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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
J'invite les membres de la commission de l'éducation à
prendre place, ainsi que nos invités. La commission permanente de
l'éducation qui, en vertu de son mandat, a la responsabilité
d'examiner les orientations, les activités et la gestion d'un organisme
public accueille ce matin le Conseil supérieur de l'éducation qui
est formé de citoyens et dont le mandat est de conseiller le ministre de
l'Éducation dans ses orientations et dans ses politiques.
M. le secrétaire, est-ce que nous avons quorum?
Le Secrétaire: Oui, nous avons quorum, M. le
Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous avons quorum.
Si vous nous le dites, nous avons quorum, M. le secrétaire. Est-ce qu'il
y a des remplacements?
M. Jolivet: Oui, M. le Président. M. Hubert Desbiens
(Dubuc) remplace M. Jean-Pierre Charbonneau (Verchères).
Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.
Merci, M. le vice-président.
Je déclare officiellement ouverte cette commission parlementaire
de l'éducation. Je vous rappelle encore une fois que l'objet de la
séance est de permettre aux députés de prendre
connaissance d'une façon générale des travaux
exécutés par le Conseil supérieur de
l'éducation.
Nous avons déjà distribué aux membres de la
commission les crédits budgétaires du conseil pour l'année
1986-1987 ainsi qu'une copie de la Loi sur le Conseil supérieur de
l'éducation, son rapport annuel pour l'année 1984-1985, le
rapport 1985 sur l'état et les besoins de l'éducation, le rapport
1982-1983 sur l'état et les besoins de l'éducation, le programme
d'activités 1985-1986 du conseil, ainsi qu'une allocution
prononcée par M. Lucier, qui en est le président, en juin
dernier, devant l'assemblée annuelle du conseil.
Avant de débuter, j'aimerais présenter aux membres du
conseil les membres de cette commission avec lesquels ils auront à
discuter et à deviser durant la journée.
D'abord, à mon extrême droite, la députée de
Groulx. Se joindront à la députée de Groulx le
député de Rimouski ainsi que le député de Rousseau.
Toujours en s'en venant vers mot, M. le député d'Arthabaska, M.
le député de Sherbrooke et Mme la députée de
Jacques-Cartier.
 ma gauche, commençons par Mme la députée de
Chicoutimi et le député de Laviolette qui agit également
comme vice-président de cette commission permanente qui est celle de
l'éducation. Je suis accompagné à la table par M.
Tônu Onu, le secrétaire permanent de cette commission.
D'habitude, lorsqu'on a une commission parlementaire comme cela, les
deux partis politiques à la table s'entendent pour diviser le temps
entre eux. En ce qui reqarde les audiences comme celles que nous avons ici
aujourd'hui, nos règlements sont assez flous. Nous nous sommes entendus
avec le vice-président, qui représente l'Opposition, pour que le
temps soit séparé également entre les deux formations,
mais on va respecter la règle de l'alternance. Par exemple, lorsqu'un
député d'un parti politique va poser une question, on va la lui
laisser terminer et, après cela, on donnera la parole au
député de l'autre côté. Â la fin de nos
travaux, on tâchera d'équilibrer le temps sans être trop
pointilleux. L'horaire que nous nous sommes donné, M. le
président, pour cette commission est te suivant: à partir de
maintenant jusqu'à 12 h 30 et nous allons reprendre immédiatement
après la période de questions cet après-midi à
l'Assemblée nationale pour essayer de terminer vers 17 h 30. Ainsi, les
gens qui ont des occupations, autant vous pour retourner chez vous que les
députés qui doivent retourner à leurs activités
dans leurs comtés, pourront y . vaguer.
Encore une fois, cela ne veut pas dire qu'on va mettre les freins
à 17 h 30. On peut aller jusqu'à 17 h 45 ou 17 h 50 et il n'y a
pas de drame là-dedans, pour autant que nos discussions demeureront
efficaces et enrichissantes pour l'ensemble des gens qui sont ici
présents.
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
vice-président.
M. Jolivet: II y a juste une chose.
Compte tenu qu'on va avoir à faire l'alternance et comme nous
avons plusieurs questions de ce côté, en espérant que de
l'autre côté il y aura à peu près
l'équivalent...
M. Gardner: II va y en avoir!
M. Jolivet: D'accord. Je suis sûr que le
député d'Arthabaska, même si son "fan club" n'est pas
là, aura des questions à poser'
M. Gardner: Merci, monsieur.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
MM. les députés d'Arthabaska et de Laviolette, de vos remarques.
M. Lucier, j'aimerais que vous nous présentiez les gens qui vous
accompagnent et que vous nous disiez quel rôle ils jouent à
l'intérieur du conseil.
M. Lucier (Pierre): Merci, M. le Président. Je vous
présente immédiatement les gens qui m'accompagnent; M. Lucien
Rossaert, vice-président du conseil, qui est un poste prévu par
la loi, comme vous le savez; M. Raymond Paré et M. Alain Durand, qui
sont les deux secrétaires conjoints du conseil, et M. Jean Deronzier,
directeur des communications, qui s'occupe de l'ensemble des relations avec la
population.
Nous avons compris, d'après des échanges que nous avons
eus avec le secrétaire de la commission, que vous ne souhaitiez pas
aborder spécifiquement les questions des comités confessionnels.
C'est pour cela que les deux présidents ne sont pas ici. De toute
façon, M. Rossaert, qui est vice-président protestant, et
moi-même, qui suis président catholique, pourront répondre
à toutes vos questions, car autant sur le plan de la gestion que celui
du fonctionnement les comités confessionnels relèvent de notre
administration.
Le Président (M. Parent, Sauvé): À titre
indicatif avant de débuter, M. Lucier - je ne sais pas si je suis
téméraire - mais de façon à mieux vous
préparer, tout à l'heure, je vous ai lu la nomenclature des
documents qui avaient été distribués aux membres de la
commission. S'il y a des membres de la commission qui ont des points
particuliers sur lesquels ils voudraient interroger des membres du conseil, je
pourrais faire un tour de table immédiatement pour que vous puissiez en
prendre note et que vous puissiez y penser d'ici à la fin de la
journée. Cela peut également être une façon de
procéder, ou voulez-vous qu'on aille comme cela? On ira comme cela.
M. Lucier, j'aimerais que, dans une première intervention, vous
nous présentiez le conseil, que vous nous disiez ce qu'est le Conseil
supérieur de l'éducation, d'où il vient, qui il est,
quelles sont ses orientations et ses préoccupations, quels sont les
outils sur lesquels il peut compter pour bien faire son travail et quel est son
degré de satisfaction également.
Je pense que ce sont des éléments qui sont assez
importants pour une commission parlementaire comme la nôtre, avant que
nous puissions débuter nos échanges. Sentez-vous bien à
votre aise. Je vous répète à peu près ce que je dis
toujours aux gens que nous invitons. On est ici pour discuter ensemble. C'est
vrai que nous avons un mandat de surveillance, mai3 de surveillance très
large, surveillance dans un but constructif et positif; nous sommes à la
recherche de l'excellence dans toutes les interventions que l'on peut avoir et
que vous pouvez avoir à l'intérieur de ce champ
d'activités, de ce mandat. M. Lucier, vous avez la parole et nous vous
écoutons religieusement. (10 h 15)
Exposé du président du Conseil
supérieur de l'éducation
M. Lucier: M. le Président, mesdames et messieurs de la
commission parlementaire de l'éducation, je tiens d'abord à vous
remercier d'avoir pensé à inviter le Conseil supérieur de
l'éducation à venir rencontrer les membres de la commission
parlementaire. C'est à la fois un honneur et un plaisir. Nous y voyons
une marque d'estime pour l'organisme qui peut être
considéré comme l'aîné des organismes consultatifs,
puisque ses racines remontent, comme vous le savez, aux dispositifs scolaires
qui ont précédé la Confédération canadienne
et qui, sous diverses formes, ont été maintenus jusqu'à ce
jour.
Selon la lettre et l'esprit de l'article 294 du règlement de
l'Assemblée nationale, la commission parlementaire de l'éducation
nous â invités pour examiner les orientations, les
activités et la gestion du conseil. Nous sommes donc fondamentalement
à votre entière disposition pour faire état des
informations que vous jugerez pertinentes à l'exercice de ce mandat.
C'est un mandat qui est important, à notre point de vue, pour l'exercice
de l'imputabilité de ceux qui, dans le cadre prévu par la loi,
sont responsables de la gestion des fonds publics.
Maintenant, comme la lettre de convocation et votre propre invitation,
M. le Président, précisent que vous vous attendez à un
exposé d'ouverture de ma part, je m'y prête donc bien volontiers,
mais tout en vous redisant notre disponibilité à traiter
prioritairement des aspects de notre fonctionnement qui vous intéressent
et qui intéressent surtout les membres de la commission.
Il nous a semblé, mes collègues et moi,
que la meilleure façon d'éclairer nos orientations, nos
activités et notre gestion était de rappeler brièvement le
cadre fondamental établi par la loi, tel que celle-ci a
été élaborée et constituée à travers
les pratiques et l'histoire législative elle-même. C'est ce cadre
fondamental, qui est à la fois très connu et très mal
connu, je dois dire, qui inspire, guide et commande les activités et le
fonctionnement du conseil. C'est pour ainsi dire son cadre de
référence. C'est ce qui constitue le fondement de toutes ses
orientations annuelles ou de tous les gestes qu'il peut poser à un
moment ou l'autre de son cheminement. J'essaierai de le faire le plus
succinctement possible, sans tomber dans mes déformations
professionnelles de vieux professeur, en m'appuyant sur la compréhension
commune et traditionnelle des choses du conseil, tel qu'on l'enseigne,
dirais-je communément dans les universités du Québec,
à l'intérieur du cours sur les structures scolaires du
Québec.
Je voudrais donc, dans cette perspective, commencer par rappeler,
très brièvement, le cadre d'émergence de la loi du conseil
en 1964. Le conseil sous sa forme actuelle date de 1964, mais vous savez qu'il
plonge ses racines jusqu'avant la Confédération et qu'il a pris
diverses formes, Conseil de l'instruction publique avec ses comités, et
ainsi de suite, mais c'est toujours le même filon historique. Donc, nous
sommes anciens.
Le Conseil supérieur de l'éducation, je crois qu'il faut
le rappeler, est au coeur de ce qu'on pourrait appeler l'espèce de pacte
de l'éducation de 1964, un pacte qui n'a pas été
signé par des parties au sens formel du terme, mais qui s'est
élaboré et qui a quand même connu des points
d'émergence publique; il a marqué l'entrée politique de
l'État dans le champ de l'éducation.
Le conseil est apparu dans cette perspective comme une des garanties de
fond données à la population, une garantie de démocratie
et de liberté, garantie aux traditions religieuses aussi, garantie
concernant la possibilité pour l'ensemble de la population de garder un
droit de regard sur la mission éducative.
Je crois qu'il est très important de rappeler cela, parce que
c'est ce qui fait comprendre la loi telle que nous l'avons. Le rapport Parent,
vous vous en souviendrez, dans son tome I en 1963, avait proposé la
résurgence d'un conseil supérieur de l'éducation. Il en
parlait en disant que ce devait être un des instruments de base pour
assurer le contact entre le système d'éducation et
l'évolution de la société. Le rapport Parent disait que le
conseil s'appellerait "supérieur" pour indiquer le prestige,
l'importance et l'étendue de son mandat. Et c'est pour cela qu'il
souhaitait une large représentation et voyait dans cet instrument un
outil - je cite - de "collaboration constante et positive avec le
ministre".
À la lumière de cette donnée historique de base, je
crois qu'il est possible de lire la loi du conseil en en voyant l'ensemble des
articulations. Je vous en rappellerai quelques traits puisque le texte
était à votre disposition. Vous savez que la loi du conseil est
porteuse du préambule de l'éducation, ce préambule
extrêmement important qui a, en un sens, permis la mise sur pied du
ministère de l'Education en 1964.
Alors, les fameux attendus sont dans la loi du conseil. C'est la loi du
conseil qui porte les pouvoirs réglementaires du ministre de
l'Éducation, chose peu connue, mais vous savez que dans la Loi sur le
ministère de l'Éducation il n'y a pas de pouvoirs
réglementaires, ils sont dans la Loi sur le Conseil supérieur de
l'éducation. C'est assez subtil à expliquer au plan historique,
mais le fait est là. L'article 30 donne les pouvoirs au ministre de
l'Éducation, en même temps qu'il l'oblige à consulter le
conseil.
La composition du conseil est confessionnelle. Vous savez que nous avons
seize membres de foi catholique, quatre membres de foi protestante et au moins
un autre d'une autre foi que catholique ou protestante. Vous savez aussi que,
si le président est catholique, le vice-président doit être
protestant ou l'inverse. Vous savez aussi que les présidents des
comités confessionnels sont membres d'office du Conseil supérieur
de l'éducation. Ce sont aussi les membres du conseil qui font au
gouvernement les propositions pour les nominations au comité
confessionnel. Dans le cas des catholiques, c'est le conseil qui demande
l'agrément de l'épiscopat du Québec. Alors, dans le cas du
comité catholique, vous savez qu'il y a dix membres nommés par le
qouvernement sur recommandation du conseil avec agrément des
évêques du Québec. Il y en a cinq qui sont nommés
directement par les évêques du Québec et, du
côté protestant, les quinze membres sont recommandés au
gouvernement par le Conseil supérieur de l'éducation. Dans chacun
des cas, je vous signale que le vote est confessionnel, c'est-à-dire
qu'il doit se dégager une majorité à l'intérieur de
chacune des confessionnalités.
Je rappelle ces choses pour montrer qu'il y a dans la loi plein
d'éléments qui font comprendre que le conseil fait partie de ce
qrand pacte historique par rapport aux traditions religieuses. Vous savez aussi
que les sous-ministres associés - l'un pour la foi catholique et l'un
pour la foi protestante -sont d'office membres adjoints du conseil. Ils n'ont
pas droit de vote, mais ils sont membres du conseil.
Le Conseil supérieur de l'éducation a comme mandat unique
de faire chaque année
un rapport sur l'état et les besoins de l'éducation. Ce
rapport est déposé à l'Assemblée nationale. Donc,
chaque année, vous l'avez remarqué, il y a un double rapport: il
y a le rapport d'activités, mais il y a toujours - et c'est unique dans
les lois des organismes consultatifs - un rapport annuel sur l'état et
les besoins de l'éducation.
Le Conseil supérieur de l'éducation est obligé par
la loi de siéger au moins une fois par mois. C'est aussi à ma
connaissance un cas unique. La loi précise que le conseil peut
siéger partout au Québec. Cela aussi traduit d'une manière
concrète le type de lien que le législateur avait souhaité
entre la population et le Conseil supérieur de l'éducation. Pour
assurer ce lien, le conseil a, dans ses règlements, le pouvoir de
diffuser ses documents.
Le conseil est assisté par des commissions. Le nombre des
commissions, le libellé des commissions a varié dans l'histoire.
Il y a eu troi3 ou quatre changements. Ce sont des commissions qui n'ont pas de
mandat particulier, c'est-à-dire que ce sont des commissions
chargées de faire des suggestions au conseil concernant leur secteur. Je
reviendrai là-dessus parce que, par rapport à d'autres lois
d'organismes consultatifs, nos commissions ne sont pas du tout analogues. Nos
commissions sont prévues comme des organes du conseil et n'exercent pas
de mandat particulier, ne donnent pas d'avis au ministre, elles s'adressent au
conseil. Ce qui traduit très clairement que le mandat de donner des avis
au ministre est dévolu au conseil lui-même; les commissions sont
là pour l'aider.
Ce sont des commissions que la loi prévoit plus
légères. La loi impose au moins quatre séances par
année. Il n'y a pas de postes de présidents de ces commissions.
Ce sont des membres du conseil qui sont désignés par le conseil
pour présider les séances de ces commissions et rapporter au
conseil les suggestions des commissions. En fait, il faut voir, de l'ensemble
de ces commissions, que ce sont des instruments pour aider le conseil à
accomplir son mandat relatif à l'ensemble du champ de
l'éducation.
Ce que je voudrais conclure brièvement de ces rappels qui ont
l'air élémentaires, mais qui sont toujours saisissants quand on
les met dans un tout devant nos yeux, c'est que la Loi sur le Conseil
supérieur de l'éducation est une loi qu'on peut appeler
fondatrice ici au Québec dans le champ de la législation scolaire
et éducative. Vous savez, par exemple, que même dans la Loi sur
l'instruction publique il est précisé à l'article 11 que
les pouvoirs du ministre et du gouvernement dans le champ de l'éducation
sont subordonnés à la Loi sur le Conseil supérieur de
l'éducation. C'est en toutes lettres à l'article 11.
J'oubliais tantôt de vous dire aussi, concernant la Loi sur
l'instruction publique, que les membres du conseil, selon l'article 22, sont
visiteurs des écoles, c'est-à-dire que les membres du conseil
peuvent visiter les écoles de leur confession au même titre que
les ecclésiastiques qui ont ce pouvoir et aussi, je crois, que les
membres de l'Assemblée nationale. Donc, nous sommes, de ce point de vue,
dans les mêmes fonctions.
C'est une loi fondatrice qui traduit un mandat concernant l'ensemble de
l'éducation. Cet aspect est majeur, vous le savez, dans la tradition du
conseil, et elle est très bien traduite dans les lois. Le conseil n'est
pas un conseil des écoles, c'est un conseil concernant l'état et
les besoins de l'ensemble du champ de l'éducation.
Je crois qu'il faut le signaler, à cet égard, il y a
très peu de sujets pointus sur lesquels le conseil doit se prononcer. II
y a une différence notable avec les lois d'autres organismes
consultatifs; je le soulignerai tout à l'heure. Il y a très peu
de sujets particuliers sur lesquels le ministre est obligé de consulter
le conseil. Il y a très peu de fonctions quasi administratives,
dirais-je; cela porte uniquement sur les règlements. Par exemple, il n'y
a pas de mandat concernant l'approbation de programmes, les divisions
territoriales, la fermeture ou l'ouverture d'écoles,
l'intégration des commissions scolaires ou les règles
budgétaires. Nous verrons que c'est important dans le cas d'autres
organismes consultatifs.
Parmi ces conclusions, je signale qu'il y a manifestement un lien
très étroit à la confessionnalité. Le conseil fait
partie de l'ensemble - permettez-moi le mot - de ces garanties, si je puis
dire, données aux traditions religieuses à l'égard de
l'intervention de l'État en éducation.
Finalement, je tiens à siqnaler l'insistance portée par la
loi sur les liens que le conseil doit assurer avec l'ensemble de la population.
Dans l'histoire, il est arrivé que l'on parle parfois de contrepoids
à l'action gouvernementale. Le mot n'est consacré dans aucune loi
et dans aucun texte du conseil. Ce que cela peut traduire comme
réalité, c'est cette conscience que le conseil doit porter un
certain nombre de réalités, qu'il a lues dans l'avis de la
société, à l'ensemble du gouvernement.
Quand on regarde la petite histoire de la loi qui a suivi, on se rend
compte que ce mandat global, dirais-je, ce mandat portant sur l'état et
les besoins de l'éducation et non pas sur des interventions quasi
administratives, est confirmé par la petite histoire législative
des 20 dernières années. H y a eu un certain nombre d'autres lois
qui ont institué des organismes consultatifs, dans certains cas,
à la manière d'une sorte d'essaimage, pour répondre
à des besoins
précis. Il est très intéressant d'y jeter un coup
d'oeil parce que cela permet, à rebours, de comprendre davantage la
spécificité du Conseil supérieur de l'éducation.
(10 h 30)
Par exemple - je ne serai pas exhaustif - en 1968, on a mis sur pied la
Commission consultative de l'enseignement privé. D'ailleurs, le Conseil
supérieur de l'éducation avait été favorable
à cette mise sur pied. Cette commission consultative faisait partie de
la loi 56, la Loi sur l'enseignement privé. On se rend compte que cette
commission a été mise sur pied essentiellement pour intervenir
sur l'octroi des permis et des statuts des institutions privées. Son
mandat est un mandat, en un sens, fonctionnel. Le conseil avait à ce
moment-là, d'ailleurs, reconnu l'utilité de la mise sur pied de
cette commission. On a eu le règlement no 4 aussi concernant la
formation des maîtres qui mettait sur pied un comité de la
formation des maîtres. Ce comité existe toujours sur papier comme
vous le savez. Il ne se réunit pas depuis de nombreuses années,
mais ce règlement no 4, qui a été adopté en vertu
de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation, créait
en un sens un organisme pour une fonction spécifique, concernant un
champ spécifique. Il est intéressant de noter encore ici comment,
à travers ces essaimages destinés à répondre
à des besoins spécifiques, le mandat du conseil se trouvait en
quelque manière confirmé et réaffirmé dans sa
spécificité.
En 1968, on a eu le Conseil des universités. Le Conseil
supérieur de l'éducation avait, dès 1966,
été d'accord avec la mise sur pied d'un office même des
universités; en 1968 il avait redonné son accord à la mise
sur pied d'un Conseil des universités. C'est très
intéressant, je ne veux pas entrer dans cette loi, même si elle
susciterait par ailleurs beaucoup d'intérêt. Ce qu'on visait
c'était évidemment de pouvoir assurer une action concertée
dans le secteur universitaire, dans un contexte où il n'y a pas de loi
des universités et où finalement les portes d'entrée
gouvernementale se réduisaient presque à la Loi sur les
investissements universitaires. On s'est aperçu que le Conseil des
universités avait reçu des mandats quasi-administratifs, si je
peux dire, d'intervenir dans les approbations de programmes, sur le niveau de
financement, sur les règles budgétaires, toutes des choses que le
Conseil supérieur de l'éducation ne fait pas, par la loi. En un
certain sens, les historiens de l'éducation se rendent bien compte que
c'était une manière, ici comme ailleurs, de respecter l'autonomie
des universités et d'agir dans un secteur où il n'y avait pas de
loi. Le Conseil des universités est vite apparu non seulement comme un
lieu qui avise le ministre sur les besoins de l'enseignement universitaire,
mais aussi comme une des pièces dans les rouages mêmes du
fonctionnement des universités ici au Québec. C'est
intéressant de voir qu'il n'y a pas d'homologie entre le genre de
commissions qu'il y a au Conseil des universités et celles qu'il y a au
Conseil supérieur de l'éducation. Comme vous le savez, les
commissions au Conseil des universités ont des présidents qui
occupent des postes où ils sont nommés par le gouvernement et ils
ont des mandats spécifiques. Ce qui n'est pas notre cas. Je dirais qu'il
est intéressant de voir comment la création de ce Conseil des
universités fait voir encore davantage la spécificité et
le type de mandat du Conseil supérieur de l'éducation
lui-même.
En 1979, on a eu la mise sur pied du Conseil des collèges. Il y a
parmi nous des gens qui connaissent bien ce dossier. Le Conseil
supérieur de l'éducation, en 1975, dans le rapport Nadeau, avait
recommandé ta mise sur pied d'un Conseil des collèges, comme vous
le savez. Le livre blanc avait repris cela en 1978 et il avait
été, lui aussi, mis sur pied dans un contexte où il
fallait répondre à des besoins spécifiques. Vous vous
souviendrez que le livre blanc disait en toutes lettres qu'il s'agissait de
favoriser la concertation, la stimulation et l'évaluation. Ceux qui
connaissent bien l'enseignement collégial savent comment le dossier de
l'évaluation a été extrêmement important dans la
mise sur pied du Conseil des collèges, tant et si bien que le Conseil
des collèges a une commission de l'évaluation qui a des mandats
spécifiques et une commission d'enseignement professionnel qui a aussi
un mandat spécifique, entre autres celui de garder des liens avec des
orqanismes engagés en enseignement professionnel.
Il s'agissait là aussi, en un certain sens à l'instar du
Conseil des universités, d'avoir un mécanisme qui assure une
meilleure dynamique du réseau et qui, dans certains cas, puisse
réussir à faire des choses que le gouvernement n'était pas
très bien placé pour faire dans le secteur de l'enseignement
supérieur, en particulier du côté de l'évaluation.
Evidemment, dans le cas du Conseil des collèqes, on avait une Loi sur
les collèges. On avait une DIGEC et le ministre avait des pouvoirs nets
en enseignement collégial, tant et si bien que, même si le mandat
du Conseil des collèges est assez proche du type de mandat du Conseil
des universités, l'ajustement a quand même dû tenir compte
du fait qu'il y avait une loi et des existences légales dans l'ensemble
du réseau.
Je voudrais signaler ici que la mise sur pied du Conseil des
collèges confirme, à sa manière aussi, le type de mandat
dévolu au Conseil supérieur de l'éducation. Vous savez
qu'à ce moment-là il avait été décidé
de supprimer la Commission de l'enseignement
collégial. Il y avait eu des échanges de propos
écrits entre le ministre et le Conseil supérieur de
l'éducation à l'époque, mais il avait été
finalement conclu qu'une Commission de l'enseignement supérieur pouvait
suffire pour le type de mandât concernant l'état et les besoins;
c'est pour cela que la Commission de l'enseignement supérieur au conseil
comprend des gens des collèges et des universités. Nous pourrons
revenir éventuellement sur cette question.
En 1984, il y a eu la loi 3. Même si elle est suspendue, on peut
quand même en parler. Tout ce que je voudrais signaler ici, c'est que la
loi 3, qui proposait même la déconfessionnalisation des structures
scolaires du Québec, n'avait aucunement touché au Conseil
supérieur de l'éducation et au comité confessionnel, non
plus qu'au sous-ministre associé, donc, avait respecté le
dispositif que je vous rappelais tout à l'heure.
En 1985, fait encore plus intéressant, la loi 39 instituait le
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie. À ce moment, le conseil avait pris contact avec le
gouvernement et avait échangé des lettres très nettes
là-dessus et le gouvernement avait maintenu, volontiers d'ailleurs, le
mandat "pansystémique" - si vous me permettez le mot - du Conseil
supérieur de l'éducation. Il est précisé dans la
loi que le Conseil supérieur de l'éducation peut s'adresser aux
deux ministres, quand il y en a deux. Il n'y a pas eu de remise en cause, au
contraire, mais réaffirmation -même dans le préambule de la
loi - du mandat global du Conseil supérieur de l'éducation. C'est
un fait extrêmement intéressant.
Je ne vous dirai pas que cette scission des ministères ne
soulève aucune difficulté pour le conseil et pour les traditions
religieuses qu'il représente, en particulier en ce qui concerne les
sous-ministres associés qui sont maintenant rattachés à
l'Éducation et également en ce qui concerne le point de chute de
l'action des comités confessionnels. Vous savez que les comités
confessionnels n'ont pas de mandat pour les écoles; ils ont un mandat
pour l'éducation et ils n'ont pas, dans la structure actuelle, de point
de chute au ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science. Le fait que le nouveau gouvernement ait annoncé une unification
de la responsabilité politique a - si je peux dire - rassuré ceux
qui avaient des inquiétudes. Mais, dans le quotidien, je dois vous
signaler qu'il y a là quelque chose qui n'est pas parfaitement clair
pour la conduite des mandats de type confessionnel que nous avons.
Vous savez, d'ailleurs, qu'il y a des institutions postsecondaires qui
ont un statut d'institutions catholiques octroyé par le comité
catholique. Le comité catholique, entre autres, s'est traditionnellement
soucié également des collèges. Cela étant dit, je
ne veux pas insister là-dessus. Je veux simplement signaler que la loi
39 a maintenu le mandat de base. Le conseil et les comités
confessionnels s'en étaient déclarés satisfaits même
si, à l'usage, ce n'est pas parfaitement limpide quant à la
possibilité d'exercice du mandat confessionnel.
Je veux simplement signaler que le fait que le projet de loi 131
actuellement soumis à l'Assemblée nationale qui comporte des
clauses "nonobstant", comme on dit couramment, est un autre signe du
caractère fondamental de la Loi sur le Conseil supérieur de
l'éducation. Comme vous le savez, il y a trois lois qui pourraient
être amendées si le projet de loi 131 est adopté: c'est la
Loi sur le ministère de l'Éducation, la Loi sur l'instruction
publique et la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation,
montrant bien là aussi comment ta Loi sur le Conseil supérieur de
l'éducation fait partie des instruments de base qui ont servi au pacte
de 1964, si on peut parler de pacte. Je conclurais de cela, encore une fois,
que la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation est une loi
fondatrice qui concerne l'ensemble de l'éducation. Ce n'est pas le
conseil des écoles qui a un lien très étroit à la
confessionnalité. Ce que je retirerais de ce bref rappel
d'événements historiques,, c'est qu'il n'y a pas d'homologie ou
de corrélation biunivoque entre le mandat du Conseil supérieur de
l'éducation et de ses commissions et le mandat des autres organismes
consultatifs et de leurs commissions. Je crois que cet élément
est important mais il pourrait se comprendre aussi assez aisément. Les
historiens des lois montreraient rapidement comment, dans le cas du primaire et
du secondaire, en un sens, l'action des pouvoirs publics est établie par
le biais de la Loi sur l'instruction publique. Vous savez que le ministre est
même obligé, dans le cas des commissions scolaires, de les
consulter sur un certain nombre de questions, par exemple, sur les
règles budgétaires, selon l'article 15 de la Loi sur
l'instruction publique. Donc, en un certain sens, je dirais que même ce
qui se passe au primaire et au secondaire confirme que le mandat du Conseil
supérieur de l'éducation n'est pas un mandat quasi administratif.
C'est un mandat vraiment très global portant sur l'état et les
besoins de l'éducation perçus dans le contexte historique que je
vous signalais tout à l'heure.
Je tiens à vous dire, et c'est de doctrine traditionnelle au
Conseil supérieur de l'éducation, que ce dernier tient
très fermement aux éléments fondamentaux de son mandat.
À chaque fois que ce type de mandat a pu, d'une manière ou de
l'autre, être mis en question, le conseil a toujours historiquement pris
des positions très claires et rappelé ces réalités
historiques. Je dois
vous dire aussi que les traditions religieuses que nous
représentons, à leur plus haut niveau, y tiennent aussi d'une
manière très importante.
On me dira peut-être que je suis parti de loin mais il me semble
que ces réalités sont finalement très concrètes
parce que nous, comme administrateurs de la loi, dans le quotidien, c'est ce
qui nous guide. C'est ce qui guide le genre de fonctionnement que nous avons,
le genre d'activités, l'esprit même avec lequel nous abordons les
choses. C'est ainsi, par exemple, que cela détermine beaucoup le type de
programmes d'activités que nous avons. À chaque année, il
nous faut faire rapport sur l'état et les besoins en éducation.
Nous avons, chaque année, des sujets que l'on pourrait appeler
multisectoriels et des sujets plus sectoriels. Mais c'est toujours le conseil
qui les fait. Ce ne sont pas les commissions. C'est très important de
savoir cela. C'est toujours le conseil qui les fait en un certain sens et les
commissions sont là pour nou3 aider. Je dirais qu'elles vont plus ou
moins loin dans la fabrication des propositions d'avis. C'est le conseil qui
assume ces choses.
Quand on regarde l'histoire des sujets d'avis, si je puis dire, depuis
les 20 dernières années, on se rend compte que le conseil a
toujours essayé de couvrir l'ensemble de son mandat. Même chez
nous, la recherche est orientée vers ces avis et vers les mandats. Nous
n'avons pas de véritable tradition de publication de rapports de
recherche. Quand nous publions des rapports de recherche, c'est en lien avec un
avis. C'est la base d'un avis. Je dirais aussi que notre genre
littéraire, ce sont les avis.
