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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Tuesday, May 24, 1988 - Vol. 30 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les projets de loi 106 - Loi sur les élections scolaires et 107 - Loi sur l'instruction publique


Journal des débats

 

(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite les membres de la commission permanente de l'éducation à prendre place. J'invite également nos invités à prendre place aux sièges qui leur sont réservés.

La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux. M. le secrétaire, est-ce que nous avons quorum?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si nous avons quorum, je déclare la séance ouverte. Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il n'y a pas de remplacement, avant de commencer nos travaux, je vous rappelle le mandat de ladite commission qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude détaillée des projets de loi 106 et 107: projet de loi touchant les élections scolaires et projet de loi sur l'instruction publique.

Ce matin, la commission permanente de l'éducation a un horaire assez chargé. Dans un premier temps, nous accueillerons le Mouvement pour une école moderne et ouverte; dans un deuxième temps, le Mouvement Québec français et, à midi, le Comité de la protection de la jeunesse.

Étant donné que nos règles de procédure nous demandent de terminer à 12 h 30 lorsque l'Assemblée nationale siège à 14 heures, j'inviterais les membres de cette commission à être concis dans leurs questions. J'accueille immédiatement, en votre nom, les représentants du Mouvement pour une école moderne et ouverte. Le Mouvement pour une école moderne et ouverte est représenté ici par sa présidente, Mme Monique Mus-Plourde.

Bienvenue et merci d'avoir répondu à l'invitation de la commission permanente de l'éducation et de venir nous présenter votre perception de ce projet de loi. J'imagine que vous allez toucher au projet de loi 107 plus qu'au projet de loi 106, mais vous pouvez toucher aux deux. Sentez-vous bien à votre aise. Les membres de cette commission seront tout oreilles à vos suggestions. D'ailleurs, c'est le but de ces consultations. C'est de connaître l'éclairage du plus grand nombre de groupements possible et d'intervenants intéressés concernant ces deux projets de loi.

La commission a environ une heure à consacrer à votre mouvement. Nous vous sug- gérons de prendre 15 à 20 minutes au maximum, peut-être, pour nous présenter votre mémoire, lequel a été reçu et a été lu par les membres de la commission. Après cela, la balance du temps sera répartie également entre les deux formations politiques, période au cours de laquelle nous pourrons échanger des vues et tâcher d'aller chercher le plus de lumière possible sur ces deux projets de loi.

Pour les besoins de l'enregistrement des débats et aussi pour la meilleure connaissance des membres de cette commission, Mme Plourde, je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à enchaîner immédiatement avec la présentation de votre mémoire. Madame.

Mouvement pour une école moderne et ouverte

Mme Mus-Plourde (Monique): Merci beaucoup, M. le Président. Nous vous remercions de nous accueillir pour que nous puissions vous faire connaître notre opinion sur les deux projets de loi. Je vous présente, à ma droite, Mme Ripeau, qui est membre de comité d'école.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Mus-Plourde: Immédiatement à ma gauche, M. Yves Poulin, qui est un des quatre commissaires du MÉMO à la CECM.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur.

Mme Mus-Plourde: À mon extrême gauche, Mme de Courcy, qui est également membre de comité d'école.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme de

Courcy. Soyez les bienvenus.

Mme Mus-Plourde: M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, si vous me le permettez, nous essaierons de ne pas faire une lecture du mémoire parce qu'il est en effet trop long. D'abord, quelques mots sur le MÉMO.

Le Mouvement pour une école moderne et ouverte propose aux Montréalais une gestion scolaire efficace et démocratique. Vous savez probablement que 24 000 électeurs ont choisi le programme du MÉMO lors des dernières élections, à savoir à peu près 34 % des votes. Nous pensons donc que le programme du MÉMO - dans un premier temps, puisque nous avons été formés cet été - a été très bien reçu par la population. Il ne se limite pas seulement à l'administration, mais il véhicule l'idée d'une mission éducative de qualité, large et soucieuse des réalités auxquelles sont confrontés les jeunes. La transparence, la participation et le sens des responsabilités sont

les principes de base de notre gestion.

À cela s'ajoute la reconnaissance du droit fondamental des parents de choisir le genre d'éducation qu'ils veulent pour leurs enfants. Le respect de la Charte des droits et libertés de la personne empreint également tous les choix de gestion que le MÉMO explicite dans son programme.

D'entrée de jeu, disons que le MÉMO a accueilli avec intérêt le projet de réforme scolaire du Québec, tant par la loi 107 que par la loi 106. Nous pensons que la loi 106 répond en bonne partie aux multiples demandes exprimées par plusieurs groupes, dont le MÉMO.

Le projet de loi 107, quant à lui, se révèle intéressant par sa forme. D'ailleurs, le fait qu'il commence par l'élève, l'enseignant et l'école, que ce soient les trois principales préoccupations du législateur, nous plaît beaucoup. Toutefois, nous pensons que, dans l'ensemble, le gouvernement s'est montré prudent, voire timide.

Les commentaires que nous vous transmettons visent à donner plus de rigueur à certaines mesures et nous tentons de mettre en lumière certains éléments du contexte montréalais. Nous espérons que notre mémoire aidera à votre réflexion.

Le projet de loi 107 s'ouvre sur les droits des élèves. Très bien, nous en sommes heureux, comme nous l'avons dit. Cependant, on s'interroge sur la portée réelle de l'article 6 qui reconnaît aux élèves d'une confession autre que catholique ou protestante le droit de recevoir un enseignement moral et religieux de leur confession. Nous pensons qu'avec l'article 210, le législateur se soustrait à toute obligation de financement et rejette donc l'entière responsabilité de satisfaire ce droit aux commissions scolaires. Celles-ci, soumises aux contraintes budgétaires, vraisemblablement ne pourront répondre à la demande et finiront par créer des frustrations et ce sont elles qui en seront responsables.

Plutôt que de s'engager dans cette voie, nous pensons que le ministre devrait intégrer au programme d'enseignement moral actuel un volet consacré à la diversité des croyances. Nous croyons que c'est dans le cadre de ce programme qu'il est possible de répondre de manière réaliste aux besoins des élèves appartenant aux autres confessions religieuses, à condition toutefois qu'en plus l'article 7 soit moins restrictif et soit ouvert aux autres élèves, qu'un service d'animation spirituelle soit prévu pour les élèves de formation religieuse ni catholique ni protestante.

Pour ce qui est des obligations de l'enseignant, l'article 19 vient véritablement combler un vide de la loi actuelle. Le MÉMO est particulièrement heureux que le paragraphe 7 vienne confirmer la juridiction du conseil d'orientation sur le projet éducatif. Par contre, nous sommes déçus de voir que, lorsqu'on parle de qualité, ce n'est que dans le cadre circonscrit de la langue écrite et parlée. L'enseignant est l'agent scolaire le plus près de l'élève. Le souci de la qualité de la formation dispensée doit, selon nous, être omniprésent dans tout son mandat.

Quant à l'école, nous soumettons à votre attention quatre points. Le premier: on trouve singulier que l'article 35 exclue l'adulte de sa responsabilité. Est-ce qu'on doit en déduire, par exemple, que le ministre s'oppose à la politique d'harmonisation jeunes-adultes par laquelle les deux clientèles vont fréquenter la même école?

Le deuxième point, toujours à l'article 35, c'est la formulation qui nous paraît ambiguë. On se demande qui respectera les valeurs de qui et nous pensons qu'il serait préférable de parler du respect des valeurs du projet éducatif tel que défini par le conseil d'orientation.

Le troisième point, l'article 78. Le seul pouvoir décisionnel que le conseil d'orientation aura, c'est de déterminer les orientations du projet éducatif propre à l'école. La réalisation, le suivi, l'évaluation du projet éducatif lui échappent, ce qui, selon nous, est un recul par rapport à la Loi actuelle sur l'instruction publique.

Quatrièmement, nous sommes d'avis que les usagers, y compris le cas échéant le représentant de la communauté, devraient être majoritaire au sein du conseil d'orientation.

Si vous permettez, M. Poulin va prendre les trois autres points sur le projet de loi 107.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Poulin.

M. Poulin (Yves): Merci. Quand on analyse la nouvelle loi, on a l'impression que la préoccupation du MÉMO d'en arriver à une meilleure gestion scolaire démocratique et participative s'y retrouve facilement. On est heureux, entre autres, que le ministre donne le droit de vote aux commissaires représentant les parents. On approuve, bien sûr, l'obligation qu'une période réservée soit donnée au public aux assemblées publiques, mais nous aurions aimé que cette période ne soit pas limitée à une forme interrogative. Nous approuvons, bien sûr, que des avis publics soient émis avant l'adoption des règlements, mais on aurait souhaité que le délai de quinze jours soit un peu plus long, car il n'est pas facile de faire une consultation sur un règlement en quinze jours à peine, compte tenu du contexte montréalais.

Dans un autre ordre d'idées, il serait important de responsabiliser les commissions scolaires à la qualité des services offerts. On aurait souhaité que la nouvelle loi reprenne les propos de la loi actuelle, à l'article 189, qui stipulait clairement que les commissions scolaires avaient l'obligation de s'assurer de la qualité des services offerts. C'est une chose que l'on ne retrouve pas telle quelle dans la nouvelle loi. Il nous semblerait aussi plus juste d'assurer des services complémentaires en animation spirituelle pour les élèves qui sont inscrits à l'enseignement moral.

Enfin, nous nous questionnons sur la décision du ministre de surseoir, par l'article 579, à l'organisation de l'enseignement religieux et moral après le décret du 1er juillet 1989. Il nous semble qu'il y aura un vacuum dans la loi. D'autre part, comme plusieurs mémoires l'ont dit, nous sommes déçus de voir les pouvoirs du ministre augmenter dans la nouvelle loi. Ceci n'aide sûrement pas à responsabiliser les commissions scolaires et à valoriser le rôle des commissaires d'école tant à l'intérieur de la structure qu'à l'égard de la population qui les élit.

Sur toute la question des commissions scolaires linguistiques, le MÉMO ne peut que se réjouir de les voir reconnues dans cette réforme scolaire. Mais, en même temps, ce fut une certaine déception de voir que le ministre avait reculé devant la nécessité d'agir d'abord à Montréal. Tous sont conscients que c'est dans ce territoire que le problème de la langue est le plus aigu. Nous sommes aussi inquiets en imaginant que nous pourrions nous retrouver avec une structure quadruple, les commissions scolaires linguistiques venant recouper les commissions scolaires confessionnelles. Pour éviter recueil constitutionnel, va-t-on s'embarquer dans un écueil administratif? Enfin, nous croyons qu'il faut libérer Montréal de cette guerre de religions et travailler plutôt à négocier des mesures qui respectent les droits de chacun.

Nous restons aussi perplexes devant toute la question du régime provisoire. Nous croyons que l'élection de représentants des minorités linguistiques enlève de la force aux commissions scolaires nouvelles et modifie les règles électorales en faisant fi de la structure de représentativité des parents, celle que le législateur a lui-même dictée. Nous craignons que le conseil provisoire se retrouve à certains endroits entre les mains de commissaires opposés au changement parce qu'ils défendent le statut confessionnel. Nous nous demandons, si le choix d'adhérer à une commission scolaire linguistique est d'ordre individuel ou collectif.

Pour tout cela, notre mémoire fait peu confiance aux moyens suggérés pour instaurer la réforme scolaire. Nous aurions espéré mieux pour une restructuration aussi importante. (10 h 30)

Mme Mus-Plourde: Je m'occuperai du projet de loi 106...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez.

Mme Mus-Plourde:... puisque vous nous ave2 invités à le commenter.

Comme je l'ai dit au début, c'est un projet de loi intéressant et satisfaisant à plusieurs égards. Notons, par exemple, le vote par anticipation et les diverses mesures qui ont trait au financement. Nous croyons toutefois que le projet de loi 106 ne propose pas une législation aussi solide qu'aux autres paliers de gouvernement.

À titre d'exemple, pourquoi circonscrire la notion d'équipe à la seule période électorale? Nous croyons qu'à la suite de l'élection de ses membres une équipe minoritaire devrait constituer l'opposition officielle à la commission scolaire et bénéficier de certains services disponibles dans de tels cas.

Un autre exemple où la réforme, selon nous, manque de souffle et de perspective, c'est dans le remboursement des dépenses électorales. Ce point-là est très intéressant. Mais pourquoi ne pas appliquer au niveau scolaire deux principes fondamentaux reconnus aux niveaux municipal et provincial, à savoir la limitation des contributions individuelles et le plafonnement de l'ensemble des dépenses de campagne?

De même, toutes les mesures de contrôle des dépenses devraient être harmonisées avec celles déjà existantes aux autres paliers de gouvernement si l'on veut éviter que des associations financièrement puissantes puissent continuer à investir dans le mouvement ou dans un candidat et ainsi annuler les efforts du projet de loi pour assurer une plus grande équité et une meilleure démocratie.

En regard justement de la démocratie et de l'éthique électorale, nous proposons cinq améliorations majeures. Nous croyons que le projet de loi gagnerait à proposer un quatrième critère pour procéder au découpage des circonscriptions. Ce critère serait la densité de la population. Il nous semble qu'à Montréal, particulièrement, à la CECM, cela assurerait une meilleure représentativité des citoyens.

Deuxièmement, nous pensons que, tant et aussi longtemps que l'article 9 sera adopté, c'est-à-dire la création de commissions scolaires linguistiques réservées aux minorités linguistiques, cela fera un exercice administratif périlleux du découpage des circonscriptions et de la confection électorale. À la CECM, nous allons avoir quatre listes électorales différentes. Pour le citoyen qui n'a pas d'enfant et qui ne fréquente pas lui-même l'école, ces diverses possibilités risquent de constituer un véritable casse-tête et probablement même de le décourager à participer au scrutin.

Nous pensons que cette disposition devrait être retirée du projet de loi. Toutefois, il faut dire que même en retirant l'article 9 les modalités de confection de la liste électorale demeurent, selon nous, confuses et inadéquates. Il est prévu dans le projet de loi que la confection de cette liste se fera à partir de la dernière liste électorale confectionnée en vertu de la Loi électorale. Selon nous, c'est pratiquement inapplicable. Actuellement, le recensement prévu à la Loi électorale ne compte pas de moyens pour identifier les électeurs en fonction des commissions scolaires déterminées. Même si des mesures étaient prises en ce sens, le taux de déménagement qui se vit à Montréal est tellement élevé que toute liste d'un an serait vite désuète.

Quatrièmement, nous pensons que le processus de révision de la liste doit également être retravaillé. Par exemple, le temps de révision est très court, même lorsqu'il n'y a pas de congé. Pour la consultation de la liste électorale en un endroit particulier, il est fort possible que, là aussi, ce mécanisme décourage les citoyens à participer. De plus, il nous semble aberrant que ce soit le conseil des commissaires, composé de membres qui, très probablement, seront encore parties prenantes à l'élection, qui soit chargé de superviser fa révision de la liste électorale.

Je passerai par-dessus le point 2.4, la rigueur des procédures - il s'agit plus d'une analyse en détail - pour, si vous me le permettez, faire une mise en garde et un appel à la vigilance. C'est que les sommes investies dans les élections scolaires sont importantes, déjà maintenant, mais avec le projet de loi 106, elles le seront encore davantage. Si, lors de la prochaine élection menée selon les nouvelles règles, le taux de participation n'est pas augmenté significative-ment, le MÉMO croit qu'il faudra s'interroger sérieusement sur la pertinence du suffrage universel et interroger les citoyens quant à leur intérêt pour la chose scolaire. Le mutisme de l'électorat indique peut-être qu'il ne se sent pas concerné par les enjeux scolaires et qu'il ne croit pas au suffrage universel dans le cas présent.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la présidente. Je n'ai pas encore fait de commentaires, ou très peu - une fois ou deux - et vous venez d'apporter là une idée qui, je ne dirai pas qu'elle me plaît, mais c'est une idée intéressante. Vous mettez en doute le bien-fondé du suffrage universel lorsque, après un effort légitime et honnête d'une dizaine d'années, les résultats ne sont pas plus probants. Comme mon rôle de président ne me demande pas de prendre parti, je dois vous dire que je considère quand même votre réflexion comme très intéressante.

M. le ministre, je vous reconnais.

M. Ryan: On aurait souhaité entendre le président continuer sa réflexion. Cela aurait pu éclairer le gouvernement.

M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le résumé qu'on vient de nous faire, préparé par le MÉMO. Je veux remercier le MÉMO de sa contribution à notre démarche commune. Je pense que son mémoire est le reflet de l'expérience concrète qu'a vécue ce mouvement au cours des derniers mois, et aussi de l'expérience pratique accumulée par ses membres dans les affaires scolaires, souvent bien au-delà de la courte période d'existence du MÉMO lui-même. Je reconnais, dans la délégation, des personnes actives depuis longtemps dans le monde scolaire et je veux leur exprimer mon appréciation.

Le mémoire, dans l'ensemble, est très fonctionnel. Il ne nous encombre pas d'idéologies globalisantes, mais il nous présente plutôt des critiques fonctionnelles et je l'apprécie énormément. Je vais essayer de traiter brièvement de certains points qui ont été soulevés par les auteurs avant d'en venir à quelques questions.

Tout d'abord, il y a beaucoup de remarques dont nous allons tenir compte. Je ne pourrais pas les relever toutes parce qu'il y en a une quantité et nous dépasserions le temps dont nous disposons pour les commenter très sérieusement. À un moment donné, il y a des questions intéressantes quand même. Vous parlez de l'exigence de qualité, Mme Plourde, et vous dites que nous la soulignons pour ce qui touche la langue parlée et écrite, mais que nous n'en parlons pas de la même manière pour l'ensemble du travail des enseignants, de l'école, des commissions scolaires et du gouvernement. Je crois pouvoir vous assurer que nous verrons à ce que cet élément soit introduit dans le projet de loi, dans un endroit central qui indiquera clairement que cela s'applique à tous ceux qui sont appelés à exercer des responsabilités dans le secteur de l'éducation, il faut que ce soit affirmé avec clarté. Par conséquent, cette remarque-là nous sera très utile.

Vous parlez à un moment donné de l'école et de la commission scolaire et de leurs responsabilités en matière d'éducation des adultes, et vous semblez vous inquiéter des restrictions que paraît comporter le projet de loi à cet égard. Je crois que, si nous le lisons attentivement et si nous tenons compte aussi de l'expérience vécue, les dispositions du projet de loi à ce sujet s'expliquent. Tout d'abord, en ce qui touche l'école, on prévoit la possibilité pour la commission scolaire de créer des centres d'éducation des adultes. De plus en plus, la fonction d'éducation des adultes des commissions scolaires s'exerce par la création de centres spécialisés en éducation des adultes. On s'aperçoit qu'il n'est pas facile de superposer à une école régulière des services d'éducation des adultes. Une vue de principe inclinerait vers cette approche mais, en pratique, le secteur de l'éducation des adultes devient de plus en plus distinct, avec ses services propres. C'est ce que veut véhiculer le projet de loi. Peut-être y a-t-il des clarifications à apporter, peut-être qu'il n'est pas assez net. C'est une chose qu'on peut envisager, cependant, l'idée n'est pas d'exclure l'éducation des adultes du plan local mais, au contraire, de lui faire une place distincte comme l'ont toujours demandé les responsables qui oeuvrent dans ce secteur.

Même pour la commission scolaire, il y a un pouvoir du ministre qui peut sembler lourd. C'est sûr que c'est une responsabilité de base de la commission scolaire que cette dimension éducation des adultes. D'un point de vue pratique, il n'est pas possible d'avoir autant de services d'éducation des adultes qu'il existe de commissions scolaires. Actuellement, nous en avons 82 sur un total de 213 commissions scolaires. C'est

à peu près le maximum que nous pouvons nous offrir. Nous avons fait une revue, au cours de la dernière année, des services existants de ce côté. Il est très difficile de multiplier davantage le nombre de services. Par conséquent, il faut qu'ils soient régionalisés. Dès qu'on accepte cette exigence, il faut bien qu'en fin de compte il y ait une autorité pour décider où ils seront implantés. C'est là le principe qui sous-tend ces dispositions du projet de loi. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. C'est déjà comme cela que cela se fait. Nous voulons que ce soit clair dans la loi.

D'autre part, vous soulevez une difficulté réelle à laquelle je n'ai pas de solution pour le moment. J'en ai pris bonne note. Vous demandez que deux dispositions de l'article 189 de la loi actuelle soient maintenues, en particulier l'obligation faite aux commissions scolaires d'assurer une éducation de qualité - j'ai disposé de cela tantôt - et l'autre, l'obligation de faire rapport à la population. Je pense qu'on en a déjà parlé dans les auditions précédentes. C'est un point dont nous tiendrons compte. Il faut l'inclure plus clairement dans le projet de loi. Par conséquent, nous en tiendrons compte.

Sur le régime provisoire, vous avez beaucoup d'observations. On n'aura peut-être pas le temps d'en discuter ce matin, mais j'en ai pris bonne note. On va faire en sorte qu'il n'y ait pas de confusion qui vienne s'implanter à ce stade critique de la réalisation éventuelle du projet de loi.

Sur les élections, beaucoup de remarques intéressantes. Je fais abstraction de celle qu'a laissé tomber tantôt le président de la commission. Je lui en laisse la paternité, espérant qu'il saura apporter des précisions là où il s'est borné à soulever une interrogation dans nos esprits. Pour le moment, nous maintenons le principe de commissions scolaires élues au suffrage universel par l'ensemble de la population.

Au sujet du financement des élections, j'ai pris note de ce que vous avez dit. Il y a des points intéressants là-dedans. On va regarder cela de très près, en particulier les deux suggestions que vous faites de même que sur les limites qui devraient être imposées aux dépenses électorales. Cela demande à être considéré de près.

Sur la formation des quartiers, vous demandez qu'un quatrième critère soit reconnu: la densité de la population. Cela aussi est un critère qu'il pourrait être très utile d'ajouter au projet de loi non seulement pour la formation des quartiers à Montréal, mais même pour la formation des quartiers en province. Souvent, sous un régime trop technocratique, des villages entiers pourraient être privés de représentation dans une commission scolaire au profit de villages plus gros qui se verraient attribuer une sorte de monopole. Cela crée beaucoup de problèmes, en pratique. C'est une question que nous entendons examiner de près. (10 h 45)

Sur la liste électorale, vous proposez des choses intéressantes: d'abord, quant à la confection de la liste électorale; ensuite, quant à la procédure de révision. Ceci est tellement important pour nous. J'aurais envie de vous adresser ma première question là-dessus. Nous autres, nous partons du principe de la liste électorale. On laisse à la commission scolaire le soin de la faire. On dit: Vous partez de (a liste électorale précédente et vous prenez les moyens voulus. On avait prévu une autre procédure. Si on instituait un processus de confection d'une liste électorale propre à chaque élection, cela représenterait une dépense de 15 000 000 $ à 20 000 000 $, environ, chaque année. Nous estimions qu'il était difficile d'envisager l'ajout d'une telle dépense. C'est pour cela que nous avons préféré nous en tenir aux méthodes qui existent actuellement. En dehors de Montréal, cela ne pose pas trop de problèmes. Par ailleurs, vous avez à Montréal la confection d'une liste en bonne et due forme. Le projet de loi y pourvoit et n'interdit aucunement à la CECM et à la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal de faire leur liste.

Je voudrais vous demander: Comment verriez-vous cela, vous autres? Pour la révision des listes, vous trouvez qu'il y a des ajustements qui devraient être faits. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu ce qui vous a amenés à faire vos propositions là-dessus et quelles sont vos propositions essentielles?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Mus-Plourde.

Mme Mus-Plourde: Si vous me le permettez, M. le Président, je vais passer la parole à Mme Ripeau sur ce sujet.

Mme Ripeau (Danielle): D'accord. La lecture qu'on avait faite du projet de loi était qu'il n'y avait pas de confection comme telle à partir d'une énumération. À moins que ce ne soit incorrect, c'est la lecture qu'on a faite du projet de loi tel que déposé.

M. Ryan: Voulez-vous me rappeler le numéro?

Mme Ripeau: Aux articles 41 et 42. Je pense que c'est du moins la base de départ qu'on a utilisée pour réfléchir à cette question.

M. Ryan: Très bien. Je pense que vous avez raison sur un point. Un de nos conseillers juridiques, M. Dupont, qui est très familier avec ces choses, me signale qu'à l'article 41 que vous venez de mentionner le troisième alinéa porte à ambiguïté. C'est écrit: "Le président d'élection prend toute autre mesure nécessaire au parachèvement - il faudrait peut-être écrire "à la confection" - de la liste. "

Mme Ripeau: D'accord. À ce moment, le problème qu'on soulevait là-dedans, on disait: II faut qu'il y ait confection d'une liste à la CECM, tout au moins. Si c'est réglé, cela va là-dessus.

M. Ryan: C'est un point dont nous pourrons tenir compte. Je vous remercie de me l'avoir signalé parce que c'est très juste. Maintenant, sur la révision, auriez-vous quelques commentaires additionnels à nous présenter?

Mme Ripeau: Notre lecture du processus de révision et l'expérience qu'on a vécue en novembre dernier nous amènent à constater que déjà, présentement, les délais sont très courts. Ce qui est proposé dans le projet de loi comporte également des délais très courts. Étant donné que les gens déménagent beaucoup... Peut-être que M. Poulin pourra vous donner des chiffres là-dessus, à la commission scolaire; à l'intérieur même de l'année scolaire, avant même que l'année scolaire finisse, il y a beaucoup de transferts d'élèves, il y a beaucoup de changements d'adresse. Donc, à cause des déménagements, d'une part, le processus de révision sera un processus intense qui impliquera beaucoup de monde.

D'autre part, il est fort probable - en tout cas, c'est l'expérience qu'on a eue... À la dernière élection, on avait deux listes électorales. Les gens devaient s'inscrire sur la liste CECM ou PSBGM et, déjà, c'était très compliqué. Il y a eu énormément de problèmes d'énumération qui ont amené possiblement beaucoup de révision, dans des délais qui étaient également courts. Les jeunes ne se sont pas présentés à la dernière élection. Cela tombait tout près d'un congé. On n'était pas à l'intérieur du congé, mais on n'en était pas loin.

On dit: Si on veut accepter que les gens participent le plus possible et soient réellement inscrits sur une liste électorale, il faut se donner les moyens pour que cette liste soit valide et, possiblement, réfléchir plus à ces questions et essayer de voir comment il est possible d'intéresser des gens qui ne sont déjà pas très intéressés. Du moins, c'est l'expérience qu'on en a par les élections scolaires. Si, en plus, on leur complique la tâche en leur demandant d'aller vérifier quelque part, puisque cela ne leur arrive pas chez eux - on leur demande d'aller vérifier; il y a quatre, cinq, six options possibles où ils devront s'inscrire - je pense qu'on n'aura aucun gain en termes de participation.

M. Ryan: Voici ce que nous avions ici. On essayait que toute l'opération se fasse après l'été. Comme les élections viennent le troisième dimanche de novembre, on avait d'abord prévu commencer le processus au début du mois d'août. Là, on a eu des représentations nous disant qu'à Montréal, avant la fin de la période estivale, ce n'était pas pratique. On a donc reporté l'opération au début de septembre. Évidemment, cela raccourcit les délais dont on va disposer pour la publication et la révision de la liste électorale. Si on fait la liste électorale avant l'été, on n'est pas plus avancés, parce que les déménagements surviennent le 1er juillet. Je ne sais pas comment on peut disposer de ce problème, mais je sais que le cadre temporel dans lequel nous devions insérer toutes les dispositions minimales qui apparaissent indispensables était très restreint. On a vraiment joué avec l'arithmétique de manière serrée, vous avez raison de souligner ce point. Mais peut-être pourriez-vous le regarder de nouveau de votre côté et nous faire des suggestions additionnelles?

Mme Ripeau: On peut effectivement essayer de retravailler ce point et voir les contraintes de temps qui sont imposées. Il reste que, quelles que soient les contraintes, si l'exercice qui est fait nous amène en fin de compte à une liste qui n'est pas bonne, on n'a pas gagné grand-chose.

M. Ryan: Et l'autre procédure, la liste faite au printemps, comporte d'immenses inconvénients aussi. En tout cas, on va regarder cela. Il y a un dilemme qui n'est pas facile à résoudre, mais on va l'examiner attentivement.

Vous avez une suggestion concernant les besoins des élèves d'autres confessions religieuses qui me paraît intéressante. C'est peut-être plus pratique à bien des égards que ce que nous avons envisagé. En tout cas, on va examiner celle-ci sérieusement. Je tiens à vous le souligner, cela m'a frappé et ce que vous dites pour les élèves inscrits à l'enseignement moral comporterait peut-être des éléments intéressants: les services d'animation que vous avez appelée spirituelle - cela peut être un autre nom aussi, mais quelque chose de cette nature - je pense que cela n'est pas négligeable.

Pour les commissions scolaires linguistiques, qu'est-ce que vous verriez, vous autres? Le gouvernement précédent s'était essayé avec la loi 3 et vous en connaissez le dénouement. Nous, nous prenons une procédure qui est plus prudente, vous le reconnaissez, qui va peut-être comporter un détour avec un certain laps de temps qui nous paraît plus réaliste. Vous dites que ce n'est pas bon, nous c'est la procédure constitutionnelle. Il y a deux choses: d'abord, c'est difficile d'entreprendre une procédure de révision constitutionnelle alors que toute l'affaire du lac Meech est encore en cours. Tant qu'on n'a pas fini cela, on ne peut pas courir deux lièvres en même temps. Déjà, on a de la misère à garder le contrôle sur le premier. Si on en avait deux en même temps, je ne sais pas si cela risquerait de diluer davantage l'opération de révision constitutionnelle. Deuxièmement, que mettriez-vous dans votre amendement? Comment feriez-vous cela, vous autres? Y avez-vous pensé?

Le Président (M. Parent, Sauvé): La ques-

tion est posée.

M. Poulin (Yves): Je pense que le temps que cela va prendre pour régler juste la partie du lac Meech actuelle nous inquiète. C'est qu'on se dit qu'on n'embarquera pas tout de suite après dans une autre révision constitutionnelle. Donc, ce qui nous inquiète, c'est que, si on ne le met pas dans la discussion constitutionnelle actuelle, il y a un gros risque que cela prenne encore une dizaine d'années avant de se rembarquer dans une autre discussion constitutionnelle comme celle-là. C'est un choix qui n'est pas facile, on le comprend fort bien, c'est quand même très complexe, mais notre inquiétude, c'est que, si on ne le met pas actuellement, c'est presque cinq ou dix ans qui seront perdus par rapport à un problème qui, je pense, est urgent pour Montréal - je pense que beaucoup l'ont dit à cette commission - parce que, sans cela, on ne viendra jamais à bout de régler le problème des commissions scolaires linguistiques à Montréal avant des années.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Poulin. S'il n'y a pas d'autres interventions, je vais reconnaître immédiatement la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mme Plourde, M. Poulin, mesdames, il me fait plaisir au nom de l'Opposition de vous accueillir à cette commission parlementaire. Votre participation aux réflexions et aux travaux de cette commission vient enrichir notre propre réflexion. Les éléments de solution que vous avancez sont pratiques, concrets et également, je crois, réalistes.

Je voudrais reprendre un peu où vient de laisser le ministre en ce qui touche, selon lui, la difficulté que poserait la négociation de l'article 93. Ce qui est regrettable, c'est que cela n'ait pas été inclus dans la première ronde de négociations. Ce que cela illustre en même temps, c'est que cela n'était pas une priorité. Le ministre, comme vous l'avez souligné, a une approche plus prudente, nous dit-il, que celle du gouvernement précédent mais, déjà, les organismes qu'on a entendus en commission parlementaire ont annoncé leur intention d'en appeler devant les tribunaux de cette loi. Vous avez tout à fait raison de craindre, d'abord, que cela ne soit pas applicable et qu'on doive recommencer et recommencer aussi longtemps que le Québec n'aura pas pleine juridiction en matière d'éducation sur son territoire. C'est le noeud du problème et c'est ce qui explique que tous les gouvernements qui se sont succédé durant les 25 dernières années se soient butés à toute réforme de la Loi sur l'instruction publique.

Dans votre mémoire, vous abordez un certain nombre de questions. J'aimerais revenir sur quelques-unes. En ce qui touche l'enseigne- ment moral, vous constatez qu'effectivement rien ne prévoit que la commission scolaire soit tenue d'offrir des services d'animation spirituelle, comme elle est obligée d'offrir des services d'animation religieuse catholique ou protestante. il n'y a pas cette obligation, comme il n'y a non plus d'obligation en ce qui concerne l'enseignement moral, sans épithète. il n'y a aucune provision dans la loi en ce qui concerne l'effectif qui devrait être consacré à s'assurer que cet enseignement soit effectivement dispensé, qu'il puisse se faire de l'animation spirituelle ou morale et qu'on ait le personnel pour ce faire.

Actuellement, le déséquilibre que vous constatez ou que vous craignez par rapport au poids de... Je pense aux parents catholiques à la CECM en regard des élections, on a le même déséquilibre à l'intérieur des écoles et des commissions scolaires lorsqu'il s'agit de s'assurer qu'on offre des services d'enseignement moral. Il est prévu qu'il y ait un cadre qui soit responsable, à la commission scolaire, de voir à l'application de ce projet catholique dans les écoles. Il y a également des règles et des exigences quant à la qualification du personnel qui doit enseigner la religion. Il y un certain nombre d'autres exigences touchant l'animation pastorale, alors qu'il n'y a absolument rien en ce qui touche l'enseignement moral et le droit des personnes d'avoir un enseignement moral de qualité.

À cette commission, on a eu l'occasion de rencontrer un animateur de pastorale ou un conseiller en animation pastorale qui est venu nous parler d'un sondage qu'il avait réalisé auprès des parents, à savoir: s'il fallait ou non que l'école soit confessionnelle. Lorsque ce sont les mêmes personnes qui sont en train de faire ce type de sondage et qu'on n'a pas la contrepartie, même avec la plus grande sincérité, la plus grande honnêteté, cela pose un problème. Je me demandais s'il ne serait pas pertinent de s'assurer dans la loi même, par rapport aux droits des personnes qui souhaitent l'enseignement moral plutôt que religieux, qu'on ait au moins les mêmes ressources. C'était ma question.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame, ou M. Poulin. Mme de Courcy.

Mme Mus-Plourde: Si vous permettez, Mme de Courcy va répondre.

Mme de Courcy (Diane): Si on propose que l'enseignement moral soit au moins égal à l'enseignement religieux, cela sous-tend bien sûr des ressources financières qui vont avec. On n'est pas sans savoir que l'animation spirituelle implique des ressources et du financement.

Mme Blackburn: Pour s'assurer de l'avoir, est-ce qu'il ne serait pas préférable que ce soit inscrit dans la loi, comme on l'a fait pour l'enseignement religieux?

Mme de Courcy: Absolument, oui. (11 heures)

Mme Blackburn: Vous parlez des droits des étudiants en disant: 11 est heureux que, d'entrée de jeu, ce projet aborde la question des droits des étudiants. Je pense qu'un premier droit est celui de ne pas se voir imposer l'enseignement religieux. Je pense que c'en est un. Il y a également le droit d'association, le droit d'en appeler devant le Protecteur du citoyen, ce qu'on voyait dans la loi 3 et qu'on ne retrouve pas dans cette loi. Vous n'êtes pas allés aussi loin que cela dans votre réflexion par rapport à la place que l'élève devait occuper dans l'école. Je pense, par exemple, à la possibilité de se donner des associations étudiantes à partir du deuxième cycle du secondaire.

Mme Mus-Plourde: Oui. Sur ce point, Je pense qu'il n'y a pas de recul par rapport à la loi actuelle, mais le projet de loi n'apporte rien de neuf et ce n'est pas seulement par rapport au droit d'association. Mais, dans la loi 3, il était reconnu justement au niveau des écoles, des conseils étudiants et au niveau de la commission scolaire. Le programme du MÉMO... Lors de sa campagne électorale, le MÉMO s'était d'ailleurs engagé à défendre et à respecter ce droit pour les étudiants et même à leur apporter de l'aide pour s'organiser. Alors, là-dessus, le projet de loi est complètement silencieux et c'est laissé au bon vouloir des gens en autorité, des gens en place, tant à l'école qu'à la commission scolaire. C'est évident que, pour nous, les jeunes étant souvent dans une situation de dépendance vis-à-vis des autorités scolaires, étant en période d'apprentissage démocratique, si la loi avait inscrit leurs droits, reconnu leurs droits et leur avait assuré certains mécanismes pour faire connaître leurs idées et ce qu'ils pensent de l'éducation, cela aurait été de beaucoup préférable.

