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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Friday, June 3, 1988 - Vol. 30 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation: L'éducation des adultes


Journal des débats

 

(Onze heures vingt-huit minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission procède à ses travaux, soit une interpellation de la part de la porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la députée de Chicoutimi, qui interpellera le ministre de l'Éducation sur le dossier de l'éducation des adultes.

Je vous rappelle que l'interpellation est régie par des règles. Durant l'interpellation, on reconnaîtra, dans un premier temps, la porte-parole de l'Opposition pour un temps de parole de dix minutes, suivie du ministre de l'Éducation pour un temps de parole de dix minutes et, après, la porte-parole de l'Opposition en alternance avec le ministre de l'Éducation.

Dans un premier temps, je reconnais Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée.

Exposé du sujet Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Face au désengagement du gouvernement en matière d'éducation des adultes, au double discours du titulaire du ministère de l'Éducation comme du ministère de l'Enseignement supérieur sur la question de l'éducation des adultes, à l'insécurité ressentie par les intervenants; considérant, d'autre part, les retards du Québec en matière de scolarisation, les exigences de plus en plus élevées du marché du travail, le nombre sans cesse croissant d'adultes en besoin de formation, la croissance d'une clientèle due à un certain nombre de facteurs dont, entre autres, l'incapacité du système d'éducation de juguler les pertes dues aux décrochages et aux abandons, les tendances qui amènent un nombre croissant de jeunes à conjuguer, pour ne pas dire à confondre le temps de travail et le temps d'études, les modifications apportées dans les structures de l'emploi, dans les structures industrielles au Québec qui seront également accélérées par les ententes de libre-échange, le retour des femmes au travail, et également considérant les coûts sociaux et économiques de la sous-scolarisation, il nous a semblé qu'un débat s'imposait sur toute cette question de l'éducation des adultes tant en ce qui concerne les ressources consenties en vue de développer l'éducation des adultes que des efforts investis en vue d'accroître l'accessibilité des adultes à l'éducation, comme du partage des responsabilités entre Québec et Ottawa que de la reconnaissance des différents intervenants.

En fait, M. le Président, la venue du député d'Argenteuil à la tête des deux ministères avait été extrêmement bien perçue par les adultes et les différents intervenants du milieu. On le considérait comme le champion de la cause de l'éducation des adultes. Qu'est-ce qui a caractérisé son action depuis son arrivée au pouvoir, depuis qu'il est titulaire des deux ministères responsables, plus particulièrement de la formation des adultes? Il a gelé les budgets, rationalisé, nous dit-il, l'éducation des adultes, ce qui a provoqué une perte de quelque 20 000 000 $ dans le budget de l'éducation des adultes, imposé des frais de scolarité pour les cours d'été, n'a pas limité les frais de scolarité dans les cours dispensés aux adultes tant au collégial qu'au secondaire, et ce qui est venu couronner le tout, il nous a présenté un projet de loi qui réforme la Loi sur l'instruction publique dans lequel il permet aux commissions scolaires d'imposer des frais de scolarité.

Incohérence, me direz-vous? Contradiction, certainement, indifférence, et je dirais un peu de cynisme sinon de mépris à l'égard de l'éducation des adultes et à l'égard des adultes. En fait, le ministre s'est montré plus préoccupé de développer un certain élitisme en éducation, d'une part en levant le moratoire sur l'enseignement privé. En même temps qu'il lève le moratoire sur l'enseignement privé, il impose un moratoire sur les groupes des OVEP, les organismes volontaires d'éducation populaire. En même temps qu'il rationalise sur le dos des adultes et fait une économie de quelque 20 000 000 $, il investit dans l'enseignement privé. En même temps qu'il impose des frais de scolarité pour les cours d'été dans les cégeps, frais de scolarité, faut-il le rappeler, qui peuvent coûter, pour un cours, entre 45 $ et 125 $, en même temps également que les adultes continuent à payer leur matériel scolaire et même leurs volumes à l'éducation des adultes à l'enseignement régulier, on investit dans les écoles privées.

Pourtant, M. le Président, les besoins sont énormes. Même si le Québec a réalisé des progrès considérables en matière de scolarisation - il a un peu réduit l'écart qui le séparait des pays industrialisés - l'écart est loin d'être comble et je ne risque pas de me tromper en disant que l'écart actuel, même s'il est plus faible, pèse plus lourd en conséquences, en regard de notre développement économique et social. Il y a, à notre avis, urgence de se donner une politique vigoureuse d'éducation des adultes, de mettre en place une action concertée de manière à relever le niveau de scolarité des adultes, de se donner ce que j'appelle une vaste politique de scolarisation des Québécois.

Le ministre est friand des statistiques qui comparent les données du Québec à celles de l'Ontario ou des autres provinces canadiennes. Permettez-moi d'en citer quelques-unes tirées du rapport de Statistique Canada de 1986. Le Québec arrive encore aujourd'hui, au moment où l'on se parle, au septième rang, c'est-à-dire après les

Maritimes et les Territoires du Nord-Ouest, pour la moyenne d'années de scolarité. Le Québec compte 11, 8 % de sa population qui a huit années de scolarité, alors que le Canada en compte 12, 2 %. Si on prend le taux de diplomation comparé, l'écart est encore plus élevé parce que l'on parle d'années de fréquentation et non de diplomation. Le Québec compte 24 % de sa population de plus de 15 ans qui a huit années et moins de scolarité, alors que le Canada en compte 15 %. L'écart est de 9 % et cet écart atteint 12 % chez la population des 34 à 54 ans, c'est-à-dire celle sur le marché du travail. Si on compare, au Québec, les francophones aux anglophones, on constate par exemple que les francophones qui détiennent une formation de neuvième année et moins, c'est 73 %, alors que les anglophones, c'est 83 %. Quant au diplôme d'études secondaires, chez les francophones, c'est 53 % et chez les anglophones, c'est 60 %.

En matière d'études universitaires, toujours au Québec, environ 12 % des francophones détiennent des diplômes d'études universitaires alors que chez les anglophones, c'est 24 %. Tout cela pour dire que, comme les anglophones sont beaucoup plus scolarisés que les francophones au Québec, cela vient un peu distorsionner nos données et si on considère exclusivement les francophones, la sous-scolarisation est encore plus frappante.

Quant aux analphabètes, on estime qu'il y en a 400 000 réels au Québec. Si on ajoute les analphabètes fonctionnels, on ajoute 600 000 autres personnes. Cela veut dire 1 000 000 de personnes. Dans le centre-sud de Montréal, 43 % des personnes de plus de 18 ans sont des analphabètes fonctionnels potentiels. Si vous allez dans le quartier de Villeray, c'est 38 %.

Les abandons scolaires: au secondaire, encore 30 %, au collégial, 40 %. Les travailleurs en besoin de recyclage et de perfectionnement sont nombreux, on a pu le voir tout à l'heure à la période de questions, en raison de la modernisation des entreprises, de la fermeture d'entreprises et des modifications des structures industrielles qui découleront prochainement du libre-échange.

Il y a également les femmes qui retournent sur le marché du travail. Je pense pouvoir dire qu'une estimation très conservatrice des besoins, si on ne parle pas des besoins de perfectionnement courant du travailleur, évalue à quelque 2 000 000 !e nombre d'adultes au Québec qui ont des besoins particulièrement pressants de formation et de scolarisation.

Vous me direz que la scolarisation coûte cher, mais voyons ce que nous coûte la sous-scolarisation. Selon une étude du Conseil scolaire de l'île de Montréal, la première variable parmi les variables qui entretiennent la pauvreté ou qui déterminent la pauvreté au Québec, c'est la sous-scolarisation. La sous-scolarisation entraîne le chômage, la détérioration des logements. On y retrouve également des femmes chefs de famille, des abandons précoces, la maladie et une morbidité plus élevée.

Des études de 1988 confirmées par le Conseil national du bien-être social nous disent qu'une famille dirigée par une personne sans études secondaires, c'est-à-dire 46 % de la population de plus de 18 ans, a quatre fois plus de chances d'être pauvre et qu'il y a sur le bien-être social 66 % des bénéficiaires qui ont neuf ans et moins de scolarité.

Depuis qu'il est au pouvoir, le ministre n'a pris aucune mesure pour favoriser l'accès des adultes à l'éducation. Qui plus est, non seulement n'a-t-il pas pris de mesures, mais, à l'encontre de cette direction, il a pris, si je puis ainsi m'exprimer, des contre-mesures dont les moindres ne sont pas le gel des budgets des OVEP.

La rationalisation, pour ne pas utiliser un autre terme, des budgets, des règles à l'éducation des adultes: Économie de 20 000 000 $. Les frais de scolarité dans les cours d'été dans les cégeps, les cours à l'éducation des adultes dans les commissions scolaires et dans les cégeps qui coûtent à l'étudiant entre 30 $ et 300 $. Dans les collèges, on parle d'un montant entre 30 $ et 300 $ par cours, alors qu'on sait que dans un collège privé, toute la clientèle adulte est accueillie et subventionnée, selon les normes du gouvernement pour l'enseignement privé, à plus de 60 %.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant pour une période de dix minutes le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

Réponse du ministre M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, tout en étant fort heureux de cette occasion qui m'est donnée d'aborder les questions reliées à l'éducation des adultes avec la députée de Chicoutimi, j'aurais aimé que nous puissions faire ce débat dans un contexte qui aurait permis de l'aborder d'une manière plus approfondie.

Je pense qu'au début, il y a une série de faits qui ont échappé à la connaissance ou à l'attention de la députée de Chicoutimi qu'il faut rappeler à l'intention de nos concitoyens et de nos concitoyennes. À écouter la députée de Chicoutimi, on aurait l'impression que tout va mal et que tout a stagné, voire reculé en éducation des adultes au Québec depuis deux ans et demi. Je ne sais pas où la députée de Chicoutimi puise ses renseignements. Si elle avait voulu les obtenir à des sources autorisées, on lui aurait fourni volontiers certains chiffres que je vais essayer de résumer ce matin.

Dans le secteur de la formation secondaire, j'ai ici des données sur l'évolution des effectifs inscrits aux cours d'éducation des adultes offerts

par les commissions scolaires. Pour l'année 1985-1986, le nombre des personnes inscrites à des cours était de 333 060. Pour 1986-1987, ii était passé à 431 546. Drôle de stagnation, drôle de recul. Pour ne pas induire l'opinion publique en erreur, comme nous ne disposons pas de données complètes pour l'année 1987-1988, j'ai demandé qu'on me fournisse les données au 31 décembre, c'est-à-dire à la fin de la première moitié de l'année scolaire 1987-1988. Voici ce que j'ai obtenu. Les inscriptions pour l'année 1986-1987, au 31 décembre, étaient de 81 924. Au 31 décembre 1987, pour l'année 1987-1988, elles étaient de 101 975. Je pense que ces chiffres parlent par eux-mêmes. On constate que la progression est très intéressante des deux côtés.

