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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Thursday, May 5, 1988 - Vol. 30 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les projets de loi 106 - Loi sur les élections scolaires et 107 - Loi sur l'instruction publique


Journal des débats

 

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'éducation, à l'intérieur du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, reprend ses travaux afin de tenir une consultation générale auprès des principaux intervenants du domaine scolaire dans le cadre de l'étude du projet de loi 107 qui a trait à la Loi sur l'instruction publique.

La commission parlementaire va accueillir ce matin, dans un premier temps, la Commission des écoles catholiques de Montréal qui revêt, pour les membres de cette commission, une importance toute particulière étant donné qu'on l'identifie souvent comme le deuxième ministère de l'Éducation à cause de sa grandeur, à cause aussi du nombre d'élèves et du personnel qu'elle a à gérer. Autrement dit, elle fait un peu bande à part, sans donner à mes propos un sens péjoratif. Je dirais qu'elle est particulière. Elle a peut-être une vocation spécifique en fonction du milieu géographique et du milieu sociologique à l'intérieur duquel elle évolue.

En janvier 1984, j'étais assis en face de la chaise que j'occupe actuellement et je représentais la Commission des écoles catholiques de Montréal qui venait ici se prononcer à l'égard du projet de loi 40 qui visait à refaire la Loi sur l'instruction publique. Aujourd'hui, quatre ans plus tard, je suis ici à ma grande surprise parce qu'à ce moment-là je n'aurais jamais cru que je présiderais la commission de l'éducation et, surtout, que je serais le président des auditions qui entendraient la Commission des écoles catholiques de Montréal.

Je souhaite que les gens qui vont représenter la CECM fassent ressortir le cas spécifique de la CECM, l'importance de lui donner une liberté d'action, aux membres de cette commission, qui sont des députés de régions qui ne connaissent peut-être pas toute la complexité du contexte à l'intérieur duquel des commissaires, comme ceux que nous allons accueillir tout à l'heure, et aussi les hauts fonctionnaires ont à oeuvrer. J'invite les membres de la commission à poser des questions en ce sens, de façon que l'image de la CECM soit bien connue de l'ensemble des députés du Québec qui auront à prendre une décision, à un certain moment, et qui auront à se prononcer sur le projet de loi que nous étudions actuellement.

J'invite immédiatement le porte-parole de la Commission des écoles catholiques de Montréal, Me Michel Palascio, à prendre place à l'avant, avec les personnes qui vont l'assister dans cet échange que nous allons avoir. Pendant qu'ils s'installent, je profite de l'occasion pour saluer de façon particulière la vice-présidente de la Commission des écoles catholiques de Montréal,

Mme Pelletier, la commissaire, Mme Gadoury, la représentante des parents, Mme Daigneault, et M. le commissaire Paré. Quant à ceux qui sont assis à la table avec M. le président, je lui laisse le plaisir de nous les présenter.

M. Palascio, je vous informe immédiatement que la commission va accorder une heure et demie à la Commission des écoles catholiques de Montréal, soit 90 minutes qui seront divisées comme suit. Je vous suggère de prendre 20 à 30 minutes pour la présentation de votre mémoire et, après cela, nous aborderons une période d'échanges entre les membres de la commission, qui sera répartie à parts égales entre les membres des deux formations politiques. M. le président, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et enchaîner immédiatement avec la présentation de votre mémoire. M. Palascio.

CECM

M. Palascio (Michel): Je vous remercie, M. le Président, et les membres de la commission d'avoir accepté de nous recevoir. Je pense que mes collègues et moi sommes très heureux de voir que vous n'avez pas oublié votre aima mater d'il y a quelques années. Nous en sommes très fiers. Je tiens à remercier la commission parlementaire de fournir à la CECM la possibilité de se faire entendre sur les deux projets de loi à l'étude. C'est avec plaisir que je retrouve, à la présidence de la commission parlementaire de l'éducation, un ancien président de la Commission des écoles catholiques de Montréal.

J'aimerais, d'abord, vous présenter les personnes de la CECM qui m'accompagnent: à ma gauche immédiate, M. Laurent Portugais, directeur général de la CECM; à ses côtés, M. Katif Gazzi, sous-directeur général à l'administration et à l'équipement; à ma droite immédiate, Me Jude Parent, directeur du service du contentieux.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Messieurs, soyez les bienvenus.

M. Palascio: Je voudrais mentionner aussi, comme vous l'avez dit tout à l'heure, la présence de certains commissaires de la CECM et d'un commissaire parent, membre du conseil des commissaires de la CECM.

Avant de passer en revue chacun des deux projets de loi, j'aimerais faire quelques remarques d'ordre général. De façon globale, mes collègues du conseil des commissaires ont l'impression que les deux projets de loi ont été préparés sans tenir compte de la spécificité de Montréal et, en particulier, de la situation linguistique, démographique et économique de sa population.

Nous avons, au Canada, quatre niveaux de

gouvernement - fédéral, provincial, municipal et scolaire - et chaque gouvernement a sa propre légitimité et sa juridiction particulière, même si les responsabilités sont partagées dans certains cas. Toute commission scolaire, grande ou petite, est un vrai gouvernement local dont les membres sont élus au suffrage universel et dont la raison d'être est l'école. Or, dans les deux projets de loi à l'étude, on a l'impression que le gouvernement scolaire, élu au suffrage universel pour fournir les services éducatifs répondant aux besoins particuliers de sa clientèle, ne reçoit pas les pouvoirs dont il a besoin pour s'acquitter efficacement de ses responsabilités.

Enfin, la CECM est un gouvernement dont la juridiction s'exerce sur un territoire plus grand que celui de la ville de Montréal et qui comprend aussi les villes de Westmount, Montréal-Ouest, Côte-Saint-Luc, Hampstead et Montréal-Nord. Il va de soi que la CECM est au service d'une population dont la situation socio-économique et la composition ethnique sont uniques au Québec. La taille de la CECM et l'importance de la population qu'elle dessert, l'étendue de son territoire, la composition ethnique et linguistique de sa population, les besoins et problèmes particuliers d'une clientèle hétérogène, la variété et la quantité des services qu'elle offre, tout cela fait que la CECM a besoin d'une autonomie et de pouvoirs lui permettant d'exercer pleinement sa juridiction et ses responsabilités de gouvernement local.

Après ces remarques générales, je passe immédiatement à l'examen du projet de loi 107 qui doit remplacer la Loi sur l'instruction publique. Mes commentaires porteront sur les quatre questions suivantes: la confessionnalité des structures, le partage des responsabilités en éducation, les services éducatifs en milieu urbain et l'éducation des adultes.

Bien que le projet de loi 107 conserve à la CECM son statut de commission scolaire confessionnelle catholique sur son territoire actuel conformément à l'article 93 de la constitution canadienne, la volonté du législateur de remplacer les commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques nous paraît non seulement contraire à l'histoire et à la tradition du Québec, mais aussi au désir maintes fois exprimé des Québécois. Tout se passe comme s'il y avait au Québec un consensus sur les commissions scolaires linguistiques. À notre avis, ce n'est pas le cas. Le projet de loi donne l'impression que l'école est le lieu privilégié de la confessionnalité et que les écoles peuvent être confessionnelles sans que les structures le soient. Ce n'est pas l'avis du conseil des commissaires de la CECM.

Selon le projet de loi 107, la confessionnalité est confiée au conseil d'orientation de chaque école et celui-ci obtient le mandat de recommander à la commission scolaire d'accorder ou de retirer la reconnaissance confessionnelle d'une école. Comme si le statut d'école confes- sionnelle n'était pas suffisamment difficile à obtenir, la commission scolaire n'a aucunement l'obligation de l'accorder. Alors, si le gouvernement adoptait tel quel le projet de loi 107, on pourrait dire que la confessionnalité, qui a fait partie intégrante de notre régime scolaire et qui est même enchâssée dans la constitution canadienne pour les villes de Québec et de Montréal, ainsi que pour les dissidentes, serait, de facto, abandonnée et cesserait d'être un droit historique. Elle deviendrait une option individuelle de chaque école et, pour que cette option soit exercée, elle devrait d'abord être demandée par l'école à la commission scolaire. Celle-ci aurait donc le pouvoir discrétionnaire d'accorder ou de refuser la reconnaissance confessionnelle. Pour justifier son refus, elle pourrait invoquer les raisons les plus diverses et les plus fantaisistes.

On voit tout de suite la fragilité de la confessionnalité de l'école québécoise et, à notre avis, on pourrait en prévoir la disparition prochaine. La CECM croit qu'il faut maintenir au Québec les garanties juridiques assurant le caractère confessionnel de l'école et les structures administratives confessionnelles chargées de gérer les écoles et d'en défendre les intérêts. Est-il nécessaire de rappeler que, pour nous, la confessionnalité n'est pas une fin en soi, mais un moyen pour assurer et promouvoir un projet éducatif qui inclut les valeurs faisant partie de notre héritage culturel et qu'on pourrait sans doute appeler l'humanisme chrétien?

Le gouvernement a l'obligation de respecter le contrat social qui le lie aux Québécois et le droit historique de ces derniers de choisir l'institution qu'ils désirent. Dans la tradition québécoise, ce droit signifie, d'abord, le choix entre l'école catholique et l'école protestante et le droit, pour d'autres personnes, de créer des écoles correspondant à leurs besoins. Les enquêtes menées au cours des dernières années prouvent que la majorité des Québécois souhaite conserver ce droit historique et cet héritage socioculturel d'inspiration et de tradition chrétiennes. En fait, pour nous, l'école confessionnelle ne peut exister et s'épanouir si elle n'est pas soutenue, animée et encadrée par des structures confessionnelles. Les deux dernières élections scolaires à la CECM ont permis à nos concitoyens d'exprimer sans équivoque leur préférence pour une commission scolaire confessionnelle.

Par ailleurs, il ne faudrait pas déduire de cette position que nous voulons imposer des écoles et des structures scolaires confessionnelles à ceux qui n'en voudraient pas. Nous avons toujours accepté dans nos écoles des élèves ne partageant pas notre foi et n'avons jamais imposé à personne l'enseignement religieux catholique. Depuis trois ans, la CECM donne aux élèves de ses écoles, sans y être obligée, le choix entre l'enseignement moral et religieux. Toutefois, dans le but de reconnaître des droits scolaires égaux aux citoyens désirant des écoles

autres que catholiques ou protestantes, nous proposons que leur soit reconnu, quand leur nombre le justifie, le droit d'avoir des écoles autres.

Pour terminer sur ce point, cette question est pour nous si importante qu'à défaut de maintenir les commissions scolaires confessionnelles nous demandons que le projet de loi 107 soit purement et simplement retiré. (10 h 30)

Sur le plan du partage des responsabilités, le projet de loi actuel contient certains éléments très intéressants, il est heureux qu'on reconnaisse les premiers intervenants de l'école et qu'on consacre les droits et les responsabilités de l'élève et de l'enseignant. Nous nous réjouissons aussi de la façon dont le rôle du directeur d'école est défini. Quant au rôle des parents, nous comprenons les intentions du législateur en créant le conseil d'orientation de l'école, mais nous croyons plus sage de maintenir les comités d'école comme ils existent depuis longtemps, en particulier à la CECM. Le comité d'école fait partie de notre tradition et les parents s'y sont habitués.

Le projet de loi accorde trop de pouvoirs au ministre de l'Éducation et pas assez aux commissions scolaires. Cela nous paraît contraire au respect des valeurs démocratiques de notre société puisque la commission scolaire est un véritable gouvernement local, élu au suffrage universel et ayant une juridiction propre, même s'il exerce celle-ci avec l'assistance du ministère de l'Éducation. Or, ce n'est pas en enlevant tout pouvoir aux commissions scolaires qu'on va revaloriser celles-ci et les rendre plus responsables. Le ministère a un rôle essentiel à jouer. Il doit définir des objectifs généraux de formation aux différents niveaux, déterminer les contenus précis des programmes et prévoir des modes d'évaluation satisfaisants, mais il ne doit pas se substituer constamment aux commissions scolaires et les traiter comme si elles étaient en tutelle.

Pour ce qui est des services éducatifs, le projet de loi réduit la commission scolaire au rôle de simple exécutante chargée d'administrer, sans pouvoirs réels, le régime pédagogique et les programmes d'études arrêtés par le ministère de l'Éducation.

Pour tout ce qui touche les ressources humaines, la commission scolaire se voit reconnaître son rôle d'employeur, sauf que la loi 37 limite son rôle à l'application des conventions collectives négociées provincialement. Lors des dernières négociations, la CECM n'était même pas présente aux tables provinciales.

Pour ce qui est des ressources financières, le mode d'allocation actuel ne tient pas compte de la situation difficile de plusieurs segments de la clientèle scolaire dans un milieu fortement urbanisé comme celui de la CECM. La répartition des ressources financières devrait être établie selon les catégories d'élèves et selon les par- ticularités territoriales. Par ailleurs, il faudrait éviter que les règles budgétaires ne changent constamment, rendant impossible toute planification.

Enfin, pour ce qui est des ressources matérielles, la commission scolaire est placée dans une situation de très grande dépendance par la série de procédures, de permissions, d'approbations et de normes préalables à l'attribution des budgets requis, sans compter les contraintes imposées quant à la manière de gérer ses budgets. Il nous semble que les commissions scolaires sont plus en mesure que le ministère de prendre les décisions nécessaires à l'exécution de leur mandat. Je fais donc mienne la constatation de MM. René Dussault et Louis Borgeat dans leur traité de droit administratif publié aux Presses de l'Université Laval en 1984 et je cite: "La multitude des contrôles exercés sur les activités des commissions scolaires atténue le degré d'autonomie dont elles pourraient jouir et aussi, il faut le dire, le dynamisme dont le ministère de l'Éducation avait voulu imprégner tout le système scolaire québécois au milieu des années soixante. La recherche d'un meilleur équilibre entre l'autonomie et les contrôles et celle d'un régime juridique à la fois simple et en accord avec le besoin de renforcer le rôle et les pouvoirs de l'école s'impose. "

À la CECM, nous estimons aussi que le ministère de l'Éducation ne tient pas compte suffisamment des besoins particuliers de notre clientèle et le mode d'allocation des ressources financières nous pénalise très gravement et tout particulièrement. Le projet de loi ne corrige pas du tout la situation. Il réduit même les pouvoirs des commissions scolaires. Et c'est sur le territoire de la CECM qu'on trouve la plus grande concentration de personnes à faible revenu, de familles monoparentales, de chômeurs, d'assistés sociaux et de personnes handicapées. C'est aussi à la CECM qu'on trouve la plus forte proportion d'élèves allophones qui représentent aujourd'hui entre 30 % et 40 % de notre clientèle. À ces réalités s'ajoutent les phénomènes typiquement urbains de la délinquance et de la violence, sans oublier les problèmes liés aux fréquents déménagements et au nomadisme des milieux socio-économiquement faibles.

Enfin, le nombre et l'importance des écoles privées sur notre territoire nous privent d'une bonne partie des meilleurs éléments et nous laissent un pourcentage plus élevé qu'ailleurs d'élèves en difficulté. C'est au nom de l'efficacité que la plupart des pouvoirs pédagogiques et administratifs que le projet de loi réserve au ministre de l'Éducation devraient être exercés par les commissions scolaires.

Il y aurait un dernier point sur le projet de loi 107 concernant l'éducation des adultes. Je pense que la CECM se réjouit que le projet de loi fasse une place à l'éducation des adultes et lui donne enfin une reconnaissance et un statut attendu depuis longtemps. La loi devrait sans

doute prévoir l'accessibilité des adultes à une instruction de base gratuite équivalente à une formation secondaire, à condition que les commissions scolaires obtiennent les ressources financières nécessaires à cette fin. Par ailleurs, il faudrait accorder aussi aux adultes la possibilité de s'inscrire non seulement à la commission scolaire où ils ont leur domicile, mais aussi à la commission scolaire de leur choix, comme c'est le cas actuellement. Il est parfois plus pratique pour un adulte de suivre des cours près de l'endroit où il travaille.

En ce qui concerne le projet de loi 106, plusieurs mesures sont très intéressantes. L'intention en est généreuse, mais le résultat est qu'elles rendent, à notre avis, plus difficile l'exercice de la démocratie scolaire. Nous pensons qu'il faut abandonner les circonscriptions réservées à la minorité linguistique d'une commission scolaire et superposées aux autres circonscriptions. Cette mesure d'ordre général nous paraît destinée à régler un problème particulier et on peut craindre qu'elle ne crée de la confusion et n'entraîne une désaffection des électeurs. De la même façon, nous ne croyons pas utile que soit accordé à certaines personnes le droit de vote dans une commission scolaire où elles n'ont pas leur domicile.

Par ailleurs, le droit accordé à des catholiques de voter et d'être candidats dans une commission scolaire protestante, et le droit accordé à dès protestants de voter ou d'être candidats dans une commission scolaire catholique nous paraissent devoir créer beaucoup de confusion. Cette mesure, incompatible avec des structures scolaires confessionnelles, devrait, à notre avis, être rejetée et le principe du suffrage universel selon la règle une personne, un vote pour l'ensemble des personnes d'un territoire nous paraît seul acceptable en démocratie.

Si le projet de ioi 106 est adopté, le nombre des commissaires pour la CECM serait établi de la même façon que pour les autres commissions scolaires existant au Québec, c'est-à-dire en fonction de sa clientèle scolaire. Or, nous croyons que le principe de la densité de la population en milieu urbain devrait être accepté comme critère autorisant le gouvernement à créer des circonscriptions supplémentaires. Il faut à la CECM un meilleur équilibre entre l'importance de la clientèle scolaire et le nombre des commissaires.

Pour ce qui est du principe du financement des élections scolaires, il devrait aussi permettre l'accroissement de l'enveloppe budgétaire prévue pour le financement d'une commission scolaire. De plus, seul le candidat doit avoir droit au remboursement de ses dépenses électorales et nous pensons que la réglementation devrait établir un montant maximum par candidat.

Enfin, les élections scolaires devraient, comme les élections municipales, se tenir tous les quatre ans. Cela permettrait de réduire le coût de l'organisation des élections et, en particulier, de la confection des listes électorales.

En conclusion, la CECM souhaite que les deux projets de loi à l'étude répondent aux besoins et aux désirs de la population montréalaise. Elle réclame donc, avec le maintien des structures scolaires confessionnelles, l'accroissement des pouvoirs des commissions scolaires et la diminution de ceux du ministère de l'Éducation, car elle estime pouvoir mieux que lui fournir tous les services que la diversité et la complexité des besoins de sa population exigent.

J'aimerais rappeler que la CECM, au contraire de la moyenne générale des commissions scolaires de la province, compte plus de 92 000 élèves. Chacune des régions françaises de la CECM a un nombre d'élèves plus important que la majorité des commissions scolaires de la province, ce qui entraîne des particularités que le projet de loi, croyons-nous, ne respecte pas à l'heure actuelle.

Je vous remercie, M. le Président. C'était la présentation concernant les deux projets de loi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous remercie, M. le président de la CECM.

Je vais, d'abord, reconnaître M. le ministre de l'Éducation et député d'Argenteuil. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, c'est toujours avec plaisir que nous retrouvons la Commission des écoles catholiques de Montréal à ces grandes délibérations parlementaires sur les orientations et les structures de notre système scolaire.

Je voudrais signaler, au tout départ, que la teneur des mémoires qu'on nous présente pourrait parfois induire l'Opposition à penser qu'il y a des grands conflits entre le ministère de l'Éducation et les organismes qui se présentent devant nous. La réalité, généralement, est tout le contraire. Les rapports entre le ministère de l'Éducation et la Commission des écoles catholiques de Montréal en particulier sont, à mon humble point de vue, excellents. Les rencontres sont fréquentes. Chaque fois qu'un problème surgit, je pense qu'une table commune se crée pour en faire l'examen et y apporter des solutions. Je pense que nous en avons réglé plusieurs au cours des trois dernières années. Je ne voudrais pas que les critiques qu'en toute légitimité, la Commission des écoles catholiques de Montréal adresse aux deux projets de loi que nous discutons fassent perdre de vue cette dimension concrète, non moins importante, que je tiens à souligner au début de nos échanges, ne serait-ce que pour indiquer que j'entends échanger avec la commission dans le même esprit de cordialité et de collaboration qui caractérise nos rapports habituels.

J'ai bien apprécié le soin que la CECM a mis à préparer les deux mémoires qu'elle nous soumet ce matin. Il s'agit de deux mémoires substantiels qui nous apportent un éclairage fort utile sur beaucoup d'aspects des deux projets de

loi, et j'en exprime mon appréciation. Les mémoires rappellent également à notre attention les caractéristiques de la région montréalaise qui, au point de vue démographique, est de beaucoup la plus importante de tout le Québec. Je pense que ces caractéristiques doivent être rappelées constamment à ceux qui prennent les décisions à partir de Québec, y compris aux hommes et aux femmes politiques qui viennent siéger à Québec en tant que représentants de circonscriptions de la région montréalaise.

Tous ces points sont notés avec beaucoup d'intérêt et je pense que nous saurons en tirer notre profit. J'ai remarqué, en particulier en ce qui touche le projet de loi 106, qu'il y a beaucoup de remarques d'ordre fonctionnel qui nous permettront de cerner avec plus de précision les mécanismes qui devront présider à la préparation des élections scolaires et à leur déroulement. Nous prenons note de toutes ces observations avec appréciation et, je pense, avec profit.

Sur le fond du mémoire, j'aurais peut-être quelques observations à faire pour indiquer une différence de perspectives entre le gouvernement et la Commission des écoles catholiques de Montréal. Un premier point m'a frappé dans le mémoire. Je lis, à la page 5, le passage suivant. Nous affirmons "notre conviction profonde que les structures confessionnelles au niveau des commissions scolaires sont, et de loin, les plus adéquates pour le soutien du projet éducatif confessionnel des écoles." C'est, évidemment, une attaque frontale contre un des éléments essentiels du projet de loi 107 et, à ce sujet, je voudrais vous faire une remarque qui me paraît tirée de l'expérience. Au moins jusqu'à 1971 de manière claire et même jusqu'à maintenant, nous avons eu, au Québec, des commissions scolaires dont la très grande majorité, selon toute la jurisprudence, n'était pas confessionnelle au sens strict du terme. Même les commissions scolaires que nous tenons de la loi de 1971 sont des commissions scolaires pour catholiques et pour protestants, mais non pas des commissions scolaires confessionnelles au sens fort du terme, comme c'est le cas pour la CECM, par exemple. La commission scolaire du Long-Sault, dans la région d'Argenteuil, n'est pas une commission scolaire confessionnelle au sens fort du terme.

J'ai l'impression que nous avons eu, dans les régions du Québec où nous avions des commissions scolaires communes, des écoles qui étaient tout aussi catholiques que celles que nous avons eues à Montréal sous l'autorité de la CECM, ce qui m'induit à penser que, en longue période, la valeur de nos écoles au point de vue religieux et moral dépend encore plus des convictions, des valeurs et des croyances des citoyens et des personnes qu'ils élisent pour diriger les affaires scolaires que d'un statut purement juridique pouvant être accordé à la commission scolaire.

Je ne sais pas si, de ce point de vue là, l'expérience historique du Québec ne nous invite pas à faire peut-être montre de plus de réserve dans l'affirmation d'opposition aussi catégorique que celle que je trouve dans le mémoire. Plus j'avance, en tout cas, plus c'est l'impression qui me vient à l'esprit.

Même, je transige beaucoup, comme député d'une circonscription largement rurale, avec les pouvoirs municipaux. Je constate que nos autorités municipales ne sont pas confessionnelles, mais, en général, elles sont très proches de leurs gens au point de vue religieux et moral parce qu'elles en sont l'expression. Il est bien rare qu'on entende dire qu'il y a des brimades des droits religieux des citoyens par les autorités municipales. En général, elles savent très bien que, pour continuer à gouverner, il faut qu'il y ait une certaine communion entre elles et les citoyens.

Par conséquent ici, je pense que, si nous mettons un peu de lest dans les structures, nous ne contredisons pas, loin de là, la tradition que le Québec a développée en matière éducative. Au contraire, je pense que nous l'ajustons aux réalités d'aujourd'hui d'une manière qui se justifie beaucoup par les faits.

Cela m'amène à une deuxième remarque. Il semble qu'il y a une faiblesse dans le mémoire que vous nous présentez. Je vous le dis en toute simplicité et pas du tout sur le ton polémique. C'est que l'analyse de la réalité montréalaise, en particulier, me semble un peu courte en ce qui touche les valeurs morales et religieuses des citoyens. Nous avons vécu une évolution extraordinaire depuis un quart de siècle où les positions et les allégeances des personnes qui forment la population, en matière morale et religieuse, se sont beaucoup diversifiées au point qu'il devient très difficile de les identifier dans un très grand nombre de cas et, je dirais même, dans un nombre croissant de cas.

Un observateur religieux avait employé cette expression au début de la nouvelle génération, il y a environ 25 ans. Il avait dit: Nous sommes entrés dans l'époque du troisième homme, celui qui n'est pas classé catégoriquement, ni d'un côté ni de l'autre, comme cela a été le cas aux origines de la Confédération où on était classés clairement. Aujourd'hui, il y a beaucoup de zones d'ombre dans tout cela qui nous sont proposées par la réalité. Ce ne sont pas des inventions de ceux qui gouvernent. Cela nous est suggéré par la réalité.

Quand nous proposons ces ajustements aux structures scolaires, nous pensons à cela. Nous cherchons des structures qui vont correspondre davantage à ce qu'est réellement la population dans nos différentes régions. Comme nous ne pouvons pas avoir une multiplicité indéfinie de modèles de commissions scolaires, il faut bien choisir préférentiellement le modèle qui serait le plus susceptible de regrouper les citoyens et leurs enfants dans un système scolaire de manière claire, identifiable, simple et fonctionnelle.

(10 h 45)

II nous semble que ce modèle que nous proposons est meilleur. Cela vient de l'évolution qui s'est produite ces dernières années. Dans la région des Laurentides, par exemple, la plupart des commissions scolaires pour catholiques ne sont pas capables d'offrir des services à leur clientèle anglophone parce qu'elles n'ont pas les infrastructures que cela prendrait. Elles doivent passer une entente avec la commission scolaire protestante. Depuis des années, à toutes fins utiles, la population anglo-catholique de la plupart des territoires scolaires des Laurentides est scolarisée par des commissions scolaires protestantes qui sont de facto des commissions scolaires anglaises.

Va-t-on laisser ces choses continuer, vivre avec un paysage aussi bigarré ou si on va essayer d'ajuster les structures à ce qu'est la réalité? À Montréal, on a le cas, qui a été signalé souvent par la députée de Chicoutimi et par beaucoup d'autres observateurs, de ces francophones qui, en nombre croissant sont inscrits dans les écoles de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, commission scolaire, et je le dis sans connotation péjorative, dont la direction est anglophone, à toutes fins utiles. On fait des efforts très louables à la CEPGM pour offrir des services qui répondront aux besoins de la clientèle francophone. Tout ne peut pas se faire dans une journée. Je crois qu'ils ont fait, de ce côté, du travail qui mérite d'être signalé à côté des critiques que l'on formule souvent.

Où allons-nous avec tout cela? Comment les choses vont-elles continuer d'évoluer? Nous ne le savons pas, mais je pense que, déjà, la réalité nous fournit beaucoup d'indications qui montrent, quand même, les voies susceptibles d'être empruntées. Je mentionne ces faits pour indiquer qu'il y a, dans la perception même de !a réalité, des différences qui conduisent, évidemment, au niveau des solutions, à des conclusions différentes aussi. De ce côté, je tiens à souligner que l'analyse du gouvernement n'est pas celle que fait la Commission des écoles catholiques de Montréal. Je pense qu'il y a un travail à faire de ce côté.

Je fais une autre remarque à propos des commissions scolaires. Le ton du mémoire est un peu excessif pour moi, malgré que je ne m'en plaigne point parce que j'ai fait mon pain et mon beurre de la polémique pendant de nombreuses années. Chaque fois qu'on me la propose, je l'apprécie parce que cela m'invite à retrouver une partie de mon naturel que je dois toujours essayer de contenir comme membre du gouvernement.

Vous dites: Les commissions scolaires sont réduites au rôle de simples exécutants. Vous parlez du projet de loi 107; je lis qu'il remet la totalité des pouvoirs réels au gouvernement. "! beg to differ", comme on dit, je sollicite l'honneur de diverger d'avis avec vous. Je crois que les pouvoirs dont disposent les commissions scolaires sont très importants. Les commissions scolaires embauchent le personnel, du premier au dernier. Je ne sais pas combien il y a d'employés - je ne m'en souviens pas - à la Commission des écoles catholiques de Montréal. Combien y en a-t-il? Il y en a pas mal plus qu'au ministère de l'Éducation, où il y en a, je pense, 1800.

Une voix: 1200.

M. Ryan: II y en a 1200. Cela a baissé d'année en année à cause du Conseil du trésor, de toutes sortes de facteurs que vous connaissez bien, et du mouvement de décentralisation des responsabilités qui a été une des constantes de l'action du ministère, ces dernières années. Chaque fois qu'on réduit nos effectifs, on a des critiques de la part de l'Opposition.

Je ferme la parenthèse. Je reviens à cette question-ci. Je pense que de facto la diminution d'effectifs a été plus sensible au ministère de l'Éducation ces dernières années. Il y a eu aussi une diminution dans les commissions scolaires. Je pense qu'elle est encore plus prononcée chez nous. La tendance depuis quelques années - je vais essayer de ne pas faire de politique partisane avec cela - je pense que cela a été de donner plus de marge de manoeuvre aux commissions scolaires. Je prends un exemple: les règles budgétaires nouvelles. Nous en avons le crédit, c'est nous qui les avons instituées. Mais le travail avait été commencé sous le gouvernement précédent. Je le dis en toute loyauté. Nous avons poussé le travail au bout. Ce n'est pas fini. Vous faites des propositions qui sont dignes d'étude dans votre mémoire au sujet des règles budgétaires. Vous proposez peut-être une autre manière d'établir la répartition des ressources. C'est intéressant. Mais il y a, quand même, eu un mouvement, non dans le sens d'une centralisation plus grande, mais d'une souplesse plus grande du côté des commissions scolaires. Comme on ne le signale pas dans le mémoire, je me permets d'ajouter cette nuance pour essayer d'en arriver à ce que nos points de vue se rapprochent.

