déjà sur le territoire. Est-ce que vous
pourriez nous préciser les raisons qui vous ont amené à
abandonner ces services?
M. Trudel (Rémy): M. te député, je pense
bien que vous faites directement allusion aux sous-centres ou au centre de
Radisson, dans le Nord québécois, que nous avons dû
abandonner et également, très récemment - non pas en
termes d'abandon, en termes d'offre de cours, dirais-je - au centre de Matagami
et aussi, à un moindre niveau, au centre de
Lebel-sur-Quévillon.
D'abord, deux cas distincts, nous avions prévu et on nous avait
demandé de desservir, sur le plan du perfectionnement, le centre de
Radisson. De façon très rapide et très concrète,
nous ne pouvons pas desservir ce centre et la population qui y est, compte tenu
des coûts qui sont impliqués et de la
subvention gouvernementale que nous recevons par étudiant
équivalent temps complet. Cela devient prohibitif et, à moins de
subventions particulières pour réaliser l'enseignement dans un
certain nombre de secteurs très limités, cela nous est
impossible. Nous avons dit que nous ne pouvions répondre à ces
besoins.
Cependant, c'est intéressant que vous souleviez la question dans
le cas de communautés comme celle de Matagami. Voici la situation
très concrète. À l'automne 1986 - l'automne que nous
vivons - nous avons eu une demande pour dispenser, comme aux autres sessions
par les années passées, trois ou quatre activités, dans un
certain nombre de programmes bien cadrés, bien définis, dans le
centre de Matagami. Je disais tantôt que nous avions abordé
l'année 1985-1986 avec une perspective de déficit de 750 000 $.
Je pense que nous avons été un bon citoyen corporatif, en
dépit des problèmes de financement que nous avions et du fait que
nous avons décidé de réduire au maximum nos
dépenses. Pour cela, en particulier, il a fallu se donner ce que nous
appelons une politique de gestion des groupes-cours. Actuellement, nous sommes
incapables d'ouvrir un quelconque programme à une cohorte
d'étudiants, à un groupe à moins qu'il soit formé
de 30 étudiants admis dans un centre, peu importe où il se trouve
en Abitibi-Témiscamingue. Nous n'acceptons plus, non plus, de dispenser
un cours à moins qu'il y ait 20 étudiants non pas d'inscrits,
mais d'assis dans la salle et qui peuvent suivre ce cours.
Dieu sait que c'est fort difficile pour de petites communautés
qui font leur part pour le Québec, bien sûr, mais c'est difficile
pour ces communautés de regrouper dans un certain nombre de secteurs 20
étudiants de façon continue pour suivre un programme.
Malheureusement, le conseil d'administration de l'université a dû
adopter cette politique extrêmement difficile, extrêmement
regrettable. Mais nous devions faire face à une situation
financière pénible et nous avons des réclamations de ces
communautés. Dans le cas de Matagami, en particulier, il n'y aura pas
à l'automne 1986 une quelconque activité de niveau universitaire,
compte tenu de l'insuffisance du nombre de personnes qui se sont
présentées. Leur nombre était légèrement en
dessous du seuil que nous avions fixé.
Dernière remarque à cet égard, M. le
député. Je dois répéter que la pratique ontarienne
à cet égard est beaucoup plus réaliste pour les
communautés du Nord. Lorsque je rencontre mes collègues de
l'Université de Sudbury, de l'Université Laurentienne, de
l'Université Lakehead, ils nous mentionnent que c'est possible, en
Ontario, lorsqu'on est distant de plus de 120 kilomètres du campus
principal, de dispenser des activités à huit étudiants; on
leur accorde une subvention spécifique pour réaliser ce
travail.
Si j'ai encore quelques minutes, M. le Président, j'aimerais
même ajouter que j'ai eu l'occasion de rencontrer M. Bovey,
président de la commission Bovey qui a produit un rapport fort important
au Canada et en Ontario en particulier, en décembre 1984. Ce dernier
présidait donc la commission chargée d'étudier l'avenir
des universités de l'Ontario. Or, je lui demandais un peu candidement:
Mais pourquoi un gouvernement décide-t-il de subventionner un petit
groupe de huit étudiants dans une région comme le Nord de
l'Ontario? M. Bovey me répondait essentiellement! Parce que nous avons
pris conscience dans cette province que l'investissement que nous
réalisons chez les jeunes dans une région comme le Nord de
l'Ontario, au bout du compte, est pas mal plus payant que de les amener
à Toronto car on n'est plus capable de garder leurs parents dans cette
région qui est liée aussi à la mise en valeur des
ressources de la terre, et non seulement on perd le capital humain qui est dans
cette région chez les jeunes, mais on a beaucoup de difficultés,
sinon une impossibilité de retenir les parents parce que les conditions
ne sont pas avantageuses... 11 dit: C'est donc une question d'investissement
et, au fond, notre altruisme, notre générosité de coeur
qui peut paraître de prime abord très grande, c'est aussi sur le
plan économique un très gros investissement. Il ajoutait: Dans
cette province, le Nord étant tellement important en termes de
développement, nous nous sommes même donné un
ministère des Affaires du Nord avec une politique de
développement; ce sont des éléments en termes
d'éducation qui nous permettent de faire en sorte que le Nord de
l'Ontario ait aussi une communauté forte au niveau du
développement de cette province et du Canada aussi.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
recteur.
M. Claveau: Je retiens de votre réponse, M. le recteur,
que vous revendiquez fermement devant le gouvernement la possibilité de
pouvoir baisser les barèmes pour être accessible à des
groupes plus petits surtout dans les places éloignées comme
Matagami, Quévillon, Chapais, Chibougamau, Radisson, etc. Vous pouvez
compter sur notre participation et notre appui total, afin d'en arriver
à ce que de tels critères, beaucoup plus raisonnables pour les
régions éloignées, puissent un jour être
acceptés par le gouvernement et être appliqués pour le bien
de tout le monde. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, mais
j'ai l'impression que le facteur distance et le facteur coût
- dont on a parlé tout à l'heure aussi avec l'exemple des
journaux - sont deux raisons qui peuvent être à la base du fait
que l'on ait juste 3,7 % d'universitaires dans les régions telles que
l'Abitibi-Témicamingue étant donné les coûts
prohibitifs que représente l'accès au système
universitaire pour les gens des régions éloignées. Je me
permettrai un commmentaire en ce sens. J'ai pu vérifier moi-même
que depuis que l'on a une composante du cégep à Chibougamau on
augmente beaucoup la scolarité des jeunes de la place. Ce n'est pas tout
le monde qui était capable de se payer le cégep à
l'extérieur. Alors aujourd'hui on a plus de 100 jeunes de
Chibougamau-Chapais qui fréquentent le cégep à Chibougamau
même. La plupart était des jeunes qui ne pouvaient pas avoir
accès au cégep, parce qu'aller au cégep à
l'extérieur c'est prohibitif surtout quand on est deux, trois ou quatre
d'une même famille et que les parents ne travaillent pas. D'ailleurs, je
suis un peu surpris du fait qu'entre autres à Matagami on ne donne plus
de services. Vous n'êtes quand même pas sans connaître le
problème économique que vit Matagami actuellement et la
difficulté qui en découle pour les parents de Matagami de
permettre à leurs jeunes d'avoir accès à
l'université. La conjoncture économique que vit Matagami,
malheureusement, ne semble pas préoccuper beaucoup le gouvernement parce
qu'on tarde beaucoup à s'en mêler actuellement et surtout dans le
domaine forestier. Je sors de la commission parlementaire sur la forêt,
j'en sais quelque chose.
Ceci dit, j'aimerais savoir comment, en tant qu'administrateurs
d'université en régions éloignées, vous vous
sentez. Quel est - j'utiliserai un terme anglais, vous allez m'excuser - votre
"feeling" par rapport aux autres universités plus centrales,
peut-être mieux vues et peut-être plus appréciées par
le ministre, je ne sais pas, enfin des universités qui ont une certaine
cote? Vous, dans cela, comment vous sentez-vous en tant qu'administrateurs?
Est-ce que vous êtes à l'aise avec ces grosses universités
ou bien si vous avez l'air de parents pauvres?
M. Trudel (Rémy): Évidemment, c'est une question
qui dépend du point de vue où l'on se place. Disons qu'en termes
pédagogiques, en ce qui a trait au fonctionnement, j'ai donné des
démonstrations ou des éléments de démonstration, il
y a quelques minutes dans le mémoire, en ce qui touche la
qualité, où nous sommes très à l'aise avec ce qu'on
appelle les grandes universités ou les universités
collègues dans le réseau de l'Université du Québec.
Nous offrons donc une qualité de programmes et de diplômes qui est
bien démontrée maintenant et nous sommes très à
l'aise quant aux travaux que nous poursuivons à l'intérieur de
cette université. Au plan financier, évidemment, c'est un peu
différent. On a toujours l'impression de devoir courir plus vite pour
rester sur place et pour garder au moins ce que nous avons actuellement et
c'est extrêmement difficile.
Si vous parlez de sentiments, de comment nous nous sentons en termes
d'administrateurs lorsque nous avons à rencontrer les membres des
communautés concernées, là, M. le député, je
vous prie de croire que cela ne va pas très bien et que nous avons un
peu la tête baissée lorsque nous rencontrons ces
communautés. Écoutez, ce n'est pas facile.
Ce n'est pas facile d'aller rencontrer des gens de Matagami, des gens de
Lebel-sur-Quévillon, des gens de Chapais-Chibougamau, des gens de
Senneterre, des gens de Val-d'Or et d'aller rencontrer des communautés
qui ont cette volonté, comme dit un slogan dans la région de
l'Abitibi-Témicamingue, une volonté de fer pour vouloir avoir de
la formation et non pas simplement de l'information. Ces gens veulent avoir des
programmes de formation, ils sont disposés à sacrifier du temps,
à mettre de l'énergie et à franchir des distances, et,
malheureusement, on doit leur répondre: Écoutez, on ne peut faire
plus que cela, nous ne pouvons pas comme institution publique dépenser
bien au-delà de ce que nous avons comme autorisation en termes de
fonctionnement. Quand on pense à ce que tous ces gens font pour le
Québec et font pour leur région, c'est très difficile. (16
h 45)
Nous avons eu à rencontrer et à affronter des groupes, En
ce sens nous avons une petite consolation. Les gens qui ont fait
l'Abitibi-Témicamingue sont des pionniers qui se sont toujours battus
pour obtenir leur juste part aussi dans la société
québécoise en rapport avec le travail et les richesses naturelles
qu'ils produisent pour l'ensemble du Québec et l'ensemble du Canada.
Mais nous pensons que nous devons, nous aussi, faire notre bout et maintenant
c'est moins à coups de bras qu'à coups d'intelligence, de
matière grise, de cerveau, que nous allons donner aux enfants de ces
pionniers une véritable chance non seulement d'atteindre le niveau
universitaire d'enseignement supérieur et d'atteindre un niveau de
connaissances qui leur permette d'avoir dans la vie une place, un endroit, une
situation, ce que tout le monde espère, une chance égale
finalement, et non seulement cela, mais ils vont pouvoir demeurer sur place,
!à où ils sont nés dans leur famille, dans leur groupe de
référence. Ces gens-là vont tous nous aider à faire
en sorte qu'on va être mieux partout et qu'on aura un meilleur
développement parce que nous aurons des ressources humaines,
compétentes, pour les entreprises, pour les groupes, pour les organismes
dans cette
région qui est un peu plus éloignée de
Montréal ou de Québec. Dans ce sens-là, pour nous, c'est
très difficile lorsqu'on rencontre les communautés. Vous avez vu
aussi que c'est pourquoi nous n'hésitons pas à adopter toutes les
solutions possibles pour maintenir une présence en termes
d'activités dans ces centres.
Une dernière remarque, M. le député, lorsque nous
rencontrons ces gens, je vous prie de croire que ce qu'ils nous demandent comme
services universitaires, je m'excuse d'employer le terme mais ce ne sont pas
des cours de macramé, ce ne sont pas des cours de tricot, ce ne sont pas
des cours de loisirs, ce sont de véritables activités de
formation de niveau universitaire évaluées dans des programmes
avec des objectifs particuliers qui sont évalués et reconnus. Ils
sont très critiques quant au niveau de connaissances que nous devons, en
tant qu'université, leur transmettre. On nous le soulève
constamment et, cela, je pense que c'est peut-être la partie
intéressante, au moins cette partie quand nous avons à rencontrer
les gens dans les différentes communautés, cette volonté
de véritablement recevoir des activités, des cours, une
formation, des enseignements et des connaissances de niveau supérieur.
Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
recteur. J'invite maintenant la députée de Chicoutimi à
conclure au nom de sa formation politique.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je ne saurais mieux
conclure que par ce que vient de faire le recteur par rapport à
l'importance de son université. Je ne pourrais qu'ajouter à ce
qu'a dit le député d'Ungava sur la problématique que vous
développez et l'importance que constitue la présence de
l'Université du Québec dans votre région. Soyez
assuré que, dans la mesure où on peut encore avoir de
l'influence, on va certainement travailler à faire des pressions pour
que vous ayez un financement qui va vous permettre de vous
développer.
Plutôt que de prendre mes cinq minutes, je poserais plutôt
une question. J'ai remarqué dans la liste des participants que vous
aviez de nombreux membres socio-économiques. J'arrêterais
là, ce serait en même temps ma question et ma conclusion.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député d'Ungava a dépassé de beaucoup, alors
là...
Mme Blackburn: Bien.
Le Président (M. Parent, Sauvé): On y va, on y va.
On termine cela.
Mme Blackburn: Voilà.
Le Président (M. Parent, Sauvé): On va aller
chercher les renseignements qu'il nous faut.
Mme Blackburn: Le Conseil des universités, dans le
mémoire qu'il nous a présenté ici, recommandait qu'on
renforce la présence de membres socio-économiques au sein des
conseils d'administration. Vous qui êtes ici, je pense que vous
êtes trois membres du conseil d'administration. D'abord, j'aimerais que
vous nous parliez du rôle que vous jouez au conseil d'administration, de
l'importance et de la place qu'occupent les membres socio-économiques et
peut-être en même temps pourriez-vous me dire si vous estimez qu'on
devrait ajouter ou augmenter le nombre de membres socio-économiques au
sein de votre conseil d'administration.
M. Trudel (Rémy): Dr Descarreaux, M. le
Président.
M. Descarreaux (Jean): Les représentants du milieu sont au
nombre de trois dans un conseil qui compte quatorze membres. Je ne pense pas
que ce soit suffisants cela pourrait être facilement augmenté.
Mais, même à trois, notre influence se fait sentir. Je pense que
notre rôle principal est de faire connaître au conseil les besoins
du milieu. Les trois membres du milieu viennent de trois parties
différentes du Nord-Ouest. Pour répondre à votre question,
ce nombre de 20 % pourrait être facilement augmenté à 35 %
peut-être.
Mme Blackburn: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Oui,
allez.
M. Trudel (Rémy): M. Le Régent aurait
peut-être un complément de réponse.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Le
Régent, nous vous écoutons.
M. Le Régent: Comme membre socio-économique
j'abonderais dans le même sens que M. le président, à
savoir que la représentation des socio-économiques de par mon
expérience ne m'apparaît pas tout à fait suffisante.
Étant donné que nous pouvons parfois nous retrouver en des
conseils d'administration où en majorité les gens sont de
l'interne, il peut se trouver des conflits d'intérêts dans la
gestion de l'université. Un renforcement des socio-économiques
permettrait peut-être de donner plus d'autorité à la
direction par des jeux de délégation de pouvoir, mais les
règles du jeu seraient plus claires. Cela m'apparaît curieux, pour
un système d'autogestion des fonds publics, et on parle de 1 000 000 000
$, si des membres socio-
économiques éclairés et expérimentés
n'ont pas suffisamment de poids pour infléchir le cours des
événements et de la gestion.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la
députée de Jacques-Cartier, si vous voulez conclure.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Alors, une
très courte question avant de terminer. Si les règles de
financement comme pour les universités du Nord de l'Ontario, si ces
règles du jeu étaient appliquées ici au Québec dans
votre région, quel serait l'impact sur l'expansion de votre
clientèle?
M. Trudel (Rémy): D'abord, Mme la députée,
si nous appliquions cette norme qui est faite au Nord de l'Ontario pour
l'enseignement universitaire, cela voudrait dire grosso modo 1 000 000 $ qui
seraient ajustés dans la base de financement de cette université.
Si on met cela en relation avec les développements possibles au sein de
l'université, je parlerais beaucoup plus de consolidation qu'il nous
faudrait compléter dans cette université. Nous avons, dans
beaucoup de secteurs, des seuils qui sont vraiment au minimum. Nous avons un
certain nombre de services, par exemple, aux étudiants, des services
dans les sous-centres qui n'ont pas suffisamment de force. Alors, l'ajustement
de cette subvention à un niveau comparable à celui du niveau du
Nord de l'Ontario nous permettrait d'abord de consolider. Ou je pourrais aussi
le prendre sous un autre angle et dire: II serait difficile, même avec
l'ajustement de cette subvention, de se lancer dans de grands
développements. Vous avez vu aussi tantôt que ce que nous
prévoyons, ce que nous aimerions envisager en termes de
développement comme service à la population, c'est vraiment
frugal, je pense, comme intention de développement compte tenu de la
population que nous desservons. Il y a ce secteur des sciences, il y a ce
secteur des humanités qui sont fondamentaux dans une université,
qui doivent être développés et, d'abord, il nous faut
consolider. Cela nous permettrait de consolider ce que nous avons et cela ne
nous permettrait pas d'aller au-delà. Je dirais en terminant: Et
déjà il y en aurait un bon bout d'hypothéqué parce
qu'il nous faut adopter un plan de résorption de notre déficit
qui grugera déjà dans ce que nous avons fait en termes
d'investissement au cours des dernières années dans nos
différents programmes de formation.
Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord. Si vous
voulez conclure, madame.
Mme Dougherty: Au nom du ministre, j'aimerais remercier
l'équipe de l'université d'Abitibi-Témiscamingue de nous
avoir tracé un portrait très substantiel de ses activités.
J'aimerais vous féliciter de la quantité, mais surtout de la
qualité de vos services, malgré les problèmes,
évidemment, très aigus que vous vivez à cause de votre
éloignement et de la dispersion de votre population. Merci d'être
venus.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée, merci, Mme la députée de Chicoutimi. M. le
recteur et tous les gens qui vous accompagnent, nous vous remercions beaucoup
de la collaboration que vous nous avez accordée en venant nous aider
à réfléchir sur la problématique de l'orientation
et du financement des universités. Quelquefois on semble
précipiter, ce n'est pas qu'on veut précipiter, c'est qu'on est
pris par un horaire de travail. Après cela, les étudiants s'en
viennent; ce soir, il y en a d'autres. Soyez certains que, si vous avez la
sensation de ne pas avoir livré votre message complètement, il y
a toujours possibilité de communiquer avec nous après, de nous
envoyer tous les documents pertinents, de nous appeler et on peut se revoir.
Merci beaucoup encore une fois.
La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux
pour quelques minutes et nous entendrons le prochain groupe, l'Association
étudiante de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamîngue, laquelle j'invite à prendre
place.
(Suspension de la séance à 16 h 55)
(Reprise à 17 heures)
Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission
reprend ses travaux et accueille l'Association étudiante de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue dont le
porte-parole est M. Serge Boulet. M. Boulet, bonjour.
M. Boulet (Serge): Bonjour.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous êtes
accompagné par M. Dents Poudrier, votre vice-président.
M. Boulet: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Poudrier,
bonjour.
Un mot pour vous remercier d'avoir répondu à l'invitation
de la commission parlementaire de l'éducation et d'être partis de
votre beau pays, l'Abitibi, pour venir nous rencontrer ici. Soyez certains que
nous sommes très touchés par le geste que vous avsz posé,
vous qui êtes en fait les
principaux intervenants dans le monde de l'éducation. Vous
êtes les clients, l'université existe pour vous. Alors, entendre
le témoignage d'étudiants fait toujours plaisir et on en sort
toujours beaucoup mieux éclairés.
La commission a prévu une heure pour vous entendre. C'est donc
dire que vous pourrez présenter votre mémoire et le reste du
temps sera partagé à parts égales entre les deux
formations politiques pour que vous puissiez échanger des propos avec
les députés. Je rappelle aux députés que chaque
parti est responsable de l'utilisation de son temps. Alors, ce n'est pas moi
qui vais décider s'il reste deux ou trois minutes. Mais rappelez-vous
une chose: lorsque l'un de vos collègues, principalement vos
porte-parole, demande la parole pour deux minutes, il faut toujours
considérer qu'il y a une réponse lorsqu'on pose une question.
Alors, il faut essayer de demeurer dans le temps sans rien
précipiter.
Messieurs, si vous voulez présenter votre mémoire.
Allez-y, nous vous écoutons.
Association étudiante de l'UQAT
M. Boulet: M. le Président, M. le ministre, messieurs et
mesdames les députés, au départ, nous aimerions remercier
les membres de cette commission parlementaire de nous permettre d'exprimer nos
opinions concernant les orientations et le financement du réseau
universitaire québécois.
Notre association représente les étudiants à temps
complet et à temps partiel qui fréquentent l'UQAT. Compte tenu de
la dispersion de nos membres sur l'ensemble du territoire de
l'Abitibi-Témiscamingue et de la Baie-James, nos services sont surtout
concentrés au campus de Rouyn-Noranda. En plus de représenter les
étudiants à différents comités et regroupements
chargés d'organiser les activités étudiantes sur le
campus, notre association maintient depuis ses débuts un Centre
étudiant de services communautaires, le CESC. Nous reviendrons,
d'ailleurs, sur ce sujet particulier dans la présentation de notre
mémoire.
La création de l'UQAT: une nécessité pour les
jeunes de l'Abitibi-Témiscamingue. Notre université a
été créée officiellement en 1983. Notre association
a, d'ailleurs, été très active dans la préparation
des différents dossiers qui ont conduit à cette reconnaissance
juridique de l'enseignement universitaire en Abitibi-Témiscamingue.
Notre participation a toujours visé à réaffirmer notre
volonté de disposer d'une institution de niveau supérieur dans la
région afin de nous permettre, à nous aussi, gens de
l'Abitibi-Témiscamingue, de réaliser des études
universitaires près de notre milieu de vie et d'évolution. Nous
croyons plus que jamais que notre constituante de l'Université du
Québec demeure une nécessité fondamentale si nous voulons
assurer avec équité l'accès des jeunes de notre
région à l'enseignement universitaire et, ainsi, participer avec
efficacité et compétence au développement de notre
région.
Pour plusieurs d'entre nous, la création de l'UQAT aura permis de
réaliser des études de niveau universitaire, ce qui aurait
été, dans plusieurs cas, impossible si nous avions
été dans l'obligation de nous déplacer vers les grands
centres urbains du Québec. Nous pouvons aussi affirmer que nous avons
des exemples dans nos familles d'étudiants qui ont réussi des
études de niveau universitaire à l'extérieur de la
région et qui ne sont jamais revenus par la suite en
Abitibi-Témiscamingue pour faire profiter la région de leurs
connaissances et de leurs compétences.
Les régions périphériques comme
l'Abitibi-Témiscamingue ont toujours eu de la difficulté à
retenir les jeunes dans leur région d'appartenance.
L'impossibilité que nous avions de réaliser des études
universitaires chez nous ne faisait que contribuer à augmenter le taux
d'exode des jeunes à l'extérieur de la région et, ainsi,
à appauvrir une région déjà aux prises avec de
nombreuses difficultés pour assurer sa consolidation et son
développement.
Le mandat de cette commission étant d'examiner les orientations
du réseau universitaire au Québec, nous désirons
réaffirmer avec force que l'UQAT est une institution essentielle pour
les jeunes de la région et nous espérons qu'on lui donnera
suffisamment de moyens afin d'offrir les programmes et les services auxquels
les jeunes et les adultes de la région ont droit.