Du côté de la formation générale, pour l'année 1986-1987, nous avions 118 377 inscriptions contre 169 296 l'année précédente. En formation professionnelle, nous avions 131 636 inscriptions en 1986-1987 contre 93 580 en 1985-1986. Je n'ai pas les données de 1984-1985 dans le tableau qui m'a été remis, mais j'ai celles des années précédentes de 1983-1984, de 1982-1983, etc. Les chiffres sont encore beaucoup plus bas pour ces années. Par conséquent, nous avons atteint en 1986-1987 un sommet inégalé en matière d'inscriptions à des cours d'éducation des adultes au niveau secondaire. Pour l'année 1987-1988, tout indique que nous dépasserons le niveau atteint l'année dernière. Ceci se traduit dans les sommes que nous libérons pour les fins de l'éducation des adultes. Je pense que c'est très important de les souligner.

En 1985-1986, les sommes totales engagées pour l'éducation des adultes au niveau secondaire étaient de 233 000 000 $. En 1986-1987, 254 000 000 $. En 1987-1988, 253 000 000 $. Évidemment, c'est une enveloppe - j'allais l'indiquer tantôt - qui est composée de différentes sources. Il y a là-dedans les cours qui sont financés à même les budgets que nous recevons au titre de l'accord fédéral-provincial en matière de formation de la main-d'oeuvre. Il y a d'autres sources également qui viennent s'ajouter. Mais il y a une chose qu'il faut ajouter clairement, c'est que la contribution du ministère de l'Éducation, au titre de l'enveloppe ouverte qui est affectée à ces programmes, occupe une place de plus en plus importante. Pour l'année 1985-1986, sur un budget total de 233 000 000 $, la contribution du ministère de l'Éducation fut de 137 000 000 $. Pour l'année 1987-1988, sur un budget total de 253 000 000 $, la contribution du ministère de l'Éducation est de 154 000 000 $ contre 149 000 000 $ l'année précédente. Il y a eu augmentation à chaque année. Là où nous observons une diminution, c'est dans la contribution qui nous vient de l'accord fédéral-provincial pour les raisons que vous savez. C'est parce que même si le budget total disponible pour le Québec au titre de l'accord fédéral-provincial sur la formation professionnelle est demeuré le même, c'est-à-dire à un niveau de 139 000 000 $, la part qui peut être consacrée à même ce budget à des achats directs de services fournis par les établissements a diminué au profit de la formation sur mesure. (11 h 45)

Nonobstant toutes ces choses, je donne les résultats que nous avons obtenus en 1986-1987 et en 1987-1988. Il faudrait que je sois drôlement amateur de sensations pénibles ou négatives pour ne pas me réjouir d'un résultat comme celui-là. Ces chiffres-là parlent plus fort que n'importe quoi; on peut tourner autour, échafauder 56 théories, mais je pense que les résultats dans ces matières sont vraiment ce qui compte le plus.

Maintenant, j'ajoute un point. C'est vrai qu'il y a eu des mesures, appelons-les de contraction ou de stabilisation dans la gestion des programmes. Nous avons une enveloppe ouverte à l'éducation des adultes - Je parle uniquement du secondaire pour l'instant. Nous aurons l'occasion, plus tard dans le débat, de parler du collégial, je l'espère. Comme c'est une enveloppe ouverte qui s'est développée à un rythme assez fulgurant, il s'était glissé bien des poches de graisse là-dedans. Il s'était glissé des éléments, des opérations qui ne résistaient pas à la nécessité d'un contrôle sérieux. Il a fallu serrer la vis. Je pense que tous ceux qui gèrent des fonds publics conviendront que c'est nécessaire. Je vous donne un exemple. Le régime dont nous avons hérité nous obligeait à payer des cours d'éducation des adultes dès qu'une personne était inscrite au début de l'année. Le gouvernement était responsable de payer pour toute l'année, même si elle n'était plus dans les salles de cours, même si elle avait abandonné en cours de route. Il y a un niveau d'abandon qui n'est pas négligeable. Il a fallu serrer les choses de manière à s'assurer qu'on ait un contrôle véritable qui soit exercé là-dessus.

C'est la même chose pour la présence. Ce n'est pas tout de s'inscrire, il faut être présent au cours aussi. Les méthodes de contrôle que nous avions étaient pratiquement nulles. On a instauré des méthodes de contrôle plus précises. On ajoute encore des mécanismes qui précisent ces contrôles-là, cette année. Je ne pense pas que ce soit diminuer l'importance que nous attachons à l'éducation des adultes que de demander à tous ceux qui y participent, les étudiants tout d'abord, les administrateurs scolaires, les responsables des programmes, de faire preuve de rigueur administrative et de demander qu'on soit payé pour des services qui ont effectivement été rendus. De ce point de vue, c'est vrai qu'il y a eu un resserrement. C'est vrai, mais nous avons augmenté quand même le budget global. Cela veut dire qu'il y a beaucoup plus de services qui sont disponibles pour les adultes. Ceci vous explique, M. le Président, que même si nous n'avons pas augmenté, en chiffres bruts, les montants de manière considérable - cela a été des augmentations de 5 000 000 $ par année pour les deux

dernières années - le nombre d'adultes bénéficiaires a augmenté d'au moins 25 % et, pour l'année 1988-1989, il y a des chances que ce soit même supérieur à 25 %. Je pense que ces données parlent par elles-mêmes.

Pour l'instant, je voudrais simplement ajouter une chose. C'est faux de dire qu'on paie des 200 $, 300 $ ou 400 $ pour suivre des cours dans les commissions scolaires. J'ai fait procéder à une recension, cette semaine, à la Commission des écoles catholiques de Montréal. Ce qui est demandé pour les adultes qui s'inscrivent, c'est 25 $ par semestre, indépendamment de la quantité de services et du nombre de cours auxquels une personne s'inscrit. Sur I'île de Montréal, la moyenne est de 30 $ de frais d'inscription par semestre. À la Commission des écoles protestantes de Montréal, c'est 25 $ par semestre pour les cours conduisant au diplôme d'études secondaires, 50 $ pour les cours de français et d'anglais, langue seconde, par semestre. J'ai pris la commission scolaire de Charlesbourg et la commission scolaire de Chicoutimi, pour compléter le tableau; à Charlesbourg, c'est 30 $ par semestre en formation générale, 50 $ par plan de formation en formation professionnelle à temps plein. Il y a une exception à Charlesbourg...

Le Président (M. Parent, Sauvé): En conclusion, M. le ministre.

M. Ryan:... le cours de formation en conduite de camions lourds requiert des frais d'inscription de 200 $ à cause du coût énorme des équipements dont on dispose dans ce secteur. À Chicoutimi, c'est un petit peu plus cher qu'ailleurs. La députée de Chicoutimi pourrait peut-être s'en occuper, parce que cela relève des commissions scolaires! C'est 10 $ par quinze heures d'activités, quel que soit le cours. À cette commission scolaire, on demande 60 $ à un adulte qui s'inscrit à 90 heures d'activités de formation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, si vous voulez conclure, s'il vous plaît.

M. Ryan: M. le Président, c'est une situation qui n'est pas du tout conforme à ce que nous observons dans les centres où est le gros de la population. S'il y a matière à amélioration, j'invite la députée de Chicoutimi à s'en occuper.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant la porte-parole de l'Opposition officielle pour une intervention de cinq minutes. Mme la députée de Chicoutimi.

Argumentation Mme Jeanne L. Blackburn Mme Blackburn: M. le Président, je dois vous dire tout de suite que je me réjouis que les efforts que le gouvernement du Parti québécois a faits pour augmenter l'accessibilité des adultes à la scolarisation, on en sente les résultats. On ne peut absolument pas imputer au présent gouvernement la responsabilité d'avoir contribué à une augmentation de l'accessibilité à l'éducation des adultes. Ce serait prendre les gens pour des imbéciles.

Quand le ministre nous dit qu'il n'y a pas tant d'écart que cela, à la commission scolaire Les Découvreurs, c'est 30 $ par soir, deux soirs, cela fait 60 $. Si vous prenez deux cours, vous multipliez par deux et cela vous coûterait à peu près 120 $. Deux cours, c'est 120 $ par session, 240 $ par année. Je pourrais vous en donner quelques autres. Je pense que c'est la commission scolaire SouthShore ou celle de Lakeshore qui est venue nous dire que c'était 60 $, que vous preniez deux cours ou quatre ou seulement un par session.

À présent, je voudrais aborder ce qui m'apparaît l'élément clé quand on parle d'accessibilité: c'est le projet de loi 107 qui est sur la table. Le ministre se scandalisait du fait que le projet de loi 3 n'aille pas plus loin que de reconnaître la gratuité à ceux et celles qui s'inscrivaient pour terminer un DES, un diplôme d'études secondaires. Il se scandalisait et il avançait qu'on devait assurer la gratuité à tout adulte, indépendamment du cours, du moment où cela se donnait au niveau secondaire. Il allait plus loin en disant que le minimum est de treize ans de scolarité.

Dans le projet de loi ici, cela vaut la peine de lire l'article qui concerne les adultes. À l'article 2, le projet de loi définit ceux qui ont droit aux services d'éducation dans les commissions scolaires: "Toute personne qui a cessé de fréquenter l'école pendant six mois ou plus depuis la fin de l'année scolaire au cours de laquelle elle a atteint l'âge de 16 ans, ou 22 ans dans le cas d'une personne handicapée, a droit, dans le cadre des programmes offerts par la commission scolaire à cette catégorie de personnes, aux services éducatifs prévus par la présente loi et le régime pédagogique applicable aux adultes. "

Si on va à l'article 199 - et là, c'est une perle: "Une commission scolaire peut, conformément aux règles budgétaires établies par le ministre - on sait qu'il vient de faire une économie de 20 000 000 $ en modifiant les règles - exiger une contribution financière pour un élève qui fréquente l'une de ses écoles, mais qui n'est pas un résident du Québec, ou pour une personne visée à l'article 2. " La personne visée à l'article 2, c'est un étudiant adulte qui, lui, est du Québec. La considération qu'on a pour les étudiants adultes dans le projet de loi 107 rejoint la considération qu'on a pour une personne qui n'est pas résidente du Québec.

Un adulte, selon le ministre, c'est un non-résident au Québec. C'est cela qui est inaccep-

table et qui exprime un mépris, pour ne pas dire un cynisme, à l'endroit des adultes. Quand il nous disait qu'il faut que cela soit au moins pour treize ans, la gratuité, c'est le minimum requis dans les pays industrialisés. Les cours en histoire devraient être gratuits, les cours de formation personnelle aussi. Je prétends que oui, les cours de formation personnelle doivent être gratuits parce que cela contribue à l'enrichissement collectif, les cours de français, comme les cours d'anglais ou d'histoire, je pense.