Mme Blackburn: Estimez-vous qu'il devrait y avoir un article dans la loi, de la même façon qu'on en retrouvait un dans la loi 3?

Mme Mus-Plourde: En effet.

Mme Blackburn: Vous notez, avec justesse - vous vous en étonnez - que l'adulte semble être exclu de l'école. Là-dessus, je pense que vous avez raison. Vous avez raison sur deux points, et en dépit de l'explication que donne le ministre. Le ministre nous dit que c'est parce qu'on veut vraiment avoir des secteurs très particuliers, tel qu'on le demande, pour les adultes dans l'école. D'abord, il faut dire que la gratuité à l'éducation des adultes n'est pas assurée par le projet de loi actuel, ce qu'on retrouvait dans la loi 3. Il faut dire également qu'il y a une espèce de contradiction, et vous l'aviez bien remarquée, entre ce fait et le fait que, de plus en plus, non seulement on parle d'harmonisation jeunes-adultes, mais il s'en fait. On est en train de recréer les écoles de métiers, littéralement, dans lesquelles on retrouve les jeunes et les adultes. D'évidence, il va se poser un problème là tantôt.

Et vous dites: Le conseil d'orientation est complètement vidé de ses principaux pouvoirs, ce qui est juste également, mais c'est plus généralement les commissions scolaires qui le sont. Ce qui illustre que cela s'est vraiment bien traduit dans le projet de loi, et vous le soulevez bien, c'est le fait que deux articles soient disparus dans le projet de loi, c'est-à-dire l'obligation pour la commission scolaire de rendre compte de sa gestion et de s'assurer de la qualité des services offerts. Mais, comme les commissions scolaires ne possèdent pour ainsi dire plus de pouvoirs propres, elles ne peuvent rendre compte de la gestion de leurs services que dans la mesure où elles ont une maîtrise sur les moyens. N'importe quelle commission scolaire sera à même de vous dire: Si je ne vous offre plus de services... Par exemple, cette année, offrir des services professionnels pour les parents qui demandent une exemption pour leurs enfants en vertu de l'âge d'admission, la commission scolaire peut vous dire, tout à fait avec raison, et est justifiée de le faire: Je n'ai pas le moyen de le faire. Parce que ce n'est pas la commission scolaire qui décide que la compression de 24 000 000 $ va s'effectuer dans le personnel autre.

Ce que je trouve amusant et révélateur, devrais-je plutôt dire, c'est que cela s'est comme traduit à leur propre insu. Comme il y a peu de pouvoirs, comment peut-on leur demander de rendre compte de la gestion de leurs services? C'est plus le ministre qui va être interpellé là-dessus parce qu'il est de plus en plus en ligne directe avec les écoles. Cela a été largement soulevé par de nombreux mémoires et vous le soulevez avec beaucoup de pertinence, à la page 7 de votre mémoire, lorsque vous parlez de déresponsabilisation ce qui a des effets de démobilisation également. Et, lorsque vous vous questionnez, dans le sens où le président de la commission l'a fait tout à l'heure, et dites: Quel intérêt y a-t-il pour un citoyen à élire des commissaires qui seront des gérants de succursales ministérielles? Je pense que cela en dit plus long que les commentaires que je pourrais ajouter.

Pour ce qui concerne les élections scolaires... D'abord, peut-être avant de passer à la loi 106, êtes-vous d'accord avec cette superposition de commissions scolaires sur l'île de Montréal?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Mus-Plourde: Est-ce que vous êtes d'accord avec la superposition scolaire? Je vous avoue que c'est le genre de question à 100 000 $ parce que, d'une part, on est pour les commis-

sions scolaires linguistiques. Il va bien falloir trouver un truc pour les instaurer. On a l'impression que le mécanisme trouvé par le gouvernement va créer de nouveaux problèmes et on les a soulignés. À notre avis, comme on l'a souligné tantôt, la meilleure façon, selon nous, c'est de discuter d'abord de l'article 93 pour le renégocier de façon qu'on assure des droits aux catholiques et aux protestants dans une nouvelle commission scolaire linguistique. Si cette façon de procéder est impossible - je dis bien impossible, parce que des fois il y a des choses qui nous paraissent longues, difficiles peut-être inappropriées mais qui sont réalisables - et si la seule façon d'y arriver est vraiment la superposition, il faudra peut-être se lancer à l'eau. Sauf qu'à ce moment-là il faudra être très prudent, je pense, quant aux mécanismes d'implantation. Et, dans ce sens-là, par exemple, on vous pose la question: Est-ce que cela va être un choix individuel ou des choix collectifs? Parce que si, à un certain moment, on crée une commission scolaire et qu'à partir de là on dit aux parents: "Si vous voulez adhérer, inscrivez votre enfant", connaissant la dynamique des parents, ils seront peut-être réticents à inscrire leur enfant à une nouvelle commission scolaire qui est créée à partir de rien. Les parents aiment bien s'assurer qu'une école a une tradition, qu'une commission scolaire a une tradition. Alors, là-dessus, on se dit que si vraiment il y a superposition, il y a un problème dans les mécanismes choisis. Je pense qu'il va falloir rediscuter et repenser ce point.

Maintenant, si vous me permettez, j'aimerais dire quelques mots sur le pouvoir des commissions scolaires. On ne veut pas rentrer dans une dynamique qui dise: Bon, il faut absolument que les commissions scolaires aient tel pouvoir, elles n'en ont pas assez. D'une part, je pense qu'il faut reconnaître qu'il faut des encadrements nationaux. On ne renie pas l'historique qui s'est fait au Québec depuis 20 ans. Cela a été demandé pour l'égalité des chances en province, en ville et tout cela. On a créé un ministère de l'Éducation et je pense que les encadrements nationaux pédagogiques et financiers sont nécessaires.

Par contre, là où il y aurait peut-être une réflexion à faire... Écoutez, nous sommes tout à fait jeunes sur la carte électorale, je pense que cela mérite des discussions avec des gens qui ont peut-être beaucoup plus d'expérience que nous. Mais disons globalement qu'il faut peut-être essayer de faire deux poids, deux mesures. Je pense, par exemple, dans le projet de loi, aux commissions scolaires confessionnelles, reconnues comme confessionnelles qui sont exemptées de déposer leur budget pour approbation. Je pense aux écoles privées qui ont beaucoup de latitude. Je sais que M. le ministre reconnaît le droit des parents à l'école privée. Il est ouvert à cette idée et on voit qu'il a permis la subvention de plusieurs écoles prh/ées. Mais nous avons l'im- pression, en tout cas, que les écoles privées ont beaucoup plus d'autonomie de fonctionnement que les écoles publiques. Il y aurait peut-être là matière à discussion entre, d'une part, le gouvernement et d'autre part, les organismes qui sont impliqués directement dans ia gestion.

Ce qui arrive en fin de compte et ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que, finalement, si le citoyen ordinaire, si le parent a l'impression que c'est à Québec que tout se décide, l'impression peut être fausse, mais l'impression est véhiculée par les commissions scolaires elles-mêmes qui, normalement, savent de quoi elles parlent. Cela fait qu'au moindre problème les parents pensent à communiquer avec Québec plutôt qu'à communiquer avec leur commission scolaire. On n'en a plus d'enjeu, presque, sur le plan des commissions scolaires lors des élections parce que les grandes décisions se prennent à Québec et ces grandes décisions, on a l'impression, à la base, qu'elles deviennent de plus en plus surveillées, examinées a priori.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Le temps étant limité, je reconnais une dernière intervention à Mme la porte-parole de l'Opposition. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. J'ai quelques brèves questions. Vous abordez, concernant les élections scolaires, les dépenses électorales qui devraient être plafonnées, comme elles le sont pour le provincial et le municipal. Est-ce que vous avez pensé à quel serait ce plafond? Vous parlez également du financement des partis. Est-ce que vous avez réfléchi à ce que ce serait? Est-ce que ce serait le même modèle que celui de la loi 22 qui touche le financement des partis provinciaux? Toujours sur les élections, des intervenants sont venus nous dire ici qu'il était anormal que le dépouillement du vote ne se fasse que le lendemain. Ce sont trois questions sur lesquelles j'aimerais vous entendre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que vous voulez bien essayer de répondre globalement?

Mme Ripeau: Rapidement, d'accord. Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

Mme Ripeau: En termes de plafonnement et de financement, on n'a pas de mesures précises à suggérer. On se dit que l'expérience a déjà été tentée; elle est effective aux autres niveaux, et le principe de base qui, peut-être, répond aux deux premières questions, c'est qu'à partir du moment où l'on décide de faire des élections scolaires, à partir du moment où l'on dit: Oui, la vie démocratique existe à ce niveau-là aussi, on doit donner la pleine mesure des moyens à prendre pour y arriver, au même titre qu'à

n'importe quel autre niveau de gouvernement. Si je me réfère à l'expérience passée, à la dernière élection, on a vu du matériel publicitaire et des dépliants et on a vu dans les journaux un mouvement, comme la Coalition pour la confes-sionnalité scolaire, offrir des reçus d'impôt pour financer le MSC. Il n'y a pas un autre niveau de gouvernement où ce serait acceptable. Pourtant, dans la loi, il n'y a absolument rien qui interdise cela et, dans le projet de loi 106, il n'y a encore rien qui l'interdise. Là-dessus, on se dit: Tant que cela sera possible, ce sera très difficile de faire une démocratie réelle concernant les élections scolaires. Si on accepte de les faire, si on accepte de vivre les élections scolaires, on doit aller au bout de cette réflexion et dire: On accepte les partis, pas des équipes temporaires qui, trois jours après l'élection, vont être dissoutes, n'auront aucun pouvoir et aucune sécurité de pouvoir faire un travail correct en ce qui concerne les élections. C'est l'idée générale qu'on défend dans le mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Sur le dépouillement du vote le lendemain, avez-vous une opinion à ce sujet?

Mme Ripeau: Concernant le dépouillement du vote, nos vérifications nous ont amenés à conclure que c'est ce qui se passait également au niveau municipal. En fart, c'est une technicité. Ce n'est pas le dépouillement; le dépouillement se fait la journée même. C'est l'avis officiel qui est donné le lendemain. Cela n'empêche pas qu'on ait les résultats la veille, mais, comme dans toute élection, le résultat est officiel le lendemain. C'est comme cela qu'on l'a compris en tout cas.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Ce que vous appelez l'opération recomptage?

Mme Ripeau: Non, pas le recomptage. L'annonce officielle du résultat est donnée 24 heures après l'élection. Il y a une annonce officieuse, ce qui fait qu'on voit dans les journaux du matin que quelqu'un a remporté avec 232 voix, l'après-midi avec 242 et, le lendemain, c'est rendu à 260. Le dernier chiffre officiel sort 24 heures après. C'est la même chose au niveau municipal. Cela ne nous posait pas de problème. Ce qui nous poserait des problèmes, c'est si on ne pouvait pas assister au dépouillement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Voilà. Merci.

Madame, si vous voulez bien conclure, au nom de votre formation politique.

Mme Blackburn: Oui, je conclurai brièvement, en reprenant peut-être l'un des paragraphes du mémoire que vous n'avez pas lu en entier, mais qui ma frappé. À la conclusion, à la page 9, vous dites: "II est singulier de voir à quel point, pour l'ensemble de son projet de réforme scolaire, le ministre ouvre la porte sans en franchir le seuil. L'ouverture au pluralisme de la société québécoise, l'obligation d'un enseignement de qualité, le mandat de développement social de l'école sont toutes des dimensions de la mission éducative, à peine esquissées."

Cela résume assez bien ce que nous avons constaté depuis le début. Malheureusement, ce qui se fait actuellement et ce à quoi on a droit, ce sont des discussions sur des structures. On a l'impression que le projet de loi, dans plusieurs de ses dispositions, qu'on retrouvait d'ailleurs dans la loi 3, ne met pas l'accent sur la raison d'être du ministère de l'Éducation, des commissions scolaires et des écoles, c'est-à-dire l'éducation. Comme vous, je trouve cela déplorable; je le regrette. À propos des remarques que vous faites, plus particulièrement de celle qui touche ce qui serait un précédent - le fait qu'on réserve des sièges pour les minorités au sein des commissions scolaires - j'estime que cela est difficilement justifiable, parce qu'on pourrait tantôt se voir exiger ou être vis-à-vis de la même demande à l'endroit des Italiens, des Grecs ou de toute autre nationalité. Je pense que c'est ouvrir la porte à la fois à une marginalisation des groupes et à des précédents qui pourraient être onéreux, si on commençait à faire le même calcul à l'endroit des élus à l'Assemblée nationale, par exemple.

Je vous remercie infiniment de votre participation aux travaux de cette commission. J'ai apprécié à la fois la clarté du message que vous nous avez livré, sa concision et son pragmatisme. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le ministre, avez vous des remarques?

M. Ryan: II me fait plaisir de souligner le sérieux du mémoire qu'on nous a présenté et l'excellente qualité des réponses apportées aux questions que nous avons soulevées. Je pense que cette présentation sera très utile pour nous aider à perfectionner les deux projets de loi.

Je voudrais simplement souligner, en terminant, une chose de caractère général, pour éviter que s'installent des impressions fausses à mesure que nos débats progressent. Les pouvoirs des commissions scolaires sont considérables, malgré tout ce qu'on entend. Vous, qui suivez de près le travail de la Commission des écoles catholiques de Montréal, savez très bien que la Commission des écoles catholiques de Montréal dispose d'une marge de décision considérable dans la gestion d'un budget de 500 000 000 $. Dans la gestion de ce budget, le gouvernement n'intervient à peu près pas. Si la commission scolaire décide de faire des expériences pédagogiques en matière, par exemple, de bain linguistique, d'école internationale, d'implantation de garderies, de développement de bibliothèques, elle a toute la latitude pour le faire.

L'an dernier, vous le savez, ils ont lancé

tout un programme d'action: l'école centrée sur l'essentiel. Ils n'ont pas eu besoin d'intervention ou d'ingérence du ministère de l'Éducation pour se lancer là-dedans. Chaque fois qu'une commission scolaire veut se centrer sur sa mission essentielle, elle est absolument libre de prendre toutes sortes d'initiatives compatibles avec les ressources dont elle dispose, mais c'est vrai aussi pour le gouvernement. Il y a 25 choses que j'aimerais lancer et j'en suis incapable, parce que le Conseil du trésor me surveille continuellement, comme il le fait pour tout autre ministre. Il ne me donne pas de traitement préférentiel, ni positivement ni négativement. On a des règles qu'on doit suivre.

J'étais avec une commission scolaire en fin de semaine, dans mon comté, qui avait des décisions difficiles à prendre. C'est elle qui les prend. J'y étais à la fois comme député et comme ministre de l'Éducation. C'est elle qui prend ses décisions, ce n'est pas nous. Je tiens à le souligner. Je suis content que vous n'en ayez pas fait une question de doctrine. Vous avez présenté très modérément le point de vue que votre mémoire défend sur ce point, mais on entend toutes sortes de déclarations, à gauche et à droite. Je demande toujours aux gens: Dites-nous concrètement quels changements importants vous voudriez faire dans le partage actuel des responsabilités. Je retiens ce qu'a dit Mme Plourde à cet égard, que l'équilibre à trouver entre les encadrements nationaux nécessaires et la nécessaire marge de décision des commissions scolaires n'est pas une chose qu'on peut trancher au couteau. Il faut examiner cela. On est prêt à examiner cela point par point. Nous devons le faire, vous pouvez vous en dispenser. Nous sommes obligés de le faire. Il faut l'écrire dans le texte de loi.

J'ajoute seulement que, s'il y a des choses qui devraient être carrément transférées aux commissions scolaires, vous pourrez nous les indiquer dans un complément de mémoire. Je ne les ai pas trouvées dans votre mémoire. C'est la dernière considération dont je voulais vous faire part, M. le Président, en disant que j'ai tiré beaucoup de profit de l'ensemble du mémoire traitant des deux projets de loi. Je vous en remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Mme Plourde, Mme Ripeau, Mme de Courcy, M. Poulin, nous vous remercions beaucoup de l'éclairage que vous avez apporté à la commission. On a vu beaucoup de mémoires. Le mémoire que vous nous avez soumis et la présentation que vous en avez faite, je le sais, c'est le résultat d'un vécu qui dure depuis plusieurs années, qui est très rationnel, très pratique. Je pense que la commission en sortira bonifiée. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 22)

(Reprise à 11 h 29)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous vous invitons à prendre place. Je vous rappelle que, paraît-il, les Oilers d'Edmonton ont battu les Bruins parce qu'ils étaient disciplinés.

La commission permanente de l'éducation accueille le Mouvement Québec français dont le porte-parole est M. Guy Bouthillier. M. Bouthillier, bienvenue, et merci beaucoup pour l'empressement que vous avez manifesté a répondre à l'invitation de la commission permanente de l'éducation qui étudie présentement deux projets de loi d'une très grande importance, soit le projet de loi 106, Loi sur les élections scolaires et le projet de loi 107, Loi sur l'instruction publique.

Monsieur, pour les besoins du Journal des débats, je vous inviterais à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à enchaîner immédiatement avec la présentation de votre mémoire. La commission a prévu de vous entendre pendant une heure environ. Nous vous suggérons de prendre peut-être un tiers du temps pour nous présenter le mémoire, lequel a d'ailleurs été lu par les membres de cette commission. Après cela, nous amorcerons une discussion avec les membres de la commission, et le temps prévu à cet effet sera réparti en parts égales entre les deux formations politiques. M. Bouthillier, nous vous écoutons.

Mouvement Québec français

M. Bouthillier (Guy): M. le Président, avant de vous présenter l'équipe, je voudrais remercier M. le ministre, Mme la représentante du parti de l'Opposition et tous ceux qui siègent ici devant nous d'avoir bien voulu nous inviter. Je les remercie aussi à l'avance de l'attention qu'ils voudront bien porter à l'exposé que nous allons faire et aussi de l'intérêt que nous prendrons, je le suppose, de part et d'autre, à la discussion qui suivra.

Le Mouvement Québec français, ce n'est ni les Oilers, ni les Bruins, rassurez-vous. Il est composé d'un ensemble de groupes, de dix groupes. Il est à la fois un élément, je pense, mais aussi un symbole, de la cohésion québécoise sur la question de la langue. Je crois que vous connaissez les dix groupes. Cinq d'entre eux sont ici représentés. Je vous présente mes collègues qui représentent chacun un organisme. À mon extrême gauche, c'est-à-dire à votre extrême droite, Henri Laberge, qui représente ici la Centrale de l'enseignement du Québec. Plus près de moi, encore à ma gauche, Michel Morasse, qui représente la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Immédiatement à ma gauche, André Lacombe, qui représente le Mouvement national des Québécois. À mon extrême droite, Bruno Roy, qui représente ici

l'Union des écrivains québécois. Et tout de suite à ma droite, Emile Bessette, qui représente l'Association québécoise des professeurs de français.

Cinq de nos organismes ne sont pas ici. Je vous rappelle quand même rapidement leurs noms: l'Union des producteurs agricoles, la CSN, l'Union des artistes, l'Alliance des professeurs de Montréal et la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Je voudrais vous remercier encore une fois d'avoir bien voulu nous donner l'occasion peut-être, disons cette fois-ci, moins de nous livrer à une passe d'armes que de réfléchir devant vous et, je l'espère bien, avec vous sur une question qui est capitale, quel que soit le point de vue que l'on adopte.

Le point de vue qui est le nôtre aujourd'hui, c'est le suivant. Il nous apparaît - ce n'est pas une chose qui nous est propre, je pense que c'est général - qu'à une société donnée doit correspondre une culture commune, un esprit civique commun, cette culture commune, cet esprit civique commun étant facteur - une espèce de ciment - de la cohésion de l'ensemble et aussi un élément de l'appartenance de chacun des éléments de la société à cette société.

Pour la réalisation, la concrétisation de cette culture commune, de cet esprit civique commun, s'il y a une institution dans notre société qui a un rôle fondamental à jouer, c'est, bien entendu, l'école. Il y en a d'autres, notamment la radio, la télévision et d'autres, mais tout particulièrement - en tout cas, c'est elle qui nous occupe ici aujourd'hui - l'école, qui a pour mission de façonner précisément l'esprit de tous et chacun. Si l'école remplit ce rôle efficacement, ce sera une garantie non seulement de la paix sociale, mais mieux encore, de la fraternité et de la convivialité dans une société. Mais, si cette même école ne remplissait pas son rôle, je pense qu'une société serait en droit de s'attendre à des lendemains difficiles.

Pour que l'école remplisse son rôle, il faut la regarder au fond sous deux aspects différents. D'abord, il y a l'enveloppe extérieure de tout le système scolaire. C'est ce qu'on appelle communément ici l'aspect des structures scolaires. Mais il y a aussi ce que l'on trouve à l'intérieur de l'enveloppe, le contenu de l'enseignement. Aujourd'hui, plus particulièrement, sans abandonner totalement la question de l'enveloppe extérieure, nous allons en parler. Nous aimerions plus particulièrement attirer l'attention sur ce qu'on trouve dans cette enveloppe. Cela nous amène à réfléchir avec vous aussi bien sur le contenu de l'école minoritaire, l'école anglaise du Québec, que sur le contenu de l'école française.

S'il y a une école minoritaire, ici comme ailleurs dans le monde, c'est que cela correspond au souci qu'a tout État de défendre, d'aider les cultures minoritaires à se défendre. Mais ce souci de défense, de maintien des cultures minoritaires se fait dans un cadre qui est plus large, qui est celui exigé par l'impératif de la cohésion, l'impératif de l'unité. Si cet impératif n'est pas respecté, qu'allons-nous trouver, sinon des indifférences, des hostilités, des jeunesses indifférentes, voire même hostiles les unes envers les autres? En outre, si cet impératif d'unité n'est pas respecté, on va trouver dans la société des exclus, des "marginalisés"; alors que je crois qu'on est en droit de savoir... Je pense qu'il faut insister sur le fait que, dans tout pays, dans le nôtre, tous les enfants ont le droit de recevoir tout ce qu'il faut pour se préparer à vivre, à travailler, à respirer, à voter dans ce pays.

Cet impératif d'unité, que l'on trouve dans d'autres pays du monde, on le trouve aussi exprimé dans notre société, dans notre tradition. On a fait référence dans notre mémoire à ce que disait la Ligue des droits de l'homme, en 1974, ici devant vous, à ce que disait Gary Caldwell, en 1977, en réfléchissant sur ces questions. Habituellement, les systèmes que l'on trouve dans le monde s'adressent à l'une de deux formules pour assurer, si vous voulez, la cohésion nationale.

Le premier système qui est très général, auquel fait référence Gary Caldwell dans le texte qu'on a cité, et d'autres textes aussi, consiste à limiter le nombre d'années de scolarisation des enfants minoritaires pour dégager un certain nombre d'années où tous les enfants minoritaires et majoritaires vont se retrouver sur les mêmes bancs des mêmes écoles. C'est un système qui est mis en pratique, mais pas chez nous. Chez nous, on a plutôt pris la deuxième voie, qui consistait à réserver, à reconnaître à l'école, au groupe minoritaire, l'ensemble des années de scolarisation depuis la maternelle jusqu'à l'université. Mais l'impératif, pour qu'il soit respecté, suppose que ce système, j'allais dire total, soit pénétré, à tous les niveaux, des valeurs, des traditions, de la culture, de la langue aussi - puisque c'est de cela qu'il s'agit beaucoup au Québec - de la société majoritaire. Il faut y arriver, je crois, parce que nos écoles anglaises ne sont pas moins des écoles québécoises comme les autres, elles ne doivent pas être un quelconque reflet des écoles anglo-canadiennes ou des écoles américaines sur notre territoire. Ce sont des écoles québécoises. Ce n'est pas facile à réaliser, je le reconnais, compte tenu d'un ensemble de facteurs qui jouent contre cela.

Pour notre part, nous avons imaginé au moins trois moyens. Il y en a peut-être d'autres. Nous les proposons à votre réflexion. Un premier consiste à donner à cette école anglaise un contenu culturel qui soit particulièrement adapté à la réalité québécoise. Un deuxième moyen consiste à donner à ces écoles anglaises un personnel compétent en matière de culture québécoise. Un troisième consiste en l'introduction, dans ce système scolaire, d'un enseignement efficace - et j'insiste sur le mot efficace - de la langue française. Voilà rapidement, si vous voulez, ce que nous voulions dire concernant

l'école anglaise du Québec.

Passons à l'école française, l'école de la majorité. Nous faisons des propositions sur deux plans. Un plan relativement au nombre, à l'effectif des élèves qui fréquentent ces écoles, et ensuite des considérations relatives au contenu, là aussi, à l'identité. Il y a un objectif social dans notre système scolaire depuis une bonne vingtaine d'années, qui est de renforcer l'effectif de l'école française, soit en fixant les francophones dans cette école, soit surtout - c'est la nouveauté - en orientant tous les nouveaux venus sur notre territoire vers les écoles de langue française. Les chiffres les plus récents tendent à montrer que cet objectif est en voie d'être atteint, grâce à l'effort collectif de tous, grâce aussi, bien entendu, à la volonté des pouvoirs publics exprimée si fortement, vous le savez, dans l'article 72 de la Charte de la langue française.

Mais cette réussite est incomplète, parce qu'il y a encore des éléments qui, en nombre relativement important, échappent à l'école française, en vertu de l'article 23 de la constitution rapatriée de 1982. Nous n'avons pas acquiescé à cet article. Nous avons dénoncé cet article à l'époque, et nous rappelons notre dénonciation, d'abord parce que si on ne le faisait pas on pourrait nous accuser d'acquiescer à l'étiolement des compétences du Québec. On pourrait nous accuser de cautionner la méthode forte en matière constitutionnelle qui a été employée contre nous, à l'époque, pour imposer l'article 23. On pourrait aussi nous accuser, en acceptant cette exception de l'article 23, d'inviter certaines forces sociales à introduire, à imaginer, à trouver, à imposer de nouvelles exceptions, comme certains, dans notre société, les réclament déjà.

Or, si la réussite est incomplète, elle est, je dirais peut-être, surtout fragile. Elle est peut-être surtout fragile parce que, quand on réfléchit bien à l'article 72, à son histoire ou à sa préhistoire, et quand on voit ce qui se passe autour de nous, je pense qu'on est obligé de constater qu'il y a encore dans notre société, peut-être pas très loin de nous en ce moment, des nostalgiques du "freedom of choice", des nostalgiques de la liberté de choix. Cela, il faut le savoir et il faut en tenir compte. Il faut réagir en conséquence. Il y a dans notre société en particulier - je crois que c'est moins évident, ce n'est pas crié sur les toits, mais je crois que c'est là, sous les choses - une mentalité qui consiste à voir quelque chose d'anormal dans cet article 72, article qui consiste à amener, vous le savez, tous les enfants des nouveaux venus et les immigrants nouveaux venus dans nos écoles à fraterniser avec nos enfants. Il y a une espèce d'anomalie. C'est un peu comme si on imposait, si vous voulez, une restriction, une capitis diminutio, à ces pauvres petits enfants d'immigrants qui sont forcés, contraints, à qui on impose, d'aller à l'école française.

Je pense qu'il faut dénoncer cette mentalité, car elle a un effet souterrain extrêmement néfaste sur l'article 72. Je pense que c'est le devoir, la mission d'un organisme comme celui dont vous êtes le titulaire, M. le ministre, de faire ce qu'il faut pour réhabiliter la noblesse, la valeur morale, la beauté de l'article 72. Ce n'est pas seulement légal, ce n'est pas seulement conforme à la loi, que les petits enfants venant de partout dans le monde viennent fraterniser avec nos enfants dans nos écoles, c'est légitime, c'est bon, c'est beau. Ce n'est pas vrai que le petit immigré, qui est dans l'école que fréquentent mon fils et ma fille, est un prisonnier, une victime, une espèce de pauvre demeuré, victime de la brutalité québécoise. Non, ce n'est pas vrai. C'est un ami, c'est un frère pour nos enfants, et c'est un allié pour le Québec - nous le savons tous - dans le très difficile combat que nous menons pour le maintien, la survie, la promotion de notre identité.

Parlant d'identité, passons au deuxième volet: l'identité de cette école française. Après tout, s'il est question d'écoles françaises, encore faut-il que ces écoles soient réellement ce qu'elles sont. Quatre remarques, rapidement, sur lesquelles on voudrait attirer votre attention. Pour que ces écoles françaises soient bien françaises, cela suppose que l'on réfléchisse au problème de la qualité de la langue parlée et écrite dans nos écoles. Des choses ont été dites, des choses sont en train de se faire. M. le ministre, et d'autres aussi, ont engagé ou annoncé des choses. Chapeau! Nous sommes parfaitement d'accord et nous remarquons d'ailleurs que, dans le projet de loi 107, l'article 19 fait référence au problème de la qualité. Nous disons bravo, mais non sans ajouter les remarques suivantes. Nous disons bravo, mais à la condition qu'on ne se lance pas, si vous voulez, dans cette bagarre pour la qualité de la langue avec des arrière-pensées élitistes ou encore avec une espèce d'idée de fuir devant les responsabilités que nous imposent, à nous, comme collectivité, le combat, l'affrontement, la concurrence des langues sur notre territoire.

Nous disons aussi que, s'il est vrai qu'il faut dénoncer le mal de la piètre qualité - appelons-le ainsi - je pense que nous avons encore au moins autant, sinon davantage, le devoir de dénoncer ceux qui profitent du mal pour mépriser le malade. Regardez notre histoire. Elle est très ancienne sur ce plan. Il y a précisément un trait de caractère dans ce sens dans notre tradition historique, culturelle et idéologique. Il y a un trait de caractère qui consiste à dire: Puisque ces gens-là ne parlent pas le français - et le premier texte que j'ai trouvé pour des recherches que j'ai faites date de 1806 - pourquoi apprendre cette langue? Cela a tendance, d'abord, à rendre difficile le combat que les francophones mènent pour leur langue et, surtout, à justifier l'unilinguisme des anglophones. Il suffit de se promener dans les rues de Montréal, et ailleurs aussi sans

doute, pour constater que cette mentalité n'est pas très, très loin de la surface des choses. Première idée: qualité de la langue.

Deuxième idée: contenu de l'école française. Je pense qu'il faut tous reconnaître, tant que nous sommes ici, que la société québécoise est une société, et non pas une quelconque sous-société d'un groupe plus vaste. Une société, c'est-à-dire un organisme qui se suffit à lui-même et qui ne recherche pas son contenu, ses références, dans une autre société. L'école québécoise est l'école d'une société. Ce n'est pas l'école de l'imitation. Ce n'est pas l'école du mimétisme, de ce qui se passe à côté de nous. Et, une bonne façon de contrer cette tentation que nous avons peut-être dans certains milieux de jouer le mimétisme des écoles des voisins, c'est peut-être d'ancrer le contenu de nos écoles dans une francophonie millénaire, multicontinentale et multi-ethnique.

Troisième chose sur laquelle nous voulons insister rapidement - je sais que le temps passe - c'est une chose qui existe. On n'en connaît pas exactement l'importance, mais on la connaît tous, pour en avoir entendu parler - je sais bien que peut-être les journaux s'amusent à nous piquer à ce sujet - c'est la place de la langue anglaise dans nos écoles françaises. Je pense qu'on s'entendra facilement ici pour reconnaître que cette place doit être, bien entendu, celle d'une langue enseignée et bien enseignée, mais pas du tout la place d'une langue d'usage, d'une langue de communication plus ou moins courante dans nos écoles, comme certains prétendent que la chose se produit. Je sais bien que c'est délicat et pour s'attaquer à cet aspect des choses, il y a un doigté qu'il faut trouver, mais peut-être peut-on faire confiance au ministère actuel pour trouver le ton juste sur ce plan.

Enfin, en ce qui concerne l'identité de l'école française, il nous apparaît que la meilleure façon de veiller à donner le contenu que nous souhaitons donner à nos écoles françaises, c'est de faire en sorte que ces écoles agissent, vivent, enseignent dans un cadre qui soit franco-québécois. Voilà pourquoi il nous apparaît que ce qu'on appelle les écoles franco-protestantes ne correspond pas exactement à ce que nous avons à l'esprit, et nous souhaitons qu'il ne se trouve plus d'écoles françaises sous la responsabilité administrative de commissions, quels que soient leurs noms, leurs titres et leurs fondements, dominées, numériquement ou autrement, par les anglophones. (11 h 45)

En conclusion de notre mémoire, nous voudrions rappeler rapidement les propositions ou les idées qui sont apparues tout au long de notre texte. Il y en a trois qui sont apparues relativement à l'école anglaise, que je mettrais rapidement sous le drapeau de la pénétration des valeurs québécoises (la langue, la culture, etc. ) dans cette école anglaise. C'est - je les rappelle rapidement, vous les trouvez à la page 24 - un contenu adapté, un personnel compétent, compétent non pas seulement ès matière chimique, mais ès matière québécoise, ès culture québécoise, ès tradition, es réalité, ès littérature québécoise, et un enseignement efficace du français. On sait que le bât blesse; d'autres que nous l'ont même déjà reconnu.

Ensuite, il y a sept propositions concernant l'école française que je mettrais sous le chapeau, sous le drapeau de la force d'attraction de l'école française. Deux concernent le nombre, l'effectif de cette école; c'est la proposition no 4 relative à l'article 23. C'est aussi la proposition no 5 relative - je l'ai dit tout à l'heure, je pense - à cette nécessaire, nous semble-t-il faut-il l'appeler ainsi? - campagne de réhabilitation de l'article 72, de la noblesse de l'article 72. Ensuite, deux propositions relatives à la qualité de la langue. S'attaquer au bobo, c'est notre proposition no 6, mais s'attaquer encore plus - c'est notre proposition no 7 - aux détracteurs malveillants de toute une société, précisément parce que cette société aurait quelques puces sur le plan de la qualité de la langue.

La proposition no 8 concerne ce contenu enraciné dans une francophonie millénaire. La proposition no 9 est relative à la place de la langue anglaise comme langue enseignée dans nos écoles. La proposition no 10 concerne la nécessité de mettre nos écoles françaises dans un cadre administratif francophone, et non allophone ou anglophone. Mais s'il fallait résumer notre mémoire, "in a nutshell", comme on dit ailleurs, je pense qu'on attirerait l'attention des législateurs que vous êtes sur deux idées, sur deux propositions, les propositions nos 11 et 12.

La proposition no 11, c'est un peu celle qui reflète, je pense, l'esprit de ce que nous disions tout à l'heure en propos liminaires relativement à la nécessité d'englober tous les enfants du Québec dans la cohésion nationale assurée par l'école. Nous nous permettons de vous la lire, elle est à la page 27. Rassurez-vous, ce sera bientôt terminé. "Que soit reconnu à la section I du chapitre I du projet de loi 107 le droit de tout élève - je dis bien "de tout élève" - de recevoir de son école, quelle qu'en soit la langue d'enseignement, tout ce dont il a besoin pour le préparer à vivre, à travailler, à voter, bref, à prendre sa place dans une société dont le français est à la fois langue commune et langue dans laquelle le peuple québécois exprime son identité. "

La deuxième, la proposition no 12, est relative à l'enveloppe, comme on disait tout à l'heure, c'est-à-dire aux structures. Il nous a semblé que ce contre quoi il fallait non seulement se mettre en garde, mais aussi lutter, c'est la tentative du morcellement, le risque du morcellement, de l'éclatement, de l'émiettement, appelez-le comme vous voulez. D'abord, ce n'est pas simplement un risque; c'est déjà une réalité

dans notre système. Il y a déjà quatre écoles qui s'offrent à la gourmandise des enfants et des parents dans notre système scolaire sur l'île de Montréal. Les projets de loi 106 et 107 qui sont devant nous non seulement ne luttent pas contre ces tendances à l'émiettement mais les aggravent. C'est pourquoi nous formulons la proposition no 12. "Le Mouvement Québec français demande que les projets de loi soient conçus de façon à simplifier et unifier davantage le système scolaire québécois. Il s'oppose, pour cette raison, à toutes les dispositions qui auraient pour effet de l'émietter encore davantage. " Dans cet esprit, le Mouvement Québec français demande "qu'avant d'adopter ces projets de loi, le gouvernement du Québec obtienne que soit levée l'entrave que constitue pour son action sur ce plan l'article 93 du BNA Act".