Les frais de scolarité à l'université. La question
des frais de scolarité à l'université nous
intéresse, évidemment, au plus haut point. Le Conseil des
universités a même suggéré devant cette commission
de doubler la contribution des étudiants pour avoir accès aux
études universitaires. Nou3 comprenons vraiment mal comment on peut
faire une telle recommandation quand on connaît le rattrapage que nous
devons réaliser au Québec en général et dans la
région en particulier au niveau de la fréquentation et de la
diplomation universitaire.
Compte tenu du niveau de revenu disponible per capita en
Abitibi-Témiscamingue pour 1983, qui a été de 8907 $ par
rapport à 9810 $ en moyenne au Québec - source, le
ministère de l'Expansion industrielle régionale publiée
dans le "Financial Past" de juin 1986 - nous trouvons inadmissible de songer
à doubler les frais de scolarité pour pouvoir faire des
études à l'université. Pour un bon nombre d'entre nous,
nos parents ne peuvent tout simplement pas supporter le fardeau financier que
représentent deux années au collège et trois années
à l'université. Pour ceux et celles qui
sont originaires de l'extérieur de Rouyn-Noranda et qui
souhaitent suivre un programme qui n'est pas offert en
Abitibi-Térniscamingue, cela représente une somme globale
d'environ 25 000 $. Même si plusieurs peuvent compter sur une bourse ou
un prêt du gouvernement, la somme que représente la contribution
de l'étudiant ou celle de ses parents demeure encore trop
élevée si on examine attentivement le niveau du revenu moyen en
Abitibi-Témiscamingue.
Pour les adultes qui, souvent, ont déjà un revenu, ce qui
apparaît surtout important, c'est de pouvoir compter sur des services qui
leur soient accessibles compte tenu de leur situation en milieu de travail. Les
efforts qui sont requis pour se perfectionner et les obligations auxquelles ils
sont souvent astreints sont déjà des barrières difficiles
à surmonter pour réussir un grade de niveau universitaire.
Ajouter à ces barrières des frais financiers assez importants
serait peut-être de nature à restreindre le nombre de ceux et
celles qui veulent se donner une seconde chance d'acquérir les
connaissances qui les aideront à progresser dans leur carrière
professionnelle. Nous sommes donc opposés à une augmentation des
frais de scolarité pour les étudiants de l'université,
parce qu'essentiellement nous pensons qu'elle aura pour effet de limiter
l'accès à des études supérieures, en particulier
dans une région périphérique comme la nôtre qui a
beaucoup à faire pour rattraper les grandes régions du
Québec.
Le support aux étudiants à l'UQAT. Nous sommes heureux que
l'Université du Québec puisse nous permettre d'entreprendre et de
compléter des études en Abitibi-Témiscamingue. Cependant,
les conditions dans lesquelles nous sommes placés pour réaliser
ces études laissent souvent à désirer et les services qui
nous sont offerts pour compléter nos études sont radicalement
différents de ceux que retrouvent nos collègues dans les grandes
universités.
Le service de bibliothèque est partagé avec le
Collège de l'Abitibi-Témiscamingue. Au-delà des
fréquents déplacements que nous devons faire pour avoir
accès à la documentation, l'absence de véritables lieux de
travail pour compléter les différents travaux en relation avec
nos programmes d'études pose des problèmes que nous
considérons anormaux pour les étudiants qui désirent
obtenir les meilleurs résultats possible au niveau
académique.
Nous déplorons aussi que la situation financière de
l'université ne puisse permettre qu'un minimum vraiment insuffisant de
services personnels aux étudiants inscrits à l'université.
L'absence de services de santé, de services socioculturels et sportifs,
de services de placement, de services de consultation personnelle et un service
véritablement restreint au niveau de l'aide financière rendent
souvent l'UQAT moins attrayante que d'autres universités
québécoises pour ceux et celles de la région qui en ont
les moyens.
Les conditions de logement sont aussi difficiles et très souvent
extrêmement dispendieuses. L'absence de toute résidence
destinée aux étudiants à l'université cause un
sérieux préjudice aux étudiants d'une grande région
qui doivent, pour la très grande majorité, se déplacer en
dehors de leur localité d'origine pour suivre leurs programmes
d'études. Nous pouvons constater régulièrement des cas
vraiment difficiles d'étudiants qui doivent vivre dans des conditions
matérielles qui sont certainement de nature à décourager
la poursuite d'études à temps complet au campus central de
l'université.
Sur le plan de l'enseignement, nous déplorons que
l'université soit obligée de faire appel à un si grand
nombre de chargés de cours. Malgré leur compétence dans la
majorité des cas, la disponibilité fort limitée de ces
professeurs à la leçon fait en sorte que l'encadrement
nécessaire pour réaliser des études de haute
qualité fait souvent défaut. De plus, nous déplorons
fortement qu'il soit bien difficile de faire valoir l'opinion des
étudiants lorsque nous avons à déplorer
l'incompétence ou le rendement insuffisant d'un professeur ou d'un
chargé de cours. Malgré l'évaluation qui est
effectuée à la fin de chacun des cours, nous avons l'impression
qu'il y a toujours quelque part une clause de convention collective qui
empêche de faire quoi que ce soit pour changer la situation. Les
étudiants ne croient plus à ces évaluations et constatent
que c'est l'administration et la bureaucratie qui finissent toujours par avoir
raison. Le pouvoir de représentation des étudiants aux
différents conseils de l'université nous laisse perplexes sur la
véritable attention qui est accordée à l'opinion de ceux
et celles qui sont à la base de cette université.
La formation pratique à l'université. La formation que
nous recevons dans les différents programmes qui nous sont offerts
à l'UQAT est très souvent trop théorique et nous
prépare mal à intervenir sur le marché du travail. Devant
cette plainte souvent répétée de la part des
étudiants, notre association étudiante a décidé de
mettre sur pied un Centre étudiant de services communautaires pour
pallier cette difficulté. La possibilité pour un étudiant
de faire un stage ou des interventions dans des entreprises ou encore des
organismes de services, à partir des connaissances théoriques
déjà acquises à l'université, est maintenant
possible pour ceux et celles qui le désirent à l'UQAT.
En effet, le CESC, le Centre étudiant de services communautaires
de l'asssociation étudiante de l'UQAT, recueille les demandes
et les besoins des organismes de la région qui souhaitent obtenir
de l'aide de la part des étudiants en cours de formation à
l'université. Notre travail consiste alors à mettre en contact un
étudiant dans le secteur disciplinaire approprié avec l'organisme
ou l'entreprise qui requiert de l'aide.
Au cours des deux dernières années, nous avons
réalisé plus de 50 interventions qui ont impliqué
au-delà de 150 étudiants inscrits dans un programme
d'études de 1er ou de 2e cycle à l'UQAT. À titre
d'exemple, nous pouvons rappeler que des étudiants sont intervenus avec
une grande satisfaction de la part des organismes qui les ont recueillis dans
le domaine de la consommation, de la mise en marché des produits,
d'implantation de services informatiques, d'études de
faisabilité, de l'organisation de services communautaires de
prévention, de coopération ou encore de l'organisation de
services comptables dans des petites entreprises.
Cette action de type communautaire sert bien à la fois
l'étudiant qui recherche un milieu d'application pratique
d'études ou de ses connaissances théoriques et aussi l'entreprise
ou l'organisme qui souhaite pouvoir compter sur une ressource externe à
l'entreprise pour réaliser des travaux qui exigent une compétence
particulière. Les deux parties y retrouvent leur compte dans la
réalisation de semblables stages et, souvent, l'étudiant en
particulier y trouvera l'occasion de prendre contact avec un organisme qui
deviendra peut-être son employeur à la fin de la période de
formation. On trouvera, d'ailleurs, en annexe au mémoire une liste des
projets qui ont été présentés depuis septembre
1984.
Malheureusement, notre association est maintenant, elle aussi,
placée devant l'impossibilité financière de supporter ce
service d'intervention des étudiants au niveau des organismes du milieu
et, si aucune aide du gouvernement ne lui vient d'ici quelques semaines, nous
serons dans l'impossibilité de poursuivre ce volet de notre action
auprès de la clientèle étudiante.
Les nombreuses interventions que nous avons faites auprès de
l'UQAT et du ministère de l'Enseignement supérieur au cours des
derniers mois ne nous ont pas encore apporté de réponse positive.
Cependant, nous continuons toujours ces démarches parce que nous croyons
que ce service est important pour compléter la formation
théorique que nous recevons à l'université.
Le financement des universités. Notre institution universitaire
s'est vue dans l'obligation de couper beaucoup de services au cours des
dernières années pour tenter d'équilibrer son budget. Nous
sommes conscients de ses difficultés et nous sommes également
enclins à penser que la mission générale de notre
université est vraiment fort différente de la plupart des autres
universités du Québec.
Nous ne sommes pas des spécialistes de la question du financement
et des différentes formules pour ce faire dans les universités au
Québec. Nous pensons, cependant, que chacune des grandes régions
du Québec doit pouvoir compter sur une université
adéquatement financée par le gouvernement pour assurer le minimum
de programmes de niveau universitaire dans une région donnée.
Nous avons aussi l'impression que l'UQAT en tant qu'université
est toute jeune au Québec et n'a pas reçu les moyens
nécessaires pour véritablement s'implanter de façon solide
et permanente dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
Même si nous payons les mêmes frais de scolarité et les
mêmes impôts que les autres citoyens du Québec, nous
considérons que nous sommes bien défavorisés par rapport
à d'autres régions du Québec souvent plus populeuses, mais
aussi plus rapprochées des grandes villes de base du Québec.
Il est assez facile de comprendre que l'université en
Abitibi-Témiscamingue est aussi essentielle que dans n'importe quelle
autre région du Québec. Même si le nombre
d'étudiants qu'elle dessert est moindre que dans les grandes
agglomérations, nous pensons qu'il est équitable que nous
puissions aussi, en régions éloignées, non seulement
fournir les matières premières aux industries canadiennes, mais
aussi compter sur des institutions éducatives suffisamment bien
organisées pour répondre aux besoins de base des citoyens de la
région.
Nous espérons pouvoir compter sur les membres de cette commission
pour faire en sorte que notre université sorte de son
étranglement financier et qu'elle puisse offrir les services
d'éducation universitaire si nécessaires à notre
région.
En tant qu'étudiants de la région, nous considérons
que nous sommes les . sous-développés du réseau
universitaire québécois et que cette situation inéquitable
qui nous est faite a assez duré.
Considérant l'ensemble des points que nous avons soulevés
dans ce bref mémoire, nous désirons soumettre à votre
attention les recommandations suivantes...
Mon collègue va poursuivre la lecture du mémoire.
M. Poudrier (Denis): Les services universitaires en
Abitibi-Témiscamingue. Compte tenu de l'incertitude qui plane sur
l'avenir des universités en régions et de l'UQAT en particulier,
nous pensons qu'il est maintenant urgent que le ministère de
l'Enseignement supérieur s'engage clairement et publiquement sur le
maintien des universités situées en régions
périphériques.
Au-delà des problèmes financiers et des orientations du
système universitaire québécois, notre association
réclame une prise de position ferme du gouvernement sur l'existence et
la poursuite des activités universitaires dans les régions du
Québec. (17 h 15)
Les adultes de la région de l'Abitibi-Témiscamingue
réclament à ce même titre que soit clairement
énoncé le principe de la poursuite de la politique de
l'accessibilité des adultes à la formation universitaire au
Québec et en régions. Nous pensons qu'il faut aussi assurer aux
adultes de notre grande région que l'université, qui a
été développée pour répondre à
certains de leurs besoins, pourra continuer à assumer ses
responsabilités auprès de cette clientèle.
Les frais de scolarité. À partir de l'argumentation que
nous faisons valoir dans notre mémoire, nous pensons qu'une augmentation
substantielle des frais de scolarité sera de nature à fermer la
porte aux étudiants et aux étudiantes qui, autrement, auraient eu
l'intention de fréquenter l'université. Le rattrapage qui reste
à réaliser en termes de formation universitaire en
Abitibi-Témiscamingue n'est pas encore complété, loin de
là. Nous sommes persuadés que le dégel des frais de
scolarité aura un effet négatif sur la fréquentation
universitaire en Abitibi-Témiseamingue et aura aussi pour effet
d'annuler ou presque l'effet recherché par la création de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
Les services de support aux étudiants et aux étudiantes de
l'UQAT. Nous constatons que notre condition étudiante est mal
supportée à l'UQAT. Au niveau des services de
bibliothèque, nous demandons que soit débloquée une
subvention spécifique pour l'UQAT afin de pouvoir développer sur
le campus de l'université un fichier informatique interactif permettant
aux étudiants et aux étudiantes d'avoir accès aux
ressources documentaires de la bibliothèque conjointe du collège
et de l'université. De façon encore plus urgente, nous
réclamons que cette subvention d'appoint puisse permettre à
l'UQAT l'aménagement de locaux décents pour le travail de type
recherche en bibliothèque pour les étudiants et les
étudiantes en formation de notre université. On comprendra
facilement la situation intolérable dans laquelle sont placés les
étudiants et les étudiantes pour s'assurer d'un minimum de
qualité de vie pour accomplir avec efficacité leur travail
quotidien.
Au plan du logement étudiant, la situation est très
difficile et inéquitable pour les étudiants et les
étudiantes, en particulier ceux et celles qui ont pour origine des
municipalités à l'extérieur de la région de
Rouyn-Noranda. Ce que nous demandons au gouvernement, c'est de créer
avec l'entreprise privée un fonds d'investissement pour la construction
d'une résidence étudiante sur le campus de Rouyn-Noranda. Nous
pensons que les municipalités concernées pourraient
également être partie prenante d'un tel projet.
L'accessibilité aux études universitaires, c'est aussi de fournir
des conditions adéquates pour compléter ses études dans un
contexte le plus facilitant possible.
Du côté de l'enseignement, nous déplorons toujours
le fort taux de chargés de cours que nous rencontrons dans les
différents programmes de l'université. Il nous faut souligner ici
la situation particulièrement difficile des étudiants et des
étudiantes en sciences de la gestion. Nous demandons au gouvernement
d'établir un régime de prime pour les nouveaux professeurs qui
choisissent de s'établir en Abitibi pour enseigner à
l'université et dans ses centres.
Nous demandons également que les chargés de cours qui
interviennent à l'université soient dans l'obligation de fournir
des heures de disponibilité pour répondre aux besoins des
étudiants et des étudiantes et que cette disponibilité
soit définie dans les conventions collectives. Du côté des
professeurs réguliers, nous demandons que l'évaluation des
étudiants et des étudiantes soit réellement prise en
compte pour le renouvellement des contrats et l'obtention de la permanence. De
plus, nous demandons que les heures de disponibilité pour l'encadrement
pédagogique soient régies par convention collective et
appliquées à la lettre.
La formation pratique. Nous avons rappelé dans notre
mémoire que la formation que nous recevons est très souvent
théorique. Pour pallier cette difficulté, les étudiants de
l'UQAT se sont donné un mécanisme souple et efficace, le Centre
étudiant de services communautaires, afin de concrétiser dans un
milieu d'application les connaissances acquises dans les différents
cours.
Nous demandons au ministère de l'Enseignement supérieur et
de la Science une aide financière minimale à laquelle contribuent
déjà les entreprises et les groupes de notre région. Cette
expérience originale et fort peu coûteuse, finalement, doit
être poursuivie, d'autant plus que notre université ne peut plus
compter, depuis juin dernier, sur les services de placement de
Travail-Québec pour réaliser la liaison études et
marché du travail. Les millions que le gouvernement investit dans la
formation universitaire méritent certainement que l'on traite notre
demande avec attention, ne serait-ce que pour assurer un service de support
à des groupes ou entreprises qui parfois, dans une région
éloignée comme l'Abitibi-Témiscamingue, fait gravement
défaut.
Le financement de l'université. Les services offerts par notre
université sont souvent déficients par rapport à ce que
nous retrouvons dans la plupart des autres universités et cégeps
du Québec. Cette injustice devrait être corrigée. Nous
demandons que soit analysée la situation particulière de l'UQAT
dans le réseau universitaire québécois et que la
subvention pour faire évoluer normalement notre université soit
prise en considération de façon urgente. La situation des
étudiants et des étudiantes d'une université dans une
région périphérique ne peut être comparée
avec la situation à Montréal ou à Québec.
Toute université doit être en mesure d'offrir des services
de qualité qui répondent de façon minimale aux besoins des
étudiants et des étudiantes qui fréquentent cette
institutionc En tant qu'étudiants et étudiantes et membres d'un
regroupement provincial d'associations étudiantes, nous sommes en mesure
d'affirmer que ce niveau minimum n'est pas atteint en
Abitibi-Témiscamingue en comparaison avec les autres universités
du Québec. Nous pensons être en droit de demander au
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science de
rétablir rapidement une situation qui frise parfois le ridicule pour
notre université. Nous pensons également être en droit
d'exiger que notre institution soit en mesure d'offrir des services de support
que nous retrouvons dans les autres institutions au Québec. Nous sommes
bien disposés à contribuer à la mise en valeur de la
région de l'Abitibi-Témiscamingue; nous estimons cependant que
les moyens qui sont mis à notre disposition par l'UQAT sont insuffisants
et que nous sommes vraiment défavorisés lorsque nous choisissons
de poursuivre nos études dans notre région. Nous sommes
convaincus que l'argent qui doit être investi pour normaliser notre
situation est un placement qui sera vraiment productif pour les années
à venir.
J'inviterais M. Boulet à conclure.
M. Boulet: En conclusion, nous aimerions remercier les membres de
cette commission de nous avoir permis de nous exprimer sur la situation de
notre université. Nous désirons que des mécanismes soient
rapidement mis en application pour tenir compte des particularités de la
région de l'Abitibi-Témiscamingue et ainsi engendrer de
meilleures performances à tous les niveaux: gestion, enseignement,
recherche, service aux étudiants. Nous espérons que notre appel
sera entendu et que nous pouvons espérer des jours meilleurs pour les
étudiants de notre région. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M.
le président. Je reconnais maintenant l'adjointe parlementaire au
ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la
Science, Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. Au nom du ministre, j'aimerais remercier
l'Association étudiante de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue de nous avoir tracé un portrait de la
situation chez elle. Au début de votre mémoire, vous avez
parlé de l'exode que je pourrais peut-être qualifier de
traditionnel dans votre région et qui a diminué à cause de
l'implantation de l'université dans votre région. Je ne sais pas
si vous avez des chiffres, mais est-ce que vous pourriez nous donner une
idée du taux d'exode d'il y a dix ans comparé à
aujourd'hui?
M. Boulet: Mme la députée, je répondrai
à cette question. Première des choses, je ne puis vous remettre
les chiffres comme tels, mais nous sommes conscients que la région a
beaucoup de misère à garder ses étudiants. Le taux d'exode
est beaucoup trop élevé. Nous, on a des expériences
personnelles, car on connaît plusieurs copains qui sont partis et qui ne
sont pas revenus. Ils ont développé une vie sociale à
l'extérieur avec tout ce que cela amène. Dans le fond, ce qu'on
essaie de dire, c'est que, si notre université avait plus de moyens,
plus de facilités, de services, on attirerait l'attention de nos
étudiants dans la région et que peut-être, par la suite, on
pourrait les garder dans notre région pour travailler dans nos
entreprises. Mais pour ce qui est des chiffres, je ne puis vous en donner comme
tels.
Mme Dougherty: Mais vous avez l'impression que c'est
amélioré, que ce taux a diminué substantiellement depuis
l'arrivée de l'université?
M. Boulet: Ce n'est pas depuis l'arrivée de
l'université.
Mme Dougherty: Non?
M. Boulet: Non. Cela a toujours été. Il y a eu une
amélioration depuis que l'université est en place. Je crois que
l'amélioration n'est pas encore assez positive. Il y a eu une certaine
amélioration, mais il reste encore beaucoup à faire. Ce n'est pas
la venue de l'université qui a fait que des étudiants quittent la
région.
Mme Dougherty: À la page 6, je n'ai pas tout à fait
compris ce que vous voulez dire. En bas de la page, vous parlez de
"l'incompétence, du rendement insuffisant d'un professeur ou d'un
chargé de cours". Vous dites: "Malgré l'évaluation qui est
réalisée à la fin de chacun des cours, nous avons
l'impression qu'il y a toujours à
quelque part une clause de convention collective qui empêche de
faire quoi que ce soit pour changer la situation". Voudriez-vous expliquer ce
que vous voulez dire?
M. Boulet: Mme la députée, ce qu'on a essayé
d'expliquer, c'est qu'à la fin de chaque cours on a une
évaluation à faire sur le professeur en question. Or, même
si, pour nous, ce professeur semble inadéquat et, donc, répond
négativement à cette évaluation, à chaque session
on revoit toujours le même professeur qui revient. Donc, on se demande si
c'est nous qui avons le dernier mot ou quoi. C'est un peu ce que nous essayons
d'expliquer.
Mme Dougherty: C'est le manque de stabilité?
M. Boulet: Non.
Mme Dougherty: Je n'ai pas compris.
M. Boulet: Les chargés de cours viennent de
l'extérieur pour nous enseigner.
Mme Dougherty: Oui.
M. Boulet: À la fin de chaque cours, on fait une
évaluation des chargés de cours ou des professeurs comme tels.
Chaque étudiant remplit une formule et fait l'évaluation d'un
professeur. Même si ce professeur semble inadéquat pour l'ensemble
des étudiants, l'année suivante on revoit toujours le même
professeur qui revient donner encore le même cours ou d'autres cours.
Dans le fond, on se dit: Où est notre part et sommes-nous
écoutés dans ce sens? C'est ce que nous nous demandons. C'est
pour cela qu'on dit que peut-être il y a une convention collective qui,
d'un côté, nous dit: Vous avez un droit de parole, mais on
n'écoute pas ce qu'on dit. C'est dans ce sens qu'on dit cela.
Mme Dougherty: Merci. Une dernière question.
Évidemment, vous êtes contre un changement des frais de
scolarité, mais c'est évident que votre université, ainsi
que les autres universités ont besoin d'argent. Si vous étiez
à la place des députés, où est-ce que vous
trouveriez l'argent pour les universités?
M. Boulet: Je répondrais à cette question en disant
que c'est quand même assez difficile de notre part, car nous avons chacun
notre position sur la question. Ce n'est pas pour prendre parti comme tel, mais
la solution qui a été proposée par les jeunes du Parti
québécois nous semble assez intéressante. Ceci vous
apporterait l'argent qui manque et nous, on le remettrait avec l'impôt
par la suite.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous parlez de
l'impôt étudiant, là?
M. Boulet: Oui, de l'impôt étudiant qui serait
ajouté à notre impôt fiscal en tant que contribuables. Nous
voyons cela de cette façon. Disons que c'est, quand même, assez
compliqué. On n'est pas dans la même paire de pantalons, mais, de
notre côté, cela nous semble inadmissible d'augmenter les frais de
scolarité car ils nous semblent trop élevés. Dans notre
position on n'a pas beaucoup les moyens et, en Abitibi-Témicamingue, les
services sont beaucoup moindres que dans les grandes universités et il
nous semble qu'on est dans une inégalité. Donc, ce serait, sans
parti pris, la solution des jeunes du Parti québécois qui nous
intéresserait dans ce cas.
Mme Dougherty: Est-ce que vous croyez qu'il y a certaines
dépenses faites par le gouvernement qui ne sont pas nécessaires?