Après qu'on ait entendu pendant quatre semaines des mémoires - toutes les personnes, les organismes qui se sont prononcés sur cette question le réclament - je demande au ministre: Est-il prêt aujourd'hui à nous annoncer qu'il respecte son discours et qu'il modifiera la loi pour reconnaître que tous les adultes du Québec ont droit à la gratuité dans les commissions scolaires et à un accès gratuit aux différents services de la commission scolaire de même qu'un accès gratuit aux manuels scolaires.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Vous aurez constaté comme moi que la députée de Chicoutimi s'éloigne vite du terrain des faits où elle a trouvé que le sol était passablement glissant pour vouloir nous engager tout de suite dans une discussion sur le projet de loi 107. Nous reprendrons le projet de loi 107 un peu plus tard. Je voudrais quand même compléter la présentation des faits que j'ai commencé à donner tantôt pour que la vue qui sera donnée de la situation en éducation des adultes soit un peu plus complète.

On a parlé des OVEP tantôt. C'est vrai que sous le gouvernement précédent, pendant trois ou quatre années de suite, le budget des organismes volontaires d'éducation populaire a été gelé, de même qu'a été imposé un moratoire sur l'admission de nouveaux groupes à des subventions au titre du programme d'aide aux OVEP. Le gouvernement actuel, cette année, a décidé de mettre fin à ce gel. Nous avons porté le budget des OVEP de 8 000 000 $ à 9 300 000 $, ce qui permet d'injecter 1 300 000 $ de plus dans ce budget.

Cela nous permettra de mettre fin au moratoire à l'aide des montants additionnels dont nous disposerons. Nous pourrons admettre au programme un certain nombre d'organismes nouveaux, ce qui était interdit depuis maintenant cinq ans. Comme la députée de Chicoutimi m'avait interrogé il y a quelque temps à ce sujet et qu'elle n'est point revenue par la suite, sachant très bien que le problème qu'elle avait prétendu soulever avait trouvé une solution fort acceptable pour ies groupes intéressés, je vais donner les précisions ce matin. Il y a quelque temps, on a adressé aux groupes d'éducation populaire un document décrivant le projet de programme d'aide aux OVEP pour l'année 1988-1989. Ils ont réagi sur deux points. Ils ont dit: Deux points nous inquiètent, il y avait la définition qui était donnée de l'éducation populaire et il y avait ensuite certaines classifications des organismes que nous proposions d'instituer.

Quand j'ai vu les protestations des groupes, je leur ai fait dire: On va se rencontrer, on va discuter de vos griefs. Je les ai rencontrés vendredi dernier. Nous avons passé une heure et demie avec eux. M. Rondeau, sous-ministre adjoint en charge des réseaux au ministère de i'Éducation, était présent avec moi. Nous avons eu une rencontre très cordiale et au terme de la rencontre, les deux problèmes étaient réglés. Les groupes sont partis très heureux. Je me souviens qu'il y avait tout un groupe qui m'attendait à la sortie de la réunion. Les gens étaient venus de partout au Québec pensant trouver un gros problème. Ils ont applaudi spontanément tellement ils étaient contents des solutions que nous avions apportées.

C'est un début. Je veux assurer la population que je porte une attention très grande au travail accompli par les OVEP et que j'entends continuer de les appuyer dans l'avenir. J'espère que le gouvernement pourra pousser plus loin ce premier pas que nous avons entrepris cette année en vue d'une amélioration de la situation. Ce qui est intéressant, c'est que ces organismes savent qu'ils ont le dialogue direct avec le ministre quand ils le veulent, alors qu'autrefois, c'était une montagne d'avoir accès au ministre. Aujourd'hui, il y a un problème, il y a des responsables qui s'occupent de ces questions, mais tout le monde le sait, s'il y a des problèmes insolubles qui surgissent, on peut rencontrer le ministre rapidement et on trouve ensemble des solutions avec l'aide des fonctionnaires. Je pense que les groupes en sont très heureux.

D'ailleurs, les orientations contenues dans le programme que nous leur avons communiqué sont des orientations que nous avons tirées en droite ligne du rapport du groupe de travail présidé par Réal Charbonneau, qui nous a donné des suggestions quant aux orientations que le programme d'aide aux OVEP devrait prendre à l'avenir. Il n'en est pas question dans les critiques que fait l'Opposition. C'est embarrassant de parler de cela parce que le dossier parle par lui-même.

En matière de lutte contre l'analphabétisme, on a dit toutes sortes de choses au cours des derniers mois, mais je voudrais rappeler que pour la dernière année, pour l'année 1987-1988, nous avons consacré aux activités d'alphabétisation des sommes totales d'environ 21 000 000 $, ce qui est supérieur à ce que fait n'importe quelle autre province canadienne. Ces programmes s'adressent autant aux initiatives des commissions scolaires

qu'aux initiatives de groupes privés. On consacre 21 000 000 $ à ce genre d'activités et en 1987-1988, nous estimons qu'au moins 17 000 personnes en auront bénéficié dans les commissions scolaires et des centaines d'autres personnes, à même les budgets que nous avons mis à la disposition des OVEP pour fins d'alphabétisation. Et ce sont des éléments positifs. Puisqu'on veut parler d'éducation des adultes, parlons des vraies choses et non pas simplement de choses imaginaires ou supposées. (12 heures)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: M. le Président, je voudrais d'abord dire au ministre que la vérité a ses droits. Les budgets des OVEP ont connu une croissance remarquable tout au cours du mandat du Parti québécois jusqu'en 1984-1985 où il y a eu un gel en raison de la crise qu'on connaît, la crise économique qui a eu des effets assez négatifs. Cependant, ce gouvernement a maintenu le gel des OVEP pendant deux ans, ce qui fait que l'augmentation de cette année vient tout juste combler le gel des deux années précédentes. Il ne faut pas se tromper là-dessus. On ne peut pas dire n'importe quoi. Je dis qu'à l'endroit des OVEP... Le ministre a reculé, nous dit-il? Je dis bravo. Il a reculé parce qu'il a vu que les gens ne le laisseraient pas faire et dire n'importe quoi là-dessus. Ils étaient en train de se mobiliser et il les a reçus à la toute dernière minute quand ils ont demandé une rencontre au premier ministre. C'était bien le temps qu'il se décide d'y aller parce que cela commençait à devenir indécent. Il nous dit qu'il a reculé. Tant mieux!

Est-il capable de nous dire, sur les 500 organismes qui sont en attente d'accréditation, combien d'organismes nouveaux vont être accrédités? Est-ce qu'il peut nous dire quelle réponse il va donner aux recommandations contenues dans le rapport du comité qui avait été chargé d'examiner cette situation et qui proposait entre autres que 1, 5 % du budget du Québec soit consacré aux groupes d'éducation populaire? Est-ce que le ministre peut nous dire ce qu'il adviendra des organismes d'alphabétisation? Je pense à La Jarnigoine, à La Boite à lettres qui sont des organismes en attente d'accréditation. On ne peut pas dire n'importe quoi. Qu'est-ce que le ministre va faire pour s'assurer que les subventions arrivent à temps? L'automne dernier, à la fin d'octobre, les groupes d'alphabétisation attendaient toujours leur budget.

Comment le ministre peut-il expliquer, alors que les organismes d'éducation populaire sont sous-financés et majoritairement dirigés ou assistés ou pris en charge par des femmes, qu'on les maintienne dans un état de précarité inaccep- table? Comment peut-il expliquer que la révision des règles d'allocation des ressources, sur un petit budget de 8 000 000 $... Il ne savait plus comment disposer des 225 000 $. Il a créé une insécurité totale dans ce milieu-là alors qu'ils demandaient une révision et que le premier texte avait dit: Pas question de révision. Il restait 225 000 $ dans cette petite enveloppe et là on a recommencé à faire des petits cadeaux. Mais ce n'était pas suffisant. Il restait encore 92 000 $ quelque part, en mars. À l'étude des crédits, on ne savait même pas comment il avait réussi à en disposer. Moi j'appelle cela du mépris. Et le ministre a l'heur de vouloir trouver cela drôle.

Par ailleurs, le montant de 1 000 000 $ qu'il va ajouter dans l'enveloppe, qui, je le rappelle, vient juste combler la non-indexation des deux dernières années... Selon une information, une partie de cette somme serait consacrée à des frais de gestion du programme. Je voudrais savoir un certain nombre de choses du ministre. Quel pourcentage des frais de gestion sera prélevé dans l'enveloppe de l'éducation des adultes? Les frais de gestion sont pour la gestion des programmes, des demandes ainsi de suite. Je voudrais également savoir combien de nouveaux groupes, dans les groupe d'alphabétisation, dans les groupes d'éducation populaire, seront reconnus à l'occasion de la levée du moratoire? Je voudrais savoir du ministre s'il a l'intention de donner suite aux recommandations contenues dans le rapport touchant la part du budget qui devrait être consacré à l'éducation des adultes? Il nous dit: C'est ici qu'on consacre la plus grosse part du budget à l'alphabétisation. Il faut le comprendre. On est les plus sous-scolarisés. Dans le groupes des 34 à 55 ans, la sous-scolarisation est 12 % plus élevée que dans l'ensemble canadien. C'est normal qu'on en investisse un peu plus. Je voudrais également savoir du ministre s'il a l'intention de donner ce 1, 5 %. Est-ce qu'il a également l'intention de distinguer les enveloppes qui sont destinées à l'éducation populaire et à l'alphabétisation? Enfin, est-ce qu'il a l'intention de se donner une véritable politique de reconnaissance et de financement des organismes volontaires d'éducation populaire?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi.

Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, je comprends que cela fatigue la députée de Chicoutimi parce que chaque fois qu'elle veut courir pour allumer un feu quelque part, elle arrive et nous sommes passés pour l'éteindre. C'est fatigant, ça, parce que ce serait tellement beau de pouvoir dire: Cela ne fonctionne pas. Concernant les OVEP, je

tiens à corriger les faits. J'avais reçu des messages au cours de la semaine précédente et, à la fin de la semaine, quand j'ai vu qu'il y avait un certain nombre de messages, j'ai dit tout de suite à mon bureau: On va les appeler, on va fixer un rendez-vous pour la semaine prochaine. Cela s'est fait comme ça. C'est toujours comme cela que ça fonctionne. Si la députée m'accompagnait dans les sorties publiques que je fais, elle verrait qu'en général les gens soulignent que jamais le ministre de l'Éducation n'a été autant disponible pour entendre les représentations des groupes, chaque fois qu'ils veulent se faire entendre, que ce n'est le cas depuis deux ans et demi. Ça, c'est de notoriété commune. Je pense qu'il n'y a pas lieu d'insister davantage. Mais ce n'est pas parce qu'il y avait quelque menace que ce soit. Ça, c'est la chose qui m'intimide le moins. Les menaces, chaque fois qu'on les prend, les gens le savent, les groupes aussi, c'est beaucoup plus de nature à raidir le ministre actuel qu'à le faire plier. De ce point de vue-là, je veux rassurer la députée de Chicoutimi. Les rapports du ministère avec les OVEP sont des rapports empreints de respect mutuel et de compréhension, et nous espérons qu'ils se maintiendront à ce niveau.