Dans le projet de loi, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de changements, finalement. J'ai énuméré six pouvoirs nouveaux importants qui sont dévolus au ministre de l'Éducation ou au gouvernement. Je pense qu'on peut discuter de chacun d'entre eux. On va prendre le pouvoir de déterminer, en dernière analyse, la carte des enseignements professionnels. Il n'y a pas une commission scolaire sérieuse qui va venir soutenir en conversation privée et serrée autour d'une table que cela devrait être renvoyé complètement aux commissions scolaires. Je n'en connais pas une qui m'a dit cela depuis six mois. On peut le dire en public, cela paraît bien pour la parade, mais, en pratique, tout le monde sait qu'au bout de la ligne il faut bien que le ministre prenne les décisions. Quand il y a cinq commissions

scolaires dans une région qui veulent avoir l'option techniques d'usinage, chacune a de bien bonnes raisons, elle a les organismes intermédiaires derrière elle, les conseils municipaux et tout ce qu'on compte d'organismes de pression. Ils disent: Vous, vous avez le paquet. On n'a pas la clientèle pour en avoir cinq; on a la clientèle pour en avoir une ou deux au plus. Il faut bien décider. On l'a fait ces derniers temps et je pense que tout le monde se rend compte de facto que c'est une bonne affaire. Si vous contestez fondamentalement ce pouvoir - peut-être cela pourrait-il être formulé autrement - j'aimerais beaucoup le savoir, mais je pense que vous ne le ferez pas.

En matière d'éducation des adultes, c'est la même chose: nous avons actuellement à peu près 80 ou 82 services régionaux d'éducation des adultes; on ne peut pas en avoir 213. Il faut bien qu'on tranche quelque part. Dans toute la mesure où cela peut être fait par concertation, je pense que vous savez que c'est notre méthode de travail. Nous faisons tout ce qui est possible pour que cela se décide par voie de concertation entre les commissions scolaires et la direction régionale. Mais, en dernière analyse, l'année scolaire commence telle date et il faut que les décisions soient prises à telle date, soit quelques mois avant. Il faut bien que cela se décide quelque part et je ne vois pas où cela peut se décider ailleurs qu'au ministère de l'Éducation. Cela dit, je pense qu'on peut s'entendre. C'est bon que des points de vue opposés soient exprimés et nous n'en éprouvons aucune espèce d'amertume.

Je voudrais vous dire une chose. Dans votre mémoire, vous dites qu'il y a beaucoup trop de contrôles. Si on peut les simplifier, on travaille à cela. Je peux vous dire que, pour mes collaborateurs du ministère de l'Éducation, c'est un souci constant: Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour diminuer les contrôles? Dans quelle mesure peut-on diminuer les contrôles en même temps qu'on va s'assurer que les normes vont être respectées? C'est notre dilemme. On a discuté d'un cas, hier, à propos d'un cégep où il y a eu une opération de nettoyage à faire ces derniers mois. Je pense qu'on ne peut pas laisser les choses aller à bride complètement déployée. Tant que 92 % des ressources émaneront du gouvernement provincial en direction des commissions scolaires, l'Assemblée nationale et nos concitoyens sont justifiés d'exiger des comptes. Pour qu'on puisse rendre des comptes de manière sérieuse, il ne faut pas qu'on ait 213 pouvoirs juxtaposés et pratiquement indépendants du gouvernement québécois. Il faut bien qu'il y ait des normes qui nous unissent autour desquelles nous essayons de travailler. Si certaines normes peuvent être assouplies, on est prêts à discuter et - c'est la première question que je vous adresserai tantôt - s'il y a des choses qu'on peut améliorer dans le projet de loi de ce point de vue, c'est très bien.

Juste pour finir sur la confessionnalité avant d'en venir à une question pratique, nous allons aller devant les tribunaux une fois que le projet de loi aura été adopté, nous allons vérifier la nature exacte de la protection constitutionnelle garantie par ia loi de 1867. Nous allons vérifier sa portée et, ensuite, nous verrons à l'application de tout cela dans les meilleures conditions possible.

J'en viens maintenant à une question. Dans les pouvoirs que le projet de loi attribue au gouvernement et au ministre, est-ce que vous pourriez indiquer avec le plus de précision possible ceux, d'après vous, qui pourraient et qui devraient en toute rationalité, tenant compte des contraintes dont j'ai parlé, même des contraintes budgétaires et autres, être dévolus aux commissions scolaires? J'aimerais que vous pensiez en me donnant votre réponse qu'il y a la CECM et qu'il y a les autres commissions scolaires qui n'ont pas les dispositifs administratifs ou professionnels que possède la commission, qui ont des ressources beaucoup plus limitées. Si vous pouviez nous fournir un éclairage sur ce qui pourrait être ajusté dans ce projet de loi pour correspondre mieux à vos attentes, cela m'intéresserait d'avoir votre point de vue là-dessus et, ensuite, on pourra vous dire si on trouve que c'est applicable ou non. Je pars de la prémisse que le partage qui est proposé est un partage très raisonnable, compte tenu de l'ensemble des conditions dans lesquelles nous devons fonctionner comme système d'enseignement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président.

M. Palascio: M. le Président, il y a beaucoup de choses qui ont été mentionnées. Si vous me le permettez, j'aimerais y revenir; j'espère que je n'oublierai pas certains points.

Tout d'abord, M. le Président, lorsqu'on présente un mémoire, naturellement, on essaie d'être le plus succinct possible et on a peut-être tendance à aller plus vers le côté critiquable que vers les côtés positifs. Je pense que c'est un peu normal... il y a certainement des points - et on a tenté de les mentionner dans notre mémoire - sur lesquels nous sommes, quand même, en accord avec les propositions qui sont faites.

Je voudrais aussi, au nom de mes collègues, témoigner que le ministre de l'Éducation a toujours été à l'écoute des demandes ou des représentations de la CECM. Je pense qu'en aucun temps on ne nous a refusé l'accès au bureau du ministre; je pense qu'il nous a toujours écoutés, même si on ne partage pas toujours les mêmes points de vue. Je pense que les discussions se sont faites dans le respect mutuel. Je tiens à le souligner au nom de mes collègues commissaires.

Tout d'abord, M. le ministre a parlé de l'école confessionnelle par rapport aux autres

structures gouvernementales qui ne le sont pas ou qui sont neutres sur ce plan. Pour ce qui est de l'école et des structures confessionnelles, il s'agit, quand même, de la formation fondamentale des enfants, de la population et je pense qu'on doit respecter cet élément. Je ne pense pas qu'on puisse comparer, de façon absolue, les deux paliers de gouvernement, les rôles et les mandats de chacun.

Souvent, on mentionne aussi Montréal et la CECM par rapport à d'autres commissions scolaires. Nous le faisons tout particulièrement, nous aussi. I! reste que la Loi sur l'instruction publique est une loi générale qui se doit de donner des règles générales normalement applicables pour tous, en tentant de répondre aux différents problèmes que peuvent rencontrer les commissions scolaires urbaines ou rurales.

La question de la confessionnalité. Je pense qu'on oublie souvent que la CECM mentionne et rappelle depuis quelques années que nous sommes d'accord pour que les autres qui ne sont pas à l'aise dans le système puissent avoir leurs propres structures ou leurs propres écoles. J'aimerais rappeler ici même les paroles du juge Deschênes dans le cas de Notre-Dame-des-Neiges; il avait rappelé dans son jugement et je me permets de le citer parce que je pense que c'est important: "Ce qu'il faut, c'est l'action décisive d'une volonté politique éclairée. Il n'est peut-être pas possible ni désirable de supprimer les commissions scolaires confessionnelles que le Québec connaît depuis plus d'un siècle et de leur substituer des commissions scolaires unifiées. Mais à tout le moins, il semblerait opportun et possible de créer, auprès du Conseil supérieur de l'éducation, un comité non confessionnel parallèle aux comités catholique et protestant, de créer des commissions scolaires non confessionnelles !à où les besoins le réclament et les ressources le permettent, de faciliter ainsi l'établissement d'institutions d'enseignement non confessionnelles ouvertes aux éléments de la population qui le désirent et, enfin, de répartir les ressources financières entre les trois réseaux de façon équitable. "

Je pense qu'à ce moment-là le juge Deschênes venait, quand même, de voir un aspect très pratique d'un problème qui peut se soulever, celui d'évaluer le projet éducatif confessionnel d'une école. Dans le cas de Notre-Dame-des-Neiges, que nous avons vécu tout particulièrement sur le territoire de Montréal, même après dix ans, il y a encore des séquelles dans le milieu. Je pense qu'il faut tenir compte de cet aspect pratique que nous avons vécu sur notre territoire et qui pourrait se revivre, éventuellement, à d'autres endroits. Je pense que ce n'est pas le lieu, au niveau de l'école, de revivre ces déchirements.

Je rappelle aussi que le conseil des commissaires de la CECM - nous l'avons mentionné dans notre mémoire - lors des dernières élections, a bien présenté ce qu'il défendait, le mandat des commissaires. La réponse de ceux qui se sont dérangés pour aller voter est, quand même, très fortement majoritaire en faveur de la position de défendre les structures confessionnelles. Je pense qu'on ne peut pas présumer de la volonté des citoyens et dire qu'ils rejettent, à l'heure actuelle, ces structures.

Je pense que, pour nous, les structures ne sont pas un absolu, sauf que nous nous sommes retrouvés encadrés, depuis quelques années, dans un choix entre la commission scolaire linguistique ou confessionnelle. Dans le moment, on a à choisir entre l'une ou l'autre, dont l'une nous apporte certaines garanties que nous ne retrouvons pas dans l'autre, soit des garanties au niveau de l'école confessionnelle. À l'heure où l'on se parle, malgré la présentation du projet de loi 107, nous n'avons toujours pas de réponse à ces garanties d'école confessionnelle, telle qu'on la retrouve présentement dans la constitution.

Tout à l'heure, on a parlé des pouvoirs du ministre, qui sont surtout des pouvoirs de contrôle et de réglementation. On a parlé de la diminution des employés. J'aurais peut-être une petite boutade. Je me demande s'il va y avoir assez d'employés au ministère de l'Éducation pour contrôler toutes les réglementations nouvelles qui se retrouvent dans le projet de loi 107. Je pense que ce que nous visons et ce que nous avons mentionné dans notre mémoire quant à la CECM, et ce qui est important pour nous, c'est le gouvernement local et l'autonomie en ce qui concerne le gouvernement local. (11 heures)

Je pense qu'il est important pour toutes les commissions scolaires et non pas seulement pour notre territoire, d'avoir une marge de manoeuvre qui nous permette de répondre adéquatement aux besoins du milieu et aux besoins de nos mandataires immédiats. Nous croyons que la commission scolaire doit avoir les pouvoirs et les moyens d'y répondre. Nous croyons être les mieux placés pour pouvoir y répondre de façon directe, rapide et appropriée, à cause de la connaissance des milieux que nous avons. Nous trouvons que dans le projet de loi actuel peu de responsabilités sont laissées aux commissions scolaires.

Je reprends un peu ce que nous avons mentionné. Le gouvernement se donne le pouvoir d'établir le régime pédagogique, entre autres, qui réglemente en détail les services éducatifs et leur cadre d'intervention. Il se charge également d'établir des programmes d'activités de formation et d'éveil et des programmes d'études officiels; cela, c'est sur le plan pédagogique. Il s'immisce ainsi dans chacun des paliers d'intervention pédagogique en traduisant les finalités d'éducation en objectifs d'enseignement, puis en contenus d'apprentissage et, enfin, en activités d'apprentissage. À la limite, il prive ainsi de sa substance la mission éducative de la commission scolaire.

Tout à l'heure, on donnait l'exemple du

pouvoir des commissions scolaires concernant le choix des enseignants, et certaines règles que nous avons présentement. Si on regarde le projet de loi, même si nous conservons ces pouvoirs, non seulement on trouve qu'à l'heure actuelle ils sont limités dans la présente Loi sur l'instruction publique, mais on le fait dans un cadre qui pourrait être restrictif et dans un cadre de contrôle qui limiterait éventuellement ia marge de manoeuvre et d'autonomie de la commission scolaire dans ce domaine en particulier. Ensuite, le gouvernement s'attribue le pouvoir d'établir annuellement les règles budgétaires et de fixer le taux de taxation, deux pouvoirs dont l'exercice aboutit au manque d'autonomie budgétaire du gouvernement scolaire 'ocal. Il y a aussi certains éléments dans la loi actuelle, mais nous ne voulons pas nous en tenir seulement à la proposition du projet de loi 107; nous voulons aussi manifester notre opinion sur la question dans le domaine scolaire en général. Là encore, sur le plan des règles budgétaires, nous sommes souvent à ia merci des décisions ministérielles, même à l'heure actuelle, qui nous causent préjudice. Bien souvent, nous avons de la difficulté à établir nos budgets parce que nous n'avons pas de permanence à ce sujet; nous sommes redevables chaque année aux nouvelles règles ou aux modifications des règles actuelles.

De plus, il continue à s'accaparer la négociation des conventions collectives, ce qui ne laisse que des objets mineurs à la négociation locale. Cela aussi, c'est un aspect. On comprend qu'à l'heure actuelle nous sommes dans un cadre donné, mais nous tenons, même si on ne doit pas s'attendre nécessairement qu'il y ait demain des modifications ou des corrections à la procédure actuelle, à manifester notre opinion sur ce point. Nous croyons qu'en tant qu'employeur, puisque nous sommes un gouvernement local auquel on donne le titre d'employeur, nous devons avoir aussi les moyens et la possibilité de jouer réellement ce rôle d'employeur et nous croyons être mieux placés, encore là, pour répondre aux besoins de notre population.

Enfin, il se confère aussi le pouvoir d'édic-ter les normes, les conditions et les procédures relatives à la gestion de l'équipement qui emprisonnent la commission scolaire dans un carcan bureaucratique qui, à notre avis, pourrait être inefficace. Tout à l'heure, M. Gazzi, ici présent, pourrait vous donner des exemples de ce que cela entraîne, surtout sur le territoire de la CECM où nous avons énormément de contrats qui passent chaque année. Les contrôles pourraient drôlement geler ou entamer la marge de manoeuvre.

Bref, la CECM ne retrouve pas dans le projet de loi le juste équilibre qu'elle réclamait dans le partage des responsabilités entre le gouvernement et la commission scolaire, un équilibre qui lui aurait donné plus d'autonomie pour remplir un rôle qu'elle considère légitimement le sien, mais que le gouvernement ne nous reconnaît pas à l'heure actuelle, d'après nous.

C'est la position de la CECM sur le plan des pouvoirs que le ministère veut se donner à l'heure actuelle.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous voulez enchaîner, M. Gazzi? Voulez-vous intervenir immédiatement, M. le ministre, ou si vous voulez attendre?

M. Ryan: Là, j'ai eu une longue enumeration, mais j'aimerais avoir une réponse plus précise à la question que j'ai posée. Vous dites: Le gouvernement se donne le pouvoir d'établir le régime pédagogique. Est-ce que vous contestez cela, sérieusement?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président.

M. Ryan: Que le gouvernement doive établir le régime pédagogique et les programmes pour l'ensemble des écoles du Québec, est-ce que vous mettez cela en cause?

M. Palascio: Pas le pouvoir d'établir le régime pédagogique, mais je pense qu'à un moment donné il faut, quand même, pouvoir avoir une certaine marge de manoeuvre ou de souplesse au niveau local qui nous permette d'établir, de proposer, quand même, des aménagements locaux à ces niveaux-là.

M. Ryan: Vous ne mettez pas en cause le pouvoir d'établir le régime pédagogique. Vous voudriez discuter certaines modalités, certaines conditions, si je comprends bien. Parce qu'en lisant le texte on ne le sait pas. J'aimerais le savoir clairement pour qu'on n'ait pas de malentendu là-dessus.

Après cela, je continue. Peut-être que les programmes d'études sont trop détaillés. Ce sont des points dont on peut discuter. La responsabilité d'établir les programmes d'études est confiée actuellement, par le régime pédagogique, au ministre. La loi la confie au ministre, pour qu'elle soit sur une base légale plus solide. Mais je serais étonné que vous contestiez ce pouvoir-là.

Le pouvoir d'établir les règles budgétaires. Si 92 % des revenus des commissions scolaires leur viennent de subventions gouvernementales, il faut que nous ayons le devoir de les répartir d'une manière juste en vertu de la constitution, il faut bien qu'on ait des règles budgétaires qui vont présider à l'allocation des ressources. Et, sur le principe, j'ai l'impression que vous ne contestez pas ce pouvoir-là que la loi reconnaît au gouvernement ou au ministre, je ne sais pas, à moins qu'il n'y ait un malentendu entre nous.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Palascio.

M. Palascio: Si vous le permettez, je demanderais à ceux qui le vivent quotidiennement, au plan pédagogique et au plan de la gestion, de dire ce qu'ils rencontrent dans les règles actuelles et dans les règles proposées par la loi 107.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Qui nous proposez-vous comme intervenant? M. le directeur général.

M. Palascio: M. Portugais, directeur général.

M. Portugais (Laurent): M. le Président, on s'entend habituellement pour dire que le cadre pédagogique vécu dans les écoles se situe à quatre paliers. On le rappelait tantôt. Il se situe au niveau des finalités de l'éducation, au niveau des objectifs d'enseignement, au niveau des contenus d'apprentissage et au niveau également des activités d'apprentissage. Si on regarde la place que le ministère occupe dans chacun des quatre paliers, on va peut-être se rendre compte de la place qu'il laisse à la commission scolaire et à l'école.

Au niveau des finalités de l'éducation, c'est-à-dire les valeurs éducatives qui sont déterminées, nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il appartient au ministère de déterminer les grandes finalités de l'éducation et il occupe tout le champ de ces finalités-là. Donc, c'est un premier palier occupé uniquement par le ministère.

Au niveau des objectifs d'enseignement, c'est-à-dire les contenus, les grandes lignes qui doivent déterminer comment on va rejoindre les finalités de l'éducation, encore !à, le ministère occupe toute la place. Les commissions scolaires peuvent simplement identifier certains objectifs parmi ceux déjà donnés par le ministère.

Au troisième niveau, les contenus d'apprentissage, c'est-à-dire les programmes, on se rend compte également que même les programmes qui sont élaborés localement doivent être approuvés par le ministère. À ce troisième niveau de responsabilité, le ministère occupe donc toute la place.

Finalement, au niveau des activités d'apprentissage, les activités d'apprentissage se déroulent, évidemment, par l'approche pédagogique du maître, mais elles se supportent par du matériel didactique. Le matériel didactique doit faire l'objet d'une approbation du ministère. De plus, le ministère édicté même des guides à l'intention des parents de façon qu'ils puissent suivre de façon précise l'élaboration, le contenu et le suivi des actes pédagogiques dans la classe. Le ministère détermine également l'encadrement pédagogique qui doit être accordé à l'école. Le ministère occupe également tout le champ à ce niveau-là et ce qui reste à l'école et à la commission scolaire, c'est de trouver un moyen d'appliquer un projet éducatif du ministère. C'est ce qu'on veut dire quand on dit que, dans les commissions scolaires, on manque de responsabilités en pédagogie.

M. Ryan: Vous parlez des programmes locaux, par exemple. Vous dites qu'ils doivent être soumis à l'approbation du ministère. Dans le projet de loi, il y a une modification là-dessus. On dit qu'une commission scolaire a le droit d'instituer des programmes locaux à moins que le ministre n'en décide autrement. C'est bien différent, cela. Il peut arriver que, si une commission scolaire décide d'établir un programme d'initiation à la cartomancie, le ministre dise: "Wait a minute. " Attendez une minute. Les fonds publics ne sont pas pour cela. Mais, dans le projet de loi, la commission scolaire a pleine initiative pour faire des choses raisonnables. Elle ne sera même plus obligée de soumettre cela à l'approbation du ministre. Il y a un élargissement ici que je tiens à signaler, vu que vous avez mentionné cet exemple-là.

Dans les régimes pédagogiques, même actuellement, il y a des objectifs qui sont fixés, mais il y a une grande marge de latitude qui est laissée aux commissions scolaires. Je vais vous en donner un exemple: l'enseignement de l'anglais, langue seconde, au deuxième cycle du primaire. Il y a des commissions scolaires qui ont institué des bains linguistiques, formule qui a scandalisé bien des gens à l'origine, mais qui donne d'excellents résultats et qui témoigne d'une marge de souplesse, quand même, considérable que le régime pédagogique laisse à une commission scolaire qui veut s'en servir. On peut discuter la formule, mais cela a été institué et cela a été jugé conforme au régime pédagogique. Il y a beaucoup d'autres formules. Il y a peut-être un équilibre à chercher. Je n'ai pas d'objection du tout à continuer à chercher.

Comme on discute le projet de loi, je vous demandais tantôt, et je reviens à ma question, s'il y a des points précis qui, selon vous, devraient être dévolus aux commissions scolaires explicitement. J'aimerais le savoir pour qu'on puisse les examiner, mais je n'ai pas eu ces points-là. Vous dites qu'il y a des excès, mais, sur le fond, vous semblez dire que vous êtes d'accord avec nous.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vais reconnaître M. Gazzi pour compléter la réponse de M. Portugais. M. Gazzi.

M. Gazzi (Katif): Je vais continuer, si vous me le permettez, avec les ressources matérielles.

Le Président (M. Parent, Sauvé): En essayant peut-être d'amener des cas spécifiques pour répondre aux inquiétudes du ministre.

M. Gazzi: Je vais essayer. M. le Président, à la page 51, il y en a à tous les articles, de 236 à 241. Même tout travail de réparation qui demande des plans et devis, dit-on, doit avoir

l'approbation du ministre. Or, si vous vous référez aux lois des architectes et des ingénieurs, pour les corporations publiques tout doit être fait d'après les plans et devis. Ceci veut dire que, pour faire n'importe quelle réparation, nous devons avoir l'approbation du ministre, si on interprète d'une façon extrême tous ces articles-là. Cela fait que, chaque année, à la CECM, pour des centaines de contrats que nous donnons, nous sommes toujours dans une imprécision parce que nous n'avons jamais d'autorisation du ministre et, pourtant, il faut déjà préparer les écoles pour le mois de septembre. Il faut avoir certaines approbations. On est d'accord que le ministère exige des comptes, sauf que, comme à la CECM nous connaissons tous les règlements du ministère, le ministère peut nous permettre de construire, de réparer en tenant compte de tous ces règlements, et on peut rendre compte aussi a posteriori au lieu que ce soit a priori.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: Je veux simplement signaler un point. Dans le projet de loi, il y a une amélioration importante qui a été apportée là-dessus. Je pense que vous l'aurez notée. Pour les travaux de réparation qui n'entraînent pas des emprunts de plus d'un an, la commission scolaire aura beaucoup plus de latitude qu'elle n'en a actuellement. Actuellement, elle est obligée de soumettre ces projets-là à l'approbation du ministère, mais là, ce ne serait plus le cas.

Dans les travaux de plus grande envergure, je ne pense pas qu'on vous ait retardés trop ces dernières années. Je pense que des développements importants ont été faits. Vous savez qu'on travaille, par tous les moyens, à accélérer les procédures. Je suis prêt à regarder cela. S'il y a des choses qui peuvent être simplifiées, on peut regarder cela, mais il me semble que cela ne regarde pas la législation comme telle.

Quant aux fonds pour une construction d'école ou une réparation majeure - vous autres, vous en avez financé un certain nombre par des transactions d'actifs dont vous n'aviez plus besoin, c'est très bien - en général, cela vient de subventions gouvernementales. Il faut bien qu'on rende compte de la manière dont cela a été utilisé et qu'on veille à leur emploi judicieux suivant les normes du gouvernement, parce qu'ils diraient: C'est comme cela partout dans le gouvernement; pourquoi allez-vous faire une exception pour cette partie du secteur parapublic? Moi, je suis porté à considérer - je l'ai dit à d'autres intervenants - que, tant que le partage en matière fiscale va être ce qu'il est actuellement, il y a des obligations qui incombent au gouvernement en raison de l'apport très fortement prépondérant qu'il a dans le financement des opérations.

Pour toutes les choses qui sont dignes d'amélioration, vous savez qu'on a l'écoute largement ouverte de ce côté-là. Il y a des améliorations que vous avez proposées qui ont été acceptées. On en a introduit quelques-unes dans le projet de loi. Peut-être qu'on peut en introduire d'autres. S'il y a des propositions précises, on va les examiner avec intérêt.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je vous accorde une dernière réaction aux remarques du ministre, M. le président. Après, je devrai passer la parole à l'Opposition. M. le président.

M. Palascio: L'obligation de rendre compte, nous ne nous y opposons pas du tout. Au contraire, je pense que le ministère doit contrôler ce qui se fait. Par contre, dans le projet de loi, ce n'est pas un contrôle a posteriori que nous retrouvons, mais un contrôle a priori. C'est là-dessus que nous en avons tout particulièrement. Pour nous, c'est presque, comme l'a déjà mentionné un autre groupe, un peu un manque de confiance vis-à-vis des commissions scolaires. Je pense qu'une loi doit être générale dans le moment présent et respecter, quand même, l'autonomie des commissions scolaires. Peut-être que M. Gazzi pourrait revenir sur les questions de contrôle, tout à l'heure, mais je me souviens d'un cas de Rivière-des-Prairies, entre autres, où, le contrôle gouvernemental étant arrivé le 60e jour, nous sommes présentement dans un débat juridique d'une valeur de 200 000 $. Cela cause quelquefois des problèmes, le contrôle, dans des cas particuliers. Nous pensons que la réglementation ne doit pas être trop stricte là-dessus dans le moment présent et qu'on doit faire une certaine confiance au niveau local, laquelle, je pense, est très nécessaire. Pour nous, le principe de l'autonomie est fondamental sur ce plan. (11 h 15)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Palascio.

Je reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, messieurs, il me fait plaisir de vous recevoir, au nom de l'Opposition, à cette commission parlementaire. Selon mon habitude, mais aussi parce que c'est un organisme important, j'ai lu avec beaucoup d'attention le mémoire que vous nous avez soumis. Vous y soulevez un certain nombre de questions qui m'apparaissent essentielles, plus particulièrement toutes celles touchant le partage des responsabilités entre les différents partenaires.

Nous avons examiné le projet de loi sous trois aspects: celui de l'accès aux services éducatifs, celui de la responsabilisation des partenaires et celui de la réforme ou de la modernisation des structures scolaires. Je dois

reconnaître comme vous que, en ce qui concerne l'accès, le projet qui nous est présenté constitue un recul certain en regard de la loi 3, qui avait été légalement adoptée, sous plusieurs aspects, d'abord, parce qu'on ne retrouve aucune définition des services complémentaires et des services particuliers qui font la qualité et l'accessibilité des services éducatifs. On ne retrouve plus l'obligation réelle d'assurer la gratuité, pour les adultes, de l'accès à ces services, comme vous l'avez souligné, comme de l'accès à l'éducation. Disparaît également de ce projet de loi ce qu'on retrouvait dans le projet de loi 3, l'obligation pour les écoles d'offrir un service de garde pour les enfants du préscolaire et du primaire.

En ce qui concerne l'accessibilité, il y avait des éléments importants. Je relisais les propos du ministre au moment où la loi 3 a été adoptée en dernière lecture, en Chambre. Il disait: II n'est pas besoin, M. le Président, d'être un social-démocrate du dimanche pour être en faveur d'un accès universel et gratuit, pour tous les secteurs de la population, aux services éducatifs qu'offre notre système d'enseignement public, primaire et secondaire. Il suffit d'être honnêtement et sincèrement libéral, d'avoir l'esprit libéral au sens le plus simple du terme et le plus limpide du mot. Il parlait ici de l'accès gratuit à tous les services éducatifs d'enseignement primaire et secondaire, pour toute la population. Je maintiens que, entre les propos de l'Opposition officielle d'alors et ceux du ministre, il y a des écarts dangereux.

En ce qui concerne le partage des ressources, nous avons toujours été en faveur, également, d'un partage des ressources qui vienne responsabiliser les parties. J'ai toujours prétendu, alors que je parlais de l'enseignement collégial, qu'une erreur de perception au plan national avait des répercussions dans 46 cégeps, alors qu'on peut penser que, si on les avait laissés libres d'agir, il n'y aurait pas eu 46 erreurs. On aurait peut-être pu en trouver une ou deux. Je pense qu'il faut se rappeler constamment que ce n'est pas de Québec qu'on est capable d'avoir la perception la plus juste, la plus fine et la plus pertinente des problèmes et de leur solution. Je trouve toujours dangereuse cette tendance qu'on a de vouloir centraliser. Ce qu'on a essentiellement souhaité, depuis les dernières années, c'est une plus grande décentralisation. Le député d'Argenteuil tenait aussi ce discours en 1984 quand il disait: On ne pourrait pas adhérer à un projet de loi qui viendrait renforcer les pouvoirs du gouvernement.

L'efficacité dans nos systèmes passe par la décentralisation et une souplesse dans les normes. Les normes mur-à-mur, c'est prouvé, cela ne fonctionne pas. Quand on veut traiter de la même façon les clientèles d'Outremont, de Westmount, de Saint-Henri et de Maisonneuve-Rosemont, ce n'est pas la même chose. D'ailleurs, vous le signaliez et je dois vous dire que, là-dessus, je vous rejoins. Vous avez, dans certains quartiers de la ville de Montréal, des clientèles plus lourdes en raison du tissu socio-économique, mais également en raison d'une forte présence des écoles privées.

Sur ce projet de loi, j'espère que le ministre saura entendre les avis des personnes et des organismes qui se sont présentés ici. À ce jour, c'est la troisième journée d'audience, on peut dire qu'à l'exception du mémoire des directeurs d'école qui ont examiné le projet de loi exclusivement dans la perspective de leurs propres fonctions, et ils le disent, ils ne l'ont pas examiné dans la perspective plus globale d'un partage des responsabilités... C'est le seul mémoire qui se dit d'accord, mais d'accord sur une partie du projet de loi qui les concerne. Il faut reconnaître que c'est leur droit le plus strict, cela leur appartient. Cela correspond à des souhaits qu'ils avaient formulés.

Mais, à l'exception de ce mémoire, on peut dire qu'aujourd'hui, au moment où l'on se parle, tous les mémoires sont unanimes pour dire qu'on ne devrait pas renforcer les pouvoirs du ministre. J'espère que là-dessus le ministre va être conscient que ce n'est pas dans cette voie qu'il va trouver l'efficacité.

Dans votre mémoire, vous abordez un certain nombre de questions. Je vais peut-être commencer par celle que je trouve la plus préoccupante parmi d'autres. C'est celle de l'accès des adultes à l'enseignement des services éducatifs. Vous dites, et la remarque nous a été faite également par... On retrouve cela dans un autre mémoire, mais qu'on n'a pas encore entendu. Vous dites d'abord que la gratuité n'est pas reconnue. Elle est conditionnelle aux ressources de la commission scolaire. Vous dites également qu'il n'appartiendrait pas... Et je dois dire que c'est l'argument qu'utilise toujours le ministre pour dire: on doit, c'est le ministre qui doit décider où s'offrent les services d'éducation des adultes. Je n'endosse pas entièrement ce jugement. J'ai visité une petite commission scolaire dans Huntingdon qui disait: Nous aimerions avoir des services d'éducation des adultes, même si cela n'étaient que deux programmes, quelque part chez nous, dans les municipalités les plus importantes. Nous pourrions les gérer nous-mêmes. Et là, c'est géré ailleurs. Il faut que nos clientèles se déplacent.