Messieurs, mesdames, je vous remercie de l'attention que vous avez bien voulu porter à la présentation du mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Bou-thillier, merci beaucoup. Je rappelle aux membres de cette commission que nous allons tâcher de terminer cette rencontre vers 12 h 15, de façon à pouvoir accueillir le prochain invité et l'entendre en vertu des règles qui nous sont prescrites. Je vous rappelle que nous sommes aujourd'hui mardi, que l'Assemblée nationale siège à 14 heures et que nos règlements nous demandent de terminer à 12 h 30.

Je reconnais maintenant le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je remercie le Mouvement Québec français de ce mémoire qu'il nous présente ce matin. Je pense que nous pouvons y trouver de nombreuses idées intéressantes. J'en discuterai quelques-unes au cours des prochaines minutes. Je voudrais cependant signaler une ou deux impressions qui me sont venues à l'esprit en entendant le résumé de M. Bouthillier et après avoir pris connaissance du texte intégral du document.

J'ai remarqué que dans le document il n'y a pas une allusion à l'Amérique du Nord. Le Québec est situé en Amérique du Nord, dans un continent qui baigne dans la culture anglo-saxonne et dont la langue, fortement majoritaire, demande que nous nous adaptions aussi a cette réalité, surtout dans une période où nous allons dans un régime de libre-échange. Il me semble que le document traduit une atmosphère un petit peu coupée de cette réalité. Comme personnel politique, nous devons en tenir compte.

Deuxièmement, je signale les progrès que le Québec a accomplis dans la poursuite de l'objectif que nous partageons avec vous, le français langue commune à toute la population québécoise. Tout d'abord, en matière scolaire, comme vous l'avez dit, l'application ferme et en même temps compréhensive que le gouvernement fait de la loi 101 nous permet d'accomplir chaque année des progrès substantiels au point que, pour l'année 1987-1988, nous estimons que la clientèle de nos établissements primaires et secondaires est à 90 % française, inscrite dans des écoles françaises, tandis que, si on regarde la proportion des francophones dans l'ensemble de la population du Québec, elle s'établit à environ 83 % ou 84 %. Par conséquent, le monde scolaire est fortement en avance sur la réalité démographique au Québec et je pense que nous avons d'autant plus lieu de nous en réjouir que ceci se fait avec un minimum d'aspérités. Les discussions âpres et les situations irrégulières que nous avons vécues pendant des années sont maintenant toutes réglées. Je pense que nous faisons l'application quotidienne de la loi 101 dans un climat de compréhension et, en même temps, dans un climat de fidélité aux objectifs fondamentaux sur lesquels nous sommes d'accord et qui me paraissent s'imposer.

J'insiste aussi pour signaler qu'à mon point de vue la perception que vous présentez de la minorité anglophone a quelque chose de déficient quelque part. C'est une minorité organisée, constituée, qui a ses exigences et ses attentes aussi. On peut bien dire ce qu'on en pense quand elle n'est pas là, mais on est obligés de transiger avec elle quand elle est en face de nous. La position du gouvernement actuel est que cette communauté a droit à ses institutions. Elle a aussi le droit d'avoir la gouverne de ses institutions en matière scolaire, hospitalière et en matière de services sociaux, comme nous demandons que ce soit le cas pour les minorités francophones dans les autres provinces du Canada. Cela n'enlève pas l'objectif fondamental qui vise à ce que le français devienne langue commune pour tout le monde. À cet égard, je souligne que la connaissance du français chez les membres de la communauté anglophone accuse des progrès considérables depuis la dernière décennie au point que, si les choses continuent comme elles vont, les bilingues se retrouveront plus du côté anglophone et nous souffrirons de carences sérieuses pour faire face aux défis de l'Amérique du Nord. Le gouvernement ne peut pas ignorer ceci.

Vous reconnaissez que l'anglais peut être enseigné comme langue seconde et qu'il doit être enseigné comme langue seconde efficacement, et non seulement au même titre que n'importe quelle langue étrangère. C'est la langue de la minorité, c'est l'autre langue officielle au Canada et c'est la langue majeure de l'Amérique du Nord. On ne peut pas dire simplement: Comme n'importe quelle autre langue. Il me semble que c'est plus que ça. En tout cas, pour des personnes qui militent sur le plan politique et qui veulent gagner la confiance de la population, il faut mettre un petit peu plus. Ce sont des nuances que je vous signale en toute cordialité pour ensuite discuter d'autres points de votre mémoire.

Vous parliez de l'école anglaise. Le régime pédagogique, vous le savez, est le même pour toutes les écoles au Québec. Il n'y a pas un régime pédagogique pour les écoles anglaises et un régime pour les écoles françaises; c'est le même régime pédagogique pour tout le monde. Évidemment, il y a des adaptations dans les programmes mais les programmes de base sont les mêmes pour tout le monde; même que cela a été l'un des grands sujets de récrimination de la part des responsables des écoles anglo-protestantes ces dernières années. Ils trouvaient qu'on ne leur donnait pas assez de marge et c'est pour cela qu'ils nous poursuivent actuellement jusqu'en Cour suprême. Comme vous le savez, il y a en Cour suprême, présentement une cause traitant du régime pédagogique. Ceci pour vous dire que vous nous demandez de veiller à ce que le régime pédagogique des écoles anglaises soit adapté à la réalité québécoise et c'est ce que nous essayons de faire par les programmes. Peut-être ne réussissons-nous pas aussi bien que nous le souhaiterions, mais c'est vraiment l'objectif que nous poursuivons.

Dans votre mémoire vous avez souligné les deux dernières recommandations. Je vais prendre la recommandation numéro 10. Vous demandez "que soit retirée au secteur protestant - comme à toute commission confessionnelle dirigée par des anglophones - la possibilité de recevoir dans ses écoles des élèves qui, en vertu de la loi, doivent recevoir l'enseignement en français." Vous nous posez là un problème majeur.

La solution que préconise le projet de loi 107 est l'institution de commissions scolaires linguistiques. Si nous avons des commissions scolaires linguistiques, nous levons cette difficulté sans violer les droits de quiconque. Aussi longtemps que nous sommes en régime de commissions scolaires confessionnelles, c'est bien difficile d'empêcher des parents de se déclarer protestants et d'envoyer leurs enfants aux écoles protestantes. Ils doivent recevoir l'enseignement en français si les parents ne répondent pas aux exigences de la loi 101 à ce sujet. Vous dites qu'il ne faudrait pas que ce soient des commissions scolaires contrôlées par des éléments anglophones.

Je pense que la solution est de remplacer les commissions scolaires confessionnelles que nous avons actuellement par des commissions scolaires linguistiques. S'il arrive un problème, vous dites: Ne faites rien tant qu'il n'y aura pas d'amendement constitutionnel. Nous disons: Selon nous, nous avons une grande marge de liberté, même constitutionnelle, pour réaliser cet objectif sur la très grande partie du territoire du Québec. N'est-ce pas mieux de réaliser cette partie de l'objectif dès maintenant, quitte à compléter à mesure que nous aurons précisé la situation sur le plan constitutionnel ainsi que les perspectives d'action?

Je vous souligne qu'il est bien facile de dire dans une réunion du Mouvement Québec français ou même du Parti québécois, qu'on enlève une clause aussi délicate que l'article 93 de la constitution, mais quand on veut aller le négocier, c'est plus compliqué. J'ai eu l'occasion, à maintes reprises au cours des dernières semaines, de dire à la représentante du Parti québécois que pour aller négocier avec des chances de succès il faut savoir exactement ce qu'on veut.

Je vous demanderais deux choses: Est-on mieux d'attendre cela avant de faire quoi que ce soit? Deuxièmement, vous contenteriez-vous d'effacer d'un trait de plume l'article 93? Que feriez-vous des droits religieux garantis par cet article? Ce sont mes deux questions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Bou-thillier.

M. Bouthillier: Oui. Il y a quand même eu d'autres remarques avant. La minorité anglophone, c'est une minorité bien sûr, on est bien d'accord là-dessus. Mais l'esprit de notre mémoire est de dire qu'il ne faut pas que cette minorité soit coupée de la majorité. Il ne faut pas qu'elle se comporte comme si elle était le simple prolongement ou une greffe sur le corps de la majorité anglo-canadienne. Elle est composée d'éléments québécois, de Québécois. Cette minorité anglophone ne doit pas être coupée de la majorité francophone.

Or, chacun peut avoir sa perception là-dessus mais, pour avoir vécu et pour vivre encore à Montréal, on sait très bien que les deux solitudes, ce n'est pas une histoire de 1945, c'est aussi une histoire de 1985 et 1988 et, avec un projet de loi comme celui-là, probablement encore davantage. Première remarque: Que cette minorité ne soit pas coupée de la majorité.

Vous parliez du bilinguisme des petits écoliers anglophones, bien sûr, mais je vous signale qu'Alliance Québec ne pense pas exactement ce que vous pensez là-dessus. Rappelez-vous ce qu'ils vous disaient le 27 février 1988, sinon à vous, M. le ministre, au gouvernement. On peut lire qu'il n'existe aucune reconnaissance officielle de la nécessité absolue de dispenser aux élèves d'expression anglaise une formation adéquate en français langue seconde. Sans une telle reconnaissance, les jeunes d'expression anglaise affronteront un obstacle sérieux à leur participation au marché du travail québécois." Les écoles anglaises, disent-ils en substance, risquent de devenir un cul-de-sac pour ceux qui les fréquentent, un cul-de-sac sur le plan économique, difficulté de participer au marché du Québec.

Mais il y a aussi un autre cul-de-sac dont on ne parle pas: les écoles, ce n'est pas simplement pour fabriquer des travailleurs, c'est pour fabriquer des citoyens. Il faut que ces écoles soient adaptées, justement, à cet esprit civique commun dont je parlais au début. Je voulais quand même attirer votre attention là-dessus,

vous rappeler... Vous savez qu'il y a dans la loi 101, comme il y avait déjà dans une loi précédente qui s'intéressait au statut des langues, un article 84 qui attire justement l'attention sur l'importance d'enseigner le français aux petits anglophones. J'aimerais qu'un ministère comme le vôtre s'assure, puisque Alliance Québec nous dit que ce n'est pas le cas... Alliance Québec nous dit que l'article 84 n'est pas vraiment appliqué. J'aimerais bien que le ministère de l'Éducation me dise comment il va répondre favorablement à Alliance Québec. (12 heures)

En ce qui concerne l'enseignement de l'anglais dans les écoles françaises, c'est évident, je pense que cela va de soi. Personne n'a jamais remis en cause le fait qu'il est nécessaire, indispensable, utile, enfin, tout ce que vous voudrez, d'enseigner l'anglais, non pas parce que c'est la langue de la minorité, mais parce que c'est la langue de tous ces peuples amicaux et si affectueux qui nous entourent. Bon. L'enseignement de l'anglais dans nos écoles françaises, aucun problème. La pratique, la pénétration, semble-t-il, je ne sais pas, mais je vais dans les écoles et j'entends... Mais ce ne sont toujours que des impressions. Je vois bien qu'il y a peut-être un peu plus tous les jours, qui sait, une présence de l'anglais comme langue non pas qu'on étudie dans les salles de cours, mais qui devient la langue des comportements et des attitudes. Je vous mettrai en fait. Je vais, moi, chercher mon fils tous les jours à l'école et il va m'arriver un jour sur cinq de ne pas rencontrer un, deux, trois, dix l'autre jour... Ils étaient dix en groupe, parlant anglais. Ce n'est pas une école anglaise. C'est une école française fréquentée jadis par Pierre Elliott Trudeau et par Robert Bourassa.

Et les écoles publiques, on a des anecdotes, des témoignages, des réactions, que voulez-vous, ni vous ni moi ne passons notre journée entière dans les écoles. Peut-être serait-il temps de faire faire une enquête. Vous avez les moyens de la faire faire plus que nous.

Maintenant, en ce qui concerne l'Amérique du Nord, vous avez commencé votre propos en disant: C'est l'Amérique du Nord. Monsieur, l'Amérique du Nord c'est un peu comme Dieu le Père. Il est partout, mais personne ne le volt. Mais il est partout. Il est partout dans notre mémoire. Ce mémoire n'aurait aucun sens s'il n'y avait pas l'Amérique du Nord anglophone. Relisez, faites abstraction de l'Amérique du Nord et cela devient un document lunaire et lunatique. Mais je pense que le document ne prend précisément son sens que parce qu'il y a cette Amérique qui nous entoure. Mais vous savez, Dieu le Père, vous le connaissez mieux que moi. Bon, très bien. En ce qui concerne...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Bou-thillier, juste une petite intervention. Je dois vous rappeler que nous sommes quand même limités par le temps et je dois reconnaître l'Opposition aussi.

M. Bouthillier: Oui. Simplement une dernière...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous invite à essayer de synthétiser...

M. Bouthillier: Simplement une dernière remarque...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.

M. Bouthillier: ...concernant l'article 93. Non, on ne veut pas le raturer d'un trait de plume. On peut quand même regretter que vous n'ayez pas profité du rapport de forces favorable qui était le vôtre, que vous aviez créé en 1987 autour de ce lac qui s'appelle Meech, pour au moins annoncer que vous alliez le faire et peut-être même l'exiger. Vous l'auriez sans doute obtenu car, au fond, vous dites: Bien sûr, c'est formidable, on veut faire des structures linguistiques. Oui, sauf à Montréal dans l'immédiat, là où le problème se pose. Vous savez très bien - vous le savez peut-être encore plus depuis quelques semaines, quelques mois - comment il est difficile d'amener un Canada anglais qui a l'air de dire "de toute façon, les Québécois se contentent de bien peu", à changer. Moi, ce que je crains comme la peste, c'est qu'on n'en arrive à une situation où notre carte scolaire, notre réalité scolaire, notre monde scolaire soit une espèce de juxtaposition de petits mondes séparés les uns des autres et qui se regardent très agressivement.

Je terminerai là-dessus, si vous voulez. Vous me permettrez quand même - c'est aussi un peu une manière d'exprimer toute l'idée de notre inquiétude et l'idée qui est derrière notre mémoire - de vous lire le texte qui est en toute première page en exergue: "II était une fois un paradis de la liberté et de la paix scolaires. Chaque ethnie y avait sa langue, chaque religion son quartier, chaque rite son école, chaque préau sa milice. Ce pays s'appelait le Liban." M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Bouthillier. Je reconnais maintenant la porte-parole de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci. M. Bouthillier, messieurs, c'est avec beaucoup de plaisir que je vous accueille à cette commission parlementaire. Je pense que c'est un des premiers mémoires qui nous trace un portrait, je dirais impressionniste, de la réalité des écoles québécoises, et j'allais dire aussi saisissant. En même temps, vous ne vous contentez pas de tracer ce portrait, vous apportez des solutions concrètes et réalisables. Il me semble qu'elles devraient retenir l'attention

du ministre.

En gros, ce que vous nous dites, c'est qu'on a des écoles anglaises et on a des écoles françaises, c'est un fait. On devrait au moins s'assurer que toutes les écoles françaises soient dirigées par des commissions scolaires à majorité française; ce serait un minimum. Cependant, ce dont on devrait s'assurer par-dessus tout, c'est que ces différentes écoles véhiculent la même culture, soient des lieux d'unification, de transmission de la culture et, pour cela, qu'elles se fondent sur l'histoire du Québec, sur ses auteurs, ses écrivains et ses institutions. Je pense que c'est réaliste. Au moins, on pourrait faire ce bout de chemin pour rendre l'école anglaise un peu plus québécoise.

J'ai été particulièrement frappée... On le sait, vous l'avez justement rappelé au ministre, on baigne dans une culture nord-américaine qui risque de nous envahir et non le contraire. On risque peu de modifier la culture nord-américaine. Elle est omniprésente et, en ce sens, il est juste de constater que l'école anglaise est anglo-canadienne, nord-américaine, anglo-américaine, mais qu'elle n'est pas québécoise. Je pense que vous le soulignez avec beaucoup de justesse. Je pense qu'effectivement, cela pourrait être une façon très concrète de créer un peu plus d'harmonie entre ces différentes écoles.

Lorsque vous invitez le ministre, comme l'a fait d'ailleurs la très grande majorité des intervenants - on fera le décompte au terme de cette commission parlementaire - à négocier l'article 93, le ministre dit: Écoutez, nous avons la liberté constitutionnelle - je le cite - d'établir des commissions scolaires linguistiques sur la très grande partie du Québec. Vous dites que c'est précisément là que cela ne fait pas problème, mais que cela fait problème dans la grande région de Montréal. Ce qui est plus grave, c'est que ce n'est pas certain qu'on ait cette liberté constitutionnelle. Je pense que c'est aujourd'hui même ou cette semaine qu'on va entendre un groupe nous faire la démonstration qu'il n'est pas sûr qu'on ait la liberté constitutionnelle d'établir des commissions scolaires linguistiques sur tout le territoire du Québec...

M. Ryan: On va aller devant les tribunaux, bien oui.

Mme Blackburn: ...pas plus qu'on avait, semble-t-il, selon le jugement qui a été rendu, cette liberté de réduire les territoires des commissions scolaires confessionnelles aux territoires d'origine.

Lorsque le ministre.... Et je m'invite et à plusieurs reprises.... Qu'est-ce qu'il faudrait négocier à l'article 93? Au moment où l'on tenait une commission parlementaire sur l'entente du lac Meech, il y a eu une proposition claire déposée par l'Opposition pour ajouter aux objets qui devaient être négociés à l'occasion de cette entente. Je me permets de le rappeler au mi- nistre, je l'ai ici. La modification était la suivante: L'article 2, tel qu'introduit par l'article 1 de la motion présentée par le premier ministre, est modifié par l'insertion après le paragraphe 3 du paragraphe suivant, et je lis: "La Législature du Québec a le pouvoir exclusif de légiférer en matière linguistique et aucune contestation juridique de l'exercice de ce pouvoir fondé sur le deuxième alinéa de l'article 133 de l'Acte constitutionnel de 1867 ainsi que sur les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés ne peut être accueillie par un tribunal." C'était clair, sauf que cela n'a pas été jugé suffisamment prioritaire pour que le gouvernement actuel fasse sienne cette proposition de modification.

Le ministre nous dit - je pense qu'il faut corriger cette impression qu'il laisse lorsqu'il affirme cela et, comme ce n'est pas la première fois, vous allez me permettre de relever cette affirmation - que cela va beaucoup mieux avec la loi 101. On retrouve actuellement, inscrits dans les écoles françaises, 90 % des élèves du Québec. Ce qu'il ne dit pas, en même temps, c'est qu'une partie importante des allophones et des francophones, de plus en plus, se retrouvent dans des écoles gérées par des anglophones. Qui plus est, on a des écoles au Québec où on retrouve à la fois dans la même école un secteur français et un secteur anglais, et toute la direction est anglophone. Je ne pense pas qu'on ait fait beaucoup de chemin. Vous l'avez justement souligné dans ce mémoire. Cela n'a pas comme effet de créer un sentiment d'unité et d'appartenance à la culture québécoise.

Vous nous faites un certain nombre de recommandations touchant, plus particulièrement, des manières de faire ou des modifications au régime pédagogique - ou même pas au régime pédagogique - probablement des directives, une bonne volonté, un certain nombre d'incitatifs qui auraient comme effet de rendre l'école anglaise un peu plus proche de la réalité québécoise. Vous savez, beaucoup de groupes viennent dans une commission parlementaire et on rencontre des gens qui viennent défendre des opinions souvent assez semblables, quelquefois divergentes, et nous avons eu, la semaine dernière, un représentant d'une commission scolaire protestante dont le porte-parole était d'origine française et qui défendait, lui, tout à fait l'inverse de ce que vous défendez: Toutes nos écoles auraient pu être facilement très nord-américaines si on s'assurait que toutes les directions soient anglophones ou à peu près. Cela finissait par ressembler à cela. C'était vraiment la solution de l'avenir. Est-ce qu'on a déjà vérifié - moi, je ne l'ai pas fait - si les écoles anglophones étaient prêtes à s'ouvrir davantage à la réalité québécoise et dans quelle mesure elles le sont? Dans quelle mesure utilise-t-on nos auteurs, fait-on référence à notre culture, à notre histoire et dans quelle mesure est-on prêt à s'y ouvrir? Est-ce qu'on a déjà...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Bou-thillier ou quelqu'un qui vous accompagne.

M. Bouthillier: Tel ou tel de mes collègues, oui, je pense.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur. Allez-y, vous allez avoir le son automatiquement.

M. Bessette (Emile): Malheureusement, nous avons très peu d'information précise et générale sur ce point-là. Nous le déplorons. D'autre part, ce n'est pas facile, d'aller chercher cette information. Vous comprenez comme moi que tout le monde n'est pas nécessairement disposé à donner cette information, dans certains cas. C'est un problème sérieux.

Je crois que le ministère de l'Éducation, que j'appellerais volontiers le ministère de l'éducation nationale, mais enfin... Le ministère de l'Éducation, puisqu'il a à s'occuper des orientations générales de l'école, devrait trouver le moyen - il peut en avoir les ressources - de répondre avec une certaine précision à cette question. Tant que cela n'est pas fait, nous sommes livrés à des impressions. Je veux bien vous livrer les miennes, mais ce sont des impressions. J'enseigne à l'Université de Montréal. Je reçois, n'est-ce pas, des étudiants en première année. Ces étudiants viennent de différentes institutions. On se rend bien compte que les étudiants, les commençants, les étudiants de première année à l'université, qui viennent d'écoles françaises gérées par des commissions anglophones, n'ont pas le même corpus culturel que les autres. Mais, c'est vrai aussi pour d'autres types d'écoles. Enfin, ils n'ont pas le même corpus culturel. Que voulez-vous, je ne veux pas conclure quoi que ce soit à partir d'impressions trop fragmentaires, mais il me semble que le ministère de l'Éducation pourrait enquêter, par exemple, sur le corpus des références culturelles, autrement dit, le corpus des oeuvres littéraires étudiées dans toutes les écoles françaises, qu'elles soient sous direction protestante ou catholique. On peut très bien procéder à cet inventaire. Mais je dois dire qu'un organisme comme celui que je représente, l'Association québécoise des professeurs de français, qui est un organisme parfaitement et purement bénévole, n'a pas les ressources pour faire cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé): La dernière intervention de Mme la députée.

Mme Blackburn: Oui, merci, M. le Président. Je pense que vous avez soulevé... Parlant de possibilité d'enquête sur le corpus des références culturelles utilisées dans les écoles françaises dirigées par des commissions scolaires protestantes anglophones, vous avez également parlé d'enquête sur ce qui serait devenu je ne dirais pas une pratique courante, mais suffisamment courante pour qu'on commence à s'en inquiéter, le fait que dans plusieurs écoles, dans des écoles de la CECM en particulier, l'anglais soit devenu un peu la langue de communication lorsqu'on sort des salles de cours. Je remarquais tout à l'heure que le ministre hochait la tête, mais j'aimerais connaître son opinion là-dessus. Vous savez, le fait français au Québec ne sera jamais acquis. Je me permets de rappeler les propos de la présidente de l'Alliance des professeurs de Montréal, qui disait: C'est un peu comme les digues dans les Pays-Bas; ce n'est pas parce qu'un jour vous n'avez pas de marée que vous allez enlever votre digue et ce n'est pas parce que vous faites semblant que la mer n'est pas là que cela va vous empêcher de la voir monter et gruger votre rivage.

Je suis toujours étonnée que le ministre ne soit pas plus prompt à réagir lorsqu'on le questionne sur l'état de la situation dans les écoles françaises gérées par la PSBGM, lorsqu'il s'agit de prendre des sanctions dans le cas d'une commission scolaire dans le Nord-Ouest québécois qui déroge de façon évidente à la loi sur la langue d'enseignement, sur les cas de glissement qui ont des effets absolument déplorables quant à la qualité de l'enseignement, d'abord, mais aussi à l'identification et à l'identité des jeunes Québécois.

Vous avez raison de vous inquiéter, comme le faisait d'ailleurs le mémoire précédent, des dérogations que le ministre a accordées sous un prétexte humanitaire. C'est probablement ce qui finit par nous donner l'impression que c'est inhumain d'envoyer les jeunes à l'école française. On dit: "C'est faire preuve d'humanisme et être humain que de dire qu'on accorde des dérogations en vertu de la langue d'enseignement." Comme si l'humanisme du ministre se démontrait par l'intégration à la communauté anglophone alors que tout devrait nous amener à conclure que, si on est humain, il s'agirait précisément d'amener les personnes, en leur donnant les meilleures conditions possible pour ce faire, à s'intégrer à ia majorité, si on y croit encore à cette majorité et, là-dessus je partage tout à fait votre propos. C'est ce genre d'attitude qui laisse l'impression que c'est une punition que d'obliger les allophones à fréquenter les écoles françaises.

Écoutez, je vous remercie de votre mémoire. J'espère que les propositions que vous avez mises sur la table seront sérieusement prises en considération et je souhaite avec vous qu'un jour le ministre prenne quelques sous pour aller voir d'un peu plus près ce qui se passe effectivement dans les écoles du Québec, plus particulièrement en ce qui a trait à la qualité de l'enseignement du français ainsi qu'à la qualité de l'encadrement et de la formation donnée par les commissions scolaires protestantes à nos jeunes francophones qui les fréquentent. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci,

Mme la députée. M. le ministre pour une brève conclusion.

M. Ryan: Je remercie les représentants du Mouvement Québec français des opinions qu'ils sont venus nous présenter. Je voudrais simplement rappeller à M. Bouthillier, avant qu'il nous quitte, qu'actuellement il faut voir la situation dans son ensemble. Dans les écoles françaises du Québec, nous avons 6000 enfants anglophones, c'est-à-dire qui pourraient être admis à l'école anglaise en vertu de l'article 72 mais que leurs parents envoient volontairement à l'école française. Et, dans les programmes d'immersion française des écoles anglaises, surtout des écoles anglaises dirigées par des commissions scolaires protestantes, il y a 26 000 enfants qui sont présentement inscrits à des programmes d'immersion. Par conséquent, le travail est très avancé de ce côté-là. C'est ce que je veux vous faire comprendre. Le travail est très avancé et ces commissions scolaires l'ont fait sans recevoir de ressources spéciales de la part du ministère de l'Éducation. Elles l'ont fait a l'aide des ressources ordinaires dont elles disposaient et je tiens à les en féliciter. Je pense qu'elles ont accompli un travail très, très valable à ce point de vue.

Et je dois vous dire, malheureusement, que l'apprentissage de la langue seconde dans les écoles françaises traîne de la patte par comparaison. Nous avons la responsabilité de voir à tous les aspects de ces questions extrêmement délicates et nous essayons de le faire de la manière la plus consciencieuse possible. Maintenant je signale que ce que vous essayez de faire croire quant aux dispositions écrites dans la loi 101 pour les cas qui présentent des circonstances exceptionnelles au point de vue familial ou personnel, je pense que c'est vraiment charroyer et faire de la démagogie. On avait un nombre très limité de cas qui nous ont été référés par la commission d'appel. Les procédures sont garantes d'une objectivité véritable...

Le Président (M. Parent, Sauvé): En conclusion, M. le ministre.

M. Ryan: ...et, finalement, je pense que nous appliquons la loi avec les résultats que nous observons tous et, en même temps, en mettant un peu plus d'humanité dans le traitement des cas individuels. Et j'en suis fier.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, merci, M. le ministre. Merci, M. Bouthillier. La commission suspend ses travaux pour quelques secondes et nous accueillerons immédiatement après le Comité de la protection de la jeunesse. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 22)

(Reprise à 12 h 23)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission accuse plus qu'un certain retard. J'invite donc les membres de la commission à prendre place.

S'il vous plaît, à l'arrière de la salle! À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux. Nous accueillons le Comité de la protection de la jeunesse représenté par M. Dowie qui en est le président.

M. Dowie, nous vous remercions d'avoir bien voulu répondre à l'invitation des membres de cette commission en nous faisant parvenir votre mémoire et aussi en vous faisant l'obligation de venir nous le présenter personnellement. M. Dowie, la commission permanente de l'éducation a prévu vous entendre ce matin. Nous nous excusons parce que nous avouons humblement avoir pris du retard sur notre horaire. J'ai demandé le consentement des deux formations politiques de façon à pouvoir dépasser l'heure prévue où nous devions ajourner nos travaux, soit 12 h 30. Nous pourrons donc discuter à notre aise de votre mémoire avec les membres de l'Opposition et les membres du parti ministériel que j'invite à se joindre à nous.

M. Dowie, si vous voulez bien nous présenter votre mémoire et, ensuite, nous enchaînerons avec la discussion. Monsieur.

Comité de la protection de la jeunesse

M. Dowie (Vaughan): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. et Mmes les députés.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Excusez-moi, M. Dowie. À l'ordre, s'il vous plaît, à l'arrière de la salle! L'audience a débuté et nous écoutons M. Dowie. Monsieur.

M. Dowie: Je pense, M. le Président, que je suis capable de faire un résumé de notre mémoire dans à peu près deux minutes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Soyez bien à l'aise.

M. Dowie: Pardon?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Sentez-vous bien à l'aise. Sentez-vous bien libre.

M. Dowie: D'accord. Comme vous le voyez, nous avons un mémoire de seulement cinq pages et ce ne sera pas difficile de le résumer. Dans ces cinq pages, on a fait trois recommandations. La première, c'est une recommandation que le comité a faite en 1983 et en 1984, lors de l'étude des lois 3 et 40, pour inscrire que la Loi sur l'instruction publique bannit l'utilisation de punitions corporelles dans les écoles québécoises.

Je pense qu'on voit de moins en moins cette pratique, mais, malgré cela, nous pensons que, dans la section des droits de la Loi sur l'instruction publique, il doit y avoir une déclaration assez ferme à cet égard.

La deuxième recommandation que nous faisons concerne les recours possibles pour un élève ou un parent qui pense que son droit n'a pas été respecté dans le cadre de la Loi sur l'instruction publique. J'imagine que les députés se souviendront des lois 3 et 40 où il existait la possibilité d'un recours au Protecteur du citoyen, un recours qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi actuel. Nous avons repris cette idée, pour votre délibération, d'utiliser ce recours au Protecteur du citoyen ou à d'autres organismes, et même d'avoir la possibilité de premier recours dans une commission scolaire comme telle, mais d'avoir toujours le droit de faire appel à une instance à l'extérieur du système d'éducation pour les personnes qui croient que leurs droits ont été lésés, droits qui étaient encore encadrés par la Loi sur l'instruction publique.

La troisième recommandation qu'on a faite concerne le comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage.

L'article 167 de la loi donne la possibilité aux commissions scolaires d'intégrer à ce comité des organismes qui ont une expérience dans ce domaine. Nous avons pensé qu'il serait mieux d'avoir au moins comme responsable le directeur de la protection de la jeunesse ou un délégué, pour être sûr que les gestes posés par le directeur de la protection de la jeunesse et ceux posés par la commission scolaire, dans leur région, soient amenuisés.

En résumé, c'est notre mémoire. Ce sont les recommandations qu'on a faites à la suite de l'étude du projet de loi 107.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie encore une fois, M. Dowie, de vous être dérangé et d'être venu apporter un éclairage de plus aux membres de cette commission qui étudient ce projet de loi.

Je reconnais immédiatement le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Ryan: Oui. Il me fait plaisir, M. le Président, de saluer la présence parmi nous du directeur du Comité de la protection de la jeunesse. Je veux le remercier de l'intérêt qu'il a porté au projet de loi 107 et des suggestions qu'il nous apporte. Je voudrais les commenter brièvement.

La première proposition, concernant une interdiction formelle de toute punition corporelle, me rappelle un débat que nous avions eu en commission parlementaire lors de l'étude du projet de loi 3. Le président de la commission s'en souviendra très bien. Les autres députés parmi nous sont malheureusement plus jeunes et le député de Shefford n'était pas à la commission lorsque nous avons discuté ce sujet.

Je me souviens que, du côté de l'Opposition du temps, nous avions soutenu cette position. Le gouvernement s'était opposé à notre recommandation par l'entremise de son représentant qui était, à l'époque, M. Yves Bérubé. Nous avions réussi à déclencher un vote inattendu dont le résultat avait été favorable à l'Opposition.

Par conséquent, pour l'abolition des punitions corporelles, nous n'avons, pas introduit cette disposition dans le projet de loi, mais vous nous rappelez des souvenirs très intéressants. Nous allons examiner la possibilité de tenir compte de votre suggestion. Personnellement, j'incline de ce côté. Je consulterai nos services compétents, au ministère de l'Éducation, avant que nous prenions une décision. Mais je vous remercie de nous avoir rappelé ce sujet qui avait soulevé beaucoup d'animation lors des débats autour de la loi 3.

Vous demandez qu'on reconnaisse un recours à l'élève dans le cas où ses droits ne seraient pas respectés. Ce recours pourrait prévoir une première instance interne au ministère de l'Éducation ou de la commission scolaire. Ensuite, peut-être au niveau du Protecteur du citoyen. La tendance du gouvernement est de se méfier un peu de l'institution de recours mécanique qui multiplie les instances bureaucratiques ou qui grossit les appareils destinés à ces fins. Alors que les ressources que nous avons, pour les services de première ligne, ont été de plus en plus limitées ces dernières années, on ne veut pas trop grossir les appareils qui sont à l'arrière et qui surveillent si vous agissez comme il le faut sur la ligne de feu.

Mais, à l'intérieur de la commission scolaire, il devrait y avoir possibilité de trouver des solutions à ce problème. Finalement, quand une commission scolaire ne s'acquitte pas bien de son devoir, il y a toutes sortes de mécanismes de recours qui sont prévus auprès du ministre de l'Éducation et que les citoyens exercent de toute manière parce qu'ils le savent. C'est leur perception la plus simple et la plus concrète qu'il y a un responsable, finalement, qui répond du système d'enseignement au Québec. C'est le ministre de l'Éducation. Très souvent, le ministre de l'Éducation est saisi de problèmes qui ne le concernent même pas et qu'il s'empresse de référer, à ce moment, aux autorités compétentes. De toute manière, je pense que la suggestion que vous faites vaut la peine d'être examinée et nous allons l'étudier, surtout en fonction des deux paliers d'intervention, même des trois paliers que vous proposez.

Quant à la troisième proposition, concernant la présence du directeur de la protection de la jeunesse ou d'un de ses délégués au comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, il y a deux choses qui me viennent à l'esprit. D'un côté, je serais prêt à ce que, dans chaque cas qui relève de la compétence du

directeur de la protection de la jeunesse, sa participation soit requise au comité consultatif en question. Mais, de là à prévoir une participation obligatoire et institutionnalisée pour l'ensemble du travail du comité, il se pose encore dans mon esprit un certain nombre de questions que j'aimerais examiner attentivement. Mais la suggestion est éminemment valable et nous l'étudierons avec soin.

Je vous pose la question sur ce point: Est-ce que vous seriez satisfait si nous prévoyions dans le projet de loi que, lorsqu'il s'agira de cas relevant de la compétence du directeur de la protection de la jeunesse, celui-ci sera invité à siéger au comité sans avoir droit de vote?

M. Dowie: Évidemment, ce serait une amélioration. Le but de notre recommandation, puisque la clientèle visée par le comité consultatif est souvent une clientèle desservie aussi par le directeur de la protection de la jeunesse, est d'essayer d'institutionnaliser une normalisation des politiques et des services, afin que la clientèle qui est représentée par le directeur de la protection de la jeunese ait un mot à dire sur les programmes dans les commissions scolaires et afin d'être certain que ces programmes desservent bien la clientèle qu'ils représentent.

J'imagine que ce sera plus simple pour tout le monde, quand ce genre de discussion sera sur la table, de faire en sorte que le directeur de la protection de la jeunesse ou son délégué soit présent. Peut-être cela répondra-t-il adéquatement à nos besoins.