En ce qui touche les opérations de 1987-1988, c'est vrai que nous avons économisé un peu d'argent en cours de route, mais nous l'avons redonné aux OVEP. Il faut des vérifications. Ce n'est pas tout d'avoir des organismes sur les listes. Vous les transfériez d'année en année sans aucune espèce de vérification, sans aucune espèce. Tout ce qu'il y avait comme instrument de vérification, c'est à peu près une formule de demande de subvention d'une page où on disait: On veut avoir ceci, on veut avoir ça. C'est tout ce qu'il y avait. On commence à introduire des vérifications. Cela fatigue certaines personnes évidemment puisqu'elles disent que c'est de l'intrusion. On donne des fonds publics. Il faut bien vérifier la manière dont ils sont employés. Cela nous a permis de faire certaines vérifications très utiles au cours de la dernière année. S'il y a des parasites qui sont là sans justification, il faut qu'ils disparaissent des listes. Il ne faut pas avoir peur de cela.

Je tiens à dire à la députée de Chicoutimi que les sommes que nous avions économisées en cours d'année, à force de rationalité, nous les avons redonnées intégralement aux organismes concernés, intégralement. Ces jours-ci, nous envoyons le dernier résidu dont parlait la députée de Chicoutimi. Il y en avait pour à peu près, je pense que c'est autour de 80 000 $ ou 85 000 $. C'est partagé également entre tous les organismes. Le ministre aurait bien pu, s'il avait obéi à une certaine mentalité, choisir dans son courrier particulier les organismes qui n'avaient pas été acceptés sur la liste et dire: On va en profiter; il y en a un qui est d'Argenteuil; on va lui donner un petit quelque chose de spécial. Il n'y a rien eu de cela. On aurait pu le faire. Cela se faisait couramment dans votre temps, couramment. On a réparti cela suivant la liste qui était déjà établie. On ne peut pas agir de manière plus impartiale que cela.

La députée me demande au sujet de la recommandation du groupe Charbonneau voulant que 1, 5 % non pas du budget total du Québec, parce que ce serait franchement tout à fait hors d'atteinte du budget du ministère de l'Éducation... C'est cela qui est la recommandation du rapport Charbonneau. Elle demande si on pourrait l'appliquer. Pour son information, 1, 5 % du budget du ministère de l'Éducation, cela consisterait à porter le budget des OVEP de 9 300 000 $ à 75 000 000 $. Nous ne pouvons pas faire cela d'un trait, c'est évident.

J'ai dit tantôt que nous rechercherons de nouvelles améliorations au cours des prochaines années. Nous allons continuer d'augmenter le budget des OVEP. C'est évident que le rapport Charbonneau a proposé un objectif lointain. Je pense qu'il n'y a pas un gouvernement responsable qui pourrait s'engager à réaliser à court terme un programme comme celui qui a été tracé, malgré tout le respect que j'ai pour le rapport Charbonneau et toute la volonté que nous avons de mettre en application la très grande majorité des recommandations formulées par le groupe de travail Charbonneau.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre.

Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le ministre a les accusations faciles lorsqu'il dit qu'on a déjà procédé par privilège à l'égard de certains groupes. Des preuves. Une telle accusation mérite des preuves sinon on n'en fait pas. C'est irresponsable. Le ministre nous dit qu'il joue au pompier et qu'il éteint les feux au fur et à mesure. Il serait peut-être mieux de ne pas les laisser prendre; ce serait plus simple.

Il se vante d'avoir distribué à la dernière minute 80 000 $. On est en juin; les activités sont en cours depuis le mois de septembre 1987 et la plupart des activités sont terminées. Et il s'en réjouit. Ce qui est inacceptable, c'est qu'on puisse se trouver bon quand on maintient les gens dans l'insécurité, dans la précarité. Alors qu'il s'occupe des plus démunis de la société... On est beaucoup plus soucieux d'aller soulager les plus nantis, et je rappelle le cas des écoles privées. Par ailleurs, le ministre ne répond pas aux questions. Je lui ai demandé: Les frais de gestion, est-ce que c'est juste qu'ils soient pris dans cette enveloppe-là? Combien de groupes seront admis au moment où on lèvera le moratoire? Le ministre dit: Écoutez, j'ai de bons rapports et tout ça. Je ne vois pas les sommes d'argent s'ajouter et je ne vois pas de politique qui permette aux organismes d'être financés

adéquatement et en temps opportun.

En matière d'accessibilité, il faut aborder d'autres questions et elles sont nombreuses. De toute façon, il est évident que ce gouvernement ne s'intéresse pas à l'éducation des adultes. C'est la première fois que je vois une interpellation où le ministre est seul pour la faire. Cela veut dire qu'il y a 25 minutes du temps du gouvernement qui ne seront même pas utilisées pour donner un minimum d'explications sur la situation. Cela aussi est inacceptable et cela nous en dit beaucoup plus long que ce que je pourrais ajouter quant à l'intérêt que ce gouvernement manifeste à l'endroit des adultes.

Quant au financement à l'éducation des adultes, le ministre nous dit: On a rationalisé. Cela rejoint sensiblement nos chiffres et on a pu ainsi réaliser une économie de 20 000 000 $. Il dit qu'il se faisait n'importe quoi dans les commissions scolaires. Dans les collèges, la situation est tout autre parce que cela coûte plus cher fréquenter un collège que fréquenter une université si vous êtes un étudiant adulte. Le Conseil des collèges, dans une étude réalisée par M. Bélanger et M. Kayenbe, nous apprend par exemple que l'école de la seconde chance n'existe pas dans les collèges. Je vous donne les chiffres ici. D'abord, 49 % de ceux qui retournent au collège ont déjà une formation de niveau collégial et 16 % une formation de niveau universitaire. Cela veut dire que 65 % de ceux qui s'inscrivent dans les collèges ont déjà une formation collégiale ou universitaire. Ce n'est pas l'école de la seconde chance. Cela peut s'expliquer parce que 83, 5 % des adultes inscrits dans les cégeps défraient eux-mêmes la totalité des coûts de formation et ces coûts de formation varient de 30 $ à 300 $ par cours en coûts directs. Il faut ajouter à ça les frais de transport, le matériel scolaire, les frais de garderie et les coûts indirects. On attend toujours la politique du ministre et son engagement à l'effet de rendre les prêts accessibles aux étudiants adultes à temps partiel.

Ce que je voudrais demander au ministre, c'est: S'il est si fervent, si conscient de l'importance de scolariser les Québécois, s'il est si conscient de la nécessité de rationaliser, comment peut-il justifier, ici et au moment où l'on se parle, qu'il n'ait pas réussi à retourner les 20 000 000 $ en activités de formation, d'encadrement, de perfectionnement du personnel, en ouverture un peu plus large de i'enveioppe qui est fermée dans les collèges? Comment le ministre n'a-t-il pas songé à prendre dans ces 20 000 000 $ les 1 400 000 $ qui doivent être rendus à environ 2 000 000 $ de coupures qu'il a effectuées dans les cours d'été dans les collèges? Comment le ministre peut-il expliquer à la population du Québec, devant la sous-scolarisation chronique dont on souffre, qu'il ait pu et qu'il soit content d'avoir réalisé, sur le dos des adultes, 20 000 000 $ et qu'il n'ait pas eu suffisamment d'imagination pour essayer de réinvestir cet argent-là? Le ministre peut-il nous dire où se trouvent ces nouvelles initiatives qui viendraient favoriser l'accès réel des adultes à l'éducation, qu'il s'agisse de l'accès dans les collèges comme dans les commissions scolaires? Où sont ces initiatives réelles? (12 h 15)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Veuillez conclure.

Mme Blackburn: Quels sont les engagements et les sommes additionnelles versées? Ce qu'on voit, ce sont des coupures.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, la députée de Chicoutimi dit souvent n'importe quoi. Il faudrait qu'elle se surveille un peu, surtout quand elle est dans une cage de verre. Elle mentionne que ce matin il n'y a qu'un député du côté ministériel. Il y en a un, elle ne l'a peut-être pas vu, il est là. Il y a une personne du côté de l'Opposition. Mais la députée sait très bien - et je m'étonne qu'elle ait soulevé cette question - qu'aux séances de la commission parlementaire de l'éducation, les membres ministériels de la commission sont toujours présents. Il y a un taux d'assiduité remarquable. Ce que nous remarquons, c'est que la députée de Chicoutimi est à peu près toujours seule. Il est arrivé exceptionnellement qu'elle ait eu un peu de compagnie pour des moments brefs pendant les séances de la commission parlementaire. Je ne sais pas ce qui se passe, mais quand on habite une cage de verre comme celle où elle est implantée, je pense qu'on est mieux d'être prudent parce que du côté ministériel l'intérêt des députés pour les questions d'éducation est très élevé.

Si elle avait pensé à soulever cette interpellation plus tôt dans la saison, si elle n'avait pas attendu à la toute dernière minute alors qu'elle sait très bien que nous faisons face à un horaire extrêmement chargé, qu'il y a des élections complémentaires en marche qui requièrent en fin de semaine la présence de plusieurs députés, que du côté ministériel, de plus, on a un conseil général en fin de semaine et que les députés doivent s'occuper de leur comté en même temps, si elle s'imagine que c'est un contexte sérieux pour une interpellation comme celle de ce matin, je pense qu'elle nourrit des illusions auxquelles nous ne souscrivons aucunement.

Nous nous sommes prêtés volontiers à cette invitation, mais quand la députée veut faire des insinuations sur l'intérêt du groupe ministériel pour les questions d'éducation, je pense qu'elle est dans les patates purement et simplement. Notre intérêt est infiniment plus grand que celui qui a été manifesté du côté de l'Opposition

depuis le début du mandat du présent gouvernement.

En ce qui touche l'éducation des adultes dans les collèges, je pense qu'il faut partir des statistiques ici aussi. Si on observe ce qui s'est passé, encore une fois, on constate que le tableau dans lequel baignent les impressions de la députée de Chicoutimi est faux. J'ai ici un document qui a été présenté par l'Association des coordonnateurs de l'éducation des adultes des cégeps du Québec. La députée de Chicoutimi l'a sûrement eu dans les mains. Il remonte au mois d'avril de cette année. C'est un document intitulé "Pour l'avenir des cégeps" qui plaide pour l'éducation des adultes dans les cégeps. Qu'est-ce qu'on nous dit? On nous dit qu'en 1967-1968, il y avait 8000 adultes inscrits dans les cégeps. En 1972-1973, 32 000. En 1981, 63 000. En 1985, il y en a eu 88 000. En 1987, suivant des données recueillies par les auteurs de l'étude dont a parlé la députée de Chicoutimi tantôt, Bélanger et Kayenbe, il y en aurait eu 105 000. En 1988, le nombre serait de 115 000.

Notons que ces données ne comprennent pas les cours autofinancés, la formation socioculturelle et la formation sur mesure non créditée. Elles ne comportent pas non plus les cours de formation sur mesure qui ont réussi à rejoindre, au cours de l'année, 50 000 adultes au moins. C'est un point de départ.