Cette loi et cette perspective commandent aussi notre mode de
fonctionnement. C'est très concret. Cela commande le nombre de nos
réunions, le genre de celles-ci, les rapports que nous avons avec nos
commissions, les rapports que nous avons avec les comités confessionnels
et aussi le genre de relations que nous entretenons avec le public. Nous nous
inspirons toujours de notre loi. Nous diffusons nos avis. Nous rencontrons des
gens. Je tiens aussi à vous dire - cela je l'avais moins
réalisé de mes autres postes d'observation - que les choses sont
aussi perçues comme cela dans la population. Je vous citerai comme
exemple nos deux dernières séances en dehors de Québec ou
de Montréal. En octobre, nous sommes allés à Rimouski;
à Hull, en novembre. Je dois vous dire que les gens qui sont là
manifestent et traduisent à leur manière le type de mandat que
nous avons. (10 h 45)
Par exemple, à Rimouski, nous avons siégé à
l'Institut de marine, donc, au cégep. Le mot de bienvenue nous a
été adressé par le président du conseil
d'administration du cégep et le mot de clôture, par le recteur de
l'université. La commission scolaire était là aussi, ayant
une responsabilité de l'organisation et des organismes de
l'éducation des adultes. Il me semble que nous voyons, dans ce type
d'occasions, comment la population perçoit ce type de mandat,
semble-t-il. On a eu exactement le même type de scénario à
Hull. Nous avons siégé à l'Université du
Québec à Hull. La chose a été organisée avec
le collège et la commission scolaire, les organismes d'éducation
des adultes et même, je dirais, en dehors du système formel avec
des organismes d'éducation populaire, et il me semble intéressant
de le citer. C'est un peu anecdotique, mais je crois que cela traduit, quand
même, tout ce que j'ai essayé de dire sur un plan plus formel. Le
conseil est encore, jusqu'à plus ample informé, perçu
comme cet instrument, je dirais, global qui assure que l'ensemble de la
population puisse avoir quelque chose à dire sur l'évolution
générale de l'état et des besoins de l'éducation.
On n'attend pas du conseil, pour autant que je sache, des interventions de type
administratif.
Pour ce qui est du quotidien, nous l'aborderons volontiers avec vous, ce
n'est pas très compliqué parce que c'est un petit organisme,
comme vous le savez. Nous sommes régis par la Loi sur l'administration
financière, donc c'est le même fonctionnement qu'un
ministère. J'ai, pour ma paft, l'équivalent de la signature du
sous-chef. C'est un programme du ministère de l'Éducation, mais
j'ai la signature du sous-chef, ce qui veut dire que nous sommes maîtres
de nos décisions de la même manière qu'un ministère
ou qu'un organisme est maître de ses décisions.
Nous avons, avec le ministère de l'Éducation, une
série d'ententes, je dirais quotidiennes. Vous savez qu'un petit
organisme comme le nôtre ne peut pas se donner tous les services, ce
serait beaucoup trop coûteux, alors, on n'a pas de messageries, on n'a
pas de téléphonie spécifique, on n'a pas de service de
personnel, on n'a pas de service de comptabilité ou de service
d'expédition, massif en tout cas. Alors, nous avons des ententes avec le
ministère de l'Éducation où nous échangeons et,
donc, rentabilisons ce genre de service.
Je dois vous dire que nous sommes plutôt satisfaits et même
très satisfaits de ce genre de fonctionnement, l'essentiel pour nous
étant le compte tenu de nos avis, évidemment, et tout ce qui est
important comme décisions administratives nous en avons l'autonomie, en
un sens, sans en avoir toujours les embêtements, ce qui n'est pas
désagréable. Notre personnel, c'est du personnel de la fonction
publique, donc, c'est la Loi sur la fonction publique qui s'applique chez nous;
pour ce qui est de la structure
budgétaire, si vous voulez, on pourra ta regarder tout à
l'heure, mais c'est extrêmement simple. Évidemment, plus de la
moitié du ' budget ce sont les traitements des fonctionnaires. Vous avez
une partie de budget de fonctionnement du conseil, des comités
confessionnels et des commissions, c'est essentiellement les frais de
déplacement et les allocations de présence. II y en a pour
à peu près un demi-million et le reste, vous en avez vite fait le
tour, ce sont les communications. Nous publions beaucoup, comme vous le savez,
parce que nos avis, nous essayons de les répandre le plus possible.
Évidemment, quand vous faites un avis qui concerne un million
d'enfants dans le cas du primaire-secondaire, il faut le répandre un
peu. Alors, M. Deronzier pourra éventuellement vous donner des chiffres,
si cela vous intéresse; donc, il y a une partie du budget qui va de ce
côté-là et on a fait le tour. Nous sommes à votre
disposition pour vous en parler sous tous les aspects qui vous
intéressent.
Alors, voilà, M. le Président, mesdames et messieurs, le
genre d'exposé d'ouverture que nous avons pensé être utile
pour les travaux de la commission, mais, encore une fois, nous sommes vraiment
à votre entière disposition pour l'approfondissement d'un ou
l'autre de ces points-là ou de tout à fait autre chose dans
l'esprit de l'article de votre règlement.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, je vous
remercie, M. le président, de ce brillant exposé, je devrais
dire, du mandat et du travail exécuté par le Conseil
supérieur de l'éducation.
Avant de continuer nos travaux, je voudrais m'excuser publiquement pour
avoir dû renvoyer les membres de la commission parlementaire de mardi
dernier. Nous avons été dans l'impossibilité de vous
entendre à cause du projet de loi spécial qui tenait tous les
députés sur le qui-vive. Alors, je voudrais aussi vous remercier
et vous féliciter pour l'attitude que vous avez prise à ce moment
et la compréhension que vous avez manifestée à l'intention
des parlementaires qui étaient dans l'impossibilité, je pense, de
commencer ce mandat qu'ils s'étaient donné.
Avant de continuer je voudrais aussi souligner la présence de
quelques députés, de nos collègues qui se sont joints
à notre commission depuis le début de nos travaux. D'abord, le
député d'Abitibi-Ouest qui est avec nous, M. le
député de Dubuc, M. le député de Saint-Henri, Mme
la députée de Châteauguay, M. le député de
Richelieu, ainsi que M. le député de Charlevoix.
Alors, je reconnais maintenant le vice-président de cette
commission, M. le député de Laviolettte. M. le
député.
Remarques préliminaires M. Jean-Pierre
Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vous dis au
départ que je vais faire toutes sortes de remarques
préliminaires, si on peut les appeler ainsi, ce qui permettra ensuite au
parti au pouvoir de faire les siennes, s'il le désire. Celui qui
interviendra après moi pour notre formation politique sera le
député d'Abitibi-Ouest, qui a aussi d'autres occupations, compte
tenu de son rôle à l'intérieur de l'Opposition.
D'abord, au nom de l'Opposition, je tiens à souhaiter la
bienvenue à vous tous, membres du Conseil supérieur de
l'éducation, et vous remercier, M. le président, de ce tour
d'horizon qui nous permettra d'aborder avec sérénité et en
même temps avec beaucoup de dignité la commission parlementaire
nouveau genre, puisque, comme membres de l'Opposition et les collègues
qui nous accompagnent, c'est la première occasion que nous avons d'agir
à l'intérieur de cette commission parlementaire que l'on appelle
de surveillance d'un organisme public. Je le dis aussi pour les membres du
pouvoir.
En effet, le Conseil supérieur de l'éducation, par ses
recherches, ses rapports et ses avis éclairés, a su se gagner une
forte crédibilité ainsi que le respect de tous les intervenants
concernés par le développement de l'éducation au
Québec.
Comme on le sait, et vous en avez fait mention, le conseil a
été créé en 1964, soit au même moment que le
ministère de l'Éducation, mais par une loi distincte qui confirme
son autonomie. On pourrait, à la suite des documents que vous avez
commis, bien indiquer que son mandat est de l'Assemblée nationale - non
pas d'un ministre, non pas d'un ministère, non pas d'un gouvernement et
même pas de l'ensemble de la collectivité mais bien de
l'Assemblée nationale.
Vous avez été appelé à jouer depuis plus de
20 ans un rôle de premier plan dans l'économie
qénérale de notre système d'enseignement. Ainsi que le
recommandait le rapport Parent, le Conseil supérieur de
l'éducation s'est vu confier la responsabilité, tout autant
exigeante que stimulante, de maintenir ce système d'enseiqnement en
contact avec l'évolution de notre société. Par son mandat,
qui en fait une institution publique chargée de conseiller le ministre
et le gouvernement aussi bien sur des objets spécifiques que sur
l'état et les besoins de l'éducation, le Conseil supérieur
de l'éducation est partie prenante à la réalisation de la
mission éducative de l'État québécois.
J'ajouterai qu'il nous fait d'autant plus plaisir d'avoir l'occasion
d'examiner aujourd'hui les orientations, les activités et
la gestion d'un organisme comme le Conseil supérieur de
l'éducation que nous croyons sincèrement, comme formation
politique, aux vertus de la fonction consultative pour le bon fonctionnement de
notre système démocratique. Cependant, je n'ai pas l'intention de
me lancer dans une thèse approfondie sur le rôle des organismes
consultatifs, vous en conviendrez très bien. Je me permettrai
néanmoins de poser quelques balises, utiles, à notre avis, pour
l'exercice auquel nous procédons aujourd'hui comme parlementaires, avec
le concours des membres du Conseil supérieur de l'éducation et,
comme vous le rappelez très bien, des commissions qui font rapport
à vous, mais aussi des comités qui, si on les considère
comme ils sont, présentent des avis au ministre et pas
nécessairement par le passage du Conseil supérieur de
l'éducation.
On doit d'abord constater que les organismes consultatifs, par la nature
de leurs fonctions et la spécificité de leurs statuts, occupent
une place très particulière entre les divers paliers, qu'ils
soient législatifs, exécutifs ou administratifs, de notre
système politique. Ils sont à la fois autonomes et en liaison
étroite avec toutes ces composantes. L'autonomie de l'organisme
consultatif vient du fait qu'il ne constitue pas un service - et je le rappelle
-ministériel, et ne fait donc pas partie intégrante de
l'administration publique à ce moment-là. Celle-ci lui fournit
cependant, par les crédits votés par le gouvernement, les
ressources humaines et matérielles ainsi qu'un certain nombre de
services d'appui nécessaires à son fonctionnement. C'est ce que
vous disiez à la fin de votre laius tout à l'heure, en soutenant
aussi le fait que tout dernièrement nous avons adopté une loi
pour permettre aux présidents du comité catholique et du
comité protestant d'agir avec des ressources plus convenables - nous
aurons l'occasion d'y revenir - que les allocations journalières de
présence.
Ayant par ailleurs à prodiguer avis, conseils et suggestions au
ministre responsable, le conseil sert à enrichir le processus
décisionnel, mais n'en fait pas partie. Les avis ne sauraient en effet
engager leur destinataire qui est, par définition, une institution
souveraine.
En tant que parlementaires, la consultation fait, bien entendu, partie
de nos fonctions normales. Elle fait partie intégrante du fonctionnement
d'une institution comme l'Assemblée nationale. Je pense ici aux
commissions parlementaires, celle que nous avons aujourd'hui, à
l'occasion desquelles les représentants d'organismes de toutes sortes,
aux vocations qui sont très variées, peuvent venir
présenter leurs opinions, leurs revendications quant à des
intentions de politique, des projets de loi, et je fais ici mention de
l'ensemble des gens de la société qui peuvent venir aussi faire,
à ces commissions parlementaires, leurs revendications, leurs
suggestions et leurs recommandations.
Le gouvernement, d'un autre côté, dispose d'une
variété considérable d'autres modalités pour
consulter la population et les groupes dans la préparation de ses
politiques. Nous avons aussi le loisir, comme députés, de mener
personnellement - on se le fait souvent dire par M. le ministre de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur -toutes les
démarches de consultation nécessaires à notre travail de
législateurs, en plus d'être - c'est tous les jours, nous aussi -
quotidiennement l'objet de représentations de différents groupes
de la société.
Tout cela demeure, il faut en convenir, partiel et parfais insuffisant.
Les dossiers -on en reçoit continuellement à chacun des bureaux
de députés - se font toujours plus nombreux et plus complexes.
Notre temps est nécessairement limité. Sans vouloir, loin de
là, minimiser le rôle des parlementaires, je constate cependant
que l'existence d'organismes consultatifs permanents à vocation
sectorielle, comme te Conseil supérieur de l'éducation, est
toujours, sinon plus que jamais, dans les circonstances, pertinente.
On comprendra que je ne partage pas, et les collègues de
l'Opposition ont les mêmes vues que moi, les vues exprimées
relativement à l'utilité des organismes de consultation dans un
certain rapport gouvernemental paru durant les jours estivaux.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est bien
dit.
M. Jolivet: On connaît le triste sort que
réserverait l'application - je dis bien "réserverait" parce qu'on
n'en est pas sûr, mais on a des doutes - du rapport Gobeil à la
quasi-totalité des conseils consultatifs.
Des voix: ...
Une voix: Ce n'est pas moi qui l'ai dit.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît, à l'ordre! M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Cependant, je me sens sur la même longueur
d'onde que le président du Conseil supérieur de
l'éducation qui affirmait, dans le rapport présenté
à l'assemblée plénière de l'organisme en juin
dernier, et je le cite pour bien montrer qu'on est d'accord: "Justement, parce
que de nombreux groupes interviennent maintenant de manière
articulée et peuvent porter efficacement l'expression de leurs
intérêts et de leurs attentes, il est plus que jamais
important que s'exerce quelque part une fonction consultative publique
formellement vouée, au-delà du jeu des pressions et des
intérêts, à la promotion de la mission éducative et
au progrès éducatif de la population."
Les organismes consultatifs ont aussi leur raison d'être dans
l'appareil administratif en tant que tels - et c'est moi à ce moment qui
parle, le texte de M. le président se terminant par les mots "au
progrès éducatif de la population". Même si les
fonctionnaires peuvent la percevoir à l'occasion comme une source
d'alourdissement, de ralentissement de leur action, la présence d'un
conseil permet d'ouvrir la discussion à une gamme plus étendue
d'opinions et de situer les questions en dehors de considérations trop
exclusivement technocratiques ou bureaucratiques. Dans la mesure où une
administration publique ne peut survivre en circuit fermé, la
consultation interne constitue une source de crédibilité et de
légitimité accrue pour les décisions. Peut-être
pourrons-nous revenir, dans les heures qui viennent, sur la façon dont
le conseil vit et se sent dans cette position qu'on peut appeler
charnière entre les diverses instances administratives, parlementaires
et ministérielles de tout notre système politique. (11
heures)
Ceci m'amène à parler du rôle de pont qu'assume un
organisme comme le Conseil supérieur de l'éducation, pont entre
les gouvernants et la population, et plus particulièrement entre les
milieux de l'éducation et les autorités ministérielles.
J'emploie à dessein le terme neutre de "pont" et non pas "courroie de
transmission" et "contrepoids".
La question qui se pose alors est de savoir si l'organisme est bien
représentatif des milieux concernés. Il y a là toute une
question d'équilibre et de dosage. Il n'y a pas lieu ici de reprendre
l'éternel débat pour savoir si les membres d'un organisme
consultatif agissent comme les porte-voix d'intérêts particuliers
de tel ou de te! groupe. En principe, ils sont sélectionnés en
fonction d'une expertise ou d'une expérience particulière, selon
leur enracinement dans divers milieux de notre société.
Différentes sensibilités se côtoient et, par le fait
même, du choc des idées doivent surgir des avis
éclairés qui reflètent bien plus les besoins de la
population. Pour ce faire, un organisme consultatif, à ce
moment-là, doit se mettre à l'écoute de la population et
des milieux concernés. Vous en avez fait mention dans votre rapport, M.
le président, en nous indiquant que, tout comme les
députés -peut-être que des gens l'apprennent aujourd'hui -
vous avez la possibilité d'aller dans les écoles, de voir ce qui
se passe dans le milieu. Vous faites un travail important pour l'écoute
du milieu.
A cet égard, je tiens à souligner le souci constant du
Conseil supérieur de l'éducation de se rendre sur le terrain,
d'aller discuter avec les personnes qui font et qui vivent l'éducation
au Québec, et c'est tout à votre honneur. Je faisais une blague
en disant au président tout à l'heure que, peut-être, nous
aurions aimé, comme membres de l'Opposition et, j'en suis sûr,
comme membres du gouvernement, à l'époque, aller consulter la
population dans les milieux - vous avez fait mention de Hull et de Rimouski -
sur la question du financement des universités. Malheureusement, le
pouvoir nous a empêchés d'y aller. J'espère que nous
pourrons, dans nos discussions d'aujourd'hui, en savoir davantage sur la
façon dont le conseil réalise cette jonction nécessaire
avec les milieux de l'éducation et la population en
général.
Du point de vue un peu plus interne, j'aimerais aborder, sans vouloir
commettre d'indiscrétions, la question de l'importance du consensus dans
vos délibérations et la rédaction de vos avis.
Dans un autre ordre d'idées, il me semble aussi pertinent
d'aborder un sujet plutôt délicat, mais que, de notre
côté, on juge très important, celui de l'étendue du
mandat du Conseil supérieur de l'éducation. On sait que votre
organisme a eu jusqu'à maintenant la chance d'échapper aux
fourches caudines du groupe de travail dirigé par le président du
Conseil du trésor. Si, dans sa fièvre abolitionniste, le rapport
Gobeil épargne le Conseil supérieur de l'éducation, ce
n'est pas le cas du Conseil des collèges et du Conseil des
universités dont vous avez souligné l'utilité tout
à l'heure. On croit comprendre qu'il pourrait y avoir une
intégration de ces organismes. Le ministre de l'Éducation et de
l'Enseignement supérieur nous a, cependant, indiqué assez
clairement qu'il n'entend pas s'engager sur cette voie.
Par ailleurs, un examen peut-être superficiel de l'appareil
consultatif, dans le secteur de l'éducation, laisse entrevoir un
chevauchement entre les prérogatives et le mandat du Conseil
supérieur de l'éducation, notamment de sa Commission de
l'enseignement supérieur, et ceux des deux autres conseils qui oeuvrent
au niveau collégial et au niveau universitaire.
Dans le rapport auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, M.
Lucier insiste nettement sur le caractère pansystémique du mandat
-vous en avez fait mention dans votre discours de tout à l'heure - et du
champ d'action du conseil et de ses instances. Je me permets à nouveau
de vous citer, M. le président. Vous disiez: "Au moment où l'on
s'interroge sur la manière de rationaliser les organismes consultatifs
du secteur de l'éducation, je soumets ma conviction que,
quels que soient les aménagements retenus, nous avons besoin d'un
lieu qui exerce pleinement une fonction consultative publique dans l'ensemble
du système d'éducation et de la mission éducative, cela
même qu'a été et demeure le Conseil supérieur de
l'éducation." Je comprends bien les fondements de cette position
traditionnelle du conseil, mais les questions restent posées, tout au
moins en ce qui concerne l'harmonisation des mandats et la nécessaire
collaboration entre les organismes quant à leurs objets
d'étude.
Parmi les autres questions que nous aimerions toucher et
présenter aux discussions aujourd'hui, il y a celle des ressources mises
à votre disposition, leur niveau et leur répartition,
ainsi que les conséquences de la nouvelle directive relative à
l'abolition des allocations de dépenses, même si on sait ce qui
nous été confirmé par le ministre qui nous disait que
l'application demeure, semble-t-il, suspendue en ce qui concerne le Conseil
supérieur de l'éducation. C'est ce que le ministre de
l'Éducation semblait dire et continue à nous dire jusqu'à
maintenant. Il serait aussi intéressant d'aborder les conditions dans
lesquelles s'exercent vos travaux, la disponibilité de l'information
gouvernementale et les délais qui vous sont impartis, lors de la demande
d'avis. Enfin, j'aimerais en savoir davantage sur les retombées de vos
travaux, l'impact de vos avis sur les décisions ministérielles,
de même que sur vos priorités de travail et le champ de vos
réflexions pour l'année en cours, et cela, à court et
à moyen terme. Voilà donc, rapidement donné, quelques
pistes que nous aimerions explorer dans le cadre de cette opération de
surveillance du Conseil supérieur de l'éducation. Cela devrait
nous permettre de mieux saisir l'importance du rôle de cet organisme, les
caractéristiques de son fonctionnement et, en même temps, les
limites auxquelles il peut être confronté, tout en sachant qu'il y
a des défis qu'il sera appelé à relever au cours des
prochaines années. Je termine sur ces dernières notes en vous
disant que j'ai bien aimé votre exposé qui nous permet de
préparer les questions qui vont surgir après que chacun aura fait
valoir le petit mot d'introduction. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. le député de Laviolette. Je reconnais maintenant la
députée de Jacques-Cartier, qui est aussi adjointe parlementaire
au ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de
la Science. Mme la députée de Jacques-Cartier.
Commentaires et questions Diffusion des documents du
conseil
Mme Dougherty: Merci, M. le Président.
À mon tour, j'aimerais souhaiter la bienvenue au président
et aux autres membres, collègues du Conseil supérieur de
l'éducation. J'aimerais vous remercier d'avoir accepté notre
invitation, pour la deuxième fois, de passer une journée
d'étude avec nous. Au cours des années, cela fait dix-huit
maintenant, je crois, vous avez rendu un service d'une qualité
extraordinaire, surtout aux gens qui s'occupent de l'éducation, et aussi
à la population en général, sur une gamme de sujets qui
touchent la mission éducative qui nous tiennent tous à coeur.
J'ai eu l'honneur, il y a seize ans, je crois, d'être membre du
comité protestant. Ce fut une expérience très
intéressante. Je suis donc au courant du fonctionnement du conseil
supérieur. Comme nous sommes nombreux aujourd'hui, du côté
ministériel, ce qui démontre notre intérêt pour
votre travail, j'aimerais, si vous me permettez, M. le Président,
peut-être commencer avec une question assez générale qui me
préoccupe depuis longtemps. Dans votre allocution du 12 juin, dont nous
avons reçu un extrait, l'allocution du président, M. Lucier, vous
avez insisté sur le fait que vous avez des liens avec l'ensemble de la
population. Vous avez dit - à la page 2 - que le conseil n'est pas
simplement un lieu d'analyse purement technique, etc., et "je soumets ma
conviction que le conseil a un devoir public d'écoute et d'enracinement
et que, à ce titre, il doit continuer de pouvoir refléter le
discours du monde ordinaire". Il est évident que vous êtes
très enraciné dans tout le monde de l'éducation et que
votre message reflète toujours, comme vous l'avez dit, l'opinion du
monde ordinaire. Mais je me demande si vous êtes écouté par
le monde ordinaire. Est-ce que votre message passe au monde ordinaire? Je
trouve votre message très important et je me demande si vous n'avez
jamais considéré la possibilité de vulgariser
peut-être un peu pour qu'il soit écouté et entendu par le
monde ordinaire.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
président.
M. Lucier: Comme je vous le disais...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Ne faites pas de
réponse, mais plutôt des remarques ou des commentaires.
M. Lucier: Écoutez, c'est un souci que nous partaqeons
tout à fait avec Mme la députée. Nous le redisons
constamment. D'ailleurs, c'était le sens de la présence de cet
élément dans le rapport moral que je faisais. Avec quelle
réussite, madame, c'est difficile à évaluer,
évidemment, mais nous essayons, dans tous les cas, de
pénétrer le plus possible le monde scolaire lui-même,
c'est sûr, et le grand public par le biais des différents
médias» que ce soit pas des entrevues, des communiqués de
presse ou des conférences. Évidemment, il est difficile de
mesurer le degré de pénétration, mais, pour nous, c'est un
souci très important.
Nous pensons que nous rejoignons beaucoup de monde. Quand nous examinons
le type de contact que nous avons au conseil, le nombre d'appels
téléphoniques et le nombre de lettres et de demandes qui nous
sont faites, on s'aperçoit que cela rejoint beaucoup de milieux.
Maintenant, vous dire que nous en sommes pleinement satisfaits... Je vous dirai
que c'est pour nous une préoccupation que nous partageons avec vous.
Peut-être notre directeur des communications aimerait-il
compléter là-dessus par une remarque ou une autre? C'est une
fonction à laquelle nous attachons beaucoup d'importance.
Mme Dougherty: Je ne mets pas en doute l'ampleur de votre
consultation. Mais, une fois que tout le monde est consulté, est-ce que
le résultat de cette consultation passe dans l'autre sens pour
influencer les opinions et l'action du milieu?
M. Lucier: Oui, je puis vous dire qu'auprès des
interlocuteurs auxquels nous nous référons pour préparer
nos interventions nous soignons toujours aussi le mouvement en sens inverse.
Ces gens reçoivent nos choses, c'est sûr. De manière
globale, nous souhaitons, comme vous, pouvoir atteindre encore plus de
monde.
Les données d'édition et le nombre de contacts
téléphoniques sont quand même assez impressionnants. Tout
cela est assez impressionnant et nous indique que nous sommes suivis. Souvent,
c'est des années après. Les avis ont un taux de survie assez
étonnant. Les demandes continuent, même après des
années. Est-ce que vous voulez poursuivre, M. Deronzier?
M. Deronzier (Jean): Je ne sais pas si cela va compléter.
H y a quelquefois des circonstances plus particulières qui nous
permettent de rejoindre certains milieux qui font peut-être partie de ce
monde plus ordinaire. Par exemple, certains avis du conseil seront
diffusés à l'intérieur de congrès ou de colloques
qui réunissent des... Je pense à l'avis sur l'intégration
scolaire qui a été diffusé dans le cadre du colloque du
Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle qui regroupe autant des
parents que toute sorte d'intervenants soit du ministère de
l'Éducation, du ministère de la Justice ou du ministère de
la Santé et des Services sociaux qui sont en séance de travail et
où il y a une grosse circulation d'idées. (11 h 15)
Je signale éqalement que - actuellement, c'est un petit projet -
cette semaine ou ta semaine prochaine, dans le cadre de l'émission
Téléservice à Radio-Québec, on a
décidé de présenter le Conseil supérieur
l'éducation comme organisme, mais dans sa dimension
précisément de relations avec le public, et de dire aux gens;
Voyez-vous, les avis du conseils quand il en est question dans les journaux, si
vous appelez à tel numéro, vous pouvez les avoir comme citoyens.
Je pense que, dans ce sens, ce serait une démarche qui répondrait
un peu plus précisément è votre question.
Quant à la diffusion elle-même, si on pense à un
avis qui concerne l'école primaire, dans les populations cibles, nous
envoyons systématiquement - je vous épargnerai la liste - trois
exemplaires à chacune des écoles primaires du Québec, au
directeur d'école, en le priant d'en remettre un exemplaire à la
disposition des parents et un exemplaire à la disposition des
enseignants. Par ce biais, après, nous avons des demandes. Certains
parents, dans certains milieux, ont un problème particulier et ils vont
nous appeler et dires Est-ce que le conseil a étudié cette
question? Si oui, on aimerait que vous nous envoyiez un document
là-dessus.
Les étudiants s'intéressent beaucoup à la
production du conseil également. C'est presque tous les jours qu'il y en
a qui téléphonent ou qui viennent au bureau pour voir ce qu'il y
a comme documentation sur l'organisme qui peut alimenter leurs études.
Les commissions mêmes du conseil, lorsqu'elles vont dans les milieux,
comme on le lisait tout à l'heure, multiplient les visites du conseil -
les comités confessionnels, vous le savez, font la même chose -
permettant de pénétrer assez dans les milieux.
Quant à évaluer cela d'une façon
systématique, je ne pense pas que ce soit très aisé de le
faire. Mais comme le disait M. le président, il y a là une
insistance dans la préoccupation des membres du conseil. Je parle des
111 membres du conseil et de tout ce qui constitue le conseil et ses
organismes. Il y a une grande préoccupation de rejoindre le plus
possible la population et les citoyens; c'est de cette manière que le
conseil peut pleinement accomplir son mandat. Cela fait partie de la
plénitude de l'accomplissement de son mandat que son messaqe ne reste
pas quelque part en cours de route.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Juste une question
d'éclaircissement, à la suite de la question de Mme la
députée de Jacques-Cartier. Est-ce que le conseil a les
ressources humaines et financières nécessaires pour passer son
message là où il croit qu'il devrait être passé?
M. Lucier: Compte tenu des contextes
que nous connaissons, la réponse, c'est oui. Nous pensons
qu'à l'intérieur même des ressources que nous avons il y a
encore place pour l'inventivité et la créativité dans les
méthodes de pénétration. Il est évident que tous
ces coûts de diffusion augmentent terriblement d'une année
à l'autre, mais nous sommes encore capables de tenir le coup. Je ne
penserais pas que la solution à l'amélioration de cette dimension
soit du côté de l'injection de nouvelles ressources pour le
moment.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que les
communications que vous faites en dehors du réseau, par exemple, sont
seulement d'ordre informatif ou de sensibilisation? Je prends un exemple,
étant donné la question de Mme la députée. N'ayez
pas peur, madame, vous allez avoir votre temps; je vais y revenir.
Je me souviens de l'enquête qui a été faite par
votre prédécesseur sur la qualité de vie des enseignants.
Il y avait un chapitre qui relatait la qualité de vie des enseignants en
milieu urbain. Je m'en souviens très bien, parce qu'à ce moment
j'étais très impliqué auprès des enseignants en
milieu urbain et on sentait une crise chez les enseignants en milieu
urbain.
Le travail d'enquête que le conseil a fait était
très valable, d'après moi. 11 a été diffusé
auprès de presque tous les intervenants, toutes les commissions
scolaires, tous les syndicats et tout cela. Par contre, dans le grand public,
j'ai l'impression que l'on n'a pas perçu la problématique
dramatique que vivaient parfois les enseignants du secteur public de
l'enseignement.
Lorsque l'on sait que la crédibilité des enseignants au
Québec dans le secteur public en a pris un coup depuis un certain temps,
je me demande si vous avez les moyens de sensibiliser l'ensemble de la
population, les parents, enfin, que les parents sachent dans quelle situation
vivent les profs dans les écoles. C'est un exemple que je prends
à l'occasion de cette enquête. Est-ce que, dans vos orientations,
vous allez jusque-là?
M. Lucier: Comme je vous le disais, c'est centré sur la
diffusion des avis que nous donnons au ministre. Nous ne pensons pas avoir le
mandat d'animer le milieu. Ce que nous considérons comme notre mandat,
c'est de prendre les moyens les plus efficaces possible pour faire
connaître les avis que nous donnons au ministre. Alors, dans
celui-là comme dans les autres, nous ne faisons pas de campagne
d'animation ou de conscientisation de ces questions. Nous diffusons les avis
que nous donnons au ministre. Je crois qu'il y a une tradition au conseil pour
respecter ce genre littéraire qui est très important.
Justement, comme le disait Mme la députée de
Jacques-Cartier, on n'a pas encore tout inventé, tout exploré
pour rendre cela plus efficace mais je crois que la ligne est très
nette. Cette question est revenue périodiquement dans l'histoire du
conseil. Jamais on n'a pensé que nous avions un mandat d'animation
sociale sur ces questions. C'est plutôt un mandat de diffusion de ce que
nous disons au ministre. Évidemment, dans le cas de la condition
enseignante dont vous avez parlé une des limites est le coût
même du document. Comme vous le savez, ce document est
édité chez l'Éditeur officiel. Nous n'avons pas les moyens
d'en faire imprimer 25 000 exemplaires pour le répandre, sauf que les
principaux intéressés l'ont eu. Il y a eu une activité de
presse normale autour de cela. Cela a même fait la une, dans ce
cas-là. Mais c'est vraiment centré sur le fait de diffuser ce que
nous disons au ministre. Nous tenons cette ligne d'une manière assez
nette.
Je dirais, même pour l'ensemble des interventions publiques que
nous faisons, que nous ne nous exprimons pas sur l'actualité comme
ça. D'ailleurs, je n'ai pas le mandat, au nom du conseil, de le faire.