Chaque fois qu'il y a centralisation, uniformisation dans l'application de telles règles, il y a inéquité dans les traitements et dans l'accessibilité.

Ce que vous touchez, c'est la question de l'obligation qui serait faite aux adultes de s'inscrire exclusivement à des services éducatifs mis en place par la commission scolaire sur le territoire où ils résident. Si je comprends bien cette contrainte, cet article, cela voudrait dire que l'adulte ne pourrait pas nécessairement avoir accès à des cours qui ne sont même pas dispensés sur son territoire ou, encore, ne pourrait pas avoir accès à des cours dispensés tout près des

lieux de son travail plutôt que de son lieu de résidence. Est-ce comme cela que vous l'avez interprété?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président.

M. Palascio: M. le Président, en ce qui concerne le service donné aux adultes en particulier, disons que le point principal de notre mémoire, c'est que nous croyons que, si on reconnaît le service d'éducation des adultes, on doit donner aux adultes le même service qu'on offre au secteur régulier des jeunes. Donc, cela veut dire aussi, pour la commission scolaire avoir les mêmes ressources pour pouvoir donner au moins un service de base, équivalent quant au service de l'éducation des adultes.

Pour ce qui est de l'accès, nous croyons aussi que l'adulte devrait avoir un libre accès aux services d'une autre commission scolaire, tout particulièrement. Vous allez retrouver cela dans le mémoire et vous l'avez mentionné. C'est un élément important pour nous puisque les services ne seront pas nécessairement donnés partout. Dans le moment présent, nous le vivons sur notre territoire et nous croyons que nous donnons un service adéquat, même pour ceux qui proviennent des autres commissions scolaires.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la députée.

Mme Blackburn: Concernant le partage des responsabilités, tout à l'heure vous illustriez de façon assez éloquente l'ampleur et l'importance de la place qu'occupe le ministère dans tout ce qui concerne la gestion des affaires scolaires. Je me demande si on sait que les règlements, les règles de procédure sont colligés. On a des recueils. A-t-on déjà évalué la hauteur en centimètres des recueils qui viennent gérer les activités d'une commission scolaire? Je le dis sans plaisanter parce qu'on avait fait l'exercice au niveau collégial. Il y avait deux cahiers de quatre pouces chacun. Cela donnait huit pouces de directives, règles, règlements et ainsi de suite. Je le dis sans plaisanter parce que cela illustre bien ce que vous dites: Écoutez, dans notre personnel cadre - et c'est un directeur général qui nous le disait hier également - lorsqu'on a trois personnes, il y en a environ une dont l'essentiel des fonctions consiste à répondre à des demandes du ministère, à remplir des formulaires, des requêtes, et ainsi de suite.

M. Palascio: Notre point de vue ne se fonde pas sur l'épaisseur ou le nombre de réglementations, mais sur le principe de base de l'autonomie locale, ce qui ne veut pas dire qu'on doit vider le ministère de toute la réglementation. Je pense quand même qu'il y a des pouvoirs qui relèvent du ministère de l'Éducation. Nous croyons que dans le projet de loi actuel, et même dans la loi actuelle, il y a beaucoup de réglementations qui gênent l'application locale. Nous croyons qu'on doit absolument respecter l'autonomie locale. Quand on présente une loi et une réglementation, on doit respecter cet aspect et la loi doit prévoir, des accommodements, des modalités dans ce sens.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Blackburn: Vous allez... Qu'arrive-t-il?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Portugais, voulez-vous compléter?

M. Portugais: Juste un exemple, M. le Président, qui illustre la difficulté de gérer et la lourdeur des directives ministérielles. Concernant la sécurité d'emploi, nous devons mettre une personne à temps plein, toute l'année, pour répondre aux exigences du ministère, c'est-à-dire fournir les noms et toutes les demandes pour chacun des emplois disponibles que nous avons à la CECM. Il y a une personne à temps plein, toute l'année, qui fait ces réponses pour le ministère. Voilà un exemple de la lourdeur administrative quand on parle des difficultés auxquelles nous faisons face, dans une commission scolaire comme la nôtre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée.

Mme Blackburn: Vous êtes très éloquent lorsque vous parlez des pouvoirs de plus en plus grands que le ministre ou le gouvernement s'arroge. Mais, par ailleurs, et on constate souvent cela à la lecture des mémoires, lorsqu'il s'agit de déléguer des pouvoirs ou de partager des responsabilités à l'intérieur, on constate que ce n'est pas toujours très cohérent. Je veux dire que le même raisonnement ne s'applique pas toujours à l'interne. Je prends comme exemple celui dans lequel vous reprochez au projet de loi l'autonomie qui sera accordée à l'enseignant, que je trouve, moi, relativement réduite. Je pense que ce qui est reconnu à l'article 16 ou 19 dans le projet de loi, cela finit par ressembler à "l'enseignant enseigne". Même là vous estimez que les droits de regard, ce serait trop d'autonomie pour l'enseignant. Je voudrais vous entendre là-dessus. C'est à l'article 16, plus précisément.

M. Palascio: Excusez-moi. M. le Président, en ce qui concerne la délégation de pouvoirs, nous avons déjà une délégation. D'ailleurs, je pense que nous sommes la première commission scolaire à avoir une délégation de pouvoirs à nos directions d'école, en particulier. Je pense que, quand on parle d'autonomie des enseignants, notre point de vue c'est que ce soit fait dans le cadre des politiques et orientations de la commission scolaire, comme gouvernement local.

C'est un point qui est très important pour nous autres.

Mme Blackburn: Bien. Je vous disais tout à l'heure que nous avions examiné le projet de loi sous trois angles, avec une grille d'analyse, qui étaient l'accessibilité, la responsabilisation et la modernisation des structures. Je pense que vous savez d'avance que je ne suis pas d'accord avec la position de la CECM. Dans votre mémoire, à la page 4, vous dites: "La CECM accueille avec satisfaction la reconnaissance explicite, par le législateur, de son statut de commission scolaire confessionnelle sur le territoire actuel, en conformité avec l'article 93 de la constitution canadienne. Elle n'est donc pas directement touchée par la volonté du gouvernement de remplacer, en dehors de Montréal et de Québec, les commissions scolaires confessionnelles en commissions scolaires linguistiques. " Qu'est-ce qui vous fait croire cela? J'ai lu et relu la loi. Vous n'êtes pas les seuls, je dois vous dire, à avoir cette lecture du projet de loi. Mais j'ai lu et relu la loi, et l'article du projet de loi dit, au sujet de la question que le ministre entend porter devant la Cour d'appel, qu'il s'agit "d'établir sur tout le territoire du Québec des commissions scolaires linguistiques". En quoi votre territoire ne serait-il pas touché? (11 h 30)

M. Palascio: Au moment présent, je pense qu'il y a déjà des jugements qui... C'est reconnu dans le projet de loi, je pense à l'article 107, que la CECM, la CEPGM, la CECQ et la CSGQ continuent leur existence en vertu de la présente loi sur leur territoire et sous leur nom; c'est dans le projet de loi. Je pense qu'il y a déjà un jugement rendu qui touche cet aspect. En fait, il y aurait eu deux jugements en cette matière: le jugement du juge Deschênes dans le cas de Notre-Dame-des-Neiges et le jugement Brassard sur la loi 3 qui mentionnent les garanties constitutionnelles en ce qui concerne tout particulièrement les commissions scolaires de Montréal et de Québec, protestantes et catholiques, et les commissions scolaires dissidentes. C'est la position qu'on mentionne à la page 4, c'est sur ces points que nous nous appuyons.

Mme Blackburn: Comment pouvez-vous interpréter... J'ai relu aussi cet article de la loi. Comment pouvez-vous interpréter le fait que vous continuiez votre existence en vertu de la présente loi "sur leur territoire et sous leur nom" et que ce territoire vous soit exclusif?

M. Palascio: Dans le moment, je ne pense pas qu'on parle de territoire exclusif. Je pense même que, dans notre mémoire, vous allez retrouver la position de la CECM par rapport à la formation d'écoles autres, de structures autres. Nous sommes d'accord avec cela. Je pense que l'article 93 de la constitution canadienne n'empêche pas la création de ces structures autres, si le ministère provincial veut en créer. Mme Blackburn: D'accord.

M. Palascio: Je pense qu'on retrouve cette explication dans l'Arrêt Hirsch. Je demanderais peut-être au directeur du contentieux de vous donner des précisions sur ce point, parce qu'il l'a étudié plus particulièrement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Parent.

M. Parent (Jude): Merci, M. le Président. Comme l'a souligné le président, Me Palascio, cette question a déjà été déterminée par les tribunaux et l'article 107 qu'on retrouve dans le projet de loi 107 avec lequel, évidemment, nous sommes d'accord, vient maintenir l'existence, notamment de la CECM sur son territoire actuel. Mais nous ne prétendons pas, ni dans notre mémoire ni ailleurs, que cela empêcherait le gouvernement de mettre sur pied une commission scolaire linguistique, par exemple, qui aurait une juridiction concurrente sur notre territoire, avec nos écoles. Il demeure que le projet de loi 107, à son article 107, maintient l'existence et le territoire actuel des commissions scolaires confessionnelles. D'ailleurs, on n'avait pas le choix de procéder autrement, puisque la jurisprudence, notamment le jugement Brassard sur la loi 3, est venue répéter ce principe qui avait déjà été énoncé précédemment par le juge Deschênes. C'est l'un des motifs principaux pour lesquels la loi 3 a été déclarée invalide sur le plan constitutionnel.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: L'article 108 donnerait au gouvernement le pouvoir, par décret, de modifier les limites du territoire d'une commission scolaire confessionnelle.

M. Palascio: Je crois que c'est un pouvoir qui existe déjà dans la loi actuelle. Il s'agit quand même... Je pense qu'un gouvernement peut modifier ces limites pour des raisons administratives, mais ne doit pas faire indirectement ce qu'il ne peut faire directement. Il y a quand même une certaine limite, je pense, quant à l'application d'un tel article.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Dans votre mémoire, vous dites en vous appuyant sur des propositions du juge Deschênes qu'on pourrait superposer des commissions scolaires. Vous ajoutez que c'est une solution pratique. Si c'est pratique, cela ne me semble pas très économique ni très faisable. Je cite vos propos et...

M. Palascio: ...dit cela. Excusez-moi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée a la parole. Mme la députée.

Mme Blackburn: Je pensais que vous endossiez aussi l'évaluation qu'il fait de sa propre hypothèse. Moi, sur cette question, le maintien d'écoles confessionnelles avec... J'ai deux questions; la première, c'est: Vous nous dites concernant rétablissement de structures linguistiques que, si le gouvernement veut procéder, il doit tenir une consultation populaire. Au moment où on discutait du projet de loi 40 et du projet de loi 3 en particulier, le projet de loi 3 a reçu l'appui de la quasi-totalité des intervenants, y compris l'Assemblée dos évêques. Vous allez me permettre l'expression, cela nous donne l'impression que vous êtes plus catholiques que le pape. Les évêques estiment que, du moment où ils ont une garantie, dans la Loi sur l'instruction publique, que les écoles puissent être confessionnelles et qu'elles puissent être partie prenante au choix de, on l'appelle l'animateur de pastorale... D'ailleurs, on a eu l'occasion de voir ce projet de loi ici, en Chambre. L'Assemblée des évêques s'est dite satisfaite des garanties offertes par le règlement du comité catholique quant à la possibilité d'établir des écoles confessionnelles. Dans le projet de règlement du comité catholique, on retrouve aussi une responsabilité, comme on le retrouve dans la loi, de la commission scolaire elle-même, de mettre à la disposition des services des professionnels d'animation pastorale, etc.

Pouvez-vous nous dire ce qui justifie ce que j'allais appeler cette espèce d'entêtement à prétendre que la survie de la foi au Québec va passer par le biais de structures - pas d'écoles - confessionnelles. Je pense que cela passe davantage par les églises, mais cela est autre chose.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président, Mme la députée vous invite à expliquer votre point de vue sur le maintien des structures confessionnelles.

M. Paiascio: Je ne reviendrai pas sur les qualificatifs, M. le Président, mais je voudrais quand même faire seulement une remarque. Je trouve toujours cela intéressant quand des législateurs se réfèrent aux positions des évêques. S'ils s'y référaient plus souvent, peut-être qu'à ce moment-là nous aurions, sur d'autres points aussi, une législation plus adéquate.

En ce qui concerne la position de la commission scolaire et des différents intervenants, je reviens, quant à la population, au livre vert. Je pense que c'est la plus grande enquête qui s'est faite au Québec, avec le plus grand nombre de mémoires et qu'elle est beaucoup plus importante même que le débat sur la loi 40. Il y a eu près de 500 mémoires et je ne sais pas combien de milliers d'intervenants qui se sont prononcés sur cette question. Je pense qu'on mentionnait, à ce moment-là, le maintien des structures confessionnelles. Je pense que c'est la dernière enquête dans toute la province qui a demandé non pas aux intervenants, mais aux parents ce qu'ils attendaient d'une école, à l'intérieur de l'école. Nous, à la CECM, ce qu'on trouve étonnant, c'est que tous les projets de loi par après n'ont pas tenu compte de ce livre vert ou des recommandations que les parents demandaient et, justement, les parents demandaient de ne pas toucher aux structures. Tous les projets de loi actuels ne parlent que de structures.

En ce qui concerne notre position, je ne dis pas et on n'a jamais dit que nous avions la vérité absolue, loin de là, sauf que, dans le moment présent, toujours dans le respect des opinions des autres, nous croyons qu'il n'y a aucune garantie pour l'école confessionnelle. Quand on regarde le projet de loi 107, l'école confessionnelle s'y retrouve, mais nous ne retrouvons pas les garanties actuelles; nous trouvons que nous devons conserver ce qui existe actuellement et permettre aux autres de créer des structures autres qui leur permettraient de vivre, d'avoir leurs propres écoles et de fonctionner dans le cadre qui leur convient. À l'heure actuelle, ce qu'on retrouve dans la loi, en ce qui concerne les différents services, c'est un cadre prévu à l'intérieur d'une commission scolaire qui n'a pas les orientations prévues pour défendre les intérêts d'une école confessionnelle.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, je vois, M. le président, que vous défendez votre point de vue avec ténacité Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Vous proposez, vous suggérez à la page 6 de votre mémoire, à l'avant-dernier paragraphe: "Toutefois, dans le but de reconnaître des droits scolaires égaux à des groupes autres que catholiques ou protestants qui souhaiteraient organiser et/ou administrer leurs écoles, ia CECM propose que les communautés non catholiques et non protestantes se voient accorder le droit d'organiser leur propre réseau scolaire." Si je ne m'abuse, on a dénombré, dans une école, une vingtaine de confession-naiités différentes. Seriez-vous en train de nous dire que ces confessionnalités pourraient organiser leur école? Comment? Elles auraient peut-être 400 ou 500 élèves. Dans certains cas, cela voudrait dire l'obligation de traverser toute l'île de Montréal pour se retrouver dans une ou deux écoles. Est-ce que vous ne craignez pas qu'une telle approche vienne - vous me passerez l'expression - "ghettoïser"? Tantôt, ce ne seront pas les autres communautés religieuses, mais les catholiques. En même temps, quand vous suggérez qu'on puisse superposer des commissions scolaires autres, est-ce que la CECM serait prête à payer ces établissements?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président.

M. Palascio: Actuellement, M. le Président, il existe déjà une résolution du Conseil des commissaires de la CECM qui offre au gouvernement notre collaboration dans la création d'écoles autres sur le territoire de Montréal, en particulier. Je pense qu'on a déjà une position publique sur cette question, et nous sommes prêts à collaborer. Quand nous parions d'écoles autres, ce ne sont pas nécessairement des écoles autres que catholiques ou protestantes, ce sont d'autres écoles confessionnelles. Nous ne mettons pas de modalités sur cette question et je pense qu'il devrait revenir au gouvernement d'établir quel genre d'autres structures on pourrait retrouver. Nous disons que nous sommes prêts à collaborer. Nous croyons que c'est la meilleure solution pour régler le problème, surtout dans le milieu montréalais.

Par contre, dans les questions qui me sont posées, je vois des tendances à mélanger les caractères ethnique et confessionnel. Je pense que c'est très dangereux de le faire. C'est vrai que dans nos écoles se trouvent d'autres confessions. Elles ne sont pas majoritaires, loin de là. Elles ont accès à tous les services dans la liberté de leur croyance, et nous donnons tous les services à ces enfants. Il reste qu'à l'heure actuelle la CECM reçoit 7,5 fois plus d'allopho-nes que n'importe quelle autre commission scolaire, y compris le Protestant School Board, et à peu près 90 % de ces gens d'origine ethnique différente sont de religion catholique et s'en vont très majoritairement vers les commissions scolaires catholiques. Je pense que c'est un point auquel il faut faire attention. Quand on parle du caractère de la CECM, ce sont des points très importants. À l'heure actuelle, ces chiffres sont disponibles au ministère de l'Éducation, dans une étude concernant les commissions scolaires protestantes, caractéristiques linguistiques et religieuses des élèves.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Me Palascio. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: M. le Président, je vais revenir à l'hypothèse que vous avancez, l'idée de créer des écoles autres et je vais illustrer la crainte que j'ai par rapport aux effets de marginaliser les groupes par un exemple qui se passe dans mon comté. Chez nous, il y a une commission scolaire catholique et un groupe d'évangélistes a été autorisé à ouvrir une école. On n'a vraiment rien contre cela, sauf qu'on est en train de constater que cela marginalise totalement ces enfants. Il y en a 125 ou 150, et ils ne font plus partie de la société parce qu'on a Intégré une gamme de valeurs qui ne sont pas les valeurs dominantes d'une société pluraliste. Si on fait de ces écoles pour musulmans, pour orthodoxes, pour évangélistes - nommez-les tous - on a de bonnes chances de retrouver, dans ces écoles, surtout des Néo-Québécois, ceux qui ne sont pas des Québécois de souche. Comment allons-nous alors faciliter ou favoriser leur intégration?

M. Palascio: Je répète encore la position de la CECM: quand on parle de la création de commissions scolaires autres ou d'écoles autres, ce ne sont pas d'autres confessionnalités. Je pense que c'est très important et je le répéterai encore. Là-dessus, nous ne faisons pas de modalités ni de descriptions et nous croyons que, à l'heure actuelle, les droits existent pour les catholiques et les protestants, et nous sommes prêts à collaborer avec le ministère, éventuellement, pour l'application d'une modalité pour les autres, sans les définir.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Avez-vous d'autres interventions? Pas d'autre réaction? Madame.

Mme Blackburn: Peut-être une dernière. Vous reconnaissez - d'ailleurs, vous l'avez rappelé au moment où on examinait le règlement du comité catholique - que le projet de loi vous concernait, mais pas de la même façon que les autres commissions scolaires pour catholiques et protestants parce que les écoles à la CECM sauf l'école que vous administrez, l'école Socrate, sont catholiques. (11 h 45)

La question qui demeurera toujours, c'est la quadrature du cercle. On ne peut pas avoir des écoles communes et confessionnelles. Vous savez que c'est antinomique. Cela ne se peut pas. C'est contradictoire. C'est le pluralisme qui est commun au Québec. C'est un ensemble de différences, et ce qui est public est généralement commun. Mais public, commun et catholique, ce sont beaucoup de qualificatifs qui nous semblent - c'est un euphémisme - brimer un peu les droits de la personne.

Parmi les devoirs des enseignants, il est indiqué que l'enseignant a la responsabilité et le devoir de prendre les moyens appropriés pour développer chez ses élèves le respect des droits de la personne. Quand tout le projet de l'école est catholique, ce que j'appelle catholique mur-à-mur, imprégné, comme le dit le règlement du comité catholique, des valeurs et de la morale catholique, comment peut-on respecter les droits des personnes qui ne partagent pas ces valeurs et cette morale?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président.

M. Palascio: Tout d'abord, je voudrais faire remarquer que l'école actuelle est commune, publique et confessionnelle. À l'intérieur de nos écoles, nous recevons tous les élèves autres que protestants sans, je crois, brimer qui que ce soit.

Et je pense que, dans la question, on part de la prémisse suivante, que l'école catholique ne respecte pas les autres. Je m'excuse, mais nous ne sommes pas d'accord avec une telle prémisse. Je pense que l'école catholique, tout autant que n'importe quelle autre école, qu'elle soit protestante, neutre ou appelez-la comme vous voulez, est en mesure de respecter les autres, et nous en avons la preuve tous les jours à l'intérieur de nos écoles. Nous avons des musulmans à l'intérieur de nos écoles qui, dans certains cas, suivent même le cours d'éducation catholique. Alors, je pense qu'il faut regarder et connaître le milieu avant de se prononcer sur des sujets comme celui-là.

Je pense que le Conseil des commissaires de la CECM connaît bie.i sa population et est en mesure d'analyser et de proposer des mesures qui respectent sa population et son milieu. Quant au mandat du Conseil des commissaires, qui est très clair à l'heure actuelle à la suite des dernières élections, la réponse de cette population est très claire là-dessus.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée, si vous voulez, en conclusion.

Mme Blackburn: En conclusion, M. le Président, je dirai que, pour notre part, nous avons toujours estimé, au sujet des structures scolaires au Québec, que le système actuel était dépassé. Il a déjà été pertinent au moment où les communautés étaient soit catholiques ou protestantes en très grande majorité. Ce n'est plus le cas. Et cela devrait nous poser à tous de sérieux problèmes de conscience.

Je respecte quand même votre avis. Vous êtes un gouvernement élu. Je me dis qu'à un moment donné j'imagine que le Québec devrait - et je trouve que les efforts du gouvernement ont été insuffisants à cet égard - récupérer ses pleins pouvoirs en matière d'éducation. Les contraintes que l'article 93 pose à la modernisation, à l'adaptation - on n'a pas parlé de modernisation, parlons d'adaptation de nos structures scolaires - sont inacceptables.

Je dois vous dire, par ailleurs, que dans l'ensemble, pour tous les autres éléments de votre mémoire, je partage en très grande partie les recommandations que vous faites valoir, les positions que vous prenez. J'estime qu'on a tout intérêt à assurer une plus grande décentralisation des pouvoirs, à rapprocher les pouvoirs de leurs lieux d'exercice. Et je dois dire également que la Commission des écoles catholiques de Montréal - j'ai déjà eu une enfant qui a fréquenté une école de la CECM - a d'excellents services. J'y ai d'ailleurs de nombreux amis. Mon propos ne veut pas mettre en doute la compétence et la qualité de ce qui se fait à la CECM, ni le respect que j'ai pour cet organisme. Évidemment, je maintiens que nous avons des divergences profondes quant aux structures, mais pour le reste je dois rendre hommage à la CECM pour l'excellence qu'elle met dans la réalisation de son mandat et de ses responsabilités. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée.

M. le ministre, en guise de conclusion.

M. Ryan: Oui, M. le Président, très brièvement. Je pense que nous avons dit l'essentiel au cours de l'échange qui a eu lieu. Je voudrais enregistrer un désaccord avec la députée de Chicoutimi sur la notion d'écoles publiques et confessionnelles. C'est au coeur même de l'expérience du Québec cette possibilité, paradoxale, je l'admets, en théorie, mais c'est une expérience vécue qui nous a été transmise quand même par plus d'un siècle de traditions. C'est possible, c'est le souhait aussi d'une grande partie de la population. Cela peut, selon nous, se réaliser sous la responsabilité de commissions scolaires linguistiques. C'est là que nous avons un désaccord avec la Commission des écoles catholiques de Montréal. Je pense que les règlements des comités confessionnels que nous avons adoptés favorisent la réalisation de cette dimension au plan local, en assurent le soutien approprié au plan de la commission scolaire et ne s'opposent pas à l'objectif que propose le gouvernement. Là-dessus, il y a un désaccord qui nous sépare de la commission scolaire, mais je ne pousserais pas l'argument dans la direction que la députée de Chicoutimi a indiquée.

En ce qui touche les pouvoirs des commissions scoiaires, je pense avoir indiqué avec beaucoup de clarté la position du gouvernement et les arguments qui la sous-tendent. Le problème de la CECM est un cas particulier, parce que c'est la plus grosse commission scolaire. Elle a une clientèle qui, à elle seule, représente à peu près 10 % de la clientèle scolaire totale au Québec. Est-ce que des choses peuvent être inscrites dans la loi? Est-ce que c'est dans la pratique réglementaire et administrative qu'on doit tenir compte de ces réalités? C'est une question importante. Je crois que c'est plutôt dans la pratique réglementaire et administrative. Il y a des cas où c'est dans la loi. La ville de Montréal a sa charte et le reste du monde municipal n'en meurt pas non plus. Nous envisageons une loi pour tout le Québec. A priori, je pense que c'est difficile d'excepter les territoires de Montréal, mais il faut en tenir compte de manière spéciale. S'il y avait des propositions que vous auriez à nous transmettre et qui pourraient tenir compte de cela dans le texte législatif lui-même, on va les examiner avec intérêt. Sinon, sur les grands pouvoirs dont nous avons parlé, malgré toute la littérature qui accompagne nécessairement les mémoires et les thèses gouvernementales ou les thèses des témoins, je pense qu'il y a un accord plus grand que ce qu'on voudrait se laisser entendre les uns

les autres. Je tiens cela pour acquis, en tout cas. Je note cependant les grandes exigences qui découlent pour Montréal de sa réalité particulière. C'est une obligation pour le gouvernement d'en tenir compte, et nous allons continuer de travailler avec vous autres pour essayer de trouver des solutions à ces problèmes. S'il y a des éléments qui pourraient être introduits dans le texte législatif même, et que vous voudriez nous proposer, nous les examinerons avec beaucoup d'intérêt. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. le ministre. Merci beaucoup, Mme la porte-parole de l'Opposition. M. Palascio, messieurs, merci beaucoup de l'éclairage que vous avez apporté aux membres de cette commission. Nous vous en remercions encore une fois.

La commission suspend ses travaux pour quelques minutes et, à la reprise, nous entendrons le groupe suivant, la Table des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

(Reprise à 12 heures)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite les membres de la commission à reprendre leur place. La commission poursuit ses travaux.

J'invite immédiatement nos prochains invités à s'approcher, la Table des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec, représentée par son président, M. Robert Fontaine. La commission avait prévu accorder une heure à la Table des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec. Comme la commission accuse un retard d'une demi-heure et que nos règlements nous demandent de terminer à 12 h 30, nous sommes devant un dilemme difficile à surmonter.

Je vais demander immédiatement, afin de ne pas interrompre les échanges, s'il y a consensus entre les deux formations politiques pour que nous allions jusqu'à 13 heures. S'il n'y avait pas consensus, j'inviterais à ce moment-là les responsables à venir nous rencontrer après la période des affaires courantes et nous pourrions continuer avec ces derniers les échanges prévus. Est-ce qu'il y a consentement pour aller jusqu'à 13 heures? Je vous rappelle que l'Assemblée nationale commence ses travaux à 14 heures.

Mme Blackburn: Oui. Voyez-vous, l'Opposition ne fait jamais obstruction; alors on est tout à fait consentant.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Quant à ça, madame, je vous en sais grée. M. le ministre, du côté ministériel, est-ce qu'il y a consentement?

M. Ryan: Volontiers!

Le Président (M. Parent, Sauvé): II y a consentement. M. Fontaine, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres de cette commission et je vous remercie d'avoir répondu à l'appel de la commission de venir lui faire connaître votre point de vue sur le projet de loi 107.

On a une heure à vous consacrer. Je vous suggère de prendre la première période pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, le reste du temps sera réparti de façon égale entre les deux formations politiques. M. Fontaine, aux fins du Journal des débats, je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à enchaîner immédiatement avec la lecture de votre mémoire. M. Fontaine.

Table des responsables des services

d'éducation des adultes des commissions scolaires du Québec

M. Fontaine (Robert): Merci, M. le Président. Merci également aux membres de la commission de bien vouloir retarder leur dîner d'une demi-heure. Cela fait grandement notre affaire aussi en même temps.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va être bon pour leur santé.

M. Fontaine: Merci de nous accueillir ici à la commission parlementaire pour nous permettre d'exprimer notre point de vue à l'égard du projet de loi 107, particulièrement en ce qui touche l'éducation des adultes. Au départ, permettez-moi de vous présenter mes collègues, ici à la table. À ma droite, M. Claude Desnoyers, directeur de l'éducation des adultes à la commission scolaire régionale Blainville-Deux-Montagnes, peut-être une des seules commissions scolaires régionales qui restent, M. Paul Labrecque, vice-président à la TREAQ et coordonnateur également du service de l'éducation des adultes à la Commission des écoles catholiques de Québec, M. Claude Leroux, directeur de l'éducation des adultes à la Commission scolaire Rouyn-Noranda et Mme Elizabeth Mainka secrétaire générale de notre organisme.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame, messieurs, bienvenue. M. le président, nous vous écoutons.

M. Fontaine: Parfait. Je soulignerai également la présence de plusieurs collègues ici en arrière, collègues gestionnaires de l'éducation des adultes.

La Table des responsables des services d'éducation des adultes des commissions scolaires

du Québec a toujours suivi de très près les réformes successives que les gouvernements ont cherché à introduire dans l'enseignement public de niveaux primaire et secondaire au Québec. Ainsi, elle était intervenue en commission parlementaire lorsque le projet de loi 40 était à l'ordre du jour, elle a fait connaître ses positions sur le projet de loi 3 et, l'année dernière, alors que la refonte de la Loi sur l'instruction publique semblait avoir été mise à l'écart, elle est intervenue pour demander au gouvernement d'aller de l'avant et a formulé certaines propositions quant à la teneur des modifications à introduire pour l'éducation des adultes.

À plus forte raison, le projet de loi 107 intéresse-t-il notre organisme, puisqu'il constitue à bien des égards une première par la place et la considération qu'il fait de l'éducation des adultes et nous nous devons de participer à la réflexion qu'il suscite.

De prime abord, nous ne pouvons que nous réjouir de l'intention du législateur d'introduire l'éducation des adultes dans un projet de loi sur l'instruction publique, conférant ainsi aux adultes une reconnaissance légale et juridique dont ils n'avaient pas encore bénéficié. Les adultes sont présents dans les écoles depuis plus de 20 ans et la loi se propose enfin de les considérer comme partie intégrante de la commission scolaire. Le pas est important et mérite d'être souligné.