Si on veut discuter d'une situation, je pense qu'il faut éviter cette attitude masochiste qui consiste à se dire: On va tout mesurer par le niveau des dépenses qui ont été faites. On est capables de faire la preuve, on l'a faite pour l'éducation des adultes tantôt, qu'on peut donner plus de services à plus de gens avec des sommes relativement moins importantes que cela n'a été le cas à d'autres périodes. Il me semble qu'on devrait se réjouir. L'effort fondamental qu'accomplissent les gouvernements industrialisés partout dans le monde d'aujourd'hui est un effort de rationalisation de leurs dépenses en même temps qu'ils essaient de maintenir ou d'accroître les services offerts à la population. Nous réussissons les deux. Nous réussissons à accroître le rayonnement des services offerts par le gouvernement et les institutions parapubliques d'enseignement. Nous réussissons maintenant à maintenir les budgets sous contrôle. Il faudrait s'en réjouir.

Maintenant, dans le cas de l'éducation des adultes de niveau collégial, il y a un problème en ce qui touche les critères de financement. Si la députée veut nous entraîner sur ce terrain, je suis prêt à en parler, je suis prêt à reconnaître qu'il y a certaines lacunes que nous devons corriger. On les a portées à mon attention. Le rapport Bélanger-Kayenbe en parle. Je veux assurer la députée de Chicoutimi que c'est un problème auquel nous apporterons une réponse au cours des prochains mois. Là, il y a quelque chose qui n'est pas tout à fait correct.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Dans un deuxième temps, je reconnais Mme la députée de Maisonneuve. Mme la députée.

Mme Louise Harel

Mme Haras: Merci, M. le Président. Une remarque très rapide. Je considère que c'est assez injuste de faire grief à Mme la députée de Chicoutimi d'avoir mené seule parfois peut-être les travaux de la commission parlementaire sur les projets de loi 106 et 107. Ce serait comme si on m'avait reproché à moi d'avoir mené seule aussi à l'occasion les travaux de la commission parlementaire sur la réforme de l'aide sociale. Il se révèle que Mme la députée de Chicoutimi accomplit un travail considérable sans le concours d'équipes ministérielles, d'équipes sous-ministérielles sur lesquelles peut compter le ministre. Dans l'Opposition, nous considérons que le secteur de l'éducation est un secteur névralgique. C'est un secteur névralgique à tous égards et je remercie la députée de Chicoutimi de me donner l'occasion d'échanger des propos avec le ministre sur la question du rattrapage scolaire offert aux bénéficiaires de l'aide sociale de moins de 30 ans qui devrait être élargi maintenant aux bénéficiaires de plus de 30 ans.

Je dois dire d'abord au ministre que fréquemment le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, à chacune des questions que je lui posais, m'a répondu que le ministère de la Main-d'Oeuvre n'était qu'un client. Je cite d'ailleurs ses paroles. C'est ce que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu répondait à mes questions: "Vous comprendrez qu'en ce qui concerne nos relations avec le ministère de l'Éducation, nous sommes ce que nous pouvons appeler des clients. Nous payons pour des cours en matière de rattrapage scolaire et nous transférons en matière de formation des sommes importantes au niveau du ministère de l'Éducation." D'ailleurs, il m'invitait même à poser mes questions au ministre de l'Éducation, d'une part. D'autre part, malgré cela, je dois vous dire que durant les six semaines - les collègues ministériels libéraux pourraient le confirmer au ministre de l'Éducation - le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ouvrait chacune des séances de notre commission et échangeait des propos avec chacun des groupes venus présenter un mémoire, d'abord, toujours en citant l'état de sous-scolarisation des bénéficiaires de l'aide sociale. Un sur trois, rappelait-il, est considéré comme analphabète, deux sur trois n'ont pas terminé leur secondaire V. Donc, c'est une sous-scolarisation qui était presque répétée de façon incantatoire puisque, chaque fois qu'il le répétait, je demandais au ministre quelle était la campagne de scolarisation, la campagne d'alphabétisation dont il avait convenu avec son collègue à l'Éducation pour pouvoir corriger cette situation qui nous était

répétée d'une façon, disons, avec une sorte d'effet répétitif.

Alors, j'aimerais interroger le ministre là-dessus, en regard, notamment, des propos que tenait la Centrale de l'enseignement du Québec, qui était venue déposer un mémoire en commission parlementaire sur cette question, en fait pas tant sur la question du rattrapage scolaire que sur l'ensemble de la question de la réforme en matière de sécurité du revenu et qui disait ceci: Comme intervenantes et intervenants en éducation, les membres de la CEQ savent très bien que le succès d'un retour aux études n'est pas acquis au point de départ et qu'il est étroitement lié aux conditions dans lesquelles il se réalise. Il faut mettre un terme - je les cite - au fouillis administratif qui préside actuellement à la gestion des différents programmes favorisant le retour aux études. Par ailleurs, il faut aussi développer des services adaptés à cette clientèle scolaire. Comme beaucoup sont des femmes chefs de familles monoparentales, il est indispensable d'offrir les services de garderie sur place. De plus, les horaires, les activités doivent être adaptés. Enfin, les programmes et les pédagogies doivent être appropriés aux objectifs poursuivis.

D'autre part, évidemment, j'aimerais simplement rappeler au ministre ce qu'en disait la Fédération des associations québécoises des étudiants et étudiantes du secondaire pour adultes. C'est là une fédération qui n'est pas encore reconnue dans le processus d'accréditation des associations étudiantes. Je répète le nom, la Fédération des associations québécoises des étudiants et des étudiantes du secondaire pour adultes, qui, d'ailleurs, a fait une demande dans le cadre du mécanisme de reconnaissance des associations étudiantes pour devenir un interlocuteur. J'ai d'ailleurs fait des représentations personnelles auprès du ministre en ce sens, mais cette fédération aussi a fait des représentations nombreuses pour signaler les difficultés très réelles auxquelles font face ses membres qui, pourtant, manifestent, on peut le dire, énormément d'espoir dans ce processus de retour aux études, souvent après un échec scolaire déjà vécu.

J'aimerais rappeler au ministre une étude très récente qui a été publiée par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de ia Sécurité du revenu, étude portant sur l'évaluation des résultats des programmes de développement de l'employabilité et rendue publique à ia fin d'avril dernier. Cette étude est extrêmement sévère sur le programme de rattrapage scolaire. Donc, c'est une étude qui est publiée par les chercheurs du ministère et je vous lis rapidement: "Parmi les trois programmes d'employabilité, Rattrapage scolaire est le moins efficace pour l'atteinte des trois niveaux de résultats. Peu de participants ont réussi à obtenir leur diplôme d'études secondaires. Ces derniers ne sont à peu près pas différents des non-participants quant aux acquis d'employabilité et sont encore moins nombreux à occuper un emploi." Imaginez-vous que les participants au programme Rattrapage scolaire sont moins nombreux à occuper un emploi après avoir terminé cette mesure que ceux qui n'ont pas fait le rattrapage scolaire.

Je termine, M. le Président. Je cite exactement l'étude: "Cependant, ceux qui ont obtenu leur diplôme d'études secondaires sont... D'autres facteurs expliquent la faible performance de ce programme quant à l'intégration au marché du travail, puisqu'ils sont moins près du marché du travail et les résultats en termes d'insertion professionnelle sont donc moins grands...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Maisonneuve, je vous ferai remarquer...

Mme Harel: ...que les autres programmes."

Le Président (M. Parent, Sauvé): ...que vous avez dépassé votre temps de deux minutes. Si vous voulez conclure.

Mme Harel: Bon! Alors, je conclus, M. le Président, en demandant au ministre de l'Éducation ce qu'il entend faire pour corriger le taux d'abandon de 45 % qui a été identifié, constaté par l'étude menée par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu quant aux bénéficiaires d'aide sociale qui participent au programme Rattrapage scolaire. Comment entend-il corriger la situation qui nous amène à constater qu'actuellement, cette formation est assez inadéquate?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée.

Mme Harel: Pourtant, elle sera élargie...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais maintenant...

Mme Harel: ...à des centaines de milliers de ménages.

Le Président (M. Parent, Sauvé): ...M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Je suis content que la discussion porte sur cet aspect-là, je pense qu'il est très important.

De manière générale, les effectifs inscrits au programme Rattrapage scolaire parrainé par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu se sont maintenus à un niveau élevé au cours des deux dernières années. Il y a eu une légère augmentation générale, une augmentation plus prononcée en formation professionnelle

et un léger déclin en formation générale. C'est en ce qui touche le volume général des inscriptions.

Maintenant, en ce qui touche le taux de persévérance, je ne dispose pas actuellement de données approfondies comme celles qui seraient hautement souhaitables. Nous savons que dans ces cours de formation des adultes, au niveau secondaire, il y a des phénomènes d'abandon nombreux, j'en ai fait mention plus tôt dans le débat; je crois qu'il y a des travaux d'approfondissement qui doivent être poursuivis de ce côté. C'est lorsque nous aurons poussé plus loin l'analyse des causes qui conduisent à de tels résultats que nous pourrons mieux comprendre le phénomène des abandons et y apporter des remèdes appropriés. Je pense bien que dans chaque commission scolaire, dans chaque service d'éducation des adultes, on a accumulé de ce côté une expertise fort valable, mais des données objectives, valables pour l'ensemble du Québec, qui pourraient nous aider à définir des politiques plus pointues pour agir sur ces problèmes, nous n'en avons point, actuellement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée...

Mme Harel:... a également épuisé son temps.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Non, madame, je regrette. Si je reconnais quelqu'un, je vais reconnaître Mme la députée de Chicoutimi. (12 h 30)

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Comme le ministre se plaît à le dire, la vérité a ses droits. Il est important de dire que si on se retrouve en interpellation, on est aujourd'hui le 3 juin, c'est parce que le gouvernement n'a pas pu répondre à la demande qui avait été faite par l'Opposition et qu'il a reporté deux interpellations. L'Opposition n'est d'aucune façon responsable du retard dans la tenue de ces séances. Il faut que ce soit clair. Le ministre dit: Elle a oublié de dire qu'il y avait un deuxième député. J'ai beaucoup de respect et d'estime pour le député de Sauvé, président de la commission, mais il n'est pas autorisé, que je sache. Le député de Trois-Rivières, qui me semble plutôt discret... Le député de Sauvé n'a pas utilisé le temps et c'est ce que je reprochais... Quand on n'a pas suffisamment de choses à dire, on n'utilise pas tout le temps qui est imparti. C'est cela l'essentiel de mon propos et de ma remarque.

M. le Président, j'aimerais aborder toute la question des accords Québec-Canada. Le ministre le reconnaît, une partie de plus en plus élevée du financement de l'éducation des adultes nous vient des accords Québec-Canada. On sait par ailleurs qu'une portion de plus en plus impor- tante de cette enveloppe s'en va vers la formation sur mesure, contrairement à ce qui se faisait antérieurement, où c'était la formation en institution. Au cours des trois dernières années, on a eu un transfert d'enveloppe au bénéfice de la formation sur mesure, formation sur mesure qui peut, effectivement, être dispensée dans les collèges et les écoles, sauf que ce n'est pas un critère strict et absolu. Cette tendance vient renforcer - et je vais l'illustrer - un mouvement qui amène de plus en plus d'adultes à se former en entreprise et de moins en moins en institution, ce qui a comme effet de donner à nos travailleurs une formation plus pointue et ce qui ne les rend pas toujours très mobiles.