J'ai le mandat de diffuser ce que le conseil a dit au ministre.
Le Président (M. Parent, Sauvé): À
l'intérieur de votre mandat, est-ce que vous vous sentez bien? Vous ne
vous sentez pas limités par le mandat lui-même?
M. Lucier: Non.
Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord. Merci.
Allez-y.
M. Lucier: Nous accordons une grande importance au fait que ce
que nous disons au ministre est public. Évidemment, c'est de
caractère public, de toute façon, en raison de la loi 65, mais
nous y ajoutons le geste de la diffusion, ainsi que c'est précisé
dans nos règlements. C'est le conseil qui décide de diffuser les
choses. Ce n'est pas une décision de fonctionnaires. Ce n'est pas une
décision du président ou du vice-président. Le conseil
décide de ce qui est diffusé.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.
Mme Dougherty: Pour poursuivre sur la même question, est-ce
que votre mandat, selon l'interprétation que vous donnez à votre
mandat, vous permet d'agir dans le sens que nous vous avons
suggéré?
M. Lucier: Tout à fait.
Mme Dougherty: Est-ce que vous êtes limités...
M. Lucier: Pas du tout.
Mme Dougherty: ...par votre mandat?
M. Lucier: Pas du tout...
Mme Dougherty; Non?
M. Lucier: ...puisque nous avons de très larges pouvoirs
d'enquête, d'audition, d'écoute et d'opinion. Nous avons la
possibilité de faire faire des études, sans demander de
permission spécifique à chaque fois. Nous avons la
possibilité réglementaire de décider de diffuser. Nous
avons quand même certaines ressources pour assurer la diffusion. Non, de
ce point de vue, la loi est plutôt bien faite, je crois.
Mme Dougherty: J'aimerais prendre un autre exemple où je
vois un besoin très important. J'ai été très
impressionnée par votre avis sur les enfants en difficulté. J'ai
reconnu dans votre avis le même principe, les mêmes orientations,
les mêmes besoins que nous avons établis dans le rapport COPEX,
auquel j'ai participé il y a dix ans environ. Quand j'ai lu votre avis,
je me suis rendu compte qu'on n'a pas vraiment fait beaucoup de progrès,
d'accord? Dans un certain sens, tout le concept d'intégration est mal
compris. Donc, on ne rend pas service aux enfants si on les intègre sans
les ressources, etc. C'était très évident au début,
mais ce qu'on appelle l'intégration sauvage continue. C'était mal
compris et pas uniquement dans les écoles ou par les parents mais
même par le gouvernement.
Je me demande qui doit agir pour éduquer, pour sensibiliser et
pour mieux aligner les démarches, les activités et les programmes
de nos écoles pour mieux servir ces enfants. Quand j'ai lu votre avis...
Il me semble que vous êtes dans une situation peut-être très
privilégiée pour influencer ce qui se passe dans nos
écoles à cet égard.
Il y a peut-être une carence entre vos avis et votre
capacité d'influence sur ce qui se passe. Surtout pour les enfants en
difficulté, on ne peut pas continuer de dire les mêmes choses
année après année sans avoir un résultat
peut-être plus positif dans les écoles.
M. Lucier: Dans le cas précis de cet avis, qui date de
l'automne 1985, il est évident qu'il s'agit d'une politique
gouvernementale et, donc, que la promotion de cette politique revient aux
responsables politiques et administratifs des ministères et des
commissions scolaires, et là-dessus le conseil n'a pas à prendre
la place des autres.
Nous avons cru important, nous, de mettre la main à la roue en
rappelant l'importance des enjeux et la validité de l'essentiel de cette
politique parce que nous la voyions menacée dans ses fondements
théoriques mêmes. Et nous avons rappelé des choses aussi
simples que ce qui avait dans le rapport COPEX et ce qu'il y avait dans la
politique d'intégration. Ce sont de bons objectifs et nous pensons que
ce n'est pas parce qu'on l'exécute parfois mal que les objectifs ne sont
pas bons. Nous avons poussé cette roue-là, nous avons
rappelé que d'intégrer des enfants ce n'est pas de les
mêler physiquement, c'est de s'en occuper» Et nous avons
rappelé que cela prenait des changements de mentalité tout autant
que des ressources. Cet avis-là a été beaucoup
demandé, cela je dois vous le dire, il a été lu, on l'a
même lancé à l'intérieur du colloque, comme le
disait M. Deronzier, du Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle.
Mais notre intervention est presque toujours, si je peux dire, un pouvoir
moral. À ce moment-là, nous avons cru important de rappeler que
c'était de bons objectifs, mais nous n'avons pas à faire la
promotion ou l'implantation d'une politique. Nous pensons qu'il revient aux
autorités politiques et administratives d'y aller. Mais je crois que
dans ce cas-là le conseil, parce qu'il juqeait cela au mérite,
que cela valait la peine et que c'était opportun de le dire, a
contribué à cette action mais à sa manière,
c'est-à-dire à la manière d'un avis en rappelant au
ministre, à bien du monde, que c'est une bonne politique, à la
condition qu'on sache vraiment de quoi il s'agit en intégration, qu'on
accepte les conversions de mentalité que cela suppose et aussi qu'il y a
un problème de ressources. Mais, dans ce cas, nous avons bien
rappelé aussi que la seule injection de ressources ne ferait pas la
différence et qu'il fallait aller plus loin.
C'est le genre de message que nous diffusons. Nous ne pensons pas que ce
soit à nous de faire de l'animation sur le bien-fondé de la
politique ou de son implantation, mais je crois qu'il y a là une
modalité, prévue par la loi, de collaboration sur les fondements
mêmes; c'est ce que nous avons essayé de faire. Et c'est un avis
qui est très diffusé, Mme la députée, qui est
très demandé.
Une voix: Le pouvoir décisionnel n'est pas le
même.
M. Lucier: Oui, c'est sûr. Nous ne pouvons pas
décider, nous, des mesures.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, je
reconnais maintenant Mme la députée de Chieoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
d'abord de saluer nos amis du Conseil supérieur de l'éducation.
On est heureux de les avoir ici à cette commission parlementaire. Comme
c'est le
premier exercice de cette nature en commission parlementaire,
c'est-à-dire examiner les fonctions et le rôle d'un organisme
consultatif, on a voulu choisir le plus prestigieux, peut-être le plus
ancien, mais on peut dire aussi le plus prestigieux. (11 h 30)
Les fonctions des organismes consultatifs
publics
Voyant un peu la tournure des questions, je me demandais jusqu'à
quel point, bien que vous l'ayez assez bien fait tout à l'heure, il ne
devenait pas utile de mieux camper les fonctions consultatives en
administration publique. Il est important de poser cette question, parce
qu'autrement on va avoir une confusion de rôles. Ce n'est pas clair pour
tout le monde et je comprends que les gens ne le comprennent pas tous de la
même façon. Je dois dire à Mme la députée de
Jacques-Cartier que, même au sein des conseils consultatifs, c'est le
genre de questions que l'on se pose. A-t-on un rôle d'animation en
même temps qu'un rôle d'information et un rôle de conseiller?
Mais, de façon générale, il ne faut pa3 confondre les
fonctions. Ce qui est généralement convenu dans tous les
organismes consultatifs, à l'exception d'un qui est le Conseil du statut
de la femme, pour des raisons particulières, c'est qu'ils ont des
fonctions de recueillir, d'identifier les besoins et d'en faire part au
ministre. Généralement, le conseil est le porte-parole de
l'identification de certains besoins en matières particulières
qu'il traduit par le biais d'avis et qu'il présente au ministre.
Évidemment, il est important que les gens soient le plus
informés possible, donc qu'il y ait une diffusion la plus large
possible, mais généralement la diffusion ne dépasse pas
souvent les spécialistes, les professeurs, ainsi de suite. Je dois dire,
comme la députée de Jacques-Cartier, que j'ai souvent
été tentée d'entreprendre des actions qui auraient eu
comme effet d'influencer l'opinion publique. C'est de cela que l'on parle.
Imaginez-vous, si tous les conseils consultatifs - pas tous, vous pourriez
même prendre seulement ceux en éducation -se concertaient pour
dire: On influence l'opinion publique dans un sens donné, cela vous
ferait un gouvernement ou un pouvoir parallèle. Je trouve qu'au plan de
la démarche... Ce n'est pas interdit par la loi, mais tous les
débats qui ont touché la fonction consultative en administration
publique essaient de bien départager ces rôles.
À présent, je voudrais relever, si vous me le permettez,
M. le Président, un certain nombre de remarques, de distinctions que
vous avez faites en regard des lois constituantes du Conseil des
universités, du
Conseil des collèges, du Conseil supérieur de
l'éducation. Vous avez avec raison insisté sur la qualité
plus large du mandat confié au Conseil supérieur de
l'éducation, mais il y a certaines choses qui méritent
d'être un peu corrigées, sinon on va laisser l'impression que les
autres conseils consultatifs sont des conseils beaucoup plus à
caractère administratif et qu'ils n'ont pas à donner des avis sur
des questions plus larges qui touchent le développement de
l'enseignement collégial, par exemple.
Je voudrais dire qu'en matière de réglementation,
d'élaboration de programmes, d'implantation de nouveaux programmes, de
distribution des programmes dans le réseau collégial le ministre
est obligé de consulter le conseil. Il est tenu de le faire. C'est un
pouvoir réglementaire qui appartient en quelque sorte aussi au Conseil
des collèges.
Une deuxième chose aussi, il est vrai que le Conseil
supérieur de l'éducation est le seul à être tenu de
donner des rapports sur l'état et les besoins de l'enseignement de
façon générale, mais, de façon particulière,
le Conseil des collèges est tenu de donner un rapport annuel sur
l'état et les besoins de l'enseignement collégial. II ne faudrait
pas en douter, je connais la Loi sur le Conseil supérieur de
l'éducation, M. le Président. Article 24.
Pour son exercice financier précédent et sur l'état
et les besoins de l'enseignement collégial il fait un rapport annuel. Il
faut dire que c'est aussi très large et il a par ailleurs les
mêmes droits que l'on reconnaît généralement à
tous les conseils, celui de faire des recherches, des études, de tenir
des audiences, de faire des enquêtes et de recevoir des requêtes,
ainsi de suite. En général, je dirais que cela ne se tranche pas
de façon aussi claire que ce qui a été dit tantôt.
Je voulais seulement relever cela.
 présent, vous avez fait état d'un certain nombre
de difficultés, particulièrement... Mais, avant de passer aux
questions, je me demandais si...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va?
Mme Blackburn: ...pour les fins de notre démarche, il
serait intéressant de bien camper le mandat du Conseil des
collèges ou si on y va comme cela.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Les questions ont
débuté. On reçoit le Conseil supérieur de
l'éducation.
Mme Blackburn: Tout ce que je voulais savoir, M. le
Président: Comme démarche, est-ce qu'il est important d'abord de
bien comprendre ce qu'est un conseil consultatif, ou si on y va comme cela un
peu...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je pense que c'est
libre aux députés de poser les questions à nos
invités. Je pense que ce n'est pas aux députés de se
donner des cours entre eux sur leur compréhension d'une institution
quelconque. Allez-y, je tâche d'arbitrer les débats de la
façon la plus honnête possible. Actuellement,, les deux
côtés ont pris environ 20 minutes. M. le président du
Conseil supérieur de l'éducation a fait son exposé. Il a
bien campé l'organisme qu'il représente. Quitte à vous,
par la suite, de vous adapter aux règles du jeu, si on peut appeler cela
un jeu.
Mme Blackburn: M. le Président, dans votre jeu, mon
objectif n'était pas de faire la leçon aux députés,
qu'ils soient de l'Opposition ou du pouvoir...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je n'en doute pas,
madame.
Mme Blackburn: ...sauf qu'il me semble que, lorsqu'on examine les
fonctions - et c'est cela le mandat, ce sont les fonctions des organismes
consultatifs publics - le moins qu'on puisse faire c'est de bien
maîtriser ce que cela veut dire, le mandat de l'organisme en question.
C'est un préalable à toutes les autres questions.
Le Président (M. Parent, Sauvé): On ne peut pas
demander à tout le monde de procéder de la même
façon et au même degré. On ne peut pas non plus
prétexter connaître les champs d'intérêt de chacun
des députés qui sont à cette table ici. Je vous
suggère d'y aller en toute liberté, pour autant qu'on demeure
à l'intérieur du grand paramètre et de la pertinence du
mandat.
La division du ministère de
l'Éducation
Mme Blackburn: Bien! J'aimerais peut-être, M. le
président, que vous élaboriez un peu sur les difficultés
que pose le fait qu'on ait scindé les ministères et que vous
donniez votre avis sur cette question. Si ma mémoire est fidèle,
vous étiez au ministère à l'époque et
j'étais au conseil au moment où il y a eu la scission; vous
étiez aussi au conseil, d'accord, je me rappelle. Personne n'avait
été consulté sur cette question ou, si quelqu'un l'avait
été, c'était de façon fort informelle. J'aimerais
savoir votre réaction et votre avis. On connaît l'opinion du
ministre de l'Éducation, je voulais avoir la vôtre.
M. Lucier: Je ne prendrai pas la question de cette
manière, puisque je ne pense pas avoir d'opinion à exprimer ici
sur cette chose. Ce que je voulais mettre en lumière, c'est que la
division du ministère n'est pas sans impact sur l'exercice du mandat des
comités confessionnels en particulier et, en un certain sens, sur
l'exercice du mandat du conseil. Je vais donner des exemples assez
précis de cela. Par exemple, le sous-ministre de l'Éducation est
membre d'office adjoint de notre conseil. Une certaine logique voudrait que le
sous-ministre de l'Enseignement supérieur le soit aussi, maintenant. Les
comités confessionnels ont un mandat pour l'ensemble du système
d'éducation, mais les sous-ministres associés ne sont qu'à
l'Éducation maintenant. Évidemment, il n'y a pas de Direction de
l'enseignement catholique ou de l'enseignement protestant au ministère
de l'Enseignement supérieur. II y a là - je ne voulais pas
l'exposer comme quelque chose de dramatique - un certain nombre de
retombées qui ne sont pas parfaitement claires qui viennent de ta
division du ministère.
Dans la perspective traditionnelle du conseil, la mission
éducative est une. Le conseil n'a pas eu à se prononcer sur la
décision politico-administrative de scinder les deux juridictions.
Quelle que soit cette division, pour le conseil il est important que l'ensemble
de la mission éducative demeure une. La division du ministère a
amené le conseil à transmettre au ministre et au gouvernement des
résolutions très nettes en ce sens qu'il y avait là une
raison de plus pour maintenir le mandat pansystémique du Conseil
supérieur de l'éducation; qu'il y ait au moins quelque part une
place où la mission éducative n'est pas scindée.
C'est comme cela que je pourrais répandre à votre
question. Qu'est-ce que le conseil aurait dit s'il avait été
formellement consulté sur la division du ministère? Cela m'est
impossible de vous le dire, mais je serais prêt à parier qu'il
aurait rappelé, par delà une décision qui revient
souverainement au gouvernement, qu'il était préoccupé par
l'unité de la mission éducative et qu'il voyait là qu'il y
avait des atteintes possibles à l'exercice de son propre mandat. Mais la
loi 39 a reconnu cela au fond, pour l'essentiel. Elle a donné le pouvoir
au conseil de parler aux deux ministres. Le conseil n'est pas allé plus
loin sur des questions plus techniques comme, par exemple, la présence
du sous-ministre de l'Enseignement supérieur, puisqu'il y avait de
très nombreuses années que l'autre ne venait même pas. Le
conseil avait dit: On ne va quand même pas demander quelque chose de
théorique. Si l'on voulait être puriste dans la manière de
voir les choses, c'est aussi l'une des conséquences auxquelles on se
serait attendu, que le sous-ministre de l'Enseignement supérieur soit
aussi membre du conseil. Nous y voyions, à ce moment-là, une
raison de plus pour maintenir le mandat pansystémique. En un certain
sens, je peux dire, comme je le
signalais tantôt, que l'annonce que la mission éducative
serait réunifiée politiquement, en tout cas, avait, pour une
bonne part, apaisé les inquiétudes qui venaient de certains
milieux confessionnels.
Le caractère confessionnel de
l'éducation
Mme Blackburn: M. le Président, je voudrais juste avoir
une opinion. Ensuite, j'aurais le goût que l'on revienne à des
questions sur vos moyens et votre fonctionnement. Diriez-vous que le
caractère confessionnel de l'éducation devrait se retrouver
à l'enseignement supérieur? C'est un peu ce que je comprends,
finalement. Avez-vous déjà fondamentalement discuté de ces
questions? Je dis, en passant, sauf que cela s'est probablement
décidé entre le président et le vice-président, que
j'aurais apprécié la présence des deux présidents
des commissions, catholique et protestante. Je voudrais savoir si cela s'est
déjà discuté et si ce caractère confessionnel de
l'éducation au Québec doit se traduire à tous les niveaux
d'enseignement, y compris l'enseignement supérieur.
M. Lucier: Je poserais le problème autrement, si vous me
le permettez. Cela ne concerne pas la confessionnalité des structures,
c'est plutôt la possibilité, pour les traditions religieuses
porteuses de droits historiques, de pouvoir avoir un point de chute pour dire
quelque chose; c'est plutôt cela. Ce n'est pas du tout la revendication
de la confessionnalisation des collèges ou des universités; je
crois que ce n'est pas cela, la question. C'est la capacité que le
regard de ces traditions puisse s'exercer sur l'ensemble de la mission
éducative.
Concrètement, s'il se prend des décisions concernant des
services à caractère pastoral ou religieux au collège, par
exemple, actuellement, le point de chute, dirais-je, des comités
confessionnels, c'est le ministre de l'Éducation. C'est un cas
très précis où le comité catholique a senti le
besoin de s'adresser quand même au ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science. Ce n'est pas du tout une question de
confessionnalité des niveaux, c'est plutôt la possibilité,
dans le respect du pacte de 1964, pour ces traditions religieuses, de pouvoir
dire quelque chose qui ait un terrain d'atterrissage fonctionnel dans le
système. Je crois que c'est plutôt cela. C'est très
important. En confirmation de cela, vous savez que la loi 3, qui proposait la
transformation des commissions scolaires confessionnelles en commissions
scolaires linguistiques, n'avait pas mis en cause la composition du Conseil
supérieur de l'éducation. Justement, selon cette logique
historique, je dirais que c'est un lieu où l'ensemble des citoyens et
des citoyennes, les traditions religieuses porteuses de droits et même
les autres, car c'est la seule place où il y a quelqu'un d'autre dans le
système, pouvaient dire quelque chose au gouvernement. Je crois que
c'est ainsi que l'on aurait intérêt à poser le
problème.
Mme Blackburn: Je reconnais là toute l'adresse du
président du conseil supérieur, parce que je ne pense pas que
j'aie vraiment, à ma satisfaction, réponse à la question
que je pose. Qu'on veuille bien, dans notre système d'éducation,
reconnaître l'importance et la place de ce que vous appelez les
traditions religieuses, je suis d'accord, mais j'aimerais juste que cela soit
avec les commissions scolaires. Je pense que c'était reconnu au
départ et que cela fait partie de la structure de nos commissions
scolaires. Quand le conseil supérieur a été
créé, en 1968, après le rapport Parent, dans sa forme
actuelle, je ne pense qu'on ait envisagé que le mandat de ces deux
comités devait s'étendre à l'enseiqnement
supérieur. On peut l'interpréter ainsi, mais ce que je voudrais
juste avoir là-dessus, parce qu'il y a comme quelque chose
là-dedans... Cela voudrait dire, si je vous comprends bien, qu'on devra
toujours conserver au Québec, en raison de traditions religieuses, une
structure unique pour l'éducation. Vous dites: On l'a corrigé
parce que c'était une difficulté technique qui empêchait
qu'on ait un point de chute pour nos avis, et il faudrait que les
comités puissent le faire auprès du ministre de l'Enseignement
supérieur. Ce que cela traduit, si on veut être tout à fait
logique, c'est que, partant de cette constatation, on ne devrait avoir qu'un
seul ministère. (11 h 45)
M. Lucier: Pas nécessairement. Il pourrait y avoir
d'autres modalités. Ce n'est pas impossible qu'il y ait d'autres
modalités. Mais je voudrais vous signaler qu'il est de position
traditionnelle, dans les comités confessionnels, que leur champ
d'exercice même réqlementaire ne se limite pas aux écoles.
Je crois important de vous le dire. Le seul fait, par exemple, que le
comité catholique ait reconnu des institutions collégiales et
leur ait donné des statuts est de cette nature-là. On n'aurait
même pas d'étonnement à voir surgir éventuellement
un règlement du comité catholique concernant les collèges.
Ce que je veux dire par là, c'est que cela ne veut pas dire que rien ne
peut changer, mais qu'il faut savoir ce qu'on a à changer. Ce que j'ai
voulu rappeler, c'est simplement que, dans la lecture traditionnelle et
historique des mandats, il faut tenir compte de cette dimension. On peut
toujours la changer, mais il faut savoir que c'est cela qu'on changerait.
Mme Blackburn: Sur la reconnaissance
du statut confessionnel des écoles, cela repose sur ce qu'on
connaît, une structure scolaire, confessionnelle ou non, donc le droit
d'avoir des écoles de confession catholique ou protestante. C'est un
droit qui est inscrit dans la Loi sur l'instruction publique, parce que c'est
une structure plus scolaire que confessionnelle, et on a finalement reconnu, si
je ne m'abuse, le fait que cela appartenait au comité catholique ou
protestant de reconnaître le caractère confessionnel ou non de
l'école. Ce débat est intervenu au moment où on a
parlé d'écoles neutres, sans statut... C'est
légitimé et c'est porté par les traditions, mais aussi par
la Loi sur l'instruction publique, par les structures scolaires, qui sont
confessionnelles ou non.
M. Lucier: Je ne voudrais pas vous contredire, madame, mais c'est
porté par la loi du conseil et les règlements des comités
confessionnels. C'est là qu'est le pouvoir de reconnaître comme
catholiques ou protestants des institutions, des établissements. C'est
là qu'est le pouvoir. Ce n'est pas la reconnaissance des commissions
scolaires, mais la reconnaissance des établissements. Quand il y a un
processus de demande et si on satisfait aux normes des comités
confessionnels, on octroie un statut.
Tout ce que je voulais signaler tantôt, c'est qu'il est de commun
enseignement, si je peux dire, dans ces comités confessionnels, que cela
ne se limite pas en soi aux écoles. C'est tout ce que je voulais
dire.
Mme Blackburn: Bien! Sur un tout autre aspect... Je voudrais
dire, avant d'aller sur cette question, qu'effectivement il n'y avait pas un
rapport direct entre la loi 3 des réformes scolaires et la disparition
des comités catholique et protestant. Je n'ai jamais fait de rapport et,
d'ailleurs, le texte de loi ne le faisait pas non plus; je trouve cela tout
à fait dans l'ordre des choses, tout à fait dans la logique des
choses.
Doit-on élargir les mandats du conseil?
Ma question est la suivante: Mon collègue de Laviolette, tout
à l'heure, faisait état d'une recommandation du rapport Gobeil
qui proposait une refonte des organismes consultatifs en éducation pour
dire que le conseil supérieur pouvait éventuellement, si on
élargissait ses mandats, s'acquitter, comme il l'a déjà
fait - pendant peu de temps, par exemple, parce que le Conseil des
universités a été créé très
tôt, mais il l'a fait - selon le rapport Gobeil, de ses mandats de
conseiller auprès du ministre sur les questions touchant l'enseignement
collégial et l'enseignement universitaire.
Tout à l'heure, au moment où vous faisiez votre
exposé, j'avais comme l'impression que cela pouvait devenir des mandats
difficilement conciliables parce que le vôtre est d'ordre beaucoup plus
général, pour ne pas dire fondamental, alors que les mandats des
deux autres organismes consultatifs sont davantage à caractère
administratif. Diriez-vous qu'il y aurait une difficulté de placer
ensemble ces deux mandats?
M. Lucier: En tout cas, il faudrait regarder cela de très
près. Ce que j'ai essayé de montrer tout à l'heure dans
mon bref rappel historique, c'est qu'il n'y a pas d'homologie de mandat entre
le conseil supérieur et les deux autres conseils ajoutons-y la
Commission de l'enseignement privé en ce sens que, si nous devions
être un conseil des écoles, nous aurions, dans la loi actuelle,
très peu de poignée d'action - si vous me permettez l'expression.
Parce que c'est sur des objets extrêmement limités que le conseil
est obligatoirement consulté. C'est beaucoup plus limité que ce
qu'il y a dans les deux conseils sectoriels, vous savez. Par exemple, nous
n'intervenons pas quand il y a fermeture d'école, fusion de territoires,
ouverture de nouveaux programmes professionnels, même les règles
budgétaires, parce que ce n'est pas objet de réglementation.
Donc, de ce point de vue, nous serions très peu
équipés pour être un conseil des écoles. Â
l'inverse, cela montre qu'il s'est développé historiquement des
fonctions qu'on a attendues de ces corps tiers, si je peux dire, qui
n'étaient pas prévus à l'origine. Si, aujourd'hui, on
songeait à ramener tout cela au Conseil supérieur de
l'éducation, ce qu'il faut voir, c'est que ce ne serait pas le statu quo
ante parce que, dans la mesure où les deux autres conseils devraient
continuer à faire ce qu'ils font d'après leur loi, cela voudrait
dire qu'il faudrait qu'ils transportent au conseil chez nous l'ensemble de ces
fonctions. Nous n'exerçons pas, comme Conseil supérieur de
l'éducation, les mêmes fonctions qu'eux pour les deux secteurs en
question.
Alors, ce n'est pas impensable qu'on puisse dire qu'on ramasse tout au
Conseil supérieur de l'éducation, mais il faut se rendre compte
que, si c'est pour remplir les mêmes fonctions, on va avoir une structure
beaucoup plus complexe et sans rationalisation de ressources. S'il faut, par
exemple, qu'au niveau collégial on approuve les programmes
professionnels et qu'on donne un avis sur les règles budgétaires,
sur toutes les réglementations, et qu'au niveau universitaire on fasse
des études sectorielles et qu'on approuve les nouveaux programmes, qu'on
donne un avis sur le niveau de financement et ainsi de suite, on va devenir une
grosse affaire.
Ce que je veux dire, c'est que les types de mandats ne permettraient pas
tout
de go de dire que le Conseil supérieur de l'éducation va
s'occuper de tout cela. Il va continuer à s'occuper de l'état et
des besoins, comme il le fait. Mais, si c'est pour faire les choses qu'on a
historiquement fait essaimer dans ces conseils, il faut bien penser qu'on ne
s'acheminerait pas vers une économie de structures, mais plutôt
vers un alourdissement de structures et de fonctions. Je crois que c'est
l'essentiel de l'argumentation du ministre de l'Éducation actuellement,
parce que, pour qui est près des choses de l'éducation, il est
clair que la conservation des fonctions de ces conseils... Cela peut bien
être rapatrié mais, si on veut que les fonctions demeurent, il
faut bien voir qu'il n'y a pas homologie entre notre mandat et le mandat de ces
deux conseils. C'est ce que je veux dire.
Toutes les structures sont pensables. Mais nous pensons, et nous l'avons
dit plusieurs fois, que, quelles que soient les décisions qui sont
prises, la fonction propre du Conseil supérieur de l'éducation,
qui est celle que j'essaie de définir, celle-là nous
apparaît importante et doit le demeurer, même si,
éventuellement, on nous demandait de faire autre chose pour des niveaux
d'enseignement.
Mme Blackburn: Est-ce qu'il serait envisageable et
intéressant pour le Conseil supérieur de l'éducation que
son mandat soit élargi à des questions plus spécifiques,
comme des avis sur le régime pédagogique, sur ce que pourrait
être une politique de la formation professionnelle, et que, plutôt
que de le faire sur l'initiative du ministre, ce soit inscrit dans la loi, un
peu comme cela l'est pour les deux conseils consultatifs?
M. Lucier: Nous avons ce pouvoir d'initiative et nous l'avons
employé abondamment, d'ailleurs. À ma connaissance, il n'y a pas
de discussion autour de cela au conseil depuis que je le connais, parce qu'il a
conscience que notre mandat est d'un certain type et que, de toute
façon, nous avons un pouvoir d'initiative illimité de parler au
ministre sur toutes ces politiques et sur tous ces projets. Mais, quand on
regarde la loi, le nombre de sujets sur lesquels il est obligé de nous
consulter est extrêmement limité, plus limité, en un sens,
que les deux autres conseils. C'est pourquoi il n'y a pas homologie. Mais,
à ma connaissance, il n'y a pas au conseil de problématique de
discussion dans le sens que l'on devrait préciser des sujets
d'intervention parce que nous ne tenons pas du tout à être un
rouage quasi administratif. Mais on a toute la latitude d'intervenir
là-dessus. L'année dernière, on a fait un avis au ministre
sur le nouveau mode d'allocation des ressources aux commissions scolaires. On
l'a fait parce qu'on pensait qu'il y avait un tournant important.
Diffusion des documents du conseil (suite)
Mme Blackburn: Je voudrais revenir sur la préoccupation
qui était celle de la députée de Jacques-Cartier, tout
à l'heure. J'ai une certaine sensibilité à ce que cela
pose comme question ou comme interrogation, lorsque des avis sont excellents et
auraient intérêt à connaître une plus grande
diffusion. Vous est-il arrivé de songer à utiliser les
commissions scolaires pour doubler votre diffusion? Est-ce qu'elles peuvent
payer ou acheter des avis? Est-ce que vous vendez vos avis? Est-ce que des
mesures, qui pourraient en même temps rejoindre les préoccupations
de beaucoup de gens, je pense, et non seulement celles de la
députée de Jacques-Cartier, sont envisageables pour assurer une
plus grande diffusion? On sait que les organismes consultatifs ne peuvent pas,
lorsque vous avez environ 100 000 enseignants dans l'enseignement
collégial, dans l'enseignement primaire et secondaire... Combien?
M. Lucier: Environ 70 000...
Mme Blackburn: De 60 000 à 70 000, d'accord. Il y en a 10
000 à l'enseignement collégial et autant à l'enseignement
universitaire. Il est difficile de penser pouvoir distribuer cela. C'est
impensable parce qu'ils n'ont pas les budgets pour cela. Ce n'est pas
nécessairement de leur rôle non plus. Mais vous est-il
arrivé d'envisager ce genre de solution...
M. Lucier: II y a deux catégories de diffusion...
Mme Blackburn: ...premièrement, pour rentabiliser la
publication, c'est-à-dire qu'elle se paie un peu; deuxièmement,
pour assurer une plus grande diffusion?
M. Lucier: Dans le cas des textes qui sont édités
par l'éditeur officiel, c'est le circuit des ventes, comme vous le
savez. D'ailleurs, cela limite, en un sens, l'action. C'est le cas de notre
rapport annuel. Nous en avons un certain nombre, mais c'est diffusé par
les services de l'Éditeur officiel. Pour le reste, nous avons
établi des listes de noms de gens à qui expédier cela.
Nous essayons même de moduler nos expéditions selon la nature des
avis. À ma connaissance, nous n'exerçons pas de droits d'auteur
non plus là-dessus. Nous sommes tout à fait favorables à
la reproduction...
Mme Blackburn: Cela, j'imagine. M. Jolivet: Payée
par les écoles.
M. Lucier: Mais nous n'avons pas, pour le moment, envisagé
formellement de système de librairies pour nous.
Mme Blackburn: D'après ce que je comprends, vous n'avez
pas une liste d'envoi statutaire. Vous avez une liste par rapport à des
cibles précises.
M. Lucier: Elle est statutaire en partie, mais elle se module
selon la nature des avis.
Mme Blackburn: C'est à combien d'exemplaires?