M. Ryan: Le recours que vous prévoyez, dans les cas où les droits des élèves seraient violés, pourriez-vous préciser comment cela pourrait s'exercer, selon vous, au niveau de la commission scolaire?

M. Dowie: La recommandation que nous avons ici a été le sujet d'un débat dans nos propres comités, avec des personnes qui relèvent des commissions scolaires. Le compromis que nous avons fait, c'est qu'il doit y avoir, dans chaque commission scolaire une personne identifiée comme défendeur - un genre d'ombuds-man - des droits. Mais je pense que les membres étaient assez clairs qu'on ne peut pas nécessairement se fier à une commission scolaire pour faire une enquête sur elle-même et pour être surtout la bonne instance pour prendre la dernière décision.

On a aussi vu la possibilité d'un autre recours à l'extérieur de la commission scolaire. Je dois dire, M. le ministre, comme président d'un organisme de surveillance, le Comité de la protection de la jeunesse étant un organisme de surveillance, que je vois évidemment l'utilité d'avoir des organismes de surveillance. Il y a un peu le même genre de lien entre nous et le directeur de la protection de la jeunesse qu'on pourrait voir entre le Protecteur du citoyen et d'autres instances qui peuvent agir comme surveillants quant aux droits des jeunes et en vertu de la Loi sur l'instruction publique.

Si je peux seulement faire le parallèle avec notre propre situation, un jeune qui n'est pas satisfait du service rendu ou dont les droits n'étaient pas protégés par un directeur de protection de la jeunesse peut toujours faire appel au ministère de la Santé et des Services sociaux. Malgré cela, le législateur, dans sa sagesse à l'époque, a décidé qu'il faut avoir un genre d'instance plus organisée et plus formelle qu'un appel au ministre pour régler des questions de lésion de droits. Nous pensons qu'avec le genre de demandes qu'on reçoit chez nous, alors qu'on n'a pas le mandat de faire enquête parce que ça ne relève pas nécessairement de nos compétences, le besoin, au moins pour nous, existe pour un genre d'instance plus formelle afin de faire ce genre d'enquêtes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Dowie. Mme la porte-parole de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous rencontrer et de vous saluer, de vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition officielle. J'ai plusieurs questions. Cela soulève des interrogations pour fins de compréhension. Mais je voudrais seulement réagir à ce que disait le ministre, ce qu'il rappelait, ce qui lui semble un moment amusant de la commission parlementaire sur le projet de loi 3 quand il disait qu'il avait eu une division entre l'Opposition et le gouvernement au moment où on parlait de respect de l'intégrité physique de l'élève. Vous savez, ils avaient gagné là-dessus, nous dit-il. C'est un amendement qui avait été adopté. Chose surprenante, on ne le retrouve pas dans le projet de loi. Ce n'est pas la première fois que cela arrive. Il avait mené une bagarre, je dirais, une lutte à finir avec le précédent ministre sur la gratuité de l'éducation des adultes et on ne retrouve pas cela non plus dans le projet de loi.

Votre mémoire, qui est bref, soulève des inquiétudes qui sont aussi les nôtres par rapport au respect des droits de l'élève. Et avec ce que vous remarquez par rapport au respect de son intrégrité physique, on a également remarqué des absences par rapport à son droit d'association. Dans le projet de loi, vous avez sans doute remarqué qu'à l'article 77 on prévoit que le "conseil d'orientation peut ester ou intervenir en justice pour assurer l'application de la présente section - cela concerne le conseil d'orientation - alors qu'on ne reconnaît pas ce droit aux parents ou à l'élève de le faire. Cela nous apparaît inacceptable et j'aurais aimé que le ministre réagisse à votre proposition de ramener les articles qui apparaissaient dans la loi 3.

En page 4 de votre mémoire, vous dites "un modèle intéressant" et vous rappelez les articles

10, 11 et 12 du projet de loi 3 qui touchaient la possibilité de l'élève ou de ses parents d'intervenir ou d'en appeler ou de recourir au Protecteur du citoyen. Le ministre dit: Écoutez, il y a des recours auprès du ministre pour faire respecter ces droits. Il y a 2500 écoles au Québec; il y a plus de 1 000 000 d'enfants dans les écoles.

Cela vient seulement illustrer ce qui inspire ce projet de loi: une ligne directe entre le ministre et l'école. De plus, il y recourt de plus en plus souvent. C'est ce qui n'est pas acceptable. En démocratie, il faut qu'il y ait... Ceux qui savent qu'ils peuvent frapper à la porte du ministre, cela peut toujours aller. D'ailleurs, ce n'est pas la responsabilité du ministre de régler le quotidien des écoles.

Je pense qu'effectivement il doit y avoir un lieu; il doit y avoir une possibilité pour les parents d'en appeler et de recourir au Protecteur du citoyen. Je pense que si le ministre a un peu de souci par rapport aux droits des personnes dans l'école, aux droits des parents et aux droits des élèves, il va réintroduire ces articles-là.

Mais j'aurais aimé comprendre... Peut-être avez-vous l'information? Moi, je ne l'ai pas. Dans l'introduction de votre mémoire, vous dites que "l'article 8 de la Loi sur la protection de la jeunesse reconnaît aux enfants (de 0 à 18 ans) le droit de recevoir des services d'éducation adéquats, avec continuité et de façon personnalisée, compte tenu de l'organisation et des ressources des établissements concernés." Est-ce que cet article fait également référence au droit de recevoir ces services d'éducation gratuitement? De zéro à...

M. Dowie: Non, Mme la députée, parce que l'article 8 est un des articles de la section des droits de la Loi sur la protection de la jeunesse. Comme cela, de la façon dont la Loi sur la protection de la jeunesse est structurée, la première partie, un peu comme dans la Loi sur l'instruction publique, c'est une énonciation des droits des jeunes. Un de ces droits est celui d'avoir un service éducatif adéquat. Mais la loi ne parle pas de la question de la gratuité dans le secteur de l'éducation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Blackburn: En parlant toujours du projet de loi, vous dites: Nous recevons, par exemple, des plaintes de parents ou d'adolescents qui ne sont pas d'accord avec un transfert ou que l'exclusion de l'école, ou encore une suspension pour une période indéterminée. Est-ce que ces plaintes sont fréquentes?

M. Dowie: Leur fréquence est relative. Je pense qu'on reçoit à peu près entre 20 et 30 plaintes par année sur des questions qui ne relèveraient pas de notre juridiction. Comme cela, nous ne pouvons pas faire enquête. Le genre de situation le plus souvent évoqué, ce sont des services éducatifs inappropriés. Par exemple, il y a le harcèlement psychologique ou d'autres mesures d'éducation pédagogique qu'on peut trouver non adéquates, et aussi la suspension d'un élève pour une période indéterminée. Cela n'est pas couvert par la loi.

Comme vous le savez, les commissaires doivent en être saisis, pour l'expulsion d'un jeune. Mais la façon dont cela se passe souvent, c'est qu'un directeur d'école suspend un jeune pour une période indéterminée, ce qui évite la possibilité que les commissions scolaires ou les commissaires soient saisis de la situation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Madame.

Mme Blackburn: En page 5 de votre mémoire, vous parlez d'une autre préoccupation générale et vous dites à deux reprises au moins: "...le Comité de la protection de la jeunesse a recommandé au ministère de nommer d'office le directeur de la protection de la jeunesse ou un de ses délégués membre du comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage." Vous dites que cela "constituerait une indication très nette d'une volonté législative d'harmoniser les interventions scolaires et sociales à l'endroit des enfants présentant des problématiques à ce point graves qu'elles commandent, dans certains cas, l'intervention du directeur de la protection de la jeunesse". Est-ce que vos interventions auprès du ministre se sont faites par le biais d'un mémoire, d'une lettre? Si je comprends bien, vous avez eu la réponse aujourd'hui?

M. Dowie: C'est cela. C'est la première intervention qu'on a faite dans cette optique et c'est la première réponse que nous avons eue.

Mme Blackburn: Donc, si vous vous présentez - parce que vous êtes un organisme gouvernemental et je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup qui se soient prévalus de ce droit de venir en commission parlementaire; je pense au Conseil supérieur de l'éducation, je pense à ces organismes qu'on n'a pas vus ici, en commission parlementaire... Vous êtes l'un des rares et la réflexion que je me faisais... Je me demandais si ce n'était pas le moyen que vous aviez choisi pour avoir quelques réponses aux demandes que vous adressez au ministre.

Je dois dire que je suis heureuse de votre présentation en commission parlementaire. J'estime également que les propositions que vous faites, qui sont un peu à mi-chemin et qui viennent un peu prévoir l'application des articles qui étaient déjà dans le projet de loi 3, sont intéressantes. Il devrait y avoir un moyen un peu moins formel et plus efficace de le faire.

Cependant, c'est la Commission des droits de la personne qui est venue ici nous dire que la référence qui devrait être faite... Il y a un

article qui prévoit que l'on doit référer l'enfant qui s'absente de l'école, alors que les parents ne semblent pas s'en être occupé, à la Direction de la protection de la jeunesse. Pour la Commission des droits de la personne, c'était peut-être un peu vite et il fallait peut-être qu'il y ait un intermédiaire, ne seraient-ce que des travailleurs sociaux dans les organismes aux CSS ou aux CLSC. Quel est votre avis là-dessus?

M. Dowie: J'ai eu la chance de parler à mon collègue, M. Lachapelle, sur le sujet. On ne partage pas la même opinion. Nous pensons que le directeur de la protection de la jeunesse a la responsabilité de juger si la non-fréquentation scolaire d'un enfant peut mener à la compromission de la sécurité et du développement de l'enfant. C'est pourquoi le directeur de la protection de la jeunesse est en place. Nous n'avons pas la même peur d'une intervention inappropriée du directeur de la protection de la jeunesse que j'ai eu le sentiment que la commission a eue dans l'écriture de son mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Avez-vous des conclusions, Mme la députée?

Mme Blackburn: En conclusion, M. le Président, je voudrais remercier M. le président du Comité de la protection de la jeunesse qu'on a le plaisir d'avoir avec nous, parce que je dois dire que vous le devez un peu à l'Opposition. Au moment où le projet de loi présenté par le ministre de la Justice prévoyait l'abolition de ce comité, nous avions à l'époque... j'avais à l'époque, avec le député de Taillon, levé des oppositions majeures a la disparition du Comité de la protection de la jeunesse, parce que j'estime qu'il joue un rôle utile et indispensable au sein de la société québécoise. Des événements malheureux qui ont été portés à notre attention par la presse au cours des derniers mois nous amènent à réfléchir profondément sur la nécessité de mieux protéger nos enfants au Québec. J'ai été heureuse de vous voir ici. Je vous remercie de votre participation aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Ryan: Juste avant que le directeur du Comité de la protection de la jeunesse nous quitte, je voudrais clarifier une chose. La députée de Chicoutimi s'institue souvent en interprète de mes propos, mais c'est toujours mieux quand on prend les propos directement, il y a plus de chances de les comprendre. Je n'ai jamais prétendu et indiqué que chaque école doit être en rapport constant avec le ministre. J'ai bien dit tantôt que, s'il y a un problème qui se présente dans une école, la première instance à laquelle avoir recours, c'est la commission scolaire. C'est ce que nous faisons constamment avec les écoles ou avec les parents qui nous écrivent: nous les référons à leur commission scolaire. Mais, si le problème ne trouve pas de solution à ce niveau, qu'arrive-t-il? C'est là la question. Dans ce sens-là, je vous dis: II peut y avoir un recours au ministre de l'Éducation. Il n'est pas là comme une statue, il est là comme un être vivant, avec des responsabilités véritables, chargé de voir à ce que cela marche. Je suis content que vous ayez précisé tantôt que, dès que vous avez voulu être entendu, vous l'avez été et, en général, je peux vous assurer que les réponses ne tarderont point. Alors, merci beaucoup. Nous allons examiner sérieusement les propositions que vous nous faites et nous ferons tout ce qui est raisonnablement possible pour en tenir compte.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Dowie. Merci, M. le ministre, Mme la porte-parole. La commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes, soit 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 49)

(Reprise à 15 h 45)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Maintenant, la commission permanente de l'éducation va reprendre ses travaux.

J'invite l'Association des institutions d'enseignement secondaire à prendre place à l'avant.

Comme je le disais, la commission reprend ses travaux. Nous entendrons, dans un premier temps, l'Association des institutions d'enseignement secondaire. À 16 h 30 ou vers 16 h 30, nous continuerons avec le Quebec Federation of Home & School Associations. Ce soir, à vingt heures, ce sera l'Association des parents catholiques du Québec, nous terminerons cette journée de travail en accueillant le Conseil catholique d'expression anglaise.

Nous avons devant nous l'Association des institutions d'enseignement secondaire, représentée par son président, M. Jean Gagnon. M. Gagnon, nous vous remercions beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission et de venir nous faire connaître vos préoccupations et vos suggestions afin de nous aider à avoir un meilleur éclairage sur les deux projets de loi en question et d'essayer, si possible, de les bonifier et de les améliorer pour qu'ils répondent réellement aux attentes des intervenants.

M. Gagnon, pour les besoins du Journal des débats, je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent et, immédiatement après, à commencer la lecture ou la présentation de votre mémoire, lequel, je vous le signale, a été reçu et lu par chacun des membres de cette commission. Alors, à vous de juger le temps que vous voulez mettre à la transmission de ce mémoire. Nous vous suggérons, de prendre quinze

minutes environ pour le présenter et, après cela, la commission entreprendra des échanges de propos avec vous et les gens qui vous accompagnent, de façon à engager un débat fructueux.

M. Gagnon, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent et nous présenter immédiatement votre mémoire.

Association des institutions d'enseignement secondaire

M. Gagnon (Jean): Merci beaucoup, M. le Président. Nous représentons l'Association des institutions d'enseignement secondaire. Ici, à ma droite, il y a M. Auguste Servant, membre du conseil général; à ma gauche, M. Jacques Bertrand, secrétaire général de l'association, et M. Paul-Emile Gingras, professionnel à l'association également.

Vous savez, M. le Président, que notre association a pris la relève de la Fédération des collèges classiques en 1968. Notre association regroupe 103 écoles secondaires privées, soit un total de 51 596 élèves pour la présente année. Notre association a pour mission d'aider ses établissements membres à se développer, de promouvoir également l'enseignement privé au Québec et de contribuer au progrès général de l'éducation au Québec. Ce sont ces trois objectifs qui nous ont motivés à répondre à l'invitation de M. le ministre, que nous remercions, et à intervenir devant cette commission sur le projet de loi sur l'instruction publique.

Le projet de loi interpelle l'école privée comme partenaire de l'État et de l'école publique dans le système d'éducation. Notre association est consciente encore que la vie des écoles privées sera affectée par la structure et le régime de l'école publique qu'instaurera cette nouvelle loi.

Dans son bref mémoire, entériné d'ailleurs par l'ensemble des membres réunis en assemblée générale à Drummondville, le 17 mars dernier, TAIES s'en tient à des considérations générales qui touchent au bon fonctionnement de l'école. Une loi sur l'instruction publique a pour objectif d'assurer l'encadrement, pour que l'école s'accomplisse bien au Québec. Notre association s'est donc demandé si le projet de loi 107, par ses dispositions sur l'école, la commission scolaire et le ministère de l'Éducation, propose des encadrements propres à la qualité et à l'efficacité de l'école.

Pour répondre à cette question, ('AIES se réfère d'abord à son expérience de la gouverne de ses établissements et à sa réflexion sur des dossiers, plus particulièrement comme celui du développement institutionnel, le projet éducatif de l'école, et la formation fondamentale, sur laquelle nous nous interrogeons particulièrement.

Elle se réfère encore à deux témoignages récents de haute autorité, soit le dernier rapport du Conseil supérieur de l'éducation, intitulé "La qualité de l'éducation, un enjeu pour chaque établissement", de même qu'au "Plan pour l'avenir de l'éducation nationale" que proposait, en décembre dernier, le ministre français Monory et que le Conseil des ministres ratifiait en mars dernier.

Anaiysé à l'aide de ces trois critères de l'expérience de l'école privée, de la stratégie proposée par le conseil supérieur et de l'esprit du plan d'avenir en France, le projet de loi 107 manifeste globalement, quant à nous, une tendance à la centralisation. Il nous semble qu'il sera difficile, dans cet esprit et avec ses encadrements nationaux, que l'école s'accomplisse. C'était donc la généralité de notre mémoire. Je laisse maintenant à M. Paul-Émile Gingras, qui a rédigé le mémoire pour l'association, le soin de préciser cette considération générale. Je vous remercie, M. le Président, de nous entendre à cette commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. Gingras.

M. Gingras (Paul-Émile): Le mémoire apporte des précisions à l'observation générale que vient de faire le président de TAIES. Le mémoire fait référence à des dispositions sur le rôle des intervenants de l'école, sur la commission scolaire et le ministère. Pour l'essentiel, l'association a voulu parler de ce qu'elle connaît le mieux: le fonctionnement de l'école et ses encadrements. C'est sur ce sujet particulier que TAIES aimerait attirer l'attention de la commission.

L'AIES se réjouit de ce que le principe du droit des parents de choisir l'école soit reconnu par la loi, à l'article 5. Le préambule des lois du ministère et du conseil supérieur avait établi, en 1964, cette liberté de choix en faveur de l'école privée et il nous semble important que cette liberté s'instaure dans le réseau public. Cette possibilité de choix ne peut que favoriser le développement de projets d'établissements spécifiques et d'une saine concurrence entre les écoles. Cependant, précise le mémoire, l'exercice de ce droit est assujetti aux critères établis par la commission scolaire, ce qui risque fort de rendre inopérante cette liberté de choix. L'AIES souhaite que soient menées des expériences au sein de l'enseignement public où Ton donne aux parents cette liberté de choix.

La qualité de l'éducation se fait, pour l'essentiel, au niveau de la salle de classe. C'est le maître qui fait l'école. Pour que l'enseignant donne sa pleine mesure, il faut lui accorder notre confiance et l'autonomie dans l'exercice de ses fonctions. Comme dans l'entreprise, l'école performante sera celle qui saura fédérer les énergies individuelles. Le projet de loi nous semble ici déficient, à l'heure surtout où Ton constate une démotivation du personnel des écoles.

Encadré déjà par le régime pédagogique et par la convention collective, l'enseignant, dans la

loi, s'entend rappeler une série d'obligations et il retrouve peu de droits. Il est fortement minoritaire. Il peut même être absent au conseil d'orientation de l'école. La loi ne prévoit pas de conseil des maîtres ou de comité pédagogique où, à l'expérience de l'Ai ES dans ses écoles, se fait vraiment la concertation, où l'on discute d'activités éducatives et de vie scolaire. Un conseil d'orientation qui pourrait être composé majoritairement d'externes, si les internes ne s'y présentent pas, mais de toute façon, au moins la moitié des membres seraient des externes, un tel conseil ne saura pallier à cette nécessité de la réflexion et de la concertation des agents internes de l'école. Nous recommandons que soit reconnu un comité pédagogique interne dans la loi.

Le projet de loi mise beaucoup sur le conseil d'orientation de l'école, institué par les commissaires et dont les membres sont d'abord les parents. Le projet de loi confie à ce conseil le leadership qu'assumaient hier le directeur et le personnel. Le conseil d'orientation détermine les orientations de l'école, adopte les règles de conduite des élèves et approuve le choix des activités éducatives. Mais il n'a cependant que peu d'autonomie. Ses fonctions sont plutôt de l'ordre des avis et des recommandations à la commission scolaire. On constate un glissement des responsabilités, d'une part, de la direction et du personnel de l'école vers le conseil d'orientation et d'autre part, du conseil d'orientation vers la commission scolaire.

La proposition de créer un conseil d'orientation interpelle TAIES. D'une part, l'AIES sait l'importance de l'implication des parents dans la formation scolaire de leurs enfants; d'autre part, elle n'est pas sans constater qu'il n'y a pas de conseil d'orientation dans les écoles privées qui, pourtant, ont bonne réputation. S'il lui apparaît important qu'il y ait une association de parents dans une école, qu'il existe d'excellentes relations entre le personnel de l'école et les parents, que les parents soient bien informés et consultés, qu'ils participent au conseil d'étude et au conseil d'administration de l'école, l'école privée voit difficilement que les parents orientent l'école. Lorsque les parents chez nous choisissent l'école privée, ce n'est pas pour l'orienter, mais parce que l'orientation déterminée à l'interne par l'école correspond à leur conception de l'école et à leurs valeurs. Remettre l'école à un conseil composé de parents probablement en majorité et possiblement élus en octobre pour une année laisse perplexe notre association.

C'est dans le même esprit que l'AIES déplore le peu d'importance que le projet de loi accorde au rôle d'animateur du directeur d'école. Le directeur d'école devient de plus en plus un gestionnaire et un intendant encadré par le conseil d'orientation, la commission scolaire et la réglementation. Le directeur d'école applique des dispositions (article 43). Il gère le personnel selon la convention collective (article 48). Il gère des ressources matérielles et financières (article 49). Il applique les règles de conduite décidées par le conseil d'orientation (article 74). Il supervise la fréquentation scolaire (article 15). Il détermine l'utilisation des locaux sous nombre de réserves (article 5). Bref, il gère. Quelle est sa marge de manoeuvre dans l'élaboration et la réalisation d'un authentique projet d'école? Alors que le rôle principal d'un directeur est celui d'un animateur, d'un entraîneur, le directeur de l'école devient de plus en plus un gestionnaire encadré par le conseil d'orientation, la commission scolaire et le ministère.

Les encadrements nationaux que connaît actuellement l'école privée rendent déjà de plus en plus difficile l'émergence de véritables projets d'école privée. L'école publique a de plus que l'école privée l'encadrement de la commission scolaire, ce qui ne lui simplifie pas la tâche. Le système actuel d'encadrement, davantage accusé par le projet de loi 107, nous semble tendre à rendre toutes les écoles pareilles les unes aux autres et les mener, en conséquence, à la médiocrité. L'État établit les programmes d'études, leurs objectifs, leur contenu, la liste du matériel scolaire, du matériel didactique, la liste des matières pour lesquelles il impose des épreuves uniques, les conditions d'équivalence des études, le régime pédagogique, le calendrier scolaire, les matières, le nombre d'unités par matière, l'évaluation des apprentissages, la promotion, la sanction des études et la certification des enseignants. Comment, avec de tels encadrements, réaliser un authentique projet d'école? L'AIES subit le poids de ces contraintes dans son école privée. Si l'État veut améliorer la qualité de l'éducation et la formation fondamentale des élèves, il lui faudra responsabiliser davantage l'école et assouplir ses propres encadrements. Le projet de loi 107 n'annonce guère en ce sens.

L'AIES recommande donc, en tenant compte de sa propre expérience, de la stratégie proposée par le conseil supérieur, des orientations actuelles du système français, d'assouplir les encadrements et, notamment, le régime pédagogique, de déconcentrer les responsabilités au bénéfice des directions d'école, de repenser ses encadrements dans un esprit de décentralisation et de confiance. L'État doit piloter le système et non le gérer au gré de la politique et de la bureaucratie. Avec le conseil supérieur, l'AIES est convaincue que la qualité de l'éducation et la formation fondamentale sont d'abord des enjeux pour chaque école et que les encadrements doivent permettre à l'école de relever ces défis. Je vous remercie, M. le Président. (16 heures)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. Gingras. Est-ce que cela met fin à la présentation de...

M. Gingras: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien. Dans un premier temps, je reconnais le porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président, comme je dois remercier M. le ministre sans doute, parce que la coutume veut que cela soit le ministre qui ouvre la période de questions et de discussion avec les différents participants. Comme je dois quitter, pour un engagement que j'ai pris à Montréal, par l'avion de 5 heures, je ne pourrai pas être très longtemps avec vous. J'apprécie le consentement de la partie ministérielle. M. le Président, messieurs, M. Gingras, que vous me permettrez de saluer tout particulièrement. J'ai eu l'occasion d'apprécier le travail de M. Gingras sur la question qui touchait l'évaluation institutionnelle. Je pense que c'est là où on a eu les échanges de vues les plus longs et les plus enrichissants pour moi. On parlait d'évaluation institutionnelle dans les collèges du Québec, dans les cégeps.

Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition et de vous dire également que j'ai lu votre mémoire avec beaucoup de plaisir. La réflexion que cela a suscité chez moi et qui est nouvelle, c'est le parallèle que vous établissez entre l'autonomie qui est laissée à l'école et sa capacité d'avoir suffisamment de marge de manoeuvre pour innover et les résultats, la qualité des services rendus. Je n'aurais pu mieux dire l'importance qu'il y a de décentraliser, non pas exclusivement pour partager les pouvoirs, pour retourner plus de pouvoirs auprès des écoles ou dans les commissions scolaires, mais comme un des moyens à privilégier pour augmenter la qualité des services offerts. On envisagerait difficilement que chacune des 2500 écoles au Québec puisse avoir exactement la même structure, la même autonomie dont jouissent les écoles privées, c'est-à-dire chacune une direction totalement autonome. Dans les écoles privées, le directeur d'école est un peu le p.-d.g. de son école, ce qui serait difficilement envisageable dans le public. J'ai quand même beaucoup apprécié cette démonstration que vous faites, à savoir qu'en laissant plus de marge de manoeuvre à l'école, en lui laissant plus de choix, on aurait de meilleures chances d'augmenter la qualité des services rendus par ces écoles. Sans le dire, il s'établit quand même un parallèle, pas un parallèle mais une comparaison entre la confiance dont jouissent les écoles privées de la part du ministre - on sait que le ministre a levé le moratoire, il ouvre de nouvelles écoles - et l'espèce de méfiance qu'il a à l'endroit des écoles publiques. Je dois dire que cela aussi m'a frappés dans votre mémoire.

Je vous dirais cependant que la conception que vous avez du rôle des différents partenaires au sein de l'école est une conception beaucoup plus hiérarchisée qui n'empêche pas la participation de partenaires, mais qui ne la prévoit pas de façon uniforme dans tout le Québec. Je vous dirais que, comme il y a 2500 écoles, je n'aurais peut-être pas tout à fait la même approche et je n'amènerais peut-être pas tout à fait la même conclusion.

Dans votre mémoire, vous nous parlez - et j'y reviens - d'un net recul. Je pense que c'est à la page 10 de votre mémoire. Vous dites, parlant du projet de loi actuel qu'il constitue... "Le projet de loi 3 du précédent gouvernement visait une plus grande responsabilisation de l'école: le projet de loi 107 marque sur ce point un net recul." Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement en quelle matière?

M. Gingras: Tout le livre blanc qui était proposé par le gouvernement précédent était orienté vers la responsabilisation de l'école communautaire et responsable. On commençait par penser à une corporation d'écoles. Je pense qu'il y avait eu le sentiment dans le public - la loi n'a jamais été adoptée - mais il y avait dans le projet, il me semble, une préoccupation de responsabiliser davantage l'école qu'on ne le sent dans le présent projet de loi. C'est peut-être une interprétation discutable, dira le ministre, mais à regarder les faits il me semble qu'il y a moins d'intérêt porté à l'école communautaire et responsable dans le projet actuel que dans le projet de loi précédent.

Mme Blackburn: Bien. À la page 12 de votre mémoire - on sait que l'un des principes qui fonde votre argument, c'est le droit des parents, pour les écoles privées, de choisir leurs écoles - vous dites: "Le projet de loi 3 justifiait l'établissement de tels critères par la nécessité de tenir compte de la capacité d'accueil de l'école et des services éducatifs qui sont offerts. Cette justification disparaît du présent projet de loi, ce qui laisse toute liberté à la commission scolaire d'élaborer ses critères d'inscription et peut rendre, en pratique, inopérant le droit des parents ou de l'élève majeur de choisir l'école." C'est l'interprétation que vous faites. Vous suggérez comme rédaction: "La commission scolaire doit faciliter l'exercice de ce droit par l'adoption de critères pour l'inscription des élèves dans les écoles".

Le projet de loi 3 ajoutait - sans que cela soit spécifiquement accroché à cet article - que l'élève pouvait en appeler devant le Protecteur du citoyen. Vous n'avez pas abordé cette question. Je pense particulièrement à ce que nous disait ce matin le président du Comité de la protection de la jeunesse et qui est: Les quelques demandes, 20 ou 30, qu'il a par année, touchent souvent à cette question du choix de l'école. Lui recommandait, évidemment, que l'élève ou le parent puisse en appeler devant le Protecteur du citoyen. Cela ne serait-il pas aussi une façon de renforcer un peu cet article de la loi, même s'il était libellé de la façon dont vous le proposez?

M. Gingras: Non, nous n'avons pas fouillé cet aspect, quoiqu'on en ait entendu parler par les gens qui sont dans le milieu. Nous nous sommes pratiquement limités à l'expérience qu'on avait de l'école pour proposer des choses qui... Ce qui nous semblait important, ici, - je ne nie pas qu'il y a une dimension importante, du côté de la protection du citoyen, des appels possibles et des recours - c'est que les critères que peut établir la commission scolaire ne soient pas tous azimuts et qu'ils aient la complète liberté de faire ce qu'ils vont vouloir pour rendre l'école inopérante, la liberté de choix inopérante. Dans la loi précédente, il était spécifié que les critères appartenaient aux questions d'inscription, de capacité d'accueil et de services éducatifs qui pouvaient être offerts. Mais, actuellement, cette restriction étant tombée, la commission scolaire peut décider des critères qui vont faire qu'il n'y a aura plus de possibilité de choix de l'école, au fond.

Mme Blackburn: En ce qui concerne l'enseignant, il est vrai qu'on lui fait beaucoup de devoirs, mais on ne lui donne pas beaucoup de droits. Celui, je pense, de constituer, de siéger à un comité pédagogique; cela disparaît également du projet de loi. Et vous dites, en parlant du projet éducatif de l'école, à la page 14 de votre mémoire, vous dites en parlant de l'école: "Les encadrements du gouvernement et de la commission scolaire empêchent l'école de se donner un véritable projet éducatif: l'essentiel lui échappe." Et, en conclusion: "Comment, avec de tels encadrements, réaliser un authentique projet éducatif?"

Est-ce à dire que, si vous étiez soumis aux mêmes contraintes, dans les écoles privées, - cela vient de mon cru - avec des clientèles aussi diversifiées que celles qui fréquentent les écoles publiques, vous pourriez garantir d'avoir les mêmes succès ou garantir la même qualité de services que vous offrez habituellement, dans les mêmes carcans?

M. Gingras: Ce que nous constatons dans l'école privée actuellement, c'est que, avec l'ensemble des encadrements qui sont faits, en particulier par le régime pédagogique et par les conventions collectives publiques qui encadrent aussi bien le privé dans la pratique, déjà il est extrêmement difficile pour une école privée de se donner un véritable projet éducatif. Quand on sait tout ce qui est défini par l'extérieur, par les épreuves, par le régime, par la répartition des matières, par le matériel disponible, il est déjà difficile dans une école privée de se donner un véritable projet éducatif. Cela l'est encore davantage dans l'école publique qui a une clientèle encore plus complexe et qui a d'autres dépendances que l'école privée. Si, de plus, le pouvoir à l'intérieur de l'école va, d'une façon importante, du côté du conseil d'orientation et de la commission scolaire, il va être de plus en plus difficile pour le personnel de l'école de se donner un projet éducatif authentique. On peut bien arriver a définir un ensemble de valeurs, se faire des accords de principe sur des orientations, cela risque de demeurer des voeux pieux; on va peinturer la maison, on va s'arrêter à un tas de petits détails, mais on ne verra pas demain matin un véritable projet d'école.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Blackburn: À la page 27, vous suggérez que le milieu, la communauté puisse se donner la commission scolaire qu'elle désire. Je vois que cela allait peut-être un peu loin. J'aurais aimé vous entendre là-dessus, sauf que je pense que le temps va nous manquer. Je voudrais, par votre intervention, que vous nous expliquiez pendant peut-être quelques minutes, deux minutes comment cela pourrait se traduire, ce que pourrait représenter au Québec le fait que les gens puissent se donner une commission scolaire qu'ils désirent. J'imagine qu'il y aura un encadrement gouvernemental, des grandes règles nationales, des grands objectifs nationaux, mais qu'est-ce que cela serait, qu'est-ce que cela représenterait, une commission scolaire selon la volonté des communautés?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Gingras ou M. Bertrand?

M. Bertrand (Jacques): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Bertrand.

M. Bertrand: On ne s'est pas arrêtés longuement à essayer de voir quels pourraient être les avantages de mettre sur pied une formule comme celle-là. Cependant, fidèles à l'esprit que notre mémoire veut défendre ici, on s'est demandé s'il n'y avait pas moyen d'analyser cette possibilité que, finalement, les gouvernements locaux que sont les commissions scolaires puissent avoir par suite des mandats qu'ils reçoivent de la population, la couleur particulière qu'on veut bien qu'ils aient, à savoir qu'elles soient ou confessionnelles, ou linguistiques. On imagine que, s'il y a là des mesures d'organisation qu'il faudrait mettre en place et qui pourraient être nouvelles, on peut avoir assez d'imagination pour trouver le moyen d'inventer des modèles différents de ce qui existe actuellement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Bertrand. Madame.

Mme Blackburn: Je voudrais, M. le Président, conclure et remercier les représentants de l'Association des institutions d'enseignement secondaire du Québec pour leur participation aux

travaux de cette commission. Pour ma part, je voudrais vous dire que la lecture du mémoire, de même que les commentaires que vous avez ajoutés, ont enrichi notre perception, notre compréhension de ce que pourraient être des pistes de solution en regard de la Loi sur l'instruction publique.

Je voudrais vous dire que je partage, pour l'essentiel, la lecture que vous faites des projets de lois 106 et 107, et plus particulièrement du projet de loi 107, quant à l'impression générale qui s'en dégage et qui traduit une profonde méfiance de ce gouvernement à l'endroit d'un autre gouvernement, qui s'appelle le gouvernement scolaire. Je ne saurais mieux traduire votre pensée lorsque, en pariant du directeur d'école et de l'équipe interne de l'école, vous dites: "Lorsqu'il confie les orientations de l'école à un conseil d'abord composé de parents, lorsque le conseil d'orientation est essentiellement dépendant de la commission scolaire, le projet de loi instaure un climat et des pratiques de centralisation, de méfiance et de déresponsabilisation". Vous concluez - j'espère que c'est ce que le ministre retiendra lorsqu'il parlera de centralisation, parce qu'il semble être le seul à continuer de prétendre, parmi les intervenants qui sont venus, que le projet n'est pas centralisateur - vous concluez en disant: "On comprend que l'école privée, qui relève directement de l'État, même si elle a à se plaindre des encadrements nationaux, peut être plus libre de se donner un projet éducatif et un plan de développement institutionnel, de se gérer, d'assurer la qualité et l'efficacité." (16 h 15)

J'espère que dans ces recommandations, dans ses modifications et dans les amendements qu'il voudra apporter, le ministre saura tenir compte de la lecture qui a été faite, de ce qui pourraient être des pistes de solution quant à une façon de procéder pour responsabiliser les partenaires, pour faire des différentes instances de l'école et des commissions scolaires de réels partenaires de l'éducation. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi et porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation. Je reconnais le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

Mme Blackburn: Je reviens, M. le Président, vous m'excuserez.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien, madame.

M. Ryan: Avant que la députée de Chicoutimi ne parte, je voudrais constater qu'elle a raté une belle occasion d'établir la position de son parti en ce qui touche les écoles privées.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît.

Mme Blackburn: Ma question n'était pas prévue pour cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît.

M. Ryan: Elle a l'habitude de tenir des propos qu'on s'attendait à voir répéter aujourd'hui, mais qu'elle s'est bien gardée d'émettre publiquement.

Mme Blackburn: M. le Président, ce n'était pas l'objet de la commission parlementaire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi, avez-vous un point d'ordre?

Mme Blackburn: M. le Président, je vais faire un point d'ordre. Si le ministre veut...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi, je vous écoute.

Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Assoyez-vous, madame.

Mme Blackburn: Si le ministre veut bien convoquer une commission parlementaire pour nous présenter son plan de développement des écoles privées, c'est avec plaisir que je lui ferai part de ma position et de celle de mon parti.