Le ministre, j'allais l'oublier, me dit: Où la députée prend-elle ses chiffres? Si le président m'y autorise, j'ai des tableaux statistiques ici sur la scolarité et la pauvreté de même que sur la fréquentation que je pourrais déposer. Les sources sont indiquées.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Le président, étant neutre et évitant de participer à tous les débats, accepte le dépôt de votre document.

Mme Blackburn: Je peux vous le remettre après. Un communiqué de presse qui est tiré de l'étude de M. Bélanger, du Conseil des collèges, nous apprend que, par exemple - il aurait été intéressant que le ministre nous cite ces données - les lieux de formation choisis par les adultes commencent à évoluer, entre 1979-1980 et 1983. En 1979-1980, il y avait à peu près 10 % des adultes qui prenaient leur formation dans le milieu du travail. C'est rendu à 22 %.

Par ailleurs, les organismes volontaires, en 1979, accueillaient 22 % des clientèles. Ils n'en accueillent que 17, 9 %. Les écoles privées connaissent une croissance de 11, 5 % - on peut se demander jusqu'où joue le financement là-dedans - à l'éducation des adultes, on en retrouve 17, 8 %. Dans les universités, c'est à peu près égal, c'était 14, 7 % pour 14, 4 %. Dans les commissions scolaires, en 1979-1980, c'était 23 % et on est rendu à 13 %. Les cégeps connaissent une petite augmentation de 1 %. Ils avaient 10 % et on en retrouve 11 %. Les cégeps connaissent, comparativement à l'ensemble canadien, un retard remarquable en matière d'accessibilité à l'éducation des adultes.

M. le Président, je voudrais savoir du ministre - dans cette enveloppe liée aux accords Québec-Canada qui ont été signés en retard, ce qui explique que les collèges ont connu très tardivement leur enveloppe sur la formation sur mesure - si les sommes qui sont allouées à la formation sur mesure dans le cadre de cet accord ont été dépensées. En 1986-1987, on prévoyait 13 900 000 $. En 1987-1988, 32 700 000 $. Je voudrais savoir quelle part de cette enveloppe a été dépensée et où elle a été dépensée. Dans les commissions scolaires ou dans les cégeps? Et qu'advient-il des sommes qui n'ont pas été

distribuées? Est-ce qu'elles retournent au fonds consolidé ou est-ce qu'elles restent dans les coffres du fédéral pour aller réduire les impôts?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre de l'Éducation.

M. Claude Ryan

M. Ryan: La parole est à moi, merci. L'accord Québec-Canada est un document assez complexe qui joue un rôle très important dans la formation des adultes. Comme je l'ai dit plus tôt, je pense qu'il est important de mentionner qu'en ce qui touche le ministère de l'Éducation, la grande majorité des fonds désormais investis dans l'éducation des adultes viennent des fonds du ministère de l'Éducation lui-même. Au début de son Intervention, la députée de Chlcoutlml affirmait que nous dépendions de plus en plus de l'entente Québec-Canada et des fonds qui viennent du fédéral pour l'éducation des adultes. Ce n'est pas vrai en ce qui touche l'activité du ministère de l'Éducation. C'est le contraire qui est la vérité. Je donne les chiffres pour l'année 1987-1988. Sur 253 000 000 $ qui seront dépensés pour l'éducation des adultes, la somme qui provient de transferts du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu au titre de l'accord fédéral-provincial est d'à peu près 53 000 000 $, à quoi viennent s'ajouter 16 000 000 $ ici. C'est 70 000 000 $ sur 253 000 000 $. Il fut un temps où c'était 90 %.

C'est signe que le gouvernement du Québec prend de plus en plus ses responsabilités propres en matière d'éducation des adultes. Je tiens a le signaler bien clairement parce que je me souviens très bien de la période où c'était le contraire. J'ai des données devant moi. Je regarde l'année 1979-1980 où le budget total pour l'éducation des adultes était de 124 000 000 $, toujours au niveau secondaire. La part qui revenait du ministère de l'Éducation était de 20 000 000 $. Cela veut dire que le gros venait de fonds fédéraux. Aujourd'hui, c'est le contraire. Je pense que nous avons raison d'en être fier, cela montre que le gouvernement assume ses responsabilités.

La députée de Chicoutimi a souligné des chiffres concernant les différentes sources d'approvisionnement en éducation des adultes. Elle s'est étonnée - cela m'étonne - que dans les milieux de travail, la part de cours suivis à ce niveau soit plus élevée qu'il y a quinze ans, qu'il y a vingt ans. Il faut vivre en dehors de la réalité pour s'étonner de cela. On a assez mis l'accent, depuis vingt ans, sur la responsabilité des entreprises en ce qui touche la formation du personnel, sur la nécessité de développer des programmes d'éducation dans les entreprises. Il faudrait vraiment qu'on soit restés figés comme des momies pour que les chiffres n'aient point évolué de ce côté et qu'aujourd'hui, 22 % de l'ensemble des activités d'éducation des adultes se déroulent dans les entreprises ou sous la responsabilité des entreprises, alors que c'était 11 % en 1979-1980. Je m'en réjouis personnellement au lieu de m'en scandaliser. Je n'ai pas de préjugé négatif de ce côté-là et je pense qu'au contraire, il est temps que les entreprises prennent une part de responsabilités qui leur revient et ne s'en déchargent pas complètement sur le gouvernement comme elles ont tendu à le faire trop longtemps.

Une autre chose qui scandalise la députée de Chicoutimi: La part des établissements privés est plus élevée, il y en a 17, 8 % aujourd'hui contre 11 % il y a vingt ans. Oui, il y a des établissements privés qui naissent toutes les semaines, et s'ils offrent les garanties minimales, Ils ont le droit - ce n'est même pas le privilège du ministre de les en empêcher - d'obtenir un permis pour dispenser de l'enseignement. On constate que l'augmentation de clientèles se produit surtout dans des établissements privés non subventionnés. Le gros de cette clientèle additionnelle d'éducation des adultes est dans des établissements privés non subventionnés. Je pense qu'il y a lieu de vérifier l'activité de ces établissements de manière à éviter les abus. En principe, je ne pense pas qu'il y ait lieu de se scandaliser et d'instituer des procès d'intention. Je ne vois pas du tout où cela mène. Les collèges ont maintenu leur proportion, ils avaient 10 % il y a vingt ans et aujourd'hui, c'est 11, 7 %, et ce n'est pas suffisant, il faut viser à l'augmenter. Je disais encore aux collèges, à l'occasion du colloque organisé par la Fédération des cégeps en fin de semaine: Grouillez-vous, réveillez-vous. Votre avenir est, en très grande partie, du côté de l'éducation des adultes. Déjà près d'une personne sur deux inscrites dans les collèges est une personne adulte, considérée comme adulte. Alors, allez au-devant des gens. N'attendez pas qu'ils viennent vous voir chez vous. Allez leur offrir des programmes. Et c'est ce qu'on est en train de faire dans la formation sur mesure. Le départ a été très difficile, mais je suis content de constater qu'à la deuxième année du programme du nouvel accord fédéral-provincial, nous avons fait des bonds considérables. Je suis convaincu que d'ici deux ou trois ans, nous réussirons à utiliser toute la part de ce programme-là qui nous revient. Alors que la première année cela a été plus difficile, la deuxième année nous n'avons pas utilisé entièrement les sommes qui étaient disponibles pour la formation sur mesure. Évidemment que les sommes qui n'ont pas été utilisées retournent dans le trésor fédéral. Elles ne sont pas disponibles. C'est clair.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur...

M. Ryan: Mais c'est une grosse transition qu'on nous imposait trop vite. J'ai fait des interventions auprès du gouvernement fédéral

pour qu'il accepte d'assouplir l'application de l'accord. On a accepté des assouplissements pour 1988-1989.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre, si vous voulez conclure.

M. Ryan: Nous aurons des assouplissements intéressants en 1988-1989 qui vont nous permettre de récupérer à peu près tout le montant qui nous revient.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Avant de donner la parole à Mme la députée de Chicoutimi, je voudrais passer la remarque suivante en tant que président de cette commission pour faire suite aux remarques de Mme la députée de Chicoutimi qui déclarait tout à l'heure que le député de Sauvé, qui agit comme président de cette commission, s'est abstenu de participer au débat. Alors, Mme la députée de Chicoutimi se souviendra bien que lorsque j'ai accepté, à la demande des deux formations politiques, de présider la commission de l'éducation, j'ai bien établi mes positions. J'ai toujours cru que le rôle d'un président de commission était de présider les commissions et de protéger aussi les droits de l'Opposition. Je pense que les droits de l'Opposition sont beaucoup mieux protégés lorsque le président s'abstient de participer aux débats. Mme la députée de Chicoutimi, je vous reconnais.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: M. le Président, cela ne se voulait pas un reproche. Je pense que cela se voulait une constatation qu'effectivement la règle voulait que le président n'intervienne pas. Je ne mettais pas en doute votre capacité de le faire.

M. le Président, ce qu'on constate d'une part, c'est que le ministre nous dit qu'on a perdu de l'argent parce que les ententes n'ont pas été signées à temps. C'est infiniment déplorable compte tenu des besoins du Québec. Je pense bien qu'il va reconnaître avec moi que c'est assez inacceptable. Par ailleurs, il nous dit: II est normal qu'en établissement privé on soit content. Il s'en ouvre tous les jours. Il serait peut-être aussi intéressant qu'on les contrôle un peu. Et je pense en particulier à ce qui nous semble être quelque chose d'assez étonnant, le fait que le collège Marie-Victorin soit le seul collège au Québec, parmi les collèges privés et les collèges publics, où toutes les clientèles adultes, sans exception, sont à temps plein. Cela ne se voit nulle part ailleurs. Et vous connaissez la différence. C'est que les adultes à temps plein sont subventionnés.

Par ailleurs, le ministre sait également qu'on subventionne de la façon suivante les établissements privés qui offrent de la formation et qui sont des établissements privés non subventionnés: Au niveau collégial, les frais de scolarité varient entre 5000 $ et 10 000 $ et ces frais de scolarité sont admissible aux prêts du gouvernement dans le cadre des prêts et bourses. C'est une façon aussi de subventionner les entreprises privées et de façon assez importante également.