M. Lucier: Je vais demander à M. Deronzier de vous
répondre.
M. Deronzier: Évidemment, il y a un peu de tout ce que
vous dites. Dans un premier temps, il y a une diffusion systématique qui
commande d'ailleurs la quantité d'éditions et qui varie selon que
l'on s'adresse aux degrés primaire, secondaire, collégial ou
universitaire. Il est bien évident que lorsqu'on va directement au
primaire on tourne autour d'éditions - que nous envoyons
systématiquement dans le milieu - de 8000 exemplaires. Alors, dans cette
liste-là, comme je le disais tout à l'heure, il y a
systématiquement toutes les écoles primaires, ou par
l'intermédiaire du directeur, se fait un envoi triple, dont un pour les
parents, un pour les enseignants, un pour la direction de l'école; il y
a également des envois à d'autres degrés de la commission
scolaire et il y a toutes les bibliothèques publiques qui
reçoivent tous les avis du conseil et il y a également toutes les
bibliothèques d'enseignement.
Pour un avis concernant le secondaire, c'est environ 4000; quand les
deux ordres sont concernés, primaire et secondaire, cela fait environ
8600 à 9000, parce que tout ne se dédouble pas, mais, lorsque
nous allons à l'enseignement supérieur, cela peut varier de 1200
à 3000, selon qu'on va de plus en plus en profondeur à
l'intérieur d'un département ou non.
Maintenant, d'envoyer systématiquement chaque avis du conseil
partout, je ne pense pas que ce soit a priori très rentable, parce que
les gens ne retiennent que le contenu qui les intéresse.
Néanmoins, nous avons également deux publications, un bulletin en
français qui s'appelle "Conseil-Éducation" et un bulletin en
anglais qui s'appelle "Educouncil" qui ont pour objectif de diffuser les
productions du conseil, de faire connaître que telle ou telle production
vient d'être mise à la disposition du public par le conseil. (12
heures)
Quant au deuxième point de votre question, il est très
fréquent, même si nous ne prenons pas l'initiative de le proposer
à l'intérieur des institutions d'enseignement, que la
reproduction se fasse. On nous demande si on peut la faire. Les gens prennent
habituellement - c'est pour cela que nous le savons - la précaution de
dire: Nous espérons qu'il n'y aura pas de difficulté si nous
reproduisons cet avis, parce qu'il nous intéresse, ou des sections
d'avis, parce qu'il y a quelquefois des demandes globales auxquelles il est
difficile de répondre. Si on me demande 1000 exemplaires, à un
seul endroit, d'un même avis, cela devient un peu une difficulté.
Mais en envoyer par exemple 50 exemplaires avec possibilité de
reproduction, c'est très possible de le faire.
Maintenant, les avis du conseil qui passent par les services de
l'Éditeur officiel profitent aussi de toute la publicité
automatique des services de l'Éditeur officiel. Nous n'avons pas
tellement de contrôle sur cette dimension. On nous a vendu un peu la
façon de rentrer dans les politiques actuelles d'essayer de vendre les
documents plutôt que de les distribuer gratuitement en nous disant qu'il
y avait un avantage parce qu'une grosse publicité se faisait. Mais ce
sont les avis exceptionnels ou les rapports annuels du conseil qui passent par
l'Éditeur officiel. Très couramment, un avis habituel est
distribué gratuitement. On le met d'ailleurs dans nos bulletins, il est
disponible sur demande, gratuitement, et le jeu de l'expédition
s'établit.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Avant de
reconnaître le député d'Arthabaska, pour
l'intérêt de nos invités et aussi l'information des
membres, je voudrais vous rappeler l'article 294 de notre règlement qui
dit: "Chaque commission examine annuellement les orientations, les
activités et la gestion d'un organisme public soumis à son
pouvoir de surveillance." C'est donc dire que nos échanges avec nos
invités doivent porter sur les orientations, les activités et la
gestion. Je dis cela pour nos invités aussi, car, si jamais les
députés posent des questions qui vous rendent mal à l'aise
et qui ne sont pas reconnues à l'intérieur de notre mandat, soyez
bien à votre aise pour le dire.
M. le député d'Arthabaska.
M. Gardner: Merci, M. le Président. Je ne rendrai pas trop
mai à l'aise les membres de notre commission.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je préviens
quand je vous vois, M. le député. Vous m'inquiétez.
M. Gardner: J'écoutais les questions de Mme la
députée de Chicoutimi; je pense que, si on l'avait laissé
aller, elle posait toutes nos questions, on n'aurait pas pu... Mais vous
comprenez...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Elle
est très prolifique.
M. Gardner: Elle est très prolifique et...
M. Jolivet: Si elle avait pris tout ce temps, nous, on n'aurait
pas eu grand temps, parce que c'est moitié-moitié.
M. Gardner: C'est moitié-moitié. Alors on va
essayer de prendre notre moitié nous aussi.
M. le Président, j'aimerais mentionner aussi que Mme la
députée de Chicoutimi ne voulait pas de pouvoir parallèle
et j'en suis très heureux. Même dans son parti, elle ne voudrait
pas qu'il y ait de pouvoir parallèle non plus.
Parlons d'affaires sérieuses...
M. Jolivet: Parlez de choses plus sérieuses. Cela nous
rend mal à l'aise.
M. Gardner: Maintenant, je les rends mal à l'aise.
Mme Blackburn: C'est la fonction de l'Opposition, M. le
député.
M. Gardner: Merci, M. le Président. J'espère que je
n'envoie pas la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: ...entendu des choses comme celai
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député d'Arthabaska, Je vous ai reconnu à
l'intérieur de la pertinence de notre sujet. Je vous encourage à
aller en ce sens.
M. Gardner: Merci, M. le Président. Cela me permettait de
faire un petit laïus pour essayer de dérider la salle.
M. Jolivet: Ah bon!
Le conseil et les besoins de la population
M. Gardner: M. le Président, je vais compléter la
question de Mme la députée de Jacques-Cartier. Tout à
l'heure on a parlé de moyens de faire passer les messages du Conseil
supérieur de l'éducation. Je lisais l'autre jour que le Conseil
supérieur de l'éducation est un lieu de lecture, d'écoute
et de traduction des besoins de la population. J'ai plusieurs questions
à poser, alors j'aimerais qu'on me précise tout de suite au
départ - cela pourrait m'aider à compléter mes questions -
le lieu de lecture, d'écoute et de traduction des besoins de la
population. Je vais plutôt insister sur "traduction des besoins" tout
à l'heure, mais j'aimerais qu'on me précise ces trois points. Que
faites-vous pour lecture, écoute et traduction des besoins de la
population? Après je préciserai pourquoi je vous ai
demandé cela.
M. Lucier: Je dirai que la fabrication de l'ensemble des rapports
annuels ou des avis comporte toujours des activités de consultation.
C'est de l'écoute. Par exemple, dans le rapport annuel qui va être
déposé à l'Assemblée nationale dans quelques
semaines, on a même une quarantaine d'organismes qui nous ont
préparé des mémoires. Nous allons en régions, nous
tenons des séances de travail avec les gens, sur le terrain. Nous
recevons aussi au conseil des groupes, une abondante correspondance et des
mémoires souvent même non suscités, non demandés.
C'est à travers cela que nous écoutons, si je puis dire. C'est
à travers les mêmes activités que nous essayons de lire les
besoins. À cet éqard, la responsabilité de lecture, si
vous me permettez l'expression, c'est celle des membres du conseil. Ce sont des
gens représentatifs qui sont nommés justement en partie pour la
solidité de leurs racines. Le conseil lui-même est un lieu
où l'on essaie de lire les réalités, où l'on essaie
de comprendre ce qui se passe beaucoup à la lumière de
l'expérience des 27 personnes qui y sont et, si l'on additionne
l'ensemble des commissions et des comités, des 111 personnes qui y sont.
Donc, il y a déjà une représentativité importante
qui nous permet de lire les choses et traduire, c'est dans notre fonction
d'avis au ministre. Nous ne nous considérons pas comme une courroie de
transmission. Nous aurions à nous transformer en maison de sondage s'il
fallait simplement dire au ministre: Voici ce que nous avons entendu. Nous
essayons, de façon responsable, de dire au ministre: Nous avons
écouté du monde, nous avons entendu des gens, nous avons
reçu des mémoires, nous avons discuté avec des personnes,
nous avons fait notre propre effort de lecture et de discernement et, dans un
avis que nous vous adressons, voici comment nous pensons traduire correctement
ce qui nous semble important pour le milieu actuellement. Ce ne sont pas des
termes techniques; ce sont des termes plus littéraires, mais qui disent
bien ce que nous essayons de faire: lire tes choses, écouter le monde et
traduire cela dans nos avis, mais de manière responsable,
c'est-à-dire que nous ne sommes pas là comme une maison de
sondage, disant: Voici, il y a tel pourcentage de la population qui voudrait
ceci et qui voudrait cela. Nous tenons compte de cela, mais nous donnons nos
avis comme personnes jugées représentatives.
Je vous ferais remarquer que, quand on considère l'ensemble des
instances du conseil, 111 personnes, c'est beaucoup. Elles viennent de partout,
de tous les milieux. On peut être presque assuré de ne pas
être à côté des vraies questions si,
déjà, l'on travaille bien
avec notre monde.
M. Gardner: Voici pourquoi je vous ai posé cette question,
"traduction des besoins de la population"... Je suis assez pratique. Mes
collègues de l'Opposition comme ceux du parti ministériel et
même M. le vice-président qui est là savent que j'aime bien
être pratique. Il n'y a pas longtemps, j'étais dans le secteur de
l'enseignement. Un jour, j'ai su que le Conseil supérieur de
l'éducation venait à mon école. Malheureusement, je n'ai
pas pu vous rencontrer parce qu'il y avait 34 élèves qui
m'attendaient dans une classe qui aurait dû en contenir 28 au maximum.
Vous vous rappelez cela, vous avez même déjà parlé
de ce problème de l'enseignement secondaire. Je n'avais pas pu vous
rencontrer.
Le seul retour de cette visite que je n'ai pas pu voir... Je n'ai pas pu
vous rencontrer, je le mentionne. À un moment donné, lors d'une
journée pédagogique, on nous a dit que le Conseil
supérieur de l'éducation avait été surpris de voir
qu'il y avait 2000 élèves dans cette école car il n'en
avait presque pas vu. C'est-à-dire qu'ils étaient tous bien
répartis dans les classes et faisaient bien le travail que leurs
professeurs demandaient. Cela a été le seul retour que nous avons
eu, comme enseignants, quand j'étais dans cette école polyvalente
de Victoriaville, pour bien préciser. J'ai déploré cela.
Je sais que vous n'avez pas le droit de donner congé aux
élèves pour rencontrer les professeurs ou encore de donner
congé aux professeurs pour rencontrer les élèves, mais
j'aurais aimé particulièrement, comme enseignant, vous
rencontrer. Vous avez vu, je pense, une partie de l'école, cette
fois-là, et non pas toute l'école.
Je vous pose bien honnêtement la question, est-ce qu'il y aurait
possibilité, lorsque vous allez dans des écoles, que vous ne
voyiez pas seulement ce que la direction vous offre, mais que vous alliez
même fouiller un peu plus?
M. Lucier: Écoutez, je ne pourrais pas vous parler
de...
M. Gardner: L'avis, on en reparlera.
M. Lucier: ...l'expérience particulière de
Victoriaville, mais, si je me réfère, par exemple, aux deux
séances que nous venons de tenir à Rimouski et à Hull, il
y avait un nombre assez important d'enseignants qui étaient là.
Cela peut dépendre parfois des circonstances. Cela peut dépendre
si c'est une journée pédagogique. Cela peut dépendre de
beaucoup de facteurs. À ma connaissance, je pense qu'on pourrait donner
beaucoup d'exemples, sans parler de la vaste enquête sur la condition
enseignante où les enseignants ont été largement
entendus.
M. Gardner: Je reviens sur une chose qui a été
mentionnée tout à l'heure. On donne trois briques à la
commission scolaire ou à la direction de l'école: une pour la
direction, une pour les parents et l'autre pour les enseignants. Vous ne
trouvez pas qu'il y a un groupe qui a été oublié, qui sont
les élèves? Vous ne pensez pas que les élèves
auraient intérêt... Mais encore là, je vous le dis, des
briques comme cela, cela se lit... Quand on est député, on a le
temps de lire cela, mais, quand on est enseignant, on n'a pas tellement de
temps, et surtout quand on est élève. Est-ce qu'il n'y aurait pas
possibilité...
Une voix: C'est épouvantablei
M. Gardner: Tu vas comprendre, Madeleine. Est-ce qu'il n'y aurait
pas possibilité de faire des résumés, de vulgariser un
petit peu? Je comprends que votre but n'est pas de faire la propagation de tout
cela, mais est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité de vulgariser
davantage vos avis? C'est-à-dire de faire des résumés
accessibles, même aux étudiants du secondaire; peut-être pas
du primaire, mais du secondaire, au moins, et du cégep et de
l'université.
M. Lucier: Nous partageons votre préoccupation. Dans nos
bulletins, dans les deux langues, c'est essentiellement, ce que nous essayons
de faire. Nous résumons les avis donnés au ministre. Comme je
vous le dis, on n'a pas fini d'inventorier les possibilités de faire les
choses.
M. Gardner: Je ne suis pas trop satisfait, vous comprenez. Est-ce
qu'il n'y aurait pas possibilité, est-ce que vous ne pourriez pas
prendre une décision... Est-ce que cela prend une directive du ministre
pour que vous preniez cette décision de vulgariser davantage?
M. Lucier: Non, non, nous avons toutes les
possibilités.
M. Gardner: Vous pourriez le faire.
M. Lucier: Abolument. Évidemment, il y a la question des
ressources humaines et financières. C'est sûr que, plus on
augmente les volumes de publication, plus les coûts augmentent. Aussi, il
y a la question, je dirais, de l'investissement des ressources humaines. C'est
sûr que c'est une tâche qui en soi prend du temps. C'est autant de
temps qui n'est pas mis sur les avis, mais je dirais de manière globale:
Non seulement nous avons la possibilité, mais nous avons mandat de cela.
Je crois que le bilan n'est pas nul. Nous avons un taux de
pénétration intéressant, mais c'est un genre de processus
qu'on essaie d'améliorer d'année en année.
Mais nous partageons tout à fait votre préoccupation.
C'est bien volontiers qu'on pourrait regarder de plus près ce qu'on
pourrait faire avec les ressources que nous avons. Il n'y a aucun doute
là-dessus. Nous avons la capacité de le faire.
M. Gardner: Je reviendrais sur le fait, quand vous visitez une
école comme cela... Je ne veux pas dire que cela a été mal
vu, au contraire, et cela a été très surprenant, on a
été même emballé d'avoir la visite du Conseil
supérieur de l'éducation. Je vous encourage à y aller plus
souvent, dans plusieurs écoles. Je dois vous dire que, si, moi, je n'en
ai pas eu la chance, il y en a d'autres qui en ont eu la chance et cela a
été fameux. Est-ce que vous prenez, et là je reviens sur
les retours de ces visites, est-ce que vous prenez les moyens pour savoir ce
que cela a fait, ce que cela a donné? Vous avez dit, tout à
l'heure, à Hull et à Rimouski, que vous aviez eu de belles
rencontres, mais est-ce que vous avez eu un questionnaire qui a
été envoyé aux personnes qui vous ont rencontrés
pour avoir le "comeback" ou le retour de tout cela, pour savoir si cela vaut la
peine que vous alliez là?
M. Lucier: Écoutez, quand nous allons en régions,
évidemment, nous n'allons pas jaser, ce sont vraiment des séances
de travail. Alors, dans les deux cas que vous citez, il y avait des instruments
de travail. Nous arrivions avec des questions précises que nous avons
même fignolées avec les gens du milieu avant. Nous sommes
arrivés avec des questions précises et on a demandé,
essentiellement: Aidez-nous, si vous voulez bien, à préparer
notre prochain rapport annuel sur les indicateurs de qualité. Nous
avions des questions précises et cela a fonctionné par ateliers
de manière très organisée, systématique, et il y a
des comptes rendus de cela. Donc, il y a une cueillette qui existe. Cela n'a
pas été des conversations. II y a des comptes rendus de ces
tables d'ateliers et ils sont disponibles. Mais l'impact ou le résultat
le plus notable, c'est l'utilisation que nous allons en faire dans notre
rapport annuel. Prenons l'exemple de l'année dernière, le rapport
que vous avez sous les yeux. On a rencontré 800 ou 900 étudiants
de tous niveaux dans des rencontres structurées et le rapport fait
état de l'ensemble de ces rencontres. En un certain sens, les milieux
où nous allons, quand il s'agit de séances de travail, ont
toujours la possibilité de vérifier, au fond, ce qu'on a fait de
leur contribution. À ma connaissance, ils ont toujours en main
l'ensemble des productions qui sont sorties de ces travaux. Je crois qu'on peut
dire cela; c'est systématique. (12 h 15)
M. Gardner: Je m'excuse, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez pas à vous
excuser.
M. Gardner: Je sais qu'il y en a d'autres qui veulent poser des
questions. Vous permettez?
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Gardner: Avant que je vous laisse, est-ce que vous pourriez
m'assurer qu'au lieu d'avoir seulement trois personnes qui vont avoir vos
rapports il pourrait y avoir des jeunes, des élèves de
l'école concernée, ou en résumé?
M. Lucier: Pourquoi pas? J'ajouterai que selon notre...
M. Gardner: "Pourquoi pas" veut-il dire "oui" chez vous? En
politique, on est très sévère là-dessus.
M. Lucier: Cela veut dire oui quand on a la capacité de le
faire, bien sûr. Mais je vous signalerai par exemple que, surtout dans le
cas de l'année dernière où on a travaillé avec des
étudiants, les étudiants ont également eu en main des
retombées de cela.
M. Gardner: Oui.
M. Lucier: Ils étaient partie prenante. Mais, vous savez,
ce n'est pas très simple de rejoindre les élèves aux
niveaux primaire et secondaire. Ils sont loin d'être organisés
partout. Le point de chute n'est pas facile. Les parents sont organisés;
les enseiqnants sont organisés. Mais a qui envoyer cela dans une
école? Là où il y a des associations, on pourrait
s'engager à explorer systématiquement les groupes
d'étudiants qui ont pignon sur rue. Mais c'est très difficile de
rejoindre les autres, sinon à travers l'ensemble de notre effort pour
rejoindre la population.
M. Gardner: Pour pouvoir refléter le discours du monde
ordinaire... Le monde ordinaire ne parle pas dans de beaux qrands discours
comme vous le faites. Je sais que vous êtes pratique, mais est-ce qu'il
n'y aurait pas possibilité que vous vulgarisiez vraiment vos rapports -
j'y tiens beaucoup et cela va être une marotte pour moi, je m'excuse - et
que ce soit une décision que vous preniez dans les jours à
venir?
M. Lucier: Nous en prenons bonne note.
M. Gardner: Je vous remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): D'autre chose, M.
le député d'Arthabaska.
M. Gardner: Non, pas pour le moment. J'en aurais d'autres, mais
dans...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je n'en doute
pas.
M. Gardner: Me le permettez-vous, dans un autre ordre
d'idées?
Le Président (M. Parent, Sauvé): La parole vous
appartient encore; allez-y.
M. Gardner: Oui? Les contenus de vos avis, est-ce qu'on les suit
- la question a été effleurée tout à l'heure par
Mme la députée de Chicoutimi - vraiment? Est-ce qu'au
ministère de l'Éducation on vous écoute vraiment, et
est-ce qu'on vous écoute davantage depuis le 2 décembre? C'est
partisan un peu.
M. Lucier: C'est partisan.
M. Gardner: Je le sais. Si vous êtes trop gêné
d'y répondre, vous n'êtes pas obligé. Mais est-ce qu'on les
suit? Si vous n'aimez pas la partie partisane, restons-en à la
première partie de ma question. Est-ce qu'on les suit
généralement?
M. Lucier: Je peux vous dire que, depuis un certain nombre
d'années...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Juste un point
d'ordre, M. le président. J'aimerais rappeler à tous les membres
de la commission parlementaire de l'éducation qu'entre
députés il est certain qu'il y a les ministériels et
l'Opposition et qu'il est tout à fait de bonne guerre, de temps en
temps, de se rappeler des dates mémorables pour certains et moins
mémorables pour d'autres...
Une voix: C'est important.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mais je vous
encouragerais, quand on s'adresse à des invités qui ne sont pas
engagés politiquement comme nous le sommes, à tâcher
d'éviter de les mettre sur le gril comme cela... M. le président
du Conseil supérieur de l'éducation.
M. Khelfa: Est-ce que cette remarque, M. le Président,
s'applique...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Elle s'applique
à tout le monde, monsieur.
M. Khelfa: ...aux insinuations sur le rapport Gobeil?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Elle s'applique
à tout le monde, M. le député de Richelieu. M. le
président du Conseil supérieur de l'éducation, nous vous
écoutons.
M. Lucier: Quand nous envoyons des avis au ministre, il faut
savoir que dans l'administration ministérielle il y a un processus
d'accueil des avis, c'est-à-dire qu'il y a une tradition de
réponses aux avis du conseil. Je dirais que c'est l'aspect dialogue
formel, c'est même des échanges de lettres. Donc, il y a une
structure d'accueil pour les avis. Les avis ne tombent pas dans le vide; ils
sont repris et le ministre, dans la plupart des cas, fait même des
réponses. C'est circonstancié.
Le ministère est organisé pour cela. C'est l'accueil
formel. Il y a également un niveau de discussions moins formel,
c'est-à-dire autant avec le ministre qu'avec les hauts fonctionnaires,
à la suite des avis, il y a souvent des appels
téléphoniques, des conversations pour discuter des points. On se
rencontre donc, et je crois que l'on peut attester du fait que cela ne tombe
pas dans le vide.
Maintenant, de manière davantage liée au contenu, si votre
question se rapporte au type d'effets qu'ont les avis, en un sens, c'est plus
considérable, si je puis dire. C'est très diversifié, mais
soyez assurés que nous suivons cela d'assez près. Écoutez,
cela dépend de la nature des avis. Prenons des exemples. II est
arrivé, même dans un passé récent, que nous avons
émis d'énormes réserves sur un projet, par exemple. Est-ce
pour cela que le projet a été retiré? C'est difficile
à dire. Nous pouvons aussi noter que, pour des suggestions
précises faites par le conseil, il y a eu des suites. Il y a des cas
plus faciles à cerner. Prenons l'exemple des demandes d'avis sur le
régime pédagogique. Là, c'est extrêmement facile
à suivre parce qu'on n'aura qu'à comparer le règlement
adopté avec l'avis qu'on a donné. Ce sont des cas simples, et,
là-desssus, je dirais que la moyenne au bâton est plutôt
bonne, historiquement. Et c'est facile à vérifier. Il suffit de
lire les règlements et de comparer notre avis pour voir s'il a
été suivi ou pas. D'ailleurs, on aura d'autres exemples
prochainement, puisque nous avons été consultés trois fois
de suite sur le régime pédagogique. Alors les décisions
gouvernementales nous permettront de comparer avec nos avis.
Par contre, je dirais que cela ne se limite pas à cela. De
manière plus générale, j'ai appris par expérience,
depuis que je suis là, qu'il y a parfois des avis qui ne comportent pas
nécessairement de recommandations très précises pour des
décisions à rendre demain matin, mais qui, si vous me permettez
l'expression, contribuent à baliser le champ de discussions publiques
sur un sujet. C'est un peu plus subtil comme retombées, me direz-vous,
mais c'est important. Il y a des exemples historiques de cela. Je songe, par
exemple, au rapport de 1969-1970 - je remonte assez loin pour être
sûr qu'on est dans l'histoire - sur l'activité
éducative. L'activité éducative, au Québec, a
été, je ne dirais pas une bible, mais un point de
référence pour des dizaines d'entreprises de perfectionnement,
des colloques. Même, en un certain sens, cela a même
commandé le discours officiel, et, sur un nombre important de sujets, je
crois qu'il y a, dans certains avis du conseil, des traces qui sont moins
administratives mais plus du côté du champ de discussions. Cela
fait partie du champ de discussions. Nous essayons de surveiller
l'évolution des deux. J'oserais dire, après quelques
années d'observation, que la moyenne au bâton est plutôt
bonne.
M. Gardner: J'aurais une autre question à poser sur la
visibilité que vous avez dans le public. Dans le discours du 12 juin
dernier, vous disiez à ceux qui souhaiteraient un conseil moins visible:
"Je soumets ma conviction que l'action du conseil doit demeurer publique, comme
l'est son mandat même." Parfois, on aimerait que vous soyez plus
visibles. Je vais vous parler en tant qu'ex-enseignant, surtout lors des
négociations. Lors des négociations, on dirait que vous devenez
invisibles. Je suis sûr que les enseignants aimeraient que vous donniez
votre avis. Par exemple, quand il y a eu une coupure de 20 % des salaires, je
pense que les enseignants auraient aimé, dans le temps, que vous preniez
position, pour ou contre. Je pense que le Conseil supérieur de
l'éducation n'a pas pris position là-dessus. Lorsque vient le
temps des négociations, est-ce que vous n'auriez pas
intérêt à présenter votre position, enfin celle du
Conseil supérieur de l'éducation?
M. Lucier: La question qui est posée est
intéressante. Le conseil évite traditionnellement d'intervenir
dans les parties de bras de fer. Quand une intervention du conseil aurait pour
effet d'appuyer A contre B ou B contre A, le conseil risque de manquer à
sa mission fondamentale. Il se limite à des interventions portant sur
l'avenir de l'éducation, et le bien des enfants et de l'ensemble de ceux
qui sont dans le système de l'éducation.
Mais c'est intéressant parce que, à chaque fois qu'il y a
ce genre d'événement, je ne vous cacherai pas que le conseil est
soumis à des pressions de toutes sortes et, à ma connaissance,
assez traditionnellement, il a perçu comme devoir de
responsabilité enraciné dans son mandat de ne pas jouer ce genre
de jeu et de ne pas descendre dans l'arène pour prendre parti contre
l'un ou pour l'un et c'est ce qui peut expliquer, peut-être, ce que vous
appelez une discrétion.
Maintenant, puisque vous m'avez cité, le point majeur que je
voulais mettre de l'avant - et ce n'est pas une doctrine personnelle - la
doctrine traditionnelle au conseil est que les avis que nous donnons au
ministre ne sont pas des avis cachés. Ce sont des avis qui sont rendus
publics après des délais de politesse normale. Ce sont les
règles du jeu et c'est sain que cela soit ainsi et le conseil a toujours
refusé les arrangements en dessous de la table. Je ne dis pas qu'on lui
en a proposé, je n'en ai pas eu connaissance, en tout cas, depuis que je
suis là, mais cela fait partie de son code de déontologie
fondamental.
M. Gardner: Je vous remercie, M. le président, mais je
voulais l'entendre dire que, lors des négociations, il était
préférable que vous n'entriez pas là-dedans» Merci
beaucoup.
M. Lucier: Ce qui ne veut pas dire qu'en temps de
négociations ou en d'autre temps, il n'y a pas d'enjeux éducatifs
que nous pourrions, éventuellement, mettre de l'avant. Cela est autre
chose, mais intervenir quand des gens négocient autour d'une table, nous
pensons que ce n'est pas notre rôle.
M. Gardner: Parfait. Merci, M. Lucier.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
député d'Arthabaska, merci, M. le président du Conseil
supérieur de l'éducation. La commission va maintenant suspendre
ses travaux jusqu'après la période de questions.
(Suspension de la séance à 12 h 28 )
(Reprise à 15 h 14)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît! La commission de l'éducation poursuit les travaux
que nous avons commencés ce matin dans le cadre du même mandat,
soit l'examen des orientations, des activités et de la gestion d'un
organisme public, à savoir le Conseil supérieur de
l'éducation. Ce matin, lorsque nous avons suspendu nos travaux, la
parole était au député d'Arthabaska. En fonction de la
règle d'alternance, je reconnaîtrai maintenant, à la suite
de l'indication que me fournira le vice-président, un intervenant pour
le parti de l'Opposition.
M. Gendron: Le député d'Abitibi-Ouest, M. le
Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a
un consentement pour que madame quitte de bonne heure?
Mme Blackburn: Je ne peux pas compter sur les vols de Quebecair
pour me ramener dans mon comté. Alors, donc!
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous comprends
donc, madame! D'ailleurs, je me suis toujours fié aux vols d'Air Canada.
Je reconnais le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Bonjour, M. le Président, MM. les membres de
la commission et MM. les membres du Conseil supérieur de
l'éducation. Je ne veux pas reprendre ce qui a été dit ce
matin. J'ai eu l'occasion de m'excuser auprès du président du
Conseil supérieur de l'éducation, M. Lucier. Je salue
également les autres collègues du Conseil supérieur de
l'éducation. Je voulais juste dire rapidement, avant de poser quelques
questions, que je pense que si les membres de la commission de
l'éducation ont choisi le Conseil supérieur de l'éducation
afin d'être en mesure d'apprécier davantage ce que vous faites,
c'est-à-dire évaluer et examiner ce qu'on appelle les
orientations et les activités de même que la gestion du Conseil
supérieur de l'éducation, cela vous honore. Je ne tiens pas
à vous le dire pour vous flatter, je pense que vous avez laissé
voir à une couple de reprises, M. le président, dans votre
exposé, que le Conseil supérieur de l'éducation
était intimement relié et rattaché à l'ensemble du
fonctionnement du ministère* En ce qui me concerne, j'espère que
cela va durer, contrairement à certains avis, comme cela a
été mentionné, ou à certains rapports dont on peut
avoir pris connaissance. Je crois que le Conseil supérieur de
l'éducation joue un rôle nécessaire et immensément
important pour améliorer ce qui doit être un objectif commun,
autant pour nous, membres de la commission, que pour vous sûrement, soit
de viser à ce que l'offre du produit éducatif soit la meilleure
possible pour les jeunes du Québec, parce que c'est la seule
façon de les préparer le mieux possible à faire face
à l'avenir. Tout le monde sait que ce ne sera pas facile, de toute
façon, parce qu'on a toujours besoin du maximum de formation
possible.
Ce qu'il m'intéresserait de vérifier un peu plus avant,
messieurs les membres du conseil, mais par la voix du président - je ne
veux pas revenir à des choses factuelles; vous connaissez la Loi sur le
Conseil supérieur de l'éducation probablement mieux que moi,
puisque vous avez à l'appliquer et à vivre avec - c'est ceci.
Tout le monde sait qu'il y a, aux articles 9 et 10, deux dispositions. Il y en
a une première qui dît: Le Conseil supérieur de
l'éducation doit faire certaines choses. Vous les connaissez bien et je
n'ai pas l'intention de questionner là-dessus, puisque je pense que le
Conseil supérieur de l'éducation s'acquitte très bien de
la partie des obligations qui lui sont faites, en particulier lorsqu'il doit
donner son avis au ministère de l'Éducation sur les
règlements que celui-ci est tenu de lui soumettre, ce qui est une
obligation, de même que de donner son avis au ministre de
l'Éducation ou au ministre de l'Enseignement supérieur sur toute
question de sa compétence comme conseil supérieur.
Le pouvoir du conseil de donner des avis
Mais il y a, à l'article 10, un volet qui est peut-être un
peu moins connus celui que le Conseil supérieur de l'éducation
peut soumettre différents avis. C'est un peu là-dessus que ma
première question générale se dirige. J'aimerais que le
président du Conseil supérieur de l'éducation nous
indique, dans tes deux mandats que je viens d'évoquer qui sont
spécifiques à la loi, dans la partie des obligations dites de
devoir... On a toutes les données; on a l'ensemble des informations;
c'est très facile de mettre la main sur ces parties.