Cependant, à notre point de vue, cette introduction des adultes dans la Loi sur l'instruction publique devrait obéir à certaines orientations leur garantissant que les services offerts le sont dans des conditions telles qu'ils répondent à leurs besoins, et selon des structures appropriées.

Comme nous le rappelons dans notre résumé, l'éducation des adultes s'est implantée progressivement dans les commissions scolaires en ayant à coeur de modeler ses façons de faire sur les besoins de la clientèle, besoins qui sont à la base, qui donnent un sens aux pratiques et à l'organisation mise en place à l'éducation des adultes.

Il nous apparaît que, parmi ces orientations, implicites bien sûr dans le projet de loi, le législateur a particulièrement voulu toucher à l'accessibilité des services, incluant une certaine gratuité, et à la spécificité des services et des structures. Notre lecture du projet de loi est faite à travers ces finalités car, à la suite de la commission Jean et de l'Énoncé d'orientation" qui lui a fait suite, nous considérons qu'un large consensus a été atteint à leur sujet et qu'elles sont toujours d'actualité. En conséquence, nous nous interrogerons sur les dispositions que met en place le projet de loi pour les atteindre.

D'abord, l'accessibilité des services. L'article 2 s'applique spécifiquement aux adultes dont il définit le statut. Si on le compare à l'article 1 qui proclame un droit absolu de l'élève aux services de formation jusqu'à la fin du secon- daire, on réalise que le fait d'avoir quitté l'école avant la fin du secondaire entraîne, pour l'adulte qu'il est devenu, des restrictions. La commission scolaire peut maintenant décider des services qu'elle peut lui offrir, elle n'est plus légalement tenue de lui assurer les services; ainsi, d'absolu qu'il était, ce droit de l'élève, lorsque appliqué à l'adulte devient conditionnel.

Notre organisme s'oppose à des restrictions de cet ordre. Nous recommandons que les clientèles définies à l'article 1 et à l'article 2 aient les mêmes droits de façon que l'adulte, sans distinction de sexe, d'âge ou d'occupation, puisse avoir droit à une formation de base équivalant à la fin des études secondaires selon un régime pédagogique applicable à l'éducation des adultes. Cette position se situe dans la lignée de la commission Jean et de T'Énonce d'orientation" qui avaient identifié la fin des études secondaires comme étant la formation de base minimale à laquelle toute personne devrait avoir accès. Position qui est reprise par le Conseil de l'éducation qui souligne l'initiative heureuse d'avoir ouvert l'enveloppe de base.

Je passerai ensuite à la page 5 du mémoire. L'accessibilité géographique. L'article 187 indique que les personnes qui relèvent de la compétence d'une commission scolaire sont celles "qui résident sur son territoire". À toutes fins utiles, il contraint un adulte à ne pouvoir suivre que les services éducatifs mis en place par la commission scolaire sur le territoire de laquelle il réside. À cet égard, il constitue un très net recul par rapport à la pratique actuelle et une entrave grave à l'accessibilité. Une telle disposition existe déjà dans la Loi sur l'instruction publique actuelle. Par contre, les commissions scolaires ont toujours considéré la population adulte de leur territoire comme étant leur clientèle cible, mais non exclusive. Au bas de la page.

Conséquemment, les adultes ont toujours eu l'opportunité d'exercer leur choix quant au lieu de leur formation. Dans certaines régions, particulièrement les régions rurales ou dites éloignées, le problème ne se présente pas alors qu'il est réel dans les agglomérations urbaines où plusieurs commissions scolaires se partagent le territoire. À Québec, à Montréal, sur la rive sud, les travailleurs, les travailleuses se déplacent sur de grandes distances pour travailler. On peut supposer qu'une partie de ceux et celles qui suivent une formation, particulièrement à temps partiel, pourrait trouver avantage à la suivre ailleurs que sur leur territoire de résidence. L'adulte est mobile et son état même d'aduite, de personne ayant des responsabilités l'amène à se déplacer pour faire face à ses obligations. Il doit pouvoir choisir la situation qui lui convient le mieux compte tenu de ses contraintes et obligations.

L'article 196 évoque la possibilité d'établir des ententes entre commissions scolaires et, si les dispositions de l'article 187 sont appliquées intégralement, nous appréhendons que les corn-

missions scolaires soient soumises à l'obligation de s'entendre avec les commissions scolaires d'origine de leur clientèle extra-territoriale. À notre point de vue, une telle éventualité est inapplicable à l'éducation des adultes, puisqu'elle impliquerait une augmentation considérable des activités de gestion et d'administration qui sont déjà suffisamment lourdes. Que l'on pense à la formation à temps partiel pour s'en convaincre: on ne peut demander à une commission scolaire de conclure une entente avec sa voisine chaque fois qu'un adulte va suivre un cours de 30 heures (ou moins) chez elle.

De plus, dans un contexte où les responsabilités des ordres d'enseignement secondaire et collégial ne sont pas mieux définies qu'elles ne le sont présentement et où l'ordre collégial, dans plusieurs domaines, est en compétition avec l'ordre secondaire et dispense des formations de ce niveau, ce que les règles budgétaires 1988-1989 favorisent, restreindre l'accessibilité des adultes au secondaire équivaut à envoyer cette clientèle aux cégeps, ce qui, en définitive, est fondamentalement incohérent et engendre des coûts de formation inutilement plus élevés.

En définitive, la TREAQ demande que la clientèle adulte, celle définie à l'article 2, soit exclue de l'application de l'article 187 et nommément citée dans les exceptions que comprend déjà cet article, de façon que l'adulte, nonobstant les articles 196, 427 et 428, ait le droit au libre choix du lieu de sa formation.

L'accessibilité des options professionnelles. Le projet de loi 107 vient donner un cadre légal à la carte des enseignements de formation professionnelle que le MEQ décrète pour les commissions scolaires. Cette opération s'impose pour une meilleure utilisation des ressources en formation professionnelle. Cependant, l'application que veut en faire le projet de loi dépasse de beaucoup le consensus sur l'utilisation de cette carte auquel semblent être parvenus !e ministère et le réseau.

La carte des enseignements s'applique à la formation de base en formation professionnelle, c'est-à-dire pour les formations conduisant à un diplôme d'études professionnelles, à un certificat d'études professionnelles, ou à une attestation de spécialité professionnelle. Ces formations, soit dit en passant, épuisent les formations accessibles aux élèves jeunes de la commission scolaire.

À l'éducation des adultes, la réalité est plus complexe, en raison particulièrement des besoins de perfectionnement et de recyclage de la main-d'oeuvre, conséquemment des accords Canada-Québec, de la formation sur mesure, de la formation à temps partiel, des achats directs du fédéral, etc. La carte des enseignements ne s'applique pas pour ces formations, bien que l'on comprenne qu'une certaine cohérence puisse exister, et ne devrait pas s'appliquer dans l'avenir non plus, ces formations devant demeurer accessibles géographiquement à ceux qui en ont besoin ainsi qu'aux entreprises.

Conséquemment, la TREAQ demande que le deuxième paragraphe de l'article 428 soit modifié pour préciser que la liste des spécialités professionnelles ne s'applique qu'au DEP, au CEP et à l'ASP, c'est-à-dire aux diplômes inclus dans le régime pédagogique de la clientèle visée à l'article 1.

Dans un autre ordre d'idées, on constate que la carte des enseignements est supportée pour la clientèle jeune par des mesures d'accessibilité, tel le transport ou l'aide à la pension. Étant donné que la rationalisation de la carte conduit à une diminution du nombre de commissions scolaires autorisées à dispenser une option et que, conséquemment, les adultes devront se déplacer sur de plus grandes distances pour avoir accès à ces formations - que l'on pense à des régions comme celles du Bas-du-Fleuve et de la Gaspésie, de l'Abitibi ou de l'Outaouais pour comprendre ce que "grandes distances" veut dire -- la TREAQ demande donc que les adultes puissent être admissibles à des mesures financières facilitant l'accessibilité aux options de formation professionnelle offertes par les commissions scolaires (par exemple, accès aux prêts et bourses, transport, garderies, etc.).

L'accessibilité financière. L'article 4 du projet de loi consacre la pratique actuelle des commissions scolaires en déclarant la gratuité des services pour "tout résident du Québec" mais en faisant une exception des adultes, laquelle exception est confirmée par l'article 199 (en référence aux pouvoirs de la commission scolaire) et l'article 433 (en référence aux pouvoirs du ministre). Le second alinéa de cet article précise que cette gratuité s'applique "dans la mesure où le permettent les ressources de la commission scolaire".

Dans un contexte où les allocations sont transférables entre les différents postes budgétaires, les ressources que la commission scolaire décide d'affecter à l'éducation des adultes relèvent de sa compétence. Ainsi, afin de ne pas réduire davantage la gratuité et afin que les adultes puissent bénéficier de services minimale-ment équivalents dans tout le Québec, notre organisme recommande que la loi précise que la commission scolaire doit affecter à l'éducation des adultes au minimum les allocations qu'elle reçoit à cet effet.

Cette demande se justifie d'autant plus que les sources de financement de l'éducation des adultes dans les commissions scolaires sont variées. Une partie provient certes d'allocations du ministère de l'Éducation alors que d'autres viennent d'autres ministères, dont celui de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui gère des fonds fédéraux, des entreprises ou des adultes eux-mêmes.

En guise de conclusion, il nous apparaît qu'au titre de l'accessibilité une des contributions du projet de loi est de consacrer dans une loi certains des droits et certaines des pratiques qui sont en vigueur actuellement à l'éducation

des adultes. Cette étape est nécessaire et fort importante. Nous avons insisté pour qu'elle se fasse. Cependant, dans sa forme actuelle, le projet de loi représente un recul pour les adultes par rapport à la situation qu'ils vivent actuellement dans les commissions scolaires, particulièrement en raison des restrictions apportées par les articles 187 et 428.

Pour notre part, nous aurions souhaité que le projet de loi 107 favorise de façon plus catégorique une accessibilité accrue des adultes: c'est-à-dire non seulement qu'il légalise le statu quo, mais qu'il affirme le droit sans restriction de l'adulte à la formation de base équivalant à la fin des études secondaires et qu'il édicté des mesures financières facilitant cette accessibilité. Dans un contexte cù la formation de base, laquelle inclut l'alphabétisation et le présecondaire, a été ciblée comme étant la formation minimale que toute personne devrait détenir pour pouvoir fonctionner efficacement dans la société, de telles dispositions auraient permis à un plus grand nombre d'adultes d'atteindre cet objectif et de combler quelque peu le retard historique du Québec en la matière. (12 h 15)

Nous avons insisté dans notre présentation sur la particularité des besoins des adultes et sur la nécessité que l'éducation des adultes en tienne compte dans les services qu'elle offre à cette clientèle. Cette nécessité s'est traduite par une visibilité et une spécificité de l'éducation des adultes dans les commissions scolaires, lesquelles sont rapidement devenues une des conditions de l'accessibilité. C'est pourquoi nous nous interrogeons sur les modalités que le projet de loi met en place pour les assurer.

Le régime pédagogique des adultes. L'article 2, tout comme les articles qui font état des services éducatifs offerts aux adultes, fait référence au régime pédagogique applicable aux adultes, tandis que l'article 413 donne autorité au gouvernement pour établir un tel régime particulier pour les adultes. On vous mentionne qu'un tel régime pédagogique n'existe pas, présentement. Par conséquent, dès que le projet de loi sera adopté, la TREAQ recommande que le ministre de l'Éducation se prévale de l'article 413 qui lui donne la possibilité d'établir, par règlement, un régime particulier pour les adultes. Ce régime devra certes statuer sur les exigences et conditions d'obtention et de sanction des diplômes de niveau secondaire, mais il devra aussi prévoir l'éventail des formations accessibles aux adultes dans les commissions scolaires, voire dans les entreprises sous la supervision pédagogique des commissions scolaires.

À propos de l'éducation populaire, nous constatons que le projet de loi 107 n'en fait aucune mention. Nous pouvons supposer que l'article 227 pourrait l'inclure. Si dans l'esprit du législateur cet article englobe les services fournis aux adultes sous le vocable d'éducation populaire et d'animation communautaire, il faudrait, à notre point de vue, qu'il soit plus explicite et nomme expressément les formations concernées. Dans cette optique, notre organisme recommanderait que l'article 227 soit libellé comme suit: La commission scolaire participe, dans les domaines reiiés à sa mission éducative, au développement social, économique et culturel de la communauté, particulièrement en s'associant à la réalisation de projets du milieu et en offrant des activités d'éducation populaire et d'animation communautaire. Elle peut réaliser elle-même de tels projets et activités ou conclure, à ces fins, des ententes avec une personne ou un organisme.

Les ententes avec l'entreprise. À moins que l'article 227 dont nous venons de parler n'inclue également les entreprises dans les organismes avec lesquels la commission scolaire peut établir des ententes - ce qui, d'emblée, n'apparaît pas évident puisque cet article développe des fonctions de la commission scolaire reliées aux services à la communauté - le projet de loi 107 n'évoque pas les possibilités pour une commission scolaire de contracter avec les entreprises. On sait que cette pratique est fréquente dans le cadre de la formation sur mesure en établissement ou en entreprise, les commissions scolaires doivent pouvoir être légalement habilitées à poursuivre cette pratique.

À cette fin, nous suggérons d'étendre la portée de l'article 197 qui pourrait se lire: Avec l'autorisation du gouvernement et aux conditions qu'il détermine, une commission scolaire peut conclure une entente pour la prestation de services aux adultes avec un ministère ou un organisme du gouvernement du Québec ou du gouvernement du Canada ou avec tous les organismes, entreprises ou personnes concernés.

Les modalités d'organisation de l'éducation des adultes dans les commissions scolaires. Parlons du centre d'éducation des adultes. L'article 35 est très clair quant à la clientèle que dessert l'école: "L'école est destinée à assurer la formation de l'élève, autre que l'adulte..." Pour la formation de l'adulte, ce sont les articles 191, 192, 194 et 195 qui s'appliquent plus particulièrement.

Je passe à la page 20. Ces articles, comme tous ceux qui se rapportent aux centres d'éducation des adultes, soulèvent plusieurs interrogations. Selon notre compréhension de ces articles, le projet de loi ne parle et ne considère les adultes que lorsqu'ils sont dans des centres d'éducation des adultes et la définition qu'il semble donner d'un centre d'éducation des adultes est celle d'un centre exclusif, c'est-à-dire utilisé seulement par les adultes. Certes, la dénomination de centre exclusif n'est jamais utilisée comme telle dans le projet de loi qui parle de centre d'éducation des adultes, mais on comprend que le statut particulier qu'il leur confère leur vient de leur vocation exclusive aux adultes et qu'à cet égard il les considère en partie comme les pendants des écoles pour les adultes.

Cette façon de traiter les centres d'éducation des adultes nous convient, mais, compte tenu de la réalité qui est vécue à l'éducation des adultes et des traditions qui se sont installées, elle devrait s'appliquer à tout ce qui est appelé actuellement centre d'éducation des adultes, c'est-à-dire autant aux centres exclusifs qu'à ceux qui ne le sont pas, d'autant plus que c'est ce dernier cas qu'on rencontre le plus fréquemment.

Au bas de la page: Les autres locaux utilisés par l'éducation des adultes sont variés à l'extrême afin d'être adaptés à la nature du besoin de formation, au lieu géographique où est située la clientèle, au moment où se donne l'activité: soir, fin de semaine, été. Sans avoir de chiffres pour nous appuyer, nous pensons que les locaux les plus fréquemment utilisés sont, par ordre décroissant, les locaux des écoles secondaires et primaires, utilisés soit selon le même horaire que les jeunes, soit en soirée seulement, soit les deux à la fois, les entreprises, tout autre type de local qui se trouve dans une municipalité.

Pour la commission scolaire, que les activités se donnent dans un type de local ou dans un autre, l'organisation mise en place est la même: c'est un directeur, une directrice de centre qui voit à l'organisation et à l'encadrement des activités, à la différence près que dans le cas des centres exclusifs s'ajoute la gestion des bâtisses - et encore, très souvent, cette gestion est effectuée directement par la commission scolaire - alors que, dans les autres, la responsabilité en regard des bâtisses s'apparente à celle d'une location. La dimension du lieu physique ne joue pas, et pour cause, dans un endroit ou un autre: ce sont les mêmes activités de formation qui se donnent.

Conséquemment, la TREAQ demande que Loi sur l'instruction publique définisse le centre d'éducation des adultes et consacre le fait que les services éducatifs dispensés dans les centres d'éducation des adultes relèvent d'un directeur de centre.

La définition du centre d'éducation des adultes pourrait s'apparenter à la suivante: Le centre d'éducation des adultes est destiné à assurer la formation des personnes visées à l'article 2 dans le respect des valeurs, du régime pédagogique et des programmes d'études qui leur sont propres et des décisions et règlements de la commission scolaire qui leur sont applicables. Il peut s'agir soit d'un centre physique situé dans une seule bâtisse, affecté en exclusivité aux adultes ou non, soit d'un centre institutionnel qui regroupe des activités qui ont lieu dans des endroits différents, incluant les locaux d'une école, et il est placé sous la responsabilité d'un directeur de centre.

Dans une telle optique, la loi retrouverait, à notre point de vue, une certaine cohérence en favorisant un type d'organisation pour chacune des deux clientèles de la commission scolaire.

Le directeur de centre. Le chapitre III du projet de loi est entièrement consacré à l'école et à la définition de ses diverses composantes. Les fonctions du directeur y sont incluses. Dans la même optique, des articles de la loi devraient décrire les fonctions du directeur de centre, lesquelles s'inspireraient de la section II de ce chapitre.

Notre organisme a effectué cette correspondance et nous proposons ci-dessous une description des fonctions du directeur de centre que nous recommandons d'inclure dans la loi. Advenant que la loi apporte des modifications aux fonctions du directeur d'école, il faudrait que le parallélisme avec le directeur de centre soit maintenu en effectuant les ajustements nécessaires. Nous ne reprenons pas ici le détail de cette proposition; il faut cependant garder en tête qu'elle maintient un équilibre avec ce que la loi décrit des fonctions du directeur d'école, dans la perspective de doter l'éducation des adultes d'une organisation propre, équivalente de celle des jeunes.

Au bas de la page 25: Enfin, pour poursuivre la cohérence jusqu'au bout, si les articles 52 et 165 devaient être maintenus dans la loi, nous recommanderions que les directeurs de centre y soient inclus. L'article 52 se présenterait comme suit: "Le directeur d'école et le directeur de centre participent à l'élaboration des politiques de la commission scolaire, de même qu'à l'élaboration de la programmation et de la réglementation visant leur mise en oeuvre dans les écoles et dans les centres d'éducation des adultes, selon les modalités que la commission scolaire décidera de se donner.

Le responsable des services à l'éducation des adultes, en page 27. L'article 235 fait obligation à la commission scolaire qui organise des services éducatifs aux adultes de nommer un responsable de ces services. La TREAQ est en accord avec un tel article, mais recommande que ce responsable fasse partie du personnel cadre ou hors cadre de la commission scolaire en raison de la complexité du travail, du niveau de responsabilité de ce cadre-là et également comme un représentant de la commission scolaire pour les diverses opérations qu'il a à faire. Nous estimons que le niveau de responsabilité et la complexité des opérations, incluant la nécessité de contracter avec des organismes, ministères ou entreprises, justifient une telle demande.

D'autres aspects du projet de loi. Les enseignants à taux horaire. L'article 20 omet de parler des enseignants à taux horaire lorsqu'il mentionne les enseignants pour lesquels le permis d'enseigner n'est pas exigé. Or, à l'éducation des adultes, la quasi-totalité des enseignants et des enseignantes sont engagés sous cette appellation, laquelle est consacrée dans les conventions collectives. Nous recommandons de procéder à cet ajout, faute de quoi l'éducation des adultes serait placée dans une situation difficile, ses enseignants et ses enseignantes n'ayant pas

nécessairement de brevet d'enseignement ou de permis d'enseigner.

Et, puisque la Loi sur l'instruction publique est en refonte, nous voudrions en profiter pour soulever sommairement la problématique rencontrée à l'éducation des adultes en regard de la reconnaissance légale des enseignants. Le brevet d'enseignement ne répond pas nécessairement aux besoins de l'éducation des adultes: la spécialisation dans une matière n'est pas toujours nécessaire. Que l'on pense à des cours spécifiques aux adultes comme "Formation préparatoire à l'emploi" ou "Transition-travail", en alphabétisation, également, où l'approche est vraiment particulière. Ce dont les intervenants en éducation aux adultes ont besoin, c'est d'une formation à l'approche andragogiqua La TREAQ recommande que le ministre de l'Éducation soit préoccupé de cette situation particulière et que l'article 21 soit reformulé pour contenir une solution éventuelle à cette problématique.

Dans cette optique, l'article 21 pourrait se libeller comme suit: Le ministre de l'Éducation délivre un brevet d'enseignement, un permis d'enseigner ou toute autre forme de reconnaissance à toute personne qui satisfait aux exigences fixées par règlement du gouvernement.

En guise de conclusion, l'intention du législateur était, nous n'en doutons pas, de rendre justice à l'éducation des adultes en lui accordant un traitement plus conforme à la réalité. Cependant, il n'en demeure pas moins que le projet de loi sur l'instruction publique demeure d'abord et avant tout un projet fait pour la clientèle assujettie à l'obligation de la fréquentation scolaire. Les adultes sont introduits dans un second temps, selon des modalités qui ne sont pas toujours compréhensibles. Ainsi, la commission scolaire a, à l'endroit de l'éducation des adultes, une marge de manoeuvre plus grande qu'à l'endroit de la clientèle jeune car elle peut appliquer un pouvoir discrétionnaire dans le premier cas alors que, dans le second, l'encadrement et les règlements mis en place dans la loi l'en empêchent. Les recommandations que nous formulons, si elles sont retenues, devraient, à notre point de vue, assurer une meilleure visibilité et spécificité à l'éducation des adultes, lesquelles reposent sur la spécificité des besoins éducatifs des adultes, dont le Conseil supérieur de l'éducation vient à nouveau de reparler de l'importance.

Dans un Québec où plus de 45 % de la population - 46,1 % selon les données du recensement de 1981 - ne détient pas de diplôme d'études secondaires, ce qui équivaut à plus de 1 000 000 de personnes, nous aurions souhaité un engagement gouvernemental plus ferme à l'endroit de cette partie de la population, en lui conférant un droit égal à celui des jeunes, permettant à l'adulte qui veut s'en prévaloir d'avoir droit à une formation de base allant jusqu'à la fin des études secondaires.

Enfin, nous constatons que les articles du projet de loi qui touchent l'éducation des adultes sont mineurs par rapport à l'ensemble de la réforme qu'il veut introduire dans les commissions scolaires. Sans doute, en raison de son ampleur, la réforme va-t-elle prendre du temps avant d'être acceptée puis concrétisée sur le terrain. L'éducation des adultes va devoir attendre aussi l'encadrement législatif qui lui fait cruellement défaut actuellement et le régime pédagogique applicable aux adultes dont elle a besoin.

Advenant un report des délais de la mise en application de la nouvelle loi, nous recommandons au ministre de l'Éducation de proposer des mesures transitoires permettant à tout le moins d'adopter pour l'éducation des adultes un régime pédagogique pour la clientèle qui la fréquente.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président Robert Fontaine, nous vous remercions beaucoup de votre exposé.

Je reconnais immédiatement le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Ryan: Je remercie M. Fontaine ainsi que les nombreux responsables d'éducation des adultes dans les commissions scolaires qui l'accompagnent ce matin avec la délégation de la TREAQ. Le mémoire qui nous a été présenté par M. Fontaine et sa délégation apporte une contribution très intéressante au travail de ia commission et du gouvernement. Il est rempli de considérations pratiques, fonctionnelles, qui m'ont vivement intéressé et qui nous seront très profitables.

Je voudrais mentionner, en premier lieu, que nous n'avons pas consacré autant d'importance, évidemment, aux articles traitant de l'éducation des adultes qu'à ceux qui traitent de la formation des jeunes. Le projet de loi, comme vous le dites justement, est conçu premièrement en fonction des écoles qui s'adressent à la clientèle jeune. Nous avons cependant, et vous le soulignez également de manière fort pertinente, inséré des dispositions qui font le point sur les acquis dans le domaine de l'éducation des adultes, qui laissent la porte ouverte à bien d'autres choses, en particulier une disposition qui est à l'article 413, si mes souvenirs sont bons, en vertu de laquelle le gouvernement pourra instituer éventuellement un régime pédagogique propre pour l'éducation des adultes. Cela n'a pas été mis là par distraction. Cela a été inséré parce que nous espérons pouvoir mettre au point les éléments d'un régime pédagogique qui pourrait éventuellement être propre au secteur de l'éducation des adultes. Nous suivons avec beaucoup d'intérêt les expériences qui se font de ce point de vue; nous ne voulons pas aller trop vite non plus, mais vous savez peut-être mieux que moi que nous avons, dans nos cartons, des projets assez définis de ce côté-là qui demandent à être vérifiés de plus près et qui sont l'objet d'une attention éminemment sympathique.

Un autre signe de l'importance que le

gouvernement accorde à l'éducation des adultes est évidemment l'évolution des ressources budgétaires consacrées à l'éducation des adultes depuis quelques années. Depuis 1984-1985, il y a eu augmentation considérable des sommes attribuées à l'éducation des adultes, surtout par le biais de l'enveloppe dite ouverte, selon laquelle - et cela rejoint l'une de vos préoccupations - toute personne qui s'inscrit à des cours de formation en vue de l'obtention du diplôme d'études secondaires est admise, à toutes fins utiles, gratuitement. Il peut y avoir des frais d'inscription nominaux exigés par la commission scolaire, mais tout le reste est gratuit et c'est le but même du caractère ouvert de l'enveloppe budgétaire consacrée à ce poste-là. On veut que !a personne qui veut compléter sa scolarité en allant chercher un diplôme d'études secondaires, soit général, soit professionnel, puisse avoir accès à des services qui sont, à toutes fins utiles, gratuits.

Nous ne l'avons pas mis dans la loi sous cette forme-là. Nous laissons une certaine marge aux commissions scolaires, parce qu'il y a toutes sortes de situations particulières qui peuvent se présenter. Il peut arriver qu'un programme entraîne des frais beaucoup plus élevés que la moyenne et que, au titre de ce programme, il soit jugé raisonnable d'exiger une contribution financière plus ou moins modeste de la part de l'adulte. Je pense que cela n'enfreint pas ce grand principe de base. L'objectif est tout à fait accepté par le gouvernement. (12 h 30)

Quand il s'agit des cours de culture générale, nous avons des réserves, parce que là cela peut comprendre une foule de choses et l'histoire nous a assez enseigné depuis quinze ans que cela peut comprendre une foule de choses. Il y a bien de ces cours, si des adultes sont intéressés à les suivre, qu'ils soient appelés à verser une contribution modeste je pense que cela n'obère pas du tout leur budget d'une manière dangereuse. Cela rappelle à nos citoyens que tous les services offerts par la communauté coûtent de l'argent, d'une manière ou de l'autre et dans la mesure où ils ne sont pas de l'ordre du nécessaire. Je pense qu'exiger une certaine contribution des citoyens c'est faire acte de rationalité en matière de gestion des ressources publiques. De toute manière, encore une fois, souscrivons à l'objectif; il est déjà réalisé de facto, mais nous avons jugé préférable de ne pas l'inscrire dans la loi de manière trop précise et de manière qu'on puisse continuer de le réaliser dans les faits d'une façon qui tienne compte de situations particulières susceptibles de surgir ici ou là.

Il y a des points que vous mentionnez sur le choix du lieu. Là, vous vous inquiétez et vous dites: On va consigner. C'est un peu comme on fait pour les jeunes, on dit: Bien, tu vas aller à l'école de ta commission scolaire de ton territoire. Pour les adultes, cela demande des assouplissements. Il y en a déjà un qui est dans les faits, vu que nous avons des services régionaux d'éducation des adultes. Mais si ce n'est pas suffisant, j'ai pris note de ce point et on peut envisager d'assouplir la loi de ce point de vue-là. C'est un point qui est très digne de considération, je comprends très bien, pour la formation professionnelle, à plus forte raison. Avec la nouvelle carte des enseignements professionnels, je pense que la remarque que vous faites est d'autant plus judicieuse

Accès des adultes qui suivent des cours de formation professionnelle à l'aide financière. Là, nous sommes à travailler ce point. Pour les adultes à temps complet, il y en a déjà plusieurs qui ont accès à l'aide financière en vertu des programmes fédéraux. En vertu des régimes d'aide financière du Québec, là nous examinons les implications budgétaires. Dans une mesure comme celle-là, il y a des choses qui doivent être faites pour aider financièrement les personnes qui suivent des cours de formation professionnelle. Nous n'avons pas arrêté encore les conclusions sur cela, mais c'est un sujet que nous examinons très attentivement. Sur ce point, je pense que cela résume un peu la position que le gouvernement peut énoncer actuellement. L'expérience nous a appris à être prudent et, quand il s'agit de textes qui définissent des droits dont on n'a pas mesuré toutes les implications financières, on veut y aller avec prudence. Cela n'indique aucun changement quant aux objectifs fondamentaux que nous poursuivons.

Vous signalez qu'on ne parle pas d'éducation populaire dans le texte du projet de loi. Je pense que c'est une remarque très judicieuse et la suggestion que vous faites d'insérer quelque chose à ce sujet à l'article 227 me paraît très intéressante. Je peux vous assurer qu'on va l'examiner avec beaucoup d'intérêt. On accorde une grande importance au secteur de l'éducation populaire en particulier aux programmes d'aide financière aux OVEP. La suggestion que vous faites d'ajouter une disposition pour favoriser des ententes avec l'entreprise, surtout dans la période de développement de la formation sur mesure vers laquelle nous allons, est extrêmement judicieuse aussi. Soyez assurés que tout est bien noté, l'endroit où vous voudriez que cette addition fût faite dans le texte du projet de loi. Ce sont des choses qui nous intéressent au plus haut point.

Au sujet du régime pédagogique, juste une petite remarque additionnelle. On me signale qu'une bonne partie des dispositions d'un éventuel régime pédagogique propre pour les adultes sont déjà contenues dans l'instruction 1988-1989 sur l'éducation des adultes et elles seront en expérimentation, par conséquent, l'année prochaine à travers tout le territoire. On fait un pas de plus. Je pense qu'on s'en va vers des développements intéressants de ce côté. Il faut toujours garder à l'esprit, évidemment, qu'on est dans un domaine où la réalité est assez fluide. On regarde la formation professionnelle, et toute

la rencontre des clientèles jeunes et adultes qui s'opère dans plusieurs endroits pour des raisons économiques et fonctionnelles, il faut tenir compte de cela. Il ne faut pas trop rigidifier les structures, mais cela étant dit, je pense que nous franchissons cette année un autre pas très important dans cette direction.