Croyez-vous qu'il y a un certain gaspillage que vous aimeriez couper? C'est
exactement le problème auquel nous faisons face. Est-ce qu'il y a des
générosités du gouvernement que vous aimeriez
éliminer? (17 h 30)
M. Boulet: Je crois qu'aujourd'hui notre mission n'est pas de
remettre en question le gouvernement et les erreurs qu'il pourrait faire. Non,
je ne peux répondre à cette question. Cela me semble quand
même bien géré, mais on ne comprend pas que, à ce
niveau-là, les universités ne puissent pas avoir plus de
subventions. C'est tout sur le sujet.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va? Merci,
Mme la députée. Je reconnais maintenant la députée
de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Monsieur, il me
fait plaisir, au nom de ma formation politique, de vous accueillir à
cette commission parlementaire. Ce qui m'a frappé dans votre
mémoire, et il me semble important de le souligner pour les membres de
cette commission parlementaire, c'est le niveau de vos demandes. On a vu
tellement d'autres mémoires et, pour avoir circulé passablement
dans les universités et dans les collèges, on voit des
associations étudiantes qui vous demandent des locaux, des espaces, des
services, une multitude de choses, finalement. Vous, ce que vous demandez,
c'est une bibliothèque. En plus, vous dites: Subventionnez donc le
collège pour qu'au moins on ait là des collections qui nous
permettent de poursuivre décemment des recherches. C'est la même
chose pour quelque chose qui m'apparaît tout à fait
élémentaire: des résidences dans cette région.
C'est ce qui frappe quand on voit
votre demande: vous avez l'habitude, vous n'avez pas été
gâtés, cela paraît. C'est peut-être ce qu'il est
important de souligner dans un mémoire comme cela. Cela m'impressionne
considérablement.
En plus, il y a les efforts que vous faites pour essayer d'assurer une
meilleure adéquation entre votre formation et le marché du
travail. Vous semblez avoir poussé assez loin, je pense bien,
l'expérience du Centre étudiant de services communautaires;
peut-être parce que c'est plus petit, cela a été plus
facile de le faire, mais il me semble que vous êtes passablement
avancés. Quelques étudiants sont venus et nous ont parlé
également de ce projet fort intéressant, mais nous ont dit qu'il
y avait quelques difficultés avec les professeurs, quelquefois aussi
avec l'université qui hésitait un peu à s'embarquer dans
ce genre de projet, à en reconnaître la valeur et à mettre
l'énergie et le temps qu'il faut pour encadrer les activités.
Comment cela se passe-t-il chez vous? Toujours par rapport au Centre
étudiant de services communautaires, vous dites: Là, on n'arrive
plus, on ne réussira pas à poursuivre ces activités qui
nous paraissent quasi indispensables et vous demandez des subventions. De quel
ordre seraient-elles? Donc, quelle est la collaboration que vous recevez de vos
professeurs et de l'administration? Et de quel ordre est votre demande de
subvention?
M. Boulet: Mme la députée, pour répondre au
premier volet de votre question, je dirais que c'est toujours le même
problème qui revient. Étant donné que nous avons beaucoup
de chargés de cours, il est compliqué pour nous de les
sensibiliser car ils n'ont pas d'encadrement comme tel. Ils viennent le matin
et retournent le soir dans leur habitation. On fait le plus passible. On remet
une lettre au début de chaque session parlant du Centre étudiant
de services communautaires, dans laquelle on décrit un peu ce qu'on vous
expliquait tout à l'heure, les pour, ce que cela donne à
l'étudiant en pratique. On fait un peu de pressions auprès du
professeur pour qu'il en parle aux étudiants, qu'il les invite à
venir au Centre étudiant de services communautaires pour effectuer leurs
travaux pratiques afin qu'on les place dans des entreprises. Mais pour les
chargés de cours, c'est difficile pour nous de faire cela, car les
chargés de cours donnent leurs cours et repartent. C'est le
problème que nous avons, encore avec les chargés de cours, pour
pouvoir faire pression pour leur présenter ce projet qui est
intéressant pour nous. C'est pour répondre au premier volet de
votre question.
Le deuxième, c'est que, l'an dernier, on avait une subvention de
l'ancien gouvernement qui était de 40 000 $ pour les trois CESC. Cette
année, on n'a eu aucune nouvelle à ce sujet. Pour garder notre
CESC dans la région, étant donné que c'est la seule chose
pratique que nous avons pour l'étudiant, nous demandons un salaire
équivalent à 25 000 $ pour une personne pour une année.
C'est la subvention que nous demandons pour garder notre CESC parce que cela
nous semble très important.
Mme Blackburn: Donc, l'an dernier, vous étiez
subventionnés pour une somme d'environ 40 000 $
M. Boulet: 40 000 $ pour les trois CESC. Les autres associations
étudiante: de l'École polytechnique et de Laval, étant
donné qu'elles avaient plus de subventions que nous et plus de
cotisations étudiantes, ont pu débourser le reste pour garder
leur CESC, mais nous nous n'avons pas les moyens. Alors, si nous n'avons pas de
subvention, on n'aura plus de CESC, c'est tout.
Mme Blackburn: Vous n'avez pas eu de nouvelles là?
M. Boulet: On n'a pas eu de nouvelles.
Mme Blackburn: Malheureusement, le ministre n'est pas là,
il pourrait peut-être nous dire à quelle place cela a
bloqué, peut-être quelque part au Conseil du trésor. Il
serait intéressant là-dessus de lui poser la question au moment
où il se joindra à nous. En ce qui concerne le Centre
étudiant de services communautaires, vous nous avez parlé des
difficultés que posait la participation des chargés de cours,
mais qu'en est-il de vos professeurs réguliers et permanents?
M. Boulet: Pour eux, cela va assez bien. Ce qui arrive, c'est
que, étant donné qu'on n'a pas beaucoup de professeurs
permanents, ils doivent s'impliquer dans l'administration, dans des conseils
administratifs, ce qui fait qu'ils ont plus ou moins le temps pour
l'encadrement de l'étudiant. C'est dans ce sens qu'on a le plus de
problèmes. Mais, à ce niveau, les permanents, c'est mieux.
Mme Blackburn: Pour ce qui est de la situation du logement - je
sais que c'est un problème qui avait déjà
été évoqué - il n'y en pas, non plus, pour le
collège chez vous? Est-ce qu'il y a aussi des résidences pour le
collège?
M. Boulet: Oui, au collège, ils ont des résidences.
Peut-être pas suffisamment, mais ils en ont, des résidences pour
les garçons, les filles, des "bachelors". Nous, on n'a aucune
résidence comme telle à l'université et nous devons
défrayer les loyers. Je ne
sais pas si vous êtes au courant un peu, mais à Rouyn les
loyers sont très élevés et les logements plus ou moins
adéquats.
Mme Blackburn: Est-ce que vous avez des comparaisons entre le
coût d'un logement pour un étudiant chez vous par rapport a
Montréal, à Québec et peut-être au Saguenay? Est-ce
que vous avez des chiffres là-dessus?
M. Poudrier: Je répondrai à la question de la
façon suivante. On a juste à aller à Sherbrooke et on voit
très bien que les logements sont plus adéquats. On va prendre par
comparaison un logement de trois pièces ou quatre pièces et
demie; à Sherbrooke, on va le payer 300 $ et il aura l'air d'un
logement. Chez nous, on va avoir un beau une pièce et demie qu'on va
payer 300 $ et rien n'est fourni. Quand on dit beau, le mot est large, cela
veut dire que c'est notre plus beau. On est dans le même bateau, on est
là depuis cinq ans et je considère qu'on ne se bat pas...
Là-bas, on a un deux pièces et demie, mais c'est juste pour dire
qu'on a un toit sur la tête. Ce sont des prix exorbitants. Je n'en veux
pas aux propriétaires. Ils disent: Cela se loue comme des pains chauds.
C'est normal. Il y a un fort taux d'étudiants qui vont à
l'université. Ils n'ont pas de résidences. Les
propriétaires disent: Ils vont venir me voir chez mot, on ne
rénove pas cela, cela ne vaut pas la peine, c'est sûr que je loue
cela. D'année en année, cela se loue. Cela reste toujours,
excusez le mot, mais on appelle cela des piaules. Excusez l'expression, c'est
comme cela qu'on appelle cela chez nous.
Mme Blackburn: C'est tout à fait français.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous n'avons rien
contre les piaules.
M. Poudrier: C'est comme cela qu'on représente nos
logements chez nous.
Mme Blackburn: Vous savez que dans certaines régions - je
pense qu'il y avait une expérience ici, je ne sais pas à quelle
phase de développement elle est rendue, il me semble que c'est à
Sainte-Foy - ils avaient essayé de répondre à un besoin
assez semblable par le biais d'un projet d'habitation coopérative. Il
semble que cela avait fonctionné. Écoutez, je vous donne juste
l'idée comme cela. Pourriez-vous nous dire le pourcentage
d'étudiants à l'université chez vous qui sont
obligés d'avoir un logement, qui ne sont pas dans leur famille?
M. Boulet: Facilement 60 %.
Mme Blackburn: 60 %. D'accord. Vous nous avez parlé tout
à l'heure de l'évaluation des professeurs et l'impression que
vous avez, c'est que cela ne change pas beaucoup la situation, même si
l'évaluation n'est pas toujours positive. Vous n'êtes pas
allés jusqu'où vont certaines associations étudiantes,
à remettre en question la permanence des professeurs. Iriez-vous
jusque-là? Ensuite, vous parlez des régimes de primes, ce qu'on
appelle les primes d'éloignement; est-ce que dans votre région on
accorde des primes d'éloignement dans d'autres secteurs
d'activité, par exemple, dans le secteur hospitalier?
M. Boulet: D'accord. Pour répondre au premier volet de
votre question, Mme la députée, disons que nous n'avons pas fait
de pressions, un peu comme vous le disiez, aller jusqu'à remettre en
question les permanents comme tels. On sent qu'il y a un gros problème
là. On n'a pas fait de pressions, mais peut-être qu'on pourrait
l'envisager, à un moment donné, si on est obligé d'en
venir à cette situation.
Deuxièmement, les primes d'éloignement. Les
médecins ont des primes d'éloignement pour venir travailler en
régions. Je me dis que, peut-être, si les professeurs avaient un
allégement fiscal, peut-être 1,5 % ou une prime, cela les
encouragerait à prendre une permanence et à venir habiter en
Abitibi-Témiscamingue afin de nous donner les services adéquats
dont nous voulons profiter.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la
députée de Groulx.
Mme Bleau: Je veux vous féliciter pour votre
mémoire. Je peux vous assurer que c'est très motivant pour nous
de voir des étudiants aussi intéressés au bon
fonctionnement de leur université, surtout pour ceux qui, comme vous,
étudient dans des universités éloignées. Mme la
députée de Chicoutimi disait avec à propos que vous
n'aviez pas été gâtés, mais je pense que cela fait
assez longtemps, cela fait au moins neuf ans, que nous n'êtes pas
gâtés.
Ma question était à la page 1. Vous dites que "l'UQAT
maintient dix sous-centres, en plus du centre de Rouyn". Selon vous, est-ce que
l'UQAT a de la difficulté à maintenir une certaine qualité
académique? Comment cela se traduit-il?
M. Boulet: Pour répondre à votre question, Mme ta
députée, nous disons que l'UQAT fait quand même un bon
effort à ce niveau pour essayer de donner la meilleure qualité
possible, mais étant donné que ce sont encore des chargés
de cours qui vont dans les sous-centres, c'est toujours le même
problème d'encadrement qui revient. Si un étudiant a un
problème une semaine, il doit
attendre la semaine suivante pour avoir une réponse à son
problème ou peut-être communiquer, faire des interurbains. Ce sont
encore des coûts qui s'additionnent pour l'étudiant pour, bien
souvent, ne pas rejoindre la personne. C'est à ce niveau que nous disons
que les services sont déficients pour ce qui est de la pédagogie.
Comme tels, je crois que ces sous-centres sont utiles car les étudiants,
qui sont la plupart du temps des gens à temps partiel qui travaillent,
ont la chance d'en profiter. Si ces sous-centres étaient fermés,
ils n'auraient aucune chance; ils devraient lâcher leur travail pour
retourner aux études, tandis que là ils peuvent suivre des cours
à temps partiel tout en continuant leur travail. C'est l'importance que
nous voyons de garder ces sous-centres dans la région.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. Boulet.
Cela conclut votre question, Mme la députée.
Alors, je reconnais maintenant le député d'Ungava.
M. Claveau: Dans un premier temps, je voudrais dire, en
réponse à Mme la députée de Groulx, que,
contrairement à l'ancien gouvernement d'avant 1976, nous avons eu
confiance en l'Abitibi et on n'a jamais proposé de la fermer.
Cela étant dit, j'aimerais que vous me disiez - parce que je
suppose qu'entre étudiants vous avez l'occasion de discuter et
d'échanger des points de vue - quelles sont les raisons qui reviennent
le plus souvent lorsque vous discutez entre vous qui font qu'un étudiant
reste faire son université en Abitibi ou va à l'extérieur.
Quelles sont les principales raisons qui font que vous restez en
Abitibi-Témiscamingue pour faire vos études?
M. Boulet: J'apprécie votre question, M. le
député. Les principales raisons sont simples.
Premièrement, un étudiant qui est en régions a juste
à regarder les autres universités qui ont des grands services
sportifs adéquats; à l'université de Rouyn, il n'y en a
aucun. Aussi, pour les services de bibliothèque, on doit aller à
la bibliothèque du cégep qui, elle, ne tient souvent même
pas les livres dont on a besoin; c'est une autre chose. Aussi, il y a toute la
vie étudiante comme telle. Étant donné qu'on n'a pa3 de
campus, on n'a aucune vie étudiante, qui se tient, aucune
activité pour le plaisir étudiant, c'est-à-dire pour avoir
des études intéressantes. C'est de cette façon que je peux
répondre à votre question. Il me semble que c'est toujours ce qui
tourne autour des services, de ce qui est intéressant à
l'université. Quant à payer le même prix, les
étudiants se disent: Pourquoi irais-je à Rouyn-Noranda pour payer
le même prix qu'à
Québec ou à Montréal, souvent même moins
cher, car je peux avoir accès aux résidences et au complexe
sportif? À Rouyn-Noranda, on est obligé de payer 200 $, 300 $,
400 $ par année pour aller s'entraîner dans un centre de
culturisme ou pour faire partie d'un club interaction, ou quoi que ce soit. On
se dit qu'il faut vraiment être un pionnier et le vouloir vraiment pour
rester en Abitibi. C'est pourquoi on défend cette situation. Si on avait
les services adéquats, les mêmes services que dans les autres
universités, les étudiants seraient beaucoup plus
intéressés à demeurer en régions étant
donné que leur famille, leurs amis sont en régions.
M. Claveau: D'accord. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez
terminé, M. le député d'Ungava? M. le député
de Sherbrooke. (17 h 45)
M. Hamel: Merci. M. Boulet, à la page 5 de votre
mémoire, vous soulignez que les conditions dans lesquelles vous
êtes placés pour réaliser vos études laissent
souvent à désirer. Est-ce que vous pouvez développer
davantage cette affirmation?
M. Boulet: On veut parler surtout des conditions concernant les
résidences. Nous, on doit louer des logements, comme le disait mon
collègue, à des coûts exorbitants, des piaules. Ces
conditions ne sont pas intéressantes pour les étudiants qui
préféreraient rester dans de belles résidences. Cela
revient un peu à la même question que le député
d'Ungava a posée. Nous référons aux conditions concernant
l'équipement sportif, les résidences. C'est toujours la
même chose qui revient, dans le fond.
M. Poudrier: Si vous me le permettez, M. le
Président...
Le Président (M- Parent, Sauvé): Oui, M.
Poudrier.
M. Poudrier: ...je voudrais faire une parenthèse pour dire
qu'il y a aussi le service de la bibliothèque qui entre en ligne de
compte. Un étudiant est surtout brimé dans le sens que, lorsqu'il
vient pour faire des recherches, il fait face à un manque de locaux;
s'il n'y a pas de local, les services sont inadéquats. L'étudiant
est obligé d'aller étudier à la cafétéria ou
en bas, là où la musique joue. Des étudiants vont se
plaindre et dire: Baissez la musique, on fait notre recherche ici; on n'a pas
d'autre place, on n'a pas de locaux pour faire nos recherches. D'autres disent:
Allez-vous-en ailleurs, c'est une cafétéria ici; ce n'est pas une
place pour faire des recherches. Les uns disent:
C'est la seule place qu'on a pour faire nos recherches - il y a une
controverse. Les autres disent: Nous, on vient ici pour relaxer et vous, vous
êtes ici pour travailler.
Il faudrait qu'on ait des locaux appropriés. Ce sont des services
qui manquent. Il faut se rendre à l'évidence: on manque de
locaux. C'est ce qui est important. Il faudrait avoir des locaux pour faire des
recherches. Un étudiant devrait avoir des locaux appropriés pour
bien travailler.
Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord.
M. Mamel: Si je comprends bien, entre autres, les
inconvénients que vous voyez dans le service de bibliothèque, qui
est partagé avec le collège, sont dus aux déplacements et
à l'absence de lieux véritablement identifiés pour faire
vos travaux de recherche. Est-ce que ce sont surtout ces deux
inconvénients qui vous paraissent les plus évidents ou s'il y en
a d'autres?
M. Poudrier: Les plus évidents restent quand même
ces deux-là. Il reste encore le fait que, malgré que le
cégep ait des locaux appropriés, lorsque l'étudiant qui
étudie à l'université se déplace pour se rendre au
cégep, vu le fort taux d'étudiants au cégep, tous les
locaux sont pris et toute la place à la bibliothèque est comble,
à longueur de journée. Même si on a les locaux
appropriés au cégep, les étudiants du cégep ont
priorité dans le sens qu'ils sont dans la bâtisse et ils prennent
les locaux. Ils n'attendent pas de savoir si on a besoin des locaux. Ce qu'on
aimerait, c'est avoir un étage spécifiquement
réservé aux étudiants de l'université pour qu'ils
aient leurs locaux...
M. Boulet: Ou agrandir directement l'université et
peut-être avoir une salle d'étude.
M. Poudrier: II serait bon d'avoir des locaux près de
l'université, à notre campus, pour qu'on n'ait pas toujours
à se déplacer l'hiver lorsqu'il fait -30 degrés. Il
faudrait avoir des locaux appropriés. Lorsqu'il pleut, ce n'est pas
très intéressant d'aller chercher un livre à la
bibliothèque. On n'a pas les moyens d'avoir une automobile; alors, on
marche.
M. Hamel: Vous me permettez, M. le Président?
Le Président (M. Parent (Sauvé): Oui, rapidement,
M. le député.
M. Hamel: Très rapidement. Vous souhaitez aussi qu'on
construise des résidences centrales. D'autre part, l'uni- versité
veut étendre ses services dans les sous-centres. Comment conciliez-vous
ce3 deux objectifs?
M. Boulet: Les résidences seraient pour les
étudiants à Rouyn-Noranda. Les étudiants qui doivent se
déplacer, peut-être de Val-d'Or ou Rouyn, pour suivre un
baccalauréat à temps plein ont besoin de résidences. C'est
sûr que ce serait bien d'étendre les services aux sous-centres,
mais pas les résidences parce que ces étudiants restent chez eux,
tandis que pour nous c'est essentiel d'avoir des résidences à
Rouyn-Noranda, la maison mère.
Le Président (M. Parent (Sauvé): Merci, M.
Boulet.
Je reconnais maintenant la porte-parole officielle en matière
d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. J'aurais juste le
goût de réagir un peu à la question du député
de Sherbrooke quand il dit: Pourquoi des résidences si vous
décentralisez vos activités? Je pense que cela illustre que le
député de Sherbrooke vient d'une ville où on ne sait pas
ce que représentent les sous-centres et les activités qui s'y
déroulent par rapport au siège social central. Ce n'est pas une
contradiction de décentraliser les activités et d'avoir besoin de
résidences tout près du campus principal. Les études
à temps complet se déroulent là.
Je trouve que ce que les jeunes nous ont dit par rapport à
l'exode est important. Il faut dire que, par rapport à l'Abitibi, cet
exode est double: il se fait en direction des grands centres qui sont
Montréal et Québec, et il se fait également en direction
de l'Ontario. Il a été, jusqu'à tout récemment,
difficile d'avoir des données sur la scolarisation dans cette
région-là parce qu'après le secondaire il y en a qui s'en
allaient du côté de l'Ontario. Le problème est donc double
dans cette région.
Je trouve que c'est important. Vous savez qu'il y a 400 ou 500 personnes
qui poursuivent et qui terminent leurs études dans cette
région-là. Cela veut dire que les problèmes de recrutement
de personnel seront tantôt moins difficiles et pour l'université
et pour les entreprises. C'est toute la base du développement
économique, finalement. Par ailleurs, je le rappelle, vos revendications
sont tout à fait raisonnables et légitimes.
Mais les remarques que vous faisiez à l'endroit de vos
professeurs me laissent un petit peu sceptique quand on connaît les
résultats, qui dépassent largement chez vous ce qu'on voit dans
les autres universités, tant par rapport au niveau de diplomation que
par rapport à l'excellence dans certains programmes où vous
remportez la palme
depuis déjà quelques années. Cela ne veut pas dire,
pour autant, qu'il n'y a pas de problème. En fait, ce que cela tend
à démontrer ici - je trouve cela à la fois dangereux et
intéressant - c'est que, dan3 des conditions véritablement
minimales, vous réussissez à être très performants.
Cela démontre certainement chez vous beaucoup de volonté et
beaucoup de détermination. Il est certain qu'avec des ressources un peu
plus abondantes, un peu plus intéressantes, un peu plus adéquates
vous seriez certainement en mesure d'augmenter encore cette performance.
Je ne peux que répéter ce que j'ai dit tout à
l'heure pour l'université: J'espère que, lorsqu'on se donnera de
nouvelles règles d'allocation des ressources, on pourra effectivement
tenir compte, dans les paramètres d'allocation, à la fois de
l'éloignement, de la taille et de la situation particulière qui
prévaut à l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue.
Au nom de ma formation politique, je vous remercie infiniment de votre
participation aux travaux de cette commission.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup,
Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant l'adjointe
parlementaire au ministre de l'Éducation, de l'Enseignement
supérieur et de la Science, Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: M. Boulet et M. Poudrier, au nom du ministre,
j'aimerais vous remercier d'être venus afin de représenter vos
collègues de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue. Malgré l'absence du ministre, je vous
assure qu'il a bien lu votre mémoire, comme tous les autres
mémoires, et qu'il a pris bonne note de vos suggestions. Merci
d'être venus.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée. M. Boulet et M. Poudrier, nous vous remercions
d'être venus nous rencontrer. Nous vous souhaitons bonne chance et, de ce
temps-ci, bonne chasse.
M. Boulet: Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission
parlementaire de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 13
heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 54)
(Reprise à 20 h 4)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
Je demande aux invités de prendre place. La commission
parlementaire de l'éducation va reprendre ses travaux.
La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux,
toujours dans le cadre du mandat qui lui a été confié le
19 juin dernier par l'Assemblée nationale, savoir: de tenir une
consultation générale dans le cadre de l'orientation et du
financement du réseau québécois des universités
pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.
Ce soir, la commission parlementaire accueille un groupe d'organismes de
la région de l'Abitibi-Témiscamingue en commençant par le
Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue, représenté par Mme Jeannette
Dupuis-Lessard qui en est la présidente; la Fondation de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue,
représentée par M. Hilaire Boissé, qui en est le
directeur? la municipalité régionale de comté de
Rouyn-Noranda, représentée par M» Gilles Cloutier, membre
du conseil; la ville de Val-d'Or, représentée par M. André
Pelletier, son maire; l'Association des commissions scolaires de
l'Abitibi-Témiscamingue, représentée par M. Jean-Paul
Rouleau, qui en est le président; aussi, la Corporation de
développement industriel et commercial de Rouyn-Noranda régional,
représentée M. Mario Detilly, commissaire industriel ainsi que la
Corporation de développement économique du Témiscamingue,
représentée par Mme Monique Barrette, représentante du
CDET.
Vous allez voir, membres de la commission parlementaire, que c'est la
première fois que l'on reçoit un groupe aussi imposant venant
d'une région du Québec. Il y a des ententes qui ont eu lieu entre
nos invités et le secrétaire de la commission à savoir que
la commission accordera environ deux heures, deux heures cinq minutes à
nos invités. Ceux-ci feront chacun leur présentation en deux
temps. La première période durera environ 45 minutes et la
deuxième période environ 20 minutes dans les
présentations. Les résidus de temps qui demeureront seront
répartis encore une fois en parts égales entre les deux
formations politiques. J'imagine, Mme Lessard, que c'est vous qui
débutez.