M. Ryan: C'est bon.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Ce n'est pas mauvais de rappeler qu'on a surtout entendu des propos négatifs sur ses lèvres en ce qui touche les établissements privés. Je voudrais, en toute cordialité, dire à l'Association des institutions d'enseignement secondaire que je suis quelque peu désappointé de son mémoire. Il y a quelque chose qui m'étonne dans ce mémoire. Il semble avoir été conçu pas mal loin de l'atmosphère réelle dans laquelle nous poursuivons nos travaux. Je vois, par exemple, qu'on s'inquiète du rôle qui est donné au directeur d'école. Nous avons eu trois associations de directeurs d'école qui sont passées devant la commission. L'impression qu'ils ont donnée n'est pas du tout celle que reflète votre mémoire. On a eu la Centrale de l'enseignement du Québec. À mon grand étonnement, les observations qu'elle a faites sur le rôle de l'enseignant était beaucoup moins négatives que celles de l'Association des institutions d'enseignement secondaire. On a eu plusieurs commissions

scolaires jusqu'à maintenant. Le langage que nous avons entendu ici était très différent de certaines dénonciations qu'a proférées le président de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec.

À ceux qui parlaient du danger de centralisation dont vous faites mention, nous avons demandé d'indiquer avec précision les points sur lesquels ils souhaiteraient des changements. Dès qu'on arrive aux questions vraiment précises, c'est beaucoup plus embarrassant de donner des choses concrètes. De ce point de vue, vous pensez que le projet de loi a été conçu dans une atmosphère de méfiance. Je vais vous dire bien simplement que je trouve que votre mémoire l'a été. Cela conduit à des résultats qui sont parfois assez éloignés de la réalité.

On va prendre le propos de l'enseignant, il perd deux droits par rapport à ce que lui donnait la loi 3. Vous êtes inquiets devant les obligations qu'on lui impose. C'est dans la Loi sur l'instruction publique d'à peu près toutes les provinces, les droits et les devoirs de l'enseignant. Ce n'est pas la fin du monde.

Dans la loi 3, on parlait seulement de droits. Il n'était pas question d'obligations. J'ai dit: S'il doit être question de droits, on va mettre des obligations correspondantes pour avoir un tableau complet. La formulation peut laisser à désirer ici ou là. Ce sont des choses qui sont sujettes à être retouchées. Même la CEQ, quand elle est venue ici, n'a pas contesté le principe de l'inscription des obligations de l'enseignant dans le texte de la Loi sur l'instruction publique. C'est l'intervenant majeur. Les commissaires d'écoles, les ministres, les fonctionnaires, cela passe. C'est en marge de l'école. Celui qui est dedans tous les jours, c'est l'enseignant. Cela ne les a pas spécialement scandalisés. Ils ont trouvé qu'au point de vue pédagogique il faudrait donner un peu plus.

Il faut prendre l'ensemble, encore une fois. Il y a des choses que nous ne mettons pas dans le texte de la loi parce qu'elles découlent souvent des ententes collectives au niveau local. Les enseignants préfèrent souvent que le traitement de certaines questions, sur une base paritaire, soit réservé à la négociation collective sur le plan local. Nous acceptons cela. Parfois, nous préférerions une autre approche, mais ce n'est pas la fin du monde.

À lire votre mémoire sur le conseil d'orientation, ce serait presqu'un monstre. C'est curieux parce que la plupart des intervenants qui sont venus ici jusqu'à maintenant ont trouvé que cela avait du bon sens. On est dans le régime d'écoles publiques, on n'est pas dans l'école privée. Je comprends que, dans l'école privée, vous avez une direction privée. Ce que vous dites dans le mémoire est profondément vrai. On réunit les parents en associations et on leur demande leur avis une fois de temps en temps et on leur demande surtout leur aide. Ils ne prétendent pas diriger l'école. L'école publique est une chose différente. C'est une réalité qui n'a pas la même nature que l'école privée. L'ajout d'un organisme comme celui-là, on peut en discuter la composition encore. Ce n'est pas la fin du monde.

La différence d'avec la loi 3 - j'entendais M. Gingras trouver que c'était un net recul - la seule différence qu'il y a, c'est que dans la loi 3 vous aviez deux autorités qui intervenaient parallèlement et qui pouvaient entrer en conflit: le conseil d'école et le directeur. On a dit: II faut une direction nette dans l'école. Il n'en faut pas deux. Pour la détermination du projet éducatif, ce sera le conseil d'orientation, mais pour la réalisation, la marche quotidienne de l'école, cela va être le directeur, lequel est évidemment rattaché à la commission scolaire. Je pense que c'est comme cela, de ce point de vue, que même tout établissement qui se respecte, toute organisation qui se respecte doit avoir une unité de direction quelque part. C'est ce qui est le principe de fond. J'ai été content quand j'ai vu les directeurs d'école qui nous ont dit: Votre affaire a du bon sens et on va être bien contents de fonctionner avec cela. C'est autant la Fédération québécoise des directeurs d'école que l'Association des directeurs d'école de Montréal.

En tout cas, encore une fois, nous acceptons très bien la contradiction. Cela fait partie... C'est notre pain et notre beurre, pour nous qui sommes en politique. Par conséquent, on l'apprécie toujours à condition qu'on accepte qu'on inscrive, nous aussi, notre désaccord une fois de temps à autre.

Sur les pouvoirs du ministre, beaucoup de littérature, mais je ne pense pas que cela résiste à l'examen critique du texte lui-même parce que, tout d'abord, un grand nombre d'articles concernant les pouvoirs du ministre, qui sont la transposition dans la loi de choses qui existent déjà dans les règlements, mais qui n'avaient pas un fondement légal sûr, étaient dans les règlements sans qu'on puisse en retracer clairement l'affiliation dans le texte législatif. Nos conseillers juridiques nous ont dit: Soyez donc cohérents. Assurez-vous qu'il n'y aura pas de contestation inutile. Inscrivez dans la loi des choses qui pourront justifier ce que vous mettez dans les règlements. Ceci est tellement vrai que nous ajoutons tout autant des dispositions de ce genre pour les commissions scolaires. Il y a au moins une trentaine de pouvoirs nouveaux qui sont donnés aux commissions scolaires dans le texte de loi. Cela n'est pas noté par certains critiques parce qu'ils n'ont pas fait un examen complet, tout simplement. Mais quand on fait le bilan de tout cela, il reste peut-être quatre ou cinq attributions nouvelles au ministre.

Je vais vous donner un exemple. Prenez la carte des enseignements professionnels. Pour vous, dans l'enseignement privé, ce n'est pas un gros problème parce que vous faites surtout de l'enseignement général. Mais, dans le secteur public, c'est une fonction très importante. Il faut la réorganiser aujourd'hui. On ne peut plus

avoir... On est partis, il y a une vingtaine d'années, à mettre cela partout. On a mis des métiers d'automobile partout, on a mis des métiers de cuisine à peu près partout, on a mis le travail d'agent de bureau à peu près partout. On s'aperçoit qu'on ne peut pas continuer comme cela, cela coûte trop cher. On n'a pas les inscriptions. Il faut concentrer, il faut limiter. Au bout de la ligne, si on peut donner l'option, disons, de mécanicien d'automobile dans deux commissions scolaires dans toute la région des Laurentides, qui va décider? On peut bien dire aux commissions scolaires, on l'a fait: Concertez-vous entre vous et faites-nous des propositions. Là où elles s'entendaient, les propositions étaient acceptées. Mais au bout de la ligne, qui doit décider sinon, celui qui est mandataire des fonds publics, de la gestion des fonds publics? Ces questions ne trouvent aucune réponse dans les critiques que j'ai lues dans votre réaction. Je vous le dis bien simplement. Je ne pense pas que ce soit du tout l'esprit du projet de loi, celui que vous croyez y voir. Mais j'accepte votre critique, encore une fois. On va en faire une nouvelle lecture en tenant compte de ce que vous dites, mais je ne vous fais pas de promesse qu'on va le recommencer.

Je prends les recommandations qui sont formulées à la fin. Vous dites: "Affirmer et favoriser la liberté du choix de l'école, entre un établissement public ou privé, entre deux ou plusieurs établissements publics." Oui, on le dit cela, à deux conditions: d'abord, en ce qui regarde le privé, il va falloir que les parents acceptent de payer une part et, deuxièmement, en ce qui touche le public, ils ne pourront pas envoyer leur enfant n'importe où dans la ville de Montréal ou de Québec, parce qu'il y a des questions de transport qui jouent. Au simple point de vue logistique, on ne peut pas mettre cela à bride complètement débridée. C'est impossible. Alors, ce sont les seules réserves qu'on met dans la loi, ces deux choses-là. "Motiver l'enseignant, en lui assurant une plus grande autonomie dans ses fonctions." Si on cause avec les enseignants, le problème qu'ils nous communiquent aujourd'hui, c'est la lourdeur de la tâche. Quand même on leur dirait: Va-t-en dans le champ tout seul, ils vont dire: Donne-moi un peu plus de légèreté à mon fardeau pédagogique, et ils prétendent que cela va aller mieux. Ce à quoi nous répondons: Le fardeau pédagogique de l'enseignant québécois est le plus léger de tous les enseignants du Canada. On ne peut pas en mettre plus de ce côté actuellement, sauf peut-être pour des cas ponctuels. On ne peut pas en mettre plus.

Le régime pédagogique, vous semblez dire qu'il faudrait un gros changement là-dedans, et c'est là-dessus que je vais vous interroger. Nous autres, on pense le contraire. On croit qu'il faut un régime pédagogique commun pour les écoles publiques du Québec. On trouve qu'il est défini actuellement. On définit de grands objectifs actuellement. On définit un cadre général et je vous assure qu'il y a beaucoup de marges d'adaptation pour les commissions scolaires, les directions d'école et le personnel scolaire qui le veulent. Et je vous le dis, parce que j'en ai vu un grand nombre, au cours des dernières années, qui le font et qui ont souvent emprunté de vos méthodes dans les écoles privées. Ils les ont transcrites dans le secteur public, sans même que nous, on soit au courant, tellement ils ont la liberté de le faire, s'ils le veulent. Je ne sais pas, mais vous me le direz tantôt à propos du régime pédagogique. "Responsabiliser le directeur d'école": je crois que c'est fait dans le projet de loi. "Assurer une participation plus large de la direction et du personnel de l'école au conseil d'orientation et au comité d'école": peut-être que les proportions devraient être modifiées, vous ne le dites pas de manière précise, mais j'aimerais le savoir. "Laisser aux communautés locales ou régionales le choix du caractère confesssonnel ou linguistique de leur commission scolaire." Il y a un problème qui va se poser ici, c'est qu'il y a toutes sortes de rapports administratifs qui doivent exister entre le ministère et les commissions scolaires. Je vais prendre seulement le régime des négociations collectives. On a un régime commun dans tout le Québec. Il n'est pas question de le modifier actuellement et ça prend des commissions scolaires qui sont un peu du même type pour qu'on ait des ententes qui vont marcher d'un bout à l'autre. Autrement, vous allez avoir des commissions scolaires linguistiques qui vont vouloir se regrouper, des commissions scolaires catholiques qui vont vouloir se regrouper, et amener tout ce monde-là dans un cartel commun, c'est une moyenne proposition. C'est tellement vrai qu'on a une couple de commissions scolaires, qui ne font pas partie de la CECM, et, actuellement, elles nous traînent devant les tribunaux à cause de cela. Je pense qu'en pratique ce serait très difficile d'aller vers une diversité aussi grande que celle que vous proposez. Nous essayons cependant de la réaliser au niveau de l'école. Là c'est différent, parce que ce n'est pas au niveau de l'école que se décident les grandes orientations et les politiques.

Maintenant, je peux peut-être sembler un petit peu négatif. Je finis là. Vous demandez qu'on rétablisse "les modes de financement de l'enseignement privé déterminés dans la loi de 1968". Comme vous le savez, le parti libéral n'a pas pris l'engagement de faire cela au cours de son premier mandat. Nous avons exprimé notre sympathie pour cette orientation, mais c'est un choix à long terme pour nous, qui n'a fait l'objet d'aucun engagement pour le premier mandat du gouvernement. J'ai eu l'occasion de vous redire, il y a quelques mois, que nous n'envisagions pas de faire cet ajustement maintenant. "Repenser le régime pédagogique": j'aimerais que vous nous disiez quelques mots, peut-être,

d'explication sur le régime pédagogique. Nous autres, on avait conçu un projet de recherche avec vous. Il ne s'est pas réalisé, parce qu'on a eu l'impression, de notre côté, que vous vouliez tout remettre en question et nous, on avait plutôt envisagé des choses précises, des expériences circonscrites, qui auraient permis de faire la lumière sur certains éléments du régime pédagogique sans le chambarder de fond en comble. Mais j'aimerais que vous nous disiez ce qu'on peut faire de vraiment mieux que ce qu'on envisage au point de vue du régime pédagogique. Je suis un petit peu embarrassé. On a déjà eu des programmes cadres, et M. Gingras s'en souvient, lui. Cela a conduit, en matière de français en particulier, au résultat pitoyable qu'on connaît et dans bien d'autres matières aussi. On s'est dit: II faut resserrer les programmes, cela n'a pas de bon sens. On a fait des programmes plus précis. Où verriez-vous qu'on se situe? Cela m'intéresse d'avoir votre point de vue là-dessus. (16 h 30)

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. Gagnon, ou M. Gingras? M. Gingras.

M. Gingras: M. le Président, j'aimerais dire à M. le ministre que je m'attendais, étant donné que le représentant de l'Opposition nous a été favorable, à ce que M. le ministre le soit moins. On pourrait reprendre les différents éléments que M. le ministre a mis de l'avant en réaction à notre mémoire. Je pense que cela serait long. Je vais m'en tenir... Je ne voudrais pas qu'on soit dans un dialogue de sourds, que nous, nous mettions cela et que lui dise: Je ne le reçois pas, je pense le contraire. Il y aurait matière à discuter sur le fait que les directeurs d'école étaient plutôt favorables au projet. Pourquoi ont-ils été plus favorables? Il y aurait des choses à dire sur tous ces points.

Disons qu'on en vient au régime pédagogique. Les programmes cadres, c'est de l'Ancien Testament, avec la vitesse où évoluent les programmes dans la province. Les programmes actuels sont quand même là depuis un certain nombre d'années. Vous êtes à même de constater qu'ils n'ont pas assuré la formation fondamentale des jeunes, en particulier dans le domaine du français et des sciences qui sont essentiels. Quand on parle avec les gens qui sont dans nos maisons et qui ont ces programmes et ce régime pédagogique à appliquer, ils nous disent qu'ils étouffent. Avoir à poursuivre 265 objectifs en mathématiques, je dis que c'est irréaliste. Ce n'est pas vrai. Ce sont des programmes de fonctionnaires assis dans leur bureau et non pas de professeurs qui sont devant des besoins d'élèves.

On voudrait avoir, quand même, un peu plus de liberté à l'intérieur d'un programme pour pouvoir assurer le fondamental. Assurer le fondamental, pour nous, actuellement, c'est identifier un certain nombre d'objectifs généraux, comme on en a à tous les niveaux. À l'université, au collège, à l'école secondaire, on va vous parler de développement du jugement critique, on va vous parler de communication, on va vous parler de résolution de problèmes. Mais en quoi consiste la résolution de problèmes au secondaire? Quelle est la communication qu'on veut assurer? Ce sont des objectifs qui sont toujours restés en suspens et qui ne sont pas passés à travers le régime pédagogique d'une façon précise. Actuellement, tout ce que nous pouvons vous dire, c'est que le régime que nous avons à appliquer dans nos écoles embête les professeurs qui disent: Avec cela, nous ne réussissons pas à assurer ce qui est fondamental.

Quand on vous avait proposé de réfléchir à cette question, c'était pour se demander si, dans une, deux ou trois écoles il y aurait moyen de voir comment on pourrait arriver à assurer une formation fondamentale à partir des objectifs de formation, en allant chercher, dans les programmes existant actuellement - parce qu'on n'en inventera pas d'autres - ce qui mène plus directement à ces objectifs, afin de ne pas être encarcanés dans la série d'objectifs spécifiques, tels que définis, et dans des contenus qui font qu'on est obligés de passer par là pour arriver aux épreuves ministérielles. On ne peut pas en sortir actuellement. Je vous donne le témoignage des gens du milieu qui disent: Nous n'avons pas la marge de manoeuvre, à l'intérieur du régime actuel, pour assurer la formation fondamentale.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Merci, M. Gingras. M. le ministre.

M. Ryan: Je vais vous donner juste un point là-dessus. Prenez les programmes de français. On a fait une longue consultation au cours des derniers mois pour avoir la réaction des milieux éducatifs. À peu près tous les éducateurs que nous avons consultés nous ont dit: Ce sont de bons programmes. Il faut que vous les gardiez. On vous demande de définir des objectifs plus précis pour chaque niveau. Là, vous nous dites qu'il y a trop d'objectifs, eux nous ont dit qu'il n'y en avait pas assez. Nous avons trouvé des faiblesses dans ces programmes. Nous allons faire certaines corrections. Il y avait des points qui étaient un petit peu faibles. Dans l'ensemble, la réaction que nous avons entendue est absolument à l'opposé de celle que vous nous présentez, pour les programmes de français...

M. Gingras: Votre réaction nous donne l'impression qu'on vient de la lune et qu'on ne sait pas ce qui se passe dans l'école publique. Je vous dis ce qu'on perçoit dans notre milieu. Vous avez une série de matières données en parallèle par des professeurs spécialisés. Leurs programmes sont faits à partir d'un contenu et les objectifs sont ceux qu'il faut pour avaler le contenu qui est là; et ces gens-là sont là, à donner chacun, l'un à côté de l'autre... alors qu'actuellement on

sent, par exemple, qu'il y a trois ou quatre disciplines qui pourraient être regroupées parce qu'elles poursuivent les mêmes objectifs. Mais chaque professeur va, dans sa discipline, poursuivre ses objectifs isolément avec ses élèves, et l'élève ne sait pas où il se trouve avec ce système. Il poursuit des objectifs avec ses différents professeurs, dans différentes matières, mais il n'y a aucun lieu d'intégration.

M. Ryan: Cela, c'est... Oui.

M. Gingras: II y a vraiment un problème.

M. Ryan: Je sais bien. Cela, c'est un autre problème. C'est le problème de l'encadrement pédagogique au secondaire, qui est un problème tout à fait majeur, mais auquel les écoles publiques sont en train d'apporter des solutions. Surtout au premier cycle, il y avait une dispersion, on tombait de l'école primaire dans une école-cafétéria. Il y a eu des gaspillages d'énergie énormes. Mais le nombre d'écoles secondaires qui ont déjà apporté des corrections à cela est considérable. Dans ces écoles, où je suis allé, moi, je n'ai pas trouvé ce climat de pessimisme et de rejet que j'ai lu dans votre mémoire. Je vous le dis bien simplement.

Cela étant dit, qu'est-ce que vous laisseriez dans ce projet de loi sur le régime pédagogique? Allez-vous enlever à peu près tout ce qu'il y a là? Qu'est-ce que vous laisseriez là? Oui?

M. Gingras: Sur le régime pédagogique, on demande qu'une étude soit faite pour voir comment on pourrait assouplir cet encadrement. Moi, je ne pense pas qu'il soit coulé dans le béton qu'on ait des cours d'économie familiale ou bien de... À voir l'évolution depuis cinq ou six ans, moi, je ne pense pas que le programme tel qu'il existe actuellement est nécessairement coulé dans le solide.

M. Ryan: Dans le projet de loi, c'est l'autorité du gouvernement d'établir le régime pédagogique. Ce n'est même pas le ministre qui l'établit, c'est le gouvernement. Là-dessus, il n'y a rien d'ajouté par rapport à ce qui existait déjà. Nous avons fait des changements à la loi l'an dernier où nous avons déjà inséré l'essentiel de ce qui est dans le projet de loi. Ma question est: Est-ce que vous, vous voudriez qu'on enlève cela de là? Cela n'enlève pas votre question. À un autre niveau, on peut discuter du contenu du régime pédagogique; c'est une autre affaire, cela. Mais qui va décider, au bout de la ligne, pour les écoles publiques, si ce n'est pas le gouvernement? Moi, c'est la question que je vous pose.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. Gingras, est-ce que vous avez l'intention de réagir ou M. le président?

M. le ministre, je pense qu'il va falloir conclure...

M. Gingras: Une minute. Je ne suis pas sûr de comprendre votre question.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui voudraient réagir? M. le président?

M. Gagnon: Oui, je répondrais seulement que, prise globalement en tous les cas, notre position c'est peut-être... On parlait de pôle intégrateur. Là, c'est peut-être de... Cela se rattacherait autour de la notion actuelle dont on traite souvent, de formation fondamentale, de trouver une manière d'intégrer ces éléments. Je prends seulement le cas de chez nous où il y a à la fois une section collégiale et une section secondaire, le problème est le même. C'est toujours ce problème d'avoir... Il faut une école de spécialistes, mais on a de la difficulté à avoir ensuite cette approche ou cette personne qui va aider à intégrer et à faire de cela une espèce de noyau de culture dans la formation. C'est le problème, en somme, des formations en parallèle.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, compte tenu du temps que nous avons, est-ce que vous voudriez conclure ou poser peut-être une dernière question?

M. Ryan: Je remercie l'Association des institutions d'enseignement secondaire de s'être intéressée à ces deux projets de loi et de nous avoir communiqué son avis en toute liberté. Moi, je suis en désaccord avec l'association sur l'essentiel même de son mémoire, mais cela ne change en rien l'opinion que j'ai sur la contribution très utile des établissements d'enseignement privés à l'oeuvre de l'éducation au Québec. De là à ce que je sois d'accord avec toutes leurs opinions politiques, c'est une autre chose. Je tiens à réaffirmer aussi, au nom du gouvernement, la priorité que nous accordons au développement de l'école publique, tout en reconnaissant le choix que peuvent exercer les parents en faveur des établissemente privés pour lesquels nous avons beaucoup de considération.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le président, voulez-vous intervenir, une dernière fois?

M. Gagnon: Si vous me permettez une dernière intervention, oui. J'aimerais simplement relever l'expression qui s'est retrouvée dans notre mémoire et qui a peut-être fait choc, l'expression de méfiance. Je voudrais simplement réaffirmer ici que nous n'en faisons pas un jugement de valeur. Ce qui nous a frappés surtout, à l'intérieur de notre fonctionnement particulier, il faut le dire, comme maison privée, c'est un peu l'espèce de logique du système qui s'y retrouve.

Mais on n'a pas voulu tirer de cela un jugement de valeur. Je pense que nous avons voulu, dans la manière de l'écrire, apporté un autre point de vue qui soit tonifiant, qui permette un recul critique par rapport à notre propre expérience. Il me semble que cela rejoint profondément ce que veulent être nos maisons et notre association puisque, comme réseau d'enseignement privé, on ne veut pas simplement faire valoir des droits d'écoles particulières. Nous voulons vraiment être, comme réseau, un apport critique mais réel à la qualité de l'éducation dans l'ensemble du Québec. Comme secteur témoin, avec 7 % ou 8 % de la clientèle des jeunes du Québec, je suis persuadé que le privé est un apport très positif. C'est ce qu'on a voulu faire avec notre mémoire. Il faudrait nous pardonner un mot ou l'autre trop fort, s'il a choqué, et ne pas y voir un jugement de valeur, mais la volonté d'un apport critique, très positif. Merci.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le président. M. le ministre, est-ce que vous avez le goût de réagir? Non? Cela va? Alors, messieurs de l'Association des institutions d'enseignement secondaire, nous vous remercions de votre rapport et nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

Nous allons suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 42)

(Reprise à 16 h 49)

Le Président (M. Parent, Sauvé): J'invite les membres de la commission permanente de l'éducation à prendre leur siège. La commission va reprendre ses travaux.

La commission accueille the Quebec Federation of Home & School Associations qui est représentée par Mme Hélène Koeppe qui en est la présidente. Mme Koeppe, soyez la bienvenue et merci beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission permanente de l'éducation pour venir nous faire connaître votre point de vue sur le projet de loi 106 et le projet de loi 107. La commission de l'éducation a prévu d'entendre votre organisme pendant une période variant entre 45 minutes et une heure. Nous vous suggérons, dans un premier temps, de nous faire la lecture de votre mémoire ou d'en faire un bref résumé, étant donné que tous les membres de la commission en ont pris connaissance et, après cela, le reste du temps sera réparti équitablement entre les deux formations politiques de façon que nous puissions avoir une discussion avec vous ou vos représentants.

Alors, pour les besoins de l'enregistrement du Journal des débats, je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à enchaîner immédiatement après avec la présentation de votre mémoire. Madame.

Fédération québécoise des associations foyers-écoles

Mme Koeppe (Hélène): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission permanente de l'éducation de l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous présenter ce mémoire et nos préoccupations sur le projet de loi 107. Je suis Hélène Koeppe, présidente de la Fédération québécoise des associations foyers-écoles. Je vous présente Mme Marion Daigle, ancienne présidente de la fédération, ici, à ma droite, et aussi Mme Doreen Canavan, parent et membre de la fédération, à gauche.

Je pense que M. Tônu Onu vous a distribué notre addendum, la page bleue...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous l'avons reçu.

Mme Koeppe: ...avec nos deux recommandations.

Nous représentons une association de parents bénévoles, actifs depuis plus de 40 ans, désireux d'assister nos écoles dans leur mandat dont l'objectif est de fournir à leurs clients, nos enfants, une bonne qualité d'éducation. Par notre intérêt constant pour ce qui se passe dans tout le milieu scolaire de la région ainsi qu'à travers nos contacts avec d'autres organismes d'éducation, nous croyons avoir tenu compte des changements dans le système scolaire du Québec. Cette présentation est la huitième que la Fédération québécoise des associations foyers-écoles donne devant une commission parlementaire relativement à la restructuration scolaire.

Nous représentons des parents impliqués qui, face aux problèmes, désirent aider de façon pertinente. Par exemple, for example, the Quebec Federation of Home and School Associations, along with the other nine provincial federations from across Canada, through the leadership of the Canadian Home and School, inaugurated a teacher appreciation week last February. We had noticed that teachers needed a boost to their morale and that parents needed an occasion to say: Teachers are doing an important job fulfilling a role that we estime and throughout this week, at least, we are going to try to make sure that they feel appreciated it. The very happy results of this week of celebration, perhaps only partly because it was so novel and unexpected, have encouraged us to sponsor an annual teacher appreciation week.

In preparing for this brief, we canvassed our individual members, our local associations and our group affiliate members. We circulated a questionnaire and invited parents to study Bill 107, singly or in groups, and to let us know how they felt.

En aucun cas, le chambardement de notre système scolaire ne fut mentionné comme étant nécessaire aux changements considérés comme

indispensables pour améliorer nos écoles et assurer une bonne qualité d'éducation à nos enfants.

The parents we have represented over the past years, as outlined in our brief, have decided the following concerns again and again: In addition to access to English education, student services, the curriculum, the quality of French language instruction, special education, specialist teachers and the class size. All of these concerns have a common denominator, the lack of available funds. The proposed orientation committees are restricted to parents having children enrolled in a particular school. Their duties and responsibilities, as indicated in the Bill, are onerous. How much power or influence they would actually have remains to be seen. We consider that it is imperative that the general population, the taxpayers are kept involved and informed about public education.

Nos parents ont indiqué qu'ils préfèrent laisser le contrôle et la prise de décision entre les mains des commissaires d'écoles locaux, commissaires élus pour leurs connaissances, leur expérience et leur profond intérêt concernant l'éducation, et qui répondent aux demandes de toute leur communauté. Nous croyons que les conseils d'orientation proposés sont trop exigeants envers leurs bénévoles. Nous considérons que les conseils d'orientation attribuent des tâches monumentales aux parents bénévoles. Ces derniers ne sont pas toujours munis de la connaissance adéquate, de l'habileté nécessaire pour les exécuter et cela, dans l'encadrement budgétaire du ministère de l'Éducation.

Our parents, the people that we represent, as outlined in our brief, are satisfied with the role they now play on school committees and within local home and school associations. They wish to leave the power and the control at the local school board level. This Bill destroys what has been accomplished over the past 150 years and what has evolved and what continues to evoWe. We do not invite the chaos and the disruption inevitable through reorganization. We see the Protestant school system as epresenting the public school system in Québec, because it is open to all, pluralistic and nonsectarian. We believe that the present Protestant system cultivates individual potential and growth, promotes democratic participation and has a deep respect for parental rights in education. Why dismantle what has worked well, what has accommodated change and what is cherished and appreciated by its users and stakeholders?

We now have constitutionally protected school rights. The Ministry itself has said, and I quote from the brochure called "Le ministère de l'Éducation et l'éducation protestante": L'un des aspects qui distingue l'enseignement public au Québec a été et continue d'être le caractère confessionnel de son système scolaire. Bien que l'usage du terme "professionnel" pour qualifier le système soit récent, il n'en décrit pas moins une réalité qui remonte au tout début de l'enseignement public. Le défi que devaient alors relever les législateurs et les éducateurs était celui d'instaurer un seul système d'éducation tout en respectant la diversité tant religieuse que culturelle. Les législateurs ont relevé ce défi en accordant à la minorité religieuse le droit de se déclarer dissidente de la majorité et de fonder des écoles qui refléteraient ses propres valeurs et ses propres traditions. En inscrivant dans la loi ce droit fondamental, désormais enraciné dans les traditions et l'esprit du peuple québécois, le législateur, plutôt que de céder à la facilité en niant la dimension religieuse, a préféré protéger le respect de l'option religieuse.

Nous soutenons que des commissions scolaires linguistiques ne serviront pas les meilleurs intérêts de la société québécoise. Une grande part de la force du système protestant d'instruction publique réside dans sa capacité d'adaptation pour satisfaire aux besoins de ses communautés tant anglophones que francophones. Le fait d'avoir deux systèmes scolaires linguistiques distincts élargit le fossé qui sépare la communauté francophone, soit la majorité linguistique, et la communauté anglophone, soit la minorité linguistique dans cette province.

Les immigrants anglophones qui choisissent d'envoyer leurs enfants dans des écoles franco-protestantes sont en mesure d'offrir à ces derniers un moyen non menaçant d'intégration à la société québécoise. Il n'y a aucune garantie que le Québec pourra attirer les compétences dont il a besoin, si les enfants des immigrants sont obligés de s'intégrer à un système linguistique francophone par lequel de nombreux parents se sentiront aliénés.

We feel that the proposed legislation erodes the rights of a segment of the population and offers nothing substantive in exchange. With our respect, why else has the Ministry itself submitted portions to the courts for a ruling?

Nos recommandations sont les suivantes: comme première étape, la Fédération québécoise des associations foyers-écoles recommande l'abrogation de l'article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982 permettant à l'article 23 (1) a) de la constitution d'entrer en vigueur au Québec et, par ce fait même, d'instaurer dans toutes les provinces un minimum égal de droits pour la minorité linguistique quant à l'instruction dans l'une des deux langues officielles du Canada.

Comme seconde étape, étant donné les incertitudes qui entourent l'intention du projet de loi 107 et les contraintes constitutionnelles existantes, la Fédération québécoise des associations foyers-écoles recommande que ce projet de loi soit soumis intégralement à la Cour d'appel du Québec après la deuxième lecture, en vue d'obtenir une décision quant à sa validité constitutionnelle. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, Mme la présidente, et je reconnais

maintenant, dans un premier temps, le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je remercie la délégation de la Fédération québécoise des associations foyers-écoles de l'intérêt qu'elle manifeste pour les projets de loi 106 et 107. J'ai pris bonne note de la teneur du mémoire qu'elle nous a soumis et je constate que la fédération nourrit des appréhensions sérieuses au sujet de l'opportunité du projet de loi, du moins de ses propositions centrales. Je voudrais l'assurer que, tout en comprenant son point de vue, le gouvernement ne peut pas le partager car, en même temps qu'il est conscient des difficultés de réalisation de son objectif, il croit que les changements s'imposent dans la structure de notre système scolaire.

Je vais vous poser une question qui va, en même temps, vous indiquer un petit peu pourquoi. Nous avons fait le relevé des élèves qui étaient inscrits cette année dans des écoles gérées par des commissions scolaires protestantes du Québec. Il y en a un peu plus de 82 000 et, de ce nombre, savez-vous combien se déclarent de religion protestante? Il y en a 39 000. Cela veut dire que, dans les écoles des commissions scolaires protestantes, il y a moins de la moitié des élèves qui sont déclarés par leurs parents de religion protestante. Les autres, il y en a plusieurs milliers qui sont de religion catholique et il y en a plusieurs milliers qui sont de religion autre. Est-ce que vous trouvez normal de continuer à les regrouper sous des commissions scolaires protestantes, alors que les protestants ne sont plus la majorité même dans ces écoles?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je ne sais pas qui doit répondre. Mdame?

Mme Canavan (Doreen): Doreen Canavan.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme

Canavan.

M. Ryan: Dites-lui qu'elle peut répondre en anglais, si elle le veut.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous pouvez répondre en anglais. Mme Canavan, if you wish you can answer in English, feel free to.

Mme Canavan: Si cela ne vous dérange pas, je pourrais répondre en français, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.

Mme Canavan: Excusez mes fautes, s'il vous plaît, à l'avance. Comme on l'a dit dans notre mémoire, M. le ministre, on croit que le système protestant qui existe dans le moment dans la province de Québec est un système pluraliste, un système qui est ouvert à tous, que ce soient les protestants, ceux qui, comme vous dites, n'ont pas de religion ou qui ne disent pas quelle est leur religion, et même ceux qui sont catholiques.

Le système protestant porte le nom de protestant, mais on croit que c'est un système public qui, peut-être historiquement, a commencé par le fait que les écoles catholiques donnaient une éducation très directe, très renseignée sur le système de l'Église catholique. Et il y en avait beaucoup, dans le temps, qui ne pouvaient pas fréquenter les écoles françaises à cause de cela. Ils sont venus - je parle du temps où j'étais à l'école - aux écoles protestantes et c'est pour cette raison que le système protestant, quoiqu'il porte le nom de protestant, a eu plusieurs religions différentes dans le système.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Canavan. Est-ce que vous vouliez renchérir?

Mme Canavan: Non, je vais laisser, pour le moment... Je ne sais pas si j'ai répondu.

M. Ryan: Vous m'avez répondu, mais il y a un problème qui reste non résolu avec la réponse que vous donnez. C'est que beaucoup d'éléments qui s'opposent au changement revendiquent la protection constitutionnelle de 1867, là. Puis la protection constitutionnelle a été donnée aux protestants, pas aux autres. C'est là le problème, pour le gouvernement.

Mme Canavan: La protection de l'article 93 de la constitution de 1867 était donnée comme garantie d'individu, je crois, et nous croyons qu'en ôtant cela, la seule garantie serait, dans la province, une garantie de collectivité. Une garantie d'individu c'est très important pour les membres d'une minorité d'une province.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: J'ai une question à vous poser. Aux catholiques de langue anglaise, les commissions scolaires catholiques disent, dans beaucoup d'endroits: On n'a pas les moyens de vous donner des services. Ils les envoient chez les commissions scolaires protestantes. Comme ils sont catholiques, ils ne peuvent pas être représentés aux commissions scolaires protestantes. Dans plusieurs écoles, ils sont la moitié de l'effectif. Est-ce que vous trouvez que le fait de garder des commissions scolaires protestantes règle ces problèmes-là?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme

Canavan.

Mme Canavan: Pas nécessairement, mais je crois que défaire le système protestant ne serait pas la réponse non plus. Parmi les catholiques... Si vous permettez, je vais vous donner une petite citation du mémoire de la Coalition pour la confessionnalité scolaire qui, parlant des

catholiques, disait: II n'y a pas d'option pour les parents catholiques. L'obligation grave d'envoyer leurs enfants dans une école catholique répondant aux exigences de l'Église dans ce domaine est clairement établie dans le droit canon. Autant les catholiques veulent avoir une éducation catholique, autant les protestants et les autres désirent une éducation non reliée à l'Église catholique et comprenant les éléments chrétiens et moraux qui existent en ce moment dans leurs écoles.