Ma question d'ordre général serait: Est-ce que vous
pourriez quantifier, sur la base des trois ou quatre dernières
années, le nombre de dossiers sur lesquels il vous est apparu, selon
votre lunette comme Conseil supérieur de l'éducation, qu'il
serait louable, légitime que vous puissiez soumettre au ministre de
l'Éducation un avis quant aux questions qui vous intéressent,
quant aux questions qui vous apparaissaient pertinentes et importantes, mais
sur lesquelles vous n'aviez pas l'obligation de le faire?
Cela me permettrait de porter un jugement évaluatif à
savoir si, dans le fond, vous jouez véritablement votre rôle de
conseiller. Pour le bénéfice des membres de la commission et du
président, je pense que tout le monde saisit bien pourquoi cette
question est importante. Si un conseil supérieur doit donner des avis
dans un rôle consultatif, pour que son rôle consultatif soit le
plus signifiant possible, il nVapparaît important également que
l'autre dimension où l'appareil politique ne sollicite pas
nécessairement les avis soit assurée par l'instance qui est
habilitée à porter de tels jugements. En conséquence,
j'aimerais avoir une information assez détaillée, mais toujours
au plan général, à savoir à combien de reprises et
sur quelles questions pertinentes, comme conseil - pas parce que c'était
sollicité mais parce que vous en avez le pouvoir - vous avez transmis
des informations sous forme d'avis, de recherche, d'étude ou autre.
Quelle est la proportion du temps prise par les membres du conseil
supérieur par rapport à cette préoccupation de conseiller
le secteur éducatif? Est-ce que c'est 10 %, 15 %, ou 40 % par rapport
à l'autre partie qui est la partie obligation?
M. Lucier: Je pense qu'on peut répondre à cela
assez précisément et de façon factuelle. La partie
obligatoire, c'est essentiellement le rapport annuel sur l'état
et les besoins. C'est un gros investissement. On y met beaucoup de temps
- c'est entendu - à chaque année. Pour le reste, pour les
demandes d'avis que le ministre doit faire au conseil, je crois qu'on peut dire
que traditionnellement cela s'est concentré essentiellement sur le
règlement des études, le régime pédagogique, le
règlement sur la formation des maîtres. Donc, c'est très
lié à la fonction réglementaire du ministre. C'est
relativement peu forcément, parce que le ministre ne touche pas
tellement souvent au régime pédagogique, quoique cette
année on est à un troisième avis en ligne.
Maintenant, les autres demandes que le ministre a faites, il y en a eu
relativement peu. Historiquement, j'ai en mémoire le mandat sur la
condition enseiqnante en 1983-1984. Il y avait eu le rapport Nadeau sur les
collèges en 1975, mais la demande était venue en 1974. Donc, on
peut dire que les demandes du ministre sont en nombre relativement restreint.
En termes de proportion, bon an mal an, le conseil transmet, je dirais, une
moyenne d'une dizaine d'avis au ministre. Cela peut être huit ou douze,
mais au cours d'un quart de siècle c'est à peu près une
dizaine par année. Cela ne devrait pas dépasser deux ou trois qui
sont demandés par le ministre, mis à part le rapport annuel. Cela
vous donne une idée du type d'investissement.
Il est évident qu'au conseil, dans la pratique, quand une demande
vient du ministre, elle est traitée en priorité puisque c'est le
coeur de notre mandat. Le rapport annuel est traité en priorité
ainsi que les demandes du ministre. Par exemple, très
concrètement, les assez lourdes demandes d'avis qu'on a eues ces
derniers mois ont dû être traitées, en un sens, toutes
affaires cessantes. Je crois que c'est l'ordre de grandeur. Une dizaine en
moyenne et, là-dessus, peut-être deux ou trois demandes par le
ministre.
Quant au sujet même, je vous reporte à nos programmes
d'activités. Prenons l'exemple des dernières années; vous
l'avez d'ailleurs vu vous-même de très près. On citait ce
matin l'intégration des enfants en difficulté, l'enseignement des
mathématiques au primaire, l'enseignement des langues secondes dans les
écoles primaire et secondaire - c'est toujours au cours de cette
même année 1984-1985 - les écoles alternatives, le
renouvellement et le ressourcement du personnel de l'enseignement, les
regroupements au 1er cycle du secondaire. Plus récemment, au cours de
l'année qui vient de se terminer, on en a fait un sur le 2e cycle du
secondaire; on en a fait un sur le mode d'allocation des ressources aux
commissions scolaires; on en a fait un sur les accords Québec-Ottawa en
formation professionnelle; on en a fait un sur les structures scolaires
confessionnelles.
Je dirais que c'est assez variable d'une année à l'autre.
Vous avez ici, déposés, le plan de travail pour 1985-1986 et
celui de 1986-1987. C'est un éventail assez large, je dois dire. Nous
avons en chantier pour très prochainement un avis sur la situation des
sciences humaines dans l'enseignement, l'enseignement supérieur en
particulier. Nous en avons un sur les objectifs de l'école primaire.
Noua en avons un sur l'accessibilité du système aux adultes.
C'est un champ assez varié.
Maintenant, en termes de proportions, comme je vous le disais, c'est
deux ou trois sur dix à peu près qui sont demandés.
L'apprentissage de l'anglais langue seconde à
l'élémentaire
M. Gendron: Une autre question qui m'intéresse au plus
haut point, c'est la question de l'apprentissage de l'anglais au niveau
élémentaire et en particulier pour la première
année du 1er cycle de l'élémentaire. Dans un premier temps
et avant d'aller plus loin, est-ce un avis que vous avez soumis au
ministère par intérêt ou si c'est à la suite d'une
demande du ministre de l'Éducation?
M. Lucier: C'est une demande.
M. Gendron: C'est une demande du ministre de
l'Éducation.
M. Lucier: Oui. Le ministre veut modifier le règlement,
alors il est obligé de nous consulter. C'est une demande.
M. Gendron: À ce sujet, ce que j'aimerais savoir, puisque
je pense qu'entre ce que l'on a pu observer... Je vous le dis tout de suite, je
n'ai pas pu prendre connaissance de l'avis qui a été rendu public
par le Conseil supérieur de l'éducation sur l'anglais. Il m'est
apparu qu'il y avait certaines hésitations. Â un moment
donné, on dit: Le Conseil supérieur de l'éducation est
certain qu'une maîtrise suffisante de l'anglais comme langue seconde,
comme outil de communication, est un objectif pédagogique que doivent
poursuivre l'école primaire et l'école secondaire. Je pense que
cela ne fait aucun doute, c'est très clair dans votre avis. Là
où j'aimerais vous entendre, c'est qu'il me semble, en tout cas à
la lecture non pas de l'avis dont je n'ai pas pu prendre connaissance, comme je
l'ai dit tantôt, mais de ce qui a été écrit dans
différents journaux, que c'est un avis positif, mais avec des
réserves. C'est un "oui, mais". Aujourd'hui, puisque l'on a l'occasion
de vous avoir parmi nous, j'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus
précisément deux choses: c'est-à-dire sur quoi
précisément portaient vos réserves et j'aimerais
entendre
davantage votre point de vue sur le fait que le ministre renonce
à son pouvoir discrétionnaire d'autorisation qu'il entendait se
réserver et, effectivement, préciser les conditions auxquelles
les commissions scolaires devraient satisfaire pour pouvoir dispenser
l'enseignement de l'anglais, langue seconde. À quelles conditions
précises devraient-elles satisfaire? J'aimerais que vous nous exprimiez
un peu plus l'essentiel des éléments qui couvraient les deux
points que je viens de souligner dans ma question.
M. Lucier: Je comprends, M. le Président, que cette
question déborde l'article 294, mais comme il s'agit d'expliquer un avis
qui a été donné il me fait plaisir d'y répondre
quand même, c'est sans problème.
Le Président
(M. Parent, Sauvé): Alors, vous
pouvez y répandre.
M. Lucier: Là-dessus, la position du conseil est nette. Ce
que nous disons, ce que vous avez très bien rapporté d'ailleurs,
c'est que nous croyons à l'opportunité et à la pertinence
des objectifs que nous poursuivons au primaire et au secondaire.
C'est-à-dire que nous voulons qu'au sortir du secondaire nos jeunes
puissent maîtriser de manière courante la langue anglaise et nous
pensons qu'il faut mettre les moyens pour cela. Les moyens efficaces, c'est
essentiellement, nous l'avons répété, d'y affecter des
enseignants qui sont compétents linguistiquement.
 propos de la proposition du ministre, nous disons que c'est en
soi un moyen pédagogiquement valable, à tel point que c'est la
pédagogie que nous imposons, comme collectivité et comme
État, aux petits allophones et aux petits anglophones. Donc, si
c'était si pervers comme pédagogie, si c'était si
dangereux pédagogiquement, ce serait inique de l'imposer aux petits
allophones et aux petits anglophones. Ce que nous disons, c'est que le moyen en
soi n'est pas sans intérêt et est appuyé sur une
pédagogie qui a fait ses preuves, mais à la condition que ce soit
un enseignement de qualité. Si la mesure proposée consistait
à étirer plus longtemps ce que l'on ne réussit pas
à faire correctement pendant huit ans, cela ne donnerait rien. Mais, en
soi, l'exposition plus précoce est un moyen pédagogique avec
lequel le conseil est parfaitement à l'aise, à la condition qu'on
le fasse avec des moyens de qualité, sinon, on n'est pas plus
avancé.
Nous avons tenu à dire au ministre qu'il nous semble que ce n'est
sans doute pas la meilleure amélioration que l'on pourrait apporter
à nos dispositifs d'enseignement de la langue seconde. On ferait mieux
d'investir du côté de la possibilité d'avoir des
enseignements plus intensifs à un moment ou à l'autre. Comme tel,
sur le moyen même de l'exposition plus précoce, nous ne voyons pas
pourquoi nous serions contre. Nous avons essayé de parler en tant
qu'éducateurs, mais nous ne pensons pas que c'est ce qu'il y a de plus
urgent, de plus important et de plus . efficace. Je me permets de vous signaler
que nous reprenons en cela ce que nous avions dit dans notre avis de 1984 qui
portait sur l'enseignement des langues secondes. Nous avions dit que
c'était une question d'efficacité de moyens, en particulier la
compétence des enseignants et la possibilité de faire
l'expérimentation de l'intensif. (15 h 30)
Pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire, nous avons
émis là-dessus des réserves parce que nous ne voyons pas
tellement comment la chose peut être gérée, surtout dans la
mesure où les demandes pourraient être nombreuses. Nous pensons
qu'elles seront nombreuses étant donné que les parents ont
poussé dans beaucoup d'endroits pour avoir cette mesure.
Alors, ce que nous avons dit au ministre, c'est que nous
préférerions que les conditions, s'il y en a, soient
explicitées parce qu'autrement on ne voit pas bien comment cela sera
géré. Ce serait mieux de donner les conditions ou bien, à
la limite, de limiter dans le temps ce pouvoir puisque nous avons un
régime pédagogique qui veut justement éviter qu'il y ait
des traitements arbitraires ou discrétionnaires. Alors, jouons la
logique du régime pédagogique jusqu'au bout.
En même temps, nous comprenons très bien le ministre de
vouloir se donner ce pouvoir discrétionnaire. Nous avons expliqué
tout cela en long et en large dans notre avis. Nous comprenons très bien
les raisons, c'est une question de prudence parce qu'évidemment il faut
tenir compte de la situation très précise de la langue
française en Amérique du Nord.
Alors, nous avons donc concentré notre avis sur les questions qui
nous étaient posées. Oui, c'est un moyen intéressant en
soi à condition qu'il soit de qualité, mais on pourrait trouver
mieux comme moyen, c'est-à-dire privilégier l'intensif. Quant au
pouvoir discrétionnaire, nous ne pensons pas qu'il y ait beaucoup
d'avenir de ce côté.
M. Gendron: Le président du Conseil du trésor sait
sans doute que... Je vais m'exprimer comme cela. Il existe peut-être deux
thèses principales et cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas d'autres.
Par rapport à l'apprentissage de l'anqlais comme langue seconde, il y
avait la thèse de ceux qui prétendaient qu'il était
difficile d'envisager le début de l'apprentissage d'une autre langue
tant qu'on ne maîtrise pas un peu mieux notre langue dite maternelle. Il
y a la thèse de ceux qui disent non et que, compte
tenu des facultés d'adaptation qui sont peut-être
très grandes pour ces jeunes, il est très envisageable de leur
donner une formation pour une langue seconde dès le début de leur
apprentissage au niveau de l'élémentaire.
La question que je voudrais poser puisque le conseil supérieur a
sûrement ce que j'appellerais, dans ses dossiers, ces
éléments d'information qui ont circulé et ce n'est pas
d'hier que cela circule, cela fait plusieurs années qu'on parle de ces
choses... Je voudrais juste savoir si, avant de communiquer son avis, il se
sentait suffisamment équipé de données statistiques ou
autres, de pédagogues ou autres, pour être en mesure de porter
dans un avis, comme je pense qu'on doit le faire, des jugements serrés,
définitifs, sur la capacité de, puisque l'essentiel de l'avis,
même s'il y avait certaines réserves sur des choses que je n'aurai
pas le temps d'approfondir malheureusement - je le dis tout de suite -pour les
mêmes raisons que ma collègue... Déjà, je suis un
peu en retard pour un vol à 16 h 25. Il ne faut pas que je le retarde.
Je vais devoir quitter après cette question...
Une voix: II y a Quebecair.
M. Gendron: ...et je m'en excuse d'avance. Mais j'aimerais que
vous confirmiez uniquement que, oui, vous vous sentiez parfaitement
équipés sur le plan des informations précises, que ce soit
ce qu'on appelle les volets pédagogiques ou les volets de recherche de
capacité d'apprentissage. Est-ce que vous avez rebrassé, en
termes d'éclairage, au sein du conseil supérieur, ces
éléments pour transmettre votre avis sans conclure qu'il y aurait
lieu, peut-être, de faire une demande de recherche plus
spécifique?
M. Lucier: Si vous me demandez si notre avis a été
pesé ou éclairé, la réponse est oui. J'imagine que
ce n'est pas ce que vous voulez dire. Vous ne voulez pas insinuer que l'avis
était léger.
M. Gendron: Pas du tout.
M. Lucier: Alors, comme d'habitude, nous avons établi
notre position sur ce qu'il y a de mieux comme données. Celles-ci
étaient disponibles et tenues fraîches au conseil puisque nous
avions donné un avis sur cette question il y a deux ans. Nous citons
tout cela dans l'avis en indiquant qu'il n'est pas possible de trancher au
couteau là-dedans. Vous savez, les spécialistes se divisent,
mais, finalement, il nous a fallu donner un... Parce qu'il faut donner une
réponse au ministre. Nous avons donné un avis qui nous a
semblé un avis de sagesse de citoyen en nous disant que, finalement,
dans un certain sens, notre collectivité a tranché
là-dessus puisque c'est ce qu'elle impose aux petits allophones et
anglophones. Dans le cas des jeunes francophones, la chose ne serait même
pas obligatoire! C'est là où on le souhaite et où on peut
le faire correctement. Ces données nous sont tout à fait connues.
D'ailleurs, nous les citons abondamment. À la limite, ce ne sont
même pas de nouvelles recherches qui pourront trancher parce que cela va
simplement ajouter, je dirais, au sic et non ou au pour et au contre. Alors,
à la limite, il faut prendre un jugement de sagesse; c'est ce que nous
avons essayé de faire. D'autant que le pas que le ministre voulait faire
franchir n'est pas un pas qui rend l'anglais obligatoire, contrairement
à ce qui a été colporté; c'est de le rendre
possible. C'est d'ailleurs une ouverture assez mince qui est faîte dans
la proposition. C'est ce que nous avons dit dans l'avis.
M. Gendron: Je vous remercie. Je suis obligé de
m'excuser.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest, on vous souhaite un très bon
voyaqe de retour avec Quebecair.
Une voix: Sans peur.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je demande le
consentement pour passer outre à la règle de l'alternance et cela
pour la même raison. Mme la députée de Chicoutimi doit
prendre l'avion aussi. Je sollicite votre collaboration pour entendre Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Le
président sollicite, Mme la députée.
Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président.
Effectivement, je dois m'excuser également auprès du Conseil
supérieur de l'éducation, du président et des personnes
qui l'accompagnent. Je ne pourrai pas rester jusqu'à la toute fin parce
que je suis appelée dans mon comté. Comme je dois revenir
à Québec ce soir, il faut aussi que je parte. Je le rappelle,
comme les transports aériens dans mon coin ne sont pas très
faciles, je dois prendre la voiture.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous
inviterais à aller au but maintenant, Mme la
députée...
Mme Blackburn: Bien, monsieur.
Le Président (M. Parent, Sauvé): ...afin de ne pas
perdre ce temps précieux que vous n'avez pas.
Mme Blackburn: L'avis que vous avez donné a
été interprété différemment par les
journaux, et je pense que vous avez pu le constater. D'aucuns disaient de
façon claire: Le Conseil supérieur de l'éducation partage
l'avis du ministre. Pour d'autres, c'était un peu plus nuancé. Je
l'ai lu de façon attentive. J'aimerais être convaincue, mais je
vais essayer de m'expliquer.
Dans un article signé par M.Ryan, dans Le Devoir du 14
avril 1975, qui référait à une étude qui a
été faite en Grande-Bretagne et que vous connaissez
certainement...
M. Lucier: Que nous citons.
Mme Blackburn: Ils avaient pris huit ans, huit ans et demi, neuf
ans, et les autres groupes qui ont suivi le cheminement... En conclusion, il
était dit: "On peut difficilement échapper à la conclusion
que la preuve accumulée, conjointement avec l'évolution (...) a
fait pencher la balance dans un sens défavorable à une expansion.
possible de l'enseignement du français dans les écoles
primaires." Je vous épargne la conclusion de M. Ryan là-dessus,
qui disait que la thèse de Pendfield était infirmée et que
ce n'est pas nécessairement plus efficace parce qu'en conclusion,
à heures égales, les clients plus âgés progressent
plus vite.
Ce que je veux dire là-dessus, c'est que tout à l'heure
vous justifiiez l'enseignement de l'anglais dès le 1er cycle du primaire
en disant: Pourquoi cela serait-ce inéquitable à l'endroit des
jeunes francophones, alors que c'est imposé aux anglophones et aux
allophones? Je vous dis que ce n'est pas la question d'être
équitable ou d'être inéquitable envers un goupe ou l'autre.
Pourquoi serait-il inique d'imposer aux francophones ce que l'on impose
déjà aux anglophones et aux allophones? Je reprends textuellement
votre terme d'"inique" de tout à l'heure pour dire que je pense que ce
n'est pas vraiment comme cela que se pose la situation, la question de
l'enseignement de l'anglais dès le 1er cycle du primaire, au
Québec.
J'ai échangé des propos sur cette question avec des gens
de Toronto. Précisément, ils disaient: Au fond, cela ne nous
dérange pas qu'on l'enseigne. Même, on est très
intéressé à ce qu'ils enseignent le français
très tôt. Cependant, la différence, c'est que tout
l'environnement social, dans certains quartiers à Montréal et je
dirais de façon générale au Québec, est anglophone.
Le jeune enfant, dès trois ans, quatre ans, peut trouver dix, quinze,
vingt canaux anglais. Il commence à l'âge de trois ans à
regarder les bandes dessinées en anglais, les vidéos sont
anglais, les dessins animés sont anglais, la chanson est anglaise, il y
a un environnement qui a des effets certains sur la capacité de bien
maîtriser sa langue première. Une exposition
prématurée ou précoce à l'anglais, langue seconde,
qui domine partout dans son paysage, on ne peut pas considérer cela de
la même façon que le fait d'apprendre le français à
un jeune Torontois ou d'apprendre le français à un jeune
anglophone. Les jeunes anglophones ont tout leur entourage qui est anglophone
également. Ils ont les postes de télévision, les
bibliothèques, la littérature et ainsi de suite. Ils ont le
même environnement linguistique que les francophones. Donc, ils ne
peuvent pas se trouver pénalisés au plan de l'acquisition de la
langue maternelle par l'apprentissage d'une lanque seconde, ce qui n'est pas le
cas des jeunes francophones au Québec. C'est ce qu'on avançait et
qu'on reconnaissait comme un fondement suffisamment sérieux pour nous
interroger.
Pour ce qui est des allophones, la question se présente
autrement. Là-dessus, vous avez certainement des informations que je
n'ai pas. Je les ai vu passer, mais je ne m'y suis pas complètement
arrêtée. Les allophones à Montréal - ils sont
majoritairement là - ont de la difficulté à
maîtriser le français pour deux raisons, nous dit-on. La
durée de formation et d'immersion totale devrait être
prolongée parce qu'ils sont souvent dans un milieu anglophone: ils
jouent dehors avec les petits copains en anglais et ils ont une langue
maternelle à l'intérieur. Donc, ils ont déjà des
difficultés à apprendre le français. Comment allons-nous
en même temps faciliter l'apprentissage de la langue française par
les allophones - j'espère que vous partagez avec nous l'avis que c'est
la langue du Québec et qu'il faudrait essayer de faire des efforts pour
ta maintenir - et leur apprendre l'anglais? Ils ont déjà de la
difficulté à maîtriser le français. Je dirais que ce
n'est pas seulement les allophones qui ont de la difficulté à
bien écrire le français, mais il y a une difficulté
particulière qui a été signalée là, si je ne
m'abuse, par la CECM. J'ai vu cela dans les journaux récemment.
Je pense que parler de l'enseignement, et je sais que vous y avez
sûrement réfléchi, cela a certainement été
fait avec beaucoup de sérieux... C'est pourquoi je me demande si, dans
ces données, on a bien tenu compte de l'environnement linguistique des
jeunes Québécois, de l'environnement socioculturel des jeunes
Québécois au Québec. Ne faut-il pas une certaine prudence
quand on parle d'enseigner une langue seconde dans laquelle ils sont
baignés quotidiennement, alors qu'ils ne maîtrisent pas bien la
langue maternelle?
Ensuite, ma seconde question est: Si on a de l'argent à investir
au Québec sur les six à huit ou neuf ans, est-ce qu'il ne
faudrait pas l'investir dans des outils, dans des méthodes, dans des
moyens, dans la durée de l'enseignement de la langue
première où ils ont déjà des
difficultés considérables? Alors, c'est en gros, d'autant plus,
si je tiens pour acquis...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la
députée de Chicoutimi, une question de règlement.
Mme Blackburn: Oui?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je pense que vous
êtes en train de demander à nos invités une opinion.
Mme Blackburn: C'est sur leurs orientations.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Non, non, madame,
je regrette. Ce n'est pas...
Une voix: M. le Président...
Le Président (M. Parent, Sauvé): ...sur leurs
orientations. Je pense que c'est "borderline". Je veux que M. Lucier et ses
invités se sentent bien à leur aise de répondre ou de ne
pas répondre. C'est très "borderline", vous l'avouerez avec
moi.
Mme Blackburn: Je dirais, M. le Président, si vous le
permettez, qu'on est en train d'examiner le contenu d'une activité du
président du conseil.
Le Président (M. Parent, Sauvé): On est train de...
Non, non.
Mme Blackburn: Je ne voulais pas...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, s'il
vous plaîtl On est en train d'étudier une activité du
conseil qui est celle d'émettre des opinions ou des recommandations au
ministre. On n'est pas là pour porter des jugements, pour aller
s'informer de la pertinence et des motifs qui ont incité la commission
à donner des avis au ministre. Par contre, je ne vous dis pas que je ne
le reconnais pas; je suis bien prêt à le reconnaître. Je
veux seulement mettre le monde en garde pour demeurer dans la mesure et dans le
champ que le règlement 294 nous autorise.
Mme Blackburn: M. le Président, si vous permettez. Je
pense bien que le président est assez autonome pour répondre ou
ne pas répondre aux questions qu'on lut a posées
là-dessus. Tout ce que je voudrais simplement dire, c'est qu'on est en
train de... Comme on parlait des activités du conseil, un peu comme l'a
fait mon collègue d'Abitibi, je me demandais simplement à partir
de quel éclairage ou s'il avait aussi pensé placer cette
situation dans la perspective où j'étais en train de le
faire.
Essentiellement, c'était cela.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Lucier. (15 h
45)
M. Lucier: II est évident que, pour ce qui est du contenu
des avis que nous émettons, nous considérons que nous jouissons
de la pleine souveraineté et que nous n'avons pas à justifier ici
le contenu des avis. Cela étant dit, nous ne nous formalisons pas outre
mesure et, dans la mesure où c'est un avis qui a été
émis par le conseil et qui est public, cela me fait plaisir de vous
répéter son contenu. Je ne veux pas entreprendre un débat
sur le fond davantage. Maintenant, je n'ai pas d'objection à aller un
petit peu plus avant. II y a deux aspects à la question, il y en a
même plusieurs. Par exemple, pour ce qui concerne l'étude qui a
été citée par Mme la députée de Chicoutimi,
une des conclusions qu'on en tire, c'est justement qu'il est plus efficace et
plus intéressant d'investir du côté des enseignements
intensifs, même si cela vient plus tard. C'est de ce point de vue
là que, nous, nous avons utilisé ce genre de travaux. C'est
d'ailleurs en toutes lettres dans l'avis.
Pour ce qui est, je dirais, du contexte socioculturel particulier qui
est le nôtre, nous avons eu l'occasion, dans notre avis de 1984 sur
l'enseignement des langues secondes - c'est un des avis, d'ailleurs, auxquels
nous n'avions pas eu réponse - justement de brosser l'ensemble de cette
situation pour en conclure qu'il y avait de la prudence à manifester,
mais que, au bout du compte, dans la mesure où les objectifs mêmes
de notre programme, c'était d'amener l'ensemble des élèves
de la fin du secondaire à pouvoir utiliser correctement la langue
seconde, il fallait prendre les moyens efficaces pour que les investissements
que nous y consacrions portent des fruits. Nous avons
répété exactement la même perspective et nous
continuons à penser qu'il faut faire preuve de prudence. Mais, en
même temps, nous n'avons pas regardé cela du point de vue de
l'équité, je dirais, le traitement différent des
allophones, des anglophones et des francophones. C'était plutôt
une question d'efficacité pédagogique. Nous avons fait un choix
pédagogique, et je tiens à redire que, si c'était un choix
pervers et inique, il serait épouvantable de le maintenir. Nous pensons
qu'il y a assez de raisons positives. Dans la mesure où c'est fait
correctement et dans la mesure où on assure, par ailleurs, la
sécurité de la langue française, on ne voit pas pourquoi
on se priverait de prendre des moyens qui pourraient être
éventuellement efficaces pour atteindre des objectifs des programmes
eux-mêmes.
Quant au dernier aspect de la question, je me permets d'en dire quelques
mots, puisque le conseil l'a abordé directement. Le
conseil a refusé de mettre dans la balance l'anglais et le
français comme si, en investissant moins en anglais, on allait
automatiquement investir davantage en français. Nous avons pris, nous,
les problèmes un par un. Nous avons dits Est-ce que nous avons des
objectifs- en enseignement de l'anglais langue seconde? Alors, il faut prendre
les moyens pour y arriver efficacement et correctement. Ce n'est pas parce que
nous ne ferons pas d'efforts du côté de la langue seconde que nous
en ferons automatiquement du côté de la langue première.
Nous pensons que le traitement de l'enseignement du français, langue
maternelle à l'école, doit être pris pour lui-même et
traité vigoureusement pour lui-même. Il y a une constatation qu'on
peut faire, c'est que, en général et très souvent,
l'excellence comme la médiocrité ont tendance à se
manifester dans plusieurs champs à la fois. Mais nous ne pensons pas que
c'est en nous privant de moyens efficaces pour enseigner la langue seconde que
nous allons automatiquement faire mieux en français.
Donc, ce que nous avons essayé de faire dans cet avis, c'est de
répondre très exactement à la question qui était*
posée. Nous avons refusé de la laisser absorber ou être
submergée par le dossier prioritaire, nous en convenons, de la
qualité de la langue française. D'ailleurs nous avons eu
l'occasion de dire des choses là-dessus récemment, nou3 en dirons
même encore, concernant le français, mais nous avons refusé
une approche par vases communicants, si vous me permettez l'expression.
Mme Blackburn: Je dois malheureusement quitter. M. le
président, j'aimerais qu'on puisse poursuivre la conversation, pas
seulement sur cette question, sur d'autres avis que vous avez donnés qui
touchent - et je pense bien que mon collègue qui est porte-parole de ce
dossier sur le primaire et le secondaire serait intéressé
également - la question de la formation professionnelle des jeunes, les
difficultés que cela pose, un certain nombre de dossiers qui nous
tiennent aussi à coeur et qui, je le sais d'avance, vous tiennent
également à coeur. Cela m'a fait plaisir de vous rencontrer. Je
voudrais juste m'excuser, peut-être que j'ai pu paraître un peu
sévère...
M. Lucier: Oui.
Mme Blackburn: ...mais, dans la question qui se pose aujourd'hui
en ce qui concerne la langue française au Québec, on peut
difficilement ne pas séparer les individus et les communautés. On
n'a pas voulu travailler par vases communicants, mais, malheureusement,
l'individu n'est pas compartimenté et la société l'est
malheureusement trop souvent, mais cela communique quand même. Dans ce
sens-là, je pense bien qu'on ne peut pas, à la période ou
au moment où on se parle, traiter de la question linguistique en toute
sérénité et sans s'interroger de façon plus globale
sur ce que cela veut dire par rapport à l'avenir de la lanque
française au Québec. C'est l'essentiel de ma
préoccupation. Cela ne se voulait pas une critique à votre
endroit.
Sachant la pertinence et la qualité des recherches qui se font
chez vous, je voulais, simplement pour ma propre gouverne, vérifier un
peu les différentes hypothèses qui avaient été
examinées avant que vous concluiez aux recommandations qu'on retrouve
dans votre avis. Je vous remercie et au plaisir.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, merci
à la députée de Chicoutimi, bon voyage de retour» Et
je reconnais, maintenant, le député de Rimouski.
L'efficacité du conseil
M. Tremblay (Rimouski ): M. le Président, ma question
veut se rattacher un peu à toute l'évolution du Conseil
supérieur de l'éducation depuis l'année 1964. Si je
comprends bien, vous en êtes à votre 20e rapport annuel ou quelque
chose de près. Et je regardais le rapport de 1982-1983 qui a
porté surtout sur l'évaluation, 1983-1984 c'était: "La
parole est aux élèves et aux étudiants", surtout sur
l'acte d'apprendre. Après cela, vous avez d'autres thèmes que
vous essayez d'explorer à chaque année comme cela.
Je dois vous dire que vos rapports, en passant, sont très bien
faits et cela a dû demander beaucoup de travail et beaucoup d'attention
de votre part et je vous en félicite. Mais je m'interroge: Quand
allez-vous produire le rapport des rapports? Parce que, voyez-vous, je
comprends qu'après le rapport écrit il est lancé dans le
public et les gens en disposent à leur façon. Les avis sont
donnés au ministre de l'Éducation, mais ma question est la
suivante: Pour le Conseil supérieur de l'éducation, après
qu'il a donné ses avis, après qu'il a écrit son rapport,
après qu'il a tellement bien analysé les problèmes du
vécu de l'enseignement, est-ce une préoccupation d'aller plus
loin dans le milieu pour savoir si vraiment les avis, les recommandations du
rapport sont bel et bien appliqués? C'est très lent
l'éducation, l'évolution. Je me rappelle, pour y avoir
été pendant une dizaine d'années, combien c'est lent
l'évolution de la directive après que vous l'avez écrite.
Lorsqu'elle est écrite et transmise dans le milieu, combien cela prend
de temps? Je ne sais pas, je m'interroge, il ne s'agît pas juste
d'écrire et d'écrire et de proposer et de recommander, j'aimerais
qu'on aille plus loin et qu'on puisse voir comment ces directives ou ces
recommandations sont appliquées dans ie milieu.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.