Mme Dupuis-Lessard (Jeannette): Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Lessard, nous
vous écoutons.
CROAT
Mme Dupuis-Lessard: Merci. M. le Président de la
commission, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés
membres de la commission, c'est à titre de présidente du Conseil
régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue,
mieux
connu sous l'appellation CRDAT que nous nous présentons ce soir
devant cette commission. Je suis également directrice du Centre
d'éducation des adultes le Filon à Rouyn-Noranda. La
délégation régionale que le CRDAT chapeaute
représente différents organismes comme des municipalités,
des commissions scolaires, des corporations de développement et le
reste. Je suis accompagnée de Mme Denise Thibault, ici à ma
gauche, qui a collaboré à la préparation du mémoire
de notre organisme et qui est avantageusement connue par son implication au
point de vue éducatif, économique et socioculturel dans notre
région. Nous sommes aussi accompagnées de représentants de
divers groupes de la région, soit M. Hilaire Boissé qui agira
comme représentant de la Fondation de l'UQAT dont il est le
directeur-général bénévole. Mme Monique Barrette,
représentante d'organismes du Témiscamingue et également
agente de liaison de l'université, du même secteur. M. Noël
Théberge, qui remplace ici M. Gilles Cloutier. M. Noël
Théberge, conseiller municipal, représentant de la MRC de
Rouyn-Noranda et M. Mario Detilly, commissaire industriel de la corporation de
développement du Rouyn-Noranda régional.
Vous aurez, lors de la deuxième ronde, l'occasion d'entendre de
façon particulière les représentants de l'Association des
commissions scolaires de l'Abitibi-Témiscamingue et ceux de la ville de
Val-d'Or.
Avant de laisser la parole aux organismes qui nous accompagnent, nous
aimerions faire part des grandes lignes du mémoire du CRDAT. Le Conseil
régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue
apprécie grandement l'occasion qui lui est offerte de vous
démontrer l'importance de l'université dans le
développement de notre région et la nécessité de
trouver des solutions réalistes aux problèmes financiers que
rencontre l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue.
Nous ne sommes pas évidemment des spécialistes de toutes
les questions universitaires au Québec, mais des gens du milieu qui
croient en une relation étroite entre le développement des
ressources humaines d'une région et la croissance
socio-économique de cette dernière. Pour se développer,
une société moderne a besoin d'un certain nombre d'instruments et
la présence d'institutions d'enseignement postsecondaire est
considérée comme un outil indispensable au développement
socio-économique d'une communauté. C'est donc à partir de
ce principe que le CRDAT vous soumet respectueusement sa réflexion sur
le financement et l'orientation de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue qui oeuvre, ne l'oublions pas, dans une
région périphérique.
Le résultat d'une volonté régionale. Lorsque le
gouvernement du Québec accorda en octobre 1983 les lettres patentes de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, tout un
cheminement régional avait précédé cet heureux
événement. En effet, dès l'avènement en 1970 des
services universitaires dans notre région, la population a compris
l'importance de cette institution comme outil de développement. Cette
volonté régionale de bâtir l'université en relation
étroite avec les priorités régionales s'est
continuellement manifestée bien que les structures de
I'université d'avant 1983 ne correspondaient pas toujours aux besoins
spécifiques de notre région.
Nous croyons que le support manifesté par l'ensemble de la
population régionale pour son université a été
déterminant dans la décision gouvernementale d'octroyer les
lettres patentes à l'UQAT. Ce support de la population a dû
être fort pour contrebalancer les préjugés
défavorables à l'implantation dans notre région d'une
constituante de l'Université du Québec, notamment la taille de la
population régionale et l'éloignement des grands centres.
L'éloignement de notre région par rapport aux grands
centres universitaires du Québec ne favorisait pas l'accès aux
études postsecondaires pour les jeunes ainsi que pour les adultes.
 cet égard, on peut rappeler que la population régionale
possède l'un des plus bas taux de scolarisation au Québec. Au
recensement fédéral de 1981, 56 % de la population de 15 ans et
plus de l'Abitibi-Témiscamingue ne détenait pas de diplôme
d'études secondaires alors que ce pourcentage s'élevait à
46 % pour le Québec. En Abitibi-Témiscamingue, 3,7 % de la
population possède un baccalauréat ou un diplôme
d'études avancées, alors qu'au Québec la moyenne est de
7,1 %. La fréquentation universitaire dans la région est de 8,1
%, alors qu'au Québec elle est de 13,5 %. L'université a encore
beaucoup à faire pour que de telles différences entre
régions périphériques et grands centres s'amenuisent.
En ce qui concerne les jeunes étudiants, l'expérience nous
montre qu'un grand nombre d'entre eux ne revenaient pas dans la région
après avoir suivi leurs cours à l'extérieur. Cette
situation chez les jeunes s'expliquait beaucoup plus par l'attraction des
grands centres que par les problèmes de chômage en région.
Par le fait même, notre région a perdu un grand nombre de
personnes qualifiées en plus d'avoir eu de sérieuses
difficultés de recrutement et de rétention de personnel
spécialisé.
Pour vous parler plus particulièrement de l'apport de
l'université à la région, je demanderais à Mme
Thibault de vous présenter cette partie du mémoire.
Mme Thibault (Denise): Merci, Mme
Lessard. M. le Président, M. le ministre et distingués
membres de la commission. Conscient de l'importance grandissante que prend avec
les années notre université régionale, le CRDAT croit que
la tenue de cette commission parlementaire est l'occasion de mettre en
évidence les données les plus significatives de la performance
régionale de l'UQAT concernant la formation académique, les
activités de recherche, la planification régionale et
l'économie, et cela depuis son implantation en
Abitibi-Témiscamingue.
Nous devons tout d'abord parler de l'apport de l'université par
la formation universitaire qu'elle dispense depuis maintenant plus de seize
ans. La présence de l'université en région s'ajoutant
à celle du collège de l'Abitibi-Témiscamingue a
été définitivement un incitatif majeur à la
poursuite d'études universitaires pour un très grand nombre
d'adultes dans la région, ces adultes qui étaient sur le
marché du travail et, donc, immobilisés en région et aussi
pour des jeunes qui ont été influencés par le climat
créé par la présence universitaire en région. Il y
a également une mentalité incitant à poursuivre des
études supérieures pour affronter l'avenir.
Depuis les débuts de l'UQAT et malgré le choix
limité des programmes offerts maintenant, quelque 2860 personnes ont
obtenu un diplôme universitaire dans les secteurs les plus urgents
à développer dans la région, c'est-à-dire
l'administration, les sciences humaines, l'éducation, les sciences
sociales et de la santé et quelques programmes en sciences pures et
appliquées. Il nous faut souligner que ces personnes proviennent
à 95 % de notre région et que le diplômé de l'UQAT,
selon le résultat d'une étude, demeure et travaille dans la
région à la fin de ses études dans une proportion de 85 %.
Actuellement, l'université accueille 53 % des étudiants
finissants en provenance du collège de la région. Ces quelques
statistiques sont des indicateurs que l'université remplit son mandat de
formation des personnes en région et contribue par son
accessibilité à doter la région de compétences
additionnelles et à réduire avec le temps et petit à petit
l'écart de scolarisation entre régions éloignées et
grands centres.
Nous parlerons maintenant de l'apport de l'université à la
recherche en région. Comme vous l'a déjà
présenté l'UQAT cet après-midi, la recherche y est encore
jeune et dans une première phase de structuration. Un bilan de
l'activité scientifique et technologique de la région
d'Abitibi-Témiscamingue a été effectué en 1984-1985
et ce, en étroite collaboration avec l'UQAT et notre organisme et
différents organismes et secteurs d'activités régionales.
Ce bilan dégage l'état de la recherche dans la région et
nous pouvons la résumer comme suit: actuellement, très peu de
recherches sont faites sur place, dans les entreprises, en
Abitibi-Témiscamingue alors que l'on reconnaît l'importance
primordiale de l'adaptation des technologies de pointe pour le
développement des secteurs d'activité primaire et secondaire afin
de rendre nos entreprises compétitives au plan économique,
national et international. (20 h 15)
Nous croyons fermement que l'avenir de notre région doit
s'orienter vers la recherche appliquée au secteur des mines, de
l'agriculture et de la forêt.
Des priorités de recherche ont été
identifiées dans le secteur de l'agriculture concernant la
création d'une base solide de planification et d'utilisation de nos
sols, les essais et développements d'espèces et de cultivars de
plantes et du potentiel céréalier et horticole de la
région; dans le secteur des mines, concernant la recherche et le
développement au niveau de la technologie minérale, de
l'exploration et de l'exploitation, l'extraction et le traitement du minerai et
la nécessité d'un centre de recherche des mines dans la
région, région qui est naturelle pour ce secteur
d'activité, l'Abitibi-Témiscamingue, La recherche dans le secteur
de la forêt place en priorité des problèmes
d'aménagement et, surtout, de reboisement; la recherche de nouveaux
procédés de transformation de la matière première
et de l'industrie secondaire de la fabrication. De plus, le secteur de la
nordicité et de l'environnement fait partie des préoccupations de
l'UQAT et émerge lentement, en collaboration avec d'autres intervenants
de ce territoire - Hydro-Québec, SEBJ, le collège - par la
création d'un centre de documentation sur la nordicité. Ces
recherches visent principalement à l'amélioration de la
productivité régionale.
Si le CRDAT insiste ce soir sur des éléments qui ont
déjà été apportés devant cette commission,
c'est dans le but de mieux faire ressortir la nécessité de
développer à l'UQAT certains programmes d'études
avancées pour soutenir le développement de la recherche
appliquée dans notre région, avec des professeurs de chez nous,
pour les entreprises de chez nous. C'est pourquoi, lorsqu'il est question de
limiter les enseignements de l'UQAT uniquement à des programmes de
premier cycle, l'ensemble du milieu intervient pour insister sur la
nécessité primordiale de la recherche dans le
développement régional et pour voir se bâtir en
Abitibi-Témiscamingue une université au plein sens du terme.
Nous aimerions également souligner l'apport de
l'université à la planification régionale, institution
qui, par son expertise et en collaboration avec les divers organismes
socio-économiques et culturels, tisse un réseau d'information, de
concertation
et de participation des différents intervenants de la
région. Il est également indéniable que la formation
transmise par l'UQAT à plus de 3000 gradués, dont quelque 800
diplômés en administration, a un impact économique sur le
développement de la région. De plus, on peut dire qu'à
titre d'organisme, l'apport financier de l'université à
l'économie locale et régionale est de 132 employés sur une
base régulière, et les revenus avec subventions se situent
à 8 000 000 $.
Un autre apport important que nous voulons souligner, en terminant,
c'est la présence des services universitaires sur le territoire et les
avantages en découlant au plan de l'éducation des jeunes et des
adultes concourent fortement à intéresser des personnes de
l'extérieur à venir s'installer en Abitibi-Témiscamingue.
Aussi, les apports de l'UQAT vous ayant été
démontrés, nous croyons que dans les prochaines années la
formation et la recherche devront posséder une base de financement
réaliste respectant les particularités de notre région
afin d'assurer le développement institutionnel de cette
université et ce, au profit du progrès social et
économique régional. Pour ce faire, je repasse la parole à
Mme Jeannette Dupuis-Lessard.
Mme Dupuis-Lessard: Alors que l'UQAT doit tenter de
répondre à des besoins importants de la région, son
financement y est négativement disproportionné. Dans le cas de
l'UQAT, on devrait plutôt parler de sous-financement. Les
autorités de l'UQAT nous indiquaient qu'au mois de mai 1986, le
déficit accumulé était de 1 200 000 $ sur un budget global
de 8 000 000 $. Ce déficit équivaut à près de 15 %
du budget global. C'est pour le moins une situation financière
extrêmement difficile. Le CRDAT ne prétend pas avoir la
compétence pour effectuer une analyse de l'ensemble des
éléments en cause dans le sous-financement actuel de l'UQAT.
Cependant, compte tenu de sa connaissance et de son expérience
régionale, il peut souligner les particularités de la
région de l'Abitibi-Témiscamingue qui concourent à placer
l'université dans une situation de fonctionnement différente des
universités situées dans les grands centres.
Selon nous, le problème provient des critères de
financement des universités. La dispersion de la population et
l'éloignement des centres urbains sont le lot de
l'Abitibi-Témiscamingue, Or, une université doit offrir ses
services à la population et l'UQAT a dû s'adapter à ces
spécificités. Cependant, le mode de financement actuel ne semble
pas respecter ces mêmes spécificités de la région et
ceci expliquerait donc son énorme déficit. Il faudrait donc
changer son mode de financement. À moyen et long termes, il ne servirait
à rien d'effacer la dette de l'UQAT si la base de son mode de
financement reste inchangée. Mais plus que des chiffres, le
sous-financement actuel de l'UQAT est une menace pour sa survie et pour la vie
socio-économique de l'Abitibi-Témiscamingue.
Parmi les gens qui nous suivront, certains vous parleront en particulier
des problèmes que connaissent les sous-centres de l'UQAT. Ces
problèmes, comme vous le constaterez, sont en relation directe avec le
sous-financement de cette institution. Si la situation n'est pas
corrigée bientôt, les résultats seront catastrophiques pour
notre région. L'Abitibi-Témiscamingue est en transformation tant
au plan social qu'économique.
D'une région avec une économie basée sur les
activités du secteur primaire, l'Abitibi-Témiscamingue se tourne
de plus en plus vers la transformation de ses richesses naturelles, sur la
recherche adaptée à ses besoins et vers les services tertiaires.
C'est une économie qui doit se moderniser, car il en va de sa
viabilité et de sa survie. Pour atteindre cet objectif de
développement socio-économique régional,
l'Abitibi-Témiscamingue, tout comme les autres régions du
Québec, a besoin non seulement de capitaux, mais également et
probablement davantage de ressources humaines compétentes.
Pour atteindre cet objectif et devenir une région
économique forte au Québec, l'Abitibi-Témiscamingue a
besoin d'institutions postsecondaires solidement implantées qui puissent
répondre à ses particularités. Avec tout le respect que
nous avons pour les universités du sud du Québec, nous ne croyons
pas qu'elles soient aptes à répondre à nos besoins
régionaux et à contribuer efficacement à tresser un tissu
social fort et bien intégré aux forces majeures de notre
région. Des progrès ont été accomplis
jusqu'à ce jour, mais il ne faudrait pas gâcher tout cet immense
travail par un sous-financement déficient et inadéquat.
Nous tenons à vous signaler que l'enseignement et la recherche
universitaire, dans une région périphérique comme
l'Abitibi-Témiscamingue, sont aussi importants pour notre région
qu'ils peuvent l'être pour le reste du Québec. Le CRDAT demande
donc aux membres de cette commission et au gouvernement du Québec de
répondre positivement aux demandes de la région vis-à-vis
de son université.
À cet égard, pour vous démontrer que notre demande
ne s'adresse pas seulement au gouvernement, mais que le milieu de
l'Abitibi-Témiscamingue fait également son effort, je demanderais
à M. Hilaire Boissé, directeur général de la
Fondation de l'UQAT, de vous le préciser. M. Boissé.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Boissé, nous vous écoutons.
Fondation de l'UQAT
M. Boissé (Hilaire): M. le Président, M. le
ministre, mesdames les députées, messieurs les
députés, Mme Lessard, j'aurais aimé que la
présidente de notre fondation soit ici ce soir pour nous faire la
lecture du mémoire que vous avez recu et que vous avez sans doute lu.
Cependant, comme je sais que vous avez fait beaucoup de lecture depuis le
début de cette commission, j'ai ta tentation de vous faire grâce
de relire ce mémoire sauf, peut-être, les derniers paragraphes de
la dernière page. Je pense que ce mémoire contient beaucoup de
choses qui ont été dites au cours de la journée, puisque
j'ai assisté, cet après-midi, aux auditions de cette commission.
Simplement, je voudrais vous faire part que les recommandations qui ont
été faites par d'autres organismes qui se sont
présentés devant vous, le message a déjà
été saisi par notre population. Je veux simplement vous souligner
tout le dynamisme que vous retrouvez chez nous, en
Abitibi-Témiscamingue, puisque la direction de notre université,
après avoir obtenu les lettres patentes, s'est rapidement rendu compte,
qu'on aurait beaucoup de difficultés à atteindre les objectifs de
sensibilisation et d'éducation qu'on s'est proposés sans faire
appel à d'autres sources de revenus que celles qui nous viennent de
l'État. C'est pourquoi à la fin de l'année 1984, un groupe
de personnes de l'Abitibi-Témiscamingue ont créé la
Fondation de recherche de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue. C'était au même moment où je
décidais de prendre ma retraite après avoir fait carrière
dans l'assurance générale pendant 35 ans. Alors, il m'a fait
plaisir d'accueillir ce poste de directeur général de cette
institution afin de servir la population de notre région pour qu'elle
continue de se développer.
J'avais compris, depuis les quelque 38 années que je suis en
Abitibi-Témiscamingue, qu'on ne pouvait pas tellement compter sur le
gouvernement et d'autres institutions pour se développer en
régions périphériques. Il fallait se donner des outils
chez nous. C'est pourquoi, grâce au dynamisme de notre population, nous
avons l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
Pour qu'elle se développe, on s'est donné cette fondation.
C'était une première expérience où un groupe
d'hommes d'affaires et de personnes se réunissaient en région,
répartis dans un peu tous les coins où notre population se situe,
pour lancer un projet de souscription pour un montant de 1 000 000 $. On
s'était dit que, peut-être dans cinq ans, nous atteindrions notre
objectif. Alors, il n'y a qu'un an et demi que cette fondation existe et il me
fait plaisir de vous faire part, mes amis de la commission qui êtes ici
ce soir, qu'au cours des dernières semaines, nous avons atteint et
même dépassé l'objectif de ce premier million de
dollars.
Je tiens à vous faire part de ceci, non pas pour nous vanter,
mais simplement pour vous montrer tout le dynamisme que vous retrouvez dans
notre population. Vous en avez eu un exemple, cet après-midi, par le
personnel de l'université qui vous a fait part de ses doléances,
ainsi que de nos deux étudiants qui nous ont si bien
représentés. Vous avez une autre preuve du dynamisme de notre
région.
Pour compléter les derniers 100 000 $ qui nous manquaient pour
atteindre notre premier million de dollars, nous avons eu la collaboration ou
plutôt le témoignage de toute l'importance de la recherche pour le
développement minier, forestier et agricole de notre région. Je
veux parler ici d'un événement qui s'est passé il y a deux
semaines au congrès de l'Association provinciale des prospecteurs, alors
que notre président, lui-même intéressé non
seulement dans l'exploration mais dans le développement minier, a
proposé au monde minier -c'est-à-dire à ce genre de
congrès qui réunit les actionnaires des compagnies
minières juniors - M. Hébert, notre président, a
proposé à ces compagnies de souscrire comme contribution à
la Fondation de recherche de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue 10 000 actions du trésor de leur compagnie.
Alors, sur-le-champ même, au cours des deux jours, treize de ces
compagnies juniors ont souscrit 10 000 actions au capital du trésor. Il
me fait plaisir de vous citer ces compagnies dont les administrateurs ont
compris toute l'importance de la recherche en région. Ce sont celles qui
ont répondu sur-le-champ. Les autres, on n'a pas pu les rencontrer
encore, mais on va le faire d'ici le 31 décembre. Ce sont Ressources
Rouyn, Ressources Audrey, Vior, Mazarin, Dufresnoy, Ressources Yorbeau,
Ressources La Pause, Ressources Radisson, Ressources Normétal,
Explorateurs du Nord, Ressources JAG, Ressources Maufort, Ormisco. C'est ce qui
nous a permis de compléter notre premier million et nous n'avons pas
terminé. Comme la présidente du CROAT l'a mentionné
tantôt, c'est un outil additionnel qu'on voulait se donner. (20 h 30)
On espère, avec cet apport de capital supplémentaire,
être capable de développer la recherche dans le domaine minier,
agricole et forestier. Bien sûr, an ne veut pas réinventer la
roue. Nous voulons simplement stimuler la recherche à même
l'argent que le gouvernement met déjà à la disposition de
notre université. Nous, les gens de la fondation, serions très
peinés de voir notre
université traitée d'une façon inférieure
par rapport aux autres universités en province. Je représente ici
la population de l'Abitibi-Témiscamingue et nous ne voudrions pa3
retrouver, après avoir recueilli les capitaux que je viens de vous
mentionner, notre université comme une coquille vide parce qu'on
manquerait d'argent pour amener des chercheurs et des professeurs. On vous a
fait état cet après-midi de certaines coupures de services. Nous
sommes très sensibles à ces coupures de services en
régions. C'est pourquoi je voulais ce soir vous démontrer toute
la sensibilité de la population en rapport avec l'utilité d'une
université dans notre région pour continuer notre
développement.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Maintenant,
nous allons entendre Mme Monique Barrette, représentante de la
Corporation de développement économique du
Témiscamingue.
Corporation de développement économique
du Témiscamingue
Mme Barrette (Monique): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs les députés, je suis
déléguée par les municipalités et aussi par la
Corporation de développement économique du
Témiscamingue. Je suis aussi agent de liaison de l'UQAT au
Témiscamingue. C'est-à-dire que c'est moi qui recueille les
demandes des gens, qui fait les commandes de cours à
l'université, bref, qui essaie de répondre aux besoins de la
population du Témiscamingue au niveau universitaire. Je travaille, comme
on dit dans notre coin, sur le terrain. Je voudrais attirer votre attention sur
des points qui me semblent importants. Le premier point, c'est
l'accessibilité de l'enseignement universitaire en régions.
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire l'accessibilité des petits
groupes.
Les normes de groupes-cours qui ont été acceptées
par l'UQAT à l'été 1986 sont difficiles sinon impossibles
à rencontrer en régions. Il y a aussi la distance dont il faut
tenir compte. Si Rouyn-Noranda est loin des grands centres, nous, au
Témiscamingue, nous sommes aussi loin du campus de l'université
à Rouyn. L'encadrement doit aussi être soigné au niveau des
chargés de cours. Souvent, faute de ressources dans la région,
nous devons faire appel à des chargés de cours qui viennent de
l'extérieur. C'est souvent très difficile. Ils vont arriver chez
nous le vendredi soir pour repartir le dimanche après-midi, prendre
l'avion le dimanche soir pour ne revenir que deux ou trois semaines plus tard.
Si les étudiants, entre-temps, ont de la difficulté, il est
impossible de rejoindre ces personnes pour de l'aide. Il faut tenir compte
aussi, en régions, des populations mouvantes. Souvent, un groupa qui
répond au début aux critères va avoir de la
difficulté à terminer un certificat à cause des nombreux
départs qui se font pour d'autres régions. Il y a aussi le
service à la collectivité. C'est presque inaccessible. Nous avons
de la difficulté à avoir l'accessibilité aux ressources
professorales à cause des coûts et aussi des distances.
Un autre point que je voudrais souligner, c'est l'importance de
maintenir des certificats pour favoriser l'accessibilité et surtout
démystifier l'université à des adultes qui sont sans
tradition à cet égard.
En terminant, je voudrais vous dire aussi que les types de cours et de
programmes que les adultes nous réclament en régions sont surtout
des cours de formation et non seulement des cours d'information ou de type
culturel. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Maintenant,
nous entendrons le représentant de la municipalité
régionale de comté de Rouyn-Noranda, M. Noël
Théberge.
MRC de Rouyn-Noranda
M. Théberge (Noël): M. le Président, M. le
ministre, messieurs et mesdames les députés, au nom de la MRC de
Rouyn-Noranda et de la nouvelle ville de Rouyn-Noranda, je me permets de vous
livrer notre message.