Je complète. Vous parlez des centres d'éducation des adultes, vous voudriez que leur mission fût mieux définie et que la responsabilité du directeur de ces centres soit établie de manière plus claire dans la loi. Ce sont des choses que nous allons regarder de près. Je pense qu'on a déjà examiné des possibilités de ce côté-là dans les travaux préparatoires. On ne voulait pas avoir un texte trop lourd, mais II y a des choses qui peuvent peut-être être envisagées de ce côté, on va les regarder également. La reconnaissance légale des personnes qui se consacrent à l'éducation des adultes est un point très pertinent. Je pense que vous avez suggéré également un endroit où cela pourrait se faire.

Tout ceci pour conclure que la très grande majorité des remarques que vous nous soumettez ce matin m'apparaît très pertinente et digne de la plus grande attention. Je veux vous dire que nous allons les examiner avec l'intention d'essayer de leur donner suite dans toute la mesure qui nous paraîtra compatible avec les objectifs généraux du projet de loi.

Ceci dit, je n'ai pas beaucoup de questions à vous adresser. Si mes collègues ont des questions tantôt... Je pense avoir fait le tour de votre mémoire qui est tellement précis, pratique et raisonnable que je ne voudrais pas risquer de créer de la confusion en faisant ce qu'on appelle, pour employer une expression anglaise, un "pitch in the dark", une question dans la noirceur seulement pour occuper le temps ou amuser la galerie, cela ne m'intéresse pas. Mais je pense vous avoir dit l'essentiel et je veux, en terminant, remercier la TREAQ de l'intérêt avec lequel elle suit les questions relatives à l'éducation des adultes et l'assurer de ma collaboration. Mais j'ai une question pour finir. Jeunes adultes dans la formation professionnelle, avez-vous des observations à nous faire là-dessus relativement au projet de loi ou si vous considérez, comme nous, que c'est une question qu'on doit gérer au plan pratique, quitte à voir plus tard s'il doit y avoir des implications légales?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président, la question s'adresse à vous ou à l'un de vos collaborateurs.

M. Fontaine: Vous me permettrez, avant de répondre à votre question, M. le ministre, de mentionner ceci. Nous sommes heureux de voir que notre mémoire est si bien accueilli, à un point tel qu'on se demande si on en a demandé assez dans le mémoire, finalement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez encore 25 minutes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fontaine: D'abord, vous mentionnez que le projet de loi a été fait en fonction du secteur des jeunes. Oui, bien sûr, on le reconnaît. Cependant, au moment où on introduit les adultes, ce qu'on veut souligner à ce stade-ci, c'est le fait que, quand on introduit les deux, les jeunes et les adultes, je pense qu'il y aurait lieu que ce soit assez clair dans la future loi de façon à éviter toute confusion.

Vous mentionnez une évolution des ressources financières vers l'obtention d'un diplôme d'études secondaires. Bien sûr qu'on fait appel, à ce moment-ci, à l'enveloppe ouverte qui peut paraître élevée à certains moments. Mais si, par ailleurs, on sortait de l'enveloppe ouverte certains programmes qui sont financés et qui ne conduisent pas nécessairement à l'obtention d'un diplôme, ce qui diminuerait peut-être l'enveloppe quitte à ce que ces programmes - par exemple, je ne sais pas, comme la sécurité dans la construction - soient financés par d'autres sources de revenu, l'enveloppe ouverte, comme telle, ne paraîtrait peut-être pas aussi grosse et serait peut-être moins épeurante pour le Conseil du trésor pour éviter des coupures, par exemple, de 39 000 000 $ou 20 000 000 $ pour 1988-1989.

Vous avez parlé du choix du lieu qui sera assoupli. Nous sommes heureux de l'entendre. Oui, en fait, ce qu'on demande dans cela, c'est un peu le statu quo à savoir que, présentement, les services de l'éducation des adultes ou les commissions scolaires organisent des services sur leur territoire, mais la clientèle n'est pas assujettie nécessairement au territoire de la commission scolaire par le fait qu'elle n'a pas l'obligation de fréquenter l'école; elle peut aller là ou bon lui semble.

Du côté de l'aide financière pour les adultes qui viennent à l'éducation des adultes, nous sommes heureux que le projet soit à l'étude actuellement de façon qu'on puisse permettre, en fait, une plus grande accessibilité des adultes à l'éducation des adultes, évitant les contraintes, par exemple, pour les femmes au foyer, de garderie, de transport etc., s'il y avait des montants d'argent pour aider ces personnes à prendre une formation.

Quant au régime pédagogique, oui, on veut un régime pédagoqique, mais on voudrait, par ailleurs, que ce régime garde quand même une certaine souplesse par rapport à l'organisation des services aux adultes.

À l'éducation des adultes, l'approche privilégiée est beaucoup plus l'approche besoin, l'approche client, l'approche problème qui fait qu'on ne doit pas avoir des programmes préconçus pour les adultes, dans certains cas. Tout le temps, il nous faut tenir compte des besoins et des caractéristiques de la clientèle adulte. Alors,

nous voudrions que le régime pédagogique tienne compte d'une certaine souplesse dans la mise en place des services aux adultes.

La reconnaissance des intervenants, vous mentionnez que c'est très pertinent et nous sommes heureux de l'entendre. Enfin, quant à la question que vous posez à la fin, je laisserais la parole à quelqu'un qui veut bien y répondre. Paul, en ce qui concerne la formation professionnelle jeunes et adultes, as-tu des suggestions à faire?

M. Labrecque (Paul): M. le Président, le seul conseil qu'on pourrait donner ici au ministre de l'Éducation dans l'harmonisation des clientèles en formation professionnelle jeunes et adultes, c'est de veiller à ce que cette harmonisation se fasse par une approche clientèle, c'est-à-dire par une approche basée réellement sur la spécificité de la clientèle de l'éducation des adultes et non pas par une approche de structures qui voudrait, dans un premier temps, harmoniser les règles budgétaires avant de vouloir harmoniser les programmes et les approches.

Donc nous, c'est peut-être plus un conseil que l'on donnerait à ce moment-ci, c'est-à-dire de tenir compte davantage de l'étudiant qui est au coeur de l'apprentissage.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Je reconnais, dans un deuxième temps, la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, messieurs, madame, il me fait plaisir de vous accueillir. J'aurais le goût de commencer par - je ne dirais pas une mise en garde, plutôt une boutade - en disant: Ne vous réjouissez pas trop vite, M. Fontaine, parce que je pense que...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: ...connaissant le ministre, je ne serais pas rassurée par ses propos flatteurs. J'ai déjà pu constater, en d'autres circonstances, qu'il fallait prendre cela avec un grain de sel. Vous aurez remarqué que, de façon générale, d'accord, c'est bien beau, mais sur l'essentiel, ce qui touche la gratuité, il ne s'est pas beaucoup compromis. C'est probablement ce qui me préoccupe le plus, parce que je pense que le minimum requis à l'éducation des adultes, c'est ce qui se trouvait dans la loi 3. La loi 3, c'était la gratuité pour tous les cours menant à une diplomation.

Le critique de l'Opposition d'alors, qui s'appelait le député d'Argenteuil, M. Ryan, disait à propos de cet article que c'était insuffisant et il l'expliquait de la façon suivante: Même en formation générale, cela devrait être gratuit. La scolarité, c'est un enrichissement collectif. Il citait, en guise d'exemple, quelqu'un qui souhaite prendre un cours d'histoire. Même si ce n'est pas inscrit dans le cadre d'un programme ou d'un cours reconnu par le ministère, il devrait y avoir droit gratuitement.

Sans prétendre qu'on puisse aller aussi loin, ce qui serait souhaitable quand même, que de financer et d'accorder la gratuité pour les cours de formation générale, je pense que le minimum c'est au moins la gratuité pour l'équivalent d'une formation de niveau secondaire. Le ministre, alors qu'il était à l'Opposition, disait: II faudrait au moins que ce soit le minimum. Pour lui, c'était la fin du collégial, pour ceux qui le désiraient et qui en avaient la capacité.

Si on ne peut pas progresser, il ne faut pas qu'il y ait de recul. C'est inacceptable. Vous avez cité des chiffres éloquents. C'est 1 000 000, 45 % des personnes adultes qui n'ont pas terminé leur secondaire. 1 000 000 de personnes, c'est autant que ce qu'on retrouve d'enfants à l'enseignement régulier. C'est majeur; ce n'est pas un petit problème. On a des retards considérables en matière de scolarisation et cela, c'est un recul. (12 h 45)

Le ministre dit: II faut se laisser plus de souplesse. Le gouvernement est prudent lorsqu'il s'agit de textes qui donnent des droits. Pourtant, il n'a pas fait preuve de la même prudence lorsqu'il s'est agi de confirmer ses droits à lui, le contrôle, etc. Je me dis qu'on ne peut pas tenir deux discours. Ou il est important de confirmer des droits, et ça l'est pour tout le monde, ou ça ne l'est pour personne et on réduit la loi à sa plus simple expression.

Le fait que l'on puisse laisser à la commission scolaire le soin de décider selon ses ressources - et on sait d'où viennent les ressources - d'imposer ou non des droits de scolarité, c'est inacceptable. Le ministre invoque la nécessité d'inscrire dans la loi des droits qui lui étaient conférés en vertu de règlements en disant que cela donne plus de force, de valeur, que c'est plus solide et que cela les rend incontestables. Je pense que ce qu'il faut rendre incontestable, c'est le droit des adultes à la gratuité. Ce droit des adultes à la gratuité avait été reconnu dans la loi 3 par le gouvernement du Parti québécois. Le ministre ne peut pas m'accuser de parler à tort et à travers. C'était ce qu'on estimait être le minimum. On ne pouvait pas aller aussi loin que de garantir la formation personnelle, mais, en même temps, on garantissait à l'école l'obligation de mettre en place des services complémentaires et des services particuliers. On n'a rien non plus là-dessus.

Je trouve que la présente loi marque un recul important par rapport à l'éducation des adultes particulièrement, à la gratuité, à l'accès aux services complémentaires particuliers. Là, évidemment, il y a toute la question de la résidence. J'imagine que ce n'est pas volontaire. J'imagine qu'il y a moyen de corriger cela. Mais cela constitue, par rapport à la loi 3... Faut-il le

rappeler, si le jugement Deschênes, au sujet de la loi 3 - ce qui aurait été normal de l'avis de plusieurs juristes - n'avait invalidé que les articles touchant la structure scolaire, tout le reste, au moment où l'on se parle, serait en vigueur. Je pense que c'était le minimum en matière d'éducation des aduites.

J'allais dire que j'aurais peu de questions. Je vous invitais tantôt à la prudence. Le ministre nous disait: Je suis particulièrement intéressé à tout ce qui concerne l'éducation des adultes et à la place des OVEP. Cela ne s'est pas traduit dans la réalité, la place des OVEP. C'est la première année qu'on accorde une augmentation du budget des OVEP. Il y avait le gel du budget des OVEP. Il avait même réussi par un tour de passe-passe à économser quasiment 225 000 $ là-dessus. Finalement, il les a redistribués tellement cela n'avait pas de bon sens. Il y a 500 groupes en attente. Par ailleurs, vous le savez et vous le signalez dans votre rapport, les subventions-années, cette année, ont diminué de 23 000 000 $. Là, on est en train de dire en plus qu'on pourrait éventuellement imposer des frais de scolarité. Ce n'est pas ça, l'accès à l'éducation des adultes. Je le répète. Le ministre sait que là-dessus je suis probablement celle qui s'est le plus laissée leurrer par le discours du ministre alors qu'il était dans l'Opposition. C'est peut-être pourquoi je le prends plus mal. Parce que je l'ai cru. Naïvement, j'ai cru que, lorsqu'il arriverait au pouvoir, il serait l'homme qui, au ministère de l'Éducation, accorderait le plus de place à l'éducation des adultes tant il s'en était fait l'ardent défenseur. C'est probablement ma déception la plus grande à son endroit; elle est vraiment là-dessus. Je me l'explique mai. Il était sincère ou il ne l'était pas.

En ce qui concerne la définition que vous faites de ce que devraient être les fonctions du directeur de l'éducation des adultes, c'est intéressant. C'est décentralisé. J'allais dire que vous auriez alors une réelle possibilité de gérer vos centres. Je trouve l'idée intéressante. En ce qui concerne l'harmonisation, vous n'en parlez pas dans votre mémoire ou si peu. Mais l'harmonisation telle qu'elle est en train de se passer, selon vous, où on voit de plus en plus quelques jeunes avec des adultes - à l'occasion, les adultes sont assez jeunes que les clientèles finissent par se ressembler, ce qui n'est pas le cas partout - est-ce que cela pose problème? Est-ce que vous commencez à avoir un aperçu de ce que cela va donner à long terme?

Cela m'est apparu, de l'extérieur, comme étant une façon de faire des économies, essentiellement. Parce que les centres d'éducation des adultes, les activités, je dirais, dans les centres de formation des adultes sont souvent aux frais du gouvernement fédéral, par le biais d'ententes. Ce qui fait qu'une partie de la gestion de ces activités vient soulager la commission scolaire. L'impression que j'ai, de l'extérieur, c'est davantage pour faire des économies que pour rationaliser ou rendre plus efficace la qualité de la formation et des services offerts. Est-ce que je me trompe?

M. Fontaine: En fait, dans notre mémoire, on n'a pas parlé du tout d'harmonisation de la formation professionnelle puisque le projet de loi lui-même n'en parlait pas.

Mais, pour répondre à votre question, difficultés dans l'harmonisation jeunes et adultes... Il existe depuis quelques années déjà des adultes qui viennent prendre de la formation avec les jeunes. C'est pratique courante dans les commissions scolaires. Sauf que ces adultes suivent le régime pédagogique des jeunes, selon un horaire dit régulier, soit de 8 h 30 le matin à 15 ou 16 heures. Les difficultés, lorsqu'on harmonise maintenant la formation professionnelle jeunes et adultes au niveau de la commission scolaire, résident beaucoup plus dans l'harmonisation des structures, finalement.

Quand on pense aux jeunes en formation professionnelle, ce sont des jeunes adultes. Ne pensons pas à des jeunes de 13 ou 14 ans. Ce sont des jeunes de 17, 18 et 19 ans. Donc, des jeunes adultes qui sont capables de fonctionner aussi avec des adultes. Par ailleurs, leurs préoccupations, leurs caractéristiques ne sont pas du tout les mêmes.

Quand on mentionnait tantôt, en réponse à M. Ryan, de tenir compte des caractéristiques de la clientèle dans l'harmonisation, ce sont des éléments comme cela. Si c'est un jeune, c'est-à-dire qu'il est compté dans les inscriptions au 30 septembre, nécessairement cette personne doit avoir accès au transport, par exemple, ou à l'aide à la pension. Par ailleurs, si ce sont des adultes référés par les centres d'emploi du Canada, les centres Travail-Québec, les commissions de formation professionnelle ou des adultes eux-mêmes qui viennent à la formation, il y a des caractéristiques aussi dont il faut tenir compte dans l'organisation des services. Ce sont des gens qui, par exemple, sont des épouses ou des femmes au foyer et nécessairement il faut tenir compte de leur disponibilité. La formation doit s'organiser en fonction de cette disponibilité. Si on pense à des travailleurs et des travailleuses, la formation doit s'organiser plus le soir. Il y a des chômeurs, des chômeuses qui vont recevoir des allocations de formation du fédéral ou de Travail-Québec, pour les assistés sociaux, etc. Voilà autant de caractéristiques dont il faut tenir compte lorsqu'on harmonise des structures.

Je ne sais pas si mes collègues voudraient compléter. Je ferai référence à un autre élément, quitte à revenir sur la formation professionnelle, si vous me permettez. Vous parlez beaucoup de gratuité dans votre exposé, Mme Blackburn. Nous avons à peine effleuré ce volet en raison particulièrement des compressions budgétaires qui nous sont imposées quasiment chaque année à l'éducation des adultes. C'est ce qui fait qu'on

ne l'a presque pas touché dans notre mémoire. Par ailleurs, il y a des frais actuellement qui sont chargés aux adultes, des frais dits d'admission, et qui servent à offrir d'autres services tels des services complémentaires aux adultes, qui ne sont pas financés autrement. Les frais d'inscription qui sont chargés sont réinvestis dans l'éducation des adultes.

Mme Blackburn: Dans le projet de loi, la compréhension que... Cela veut dire, si je comprends votre propos, que vous êtes prêts à céder... Au moment où le gouvernement coupe, vous dites: On peut être moins exigeants quant à la gratuité. Je comprends mal votre approche.

M. Fontaine: En fait, si les ressources financières fournies par le MEQ ou par le MMSR étaient suffisantes pour les activités de formation, bien sûr, nous sommes pour la gratuité.

Mme Blackburn: En prenant votre base de jugement on pourrait dire la même chose pour la clientèle régulière jeune. Les priorités du gouvernement s'établissent selon ces grands principes généraux qu'on se donne; le principe de la gratuité et de l'universalité, cela existe déjà. Ce sont des choix de société. Après cela, les montants d'argent, normalement viennent. Je veux dire qu'il y a des principes d'abord. Et ensuite on vient donner les ressources. Mais on ne peut pas ajuster nos principes aux ressources que les gens veulent bien consacrer. Un État, un gouvernement a la responsabilité d'abord d'établir un certain nombre de principes généraux telle l'accessibilité et ensuite il allonge les sous. Je pensais avoir compris à la page 3 que l'accessibilité aux services vous supposiez que ce soit la même pour les jeunes et les adultes, donc que c'était la gratuité. Je pensais avoir compris cela à votre mémoire, je m'étais trompée.

Est-ce que cela ne posera pas de problèmes, tantôt, l'intégration ou l'harmonisation des clientèles - je trouve que c'est un euphémisme, mais parlons d'harmonisation des clientèles - alors que dans la réalité on ne pourra pas vraiment parler d'harmonisation et, à tout le moins, il y a des clientèles qui vont avoir droit à des services réels et concrets, les clientèles à l'enseignement régulier, et d'autres qui n'y auront pas droit? Si, à un moment donné, le gouvernement du Parti libéral respecte l'engagement qu'il a pris à l'endroit de l'aide financière aux étudiants, on pourra tantôt retrouver des jeunes, des adultes qui ont peut-être droit à l'aide financière aux étudiants et du temps partiel qui n'y a pas droit. Quel problème cela va-t-il poser, l'harmonisation dans un centre de formation à l'éducation des adultes où vous avez deux clientèles, une qui a droit à des services en vertu d'une loi qui lui reconnaît ce droit et l'autre qui n'y a pas droit?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Labrec-que.

M. Labrecque: Oui, M. le Président. Il est bien entendu que la situation de l'harmonisation des clientèles jeunes et adultes pose actuellement certains problèmes dans les commissions scolaires. Les enjeux sont majeurs. Les enjeux des commissions scolaires font en sorte qu'elles sont tantôt obligées de prendre une approche pour éviter de déclarer des surplus de personnel parmi les enseignants. Bien entendu, lorsqu'elles prennent une approche semblable elles n'avantagent pas l'étudiant et sa spécificité. Bien entendu, la TREAQ craint que, si des commissions scolaires prennent davantage ce type d'approche le besoin de l'adulte soit laissé pour compte pour un besoin de type structure. C'est le conseil que je donnais tantôt en invitant le ministre à prendre plutôt une approche clientèle qu'une approche structure.

Il est bien entendu aussi que l'harmonisation, si on parle uniquement d'harmonisation des programmes sans harmoniser les règles, les droits et les règles financières, risque d'aller toujours pratiquement dans un seul sens. Donc, tout le travail sur cela, moi, je le prétends non terminé. L'harmonisation actuellement je la qualifierais d'embryonnaire et j'inviterais le ministre à être prudent dans cette voie. Justement parce que beaucoup de règles actuellement, lorsqu'on regarde uniquement les règles budgétaires ne favorisent pas une harmonisation réellement basée sur les besoins de l'étudiant.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Labrecque. Malheureusement, le temps est pratiquement écoulé. J'invite maintenant la porte-parole de l'Opposition à conclure au nom de sa formation politique.

Mme Blackburn: Oui, M. le Président, je voudrais remercier les membres de la TREAQ pour leur participation aux travaux de cette commission et pour l'enrichissement réel qu'ils ont apporté par le biais des mesures et des modifications qu'ils proposent. Je pense que vous êtes parmi les plus compétents pour nous faire ce genre de recommandations. Nul doute que le ministre, comme il l'a exprimé tout à l'heure, tout comme l'Opposition seront très sensibles, au moment où on examinera le projet de loi article par article, aux recommandations que vous nous avez faites.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M. le ministre.

M. Ryan: Quelques points en terminant, M. le Président. D'abord, merci encore une fois aux responsables de l'éducation des adultes des commissions scolaires. Nous allons continuer le travail d'étude sur les points qui ont été soulevés dans le mémoire. J'ajoute juste quelques remarques complémentaires concernant peut-être l'information. En ce qui touche l'harmonisation,

jeunes et adultes, vous avez peut-être pris connaissance d'une lettre que j'adressais récemment aux commissions scolaires qui parlait justement dans le sens dont vous venez de parler tantôt, qui invitait les commissions scolaires à agir avec la plus grande prudence dans ces matières. Je pense que cette lettre devrait constituer une bonne réponse à l'avertissement que vous nous donniez tantôt. Nous, nous avertissons les commissions scolaires et les commissions scolaires nous avertissent. C'est toujours comme ça que nous travaillons. C'est une question sur laquelle une clarification importante a été donnée.

Sur l'accessibilité, je pense bien qu'il faut rappeler en toute honnêteté que, dans l'article 4, l'objectif de la gratuité des services éducatifs pour ies adultes est affirmé par le gouvernement. C'est bien ce qu'on dit: "Une personne visée à l'article 2 a droit à cette gratuité dans la mesure où le permettent les ressources de la commission scolaire où elle est inscrite." Nous mettons cette clause justement pour éviter que des adultes ne soient peut-être privés de service par une commission scolaire qui dirait: Si on avait eu une certaine possibilité au moins de faire une participation minimale, il aurait été plus facile de faire des choses. Ce n'est pas du tout dans le but de diminuer, mais plutôt de nous donner un petit peu de temps pour financer le gros déficit dont nous avons hérité de l'ancien gouvernement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que vous voulez conclure, M. le ministre?

M. Ryan: Très bien. J'ajoute qu'il y a une autre disposition dans le projet de loi et elle se trouve à l'article 433. Elle donne au gouvernement le pouvoir d'intervenir par voie réglementaire dans les cas où la contribution exigée des adultes pourrait être considérée excessive. Il y a un règlement qui permettra de fixer un maximum de ce côté-là. Par conséquent, on a le souci de favoriser l'accès de l'adulte à la formation. Nous allons jusqu'au point où nous pensons honnêtement pouvoir aller dans le contexte actuel. L'objectif est celui que vous avez défini et que nous partageons d'ailleurs avec la députée de Chicoutimi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. le ministre. Merci, Mme la porte-parole de l'Opposition. M. le président, nous vous remercions beaucoup de l'apport que vous avez fourni aux travaux de cette commission. La commission permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'après la période des affaires courantes alors que nous accueillerons l'Association provinciale des directeurs des services de l'éducation permanente, secteur anglophone.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise 15 h 31)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Veuillez prendre place! Par le fait même, j'inviterais les membres de la commission de l'éducation à prendre place également.

Association provinciale des directeurs des

services de l'éducation permanente,

secteur anglophone

Nous allons commencer notre deuxième séance quotidienne en accordant la prochaine heure à l'Association provinciale des directeurs des services de l'éducation permanente du secteur anglophone. Cette organisation est représentée ici par son porte-parole, M. Douglas Grant. M. Grant, do you speak French or English?

M. Grant (Douglas): Je parle français, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous parlez français. Donc, vous n'avez pas d'objection à ce que je m'adresse à vous en français?

M. Grant: C'est parfait.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Grant, la commission de l'éducation a prévu consacrer une heure à l'audition de votre association. Nous vous suggérons de prendre 15 à 20 minutes pour présenter votre mémoire, lequel a d'ailleurs été lu par les membres de cette commission parlementaire. Par la suite, nous pourrions diviser les 40 ou 45 dernières minutes en parts égales entre les deux formations politiques dont les représentants auront l'occasion d'échanger avec vous et de recevoir l'éclairage que vous voudrez bien leur donner concernant le projet de loi 107.

Pour les besoins du Journal des débats, M. Grant, je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à commencer immédiatement la lecture de votre mémoire.

M. Grant: Merci beaucoup, M. le Président. En premier lieu, je vais vous présenter mes collègues. À ma droite, M. Pierre Tardif, qui est coordonnateur de l'éducation des adultes à la Commission scolaire régionale de Western Quebec. À mon extrême gauche, Mme Michelle Pennefather, qui est directrice de l'éducation des adultes à la Commission scolaire régionale Eastern Quebec; elle est aussi présidente de notre association. À ma gauche, M. Wayne Golthorpe, qui est directeur de l'éducation des adultes à la Commission scolaire protestante de Châteauguay Valley.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame, messieurs, soyez les bienvenus! Nous vous

écoutons, M. le président.

M. Grant: Premièrement, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités à présenter notre mémoire. Nous avons entendu ce matin la présentation de la TREAQ. Nous appuyons le mémoire de la TREAQ, car nos préoccupations sont semblables. La grande différence réside néanmoins dans la langue des services que nous donnons à la population adulte du Québec.

PROCEDE, l'Association provinciale des directeurs des services de l'éducation permanente, secteur anglophone, organisme qui regroupe des représentants des commissions scolaires offrant des services éducatifs aux adultes de la population anglophone du Québec, est heureuse de soumettre un mémoire sur le projet de loi 107. Par le passé, l'association a fait part de ses réactions aux projets de loi 40 et 3 et voudrait profiter de l'occasion pour commenter le projet de loi 107.

En premier lieu, nous sommes enchantés de constater que le législateur a inclus l'éducation des adultes dans le projet de loi qui remplace l'actuelle Loi sur l'instruction publique. Ce projet de loi donne une reconnaissance officielle aux services éducatifs que la population adulte du Québec reçoit depuis plus de 20 ans. Le projet de loi donne finalement à l'élève adulte un statut juridique. Cependant, nous aimerions formuler des commentaires et des recommandations sur les articles du projet de loi relatif à l'éducation des adultes.

Article 2. Bien que l'article essaie de donner une définition de l'élève adulte, un examen plus serré et une comparaison avec l'article 1 qui définit l'élève, révèlent plusieurs divergences en termes de droit à l'éducation. Premièrement, il nous semble que la phrase "...a cessé de fréquenter l'écoie depuis six mois ou plus..." devrait être éliminée. Tel que l'article se lit présentement, il n'y a aucune raison administrative ou pédagoqique de garder un jeune hors de l'école pendant au moins six mois avant de lui permettre d'y retourner. Par exemple, tel que l'article se lit maintenant, si un étudiant âgé de 16 ans laisse le secteur régulier en juin, il ne pourrait devenir un élève adulte qu'en janvier suivant. Par conséquent, nous recommandons l'élimination de la période d'attente de six mois.

Deuxièmement, il semble, à la lecture du texte, que les droits à l'éducation de l'élève adulte soient limités. Alors que l'élève, tel que défini à l'article 1, a droit à l'éducation jusqu'à la fin du secondaire V, l'adulte, lui, a seulement droit à des services éducatifs dans le cadre des programmes offerts par la commission scolaire à cette catégorie de personnes. Nous croyons que les droits de l'élève adulte doivent être accrus afin de lui permettre de poursuivre ses études jusqu'à la fin du secondaire, selon le régime pédagogique applicable aux adultes.

Article 20. Cet article ne mentionne aucunement les enseignants payés à un taux horaire.

Puisque la majorité des enseignants des services de l'éducation des adultes sont payés à l'heure, nous recommandons que les mots "taux horaire" ou "rémunéré à l'heure" soient insérés dans cet article et que ces enseignants soient exemptés de l'obligation de détenir un brevet d'enseignement.

Article 35. Bien que le centre d'éducation des adultes n'ait eu dans plusieurs cas d'autres usagers que les élèves de l'éducation des adultes, il y a plusieurs exemples à travers la province où l'éducation des adultes utilise des espaces à l'intérieur d'une école occupée par des élèves tels que définis dans l'article 1. Dans les cas d'utilisation commune d'un établissement, le rôle de l'école, tel que défini dans l'article 35, doit être élargi pour permettre la coexistence d'un centre d'éducation des adultes là où l'espace est disponible et convient aux besoins des élèves adultes. Le deuxième paragraphe de l'article 35 donne un autre rôle à l'école, celui de collaborer au développement social et culturel de la communauté. Ce paragraphe est sujet à beaucoup d'interprétation. Par exemple, il paraît suggérer que les écoles devraient être à la disposition des groupes communautaires. De plus, le rôle de l'éducation communautaire semblerait être important dans ce contexte. De toute évidence, la signification et l'intention de ce paragraphe doivent être clarifiées.

Chapitre III. Le projet comporte de nombreuses références à l'existence des centres d'éducation des adultes: les articles 157, 218, 220, 232, 243 et 252. Cependant, il n'y a aucun article qui définit le centre d'éducation des adultes. De même, la fonction de directeur d'un centre d'éducation des adultes est mentionnée dans le projet, mais non décrite.

Nous croyons que le projet de loi doit inclure des articles qui définissent clairement l'éducation des adultes et son organisation. Par conséquent, nous recommandons qu'une nouvelle section sur l'éducation des adultes soit ajoutée au chapitre III, laquelle devrait inclure les articles suivants: définition d'un établissement reconnu comme un centre d'éducation des adultes, incluant son but, sa mission et son projet éducatif, définition des tâches de directeur d'un centre d'éducation des adultes et définition des tâches et des responsabilités de l'enseignant à l'éducation des adultes.

Article 79. Cet article fait référence au fonctionnement du conseil d'orientation. Au point 2, quelle est la signification des mots "autres usagers de l'école"? Si ces mots font référence aux adultes, nous sommes fortement d'avis qu'un représentant, nommé par les services de l'éducation aux adultes, fasse partie de ce conseil. Dans les cas d'utilisation commune de l'école, la participation d'un représentant de l'éducation des adultes contribuera grandement à la mission du conseil d'orientation.

Article 197. L'article 197 énonce que les commissions scolaires peuvent signer des contrats avec les gouvernements fédéral et provincial.