Pour entrer dans le système que vous envisagez dans la loi 107, nous envisageons une dépense énorme d'énergie de la part des parents, au sujet de la confessionnalité de l'école. Cela, c'est dans le groupe anglais. Parmi les francophones, il y a beaucoup d'écoles qui sont déjà françaises et catholiques. Je ne vois pas grand changement pour les écoles francophones, mais pour les écoles anglophones, je vois une dépense d'énergie chez les parents qui vont essayer d'établir la confessionnalité de l'école, que cela soit catholique, que cela soit protestant ou neutre. Cette énergie pourrait peut-être mieux aider nos enfants, d'une autre manière. Je ne sais pas. Peut-être. Comme on le dit dans notre mémoire, la solution à la question de la qualité de l'éducation ne réside pas dans les structures, mais bien dans un financement approprié. Peut-être qu'avec un financement approprié, les anglophones catholiques pourraient avoir une commission scolaire uniquement pour eux.

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'autres interventions du côté ministériel? S'il n'y a pas d'autres interventions, je reconnais maintenant le porte-parole officiel de l'Opposition, M. le député de Shefford et vice-président de la commission de l'éducation. M. le député.

M. Paré: Merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, je souhaite la bienvenue à la Fédération québécoise des associations foyers-écoles. Je dois dire que j'ai lu très attentivement, à deux reprises, votre mémoire.

Il faut reconnaître le travail que vous effectuez comme organisme, tel qu'on le décrit là-dedans, parental, bénévole et indépendant. Je me rends compte de la consultation que vous avez faite. Vous me semblez très représentatifs de ce que vous défendez. J'apprécie beaucoup ce qu'on retrouve à la page 4, où vous parlez énormément de la préoccupation que vous avez pour la qualité. Je vais vous citer, parce que je pense que là-dessus, on devrait tous être d'accord: "La qualité de l'éducation ne réside pas dans les structures, mats bien dans le financement approprié." Donc, je pense qu'il faut aussi passer le message là-dedans. C'est important. Ce sont même des ressources indispensables, si on veut que la qualité soit atteinte.

Je vais aller tout de suite au coeur du sujet qui nous intéresse et que M. le ministre de l'Éducation a déjà commencé à aborder. Premiè- rement, je vous félicite pour la franchise et la détermination avec laquelle vous défendez votre point. Je dois vous dire qu'il y a une clarté dans votre mémoire qui va m'amener à être, moi aussi, court, clair et direct afin que nous ayons une discussion sur la base même, qu'on retrouve le fil conducteur dans votre mémoire.

J'aurai quelques questions, j'y reviendrai tantôt, sur la loi 107 comme telle à l'égard du conseil que vous dénoncez, la taxation dont vous traitez à un moment donné et les pouvoirs du ministre. Mais, je vais aller tout de suite aux points majeurs au cas où on n'aurait pas le temps de faire le tour des sujets qui m'intéressent.

Le premier, c'est tout simplement, et c'est fondamental dans votre mémoire, une question linguistique. On le retrouve à toutes les pages. Je vais en citer quelques-unes parce que je dois vous dire que non seulement, c'est très clair, mais, à certains moments donnés, c'est même très direct. Et sur ce plan, je vous le dis, je vais l'être aussi.

On retrouve, entre autres à la page 21, en bas: que "l'accès à l'instruction en anglais soit accordé à tous les anglophones du Québec, y compris les nouveaux arrivants anglophones, qu'ils viennent d'une autre région du Canada ou de l'étranger." Donc, cela se trouve à la page 21, mais c'est le fil conducteur de tout le reste. On maintient cela parce que cela nous permet de l'atteindre d'une certaine façon. Je dois vous dire que le fait que vous décidiez de le défendre est votre droit légitime. Je vous l'ai dit au début, je vous félicite même pour votre franchise et votre détermination. Donc, vous allez comprendre qu'on ait un peu la même.

Qu'on soit obligé de faire ces débats linguistiques en Amérique du Nord, on va devoir les faire tant que le Québec va vouloir demeurer français. Je vais seulement vous rappeler ce qu'on disait dans le journal cet après-midi et cela m'a frappé. Je venais de finir de lire pour la deuxième fois votre mémoire et je tombe là-dessus. Sauf que, nous, on a un devoir particulier au Québec et je pense que vous en êtes bien conscients. C'était M. Beaudoin, professeur à l'Université d'Ottawa, qui rappelait le problème linguistique du Manitoba et qui disait qu'en 1878 le Manitoba était majoritairement francophone. Quand Georges-Etienne Cartier a décidé d'élaborer la constitution, c'était pour en faire un second Québec, mais grâce à l'intégration des immigrants - "grâce", cela dépend comment on le prend - qui sont allés du côté anglophone, c'est-à-dire en 1890, 20 ans plus tard, une législation venait faire en sorte qu'il n'y ait plus de français au Manitoba. Cela change des situations, le fait d'être minoritaire ou majoritaire. Nous, on a, parce qu'on est en Amérique du Nord et on en a parlé ce matin, un devoir et une obligation particulière.

Par contre, que vous vouliez préserver la culture anglophone au Québec, on en a discuté

depuis le début de la commission, il y a des Québécois anglophones et ils ont droit à leurs institutions. De tout temps, je pense que cela a été reconnu. Même si la minorité existe depuis toujours, elle est reconnue et ses institutions sont là et vont demeurer. Je peux vous le dire, de part et d'autre, on va se battre pour cela. (17 h 15)

Par contre, quand on voit le fil conducteur, et je reviens à cela, parce qu'on le retrouve à d'autres pages aussi... Je vais vous citer un peu plus longuement. Après avoir lu le premier paragraphe, si on lit le paragraphe à la fin de la page 24 et au début de la page 25 - je vais vous le dire, je vais sûrement avoir des questions là-dessus - on dit: "Nous soutenons que des commissions scolaires linguistiques ne serviront pas les meilleurs intérêts de la société québécoise. Une grande part de la force du système protestant d'instruction publique réside dans sa capacité d'adaptation pour satisfaire aux besoins de ses communautés, tant anglophones que francophones." Je vais tout le lire, cela sera plus facile, comme cela je ne sauterai rien. "Le fait d'avoir deux systèmes scolaires linguistiques distincts élargit le fossé qui sépare la communauté francophone, soit la majorité linguistique, et la communauté anglophone, la minorité linguistique dans cette province. Les immigrants anglophones qui choisissent d'envoyer leurs enfants dans un école franco-protestante sont en mesure d'offrir à ces derniers un moyen non menaçant d'intégration à la société québécoise." Et quand on continue: "II n'y a aucune garantie que le Québec pourra attirer les compétences dont il a besoin, si les enfants des immigrants sont obligés de s'intégrer à un système linguistique francophone par lequel de nombreux parents se sentiront aliénés."

Je dois vous dire c'est un peu beaucoup direct, et un peu pas mal choquant. Et je vous le dis tel que le je perçois. Je vous avais dit que je serais aussi direct que vous ne l'avez été dans votre mémoire. Mais n'oublions pas quelque chose: les commissions scolaires protestantes n'ont pas toujours intégré des francophones. Cela ne fait pas 150 ans, c'est beaucoup plus récent, et il faut tenir compte de cela. Mais, quand on lit cela, on a l'impression que cela a toujours existé et qu'on veut garder des acquis de toujours, alors que - le ministre a donné des chiffres là-dessus - c'est le contraire, c'est quelque chose de plus récent, en tout cas plus récent que la constitution, et quelque chose qui va en grandissant.

Là-dessus, ma première question - je vais retrouver les pages... Comment pouvez-vous concilier ces deux paragraphes qu'on retrouve dans votre mémoire celui à la page 14 où on dit: "L'établissement d'écoles linguistiques ayant le choix de leur confession garantirait le chaos" et celui à la page 24, où on s'en vient dire: "Notre école actuelle est protestante et nous avons l'impression qu'elle répond aux besoins et aux aspirations de la communauté - qu'elle soit protestante, catholique, ou autre"?

Si c'est déjà faisable, si c'est déjà praticable, déjà en place, et s'il y a un système sur lequel on peut permettre à des gens de plusieurs confessionnalités, et vous en êtes la preuve vivante, de vivre ensemble, pour quelles raisons, si on le faisait maintenant sur une base linguistique avec une reconnaissance confessionnelle, cela deviendrait le chaos et serait inapplicable? C'est ma première question.

Je peux continuer, étant donné que, de toute façon, vous devrez préciser, je pense, l'ensemble du volet linguistique de votre mémoire. Il y a cela, et mon autre question aussi qui touche cela directement. Ce que vous dites, à la page 27, rejoint encore la confessionnalité avec le domaine liguistique. À la page 27, et même dans ce que vous avez traité tantôt - attendez un peu, je voudrais bien le retrouver... Vous dites, à un moment donné, que l'école protestante, c'est l'école... Je ne pourrai pas le reciter, je ne voudrais pas passer tout le temps à chercher, mais vous dites que le système protestant, à l'heure actuelle, est le système public du Québec, le système pluraliste, le système fonctionnel. C'est comme si le système qu'il y avait à côté était aliénant, et ce sont des mots que je vous ai cités tantôt. Ainsi, si on obligeait les immigrants à aller à l'école linguistique, pour de nombreux parents, ils se sentiraient aliénés. Donc, il y a le système, le vrai système, le système protestant contrôlé par la minorité anglophone, qui est le vrai système public au Québec. Et il y a l'autre à côté, le système catholique, qui, lui, est contrôlé par les francophones, qui est un système aliénant, le petit système, qui n'est pas comme tel, selon ce que l'on lit, le système public d'éducation au Québec.

À la page 27, vous y allez en expliquant tout cela et vous dites: D'une part, la conception protestante axée sur une philosophie pluraliste et, d'autre part, la conception catholique, axée sur l'école confessionnelle. Oui, cela peut être avantageux, pour tout le fil conducteur de votre mémoire, de vouloir garder le système actuel, parce que vous justifiez, finalement, que cela va dans le sens que vous voulez défendre en regard d'un projet de société. Mais, comment pouvez-vous trouver cela logique qu'il y ait un système actuel basé sur la confessionnalité, qu'on dise qu'il y a un système protestant et un système catholique, qu'on veuille maintenir cela, et qu'en même temps vous disiez: Ce n'est pas cela qui se passe vraiment? Il y a un système protestant qui n'a que le nom de protestant, mais il est un système ouvert, pluraliste et vous dites même dans votre mémoire, sans retrouver la page, qu'il est non sectaire. Donc, on a la chance d'avoir un système protestant, mais qui est ouvert, pluraliste, qui accueille tout le monde, qui est non sectaire et, à côté, il y a le système catholique qui est bien serré dans son coin, un système

confessionnel. Est-ce que vous trouvez cela - et je reviens à la première question du ministre là-dessus - correct, normal et logique que le système actuel soit maintenu avec tout ce que je viens de dire, alors que, vraiment, ce ne sont pas deux systèmes qui peuvent être pluralistes, ouverts, ils ne sont pas tous les deux ouverts et pluralistes de la même façon, et ne serait-il pas plus facile de l'être et de respecter en même temps ce qu'on disait tantôt, que dans le secteur anglophone, que ce soit - Alliance Québec demande cela aussi - un secteur, une institution contrôlé par des gens qui sont anglophones et de l'autre côté, la même chose? Non pas qu'on utilise un qualificatif religieux ou confessionnel pour jouer un rôle qui est tout autre, puisque vous dites qu'en fait votre secteur protestant est non sectaire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Qui aimerait réagir aux interrogations du député de Shefford? Mme Canavan, Mme Koeppe ou Mme Daigle? Vous pouvez quand même vous partager la réponse ou les réponses. Encore une fois, je vous le répète: Feel free to express yourself in English, if you like.

Mme Daigle (Marion): I apologize because my listening skills are not so good "en français", particularly when you speak very quickly. So, I was not certain whether I understood your question or not. I know it may be difficult for everyone to understand what those of us who have a background in a Protestant system mean when we talk about the system being the public system, open, tolerant, without using the word "Protestant" in its religious sense entirely, and we do not mean to have that sound negative to those who are in the francophone, French-speaking system and who are Catholic by denomination. Rather, it has been a history of the Protestant system that for those who do not profess the Catholic faith and who were, for many, many years, perhaps not French-speaking, that they would gravitate to the Protestant system since it was the only other system in Québec accepting children for purposes of education. So, down through the years, we have seen ourselves as being a public system for all of those who have not accepted the Catholic faith and, as I say, who were not French-speaking. In recent years, we have had an influx of students into the Protestant system who, of course, are French-speaking, many of whom are non-Catholic and who have chosen the French-speaking system of the Protestant Boards because they saw it as non-Catholic, without any disrespect for those who are Catholic.

Therefore, I feel that it was the statement that we had to make that it is our contention that for those who are particularly non-Catholic, the Protestant system became the public system to which they could send their children.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Daigle. Mme Canavan, vous voudriez enchérir?

Mme Canavan: Merci de votre question. Je voudrais vous dire qu'elle en renferme beaucoup. Peut-être en répondant à une autre des questions que vous avez posée, à la page 24 où on dit que notre école actuelle est protestante, je voudrais dire que c'est une réponse donnée à notre questionnaire par une école dans les Cantons de l'Est. Dans le mémoire cela a été compris comme un exemple de point de vue d'un de nos membres.

Une autre chose que j'aimerais souligner, c'est que quand on dit qu'on a beaucoup d'immigrants qui vont dans des écoles protestantes francophones, ce sont des écoles protestantes francophones qui les aident parce que ce sont très souvent des gens dont on exige d'avoir une éducation francophone ici dans la province, à la suite de la loi 101. Quand on dit que les parents se sentiront peut-être aliénés dans une commission scolaire francophone, on veut dire une commission scolaire catholique. Peut-être qu'on ne l'a pas dit comme on aurait dû. En fait, être aliéné ne vient pas du fait que c'est en français mais du fait que dans une commission scolaire catholique francophone l'école est catholique. Ce ne sont pas tous les immigrants qui sont catholiques. Il y en beaucoup qui ne sont pas catholiques et qui se sentent plus confortables dans une école francophone protestante.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

Mme Canavan: Je n'ai pas répondu à toutes les questions, seulement à quelques-unes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y d'autres interventions de la part de l'Opposition officielle?

M. Paré: Est-ce que j'ai encore du temps? Quelques minutes.

J'ai seulement une petite question, deux petites questions rapides, une première qui va être très très rapide. Il y a un groupe qui est venu - malheureusement, je ne me souviens pas du nom - et qui a dit que la solution au système d'éducation québécois, à l'heure actuelle, cela pourrait être la commission scolaire unifiée - je sais que je vous pose cela à brûle-pourpoint - étant donné que de toute façon on doit avoir des écoles qui, elles, sont ou francophones ou anglophones qui pourraient déterminer - elles vont devoir le faire quand même - leur confes-sionnalité. Est-ce que ce serait une solution envisageable pour vous ou est-ce que seriez enclins à étudier cette possibilité d'une commission scolaire unifiée sur l'ensemble du territoire?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Canavan: Unifiée sur l'ensemble du territoire. Excusez, je veux juste savoir la question.

M. Paré: Unifiée, c'est-à-dire une seule commission scolaire par territoire et non pas sur une base, soit religieuse, soit linguistique.

Mme Canavan: Cela serait avec la confessionnal it é choisie au niveau de l'école?

M. Paré: Oui.

Mme Canavan: Est-ce que c'est cela que vous suggérez?

M. Paré: Oui.

Mme Canavan: Non. Du tout, parce qu'au niveau des écoles, dans le secteur anglophone on s'attend qu'il y ait des batailles sur les choses qu'on ne veut pas avoir, les choses qu'on ne veut pas laisser entrer dans l'école où nos enfants sont. Ce qu'ils veulent, c'est avoir une éducation. On ne veut pas commencer à avoir toutes sortes de problèmes dans les écoles au niveau des étudiants. On est des parents, on veut qu'ils aient un système d'éducation où il n'y a pas de problème dans les familles, ni dans le voisinage où ils jouent avec toutes sortes d'enfants de toutes religions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

M. Paré: Une dernière question. Comment conciliez-vous, ou quelle serait votre réaction aux pouvoirs que se donne le ministre dans la loi 107, avec les remarques que vous faites, entre autres à la page 6, en disant: Les commissions scolaires élues, quant à elles, peuvent veiller au respect des valeurs, des traditions et des besoins locaux parce qu'elles sont plus proches de la population. Ensuite, à la page 8, on dit: Le système scolaire doit veiller à ce que les programmes répondent aux besoins de la collectivité et certaines commissions scolaires assument cette responsabilité en liaison permanente avec l'industrie. Donc, aux deux pages, puis entre cela... J'ai surtout repris ces pages-là où on dit que c'est la commission scolaire qui est la plus proche, qui connaît plus les besoins et qui, même au niveau de l'éducation des adultes, est plus en mesure de faire les liens entre l'école et l'entreprise. Est-ce que vous pensez que la loi 107 va dans ce sens-là ou contre, plutôt, ce que vous véhiculez comme pouvoirs de la commission scolaire?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Canavan: Nous croyons que la Loi 107 va contre ce que vous avez suggéré parce que, dans le moment, nous avons des commissaires d'écoles élus au niveau communautaire et nous croyons que c'est quelque chose qui est très important. Au sujet des pouvoirs du ministère - vous me permettez, si j'emprunte quelques phrases de la langue française, je continue dans le mémoire encore de la Coalition pour la confessionnalité scolaire - n'oublions jamais que celui qui tient les cordons de la bourse qui contient l'argent de nos taxes scolaires détient, à toutes fins utiles, un pouvoir de contrôle sur les orientations de notre système scolaire. Dans le moment, les taxes scolaires sont dirigées par les commissions scolaires et par le ministre, comme de raison, mais par les commissaires scolaires qui sont élus par la communauté, et c'est une chose qui est très importante.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va? M. Paré: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame.

M. Paré: En concluant, je veux tout simplement vous remercier pour votre mémoire et la discussion qu'on a eue. Malgré les divergences, je pense qu'il est important qu'on ait la chance d'échanger des vues là-dessus. Merci beaucoup d'être venus en commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. le vice-président. Je reconnais maintenant le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Je veux vous remercier de votre témoignage. Je pense que c'est un témoignage qui plaide plutôt pour le maintien des structures actuelles, si je vous ai bien compris. Je respecte les raisons qui inspirent votre attitude. Je ne pense pas que cette position-là réponde aux besoins auxquels nous faisons face actuellement mais, en tout cas, nous la prenons en note et nous l'examinerons avec attention.

I wish to thank you very much for your contribution to our study of these two draft bills. I do not necessarily share your interpretation of today's needs and realities, but I respect your views and I can assure you that they will be studied with attention. Thank you very much.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre, merci, mesdames.

La commission permanente de l'éducation suspend temporairement ses travaux qui reprendront à 20 heures, alors que nous accueillerons l'Association des parents catholiques du Québec suivie du Conseil catholique d'expression anglaise.

(Suspension de la séance à 17 h 33)

(Reprise à 20 h 6)

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous

plaît! J'invite les membres présents de la commission permanente de l'éducation à prendre place. Nous allons immédiatement commencer nos travaux.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a M. Jolivet qui remplace Mme Blackburn de Chicoutimi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si j'ai bien compris, vous voulez dire que le député de Laviolette remplace Mme la députée de Chicoutimi?

Le Secrétaire: Oui.

M. Jolivet: C'est un remplacement difficile.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a d'autres remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que nous avons quorum, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, si nous avons quorum, je déclare ouverte cette séance de consultations de la commission permanente de l'éducation qui se réunit dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, à savoir de procéder à des consultations générales dans le cadre des projets de loi 106 et 107, projets de loi en regard de la Loi sur les élections scolaires et en regard de la Loi sur l'instruction publique.

En ce début de soirée, nous accueillons l'Association des parents catholiques du Québec dont la porte-parole est la présidente, Mme Adeline Mathieu. Mme Mathieu, bonsoir et merci d'avoir répondu à l'invitation de la commission permanente de l'éducation pour venir nous faire connaître le point de vue de votre organisme face à ces deux projets de loi. L'Association des parents catholiques du Québec est un intervenant majeur dans le monde de l'éducation et nous sommes heureux de vous entendre.

La commission a prévu octroyer une période de temps d'une heure à l'association, qui pourrait se diviser comme suit - je le fais a titre de suggestion; sentez-vous bien à votre aise. Moi, je vous suggère de faire une présentation d'environ quinze à dix-huit minutes de votre mémoire et, après cela, le reste du temps sera réparti à parts égales entre les deux formations politiques avec lesquelles vous aurez tout le temps d'échanger des propos. Par contre, les 15-18 minutes que je vous dis, ce n'est pas une directive, c'est une suggestion. Libre à vous d'utiliser votre temps comme vous le voulez. Mais je vous informe que, déjà, les membres de cette commission ont reçu votre mémoire, l'ont lu et ont eu l'occasion d'en discuter.

Comme dernière intervention, je dois vous informer que le ministre s'excuse auprès des membres présents, des membres de la commission et de nos invités. Il sera en retard, mais il sera avec nous pour la majeure partie de nos discussions; du moins, je l'espère.

Alors, Mme Mathieu, pour les besoins de l'enregistrement du Journal des débats, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent et commencer immédiatement la présentation du mémoire de l'Association des parents catholiques du Québec. Mme la présidente.

Association des parents catholiques du Québec

Mme Mathieu (Adeline): C'est Mme Jocelyne Saint-Cyr qui va procéder pour nous le présenter.

Mme Saint-Cyr (Jocelyne): Bonsoir, messieurs, M. le Président, membres de la commission. Mon nom est Jocelyne Saint-Cyr. Je suis vice-présidente provinciale. C'est avec plaisir que je vous présente les personnes qui représenteront notre organisme aujourd'hui, à cette commission. Mme Adeline Mathieu, notre présidente provinciale; Me Mario DuMesnil, spécialiste en droit scolaire; Me André Morais, notaire, qui est le trésorier provincial.

Donc, je laisse maintenant la parole à Mme Adeline Mathieu.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, mesdames, M. le ministre, bienvenue. Mme la présidente, nous vous écoutons.

Mme Mathieu: M. le Président, je regrette l'absence de M. Ryan.

Une voix: Ce ne sera pas long.

Mme Mathieu: J'espère qu'il a lu le mémoire. Alors, il a certainement compris notre stupéfaction quand nous avons appris, en décembre dernier, que le gouvernement avait déposé à l'Assemblée nationale, le projet de loi 107 sur le système scolaire.

Ses nombreuses déclarations, en particulier aux états généraux de l'éducation, nous laissaient croire que le gouvernement n'entendait pas entreprendre des chambardements dans le monde scolaire. Il affirmait, à ce moment, ne pas avoir l'intention de poursuivre la démarche du gouvernement précédent parce qu'il n'y avait pas, disait-il, de consensus dans la population pour des commissions scolaires linguistiques. Dans une autre allocution, à l'occasion d'une réunion des présidents et directeurs généraux des commissions scolaires catholiques du Québec, en février

1986, il avait déclaré: "Le gouvernement n'entend pas rouvrir les débats fiévreux qui entourèrent la présentation du projet de loi 40 et l'adoption de la loi 3 à l'Assemblée nationale. Ces débats consument beaucoup d'énergie, mais ils aboutissent trop souvent à des résultats décevants." Nous sommes payés pour le savoir. Il avait bien raison.

Face à de telles déclarations, comment peut-on expliquer les affirmations contenues dans un communiqué de presse qui accompagnait le dépôt du projet de loi 107. "Le projet de loi 107 sur l'instruction publique se veut le reflet de nombreux consensus réalisés au cours des dernières années" - je vous avoue que je ne comprends plus - "particulièrement à l'occasion des grandes opérations de consultations menées lors de la parution du livre vert en 1977 et de la loi 3 en I984." Sur quoi le gouvernement s'ap-puie-t-il pour affirmer que la consultation du livre vert a manifesté un consensus favorable aux commissions scolaires linguistiques? Dans la synthèse des résultats de la consultation du livre vert, aucun des documents régional, national ou général, ne manifeste la volonté de la population de changer les commissions scolaires confessionnelles en commissions scolaires linguistiques.

La deuxième affirmation du communiqué en question est aussi très contestable. Comment peut-on affirmer qu'à l'occasion de la loi 3 un consensus s'est manifesté pour les commissions scolaires linguistiques? Peut-on ignorer la coalition pour la confession nalité scolaire qui a regroupé 940 organismes, à ce moment-là, dans la toute la province. Une trentaine de commissions scolaires qui représentent à elle seules plus de la moitié de la population scolaire du Québec ont adhéré à cette coalition ainsi que 420 comités d'école. Et que dire de toutes les actions juridiques intentées par des parents et des commissions scolaires pour sauvegarder notre système scolaire confessionnel?

Le projet de loi 107 a pour principal objectif la transformation des commissions scolaires confessionnelles en commissions scolaires linguistiques dans un avenir plus ou moins rapproché, quand les cours auront répondu aux questions que le gouvernement entend leur poser au sujet de l'interprétation qui doit être donnée à l'article 93.

Désireux d'intervenir dans ce débat, nous avons confié à un spécialiste en droit scolaire, Maître Mario DuMesnil, l'étude de tous les droits conférés aux catholiques et aux protestants par la constitution canadienne. M. DuMesnil vous entretiendra dans quelques instants sur ce sujet.

Si, depuis plus de 20 ans, nous luttons pour conserver nos commissions scolaires catholiques, c'est que nous sommes convaincus non seulement qu'il s'agit d'un droit historique, mais qu'elles sont absolument nécessaires pour assurer la survie et le dynamisme des écoles catholiques. Les commissions scolaires, corps intermédiaires indispensables, jouent un rôle très important dans la vie des écoles. Quand on détermine le choix du personnel, qu'on décide de l'application des programmes et des orientations pédagogiques, qu'on planifie les services pour répondre aux besoins d'une communauté, on possède un grand pouvoir sur la vie de l'école.

L'Assemblée des évêques du Québec a aussi marqué sa préférence pour des commissions scolaires confessionnelles dans sa déclaration de 1982 et les gouvernements n'ont jamais élaboré le moindre argument établissant "qu'elles s'avèrent un obstacle insurmontable à la diversité du réseau scolaire." Le comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation réclamait, lui aussi, le maintien des structures confessionnelles.

De plus, l'expérience nous apprend que seules les structures confessionnelles sont en mesure de soutenir les écoles dans l'élaboration d'un projet éducatif à caractère confessionnel. Ce que nous avons vécu lors de la mise en place de cégeps est très éclairant. Étant donné le peu de temps à ma disposition, je ne puis relater tout ce qui s'est passé à ce moment, mais, chose certaine, en dépit du voeux des parents, aucun cégep, qui étaient pourtant, dans la plupart des cas, d'anciens séminaires, aucun de ces cégeps n'a pu se faire reconnaître comme catholique, en dépit de la possibilité que la loi offrait. Les conseils d'aministration neutres ont toujours refusé de faire parvenir cette volonté des parents au gouvernement afin de faire reconnaître les écoles. La situation est peut-être un peu différente. Il y a quelques nuances, mais nous sommmes convaincus que renoncer aux commissions scolaires confessionnelles serait accepter un plat de lentilles en échange d'un droit d'aînesse.

Pour nous, la communauté est le soutien de l'école. Dans notre société actuelle, les grandes communautés de base, catholique et protestante, ont la responsabilité de ces écoles. L'école est le lieu de formation de la personnalité et de la transmission des valeurs. Il faut donc que le mot "communauté" dépasse la notion de territoire. La mise en place des commissions scolaires linguistiques à la place des commissions scolaires confessionnelles détruit l'équilibre traditionnel des forces scolaires de nos communautés de base.

Le projet de loi 107 ne proclame pas que l'école publique est neutre, mais l'ensemble des articles qui en traitent le dit d'une façon indirecte. Une lecture attentive de la loi nous fait constater qu'au départ, si la loi était votée, aucune école ne serait confessionnelle. Seuls les articles se référant à la catéchèse et à la pastorale garantissent certains services.

La minorité reçoit l'école neutre sur un plateau, on pourrait même dire sur un plateau d'argent alors qu'est imposé à la majorité catholique le lourd fardeau de la preuve dans près de 3000 écoles. C'est un travail gigantesque et parsemé d'obstacles. C'est une remise en

question qui entraîne avec elle des remous inévitables: affrontements, noyautage, déceptions et agressivité. Là aussi, l'expérience nous montre que cet exercice qui a été pratiqué dans plus d'une centaine d'écoles, n'a fait qu'envenimer la situation partout où il y avait réellement pluralisme. La solution, il faut encore le redire, est tellement simple. Pourquoi les gouvernements préfèrent-ils la mettre de côté? Offrir à ceux qui refusent l'école confessionnelle, là où le nombre le permet, une école "autre" qui répondra à leur attente. C'est là que se situe le véritable droit des parents au choix de l'école.

L'école catholique est aussi menacée par certains articles des nouveaux règlements du comité catholique. Certains de ces règlements améliorent la situation concernant les professeurs de catéchèse et la pastorale. Mais on ne peut en dire autant concernant le retrait, par exemple, de l'article 22. Ce qui veut dire que, maintenant, on n'exige plus que le directeur d'école ou que les enseignants soient de foi catholique, comme l'exigeait l'article 22 des anciens règlements. Tout ce qu'on leur demande, actuellement, c'est de respecter l'option de l'école et, pour le directeur, de voir à la réalisation du projet éducatif.

Au nom des droits et libertés individuels d'un travailleur, on refuse le droit des catholiques à un directeur d'école et à des professeurs de foi catholique. De plus, cet argument est sans fondement, car un avis de la Commission des droits et libertés de la personne déclare clairement que les commissions scolaires confessionnelles ont le droit d'engager de préférence du personnel de foi catholique.

L'article 4 de la section II des nouveaux règlements sera aussi sujet à toutes sortes d'interprétations. Je lis: "Que l'école publique reconnue comme catholique intègre, dans le respect des libertés de conscience et de religion, les croyances et les valeurs de la religion catholique dans son projet éducatif." Afficher des symboles religieux dans l'école, prier dans les classes, célébrer certaines fêtes religieuses, est-ce respecter la liberté de conscience et de religion?

Le projet de loi 107 met en place des conseils d'orientation et leur donne un rôle très important à jouer dans l'école. Cette formule de participation n'est pas nouvelle et nous croyons qu'elle ne répond pas aux attentes des différents groupes intéressés à l'école. Les conseils d'école proposés il y a quelques années à titre volontaire n'ont pas fait long feu dans les rares milieux qui les ont expérimentés. Les professeurs ne s'y sont pas intéressés et les parents ont considéré qu'ils faisaient double emploi avec les comités d'école.

M. le ministre, M. Claude Ryan, avait traité de ce sujet à l'occasion du projet de loi 40. Il disait, à ce moment-là: "Certains membres y seront en conflit d'intérêts pour ainsi dire permanent, comme cela s'est produit très souvent au niveau des conseils d'administration des cégeps, des services sociaux et des institutions hospitalières." Il ajoutait: "Au sein du conseil d'école, la responsabilité majeure des décisions incombera aux représentants des parents, lesquels seront élus pour un mandat relativement bref de deux ans et ne disposeront ni du temps ni des antécédents pour acquérir en aussi peu de temps la compétence nécessaire par rapport aux décisions très importantes quand ils auront la responsabilité."

Il est vrai que les pouvoirs du conseil d'orientation sont un peu différents de ceux des conseils d'école du projet de loi 40 et qu'il est davantage un organisme de consultation, mais les problèmes qu'il va soulever seront à peu près les mêmes, car ils découlent d'un gouvernement parallèle, avec des pouvoirs limités qui ne peuvent engendrer qu'insatisfaction et conflits et, par voie de conséquence, absence d'intérêt.

Nous pouvons lire dans le projet de loi qu'on a prévu des difficultés puisqu'il est dit: "Si le quorum ne peut être atteint pendant une période de huit semaines consécutives, la commission scolaire peut ordonner que les fonctions du conseil d'orientation soient suspendues pour la période qu'elle détermine et qu'elles soient exercées par le directeur d'école."

La participation des parents est très importante dans l'école, mais elle peut prendre différentes formes. En rendant les comités d'école facultatifs, le projet de loi 107 vient de signer leur arrêt de mort, car on constate qu'il est déjà difficile de trouver un nombre suffisant de parents pour compléter les cadres dans un grand nombre d'écoles.

Nous voulons aussi toucher à un autre aspect en ce qui regarde, non pas l'école publique, mais l'école privée, car le projet de loi 107 touche aussi à l'enseignement privé. À l'article 198, on fait renaître les contrats d'association avec les commissions scolaires. La seule précision qui est apportée, concernant ces contrats, touche au financement qui sera assuré dans sa totalité.

Le Québec a connu l'ère des contrats d'association avec les commissions scolaires il y a une vingtaine d'années. Le temps a prouvé que cette formule est à rejeter si l'on veut assurer une certaine autonomie aux institutions privées. Les contrats d'association ont été néfastes pour un très grand nombre d'écoles qui ont été tout simplement intégrées au secteur public ou qui se sont vues dans l'obligation de fermer leurs portes. Les conditions minimales qui permettent à une école de réaliser ses objectifs n'étaient pas respectées dans bien des cas.

Comment expliquer que l'État refuse d'augmenter les subventions au secteur privé et se contente des maigres 55 % du coût moyen dans le secteur public, en donnant comme raison que la situation financière du gouvernement ne le permet pas, quand, par ailleurs, il trouverait les fonds nécessaires pour les financer à 100 % si elles acceptaient des contrats d'association avec les commissions scolaires? Est-ce qu'on ne

verrait pas renaître le concept biaisé de la complémentarité comme condition pour être associé, c'est-à-dire l'obligation pour l'école privée de n'offrir que les cours qui ne se donnent pas dans le secteur public et plusieurs autres exigences qui nuiraient sérieusement à l'autonomie de l'école et à sa vocation particulière?

En conclusion, nous croyons que la population et en particulier les parents en ont assez des questions de structures et désirent avant tout des mesures visant à améliorer l'enseignement.

Les problèmes les plus urgents auxquels nous devons nous attaquer sont les suivants: le rendement scolaire des élèves, la nécessité de personnaliser davantage la relation maître-élève surtout dans les grandes polyvalentes, l'intégration des élèves en difficulté d'apprentissage, le phénomène de la violence en milieu scolaire, l'égalité des chances dans les milieux défavorisés, les difficultés pour l'école catholique de réaliser son projet éducatif dans les milieux pluralistes. Les malaises dans ces milieux concernant l'école ne trouveront pas leur solution dans la démolition des structures confessionnelles.

En dehors des grands centres, les demandes pour l'enseignement moral sont minimes et le nombre des parents ne peut justifier la mise sur pied d'une école neutre. À ces parents on offre déjà le choix d'un enseignement moral et les élèves ne sont pas obligés de participer à la pastorale. Même à Montréal, la clientèle de la CECM, par exemple, est à 91 % catholique. Pourtant, c'est la commission scolaire qui regroupe le plus grand nombre d'ethnies. Pour répondre aux désirs des parents qui refusent l'école catholique, il faut créer un secteur "autre", en plus des secteurs catholiques ou protestants dans les milieux pluralistes.

L'État a tout intérêt à promouvoir des situations claires et harmonieuses et à répondre aux besoins réels et bien identifiés. Pourquoi enlever aux catholiques leur droit de gérance? Pourquoi les dépouiller d'un système scolaire qu'ils ont payé de leurs deniers et qui leur appartient de plein droit?

Plusieurs possibilités s'offrent au gouvernement: mettre en place des commissions scolaires "autres" ou des syndics d'école, encourager le conseil scolaire de l'île de Montréal à offrir des écoles "autres" ou donner au secteur francophone du PSBGM un statut particulier. Les solutions ne manquent pas. Ce qui manque, c'est une volonté politique de régler le problème sans démolir tout un système d'éducation.

L'APCQ lutte depuis plus de 20 ans pour sauvegarder notre système scolaire confessionnel. Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, sous forme de pétitions, de manifestes. Aujourd'hui, j'aimerais déposer le journal qui relatait la déposition du manifeste des parents chrétiens avec le chariot qui contenait tous les appuis, ce qui représentait 1 000 000 de personnes. Cela ne fait pas tellement longtemps et la population du Québec n'a pas changé. Il faut maintenir...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, Mme la présidente. Est-ce que vous vouliez réellement faire un dépôt de document?