En créant l'Université du Québec au début
des années soixante-dix, le gouvernement s'était fixé
comme objectif de répondre aux besoins spécifiques des
Québécois. Quelle que soit la région qu'elle habite,
favoriser l'accès à une éducation supérieure
à la population des régions constitue donc une des missions
fondamentales que doit mener une université, tout
particulièrement dans une zone excentrique comme la nôtre.
Étant l'une des régions du Québec les plus
éloignées des pôles centraux,
l'Abitibi-Témiscamingue se confronte à de multiples
difficultés entravant considérablement ses possibilités de
développement et sa compétitivité face aux autres
régions.
Les quelque 150 000 habitants qui peuplent
l'Abitibi-Témiscamingue se regroupent principalement autour d'un
pôle, soit Rouyn-Noranda. D'une part, il s'agit d'une région jeune
dont l'économie se fonde principalement sur l'exploitation de ses
ressources premières, soit la forêt et les mines. Cette vocation
de région-ressource l'expose aux moindres fluctuations des
marchés extérieurs dont nous sommes largement dépendants.
Cette dépendance engendre un chômage latent que seule une
diversification de notre base économique pourra contrer. Cette
diversification passe
par un plus large accès à une éducation
supérieure afin, de corriger un problème de sous-scolarisation
qui affecte notre région. La région doit être dotée
non seulement d'une université mais également d'une
infrastructure développant des centres de compétence en harmonie
avec son milieu d'insertion. L'incidence est directe sur l'ensemble du
développement économique; social et scientifique de la
région.
Dans ce climat, l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue est venue consolider notre capacité de
rétention du personnel spécialisé. Il est donc
indispensable que l'individu venant travailler en région puisse avoir
accès à des services dont une possibilité de poursuivre sa
spécialisation et d'en acquérir de nouvelles dispensées
par l'université. Nous considérons ce droit comme fondamental et
essentiel à notre développement. Il ne faut cependant pas
négliger l'impact pour la clientèle locale qui utilise de plus en
plus les services de l'université.
La présence en région d'une institution universitaire joue
un rôle prépondérant à bien des égards.
Regroupant plusieurs spécialités, l'université devient
donc un bassin de ressources compétentes qui rayonnent sur l'ensemble de
la région. Plusieurs organismes des domaines privé, public ou
parapublic font déjà appel aux services de l'université.
Cette collaboration se développe au même rythme que
l'université elle-même pourra élargir ses champs de
compétence. Il importe donc de favoriser la consolidation des
disciplines actuelles des 1er et 2e cycles et envisager d'y greffer de nouveaux
champs en corrélation directe avec les besoins spécifiques de la
région.
Cette étroite collaboration deviendra une source de dynamisme
incontestable et favorisera une plus grande cohérence des efforts des
différents intervenants impliqués dans le développement
régional.
Le rôle de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue demeure donc d'assurer un soutien au projet
innovateur d'une initiative régionale qui vise la concrétisation
du rapport théorie-pratique dans les programmes et les activités
particulières. Lorsqu'il s'agit de la formation continue, 2e et 3e
cycles parallèlement, l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue doit continuellement parfaire son mandat en
recherche.
Le Conseil des maires de la MRC de Rouyn-Noranda formé de
représentants de seize municipalités regroupées autour du
pôle central, soit Rouyn-Noranda, demande à votre commission de
recommander au gouvernement de consolider la vocation régionale de
l'université. Reconnu à titre de pôle régional,
Rouyn-Noranda joue un rôle déterminant en
Abitibi-Témiscamingue. Nous devons donc poursuivre nos efforts afin de
favoriser l'évolution de cette vocation en spécialisant son
rôle. Ainsi, dans la réflexion enclenchée dans le cadre du
sommet économique, tous sont d'accord pour reconnaître à
Rouyn-Noranda une vocation de pôle de recherche justement reliée
è la double présence du collège de
l'Abitibi-Témiscamingue et de l'université. Ce que nous
prônons donc pour notre région, c'est une université
adaptée à nos besoins et fortement intégrée au
contexte de région éloignée. Cela implique donc le
maintien des disciplines actuelles des 1er et 2e cycles et l'implantation de
nouvelles disciplines en relation directe avec les besoins de notre milieu.
Cela implique également un financement adéquat et nous devrons
inventer ou innover dans ce domaine.
Soyez assurés que Rouyn-Noranda continuera de jouer son
rôle de capitale régionale et partagera les services que vous
voudrez bien lui confier. M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes
les membres de cette commission, c'est une question d'équité
sociale. Merci.
CDIC de Rouyn-Noranda régional
Le Président (M. Parent, Sauvé): Maintenant, la
commission va entendre M. Mario Detilly, qui est le commissaire industriel
représentant la Corporation de développement industriel et
commercial de Rouyn-Noranda. M. Detilly.
M. Detilly (Mario): M. le Président, Mmes et MM. les
membres de la commission, M. le ministre, je profite de ces quelques minutes
mises à ma disposition pour vous expliquer la position de notre
commissariat industriel quant à l'apport économique de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Depuis
l'obtention de ses lettres patentes en 1983, l'Université du
Québec a été d'un apport considérable à la
région qu'elle dessert. Avant son implantation, le taux de
rétention de la main-d'oeuvre spécialisée dans notre
région n'était que de l'ordre de 10 %. Aujourd'hui, on
considère que, grâce à la présence de l'UQAT, ce
taux se chiffre maintenant à 85 %. De plus, 95 % des finissants se
trouvent un emploi en Abitibi-Témiscamingue. Soulignons que la
majorité d'entre eux oeuvrent dans le secteur privé.
En plus de former des jeunes professionnels, l'UQAT offre
différents services de recherche qui contribuent à
l'amélioration et à l'avancement des entreprises
régionales. Ces services, tels que le Centre de diagnostic et de gestion
de PME et l'Unité de recherche et de service en technologie
minérale de l'Abitibi-Témiscamingue, ont été
créés en collaboration avec l'entreprise privée. Depuis
l'instauration de ces services, nombreuses sont les entreprises qui en ont
profité.
L'UQAT privilégie également la recherche appliquée.
Nous croyons que la mise en valeur des richesses naturelles de notre
région du nord du Québec doit pouvoir continuer à compter
sur l'expertise scientifique que constitue l'université. D'ailleurs,
celle-ci participe activement au consortium nordique qui regroupe des
représentants des municipalités, d'Hydro-Québec et du
Collège de l'Abitibi-Témiscamingue. Ce consortium se consacre au
développement de projets de recherche sur le territoire nordique.
Toutes ces recherches profitent grandement aux entreprises
régionales et permettent à l'Abitibi-Témiscamingue de
progresser sur le plan économique. Par contre, cette progression sera
ralentie si l'UQAT doit continuer de fonctionner dans les conditions
actuelles.
Notre main-d'oeuvre spécialisée devra se perfectionner.
L'UQAT se doit aussi de se garder à la fine pointe de la technologie
afin de former des experts qui contribueront à l'avancement de nos
entreprises. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement du Québec
d'accorder à notre université une base de financement qui lui
permettra de répondre adéquatement aux besoins
régionaux.
Il ne faut pas oublier que l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue est née d'une volonté populaire.
Elle a comme principal mandat de contribuer au développement de toute
une région. Si elle ne peut atteindre cet objectif, faute de
financement, ce n'est pas une minorité qui en subira les frais, mais
plutôt une population tout entière.
Je vais sauter aussi sur l'occasion pour vous parler de la tenue du
sommet socio-économique, présentement, en
Abitibi-Témiscamingue. Lors du colloque de zone, la volonté
populaire s'est penchée sur la possibilité d'implanter un
programme complet en génie à l'UQAT et ce projet était
priorisé numéro deux au colloque de zone de Rouyn-Noranda.
Pour notre région, cet instrument de développement que
constitue l'UQAT est essentiel. Notre présence ici aujourd'hui en
témoigne. C'est pourquoi nous croyons que notre demande est
légitime et nous espérons que vous saurez y accéder. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie
beaucoup, M. Detilly. Maintenant, nous allons commencer la période
d'échanges de propos avec les membres de la commission.
Je vous informe qu'on a prévu environ 40 minutes. C'est donc dire
que, vers 21 h 25, j'inviterai les représentants de l'association des
commissions scolaires ainsi que ceux de la ville de Val-d'Or à se
joindre à vous à la table.
Alors, M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science, la parole est à vous.
(20 h 45)
M. Ryan: Nous venons d'entendre, M. le Président, les
représentants d'abord du Conseil régional de développement
de l'Abitibi-Témiscamingue, ensuite, la Fondation de l'Université
du Québec en Abitibi-Témiscamingue; ensuite, un groupe du
Témiscamingue, les représentants de la MRC de Rouyn-Noranda et,
finalement, les représentants de la Corporation de développement
industriel et commercial de Rouyn-Noranda régional. En même temps
que je vous écoutais, j'ai essayé de faire un relevé des
principales recommandations que vous faites à la commission
parlementaire. Je pense que vos recommandations sont assez convergentes et,
loin de contredire celles de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue, viennent plutôt les appuyer, les
compléter au besoin, en les enrichissant surtout par des exemples
concrets et par l'évocation de problèmes qui sont très
réels. Je pense que tous ces témoignages que nous avons entendus
seront très utiles.
Je voudrais faire un certain nombre de commentaires sur les
recommandations qui ont été présentées. Avant de
les faire, je voudrais clarifier une situation. C'est bon qu'on ait une vue
nette des choses également. On a beaucoup entendu parler de
sous-financement, aujourd'hui. Dans une certaine mesure, c'est probablement
vrai. Mais, je regardais les chiffres du ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science pour l'année 1985-1986 et voici ce que
je constatais.
Nous calculons nos subventions par étudiant équivalence
temps complet. Nous transposons toutes les personnes inscrites aux programmes
ou aux cours d'une université en étudiants équivalence
temps complet, c'est-à-dire que, si vous avez une personne qui suit des
cours à peu près le tiers du temps, elle compte pour un tiers
d'étudiant à temps complet. Cela veut dire que cela prend trois
personnes comme cela pour faire un étudiant équivalence temps
complet. En transcrivant toutes les inscriptions en inscriptions à temps
complet ou l'équivalent, nous arrivons à ceci: la moyenne des
subventions versées aux universités per capita, en 1985-1986,
était de 6558 $. Pour l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue, elle était de 6710 $. À
l'Université de Montréal, qui est une très grande
université avec des facultés de médecine, de génie
et de sciences très développées, avec des laboratoires,
avec le plus grand nombre d'étudiants de deuxième et de
troisième cycles au Canada, la subvention moyenne était de 6920 $
par étudiant.
Je mentionne ce point pour vous indiquer qu'on ne peut pas chercher la
lune non plus. On peut bien vous faire des
promesses, faire toutes sortes d'ouvertures. Ce serait facile de ne pas
parler de chiffres et de vous dire: Ne vous inquiétez pas, on vous
comprend, on a tout examiné cela et comptez sur nous, on va faire un bon
travail. Mais je pense qu'on va partir de là. On va tenir compte de
facteurs comme ceux que vous avez mentionnés. Il y a celui de
l'éloignement, celui du degré de développement d'une
institution. Une université qui est en départ, ce n'est pas la
même chose qu'une autre qui est arrivée à un point de
stabilité. Il y a l'étendue du territoire qui doit être
desservi. Il faudra essayer de trouver un facteur identifié avec le plus
de précisions possible. Cela ne pourra pas aller très loin non
plus. Je pense qu'il faut être réalistes.
Vous parlez du facteur de distance et d'éloignement. Je pense
qu'en Ontario, on a mentionné que c'était 11 % de la subvention
de base. Il ne faut pas oublier que le genre de programmes que vous avez
actuellement est parmi les moins coûteux. Ce n'est pas parmi les plus
coûteux qu'une université peut mettre sur pied; c'est,
jusqu'à maintenant, parmi les moins coûteux. Par
conséquent, je vous donne cette considération en toute franchise,
par souci de vérité. Ce sont des éléments dont nous
allons devoir tenir compte. Si nous avions des ressources illimitées,
nous pourrions dire: Très bien, on va aller le plus loin possible.
J'entendais parler des études de génie, par exemple. Nous,
il va falloir qu'on se dise; Est-ce que cela va coûter moins cher
d'avoir' un certain nombre d'étudiants en génie en provenance
d'Abitibi-Témiscamingue à l'Université de Montréal,
à l'Université McGill, à l'Université Laval ou si
cela va coûter plus cher d'avoir une faculté de génie
complète en Abitibi-Témiscamingue? Je n'ai pas la réponse
à la question ce soir, mais cela va être une question de gros
chiffres dans une grosse mesure. On va être obligé de faire cela.
Il y a d'autres programmes qui peuvent être développés.
D'abord, au premier cycle. On en a parlé cet après-midi dans le
bref échange d'idées que j'ai pu avoir avec M. le recteur. Je
pense qu'il y a un élargissement des programmes qui s'impose si on veut
que l'université atteigne sa vocation de base, l'université dans
le sens le plus plein du terme.
Au niveau des deuxième et troisième cycles, il y a
plusieurs recommandations. Je voyais mon bon ami M. Boissé qui nous
parlait de la nécessité de développer les études de
deuxième et troisième cycles. Il va falloir y aller avec
infiniment de prudence. On ne pourra pas vous dire: On s'en va dans toutes les
directions. Il y a une recommandation qui dit: II faut que l'université
ait des pouvoirs institutionnels de développer des programmes de
deuxième et troisième cycles. Oui, mais à la condition que
ce soit soumis à l'approbation de l'autorité compétente
à un autre niveau évidemment. Je pense qu'on va se comprendre
là-dessus sans difficulté. Il faudra que cela passe au Conseil
des universités et que soit porté non seulement un jugement sur
le contenu objectif mais aussi un jugement d'opportunité et de
faisabilité dans le contexte où nous sommes.
Pour le Québec et le Canada tout entier, le facteur de distance
est un immense obstacle - un grand défi aussi à certains points
de vue - pour le développement de plusieurs services. On n'a jamais pu
vaincre ce facteur-là totalement. C'est impossible de transposer dans
chacune des régions la plénitude des services qu'on va retrouver
dans des grands centres urbains, et ce pour des raisons d'économie pure
et simple que nous allons tous comprendre facilement. On peut toujours dire: On
va partager, on va faire de la péréquation, mais finalement, le
coût de fonctionnement de la société devient beaucoup plus
élevé et à un moment donné, si on s'effondre tous
ensemble, on n'est pas plus avancé.
C'est un peu le problème du Canada avec ses finances publiques:
des déficits de 35 000 000 000 $ par année. On en a mis, on en a
mis. On prend un exemple comme Radio-Canada, cela coûte terriblement
cher. Là, ils parlent de nous en donner une deuxième. Je vais
leur demander d'y penser comme il faut. J'aimerais mieux avoir un peu plus
d'argent pour les universités. Mais il y a bien des gens qui participent
aux décisions, on n'est jamais seul là-dedans.
Je vous donne ces facteurs-là pour qu'on soit de bon compte ce
soir, qu'on se parle franchement entre nous. Je veux vous féliciter de
l'intérêt que vous portez à l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue. Je félicite les
promoteurs de la fondation d'avoir déjà recueilli près de
1 000 000 $. C'est énorme. Cependant, c'est vite dépensé
dans le domaine de la recherche. Mais c'est quand même un bon fondement.
J'espère que vous pourrez continuer et que vous pourrez même
toucher des contributions d'entreprises qui ont des activités chez vous
mais dont le siège social est souvent ailleurs. Vous avez droit à
une part des profits ou des surplus de ces entreprises sous forme de
contributions comme celles que vous demandez. Je pense que cela peut être
excellent.
Je n'ai pas de question spéciale à vous adresser à
ce moment-ci, parce qu'on a toute une série d'autres groupes à
rencontrer tantôt. La seule question que je serais porté à
vous poser et peut-être chacun peut-il me répondre: Si on vous
demandait quels sont les développements les plus urgents que vous
souhaiteriez voir à l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue, quelle serait, chacun, votre priorité?
Vous êtes six et je ne veux
pas avoir l'air d'avoir de préférence pour un groupe ou
l'autre. Quelle serait la première nécessité pour chacun,
ce qui devrait se faire pour que cette université avance dans le sens de
ce que vous voulez?
Mme Thibault: M. le ministre, je me permets de répondre la
première. Je verrais, comme priorité, le développement des
sciences appliquées. Cela devrait permettre à la région,
dans les différents secteurs de ses ressources naturelles, de
développer une technologie de pointe appliquée aux entreprises et
d'utiliser les technologies qui sont déjà en place ailleurs pour
les transposer dans nos entreprises chez nous. Je pense que cette dimension
servirait la région grandement.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Théberge.
M. Théberge: Pour compléter, ce serait surtout dans
le génie minier ou forestier.
M. Detilly: Le développement des sciences liées au
génie, bien sûr, avec l'instauration...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Le
développement des sciences géophysiques?
M. Detilly: Le développement des sciences liées au
génie, le programme à temps complet.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Boissé.
M. Boissé: Cela complète un peu ce que mes
collègues viennent de mentionner, mais ce à quoi j'ai le plus
hâte - et les gens de la fondation aussi - c'est que, le plus rapidement
possible, on établisse une politique de financement pour les
universités pour que la population ne remette pas toujours en question
l'existence de notre université. Cela fait un an que les journaux
parlent du sous-financement de notre université. La population commence
à s'interroger: Vont-ils la fermer? Vont-ils la garder? J'ai très
hâte et tous mes collègues, à la fondation, ont très
hâte qu'il y ait une politique d'établie concernant le financement
des universités.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M.
Boissé. Mme Barrette.
Mme Barrette: Mon avis rejoint un peu celui de M. Boissé,
en ce sens que cela permettrait l'accessibilité pour un plus grand
nombre de gens à l'université, en finançant des plus
petits groupes. Quand je vois, en Ontario - vous citez La Laurentienne de
Sudbury - ou dans les milieux nordiques, que l'on peut ouvrir des programmes
à des groupes de huit étudiants et plus, même si
c'était seulement le double, cela nous permettrait d'avoir un beaucoup
plus grand nombre de gens qui auraient accès à
l'université.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Lessard.
Mme Dupuis-Lessard: Ce que j'aimerais beaucoup, c'est que
l'université de chez nous puisse obtenir une subvention spéciale
pour pouvoir vraiment desservir toute la région, dans tous les
sous-centres et tenir compte de la particularité de notre région.
Il est extrêmement important que les gens de chez nous soient
formés chez nous. Quand les gens doivent parcourir 150 milles, à
un moment donné, ce n'est plus accessible. Si l'on veut que la
région soit vraiment forte, on doit avoir la formation de nos gens chez
nous, parce que ce sont les ressources humaines qui sont le pivot de notre
développement économique. Si l'on avait une subvention
spéciale pour bien desservir les sous-centres et être capable -
comme Mme Barrette le disait - de donner la formation à de plus petits
groupes de gens pour que, finalement, tous nos gens puissent en
bénéficier et que ce soit vraiment accessible à toute la
population de l'Abitibi-Témiscamingue...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup,
madame. Je reconnais maintenant Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames,
messieurs, les membres de !a commission parlementaire ne comprendraient
sûrement pas si je ne soulignais pas la place importante qu'occupent les
femmes, ce soir, dans cette délégation.
Le Président (M. Parent, Sauvé): On l'a
remarqué, madame.
Mme Blackburn: Ils l'attendaient; si je ne l'avais pas fait, ils
s'en seraient étonnés. Cela s'explique, c'est une population
jeune, probablement que ces gens ont moins les défauts des populations
plus âgées.
D'abord, avant de commencer une brève présentation et
quelques commentaires, je voudrais de façon plus officielle, tel que me
l'a demandé M. François Gendron, excuser son absence. Cela a
été fait un peu par le président, mais je m'y étais
engagée. M. Gendron, comme vous le savez, a de la mortalité dans
sa famille. Il voulait tellement venir que je lui ai dit: Je pense que,
vraiment, ils vont comprendre que tu dois assister aux funérailles.
Elles avaient lieu cet après-midi. II était vraiment dans
l'incapacité de venir et il était vraiment très
désolé. Il vous fait ses salutations. Il m'a assurée...
Il
a dit: De toute façon, je les sais capables de très bien
défendre la cause. Voilà, le message est fait.
À la lecture des mémoires, ce que je constatais, qui
m'apparaît important, que l'on doit retenir et qu'il me semble doit
être retenu sinon dans les critères, à tout le moins dans
les indicateurs qui nous permettent d'évaluer la
nécessité, l'importance ou la pertinence d'intervenir, c'est
l'âge de la population. Je ne sais pas s'il y en a dont cela a retenu
l'attention, mais il y a un tableau dans le mémoire du Conseil
régional de développement qui illustre précisément
que les jeunes de moins de 19 ans, aujourd'hui, au moment où l'on se
parle, forment 28 % dans la province de Québec et 33,9 % dans votre
région. Je me dis: C'est un critère qui m'apparaît
important, il y a là une population jeune.
Ensuite, le ministre - avec raison, je pense bien - s'interrogeait sur
la différence des coûts pour former quelqu'un dans votre
région, alors qu'il comparait l'Université de Montréal
qui, avec des coûts égaux, sinon plus bas, avait une gamme de
programmes. On sait qu'il y a des économies d'échelle qui se font
quand vous avez une grosse institution et qui ne sont pas pensables dans une
région. (21 heures)
Par ailleurs, il serait important de rappeler au ministre que la
formation et la scolarisation coûtent cher, effectivement, mais que la
sous-scolarisation coûte encore plus cher. Selon des économistes -
on a vu une partie de cette étude dans les principaux journaux il y a
sept ou huit mois - on estimait qu'une personne qui vivait de l'aide sociale ne
coûtait pas les 6000 $, 7000 $ ou 8000 $, mais qu'elle coûtait,
parce que non productive, entre 30 000 $ et 40 000 $.
Donc, il est vrai que la scolarisation coûte cher, mais la
sous-scolarisation nous coûte très cher au Québec. Je pense
que c'est beaucoup dans cette perspective qu'il faut situer l'avenir des
universités, leur importance et leur rôle dans le
développement économique. Vous l'avez fait ressortir. Pour une
région comme la vôtre -d'autres l'ont fait un peu avant vous,
également - la scolarisation, cela veut dire aussi une main-d'oeuvre
compétente, disponible chez vous, qui est moins attirée par les
grands centres et que vous êtes capables de conserver dans vos
entreprises et dans vos institutions.
Vous parlez de taux de rétention. J'avais une petite question. Le
taux de rétention, actuellement, est assez élevé; c'est 85
% de vos diplômés, c'est-à-dire des diplômés
de l'UQAT. Est-ce que vous avez des données sur le retour dans votre
région de ceux qui sont diplômés dans les autres
universités?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y en
a qui peuvent répondre à madame?
M. Detilly: Nous n'avons pas cette statistique.
Mme Blackburn: Non? Vous n'avez rien là-dessus,
d'accord.
Mme Dupuis-Lessard: Nous n'avons pas cette statistique. Je ne
sais pas si l'université l'a, mais nous ne l'avons pas.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Le recteur me fait
signe qu'il ne l'a pas non plus.
Mme Blackburn: Bien. Il y a peut-être une autre question -
j'essaie de me le rappeler - je pense qu'elle sera adressée à M.
Detilly. Dans votre mémoire, en conclusion: voua dites: "Nous
considérons - je le lis parce que cela me demandera des explications -
que le gouvernement du Québec devrait répartir plus
adéquatement les enveloppes budgétaires du réseau
universitaire. Nous ne demandons pas nécessairement plus d'argent. Tout
ce que nous voulons, c'est une répartition équitable...". Mais,
vous estimez quand même qu'une répartition équitable
devrait nécessairement vous amener un peu plus d'argent. Comment dois-je
lire votre recommandation?