M. Lucier: Cette question rejoint une des questions qu'on a un
peu traitée ce matin. Le conseil essaie d'exercer, je dirais,
scrupuleusement son mandat d'organisme consultatif. Donc, il n'émet pas
de directives, il n'est pas administrativement responsable de quelque
décision que ce soit. Alors, quand les avis sont remis au ministre,
c'est à lui d'agir. Et nous, nous nous efforçons de faire
connaître l'avis, nous pensons que c'est une de nos missions, non pas par
mode d'animation des. milieux, nous essayons de diffuser, nous répondons
aux demandes, il nous arrive de prêter notre concours dans des colloques,
parfois, qui s'organisent autour de nos textes, mais nous n'avons pas de
fonction d'implantation au sens strict du terme.
Tant et si bien que, lorsque nous suivons ou nous assurons un certain
suivi des retombées de nos dossiers, c'est en vue, en un certain sens,
de nouveaux avis si on sent le besoin de revenir sur la question. Mais je crois
qu'il est important que nous nous rappelions le mandat d'un organisme
consultatif. Nous n'avons pas de mission d'implantation. Nous ne sommes pas
décisionnels. Mais il n'y a rien qui empêcherait un ministre de
s'emparer d'une conclusion, d'une recommandation à laquelle il croirait
lui-même pour la mettre en oeuvre. Alors, nous suivons - puisque nous
suivons l'état et les besoins de l'éducation de mois en mois, de
semaines en semaines -l'évolution des situations. Il nous arrive de
revenir sur des points que nous avons déjà traités mais
toujours à la façon d'un organisme consultatif. Je sais qu'il y a
dans cela à la fois une immense force et une immense faiblesse. Nous
avons les moyens d'un pouvoir moral. Dans certains cas, c'est la
répétition ou la reprise de certaines idées qui finissent
par faire leur chemin, mais nous pensons que nous devons rester dans la ligne
de ce mandat-là, le mandat d'un organisme consultatif. Je ne sais pas si
je réponds à la question telle qu'elle était...
M. Tremblay (Rimouski): Oui, je sais que la question a
été assez vaste mais je me pose en même temps la question
de l'utilité du Conseil supérieur de l'éducation. Je
comprends que c'est un rôle consultatif et que la discrétion du
ministre reste pleine et entière, à savoir s'il doit se
préoccuper des recommandations ou pas. Mais si, à un moment
donné, après 20 ans, on a recommandé tout le temps la
même chose, par exemple, ou des choses qui étaient similaires ou
qui avaient une certaine affinité, est-ce qu'à force de
répéter cela et que ça ne se traduise pas dans les faits
cela ne mine pas un peu votre pouvoir et votre existence même? Dans le
sens qu'à un moment donné je vais dire: Mon Dieu! le Conseil
supérieur de l'éducation fait des recommandations ou des
suggestions au ministre mais le ministre ne s'en occupe pas, alors cela
n'avance à rien. La seule chose c'est que cela brasse de l'eau mais cela
ne va pas dans le milieu. Les gens dans le système de l'enseignement,
les professeurs, les élèves et tous ceux qui sont
intéressés par l'éducation ne sentent pas que les lacunes
du système d'enseignement décelées par les enquêtes
du ministère de l'Éducation sont corrigées. C'est
là que j'essaierais de voir s'il n'y a pas moyen de revenir sur vos
recommandations antérieures, faire le point et dire: Voici, nous sommes
rendus en 1986, depuis 1964 que nous faisons des rapports, il y a certaines
choses qui ont été accomplies, d'autres qui restent à
faire, M. le ministre, nous vous recommandons fortement d'agir dans ce
sens-là. Est-ce que cela peut aller aussi loin?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui?
M. Lucier: Oui, absolument, écoutez, peut-être que
c'est difficile de reprendre ce qu'on s'est dit ce matin sur les
retombées de ce genre d'avis. Comme je le signalais ce matin, il y a un
certain nombre de retombées qui sont faciles à vérifier
quand il s'agit de points réglementaires ou de choses comme cela.
À ce moment, il est assez facile de cerner quels sont les impacts
vérifiables de nos avis. Sur cela, la moyenne au bâton est assez
élevée. Il y a un autre type d'impact que je signalais ce matin,
qui est plus fort et qui consiste parfois à orienter la position
même des problèmes. Cela est plus subtil, mais non moins
important, je crois. Vous parliez du "rapport des rapports", je ne sais pas si
on comprend la même chose, mais celui qui vous sera déposé,
celui de 1985-1986, est un effort qui fait le point sur l'éducation
aujourd'hui et sur ce que devraient être les champs prioritaires d'action
pour les prochaines années. Nous avons risqué cette année
ce rapport global qui n'est pas sur un thème mais qui indique,
justement, à travers beaucoup de thèmes quels pourraient
être les accents qui nous paraissent correspondre à des besoins
plus pressants actuellement.
M. Tremblay (Rimouski): Merci, M. le président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le
député de Richelieu. (16 heures)
M. Khelfa: Merci, M. le Président. J'aurai deux questions.
Une, bien sûr, à la suite de l'intervention du
député
d'Arthabaska, même si une intervention du président en
réduit la portée. Ma question est la suivante. Vous avez
mentionné que le conseil comme tel donne des avis sur toute sorte de
dossiers de toute nature. Tantôt, à une réponse au
député d'Abitibi-Ouest, vous avez mentionné qu'en
1983-1984 vous avez produit un rapport sur la condition de l'enseignement, la
condition étudiante, les préoccupations étudiantes.
C'était pendant la période de négociation, à
l'époque, si je ne me trompe pas.
M. Lucier: Sur la condition enseignante.
M. Khelfa: C'est cela. Vous ne croyez pas que ce rapport comme
tel a pu créer des attentes pendant cette période où les
deux parties, la partie A et la partie B, étaient en négociation?
Vous ne croyez pas qu'à un moment donné un rapport qui peut
sortir puisse créer des attentes chez une partie contre l'autre? Je ne
veux pas faire de la politique, sauf que, si ma mémoire est bonne, le
rapport est sorti et il a été pris par la partie syndicale comme
un support, un appui.
M. Lucier: Ce n'est pas impossible. Je voudrais simplement
rappeler un certain nombre de faits. 3e n'étais pas au conseil à
ce moment-là. Les faits sont les suivants: il faut se rappeler que le
ministre avait demandé cet avis au conseil. Il l'avait demandé au
moment précis où il l'a demandé, c'est-à-dire en
négociation. Il avait demandé au conseil d'aller écouter
les enseignants partout dans la province, ce qu'il a fait, et de remettre son
rapport à une date donnée. C'est tout ce que le conseil a fait.
Il est possible qu'il y ait eu des utilisations,.. Ce n'est pas impossible que
cela puisse faire l'affaire davantage d'un côté que de l'autre. Du
point de vue de la gestion de l'organisme, je dois rappeler des faits que je
vous ai rappelés. C'est une demande du ministre, même avec une
méthodologie demandée par le ministre, à un moment
décidé par le ministre et, dans ces cas-là, le conseil n'a
pas le choix. La loi l'oblige à répondre et il a
répondu.
M. Khelfa: Si je comprends bien, la réponse que vous avez
donnée au moment où cela a été mentionné,
c'est que c'était à la demande du ministre de
l'époque.
M. Lucier: Oui.
Avis du conseil sur les questions
linguistiques
M. Khelfa: Merci. Ma deuxième question, si vous le
permettez, concerne l'enseignement de l'anglais. J'ai vu tantôt la
députée de Chicoutimi - malheureusement, elle n'est plus
là - torturer une question indirecte. Je vais vous la poser directement.
Lorsque le ministre vous a demandé l'avis concernant le régime
pédagogique et surtout l'enseignement de l'anglais, est-ce que
c'était un avis pour l'anglais comme tel ou si c'était versus
l'enseignement du français langue maternelle?
M. Lucier: Non, c'était un avis sur le... Pardon?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Encore avec la
même mise en garde.
M. Lucier: Oui. J'apprécie que vous nous mettiez à
l'aise, mais je vous rappelle que nous sommes nous-mêmes très
vigilants.
Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord.
M. Lucier: C'était une demande d'avis portant sur un
ensemble d'amendements au réqime pédagogique du primaire et du
secondaire. Dans le cas du primaire, il y avait sept ou huit points de
règlement que le ministre voulait changer, dont celui à l'article
46 qui porte sur l'enseignement possible de l'anglais au 1er cycle. AIors, nous
avons répondu pour l'ensemble. Évidemment, les médias ont
mis davantage l'accent sur l'article 46, mais c'était à
l'intérieur...
M. Khelfa: D'une demande globale.
M. Lucier: ...d'une demande globale sur les régimes
pédagogiques»
M. Khelfa: Votre avis concernait la qualité de
l'enseignement de l'anqlais qui pourra se donner.
M. Lucier: Non.
M. Khelfa: Même pas.
M. Lucier: La demande était très
précise.
M. Khelfa: Quand vous avez fait votre étude pour donner
votre avis, est-ce que vous avez fait l'étude concernant le
régime pédaqogique d'un côté et, d'un autre
côté, le personnel enseignant existant dans le réseau qui
pourra donner ce service, sans parler du tout de la langue française
comme langue maternelle? On parle de l'anglais comme tel. Est-ce que vous avez
fait votre évaluation seulement en ce qui concerne le bien de
l'étudiant dans un environnement social, un environnement réel et
réaliste, ou bien si vous l'avez fait sous forme d'une volonté
d'isolement de ces étudiants, d'un contexte réel?
M. Lucier: Nous essayons toujours dans nos avis de tenir compte
du bien des étudiants et des élèves. C'est notre
première priorité. Maintenant, dans le cas précis que vous
signalez, il y a deux ans, nous avions préparé et remis un avis
au ministre sur l'enseignement des langues secondes dans les écoles
primaires et secondaires, si bien que nous disposions déjà au
conseil d'un bagage de recherches et de données que nous avons pu
utiliser encore. Cette fois-ci, nous avons répondu spécifiquement
à la question qui nous était posée en nous fiant aux
objectifs que nous poursuivons pour les jeunes du primaire et du secondaire et,
nous semble-t-il, dans le meilleur intérêt de nos enfants.
M. Khelfa: C'est-à-dire dans l'intérêt de
l'enfant, dans le contexte actuel.
M. Lucier: C'est ce que nous pensons. Nous avons dit que les
objectifs poursuivis à l'école, qui sont de rendre les jeunes
francophones capables d'utiliser correctement l'anglais à la fin du
secondaire, sont de bons objectifs et qu'il faut prendre les moyens pour les
atteindre. Nous pensons que c'est dans l'intérêt des jeunes de
prendre les bons moyens pour les atteindre.
M. Khelfa: D'accord. Qu'est-ce que vous pensez de l'immersion
directe de l'étudiant en langue anglaise, au niveau primaire?
M. Lucier: En langue anglaise? M. Khelfa: Oui.
M. Lucier: Là aussi, je ne déborderai pas le cadre
de l'avis que nous avons remis au ministre. Nous ne recommandons pas au
ministre d'ouvrir la porte à l'immersion en langue anglaise à ce
moment-ci. Nous pensons qu'il y aurait plus d'avenir à fouiller du
côté de l'intensif d'abord. Nous ne disons pas que nous tiendrons
ce discours pendant 25 années encore, mais, contrairement à ce
que certains médias ont rapporté, nous n'avons pas
recommandé l'immersion; c'est un cas tout à fait autre que
l'enseignement intensif.
M. Khelfa: D'accord. Une dernière question, si vous me le
permettez, M. le Président.
M. Jolivet: On vous a échappé. Quand je suis parti,
on avait demandé la possibilité de donner la parole à M.
le député de Sherbrooke. Là, on est rendu à
trois.
M. Khelfa: Si je comprends bien, M. le député de
Laviolette, vous ne voulez pas que je parle.
M. Jolivet: Non, pas du tout.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Richelieu, parlez.
M. Khelfa: Pour terminer, quelle est votre vision des choses?
Moi, comme enseignant de langue anglaise au primaire, je crois fondamentalement
que l'étudiant, s'il veut atteindre ses objectifs et avoir une langue de
qualité, doit l'apprendre au moment où il est capable de
l'apprendre. L'enseignement à partir de la première année,
d'après moi, c'est le meilleur moment. Ce n'est pas un handicap d'avoir
l'environnement social que nous connaissons, d'avoir l'environnement
audiovisuel que nous connaissons, d'avoir l'environnement réel que nous
connaissons à l'heure actuelle. L'anglais est à la
télévision, l'anglais est au cinéma et un peu partout. Ne
croyez-vous pas qu'à partir du 1er cycle l'élève ou le
jeune Québécois pourra être muni des outils pour apprendre
une langue seconde qui lui servira durant sa vie?
M. Lucier: Je reviendrai à notre avis. Nous disons au
ministre que le moyen qu'il prend est un moyen pédaqogiquement
éprouvé, à la condition qu'il soit de qualité, mais
qu'il y aurait mieux à faire si nous avions de l'enseignement intensif,
mais nous n'avons * rien contre la possibilité, de commencer au 1er
cycle.
M. Khelfa: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur.
Après une brève intervention du député de
Sherbrooke, je reconnais le député de Laviolette.
Augmentation des traitements et des loyers
M. Hamel: Merci, M. le Président. M. Lucier, ma question
est dans un secteur beaucoup plus terre à terre, c'est dans le domaine
des crédits et du budqet. Je lisais dans le sommaire des crédits
qu'il y avait une variation de 11,42 % dans le budqet et que cette variation
était attribuable à l'ajustement des traitements du personnel:
plus 12,9 % et aussi au rapatriement, au conseil, des crédits
nécessaires à la location de ses locaux, plus 214,7 %.
J'aimerais, s'il vous plaît, avoir quelques explications d'abord sur
l'augmentation de traitement d'environ 13 % et ensuite savoir comment il se
fait que les locaux aient subi une augmentation aussi drastique.
Une voix: C'est plus que 3,5 %.
M. Lucier: Pour ce qui est des traitements, ce sont des
ajustements
mécaniques de la fonction publique. Personne n'a eu plus que tous
les autres. Je n'ai pas cela sous les yeux. Quant aux loyers, auparavant ils
n'étaient pas dans notre budget à nous. Ils les ont mis dans
notre budget. Cela n'a rien changé à nos locaux. C'est une
question d'imputation budgétaire, c'est tout.
M. Hamel: Ces documents, défense des crédits
1986-1987 et formulaires de présentation des activités, sont
datés du 25 mars 1986. Alors, c'est surtout l'augmentation des
traitements du personnel, 12,9 %, qui m'a vraiment frappé, étant
donné que nous sommes assujettis à 3,5 %.
Une voix: Même les députés!
M. Lucier: Écoutez, tout ce que je peux vous dire, c'est
que le personnel a eu exactement les mêmes augmentations que partout
ailleurs. C'est la même Loi sur la fonction publique, les mêmes
syndicats, les mêmes décrets. Il est possible qu'il y ait eu un
transfert budgétaire d'un poste qui pouvait être payé
ailleurs. Je voudrais le vérifier ici, mais...
M. Jolivet: Ce ne serait pas le fait d'avoir inclus des montants
de 90 000 $ pour le président?
M. Lucier: Non, parce que cela c'est en mars 1986.
M. Jolivet: Pour les catholiques et les protestants, 90 000
$.
Le Président (M. Parent, Sauvé): On va attendre la
réponse.
M. Lucier: Excusez-moi. Ce n'est pas une augmentation...
Attention. J'ai le texte sous les yeux. Les augmentations aux traitements, ce
n'est pas 12,9 %, c'est plus 12 900 $. Il n'y a pas de pourcentage. La masse
des traitements a augmenté, pour l'ensemble du personnel, de 12 900 $.
Ce qui s'applique partout s'est appliqué chez nous, ce n'est pas un
pourcentage.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Très
bien.
M. Hamel: ...dans la variation et non dans les montants.
M. Lucier: La variation est de 11,42 % attribuable à 214
000 $ de transfert de loyer et à 12 900 $ de... Je vous écoutais
avec 12 %, je me disais: Mais, il n'y a pas de pourcentage.
Le Président (M. Parent, Sauvé): La formulation
laisse à désirer.
M. Hamel: C'est une bonne clarification, merci.
M. Lucier: C'est en milliers de dollars. M. Hamel:
Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Donc, M. le Président, c'est à mon
tour. Avec ce qu'on" vient d'avoir comme questions, peut-être qu'il
serait bon que les nouveaux députés aient des cours sur la
façon dont les budgets sont préparés au gouvernement.
Deuxièmement, peut-être aurait-on pu répondre à la
question de la députée de Chîcoutimi, ce matin, et
expliquer ce qu'est un conseil consultatif; ainsi, on n'aurait pas eu la
question du député d'Arthabaska ce matin. Cela, c'est entre nous
autres.
Fonctionnement du conseil
La question que je veux poser, c'est: Vous avez à
présenter des rapports annuels, vous avez à présenter des
avis, les uns étant demandés par le ministre, les autres
étant préparés à votre instigation. Quel est le
processus que vous employez pour faire en sorte que finalement arrive devant
nous un rapport sur un avis de l'enseignement primaire-secondaire, avec ce
qu'on vient de discuter sur la langue anglaise en première année?
Est-ce qu'il y a des formules de votation? Est-ce que c'est par consensus? De
quelle façon procédez-vous pour faire un rapport qui devient
l'avis public ou le rapport annuel?
M. Lucier: On pourrait traiter séparément
l'élaboration et le processus d'adoption, si vous voulez.
L'élaboration, c'est toujours décidé au conseil. Le
processus est décidé au conseil, même, en un sens. Le
conseil nomme des responsables de dossiers, soit sous forme d'un de ses
sous-comités ou convient qu'on va traiter de tel ou tel sujet et, pour
le préparer, il peut soit le demander à une de ses commissions,
soit former un groupe de travail ad hoc auquel est joint du personnel de
secrétariat. Là, on élabore la problématique, on
cerne le sujet et, s'il y a des travaux de recherche qui sont demandés,
la commande est passée, si je peux dire, à notre service de
recherche interne et la chose s'élabore. Il y a toujours, donc, des
responsables de dossiers qui sont des membres du conseil ou des commissions.
C'est toujours la manière de procéder. Ces gens-là font
des consultations; cela dépend du protocole de travail qui est convenu,
cela dépend des sujets et cela s'élabore. En
général, ils viennent au conseil pour un rapport d'étape,
par exemple. Ils viennent
auprès du conseil voir si les orientations qui se dessinent sont
celles que le conseil veut adopter. Parce que c'est le conseil qui adopte. Ce
n'est ni les fonctionnaires, ni les sous-comités. Quand le fruit
paraît mûr et selon les échéanciers prévus,
c'est déposé au conseil pour discussion et adoption à une
réunion régulière. C'est le processus
général. (16 h 15)
Quand les demandes viennent du ministre et qu'elles sont urgentes, on se
retourne un peu plus vite. Il faut former rapidement des "taskforces" et on se
bouscule un peu pour siéger plus rapidement. C'est souvent toutes
affaires cessantes, à ce moment-là. On met l'ensemble des
ressources à la disposition du dossier. Mais le résultat est
toujours le même. Quand le fruit paraît assez mûr, c'est
déposé au conseil pour discussion et adoption.
Alors, les discussions se passent -comment comparer cela - comme un
genre de comité plénier. Les gens réagissent sur le texte.
On le prend globalement ou partie par partie. En général, les
gens arrivent très bien préparés, ayant bien annoté
des choses. On se prononce sur la recevabilité de l'ensemble et ensuite
on le prend section par section. Un membre demande d'ajuster telle chose ou
pose tel problème. II dit: On a oublié telle ou telle chose. Et
la discussion va comme cela, le rôle du président étant
d'essayer de voir où vont les consensus, de vérifier dans
certains cas si c'est vraiment ce que nous voulons. Est-ce que nous voulons
aller là? Quelles sont les conséquences et ainsi de suite? Quand
le fruit est mûr - cela peut prendre une demi-journée, cela peut
prendre une journée - on voit, en somme, si on est prêt pour un
vote d'adoption. On n'est pas toujours prêt. Quand nous ne sommes pas
prêts, on demande des corrections, telles ou telles corrections et on
s'entend sur celles-ci. On discutera d'un texte revu. Dans d'autres cas, on
dit: Non, on est prêt à l'adopter, soit à peu près
intégralement ou moyennant les modifications qui ont été
apportées. Nous avons toujours des votes formels parce que ce sont des
résolutions que nous adoptons. Là-dessus, nos protocoles sont, je
ne dirais pas solennels, mais extrêmement précis et
formalisés.
De manière générale, cependant, nous visons le
consensus et l'unanimité parce que c'est la force même des avis.
Si nous ne pouvons pas nous entendre à 27 à l'intérieur,
comment pouvons-nous souhaiter que l'ensemble de la population s'entende
là-dessus? C'est pour cela qu'on prend le temps qu'il faut parfois pour
roder une position, pour la compléter. On chemine ensemble. On peut
dire, en tout cas, c'est ce que je constate, que la presque-totalité des
avis sont adoptés à l'unanimité selon un vote formel.
M. Jolivet: Si on prend le processus du consensus, par exemple,
au Conseil des ministres, cela a toujours été la même
chose: tant qu'il n'y a pas consensus, il n'y a pas de décision,
à moins que le premier ministre, sentant qu'il y a une forme de
consensus, ne prenne une décision comme responsable ultime. Est-ce que
cela l'est dans le cas des présidents du conseil?
M. Lucier: Non, le président du conseil ne prend pas de
décision. Il peut aider à faire des consensus. Il peut même
avoir des idées à mettre sur la table pour essayer de tenir
compte de deux ou trois courants de dire: Est-ce que c'est cela qu'on veut?
C'est le rôle du président. Le président n'a pas plus de
votes qu'un membre. C'est un membre essentiellement. C'est le primu3 inter
pares, comme le disaient les Latins, le premier entre des égaux. C'est
pour cela que nous votons finalement au sens strict, mais avec suffisamment de
travaux préliminaires et de discussions sur place pour que nous
puissions faire l'unanimité. Mais il est toujours possible pour une
membre d'inscrire sa dissidence. La loi et le règlement prévoient
un mécanisme pour la dissidence. C'est qu'un membre peut demander
spécialement à un des secrétaires d'inscrire sa dissidence
dans le procès-verbal et la loi oblige le secrétaire à
inscrire sa dissidence. Parfois, il la formule.
M. Jolivet: C'est la question qui s'en venait. Si quelqu'un donne
sa dissidence au conseil, est-ce qu'il a la possibilité légale de
l'exprimer ou s'il l'exprime par d'autres moyens? Quelle est la forme qu'il
a?
M. Lucier: Nous avons, là aussi, des protocoles
prévus par la loi. Une fois qu'on a pris un vote d'adoption, qu'on l'a
adopté, nous avons un deuxième vote sur la diffusion de l'avis.
Nous décidons de la diffusion. II est dit assez
précisément que nous décidons de diffuser les parties des
procès-verbaux aussi. Ils sont publics par la loi 65, mais nous
décidons des parties qui sont diffusées. Formellement, c'est
comme cela aussi qu'on décide de publier les dissidences. La tradition
est très bien établie, tant et si bien que, lorsqu'il y a des
dissidences, elles sont publiées, mais par décision du
conseil.
M. Jolivet: Un deuxième thème que je vaudrais
toucher, c'est le rapport que le conseil peut entretenir avec ses
comités et ses commissions. On sait que les commissions doivent faire
rapport au conseil qui prend les décisions ultimes pour les avis -
est-ce que c'est bien dans ce sens-là? - tandis que les comités
catholique et protestant, en particulier, peuvent faire des recherches, si an
peut dire, de leur propre chef et rendre leurs avis publics. Quels sont les
rapports qui
existent? Est-ce qu'il peut y avoir des tensions, compte tenu du fait
que le conseil a une certaine forme de responsabilité sur l'ensemble de
l'éducation, des désaccords avec le comité protestant ou
le comité catholique ou est-ce que le conseil pourrait, à la
limite, aller donner un avis au ministre malgré l'avis
déjà donné par le comité catholique et le
comité protestant?
M. Lucier: En principe, il le pourrait, mais les choses ne se
passent pas tellement comme cela. Les mandats des comités confessionnels
sont très précisément définis dans la loi. Je dois
dire, à l'expérience, que cela se déroule sans heurts. Les
contacts d'information sont très étroits. D'ailleurs, comme vous
le savez, les présidents sont membres du conseil. Nous-mêmes, nous
avons aussi une appartenance confessionnelle. C'est nous-mêmes qui devons
faire les propositions pour les nominations. Donc, il y a des rapports
organiques qui sont très étroits. Je n'ai pas d'exemple
récent de conflit ou de quelque tiraillement que ce soit entre l'action
des comités et celle du conseil. Je serais porté à penser
que la loi est assez explicite là-dessus pour que les choses ne se
présentent pas de cette manière. En principe, il pourrait arriver
que le conseil donne un avis sur une question qui ne soit pas suivi ou qui
n'aille pas dans le même sens que ce qu'aurait pu traiter un
comité confessionnel; ce n'est pas impossible.
M. Jolivet: II a la possibilité de le faire.
M. Lucier: Oui, cela se passe très correctement. Je vais
vous donner un exemple relativement récent. En janvier 1986, nous avons
émis un avis sur l'évolution nécessaire des structures
scolaires du Québec. Nous avons reçu du comité protestant
un petit avis de quelques lignes disant qu'il ne jugeait pas que c'était
opportun à ce moment-là, point. Les choses se sont faites
très correctement, sans surprise aussi, mais très
correctement.
M. Jolivet: Dans le cas des commissions, un membre d'une des
commissions qui fait rapport, dans la mesure où il pourrait arriver
qu'il soit dissident avec la décision recommandée au conseil,
est-ce qu'il y a quelque chose de prévu dans la loi le lui permettant ou
s'il n'a pas le droit?
M. Lucier: Non. D'abord, les commissions sont des organismes
beaucoup plus légers, comme vous le savez, qui sont
présidées par un membre du conseil. La loi dit qu'elles peuvent
faire des suggestions au conseil. En pratique, ce qui se fait depuis plusieurs
années, c'est que l'on convient avec les commissions de sujets de
travail. Les commissions travaillent, pour une large partie de leur temps,
à préparer ce qui pourrait devenir un projet d'avis pour le
conseil. Elles répondent au conseil et ne sont pas habilitées
à s'adresser au ministre, non plus qu'à s'adresser publiquement
à la population. Ce sont des organes du conseil.
M. Jolivet: Un troisième point. Dans l'ensemble des
conditions qui vous permettent d'exercer votre mandat - on en a fait un peu
mention au cours de la discussion jusqu'à maintenant - de quelle
façon l'information est-elle disponible? Est-elle disponible en
quantité suffisante? Est-elle difficile à avoir? Est-ce que les
délais que l'on vous donne pour émettre un avis sont toujours
convenables ou si vous avez la possibilité sans avoir le pouvoir, comme
conseil supérieur, de demander des délais? Aussi, quelles sont
les façons de procéder quant aux mandats que vous devez
exercer?
M. Lucier: Vous me permettrez peut-être de diviser votre
questions la question de l'obtention d'informations et la question des
délais. Pour ce qui est de l'information, je vous dirais en blaquant un
peu que l'on en a trop. II y a information et information. Pour ce qui est de
projets ministériels, de politiques ou d'entreprises
d'évaluation, nous sommes tenus au courant à la semaine, je
dirais. C'est vraiment la porte ouverte là-dessus. Je n'ai que de la
satisfaction à exprimer. Pour ce qui est des banques de données,
nous y avons accès instantanément; c'est tout à fait
ouvert, vous savez. Nous travaillons beaucoup sur les données de
fréquentation, les programmes et tout cela. Nous sommes organisés
pour avoir accès aux banques de données. Du côté de
l'information, l'expérience que je constate, c'est que je ne vois pas
bien comment nous pourrions être davantage informés. On pourrait
faire plus si l'on pouvait s'équiper plus rapidement en accès
direct informatique et télématique. Nous progressons
là-dedans, mais au rythme de nos moyens. Mais je dirais que, comme
potentiel d'informations, nous en avons plus que nous pouvons en traiter, je
crois que l'on peut dire cela. D'ailleurs, on n'a pas besoin d'invoquer la loi
pour cela. La loi dit que le conseil peut obtenir des sous-ministres toute
information nécessaire...
M. Jolivet: Vous n'avez pas de difficulté à
l'avoir.
M. Lucier: On n'a jamais besoin d'utiliser la loi. C'est d'une
simplicité absolue, dans des rapports qui n'ont rien de solennel.
L'échange d'information est instantané. Nous pratiquons
d'ailleurs la même ouverture. De toute façon, puisque le
sous-ministre de l'Éducation et les sous-
ministres associés sont membres d'office du conseil, ils
reçcoivent tous les dossiers. Donc, il y a transparence là-dessus
et cela facilite beaucoup le travail du conseil.
Pour ce qui est des délais, en principe, quand arrive une
demande, il est toujours possible de dire: On aurait besoin de plus de temps ou
quoi que ce soit, mais, en même temps, nous essayons de nous calquer sur
les besoins et les rythmes du milieu scolaire. Je vais vous donner un exemple.
Le ministre vient à l'automne avec des demandes sur le régime
pédagogique du primaire, du secondaire. Je dois dire que nous les
voyions venir depuis des mois. On n'a pas commencé à se
préparer quand la demande est arrivée. Nous savions exactement ce
qui s'en venait, l'information avait circulé; donc, nous nous
préparions de notre côté. Les données était
compilées, analysées. C'est sûr qu'avec un peu plus de
temps on aurait eu plus de temps, si vous me permettez le jeu de mots. En
même temps, nous savons très bien que les obligations des milieux
scolaires font qu'il faut que l'instruction ministérielle arrive dans
les milieux avant Noël, espérons-nous, le plus tôt possible.
Nous pouvons faire nous-mêmes le compte à rebours. Nous savons
que, si le ministre doit faire son instruction avant Noël, il faut qu'il
aille au Conseil des ministres un petit peu avant, au Conseil du trésor
un petit peu avant. Il faut qu'il se fasse une idée lui-même
à l'interne, qu'il prenne le temps de lire notre avis.
Alors, nous faisons le compte à rebours et nous nous disons: Si
nous voulons être fonctionnels et efficaces dans le réseau concret
des écoles actuelles, c'est à nous de nous grouiller, si vous me
permettez l'expression, et d'essayer d'entrer dans les délais, dans la
mesure où c'est possible. Cela a été possible au cours de
ce semestre parce que nous étions prêts. C'est sûr que nous
aurions eu, au premier semestre, une vie un peu plus confortable si les
délais avaient été plus longs. Mais nous pensons qu'il est
plus important que nous puissions nous ajuster au calendrier de fonctionnement
du système que de proposer l'inverse. Si nous avions demandé un
délai qui nous aurait rendu la vie plus intéressante, je peux
vous le dire, bien sûr, nous aurions eu plus de temps, mais nous aurions
compromis la possibilité même que l'instruction 1987-1988
contienne ces changements. Nous pensons que cela n'aurait pas été
un comportement responsable. Dans ce temps-là, écoutez, c'est
toutes affaires cessantes, et on essaie de répondre dans les meilleurs
délais.
M. Jolivet: Un quatrième sujet. Vous avez parlé de
111 personnes. J'aimerais bien que vous me décortiquiez cela pour que je
puisse poser mes questions suivantes.
M. Lucier: D'accord. Il y a le conseil lui-même, comme vous
le savez, les 24 membres proprement dits, plus les membres adjoints d'office.