Puisque le gouvernement fait de plus en plus pression sur les commissions scolaires pour qu'elles s'impliquent avec l'industrie dans des projets conjoints, par exemple, Formation sur mesure en établissement, nous croyons que l'article 197 doit être élargi pour permettre aux commissions scolaires de signer des contrats avec l'industrie.

Article 413. Actuellement, il n'existe pas de régime pédagogique pour l'élève adulte. Nous recommandons fortement qu'un tel régime soit établi et nous proposons que les mots "peut établir" soient remplacés par "établira" dans l'article qui se lira alors comme suit: Le gouvernement établira, par règlement, etc.

En conclusion, nous accueillons avec enthousiasme la proposition du ministre d'une réforme éducative telle que décrite dans le projet de loi 107, principalement la reconnaissance par le ministère de l'existence de l'éducation des adultes. Ceci nous paraît un pas éclairé vers un examen plus approfondi du système qui dispense des services éducatifs aux adultes de cette province. Cependant, notre optimisme, face à ces propositions, est tempéré par nos expériences antérieures avec d'autres propositions et commissions. Les événements récents ont rendu l'organisation des services éducatifs aux adultes extrêmement difficile. Chaque année, le MEQ a annoncé des compressions budgétaires et des règlements rigoureux pour contrôler l'accès aux services d'éducation aux adultes. En réponse au MEQ, les commissions scolaires ont dû ajouter et implanter de nouveaux systèmes de contrôle administratif. Plusieurs de ces règlements étaient imprécis et en contradiction avec des instructions émises précédemment par la Direction générale de l'éducation des adultes. Malgré cela, la demande vis-à-vis de nos services ne cesse de grandir. Où, ailleurs que dans nos écoles et nos centres, les adultes auront-ils l'occasion d'exercer leur droit à l'éducation? Comment, sinon par l'entremise de nos services, l'adulte pourra-t-il acquérir des habiletés aussi élémentaires que complexes?

La question fondamentale pourrait se résumer ainsi: Comment l'adulte peut-il exercer son droit à l'éducation alors que l'on ne donne pas aux commissions scolaires les ressources financières ou pédagogiques nécessaires au maintien des services éducatifs aux adultes? Nous croyons que le ministère ne respecte pas son engagement de permettre l'accès à l'éducation permanente à tous les Québécois. Nous espérons que le ministre a l'intention d'élaborer les principes contenus dans le projet de loi 107 en énonçant des propositions concrètes et en s'engageant fermement à maintenir l'existence à long terme des services d'éducation des adultes dans la province. À moins que ces changements ne soient apportés très bientôt, l'éducation des adultes ne restera qu'un souvenir des réformes éducatives amorcées dans les années soixante. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. Grant. Je reconnais maintenant le premier intervenant du côté ministériel, Mme la députée de Jacques-Cartier. (15 h 45)

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Alors, j'aimerais remercier le directeur de l'éducation permanente du secteur anglophone de son excellent mémoire. Je constate que votre mémoire va pas mal dans le même sens que celui que nous avons reçu ce matin des directeurs du secteur francophone. Comme nous l'avons indiqué ce matin, nous accueillons votre mémoire et vos suggestions précises et très pertinentes comme une contribution très positive à nos délibérations.

J'aimerais vous poser une couple de questions sur des points que vous avez soulevés et qui sont un peu différents des points soulevés dans le mémoire de ce matin. Votre première suggestion concerne le droit de fréquenter le secteur des adultes et l'obligation actuelle d'attendre six mois ou plus. J'aimerais vous demander d'élaborer un peu, d'expliquer votre point de vue, surtout parce qu'il semble que la justification de cette obligation découle du fait qu'on ne veut pas encourager nos jeunes à décrocher pour être admissible au secteur des adultes. Voudriez-vous élaborer un peu là-dessus pour nous expliquer pourquoi vous avez fait cette suggestion?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un de vos collaborateurs peut aussi répondre. Je veux aussi vous informer que vous êtes bien libre de répondre soit en anglais ou en français. Feel free to answer in English or in French.

M. Grant: Je vais laisser mon collègue, M. Golthorpe, répondre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.

M. Golthorpe (Wayne): Je comprends tellement bien votre question. On a discuté de cela souvent, à savoir si cette période de six mois pouvait être une manière d'encourager les jeunes à quitter l'école régulière. Par contre, nous sommes ici pour représenter le secteur des adultes. À ce moment, on doit considérer les jeunes qui ont plus de seize ans, qui sont encore étudiants à temps plein dans le secteur des jeunes et, selon les normes des règles budgétaires, ils peuvent être là jusqu'à l'âge de 21 ans ou plus, s'ils sont étudiants à temps plein. Par contre, ces vieux jeunes - ce matin on a parlé des jeunes adultes, maintenant je veux parler des vieux jeunes - sont souvent mieux traités dans le secteur des adultes par les décisions de l'école même. Il y a des écoles qui disent: Cet étudiant serait mieux situé dans votre secteur. Selon les règles courantes, un adulte peut être scolarisé avec les jeunes. Si quelqu'un est déjà inscrit comme jeune, il ne peut pas être scolarisé avec

les adultes. C'est-à-dire que si une décision, à des fins pédagogiques, est prise, à savoir qu'il serait mieux de scolariser ces vieux jeunes avec les adultes, on est mal pris avec cette règle selon laquelle les personnes doivent être en dehors du système depuis au moins six mois. On a aussi peur parce que, lorsqu'on se trouve avec quelqu'un qui a déjà 18 ans, il est admissible au bien-être social et, six mois après, il est admissible aux programmes de rattrapage scolaire. Maintenant, si on a cette période de six mois, il n'y a cependant aucune concordance entre les règles de l'éducation des adultes et les autres programmes gouvernementaux. On peut être mal pris dans notre secteur, lorsqu'on a, par exemple, une commande du bien-être social, par le biais de la CTQ, d'accepter un étudiant admissible au rattrapage scolaire. Même si on a ce bon de commande en main, on ne peut pas être financé pour la personne en question à cause de ce règlement-la. C'est une des raisons pour laquelle on a pensé: Oui, cela peut encourager des jeunes à partir. Par contre c'est une manière d'encourager des jeunes à partir. Par contre, c'est aussi une façon de limiter l'accès et d'encourager le jeune, qui a un besoin distinct, à traîner dans la rue sans éducation, sans emploi, sans bien-être social et sans tous les autres avantages qu'il peut avoir. Pour le bénéfice de la société et de l'individu lui-même, c'est peut-être mieux qu'il soit accueilli dans nos écoles, le lendemain qu'il est prêt à y retourner, dans un but éducatif afin d'être une personne véritable pour la société dans le futur.

Mme Dougherty: Merci. Est-ce que vous pouvez nous donner une idée du nombre d'enfants, en pourcentage, qui sont pris dans cette situation, c'est-à-dire dans l'obligation d'attendre six mois? Est-ce que c'est quelque chose qui arrive souvent? Est-ce qu'il s'agit d'accommoder, au besoin, quelques cas spéciaux? D'après votre expérience, est-ce qu'il y a beaucoup de jeunes qui sont découragés par cette obligation d'attendre six mois?

M. Golthorpe: En réalité, on a eu plusieurs personnes disant que cette situation existait, mais jusqu'à aujourd'hui, entre nous, on n'a pas retrouvé cette situation, excepté dans des programmes résultant de l'accord Canada-Québec. On est dans une situation maintenant où quelqu'un ne peut pas être financé ou scolarisé dans les deux secteurs, à l'intérieur de la même année financière du MEQ. Le 23 juin, c'est dans une année; le 1er juillet, c'est une semaine après, mais dans l'année d'après. On peut l'entrer dans le système immédiatement. C'est une des raisons pour laquelle je réagis à cette situation. Pour nous, c'est quelque chose de nouveau.

Mme Dougherty: Si je vous comprends bien, ce qu'il faut, c'est une meilleure concordance des règles du jeu pour le bien de l'enfant, afin de voir à ses vrais besoins. C'est ce que vous proposez. Si c'est un assisté, c'est de laisser tomber les six mois. Si c'est autre chose, c'est d'examiner les règles du jeu pour qu'elles soient dans le meilleur intérêt de l'élève.

M. Golthorpe: Oui

Mme Dougherty: Effectivement, c'est cela que vous proposez.

M. Golthorpe: C'est cela. En plus, quand on parle des jeunes, ce sont souvent des jeunes à qui il manque un sujet, trois crédits, pour avoir leur secondaire V. Ils ne sont pas prêts et c'est prouvé qu'ils ne retournent pas au secteur des jeunes pour reprendre un semestre au complet. Par contre, selon les règles, si c'est inséré comme cela, si on ne peut pas prendre le bonhomme en question avant le 1er juin, il ne peut pas être admis au cégep ou à d'autres formes de formation avant septembre, un an et depuis plus tard. Par contre, si on peut l'accepter en septembre, il serait admis à sa première session de cégep en janvier.

Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier d'avoir soulevé ce point. Je crois que c'est très important et peut-être que cela va devenir de plus en plus important.

Deuxième question: À la fin de votre mémoire, après avoir fait plusieurs suggestions, vous dites que vous êtes heureux que le projet de loi soit au moins un pas en avant dans l'éducation des adultes, mais vous déplorez le fait que l'éducation des adultes va se détériorer si - j'interprète ici - on n'a pas de plus en plus de réponses aux besoins en ce sens.

Alors, est-ce que vous pourriez nous dire quels sont les besoins majeurs, les besoins criants même, que vous voyez et auxquels on n'a pas de réponse adéquate en ce qui concerne l'éducation des adultes, selon votre expérience?

M. Grant: Je pense premièrement à la gratuité de l'éducation des adultes. Nous sommes totalement d'accord avec la gratuité des adultes par rapport à l'obtention d'un DES, un diplôme d'études secondaires, mais on parie de budget ouvert, etc. Surtout pour les commissions scolaires anglophones, dont la majorité sont très petites et dont la majorité couvre de très grands territoires, le financement n'est pas adéquat, surtout dans l'administration par rapport aux règles budgétaires qui sont employées en ce moment.

Mme Dougherty: Oui, vous dites que le financement n'est pas adéquat, mais quelles sont les demandes que vous avez et auxquelles vous ne pouvez répondre?

M. Grant: Premièrement, la traduction des programmes; c'est un grand manque en ce

moment. Dans le secteur francophone, il y a de nouveaux programmes de formation professionnelle et de formation générale à l'éducation des adultes qui sortent et qui sont révisés chaque année, mais ils ne sont pas révisés en anglais. La traduction des programmes est très lente. À partir du moment où un programme est disponible en français, cela peut prendre un an ou deux ans avant que le programme ne soit disponible en anglais et même la révision de ces programmes, qui se fait au fur et à mesure en français, retarde encore pour le secteur anglophone. C'est un grand...

Mme Dougherty: C'est un manque de financement. Alors, dans l'optique de l'éducation des adultes, il y a des programmes qui n'existent pas parce qu'il n'y a pas de programmes en anglais, n'est-ce-pas?

M. Grant: C'est cela, oui.

Mme Dougherty: Ils n'existent pas en anglais.

M. Grant: Oui.

Mme Dougherty: Je pense surtout aux demandes et aux besoins qui viennent des adultes. Est-ce que vous avez des demandes de cours auxquelles vous ne pouvez répondre, faute de ressources, faute d'espace, faute de professeurs ou faute de je ne sais quoi? Où est la grande demande?

M. Golthorpe: Je ne veux pas revenir au financement. Par contre, on a des demandes à notre porte. Comme M. Grant l'a dit, à cause de la grande dispersion de nos régions, on a besoin d'une demande assez forte en termes de population, en termes de nombre de personnes pour former un groupe. Ensuite, cela revient encore au financement. C'est le problème de la dispersion des services.

Mme Dougherty: Alors, ce n'est pas parce que vous avez des centaines de personnes à votre porte qui ne peuvent pas être servies, c'est parce que vous avez une clientèle très dispersée.

M. Golthorpe: C'est sur 111e de Montréal, le problème n'est pas...

Mme Dougherty: Alors, il faut un meilleur financement pour répondre à ces demandes? Est-ce que c'est cela? (16 heures)

M. Grant: Oui, surtout en dehors de l'île de Montréal où la population anglophone est très dispersée. Je parle de la région de l'Estrie et de la Gaspésie. En dehors de l'île de Montréal, c'est très difficile, des fois, de former une classe de 18 personnes, en je ne sais pas quoi, mais c'est la norme, en formation générale, pour former des groupes. Quand il y a seulement douze personnes, on est financés seulement pour 12 sur 18, mais les coûts sont les mêmes, il faut payer le professeur, l'enseignant, au taux horaire de 32,72 $, mais c'est difficile d'arriver avec des groupes homogènes, des groupes de 18, surtout dans les endroits dispersés en dehors de l'île de Montréal.

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'autres questions de la part du parti ministériel? S'il n'y a pas d'autre intervention du côté ministériel, je vais reconnaître la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Grant...

M. Grant: Bonjour.

Mme Blackburn: ...messieurs, madame. Cela me fait plaisir de vous accueillir. Je voudrais d'abord vous dire que j'apprécie que vous ayez bien voulu nous présenter une version française de votre mémoire. De plus, je dois dire que, malheureusement, dans nos commissions parlementaires, quand des groupes d'anglophones viennent se faire entendre, on n'a souvent qu'une version anglaise. Malheureusement, les gens ne se donnent plus la peine de faire de version française de leur mémoire, chose que je trouve déplorable. Alors, je voudrais vous remercier et vous dire que je l'apprécie...

Une voix:...

Mme Blackburn: Oui, cette semaine. Oui, et c'est fréquent dans toutes les commissions parlementaires.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît! Mme la députée de Chicoutimi, vous avez la parole.

Mme Blackburn: Je voulais vous dire que je l'apprécie et que j'apprécie également... J'ai bien aimé votre mémoire parce que je pense qu'il met le doigt sur des questions qui n'avaient pas vraiment été abordées dans les autres mémoires jusqu'à présent. Je le trouve intéressant à plusieurs égards et je suis assez sensible, je dois dire, à l'argument que vous nous servez selon lequel vos clientèles étant dispersées, cela demande un financement particulier. Je maintiens que, dans ces situations-là, dans de plus en plus de situations au Québec, il est difficile d'avoir une norme mur à mur. Il faut absolument commencer à présenter nos politiques de façon suffisamment souple pour que cela puisse tenir compte de ces situations particulières.

Dans votre mémoire, vous avez abordé, et je poursuivrais dans le prolongement de la question qui a été posée par la députée de

Jacques-Cartier, vous dites: La demi-année d'attente peut pénaliser... Je pense qu'effectivement, si on pouvait faire autrement, cela pourrait être intéressant, d'autant plus que !a demi-année d'attente est plus pénalisante dans la mesure où les jeunes ont tendance à décrocher. Il y en a qui ont déjà quitté l'école depuis l'âge de quatorze ans et demi, quinze ans. Cela fait que, chaque fois qu'on ajoute à cette période d'attente, je pense que cela pose des problèmes. Je pense que votre approche là-dessus est intéressante. Mais cela pose aussi tout le problème de la gratuité. Si on a accès plus jeune à l'éducation des adultes, mais à ses frais ou moyennant certains frais, je ne suis pas sûre qu'on vient d'accroître l'accessibilité. Là-dessus, j'ai cru comprendre de votre mémoire, mais j'aimerais que vous me le confirmiez, que vous étiez plutôt de ceux qui préconisent la gratuité, à l'éducation des adultes, de tous les services éducatifs.

M. Grant: Pardon, je n'ai pas bien compris votre question.

Mme Blackburn: Est-ce que vous préconisez la gratuité, l'accès gratuit, à l'éducation des adultes, à tous les services éducatifs?

M. Grant: Oui, on accepte le principe de la gratuité de l'éducation des adultes pour ceux qui n'ont pas de diplôme d'études secondaires.

Mme Blackburn: Donc, c'est l'équivalent, à peu près, de ce qu'on retrouvait dans la loi 3.

M. Grant: Ah!

Mme Blackburn: Vous vous rappelez la loi 3 où l'on disait...

M. Grant: De mémoire, oui.

Mme Blackburn: ...que la gratuité était assurée pour les étudiants adultes qui s'inscrivaient dans le cadre de cours menant à un diplôme.

M. Grant: C'est cela, oui.

Mme Blackburn: Vous avez soulevé quelque chose d'intéressant aussi et qui n'avait pas retenu mon attention: la distinction qu'on semble faire entre "services d'enseignement" et services éducatifs, aux articles 1 et 2. À l'article 1, il est dit pour les jeunes: Toute personne âgée de 5 ans et plus a droit aux services de formation et d'éveil a l'éducation préscolaire et aux services d'enseignement prévus par la présente loi et le régime pédagogique..." "Elle a aussi droit, dans le cadre des programmes offerts par la commission scolaire, aux autres services éducatifs..." On poursuit et là, il est question des adultes. On dit: "dans le cadre des programmes offerts par la commission scolaire à cette catégorie de personnes, aux services éducatifs prévus par la présente loi". Je ne sais pas quelle interprétation on doit donner aux services éducatifs, à l'article 2. Je pense que vous avez... Il y a quelque chose qui n'est pas très clair. Je ne sais pas si on doit comprendre les services éducatifs comme étant les services d'enseignement, les services complémentaires et les services particuliers, l'ensemble des services.

M. Grant: Nous aussi, on a trouvé cet article un peu difficile à comprendre.

Mme Blackburn: Ambigu, oui.

M. Grant: Oui. Pour nous, quand on parle des services éducatifs...

Mme Blackburn: C'est l'article 2.

M. Grant: ...ce sont tous les services complémentaires, les services d'accueil et les services de bibliothèque, les services d'enseignement. Cela comprenait tout.

Mme Blackburn: Les services pédagogiques, et ainsi de suite. Je n'ai pas vu dans votre mémoire que vous vous interrogiez sur le fait que, dans la loi, on ne retrouve plus la définition de services complémentaires et de services particuliers tels qu'on les retrouvait dans la loi 3. Est-ce que cela n'a pas retenu votre attention ou si...

M. Grant: Non. Je me rappelle très bien la loi 3...

Mme Blackburn: Oui.

M. Grant: ...par rapport aux services complémentaires, etc. Non, on n'a pas pris...

Mme Blackburn: Cela ne vous préoccupe pas de savoir que la commission scolaire n'est plus tenue d'offrir ces services. Elle peut les offrir, mais elle n'est pas tenue de le faire dans la mesure où ils ne sont pas définis. Ceux qu'elle est tenue d'offrir sont définis: aux personnes handicapées, aux personnes souffrant de troubles de comportement ou d'apprentissage. Mais les autres n'étant pas définis, les commissions scolaires ne sont pas tenues de les offrir.

M. Grant: Pour nous, cela tombait dans les services éducatifs par rapport à des services complémentaires. Cela en faisait partie.

Mme Blackburn: L'article 199 du projet de loi - j'imagine que le ministre l'a également vu - se lit comme suit: "Une commission scolaire peut, conformément aux règles budgétaires établies par le ministre, exiger une contribution financière pour un élève qui fréquente l'une de

ses écoles, mais qui n'est pas un résident du Québec, ou pour une personne visée à l'article 2." On vient de conférer à l'adulte québécois le même statut qu'à une personne qui n'est pas résidente du Québec. Cela m'a frappée. C'est particulier. On dit que, si on ne réside pas au Québec, on doit payer et, si on est adulte, on doit payer. Si on ne réside pas au Québec, qu'on soit obligé de payer, c'est assez logique, je dois le dire, mais qu'on retrouve cela dans le même article, c'est assez surprenant, d'autant plus que cela vient du ministre. Mais cela ne devrait pas nous étonner autrement quand on sait que le ministre a permis aux collèges de lever des frais de scolarité pour les cours d'été dans les cégeps, chose qui ne s'était jamais faite.

Dans votre mémoire, vous recommandez aussi un régime pédagogique pour les adultes. J'ai trouvé l'idée intéressante. En me référant au régime pédagogique du secondaire, qu'est-ce qu'on retrouverait dans un régime pédagogique pour les adultes?

M. Grant: Entre un régime pédagogique pour adultes et un régime pédagogique pour jeunes au régulier, il y a certainement une grande différence à notre point de vue. Il faut tenir compte des approches différentes, de l'âge de la clientèle. On parle du contenu des programmes. Pour arriver à un DES, on est conscients que les objectifs des programmes doivent être les mêmes, mais l'approche aux adultes est différente. Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui veulent...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur, vous vouliez compléter?

M. Golthorpe: C'est difficile de traiter de gros mots comme "régime pédagogique", car je pense que votre question porte sur le contenu des programmes. Par contre, si on prend le régime pédagogique tel qu'il est connu aujourd'hui, il y a beaucoup d'autres choses dans le régime pédagogique que le contenu des cours. Il y a toutes sortes d'affaires à propos d'évaluation, de présence à l'école, de services aux inadaptés, de services de toutes sortes, d'autres choses qui sont complémentaires et qui sont alignées vers un jeune. Quand on utilise les mots "régime pédagogique", on doit parler d'un peu plus que du contenu de cours. Je pensé que la terminologie de régime pédagogique est souvent mal utilisée parce que le régime pédagogique, c'est tellement plus qu'un contenu de cours, si on regarde le régime pédagogique du secteur des jeunes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'autres questions de la part de l'Opposition?

Mme Blackburn: Je suis d'accord avec vous parce que j'ai en main une copie du régime pédagogique. On vous donne le contenu: le bulletin scolaire, la définition de la commission scolaire, des cours, de l'école, de l'éducation scolaire, de l'élève en difficulté, de l'enseignement, de l'évaluation et bon... Je me demandais juste... Comme votre clientèle adulte est tellement... Ce n'est pas le ministre qui me dit cela?

M. Ryan: Je suis en train de lire le régime pédagogique. C'est un peu fort.

Mme Blackburn: Comme la situation des adultes est tellement différente, pas seulement différente de celle des jeunes, mais qu'il y a tellement de disparité dans les besoins des adultes, comment peut-on avoir un régime pédagogique pour les adultes? C'était le sens de ma question. Du moment qu'on parle d'un régime, c'est plus facilement applicable au moment où vous avez une clientèle jeune, du même âge, qui suit un certain nombre de cours, avec un certain nombre de programmes. Mais des clientèles adultes, c'est...

M. Golthorpe: II y a des objectifs qui devraient être communs dans les sujets qui amènent le diplôme vers la continuité à un autre palier de l'éducation, c'est-à-dire le cégep. Par contre, si on commence à prendre la situation du régime pédagogique des jeunes où des jeunes accumulent des crédits à partir du secondaire i jusqu'au secondaire V, il y a des objectifs pour un adulte qui sont d'avoir son diplôme dans une période de temps réaliste. On doit être conscients que, même si quelqu'un part de l'école, son apprentissage continue d'une manière ou d'une autre. Il y a tout l'aspect d'une accréditation d'expérience ou des acquis d'expérience qui devraient être inclus vers un but terminal. Ensuite, les objectifs intermédiaires peuvent être différents pour un adulte et pour un jeune. C'est déjà le cas pour les prérequis en formation professionnelle où les sujets sur l'éducation morale sont exemptés. Ensuite, on a déjà un écart entre les deux styles de régime. Je pense que c'est réaliste que ce prérequis ne soit pas un obstacle pour les adultes.

Mme Blackburn: D'accord. Je comprends l'intérêt, c'est simplement que je me demandais comment cela était réalisable. C'était simplement cela, pas parce qu'il ne faut pas fixer un certain nombre de balises quant à l'évaluation, à l'accessibilité aux cours, à l'enseignement, aux enseignants, mais simplement, étant donné que votre clientèle adulte a des besoins tellement différents d'un groupe à l'autre, je me demandais... Quoique ce soit moins vrai si on prend l'éducation des adultes telle qu'on la connaît dans les commissions scolaires parce qu'évidemment la conception que j'avais était plus la formation professionnelle. Je trouve que l'idée est intéressante. Je me demandais juste comment on pouvait travailler à l'intérieur d'un cadre, d'un régime pédagogique pour les adultes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'autres interventions?

Mme Blackburn: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Blackburn: Un instant! Sur la qualification, à l'article 20, vous dites: "Cet article ne mentionne aucunement les enseignants payés à un taux horaire. Puisque la majorité des enseignants des services de l'éducation des adultes sont payés à l'heure, nous recommandons que les mots "taux horaire" ou "rémunéré à l'heure" soient insérés..." Mais pourquoi faudrait-il que ce soit inséré dans la loi? Je n'ai pas très bien compris, je dois dire.

M. Golthorpe: Parce qu'à l'éducation des adultes, on doit travailler avec les conventions collectives qui sont traitées de la même façon au secteur des jeunes ou des adultes. Dans notre mission en éducation des adultes, plusieurs des services qu'on rend, même si ce n'est pas pour le MEQ, le MMSR ou les autres ministères, c'est une formation à point. C'est une formation spécifique à un besoin qui est en place aujourd'hui et qui devrait être fini la semaine prochaine.

Mme Blackburn: D'accord.

M. Golthorpe: C'est tellement difficile de trouver un prof certifié - j'utilise le mot "certifié" - pour donner cette formation. Les profs dans ce style sont payés à l'heure, ils ne sont pas payée à contrat, et ils sont tellement qualifiés. Si on doit prendre le temps d'aller certifier, le train est déjà passé. On doit être conscients que, pour les besoins en éducation des adultes, on ne fait pas notre planification deux ou trois ans d'avance. On reçoit les appels d'un jour à l'autre pour dispenser une formation, souvent sur mesure, le plus vite possible, avec les personnes les mieux qualifiées pour ce style de formation. Et plus de 50 personnes, notre... Notre formation n'est pas une formation générale.

Mme Blackburn: Vous trouvez que l'article n'est pas suffisamment clair quand il dit: "Est dispensé de cette obligation l'enseignant à la leçon, le suppléant..."

M. Golthorpe: C'est un terme syndical. Mme Blackburn: D'accord.

M. Golthorpe: C'est une terminologie syndicale.

Mme Blackburn: Ne serait-il pas plus souhaitable, à ce moment, d'avoir une définition de l'enseignant à l'éducation des adultes?

M. Golthorpe: Cela se peut. Mais le problème avec la façon dont c'est écrit maintenant, en utilisant la terminologie "enseignant à la leçon", c'est quelqu'un qui est à contrat, à la leçon. Ce n'est pas quelqu'un qui est engagé ou payé à l'heure. C'est une petite chose, mais c'est la première chose sur laquelle le syndicat va sauter.

M. Grant: Tous les termes employés dans cet article se réfèrent directement aux enseignants du système de l'enseignement des jeunes.

Mme Blackburn: Régulier, oui. Donc, il faudrait...

M. Grant: Cela peut être un ajout du taux horaire ou d'une autre clause, d'un autre article par rapport aux enseignants de l'éducation des adultes.

Mme Blackburn: Bien.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Grant. Les deux formations ont écoulé à peu près le même temps. Par contre, comme il n'y a pas de question du côté ministériel, si vous voulez dépasser, sentez-vous bien à l'aise.

Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président. Je vais être brève. Je dois dire que je partage les préoccupations que vous nous ramenez dans la conclusion de votre mémoire, au moment où vous rappelez les événements récents. Vous faites référence aux compressions budgétaires, aux coupures qui ont rendu l'organisation des services éducatifs aux adultes extrêmement difficile. Vous rappelez que, chaque année, le ministère a annoncé des compressions budgétaires et des règlements rigoureux pour contrôler l'accès aux services de l'éducation des adultes. Comme vous, je trouve que c'est déplorable, pour ne pas dire inacceptable. Les économies réalisées vont au fonds consolidé. Le ministre se trouvait peut-être drôle, ce matin, en disant que cela réduirait le gros déficit qu'on leur avait laissé. Quand cela se fait aux dépens des plus démunis, je ne suis pas sûre que ce soit la bonne place pour aller chercher des sous.

Vous savez, je relisais le texte de l'allocution d'ouverture du ministre de cette commission parlementaire et le texte, contrairement à ce qu'on aurait pu s'attendre du ministre, est extrêmement silencieux. Il est totalement silencieux sur tout ce qui touche la qualité, l'accès aux services d'éducation. C'est un texte qui ne parle que de structure et il ne fait pas de rapport entre la structure et l'amélioration de la qualité des services offerts ou l'accessibilité, etc. Et cela est étonnant de la part du ministre de l'Éducation. On ne l'avait pas connu comme cela. On l'avait connu, pas tant en homme préoccupé exclusivement de structure, mais aussi de contenu. Évidemment, le grand absent là-dedans,

parce que c'est absent seulement dans le texte, mais également dans la loi, c'est cet accès gratuit des adultes à l'enseignement, à tout le moins pour terminer leur secondaire. Ce sont les contraintes qui sont posées également par rapport à la nécessité dans laquelle ils se retrouveraient de s'inscrire dans le territoire de leur commission scolaire. C'est le fait qu'on ne leur garantit en rien qu'ils auront accès aux autres services complémentaires. Là, ils ne sont pas décrits, mais il y a un article de la loi qui indique qu'ils n'ont pas accès, au même titre que les élèves de l'enseignement régulier, aux services complémentaires.

J'espère que votre voix sera suffisamment forte, avec celles des autres intervenants à l'éducation des adultes, à cette commission pour amener le ministre à reconsidérer cette décision et à modifier son projet de loi pour y réintroduire l'article qui se retrouvait dans la loi 3 concernant au moins l'accès gratuit à l'éducation des adultes, aux services de l'éducation des adultes pour tous ceux qui s'inscrivent dans un cours menant à un diplôme.

Je vous invite à continuer à nous faire part de vos recommandations là-dessus, de votre intérêt. Je vous remercie de votre intérêt. Je vous remercie aussi d'être venus enrichir la réflexion des membres de cette commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée. Pour le mot de la fin, M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Messieurs, je vous remercie de l'intérêt que vous avez manifesté pour les travaux de la commission. Ainsi que la députée de Jacques-Cartier vous l'a dit tantôt, la plupart des recommandations que vous formulez vont dans le sens des préoccupations du gouvernement. Elles convergent avec celles que nous avons entendues ce matin de la part de la TREAQ et seront, par conséquent, examinées avec beaucoup d'intérêt. Nous allons voir s'il serait possible de regrouper, comme vous le suggérez, dans une section distincte les articles qui traitent de l'éducation des adultes. C'est sûr qu'une section au chapitre qui traite de l'école pourrait permettre, en tout cas, d'identifier, de reconnaître, de retrouver ces articles-là de manière plus facile dans la loi. Nous allons examiner cette possibilité.