M. Detilly: Malheureusement, pour ce qui est des statistiques,
elles diffèrent un peu de celles que le ministre nous a fournies. Nous
insistions surtout sur le fait que, malheureusement, nous occupons un
territoire qui est très grand et nous devons offrir des services
à des populations qui sont souvent isolées, lesquels
coûtent extrêmement cher. Je considère que le facteur
d'éloignement et la dimension du territoire que l'université doit
desservir, cela fait en sorte qu'il est très important que,
effectivement, nous puissions avoir des sommes adéquates pour nous
permettre de le faire, étant donné que le mandat nous a quand
même été donné par le réseau.
Mme Blackburn: Donc, si je dois lire votre recommandation: "Nous
ne demandons pas nécessairement plus d'argent"...
M. Detilly: C'est que, comme je vous le disais, pour ce qui est
des statistiques quant à la moyenne des subventions offertes per capita,
nous avions une statistique qui différait à ce
moment-là.
Mme Blackburn: Ce que vous demandez, c'est de l'argent qui tienne
compte de votre situation, mais pas plus qu'il...
M. Detilly: C'est cela.
Mme Blackburn: ...n'en faudrait pour y répondre.
Très bien. Vous avez fait largement état de toute la question de
l'accessibilité, particulièrement des besoins liés
à l'éducation des adultes. Je dirais que cela a quasiment
été un grand absent; les étudiants adultes, on en a peu
parlé autrement qu'en statistiques. Mais qu'est-ce que la population
adulte représente dans les cours qui sont dispensés dans les
sous-centres?
Mme Barrette: Si je peux parler pour le Témiscamingue, des
cours dans notre région, je pourrais dire que pour la session
automne-hiver de 1985-1986, j'avais de 200 à 250 adultes qui
fréquentaient l'université à temps partiel. Alors, sur une
population de 18 000, c'est quand même...
Mme Blackburn: Oui, c'est important. Mme Barrette: ...un
bon pourcentage.
Mme Blackburn: Très bien, je vous remercie; on pourra y
revenir. Oui?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, allez,
monsieur.
M. Detilly: Le pourcentage est de 40 %,
Le Président (M. Parent, Sauvé): De 40 %?
M. Detilly: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. 40 %.
M. Detilly: Quarante.
Le Président (M. Parent, Sauvé): II y a 40 % de la
population qui suit des cours à l'extérieur.
M. Théberge: II y a 40 % des étudiants qui sont des
adultes.
Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord. Merci. Y
a-t-il des interventions du côté ministériel? M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Je ne suis pas du côté
ministériel, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est parce que je
n'en ai pas du côté ministériel. M. le député
d'Ungava, je sais fort bien que vous êtes de l'Opposition.
M. Claveau: Merci. D'ailleurs, à ce sujet, j'aurais
justement quelque chose à dire. C'est que finalement, moi en tant que
régional pure laine, j'ai été particulièrement
choqué par les propos que le ministre a tenus tout à l'heure en
nous annonçant d'avance ses couleurs. Il a félicité
l'organisation, et tout cela, il nous a bien dit que vous faites du beau
travail, mais vous savez, cela coûte cher et je ne suis pas seul à
décider. C'est à peu près cela qu'il nous a dit. On peut
se demander jusqu'à quel point ce qui est là sera pris en
considération parce que quand on parle de tous ces documents, on parle
vraiment d'un présence accrue, d'une volonté politique ferme
d'intervenir en région, de soutenir, de maintenir en région des
institutions de formation professionnelle et de formation de recherche pure et
appliquée qui vont permettre un meilleur développement.
Jusqu'à maintenant, je trouve que l'on semble branler dans le manche un
peu du côté ministériel en ce qui concerne une
volonté de vraiment vouloir maintenir ces infrastructures en
région.
Cela dit, j'aurais une première question à poser -
excusez, j'ai oublié le nom - à monsieur de la Corporation de
développement industriel et commercial de Rouyn-Noranda régional.
Dans le chapitre 2, Collaboration UQAT-entreprises, vous avez un paragraphe qui
dit: "L'université participe aussi activement au consortium nordique,
qui regroupe des représentants des municipalités,
d'Hydro-Québec et du collège de l'Abitibi-Témiscamingue.
Ce consortium se consacre au développement de projets de recherche et au
développement sur le territoire nordique." J'aimerais savoir ce que vous
voulez dire par là. Quel est l'impact réel, l'implication
réelle de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue actuellement dans le développement nordique
et avec quels partenaires?
M. Detilly: Vous avez énuméré les
partenaires. Ce sont Hydro-Québec et le collège de
l'Abitibi-Témiscamingue.
M. Claveau: Vous permettez que je complète un peu ma
question?
M. Detilly: Oui.
M. Claveau: Est-ce que vous prenez en considération aussi
les gens qui habitent sur ces territoires et qui auraient peut-être
quelque chose à dire?
M. Detilly: Oui, bien sûr, ils travaillent en
étroite collaboration avec ces gens, les autochtones, les Inuit. C'est
sur les conditions spécifiques liées à la nordicité
du Québec.
M. Claveau: Est-ce qu'on pourrait avoir plus de précisions
sur ce genre de réserve? Je pense que c'est important encore là
pour
identifier, creuser plus à fond le rôle et la
viabilité d'une institution comme l'Université du Québec
en Abitibi-Témiscamingue ou à Rouyn-Noranda par rapport au
problème du développement nordique.
M. Detilly: D'accord. Disons que l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue, entre autres, a un mandat
très large, c'est-à-dire qu'elle couvre un territoire très
large qui va jusqu'à la baie James et bien au-delà jusqu'à
Kuujjuaq. Ces gens éprouvent de sérieux problèmes sur tous
les fronts. On sait quels peuvent être les problèmes des gens qui
habitent le Grand-Nord du Québec. Ces gens ont comme objectif de voir
à l'amélioration des conditions de vie de ces populations.
M. Claveau: Je vous remercie. J'aurais une deuxième
question à poser à M. Boissé. D'ailleurs, je tiens
à féliciter l'ensemble des participants pour ce qui se fait
à la Fondation de l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue. Je pense que c'est là une preuve vivante
de l'intérêt de la région à maintenir et à
développer cette infrastructure nécessaire et que cela devrait
être en soi un élément motivateur pour amener le
gouvernement à prendre une position politique ferme et définitive
sur le maintien de ces infrastructures en région. Ce qui,
malheureusement, ne semble pas percer Beaucoup jusqu'à maintenant.
Je voudrais avoir plus d'explications sur l'utilisation de ces sommes.
De quelle façon pensez-vous finalement faire entrer ces sommes d'argent
dans la machine universitaire?
M. Boissé: Les sommes d'argent que nous recueillons sont
investies et seulement le capital va être utilisé à des
subventions de recherches qui vont nous être présentées par
des chercheurs ou des entreprises. Notre intention n'est pas de subventionner
à 100 % ces projets, nous voulons, du moins au cours des
premières années, agir un peu en complémentarité
avec les besoins du projet de recherche. Exemple: Si on nous arrive avec un
projet de recherche qui peut coûter 50 000 $, si les chercheurs ont
déjà trouvé d'autres sources de financement pour 40 000 $,
disons que nous irons pour les 10 000 $ qui peuvent manquer. De cette
façon, nous améliorerons notre crédibilité envers
nos souscripteurs. Parce que nous leur avons toujours promis que l'argent
serait dépensé à bon escient et que lorsque nous le
dépenserions, c'est seulement après que le projet aura
passé le test de la crédibilité. Ce test, nous le
retrouvons à travers la volonté de souscrire de la part d'autres
instituts de recherche, que ce soit à l'échelle provinciale,
canadienne ou privée.
M. Claveau: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais le
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Je voudrais juste ajouter un bref commentaire, M. le
Président, à l'intention du député d'Ungava qui n'a
pas eu le temps de suivre les travaux de la commission. On ne lui en veut pas,
il est venu aujourd'hui parce qu'il y avait une délégation de sa
région. Nous comprenons très bien. S'il avait été
témoin des discussions que nous avons eues depuis le début des
travaux de la commission avec les universités qui sont venues de chaque
région, il saurait que l'intérêt est très grand pour
le développement de nos universités en région.
M. Claveau: Cela me fait plaisir de vous l'entendre dire.
M. Ryan: S'il a suivi les débats politiques depuis son
entrée à l'Assemblée nationale, il est sans doute
conscient également de l'héritage que nous a laissé
l'ancien gouvernement en matière financière. Sans doute qu'on est
conscient des contraintes extrêmement serrées auxquelles nous
devons faire face quand nous établissons nos priorités. Nous
essaierons, dans ce corridor étroit que nous devons emprunter pour au
moins un certain temps, de faire quand même des choses convenables pour
le secteur universitairec C'est ce que nous cherchons à établir
ensemble et nous devons regarder avec une lunette qui comprend deux champs de
vision et non pas seulement un. C'est parce que nous voulons tenir un langage
responsable que nous parlons comme cela. Comme je le disais tantôt, il
serait bien plus facile... Je pourrais demander le développement de
services dans ma propre région. Ma propre région n'est pas servie
comme il le faudrait. Ce n'est pas plus intéressant pour quelqu'un
d'Huberdeau d'aller suivre un cours à Montréal, que pour
quelqu'un de Val-d'Or de ne pas être satisfait de tous les services que
l'université lui apporte à partir de Rouyn-Noranda. Ce n'est pas
plus drôle.
Une voix: Ce n'est pas la même chose.
M. Ryan: Non, il y en a dans cette région...
Une voix: N'exagérons pas.
M. Ryan: ...qui sont aussi intéressés, on n'a pas
les moyens d'aller leur porter cela là-bas. Il va falloir qu'on regarde
cela en pensant à tout l'ensemble. 11 y en a des contraintes dans le
Québec, il y en a. On ne peut pas installer tout ce qu'on voudrait
partout, mais on a déjà un très bon point de
départ avec l'Université du Québec en
Abitibi-Témiscamingue qu'il faut développer. On leur a dit que le
principe de base qui a présidé à la décision
d'implanter des universités en région est maintenu. S'il est
maintenu, il faut tirer certaines conséquences qui vont leur permettre
d'avoir une existence convenable. Cela va?
M. Claveau: C'est exactement ce que je souhaitais, M. le
ministre.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il n'y a pas
d'autres interventions... Oui, Monsieur.
M. Théberge: J'aurais juste peut-être une
intervention, parce il semblerait qu'on est ici pour parler argent et
financement...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Orientation aussi,
monsieur; très important.
M. Théberge: Orientation. Vous savez qu'en ce qui concerne
le Québec, les commissions scolaires taxent avec un maximum de 25 cents
pour 100 $ d'évaluation; par contre, il y a des régions qui sont
très favorisées et les commissions scolaires ne taxent absolument
pas, ou d'autres taxent à 5, 10, 15 ou 18 cents. Il serait
peut-être pensable que dans les régions qui sont favorisées
ou qui ne sont pas taxées, on garde le cap de 25 cents, mais il y aurait
peut-être 1, 2 ou 5 cents qui pourraient être ajoutés
à cette taxe, spécifiquement pour financer les universités
et l'éducation. Je pense que cela ne dérangerait pas tellement
ces régions qui sont favorisées, parce qu'elles paient seulement
10 cents. Cela serait sur la taxe foncière. Si on prend
l'évaluation foncière de tout le Québec, peut-être
que cela ne sera pas important, cela sera peut-être juste 1, 2 ou 5
cents. Je n'ai pas fait l'équation mais il faudrait peut-être se
pencher sur une équation semblable. Je sais qu'on paie 25 cents chez
nous. On paye le maximum parce que l'on a tout à développer. On
ne serait pas frappés, mais il y a des régions qui sont
favorisées et ce sont ces régions qui devraient payer, celles que
l'industrie favorise. (21 h 15)
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M.
Théberge. Y a-t-il une réaction? Je suis prêt à
accorder une réaction. M. le ministre, oui.
M. Ryan: Je me dois de donner une brève réaction
à cette suggestion qui part d'un bon naturel, mais je ne pense pas
qu'elle soit applicable. Je vous dirai pourquoi: D'abord, la grande
majorité des commissions scolaires sont rendues au plafond maintenant ou
tout proche. Deuxièmement, les commissions scolaires nous demandent avec
insistance de porter le plafond à un niveau plus élevé
parce qu'elles étouffent sous le plafond qui existe depuis la loi 57 de
1979. Là, il y aura un effort... On entendra le maire de Val-d'Or
tantôt. S'il est prêt à nous dire qu'il veut faire une
campagne auprès de l'Union des municipalités pour la convaincre,
cela fera un bon point de départ. Mais on a une grosse côte
à monter du côté des maires. Dès que l'on fait la
moindre mention de cela, ils se hérissent littéralement sur leur
siège. Je vous remercie quand même de la suggestion; je ne vois
pas beaucoup de possibilités dans l'immédiat, mais l'idée
de péréquation qui la sous-tend est intéressante.
D'ailleurs, elle est déjà appliquée à 94 % dans
l'ensemble du système.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Mme la députée de Chicoutimi aimerait réagir.
Mme la députée.
Mme Blackburn: On pourrait peut-être entendre Mme Lessard
qui a demandé la parole.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame, oui.
Mme Dupuis-Lessard: On dit qu'on n'a pas les moyens, c'est
sûr qu'on ne les a pas. C'est sûr qu'on n'a pas amplement d'argent
pour faire tout ce que l'on voudrait faire, mais c'est extrêmement
important de se donner des priorités. La première priorité
pour l'avenir serait vraiment de mettre l'accent sur la formation de notre
main-d'oeuvre. Cela serait vraiment un capital bien investi et qui serait
très rentable, en fin de compte. Concernant les priorités, il
faudrait se donner celle-là d'abord et avant tout.
C'est sûr que l'on pourrait couper ailleurs, je ne pourrais pas
vous dire où, je n'ai pas poussé plus loin cette
idée-là, mais je pense que l'on devrait se donner des
priorités et la formation devrait être notre première
priorité. Le fer de lance de notre économie, c'est vraiment la
formation de notre main-d'oeuvre...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors,
merci...
Mme Dupuis-Lessard: ...d'une part. D'autre part, lorsque l'on
parlait des moyennes per capita, an disait que chez nous on n'avait pas des
programmes qui coûtaient tellement cher. Il faut faire aussi le
contrepoids ou l'équilibre, à savoir qu'il faut vraiment tenir
compte de notre taille, de la dispersion de notre clientèle et de notre
éloignement. Cela fait vraiment le contrepoids au fait qu'on n'ait
peut-être pas
les programmes les plus dispendieux. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme
Lessard. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Comme source de financement, l'École
polytechnique se demandait si on ne pouvait pas faire comme la France a fait,
c'est-à-dire avoir un impôt de 2 % dans l'industrie pour la
formation de la main-d'oeuvre. Je me demande comment vous réagiriez
à ce sujet.
M. Théberge: Il existe en Allemagne un impôt des
industries pour financer la recherche aux universités. D'ailleurs, l'an
passé ou l'année avant, nous avons eu un programme avec
l'école La Source en recherche électronique et des gens
d'Allemagne sont venus nous visiter et ont payé des étudiants
pour un programme. Ce sont eux qui m'ont mis au fait que, dans leur pays, les
industries ont une taxe spéciale, soit sur capital ou autrement, pour
financer la recherche dans les universités. C'est une obligation.
Mme Blackburn: Serait-ce pensable au Québec?
M. Théberge: C'est aussi dangereux. Il faut toujours
rester concurrentiel. Si on taxe toujours les industries, il faut quand
même demeurer concurrentiel avec les autres industries canadiennes et
vous savez que l'on parle présentement de libre-échange entre les
États-Unis et le Canada, donc, il faut également rester
concurrentiel. C'est pour cela que l'on ne peut pas dire demain matin qu'on
taxe l'industrie.
Mme Blackburn: Vous savez que le fardeau fiscal des
entreprises... Et malgré que le ministre m'ait dit que j'avais tort
l'autre jour, nous sommes allés aux vérifications et cela nous a
été rappelé ce matin dans le mémoire que j'estime
fort sérieux, le fardeau fiscal des entreprises est ici au Québec
de 2,6 plus bas que celui de l'Ontario. Comme on se compare constamment
à l'Ontario, y compris et incluant la fiscalité indirecte, parce
que cela aussi, je voulais le voir, la CSST et tout, effectivement...
Une voix: ...
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît, à l'ordre! Mme la députée de Chicoutimi a
toujours la parole.
Mme Blackburn: La fiscalité indirecte est de 7,56 ou 7,75
en Ontario et 7,23 et le fardeau fiscal est de 2,2 plus bas, ce qui donne 2,6
ou 2,7 plus bas pour la fiscalité des entreprises au Québec,
contrairement à ce qu'an laisse souvent paraître qu'il y a un
fardeau fiscal beaucoup plus lourd. Ce n'e3t pas juste. D'ailleurs, le ministre
des Finances nous Pavait dit au moment où il déposait son budget.
Aux Êtat3-Unis, parce qu'on parle aussi de demeurer concurrentiel, on
envisage une réforme fiscale qui viserait à faire participer
davantage les entreprises à la fiscalité. Vous avez certainement
pris connaissance du rapport qui a été fait pour le NPD sur la
fiscalité des entreprises au Canada et qui démontre qu'environ 14
000 000 000 $ de bénéfices ne sont pas taxés dans nos
entreprises canadiennes. Us échappent complètement à
l'impôt. Cela ne me défrise pas plus que ça de penser qu'on
pourrait éventuellement les taxer.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, mesdames et
messieurs, merci beaucoup. J'invite maintenant les représentants de la
ville de Val-D'or et l'Association des commissions scolaires
Abitibi-Témiscamingue à prendre place à l'avant.
On va suspendre pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 22)
(Reprise à 21 h 25)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux incessamment.
La commission parlementaire sur l'éducation reprend ses travaux
et accueille l'Association des commissions scolaires de
l'Abitibi-Témiscamingue ainsi que les représentants de la ville
de Val-d'Or. Le porte-parole de l'association des commissions scolaires est M.
Le Régent.
M. Rouleau (Jean-Paul): Non, Jean-Paul Rouleau.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, M. Rouleau,
nous vous écoutons.
Association des commissions scolaires de
l'Abitibi-Témiscamingue
M. Rouleau: M. le Président, M. le ministre, mesdames et
messieurs les députés membres de la commission parlementaire, il
me fait plaisir, au nom de l'Association des commissions scolaires de
l'Abitibi-Témiscamingue, d'aborder avec vous les trois aspects suivants
concernant l'orientation et le financement des universités:
l'accessibilité physique, l'accessibilité financière et M.
Le Régent, membre du conseil d'administration de l'association, abordera
une amorce de solution qui permettrait de sauver quelques millions de dollars
aux universités.
La diminution des activités pour les étudiants à
temps partiel en périphérie de
notre université et l'appréhension de la fermeture des
sous-centres nous font dire que la mission de l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue doit être maintenue dans sa
périphérie. Les commissions scolaires de
l'Abitibi-Témiscamingue continuent de solliciter de l'Université
du Québec en Abitibi-Témiscamingue perfectionnement et recyclage.
L'implantation des nouveaux programmes a relancé l'urgence de
perfectionnement en évaluation pédagogique. L'application
pédagogique de l'ordinateur continue à nécessiter de la
formation universitaire. Le deuxième cycle universitaire soulève
un intérêt soutenu et l'arrivée du troisième cycle
en éducation soulève de grands espoirs. Avec le
développement de la recherche, il s'agit d'une toute nouvelle
identité universitaire régionale qui s'offre à nous ainsi
que des prospectives nouvelles de développement éducationnel. Le
resserrement des ratios maîtres-élèves rattaché
à des contraintes budgétaires fait craindre aux commissions
scolaires une atteinte directe à l'accessibilité. Notre
clientèle, rappelons-le, reçoit son recyclage dans son milieu de
travail ou ne le reçoit pas. Il n'y a pas d'autre possibilité,
compte tenu des distances et de la dispersion des clientèles. Nous
donnons notre appui à la demande de l'Université du Québec
en Abitibi-Témiscamingue de voir sa base de financement
reconsidérée, compte tenu de l'éloignement, de la
dispersion de sa clientèle à temps partiel, de sa taille et de sa
mission régionale.
En ce qui concerne l'accessibilité financière, il y a 30,7
% des jeunes qui abandonnent leurs études en
Abitibi-Témiscamingue alors qu'en province, il y en a seulement 21,6 %.
31,6 % de nos jeunes choississent le professionnel au secondaire alors qu'en
province, il y en a seulement 24 %; 44,8 % de nos jeunes continuent leurs
études collégiales alors qu'en province, la proportion est de
53,2 %. Au niveau des études collégiales, 54 % de nos jeunes
choisissent le professionnel alors qu'en province, c'est seulement 44 %. On
observe les mêmes tendances dans le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie
ainsi qu'au Saguenay Lac-Saint-Jean. Nous en concluons qu'il y a une
propension chez nos jeunes à en terminer au plus tôt avec les
études, soit en abandonnant, soit en allant massivement vers le secteur
professionnel.
Considérant que notre région connaît sa grande part
de chômage et la grande difficulté de nos jeunes à se
trouver du travail, nous ne pensons pas que l'augmentation des frais de
scolarité soit de nature à favoriser l'accessibilité. Nous
pouvons même dire, contrairement à ce que peut penser le Conseil
du patronat du Québec, que nous n'avons jamais vu, selon les lois du
marché et du marketing, que l'augmentation du coût d'un produit
n'ait pas nui à son accessibilité. C'est nier une
évidence: plus un produit est cher, moins il est accessible. Compte tenu
des statistiques éloquentes du taux de scolarisation des
Québécois, il y a là un danger à éviter
à tout prix car on pourrait accroître dangereusement le grand
fossé qui nous sépare, en termes de scolarisation, de l'Ontario,
du Canada et de l'Amérique du Nord. Je demanderais à M. Le
Régent de donner des précisions sur l'amorce de solution.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Le
Régent. (21 h 30)
M. Le Régent: M. le Président, Mme la
députée de Jacques-Cartier, cet après-midi, a posé
des questions à nos étudiants sur des hypothèses de
solutions financières face au problème de financement. Si on lit
la Presse, on constate qu'il y a des risques à proposer des solutions.
Cependant, je ne suis inquiet ni pour Provigo ni pour la Banque Nationale. Je
vais maintenant m'aventurer à mon tour sur une hypothèse de
solution ou de recommandation pour une solution financière de l'ordre de
probablement une vingtaine de millions de dollars.
Citons d'abord le paradoxe. Quand l'étudiant étudie,
l'université lui demande 550 $ de frais de scolarité. Quand le
professeur étudie, l'université lui verse un montant de l'ordre
de 35 000 $, soit 80 % de son salaire, sans compter les frais de
déplacement et autres. Si nous faisons un compte à compte des 75
000 000 $ de frais de scolarité, 20 000 000 $ à 23 000 000 $ sont
utilisés pour du perfectionnement qui se traduit essentiellement par des
congés sabbatiques payé3 à 80 %, soit une somme qui
représente l'équivalent du tiers des revenus des frais de
scolarité.
Loin de nous l'idée...
M. Ryan: Question de règlement. Est-ce que vous pourriez
répéter à partir des chiffres? J'ai manqué un petit
bout ainsi que mes collègues, je pense. Voulez-vous nous lire cela
tranquillement?
M. Le Régent: D'accord, avec plaisir. S'il y a des erreurs
dans mes chiffres, M. le ministre, ils proviennent du service des finances de
vos services. Je n'ai pas pris de chance, surtout devant la commission
parlementaire.
Je répète: Quand l'étudiant étudie,
l'université lui demande 550 $ de frais de scolarité. Quand le
professeur étudie, l'université lui donne environ 35 000 $ de
salaire, 80 %, sans compter les frais de déplacement et autres. Cela
peut être les billets d'avion jusqu'à Paris ou jusqu'à
Londres, cela peut être l'entreposage de meubles et bien d'autres
choses.
Si nous faisons un compte à compte des 75 Q00 000 $ de frais de
scolarité, 20 000 000 $ à 23 000 000 $ sont utilisés pour
du perfectionnement qui se traduit donc essentiellement par des congés
sabbatiques payés à 80 %, ces 20 000 000 $ à 23 00 000 $
représentant le tiers des revenus des frais de scolarité.