Mme Mathieu: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, vous devez me le soumettre. Je dois l'examiner et l'accepter ou le refuser.

Mme Mathieu: Parfait.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M le secrétaire.

Mme Mathieu: Alors, je...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, avant d'aller plus loin. Vous l'avez déposé à ce moment-ci, on est obligé d'en prendre acte.

Mme Mathieu: Et depuis 20 ans...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, madame.

Mme Mathieu: Pardon?

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît! Un instant. Alors, je déclare recevable le journal ayant pour titre Famille Québec, en date de décembre 1982 et janvier 1983. Document déposé. Mme la Présidente, nous vous écoutons.

Mme Mathieu: Avec tous ces organismes, nous entendons lutter contre le projet de loi 107 qui annonce une révolution fondamentale de tout notre système d'éducation. Une pétition vient d'être lancée qui permettra à la population de faire entendre sa voix. Nous désirons aussi participer aux actions juridiques qui seront entreprises, s'il y a lieu.

Si nous arrivons à mobiliser tant de citoyens et de parents pour l'école catholique, c'est qu'ils découvrent de plus en plus qu'un monde qui veut se constituer en dehors de Dieu est une catastrophe.

L'école est un aspect de cette nécessaire incarnation de la foi dans la société. Elle est nécessaire à notre jeunesse à la recherche d'un sens à donner à sa vie, à la recherche de l'absolu. L'école catholique est une cellule essentielle de l'avenir et la tâche de la maintenir et de l'améliorer est considérée par la majorité des catholiques comme un devoir et un droit. Je vous remercie et je laisse la parole à Me Mario DuMesnil.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Mathieu. Me DuMesnil, nous vous écoutons.

M. DuMesnil (Mario): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, s'il ne fait aucun doute sur les pouvoirs de l'Assemblée nationale de créer des commissions scolaires linguistiques, de créer des commissions scolaires neutres, il ne fait, également, aucun doute que l'Assemblée nationale ne saurait le faire si, en le faisant, elle portait atteinte directement ou indirectement de façon préjudiciable, aux droits et privilèges déjà conférés par la constitution, aux catholiques et aux protestants au Québec et cela, comme classes de personnes, relativement aux écoles confessionnelles et relativement à la structure nécessaire pour avoir ces écoles confessionnelles. En d'autres termes, l'article 93 de la constitution canadienne interdit l'adoption de toute mesure qui affecterait, de façon préjudiciable, les droits et privilèges des catholiques et des protestants qui existaient, de par la loi, en 1867. Ces droits sont très simples. Cela se résume en deux choses - ce n'est pas moi qui parle, ce sont les tribunaux - c'est le contrôle absolu - le mot est exact - le contrôle absolu, donc, au point de vue financier et pédagogique de leurs écoles, des écoles.

Ici, j'aimerais souligner un point très important selon nous. C'est que personne ne peut venir devant vous et prétendre vouloir renoncer à ces droits accordés soit aux catholiques - et nous parlons pour les catholiques - soit aux protestants et j'entends par ces groupes soit l'Assemblée des évêques du Québec, soit la Fédération des commissions scolaires, soit un groupe quelconque. Personne ne peut renoncer à ces droits pour la classe de personnes qui sont des catholiques. Et si des doutes subsistaient sur ce point, je vous référerai à l'arrêt Hirsch qui est très connu où les commissaires d'écoles protestantes - et c'était dans le préambule de la loi qui avait été soumise aux tribunaux - où les commissaires de la commission scolaire protestante de Montréal avaient acquiescé au projet de loi, lequel enlevait des droits aux protestants, des droits qu'ils détenaient avant la Confédération. Les tribunaux ont dit tout simplement que cette résolution des commissaires d'écoles devait être considérée comme étant non écrite. C'est en tenant compte de cette réalité constitutionnelle que l'on doit aborder le projet de loi. Nous n'avons pas l'intention, parce que le projet de loi est très vaste... Tout ce que je vais vous dire sur ce point c'est que tout ce qui peut directement ou indirectement affecter les droits des catholiques ou des protestants - les protestants se sont fait entendre, je n'ai pas à parler pour eux - mais en ce qui concerne les catholiques, notre attitude est la même. Nous avons l'intention de le contester devant les tribunaux parce que nous considérons que ce sont des droits inaliénables et que l'on ne saurait voir amoindrir, alors que, pour satisfaire ceux qui ne partagent pas notre opinion il y a un véhicule qui est là, tout près, qui est la commission scolaire linguistique, la commission scolaire neutre, laquelle peut se créer sans enlever quoi que ce soit aux commissions scolaires catholiques, aux commissions scolaires protestantes et aux classes de personnes que sont les catholiques et les protestants.

Je vais essayer d'aller assez rapidement, M. le Président... (20 h 30)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Sentez-vous bien à votre aise.

M. DuMesnil: Je ne veux pas abuser du temps de la commission non plus.

Une chose qui doit retenir l'attention, c'est que les droits des catholiques et des protestants au point de vue scolaire ne sont pas liés à une notion de territoire géographique véritablement circonscrit. Au contraire, ce droit appartient à tous les catholiques où qu'ils soient dans le Québec. C'est un droit, donc, qui les suit partout. C'est pour cela que nous disons que le projet de loi qui voudra enlever aux commissions scolaires, aux catholiques, dans quelque région que ce soit, dans le Québec, des droits quelconques qu'ils détiennent, est, selon nous, ultra vires.

En d'autres termes, un changement de territoire ou encore la disparition d'un territoire ne peut légalement avoir pour effet de priver les catholiques ou les protestants de la protection accortée par l'article 93, ni avoir pour effet de diminuer, restreindre, ou d'enlever les droits acquis et protégés de ces personnes à la confes-sionnalité de leurs écoles.

Ceci n'a pas pour effet - et je termine là-dessus - de paralyser l'État dans son désir d'établir, dans un territoire donné, des commissions scolaires linguistiques ou neutres. Le droit, il le possède pleinement - et je le réitère - en autant que, en l'exerçant, il n'enlève pas ou ne diminue pas les droits acquis de la classe de personnes protégées dans la province à la confessionnalité de ses écoles. Je me base là-dessus sur une décision du conseil privé dans l'arrêt Hirsch qui le dit textuellement.

Dans toute partie du Québec, en tout temps, s'ils le décident, les catholiques ou les protestants comme classe de personnes peuvent, en respectant les formalités voulues, avoir leurs écoles confessionnelles et le montage juridique voulu pour en assumer le contrôle, le plein contrôle, la pleine direction et le plein financement, en tenant compte du fait de l'existence d'un grand nombre de commissions scolaires confessionnelles de droit dans le Québec à l'heure actuelle. Contre ce désir, contre cette volonté, l'Assemblée nationale ou l'État ne peut rien faire.

En 1867, le droit à la dissidence appartenait à un nombre quelconque de personnes possédant une croyance religieuse différente de celle de la majorité des habitants de la municipalité dans tous les cas où les règlements ou arrangements

des commissaires d'écoles pour la régie d'une école ne leur convenaient pas. L'exercice de ce droit était donc automatique. Il suffisait de signifier le dissentiment, par écrit, et la dissidence était créée. C'était tout. Voilà ce qu'était en 1867 le droit à la dissidence; voilà ce qu'était son exercice et voilà ce qu'il est en 1988.

Il en résulte que les dispositions du projet de loi 107 concernant la dissidence et son exercice aux articles 110 et suivants, sont ultra vires parce qu'allant à l'encontre des droits garantis à ce sujet, et de leur exercice, par l'article 93 de la constitution, ces droits ne connaissant aucune entrave en vertu de la loi préconfédérath/e et le projet de loi actuel en constituant de multiples dont l'effet est de rendre excessivement difficile, dans les faits, sinon illusoire, et le droit à la dissidence et son exercice. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous remercie, Me DuMesnil. Je remercie aussi Mme la présidente, Mme Mathieu de l'exposé, que vous nous avez fait, du mémoire de l'Association des parents catholiques du Québec. Il reste environ quinze minutes par formation politique. Je reconnais, dans un premier temps, le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de rencontrer la délégation de l'Association des parents catholiques que nous connaissons bien. Nous avons eu l'occasion d'échanger des opinions avec la direction de l'association à maintes reprises lors d'audiences parlementaires sur divers sujets reliés à des questions scolaires. Continuons ce dialogue ce soir.

Je comprends que l'Association des parents catholiques n'est pas favorable à plusieurs dispositions du projet de loi et je lui redis ce que j'ai déjà eu l'occasion de lui communiquer, à savoir que: sur plusieurs points, nous ne sommes pas d'accord avec elle parce que la vision de la réalité, qui inspire les positions des uns et des autres, n'est pas la même. Je crois que la vision de la réalité que le gouvernement doit épouser embrasse toute la réalité dans toutes ses sinuosités, dans toute sa diversité, tandis que la position qui est énoncée dans le mémoire qu'on vient de résumer est exactement la même que celle qu'on aurait pu énoncer sur ces sujets il y a dix ans, comme s'il ne s'était rien passé dans la réalité. Nous, nous constatons que la réalité évolue continuellement et qu'elle nous oblige, comme gouvernement, qui doit fournir des services communs à toute la population, à des ajustements continuels.

Cela dit, je ne veux pas rouvrir tout le débat sur des questions de fond. Je pense que nos positions sont bien connues du côté de l'Association des parents catholiques et nous en prenons acte. Mais je voudrais peut-être soulever une couple de questions. D'abord, une question à Mme Mathieu: Vous parlez des commissions scolaires confessionnelles avec beaucoup de vigueur ou vous reliez le maintien des commissions scolaires confessionnelles à la défense de l'école catholique elle-même; vous établissez un lien presque... Je pense que vous établissez un lien essentiel de cause à effet, pratiquement, entre les deux? J'ai sous les yeux un mémoire dont on va être saisis, tantôt, en provenance du conseil catholique d'expression anglaise de Montréal - j'ai bien dit catholique d'expression anglaise de Montréal - dans ce mémoire, ils nous disent qu'ils sont très favorables aux commissions scolaires linguistiques. Ils vont même jusqu'à dire qu'il est essentiel de procéder à la création de commissions scolaires linguistiques pour assurer l'existence continue d'un réseau viable d'écoles de langue anglaise au Québec. Ensuite, ils procèdent à l'examen des garanties qui seront offertes en matière confessionnelle; ils discutent les garanties qui sont contenues à la fois dans le projet de loi et dans les règlements des comités confessionnels que nous avons adoptés il y a quelques mois. Ils émettent des critiques sur certains points, se disent satisfaits sur d'autres et conviennent que la discussion se déroule au niveau des moyens, non pas des fins. C'est ce que je suis enclin à vous demander: Est-ce que nous sommes au niveau des fins ou des moyens, quand nous discutons de la forme des commissions scolaires? Puis, comment expliquez-vous que vous avez une position que je qualifierais d'intransigeante - sans déformer la réalité je pense bien - et qu'un autre organisme très catholique, très représentatif que ce conseil catholique d'expression anglaise, lui, nous dit qu'il comprend très bien qu'on aille vers des commissions scolaires linguistiques en 1988?

Mme Mathieu: Nous sommes venues pour parler pour nous-mêmes...

M. Ryan: C'est déjà un gros progrès.

Mme Mathieu: ...pour nos membres et nous avons une vision, je pense, de la réalité qui est semblable à la vôtre, mais les solutions qu'on propose sont différentes. Nous voyons une évolution, nous aussi, au Québec. Nous connaissons les difficultés que vous connaissez. La lecture de la réalité, je crois qu'après vingt ans nous pouvons dire qu'elle est très exacte dans notre esprit aussi, mais nous proposons d'autres solutions.

La solution que nous proposons, elle est simple. Elle aurait dû être mise en place il y a de nombreuses années. Il y a des milieux pluralistes. Que dans ces milieux on offre des services différents. Le problème des ethnies, vous le connaissez M. le ministre, se situe beaucoup plus au niveau de la langue qu'au niveau de la religion. J'ai apporté ici les statistiques, par exemple, de la CECM qui est la commission scolaire où l'on dit qu'il y a le plus d'ethnies:

Bouddhisme: 0,9 %; catholiques: 91,2%; juives: 0,8%; musulmanes: 0,2%; orthodoxes: 0,3%; protestantes: 0,4 %; aucune: 0,3%; autres: 0,4%. C'est bien 91% de catholiques. Je comprends les anglophones qui veulent sauver la langue. Ce ne sont pas des raisons confessionnelles qui les poussent - je ne voudrais pas faire de l'interprétation ici - ce sont des raisons linguistiques. Alors, est-ce qu'on veut, justement, créer un réseau linguistique anglophone très fort au Québec, alors que nous avons un réseau confessionnel à l'intérieur duquel nous avons des ethnies comme les Polonais, les Italiens, et autres; 91 % pour une commission scolaire! Je me rappelle avoir lu une étude du comité catholique concernant les ethnies et la composition de la population au Québec dans nos écoles, et cela rejoignait cette analyse de la CECM. Alors, nous disons: II y a des problèmes, il faut trouver des solutions. Nous en avons trouvés dans les milieux ruraux. Nous offrons l'option pour l'enseignement religieux. Les enfants ne sont pas obligés de suivre la pastorale. Est-ce qu'on va imposer des commissions scolaires anglaises en Abitibi, un peu partout, là où il n'y a même pas d'anglophones, alors que ce qu'il faut c'est régler le problème de certains milieux?

Alors, je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais pour nous la réponse c'est: ou on renonce complètement à nos droits... Il faut se dire, M. Ryan, je sais que vous avez à maintes reprises déclaré que vous vouliez la promotion de l'école catholique au Québec. J'ai encore lu cela dernièrement dans les journaux. M. Ryan, dans quelques années, vous et moi nous ne serons plus là. Il faut prévoir, aujourd'hui, des structures qui permettront à l'école catholique de s'épanouir et de se réaliser dans des conditions viables.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose, Mme Mathieu, en réponse à la question de M. le ministre.

Mme Mathieu: Non, pour moi il n'y a pas autre chose.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien, M. le ministre.

M. Ryan: Je ne sais pas si vous êtes au courant, vous l'êtes sans doute, que dans le système actuel il y a des milliers d'enfants catholiques qui doivent être confiés à des commissions scolaires protestantes parce que la commission scolaire catholique n'est pas capable de leur offrir de services dans leur langue. En retour, il y a beaucoup d'enfants, des milliers, de langue française, qui sont sous la responsabilité de commissions scolaires à majorité anglophone parce qu'ils ne sont pas catholiques. Est-ce que cela vous apparaît normal dans un Québec français?

Mme Mathieu: Cela ne m'apparaît pas normal. C'est pour cela que dans notre mémoire je vous ai suggéré et je vous suggère de permettre que le secteur francophone du PSBGM puisse devenir autonome, s'administrer lui-même et offrir aux francophones, qui ne désirent pas l'école catholique ou protestante, un autre type d'école. Ce serait une commission scolaire linguistique francophone à Montréal et s'il y a un besoin ailleurs, qu'on l'analyse et qu'on réponde à ce besoin. J'ai été surprise de remarquer, dans le mémoire, par exemple, de l'Alliance de Montréal, une proposition dans le sens un peu de ce que nous faisons aujourd'hui. Mme Pagé, je pense, oui, recommandait ce que nous proposons aujourd'hui: Que le Conseil scolaire de l'île de Montréal, avec votre collaboration au ministère de l'Éducation, mette en place des écoles "autres" à Montréal ou que ce soit le secteur du PSBGM qui devienne automone et s'administre en vertu de la possibilité, comme dit Me DuMes-nil, d'avoir d'autres types de commissions scolaires à côté des commissions scolaires catholiques et protestantes...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Je souhaiterais que les choses fussent aussi simples mais je ne le pense pas pour deux raisons. Tout d'abord, les protestants nous disent: Nos écoles ne sont pas des écoles confessionnelles, ce sont des écoles communes à toutes fins utiles; par conséquent, les francophones qui sont chez nous, au point de vue religieux et philosophique, n'ont pas de problème et nous n'entendons pas beaucoup de complaintes de ce côté-là. Mais en même temps qu'ils reçoivent tous ces enfants, ils fonctionnent en vertu d'un privilège constitutionnel qui ne s'adressait qu'à la confession religieuse protestante. Est-ce qu'on va séparer cela en deux, alors que la vie tend à les amener ensemble?

De l'autre côté, je souhaiterais qu'il fût facile de classer les gens comme vous le proposez. Vous autres, c'est catholiques, vous vous en allez là; vous autres, vous ne le voulez pas, vous vous en allez à l'autre. Les gens sont partagés. Il y en a qui sont catholiques aujourd'hui à 10 %, d'autres à 20 %, d'autres à 40 %. Il y en a qui sont en évolution continuelle. C'est la réalité de la vie d'aujourd'hui, c'est la réalité du troisième homme. On ne sait pas comment tout cela se terminera éventuellement, mais nous sommes dans une période de très grande mobilité culturelle, spirituelle et morale. De la part d'un gouvernement, trancher des choses au couteau, mettre les gens dans des armoires différentes, ce n'est pas une tendance qui est facile à concevoir.

Mme Mathieu: M. le ministre, on ne vous demande pas de rien trancher au couteau ni de mettre les gens dans des boîtes différentes.

Tout ce qu'on dit, c'est d'offrir à ceux qui ne veulent pas de l'école protestante ou à ceux qui ne veulent pas de l'école catholique un autre type d'école. L'école catholique est ouverte. (20 h 45)

M. Ryan: On ne peut pas faire cela.

Mme Mathieu: On ne demande pas... Si, à Montréal, il y a une clientèle pour un autre type d'école, qu'on offre cet autre type d'école.

M. Ryan: Là, je regrette...

Mme Mathieu: Quant à la question de la pratique religieuse et la question de l'intensité de la foi, personne n'a l'intention d'en mesurer l'intensité, mais il y a une chose qu'on peut mesurer quand même: c'est l'attachement du peuple catholique à l'enseignement religieux catholique. On connaît actuellement le peu de demandes d'exemption dans la province. Vous-même avez déjà cité des statistiques. On s'aperçoit que le peuple québécois, notre peuple, malgré parfois ses négligences concernant la pratique religieuse, est encore très attaché à l'enseignement religieux catholique, à la préparation aux sacrements. Alors, pourquoi déconfes-sionnaliser toute la province quand le problème se situe dans les grands centres? Pourquoi ne pas leur offrir un autre type d'école? Pourquoi vouloir détruire, peu à peu, l'école catholique en la plaçant dans des situations extrêmement difficiles, parce qu'actuellement notre peuple a une pratique à 10 %, 20 %, 30 % ou 40 %? Il ne s'agit pas de mesurer la qualité de la pratique religieuse des Québécois lorsqu'il s'agit de présenter un projet de loi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si vous le permettez, madame, je vais maintenant permettre au ministre de réagir. M. le ministre.

M. Ryan: Je tiens à vous signaler que, selon nos dernières statistiques, le nombre des élèves qui demandent l'exemption de l'enseignement religieux et qui demandent plutôt l'enseignement moral, au niveau secondaire, est rendu à près de 25 %.

Mme Mathieu: Aux niveaux secondaires 4 et 5.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, madame. S'il vous plaît, madame.

M. Ryan: Dans les écoles secondaires.

Mme Mathieu: Vous voyez, nous sommes au courant.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, un instant. On va essayer de se comprendre.

M. Ryan: Pardon? Je vais continuer.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Ryan: C'est pour montrer que ce n'est pas aussi simple que cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: Parce que si on prenait les...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, M. le ministre, s'il vous plaît. On va essayer de se comprendre. Lorsque quelqu'un pose une question, il faut quand même laisser la chance à l'interlocuteur de répondre. Pour éviter les quiproquos, adressez-vous au Président. Alors, cela va être beaucoup plus facile. À ce moment-là, je vous donne la parole et vous l'avez tant que je ne vous l'enlève pas. Comme je ne l'enlève jamais, vous allez l'avoir longtemps. Là, j'avais reconnu M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: En tout cas, je pense que là-dessus on a discuté. Mais, justement parce que c'est un phénomène qui se développe même en dehors de Montréal. Si on adoptait la solution que vous proposez, il faudrait l'adopter partout au Québec, fonctionner avec trois réseaux de commissions scolaires avec, en plus un réseau quand même assez développé d'écoles privées. Je pense que cela commence à être trop fort comme structure. C'est trop lourd. Je ne pourrais pas, en conscience, prendre la responsabilité de proposer cela au gouvernement. On va quand même y penser de nouveau. Vous nous répétez une idée que vous nous avez présentée à maintes reprises. Mais c'est la raison de fond pour laquelle je ne peux pas souscrire à cette idée ce soir.

Maintenant, je voudrais adresser une question à M. DuMesnil, qui vous accompagne. Il nous a présenté une note juridique. Vous avez cité de la jurisprudence, M. DuMesnil. Je voudrais vous demander ceci: Si mes souvenirs sont exacts, dans le jugement que la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire de la loi 57, qui vous est très familière, le tribunal a établi, rappelant en cela le jugement Hirsch du Conseil privé, qu'au moment de la Confédération il y avait des commissions scolaires confessionnelles protégées à Montréal et à Québec et que, dans le reste du Québec, il y avait des commissions scolaires communes et des commissions scolaires dissidentes. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela? Je n'ai pas trouvé ce passage dans votre note juridique.

M. DuMesnil: Je vais répondre. Oui, je suis d'accord avec le fait que la Cour suprême, en 1984 je crois, s'est référée à cette décision du

Conseil privé dans Hirsch. Maintenant, je dois

vous dire que cette décision du Conseil privé dans Hirsch va être maintenant attaquée parce que depuis 1984 il est arrivé un jugement en Ontario sur la loi 30. Le gouvernement du Québec, quand on plaidait les causes constitutionnelles, nous disait toujours que le secondaire n'était pas protégé constitutionnellement et il se basait sur l'arrêt du Conseil privé dans Tiny. Or, l'arrêt du Conseil privé dans Tiny, nous l'avons fait renverser par la Cour suprême en 1987. Depuis, la Cour suprême s'est dit: Je suis libre de renverser les décisions du Conseil privé; je ne suis pas liée quand ces décisions sont erronées. Nous avons établi que dans la décision de Tiny, qui datait de 60 ans, le Conseil privé s'était trompé. Nous avons fait renverser la décision de sorte qu'aujourd'hui c'est reconnu que le niveau secondaire est constitutionnellement protégé pour les catholiques et les protestants.

Je reviens maintenant à votre question sur l'affaire Hirsch qui est très importante, parce que la même Cour suprême a exactement dit le contraire que ce que le Conseil privé a dit. La Cour suprême a dit qu'au Québec toutes les commissions scolaires étaient soit protestantes, soit catholiques, et elle l'a dit d'une façon catégorique. Je peux vous citer le texte verbatim, si vous voulez. Nous avons l'intention de revenir parce que la question n'était pas posée. En toute justice, la question n'avait jamais été posée au Conseil privé. Ce n'était pas cela, la question. Mais cela avait été dit par incidence. Le Conseil privé a basé tout son jugement sur une décision du Nouveau-Brunswick qui, malheureusement pour lui, n'avait pas d'école constitutionnellement protégée. Cela n'existait pas avant la Confédération. Or, c'est pour cela que la question du Conseil privé et la question de la Cour suprême... Et je vous cite le juge Anglin, le juge en chef: 'These common schools were all Roman Catholic and distinctly denominational." Donc, ce sont toutes les écoles; les "common schools", pas les dissidentes, étaient toutes catholiques romaines et clairement confessionnelles. C'était la même chose pour les protestants. Alors, le débat n'est pas fermé, M. le ministre. Je ne veux pas parler ex cathedra, mais c'est simplement pour vous dire que le débat n'est pas fermé.

M. Ryan: Oui, j'espère que vous ne parlez pas ex cathedra parce que, comme je vous le disais, la dernière intervention de la Cour suprême sur le problème particulier des commissions scolaires du Québec, c'est celle de 1984 dans la loi 57. Dans cette intervention, la Cour suprême a réaffirmé la doctrine de Hirsch, la doctrine du Conseil privé dans Hirsch. Vous citez, je pense que c'est le juge Anglin, qui s'était prononcé pour la Cour suprême et, après cela, il y avait eu le conseil privé. Je sais que vous allez le remettre en question, et c'est votre droit le plus strict, mais ce que je voudrais que nos gens retiennent, c'est que c'est une question sur laquelle la jurisprudence, jusqu'à maintenant, a plutôt favorisé l'interprétation du gouvernement. Il pourrait y en avoir d'autres à l'avenir. La Cour suprême peut se renverser, c'est son droit. Mais, pour le moment, comme cela n'était pas compris dans la note que vous nous aviez donnée, je voulais que ce soit bien clair.

M. DuMesnil: Dans tout cela, M. le ministre...

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, un instant! M. le ministre, c'était la dernière intervention du côté ministériel. Je vous accorde un moment de réaction et je passe la parole à l'Opposition.

M. DuMesnil: Merci, M. le Président. Non, M. le ministre, je dois dire une chose. Je connais la loi 57, je l'ai plaidée. Ce point-là n'a pas été plaidé. Ce n'est pas là-dessus qu'on était. On était sur le droit du gouvernement d'enlever les subventions aux écoles confessionnelles, sur le pouvoir de taxation, sur le plein financement des écoles confessionnelles. On n'était pas du tout sur cette question. Vous avez raison, la question n'a jamais été reposée à la Cour suprême depuis la décision de 1926, c'est exact. Mais je dois aussi vous dire qu'elle va être reposée à la Cour suprême comme elle l'a été dans Tiny.

M. Ryan: Juste un mot. Si vous ne la posez pas, nous allons la poser dans les questions que nous adresserons à la Cour d'appel. Soyez sans inquiétude.

M. DuMesnil: Pardon?

M. Ryan: C'est bien prévu... Dans les questions que nous adresserons à la Cour d'appel, une fois le projet de loi adopté, c'est une des questions qui seront posées.

M. DuMesnil: Vous me faites plaisir en disant cela parce que...

M. Ryan: II n'y a pas de problème.

M. DuMesnil: ...c'est une question qui, pour les constitutionnalistes, est très importante. Votre déclaration me fait énormément plaisir, M. le ministre. Comme juriste constitutionnel, cela me fait plaisir que la question soit tranchée une fois pour toutes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. DuMesnil. Je reconnais maintenant le porte-parole de l'Opposition, M. le député de Laviolette.

M. le député.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je remercie l'Association des parents catholiques du Québec de venir, encore une fois, plaider leur position. Il nous serait facile de dire, aujourd'hui, que ce que le ministre a dit, alors qu'il

était dans l'Opposition, était différent de ce qu'il exprime aujourd'hui. D'un autre côté, je serais malhonnête envers ce que je pense et, dans ce sens, je ne le ferai pas parce qu'effectivement notre position n'a pas changé non plus, quand on considère les lois qui ont été présentées devant le Parlement. On connaît l'opposition que le ministre avait à l'époque, qui était l'opposition sur certaines parties et, finalement, on s'est retrouvés avec une loi 3 qui a été adoptée, mais qui, ayant été contestée, en est arrivée à une conclusion telle qu'aujourd'hui on en voit arriver bribe par bribe, par projets de loi interposés, les éléments où on pense qu'il y a eu effectivement consensus et sur lesquels il serait peut-être facile de s'entendre. Mais mes propos dépasseront ces choses pour arriver à cette façon dont vous présentez l'ensemble de votre position. Vous dites, si j'ai bien compris, j'aime bien me faire expliquer cette partie-la, que ce que l'on a toujours considéré c'est que, à Québec et à Montréal, il y avait là un secteur protégé de telle sorte que la loi 3, si ces secteurs n'avaient pas été inclus, serait déjà en application, sauf pour Montréal et Québec qui étaient, en vertu de la constitution, protégées. Alors, ce que vous semblez nous dire - vous, vous allez plus loin que cela - c'est que toutes les écoles de niveaux primaire et secondaire dans tout le Québec sont protégées constitutionnellement.

J'aimerais vous entendre parler davantage de tout cela pour voir si j'ai bien compris vos propos.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien. Alors, c'est M. DuMesnil ou Mme...

M. Jolivet: M. DuMesnil.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. DuMesnil. Monsieur.

M. DuMesnil: Je vais vous indiquer, premièrement, la déclaration de Lord Metcalfe de 1845 et vous allez trouver là la source confessionnelle des commissions scolaires d'avant la Confédération. Je lis bien dans la proclamation: Toute paroisse établie pour les communions catholiques et protestantes respectivement. Cette proclamation faisait suite à la loi de 1845 qui a établi le système municipal et en même temps, par ricochet, le système scolaire. Par la suite, cela n'a jamais été changé, pas lors de la loi de 1846, et, si vous allez à la Confédération en 1867, je vous réfère au rapport de l'honorable J.O. Chauveau, son rapport pour l'année 1867 avant la Confédération. Au moment de la Confédération, le 1er juillet, alors qu'il y avait 317 commissions scolaires confessionnelles en 1846, il y en avait, en 1867... Je cite le rapport Chauveau, qui était ministre de l'Instruction publique dans ce temps-là. Il ne l'a pas été longtemps, mais il y en a eu un un bout de temps. Dans les 28 districts d'inspection existants, il y avait 737 corporations scolaires, sans compter les dissidentes, au moment de la Confédération. Et toutes ces commissions scolaires avaient été créées pour les communions catholiques et pour les communions protestantes en vertu de la loi de 1845 par la proclamation de Lord Metcalfe. Ces commissions scolaires n'ont jamais été abolies avant 1867.

Et cela, quand la question reviendra devant la Cour suprême, c'est un des points historiques que nous allons établir. Contrairement à ce qui a été dit, cela n'a jamais été dit au Conseil privé, cela n'a jamais été soulevé au Conseil privé, qu'il y avait dans la province de Québec, le 1er juillet, 737 corporations scolaires et je cite toujours le rapport du ministre J.O. Chauveau pour 1867. Vous pouvez vérifier, j'ai les chiffres ici. Alors, cela n'a pas été dit à Londres, lors de l'affaire Hirsch, il n'en a même pas été question et, lorsque la question reviendra, cet historique va revenir pour démontrer que ces commissions scolaires étaient là. Le Conseil privé, dans Hirsch, a dit, qu'il y ait eu ou qu'il n'y ait pas eu annexion depuis lors, que les droits n'ont pas été perdus par les annexions.

Je n'ai pas voulu vous ennuyer avec cela tout à l'heure, mais c'est dans mon mémoire. Je vous ai donné la référence dans mon mémoire où il est clairement démontré que les annexions n'ont pas fait perdre des droits, que les droits n'ont pas pu se perdre par annexion. De plus, aussi, je vous ai dit dans mon mémoire, puisque vous me posez la question - j'y reviens - à la page 9, ce qu'il faut retenir. Si, avant la Confédération, le gouvernement avait le droit de changer les limites des commissions scolaires existantes, de les subdiviser, d'en établir de nouvelles, je cite là les articles 28, 29, et 30 du chapitre 15 des lois de 1861 qui était la loi d'alors, le gouvernement n'avait pas le droit de les diviser, de les annexer ou de les fusionner. C'est un droit post confédératif. Le gouvernement avait, certes, le droit de fusionner après, mais, si en fusionnant, en annexant ou en divisant il faisait disparaître les droits confessionnels, cela, c'était inconstitutionnel. Nous prétendons, en nous basant, par exemple, sur la commission scolaire de Verchères qui existait que, peu importe ce qui est arrivé, ces droits-là ne sont jamais perdus. (21 heures)

Alors, je vous donne la toile de fond, M. le Président, de ce qu'est notre position au point de vue constitutionnel. C'est un peu la même chose qu'on avait fait dans le Tiny.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. DuMesnil. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Autrement dit, si on se fie à votre façon de voir les choses, il y a des décisions qui ont été rendues par des gouvernements antérieurs et des décisions qui ont été prises par les corporations scolaires antérieures. Ce qui fait que, si on était restés statiques, on

n'aurait pas évolué. Comme le ministre le disait si bien, on est dans une évolution assez rapide et il faut répondre aussi à l'ensemble des besoins de la population.

Je me souviens des discussions qui ont eu lieu aussi bien sur le projet de loi 40 que sur le projet de loi 3. Il y a eu à l'époque de larges consensus qui ont été établis. Il restait le point de vue de Québec et de Montréal, qui était le gros point à l'époque. Je me souviens, parce que je présidais la séance à ce moment-là, le ministre avait dit: Allez voir avant de... Comme vous avez l'intention de le faire. Mais il reste qu'on se retrouvait quand même avec des décisions qui étaient presque unanimes à l'époque. Je comprendrai très bien que vous allez me dire: Nous, nous n'étions pas d'accord. Je pense que votre position est connue, elle est habituellement bien exprimée, mais de là à dire qu'il faut pour cela arrêter toute évolution, c'est la question qu'il faut se poser.

Dans ce sens, j'irai plus loin. Si vous interprétez ce qui s'est passé selon ce que vous nous dites, est-ce que cela voudrait dire que vous contestez même le droit... Je regardais votre texte à un moment donné et vous parlez de la possibilité de - je l'ai pour ne pas me tromper - "afficher des symboles religieux dans l'école, prier dans les classes, célébrer certaines fêtes religieuses, est-ce respecter la liberté de conscience et de religion?" Est-ce que j'irais trop loin en disant que vous contesteriez même le droit du ministre de faire des régimes pédagogiques?

Mme Mathieu: Vous me posez une question...

M. DuMesnil: À Mme la présidente, ou à moi?

Le Président (M. Parent, Sauvé): À vous ou à Mme la présidente, mais la question est posée.

Mme Mathieu: Vous pouvez répondre sur le régime pédagogique.

M. DuMesnil: Premièrement, M. le Président, sur la question du régime pédagogique, cela se plaide devant la Cour suprême. Alors, si vous me le permettez, je ne dirai pas un mot. Cela se plaide le 6 juin.

Pour répondre à votre question, M. le Président, les juristes, les juristes prudents ont peur de théories se basant sur l'évolution en ce qui concerne des droits aussi importants que ceux de la religion, que ceux des écoles et que ceux de la langue. Si vous poussez votre raisonnement évolutif jusqu'au bout, vous allez dire: Dans le contexte d'un Québec moderne, bon, bien les écoles confessionnelles n'ont plus de place. On pourrait dire aussi, dans le contexte d'une Amérique nord-américaine, anglophone de 275 millions: Que viennent faire 7 millions de Français? Évoluez et cessez d'être français.

Les juristes ont énormément peur de cette évolution, quand il y a des droits qui sont là. Ce n'est pas moi qui les ai mis là. Les Pères de la Confédération qui ont fait cela ont dû penser à l'évolution. Eux aussi ont évolué, puisqu'ils nous ont fait sortir d'un état de colonie à un état de dominion. Il y a une évolution. Nous avons peur de l'évolution au point de vue des droits, parce que, dès que vous touchez à un droit, c'est très sensible. Je ne suis pas contre l'idée de l'évolution, mais je dois vous dire une chose. Les mathématiques dans une école catholique ou dans une école non catholique, ce sont les mêmes mathématiques évoluées. N'ayez pas peur! Sur un grand nombre des contenus de l'enseignement, l'évolution va avoir lieu dans les écoles catholiques. Et, Dieu sait l'engouement que l'on a pour les écoles privées catholiques à cause de la qualité de l'enseignement qui s'y donne. Cela évolue. Si vous parlez d'évolution dans ce sens, j'en suis. Si vous parlez d'évolution pour m'en-lever des droits constitutionnels au nom de l'évolution, alors je suis aussi bien, moi aussi, de disparaître comme francophone, si l'évolution suit son cours.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Un instant, M. DuMesnil, je rapellerais aux gens qui sont ici que, selon les règles parlementaires, aucune manifestation n'est acceptable de la part des gens qui viennent ici. Si vous ne pouvez pas vous conformer à nos règles, je serai obligé de demander aux spectateurs d'évacuer la salle.