En ce qui touche la période d'attente de six mois, j'ai écouté les explications que vous avez fournies. La préoccupation du gouvernement c'est, évidemment, de ne pas créer de conditions qui vont attirer des jeunes prématurément vers les études adultes parce que nous pensons à la continuation de leur cheminement académique. Si une personne s'en va trop jeune dans la vie de travail, même si elle s'inscrit à des cours le soir, il n'y a peut-être pas autant de possibilité ou de chance qu'elle reste engagée dans un processus éducatif à temps complet. On a toujours cru, cela a été la politique de tous les gouvernements depuis de nombreuses années, à une période d'intervalle qui a déjà été de deux ans, qui a été ramenée à un an dans la plupart des cas, puis là on la ramène à six mois, mais vous avez soulevé une difficulté. C'est peut-être un point où il faudrait un petit peu de souplesse au niveau de la commission scolaire ou de l'école pour favoriser des cas. Il y en a qui n'aiment pas qu'on mette trop de souplesse. Ils veulent que la même règle s'applique partout de manière uniforme. On entend cela souvent de la part de l'Opposition. Chaque fois que nous tenons compte des situations particulières, nous nous faisons accuser de ne pas avoir de normes générales. Puis, quand nous avons des normes uniquement générales, on nous accuse de manquer de souplesse. Alors, on tiendra compte de ces remarques que vous faites sur le problème de la période d'attente. Je n'ai pas de position fixe. Je trouvais qu'avec six mois nous faisions quand même un progrès très important, mais il reste un certain intervalle que nous regarderons de près.

Alors, nous apprécions beaucoup le travail que vous faites dans l'éducation des adultes. Je suis très heureux de la collaboration qui existe entre vous et la TREAC également, je vous en félicite.

I wish to assure you of the great interest of the Government in adult education. It's become an essential aspect of education "tout court", and please count that even if we cannot go beyond a certain point, in terms of financial commitments, for instance, we intend to continue enlarging access to adult education to all the extent that is financially feasible. And please count that we will study your recommendations with great interest. Thank you very much.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, merci beaucoup, M. le ministre, merci beaucoup, M. Grant, et les gens qui vous accompagnent. La commission parlementaire de l'éducation va suspendre ses travaux pour quelques instants, pour donner la chance à nos nouveaux invités de prendre place, à savoir l'Institut canadien d'éducation des adultes.

(Suspension de la séance à 16 h 26)

(Reprise à 16 h 29)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite les membres de la commission permanente de l'éducation à prendre place pour venir accueillir avec moi nos invités. Nos invités sont l'Institut canadien d'éducation des adultes représenté par sa présidente générale, Mme Esther Desilets, accompagnée par le président des comités sur les politiques en éducation des adultes de l'ICEA, M. Michel Blondin.

M. Blondin, nous vous souhaitons la bienve-

nue ainsi que Mme Desilets.

Au nom des membres de cette commission, je veux aussi vous remercier d'avoir répondu à notre invitation et de venir nous donner un éclairage nouveau en nous faisant part de vos préoccupations et de vos observations face au projet de loi 107 qui a trait à l'éducation.

La commission parlementaire a décidé de vous entendre et de vous octroyer une heure d'échanges entre vous et les membres de la commission. Je vais vous répéter ce que je répète à peu près à tous les autres groupes qui viennent ici. Nous vous suggérons peut-être de prendre un tiers de la période pour nous présenter votre mémoire et les deux autres tiers seront consacrés à des échanges entre les membres de la commission et la personne qui vous accompagne, Mme la présidente.

Dans un premier temps, je vais reconnaître le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

Ah! Je m'excuse.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Desilets (Esther): Je serais passée vite.

Le Président (M. Parent, Sauvé): On m'a dit que j'avais le souci de l'efficacité et de la rapidité...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent, Sauvé): ...mais je ne savais pas que j'étais rendu à ce point-là.

Je m'excuse, Mme Desilets. Nous vous écoutons si vous voulez nous présenter votre mémoire, encore une fois, avec toutes mes excuses.

Mme Desilets: Je n'avais pas l'impression d'avoir été aussi claire. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Institut canadien d'éducation des adultes

Mme Desilets: Vous avez reçu le mémoire de l'ICEA qui a été retravaillé, mais c'est exactement le même fond qui est là. Disons qu'on a ajouté quelques éléments qui vous permettront sûrement de mieux comprendre notre position. Donc, on n'a pas changé le fond, bien entendu, mais on l'a peut-être amélioré, comme on dit, en ce qui concerne la compréhension. C'est celui-là qui va faire foi de notre présentation ici.

Donc, on veut aller assez rapidement pour permettre l'échange. Ce qui est peut-être important de vous dire en partant, c'est que c'est avec intérêt que l'Institut canadien d'éducation des adultes a étudié le projet de loi 107 comme on l'a fait jusqu'à maintenant pour les autres projets de loi. On a essayé de l'évaluer, de l'analyser en fonction des intérêts que pourraient y trouver les adultes. On est arrivé, à peu près aux mêmes conclusions que lorsqu'on a analyse le projet de loi 3, mais avec des modifications, bien entendu. On revient sur les mêmes thèmes qui nous paraissent importants et qui peuvent servir effectivement de débat et de réflexion pour améliorer ce projet de loi.

Donc, il est important pour nous de parler du droit des adultes à l'éducation, y compris la gratuité, de parler des responsabilités en matière d'éducation des adultes - a ce moment-là, on fait part surtout de la spécificité de l'éducation des adultes et des services - de parler des mécanismes de participation des étudiants et des étudiantes adultes, et, enfin, de faire un bref relevé des services aux collectivités. Donc, ce sont les quatre séquences qu'on a analysées dans la loi.

Si on passe immédiatement à la question du droit des adultes, il nous est apparu que dans les articles 1 et 2 ce droit à l'éducation pour les adultes est inscrit. Dans un premier temps, il n'y a pas de limite d'âge quand on parle du droit aux services éducatifs. C'est 5 ans et plus. Dans un deuxième temps, dans l'article 2, on fait directement référence au droit des adultes aux services éducatifs prévus par la présente loi et le régime pédagogique applicable aux adultes, mais dans le cadre des programmes offerts par la commission scolaire. Donc, on était heureux qu'enfin un projet de loi reconnaisse, au point de départ, l'éducation des adultes. Mais en continuant notre lecture de la loi et en essayant de l'approfondir un peu plus, il nous restait beaucoup d'interrogations. On se demandait si ces services éducatifs aux adultes étaient obligatoirement donnés par les commissions scolaires. Donc, on a l'impression d'avoir inscrit en début de loi un droit, mais, au fur et mesure qu'on avance dans le projet de loi, qu'il n'y a pas nécessairement d'obligations à respecter ce droit. Que va devenir le droit réel des adultes à l'éducation s'il n'est pas suivi d'une obligation à donner des services d'éducation des adultes? De toute façon, on va y revenir plus loin dans le mémoire.

Pour nous, il est très important qu'on reconnaisse l'éducation des adultes et qu'on voie la part de plus en plus importante que prend l'éducation des adultes dans notre système d'éducation. On s'est rendu compte qu'en même temps que la participation des jeunes diminue... On est passé, en 1973-1974, de 700 000 jeunes inscrits au primaire à 500 000 en 1985-1986. Au secondaire, il y en avait aussi 700 000 d'inscrits à la même époque, contre 400 000. Pendant que la participation des jeunes diminue, celle des adultes augmente. On se rend compte que, quand on ouvre la porte aux adultes, les adultes se présentent et que cela répond à un besoin. Un des problèmes majeurs, celui de l'alphabétisation qu'on identifie de plus en plus, est un des aspects qui font que les adultes ont besoin de plus en plus d'avoir accès à l'éducation.

C'est vraiment - et ce n'est pas strictement

au Québec, c'est partout - l'éducation des adultes qui va devenir le point central de notre système d'éducation.

Quand on parle d'accessibilité et du droit, on arrive à parler de gratuité. Dans la question de la gratuité, ce qu'on retrouve dans le projet de loi, entre autres à l'article 4, c'est que tout résident du Québec a droit à la gratuité des services éducatifs offerts en application de la présente loi. On se demande toujours de quels services éducatifs il est question et si ces services sont soumis à une gratuité. Ce qu'on retrouvait dans cela c'est que, encore une fois, un peu comme je vous disais tantôt, dans l'article on semblait vouloir avancer la question de la gratuité. Quand on relit plus loin, on voit, par exemple, à l'article 199 que les commissions scolaires peuvent exiger des frais de scolarité. Où on a perdu, à mon avis, dans ce projet de loi 107, c'est que dans le projet de loi 3 c'était assez circonscrit à savoir qui devait payer des frais de scolarité, et même là on trouvait cela inacceptable. Dans le projet de loi actuel, ce sont tous les adultes qui sont concernés là-dedans et on trouve qu'on est en perte de vitesse quand on le regarde comme cela.

Et quand on parie de gratuité, le fait que la gratuité ne soit pas réglementée plus que cela pose des problèmes réels pour les adultes. Cela pose des problèmes au niveau, entre autres, d'une discrimination, d'une disparité régionale. On se rend compte, par exemple, que d'une commission scolaire à une autre, d'un service d'éducation des adultes à un autre, de la différence qu'il peut y avoir pour des étudiants adultes dans une région. On se rend compte aussi qu'il y a des clientèles qui sont nettement défavorisées par la question des coûts de scolarité et des coûts d'inscription. Même avec l'enveloppe ouverte, qui, à mon avis, est un acquis important, et j'espère qu'on ne le perdra pas, et qui nous a permis effectivement, dans les services d'éducation des adultes, de réduire les coûts, il reste encore des clientèles qui sont mal servies et des aberrations.

Je vous donne un exemple là-dessus, pour que vous compreniez bien ce qu'on veut dire. La clientèle temps plein c'est peut-être celle qui a un accès immédiat à l'éducation des adultes et qui a eu, effectivement, un coût réduit dans son inscription. Mais, si on regarde la clientèle à temps partiel, dans une commission scolaire on peut payer 11 $ les quinze heures, pour s'inscrire. Dans certaines commissions scolaires on va même payer jusqu'à 50 $ par mois, c'est-à-dire 500 $ par année. Quand on sait que le temps partiel est une des formes de cours en éducation des adultes qui est la plus demandée par les adultes, c'est extrêmement cher, à notre avis, surtout pour les adultes qui sont au niveau secondaire. Ce sont souvent les adultes qui ont un revenu moyen ou un faible revenu, et ces adultes ne sont pas protégés comme ceux qui sont sur le service social ou en chômage. Au niveau du temps partiel, c'est nettement regret- table.

Pour ce qui est des analphabètes, là aussi on a pensé que pour eux c'était gratuit dans les commissions scolaires. Mais, dans certaines commissions scolaires, il y a des analphabètes qui paient 11 $ les quinze heures. Par contre, il y en a aussi qui vont payer 15 $ par session, d'autres, 30 $, mais il me semble que, pour des analphabètes, on devrait avoir l'entière gratuité. Nous pensions que c'était chose acquise, et ce ne sont pas des chiffres qui datent de 1983, ce sont des chiffres d'hier et de ce matin. C'est très à jour. Donc, c'est important qu'on considère la question de la gratuité, qu'on la réglemente et qu'on fasse en sorte que pour les adultes ce soit gratuit.

J'en viens à parler de l'autre aspect, les responsabilités en matière d'éducation des adultes, c'est-à-dire la question de la spécificité de l'éducation des adultes. Dans le projet de loi, entre autres à l'article 194, il n'y a aucune obligation de la part des commissions scolaires de donner des services d'éducation des adultes. On dit que, les commissions scolaires peuvent le faire et que si elles le font, à ce moment-là elles nomment un responsable des services d'éducation donnés aux adultes. Donc, aucune obligation, ce qui à notre avis atténue les premiers articles qui donnaient aux adultes le droit à l'éducation. On a fait dernièrement un colloque sur la formation professionnelle et on a réalisé, les adultes qui étaient présents, les travailleurs en éducation des adultes, les représentants des différents milieux d'intervention des adultes, qu'il était nécessaire qu'il y ait des services spécifiques aux adultes et que ces services se retrouvent dans une structure responsable de l'application et de l'opérationalisation" de tels services. C'était là un consensus atteint à l'intérieur du colloque. Notre crainte - et on aimerait pouvoir en débattre plus que cela - tout le phénomène de l'harmonisation présentement. C'est un développement qui se fait à l'intérieur du gouvernement actuel, sans aucun débat avec les principaux intéressés. On pense qu'on aurait peut-être pu formuler au moins quelques interrogations ou quelques grandes inquiétudes concernant l'harmonisation. Comment va-t-elle se faire tout en respectant les besoins et les intérêts des adultes? Quand on parle de spécificité, c'est à cela aussi qu'on veut toucher.

J'arrive donc au mode de représentation des adultes. Là, on fait surtout référence au conseil d'orientation, qui était avant le conseil d'école, et au conseil régional. Ce qu'on voit surtout dans le projet de loi, c'est une possibilité de représentation, au conseil d'orientation, d'abord des parents, des professeurs et des étudiants. Il n'y a pas de place pour les étudiants adultes. Il n'y a pas de garantie qu'un étudiant adulte pourrait avoir une place là. Qui plus est, on trouve qu'il devrait y avoir dans les écoles un conseil d'orientation spécifique aux adultes: C'est une autre constatation qu'on a faite au

colloque. On a réalisé qu'entre les besoins des adultes et les services offerts aux adultes il y avait un écart considérable. Cet écart venait surtout du manque de connaissance des besoins des adultes. Un préalable à la connaissance de ces besoins, c'est d'avoir une structure de participation. S'il y a une structure de participation spécifique aux adultes, ceux-ci pourront effectivement aider à la gestion des programmes et faire en sorte que les services qui sont donnés répondent à leurs besoins. Voilà pour la question de la participation.

J'arrive à un dernier élément: les services à la collectivité. Là également on a trouvé qu'il y avait eu un recul par rapport au projet de loi 3. On se rappelle que le projet de loi 3 obligeait les commissions scolaires à donner des services de garde à la demande du conseil d'école. Présentement, on dit que les commissions scolaires peuvent donner un service de garde sur demande. À chaque fois que dans un projet de loi on passe du "doit" au "peut", on trouve cela dangereux car l'obligation risque d'être supprimée aussi. Donc, on a perdu en ce qui concerne les services de garde. Pour nous, ce n'était pas un luxe, étant donné qu'il y a beaucoup de femmes inscrites à ces niveaux de scolarité à l'éducation des adultes. L'autre aspect est que l'ancien projet de loi favorisait l'accès aux édifices et aux structures scolaires. On en facilitait l'accès aux groupes communautaires. On ne retrouve plus cette volonté dans le projet de loi actuel. Nous pensons qu'il est important que les écoles soient ouvertes aux groupes communautaires et aux groupes populaires pour que, effectivement, on puisse utiliser au maximum les services auxquels on a droit.

Enfin, cela nous amène à dire aussi qu'un article de loi devrait prévoir le développement de l'éducation populaire et de l'animation communautaire dans les commissions scolaires. Ces pratiques pédagogiques sont des acquis importants à l'éducation des adultes et devraient être prévues dans la loi. De cela, il n'en est pas fait mention non plus. Dans l'article 227, on dit que la commission scolaire participe, dans les domaines reliés à sa mission éducative, à la réalisation de projets de développement social et culturel de la communauté, mais on ne spécifie pas des pratiques pédagogiques telles que l'éducation populaire et l'animation communautaire. (16 h 45)

Nous en arrivons donc à vous faire huit recommandations dont l'une est, bien entendu: Que soit reconnu explicitement dans l'article de la loi le droit des adultes à l'éducation. La deuxième: Que soit inscrit l'accès gratuit à tous les services éducatifs, y compris les services complémentaires développés en fonction des besoins des adultes. Puis, surtout: Que ces services éducatifs et complémentaires soient décrits dans la loi pour ne pas laisser aux seules commissions scolaires le choix de décider. Dans cette loi, on n'a pas de description de ce que sont les services éducatifs et les services complémentaires. C'est difficile, à ce moment-là, de comprendre réellement ce qu'on veut dire quand on en parle.

La troisième recommandation, c'est: Que les commissions scolaires aient l'obligation de dispenser des services éducatifs propres aux adultes. Cela nous amène à la quatrième recommandation qui dit: Que les commissions scolaires se dotent d'un service d'éducation des adultes.

La cinquième: Que la participation des étudiants et des étudiantes adultes au conseil d'école soit assurée. Donc, préciser les niveaux de participation. Sur cela, on est d'accord avec l'une des recommandations que pouvait nous faire l'association des étudiants adultes de niveau secondaire qui disait: Là où il y a des organisations étudiantes dans les commissions scolaires, qu'on les reconnaisse de fait", ces organisations-là; qu'on n'impose pas, par la commission scolaire, une organisation mais qu'on reconnaisse celle existant déjà.

La sixième, c'est: Que les commissions scolaires soient dans l'obligation d'offrir des services de garde à la demande du conseil d'école, et on fait référence à l'article 228. Sept: Que les commissions scolaires soient tenues de permettre aux organismes communautaires l'utilisation de leurs immeubles. Et que soient définies dans la loi - enfin, la huitième recommandation - l'éducation populaire et l'animation communautaire comme des composantes essentielles du régime pédagogique spécifique aux adultes.

En fait, voilà le mémoire qu'on vous a présenté. Ce sont les commentaires qu'on a à faire, nous, sur le projet de loi. Je pense que, Michel, tu pourrais ajouter, pour pouvoir compléter le tableau...

M. Blondin (Michel): Oui. Merci.

Si on regarde l'évolution de nos lois scolaires depuis une longue période, ce dont on s'aperçoit, c'est que l'éducation des adultes, presque jusqu'en 1980, a été quasiment dans une situation de non-existence légale. La Loi sur l'instruction publique ne prévoyait rien pour l'éducation des adultes. Elle n'empêchait pas que l'éducation des adultes existe. Cependant, les administrateurs scolaires nous disaient, à ce moment-là, jusqu'en 1980, que c'était quasiment un détournement de fonds. En 1979 ou 1980, on a fait un changement dans la Loi sur l'instruction publique pour permettre aux commissions scolaires d'utiliser les fonds publics aux fins de l'éducation des adultes. Cette loi-ci marque un pas en avant en établissant un droit. Cependant, elle n'établit pas les obligations qui découlent de ce droit-là: on indique souvent dans le texte de loi des "peut" au lieu des "devrait" ou "doit". Et la suggestion qu'on pourrait peut-être faire, c'est que, puisqu'il y a un début de législation, dans le projet de loi 107, sur l'éducation des adultes, on

devrait, à tout le moins, regrouper l'ensemble de ces éléments-là dans un chapitre spécial cohérent qui reprendrait les principaux éléments du mémoire autour du droit et de l'obligation des commissions scolaires à répondre à ce droit-là, autour de la gratuité, autour de la participation des gens intéressés et différents éléments comme cela, comme le régime pédagogique propre aux adultes, et des choses de ce genre-là, de façon à ce qu'enfin, pour une première fois dans un texte législatif québécois, on retrouve un corps organisé de pensée minimal qui dit, qui définit ce qu'est le droit qu'ont les adultes à l'éducation aux niveaux primaire et secondaire.

La commission Jean, la Commission d'étude sur la formation des adultes, créée en 1979, et qui a remis son rapport en 1982, mettait comme première recommandation qu'on légifère pour établir le droit des adultes et, plus tard, dans les différentes recommandations, on revenait sur la gratuité et même, à la toute fin du rapport, on proposait un cadre pour une loi-cadre d'éducation des adultes. On n'en est pas là. On en est à retrouver des morceaux épars dans une loi sur l'enseignement primaire et secondaire. On propose, à tout le moins, que cet ensemble-là, réorganisé et clarifié, soit regroupé et qu'on établisse plus clairement le droit des adultes et les obligations des institutions scolaires par rapport à ce droit-là.

Je reviendrai sur d'autres commentaires plus tard.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M.

Blondin. Je reconnais maintenant les membres de la formation ministérielle, en l'occurrence le ministre de l'Éducation, M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté avec intérêt les représentations de l'Institut canadien d'éducation des adultes. Je les ai écoutées avec d'autant plus d'intérêt que j'ai eu l'occasion, autrefois, de participer très activement au travail de l'institut et j'en ai suivi l'activité avec non moins d'intérêt une fois que j'eus été entraîné vers d'autres champs d'activités. Je pense que l'ICEA accomplit un rôle utile de carrefour, un point de rencontre, un centre d'étude et de réflexion, un lieu de convergence aussi pour les préoccupations de ceux qui s'intéressent à l'éducation des adultes. Le gouvernement le reconnaît d'ailleurs en attribuant chaque année à l'institut une subvention assez substantielle qui permet au moins de subvenir à une partie des besoins de l'institut. Cette année, on a pu l'augmenter légèrement pour la première fois depuis quelques années et j'en suis très heureux. Je pense que vous pouvez compter, pour une couple d'années, qu'il va y avoir eu cette augmentation et j'espère que le gouvernement continuera de compter sur l'Institut canadien d'éducation des adultes pour soutenir et orienter le travail d'éducation des adultes dans la société québécoise.

Dans le mémoire de l'ICEA, il y a beaucoup de choses qui demandent des commentaires. Je vais en proposer quelques-uns sur les principaux thèmes touchés par le mémoire. Tout d'abord, au sujet de l'accessibilité et de la gratuité, je pense qu'on doit s'entendre sur une chose, et l'ICEA l'a reconnu dans son mémoire, je n'ai pas de griefs là-dessus. Avec le projet de loi 107, nous faisons un progrès parce que nous inscrivons dans la loi le droit de l'adulte à certaines formes d'éducation de niveaux primaire et secondaire. Cela, c'est établi. Maintenant, nous disons qu'il a droit à l'éducation dans la mesure des programmes offerts par la commission scolaire ou encore dans la mesure où les ressources de la commission scolaire le permettent. C'est par prudence. C'est parce qu'on a constaté que, dans bien des cas, des droits qui avaient été affirmés dans des lois sans qu'on eût mesuré soigneusement les implications financières, sans qu'on eût pris cette précaution ont souvent entraîné des dépassements budgétaires qui entraînaient des déséquilibres dans les finances de l'État. La règle aujourd'hui nous impose une extrême prudence en ces matières. C'est pour cela que nous y allons avec toute la circonspection possible. Mais, s'il est vrai que nous ne garantissons pas la gratuité pour toute forme d'étude devant conduire à l'obtention d'un diplôme d'études secondaires et qu'en un sens il eût été souhaitable que nous puissions avoir une telle disposition dans le projet de loi, j'ajoute qu'en pratique, de fait, c'est ce qui se fait. Vous avez cité certains cas tantôt. On va les regarder et, s'il y a des situations où cela peut paraître abusif, dans le projet de loi il y aura les moyens pour les corriger, comme vous le savez, parce qu'il y a un article qui permet que le ministre intervienne par voie de règlement pour établir un seuil maximal de la contribution requise d'un adulte à des fins de cours.

En pratique, encore une fois, le gouvernement continue d'aller très loin et la preuve en est, je pense que nous la connaissons tous, dans l'existence de l'enveloppe ouverte de l'éducation des adultes. On a eu l'occasion récemment d'adopter les règles budgétaires pour l'éducation des adultes et les instructions annuelles sur l'éducation des adultes, et celui ou celle qui se donnera la peine de consulter ces deux documents verra que le principe de l'enveloppe ouverte est maintenu. Il y avait certaines poches de graisse qui avaient pu s'introduire dans l'appareil, parce que cela s'est développé très vite. Après l'enveloppe ouverte instaurée en 1985-1986, cela s'est développé très vite et une partie des sommes qui étaient attribuées aux commissions scolaires n'étaient peut-être pas l'objet de toutes les vérifications rigoureuses qui s'imposaient. On exige aujourd'hui des vérifications plus rigoureuses quant aux clientèles. Je vous donne un exemple concret. Si un adulte s'inscrit à des cours au mois de septembre et qu'il ne soit plus là au mois d'octobre, suivant la

politique qui existait nous payions la commission scolaire pour le cours complet alors qu'en fait la personne n'avait été là que pendant deux ou trois semaines. Alors, il y a une vérification plus sévère qui se fait désormais et encore plus exigeante qui se fera l'an prochain, de manière à éviter que des choses comme cela se fassent. Le financement des frais d'encadrement avait donné lieu à certains gonflements ici ou là. Nous le ramenons à une certaine dimension qui nous apparaît réaliste. Cela n'enlève absolument rien pour l'accès de l'adulte à des cours de formation. S'il y a des inscriptions plus nombreuses cette année, disons en 1988-1989, à compter de septembre, cela sera financé intégralement grâce au principe de l'enveloppe ouverte qui demeure. Nous allons essayer de réaliser certaines économies dans les frais administratifs, les frais d'encadrement, dans les coûts calculés à l'aide de contrôles plus rigoureux. L'adulte lui-même qui a des besoins et qui veut y répondre en suivant des cours ne sera privé d'aucune manière. Je tiens à le dire pour que ce soit très net qu'on va continuer dans ce sens. C'est seulement une question de prudence qui nous fait éviter d'aller plus loin, il n'est pas du tout question d'objectif. Nous partageons l'objectif entièrement et j'espère que nous pourrons faire de nouveaux progrès chaque année. Dans la mesure où les finances du gouvernement québécois le permettront, je pense que cela devrait être plus facile.

En second lieu vous parlez de l'obligation des commissions scolaires en matière d'éducation des adultes. Il y a peut-être des malentendus qui risquent de se glisser entre nous là-dessus. M. Blondin disait tantôt qu'il y aurait peut-être avantage à regrouper les sections traitant de l'éducation des adultes. À certains points de vue, oui. À d'autres points de vue, c'est difficile, parce que la logique du projet de loi n'est pas tout à fait dans ce sens-là. On va l'examiner. Il y a une chose sûre, c'est que quand on procède au regroupement on s'aperçoit que c'est peut-être plus serré que vous ne semblez l'avoir compris par votre lecture du projet de loi. Je vais vous donner quelques illustrations.

Tout d'abord, au début, on affirme le droit de l'adulte à l'éducation des adultes. Cela va très bien. Ensuite il faut passer à la section qui traite des commissions scolaires, à l'article 191 où il est dit: "La commission scolaire s'assure que les personnes relevant de sa compétence reçoivent les services éducatifs auxquels elles ont droit en vertu de la présente loi." La, il y a une obligation qui est faite à la commission scolaire en matière de services éducatifs, non seulement pour les jeunes, mais aussi pour les adultes. Plus loin, on dit que le ministre aura l'autorité voulue pour désigner les commissions scolaires qui offriront l'éducation des adultes sur un certain territoire embrassant celui de plusieurs commissions scolaires. Encore là, le ministre aura l'autorité voulue pour faire cette désignation. C'est là qu'on arrive à 194, ensuite, l'article qui vous a retenus, que la commission qui aura été désignée va avoir le pouvoir d'organiser ces services. Ce n'est pas facultatif comme cela peut le sembler. Il faut prendre tous ces articles ensemble comme un tout. Le sens que nous avons voulu y mettre c'est un sens habilitant ici, mais qui doit être lu en connexion avec les autres articles dont j'ai parlé.

C'est pour les obligations de la commission scolaire. Par conséquent, il y en a, contrairement à l'impression que peut laisser la première lecture. C'est délibéré de notre part. Si ce n'est pas tout à fait assez clair, on va l'examiner de nouveau, mais je ne voudrais pas que vous pensiez qu'on laisse les commissions scolaires complètement libres de ce côté-là. Une obligation générale leur est faite à l'article 191. Un corollaire de ce que je viens de dire se trouve à l'article 192. La commission scolaire qui n'est pas chargée de l'éducation des adultes doit référer les personnes qui en ont besoin à la commission scolaire qui assume la responsabilité de ces services. Une commission scolaire qui a été désignée par le ministre n'est pas libre d'accepter ou de refuser des personnes des territoires des commissions scolaires, elle doit les accepter. Ce sont des obligations qui sont inscrites dans le texte de loi à l'article 192. Il y en peut-être d'autres. Je pense que ces explications permettent de compléter le tableau. Cela vous donne une meilleure idée de ce que sont les intentions véritables du gouvernement et on pourra compléter au besoin. (17 heures)

Je passe à un autre point, la représentation des adultes. En ce qui touche le conseil d'orientation, vous avez un point. Je pense que l'économie du projet de loi c'est la suivante. L'école ordinaire c'est pour la clientèle jeune. Pour la clientèle adulte on a pensé au centre d'éducation des adultes. Cela s'oriente de plus en plus comme cela. Mais, s'il y a des écoles où il y a des élèves adultes, il faudra avoir une représentation des adultes au conseil d'orientation, cela nous vous le concédons. Et nous allons voir à ce que le texte de loi soit retouché en conséquence. C'est une chose qui peut très bien être conçue.

Vous avez noté à juste titre, je pense, que dans une autre partie du projet de loi nous prévoyons que la commmission scolaire devra instituer des organismes en vue de favoriser la participation des adultes à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la programmation des activités éducatives. Il y aura peut-être lieu que ce soit plus précis, on ne voulait pas mettre trop trop de comités. Déjà on se fait reprocher par certains représentants des commissions scolaires d'en imposer trop. Mais l'obligation, ici, de consultation systématique est inscrite dans le projet de loi, et si la formulation n'est pas satisfaisante, ce qui me semblait être le sens de votre intervention sur ce point, nous allons la réexaminer, et si vous avez des suggestions à

nous faire pour préciser davantage ce deuxième alinéa de l'article 194, nous vous en serons reconnnaissants.

Un autre point, oui, si vous voulez me permettre de terminer, parce que je ne veux pas créer de problème de procédure ici. Moi j'aime bien être interrompu en temps normal. Il y a un autre point. Là, vous déplorez que nous ne parlons pas de l'obligation pour la commission scolaire de mettre ses écoles à la disposition de la communauté. Ici encore, je pense que si... Et je ne vous fais pas de reproches parce que nous autres mêmes qui avons participé à la rédaction de chaque article, il y a des fois où nous avons un peu de mal à nous retrouver. Quand on passe à d'autres secteurs après avoir traité de l'éducation des adultes, on est porté à oublier certains numéros.

Il y a un article dans le projet de loi qui dit ceci: 236. "La commission scolaire a pour fonction: 4° de favoriser l'utilisation de ses immeubles par les organismes communautaires de son territoire". Alors, nous l'avons inscrit là-dedans; un peu plus loin, je pense qu'on prévoit que la commission scolaire établira par voie de règlements les critères qui doivent présider à l'utilisation de ses écoles par des organismes extérieurs. Il y a une responsabilité qui est donnée en cette matière aux directeurs d'école. Dans le projet 3, on donnait cela au conseil d'orientation. On trouve finalement que la personne qui va recevoir la visite de l'organisme qui veut se servir de l'école, ce sera plutôt le directeur ou la directrice. Cela sera plus simple que cela fonctionne comme cela, ce qui n'empêchera pas le conseil d'orientation de lui donner des indications qu'il jugera utiles. Alors, c'est un autre point que je voulais signaler également. Je pense que dans le projet de loi on y pourvoit assez bien.