Loin de nous l'idée de nous opposer aux congés
sabbatiques. Il s'agit sûrement d'une excellente pratique à
encourager, car le recyclage et la mise à jour en milieu universitaire
sont primordiaux sinon indispensables. Cependant, il y a peut-être
d'autres moyens de financer des congés sabbatiques à partir des
mesures fiscales.
La proposition. En effet, le 21 février 1984, le Conseil du
trésor adoptait le CT 148900 qui a pour titre: L'implantation d'un
régime de congés sabbatiques à traitements
différés dans les secteurs public et parapublic. Le CT du Conseil
du trésor ne s'applique pas aux universités qui ont d'autres
traditions.
Le budget du ministre des Finances du gouvernement
fédéral, M. Michael Wilson, en date du 26 février 1986,
abolit, à toutes fins utiles, les régimes de prestations aux
employés à l'exception des congés sabbatiques des
enseignants. Ensuite, seront exclus les congés sabbatiques des
enseignants dans le budget de M. Wilson, ministre des Finances du gouvernement
fédéral.
Dans un communiqué daté du 28 juillet 1986, cet
été, le ministre Wilson annonce les dispositions fiscales
concernant les congés sabbatiques autofinancés avec le
dépôt d'un avant-projet de règlement qui autorise de
différer jusqu'à 30 % du traitement par année et à
condition de prendre le congé sabbatique dans un délai de six ou
sept ans. Le ministre Wilson, dans son document, encourage même une telle
pratique: "Ceux-ci - dit-il - doivent être encouragés."
Les appuis. Plusieurs intervenants ont suggéré d'utiliser
les mesures fiscales. Parmi les intervenants, j'ai ici un avis du Conseil des
universités au ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science, daté du 20 décembre 1985 qui mentionne, à sa
recommandation no 4 î "Le Conseil des universités recommande donc
au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science
d'étudier la possibilité d'utiliser des mesures fiscales
appropriées pour inciter les individus ou les entreprises à
participer au financement des universités." Et, jusqu'aux professeurs
eux-mêmes qui, ici à cette table, dans ces sièges, ont
recommandé à cette commission de penser aux mesures fiscales.
Les avantages de cette formule. Elle connaît un très grand
succès chez les enseignants et le personnel du primaire et du
secondaire. On évalue à environ 1500 les enseignants qui seraient
inscrits à cette formule. Elle est génératrice de
création d'emplois ou d'absorption de surplus. La formule constitue pour
le corps professoral, à notre avis, une amélioration par rapport
à la situation actuelle, car chaque enseignant peut financer son propre
congé sabbatique à même les déductions fiscales,
sans aucune contrainte administrative ou de convention collective., Le
gouvernement fédéral contribuerait pour environ 7 500 000 $, soit
un tiers, et je pense que personne ne s'y opposerait. Bref, une formule
basée sur la fiscalité qui ferait épargner environ 20 000
000 $ de dépenses dans le réspau universitaire et de 12 000 000 $
à 15 000 000 $ pour le gouvernement du Québec, ce qui n'est pas
négligeable par rapport à un déficit de 33 000 000 $ en
1985-1986, dans le même réseau universitaire,, Tout cela, avec une
formule pour les enseignants, à notre avis, basée sur des
consensus. Voilà une piste que nous vous suggérons d'explorer,
conscients que nous sommes des dispositions des conventions collectives
existantes. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M.
Le Régent. Maintenant, nous entendrons le maire de Val-d'Or, M.
Pelletier, qui est accompagné de son conseiller municipal, M. Gauthier.
M. le maire.
Ville de Val-d'Or
M. Pelletier (André): M.. le Président, M. le
ministre, membres de la commission, merci à l'avance de votre bonne
attention. La ville de Val-d'Or tient à se prévaloir de
l'invitation lancée par la commission de l'éducation afin
d'exposer son point de vue sur les orientations et le cadre de financement du
réseau universitaire. Notre municipalité désire attirer
l'attention de la commission sur l'unique université qui la dessert,
soit l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Nous
espérons aussi vous mettre au fait des difficultés
inhérentes à notre situation géographique,
difficultés qui se transposent notamment sur le plan universitaire.
M. le Président, avec votre permission, je procéderai
à l'accélération de la lecture du document afin de
laisser, au besoin, quelques minutes de plus de disponibles pour les
échanges.
Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord.
M. Pelletier: Je vous inviterais à passer
immédiatement à la page 2.
Le centre universitaire à Val-d'Or est l'un des dix sous-centres
qui composent le réseau de l'Université du Québec en
Abitibi-
Témiscamingue et le deuxième en ordre d'importance,
après le campus principal. Établi au tout début de la
création du Centre d'études universitaires du Nord-Ouest, devenu
par la suite une constituante du réseau avec l'émission de ses
lettres patentes en 1983, le sous-centre de Val-d'Or s'est
développé avec l'accroissement du nombre de ses programmes et de
sa clientèle. Ainsi, quinze ans plus tard, le centre universitaire de
Val-d'Or offre neuf programmes à temps partiel et un seul à temps
plein, Six programmes à temps partiel sont au niveau du certificat et
trois au niveau du baccalauréat. L'unique programme à temps plein
est celui des arts plastiques. En comparaison avec le campus central de
Rouyn-Noranda qui offre une trentaine de programmes dont la moitié sont
à temps plein, le sous-centre de Val-d'Or offre trois fois moins de
programmes. L'ensemble des programmes offerts à Val-d'Or profite, en
moyenne, à 1600 étudiants-cours chaque année et leur
nombre tend à augmenter avec la présentation de nouveaux
programmes. Chaque année, le sous-centre de Val-d'Or accueille en
moyenne 200 nouveaux étudiants.
La présence universitaire en Abitibi-Témiscamingue a
permis de former plus de 3000 nouveaux diplômés qui sont venus
enrichir notre milieu régional. Il importe de faire remarquer, outre
cette progression constante de la clientèle à
l'université, que 90 % des finissants qui obtiennent un grade
universitaire oeuvrent dans la région. Le taux de retour des
étudiants qui vont étudier dans les universités du Sud, on
ne l'a pas; il est probablement trop faible pour être dans les
statistiques. L'université est donc l'outil privilégié de
rétention de nos talents en régions et, par le fait même,
devient la garantie essentielle à notre développement social et
économique.
Ce qu'il faut également observer, c'est la quantité de
certificats émis dont une forte proportion, 40 %, a été
décernée à des étudiants inscrits à un
programme offert dans un sous-centre près de chez nous. C'est dire que
bon nombre d'étudiants n'auraient pu parfaire leur formation
professionnelle sans s'expatrier et quitter leurs emplois, n'eût
été de la présence universitaire dans leur milieu. La
réputation d'excellence de certains programmes particulièrement
performants dans le Québec a un effet d'entraînement positif sur
le recrutement de nouveaux étudiants. La rétention de notre
population scolarisée oblige par contre le réseau de l'UQAT
à accroître ses services éducatifs. Nous croyons que notre
université n'est pas en mesure d'assurer cette croissance pour des
motifs que nous verrons plus loin.
Les ressources professorales. L'équipe professorale, à
Val-d'Or, compte dix professeurs résidents. Ces effectifs
représentent le cinquième des professeurs résidents du
réseau de l'UQAT. Les ressources manquantes proviennent de
l'extérieur de la région et la majorité des professeurs
réguliers doivent, en principe, couvrir tout le réseau pour
donner de la formation,, Mais, dans les faits, nous constatons que le campus
central préfère déplacer une trentaine d'étudiants
plutôt que de déplacer un professeur. Les distances effarantes
entre les diverses municipalités de notre région
nécessitent inévitablement un financement qui correspond à
la mission régionale de notre réseau.
Pour ce qui est des pages 4 et 5, ces dernières mentionnent la
carence d'équipements physiques et de locaux. C'est tout à fait
normal que lorsqu'on manque de fonds pour les professeurs on manque davantage
de fonds pour les bancs.
Je vous invite à la page 6. La problématique de
l'enseignement à Val-d'Or. Le problème de l'accessibilité
aux études postsecondaires dans la région de Val-d'Or n'est pas
un phénomène nouveau et inconnu des autorités
concernées. Les intervenants scolaires, les premiers, ont
sensibilisé le public à cette question il y a déjà
une quinzaine d'années. Encore aujourd'hui, notre municipalité se
bat pour faire reconnaître la nécessité d'implanter un
cégep à l'intérieur de ses limites et pour obtenir de
nouveaux programmes universitaires.
La population et la clientèle scolaire. La région de
l'Abitibi-Témiscamingue comptait, en 1982, 153 082 habitants, soit une
hausse de 4,7 % comparativement à 1976 alors que l'ensemble du
Québec connaissait une augmentation de 3,2 % pour la même
période. Les perspectives de population du Bureau de la statistique du
Québec font voir qu'au cours de la décennie quatre-vingt la
population de la région connaîtra une croissance de 7,6 %. C'est
donc dire qu'entre 1976 et 1991 la population du territoire devrait
s'accroître plus rapidement que celle de l'ensemble du Québec. De
plus, la municipalité régionale de comté de la
Vallée-de-I'Or, qui est dans l'est de l'Abitibi, s'avère
être la plus populeuse des cinq municipalités établies sur
le territoire de l'Abitibi-Témiscamingue. Au cours des dix
dernières années, la population de
l'Abitibi-Témiscamingue, en général, n'a pas
augmenté, sauf qu'il y a eu un glissement de population de l'ouest vers
l'est.
La clientèle universitaire. La clientèle universitaire,
pressée de parfaire sa formation, effectue de plus en plus de pressions
sur le réseau de l'UQAT. Cette clientèle exige de
l'université qu'elle lui donne accès à de nouveaux
programmes. Plus que cela, nous pouvons affirmer au nom des intervenants
consultés dans l'exercice de ce mémoire que la clientèle
universitaire de Val-d'Or exige de la formation complète et
disponible sans être soumise aux aléas du manque des
ressources financières, éducatives et humaines. De façon
unanime, ils sont inquiets des chances de survie du centre de Val-d'Or devant
la situation financière précaire du réseau
régional. Malgré tout, cette clientèle universitaire se
bat régulièrement pour tenter d'obtenir certains programmes chez
elle. Ayant goûté à des services universitaires
décentralisés, elle souhaite, dans un second souffle, consolider
et améliorer la qualité et la quantité de ses services.
Mais souvent ses efforts se butent au manque de ressources financières,
humaines et éducatives ou carrément à un manque de
volonté politique des autorités universitaires de dispenser des
services dans la région de Val-d'Or. En période de restrictions
budgétaires, le réseau accentue plus gravement son défaut
de centraliser l'ensemble de ses opérations au campus de Rouyn-Noranda.
Val-d'Or ne veut pas être tenue en otage ou être menacée
d'une diminution des services à cause de la précarité
financière du réseau régional.
La mission de notre université est dans son originalité
d'être régionale. Lui enlever cette mission, c'est lui enlever sa
raison d'être, la raison pour laquelle elle a été
fondée. En fait, il y a deux fois moins d'hommes en
Abitibi-Témiscamingue qui détiennent un baccalauréat ou un
grade supérieur. Quant aux femmes, elles accusent un net retard sur les
hommes. Seulement 2,8 % des femmes de la région détiennent un
baccalauréat. Les tableaux qui suivent nous démontrent que le
faible taux de passage aux études collégiales entraîne
inévitablement un faible taux de fréquentation universitaire. Les
entreprises à haute technologie comme Domtar, HydroQuébec, Forex,
Forpan ou Télébec ont constamment de la difficulté
à dénicher de la main-d'oeuvre qualifiée, que ce soit pour
des postes administratifs ou techniques. Ces entreprises font souvent appel
à l'extérieur pour combler des postes importants. Aussi,
certaines entreprises hésitent tout simplement à venir
s'installer en régions pour les mêmes raisons et celles qui y sont
déjà retardent ou repensent leurs nouveaux investissements pour
ces mêmes raisons. (21 h 45)
Je vous demanderais de passer à la page 11 où on vous
donne le tableau du taux de passage du secondaire général et
professionnel pour le territoire des commissions scolaires de la région.
Entre autres, pour la région de Val-d'Or, le taux de passage est de 33 %
par rapport à 44 % pour celui de Rouyn-Noranda. Si on compare ces taux
de passage avec l'ensemble de la province, l'Abitibi a un taux de passage
général de 38 % alors que pour l'ensemble de la province cela
varie entre 45 % et 47 %. À la page 12, par ailleurs, seulement 23,7 %
de la population de quinze ans et plus de Val-d'Or poursuit des études
au-delà du niveau secondaire, alors que cette proportion est d'environ
29 % à Rouyn-Noranda et de 60 % pour les gens de Montréal. Cet
écart de scolarisation place la population de Val-d'Or dans une position
nettement défavorisée en régions et au Québec.
 cette situation peu reluisante s'ajoute un net retard quant à la
fréquentation universitaire de la part de notre population.
Le tableau de la page 13, je le résume: le taux de
fréquentation universitaire par 1000 personnes pour l'ensemble de toute
l'Abitibi est de 15. Il est beaucoup moins élevé encore pour la
région spécifique de Val-d'Or. Si on le compare à tout le
Québec, le taux est deux fois meilleur dans l'ensemble du Québec.
Si on le comparait à Montréal, ce serait probablement le triple.
En d'autres mots, il y a d'énormes différences entre le taux de
fréquentation universitaire de notre région, celui des autres
régions du Québec et celui de Montréal. La seule place
où on est vraiment égal avec tout le reste de la province, c'est
au niveau de notre taux d'imposition, nos retenues à la source.
Le programme de second cycle. Depuis quelques années, des
étudiants tentent désespérément d'obtenir à
Val-d'Or le programme de maîtrise en gestion de projet à temps
partiel. Appuyée par les milieux d'affaires et la municipalité,
leur demande se bute à une fin de non-recevoir des autorités
universitaires. Tantôt on évoque le manque de locaux, le manque de
matériel didactique et finalement le manque de ressources humaines
lorsque les étudiants trouvent des solutions aux premiers refus
invoqués pour un programme somme toute assez simple à organiser
puisqu'il est à temps partiel. Cette expression de mauvaise
volonté est manifeste, car le programme se donne à Rouyn sans
qu'aucune pression du milieu n'ait été rendue nécessaire.
Les étudiants valdoriens ont pourtant fait preuve d'une
persévérance assez unique dans les annales de l'UQAT.
Le recrutement. Le recrutement de nouveaux étudiants est rendu
difficile par le fait que les nouveaux inscrits auront parfois à se
rendre au campus central pour recevoir les cours que le centre universitaire
valdorien est incapable de donner. À cet élément de
taille, s'ajoute le fait que pour plusieurs il est frustrant de ne pas
être persuadé de terminer le programme dans les délais
normalement prévus. Ces difficultés ont un effet
démobilisateur sur le recrutement. Nul doute que lorsque ces
difficultés seront aplanies les efforts de recrutement porteront
davantage leurs fruits.
L'agent de liaison. Ce poste important en ce qui concerne le recrutement
de la
clientèle universitaire est occupé à temps partiel,
chez nous, à Val-d'Or. Or, le rôle de l'agent de liaison est
d'assurer la promotion de l'UQAT dans le milieu et de susciter l'inscription de
nouveaux étudiants. Comme Val-d'Or est un milieu faiblement
scolarisé dans son ensemble, la permanence d'un tel poste est rendu
nécessaire. L'agent de liaison, en plus de faire connaître l'UQAT,
doit faire des efforts supplémentaires pour solliciter la
clientèle potentielle et parfaire sa formation universitaire.
La politique de gestion des groupes-cours. Cette politique demeure la
principale cause du non-respect des échéanciers normaux de fin de
programme. Ces quotas, quant au nombre d'étudiants admis, varient entre
20 et 30 étudiants par cours alors qu'un minimum de 30 étudiants
est requis pour ouvrir un nouveau programme. Or, dans certains programmes,
compte tenu de la faible scolarisation générale de notre
région et de la taille de notre population, ces quotas sont
exagérés. Inutile de préciser qu'ils ont pour effet de
mettre un frein à l'inscription.
Les politiques de subventions. Les critères gouvernementaux de
subventions per capita entraînent inévitablement l'implantation de
quotas élevés d'étudiants qui ont pour effet
d'empêcher la prestation de certains programmes. Subventionner l'UQAT sur
cette base limite l'accessibilité, défavorise la prestation de
nouveaux programmes dans les sous-centres. De plus, comme la subvention per
capita est proportionnellement plus élevée pour des
étudiants à temps plein, cela défavorise encore les
sous-centres dont les principales activités d'enseignement sont à
temps partiel. Il s'impose de revoir l'ensemble des politiques de subvention
universitaire afin de les adapter à ta mission de base de
l'université régionale qui est d'assurer l'enseignement là
où se trouvent les étudiants. Par exemple, il serait
intéressant d'en arriver à un système identique à
celui qui existe en Ontario où l'université régionale
touche une subvention pour les étudiants manquants. Cette formule
s'applique notamment à l'Université Lakehead, à Thunder
Bay, où un programme peut quand même se donner avec huit
inscriptions seulement.
Le sous-financement chronique du réseau. II est de
notoriété publique de considérer l'UQAT comme le parent
pauvre du réseau de l'Université du Québec. De par sa
situation géographique particulière qui fait de l'UQAT un
réseau à l'intérieur du réseau, l'équilibre
budgétaire est impossible à réaliser si on persiste
à imposer les paramètres actuels, à moins, bien sûr,
de couper dans la distribution de programmes. Nous craignons
sérieusement cette alternative qui inviterait les autorités
régionales à reconcentrer toutes les activités
d'enseignement au campus central. Un tel événement viendrait
réduire à néant nos quinze années d'effort
consacrées au développement de notre institution locale. Mais il
viendrait surtout abolir la raison d'être de l'université qui a
obtenu ses lettres patentes parce qu'elle avait une mission d'enseignement
décentralisé, que cette mission était originale et qu'elle
était solidement appuyée par le milieu. D'autre part, sur le plan
régional, cela signifierait la disparition de 40 % des activités
de l'enseignement du réseau. Nous ne tenons pas à reprendre ici
l'argumentation touchant le sous-financement déployé par l'UQAT
auprès de cette commission parlementaire. Elle parle par
elle-même, et nous sommes à même de le reconnaître.
Nous précisons toutefois qu'il nous apparaît inadmissible
d'utiliser la même base de calcul pour l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue que celle d'une université
établie dans un grand centre. Toutes deux ne vivent pas la même
réalité. Par ailleurs, il faut rappeler la conjoncture
économique difficile qui a entouré la récente
création de l'UQAT.
Les tendances déficitaires du réseau régional se
maintiendront à la hausse tant qu'un redressement de sa base
budgétaire ne sera pas établi en tenant compte des coûts
reliés à l'éloignement, à la dispersion, à
la taille de l'établissement, à la recherche, à la mission
régionale et aux principes de la justice distributive. En effet, tant du
côté collégial qu'universitaire,
l'Abitibi-Témiscamingue est au Québec un parent pauvre quant aux
dépenses per capita effectuées par le ministère de
l'Éducation. Le tableau de la page 18, surtout le tableau au bas de la
page, démontre les dépenses per capita par région pour les
services d'enseignement supérieur. Elles sont de 39 $ pour la
région de l'Abitibi-Témiscamîngue, de 79 $ pour la
région de Trois-Rivières, de 68 $ pour Rimouski, de 81 $ pour le
SaguenayLac-Saint-Jean. C'est donc une différence très
marquée.
Néanmoins, notre municipalité ne peut pas courir le risque
de reculer une fois de plus au chapitre des services éducatifs, qu'ils
soient d'ordre collégial ou universitaire. Les faits
énoncés plus haut démontrent hors de tout doute que nous
en sommes au stade de rattrapage et encore loin de nos rêves de
développement et d'expansion dans ce domaine. Quand pourrons-nous penser
à des axes de développement dans le secteur de l'éducation
postsecondaire, alors que les maisons d'enseignement et le gouvernement nous
maintiennent en sous-développement sur le plan des services
éducatifs et autres?
Nous nous inscrivons en faux devant toutes les tentatives qui auraient
pour effet d'abolir la mission régionale de l'UQAT. Nous
déplorons plus particulièrement la position
"colonisatrice" du Conseil des universités qui remet en question
ce principe intrinsèque de notre université en déclarant
dans le mémoire qu'elle a soumis à votre commission * et j'en
cite seulement un petit paragraphe lorsqu'il se posait la question: Quel
rôle les universités régionales peuvent-elles jouer
utilement dans la recherche? Les grandes universités, quelles recherches
ont-elles faites dans nos régions depuis leur naissance? Se sont-elles
penchées longtemps sur nos problèmes de sous-scolarisation?
Ont-elles fait certaines recherches concernant nos services de santé en
régions? Ont-elles fait beaucoup de recherches en forêt: Comment
faire pousser nos épinettes plus vite et plus grosses? On fait des
recherches ici à Québec avec les épinettes de l'Abitibi,
mais lorsqu'on les ramène en Abitibi elles poussent tout croches. Est-ce
qu'on a déjà fait des recherches en mécanique des roches
dans notre région minière? Peut-être que nos coûts de
développement minier seraient encore moindres si on avait fait des
recherches en mécanique des roches sur place depuis 25 ou 30 ans. Est-ce
qu'on a déjà fait de la recherche en agriculture nordique au
Québec?
On s'est pris en main assez souvent. Je vous cite très
rapidement... La ville de Val-D'or, dans l'enseignement post-secondaire,
collégial et universitaire, depuis quelques années, a
dépensé au moins 50 000 $ pour essayer de se sortir
elle-même du trou de notre sous-scolarisation en payant des recherches
aux universités. Le3 universités n'ont pas fait de recherches
chez nous. Ce sont nous qui les avons engagées. Dans le moment, on les
engage encore pour toutes sortes d'autres recherches. À défaut
que quelqu'un joue le rôle, la ville de Val D'or le joue elle-même.
On fait de la recherche et on a fait un peu de recherche ou des études,
devrais-je dire, sur la qualité de notre forêt et la
quantité de notre forêt. Il n'y a personne qui est capable de nous
dire d'une manière sûre la quantité disponible de -
forêt qui nous entoure.
La mission universitaire. Notre municipalité considère
également que la définition de nouveaux paramètres
budgétaires doit, chez nous plus qu'ailleurs, se rattacher à la
réalité propre de notre milieu et aux orientations
éducatives qu'elle entend prôner.
Je vous amène à la conclusion, à la page 21. Pour
notre communauté, les activités d'enseignement postsecondaire
sont interreliées. Elles font partie d'une même
problématique. Leur effet de rétention chez les jeunes, dans
notre milieu en plein essor social et économique basé sur les
richesses naturelles, est indiscutable. À long terme, cela
représente également un attrait non négligeable au niveau
du maintien des compétences dans une région
considérée par tous, et sur tout, avec des statistiques à
l'appui, comme sous-scolarisée.
La région valdorienne est reconnue pour son sens de
l'entrepreneurship. Elle a démontré à plusieurs reprises
sa capacité de se prendre en main. Toutefois, notre développement
et la poursuite de ces efforts ont besoin d'être appuyés par de la
formation postsecondaire de qualité. L'accessibilité aux services
d'enseignement de ce niveau est essentielle à notre survie. Notre
développement socio-économique passe nécessairement par le
règlement de cette problématique d'ensemble. À cela
s'ajoute une étude sur la prestation et l'implantation de services
d'enseignement collégial à Val-d'Or qui démontre la
nécessité d'offrir des services d'enseignement de ce niveau a
notre population. Un comité cégep travaille actuellement
d'arrache-pied pour dater notre communauté de services adéquats
qui, à notre avis, ne peuvent nous être fournis que par un
deuxième cégep autonome en Abitibi-Témiscamingue
situé à Val-d'Or. Notre population ne peut se passer longtemps de
la présence de services d'enseignement collégial et universitaire
sans que sa survie même ne soit compromise à long terme et que son
développement, en tout cas, ne se fasse par la volonté et les
besoins des autres dont l'objectif primordial, on le devine aisément,
est d'assurer d'abord leur propre développement. Cette
vérité se vérifie également à
l'intérieur de notre région où les services d'enseignement
postsecondaire sont concentrés dans une même ville. En somme, il
est reconnu de tous que l'Abitibi-Témiscamingue est le parent pauvre au
Québec en ce qui a trait à l'enseignement postsecondaire.