M. DuMesnil, je vous écoute.

M. DuMesnil: Alors, c'est tout ce que j'ai à dire, là. Je ne veux pas faire de motion avec cela. Moi, je suis très prudent et j'ai peur de ce mot "évolution". Je suis d'accord pour évoluer. Dieu sait si j'ai évolué moi-même et tant mieux - j'espère que c'est pour le mieux - mais, quand on touche à des droits, j'ai peur. Comme juriste, je suis extrêmement prudent, parce que c'est facile, au nom de l'évolution, de brimer les libertés de chacun d'agir à son escient. Au fond, ce que nous demandons, nous, C'est: Laissez-nous donc nos écoles, c'est tout ce qu'on demande. Alors, au point de vue de l'évolution, vous allez nous enlever cela? On a de la difficulté à l'accepter.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. DuMesnil. Dernière intervention de la part du député de Laviolette.

M. Jolivet: D'abord, pour dire à M. DuMesnil que je l'ai connu à d'autres moments, quand je m'occupais de syndicats et lui s'occupait de la Fédération des commissions scolaires. Donc, je le connais. Deuxièmement, pour avertir un peu l'assistance que je suis un catholique pratiquant. N'ayez pas de craintes! Mais je n'ai pas peur de l'évolution non plus.

Simplement, je voudrais vous dire que de temps en temps vous parlez de commissions scolaires prévues par vos droits constitutionnels et tout cela et que de temps en temps vous parlez d'écoles. Je comprendrais très bien, si la différence était bien claire entre système scolaire composé de commissions scolaires ayant plusieurs écoles et une école en tant que telle. La recherche que l'on a, de différencier l'ensemble des structures scolaires au niveau linguistique plutôt que confessionnel, n'enlève pas à des écoles le droit d'être confessionnelles, mais détermine un ensemble qui permet à un gouvernement de mieux administrer à partir d'une définition, la commission scolaire linguistique, la commission scolaire qui est différente de celle qu'on appelle toujours confessionnelle, donc anglais et français par rapport à protestant et catholique et à toutes les autres possibilités qui peuvent exister dans ce puzzle qui deviendra difficile si on fait, comme vous le demandez, un système parallèle dans le milieu que sont Montréal et Québec. Cela pourrait se faire là plus facilement que dans les autres secteurs. Dans tout le Québec par contre, des gens demandent autre chose qu'une commission scolaire confessionnelle, parce que cela permettra de décider quelle confessionnalité on donnera à une école française ou une école anglaise. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. DuMes-nil.

M. DuMesnil: M. le Président, je suis d'accord que c'est une question qui a prêté à beaucoup de confusion. Ce qui est protégé, c'est l'enseignement confessionnel. C'est la chose qui est protégée, l'enseignement confessionnel. Cet enseignement confessionnel - là, je reviens avec la Cour suprême - n'existe pas dans un vacuum. Cela lui prend des cadres. Cela lui prend un véhicule, des structures. Ce véhicule, ces structures, c'est une commission scolaire qui a des écoles. Si vous n'avez pas de commission scolaire, vous ne pouvez pas véhiculer votre enseignement religieux selon votre conception et c'est là la confusion. On a confondu entre le droit à une école et le droit à une commission scolaire. Ce n'est pas cela. Le droit, c'est le droit à l'enseignement religieux selon sa conception. Les protestants ont une conception, nous avons une autre conception. C'est ce qui est protégé. Le reste est le véhicule, parce que ce n'est pas dans un vacuum. Le véhicule est la commission scolaire. Par le fait même, le véhicule est protégé parce que, sans le véhicule, on ne peut pas exercer le droit. C'est la Cour suprême qui l'a dit. Ce n'est pas moi qui aurais trouvé des paroles aussi précises.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. J'inviterais le député de Laviolette à conclure au nom de sa formation politique.

M. Jolivet: Je comprends bien la position qui est défendue par l'Association des parents catholiques du Québec, mais un véhicule peut être une commission scolaire, peut être un ministère, si on veut aller jusqu'au bout. Mais, on sait que le ministère n'est pas confessionnel, sauf dans ses structures où on a une partie confessionnelle protestante et une partie confessionnelle catholique. Qu'est-ce qui empêcherait d'avoir dans une commission scolaire basée sur le point de vue linguistique des écoles de différentes tendances tout en ayant le véhicule dont vous avez besoin, soit l'école? C'est dans ce sens que je faisais mon intervention. Donc, je n'enlevais pas de droit, je faisais simplement donner à des gens le moyen de décider de la confessionnalité à donner à l'école avec l'assurance que, quand ils vont la donner, ils vont la donner pour la maintenir et lui donner le meilleur sens possible quant à chacune des décisions à prendre journalièrement dans certains cas. Je l'ai vécu dans les écoles. Je continue à le vivre par l'intermédiaire de mon épouse qui siège à un comité d'école. Toutes ces choses se discutent tous les jours. Ce n'est pas, parce que la commission scolaire deviendrait française ou anglaise, que demain elle arrêterait de penser religion catholique parce qu'elle est catholique. C'est à l'école à décider et elle décidera dans ce sens. On prend avis de ce que vous présentez, mais on n'est pas tout à fait d'accord avec vous.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si vous voulez conclure.

M. Jolivet: C'est tout.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, en conclusion.

M. Ryan: Tout d'abord, je suis bien content du ton qu'ont revêtu nos discussions ce soir. Je pense que cela a été un ton cordial et très empreint de respect. Je l'apprécie hautement. Mme Mathieu a dit une chose qui m'a vivement impressionné. C'est la première fois que je l'entendais aussi clairement sur ses lèvres. Elle a dit: Nous parlons au nom des gens qui sont affiliés à notre mouvement, au nom des gens qui sont avec nous. La minute où elle sera prête à reconnaître qu'il y a de très nombreux catholiques qui ont d'autres opinions sur ces questions que ceux qui sont regroupés dans l'Association des parents catholiques, moi, je n'ai pas d'objection du tout; je dois enregistrer cet avis avec tout le respect nécessaire, sans aucune espèce, je peux vous l'assurer, de négligence ou de complexe de quoi que ce soit. On prend cela et on se dit: On va essayer d'en faire notre profit. C'est l'esprit dans lequel cela a été présenté ce soir. Cela nuance même certains passages du mémoire qui étaient encore empreints de l'autre attitude. L'échange a été très bien de ce côté, je m'en réjouis. Je pense que, s'il y a de la bonne

volonté de tous côtés, on va progresser vers des solutions.

Je vous souligne quelque chose, mais je pense que vous l'avez constaté. Vous avez fait allusion à des articles de journaux récents. Nous avons entendu toutes sortes de points de vue ici. Il y a le point de vue que vous présentez ce soir. On a eu des points de vue à d'autres pôles du spectre des opinions. Des gens sont venus nous dire: On dirait que vous avez fait une conspiration avec les évêques pour concevoir ce projet de loi. C'est tellement bien orchestré que c'est sûr qu'il y a eu une conspiration avec les évêques. Vous autres, vous êtes la preuve vivante que ce n'est peut-être pas vrai.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Mais il y a une chose que je tiens à vous dire maintenant, le député de Laviolette l'a rappelée honnêtement tantôt. Quand nous étions dans l'Opposition, nous étions opposés au projet de loi, au projet de loi 3, parce que, justement, nous demandions au gouvernement d'aller soumettre aux tribunaux, avant de les appliquer, les dispositions de son projet de loi qui étaient sujettes à controverse au plan constitutionnel. C'est l'engagement que nous avons pris en déposant le projet de loi; nous l'avions pris lors de la dernière campagne électorale et nous entendons bien respecter cet engagement. C'est sûr que nous ne ferons pas faire d'embardée à tout le réseau scolaire québécois, à moins d'être bien assurés que nous fonctionnons sur un terrain constitutionnel solide. C'est l'objet de la démarche que nous entendons faire tout d'abord auprès de la Cour d'appel et ensuite, éventuellement, s'il y a lieu, auprès de la Cour suprême. Les questions ne sont pas réglées à l'avance, nous écoutons les témoignages qui nous sont apportés. Il peut y avoir des questions qui viennent s'ajouter à celles que nous avons déjà et celle dont il a été question à la suite de l'intervention de M. DuMesnil, je veux vous assurer qu'elle sera incluse dans les questions qui seront portées à l'attention des tribunaux. S'il y en a d'autres que vous voudriez nous suggérer, nous pourrons les examiner avec toute l'ouverture d'esprit possible. Alors, je vous remercie cordialement. Je vous souhaite bon succès dans votre travail.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Mathieu, M. DuMesnil. Les membres de la commission vous remercient d'avoir répondu à leur invitation et la commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 13)

(Reprise à 21 h 18)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je rappelle que la commission permanente de l'éducation va poursuivre ses travaux. Alors, j'invite les membres de la commission à prendre place. Je remercie l'Association des parents catholiques et j'invite le groupe suivant à prendre place dans les sièges qui ont été occupés par le groupe précédent.

A l'ordre, s'il vous plaît! Les gens de l'Association des parents catholiques, bon voyage de retour!

J'invite le prochain groupe à prendre place à l'avant, s'il vous plaît. Nous accueillons le Conseil catholique d'expression anglaise.

À l'ordre, s'il vous plaît en arrière! À l'ordre, s'il vous plaît, dans la salle. La commission a recommencé à siéger.

Nous accueillons le Conseil catholique d'expression anglaise qui est représenté par M. Brian McDonough, directeur exécutif, Mme Diane Berty, présidente du comité sur l'éducation, M. Robert Rice qui en est le président et le porte-parole et par Mme Maria Keenan, assistante à l'exécutif.

Alors, M. Rice, on me dit que c'est vous qui êtes le porte-parole et aussi le président de l'association. Normalement, la commission parlementaire devra siéger jusqu'à 22 heures. Nous vous invitons immédiatement à nous faire connaître votre mémoire, lequel d'ailleurs a été lu par les membres de cette commission. Après cela, nous commencerons une période de discussion entre les membres de la commission, vous et les personnes qui vous accompagnent.

M. Rice, nous vous écoutons.

Conseil catholique d'expression anglaise M. Rice (Robert): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Feel free, Mr. Rice, to express yourself in English, if you prefer.

M. Rice: Thank you very much. We appreciate the opportunity to appear before you tonight and we realise that the hour is growing late. We hope that our analysis and our views will assist you in your search for a viable, equitable and modern education system for Québec.

I would like to introduce my two colleagues with me tonight. Brian McDonough, on my right, is the executive director of the English-speaking Catholic Council; he is a lawyer, a father. He has worked, with Jean Vanier in Paris and in India and he just recently joined the Council as executive director. He succeeded Harold Thurin-ger who left our modest council to sit in a more exalted place.

Une voix: Yes.

M. Rice: You know him. And, on my left, is

Mrs. Diane Berty, who has been a member of the executive and board of directors of the English-speaking Catholic Council for the past five years and chairman of its education committee. Mrs. Berty will present most of our views tonight. Mrs. Berty has had an extensive background in education, having served as chairman of elementary and secondary school committees over a period of ten years and after this, she was elected as school commissioner, a post she has held for the past nine years. Mrs. Berty has a total, therefore, of nineteen years of active involvement in the field of education and she brings this knowledge and experience to bear on our presentation to you tonight. She is currently the Vice-President and member of the executive of the Baldwin-Cartier School Commission.

So, I am going to ask Mr. McDonough to just briefly outline the background of the English-speaking Catholic Council and then, Mrs. Berty, to summarize our presentation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. McDonough.

M. McDonough (Brian): M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les commissaires, d'abord, permettez-moi de vous donner quelques petits renseignements sur la communauté que le Conseil catholique d'expression anglaise cherche à représenter. Dans la région métropolitaine de Montréal, comme vous le savez bien, sur une population globale de 2 800 000, il y a approximativement 600 000 anglophones dont 170 000 sont catholiques. Il y a, pour desservir la communauté catholique anglophone, six commissions scolaires catholiques qui répondent aux besoins pédagogiques d'à peu près 30 000 étudiants. Il y a une cinquantaine d'écoles primaires, une vingtaine d'écoles secondaires et cinq écoles privées. Il y a également 80 organismes de tailles variées qui sont distribués sur I'île de Montréal et qui desservent cette communauté.

Mais je voudrais souligner que le Conseil catholique d'expression anglaise, dans le dossier de l'instruction publique, cherche à être à l'écoute non seulement des gens qui sont anglophones catholiques sur l'île de Montréal, mais aussi de ceux qui sont en dehors de la région métropolitaine de Montréal.

Le Conseil catholique d'expression anglaise a été formé au mois de décembre 1980. Il a comme mandat de coordonner et d'appuyer les organismes et les associations volontaires qui ont surgi au sein de cette communauté, d'assurer un réseau efficace de communication dans cette communauté et surtout de donner une voix à ceux qui n'ont pas facilement accès à la parole. Le conseil a aussi comme mandat de proclamer des valeurs et une vision catholique en dedans et au-delà de cette communauté, finalement, et c'est très important, d'assurer une représentation fort efficace auprès des nombreux organismes publics et parapublics.

Alors, puisque j'ai parlé un peu du conseil, j'invite Mme Berty, si vous me permettez, à nous parler un peu du mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Berty (Diane): Thank you, Brian. M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les membres de la commission parlementaire, je regrette, je ne peux pas dire personnellement que c'est un plaisir pour moi d'être ici encore, parce que je sens que j'ai été ici depuis si longtemps à discuter et à débattre de la question de la réforme des structures scolaires. Je peux dire que j'espère personnellement que cette question sera résolue non pas durant mon mandat comme membre du Conseil catholique d'expression anglaise, mais durant ma vie. J'espère que je vivrai assez longtemps. C'est là mon désir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Berty: Le conseil est d'avis que ce type de réforme, les commissions scolaires linguistiques, est nécessaire bien qu'en retard. Néammoins, nous apprécions beaucoup cette occasion que nous avons de présenter notre point de vue concernant ce nouveau projet. Nous commencerons avec le projet de loi 107. C'est plus compliqué. Après cela, le projet de loi 106, si vous êtes d'accord.

L'orientation majeure de notre mémoire sur le projet de loi 107 est en accord avec les commissions scolaires linguistiques avec des garanties confessionnelles au niveau provincial. Nous différons d'opinion au sujet des méthodes pour atteindre cet objectif. Nous croyons que le gouvernement provincial devrait faire une démarche auprès du gouvernement fédéral pour qu'il cherche un amendement constitutionnel qui permettrait les commissions scolaires linguistiques.

In effect, we feel this approach should have been taken in 1983 with the deposit of Bill 40. Nous serions en route maintenant, si c'était le cas. C'est la seule approche pragmatique, nous pensons, à l'égard de ce problème complexe, une approche qui permettrait au gouvernement d'avoir une influence majeure sur le produit final, c'est-à-dire des commissions scolaires linguistiques dans toute la province. Le système d'éducation québécois a besoin de cette structure pour mieux réfléchir les besoins des écoles et la réalité québécoise.

Au lieu de répéter notre mémoire en entier, que vous avez déjà reçu et que vous avez déjà eu le temps de digérer, je pense, nous en soulignerons les recommandations majeures. Première recommandation: "que l'article 8 des règlements du comité catholique régisse l'offre d'instruction morale et aux valeurs religieuses dans les écoles reconnues comme catholiques; 2° que la section 36 comprenne la dimension confessionnelle dans la définition du plan édu-

catif de l'école; 3° qu'un administrateur supérieur soit nommé au sein du ministère, lequel sera directement en contact avec le sous-ministre adjoint responsable pour la foi catholique, pour voir aux besoins confessionnels de la clientèle de langue anglaise; 4° que le statut confessionnel de l'école à la date où la loi sera décrétée demeure en vigueur pour une période de trois ans. De même, lors de l'implantation des commissions scolaires linguistiques, qu'un gel supplémentaire de trois ans du statut confessionnel soit imposé; 5° que les modalités régissant la consultation avec les parents pour déterminer la reconnaissance ou le rejet du statut confessionnel de l'école soient incluses dans la loi; 6° que le 1er janvier soit reconnu comme la date qui détermine l'admissibilité à l'école; 7° que, a) les comités d'écoles soient obligatoires, b) les comités d'orientation non obligatoires et c) les parents commissaires ne votent pas; 8° avant de signer des ententes, le consentement de la majorité des personnes impliquées doit être obtenu et la commission d'accueil obligée d'accommoder le personnel touché par l'entente; 9° que le gouvernement nomme trois membres supplémentaires au conseil de l'île de Montréal; 10° que la composition des conseils provisoires comprenne la représentation des commissaires élus provenant du groupe linguistique qui composera la nouvelle commission linguistique; 11° qu'avant l'implantation des commissions linguistiques, le gouvernement consulte à nouveau la population; 12° que le gouvernement du Québec recherche un amendement constitutionnel permettant l'établissement de commissions scolaires linguistiques. "

Ce sont nos recommandations majeures concernant le projet de loi 107. Peut-être, puis-je faire un bref commentaire concernant le projet de loi 106 en même temps?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez-y. Soyez bien à votre aise.

Mme Berty: Merci. En ce qui concerne le projet de loi 106, nos recommandations sont d'ordre technique. Notre inquiétude majeure concernant ce projet de loi porte, en particulier, sur les sections qui touchent les questions de la représentation de la minorité linguistique durant la période transitoire. Le processus électoral deviendra plus complexe que présentement. Nous endossons fortement le principe de représentation de la minorité linguistique, mais nous sommes convaincus que ce principe peut réussir seulement si la formule adoptée pour l'appliquer est une formule simple. Malheureusement, il semble que cette sorte de formule n'existe pas. Par conséquent, le gouvernement a la responsabilité de s'assurer que tout le monde comprenne la formule utilisée pour appliquer le principe de la représentation de la minorité linguistique et que le recensement soit fait d'une manière conforme dans toute la province.

We believe that the recommendations in our brief on Bill 106 are fairly clear and to the point. However, if you have any questions concerning 106 and certainly 107, we are now at your disposition.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Thank you.

M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Mr. Chairman, I wish to welcome the delegation of the English-speaking Catholic Council to this parliamentary committee. We are studying once again the proposed reorganization of the school structures in the Province of Québec. As Mrs. Berty aptly said, we are not sure that this effort will be more successful than previous ones. We tried to assemble all the elements that should make it workable, but there are still many verifications to make before we can see clearly what the futures holds in store. But we are approaching this matter with an open-minded attitude. We are disposed to listen, we want to learn. We will even insist upon learning some things from the courts before we proceed to the implementation of those sections of the Bill which may have constitutional implications.

I appreciate your contribution. I think it shows a thorough study of the two pieces of legislation which are before the committee. I think that on several matters, your input will be very valuable.

II y aurait peut-être une question à vous adresser pour commencer, si vous me permettez, qui ne traite pas directement des projets de loi. Ensuite, je reviendrai sur vos commentaires traitant du projet de loi. Pourriez-vous me dire la qualité représentative du Conseil catholique d'expression anglaise? Est-ce que c'est une structure informelle? Est-ce que c'est une structure qui peut parler au nom de la communauté catholique anglophone? Quel est le statut exact du conseiil?

Mme Berty: Concernant l'éducation et le statut du conseil, c'est le comité sur l'éducation qui touche à l'éducation. Il est formé de représentants de l'Association des directeurs d'écoles anglaises, the Québec Association of Catholic School Administrators, du PACT, le syndicat des enseignants, des représentants des parents sur I'île de Montréal et des six commissions scolaires catholiques de I'île de Montréal, du nord de l'île de Montréal et aussi du sud de l'île de Montréal. C'est difficile de rejoindre les gens plus éloignés, mais on essaie toujours. On fait des sondages à l'aide de nos contacts dans la communauté anglo-catholique en dehors de l'île de Montréal et aussi du bureau de l'archevêque de Montréal. Je suis une des commissaires du Office of English Language Affairs sur I'île de Montréal. Chaque fois que nous avons une question majeure, nous demandons à nos représentants dans la communauté de faire un sondage auprès des membres de toutes ces associations

pour nous assurer que nous avons le consensus de toute la population que nous représentons.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Berty.

M. Ryan: M. le Président... Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Rice, est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Rice: No, I am not going to add to that.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Would you like to add something?

M. Rice: No.

Le Président (M. Parent, Sauvé): No?

M. Rice: Mr. McDonough?

M. McDonough: Je voudrais vous signaler aussi que, lors de nos délibérations, nous avons beaucoup cherché à donner de la place aux interventions des parents. Nous les avons contactés, enfin, il y a plusieurs parents qui font partie de comités, qui ont soumis et qui ont discuté ou contribué au mémoire qui est devant vous.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

M. Ryan: Je vous remercie. Maintenant, je me permettrais peut-être quelques brefs commentaires sur des recommandations contenues dans votre mémoire. La première recommandation va de soi. Je pense que, lorsque la loi sera adoptée, le règlement du comité catholique concernant l'instruction morale et religieuse va s'appliquer automatiquement. Il n'y aura pas de problème là. Cela s'applique automatiquement. Il s'applique à compter du 1er juillet d'ailleurs, même sous la loi actuelle. La recommandation 2, qu'on inclue dans l'article 36 une mention de la dimension confessionnelle dans la définition du projet éducatif de l'école, est une chose qui était déjà contenue dans la loi 3, si vous vous souvenez. Ce n'est pas une chose qu'on exclut a priori ici. Nous croyions, comme c'est dit clairement dans le règlement du comité catholique, que ce n'était peut-être pas nécessaire de le mettre ici, mais en tout cas c'est une suggestion qui vaut d'être étudiée et que nous allons examiner.

Mme Berty: Si vous me permettez, je pense que c'est à cause du fait que les parents ne comprennent pas exactement le règlement du projet éducatif. C'est important. Cela doit être inclus dans l'explication de la section qui touche à cette question.

M. Ryan: Je ne prends pas toutes les recommandations, parce que cela prendrait trop de temps. Je prends la quatrième: que le statut confessionnel de l'école, le jour de l'adoption du projet de loi ou de son entrée en vigueur, demeure en vigueur pendant une période de trois ans. Je pense que ce n'est pas prévu dans le projet de loi. Nous le vérifierons, mais je pense que vous avez une remarque très pratique ici. Je pense que c'était prévu dans la loi 3 pour qu'il n'y ait pas de vide juridique de ce point de vue. C'est une suggestion qui est très appropriée et que nous aurons intérêt à examiner.

Que les modalités de la consultation des parents au sujet du statut confessionnel de l'école soient définies dans la loi. Dans la loi, nous donnons au ministre le pouvoir de définir cela par voie de réglementation. Nous ne pouvons pas mettre trop de choses dans la loi non plus, mais il est bien clair que ce ne seront pas des modalités laissées à l'initiative ou à la seule décision de chaque commission scolaire. Il y aura des garanties normatives définies par règlement pour l'ensemble du territoire québécois, de manière qu'on ait la même qualité de consultation un peu partout. Mais, tantôt peut-être, si vous voulez me donner les raisons qui militent pour que ce soit dans la loi, nous pourrons les écouter. Ensuite, il y a un autre point sur lequel je vais vous poser une question tantôt, par conséquent, je n'insiste pas.

Vous dites, avant qu'on ne signe des ententes en vertu desquelles des élèves catholiques, par exemple, recevront leur instruction d'une commission scolaire protestante, j'imagine - est-ce cela? - que le consentement de la majorité des personnes concernées devrait être sollicité et obtenu. Je pense que c'est une proposition de "common sense" which should be helded. " Nous allons l'examiner très attentivement, de manière que bien des décisions qui ont été prises dans le passé par-dessus la tête des gens soient prises davantage en tenant compte de leur volonté.

Enfin, vous parlez de toute la période de transition, qu'on devrait tenir compte de certaines conditions qui permettront d'assurer une transition dans les meilleures conditions. Je pense que nous sommes d'accord avec vous là-dessus et les propositions que vous faites seront examinées sérieusement.

Maintenant, j'aurais deux questions peut-être à vous adresser. Premièrement, vous dites: Que le comité d'école soit obligatoire et le conseil d'orientation facultatif. Or, c'est l'inverse de ce que le projet de loi envisage. Pourriez-vous nous expliquer votre position, s'il vous plaît?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Berty: Oui, c'est le résultat de la consultation avec les parents, de tous les parents de I'île de Montréal. Certains parents ont dit:

Nous ne sommes pas intéressés par le conseil d'orientation, d'aucune façon. Il y en a d'autres qui ont dit: Nous sommes intéressés. Mais tout le monde était d'accord sur le fait d'avoir chacun son propre comité d'école qui existe, qui travaille bien dans le moment et qui veut continuer ainsi, parce que c'est le seul comité qui comprenne juste la voix des parents et n'implique aucun autre groupe, y compris le vôtre. Le conseil d'orientation comprend aussi d'autres groupes, mais les parents veulent avoir leur propre comité qui soit composé juste de parents. C'est la raison et cela a été un point de compromis entre les parents.

M. Ryan: Très bien. Je suis content d'avoir ces explications, parce que ce sont des questions sur lesquelles on peut avoir différents avis. Il n'y a pas d'avis qui soit la vérité assurée. C'est bon d'avoir différentes opinions. Je suis content de celle que vous exprimez. Elle sera l'objet d'un examen attentif.

Vous dites plus loin: Que le gouvernement du Québec cherche à obtenir un amendement constitutionnel qui permettrait l'établissement de commissions scolaires linguistiques. Comment verriez-vous cet amendement constitutionnel? Est-ce que vous laisseriez tous les droits confessionnels présentement garantis dans la constitution et viendriez-vous superposer des droits linguistiques? Est-ce que ces droits ne sont pas déjà mentionnés dans l'article 23 de la Charte canadienne des droits? Est-ce qu'on va aller mettre une autre section encore dans la constitution en plus de ce qui existe déjà?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Berty.

Mme Berty: Non, pas tout à fait. Ce n'est pas une expression correcte de dire un échange entre les droits confessionnels et les droits linguistiques, mais c'est pour assurer que les droits linguistiques existent au niveau fédéral et qu'au niveau provincial il y ait des garanties confessionnelles pour ceux qui le veulent, par exemple, le règlement du comité catholique, certaines sections qui sont incluses dans le projet de loi. Mais, au niveau fédéral, c'est de remplacer les droits confessionnels par des droits linguistiques.

M. Ryan: Est-ce que cela ne pourrait pas aboutir à la création de commissions scolaires catholiques anglaises, catholiques françaises, protestantes anglaises, protestantes françaises, neutres anglaises et neutres françaises? Si on suivait la logique de votre position, est-ce qu'on ne risquerait pas de se retrouver avec six sortes différentes de commissions scolaires?

Mme Berty: Non, non, des commissions scolaires linguistiques...

M. Ryan: D'accord.

Mme Berty:... anglaises et françaises. À Québec, à l'Assemblée nationale, au comité catholique, des règlements qui protègent les services aux catholiques et les services aux protestants, des services à ceux de foi catholique et des services à ceux de foi protestante. Deux commissions scolaires linguistiques.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Berty. Je reconnais maintenant le député de Laviolette au nom de la formation politique de l'Opposition.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je remercie le Conseil catholique d'expression anglaise d'être devant nous ce soir, malgré le fait qu'on ait dit: Encore une fois! Je pense qu'on n'a pas le choix dans la mesure où des jugements ont fait en sorte que des décisions qui avaient été prises dans le passé ont été jugées non constitutionnelles. En conséquence, on doit reprendre un peu le travail en se basant sur les consensus qui avaient été établis.

Je reviens sur la dernière question du ministre parce que, dans l'argumentation que le ministre apportait lors de projets de loi antérieurs et lors des questions nombreuses que je lui posais à toutes les fois que vous avions l'occasion de nous voir pour des projets de loi ou pour du travail sur les crédits budgétaires ou les engagements financiers, il disait toujours: Écoutez, on est pris un peu d'une certaine façon. Si on demande un amendement constitutionnel, il faut aller voir aussi ce qu'ils veulent avoir ailleurs au Canada. Il me ramenait toujours l'expérience, surtout, de l'Ontario à l'époque où les discussions étaient assez fortes et animées; elles le sont encore dans ce sens-là. Donc, est-ce que la demande que vous faites a pour but, comme le ministre voulait nous le faire comprendre à l'époque, de convaincre tout le monde ou si vous demandez pour le Québec cette partie? Est-ce sur l'ensemble? De quelle façon... (21 h 45)

Mme Berty: Pour le Québec.

M. Jolivet: Pour le Québec seulement. Donc

Mme Berty: Pour la situation ici, pour réfléchir la réalité du Québec.

M. Jolivet: Donc, vous demandez ce que les gens demandaient, à l'époque, au ministre qui s'y est toujours refusé jusqu'à maintenant en citant la difficulté constitutionnelle qu'il avait d'aller convaincre les autres. Il disait toujours: II faut que j'aille convaincre les autres de mon bien, parce que, là, il faut que cela s'applique à l'ensemble du Canada et non pas seulement au Québec. Ce que vous demandez au ministre, c'est de revenir à une argumentation qui est celle du Québec seulement.

Mme Berty: Yes, essentially. And we are in no way constitutional experts nor do we claim to be, because we could be here all night debating this question and everybody's opinion would differ from what I have heard. Essentially, it has been inferred to us that there is a ways and a means of not requiring the consent of the other provinces. If there is a ways and a means, why are we not going for that ways and means? You are the legislators, you have the professional lawyers, constitutional experts, we are looking for a ways and a means.

M. Jolivet: Donc, il est possible que le ministre change d'opinion et en arrive, finalement, à convaincre ses collègues du Conseil des ministres de demander un amendement constitutionnel pour le Québec seulement.

La deuxième question qui me préoccupe, c'est que nous avons eu devant nous les anglo-protestants qui sont venus parler de leurs problèmes quant à l'implantation de ces commissions scolaires linguistiques dans la mesure où il doit y avoir un partage. Des écoles doivent être divisées et l'on se retrouve, des fois à 50-50 dans ces écoles-là. Eux, ils voyaient-là des difficultés et cela les amenait à se poser de sérieuses questions sur, justement, comment va se faire, dans une commission scolaire linguistique et non plus confessionnelle, le transfert des directions, des enseignants, des locaux, des manuels, etc. Est-ce que, vous, vous voyez les mêmes problèmes? Comment réagissez-vous devant cela?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Berty: Yes, there will be certain problems with the transfer of personnel and so on. Particularly, I am quite sure that Protestant school boards are very much concerned with the transfer of property. The English Catholics have no property, so we are not concerned about that question really.

What we are concerned about, we have seen this happen in the past, in 1972, with the restructuring of the Montréal Island school boards. It was possible on the Island of Montréal, it worked out, personnel, property, within the context of the Island of Montréal from, I do not know, fifteen boards to the present eight or whatever. So, it is possible at the provincial level, in that sense.

At the level of the school, in confessionality, there appears to be - I do not understand why, because we have spoken to our Protestant confreres on this subject - a certain fear that there will be fighting between the two factions: Catholic and Protestant. That is why we are recommending a freeze, first of all for three years, during the transitional period, if it lasts that long, to give everybody an opportunity to live together. Then, we are suggesting an additional freeze, if linguistic boards come in, because that will be another structure from on high, more or less, that people will have to get used to.

In addition, if the question posed, and the manner in which the confessional status of a school is determined, is posed in a consistent manner and a manner that is understood throughout the province, if a clear majority prevails, and the school board has control of the physical plans... In other words, school X is not necessarily Catholic because you have Y and Z in surrounding territory Catholic, so that school X should rightly be Protestant. The school board has to manage its immovables. So, I do not believe that this will be a major problem. I think that it is over-emphasized. I think we are living together in the context of a neighbourhood, surely we can live together in the context of a school. People have gotten together in the past for bi-confessional schools, because the community wishes it.

M. Jolivet: J'ai vu cela à Shawinigan ou à La Tuque, les intégrations; à Shawinigan et Shawinigan-Sud, en particulier. Vous avez peut-être entendu parler de ces choses-là. La commission scolaire doit fournir des services et les disputes, les discussions très fortes qui ont eu lieu pour l'intégration des secteurs catholique et protestant dans le contexte de services communs. Mais, dans un contexte où l'on va avoir à définir le statut confessionnel d'une école, c'est là, je pense, que les anglo-protestants voyaient davantage les difficultés. Comment allez-vous agir pour faire reconnaître le statut confessionnel d'une école tout en disant, comme vous le faites si bien à votre recommandation 4, de donner une période de 3 ans pour régler l'ensemble du problème, si j'ai bien compris? Est-ce de même que vous voyez le règlement possible des litiges qui pourraient exister?

Mme Berty: Oui. Cela donnera la chance de régler les conflits pour une question de pouvoir entre guillemets. Je pense à l'instant que la population anglo-catholique est presque la même que la population anglo-protestante, à l'heure actuelle. En fait, c'est la même chose. Et même, c'est plus, les anglo-catholiques, dans toute la province. Il y a le nombre d'écoles. Elles sont intégrées aux commissions scolaires protestantes à cause du manque de services dans les commissions scolaires catholiques actuellement, en dehors de I'île. Ce n'est pas pour une commission scolaire linguistique et tout cela que les parents ont voté en tout cas, mais ce n'est pas un changement. En dehors de la ville, au niveau de la confessionnalité, il y a une école catholique et une école protestante. Le nombre sera là jusqu'à... Il y aura plus, parce qu'il y en aura plus de confiance dans les commissions scolaires linguistiques, plus de confiance pour des services aux anglophones.

M. Jolivet: D'accord. Vous dites à la recommandation 11: Qu'avant l'Implantation de commissions scolaires linguistiques, le gouvernement consulte à nouveau la population. Je veux juste bien comprendre votre recommandation, dans la mesure où il y a une consultation actuellement par le gouvernement. Est-ce que vous voulez dire que le projet de loi va être adopté et qu'une fois adopté il va être soumis, comme le disait le ministre, pour certaines demandes aux cours, de telle sorte qu'à un moment donné la loi va s'appliquer officiellement? Est-ce dans ce sens-là que vous dites qu'on devrait consulter à nouveau? De quelle façon devrait être faite cette consultation?

Mme Berty: Après le jugement des cours, nous ne serons pas sûrs exactement de ce que la loi nous donnera. Peut-être, ce sera un autre projet et pas le même. Nous voulons être consultés encore après cela. C'est la raison.

M. Jolivet: Vous ne refuserez pas, donc, de revenir malgré tout.

Mme Berty: Oui. Pas moi, nécessairement, mais le conseil.

Des voix: Ha, ha. ha!

M. Jolivet: Une autre question, sur la recommandation 6. J'aimerais connaître la raison pour laquelle vous mettez que le 1er janvier soit reconnu comme la date qui détermine l'admissibilité à l'école, alors qu'actuellement la date est le 30 septembre et qu'on demande de la reculer de mois en mois.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Berty.

Mme Berty: Yes, because...

M. Jolivet: Vous, vous pensez de même.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, s'il vous plaît! Vous avez posé une question à Mme Berty?

M. Jolivet: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Berty.

Mme Berty: Yes, because the other provinces in Canada have the 1st of January as their entry date and so many transfer from other provinces, it would regularize everything. At the moment, it is very confusing for the parents who are coming in.

M. Jolivet: Donc, en fait, vous demandez qu'on applique une des promesses électorales du Parti libéral.

Mme Berty: Oui. On s'en souvient bien!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Une autre intervention de la part du député de l'Opposition.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Cela va.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Je voudrais, peut-être, vous adresser une dernière question si vous me permettez. Je voudrais que vous nous disiez cela aussi clairement que possible, surtout vous, Mme Berty, qui avez l'expérience d'une commission scolaire catholique. Vous êtes commissaire à Robert Baldwin, je pense?

Mme Berty: Oui.

M. Ryan: Pourquoi trouvez-vous que cela fonctionnerait mieux dans des commissions scolaires linguistiques? Quelles seraient les différences de fond, d'après vous? Quelles en sont les raisons?

Mme Berty: Les services, une consolidation des ressources actuelles, un meilleur service aux clientèles. À mon avis. I have a very simple formula, Mr. Minister, and I learned it when I was first a parent. That is: the number of students equals the number of dollars equals the number of services, and there is no way that you can get around that formula. If you consolidate your clientele base, provincially, into boards of sufficient numbers to provide services, both francophone and anglophone, then you will have a better quality service. In Baldwin-Cartier, we happen to have perhaps the largest English percentage, the school board I am with, of the total clientele and a very sensitive board of commissioners to the English needs, we have been able to retain services. This does not exist in every board.

M. Ryan: So, you believe that linguistic school boards would provide a stronger, more homogeneous, more consistent base all across the province than the present structure?

Mme Berty: Absolutely.

M. Ryan: Okay. And with more economical results?

Mme Berty: Oh, yes!

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