Il y a 24 membres au conseil. Il y a les deux comités confessionnels:
deux fois 15. On est déjà rendu à 54 et on a quatre
commissions qui ont, d'après la loi, entre 9 et 15 membres. Elles ont
actuellement 13 membres. Faites le total, vous arrivez à 100 et des
poussières.
M. Jolivet: Une fois que cela est posé, je voudrais
savoir, avant d'aller plus loin dans mes questions, ce que cela demande comme
travail. Qu'est-ce que cela demande comme recherche, comme lecture, comme
coordination avec les autres commissions, s'il le faut, d'une commission
à l'autre, les comités qu'ils doivent vérifier? En fait,
le travail de chacun, le transport de chacun pour chacun des moments où
ils doivent formellement être réunis, donc, des séances de
travail, des séances formelles de décisions. En gros, pour chacun
des secteurs, le conseil, les commissions et les comités, cela demande
quoi?
M. Lucier: Écoutez, je peux vous parler de l'avis de tout
membre du conseil, d'abord. Le conseil lui-même siège
obligatoirement tous les mois, juillet, août, tous les mois; c'est dans
la loi et nous suivons scrupuleusement cela. Nous siégeons tous les
mois, toujours au moins une journée, plutôt deux qu'une.
Peut-être que la moyenne est une journée et trois quarts, mais
c'est plutôt deux, mettons deux journées par mois pour un membre
du conseil; c'est pour un membre membre, vous savez? Bon. (16 h 30)
Alors, cela suppose quoi? Pour chaque réunion, évidemment,
te membre reçoit un dossier, lequel est toujours assez
considérable. Il peut y avoir, par exempte, un projet d'avis, deux
projets d'avis, qui sont des briques comme vous le savez. Si cela porte sur les
régimes pédaqogiques, il faut les textes des règlements,
il faut les lois, il faut donner aussi la documentation qui l'accompagne. On
s'attend, et c'est ce qui se produit, que les membres arrivent au conseil en
ayant préparé leur travail. Je peux témoigner, en toute
fierté, que je vois beaucoup de textes annotés autour de la table
et la teneur même des discussions me prouve que les gens sont
prêts.
Je ne vois pas très bien comment quelqu'un, avec le genre de
dossiers que nous avons, peut être préparé sans mettre
à peu près l'équivalent du temps de réunion en
temps de préparation. Je ne vois pas très bien là comment
cela ne peut pas prendre l'équivalent. Ecoutez, il faut lire cela, il
faut comprendre cela, il faut faire les rapports. Le genre d'interventions
auxquelles nous assistons montre que les gens ont lu, parce qu'ils disent qu'il
y a telle chose à tel
moment ou telle autre à tel autre moment. C'est ce qu'on peut
évaluer. Je dirais que c'est le travail de base. Maintenant, les membres
du conseil acceptent aussi... Oui?
M. Jolivet: Est-ce que je pourrais me permettre simplement, comme
je suis, moi aussi, un enseignant de carrière, au niveau secondaire, de
dire que, peut-être, la préparation équivaut à
l'action? La correction, la préparation...
M. Lucier: Oui, oui. Je pense qu'on est dans le même ordre
de préparation. Donc, il faut analyser un dossier et il faut le
posséder. Il y a des membres aussi qui font des apples
téléphoniques pour mieux comprendre des choses, se
préparer. Et comme ces gens-là ont des racines dans leur milieu,
alors sans dévoiler de secret, parfois on essaie de jaser, de prendre le
pouls, d'avoir différents points de vue, ainsi de suite. Donc, c'est le
travail de base. Maintenant, les membres sont aussi et souvent impliqués
dans des comités pour préparer ces dossiers-là. Ils ne
sont pas seulement membres au moment des séances. Il y en a qui sont
présidents des commissions, ils sont au moins quatre. Il y en a qui sont
présidents de comités de préparation, ils sont toujours
quatre ou cinq par année. Donc, il y a une bonne proportion des membres
du conseil qui ont des responsabilités pour le conseil. C'est du travail
qui me semble important. Je veux dire que cela n'a rien à voir avec un
conseil d'administration, disons, qui approuverait ou qui mettrait le tampon
sur des décisions toutes faites. Je tiens à dire que cela m'a
beaucoup impressionné positivement à mon arrivée au
conseil que ce dernier ne soit pas une affaire de fonctionnaires. Je n'ai rien
contre les fonctionnaires, j'en suis un. Je veux dire que c'est vraiment la
table du conseil qui prend ses orientations, qui prend ses
responsabilités et qui fait des demandes souvent très
précises aux permanents du secrétariat. Il s'établit une
forme de relation qui m'apparaît extrêmement intéressante.
Tout cela pour dire que cela n'a rien à voir avec une table où
les gens approuvent du bout des lèvres des propositions qui sont toutes
cuites. C'est vraiment la prise de décision collective et responsable,
parce que, comme on se dit souvent, nous allons vivre avec cette position
après, nous allons vivre avec responsabilité dans tous nos
milieux et par rapport à la population. Alors, il faut que nous
puissions dire: Voilà, c'est avec responsabilité ce que nous
pensons qu'il faut dire pour le bien des élèves, des
étudiants et du progrès éducatif. Ce n'est pas une
décision par procuration. C'est la description du membre, je dirais, du
membre du conseil, auquel il faut ajouter aussi, évidemment, comme je
vous dis, les travaux pour le conseil.
Dans les comités confessionnels, c'est le même type de
chose; s'y ajoutent, dans leur cas, des interventions plus
réglementaires, par exemple l'approbation des programmes et du
matériel didactique. Vous savez, quand un comité a
approuvé quelques centaines de documents, parfois c'est un manuel de 300
pages, parfois il a 600 pages aussi. S'ils sont responsables, cela veut dire
qu'ils les ont travaillés, et ils ne travaillent pas cela sur place.
Donc, quand ils arrivent pour approuver du matériel, c'est qu'ils l'ont
préparé, ils ont travaillé dessus. Même chose quand
ils doivent reconnaître des écoles comme catholiques ou
protestantes, il faut qu'ils examinent le dossier de la demande pour voir si
cela correspond, ils font des visites, etc.
Je dirais que, du côté des comités confessionnels,
c'est à peu près le même type de travail - ils feront moins
d'avis, évidemment, qu'au conseil - avec une composante, je dirais,
d'interventions dans le processus réglementaire qui est assez
importante. Dans le rapport annuel, vous avez même chaque année le
nombre de programmes approuvés, de guides pédagogiques ou de
manuels qui ont été approuvés. C'est considérable,
je vois passer cela près de mon bureau à la caisse. C'est
à la caisse, ce ne sont pas des unités, c'est vraiment
considérable. Dans le cas des comités confessionnels, le rythme
de réunions est assez semblable à ce que nous avons au conseil,
en particulier, du côté catholique qui a un volume plus
considérable que du côté protestant.
M. Jolivet: Je vous arrête justement là parce que
c'est une partie de ma question, la question du président du
comité catholique et du comité protestant. Dans une des
discussions qui ont eu Heu lors de l'adoption du projet de loi qui permettait
de changer le mode de l'allocation de présence, on a parlé,
justement, de plus de travail d'un côté. Pouvez-vous m'expliquer
cela?
M. Lucier: Oui, assez aisément. D'ailleurs, le changement
à la loi dit: Au moins à demi-temps, mais à la demande des
deux comités. Ce qui va se produire, ce sera demi-temps du
côté protestant et plein temps du côté catholique,
à la demande des deux, d'ailleurs. Et, comme dirigeant d'organisme, j'ai
appuyé cette demande parce que cela correspond à ce que je vois.
Pourquoi il y a une différence? II y a d'abord le volume même, je
dirais, évidemment, le nombre d'écoles demandant des statuts
était plus considérable du côté de la
majorité francophone catholique, il n'y a aucun doute là-dessus;
il y a aussi des différences du côté de la masse de
matériel. D'après les rapports qu'on voit, il y a une
différence.
Je dirai aussi que, traditionnellement, le comité catholique est
davantage intervenu sur les questions de contenu. Je ne voudrais pas entrer ici
dans des débats théologiques, mais je pense qu'on peut dire comme
observateur qu'il y a du côté catholique des préoccupations
doctrinales plus nettes, forcément, parce que plus unitaires.
Du côté protestant, et M. le vice-président pourra
me corriger si je fais une erreur théologique, il m'apparaît assez
clair que la polyvalence et je dirais, la pluralité interne de ce qu'on
appelle, nous, protestants - c'est plusieurs confessions - font que les
préoccupations doctrinales au sens strict du terme ne sont pas
équivalentes à ce qu'on retrouve du côté catholique.
C'est une autre approche. Alors, c'est ce qui expliquerait qu'on a vu
traditionnellement les comités travailler d'une manière qui
montre que le volume d'activités est plus considérable du
côté catholique que du côté protestant même si,
formellement, ce sont les mêmes responsabilités.
Évidemment, si vous avez 20 dossiers de demandes de statut, ce
n'est pas comme en traiter deux. Il y a un type d'intervention aussi sur le
contenu des manuels ou des programmes qui, du côté catholique,
manifestent une insistance doctrinale plus nette. Donc, il y a plus
d'interventions là.
Alors, lorsqu'on regarde très concrètement, effectivement,
je constate que le président du comité catholique que j'ai vu
à l'oeuvre, il y était à temps plein.
M. Jolivet: Si on prend juste la question des volumes qui doivent
être adoptés par chacun des comités, compte tenu que c'est
de même niveau, de la première année jusqu'au secondaire V
- je reviendrai peut-être plus tard, sur la question du cégep et
des universités - est-ce que ce n'est pas le même nombre de
volumes qui peut être utilisé annuellement, de part et
d'autre"?
M. Lucier: " Oui, de ce point de vue, oui.
M. Jolivet: D'accord, parfait.
M. Lucier: Oui, on a des chiffres ici nous, des manuels. C'est
comparable. Lorsque ces comités font des visites, il faut comprendre que
le comité catholique a un champ de visites beaucoup plus large, beaucoup
plus vaste.
M. Jolivet: Plus de responsabilités versus
l'évêché par rapport à l'autre groupe.
M. Lucier: Bien sûr. Alors, je peux vous dire, comme
administrateur de la loi que les demandes qui avaient été faites
méritaient d'être appuyées, parce que cela correspondait
à la réalité. J'ajouterais même qu'au fond, du
côté protestant, il n'a pas été beaucoup possible
d'obtenir des demi-temps jusqu'ici; ce qui a fait que du côté
catholique on a pu obtenir du temps plein - il faut le savoir -ce sont
plutôt des ecclésiastiques qui ont rempli ces fonctions-là
et, donc, qui pouvaient jouir d'une appartenance institutionnelle qui leur
permettait de se libérer. Du côté protestant, comme nous ne
pouvions à peu près pratiquement rien offrir, il n'était
pas possible d'avoir le plein demi-temps. Il y a des gens qui ont
été très courageux, qui ont donné de leurs soirs,
mais qui ne pouvaient pas se permettre de se mettre en congé sans
traitement pour un demi-temps pour venir au comité protestant.
M. Jolivet: Je l'ai dit, tors de l'étude de la loi, j'ai
vécu cela comme enseignant, d'une part, et président de syndicat,
d'autre part, et, dans plusieurs cas, on fait les deux à temps
plein.
M. Lucier: Deux plein temps.
M. Jolivet: On a parlé des comités pour ce qui est
du travail. Il reste les commissions.
M. Lucier: Les commissions sont des organes du conseil. Elles
fonctionnent fondamentalement de la même manière sur des
thèmes plus précis, je dirais. Par exemple, telle commission,
pendant presque une année scolaire, a travaillé sur
l'enseignement des mathémathiques au primaire. Elle a travaillé
cela à fond et préparé un projet d'avis pour le conseil.
Donc, en un sens, le travail des commissions est plus concentré au plan
thématique et de même type. Ce sont toujours des travaux sur
papier. Il n'y a pas de rencontre pour causer. Je crois que c'est très
important. C'est toujours du travail soit préparatoire, soit d'adoption
même. Vous avez cela dans les commissions, mais la différence est
probablement qu'on a des thématiques plus concentrées.
M. Jolivet: Vous voyez maintenant venir ma question. Est-ce que
les 111 - sans calculer, 111 ou 110 - en excluant maintenant le
président du conseil d'abord et les deux présidents de
comités, ont fonctionné ou fonctionnent sous la base
d'allocations de présence, de jetons de présence?
M. Lucier: II faut distinguer. Comme président, je suis
à plein temps. J'ai un traitement fixé par décret par le
gouvernement. Le vice-président, M. Rossaert, est à demi-temps.
Il y a aussi un décret qui fixe son traitement. Il y aura, à
l'avenir, avec la sanction de la loi 29, deux autres personnes qui auront des
traitements décrétés par le
gouvernement, le président du comité catholique à
plein temps et la présidente du comité protestant à
demi-temps. C'est tout. Ce sont les seuls postes au conseil qui sont pourvus
par le gouvernement et dont le traitement est fixé par le gouvernement.
Tous les autres membres du conseil qui travaillent dans les commissions, les
comités ou le conseil reçoivent deux choses. Ils ont droit, dit
la loi, au remboursement des dépenses pour leurs déplacements,
leurs couchers quand c'est le cas. Les directives du Conseil du trésor
qui s'appliquent à tous les organismes s'appliquent là,
c'est-à-dire qu'ils ont droit à un per diem, avec pièces
justificatives. C'est le même système SYGBEC que vous connaissez
vous-même, les feuilles roses et tout cela. C'est le même
système. Mais la loi dit aussi qu'ils reçoivent une allocation de
présence fixée par le gouvernement. Ils reçoivent 75 $ par
session. Ils font la réclamation. C'est séparé.
M. Jolivet: Des sessions d'une journée?
M. Lucier: Non, une session, c'est une demi-journée. C'est
fixé aussi par les normes du Conseil du trésor. Alors, une
journée pleine donne la possibilité de réclamer 150 $ de
jetons de présence.
M. jolivet: Je savais qu'il y avait - je m'excuse de ne pas
l'avoir dit, on aurait pu clarifier la situation - les dépenses
encourues pour les voyages, plus autre chose.
M. Lucier: Oui.
M. Jolivet: Je parlais effectivement seulement d'allocations de
présence, comme le ministre semble vouloir nous le dire, plutôt
que de jetons de présence parce qu'il nous disait que cela ressemblait
plutôt à des bingos. C'est simplement pour vous dire
qu'effectivement c'est une formule qu'on remet en cause à la suite d'une
décision du Conseil du trésor. Mais dans le cas du conseil
supérieur, le ministre, compte tenu des services rendus, du temps et de
la disponibilité qu'exige le travail au Conseil supérieur de
l'éducation, avait demandé une dérogation au Conseil du
trésor. II nous avait laissé entendre qu'il demandait au conseil
de lui faire des suggestions pour défendre le projet au Conseil du
trésor. Est-ce que des demandes ont été faites au Conseil
supérieur de l'éducation d'indiquer de quelle façon il
devrait procéder à l'avenir, si on faisait disparaître
complètement l'allocation journalière ou bien si on la
remplaçait par autre chose? Est-ce qu'il y a eu des demandes dans ce
sens-là?
M. Lucier: Dans les faits, il n'y a rien de changé
actuellement. Il y a une orientation gouvernementale qui a été
prise et dont nous avons été informés, mais qui n'est pas
applicable pour le moment de toute façon puisqu'il faut changer notre
loi.
M. Jolivet: C'est bien important. Il faut changer la loi, si j'ai
bien compris?
M. Lucier: En tout cas, comme administrateur de la loi et cela en
plein accord avec le ministre, nous n'avons pas reçu de directives de
notre ministre à quelque effet que ce soit là-dessus. Ce sera le
statu quo aussi longtemps qu'il n'y aura pas de changement formalisé.
Nous appliquons la loi et les directives du Conseil du trésor. (16 h
45)
M. Jolivet: Est-ce que c'est possible d'appliquer la loi en
disant qu'au lieu d'être 75 $ par session, c'est 1 $ par session?
M. Lucier: En principe, cela peut se faire.
M, Jolivet: Cela peut se changer.
M. Lucier: La loi dit que c'est une allocation de présence
fixée par le gouvernement. Actuellement, elle est fixée à
75 $ la session. Si un décret nous dit que c'est 1 $, nous allons verser
1 $. De ce point de vue, c'est très simple à gérer, vous
dirai-je. Cela, c'est la question de fait. Actuellement, aussi longtemps que la
loi n'est pas changée ou que le décret du Trésor n'est pas
changé, nous appliquons les choses comme ce que je vous ai dit, en plein
accord avec le ministre. De toute façon, on n'a pas le choix. Un membre
qui réclame son allocation, nous sommes obligés de la lui verser
parce que la loi est là et que les décrets du Conseil du
trésor sont là. S'il y a des changements, on appliquera les
changements. De ce point de vue là, ce n'est pas très
compliqué. Le ministre n'a pas demandé l'avis du conseil
là-dessus. Je vous dirai que nous ne pourrions même pas lui en
donner. Je vais vous expliquer pourquoi. Notre loi est bien faite et nos
règlements aussi. Un membre ne peut pas voter sur une question où
il a un intérêt pécuniaire. Nous serions seulement M. le
vice-président et moi-même... Pardon?
M. Jolivet: Cela devrait être la même chose pour les
députés, en passant.
M. Lucier: Si nous devions discuter de cette question au conseil
ou si, éventuellement, un avis était demandé au conseil,
je crois que M. le vice-président et moi-même, ainsi que les deux
présidents des comités confessionnels maintenant pourraient...
Mais nous n'aurions pas quorum. Je blague, mais ce que je veux dire, c'est
qu'il n'est pas question... Je ne vois pas très bien, d'après la
loi et les règlements, comment nous
pourrions prendre une position de conseil là-dessus. Je ne
prévois pas, d'ailleurs, que les membres du conseil souhaitent prendre
une position là-dessus. Nous allons appliquer la loi. Cela dit, le
ministre m'a parlé de cette question comme administrateur de la loi, m'a
demandé de l'informer d'un certain nombre de faits de base et je l'ai
fait bien volontiers, mais comment dire cela - d'un point de vue vraiment
administratif.
Les faits de base, je vais vous en donner des exemples. Par exemple, je
lui avais rappelé qu'il fallait changer la loi. C'est notre devoir
d'administrateurs de le dire. Nous avions aussi signalé que les
présidents des comités confessionnels étaient
rémunérés selon cette modalité-là. Donc,
s'il y avait un changement, il faudrait que l'on puisse gérer autrement
le cas des présidents des comités confessionnels, mais cela,
c'est réglé depuis quelques semaines. Je lui ai signalé
aussi qu'au plan administratif, actuellement, cette allocation qui, entre
parenthèses, est imposable évidemment, dans les faits, sert aussi
partiellement, dans un certain nombre de cas, à défrayer des
dépenses.
Je vais vous donner des exemples très simples. Nous
siégeons habituellement à Montréal. Les gens qui sont
à Montréal ne présentent pas de comptes de
dépenses. Ils en ont, vous savez. Ils ne demeurent pas trop loin, ils se
transportent, ils stationnent, ils mangent. À ma connaissance, on ne
reçoit pas de comptes de dépenses - en fait, très peu -
des gens de Montréal. Les gens se disent: On va prendre cela sur
l'allocation. Il faut aussi tenir compte de cela. Si l'on supprime les
allocations, il faut prévoir que les comptes de dépenses seront
probablement un peu plus précis, un peu plus insistants. Il y a aussi le
fait que les per diem actuels sont à la limite du faisable. Nous
siégeons en général à Montréal parce que
c'est moins cher pour les déplacements, mais à 100 $ le per diem,
vous en savez quelque chose, vous êtes vite rendu au bout du compte si
votre hôtel vous coûte 75 $, c'est vite fait. Les gens comblent
avec l'allocation de présence. Alors, on peut prévoir que, s'il
n'y a pas d'allocation de présence, les comptes de dépenses
seront probablement plus précis, plus conformes à la
réalité. Ce sont des faits que j'ai rappelés au ministre
pour qu'on le sache.
Il y a aussi quelque chose de plus subtil, c'est le fait qu'on
reconnaîtrait les pertes de salaire, par exemple, comme une
dépense. C'est une porte ouverte extrêmement délicate. Cela
se présente déjà dans le milieu scolaire. Prenez un
enseignant qui vient à une réunion. Il est arrivé que nous
ayons eu des demandes que nous n'avons pas pu satisfaire, à savoir que
nous devrions payer le suppléant. Il est arrivé que certains
enseignants venant dans nos instances se servent de l'allocation pour aider la
commission scolaire à les remplacer. C'est difficile d'évaluer
les montants de cela. Ou d'autres qui sont en affaires, qui viennent au conseil
et qui perdent. Car les qens qui sont en affaires, quand ils ne mettent pas
leur temps pour leurs affaires, ils perdent. Il faut prévoir que, si on
enlève les allocations de présence, il n'est pas impossible qu'on
voie un certain nombre de dépenses nouvelles arriver, même la
garde d'enfants ou quelque chose comme cela, que les gens actuellement ne
réclament pas parce qu'il y a une allocation de présence. C'est
ce genre de considération que j'ai faite moi-même au ministre pour
l'informer des faits, en lui redisant que c'était, par ailleurs, la
modalité administrative la plus simple à appliquer. S'il y en a
un, il y en a un, s'il n'y en a pas, il n'y en a pas.
Plus délicats à long terme sont les effets d'une telle
mesure sur la qualité éventuelle de la participation. Notre
conseil, vous savez, est remarquable par le fait qu'il y a là des gens
de toutes conditions. Il y a des gens qui occupent des postes importants et
lucratifs, il y a des gens très simples, il y a de tout. Il faut mesurer
l'impact que pourrait avoir, éventuellement, la suppression de
l'allocation. Je n'ai pas de réponse à donner là-dessus,
mais il faut qu'on y pense. Il y a aussi notre capacité d'être un
peu concurrentiel par rapport à d'autres engagements. Entre une
réunion du conseil ou d'une instance et une conférence que
quelqu'un pourrait donner quelque part, qui lui rapporterait 350 $, est-ce que
le choix ira toujours en faveur de la participation au conseil? C'est difficile
à dire. Il y en a qui le font déjà. Donc, il faut qu'on
puisse mesurer aussi les effets sur la participation. Il y a des séances
du conseil, mais il y a aussi tout ce qu'on demande aux membres entre les
séances. Il faudra qu'on réfléchisse là-dessus.
C'est sûr qu'il peut devenir gênant de toujours presser les
mêmes personnes. Est-ce que cela peut avoir un effet aussi sur le type de
personne qu'on pourrait nommer là? C'est ce genre de
considération et de faits que le ministre nous a demandés comme
administrateurs de la loi, encore une fois, et non pas comme membres du
conseil, parce que nous ne nous prononcerons pas là-dessus,
forcément. C'est ce genre de faits que moi-même je lui ai
rappelés pour l'aider à se faire une idée.
M. Jolivet: J'aurais trois petites questions avant de passer la
parole à quelqu'un du pouvoir et de revenir avec une dernière
question avant qu'on se quitte. Premièrement, disons que le montant
d'argent qui est donné en allocation était un des moyens qu'on
avait trouvés à l'époque pour éviter tout ce que
vous venez de dire. C'est-à-dire que quelqu'un, s'il n'a pas cela,
va demander le salaire qu'il perd parce qu'il ne travaille pas.
L'employeur dit: Ecoute, ton salaire, il faut que quelqu'un le paye. Toutes ces
choses font que, finalement, c'est plus compliqué car il faut surveiller
cela. Cela demande une administration très forte. L'autre façon,
c'est un montant fixe; tout le monde s'entend qu'avec cela l'enseignant peut,
dans certains cas - comme vous le dites et je l'ai vécu moi-même -
dire; Je paye mon suppléant. Au lieu de l'administration, on remplace.
Cela étant dit, quel était le pourcentage d'augmentation
annuellement? Est-ce qu'il y en avait? Est-ce que c'était tous les trois
ans, tous les quatre ans? Des 111 personnes qui sont au conseil que!
pourcentage vient de la fonction publique ou parapublique? Peut-être
n'ont-ils pas cette allocation ou est-ce qu'ils l'ont tous? Est-ce qu'il y en a
beaucoup?
M. Lucier: C'est un régime universel.
M. Jolivet: Donc, tout le monde y a droit, qu'ils soient
actuellement à l'emploi du ministère ou pas?
M. Lucier: Pas le ministère. M. Jolivet: Ah,
bon.
M. Lucier: On n'a pas de fonctionnaires chez nous, sauf les
sous-ministres, mais ils n'ont pas de jetons.
M. Jolivet: Je donne un exemple, le mien quand j'étais du
ministère.
M. Lucier: Au parapublic?
M. Jolivet: Oui, c'est cela. Un enseignant y a droit.
M. Lucier: C'est universel.
M. Jolivet: L'autre chose: quel est le pourcentage de ces
allocations de dépenses dans votre budget?
M. Lucier: Pour ce qui est de l'évolution du montant,
c'est selon les décrets du Trésor. M. Durand, de quand date le
décret fixant cela à 75 P Cela fait plusieurs annéesl
Une voix: Cinq ou six ans.
M. Lucier: Cela fait bien cinq ou six ans que c'est cela. Cela
n'a pas bougé depuis cinq ou six ans. Maintenant, pour ce qui est de la
proportion dans le budget même, j'ai des données ici. En
1985-1986, 249 000 $ d'allocations de présence. Cela comprend les
présidents des comités confessionnels. Nous avons versé,
en allocations de présence, en 1985-1986, 249 000 $, en 1984-1985, 333
000 $. C'était l'année du rapport sur la condition enseignante,
il y a donc eu beaucoup de... En 1983-1984, 307 000 $. Je vous signale que,
pour faire face aux coupures budgétaires que nous avons eues comme tout
le monde, on a dû rationaliser le nombre de sessions. On a joué
aussi sur le nombre de membres des commissions au cours des deux
dernières années. Voyez-vous, dans le budget, dans la structure
budgétaire, nous avons au point 04 ce qui s'appelle les Services
professionnels, c'est là que c'est logé. Il y a là un
budget de 500 000 $. II y a 250 000 $ qui ont été versés
en allocations de présence l'année dernière,.
M. Jolivet: Ce sont toutes sortes de réunions: les
réunions formelles, les rencontres comme il y en a eu à
Arthabaska. On parlait de cela à Victoriaville. Les gens vont dans le
milieu, ce sont des journées qui sont...
M. Lucier: Ou des sessions, c'est cela. M. Jolivet:
D'accord.
M. Lucier: Ce sont des sessions* Pour l'ensemble des
comités confessionnels, des commissions, 250 000 $ d'allocations. Il
faut ajouter, évidemment, les dépenses de déplacement.
M. Jolivet: Une dernière question concernant cela: Est-ce
que vous avez le tableau des 111 membres dont vous faites mention? D'où
proviennent-ils? Du secteur public ou parapublic? Est-ce que vous avez quelque
chose qui nous donnerait...
M. Lucier: Je crois que vous avez la liste des membres, en tout
cas pour l'année dernière, dans le numéro de
Conseil-Éducation que vous aviez. On vous dit d'où vient tout ce
beau monde et c'est dans le rapport annuel chaque année,
M. Jolivet: D'accord. J'ai bien vu cela. Mais est-ce que vous
pouvez me donner le pourcentage, parmi ces gens-là, de ceux qui viennent
du public du parapublic? Combien y en a-t-il? Est-ce que vous avez quelque
chose là-dessus? Vous dites qu'il y a des gens qui viennent du milieu
des affaires, de la maison, une femme au foyer...
M. Lucier: On pourrait faire le calcul précis, mais c'est
environ les deux tiers.
M. Jolivet: D'accord. D'une façon ou d'une autre, s'il y
avait moyen de faire parvenir cela au secrétaire de la commission, cela
nous permettrait de le distribuer à chacun des membres.
M. Lucier: C'est environ les deux tiers.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
député de Laviolette. Je reconnais maintenant Mme la
députée de Châteauguay,
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Je suis très
heureuse de participer à cette séance. Vous avez
déjà répondu, depuis ce matin, à plusieurs de mes
attentes et à plusieurs de mes préoccupations. Mais il y aurait
peut-être un autre élément. Lors de vos nombreuses
rencontres et consultations, vous abordez certainement plusieurs sujets
pédagogiques. Avez-vous des critères ou êtes-vous tout
à fait libres quant aux représentations que vous faites
auprès du ministre? Avez-vous, à l'intérieur de vos
conseils, des balises très sélectives pour savoir quels sujets
traiter? Les sujets que vous allez soumettre au ministre, de quelle
façon les "priorisez"-vous?
M. Lucier: En fait, il y a deux aspects dans votre question. Vous
évoquez, dans îa première partie, des
éléments de contrainte ou de liberté de choix. Je vous
dirai que le conseil exerce en toute liberté sa souveraineté sur
les choix de sujets qu'il veut proposer au ministre. L'autre aspect de votre
question, la façon dont nous faisons nous-mêmes la "priorisation",
je vous dirai que c'est toujours une décision du conseil. On a un
processus quasiment permanent dans les commissions, dans les comités, au
niveau de l'équipe de direction du conseil. On essaie d'être
à l'affût des choses, on essaie de percevoir les dossiers les plus
importants. On a un courrier assez abondant aussi des gens qui nous
rencontrent. C'est à travers tout cela que nous faisons un discernement
de choix de sujets possibles, mais c'est toujours tranché à la
table du conseil. Toujours. Alors, on essaie de choisir les vraies questions,
les vrais problèmes, mais je dois dire que nous le faisons sans
être conscients de contraintes à ce choix. C'est l'exercice d'un
jugement de sagesse, je dirais. Est-ce que c'est opportun d'aborder cela?
Est-ce qu'on aurait des choses intéressantes à dire
là-dessus? Est-ce que c'est une bonne chose d'aborder cela maintenant?
Est-ce qu'on peut dire des choses utiles? C'est le genre de questions que nous
posons. Là, pour l'élaboration, pour le choix de ces sujets, je
dirais que l'ensemble des liens que nous entretenons avec la
collectivité est extrêmement important. (17 heures)
Mme Cardinal: Vous vous basez assez souvent sur l'ensemble de la
préoccupation du milieu...
M. Lucier: Oui.
Mme Cardinal: ...quant à vos décisions finales,
quant aux sujets que vous allez devoir présenter en priorité au
ministre.
M. Lucier: Oui.
Mme Cardinal: C'est très important, justement, de savoir
que les préoccupations majeures de la population sont vraiment un sujet
d'importance, un critère prioritaire dans vos décisions quant
à vos choix.
M. Lucier: Oui.
Mme Cardinal: C'est très rassurant.
M. Lucier: Oui et je pense qu'on peut tenir pour acquis que,
quand le conseil aborde une question, il y a peu de risques que ce soit
fantaisiste, vous savez. Il y a toujours des arrières à cela.
D'ailleurs, il serait difficile de les élaborer autrement et je dois
dire qu'on obtient très aisément la collaboration des milieux.
Nous sommes, d'ailleurs, toujours émerveillés de voir le type
d'accueil que nous avons et le type d'engagement auquel les gens consentent
pour nous aider à faire nos travaux. Aussi longtemps que ce sera comme
cela, je crois que nous avons de bonnes raisons de nous réjouir de cette
situation.
Mme Cardinal: Et de l'importance de votre existence.
M. Lucier: Je crois qu'on peut dire cela, oui.
Mme Cardinal: II sera toujours rassurant de savoir que, tant et
aussi longtemps que la population demeurera en éveil et que vous serez
à l'écoute de ses préoccupations majeures on pourra
espérer que les vrais problèmes ou les vraies recommandations
devront être vraiment acheminés pour des réalisations et
surtout pour des améliorations, car, au niveau pédaqogique, on
pourrait en parler longtemps.