Je voudrais revenir sur des mesures d'accessibilité. Le ministre ne répond pas aux questions. Je voudrais qu'il me dise de façon concrète quelles sont ces initiatives nouvelles et concrètes pour accroître l'accès des adultes à l'éducation. Est-ce qu'il a l'intention de modifier le projet de loi 107 pour reconnaître le droit à tout adulte de recevoir une formation de niveau secondaire et sans contrainte aucune? Est-ce qu'on va essayer d'avoir une certaine équité dans tout le Québec quant aux frais de scolarité dans les cégeps qui, selon l'étude qu'on citait tout à l'heure, varient entre 30 $ et 300 $ par cours? Pour quand est prévu l'accès aux prêts pour les étudiants adultes dans le cadre des prêts et bourses? Cela fait partie d'un engagement du Parti libéral? On reconnaissait que les cours d'été dans les cégeps étaient gratuits parce que la majorité de ceux qui viennent en cours d'été, sont des étudiants qui viennent faire du rattrapage. Ce n'est pas une grosse somme. C'était 1 400 000 $ en 1986, à l'été 1986, somme qui a été coupée dans cette enveloppe, sauf que cela pèse extrêmement lourd. Un cours de 45 heures vous coûte entre 45 $ et 75 $ et un cours de 75 heures vous coûte 1 $, 1,50 $. À quand des mesures comme le congé éducation? À quand des mesures qui vont favoriser, de façon réelle et concrète, l'accès des adultes à l'éducation? À quand des mesures qui vont favoriser l'accès des adultes à des services distincts? (12 h 45)

On sait que, de plus en plus, il y a une pratique qui est en train de s'installer dans les commissions scolaires où on harmonise les clientèles jeunes et adultes - tantôt, on va revenir aux écoles de métiers - alors que, de tout temps, le ministre a défendu avec beaucoup de vigueur la nécessité de maintenir des services distincts à l'éducation des adultes, adaptés à l'éducation des adultes, une pédagogie adaptée à i'éducation des adultes, de même que des formateurs d'adultes, des formateurs préparés en vue d'assurer une meilleure formation aux adultes. C'est le discours que le ministre tenait. C'est le discours que le ministre tenait également au moment où il appuyait avec beaucoup de vigueur les recommandations de la commission Jean, mais ce sont également les propos qu'il a colligés dans un document d'orientation sur l'éducation, au moment où il était en campagne électorale.

Ce qui me préoccupe, c'est le double discours qu'il a. Il s'est payé la tête des gens, des éducateurs d'adultes, comme des étudiants adultes. Il a fait montre d'un profond mépris à leur endroit. Lorsqu'il se trouve drôle en plus, lorsqu'il nous dit: Écoutez, on vient de leur

retourner les 80 000 $ qui restaient, alors que les activités sont terminées, je trouve que c'est inacceptable. Je voudrais que le ministre me cite seulement deux, trois ou quatre mesures, mais mettons-en seulement une, nouvelle et originale qui a permis, qui lui permettrait de dire aujourd'hui Ici, en cette Chambre, qu'il a favorisé l'accès des adultes à l'enseignement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi.

Avant de donner la parole au ministre, je vous rappellerai que l'intervention de Mme la députée de Chicoutimi était la dernière de cinq minutes. En vertu de nos règlements, je vais reconnaître le ministre pour un temps de parole de dix minutes et, après, la conclusion appartiendra à Mme la députée de Chicoutimi pour dix autres minutes.

M. le ministre.

Conclusions M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, je pense bien qu'il faut rappeler d'abord les chiffres de base que ne semble pas comprendre la députée de Chicoutimi. Il faut les rappeler clairement pour qu'il n'existe aucun malentendu là-dessus. C'est bien beau de faire du racolage politique et essayer de promener des adhésions ou des promesses d'appui dans toutes les directions, mais, à un moment donné, il faut s'asseoir et regarder froidement les chiffres. J'ai donné des chiffres en ce qui concerne l'accès à l'éducation des adultes au niveau secondaire. J'ai clairement indiqué que, pour l'année 1986-1987, il y avait eu une augmentation de 25 % par rapport à l'année 1985-1986. J'ai indiqué que, selon les données du premier semestre de l'année 1987-1988, nous allons vers une autre augmentation d'environ 25 %. Quand vous obtenez de tels résultats, vous ne cherchez pas à jouer trop avec le mécanisme qui permet de les obtenir; vous cherchez à l'affiner et à l'aiguiser, mais vous n'allez pas courir au devant de modifications qui seraient instituées seulement pour plaire à des critiques de l'Opposition. Je pense que vous avez là des résultats solides. Si on nous dit que ces résultats ne sont pas vrais, à ce moment-là, je pense qu'il y a un problème.

Pour le secteur collégial, j'ai donné également des chiffres que j'ai tirés d'un document indépendant du gouvernement. J'ai pris le document de l'Association des coordonnateurs de l'éducation des adultes des cégeps du Québec. Je vais vous donner la page pour qu'il n'y ait pas de méprise dans l'esprit de la députée de Chicoutimi; c'est la page 12. On y dit qu'on est parti de 88 000 personnes inscrites en 1985 à 105 000 en 1987 et à probablement 115 000 en 1988. Ce sont des augmentations sensibles. On peut bien lever le nez et dire que les jeunes ne font rien et tout, mais c'est évident que, si nous obtenons de tels résultats, c'est parce que les politiques et les méthodes employées par le gouvernement incitent les gens à se prévaloir des services offerts.

Nous reconnaissons qu'il y a des problèmes en ce qui touche les frais d'inscription au niveau des commissions scolaires. J'ai donné des chiffres qui établissent que les prétentions de la députée de Chicoutimi ne sont pas fondées. Qu'une commission scolaire demande des frais d'inscription de 25 $ par semestre à un adulte qui s'inscrit à des cours en vue de l'obtention du diplôme d'études secondaires, comme c'est le cas dans presque toutes les commissions scolaires que nous avons recensées en vue du débat d'aujourd'hui, cela me semble normal. Tout adulte le moindrement responsable comprend ça très bien. Je ne voudrais pas qu'on ait l'illusion de dire qu'on va essayer d'aller chercher des votes en essayant de réduire cela à zéro. Je pense que c'est bon qu'il y ait des frais d'inscription minimums. Mais l'ordre de grandeur que j'ai mentionné apparaîtra éminemment responsable à toute personne sérieuse.

Au niveau des collèges, j'ai reconnu qu'il y a un problème. Je pense que la manière dont nous finançons les cours donnés à des personnes inscrites aux études à temps partiel dans les collèges pose un problème par comparaison avec le mode de financement qui existe au niveau secondaire et celui qui existe au niveau universitaire. Nous sommes à étudier ce problème et nous aurons des propositions à faire dans un avenir prochain à nos interlocuteurs du niveau collégial afin de rechercher une plus grande correspondance entre ce qui se fait au niveau collégial et ce qui se fait dans les deux autres niveaux. Je ne pense pas qu'on puisse demander beaucoup plus. Je pense que la députée de Chicoutimi mentionnait tantôt que les clientèles adultes au niveau collégial se composent à presque 50 % de personnes qui ont déjà un diplôme collégial ou universitaire. Pardon?

Mme Blackburn: C'est 65 %ou66 %.

M. Ryan: Je pense qu'avec une formation comme celle-là, ils sont capables de payer une part de leur formation. Si on leur demande l'équivalent de 1 $ l'heure par cours, je ne pense pas qu'on les étrangle. C'est cela qui est la norme très généralement suivie dans les collèges. C'est 1 $ l'heure par cours. Un cours de 45 heures coûte 45 $. Ce n'est pas la fin du monde.

La députée demandait si on allait mettre l'accessibilité à l'aide financière pour les étudiants adultes à temps partiel. J'ai déjà eu l'occasion de dire à la députée de Chicoutimi qu'on a un programme de cette nature dans le reste du pays qui a été institué par le gouvernement fédéral. Les dernières nouvelles que j'en avais, c'est qu'ils songent à l'abandonner parce que les adultes ne s'en prévalent pas.

Un adulte qui travaille ne perdra pas son temps à aller chercher 150 $ chez un fonctionnaire. Il va dire: Je vais le ramasser et je vais payer mon cours. On ne se sert presque pas du programme fédéral d'aide financière aux étudiants à temps partiel dans le reste du pays. C'est tellement vrai qu'on nous a informés à une réunion récente des ministres de l'Éducation qu'on songeait à ne pas le reconduire étant donné la faiblesse des résultats obtenus.

Moi-même j'ai soutenu à un moment donné qu'un programme comme cela devrait être accessible aux adultes qui en ont besoin. Je le crois encore. Mais, pour l'instant, je n'ai pas, et la députée de Chicoutimi non plus, les modalités concrètes qui permettraient d'assurer qu'il fonctionnerait efficacement.

Avant de terminer, je veux dire un mot du projet de loi 107 sur la réforme de la Loi sur l'instruction publique. Dans le projet de loi 107, la députée de Chicoutimi se souvient de la discussion que nous avons eue avec l'Institut canadien d'éducation des adultes. Les gens de l'institut, qui sont de bonne foi, qui sont parmi les meilleurs critiques qu'on puisse imaginer en éducation des adultes, se sont présentés avec des critiques sévères à l'endroit du projet de loi. Ils n'avaient pas compris plusieurs dispositions. Je leur ai donné des explications.

Quand on a eu terminé les explications, je me souviens très bien que les délégués de l'Institut canadien d'éducation des adultes ont reconnu eux-mêmes qu'ils n'avaient pas discerné toutes les articulations dans ce projet et que c'était beaucoup mieux que ce qu'ils avaient compris à la première lecture. Je ne leur en fais pas un reproche. Ils auraient aimé que toutes les dispositions relatives à l'éducation des adultes soient au même endroit dans le projet de loi. Nous leur avons dit que c'était difficile à cause de l'économie générale du projet de loi. Mais si on regarde le projet de loi comme il faut, il garantit aux adultes l'accès à des services d'éducation des adultes sur tout le territoire du Québec.

Vouloir faire croire que parce qu'une commission scolaire ne serait pas autorisée à donner des cours subventionnés aux adultes, cela priverait des adultes de l'accès à ces cours, c'est faux, parce que si elle ne le fait pas c'est parce que sa voisine d'à côté va être autorisée à le donner pour les commissions scolaires d'un même territoire. Par conséquent, la loi prévoit très bien cela. Nous prévoyons qu'il y aura une certaine partie qui pourra être exigée sous forme de frais de scolarité par la commission scolaire, mais j'ai indiqué tantôt l'ordre de grandeur réel et si jamais il y avait des abus de ce côté, je pense bien que le gouvernement se ferait un devoir de les corriger.

Il y a un point sur lequel j'ai indiqué qu'une amélioration devrait être envisagée et je reconnais cela loyalement. Quand il y a une faiblesse, cela ne donne rien de s'entêter et de ne pas le reconnaître. Dans le projet de loi, il y a une certaine différence par rapport à la loi 3 qui avait été adoptée il y a quelques années. Dans la loi 3, on garantissait l'accès gratuit à la formation pour les adultes qui s'inscrivent à des cours de formation secondaire en vue de l'obtention d'un diplôme. J'ai indiqué en commission parlementaire une chose qui n'est pas dans le projet de loi 107. J'ai indiqué en commission parlementaire que c'est une disposition que nous examinons très attentivement. Il n'est pas du tout interdit qu'elle fasse l'objet d'une proposition d'amendement à un stade ultérieur de l'examen du projet.