Je termine en disant que votre proposition voulant que nous examinions la possibilité d'un regroupement des articles traitant de l'éducation des adultes sera étudiée, et je ne garantis pas qu'on pourra y donner suite parce qu'il y a quand même une certaine logique, mais on va faire tout ce qui est raisonnablement possible pour le faire.

Je ne sais pas, il y aurait une question à vous poser qui est un petit peu extrinsèque à ceci. C'est que vous avez tenu un colloque récemment sur la formation professionnelle des adultes. Je ne sais pas si de ce colloque-là il est sorti certains éléments qui seraient de nature à être éclairants pour nous, dans le travail que nous devons faire sur ce projet de loi, en ce qui touche en particulier ia formation professionnelle des adultes. Cela m'intéresserait beaucoup d'avoir des indications à ce sujet.

S'il y a des commentaires que nos invités veulent faire à propos de ce que j'ai dit, je suis très ouvert aussi à les entendre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors,

Mme Desilets ou M. Blondin, si vous voulez réagir à l'intervention du ministre.

Mme Desiiets: Je pense qu'il y a effectivement des éléments qui nous permettent de mieux comprendre le projet de loi dans ce que vous avez apporté. Je veux être certaine de bien comprendre. Pour les adultes, peu importe où ils sont au Québec, cela veut dire qu'avec le nouveau projet de loi, s'ils n'ont pas les services, s'ils n'ont pas accès aux services éducatifs dans leur région, ils pourraient se servir du projet de loi pour dire à leur commission scolaire: Vous ne respectez pas la loi. C'est pour être sûre que je comprends bien.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que vous...

Mme Desilets: C'est parce que, si on dit oui à cela, moi je n'ai plus de problème, je suis très heureuse. Mais c'est d'être sûre que je comprends bien ce qu'on a voulu dire tantôt.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, M. le ministre?

M. Ryan: La carte des services d'éducation des adultes comprend 82 services régionaux. Elle est aménagée de manière que tout le territoire du Québec est couvert. Par conséquent, l'éducation des adultes est accessible dans toutes les parties du territoire québécois à travers ces services régionaux qui sont désignés par le ministre de l'Éducation, mais de manière très générale, à la suite d'une concertation intervenue entre les commissions scolaires elles-mêmes, qui nous ont fait une recommandation que nous acceptons dans toute la mesure où elle nous apparaît raisonnable. Par conséquent, il y a le dispositif, c'est bien plus important qu'un texte de loi abstrait, il y a actuellement le dispositif permettant de répondre oui à la question que vous posez.

Mme Desilets: La seule question que je me pose est la garantie que ce dispositif puisse rester et puisse être maintenu. Mais je pense que vous répondez. Ce que je voulais soulever aussi dans les commentaires que vous avez apportés - là-dessus, je pense que tu vas intervenir plus sur la question de la gratuité - c'est quand vous faites mention du colloque de la formation professionnelle. Effectivement, dans ma présentation tantôt, j'ai soulevé des aspects qui viennent du colloque et on touche particulièrement à la question de l'obligation d'avoir une structure spécifique pour les services de l'éducation des adultes. C'est un des éléments, M. le ministre, qui a ressorti le plus à l'intérieur du colloque, que les services d'éducation des adultes...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme

Desilets, le ministre aimerait que vous repreniez un peu.

Mme Desilets: Oui, d'accord. C'est cela. Je faisais référence à la question que vous nous posiez à propos du colloque. Il y a un aspect qui est revenu souvent dans le colloque, pour la majorité des intervenants qui étaient là, c'est l'importance d'avoir des services spécifiques aux adultes et que ces services soient regroupés dans une structure permettant d'encadrer et de développer les services. Cela s'est fait beaucoup en réaction, présentement - il faut voir jusqu'à quel point on comprend bien le phénomène - en réaction à toute la question de l'harmonisation. Tantôt, je faisais référence au fait qu'il n'y avait pas eu de débat et de consultation concernant l'harmonisation, ce qui fait que les gens réagissent à partir de ce qu'ils voient et à partir de ce qu'ils vivent. Ce que je peux vous dire et ce qui est ressorti du colloque, c'est qu'il y a une grande inquiétude au sujet de l'harmonisation qui est en train de se faire qui est plus traduite chez nous, dans notre discours, comme étant l'intégration des services d'éducation des adultes au régulier. Les gens craignent de perdre les acquis que nous avons eus dans les services d'éducation des adultes, que ce soit des acquis dans le domaine pédagogique, au chapitre des programmes ou pour ce qui est des services complémentaires. On a peur que, à un moment donné, avec le temps, tout soit dilué en fonction du régulier et que cela ne corresponde plus aux besoins et aux intérêts des adultes. C'est un élément qui est sorti avec beaucoup d'ampleur et beaucoup d'inquiétude. Je pense que c'est, en gros, ce que je pourrais résumer. Mais je pense que Michel voudrait compléter.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que vous voulez enchaîner, monsieur?

M. Blondin: Avec plaisir. J'aimerais revenir sur le premier commentaire du ministre Ryan au sujet de l'accessibilité et présenter l'autre facette de la réalité qu'il présentait, qui est celle très concrète de gens qui ont besoin de terminer le secondaire III, IV ou V ou d'avoir accès à la formation professionnelle ou de s'alphabétiser. Il y a encore environ 400 000 analphabètes au Québec. Des gens, donc, qui sont généralement sur le marché du travail - c'est surtout pour ceux-là qu'il n'y a pas de gratuité - qui sont peu scolarisés, généralement plutôt gagne-petit et qui décident de se scolariser. Le premier problème auquel ils ont à faire face est de se trouver un endroit et du temps pour aller à l'école. Cela veut dire à ce moment-là rogner sur leur temps personnel, cela veut dire des frais de transport et, dans le cas de l'harmonisation de la carte, les frais de transport individuel vont augmenter parce que, souvent, il va y avoir un partage de travail entre les commissions scolaires. Cela veut dire moins de présence à la maison et cela veut dire des coûts supplémentaires directs autour des frais de scolarité. Ces gens-là sont des contribuables. Ils en ont payé longtemps pour l'éducation générale au Québec. Avec leurs taxes, ils ont fait instruire tous les gens instruits qu'on a au Québec et lorsque eux-mêmes veulent s'instruire, soit parce qu'ils veulent faire un saut sur le marché du travail ou se préparer à la formation professionnelle de niveau secondaire, ils doivent dépenser des sommes qui sont, dans certains cas, importantes. Je pense qu'on doit réglementer les frais de façon beaucoup plus sévère et on devrait établir comme principe, comme l'indiquait la commission Jean à la fin de ses travaux, qu'il y ait gratuité pour les adultes au minimum pour l'équivalent de treize ans de scolarité. La gratuité qu'on offre déjà aux jeunes. Ce ne serait pas un luxe. Quand on regarde ce qui se passe, on peut prévoir que l'augmentation des coûts pour l'État ne serait pas extraordinaire parce que les gens ne se lanceraient pas d'abord à cause de cela.

Ils se lanceraient d'abord parce qu'ils veulent s'instruire. Il y aurait des conditions qui rendraient cela un peu moins difficile que ce l'est maintenant. Déjà, faire l'effort de s'instruire tout en travaillant, tout en ayant des responsabilités familiales et sociales, c'est un effort énorme. Ce serait un signe de bonne volonté et d'encouragement de la part du gouvernement que de favoriser cette instruction, cette démarche en n'imposant pas de frais. Cela permettrait probablement aussi d'augmenter le niveau de scolarité - cela encouragerait, en tout cas - de la population québécoise.

Le niveau de scolarité est encore bas. Il y a pas loin d'un tiers des jeunes qui finissent leur secondaire sans avoir leur diplôme. Je ne me souviens pas du chiffre précis, mais c'est entre 25 % et 32 %. Cela s'améliore partiellement, mais il y a encore un chemin énorme à faire. Il y a environ 400 000 analphabètes. Il y a près de 1 000 000 de personnes qui n'ont pas l'équivalent de 9 années de scolarité. Ce sont ces gens qu'il faut encourager en les invitant à profiter des services scolaires pour se scolariser et se rendre capables de s'adapter au marché du travail qui est en évolution profonde actuellement. Les gens ont à apprendre de nouveaux métiers auxquels ils n'ont pas accès sans un minimum de scolarité formelle.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Blondin. Je reconnais maintenant le porte-parole officie! de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mme Desilets, M. Blondin, il me fait plaisir de vous accueillir ici. Vous nous avez rappelé, M. Blondin, de façon intéressante mais aussi touchante, ce que cela représente pour un adulte de retourner aux études. Ici, quand on parle, c'est un peu dans l'abstrait. Vous nous rappelez que

c'est vrai que l'adulte, en plus de consacrer une partie de ses loisirs, du moment où on complique la situation, qu'on ajoute à cela des frais de scolarité, des distances plus grandes à parcourir et qu'il n'y a pas de services de garde, on en décourage certainement plusieurs. On oublie cela un peu lorsqu'on parle de façon théorique, ici.

Le ministre nous dit vous savez, l'article 191, l'article 199 et l'article 2 viennent garantir et obliger les commissions scolaires à offrir des services. Il y a deux choses là-dedans. Premièrement, il n'y a rien qui oblige à offrir des services complémentaires. La rationalisation, sous prétexte d'efficacité des services de l'éducation des adultes, dans plusieurs cas, éloigne de façon considérable l'accès à ces services.

Il faut aller vo.r comment cela se passe dans les campagnes. Je suis allée visiter quelques petites commissions scolaires. Pour eux, c'est compliqué parce que les services de l'éducation des adultes sont donnés dans une autre commission scolaire. À l'occasion, ils peuvent prendre des classes dans leur municipalité, mais pas toujours, parce qu'il n'y a pas d'équipement, il manque de choses. Ils sont obligés de parcourir des distances considérables pour aller étudier. Donc, il y a toujours la question de l'accès à des services, il y a la gratuité d'accès à ces services et il y a l'accès géographique. Je pense que vous l'avez bien campé.

Vous vous rappelez les propos du ministre au moment où il était critique de l'Opposition. Je dirais que c'est facile de voir que tous les discours, tous les propos que le ministre a tenus au sujet de l'éducation des adultes, étaient émaillés de professions de foi touchant la nécessité d'offrir aux adultes à la fois gratuité, accessibilité, services particuliers et approche pédagogique particulière. J'en vois un ici, au moment où on adoptait en dernière lecture le projet de loi 3. Il disait et je le cite - c'est dans le Journal des débats de l'Assemblée nationale du 13 décembre 1984: "Nous réclamions un élargissement plus généreux des frontières de l'accessibilité à l'enseignement public, primaire et secondaire. Quant à parler de réforme de l'éducation, nous voulions qu'elle se fasse d'abord et surtout pour ceux et celles qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire pour les citoyens des régions plus éloignées... des milieux économiques moins nantis, pour les enfants handicapés... en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, pour les adultes qui éprouvent le besoin de compléter ou de refaire leur formation..." (17 h 15)

Je suis certaine que si le ministre comprend ce que cela peut vouloir dire quand lui n'est pas ministre, le fait qu'on n'ait pas inclus dans la loi la gratuité pour ceux qui veulent terminer leur secondaire V... Je serais prête à penser que, pour le moment, on peut se payer cela. Peut-être qu'on pourrait essayer de lui faire comprendre en disant: Si, à la place de l'actuel ministre, avec un tel règlement, on installait le président du

Conseil du trésor...

M. Ryan: Je comprends très bien. Mme Blackburn: II ne comprendrait pas. Une voix: ...une situation.

Mme Blackburn: Ce que je veux dire au ministre: II conçoit la loi comme s'il était ministre à vie, pas à vie, pour trois, quatre vies parce que la vie, il en a un bout de fait, il est comme moi. Il se veut rassurant: On ne bougera pas cela. On a seulement à penser à l'article, dans le régime pédagogique, qui autorise le ministre à déroger à l'âge d'admission. Il n'y a pas un citoyen au Québec, pas un ministre, quand il a permis cela, qui aurait pensé que le ministre ferait l'usage qu'il fait de ce pouvoir de dérogation. Personne n'aurait envisagé cela. Les dérogations étaient des cas d'exception. C'est devenu la règle.

Je veux seulement illustrer qu'un projet de loi, on ne fait pas cela en se faisant rassurant, en disant: Je suis là, il n'y a pas de danger. Un ministre passe, il n'y a que les fonctionnaires qui durent longtemps. C'est connu. Ce que je veux dire au ministre, il me semble qu'il devrait le comprendre. Il sourit, mais je suis certaine qu'il imagine tout de suite ce que cela donnerait s'il installait le président du Conseil du trésor à sa place. À envisager cela, je suis sûre qu'il ne laisserait pas ces dispositions dans la loi. Il serait inquiet et avec raison. Cela dépend des personnes et de leur souci de protéger certaines valeurs, certains principes.

Votre mémoire est complet en soi. J'ai peu de commentaires. Tout à l'heure, le ministre me disait que je m'écoutais parler parce que j'étais en train de revoir comment on pourrait appliquer à l'éducation des adultes la recommandation que nous faisait le groupe qui vous a précédés touchant l'élaboration d'un régime pédagogique pour les aduites. Je le retrouve ici également. Vous dites: Que soient définies dans la loi l'éducation populaire et l'animation communautaire comme des composantes essentielles du régime pédagogique spécifique aux adultes. Comment concevez-vous cela, un régime pédagogique spécifique aux adultes? J'y reviens aussi. Dans les OVEP, vous avez... Vous parlez aussi d'animation communautaire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M. Blondin? Mme Desilets.

M. Blondin: Cela nous ramène à un point de vue qu'on défend depuis longtemps, comme Institut canadien d'éducation des adultes et aussi la majorité des gens qui s'intéressent à l'éducation des adultes, et particulièrement lors du colloque d'il y a trois fins de semaine à Montréal qui regroupait 400 personnes. Le premier aspect, c'est ce qu'on appelle dans notre jargon,

que M. le ministre comprend sûrement, la spécificité de l'éducation des adultes. Cela veut dire que les adultes ont droit à une pédagogie qui leur soit propre, ont droit à un fonctionnement scolaire qui leur soit propre, à des programmes de soutien qui leur soient propres, à un système d'horaires, de financement, etc., qui leur soit propre, de façon que, dans tout cela, le service ou l'effort qui est fait par les adultes soit soutenu par le système scolaire et qu'ils puissent avoir rapidement accès à la formation et au diplôme qui doit couronner cette formation. C'est le principal des éléments, incluant évidemment dans cela ce qu'on appelle dans le régime pédagogique - je ne suis pas trop sûr, je ne suis pas à l'intérieur du système scolaire - toute la question de la gratuité. Je ne sais pas si cela entre dans le système pédagogique, mais il y a des efforts énormes. Je donne des exemples. I! est inaceptable, au Québec, en gros, dans les grands traits, sans mettre de nuance, que depuis dix à quinze ans la formation des adultes soit faite par des travailleurs enseignants à statut précaire, renouvelés d'une demi-année à l'autre demi-année, généralement sous-payés. Quelques-uns d'entre eux ont acquis à travers les années une expertise de la pédagogie des adultes. Mais ce n'est jamais, au départ, exigé comme tel. C'est la disponibilité des gens et la connaissance des contenus qui sont d'abord exigées.

Il y a un ensemble de problèmes comme ceux-là. Je prends l'exemple des horaires. Les horaires, en général, pour les étudiants à temps partiel, sont le soir. Il y a beaucoup de gens qui travaillent le soir. S'ils veulent le faire le jour à temps partiel, c'est compliqué. Ce n'est pas impossible, mais c'est compliqué. Le problème des manuels scolaires, les enfants ont droit à des manuels scolaires gratuits, les adultes n'y ont pas droit globalement. On pourrait mettre beaucoup d'éléments.

Mme Blackburn: Un peu avant la campagne électorale de l'automne 1985, le ministre avait commis une espèce de manifeste sur l'éducation de façon générale et se proposait d'élaborer, de mettre en place une politique d'éducation des adultes, si je ne m'abuse, contenant un certain nombre d'éléments majeurs parmi lesquels on retrouvait des propositions et recommandations de la commission Jean, laquelle commission Jean, d'ailleurs, il avait suivi avec beaucoup d'attention. Il est étonnant que, du moment où le ministre a déjà pensé que c'était nécessaire, on n'ait pas pensé à une section particulière, dans la loi, pour les étudiants adultes. Je pense qu'il faudrait très sérieusement réfléchir à la possibilité de mieux distinguer dans la loi.

Vous n'avez pas dans vos recommandations, et c'était un autre engagement du Parti libéral, l'aide financière aux étudiants à temps partiel. Évidemment, cela ne concernait pas seulement l'enseignement secondaire, mais également l'aide financière aux étudiants à l'enseignement professionnel de niveau secondaire. Je pense que vous n'avez pas abordé cette question. Est-ce que cela fait partie des positions que vous avez déjà tenues ou si cela n'a pas...

Mme Desilets: Je pense que toute la question financière concernant les étudiants adultes, on l'a prise plus sous l'angle de la gratuité, effectivement, ou de faire en sorte, entre autres, pour les étudiants à temps partiel, de faire prendre conscience des coûts actuels pour eux. Donc, on l'a prise plus sous l'angle de la gratuité. Mais dans ce que Michel Blondin apportait tantôt, aussi, c'est qu'il faudrait, effectivement, penser une aide parce que, même si c'était gratuit au niveau de l'inscription, il y a tous les coûts rattachés à ces étudiants qui doivent, à un moment donné, s'inscrire à des cours. Là, une aide financière serait sûrement facilitante pour eux parce que quand on parle de gratuité c'est directement rattaché aux cours. Dans cinq ou six commissions scolaires, on a regardé rapidement ce que cela pouvait coûter quand on s'inscrivait à l'éducation des adultes et j'ai été très surprise de voir que les gens payaient aussi cher, entre autres, pour le temps partiel, que 500 $ par année, pour s'inscrire. Même pour la formation professionnelle, cela pouvait coûter 10 $ les 15 heures pour s'inscrire à l'éducation des adultes et ça, c'est beaucoup trop. Ce sont des coûts directs, ce ne sont pas des coûts qui sont occasionnés par, mais ce sont des coûts directs, à l'inscription. Quand vous voulez suivre un cours, vous perfectionner, en plus de le faire au-delà de votre temps de travail, vous êtes obligés de payer pour le faire. L'enveloppe ouverte a permis beaucoup de choses et je suis très heureuse d'apprendre qu'elle n'est pas en voie de se fermer ou de se rétrécir, mais que c'est renouvelé. Mais il faudrait aller plus loin parce qu'il y a encore des clientèles qui sont nettement pénalisées présentement parce qu'on n'a pas de politique de gratuité.

Mme Blackburn: L'enveloppe ouverte...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Excusez, je pense que M. Blondin voulait compléter. Allez, monsieur.

M. Blondin: Je voudrais le prendre sous un autre angle mais qui, je pense, ramène ce débat sur la table. C'est l'angle suivant. L'expérience qu'on a de l'éducation des adultes au Québec, résumée en très grands traits, est la suivante jusqu'en 1980. De 1960 à 1980 et antérieurement dans l'histoire, à quelques grands moments vers 1900, 1930 aussi, l'éducation des adultes au Québec était dynamique, vigoureuse, forte et, à partir des années 1965-1970, c'est devenu un objet de démonstration pour les gens intéressés à travers le monde qui venaient au Québec pour

voir ce qui se passait en éducation des adultes. Cela a été vraiment une époque très florissante de l'éducation des adultes mais celle-ci n'était protégée dans aucun texte de loi.

En 1980, ou à peu près, les coupures ont commencé à ravager l'éducation des adultes, à saccager ce qui s'était bâti à travers les années, les acquis qu'on avait. Les gens de l'extérieur nous parlaient de l'époque antérieure et on devait leur dire que ce n'était plus tout à fait cela, que l'on était en train de vivre une période beaucoup plus difficile dans l'éducation des adultes. Cela a continué comme cela jusque dans les années récentes. La dernière décision gouvernementale, on l'interprète dans le même sens; l'harmonisation, on l'interprète dans le même sens. Et cela rétrécit continuellement la vie de l'éducation des adultes et, à mes yeux à moi, la raison principale de cela, c'est que les textes législatifs et légaux qui encadrent l'éducation des adultes sont trop limités, sont presque inexistants. Et je trouve qu'on a une belle occasion, avec le projet de loi 107, ou une loi subséquente si jamais on avait ce projet-là, d'inscrire l'éducation des adultes dans un texte de loi qui l'encadrerait et permettrait qu'on ait des appuis et permettrait aussi que, dans les relations avec le Conseil du trésor, il y ait des relations très claires, très tranchées, établies sur une décision qui serait prise à l'Assemblée nationale.

M. Ryan est un pionnier de l'éducation des adultes et on en entend parler depuis presque 30 ans, maintenant, comme un artisan de l'éducation des adultes. Je trouve qu'il a une occasion historique au bout des doigts de marquer un moment en inscrivant, dans un texte de loi, le premier cadre légal au Québec concernant l'éducation des adultes.

Une voix: Ha, ha!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. Blondin. Mme la députée...

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Mme Desilets nous livre des informations qui sont inquiétantes mais qu'on a pu, malheureusement, constater dans un autre secteur de l'éducation des adultes, soit dans les collèges: les frais de scolarité y coûtent aussi cher qu'à l'université, même si c'est en partie subventionné, et les disparités sont énormes. D'un collège à l'autre, cela peut varier du simple au quadruple, pour les mêmes cours, qui sont les cours du cahier de l'enseignement collégial. Et moi je demande au ministre s'il ne serait pas intéressant, pour ne pas dire urgent, qu'il mène là-dessus une petite enquête pour savoir exactement ce qu'il en est, pour voir, également, s'il n'y a pas de rapport avec le resserrement des contrôles, cette enveloppe ouverte qu'on a tellement contrôlée qu'on a réussi à économiser 23 000 000 $, si cela n'est pas un des effets de ces contrôles, c'est-à-dire l'accroissement des frais de scolarité, pour des cours qui, normalement, devraient être gratuits. Parce que, quand on parle d'alphabétisation, c'est vraiment anormal qu'on trouve des frais de scolarité. Je pense que tout le monde pourrait même considérer que c'est indécent, compte tenu de la contribution des adultes, lis y consacrent une partie de leur temps, et leur formation, l'acquisition de connaissances, cela enrichit toute la collectivité. Dans ce sens-là, cela doit être encouragé. Je pense que ce sont des principes que le ministre a défendus pendant tant d'années. Et je vous écoutais tantôt et je me disais: Sûrement qu'il doit se reconnaître dans tout ce qu'il a dit et tout ce que j'ai entendu de lui.

Je voudrais conclure là-dessus en espérant que la démonstration que vous avez faite cet après-midi saura influencer le ministre pour qu'il refléchisse sérieusement à la nécessité de réintroduire dans le projet de loi l'article qui apparaissait dans la loi 3 touchant la gratuité. C'est un seuil, c'est un minimum. C'est un minimum: en deçà de cela, c'est un recul, c'est inacceptable. Parce que la loi 3, n'eût été d'un jugement qui l'a rendue inapplicable sur quelques-uns de ses articles, il faut se le rappeler, ce serait un acquis aujourd'hui, normalement. Tous les autres articles ne touchaient pas la structure confessionnelle. C'était cela l'acquis des étudiants adultes, des adultes du Québec qui voulaient retourner aux études. Et cette base-là, c'est un minimum. Je ne pense pas qu'on puisse accepter d'aller en deçà.

Alors, madame, messieurs, je vous remercie de votre contribution aux travaux de cette commission et je souhaite que, quand on vous reverra ici - parce que des commissions parlementaires, on trouve toujours le moyen d'en tenir sur de multiples sujets. C'est la troisième à l'Éducation depuis deux ans - que vous aurez acquis, au minimum, la gratuité pour les adultes. (17 h 30)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: En terminant, M. le Président, je voudrais signaler mon étonnement devant les choses que j'ai entendues tantôt, de la part de M. Blondin. M. Blondin disait que, il y a quelques années, on venait au Québec voir les réalisations que nous avions à montrer au reste du monde en éducation des adultes, mais que, depuis ce temps-là, on serait témoin d'un certain rétrécissement. Ce n'est pas notre observation. Au niveau secondaire, les inscriptions à l'éducation des adultes ont augmenté chaque année, de manière spectaculaire au cours des dernières années. Encore cette année, nous envisageons une augmentation qui va peut-être être de l'ordre de 30 % à 33 %. Il suffit de se promener à travers le Québec le soir - dans mon comté, je n'en reviens pas - pour constater le mouvement de fréquentation de l'école par les adultes, le soir. C'est un mouvement extraordinaire. C'est la

plus belle réalisation des dernières années. Je me rappelle que cela avait été une recommandation d'un comité que j'avais présidé, il y a 25 ans, et je ne pensais pas, à l'époque, qu'elle pourrait se réaliser. Mais cela a fait un chemin formidable depuis ce temps et cela continue. Je ne vois pas comment on pourrait maintenant enlever cela de notre réalité. Cela fait vraiment partie de notre vécu éducatif. Je suis content de constater que non seulement cela s'est maintenu, mais encore qu'au cours des deux dernières années le volume a beaucoup augmenté.

Au niveau collégial, il y a une certaine réduction. Je pense que c'est à cela que faisait allusion la députée de Chicoutimi. Je le lui concède, il y a une certaine diminution du développement de l'éducation des adultes pour des raisons que nous devrons approfondir. Au niveau secondaire, je pense que cela a continué de progresser et j'en suis extrêmement heureux. Je pense que cela va continuer de progresser aussi et nous allons déployer les moyens qu'il faut pour cela. Je prends note de ce qu'on a dit et, dans la mesure où des améliorations sont possibles, nous les ferons volontiers.

J'ajoute un autre point. Il a été question des enseignants à statut précaire, à l'éducation des adultes. Il y en a un certain nombre, c'est vrai. Je pense qu'on doit reconnaître également qu'à l'éducation des adultes nous avons d'abord un nombre plus élevé, aujourd'hui, d'enseignants à temps complet, des gens qui étaient parfois en disponibilité comme enseignants de jour et qui ont été transférés là. Il y a des nombres accrus qui ont été inscrits dans les conventions collectives avec les syndicats d'enseignants. Il y en a un certain nombre, peut-être 200 ou 300. En plus, il y a beaucoup d'enseignants aux adultes qui sont des enseignants de jour qui vont chercher un supplément de revenu en donnant des cours aux adultes et qui, souvent, vont chercher de cette manière un revenu qui va être même supérieur à celui de leur directeur. On ne leur en veut pas. Ils travaillent pour. La rémunération, dans leur cas, est peut-être satisfaisante. Dans le cas de ceux qui n'ont pas autre chose - je sais qu'il y en a un certain nombre - qui ne peuvent pas trouver de poste régulier et qui vont être engagés à la leçon, je pense que pour ceux-là le barème actuel n'est pas satisfaisant pour leur procurer un niveau de rémunération acceptable. Mais on ne peut pas faire mieux pour l'instant. Il y a des améliorations à rechercher de ce côté. Je n'ai pas une idée précise de l'ampleur du problème des "précaires" parce que, là-dedans, on classe toutes sortes de choses. Il faudrait examiner cela comme il faut. Mais je prends note du problème, et je voulais également souligner l'autre dimension peut-être plus positive.

Au sujet de l'harmonisation des jeunes adultes, j'ai hâte de prendre connaissance des textes qui ont été présentés au colloque et du compte rendu des délibérations. Cela va nous intéresser au plus haut point. Mais je voudrais souligner qu'en formation professionnelle le problème n'est peut-être pas aussi grave que vous semblez le redouter. Tout d'abord, la différence d'âge entre ceux qu'on classe administrativement comme adulte et ceux qu'on classe administrativement comme élève régulier n'est pas aussi marquée, dans la plupart des cas, qu'on peut le penser. Les élèves réguliers sont déjà de jeunes adultes et les adultes sont plutôt des adultes jeunes que des adultes d'un certain âge. Par conséquent, parfois on va trouver des jeunes de 16 à 17 ans avec des adultes de 20 à 21 ans. Cela ne crée pas un bien gros problème, à toutes fins utiles. J'ai observé de mes propres yeux des ateliers où on donne le cours d'agent de bureau, des ateliers où on donne le cours de coiffure, par exemple, et j'ai trouvé une coexistence extrêmement intéressante d'élèves administrativement classés comme jeunes et d'élèves administrativement classés comme adultes et les enseignants m'ont dit: II y a une atmosphère plus sérieuse dans ce genre de regroupement. On passe à travers le programme avec plus d'aisance et on obtient de meilleurs résultats. C'est une dimension dont nous devons tenir compte, d'autant plus que, lorsqu'il y a seulement cinq adultes et sept étudiants réguliers, cela fait un groupe si on les met ensemble, tandis qu'on n'en aurait pas du tout si on devait suivre nos normes de manière stricte. Quoiqu'il en soit, je veux vous assurer que nous sommes conscients des écueils que cela peut comporter également. C'est pour cela que j'ai envoyé récemment aux commissions scolaires une lettre leur disant d'agir avec la plus grande prudence dans ces choses, leur disant que, partout où c'est possible, la règle est la formation de groupes distincts, pas besoin de dire adultes, et qu'on doit procéder à des regroupements là où il y a des raisons vraiment sérieuses et impératives de le faire. Nous vous donnerons une copie de cette lettre. Nos services pourront vous la communiquer. Nous avons vu à ce que cela se fasse. Mais, s'il y a d'autres observations, nous aimerions les entendre. Je pense que c'est très utile pour nous. Encore une fois, c'est dans cet esprit que nous avons discuté avec vous et que nous sommes intéressés à continuer de le faire.

J'ajouterai en terminant que vous m'avez écrit récemment, Mme la directrice générale, pour me dire que vous aimeriez bien qu'on ait une rencontre, comme on essaie d'en avoir chaque année, pour faire le tour de problèmes d'intérêt commun. Je peux vous dire qu'il me fera bien plaisir de me prêter à cette rencontre avant l'ajournement de juin, de manière qu'on puisse aller plus en profondeur dans certaines questions dont on a discuté aujourd'hui. Alors, je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le ministre. Mme la porte-parole de l'Opposition, Mme Desilets, M. Blondin.

La commission permanente de l'éducation ajourne ses travaux à mardi, 10 heures, alors que nous accueillerons l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes du Québec. Je profite de l'occasion pour rappeler aux membres de cette commission parlementaire que, si on veut qu'elle fonctionne bien, il faut se faire un devoir d'être ponctuel. Alors, nous donnons rendez-vous à tout le monde à 9 h 50.

(Fin de la séance à 17 h 37)

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