Vous venez d'apprendre, si ce n'est déjà fait, que la
région de Val-d'Or, la MRC de la Vallée-de-l'Or, première
agglomération en importance de la région, est le parent pauvre de
cette même région. C'est pourquoi nous avons suivi
fidèlement les travaux de votre commission, tout comme nous
persévérerons à défendre notre droit à un
enseignement postsecondaire complet et disponible.
M. le Président, madame, messieurs, membres de la commission,
merci. Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le maire, je
vous remercie. Avant de reconnaître le ministre, nos règlements
m'obligent à demander le consentement des deux partis pour
dépasser 22 heures, sinon on sera obligé de suspendre. Est-ce que
j'ai le consentement? Accordé. Il est 22 heures. (22 heures)
M. Ryan: M. le Président, ce sera pour un quart d'heure,
avec votre permission, parce que nous avons de nombreux textes à lire
pour demain. Je pense que vous
comprenez que nous avons des journées très chargées
et qu'il faut être raisonnables.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va. À
22 heures 15, j'inviterai Mme la députée de Chicoutimi à
conclure, suivie du ministre. M. le ministre de l'Éducation.
M. Ryan: Je voudrais tout d'abord signaler l'intérêt
des propositions qui nous ont été présentées par
les porte-parole de l'association des commissions scolaires. On a
écouté avec beaucoup de plaisir ce qu'avait à nous dire M.
Le Régent. Je voudrais tout d'abord me réjouir de
l'intérêt que les commissions scolaires de la région
portent à l'enseignement postsecondaire. Je sais que votre
intérêt pour l'enseignement de niveau collégial existe. Il
a été établi à maintes reprises. Je suis content
également de l'intérêt que vous portez au
développement de l'université. Si mes souvenirs sont bons, M. Le
Régent, vous faisiez partie du conseil d'administration aussi. Je pense
que cet intérêt de chaque secteur pour les autres secteurs, de
chaque niveau pour les autres niveaux est un élément qui doit
être souligné.
Votre intervention a porté surtout sur la proposition que vous
vouliez faire sur une meilleure utilisation financière et fiscale des
congés sabbatiques dont jouissent les professeurs d'université.
C'est une proposition complexe que vous avez déposée et que nous
allons faire étudier de manière systématique par le
ministère des Finances. Nous verrons, de notre côté,
comment elle pourrait être aménagée. II y a toutes sortes
d'aménagements possibles dans les perspectives que vous avez
évoquées dans votre solution. Je vous remercie beaucoup. C'est
une des propositions originales dont nous avons été saisis au
cours des dernières semaines. Je veux vous assurer qu'elle sera
étudiée avec beaucoup d'intérêt.
Il faudrait évidemment que nous vérifiions un certain
nombre de choses. Est-ce que ces congés sabbatiques font partie des
conventions collectives? S'ils sont inscrits dans les conventions collectives,
ce sera une tâche plus difficile parce que cela fait partie de ce qu'on
appelle les droits acquis. On ne peut guère y toucher sans avoir le
consentement des intéressés ou en avoir au moins discuté
sérieusement avec eux. Nous examinerons la proposition avec
intérêt. C'est une des formes d'intervention à incidence
fiscale qui a un intérêt très direct avec le sujet que nous
étudions. Je vous en remercie.
Quant à l'existence dans la région d'un comité de
concertation pour l'éducation regroupant les représentants de
tous les niveaux, je pense que c'est très intéressant. Il me
semble que c'est une initiative qui gagnerait à être mise en
oeuvre dans toutes les régions du Québec. Je pense qu'on a
déjà d'autres expériences du genre qui produisent
d'excellents résultats. À ce point de vue là, vous
êtes parmi les régions qui battez la marche. Cela vaut de le
signaler.
M. le maire, vous nous avez parlé de problèmes familiers
du côté de Val-d'Or. Nous avons déjà
été saisis de ces problèmes en ce qui touche le niveau
collégial ces derniers temps, vous le savez très bien. Votre
député, M. Savoie, qui nous a priés d'excuser son absence
aujourd'hui, m'a parlé à maintes reprises des aspirations de
Val-d'Or en matière d'enseignement collégial et universitaire.
Comme vous le savez, nous avons mis sur pied une équipe d'étude,
un comité de travail composé de trois personnes qui est
chargé d'examiner les problèmes de la région au point de
vue de l'enseignement collégial, en consultation avec les
intéressés de chaque milieu. Inutile de vous dire que les travaux
que fera ce comité nous seront très utiles pour examiner les
problèmes sur le plan universitaire aussi. Nous sommes bien conscients
qu'il existe plusieurs pôles d'attraction dans la région de
l'Abitibi et que chaque pôle aspire à sa part de services en
matière d'enseignement postsecondaire.
Il y a les coûts que nous devons considérer; je Pai
mentionné tantôt, nous ne pouvons pas nous lancer tous azimuts.
À cet égard, je rappelle un chiffre que j'ai mentionné
tantôt. Je disais qu'une subvention moyenne par étudiant -
équivalence temps complet - dans votre université est
supérieure à la moyenne pour l'ensemble du Québec,
déjà. Mais, si je faisais une comparaison avec une
université du même type, si je prenais, par exemple,
l'Université du Québec à Montréal ou
l'Université Concordia qui ont des disciplines un peu semblables
à celles qui sont enseignées à l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue, le rapport est beaucoup plus
fort. La subvention moyenne, à l'Université Concordia, pour
l'année 1985-1986 encore une fois, était d'environ 5000 $ et,
à l'UQAM, d'environ 4800 $. Je vous ai donné un montant
tantôt et je pense que c'est 6900 $ pour l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue. Par conséquent, il y a
déjà, je pense, une différence importante qui est inscrite
dans les opérations que nous faisons; nous ne partons pas de
zéro.
Quand vous parlez de sous-financement, évidemment, vous parlez en
fonction de la population en général. Cela se comprend, c'est un
argument qui se défend aussi, mais je pense que le gouvernement ne
serait pas capable d'appliquer du jour au lendemain une politique qui
reposerait sur ce critère. Cela veut dire que l'on a des
développements à faire chez vous. C'est pour cela que
j'étais bien intéressé à demander au recteur, cet
après-midi, quelles sont les perspectives de croissance de la
clientèle, chez vous, au
cours des prochaines années. C'est trè3 important pour
nous. J'ai eu des données intéressantes et je pense que M. le
recteur sera sans doute intéressé à compléter ces
données par l'envoi de données peut-être plus
précises qui pourront nous permettre de tracer nos plans d'avance, de
manière que l'on sache. Dans deux ou trois ans, il faut prévoir
que l'on aura des charges supplémentaires de ce côté. Il
faut se préparer en conséquence. On va regarder cela avec vous.
On va penser à l'avenir en fonction de développements qui peuvent
être nécessaires.
En matière de sous-centre, M. le maire, je veux vous donner
peut-être un avertissement, mais un avertissement amical,
évidemment, qui n'a pas du tout un caractère négatif. Je
me souviens, dans une université de la région de Montréal,
on a deux pôles, l'un dans une partie de la ville et l'autre dans l'autre
partie. Lorsque l'on a conclu les arrangements qui ont amené cette
bipolarité, on trouvait cela formidable. On trouvait que c'était
vraiment l'idéal puisque la clientèle pourrait se retrouver
à deux endroits. Mais, aujourd'hui, après dix ans, on
s'aperçoit que cela crée peut-être plus de problèmes
que cela n'en règle, parce qu'il faut une concentration de ressources
quelque part pour que la vie universitaire se développe. Ce n'est pas
qu'un enseignement qu'on va porter, suivant qu'il y a une clientèle qui
se réunit ici ou là. Il faut qu'il y ait un minimum de ressources
réunies pour qu'on ait une vie qui puisse se développer.
Il y a déjà dix professeurs permanents qui logent au
sous-centre de Val-d'Or, d'après ce que j'ai compris. On va regarder
cela de près avec les autorités de l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue, mais il faut qu'il y ait un
centre principal qui reste à un endroit; il y en a un qui a
été choisi il y a plusieurs années, je pense que personne
ne le remet en cause radicalement. On va voir jusqu'où peut aller le
principe de complémentarité que vous évoquez, mais il n'a
pas une extension indéfinie. C'est cela que je veux vous dire: il a une
extension qui doit garder certaines limites, que je ne connais pas
personnellement, que nous allons chercher à préciser avec vous.
Et ce à quoi vous avez droit, c'est à connaître clairement
et la politique de l'université et la politique du gouvernement en ces
matières. On a une responsabilité à votre endroit à
ce point de vue. Il faut qu'on soit capable de vous dire: Bien, là, pour
les prochaines années, voici ce à quoi vous pouvez vous attendre
de nous et voici pourquoi. Quand vous n'êtes pas d'accord, on
discute.
Là, vous avez vécu dans une espèce de
pénombre, présentant des besoins qui vous semblent très
réels et ne recevant pas, d'après ce que vous dites dans votre
mémoire, des réponses que vous auriez été
justifiés d'attendre. On va regarder cela avec les autorités de
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. On aura
l'occasion d'en reparler avec vous à Val-d'Or aussi. Mais, je vous
remercie d'avoir porté ces problèmes à notre attention, je
pense que cela fait partie du débat que nous faisons ici. Cela nous
ouvre des horizons que nous devons examiner avec attention.
Je voudrais surtout, en terminant, féliciter les autorités
municipales de Val-d'Or de l'intérêt qu'elles portent au
développement de l'enseignement postsecondaire» Cela, c'est
formidable. Ce n'est pas dans toutes les parties du Québec que les
autorisés municipales portent un intérêt comme celui que
vous avez exprimé ce soir. Ce n'était pas seulement pour avoir
tant de jobs à Val-d'Or et tant de sièges remplis, c'est parce
que vous vous intéressez au progrès de votre population. C'est
bien clair dans les développements que j'ai trouvés dans votre
mémoire. Je l'apprécie au plus haut point. Je pense que c'est un
bon exemple pour nos édiles municipaux. Si on avait le même appui
pour l'éducation partout dans le Québec, je pense que cela
marcherait encore mieux et on aurait plus de facilité à donner
satisfaction au député d'Ungava.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci. Il me semble que, quand le ministre dits
Vous examinez vos dépenses au prorata de votre population, vous
constatez que, par exemple, au tableau que vous présentez en page 18,
per capita, pour les budgets de fonctionnement dans les collèges, c'est
28,73 $ qui sont donnés dans l'Abitibi contre 57,89 $ au
SaguenayLac-Jean. Vous faites le même exercice, évidemment,
pour l'enseignement universitaire. Ce qui me frappe dans ces tableaux, c'est
qu'au Québec on fait une économie importante en raison d'un
sous-développement dans votre région. C'est comme cela que...
M. Ryan: Votre héritage!
Mme Blackburn: Oui, vous pouvez encore dire cela un bout de
temps, mais je me dis que vous ne pourrez toujours pas le dire pendant cinq
ans. Sauf que cela ne m'empêche pas, pour autant, de le constater et il
est juste de le constater. Il me semble qu'il y aurait un juste retour des
choses. On sait que la sous-scolarisation, ce n'est pas juste une question de
sous, comme veut me le laisser entendre le ministre. C'est aussi une question
de culture. C'est aussi une question d'encouragement. C'est aussi une question
de soutien.
On sait que la population chez vous est
plus jeune. Elle n'a pas les mêmes traditions. Je suis d'accord
avec le maire de Val-d'Or et c'est ce que j'ai reproché à
d'autres universités. Il me semble que, si les universités
avaient eu une conscience un peu plus large de leurs responsabilités
sociales, elles auraient investi dans des études, dans des recherches
qui nous auraient permis de cerner les causes de ce phénomène et
elles nous auraient amené des hypothèses de solution. Ce que je
me disais qu'il serait intéressant d'envisager, ce serait possiblement
la constitution de fonds de recherche dans les universités pour essayer
de mieux comprendre ce phénomène et essayer d'y trouver aussi des
solutions.
Par ailleurs, ce que je dis par rapport à cette question, c'est
qu'à cause d'un sous-développement on est obligé de
reconnaître qu'avec des règles tout à fait comparables vous
avez moins de retombées, moins de sous par personne, per capita. Il me
semble que cela pourrait, sur cette base, justifier un ajout de ressources qui
vous permettrait à la fois de mieux connaître et de mieux
comprendre le phénomène et d'y trouver des solutions, en
même temps que de vous donner une structure de décentralisation
des activités.
Je ne le fais pas pour faire de la politique. Je le fais
fondamentalement parce que je crois que le développement du
Québec passe par la scolarisation. Je l'ai répété
ici quasiment tous les jours, cinq fois par jour. Je me dis bien des fois qu'il
s'agit de taper longtemps sur le même clou et à un moment
donné, cela entre. Cela m'apparaît important; si la scolarisation
coûte cher, la sous-scolarisation au Québec nous coûte
extrêmement cher.
Je n'aurai pas beaucoup de questions. Cependant, je comprends le fait
que vous ayez cité un des passages du mémoire du Conseil des
universités. Il y a dans cette intention, dans cette orientation quelque
chose d'extrêmement préoccupant. J'ai compris les régions
lorsqu'elles se sont inquiétées de l'avenir de leurs
universités, du développement qu'on prévoyait pour les
universités, parce qu'on connaît tous, et avec raison, le respect
que le ministre porte au Conseil des universités et l'attention qu'il
porte aux avis issus du Conseil des universités. Si, effectivement, le
ministre avait eu l'intention de réduire la mission des
universités, comme le propose le paragraphe que vous citez ici dans le
mémoire du Conseil des universités, cela avait quelque chose de
préoccupant. Cependant, il semble bien que le ministre et je dois le
reconnaître, parce que je ne suis pas ici que pour agiter des
épouvantails - a pris ses distances par rapport aux orientations
proposées par le Conseil des universités. Pour autant, quand on
voit ses hésitations... Je comprends qu'effectivement il va me dire:
C'est votre héritage, parce qu'il n'est pas capable de passer
cinq interventions sans faire une intervention partisane. Aujourd'hui, cela a
été sa meilleure journée!
Des voix: Ne commencez pas! Ça va bien.
Mme Blackburn: Ce que je me dis, c'est que, finalement, ce que
vous nous présentez en termes de partage des ressources
éducatives entre les régions du Québec pourrait constituer
un bon argument pour justifier un plus grand développement dans votre
région. Je ne poserai pas de questions, parce que vous les avez
posées et vous y avez assez bien répondu. Je sais que mon
collègue aurait une petite question avec l'autorisation du
président. (22 h 15)
Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur.
M. Claveau: J'avais une question pour M. Rouleau, parce que
j'étais préoccupé. Dans son mémoire, il est revenu
sur un aspect dont il était question aujourd'hui avec les
représentants de l'université, à savoir
l'accessibilité des cours, de la formation dans les zones
peut-être les moins favorisées de la région. Est-ce que M.
Rouleau pourrait nous préciser son point de vue là-dessus et
peut-être aussi ses réactions par rapport aux coupures qui ont
été effectuées par l'université dernièrement
sur ces programmes?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Rouleau.
M. Rouleau: M. le député, il est bien clair dans
notre esprit que, selon la mission et l'orientation de l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue, telles qu'elles ont
été définies cet après-midi dans le mémoire
de l'université, elle a un rôle à jouer dans toute la
région.
J'ai été un des premiers à être
déçus d'apprendre qu'éventuellement les sous-centres tels
que Lebel-sur-Quévillon, Matagami et même Val-d'Or ou d'autres
sous-centres, par rapport au campus de Rouyn, perdront des avantages de cours
que l'on avait chez nous. Je ne sais pas si les membres de la commission
peuvent se figurer l'étendue du territoire sur lequel
l'Université du Québec vient chercher sa clientèle, tant
les étudiants à temps régulier que ceux à temps
partiel. Si jamais quelqu'un de chez nous veut suivre - là, je parle de
quelqu'un qui travaille et qui veut parfaire ses connaissances ou ses
études - des cours à Rouyn, il doit conduire pendant trois heures
pour y aller et trois heures pour retourner s'il veut être capable de
travailler le lendemain matin. Même si M. le ministre dit
que l'on ne doit pas tenir compte du facteur de l'éloignement,
pour nos personnels des commissions scolaires et pour le personnel des
différentes compagnies qui sont installées un peu partout et qui
veulent parfaire leurs connaissances, c'est important de dire que l'on se doit
de donner des services à cette partie de la population, surtout dans la
mission et l'orientation que l'Université du Québec a en
Abitibi-Témiscamingue.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Rouleau.
Pour le mot de la fin, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: M. le maire, Mme la présidente du CRDAT,
madame, messieurs, le ministre disait, et on a eu l'occasion aussi de le
constater: Si dans toutes les régions du Québec on pouvait
constater le même intérêt des différents groupes
socio-économiques à l'endroit de leurs maisons d'enseignement,
probablement que l'on ne serait pas en train d'essayer de faire du rattrapage.
Cet intérêt est particulièrement marqué dans les
régions. On a peu vu, et je le rappelle, de chambres de commerce, de CRD
ou d'organismes socio-économiques venant de la grande région de
Montréal. Québec en avait un peu déjà. Vraiment, on
n'a pas senti que la population se levait pour défendre les
universités, peut-être parce qu'elle les a, qu'elle y est
habituée, que cela semble normal et que cela fait partie de son paysage.
Ce n'est pas le cas pour les régions et j'en sais quelque chose. On a
toujours l'impression que les gains que l'on fait année après
année se trouvent quasiment menacés. Comme cela demeurera
toujours les gains les plus fragiles, parce que toujours les derniers venus,
c'est toujours ceux-là que l'on vise au moment où on est en train
de parler de compressions.
Alors, de vous voir ici ce soir - je pense qu'en ce sens-là la
commission parlementaire aura été utile - aura permis aux membres
de la commission parlementaire qui ont une moins bonne connaissance des
régions de voir ce que c'est des régions et quelle est
l'importance d'une université en régions. Vous nous avez
démontré également ce soir beaucoup de dynamisme. Je le
rappelle: Votre population est jeune et cela paraît dans le type
d'interventions que vous faites, ainsi qu'au sein de votre
délégation. La population est jeune et dynamique. Quand je pense
aux résultats obtenus par votre fondation, quand je pense aux
études réalisées par la ville de Val-D'or - qu'on me dise
qu'il y a d'autres villes qui font des études pour savoir comment on
pourrait développer les services éducatifs à
l'intérieur de leur mur, je n'en trouve pas beaucoup au Québec
parce que cela n'a pas été la marque de commerce de beaucoup de
municipalités -c'est particulier. Vous avez chez vous tout le dynamisme
qu'il faut. Je pense non seule- ment aux résultats absolument
exceptionnels de vos étudiants mais à leur volonté de
réussir également. Ils nous expliquaient tout à l'heure,
en dehors des débats plus formels, à quoi ils attribuaient leurs
succès. Ils nous disaient: Faute d'avoir des professeurs qui nous
encadrent tout le temps, on finit par s'organiser en "gang," on s'aide et c'est
pour cela qu'on a de bons résultats. Vous avez une population qui
mérite d'être encouragée. Je souhaite ardemment avec vous
que le ministre trouve des solutions qui vous conviennent et qui vous
permettront, peut-être quand on se reverra dans quelques années,
de dire: On a fait des gains importants dans ces domaines. Je vous remercie de
votre participation aux travaux de cette commission, vous qui êtes autour
de la table et tous ceux qui y sont venus précédemment.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Je donne maintenant la parole au ministre
de l'Éducation.
M. Ryan: Je réitère mes remerciements à tous
les groupes de la région de l'Abitibi-Témiscamingue qui ont
participé à notre démarche, en particulier aux
autorités de l'université elle-même et, de manière
plus immédiate, aux groupes et aux institutions qui nous ont
rencontrés ce soir, plus particulièrement aux conseils
régionaux de développement économique de Rouyn-Noranda et
de l'Abitibi-Témiscamingue, aux représentants des commissions
scolaires, aux représentants municipaux et à tous les autres
organismes que nous avons entendus ce soir.
Je pense que la conversation que nous avons eue aura été
éclairante de part et d'autre pour nous aider à comprendre
certaines choses. J'espère que ce qu'on vous dit vous aide à
comprendre certaines choses aussi. J'ai été mal compris
tantôt par l'un des derniers intervenants. Je n'ai pas dit qu'il ne
fallait pas tenir compte du facteur de l'éloignement. J'ai dit que nous
en tenons déjà compte et que, si des correctifs peuvent
être apportés, nous le ferons avec grand intérêt,
avec un souci du devoir qui nous incombe de le faire. Ce n'est pas une question
de caprice. Nous avons l'obligation de tenir compte d'un facteur comme
celui-là. Il faudra en tenir compte dans la mesure de nos
possibilités et nous devrons le faire de manière à ne pas
laisser à ceux qui nous succéderont un héritage comme
celui que nous avons reçu. Je pense que cela leur facilitera les choses.
Il n'y a rien de pire pour une société, comme pour une entreprise
ou un établissement, que de commencer des choses à un certain
niveau et d'être obligée d'admettre, cinq ou dix ans après,
qu'elle n'est pas capable de continuer parce qu'elle n'a plus les moyens. Que
d'entreprises se
sont écroulées à cause de cela. Elles
étaient très bien parties. À un moment donné, elles
se sont donné des objectifs trop forts pour leur potentiel
véritable et elles ont été obligées de
disparaître de la course. Nous, comme gouvernement, rappelez-vous ce que
nous avons fait depuis 20 ans. Cela met en cause plus que le dernier
gouvernement; cela met même en cause...
Mme Blackburn: Mais l'université?
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît! Mme la députée de Chicoutimi...
M. Ryan: Je la comprends, parce que...
Le Président (M. Parent, Sauvé): ...je vous ferai
remarquer que, tout à l'heure, je vous ai reconnue. Maintenant, je
reconnais le ministre.
M. Ryan: ...la vérité est toujours dure à
assimiler, M. le Président. Je comprends très bien cette
réaction.
Mme Blackburn: II y a un groupe de l'Abitibi, là.
M. Ryan: Mais nous l'avons fait comme gouvernement, pas seulement
le dernier, même des gouvernements qui ont précédé.
Aujourd'hui, nous sommes obligés de tenir les guides de manière
un peu plus serrée, pas par caprice, pas par plaisir, mais pour
permettre aux générations qui vont nous suivre de continuer, de
ne pas être obligées de faire machine arrière, comme on l'a
fait dans le secteur universitaire depuis dix ans sous le gouvernement
précédent, et le gouvernement actuel a bien de la misère
à rattraper cela. Sa première année n'est pas
complètement satisfaisante, nous en convenons volontiers; nous allons
essayer de faire mieux. Mais il s'agit pour nous, tous ensemble, de trouver un
rythme de développement qui pourra être maintenu à travers
les beaux temps et les mauvais temps qui nous attendent dans l'avenir. Il n'y a
rien de pire que de partir sur une lancée et, ensuite, d'être
obligé d'arrêter. C'est cela que nous voulons éviter. C'est
la contribution que je veux modestement apporter au développement de
notre secteur universitaire. J'espère que nous pourrons le faire
ensemble et, de part et d'autre, que nous pourrons nous retrouver à un
niveau d'attente qui soit convergent. Je pense que nous pourrons faire de
grandes choses ensemble. Merci,
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Merci, M. le maire. Merci à nos invités. La commission
parlementaire de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à demain,
alors qu'elle accueillera le Comité national des jeunes du Parti
québécois. Je veux aussi remercier d'une façon toute
particulière les gens de l'Abitibi d'avoir accepté de se
regrouper pour aider aux travaux de la commission. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 25)