Il faudra, par exemple, vérifier comme il faut que les gens qui s'inscrivent pour l'obtention d'un diplôme le fassent sérieusement. On est obligé de faire des ajustements de ce côté-là cette année. C'est parce qu'il y en a qui sont inscrits, cela va bien. Oui. Moi, je m'inscris pour l'obtention d'un diplôme, tant de cours, tant de cours. Après cela, ils n'en suivent qu'un. Qu'est-ce qu'on fait? Il faudra qu'on s'assure qu'ils vont suivre le profil de formation qui a été défini par le ministère pour arriver aux résultats. On ne s'occupait pas de ces choses jusqu'à récemment. On est en train de définir les exigences qui vont permettre d'aller plus loin. Si je peux obtenir la garantie que les personnes qui s'inscrivent pour l'obtention d'un diplôme le font de manière vraiment responsable et déterminée, je serai prêt à envisager des amendements qui garantiront la gratuité que nous souhaitons de part et d'autre. Je pense que ce n'est le monopole de personne ce voeu, nous le partageons tous. Nous voulons qu'il se réalise en conformité avec les possibilités réelles du gouvernement et de la société québécoise.

J'indique, en conclusion, que les progrès accomplis depuis deux ans sont extrêmement encourageants et nous permettent de réaliser que le gouvernement fait beaucoup pour le développement de l'éducation des adultes. Je veux assurer nos concitoyens et nos concitoyennes que nous ferons encore davantage dans les années à venir pour que ce secteur, qui devient de plus en plus un volet essentiel de l'éducation tout court, reçoive toute la place à laquelle il a droit et dont nous sommes encore éloignés à bien des égards, j'en conviens volontiers. Nous avons fait de gros progrès, nous en ferons encore et je pense que c'est cela qui compte. La perfection absolue n'est malheureusement pas de ce monde.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. C'était la dernière intervention du côté ministériel. En conclusion, pour une période de temps de dix minutes, je reconnais la porte-parole de l'Opposition officielle, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée.

Mme Jeanne L. Blackburn Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

D'abord, je dois remarquer que le ministre n'a pu me fournir aucun exemple, pas un seul, d'initiatives nouvelles de son gouvernement pour favoriser l'accès des adultes à l'éducation. Je pense que c'est ce qu'il faut tirer de cette discussion.

La seconde chose, le projet de loi 107, il nous dit qu'il faudrait peut-être le revoir pour ramener l'article qui était dans la loi 3. Je voudrais seulement rappeler au ministre que l'article touchant l'accès gratuit des adultes dans la loi 3 n'allait pas suffisamment loin, selon le ministre, et c'était une des trois raisons sur lesquelles il s'appuyait pour faire un "filibuster" et refuser de voter pour la loi. Il estimait que l'article 3 restreignait l'accès à l'éducation des adultes et que cet accès devait être garanti et assuré jusqu'à la treizième année de scolarité. Le ministre nous dit "la députée n'a pas tout regardé". Ce que le ministre ne dit pas - il y en a un certain nombre qui sont rentrés dans les collèges, dans les universités comme au secondaire - ce dont il ne parle pas, ce sont les abandons qui demeurent extrêmement élevés et qui viennent, d'année en année, grossir le nombre des clientèles en besoin de formation. Je lui rappelle, seulement pour lui rafraîchir la mémoire, que le nombre des abandons est proche des 30 %, en ce qui concerne les jeunes de niveau secondaire et de 40 % dans les collèges. Cela parle, des chiffres comme ça. (13 heures)

Le ministre, ce qu'il ne nous dit pas, lorsqu'il compare, c'est que lorsqu'on donne les chiffres, on parle de gens qui ont une formation de niveau secondaire, collégial ou universitaire, sauf qu'on ne parle pas de ceux qui ont une diplômation. Le problème, c'est qu'on ne les diplôme pas. Ils décrochent avant. C'est cela, le problème du Québec.

Je disais au ministre également - il n'a pas semblé le saisir, pas plus qu'il ne l'a saisi lorsque je lui ai parlé de l'importance de la recherche - que l'économie actuelle exige un haut taux de performance de la part de la main-d'oeuvre. Cela a été reconnu par tous les pays du monde. Nous demeurons sous-scolarisés et cela coûte cher. La carte de pauvreté qui a été établie par le Conseil des affaires sociales et de la famille démontre hors de tout doute... C'est confirmé par différentes études que je peux déposer, dont une étude réalisée par M. Frédéric Riesman pour la commission Rochon dans laquelle il démontre qu'il y a une corrélation directe entre ia sous-scolarisation et la pauvreté.

Les chiffres qui paraissent dans le rapport du Conseil national du bien-être social, je vais les citer ici. La tendance des taux de pauvreté chez les familles, selon la scolarité, si elle ont des études primaires, c'est 16 %, universitaires, 4 % et de niveau collégial, 7 %. Pour une personne seule, quelles sont ses possibilités de vivre en dessous du seuil de la pauvreté si elle est sous-scolarisée? Si elle est sous-scolarisée avec des études primaires, c'est 53 %. Si elle est comme 46 % de notre population, si elle détient une formation secondaire non terminée, ses possibilités de vivre en dessous du seuil de la pauvreté, selon la même source, c'est 34 %, alors que si elle a une scolarité de niveau universitaire, c'est 15 %.

La nouvelle carte de la pauvreté, ce qu'on appelle la féminisation de la pauvreté, démontre que si vous êtes sous-scolarisé, cela touche d'abord les femmes et les jeunes. 83 % des familles monoparentales ont à leur tête une femme et 43 % de ces familles vivent en dessous du seuil de la pauvreté, 60 % des bénéficiaires d'aide sociale n'ont pas terminé leurs études secondaires au moment où on se parle. Cela compte, c'est de l'argent et ce sont des ressources humaines.

C'est cela que j'essayais de démontrer et de dire au ministre. Il y a une urgence. Ce n'est pas vrai de dire: Cela va bien. Bien sûr qu'on a fait un tas de bonnes choses. Cela remonte tout le temps. Il n'y a pas une seule initiative nouvelle pour augmenter la scolarité des Québécois, alors que le taux de chômage - ce n'est jamais arrivé dans l'histoire du Québec - des Québécois double celui de l'Ontario au moment où on se parle et si on parle de Montréal, il est trois fois plus élevé qu'à Toronto. Cela parle.

Alors, ce que je dis, c'est: À quand la promesse du ministre qu'il avait colligée dans ce beau rapport qui s'appelle Une politique de l'éducation pour le prochain mandat, dans lequel on trouve une lettre de l'actuel premier ministre - il était alors en campagne électorale - disant que la plupart de ses recommandations se trouvaient dans les promesses de son parti. À quand une politique de l'éducation des adultes? On pourrait lui suggérer un certain nombre d'éléments pour se donner une politique de l'éducation des adultes.

D'abord, la politique devrait reconnaître et consacrer le principe de l'accès gratuit à l'éducation des adultes et aux services de l'éducation des adultes. 25 $ pour le ministre et moi-même, et pour tous les gens qui sont ici en cette Chambre c'est peu. Mais celle qui paie sa gardienne, celle qui paie son transport et celle qui paie son manuel et qui vit en dessous du seuil de la pauvreté, c'est une frontière, une barrière à l'accessibilité. 25 $, c'était le minimum.

À quand une politique de l'éducation permanente des adultes reconnaissant officiellement les acquis formels et informels en éducation? Quand va-t-on accorder un statut de formateur d'adultes en reconnaissant la spécificité de ce secteur? On estime à quelque 14 000 le nombre d'éducateurs d'adultes actuellement. Quand va-t-on débloquer des crédits aux fins de la recherche en éducation des adultes? Quand va-t-on effectuer une véritable campagne de revalorisation des services offerts? Quand va-ton reconnaître formellement la démarche spécifi-

que de l'éducation populaire, autonome et la formation par et dans l'action et la dimension collective des démarches de formation? Quand va-t-on lever le moratoire pour la grande partie des organismes qui sont en attente d'accréditation? À quand le 1,5 % du budget du Québec pour les activités d'éducation au Québec? À quand des mesures concrètes, efficaces, modulées, si je peux ainsi m'exprimer, pour rejoindre les faibles scolarisés? À quand?

Le ministre s'est dit sensible aux règles de financement des collèges qui étaient proprement inéquitables. J'ouvre ici une parenthèse. Les chiffres que j'ai cités concernant les coûts pour l'éducation des adultes dans certaines commissions scolaires ou dans certaines activités de formation qui évoluent entre 60 $ et 300 $ ont été fournis à la commission parlementaire par l'ICEA. Je ne les ai pas sortis de ma poche. Si le ministre veut revoir la transcription des débats, il va arrêter de dire constamment, comme il le fait chaque fois que j'avance un chiffre: La députée de Chicoutimi n'a pas compris. Elle ne cite pas les bons documents. Elle n'a pas lu les bons documents. Je les dépose tous aujourd'hui. Si le ministre veut les lire ou en prendre connaissance, je trouverais cela intéressant, au lieu d'essayer, de façon complètement infantile, de dénigrer les propos qu'on avance du moment qu'ils contredisent sa perception ou sa compréhension des choses.

Je demande donc au ministre d'abord quand va-t-il tenir ses engagements concernant l'accès des adultes au système des prêts et bourses? Cela ne coûte pas un cent au gouvernement, ça. Cela coûte l'argent pour le gérer, parce que ce sont des prêts avec intérêt dont il est question. Il a respecté ses engagements à l'endroit des écoles privées. Quand va-t-il les respecter à l'endroit des adultes du Québec? Rappelons, pour fins de mémoire, qu'il y a 1 000 000 de personnes qui sont analphabètes fonctionnelles au Québec. Si le ministre me dit aujourd'hui qu'il se satisfait de cette situation et des effets de la sous-scolarisation à la fois sur notre capacité de nous développer au plan économique, sur notre capacité d'abaisser le taux de chômage au Québec, parce qu'on sait que sous-scolarisation, chômage et pauvreté vont de pair et que la sous-scolarisation est le premier indicateur qui vient conditionner l'ensemble des autres lorsqu'on parte de pauvreté... La sous-scolarisation amène le chômage, le bien-être social...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si vous voulez conclure, Mme la députée.

Mme Blackburn: ...et la délinquance. Un dernier chiffre que le ministre pourra aussi vérifier et qui vient peut-être juste démontrer que la sous-scolarisation peut effectivement nous coûter extrêmement cher. Dans nos pénitenciers, il est prouvé qu'il y a quatre fois plus d'analphabètes...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi, je vous invite à conclure.

Mme Blackburn: ...que dans la population régulière.

M. le Président, je terminerais en formulant un voeu. C'est que le ministre profite des vacances prochaines pour réfléchir à un certain nombre de questions touchant l'éducation des adultes, la précarité des organismes volontaires d'éducation populaire, la précarité des adultes qui sont à la recherche d'un emploi, touchant les effets sur notre économie de cette sous-scolarisation plus particulièrement à l'heure où le Québec va s'ouvrir au libre-échange. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi, je vous remercie. La commission permanente de l'éducation ayant terminé son mandat, nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de séance à 13 h 11)

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