M. Lucier: Oui. Mme Cardinal: Merci.
M. Lucier: Vous savez, nos commissions sont très utiles de
ce point de vue. C'est un peu, comme on l'a dit dans un vocabulaire discutable,
mais quand même intéressant, nos éclaireurs aussi. Ce sont
des gens de partout. Je crois qu'au total on réussit à prendre
des pouls qui sont assez fiables.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Avez-vous
terminé?
Mme Cardinal: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais
maintenant le député d'Arthabaska.
M. Gardner: Merci, M. le Président.
Comme choix de sujet, je pense qu'il y en aurait un. Je ne sais pas si
vous avez fait une étude sur les journées de maladie des
enseignants depuis qu'elles ne sont plus monnayables. Est-ce que vous avez fait
une étude là-dessus?
M. Lucier: Nous n'en avons pas fait, mais il s'en est fait.
M. Gardner: II s'en est fait?
M. Lucier: Il s'en est fait. J'en ai vu.
M. Gardner: Ce serait un sujet assez intéressant, qui
changera peut-être bien des choses. Il me reste une seule question.
Depuis que le député de Laviolette et la députée de
Châteauguay ont posé leurs questions, ils m'ont ramené cela
à une seule question.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Elle
m'inquiéterait, celle-là, si elle n'avait pas encore
été posée.
M. Gardner: Cela veut dire que mes questions n'étaient
quand même pas si mauvaises, M. le Président. Relativement au
recrutement des membres de chacune de vos commissions, comment peut-on devenir
membre du Conseil supérieur de l'éducation? En tant
qu'ex-enseignant, il me semble que j'aurais aimé devenir un jour membre
du Conseil supérieur de l'éducation. Comment fait-on pour devenir
membre du conseil, à part ceux qui sont peut-être nommés
par le ministre?
M. Lucier: C'est selon le mode de nomination. Dans le cas du
conseil même, c'est le gouvernement qui nomme, après consultation
obligatoire...
M. Gardner: Les nominations étaient faites durant neuf
ans.
M. Lucier: Comment? Mais les membres de l'Assemblée
nationale...
M. Jolivet: Ce sont des rumeurs entre nous deux.
M. Lucier: ...ne peuvent pas être membres des instances du
conseil. Cela vous exclut automatiquement.
M. Gardner: Pour au moins plusieurs années. Merci.
M. Lucier: Je vous laisse le soin d'évaluer vos chances.
Les membres du conseil sont nommés par le gouvernement, sur proposition
du ministre de l'Éducation, et la loi stipule qu'il doit le faire
après avoir consulté les autorités religieuses, les
organismes les plus représentatifs du monde de l'éducation et du
monde socio-économique. Il le fait chaque année un peu par une
forme ou l'autre de consultation! il demande à différents
organismes s'ils ont des propositions et il fait son choix. Cela ne nous
concerne pas directement. Nous, nous prenons les gens que nomme le
gouvernement.
Dans les comités confessionnels, le processus est un peu
différent. Chez les catholiques, les évêques nomment
directement cinq membres et ils les désignent. Les dix autres membres
sont nommés par le gouvernement, mais sur notre recommandation et avec
l'agrément de l'Assemblée des évêques. Cela se passe
concrètement. Nous avons une liste d'environ 100 organismes et chaque
année, nous leur écrivons et nous leur demandons: Est-ce que vous
avez des propositions à faire pour le comité catholique et le
comité protestant? Cela remonte. C'est regardé et c'est
discuté avec les deux comités confessionnels, et le conseil fait
des recommandations au ministre. Dans le cas des catholiques, on va d'abord
chercher l'agrément des évêques, puis on fait la
proposition au ministre en lui disant: Voici l'agrément. On l'a tous
fait dans les formes. Dans le cas des protestants, on fait nous-mêmes les
recommandations et le gouvernement peut les nommer ou ne pas les nommer.
Dans le cas des commissions, c'est le conseil lui-même qui
désiqne les membres, après consultation. Nous faisons la
même consultation pratiquement chaque année. On a une banque
d'organismes interlocuteurs. C'est assez considérable. Il y a 110
organismes nationaux. Avez-vous des propositions à nous faire pour le
programme de la commission de l'enseignement secondaire? II arrive des noms et
on en discute avec le ou la responsable de la commission et puis arrivent au
conseil des candidatures, des curriculum vitae et le conseil les désigne
aux commissions. Alors, le principe de base est toujours le même,
c'est-à-dire que pratiquement chaque année on demande aux
organismes de faire des propositions. Selon l'identité de qui nomme, la
décision finale revient soit au conseil dans le cas des commissions,
soit au gouvernement, dans le cas du conseil même et des comités
confessionnels.
M. Gardner: Mais est-ce que vous respectez ou essayez de
respecter les régions, c'est-à-dire est-ce que vous essayez
d'aller en chercher partout dans le Québec?
M. Lucier: C'est un des critères fondamentaux.
Évidemment, nous-mêmes nous rappelons ces choses-là, mais
nous sommes plus d'un interlocuteur à nommer et on essaie aussi de
s'articuler. Alors, au conseil même en général, on peut
dire qu'historique-
ment à peu près, d'une manière ou de l'autre, ou au
moins par rotation, l'ensemble des régions du Québec sont
représentées. Et on essaie, dans les commissions où on est
nous-mêmes responsables des nominations, d'assurer aussi un
équilibre à la fois régional et aussi des milieux et des
types d'intervenants. Au total, c'est vraiment représentatif de
l'ensemble de la collectivité.
M. Gardner: Y a-t-il beaucoup de femmes?
M. Lucier: On a une très bonne moyenne.
M. Gardner: Mme la députée de Chicoutimi n'a pas
posé la question. C'est pour cela que...
M. Jolivet: C'est parce qu'elle aurait pu poser la question: Y
a-t-il des gens du SaguenayLac-Saint-Jean? Le ministre avait dit qu'il
était mal informé.
M. Lucier: C'est à peu près
moitié-moitié.
M. Gardner: Moitié-moitié.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je remercie le
député d'Arthabaska. Je reconnais M. le député de
Dubuc.
Avis du conseil sur les questions linguistiques
(suite)
M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je reviens à
l'avis au ministre de l'Éducation du 22 octobre 1986. Une information
d'abord. À la page 37, il y a une liste que vous avez mentionnée
au renvoi 42, une liste d'individus ou de groupes avec qui le conseil a eu des
discussions, peut-être une vingtaine. Est-ce que cette liste est
complète et exhaustive ou si, dans le cas du présent document et
dans l'avis de 1984, ce sont à peu près ces organismes ou
mêmes groupes ou individus avec qui vous avez discuté de la
question de l'enseignement pour donner votre avis sur le régime
pédagogique, sur la partie, entre autres, de l'enseignement de l'anglais
langue seconde?
M. Lucier: Je ne sais pas à quel renvoi vous faites
allusion.
M. Desbiens: 42, à la page 37, de l'avis du 22
octobre.
M. Lucier: II y a une liste d'organismes là?
M. Desbiens: Oui.
M. Lucier: Je n'ai pas cela en mémoire.
M. Desbiens: Une demi-page.
M. Lucier: Des organismes consultés, cela
m'étonnerait. Je crois que ce sont des références
bibliographiques.
M. Desbiens: Des références bibliographiques.
M. Lucier: Ce sont des études qui ont été
faites. Si ma mémoire est bonne, il n'y avait pas de citation
d'organismes dans cet avis, mais je peux me tromper.
M. Desbiens: Ce ne sont pas des citations.
M. Lucier: Ce sont des références.
M. Desbiens: L'avez-vous? Page 37, 6.2.3.
M. Lucier: Ce sont des références bibliographiques
à des études sur la question, mais ce ne sont pas des personnes
rencontrées.
M. Desbiens: Vous dites dans le texte: "La prudence que
traduisent cette réglementation et ces pratiques a été
alimentée par des discussions pédagogiques...
M. Lucier: Oui.
M. Desbiens: ...dont les protagonistes sont loin d'être
d'accord entre eux."
M. Lucier: C'est cela.
M. Desbiens: Vous faites référence à cette
liste.
M. Lucier: Le conseil n'a pas l'intention de reprendre ici des
recensions, qu'il a été amené à réaliser
pour la préparation de son avis de novembre 1984. On renvoie à
l'avis de 3 984 en y ajoutant d'autres recensions qu'on a faites.
M. Desbiens: D'autres recensions que vous avez faites.
M. Lucier: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va?
M. Desbiens: D'accord. C'est donc dire que cela s'ajoute à
celles qui ont pu être...
M. Lucier: En 1984, c'est cela. Alors ce ne sont pas des
organismes consultés, ce sont des recensions d'études.
M. Desbiens: D'études.
M. Lucier: Nous voulions simplement faire état du fait que
nous avions entretenu ce dossier vivant au conseil depuis 1984.
M. Desbiens: Je comprends bien que le Conseil supérieur de
l'éducation n'a pas le droit de donner d'avis. Lorsqu'il donne un avis,
il s'agit d'un avis strictement pédagogique.
M. Lucier: Pédagogique au sens large. Nous donnons des
avis sur l'opportunité de poser des gestes réglementaires. Le mot
"pédagogie" peut être un peu étroit, ce n'est pas
seulement ce qui se passe entre l'enseignant et l'enseigné, si je puis
dire, mais c'est tout ce qui concerne l'état et les besoins de
l'éducation. Quand nous donnons des avis, notre préoccupation de
base est d'essayer de savoir ce qui est le mieux pour les élèves,
pour les étudiants, et ce qui est le mieux pour le progrès de
l'éducation.
M. Desbiens: Sauf l'aspect politique.
M. Lucier: II est évident que, lorsque vous prenez
position sur des sujets d'éducation, vous n'êtes pas en vase clos.
Il y a des connotations politiques, mais notre mandat nous fait nous river les
yeux sur ce qu'on pense être le mieux pour les étudiants et pour
les élèves.
M. Desbiens: J'ai fait une première lecture rapide des
documents et, concernant la langue au Québec - vous le soulevez,
d'ailleurs - la conclusion ne me semble pas tout à fait correspondre
à ce que vous soulevez dans votre avis au ministre de 1984, concernant
les paramètres socioculturels et le français, langue nationale.
Dans tous les rapports que vous faites aux organismes, la liste que je
mentionnais tantôt à la page 37, dans les études qui ont
été faites, il me semble, quant à moi, qu'aucune ne peut
s'appliquer à la situation, sauf erreur, tout à fait unique des
francophones au Québec.
À ma connaissance, il n'y a pas d'autre ethnie qui soit dans une
situation comme celle que nous vivons, situation géographique et
socioculturelle. Vous semblez le reconnaître et faire beaucoup de mises
en garde avant de faire vos recommandations sur ces aspects. Ma première
lecture me laisse l'impression que ces avis que vous donnez ne tiennent pas
suffisamment compte de ces préalables dont vous parlez. Je me demande si
c'est parce que cela se rapproche trop d'une position politique. C'est le sens
de ma question.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Dubuc, ce matin, je n'ai pas reconnu d'allusions
politiques de la part du député d'Arthabaska et je n'ai pas
l'intention qu'on s'engage dans une telle discussion, surtout que ce n'est pas
la place ici, ce n'est pas la tribune pour le faire. Remarquez que je vous
reconnais le droit de vous interroger sur des positions qui ont
été prises par le Conseil supérieur de l'éducation,
mais que vous l'interrogiez sur ce qui l'a motivé, je pense que ce n'est
pas à nous de faire cela. Ce n'est pas à l'intérieur de
notre mandat.
Je rappelle encore à nos invités que, si un
député, de quelque formation politique que ce soit, continue
d'insister pour vous impliquer dans des réactions politiques, vous
n'avez pas à vous sentir mal à l'aise et à
répondre. Je me dois de le faire en tant que président.
M. Desbiens: Cela fait cinq fois que vous le faites, M. le
Président, et je crois que...
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député, si cela fait six fois, cela fera six fois...
M. Desbiens: M. le Président...
Le Président (M. Parent, Sauvé): ...et, si vous
enfreignez le règlement, je vous rappellerai à l'ordre.
M. Desbiens: ...le président du conseil supérieur
vient, justement, d'indiquer comment ils ont été choisis et
déterminés. Je pense que ces gens sont capables de faire la part
des choses et de dire ce qu'ils veulent bien dire et ce qu'ils peuvent dire-(17
h 15)
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Dubuc, je vous ferai remarquer que j'ai la
responsabilité de garder le débat dans le cadre normal des
choses. Je ne nie pas l'autonomie, la responsabilité et le jugement du
président du Conseil supérieur de l'éducation, au
contraire. Mais je me dois ici d'être le gardien de la qualité et
de l'orthodoxie de nos échanges. Je vous donne la parole.
M. Desbiens: Merci. Je suppose aussi qu'on est ici pour
comprendre les avis que le Conseil supérieur de l'éducation,
entre autres, a à donner. Ce que j'essayais par là de savoir,
c'est jusqu'à point le conseil peut s'impliquer quand il donne un tel
avis; au fond, c'est cela.
M. Lucier: Je dirai pour mémoire que l'enjeu de la
question est un amendement au régime pédagogique de
l'enseignement primaire. Nous avons un régime pédagogique et le
ministre se propose de modifier l'article 46. La loi l'oblige à
consulter le Conseil supérieur de l'éducation et elle nous
oblige à lui répondre. Nous avons répondu à
cette demande ce que nous avons dit. Il me semble avoir expliqué
suffisamment quelle était la position du conseil pour laisser les gens
à leur jugement sur la pertinence du contenu.
Je tiens à redire ici combien il est dans le coeur même du
mandat du conseil de répondre à une demande d'avis du ministre
sur une modification concernant le régime pédagogique du
primaire. Si cela n'est pas pédagogique, j'aimerais qu'on me dise ce
qu'est la pédagogie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
président. Je reconnais maintenant, comme dernière
intervention...
M. Desbiens: Si vous me le permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, allez-y.
M. Desbiens: ...je ne voudrais pas laisser l'impression que je
veux limiter le rôle ou la souveraineté du Conseil
supérieur de l'éducation pour employer le terme qu'il a
utilisé au cours de la journée, j'essaie de voir.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
député de Dubuc. Soyez assuré que le président
aussi est conscient que vous essayez de chercher la vérité et les
renseignements les plus précis possible. Je reconnais maintenant le
député de Laviolette.
Rôle des commissions au sein du conseil
M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est la
dernière intervention que nous aurons cet après-midi. Vous avez
mentionné ce matin, à l'intérieur des commissions, la
commission de l'enseignement supérieur. Nous sommes bien conscients
qu'il y a aussi un Conseil des collèges et un Conseil des
universités, et que les lois gouvernent leur action.
Le danger de duplication n'existe qu'en théorie dans le fond, en
ce sens que la commission de l'enseignement supérieur pourrait, si elle
le désirait, à un avis demandé en vertu de la Loi sur le
Conseil des collèges, même donner son avis, si j'ai bien
compris.
Une voix: Mais non,
M. Jolivet: Elle ne le peut pas?
M. Lucier: Non.
M. Jolivet: Je reviens. Je vous donne un exemple. Le Conseil des
collèges reçoit une demande d'avis du ministre en vertu de sa
loi. Mais le Conseil supérieur de l'éducation a aussi une
commission de l'enseignement supérieur. Est-ce que, de son propre chef -
c'est ce que je veux bien faire comprendre - elle le pourrait ou est-elle
limitée?
M. Lucier: C'est très intéressant comme question
institutionnelle. Les commissions chez nous n'émettent pas d'avis.
M. Jolivet: Je comprends. Je ne dis pas avis au ministre, je veux
dire avis au conseil même pour qu'il puisse se prononcer par l'entremise
de sa commission.
M. Lucier: Elle le pourrait en principe. Non, le conseil ne se
prononce pas par l'intermédiaire d'une commission. Quand il se prononce,
il se prononce. Pour l'aider à faire son travail, il y a des
commissions. Il pourrait aussi ne pas y en avoir, à la limite.
M. Jolivet: Disons que j'ai mal exprimé ce que je voulais
dire. Ce que je veux dire, c'est que le Conseil supérieur de
l'éducation a l'entièreté de l'éducation au
Québec...
M. Lucier: C'est cela.
M. Jolivet: ...incluant le primaire, le secondaire, le
collégial et l'universitaire.
M. Lucier: Les adultes et tout.
M. Jolivet: Le conseil peut se prononcer. Quand j'ai dit par
l'entremise de la commission, je veux dire qu'il peut aller chercher l'avis de
la commission pour se prononcer lui-même. Je voudrais savoir s'il y
aurait danger ou s'il serait permis, est-ce que quelqu'un pourrait vous taper
sur les doigts si, demain matin, en vertu de la Loi sur le Conseil des
collèges, une demande d'avis était faite au Conseil des
collèges par le ministre et que la commission de l'enseignement
supérieur disait: Écoutez, il serait peut-être bon que le
conseil se prononce et qu'elle vous demande si elle ne pourrait pas
préparer une position que le conseil pourrait prendre et contrebalancer?
Je veux juste voir s'il y a danger de part et d'autre.
M. Lucier: II n'y a pas de danger qui vient de la commission. Le
conseil supérieur peut se prononcer sur toute question. Point à
la ligne, je dirais. Les commissions sont là pour l'aider à
réaliser son mandat. Même si, à la limite, une commission
peut faire une suggestion, c'est une suggestion. C'est le conseil qui
décide s'il va intervenir sur une question ou sur une autre, mais il
peut intervenir sur toute question.
M. Jolivet: Le conseil pourrait-il
demander à la commission de l'enseignement supérieur... Je
reprends ma question à l'inverse. Est-ce que le conseil pourrait
demander à sa commission de lui préparer le texte qu'il lui faut
pour se prononcer sur une question qui est demandée en avis au Conseil
des collèges ou en avis au Conseil des universités?
M. Lucier: II le pourrait, en princioe. M. Jolivet: II le
pourrait? Bon.M. Lucier: Mais il ne le fait pas.
M. Jolivet: Oui, d'accord. C'est à cela que je veux en
venir. S'il ne le fait pas, quelle est donc l'utilité d'avoir une
commission?
M. Lucier: C'est ce que j'ai essayé d'expliquer ce matin.
C'est le conseil qui a le mandat général. Il a des commissions
pour l'aider à remplir son mandat général. Ces commissions
elles-mêmes n'ont pas de mandat spécifique; c'est pour aider le
conseil. Par exemple, dans le cas de la commission de l'enseignement
supérieur, elle est là pour aider le conseil, dans ses avis,
à tenir compte de la réalité de l'enseignement
supérieur. Elle n'est pas là pour faire ce que le Conseil des
universités fait, pas du tout. Il n'y a pas d'homologie, de toute
façon. C'est ce que j'essayais de démontrer ce matin. C'est un
membre du conseil qui la préside. Elle est là comme les autres
commissions pour aider le conseil à réaliser son mandat
pansystémique. Il n'y a aucune corrélation. Je reviens à
mon mot, il n'est pas si compliqué, il n'y a pas d'homolagie entre le
mandat de nos commissions, y compris celle de l'enseignement supérieur,
et le mandat du Conseil des universités.
M. Jolivet: Est-ce que je me trompe -je fais appel à ma
mémoire - en disant qu'il y avait autrefois une cinquième
commission qui était la commission de l'enseignement
collégial?
M.Lucier: II y a eu toute une histoire. On a déjà
eu une commission de l'enseignement technique et professionnel. II s'est
ajouté une commission de l'éducation des adultes. Il y a eu,
à un moment donné, une commission de l'enseignement
collégial. Elle est redisparue et ses fonctions ont été
assumées par la commission de l'enseignement supérieur, car
l'enseignement supérieur, à partir de la fin des années
soixante-dix, a désigné l'enseignement collégial et
l'enseignement universitaire. Le mandat de la commission n'a rien à voir
avec le mandat du Conseil des universités.
M. Jolivet: En fin de compte, je veux savoir s'il se pourrait,
hypothétiquement -mais vous me dites que vous ne le faites pas que la
commission de l'enseignement supérieur se prononce dans un avis
général...
M. Lucier: Pas la commission...
M. Jolivet: Excusez-moi, je me reprends. Je le dis mal. La
commission pourrait demander au conseil ou encore le conseil pourrait demander
à la commission, peu importe comment vous le faites... Ce que je veux
dire, c'est que le Conseil supérieur de l'éducation pourrait
demander à la commission de lui préparer une sorte d'avis
général et le conseil pourrait se prononcer de la même
façon que le Conseil des universités se prononce sur un avis
demandé par le ministre.
M. Lucier: Les choses ne se présentent pas comme cela. Le
conseil supérieur a mandat pour l'ensemble du monde de
l'éducation, sur son état et ses besoins. Il fait cela. En un
certain sens, il a des commissions, mais il pourrait ne pas en avoir. Cela ne
change rien au mandat comme tel. Avec des commissions, c'est plus facile de
réaliser son mandat.
J'ai bien essayé de démontrer ce matin aussi qu'il n'y
avait pas homologie dans les objets mêmes. Nous-mêmes avons
très peu de champs d'intervention du côté
réglementaire, par* exemple. Alors, notre niveau d'intervention se
limite à l'état et aux besoins de l'éducation. Quand nous
faisons un rapport annuel sur l'état et les besoins de
l'éducation, nous tenons compte de la dimension enseignement
supérieur. Nous ne donnons pas d'avis sur le mode de financement des
universités, pas plus qu'on n'en donne obligatoirement par la loi
pour...
M. Jolivet: Mais vous le pourriez. M. Lucier: On pourrait.
M. Jolivet: C'est ce que...
M. Lucier: Si on pensait que c'est important pour l'exercice de
notre mandat, on pourrait.
M. Jolivet: Compte tenu qu'il y a eu à l'époque
l'enseignement collégial, qui s'est peut-être fait hara-kiri pour
des raisons diverses, mais le Conseil des collèges a pris la place.
C'est à peu près de même qu'on...
M. Lucier: II n'a pas pris la place.
M. Jolivet: II a pris la place dans l'esprit des gens. Je ne dis
pas dans la réalité de votre institution, je dis la
réalité des choses. Les gens ont l'impression, dans le fond, que
votre commission de l'enseignement
supérieur est inutile, qu'il y a des gens qui y siègent et
qui, finalement, sont payés par des allocations journalières et
pour des dépenses, etc. Donc, est-ce que ce ne serait pas une
économie de les faire disparaître?
M. Lucier: C'est sûr que vous faites des économies
quand vous supprimez. Ce qui est majeur, c'est le mandat même du conseil.
Je puis vous dire que le conseil lui-même et les traditions qu'il
représente tiennent comme à la prunelle de leurs yeux au mandat
pansystémique du conseil. La question qu'on doit se poser sur les
commissions, ce n'est pas la question concernant la commission de
l'enseignement supérieur, c'est de savoir si un conseil ayant ce mandat
a besoin ou non de commissions pour l'aider à faire son travail. Mais il
n'y aucune ressemblance de mandat entre la commission de l'enseignement
supérieur, par exemple, et le Conseil des universités ou le
Conseil des collèges.
Dans la pratique, notre commission de l'enseignement supérieur
n'est pas une commission d'enseignement universitaire, c'est une commission de
l'enseignement supérieur selon la désignation qui est reconnue
maintenant et qui comprend collèges et universités. Seulement, je
me permets d'insister de nouveau sur le fait que le conseil tient fortement
à maintenir le niveau de ces interventions-là aussi. Alors, quand
on aborde les problèmes de l'enseignement supérieur, c'est
toujours dans leur portée systémique. Dans nos rapports annuels,
il y a toujours une composante concernant l'enseignement supérieur, mais
je serais porté à défier qui que soit de montrer que dans
des avis il y a des chevauchements avec les mandats spécifiques des deux
conseils sectoriels. Je serais prêt à soutenir le
débat.
M. Jolivet: Et, donc, à ce moment-là, étant
donné les discussions que vous pouvez avoir avec le Conseil des
collèges ou le Conseil des universités...
M. Lucier: Nous avons même d'excellents rapports.
M. Jolivet: Quels sont vos rapports et quelles sont vos
harmonies, ou vos manques d'harmonie, je ne le sais pas?
M. Lucier: Les rapports sont excellents. Je vous dirai que les
présidents de ces conseils se voient régulièrement. Nous
échangeons des plans de travail, nous nous consultons entre nous sur un
certain nombre de dossiers. Je n'ai pas vu, jusqu'à ce jour, de
chevauchements de mandat, si on accepte, évidemment, que le Conseil
supérieur de l'éducation a un mandat pour l'ensemble du
système. J'essayais de vous montrer ce matin d'où cela venait et
pourquoi nous y tenons d'une manière très très ferme.
M. Jolivet: La question qui s'est posée à
l'époque et que les gens posent encore est: Est-ce qu'on a
été obligé de créer le Conseil des collèges,
est-ce qu'on a été obligé de créer le Conseil des
universités parce que le Conseil supérieur de l'éducation
n'avait pas pris ses responsabilités avec sa commission de
l'enseignement supérieur?
M. Lucier: La réponse historique et législative
à cela, c'est qu'on a identifié des fonctions nouvelles en cours
de route. C'est ce que j'ai essayé d'expliquer ce matin. Si on a
créé le Conseil des universités, c'est en raison de la
structure législative concernant l'enseignement supérieur et on a
donné au Conseil des universités des mandats spécifiques
qui ne sont même pas dans la Loi sur le Conseil supérieur de
l'éducation. La même chose pour ce qui est du Conseil des
collèges, on a voulu répondre à des besoins
spécifiques en partie quasi administratifs pour faire des choses que le
gouvernement ne fait pas directement. Cela n'a pas changé le mandat du
Conseil supérieur de l'éducation. Ce n'est tellement pas un
mandat du conseil des écoles qu'il a, par rapport aux écoles,
beaucoup moins de champs obligatoires d'intervention que te Conseil des
collèges et le Conseil des universités n'en ont par rapport aux
collèges et aux universités.
Comme vous le savez, il n'y a que sur les réqimes
pédagogiques et sur les règlements concernant la formation des
maîtres que nous intervenons d'une manière obligatoire. Nous avons
un mandat concernant l'état et les besoins de l'ensemble de
l'éducation. Il n'y a pas d'homologie et, s'il y a eu essaimage, si vous
me permettez l'expression - dans chaque cas le Conseil supérieur de
l'éducation était d'accord, il l'avait même proposé
- c'était pour répondre non pas à quelque chose qui ne
s'était pas fait, mais à des besoins neufs.
Il ne faut pas oublier que le Conseil des universités a
été mis sur pied au moment où on a modifié
l'intervention de l'État dans le champ universitaire, que le Conseil des
collèges a été mis sur pied à un moment clé
de l'évolution des cégeps où le problème majeur
était celui de l'évaluation, comme vous le savez. C'est
très facile de le démontrer historiquement. Le Conseil
supérieur de l'éducation, en un sens, continue le mandat global
et historique que j'ai essayé d'exposer ce matin.
M. Jolivet: Avant de prendre le temps qui nous reste pour vous
remercier, j'aimerais juste dire, effectivement, que j'avais compris tout cela,
mais je voulais qu'on le fasse bien saisir. Surtout qu'on avait dit à
l'époque que le conseil supérieur s'était
fait hara-kiri au niveau de la commission de l'enseignement
collégial parce qu'il n'avait pas pris ses responsabilités, alors
que si jamais on décidait - c'est une décision qui est toujours
possible - de rapatrier, comme vous le disiez ce matin, au Conseil
supérieur de l'éducation, avec les mandats spécifiques
donnés dans la loi, il faudrait changer la Loi sur le Conseil
supérieur de l'éducation et y amener des postes et des budgets
fort probablement, donc, lui donner la capacité de faire ce que
demandent la Loi des collèges et la Loi sur le Conseil des
universités.
M. Lucier: Et en modifier la composition même. Ce n'est pas
le même type de représentativité, il n'y a aucun doute sur
cela.
Conclusions M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Au nom de ma formation politique, je tiens à
vous dire merci d'avoir su vous prêter de façon si
précieuse a ces discussions qui font connaître davantage quel est
le rôle, quel est le pouvoir, quelles sont les responsabilités du
Conseil supérieur de l'éducation. Soyez assurés que, si on
a posé des questions qui pouvaient peut-être laisser l'impression
qu'on vous mettait un peu sur le gril, c'était dans le but tout
simplement de bien connaître ce qu'est le Conseil supérieur de
l'éducation et la portée très importante sur la
collectivité québécoise des avis qui sont
donnés.
Je terminerai en disant qu'effectivement vous avez à
refléter, comme vous le disiez dans votre texte, ce que le monde
ordinaire dans le milieu pense du système d'éducation. L'autre
partie, qui était un peu plus difficile, c'est: Est-ce que vous avez
à le pénétrer et à l'animer? Ce qui n'est
malheureusement pas votre mandat, ou heureusement, cela dépendra comment
les gens se situeront de part et d'autre de la clôture. Une chose est
certaine, vous avez une responsabilité importante et qu'on vous
reconnaît. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, je vous
remercie aussi, M. le vice-président, et je reconnais M. le
député de Rousseau au nom de sa formation politique.
M. Robert Thérien
M. Thérien: Merci, M. le Président. C'est moi qui
ai l'immense plaisir de vous remercier au nom du parti ministériel. Je
voudrais le faire d'abord, comme enseignant - je ne dis pas comme
ex-enseignant, parce qu'on est beaucoup plus prêté à la
politique qu'au monde de l'éducation - étant de
l'éducation. Je voudrais aussi m'excuser de mon absence parce que j'ai
dû intervenir sur la motion sans préavis.
Je veux vous remercier au nom de mes collègues, tout simplement,
pour la meilleure compréhension qu'on a du conseil supérieur, la
plus grande profondeur, après la réunion d'aujourd'hui, quant aux
explications que vous avez si bien fournies au départ. Vous avez pu
constater qu'il y a certaines réflexions qui restent et je pense
qu'elles vont être bien entendues. Je veux vous remercier de vos avis
précieux en éducation qui malheureusement, parfois, ne sont pas
totalement écoutés, mais je pense que le monde de
l'éducation cherche un peu et a besoin d'être orienté ou,
je dirais, conseillé, si on ne veut pas parler d'orientation.
Je veux vous rappeler aussi jusqu'à quel point notre gouvernement
a un attachement au Conseil supérieur de l'éducation. Je pense
que vous l'avez souligné, par les lois qui sont débattues
présentement, on voit jusqu'à quel point on tient à
conserver votre entité et, surtout, à la respecter au plus haut
point. Je vous remercie beaucoup de votre présence et, surtout, du
débat qu'il y a eu aujourd'hui. Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, merci, M.
le président. Il me reste à vous remercier officiellement au nom
des membres de cette commission pour la disponibilité que vous avez eue
à l'égard de la commission. Alors, M. Lucier, M. Rossaert, M.
Paré, M. Durand, M. Deronzier, merci. M. Lucier.
M. Pierre Lucier
M. Lucier: Je sollicite votre permission pour vous remercier
à mon tour au nom de mes collègues du conseil. C'est un exercice
qui, je pense, est intéressant et nous espérons qu'il a
été utile. Nous sommes à votre disposition,
éventuellement, si vous voulez le poursuivre sur un aspect ou sur un
autre. Nous retenons, bien sûr - outre le fait que tout le monde ne
partage pas tout à fait notre avis sur l'enseignement de l'anglais au
1er cycle - surtout, l'estime que vous portez à une institution qui
déborde largement nos personnes. Nous, nous prenons le train, à
un moment donné, mais, l'institution nous dépasse.
Je retiens aussi votre insistance, votre intérêt à
ce que nous soignions encore davantage la diffusion de nos documents. C'est un
message que nous enregistrons et auquel nous essaierons de donner les
meilleures suites possible, avec les moyens que nous avons. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, messieurs.
La commission parlementaire ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 33)